Archives de la liste de discussion de Mélusine
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Avertissement 2008

Note technique :
La compilation des messages de huit années, expédiés par différentes machines sous différents systèmes, a produit des fichiers fort encombrants. Il n’était pas possible de garder la forme initiale des messages. Nous avons donc privilégié l’accessibilité en réduisant au maximum leur poids, en évitant les redondances, sans toucher au contenu, qui reste l’objet du présent document. Les coordonnées personnelles des abonnés ont volontairement été enlevées.

Signalons que les abonnés à la liste Mélusine peuvent retrouver les messages conservés depuis février 2006 sur le serveur Sympa dont ils ont les coordonnées. Il leur suffit d’insérer le mot de passe qui leur a été communiqué par la machine lors de leur inscription, et de consulter les Archives dans l’ordre chronologique, ou encore grâce au moteur de recherche du logiciel.


Liste Mélusine Juillet 2008

 

mercredi 2 juillet 2008 16:27

Festival Rencontres d'été Houlgate

Chers amis,

Rencontres d’été, nouvelle édition…
Houlgate accueille du 19 juillet au 24 août 2008 les 7e Rencontres 
d’été, festival théâtre et lecture ouvert à un large public. Une 
quarantaine de rendez-vous sous différentes formes : spectacles, 
repas-spectacles, lectures-spectacles, rencontres littéraires, 
cinéma, stages de théâtre, concours d’écriture et exposition. Tout un 
programme pour marier et partager les plaisirs de la littérature, au 
bonheur de nouvelles découvertes !
La Cie PMVV le grain de sable, compagnie de théâtre professionnelle 
bas-normande à la tête de cette manifestation, accueille plusieurs 
compagnies et artistes : la Cie Stock! Laurence Vielle (Bruxelles), 
le Théâtre à Bretelles (Paris), la Cie Kipro-Co (Paris), la Cie du 
Grenadin (Caen), la Cie Mata-Malam (Samonac) ainsi que Denis 
Podalydès, sociétaire de la Comédie-Française et bon nombre 
d’auteurs. Le Théâtre-Poème/Monique Dorsel (Bruxelles) sera l’invité 
d’honneur de ce 7e festival avec quatre spectacles.
L’on entendra des textes de Pierre Albert-Birot, Guillaume 
Apollinaire, Alfred Jarry, Jacques Prévert, Samuel Beckett, Sacha 
Guitry, Jules Barbey d’Aurevilly, Remy de Gourmont, René Daumal, 
Marcel Proust, Pierre Silvain, Jacques Sternberg, Laurence Vielle, 
Raoul Vaneigem et bien d’autres...
Fidèle à notre projet, nous voulons que ce rendez-vous, désormais 
familier, soit le lieu du plaisir des mots, l’occasion de découvrir, 
par le support de l’oralité et de la théâtralité, l’originalité et la 
qualité de quelques auteurs de langue française, l’endroit d’un 
dialogue possible, d’échanges entre les artistes et le public. Nous 
avons été marqués, au cours de ces années, par la confiance accordée 
par les spectateurs de plus en plus nombreux. C’est donc avec bonheur 
que nous poursuivons le projet artistique que nous avons engagé.
Dans l'attente de vous y accueillir...
Bien cordialement
Philippe Müller et Vincent Vernillat

Cie PMVV le grain de sable
7 avenue Léonard Pillu
14510 Houlgate
Tél:  0231285256
Port: 0615586979

 

mercredi 2 juillet 2008 20:14

Le festival Rencontres d'été Houlgate va être mis en avant sur le blog du siteLe festival Rencontres d'été Houlgate va être mis en avant sur le blog du site de la maison d'édition dont l'adresse est www.champendal.com et je vous remercie de nous en avoir fait état ...

Bien vôtre, très aimablement,
Editions Michel Champendal (Les EMC)
Michel Champendal, éditeur et diffuseur de livres
Fictions des domaines français et étrangers
Vente directe sur site par télépaiement : www.champendal.com
16 rue Lentonnet, 75009 Paris Tél. 01 74 30 19 50
Courriels (e-mails) : mchampendal@noos.fr et
editionsmichelchampendal@gmail.com

jeudi 3 juillet 2008 09:50

nouvelles publications

Chères Mélusines, chers Mélusins, je reviens sur mon message du 22 mai 2008, qui semble vous avoir échappé. J'y signalais l'initiative prise par notre Association de publier les actes du séminaire du Centre de recherches sur le surréalisme. Il est important que ces travaux des chercheurs jeunes et/ou confirmés soient d'abord connus, appréciés et soutenus par la vaste communauté que constitue cette liste. En voici le sommaire:

– Maryse Vassevière : Avant-propos
– Nathalie Limat : Positions surréalistes dans le champ intellectuel
– Marie-Paule Berranger : L’histoire de la littérature vue par André Breton : Les « balances illusoires »
– Sophie Leclercq : La décolonisation d’abord et toujours… L’intellectuel surréaliste spécialiste et défenseur du non-Occidental après 1945
– Arnaud Buchs : Autour du « surréalisme révolutionnaire » : Dotremont et Bonnefoy
– Pascale Roux : L’escroc, le grossiste et l’épicier – toute poésie reniée
– Richard Spiteri : Michel Carrouges : vers un surréalisme analogue
– Carole Reynaud Paligot : Les surréalistes et le mouvement libertaire après 1945
– Émilie Frémond :  « La science avec une grande scie ». Vers une écologie surréaliste
– Elza Adamowicz : Art et idéologie dans le surréalisme d’après-guerre : entre réalismes et abstractions
– Catherine Dufour : Dada pense-t-il encore après 1945 ?
Vous pouvez vous le procurer en adressant un chèque de 20 Euro (port compris) à l'ordre de l'Association pour l'étude du surréalisme, à

Maryse Vassevière, 59 Clos Dame Gille, F.- 77340 PONTAULT-COMBAULT
Adresse(s) de messagerie :
  maryse.vasseviere@wanadoo.fr

Pour plus d'informations: http://melusine.univ-paris3.fr/Association/Publications.htm   Par ailleurs, vous trouverez sur la BNS (Bibliothèque Numérique Surréaliste), téléchargeable gratuitement, une importante étude, abondamment illustrée, de Her de Vries sur les différentes éditions du poème d'André Breton,  Fata Morgana. http://melusine.univ-paris3.fr/FataMorgana.htm  N'oubliez pas que vous pouvez retrouver la compilation mensuelle de ces messages sous la rubrique "Le surréalisme au jour le jour", à l'adresse suivante:  http://melusine.univ-paris3.fr/SurrealismeAuJourLeJour/SJJ2008.htm Enfin, des recensions nouvelles sont mises en ligne dans la rubrique LU: http://melusine.univ-paris3.fr/lu.html   Bien cordialement,
Le modérateur
Henri Béhar

jeudi 3 juillet 2008 23:50

Fw: Conversations avec Henri Michaux

Chers amis,
Nous avons le plaisir de vous annoncer la parution de /Conversations
avec Henri Michaux,/ sous la direction de Pierre Vilar, Guenaël
Boutouillet et Françoise Nicol, aux éditions Cécile Defaut (diffusion PUF).

Cet ouvrage rend compte des « Conversations » menées, au delà de la
mort, avec le poète, à l’initiative de La Scène nationale  et de l’IUT
Métiers du livre de La Roche-sur-Yon (Université de Nantes), en décembre
2006.
« Ce livre, hommage au grand déplaceur que fut Michaux, devait être le
recueil des actes d’un colloque. Il est devenu autre chose, quelque
chose au-delà, par la /force des choses/ .» (G.Boutouillet).

Conversations croisées et ardentes entre écrivains, chercheurs et
artistes;  textes écrits en résonance avec ceux de Michaux. Sous les
yeux de tous, les livres et les toiles signés de lui… Il en résulte des
« Notes, au lieu d’actes », comme l’explique Pierre Vilar, empruntant la
formule au poète, notes à l’image de ces échanges.

(Soutien des équipes TLI et CREC  de l'université de Nantes).

Très cordialement,
fr nicol

vendredi 4 juillet 2008 17:35

Assoc'

Chères amies, chers amis, la dernière assemblée générale de notre association a montré qu'un grand nombre d'anciens adhérents, participant régulièrement aux différentes activités collectives, avaient omis de renouveler leur cotisation auprès de la trésorière qui ne prend pas de congés. Je me permets par conséquent de renvoyer ma circulaire du début de l'année, en ajoutant, en pièce jointe, le Relevé d'identité bancaire.    

 association pour l’Étude du Surréalisme

7 janvier 2008

Chère amie, cher ami,

 Voici venu le moment de renouveler votre adhésion.

Mélusine XXVIII, sous-titré « Le Surréalisme en héritage », reproduisant les communications du colloque de Cerisy, est sous presse. Prévue pour février, cette livraison sera immédiatement servie aux adhérents.

Par ailleurs, le CNRS m’a fait savoir qu’il ne renouvelait pas le GDR 2223 « Recherches surréalistes », arrivé à son terme le 31 décembre 2007. Il est plus que jamais indispensable que notre association prenne le relais du Centre de recherches sur le surréalisme (Université Paris III), sur tous les plans. Ses activités vont se poursuivre avec des publications, les Promenades surréalistes, les Rencontres, Cafés ou Entretiens, et les Visites d’ateliers dont vous recevrez bientôt le programme.

J’attire votre attention sur le fait que les adhérents bénéficient d’une réduction d’impôt ramenant à 15,2 € l’adhésion+revue à domicile.

Pour vous remercier de votre fidélité, vous trouverez ci-joint le fac-similé d’un tract rarissime.

 

Bulletin d’adhésion

à retourner à la Trésorière, Mme Françoise Py, 5 rue Fleury Panckouke, 92190 Meudon

accompagné de votre chèque libellé à l’ordre de l’Association (pour l’étranger, paiement par virement bancaire, RIB ci-joint)

 Nom : ___________________________________Prénom :___________________________

Adresse : ___________________________________________________________________

 Téléphone : ________________________ e-mail _____________________________

 Adhère à l’Association pour l’Étude du Surréalisme au titre de l’année 2008
Et joins un chèque de :
□ Adhésion simple : 18 €
□ Adhésion étudiant : 11 €  
□ Adhésion comprenant le service de la revue Mélusine : 38 €
□ Adhésion de soutien : 150 €
□ Je souhaite recevoir une attestation permettant de déduire 60% de ma cotisation (CGI, art. 200 et 238b)

Date et signature :

Bien cordialement,
Le modérateur
Henri Béhar

dimanche 6 juillet 2008 15:26

semaine_27

Actualités de la semaine 27

• Char, le temps d'une vie •

• L'ange volant de Max Ernst •

• Aragon lu par Walter Benjamin •

• L'Algérie et Picasso : Djamila Boupacha •

Char. Le temps d’une vie [publication]

Olivier Belin

Danièle Leclair. René Char. Là où brûle la poésie, Paris : Aden, coll. « Le cercle des poètes disparus », 2007, 638 p.

Si l’année 2007, avec le cortège d’études, d’expositions, de colloques ou de manifestations qui ont célébré le centenaire de Char, a permis de mieux connaître ou de redécouvrir la figure et l’œuvre du poète, elle a également vu la publication d’une biographie marquante, à la fois riche et passionnante : le René Char de Danièle Leclair. Conformément à la loi du genre, cet ouvrage nous fait en effet, en sept chapitres, parcourir l’existence de Char. Mais c’est pour mieux nous faire éprouver chez le poète l’intime alliance du poétique et de l’existentiel, et pour mieux donner le dernier mot à l’œuvre, qui ne cesse de s’édifier sur les circonstances, quitte à effacer les traces de ses fondations.

