C’est le type même du chanteur de charme, avatar du crooner américain. Avec son physique de danseur mondain et sa « voix de velours », il a fait se pâmer bien des cœurs. Elève de la prestigieuse école Boulle, graphiste, dessinateur de bijoux et d’affiches pour des chanteurs, il entrera dans la carrière de chanteur comme Mireille Mathieu, grâce à sa victoire à un radio crochet organisé par le Poste parisien en 1936. Il mettra des années à imposer son personnage et se produira, pas toujours en vedette, sur des scènes parisiennes comme le théâtre Mogador (en 1939), le Concert Pacra (en 1940)… A la Libération, où il fait aussi de l’animation radiophonique, il est sacré meilleur chanteur de charme.

    Il enchaîne alors les succès, de « Marjolaine », « Domino », du tango « J’irai pleurer sur tes pas » à « Cerisier rouge et pommier blanc » (« Quand nous jouions à la marelle… »), « Mademoiselle de Paris » (chanté aussi par Jacqueline François), « Bon anniversaire » (« Que ces quelques fleurs vous apportent le bonheur… ») ou « Dors mon amour », la chanson écrite par le grand parolier Pierre Delanoë, qui lui permit de remporter le concours Eurovision de la chanson en 1958. Dandy fin de siècle (le XIXe) ;, André Claveau en a les maniérismes. Il susurre, caresse les mots et effleure les syllabes d’une voix qui, dans les aigus, comprime sa puissance et devient suave. Cette technique constante de retenue (car il avait un organe de ténor) l’assimilent à l’école des crooners qui, voulant faire des confidences à leur public, bannissent toute éruption vocale.

     Au début des années 1970, André Claveau décide de tirer sa révérence et se réfugie dans une retraite champêtre dont il ne sortira plus. Au contraire de tant d’autres artistes, qui multiplient les concerts d’adieu, il ne reparaîtra plus en public, fuyant avec constance caméras et photographes. Comme Marlene Dietrich, il voulait sans doute laisser à ses admirateurs le souvenir d’un chanteur élégant et racé, à la diction parfaite et au sourire éclatant.

     André Claveau eu aussi une véritable carrière de comédien.

AU CINEMA :

-« Champions de France » (1938)-Willy Rozier.

-« Le destin s’amuse » (1947)-Emil E. Reinert : rôle de Richard.

-« Le gai Paris » (1947)-Court-métrage de Lucette Godard : participation en tant que chanteur.

-« Amours de vacances » (1948)-Court-métrage de Jean-Jacques Delafosse : participation en tant que chanteur.

-« Les vagabonds du rêve » (1949)-Charles-Félix Tavano.

-« La kermesse en chansons » (1949)-Court-métrage d’Henri Verneul : participation en tant que chanteur.

-« Vedettes en chansons » (1950)-Court-métrage de Bernard Roland : participation en tant que chanteur.

-« Cœur-sur-Mer » (1951)-Jacques Daniel-Norman : rôle de Claudius Paquito.

-« Pas de vacances pour M. le maire » (1951)-Maurice Labro : rôle de Philippe.

-« Le huitième art et la manière » (1952)-Court-métrage de Maurice Régamey- Lui-même.

-« Un jour avec vous » (1952)-Jean-René Legrand : rôle de Philippe Mazières.

-« Les surprises d’une nuit de noce » (1952)-Jean Vallée : rôle de Jean-Jacques Herbillon.

-« La route du bonheur » (1953)-Maurice Labro et Giorgio Simonelli : participation en tant que chanteur.

-« Rires de Paris » (1953)-Henri Lepage : rôle de M. Du Bois.

-« French cancan » (1954)-Jean Renoir : rôle de Paul Delmet.

-« Prisonniers de la brousse » (1960)-Willy Rozier : rôle de Bob Ballart.

         Il faut rappeler qu’André Claveau interprète en plus une ou des chansons, sans apparaître lui-même, dans « Sous le ciel de Paris » (1950), de Julien Duvivier, « Fusillé à l’aube » (1950), d’André Haguet, « Les héros sont fatigués » (1955), d’Yves Ciampi et « Lacombe Lucien » (1974), de Louis Malle.

        A part ses rôles chez Jean Renoir (dans « French cancan » il joue Paul Delmet, personnage qui lui va comme un gant) ou Jacques Daniel-Norman, qui a adapté l’œuvre de Léo Malet à l’écran, avec un excellent René Dary en Nestor Burma, André Claveau (comme beaucoup d’autres chanteurs de ces rubriques) n’a participé qu’à des films de consommation courante, aussi vite oubliés que réalisés. Que dire, en effet, de Charles-Félix Tavano, réalisateur de bandes au titre évocateur, comme « Son Excellence Antonin » ou « Coq en pâte », de Jean Vallée qui a cependant mis en scène, entre des « Jeunes filles à marier » et une « Etrange amazone », un film très honorable, inspiré de l’œuvre de René Bazin « La terre qui meurt » ou d’Henri Lepage, auteur d’œuvres aussi impérissables que « Et ta sœur » ou « Pas de souris dans le bizness » ?

        Il faut tout de même remarquer qu’au contraire de beaucoup de ses confrères, il a pu bénéficier de rôles importants. Ainsi a-t-il un des rôles principaux, aux côtés de la jeune Dany Robin, dans « Le destin s’amuse », où il incarne un gangster séducteur amateur de bolides de course. De même, dans « Les vagabonds du rêve », il défend un personnage essentiel, en compagnie d’une Françoise Rosay patronne d’une troupe de comédiens itinérants. Dans « un jour avec vous », où il chante « Bon anniversaire », refrain appelé à une étonnante postérité, il est Philippe Mazières, chanteur en vogue, dont l’héroïne, incarnée par Véra Norman, lui dérobe une photo précieuse ; il avait en effet commencé d’y écrire chanson qui lui tenait à cœur. Il part donc à sa recherche et débarque ainsi dans le château habité par la jeune fille et ses parents, couple improbable incarné par le cher Jean Tissier et Mary Marquet. Enfin, on le retrouve, de manière plus inattendue dans « Prisonniers de la brousse », film de jungle comme en fabriquaient en série les studios hollywoodiens de cette époque. Il y joue Bob Ballart, chanteur en tournée, un des cinq passagers (dont Georges Marchal) ayant survécu au crash de leur avion en pleine forêt congolaise. On notera pourtant que, même dans ces rôles consistants, André Claveau est presque toujours un chanteur ; il ne fallait pas trop désorienter le public.

          A noter enfin qu’André Claveau a doublé Christopher Plummer (dialogues et chansons) dans « La mélodie du bonheur » (« Sound of music »-1965).

SUR LA SCENE :

-« Billie et son époque » (1939)-Michel Emer et Jean Santreuil-Livret d’André Mouézy-Eon et Albert Willemetz- Théâtre Mogador.

-« La bonne hôtesse » (1946)-Jean-Jacques Vital et Serge Vober- Mise en scène de Fred Pasquali- Alhambra.

       Deux bonnes opérettes, en particulier « Billie et son époque », par deux orfèvres en la matière. Il est vrai qu’André Claveau aurait pu tout aussi bien pu figurer, sans démériter, sur une scène d’opéra.