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Constant (Benjamin) > Adolphe (1816)

Présentation

Benjamin Constant, Adolphe, Garnier-Flammarion, 2011.

Présentation de l'éditeur
Unique roman achevé de Benjamin Constant, Adolphe (1816) raconte l'inexorable décomposition d'une relation amoureuse. Vouloir ce qui échappe, échapper à ce qui se donne ; désirer la liaison, mais se rebeller contre le lien : telle est l'histoire d'Adolphe qui, sommé de quitter Ellénore au nom de la carrière à laquelle on le destine, ne parvient pas plus à rompre qu'à aimer. Les intermittences de ce coeur indécis - qui oscille entre sincérité et mauvaise foi, aveuglement et lucidité, compassion et sadisme - précipiteront la catastrophe finale. Mais, dans cette tragédie de l'impuissance, l'amante délaissée ne sera pas la seule victime. Car Adolphe est aussi le récit d'une impossible révolte : celle d'un homme broyé par la société. Chef-d'oeuvre du roman d'analyse selon certains, témoignage sur le bouleversement des vies sous le Directoire et l'Empire pour d'autres, ce roman est d'abord, comme le suggère Constant, une fable poignante sur notre condition, une "histoire vraie de la misère du coeur humain ".

Analyse
Né à Lausanne, Benjamin Constant (1767-1830) est l'un des écrivains majeurs du romantisme européen qui explora les subtilités de l'analyse psychologique. Sa liaison orageuse avec Madame de Staël, de 1794 à 1808, engendra deux grands romans : Adolphe et Cécile (publié en 1951). Ce roman personnel participe de la vie amoureuse de l'auteur : ses amours avec Charlotte de Hardenberg, Madame de Staël…

Adolphe ou l'impossibilité d'aimer. Chef-d'œuvre romantique. Constant justifie l'existence du roman dans un « avis » préalable où l'éditeur-auteur précise les conditions de sa rencontre avec un inconnu, Adolphe, dont il publie le manuscrit : jeune homme timide et solitaire, Adolphe. Celui-ci, qui entretient avec son père des rapports médiocres, quitte Göttingen pour se rendre dans une autre ville allemande, où il se mêle aux courtisans d'une petite cour princière et se fait une réputation de « légèreté, de persiflage et de méchanceté ». Par besoin d'être aimé autant que par vanité, Adolphe s'éprend d'Ellénore, de dix ans son aînée.
Cet amour naissant est parachevé par l'union des amants mais leurs relations se dégradent vite : Ellénore, une fois conquise, n'est plus un but. « Ce n'étaient pas les regrets de l'amour, c'était un sentiment plus sombre et plus triste ; l'amour s'identifie tellement à l'objet aimé que dans son désespoir même il y a quelque charme... » Le père d'Adolphe lui ordonne par lettre de le rejoindre. Pour rester auprès d'Adolphe, Ellénore est prête à sacrifier tout à celui qu'elle aime : enfants, fortune, réputation. Mais le jeune homme, excédé par tant de passion, se détache d'elle et, s'aperçoit qu'il ne l'a jamais aimée. Habile à dissimuler la réalité de ses sentiments, il continue pourtant à torturer celle qui ne lui est plus rien. Après deux mois de séparation, Ellénore s'installe dans la même ville que son amant, mais le père d'Adolphe veut chasser l'importune. Les amants partent ensemble et se fixent à Caden, une ville de Bohème, où Adolphe rencontre un ami de son père, le baron de T., qui l'incite à quitter Ellénore. Après de nouveaux atermoiements, Adolphe annonce au baron son intention de rompre dans une lettre que ce dernier, quelques jours plus tard, fait parvenir à Ellénore. Totalement désespérée, celle-ci meurt. Loin d'être libéré, Adolphe mène une existence morne et plate, qu'annonçait une lettre d'Ellénore découverte après sa mort. En guise d'épilogue, un correspondant anonyme adresse à l'éditeur une lettre explicative où il l'incite à publier le présent manuscrit, sans oublier d'excuser « l'auteur et le héros » : « L'exemple d'Adolphe ne sera pas moins instructif, si vous ajoutez qu'après avoir repoussé l'être qu'il aimait, il n'a pas été moins inquiet, moins agité, moins mécontent ; qu'il n'a fait aucun usage d'une liberté reconquise au prix de tant de douleurs et de tant de larmes ; et qu'en se rendant bien digne de blâme, il s'est aussi rendu digne de pitié ». Le roman s'achève par une réponse morale de l'éditeur qui accepte la publication et condamne l'attitude du héros : « chacun ne s'instruit qu'à ses dépens... Les circonstances sont bien peu de choses, le caractère est tout... »

Un roman d'introspection. L'analyse de son caractère par le narrateur aboutit à une introspection lui découvrant « l'affreuse réalité » de son âme. Le génie de Constant démontre l'incapacité de l'esprit à trouver le bonheur et à en donner, thème cher à ce grand romantique, qui regretta toujours de n'être pas davantage déterminé dans ses choix. 
Etonnante structure construite autour de lettres-confessions devenues instruments de simulation, d'argumentation, de renoncements, de promesses et de perte + personnalité d'Adolphe qui fascine : son caractère tortueux, versatile, se double d'une étonnante clairvoyance sur lui-même. Mauriac : « Adolphe : ...analyse sans phrases d'une liaison et de ces jeux de la cruauté et de la pitié que, par antiphrase, nous appelons amour. Souffrance qui ne touche pas, car elle est celle du nerveux qui trépigne de ne pas avoir le jouet dont il sait lui-même qu'il ne ferait plus cas, à peine l'eût-il obtenu. »