Les étapes d’une vie

Le premier chapitre, embrassant les années 1907-1929, rappelle les « Enfances d’un “fils de la Sorgue” » : enfance plurielle en effet, non seulement parce qu’elle est partagée entre l’insoumission à la famille, le refuge auprès des amis ou des initiateurs issus du microcosme de L’Isle-sur-Sorgue et le goût pour la nature environnante, mais aussi parce que cet arrière-plan sera sans cesse réinvesti et reconstruit par les œuvres ultérieures. Pour l’heure, les premières expériences littéraires de Char sont plutôt marquées par des lectures hétéroclites (parmi lesquelles ressortent Mallarmé, Reverdy, Lautréamont, Rimbaud et Éluard) et par des publications vite rejetées (Les Cloches sur le cœur, premier recueil paru en 1928 et tôt renié ; Méridiens, revue créée en 1929, que Char saborde au bout de trois numéros).

Tranchant avec cette première époque, la période 1929-1939, évoquée au deuxième chapitre, est marquée par « La traversée du surréalisme et le pressentiment de la guerre » : D. Leclair retrace ici la richesse de l’expérience partagée avec Breton et les siens, avant que Char, tout en conservant de solides amitiés avec Éluard ou Lely, ne se sépare du mouvement surréaliste pour s’ouvrir à de nouveaux horizons (découverte de la peinture, lecture de Nietzsche, entre autres), à une nouvelle écriture (Placard pour un chemin des écoliers, Dehors la nuit est gouvernée), à de nouvelles rencontres (comme avec Greta Knutson) et à de nouvelles craintes devant la montée des fascismes et la menace de la guerre.

Alors intervient « L’épreuve de la guerre et de la Résistance » (1939-1946), selon le titre du chapitre III, qui relate de manière croisée les étapes de l’engagement de Char dans la Résistance ainsi que son cheminement poétique, d’abord connu de rares proches (comme Lely) puis révélé au public à la Libération, au moment même où Char commence pourtant à se détacher d’une guerre dont il ne veut pas prolonger le climat.

Se retirant de l’Histoire alors qu’il accède à une notoriété qui lui vaut de nouvelles amitiés (Braque, Camus), Char entre avec la décennie 1947-1957 dans « Le temps de la plénitude », marqué par l’« intensité de la création et des échanges » (ch. IV) : D. Leclair insiste ici sur la fécondité littéraire de cette période, qui voit naître un important livre-bilan (Fureur et mystère), une poésie plus accessible (Les Matinaux), une réflexion sur la conduite à tenir en un temps d’apocalypse (À une sérénité crispée), un chant d’amour (Lettera amorosa) ainsi que toute une production dramaturgique composée de scénarios, de pièces, de ballets ou de pantomimes. À cette richesse créative il faut ajouter la multiplication et l’approfondissement des amitiés ou des collaborations, sur le plan littéraire (en particulier avec Camus), musical (avec Boulez) ou plastique (avec Braque, Staël et les artistes connus par l’intermédiaire d’Yvonne et Christian Zervos et de leur revue Cahiers d’art, dont D. Leclair montre le rôle majeur).

Loin pourtant de déboucher sur un épanouissement, la décennie suivante (1957-1968) correspond plutôt à un temps de doutes et de renouvellement : c’est la période du « Retour amont, à la recherche d’un ressourcement » (ch. V), période durant laquelle Char connaît plusieurs problèmes de santé, perd de nombreux proches (dont Camus, Braque, sa sœur Julia), mais noue également de nouvelles amitiés avec des poètes (Dominique Fourcade, Jacques Dupin), des peintres (Vieira da Silva) ou des philosophes (Heidegger), en même temps qu’il rencontre deux compagnes durables, Tina Jolas et Anne Reinbold. C’est aussi le moment où son œuvre fait une place accrue au pays natal, évoqué dans Retour amont (1965), défendu dans la lutte contre l’installation de fusées atomiques dans le plateau d’Albion, célébré comme un contre-modèle face au règne de la technique.

Le chapitre VI, comme l’indique son titre, se situe « Entre deux crises » qui vont affaiblir la santé de Char : un accident cérébral en mai 1968 et un infarctus en août 1978, qui révèlent un « corps défaillant » qu’anime encore, cependant, « l’énergie de la poésie ». Période ambivalente donc, qui marque à la fois un épanouissement (avec Aromates chasseurs, recueil-bilan de 1975, mais aussi avec les hommages prestigieux que constituent en 1971 l’exposition Char à la Fondation Maeght et la parution d’un Cahier de l’Herne) et un cheminement douloureux (jalonné par la mort d’Y. Zervos en 1970, la rupture avec Fourcade et Dupin en 1975, le cloisonnement de sa vie sentimentale).

Mais ces temps difficiles ne sont que le prélude à « Une fin de vie très sombre », titre que le dernier chapitre du livre applique aux années 1978-1988, et qui apparaît presque comme un euphémisme devant la réalité décrite par D. Leclair : l’écriture se fait de plus en plus rare et difficile, les projets d’envergure tournent court ou ne donnent pas les résultats escomptés (abandon d’une vaste entreprise d’anthologie intitulée Le Chemin de table, préparation bâclée des Œuvres complètes dans la Pléiade, fiasco du Musée-Bibliothèque René Char à L’Isle-sur-Sorgue), l’état de santé du poète se dégrade profondément après une seconde crise cardiaque en 1985, et le laisse bientôt en proie à une démence qu’il ne ressent que plus douloureusement dans ses moments de répit. C’est ainsi un Char en pleine déchéance, ayant peu à peu perdu le contrôle d’une existence qu’il avait voulu libre et seulement soumise aux exigences de la poésie, qui meurt en 1988 à Paris, à l’hôpital du Val-de-Grâce, dans la souffrance et le délire.

Char mis en lumière

Sans doute, ce René Char ne représente pas la première tentative de biographie du poète : l’ouvrage de D. Leclair a en effet été précédé par celui de Laurent Greilsamer, paru en 20041, qui retraçait pour la première fois la vie de Char en livrant au public un important ensemble de documents inédits. Mais loin de faire double emploi, cette nouvelle biographie justifie pleinement son existence, tout d’abord parce qu’elle révèle des aspects encore méconnus de l’existence du poète, avec ses intimes comme avec de grands noms de l’art ou de la littérature.

D. Leclair met ainsi en lumière de nombreux éléments jusqu’ici restés dans l’ombre — moins dans la période de la jeunesse du poète que dans les années de sa maturité et de la fin de sa vie. Faute de pouvoir ici mettre en évidence toutes les informations apportées par ce livre, on se bornera à énumérer quelques-uns des points sur lesquels D. Leclair apporte un éclairage neuf : la liaison de Char avec Greta Knutson, ex-femme de Tristan Tzara, artiste et poète polyglotte qui a ouvert à Char de nouveaux horizons (en particulier en l’initiant à la poésie ou à la philosophie allemandes) et dont D. Leclair trace un portrait sensible (p. 106-116) ; les prises de positions littéraires du poète durant la guerre, à une époque où il refuse de publier mais n’en dénonce pas moins, par exemple dans ses lettres à Gilbert Lely, la poésie de la Résistance incarnée par Aragon, Audiberti, La Tour du Pin ou Emmanuel (p. 152-156) ; le travail de recomposition opéré par Char lorsque, dans ses Feuillets d’Hypnos (1946), il évoque certains épisodes du maquis, réorchestrant des faits véridiques (le martyre d’un jeune infirme torturé et brûlé vif par les nazis ; l’encerclement par les Allemands du village de Céreste, où se cachait le capitaine Alexandre) pour leur donner une tonalité symbolique ou affective particulière, accentuant le tragique de la situation historique (p. 185-188).

Mais c’est surtout le Char d’après guerre qui apparaît parfois sous un jour nouveau et parfois inattendu. On découvre ainsi le rôle majeur de Christian et d’Yvonne Zervos (l’une des égéries du poète, du reste), ainsi que de leur revue Cahiers d’art, dans la création poétique de Char et dans son ouverture à la peinture (p. 306-321). Plus largement, la biographie de D. Leclair permet de préciser la place de Char et de son œuvre au sein des courants littéraires et artistiques du xxe siècle. Entre Char et quelques-uns de ses cadets en poésie, on assiste ainsi à un véritable passage de relais, avant qu’une rupture plus ou moins circonstancielle ne vienne briser l’échange : ce scénario exaltant et douloureux, mais dont la violence était peut-être nécessaire pour se dégager de la présence de l’aîné, c’est celui qu’ont vécu, mutatis mutandis, des auteurs comme André du Bouchet (voir p. 303-306), Jacques Dupin (voir en particulier p. 299-303, 394-399,  497-498) ou Dominique Fourcade (p. 356-358, 477-480, 497-498), D. Leclair conférant une place privilégiée à ces deux derniers en s’appuyant sur leur témoignage ou en citant des extraits inédits de lettres que Char leur a adressées. D’autres correspondances importantes sont également évoquées dans cette biographie, comme celle qui témoigne de l’amitié de Char avec l’un de ses éditeurs, Pierre-André Benoît, dit PAB, « prompt à saisir la force poétique de Char à partir d’une formulation ou d’une métaphore, qu’il retient aussitôt pour en faire un livre minuscule » (p. 334), la prose épistolaire devenant ici l’antichambre de l’œuvre. De même, D. Leclair met en évidence la féconde amitié et la profonde intelligence qui lie Char à Maria Helena Vieira da Silva, au cours de pages (p. 399-410) qui dévoile l’échange régulier et chaleureux de cadeaux, de même qu’une collaboration « à la fois discrète et importante » (p. 405). C’est d’ailleurs à la lumière d’une amitié aussi durable que l’on comprend pourquoi D. Leclair relativise l’importance de l’échange entre Char et Nicolas de Staël (voir p. 337-343), échange fulgurant, centré autour de la préparation d’un livre (des Poèmes de Char illustrés de bois de Staël en 1951), et sans doute plus décisif pour la peinture de l’un que pour la poésie de l’autre. Confrontant Char à ses contemporains peintres et écrivains, le livre de D. Leclair révèle ainsi certains rapprochements pas forcément attendus mais significatifs (avec Gracq par exemple, cité à plusieurs reprises), de même que certaines distances jamais véritablement franchies (comme avec Jaccottet).

