IMPLANT DE SCLEROTOMIE
L'invention concerne un implant destiné à être mis en place dans la sclère de l'oeil à l'issue d'une opération de sclérotomie avec ou sans trabéculectomie.
Actuellement le glaucome est soigné dans les cas les plus graves par une intervention chirurgicale désignée trabéculectomie. Cette intervention consiste, après désinsertion conjonctivale, à réaliser une trappe dans la sclère par découpage d'un volet scierai (clivage des plans de la sclère jusqu'au trabéculum) et à inciser le trabéculum pour permettre un écoulement 'humeur aqueuse contenue dans la chambre antérieure, ce qui diminue la tension intraoculaire et limite les conséquences pathologiques du glaucome. Une telle intervention qui est pratiquée depuis une quinzaine d'années environ, engendre généralement une amélioration temporaire, mais à terme, la cicatrisation du volet scierai est susceptible d'obturer l'écoulement d'humeur aqueuse et l'on constate alors assez rapidement une nouvelle augmentation de la pression intra¬ oculaire.
On a tenté de pallier ce défaut en appliquant des substances antimitotiques sur le volet scierai afin de retarder sa cicatrisation. Toutefois, les résultats sont inconstants et on peut même observer un écoulement excessif d'humeur aqueuse qui peut entraîner une chute trop importante de la pression intra-oculaire.
Un autre type d'intervention est actuellement pratiqué pour soigner le glaucome : elle consiste à mettre en place une valve associée à un conduit qui débouche dans la chambre antérieure pour permettre un écoulement d'humeur aqueuse en cas d'élévation de pression dans cette chambre. Cette technique présente toutefois des inconvénients : en premier lieu, elle exige une opération complexe affectant la chambre antérieure, avec risque délétère sur l'endothélium cornéen (les chirurgiens habitués aux trabéculectomies sont souvent réticents à pratiquer ce type d'intervention chirurgicale complexe et
risquée). En outre, le conduit a tendance à se boucher de sorte que l'efficacité du dispositif qui est bonne après mise en place, décroît rapidement dans le temps. De plus, le conduit est parfois expulsé de la chambre antérieure. Il est à noter que ces valves ont une structure relativement complexe qui en rend la fabrication onéreuse.
Par ailleurs, plusieurs publications ont proposé de nouvelles techniques qui en sont au stade expérimental (ou en sont restées au stade expérimental en raison de défauts redhibitoires) et qui consistent à insérer un implant sous le volet scierai en vue d'éviter l'obturation trop rapide de l'écoulement d'humeur aqueuse à travers l'incision du trabéculum.
Une première technique est décrite dans la publication suivante : "Hyun Bong Bae et al, A Membranous Drainage Implant in Glaucoma Filtering Surgery : Animal Trial, Kor. J. Ophtalmol. , vol. 2, 1988, 49-56". Elle consiste à disposer sous le volet scierai une membrane hydrophobe qui pénètre dans la chambre antérieure par l'incision du trabéculum. Grâce à son caractère hydrophobe, cette membrane s'oppose à la formation de fibroses à proximité de sa surface et permet un écoulement de l'humeur aqueuse le long de celle-ci. Toutefois, l'écoulement permanent ainsi conditionné est faible et la présence d'une telle membrane paraît insuffisante pour ramener la pression intra-oculaire à une valeur normale. De plus, sa mise en place implique une intervention au niveau de la chambre antérieure avec des risques pour l'endothélium cornéen, cette intervention étant beaucoup plus délicate qu'une simple trabéculectomie comme déjà indiqué.
La publication suivante : "M. Kamoun et al, Microtrabéculoprothèse, Ophtalmologie, 1988, vol. 2, 227- 229", décrit une trabéculoprothèse réalisée en un hydrogel poreux très hydrophile qui est mis en place à sec dans la sclère de façon à pénétrer dans l'incision du trabéculum par une partie effilée ; l'hydratation engendre un gonflement de l'hydrogel et une fermeture hermétique de l'incision : l'humeur aqueuse s'écoule alors à travers les
porosités du matériau, depuis la chambre antérieure jusqu'à la sclère. Cette filtration à travers un tel matériau poreux assure une baisse de la pression intraoculaire. Toutefois, le défaut précité résidant dans une obturation rapide de l'écoulement n'est pas supprimé par cette prothèse, car les fibroses qui se forment au niveau de la sclère conduisent rapidement à une obturation de l'écoulement. De plus, comme pour la technique précédente, la mise en place de cette prothèse affecte l'endothélium puisqu'une partie effilée de la prothèse est amenée à pénétrer à l'intérieur de la chambre antérieure.
