Photographie : vendangeurs à La Louvière en 1922.
En l’an de grâce 1476, la forêt parcourue par des hordes de loups occupait la quasi-totalité de la paroisse de Léognan. Mais, au lieu-dit « La Lobeyra » (La Louvière), l’homme avait défriché une vaste clairière et s’était lancé dans la grande aventure viticole. La production était à cette époque encore réduite, de l’ordre de quelques dizaines de barriques, mais la qualité des vins produits était déjà reconnue. La famille de Guilloche, d’ancienne bourgeoisie anoblie par les charges, présidait alors à la destinée de ces lieux, depuis 1398. Son implication dans la vie politique de la cité bordelaise, au sein du Parlement, fut indéniable et ce pendant plus de deux siècles.
Entre 1510 et 1550, Pierre de Guilloche, puis son fils Jean, se lancèrent dans de vastes opérations foncières : achats, échanges de parcelles se succédèrent. Ces importants remembrements autour de la maison noble de La Louvière, semblable alors à un modeste castel orné de plusieurs tours, furent à l’origine du domaine que nous connaissons aujourd’hui.
En cette première moitié du XVIe siècle, à l’instar de la famille de Guilloche, plusieurs parlementaires bordelais donnèrent naissance aux grands crus actuels. De confession protestante, les de Guilloche endurèrent plusieurs vagues de persécutions dans les années 1572 et leur bien de La Louvière fut, à maintes reprises, mis à sac.
Héritier de la maison de Guilloche, Tobie Andron de Lansac, seigneur de Roquetaillade, vendit la Louvière en 1618 à Arnaud de Gascq, abbé commendataire de l’abbaye de Saint-Ferme.
Mais, incapable de remettre en état cette propriété, ce dernier en fit don le 28 avril 1620 à la Chartreuse Notre-Dame de Miséricorde de Bordeaux. Tous les soucis de restauration du domaine et de son exploitation reposaient désormais sur les moines de la Chartreuse. La grande rigueur de cet ordre religieux et une gestion des plus méticuleuses vinrent rapidement à bout de la plupart des problèmes rencontrés jusqu’alors. La Louvière revivait enfin !
Bénéficiant en ce début du XVIIe siècle d’une conjoncture particulièrement favorable au développement de l’activité viticole, nos religieux apportèrent une attention toute particulière au vignoble. Dans les chais, tonneliers et maîtres de chais ne ménageaient pas leurs efforts et prodiguaient les meilleurs soins aux vins blancs et rouges, très prisés des marchands picards, anglais et flamands. Chaque année, plusieurs dizaines de barriques de vin rouge de La Louvière étaient ainsi embarquées sur des navires en direction de l’Angleterre ; les blancs partaient vers le Nord de l’Europe. Au XVIIIe siècle, les vins produits par les Chartreux étaient parmi « les plus excellents qu’on puisse boire dans tout le royaume ». Maîtres de la Louvière pendant près de deux siècles, les Chartreux en furent dessaisis au moment de la tourmente révolutionnaire.
En novembre 1789, l’Assemblée Nationale confisqua les biens du clergé. Déclaré « Bien national » , le domaine de La Louvière fut mis en vente au printemps 1791. Le vignoble s’étendait alors sur une quarantaine d’hectares. Les enchères furent remportées par un négociant bordelais, Jean-Baptiste Mareilhac. A la tête d’une des maisons de négoce les plus prospères de Bordeaux, Jean-Baptiste connaissait bien La Louvière dont il exportait une partie des vins vers Saint-Pétersbourg. Cette propriété était donc pour lui un très bon investissement.
Mais une seule chose manquait encore à son bonheur : une demeure digne de sa jeune épouse Jeanne-Emilie. Pour cette grande entreprise, il fit appel à un architecte de renom, François Lhôte, ancien élève de Victor Louis, auteur du Grand Théâtre de Bordeaux. La vieille maison et ses vestiges moyenâgeux laissèrent la place à une belle bâtisse dans le plus pur style néo-classique. Pour la décoration intérieure, il sollicita un de ses amis, François-Louis Lonsing, peintre d’origine flamande de grand talent. Celui-ci réalisa les grisailles et les plafonds du salon rotonde sur le thème des amours Psyché. Mais victime d’un empoisonnement dû au maniement de pigments toxiques, cet artiste ne put achever ses travaux et mourut à La Louvière au printemps 1799.
La nouvelle demeure fit l’admiration de tous. En 1946, le site fut inscrit à l’Inventaire des Monuments Historiques et fut classé en 1991.
La famille Mareilhac présida à la destinée du domaine pendant une grande partie du XIXe siècle. Alfred Mareilhac, petit-fils de Jean-Baptiste hissa le vignoble de La Louvière parmi les vignobles les mieux tenus du département et obtint pour ces fabuleux résultats une « médaille d’or » décernée par le Ministère de l’Agriculture en 1869.
En 1911, Alfred Bertrand-Taquet, parisien d’origine, actionnaire de la « Revue Vinicole » acheta le domaine et en assura la gestion jusqu’en 1944. Il fut élu maire de Léognan en 1919 et le resta jusqu’au lendemain de la seconde guerre mondiale. Victime de l’absentéisme de ses propriétaires, la Louvière joua par la suite,les belles endormies pendant plus de quinze ans.
Enfin, en 1965, André Lurton, viticulteur originaire de Grézillac tomba sous les charmes de La Louvière et s’en rendit acquéreur. Les années qui suivirent, virent ce domaine retrouver peu à peu son prestige d’antan… La demeure fut entièrement restaurée et le vignoble reconstitué…
J'aime votre texte,un peu trop compact ,il aurait fallu l'éclaircir pour l'alléger,par des paragraphes ;très intéressant ,cependant;
merci
Delphine