Sur le plan intime enfin, D. Leclair nous fait découvrir des pans méconnus de la vie de Char, mais destinés à avoir une profonde résonance dans son œuvre. On sait par exemple combien le motif du plâtre, de la craie ou de la poussière occupe une place importante chez l’auteur du Poème pulvérisé : dès lors, il n’est pas indifférent d’apprendre que Char a longtemps continué d’occuper des responsabilités dans la société des Plâtrières du Vaucluse, créée par son père et qui constitue l’une de ses sources de revenus (p. 376-377) ! Plus profondément, certains textes ou certains cycles poétiques de Char apparaissent électivement liés à une inspiratrice amoureuse — Yvonne Zervos, Tina Jolas ou Anne Reinbold. Mais derrière cette série de muses se dessine une vie sentimentale beaucoup plus complexe, Char cloisonnant soigneusement ses relations et se retrouvant partagé entre des exigences de plus en plus difficilement tenables, dont les tensions nourrissent pourtant son œuvre. Mais s’il est une ombre qui plane sur cette poésie, c’est bien celle de la folie, comme le montre avec force D. Leclair. Dans Retour amont passe ainsi le souvenir de la sœur aînée, Julia, atteinte de troubles mentaux incurables à partir de 1957, que Char entoure d’affection et de soins mais qui meurt l’année même de la parution du recueil, en 1965. Destinée tragique, mais qui ne fait que préfigurer celle de son frère, dont D. Leclair décrit étape par étape la déchéance : aux problèmes cardiaques dont souffre Char (qu’un infarctus, en 1978, laisse considérablement affaibli) s’ajoutent en effet au cours des années 1980 des pathologies cérébrales et mentales. C’est à partir de 1982 que D. Leclair situe l’apparition chez le poète d’une véritable hantise de la folie et de la démence, d’autant plus déchirante que Char est tout à fait conscient de pouvoir perdre pied à tout moment ; en 1985, après un second infarctus, sa santé mentale se dégrade et les phases de démence se multiplient. C’est dans ce contexte que l’élection de la figure de Van Gogh (sous le patronage duquel se place l’un des derniers recueils, Les Voisinages de Van Gogh, paru en 1985 mais écrit pour l’essentiel en 1982-1983), prend tout son sens : comme le montre excellemment D. Leclair, il s’agit d’« une forme de lucidité en même temps qu’un compagnonnage profond dans l’ordre de la souffrance et de la création » (p. 542-543), l’œuvre naissant chez le peintre comme chez le poète d’une lutte épuisante entre la folie et la lucidité.

Un projet biographique et interprétatif

Si le René Char de D. Leclair constitue une entreprise remarquable, c’est non seulement en raison des éclairages qu’il apporte, mais aussi parce qu’il est porté par un projet ambitieux : tenter une biographie intellectuelle de Char en ramenant sa vie à l’horizon de sa poésie. C’est d’ailleurs ce qui fait toute la différence entre cette seconde biographie et la précédente, dans la mesure où le livre de L. Greilsamer n’abordait le texte charien que par la bande, sans le commenter véritablement et en cédant parfois à la pente de l’anecdote ou de la légende (en témoignaient exemplairement les scènes ou les dialogues reconstitués qui ponctuaient l’ouvrage). Adoptant un point de vue radicalement différent, le livre de D. Leclair opère au contraire un constant aller-retour entre la poésie et la vie, comme le suggère l’auteur dans son avant-propos :

« Cet ouvrage prend donc comme point de départ une lecture approfondie de l’œuvre de Char pour remonter vers ses sources, les lieux, les êtres et les lectures qui ont nourri sa poésie. […] Mais ce sera pour revenir vers le poème, avec une nouvelle familiarité. Ce trajet en compagnie du poète et de ses amis, sur les sentiers qu’il a lui-même tant de fois parcourus, se donne en effet pour objectif de favoriser l’accès à l’œuvre d’un être qui a soumis sa vie tout entière aux exigences de la poésie. » (p. 10)

Loin donc de se laisser déborder par un trop-plein biographique et d’occulter les poèmes à travers une « arrière-histoire » que Char lui-même ne concevait d’ailleurs pas sur le modèle d’une anecdote ou d’un sésame, D. Leclair lie harmonieusement le récit d’une vie et le commentaire d’une œuvre, non seulement en s’appuyant sur des sources inédites (témoignages, ou encore correspondances avec des proches comme Tina Jolas, des artistes comme Maria Elena Vieira da Silva, des écrivains comme Jacques Dupin et des éditeurs comme Pierre-André Benoît) mais aussi en enrichissant son propos par de nombreuses références aux études et aux travaux de la critique. Cette volonté de tenir ensemble un cheminement existentiel, un parcours scriptural et un trajet intellectuel conduit D. Leclair à ménager au fil de la chronologie des moments plus spécialement consacrés à la composition d’un recueil, à une lecture fondatrice ou à un échange important. C’est pourquoi chaque chapitre, tout en se consacrant à une période déterminée, se compose de sous-ensembles construits autour d’un interlocuteur privilégié du poète (sur le plan intime et/ou artistique) ou d’un événement marquant (historique comme la Seconde guerre mondiale, individuel comme les problèmes de santé qui ont jalonné la vie de Char) : grâce à cette méthode, le livre de D. Leclair progresse par une série de synthèses souvent précieuses, qui font le point sur les principales étapes de la vie, de l’œuvre et de la formation de Char.

Ce qui fait également la force de ce René Char, c’est le choix d’une ligne directrice qui guide l’ensemble du livre : l’idée selon laquelle Char n’a cessé de régler son existence sur la haute idée qu’il se faisait de la poésie, quitte à en faire payer le prix parfois douloureux à lui-même ainsi qu’à ses proches, compagnons ou compagnes. On pense ici, par exemple, à la relation si particulière qui a uni le poète à Tina Jolas, et qui se place selon D. Leclair « sous le double signe de l’absence et du désir, entre pulsion sadique et fiction littéraire » (p. 371), l’amour inconditionnel de l’une se pliant à la volonté de l’autre. À cet égard, le sous-titre choisi par D. Leclair (« Là où brûle la poésie ») est évocateur, lui qui emprunte un image à un texte de Char sur Rimbaud (« L’action de la justice est éteinte là où brûle, où se tient la poésie, où s’est réchauffé quelques soirs le poète2 ») pour caractériser l’exigence démesurée qui ne cesse d’illuminer et de consumer le poète, partagé dans une tension insoluble entre élection et malédiction – ou entre « pauvreté et privilège », pour reprendre un couple de termes chariens. Et c’est justement parce que Char fait de la poésie un art de vivre, tout autant et sinon plus qu’un art d’écrire, que le projet biographique de D. Leclair (« Relier. Recomposer la toile au milieu de laquelle le poète vit et écrit », comme le dit l’avant-propos p. 12) trouve toute sa légitimité.

Mais au-delà du projet, ce qui retient aussi l’attention dans cette biographie et lui donne une résonance singulièrement attachante, c’est le regard que son auteur pose sur Char. D. Leclair a en effet rencontré le poète, a reçu ses lettres, lui a soumis ses travaux universitaires. De cet atout non négligeable, elle joue cependant avec parcimonie : seules quelques pages de l’avant-propos (p. 9-11) retracent avec chaleur la rencontre du poète, et avec pudeur cette conversation au cours de laquelle le poète évoque la manière dont il voudrait mourir. En choisissant de ne pas mettre en avant cette connaissance personnelle du poète, D. Leclair ne fait pas seulement preuve de discrétion et d’élégance, elle refuse par là même de tirer autorité de sa fréquentation de Char pour légitimer ses commentaires – procédé dont avait abondamment usé Paul Veyne dans René Char en ses poèmes3. Elle refuse surtout la posture de l’hagiographe ou la tentation du légendaire, suivant un mouvement qui la conduit à faire descendre le poète de son piédestal et à envisager les événements de sa vie avec un souci constant de neutralité et d’objectivité : on en verra un signe exemplaire dans le passage où D. Leclair, cherchant à préciser le diagnostic des troubles dont souffre Char à la fin de sa vie, se place dans une optique strictement clinique, articles médicaux à l’appui (p. 540). Mais cette prise de distance, nécessaire sur le plan méthodologique, ne saurait masquer l’évidente sympathie de la biographe pour la souffrance d’un homme de plus en plus isolé à mesure qu’il est devenu un poète célébré et presque officiel, de même que son émotion contenue face à une destinée achevée de manière à la fois « consternante » et « tragique », selon les termes mêmes de Julien Gracq (dans une lettre du 18 mars 1991 à Jean Pénard, citée p. 559).

Au lendemain du centenaire de la naissance de Char et en cette année 2008 où l’on célèbre les vingt ans de la mort du poète, ce René Char. Là où brûle la poésie complète utilement et agréablement, avec un continuum narratif qui lui faisait fatalement défaut, le catalogue de la remarquable exposition René Char à la Bibliothèque nationale de France en 20074 : par la quantité et la qualité des informations ou des témoignages qu’elles apportent, ces deux nouvelles sources marquent une étape décisive dans les études chariennes. Mais D. Leclair nous offre également plus qu’une biographie. Un hommage, tout d’abord : non parce qu’elle commémore un poète officiel figé dans quelques maximes ou dans la posture du héros résistant, mais bien au contraire parce qu’elle révèle un homme et une œuvre fragiles, perméables à leur temps quoiqu’ils cherchent à le dépasser, en perpétuelle remise en question si ce n’est en perpétuelle contradiction. Un livre de découverte ou de redécouverte ensuite, qui sert tout ensemble l’homme et l’œuvre en leur conférant une profonde intelligibilité, là où on reproche parfois au premier un retrait hautain et à la seconde une obscurité volontaire : de sorte que cette biographie de Char constitue sans doute une introduction idéale, vivante et juste, à sa poésie. Une œuvre salutaire enfin, en ce sens que, fondée sur un travail considérable d’analyse des poèmes, de recueil de témoignages et d’enquête dans les correspondances — travail qui se coule discrètement dans un style aussi clair que nuancé — elle peut ainsi prendre la liberté de dire, simplement, la vérité d’une vie.

par Olivier Belin. Publié sur Acta le 3 juillet 2008

Notes :

1 L. Greilsamer, L’Éclair au front. La vie de René Char, Fayard, 2004, 558 p.

2 Char, « Arthur Rimbaud », dans Recherche de la base et du sommet, Œuvres complètes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1995, p. 728.

3 P. Veyne, René Char en ses poèmes, Gallimard, « Tel », 1995 (1ère édition : Gallimard, 1990).

4 Voir Antoine Coron (dir.), René Char, catalogue de l’exposition de la Bibliothèque nationale de France (4 mai-29 juillet 2007), Bibliothèque nationale de France/Gallimard, 2007.

Pour citer cet article : Olivier Belin , "Char. Le temps d’une vie", Acta Fabula, Essais critiques, URL : http://www.fabula.org/revue/document4404.php

L'ange volant de Max Ernst

Judith Benhamou-Huet

Cela ne ressemble pas du tout à une peinture de Max Ernst. Mais de la part d'un artiste surréaliste on peut s'attendre à tout. Cet « Ange volant » en suspens pour l'éternité a été imaginé par le peintre pour la maison du Val-d'Oise de son ami le poète Paul Eluard. Il date de 1923 et Max Ernst avait imaginé dans la demeure située à Eaubonne une suite de fresques néo-pompéiennes dont l'esprit se marie bien avec certains délires surréalistes. Cette huile sur plâtre détachée de son mur originel est estimée 120 000 euros, soit sensiblement moins que la moyenne des oeuvres d'Ernst. Mais cela s'explique : elle tient plus du témoignage historique que du chef-d'oeuvre.

Le 6, Cannes, étude Debussy, 04.93.38.41.47, www.cannes-encheres.com.

Source : http://www.lepoint.fr/actualites_art/l-ange-volant-de-max-ernst/1642/0/257812

"Aragon lu par Walter Benjamin", par François Bon (blog Le Tiers Livre)

Information publiée le jeudi 3 juillet 2008 par Bérenger Boulay

C'est pour le centenaire de Louis Aragon, en 1997, qu'Alain Nicolas et Henriette Zoughebi avaient rassemblé plusieurs auteurs pour un livre paru chez Stock, avec entre autres Michel Chaillou, Bernard Chambaz, Alain Nadaud, Marie NDiaye, Bernard Noël, Jacques Roubaud. François Bon avait choisi de travailler sur Le Paysan de Paris.

La piste choisie, c'est un voyage dans le fabuleux Passagenwerk de Walter Benjamin:

"Aragon lu par Walter Benjamin", par François Bon, blog Le Tiers Livre.