Le brevet US 4.521.210 décrit un implant de forme allongée qui est disposé au-dessus de la choroïde à l'interface de celle-ci et de la sclère. Cet implant possède une partie effilée qui pénètre dans la chambre antérieure. Il présente les mêmes inconvénients que le précédent, même si sa grande longueur et les trous et passages qui y sont ménagés assurent une meilleure évacuation de l'humeur aqueuse. En outre, sa mise en place paraît extrêmement délicate compte tenu des dimensions de cet implant et de sa position à l'interface choroïde/sclère.
Un autre implant est décrit dans la publication suivante : "Nancy Michel, A ick that promûtes fluid drainage treats glaucoma successfully in Russia, Ocular Surgery News 1993, vol. 11 (23) p 26". Cet implant est constitué par un faisceau de fibres résorbables, qui est mis en place sous le volet scierai en regard de l'incision du trabéculum. Les inventeurs ont peu d'informations sur cette technique proposée très récemment. Toutefois, il est probable qu'un tel implant d'origine biologique (porcine), noyé dans la sclère, subisse les mêmes problèmes d'obturation que les implants précédents. En outre, des déplacements dans la trappe, voire une expulsion, sont à craindre.
Un autre implant est décrit dans la demande internationale PCT/US 90/06216. Cet implant inséré dans la sclère ne résout pas le défaut précité d'obturation de
l'écoulement par les fibroses qui se forment dans ce tissu.
Il est à noter que tous les implants connus précédemment évoqués sont posés au terme d'une trabéculectomie au cours de laquelle le trabéculum est incisé.
La présente invention se propose de fournir un nouvel implant remédiant aux défauts précités et présentant un effet de longue durée dans la thérapie du glaucome. Un premier objectif de l'invention est de fournir un implant permettant un écoulement satisfaisant de l'humeur aqueuse de la chambre antérieure, écoulement continu soumis à des risques réduits d'obturation dans le temps. Un autre objectif est de fournir un implant susceptible d'être mis en place soit par une simple opération de sclerotomie au cours de laquelle le trabéculum n'est pas touché, soit par une intervention de trabéculectomie n'affectant pas la chambre antérieure de l'oeil et l'endothélium cornéen (cet implant qui n'exige pas nécessairement une trabéculectomie sera désigné par "implant de sclerotomie").
Un autre objectif est de fournir un implant non soumis à des risques de déplacements ou d'expulsion. Un autre objectif est de fournir un implant de structure simple se prêtant à une fabrication aisée.
A cet effet, l'implant de sclerotomie visé par la présente invention se présente sous la forme d'une plaquette en un matériau biocompatible et est caractérisé en ce qu'il comprend :
- une première extrémité, dite extrémité trabéculaire, adaptée pour être disposée contre le trabéculum, qui peut être laissé intact ou subir une trabéculectomie comme dans les techniques traditionnelles, - une première partie, dite intra-sclérale, portant l'extrémité trabéculaire et adaptée pour pouvoir être insérée dans la trappe sous le volet scierai,
- une seconde partie, dite sous-
conjonctivale, prolongeant la partie intra-sclérale et adaptée pour sortir de la sclère et se loger sous la conjonctive au contact de celle-ci,
- des moyens d'arrêt situés à la jonction de la partie intra-sclérale et de la partie sous- conjonctivale et adaptés pour pouvoir assurer un blocage de ladite partie intra-sclérale dans la trappe,
- une seconde extrémité, dite extrémité externe, opposée à l'extrémité trabéculaire et portée par la partie sous-conjonctivale,
- des moyens d'écoulement continu s'étendant le long des partie intra-sclérale et partie sous-conjonctivale entre l'extrémité trabéculaire et l'extrémité externe en vue de permettre un écoulement de l'humeur aqueuse depuis le trabéculum vers la conjonctive, soit par filtration à travers le trabéculum si celui—ci est laissé intact, soit par l'incision pratiquée en cas de trabéculectomie.
Selon un premier mode de réalisation, ces moyens d'écoulement continu comprennent au moins une rainure continue pratiquée le long des partie intra- sclérale et partie sous-conjonctivale de façon à déboucher au niveau des extrémité trabéculaire et extrémité externe.
L'implant peut également être réalisé en un matériau poreux, les moyens d'écoulement continu étant constitués par des passages internes provenant de la porosité du matériau.
Selon un mode de réalisation préférentiel, les deux types de moyens d'écoulement sont combinés : le matériau de l'implant est poreux et les moyens d'écoulement comprennent, d'une part, au moins une rainure continue pratiquée le long des partie intra-sclérale et partie sous- conjonctivale, d'autre part, des passages internes provenant de la porosité du matériau. Selon une autre caractéristique avantageuse de l'invention, l'extrémité trabéculaire présente une forme concave de rayon de courbure sensiblement c'ompris entre 4 mm et 8 mm. Cette extrémité épouse ainsi la forme
du trabéculum au contact duquel elle est disposée, ce qui favorise le recueil de l'humeur aqueuse et son évacuation à travers les moyens d'écoulement de l'implant (en particulier en l'absence de trabéculectomie, dans le cas où le trabéculum est laissé intact).