Liens:

- Beaucoup de bibliographies, de présentations d'ouvrages, mais peu de contenus, voir le site Erita (Équipe de Recherche Interdisciplinaire sur Elsa Triolet et Aragon).

- Le Paysan de Paris pour des ateliers d'écriture, en lycée professionnel à Argenteuil : Seuls.

- Voir aussi Brouillons d'écrivains et le dossier Aragon de Cultures France.

- Sur le Passagenwerk de Benjamin, voir le site Other voices.

- Et une balade dans les passages parisiens d'aujourd'hui avec Dominique Hasselmann.

Url de référence :

http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1316

Source : http://www.fabula.org/actualites/article24647.php

L’Algérie et Picasso : Djamila Boupacha, par Picasso

Une surprise agréable au Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger (Mama) à l’occasion d’une remarquable exposition intitulée « Les peintres internationaux et la révolution algérienne ».

La lithographie de Djamila Boupacha par le grand Pablo Picasso. Le dessin a été confectionné la veille du cessez-le-feu (mars 1962) pour sauver de la guillotine Djamila Boupacha. Le dessin au fusain paraît à la une des Lettres françaises du 8 février 1962 et en ouverture du plaidoyer de Simone de Beauvoir et de Gisèle Halimi, publiées chez Gallimard.

Une toile qui, aujourd’hui, est cotée aux enchères publiques à hauteur de 400 millions de dollars, au point que son acheminement depuis la cité phocéenne (Marseille) au musée d’Alger s’est faite sous impressionnante escorte. Au Mama, la toile était vitrée par le système de détecteur à base de température et luminosité. Anti-franquiste et artiste peintre majeur du XXe siècle, l’espagnol Pablo Ruiz Picasso s’était intéressé à l’Algérie au tout début de la révolution de 1954 par toute une série de variations sur les Femmes d’Alger, de Delacroix, lequel exprimait une peinture d’essence coloniale travestissant, de facto, la réelle image de la femme algérienne. Delacroix, artiste du génie militaire et officier des services de renseignements français, peignait, en fait, les prostituées d’une maison close à La Casbah d’Alger. Ce qui a poussé Picasso à rectifier le cours de l’histoire en dénonçant au travers de ses 15 toiles et deux lithographies – qu’il qualifiera lui-même de paraphrases – la souffrance, toute la souffrance des femmes algériennes soumises aux pires gémonies coloniales.

Il a voulu, en outre, témoigner à sa manière son soutien indéfectible à l’émancipation du peuple algérien colonisé en donnant à ces femmes une image de combattantes. Simplement en revisitant l’œuvre de Delacroix et en tendant une oreille attentive aux informations diffusées sur son transistor. Sa série s’achève sur une œuvre monumentale qu’était le supplice de Djamila Boupacha en 1962. A 22 ans, arrêtée le 10 février 1960, accusée d’avoir déposé une bombe qui n’a jamais du reste explosé, Djamila subira des sévices odieux 33 jours durant par des parachutistes déchaînés. Battue à coups de talons qui lui ont cassé plusieurs côtes, piétinée et brûlée au sein, elle subira le supplice de l’électricité et de la baignoire. Et, suprême sacrilège, elle sera violée sauvagement avec un goulot de bouteille de bière.

L’affaire Boupacha éclatera au grand jour et prendra une dimension internationale lorsqu’elle identifiera, au cours de son procès qui eut lieu les 26, 27 et 28 juin 1961 au tribunal de Caen, ses tortionnaires parmi les nombreuses photos de militaires qu’on lui avait montrées. L’affaire prend de l’ampleur avec « le comité de défense pour Djamila » créé par Simone de Beauvoir, femme de lettres française, et Gisele Halimi, avocate et militante féministe d’origine tunisienne. Le comité comprenant des sommités de la littérature et de la philosophie universelle, telles que Louis Aragon, Jean Paul Sartre, Geneviève de Gaulle, Gabriel Marcel… et Germaine Tillion. Simone Veil, en sa qualité de magistrate déléguée au ministère de la Justice d’alors, avait donné le coup de grâce en accédant au vœu du comité de la transférer en France pour lui éviter une mort certaine que ses bourreaux complotaient pour la faire taire à jamais.

Mais comme son procès ne la disculpe pas pour autant, malgré les faits avérés, alors Simone et Gisèle ont eu la lumineuse idée de coéditer un plaidoyer chez Gallimard avec, en prime, la toile de Picasso en couverture. Bingo ! Ce que recherchaient ces femmes l’ont obtenu en ce sens qu’un mouvement international a pris le relais sous forme de manifestations devant les ambassades de France à Tokyo, Washington, et un peu partout à travers le monde pour soutenir la cause de Djamila Boupacha.

Elle sera amnistiée lors de la signature des accords d’Evian en Suisse.Le Cap (Juillet 2008)

Source : http://journal3.net/spip.php?article430

Cent ans d'Enfer [chronique]

par Jérôme Dupuis, François Dufay

Des Onze Mille Verges, d'Apollinaire, à La Vie sexuelle de Catherine M., L'Express a choisi de raconter, durant tout l'été, un siècle de littérature classée «X». Pourquoi tant de grands auteurs ont-ils écrit des ouvrages érotiques? Pourquoi ont-ils presque toujours refusé d'en endosser la paternité? En a-t-on vraiment fini avec la censure? Alors que vient de triompher l'exposition L'Enfer de la Bibliothèque nationale, l'avocat et écrivain Emmanuel Pierrat (1) décrypte l'histoire d'un genre sulfureux.

Comment expliquer le succès de l'exposition sur l'Enfer de la BNF?

Avec la rétrospective consacrée à Cartier-Bresson, c'est celle qui a connu la plus grande affluence dans ces lieux, soit 80 000 visiteurs. Certains jours, il était plus difficile d'y apercevoir une gravure grivoise que La Joconde au Louvre! La dimension sulfureuse y était rendue acceptable par le contexte, très institutionnel. Le cadre officiel désinhibe...

On y a découvert que nombre d'auteurs classiques s'étaient adonnés à la littérature X...

C'est vrai de l'Arétin à Hoffmanstahl, en passant par La Fontaine ou Apollinaire. Réussir un livre érotique constitue la prouesse littéraire par excellence. Il s'agit de sublimer par le style l'acte peut-être le plus animal de l'humanité. Un grand auteur érotique est celui qui, par sa langue, parviendra à emmener son lecteur dans une sexualité qui n'est pas la sienne et à lui mettre le feu aux joues. Ce n'est pas un hasard si certains de ces livres sont nés d'un défi entre gens de lettres.

Par exemple?

En 1833, l'année où il publie Les Caprices de Marianne, un soir de beuverie, le doux Alfred de Musset, qui a le sang vif, fait un pari avec quelques amis: c'est à celui qui, en quarante-huit heures, livrera l'ouvrage le plus cochon. C'est ainsi qu'il écrit Gamiani ou Deux nuits d'excès. C'est également à la suite d'un pari que Maupassant se lance dans A la feuille de rose, maison turque, l'histoire d'un couple de Normands qui confond un bordel avec un hôtel. La pièce ne sera représentée - clandestinement - que deux fois, en 1875, mise en scène par l'auteur, devant un parterre où, au milieu de femmes cachées derrière leurs loups, on reconnaît Tourgueniev, Daudet, Flaubert et les Goncourt, qui en repartiront outrés. Mais la pièce ne sera publiée pour la première fois qu'en 1945.

Pourquoi ces auteurs refusent-ils souvent d'endosser la paternité de leurs textes licencieux?

Rappelons tout de même que Claude Le Petit, poète du xviie siècle, a fini sur le bûcher pour avoir écrit des textes libertins aux dépens de la famille royale! Longtemps, on a risqué le bannissement ou la prison pour ce type d'écrits, même si, contrairement à ce que l'on croit fréquemment, les nombreux séjours de Sade derrière les barreaux avaient pour origine non pas ses oeuvres littéraires, mais des délits de droit commun. Au xxe siècle, les auteurs se cachent souvent pour préserver leur réputation: Pierre Mac Orlan a publié une quinzaine de romans dits «de flagellation», mais sous pseudonyme, ce qui ne l'empêchera donc pas de recevoir la Légion d'honneur. Louis Aragon niera jusqu'à sa mort être l'auteur du Con d'Irène, car ce texte sulfureux semblait peu compatible avec la doxa communiste. Mieux valait mettre en avant Les Yeux d'Elsa...

La littérature érotique vaut-elle avant tout par la transgression qu'elle incarne ou a-t-elle produit des chefs-d'oeuvre?

Dès qu'un livre sulfureux atteint une certaine qualité, comme par miracle, on a tendance à le sortir du ghetto érotique et à le ranger dans la littérature «libertine». C'est le cas pour La Religieuse ou Les Bijoux indiscrets, de Diderot, par exemple. Pourtant, il existe d'innombrables chefs-d'oeuvre du genre, réconciliant désir et littérature: Mémoires d'une chanteuse allemande, dont l'auteur est anonyme, Histoire de l'oeil, de Georges Bataille, et même Les Onze Mille Verges, d'Apollinaire.

Cette littérature a souvent été vendue sous le manteau.

Oui, y compris dans les endroits les plus inattendus. Au début du xviiie siècle, quel était le lieu rassemblant le plus de lettrés disposant d'argent pour acquérir des livres? La cour, bien sûr! Et le parc du château de Versailles était le théâtre de nombreuses ventes sous le manteau, au point qu'un scandale éclata lorsque fut retrouvé un ouvrage licencieux dans la chambre d'une fille de Louis XV. L'un des censeurs royaux de la cour éditait d'ailleurs lui-même des écrits de cette nature à Londres... Mais il faut savoir que l'on continue encore aujourd'hui à vendre des oeuvres sous le manteau: ainsi, des textes assez «chauds» de Léautaud ou de Jouhandeau, que les ayants droit ne tiennent pas particulièrement à voir reproduits, sont diffusés à quelques exemplaires par des bibliophiles avertis. Ces éditeurs perpétuent, à leur manière, la tradition des grands «passeurs» de la littérature érotique, tels qu'ont pu l'être Apollinaire (on lui doit le premier catalogue de l'Enfer de la BN et la célèbre série des Maîtres de l'amour), Pascal Pia, Jean-Jacques Pauvert ou Régine Deforges.

La censure existe-t-elle encore, aujourd'hui?

Depuis 1857, année où Flaubert, pour Madame Bovary, et Baudelaire, pour Les Fleurs du mal, furent poursuivis pour incitation à la débauche, les choses, fort heureusement, ont évolué. Certes, il existe toujours une censure a priori, en vertu de la loi de 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, qui peut interdire l'affichage et l'exposition en librairie de certaines oeuvres, ce qui équivaut à une condamnation de fait. Georges Bataille et William Burroughs ont été victimes de ce dispositif. Mais ces décisions sont de plus en plus rares. En revanche, des ouvrages sont régulièrement poursuivis par des associations après leur publication, pour «message à caractère pornographique». Ce fut le cas d'Il entrerait dans la légende, de Louis Skorecki (éd. Léo Scheer), qui mettait en scène un tueur pédophile, dont l'auteur fut condamné à six mois de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende, avant d'être finalement relaxé en appel. Mais personne n'a jugé bon de poursuivre La Vie sexuelle de Catherine M., par Catherine Millet, qui fut pourtant un immense succès de librairie.

Justement, les livres érotiques font-ils la fortune de leurs auteurs?

Je ne connais que deux véritables best-sellers: Histoire d'O et Emmanuelle. Par le passé, il y eut des succès, mais les éditions pirates pullulaient, dans la mesure où aucun auteur ou éditeur n'allait prendre le risque de revendiquer la paternité de tels ouvrages devant les tribunaux...

Existe-t-il encore des îlots de résistance à cette littérature?

Oui: l'université. On y est encore très frileux. Tel spécialiste de Stendhal, par exemple, n'appréciera que très modérément de se voir rappeler que son grand homme a aussi publié un Traité du viol. L'édition du Journal du voleur, de Jean Genet, en Folio, est ainsi expurgée de quelques passages hard. Pourtant, le même éditeur accueille sur papier bible, en Pléiade, les oeuvres du terrible marquis de Sade...

(1) Emmanuel Pierrat a publié Le Livre des livres érotiques, Chêne, 2007.

Les Onze Mille Verges ou Les Amours d'un hospodar
Guillaume Apollinaire éd. J'AI LU préface de Michel Décaudin 128 pages 2,1 € 13,78 FF

Source : http://livres.lexpress.fr/dossiers.asp?idc=14032&idR=5

Cordialement,Eddie Breuil

dimanche 13 juillet 2008 19:36

semaine_28

expositions, événements

chroniques

[Exposition] La poésie pendant la résistance UNE POÉSIE ENGAGÉE

Des promesses d'avenir

http://www.ladepeche.fr/article/2008/07/11/463759-Expo-L-Escaladieu-donne-la-parole-aux-poetes.html

Featuring [Exposition]

Par Fanny Marie

http://madame.lefigaro.fr/deco/art-et-design/719-cest-arrive-demain

César Domela, un ardent polymatiérisme [exposition à Dunkerque]

Justine Lacoste. Article paru dans l'Humanité daté du 5 juillet

http://www.humanite.fr/2008-07-05_Cultures_Cesar-Domela-un-ardent-polymatierisme

 

« Gavroche, rentrons dans la rue ! » [Spectacle d'après les Misérables et le Théâtre du Séraphin]

http://www.lavoixdunord.fr/Locales/Bethune/actualite/Secteur_Bethune/2008/07/09/article_lever-de-rideau-sur-la-prochaine-saison.shtml

La Nuit Espagnole au Petit Palais de Paris [chronique d'exposition]

REPERES CHRONOLOGIQUES

http://www.cubamatinal.com/Noticia.cfm?NoticiaID=7613

Le marché de l'art français affiche de solides résultats

http://www.lesechos.fr/patrimoine/famille/300279130.htm

[chronique de publication] André Breton, l’éloge de la rencontre

http://www.lemagazine.info/spip.php?article817

L’éloge de la rencontre, selon André Breton  par François Xavier [autre chronique sur le même ouvrage]

D’ailleurs, dans l’atelier d’André Breton – que Julien Gracq qualifie de condensé de l’univers surréaliste tout entier – s’exerce une pratique singulière du regard. Breton, en effet, considère la peinture comme un médium : en cela il renforce et multiplie cet effet magique en se confrontant à cette impression étrange qui émane d’un tableau … Dans cet environnement où le regard est sollicité, la mission du découvreur est ardue mais Breton ne se laisse pas piéger si facilement : "La signification propre d’une œuvre n’est-elle pas, non celle qu’on croit lui donner, mais celle qu’elle est susceptible de prendre par rapport à ce qui l’entoure ?"
http://www.lemague.net/dyn/spip.php?article5039

samedi 19 juillet 2008 23:06

semaine-29

Actualités de la semaine 29

Expositions, spectacles…

Picasso à Antibes
Masson à L’Isle-sur-la-Sorgue
Dali à Bruxelles
Alechinsky au Musée Jenisch
Hans Hartung chez Maeght
Accrochez vous

Publications

Pour un tombeau de Merlin
Jean Cocteau, Le livre blanc

Un château tout neuf pour les Picasso d'Antibes

Béatrice de Rochebouët

Après des travaux de restauration, le Musée Picasso a rénové l'atelier où le peintre travailla après-guerre.

Le 17 septembre 1946, le maître entra au château Grimadi. Son premier geste fut de dessiner trois figures concentriques, Les Clefs d'Antibes, sur le mur de la salle sous les combles qui lui servit d'atelier. Le 10 novembre, il en partit pour retourner à Paris, à l'approche des mauvais jours. L'aventure aura duré deux mois à peine mais, ô combien riche en œuvres : de La Nature morte à la bouteille, à la sole et à l'aiguière, au Nu assis sur fond vert, en passant par La Joie de vivre, gigantesque bacchanale au bord de la mer devenue l'œuvre emblématique du musée.

Trente ans après sa disparition, Picasso retrouve son atelier, dans la grande salle toute blanche du second étage, inaugurée ce soir par la ministre de la Culture, Christine Albanel et le député maire d'Antibes (UMP), Jean Leonetti, avant la journée portes ouvertes au public, dimanche. Après avoir cassé un mur de séparation, celui-ci à le même volume qu'avant pour accueillir le grand triptyque au Ripolin et fusain sur fibrociment du Satyre, faune et centaure au trident.

Face à la mère de toutes les mers

«La rencontre entre l'artiste qui devait, comme aucun autre, marquer son siècle à tout jamais et ce lieu magique posé comme une sentinelle face à la mère de toutes les mers était sans doute écrite», explique Jean-Louis Andral. Ce conservateur (en place depuis 2001) a mené la campagne des travaux de rénovation (2,60 M€ pour l'intérieur du château, 4 M€ pour l'ensemble du projet) et relancé la programmation des expositions : de Malaga à Barcelone, en passant par Munster, Venise, Vienne et le Québec.

Après deux ans de voyage, la collection (environ un millier de pièces issues principalement de la donation Picasso en 1946 et de la dation de Jacqueline Picasso en 2001) reste in situ et pas un seul tableau ne sera prêté pour la grande exposition de la rentrée, à Paris, sur Picasso et ses maîtres.

Après un court passage par la terrasse avec ses Miró, Arman ou Richier trônant sur des mosaïques de galets (calades) reconstitués comme à l'origine, on pénètre dans le musée d'Antibes, après un détour par le sous-sol dédié à Hans Hartung et sa femme Eva Bergman, célébré actuellement à la fondation Maeght (Le Figaro du 15 juillet 2008). L'escalier principal mène à l'étage des collections permanentes (de Staël, Balthus, Soulages et Tapiès) avec une nouvelle circulation plus lisible le long des fenêtres.

L'apothéose est au deuxième étage avec son hommage à Picasso. Ulysse et les sirènes (triptyque de 1947, 360 x 250 cm) regarde enfin la mer bleu marine. Ce lieu de création est devenu lieu de contemplation.

Musée Picasso, château Grimaldi, 06600 Antibes. Tél : 04 92 90 54 20.

Musée Picasso, sous la direction de Jean-Louis Andral, 192 pages, 15 €.

Source :  http://www.lefigaro.fr/culture/2008/07/19/03004-20080719ARTFIG00202-un-chateau-tout-neuf-pour-les-picasso-d-antibes-.php

Chiner à L’Isle-sur-la-Sorgue (exposition André Masson)

vendredi 18 juillet 2008, par Valérie Le Boudec

Collectionneurs et chineurs, vous avez envie de dénichez la perle rare ? C’est à L’Isle-sur-la-Sorgue, capitale de la brocante et des antiquités, qu’il faut aller cet été. Du 14 au 17 août, ce grand rendez-vous des chineurs accueille plus de 200 exposants, associés aux 300 professionnels sédentaires des antiquités, de la brocante et de la décoration.

Nouveauté 2008, l’événement s’ouvre à l’art moderne et contemporain et accueille une exposition d’œuvres sur papier inédites du grand artiste surréaliste français André Masson (1896 -1987), le rebelle du Surréalisme.

Il s’agit d’une série de lithographies en couleur datant des années 1960. Ces estampes de grand format, traitées dans la plus pure veine surréaliste, ont été tirées à Paris dans l’atelier du célèbre graveur parisien Fernand Mourlot. Rappelons que Masson est considéré avec Pablo Picasso comme l’un des grands peintres-graveurs du XXe siècle. L’accès à l’exposition, comme à l’ensemble de la Foire, est gratuit.

Un rendez-vous international

L’Isle sur la Sorgue est la troisième plate-forme européenne du commerce des antiquités, derrière Paris (Saint-Ouen) et Londres. Depuis maintenant plus de 40 ans, la brocante et les antiquités ont façonné ici une atmosphère particulière, que chacun s’attache à retrouver au retour des beaux jours.

Flâner dans la ville c’est également l’occasion d’apprécier et renouer avec un certain art de vivre en Provence, de prendre le temps de se promener sur les bords de Sorgue, au rythme des roues à aube qui tournent aujourd’hui encore au gré du courant.

En pratique 85e Foire internationale Antiquités & Brocante de L’Isle sur la Sorgue Du 14 au 17 août 2008 / Journée marchande le jeudi 14 août. Horaires d’ouverture Parc Gautier : Jeudi de 7 à 19h. Vendredi et samedi de 9 à 19h –Dimanche de 9 à 19h.

Source : http://www.voyage.youvox.fr/Chiner-a-L-Isle-sur-la-Sorgue,0424

200 oeuvres de Dali exposées à Bruxelles (exposition)

Plus de deux cents oeuvres de l'artiste espagnol Salvador Dali sont exposées du 1er juillet au 31 août dans une des anciennes maisons des Ducs de Brabant, sur la Grand Place à Bruxelles, annoncent lundi les organisateurs dans un communiqué.

Parmi les oeuvres exposées, on peut notamment voir de nombreuses sculptures, des anamorphoses (des images qui, se reflétant dans un cylindre, se transforment en une image différente), des gravures ou une bible en latin illustrée de 150 lithographies.     

Salvador Dali, né en 1904 et décédé en 1989, est un peintre, sculpteur et scénariste surréaliste catalan.     

L'exposition est accessible tous les jours de 11h00 à 20h00 au numéro 19 sur la Grand Place de Bruxelles. Le prix est fixé à 7 euros pour les adultes, 5 euros pour les étudiants et les personnes de plus de 65 ans. L'entrée est gratuite pour les moins de douze ans.

Source : http://www.rtlinfo.be/news/article/149548/--200+oeuvres+de+dali+exposees+a+bruxelles

Un Alechinsky au Musée Jenisch

Le Musée Jenisch, en Suisse, peut s'enorgueillir d'un nouveau chef-d'oeuvre: "Les Jours rallongent" du peintre belge Pierre Alechinsky. Don anonyme, le musée veveysan (au bord du lac Léman) le présente en avant-première depuis mardi et jusqu'au 17 août.