Les moyens d'arrêt situés à la jonction de la partie intra-sclérale et de la partie sous-conjonctivale comprennent de préférence des épaulements, disposés de part et d'autre de la partie intra-sclérale et définis par une largeur de ladite partie intra-sclérale plus grande que celle de la partie sous-conjonctivale. Comme on le verra plus loin, ces épaulements viennent coopérer avec les points de suture qui sont pratiqués à la fin de l'intervention pour maintenir le volet scierai dans la trappe au-dessus de l' implant : la partie intra-sclérale se trouve ainsi bloquée dans une position stable entre le trabéculum et ces points de suture. Dans cette position, la partie sous-conjonctivale qui prolonge ladite partie intra- sclérale, est disposée sous la conjonctive au contact de celle-ci et permet à l'humeur aqueuse circulant dans les moyens d'écoulement de l'implant de sortir de la sclère pour se déverser sous la conjonctive sans risque d'obturation.
D'autres caractéristiques et avantages de l'invention se dégageront de la description qui suit en référence aux dessins annexés, lesquels présentent, à titre non limitatif, deux modes de réalisation d'implants conformes à l'invention et illustrent l'utilisation de ceux-ci pour soigner le glaucome de l'oeil ; sur ces dessins :
- les figures 1, 2, 3 et 4 représentent -à échelle très dilatée (échelle 10 environ)- un implant respectivement en perspective, en vue frontale selon Vi , en coupe AA' et en vue de dessous selon V2, - les figures 5, 6, 7 et 8 illustrent schématiquement la mise en place dudit implant au cours d'une trabéculectomie,
- la figure 9 représente en perspective une
variante d'implant,
- la figure 10 illustre cet implant posé au terme d'une simple opération de sclerotomie n'affectant pas le trabéculum. L'implant représenté à titre d'exemple aux figures 1 à 4 se présente sous la forme d'une mince plaquette allongée en un matériau biocompatible, en particulier en copolymère méthylmétacrylate/ vinylpyrolidone. Les proportions relatives des deux composés sont notamment d'environ 48 % et 52 %. Un tel copolymère présente une porosité élevée qui peut être mesurée par son taux d'hydrophilie de l'ordre de 40 % (masse d'eau susceptible d'être absorbée rapportée à la masse de copolymère sec). Les dimensions fournies plus loin à titre non limitatif correspondent à l'implant hydraté et diminue d'environ 20 % lorsque l'implant est sec.
L'implant comprend essentiellement deux parties en forme générale de parallélépipède rectangle : une partie intra-sclérale 1 et une partie sous- conjonctivale 5 plus étroite que la première.
La partie intra-sclérale est dotée d'une extrémité trabéculaire 2, en l'exemple de forme plane, qui est appelée à venir se disposer en regard du trabéculum et dont les dimensions sont supérieures à celles de l'incision (qui dans cet exemple sera pratiquée dans celui-ci) de façon à être arrêtée par le trabéculum. Cette extrémité présentera en pratique une largeur -c- sensiblement comprise entre 2 mm et 4 mm, en l'exemple égale à 3 mm (à ± 20 % près) de façon à dépasser de part et d'autre de l'incision du trabéculum (dont la longueur est toujours inférieure à 2 mm) .
La partie intra-sclérale 1 possède une face dite supérieure 3 et une face dite inférieure 4 de forme sensiblement carrée de côté -c- égal à 3 mm (à ± 20 % près). L'épaisseur e-| de ladite partie intra-sclérale est en particulier de 0,50 mm (à ± 20 % près).
La partie sous-conjonctivale 5 qui prolonge la partie intra-sclérale ci-dessus décrite se termine par
une extrémité dite externe 6 et présente des dimensions inférieures à celles de la partie intra-sclérale. La jonction entre les deux parties définit deux épaulements 7a, 7b situés de part et d'autre de la partie intra-sclérale ; ces épaulements sont appelés à faire fonction de moyens d'arrêt assurant un blocage de l'implant lors de l'exécution des points de suture en fin d' intervention.
La partie sous-conjonctivale 5 possède une face supérieure 8 et une face inférieure 9 de forme rectangulaire, ayant un côté r-| égal à 1,5 mm (à ± 20 % près) dans le sens de la largeur et un côté T2 égal à 2 mm (à ± 20 % près) dans le sens de la longueur.
La partie sous-conjonctivale possède une épaisseur -&2~ 9ui est en particulier égale à 0,25 mm (à ± 20 % près) (de l'ordre de la moitié de l'épaisseur -e-|- de la partie intra-sclérale).