La toile est gigantesque, trois mètres sur cinq. Ode à la vie, à la pureté de l'air et de la lumière, la peinture à l'acrylique célèbre le printemps, le réveil de la nature "dans un grand bruissement de couleurs et de courbes voluptueusement organiques", explique le musée. Né à Bruxelles en 1927, Pierre Alechinsky adhère dès 1949 au mouvement CoBrA (Copenhague, Bruxelles, Amsterdam), en rupture avec l'académisme comme avec le surréalisme et prônant un retour à la spontanéité créatrice. Dominique Radrizzani, directeur du musée et spécialiste d'Alechinsky, ne dissimule pas sa joie. "Les Jours rallongent", peint en 1986, est un chef-d'oeuvre du 20e siècle. (NLE)
Source : http://www.levif.be/belga/generale/78-6-57334/un-alechinsky-au-musee-jenisch.html

Accrochez-vous ! (spectacle)

de Sébastien Heurtel, Philippe Fournier. Mise en scène de Marc Avertin

Avec Lupe Velez, Emmanuelle Rivière, Macha Orlova, Vanessa Mikowski, Jean-Philippe Malric

Un spectacle "à cheval" entre un vibrant hommage et une critique féroce du mouvement dadaïste

Petit cours d’Histoire de l’Art : dadaïsme, mouvement intellectuel, littéraire et artistique entre 1916 et 1925, qui prônait la remise en cause des conventions, le rejet de la raison et de la logique. L’action de la pièce se déroule à Zurich, capitale du mouvement dadaïste à partir de 1919. Les quatre personnages, qui partagent un même appartement (davantage un atelier d’artiste), sont tous des artistes "en devenir" : Jane Kalagan (qui réalise une œuvre plastique à base d’épingles à linge et de bouchons en liège, intitulée pompeusement "Accrochez-vous !"), Ulla (actrice suédoise), Molly (danseuse), et Otto Kurtzman (sorte d’artiste maudit, réalise depuis cinq ans un film sur la mort du cinématographe). Une de leur "création" au Cabaret Voltaire a attiré l’attention du commissaire Gerda Tolstoï (représentant la censure et le respect de la bienséance).

A première vue, l’intrigue de cette création inédite peut paraître absurde... Mais c’est justement la trame de fond de la pièce : la période dadaïste use et abuse de l’absurde. Ni la mise en scène, ni l’interprétation des comédiens ne laissent à désirer. Le décor, directement inspiré par des œuvres dadaïste, plonge de suite le spectateur dans un univers visuel décalé et burlesque. Les auteurs ont joué de la dérision, à cheval entre un vibrant hommage et une critique féroce du mouvement dadaïste. Car, même si elle s’en inspire, la pièce n’oublie de mettre en évidence la vanité et la futilité de ce mouvement artistique et de ces personnages d’allumés, qui mangent, boivent, et respirent "dada !" à défaut de pouvoir manger tout court.

Seul regret, une forte perte de rythme au fur et à mesure que l’on avance dans la pièce. Le bouquet final, tant attendu, de ce déploiement d’artifices n’a pas vraiment eu lieu. Accrochez-vous ! (pour de bon !) mérite encore quelques représentations avant d’atteindre son objectif initial. Souhaitons à cette jeune compagnie que le festival le lui permette et que le rendez-vous pris au Théâtre des Variétés du 23 septembre au 31 décembre 2008 à Paris concrétise son ambition.

Par Mélanie LASRY

Source : http://www.theatrotheque.com/web/article1195.html

  La Fondation Maeght accueille Hans Hartung (exposition)

Exposition été 2008,du 3 juillet au 16 novembre

Hans Hartung, le geste et la méthode

La grande exposition d’été de la Fondation Maeght est consacrée à l’œuvre de Hans Hartung. Elle présente plus de 250 œuvres (peintures, dessins et œuvres sur papier) de 1922 à 1989. Cette exposition permet de mesurer la dimension d’une œuvre maîtrisée, ancrée entre le ressort de la spontanéité et la sûreté d’une méthode. Cet événement témoigne aussi du désir d’expérimentation à travers les grands gestes picturaux de l’artiste et de son aptitude à archiver son travail avec passion.

Réalisée à partir de la rencontre entre deux fondations privées et reconnues d’utilité publique, la Fondation Marguerite et Aimé Maeght et la Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman, cette exposition très complète du parcours artistique de Hans Hartung est organisée sur des ensembles cohérents, des propositions convergentes de l’artiste, où apparaissent les méthodes construites du peintre et la force de sa spontanéité. Les liens historiques entre le tout début de l’œuvre et les développements ultérieurs deviennent visibles dans cette présentation : Hans Hartung restera fidèle toute sa vie aux découvertes de sa prime jeunesse. Entre le carnet de notes intimes et les toiles monumentales, l’exposition de la Fondation Maeght permet une appréhension nouvelle et dynamique de l’œuvre.

Cette programmation renvoie aussi à l’histoire de la Fondation Maeght puisqu’en 1971, Hans Hartung y a présenté 64 grands formats réalisés entre 1961 et 1971. Cette exposition a permis l’entrée de deux œuvres de la plus grande qualité dans la collection de la Fondation Maeght et a nourri les relations entre l’artiste et la famille Maeght. En 1973, Hans Hartung s’installe définitivement à Antibes dans une propriété : il a conçu les plans de la maison et des ateliers et entretient son désir déjà ancien de créer une fondation. En 1964 - année de l’inauguration de la Fondation Maeght - Hans Hartung s’exprime à ce sujet : « Les œuvres anciennes m’appartiennent pour la plupart. J’ai eu en effet la chance de les garder, chance que je jugeais malchance à l’époque où je ne vendais rien sauf à quelques amis. Aujourd’hui je ne les vends plus, je les conserve, me disant qu’un jour, peut être, je voudrais les rassembler, faire une fondation, je ne sais sous quelle forme ; en tous cas je ne les laisserai pas se disperser dans le commerce. C’est un bonheur pour un peintre que d’être maître de son œuvre. ».

Cette exposition s’articule ainsi sur l’histoire même de l’artiste, puisque Hans Hartung collectionneur et conservateur de son propre travail a laissé à sa mort, au sein de ce qui allait devenir une fondation, les chefs-d’œuvre qu’il a souhaité réunir et conserver. Cet immense corpus, généreux, impressionnant, est montré dans sa nouvelle actualité comme l’aboutissement d’un désir de maîtrise qui vise un concept globalisant, l’œuvre entre geste et méthode.

Avec la présentation des « Hartung de Hartung », la Fondation Maeght renoue avec les grandes expositions monographiques et magnifie le travail patient de la Fondation Hans Hartung et Anna-Eva Bergman qui s’attache à développer des programmes de recherche autour de cette oeuvre majeure. A cette occasion, la Fondation Maeght offre un rendez-vous exceptionnel au public avec Hans Hartung pour mieux appréhender son travail pictural. Cette exposition se veut un véritable plaisir de peinture : une présentation expressive et érudite, exaltée par la rencontre d’une œuvre forte et d’un lieu rare pour créer un moment d’exception.

Source : http://www.fondation-maeght.com/hartung/index.html

Pour un tombeau de Merlin (publication)

Irène Fabry

Yves Vadé, Pour un tombeau de Merlin. Du barde celte à la poésie moderne, Paris, José Corti, 2008.

Yves Vadé propose dans la collection « Les Essais » de José Corti six études inspirées de plusieurs communications et articles antérieurs. Dans les deux premières parties de l’ouvrage, l’auteur met en regard dans l’imaginaire collectif la figure d’Orphée avec celle de Merlin dont il propose une étude mytho-historique. Il fait le point sur les origines mythiques de Merlin en se référant aux textes celtiques (dans la continuité d’études comme celles de Philippe Walter ou Jean Markale), mais aussi aux figures antiques qui ont pu façonner le personnage, tout en soulignant les limites des rapprochements possibles.

I. « Naissance d’un personnage » propose une synthèse consacrée à Merlin, figure protéenne de devin celtique, sur les traces du barde Myrddin. La mise en scène littéraire de ce personnage mythique problématique et composite, à travers des sources latines qui font émerger un Merlin prophète, devin, enchanteur et conseiller royal, ne fait qu’accroître ses contradictions. La Vita Merlini, revenant à des traditions galloises, en fait un personnage ensauvagé, tandis que dans les textes en français, Merlin, fondateur de la Table Ronde, et couplé à son secrétaire Balise, devient un prophète du graal et de la grandeur arthurienne. Il reste cependant un personnage ambigu, tendu entre le bien et le mal, dont la pérennité est assurée chez Rabelais et dans des textes prophétiques. Les versions dissonantes de sa disparition confortent sa dimension mythique.

II. « Des hommes sauvages et des oiseaux » souligne l’impossibilité à remonter à un prototype qui fournirait la clé du personnage : il renvoie aux figures de Merlin sylvestre ou sauvage (Myrdin Gwyllt) des poèmes gallois, du Lailoken écossais ou du Suibhne irlandais par sa vie érémitique, ses dons prophétiques, son expérience du dénuement et de la folie et son acquisition des secrets de la nature. Merlin présente aussi des analogies avec des figures de la littérature latine comme Sylvanus, Faunus et Picus. Si le personnage se retire dans un "esplumoir", le nom "Merlin" évoque à la fois un oiseau, le Merle blanc de la mythologie celtique, et un outil, comme le "pivert" en grec. Il reste néanmoins un écart entre les dieux celtiques et le personnage que la tradition poétique a doté d’une personnalité propre et dont le succès repose également sur leur instabilité. Merlin appartient aux trois fonctions duméziliennes par sa dimension de prophète magicien, de guerrier et d’homme des bois.

Les parties centrales de l’ouvrage sont à mon avis les plus stimulantes. Celle qui est consacrée à la distinction du lyrisme de type merlinesque et orphique propose une structure de réflexion intéressante (la démarche adoptée manifeste certaines affinités avec les analyses de Nietzsche, dans la Naissance de la tragédie, sur la tension entre le modèle dionysiaque et le modèle apollonien). La comparaison du « fantastique médiéval » et du « merveilleux surréaliste », explore avec hauteur et finesse les recoupements et les divergences à l’œuvre entre ces deux catégories. L’auteur présente le personnage comme référence poétique, de Hugo à Michaux, en passant par Nerval, Lautréamont et les surréalistes.

III. « Merlin versus Orphée » : à la Renaissance, Orphée qui incarne le modèle poétique lié à la connaissances des secrets de nature, à l’action magique et à une forme de sacralité. Il détient la capacité chamanique de voyager dans l’au-delà et entretient comme Merlin une relation privilégiée ave les animaux tout en se présentant comme le gardien de la littérature orale. Les deux vates se distinguent pourtant par des renversements structuraux, dans leur relation à la musique et à la sexualité. Orphée, héros civilisateur, incarne le pouvoir de la parole poétique, il révèle l’harmonie secrète du monde et est capable de la recréer. A l’époque moderne, il inspire la poésie qui révèle les secrets du monde intérieur et inconscient. En fait, Merlin et Orphée incarnent deux voies prises par la poésie depuis la fin du romantisme au-delà de la transformation du rapport au vers. Quand avec Orphée ou Hugo la poésie élève et divinise, Merlin se laisse investir par l’altérité du non humain et le dérèglement des sens au risque de la folie, comme Lautréamont, Rimbaud, André Frénard ou Maurice Blanchard. Alors que le monde orphique implique le détachement par rapport au désordre et rapproche d’un monde idéal et harmonieux, l’expérience poétique moderne est celle de la dissonance. Ces différences s’expriment aussi dans l’ordre de la permanence ou de l’instabilité du sujet énonciateur. Le sujet orphique, maître de lui-même, assoit son lyrisme sur la permanence d’une identité comme Claudel et Valéry, il adhère au monde et à lui-même. Chez Rimbaud, Lautréamont, Breton et Michaux, le moi problématique et la pluralisation du « je », voire l’expérience de la métamorphose renvoient par contre aux contradictions et muances de la figure de Merlin. Le caractère oraculaire et prophétique du sujet lyrique les place dans lignée de ce modèle mythique, de même qu’Antonin Artaud, ou encore Hugo, Nerval, Mallarmé ou Apollinaire, dont la voix résonne aussi d’outre tombe. La présence de Merlin dans la poésie moderne n’est donc pas thématique mais cachée et relève des structures de l’imaginaire : elle est le signe d’une transformation historique, d’un changement de paradigme. La figure d’Orphée ne suffit plus à allégoriser toutes les expressions du lyrisme moderne. Ce serait la conséquence de l’irruption de l’inconscient dans le texte poétique et du recul du platonisme.

IV. « Du fantastique médiéval au merveilleux surréaliste », les frontières du monde merveilleux et du monde réel s’effacent. Merlin est un être d’essence fantastique car son identité est faite d’ambiguïté et sa cohérence est sans cesse remise en question par ses muances. À l’opposé de la littérature réaliste, les surréalistes proposent avec provocation le modèle de la féerie et affirment leur créance dans des phénomènes merveilleux à la limite du spiritisme et du fantastique. Mais alors que Breton situe le merveilleux dans la perspective de l’avenir, même apocalyptique, la féerie médiévale appartient à un temps révolu. Dans les Chants de Maldoror, il n’y a pas d’opposition entre un ici-bas et un ailleurs merveilleux mais une dissémination de celui-ci, de même que dans les récits surréalistes des années 1920.

À partir du constat d’une horreur initiale, (biographique pour Lautréamont, ou expérience de la guerre de 1914-18, pour les surréalistes), ce merveilleux tend à bouleverser le réel, à le détruire, voire à l’abolir, mais chez Lautréamont, le merveilleux ne renvoie à aucune croyance ni à aucun sujet. Or avec Merlin et dans le surréalisme sont alliés prophétisme poétique et combat historique ainsi que prévision d’une catastrophe voire aspiration à la fin du monde. Avec Breton, le poète assure personnellement l’existence du merveilleux subjectif et lyrique. Or il ne s’agit pas d’hallucination mais d’exalter le réel et de réenchanter le monde.

Les deux dernières parties prolongent et mettent en applications ces idées à partir de cas-limites, soutenant l’importance des influences celtiques dans l’œuvre de Breton et dans celle de Michaux, et plaçant ces auteurs dans la "lignée merlinesque". Il ne s’agit pas de sources directes ou de positionnements explicites : c’est dans la démarche globale et l’orientation poétique de ces écrivains que le critique perçoit la marque d’une culture primordiale, en marge des modèles européens dominants, il procède alors à un usage "dilué" des concepts auparavant établis.

V. « André Breton et l’ombre de Merlin » : l’intérêt tardif montré par l’écrivain pour la culture celtique se trouve dans la continuité avec les valeurs poétiques et imaginaires du surréalisme et on en trouve déjà des traces dans ses œuvres antérieures, déjà marquées par l’influence de l’Enchanteur pourrissant d’Apollinaire. La poésie de Breton appartient à la lignée merlinesque avec le même brouillage de la notion de sujet, dont l’autonomie et la place dominante dans la nature sont remises en question. Certains textes de Breton comportent des traits de la nature celtique : la présence immanente de l’au-delà, le caractère primordial de la nuit et la constance des métamorphoses, dans un monde en transformation cyclique. Pour le critique, même si les références aux mythes arthuriens ne sont pas explicites dans les œuvres surréalistes, ils restent latents, « dilués dans une atmosphère celtique généralisée ».

VI. « Henri Michaux dans l’esplumoir » : le poète n’a jamais été particulièrement intéressé par les traditions celtiques, préférant le monde oriental, notamment asiatique, pourtant, il se situe aussi pour l’auteur dans la lignée merlinesque, par les affinités d’un moi instable avec les états non humains, l’ensauvagement, les métamorphoses et l’exploitation d’états seconds. La violence des textes de Michaux est archaïque et ses manifestations dans l’imaginaire recoupent la violence des images des cultes anciens. Le poète se placerait donc en barbare par rapport aux grandes cultures de l’Asie mais aussi par rapport à la culture occidentale qui a longtemps enfoui ses origines et son passé derrière une façade classique.

L’ensemble de l’ouvrage offre une synthèse intéressante des réflexions de l’auteur sur la figure de Merlin en tant que telle et à travers les prolongements qu’il en tire pour l’analyse de la poésie moderne : la démarche comparatiste et les différentes composantes de l’essai permettent de parcourir les textes avec recul, quitte à prendre avec les formes de l’analyse littéraire traditionnelle une certaine liberté.

par Irène Fabry. Publié sur Acta (fabula.org) le 17 juillet 2008

(publication) Le coming-out de Jean Cocteau

par Baptiste Liger

 Publié en 1928, Le Livre blanc était un ouvrage anonyme. Mais personne ne pouvait ignorer qui était l'auteur de ce récit illustré, adevenu depuis un classique de la littérature gay.

Certains textes anonymes camouflent des secrets de Polichinelle. Il en va ainsi d'un mystérieux opuscule, paru en 1928. Tiré à 31 exemplaires, Le Livre blanc s'ouvre sur ces mots: «J'ai toujours aimé le sexe fort, que je trouve légitime d'appeler le beau sexe. Mes malheurs sont venus d'une société qui condamne le rare comme un crime et nous oblige à réformer nos penchants.» Une telle assertion ne manquait pas d'audace à une époque où André Breton écrivait, dans sa Révolution surréaliste: «J'accuse les pédérastes de proposer à la tolérance humaine un déficit moral et mental qui tend à s'ériger en système et à paralyser toutes les entreprises que je respecte.» Mais qui était donc le géniteur du sulfureux Livre blanc? Un indice est fourni par les illustrations montrant de jeunes Adam, nus et musculeux, aux airs de personnages mythologiques, dans des postures naïves ou lascives.

Il n'est pas difficile d'y reconnaître la patte de Jean Cocteau, qui brouillait toutefois les cartes dans la préface de la deuxième édition, en 1930: «Mais, quel que soit le bien que je pense de ce livre - serait-il même de moi - je ne voudrais pas le signer, parce qu'il prendrait forme d'autobiographie et que je me réserve d'écrire la mienne, beaucoup plus singulière encore.» Pourtant, la vie du narrateur du Livre blanc n'est guère éloignée de celle de Cocteau...

Il évoque en effet librement sa découverte de la beauté masculine et confesse, par exemple, la vision qu'il a eue, enfant, d'un jeune commis de ferme dans le plus simple appareil ou d'un splendide élève du lycée Condorcet. Un certain Dargelos... Ce nom est bien connu des lecteurs de Cocteau, puisqu'on retrouve cet éphèbe «à la virilité très au-dessus de la moyenne» dans Les Enfants terribles. Si, dans la réalité, l'adolescent qui servit de modèle à Dargelos multiplia les prix d'excellence, l'écrivain préféra, sur le papier, le transformer en cancre sublime. «Il a fait de Dargelos un canon à la fois inaccessible et violent qui correspondait à son masochisme érotique, précise Claude Arnaud, auteur d'une biographie de référence. Celui-ci représentait cette force brute que Cocteau désirait, car il ne la possédait pas.»

L'auteur de Thomas l'imposteur n'hésita pas non plus à faire de son amant du moment, Jean Desbordes, un personnage de fiction, empruntant également des traits à son grand amour disparu, Raymond Radiguet. En 1927, Cocteau était une vedette du Tout-Paris littéraire. Il s'exila pourtant à Chablis, dans l'Yonne, avec Desbordes, alors âgé de 21 ans. Là-bas, chacun des deux écrivit - un essai poétique intitulé J'adore (qui paraîtra chez Grasset en 1928) pour l' «apprenti», et Le Livre blanc pour le «maître». La silhouette interlope de Maurice Sachs - éditeur du Livre blanc - passe aussi, de temps à autre, dans l'ouvrage...

Parallèlement, Cocteau prit des libertés avec son histoire familiale. Dans Le Livre blanc, le narrateur vit avec son père - aux tendances homosexuelles - après la mort de sa mère. Dans les faits, le père de Cocteau se suicida tandis qu'il n'avait que 9 ans et sa mère vécut jusqu'en 1943. La présence maternelle serait-elle la cause du refus de Cocteau de revendiquer son Livre blanc? «La raison est moins sociale que familiale, analyse Claude Arnaud. Peut-être n'a-t-il pas voulu agresser directement sa mère en assumant ouvertement sa vie homosexuelle.»

Cocteau aurait-il manqué de courage? C'est l'avis de Dominique Fernandez, qui a préfacé l'édition en Livre de poche: «Gide, lui, a assumé de son vivant la publication de Corydon!» Mais Claude Arnaud nuance cette prétendue lâcheté: «Il vivait son homosexualité sans la cacher, avec les codes de l'époque. Outre Le Livre blanc, Cocteau a toujours évoqué le sujet, de manière contournée, par exemple à travers l'inceste.» Selon l'écrivain et cinéaste Alain Fleischer, il faut même voir La Belle et la Bête sous cet angle de l'amour «interdit». «Lorsque, à la fin, Josette Day voit la Bête se transformer en prince, on sent une déception sur son visage. C'était l'anormalité de la Bête qui l'attirait.»

Avec Le Livre blanc, Cocteau a posé un jalon de la littérature gay. Si certaines pages annoncent Jean Genet (citons les deux dernières phrases, dignes des Paravents: «Mais je n'accepte pas qu'on me tolère. Cela blesse mon amour de l'amour et de la liberté»), il a fallu - selon Dominique Fernandez - attendre 1953 avant de retrouver une telle liberté de ton, avec L'Age d'or, de Pierre Herbart. «C'est le premier récit, depuis Le Livre blanc, à évoquer des amours garçonnières sans la moindre précaution morale ni aucune vision pessimiste de l'homosexualité.» Mais la postérité du Livre blanc est parfois là où on ne l'attend pas: lors d'une réédition, en 1983, Patrick Modiano signa une préface enthousiaste à ce livre «charmant et sentimental». Il y a pire «héritier» que l'auteur d'Un pedigree.

Vu par Claude Arnaud *

«Une façon de sortir du placard» Le Livre blanc est un ouvrage à part entière dans l'oeuvre de Cocteau, même si, dans un premier temps, il ne le signe pas. Il a gardé une certaine prudence, mais personne n'a été dupe: c'étaient bien son histoire, son style, etc. Il faut se remettre dans les codes de l'époque, où l'on pouvait vivre son homosexualité sans la cacher, mais sans pouvoir la nommer. S'il n'est pas un texte militant - au sens où on l'entend aujourd'hui - Le Livre blanc ne saurait être vu simplement comme un récit intimiste, mais bel et bien comme une vraie proposition d'affirmation de l'homosexualité. Une façon de sortir du placard, en quelque sorte.» l * Claude Arnaud est l'auteur de Cocteau (Gallimard, 2003) et le lauréat du Femina de l'essai 2006 pour Qui dit je en nous? (Grasset).

Source : http://livres.lexpress.fr/portrait.asp/idC=14054/idR=4/idG=

 (publication) La révolution en littérature

Laurent Jenny   Je suis la révolution - Histoire d’une métaphore (1830-1975)

Belin - Extrême contemporain 2008 /  19 € - 124.45 ffr. / 224 pages

ISBN : 978-2-7011-4774-1, FORMAT : 13 x 21 cm

L'auteur du compte rendu : Arnaud Genon est l’auteur d’une thèse de doctorat (PhD) soutenue à l’Université de Nottingham Trent. Professeur de Lettres Modernes, il est aussi membre du Groupe «Autofiction» ITEM (CNRS-ENS) et auteur, chez l’Harmattan de Hervé Guibert. Vers une esthétique postmoderne (2007).