Comme le montrent les figures, les parties intra-sclérale et sous-conjonctivale possèdent, en l'exemple représenté, des faces inférieures 3 et 8 situées sensiblement dans le même plan et des faces supérieures opposées 4 et 9 qui sont décalées de sorte que la face supérieure de la partie sous-conjonctivale 5 se trouve en retrait par rapport à celle de la partie intra-sclérale 1. Par ailleurs, une rainure continue 10 est ménagée le long de l'implant dans les parties intersclérale 1 et sous-conjonctivale 5 de façon à déboucher, de part et d'autre de l'implant, au niveau des extrémité trabéculaire 2 et extrémité externe 6. Cette rainure est en l'exemple disposée selon l'axe de l'implant et possède une section dont le fond est en forme de section circulaire ou en angle ouvert ; dans la partie intra- sclérale 1, elle s'ouvre sur la face supérieure 4 par une portion à faces parallèles 10a, cependant qu'elle s'ouvre sur la face supérieure 9 de la partie sous-conjonctivale par des faces divergentes 10b.
La plaquette ci-dessus décrite est utilisée comme implant de sclerotomie (avec ou sans trabéculectomie)
pour soigner le glaucome de l'oeil grâce à une implantation dans l'oeil telle que :
. l'extrémité trabéculaire 2 soit disposée contre le trabéculum et arrêtée par ce dernier sans pénétration dans la chambre antérieure, la partie sous-conjonctivale 5 soit disposée sous la conjonctive au contact de celle-ci,
. les moyens d'arrêt 7a, 7b coopèrent avec des points de suture S-\ , Ε>2 pour assurer un blocage de la partie sous-conjonctivale 1 dans la trappe T.
Les figures 5 à 8 illustrent la mise en place dans un oeil dans le cas où est pratiquée une trabéculectomie. L'implant est préalablement imprégné d'une solution aqueuse jusqu'à saturation. Par une intervention de sclerotomie, après désinsertion conjonctivale, un volet scierai Vτ_ est découpé dans la sclère de façon à réaliser une trappe T. Le trabéculum est ensuite incisé. La figure 6 montre cette incision en Ic. L'implant P est présenté comme le montre cette figure avec son extrémité trabéculaire 2 du côté du trabéculum et son extrémité externe 6 du côté de la conjonctive ; la face supérieure 3, 8 est disposée au- dessus et la face inférieure 4, 9 qui est pourvue de la rainure 10 est située en regard des tissus.
Comme l'illustre la figure 7, l'implant est inséré dans l'oeil de façon que sa partie intra-sclérale 1 vienne se loger dans la trappe T avec son extrémité trabéculaire 2 contre le trabéculum en regard de l'incision Ic, et que sa partie sous-conjonctivale 5 vienne en appui contre la conjonctive à l'extérieur de la trappe ; dans cette position, l'extrémité externe 6 se trouve à l'extérieur de la sclère contre la conjonctive.
Le volet scierai Vτ_ est ensuite rabattu vers la trappe et des points de suture S-] , S2 sont pratiqués dans le creux des épaulements 7a et 7b de l'implant pour fixer le volet sur la sclère. La partie intra-sclérale de l' implant se trouve alors bloquée dans la
trappe entre le trabéculum et ces points de suture. La conjonctive peut ensuite être amenée à recouvrir l'ensemble de façon classique.
La rainure 10 et les porosités de copolymère forment un écoulement continu entre l'incision trabéculaire et la conjonctive sans risque d'obturation quelle que soit la formation de fibroses dans la sclère.
Il convient de souligner que l'intervention chirurgicale ci-dessus résumée est de type traditionnel : elle n'affecte pas la chambre antérieure et ne fait courir aucun risque à l'endothélium cornéen.
La figure 9 présente une variante d'implant dont les caractéristiques sont identiques au précédent, à l'exception de la forme de l'extrémité trabéculaire référencée 2' à cette figure. Cette extrémité est concave, sensiblement cylindrique, de rayon de courbure sensiblement égal à 6 mm (à ± 20 % près).
L'opération de mise en place est analogue à la précédente à l'exception de l'incision du trabéculum qui n'est pas pratiquée. L'extrémité trabéculaire est disposée au contact du trabéculum de façon à épouser la surface de celui-ci. Le passage d'humeur de la chambre antérieure s'effectue par filtration à travers le trabéculum.
La figure 10 illustre en coupe l'implant posé : il est essentiel de noter que sa partie sous- conjonctivale sort de la sclère et est logée sous la conjonctive. Ainsi, l'extrémité externe déverse l'humeur aqueuse sous la conjonctive et forme une bulle de filtration sous celle-ci. Cette bulle sert de témoin d'efficacité de l'implant : visible à travers la conjonctive, elle permet de vérifier que l'écoulement s'effectue correctement.