Entre 1830 et 1975, l’innovation littéraire a toujours été associée à l’idée de Révolution et donc d’émancipation politique. Cette assimilation métaphorique – innovation / révolution – rentrée dans la langue et devenue lieu commun, ne va cependant pas de soi. En effet, comme le note Laurent Jenny dès son introduction, si ce cliché s’est maintenu durant cette période il n’a cependant jamais eu le même sens. C’est donc cette «métaphore ouverte, se rechargeant de connotations toujours nouvelles au fil de l’Histoire» qu’il décide d’interroger et d’explorer.

L’histoire même du mot «révolution», avant qu’il ne soit appliqué à la littérature est déjà d’une «extraordinaire fécondité polysémique» puisqu’il désigne, selon les siècles, l’idée de continuité (la révolution d’une planète) ou celle de «violence et de bouleversement». C’est en 1830, dans un roman satyrique d’Antoine Jay que le mot «révolution», dans le sens de «changement irréversible», est associé à l’expression «République des Lettres». Entre 1822 et 1830, Hugo est un de ceux qui participent à la politisation de la littérature et il deviendra, quelques années plus tard «le principal artisan de la métaphorisation de la littérature en ‘révolution’» alors qu’il n’aura jamais été lui-même, paradoxalement, «un révolutionnaire très audacieux en politique».

Laurent Jenny évoque ensuite les différents auteurs qui ont participé à la fixation du rapport innovation / révolution en littérature. Parmi eux, on trouve bien évidemment Victor Hugo, déjà cité, qui se posera au milieu du XIXe siècle comme «l’agent d’une révolution dans la République des Lettres» à travers notamment sa Réponse à un acte d’accusation. Pour André Breton, autre écrivain envisagé ici, «‘Révolutionnaire’ et ‘surréaliste’ sont […] deux termes synonymes» sans que le mot révolution ait encore, en 1924 et donc au début du surréalisme, de sens bien défini. Cependant, Breton se livrera à un changement «de comparant révolutionnaire» dans l’utilisation qu’il fera de cette métaphore. En troquant «imaginairement 1793 contre 1917», Breton sera passé «du déchirement de l’esprit par sa propre liberté à l’élucidation du désir inconscient».

Le cas de Maurice Blanchot est aussi intéressant car d’abord chroniqueur politique de 1931 à 1937, il passera ensuite «à la pensée de l’œuvre littéraire». Nouant le politique au littéraire et étant venu à l’une (littérature) par dégoût de l’autre (politique), c’est mai 1968 qui constituera pour lui «l’essence de la révolution et celle de la littérature comprise comme une parole sans limite». Jenny évoque ensuite Paulhan qui «s’inscrit dans la filiation de la métaphore hugolienne de la ‘révolution littéraire’», puis se penche sur Roland Barthes et sa «nostalgie de l’écriture révolutionnaire». Dans un premier temps, il n’y aura pas pour Barthes d’écriture révolutionnaire possible, ou tout au moins, sera révolutionnaire «la moins contre-révolutionnaire» des écritures. Ainsi, «l’écriture blanche», «l’écriture neutre» théorisée à partir de L’Etranger de Camus en sera l’exemple. Plus tard, c’est dans la discontinuité et l’inachèvement représentatifs des premiers textes de Guyotat et de Sollers qu’il trouvera les marques de subversion. C’est avec le groupe Tel Quel que s’épuisera finalement la métaphore révolutionnaire.

Cet intéressant parcours, à travers le siècle et demi traversé, révèle de manière rigoureuse les différentes revendications et implications d’une telle métaphore dont le récent abandon signe, selon l’auteur, «une chance de réconciliation avec notre langage».

Arnaud Genon
Source : http://www.parutions.com/index.php?pid=1&rid=1&srid=123&ida=9638

Eddie Breuil
Eddie.Breuil@univ-lyon2.fr

lundi 21 juillet 2008 16:01

Demande de bibliographie

Bonjour,

Je suis étudiante et viens de terminer une licence de lettres modernes et d'histoire des arts à l'université Stendhal de Grenoble. Je commence un master de littérature à la rentrée et j'effectue ma première année à Rome (Erasmus). Je tiens à faire mon mémoire sur une oeuvre écrite du peintre De Chirico, intitulée Hebdomeros. De fait, je suis à la recherche de toute bibliographie susceptible de m'aider dans mes recherches; je vous fais cet appel sous les conseils de mon professeur référent. Je suis interessée par les études critiques ou les articles concernant cette oeuvre. Je vous remercie par avance,

Cordialement, Alexandra Létang alexandraletang@yahoo.fr

lundi 21 juillet 2008 18:21

Re : Demande de bibliographie

Mademoiselle,
Modeste “spécialiste” d'André Pieyre de Mandiargues, je ne peux vous communiquer qu'une fort mince poignée d'informations.
Voici, à ma connaissance, ce qui relie les deux créateurs :

- Un article de 1963 : Le Grand Voyant, repris in Troisième Belvédère ;
- Un poème du 13 mai 1988 : Enigma, paru in “La N.RF”, n°428, recueilli in Gris de perle ;
- Une traduction d'Epode, Ferrare 1917, publiée in De Metaphisica, Suites, n°9, Galerie Krugier & Cie, Genève, mai 1965.
Je serais heureux d'en savoir plus sur votre travail qui s'annonce passionnant. Tenez-moi au courant.
Bien à vous,Dominique Jourdain

mardi 22 juillet 2008 10:32

Re: Demande de bibliographie

Bonjour, Bienvenue sur la liste Mélusine. voici, à chaud:

CHRISTIN-A-M : " Hebdomeros ", théâtre de mémoire; Espaces et chemins, Littérature-. 1987; (65) : pp. 20-36, notes.

CHEFDOR-M : " Hebdomeros " ou l' " inutilite nécessaire "; Mélusine-. 1986; n° 8 : pp. 37-44.

BARUCCO, Pierre :   « Hantises de Giorgio De Chirico », Mélusine, 1992, n° 13, pp. 119-130.

Par ailleurs, Willard Bohn ajoute: Martine Antle, Cultures du surréalisme (2001).

Vos professeurs (c'est leur métier) vous diront comment établir une bibliographie préalable à toute étude. Bien cordialement. HB

mardi 22 juillet 2008 15:56

Re: Demande de bibliographie

Bonjour,
voilà d'autres références bibliographiques:

- Riese Hubert R.: The Fabulous Fiction of Two Surrealist Artists: Giorgio de Chirico and Max Ernst. “New Literary History”, Autumn 1972, IV, n 1, p. 151-166.
- Fagiolo dell’Arco M.: Les Italiens de Paris. De Chirico e gli altri a Paris nel 1930. Milano: Skira, 1998.
- Magon, Irene: "Ebdòmero, Marcello ed Anicet tra visioni metafisiche e surrealiste"
Forum Italicum, (39:2), 2005 Fall, 578-613.
- Bramanti, Vanni: "Il saggio e l'eternita: De Chirico 'romanziere'", Paragone: Rivista Mensile di Arte Figurativa e Letteratura (Florence, Italy), (346), 1978, 69-84.
- Spagnoletti, Giacinto: "Una tappa del surrealismo? De Chirico - Ebdomero",
Lettore di Provincia (Ravenna, Italy), (29-30), 1977, 41-50.
- Cirillo Silvana, Nei dintorni del surrealismo : Alvaro, Buzzati, de Chirico, Delfini, Landolfi, Malerba, Savinio, Zavattini, Roma : Lithos, 2000.
- Matthews John Herbert, « Giorgio de Chirico », in Surrealism and the novel, Ann Arbor : University of Michigan Press, 1966, p. 74-90.

Bien cordialement, Tania Collani

mardi 22 juillet 2008 23:12

Re: Demande de bibliographie

Ou bien je suis totalement déphasé - et dans ce cas, que quelqu'un d' "autorisé" me le fasse savoir -, ou bien je suis sur la même longueur d'onde que Henri Béhar - qui n'a, bien sûr, pas besoin de mon accord ! - et que je me réjouis de revoir à un prochain colloque - pour rappeler avec beaucoup d'à propos que c'est aux professeurs qu'il revient d'apprendre à leurs d' "disciples" comment établir une bibliographie.   Je me souviens d'un de mes maîtres qui disait qu'une consultation de spécialiste - médical - se payait tant, alors qu'on s'imaginait qu'un "spécialiste" de tel ou tel écrivain n'avait que le droit d'être taillable et corvéable à merci. Cela en guise de réponse à je ne sais plus quel thésard qui avait calculé ce que lui avait coûté son opus magnum !   A vous qui vous imaginez qu'à vingt ans vous n'avez qu'à cueillir les fruits des travaux de vos aînés, je rappelle sans acrimonie : "travaillez, prenez de la peine"...   C'est un coup de gueule ? Peut-être... mais je crois être de ceux qui ont donné et qui donneront encore, mais pas à la venvole ! Que ceux qui ont à se plaindre lèvent la main !   Victor MARTIN-SCHMETS
avenue Félicien-Rops, 12/2
B - 5000 - NAMUR (Belgique)

 

jeudi 24 juillet 2008 22:23

Changer la vue

Chers Mélusiens et chères Mélusiennes,je voudrais consulter le catalogue d'une exposition que José Pierre a organisée, en 1986, au Musée de Cahors: Changer la vue. André Breton et la révolution du regard surréaliste. Il semble que seulement la Bibliothèque Kandinsky en possède une copie mais, malheureusement, elle n'offre pas le service de reproduction. Mes recherches dans les catalogues de la BNF et de l'IMEC se sont révélées également infructueuses. J'ai écrit au Musée Henri Martin de Cahors, mais il n'y a pas d'exemplaire de ce catalogue dans la bibliothèque. J'ai contacté plusieurs antiquaires: ils ne connaissent pas ce catalogue. Sauriez-vous me dire à qui je pourrais encore m'adresser?Merci de votre disponibilité. Cordialement,  Lucrezia Mazzei  

 

lundi 28 juillet 2008 00:54

semaine_30 • Cahiers Tristan Tzara, ...

 publicationsexpositions
Sommaire :

La première aventure céleste de Monsieur Antipyrine
Le Cœur à gaz
Pile ou face
La fuite
-Activités centrifuges, Michel Sanouillet
-Une ouverture vers la science, Vasile Maruta
Le théâtre de Tzara dans les publications internationales
Index
Vasile Robciuc Président de l’Association culturelle et littéraire « Tristan Tzara »
Bl. 605400 Moinesti / Roumanie
vasilerobciuccla@yahoo.com

Americas
Ethnography—at http://jsa.asu.edu/index.php/jsathe Table of Contents here, and then to visit our website to review
future issues).
might spread the word about the JSA to your colleagues.
Managing Editorclaudia.mesch@asu.edu

harcoland@gmail.com. »

http://www.france-info.com/spip.php?article163170&theme=81&sous_theme=321

Istanbul10:00 p.m.Joint exhibition through July 31InanKıracFoundationPeraMuseumIstanbulIstanbulTel: 0212 334 99 00

10:00 a.m.-7:00 p.m.12:00 p.m.-6:00 p.m.Concerts and Parties

9:00 p.m.

AnkaraTurkeyElazı_TurkeyAnkaraUniversityMunichGermanyTurkeyIstanbulTechnicalUniversityGermanyUnited StatesTurkeyTurkey9:30 p.m.http://www.turkishdailynews.com.tr/article.php?enewsid=110377

05/07/2008

http://www.elpais.com/articulo/arte/Dada/estrellas/elpepuculbab/20080705elpbabart_4/Tes

http://livres.lexpress.fr/dossiers.asp?idc=14073&idR=4

melusine@mbox.univ-paris3.fr

http://melusine.univ-paris3.fr/

 

 

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