ATELIER D’ÉCRITURE LYON - Les Artisans de la fiction - Formations, cours, stages - Creative Writing http://www.artisansdelafiction.com Atelier d'écriture - Formations à la narration littéraire - Cours de creative writing* Mon, 14 Mar 2022 10:37:00 +0000 fr-FR 1.2 http://www.artisansdelafiction.com http://www.artisansdelafiction.com 1 9 10 2 11 12 https://wordpress.org/?v=5.1.13 http://www.artisansdelafiction.com/wp-content/uploads/2017/05/cropped-fractale-32x32.jpg ATELIER D’ÉCRITURE LYON – Les Artisans de la fiction – Formations, cours, stages – Creative Writing http://www.artisansdelafiction.com 32 32 Éditer des histoires #3: ActuSF http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4826 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4826  "   Combien de manuscrits d’aspirants auteurs ou d’auteurs inconnus recevez-vous quotidiennement, annuellement ?  Combien en retenez-vous ? Nous recevons en moyenne 4 à 500 manuscrits par an. Ce chiffre ne prend en compte que les envois spontanés (pas les auteurs que nous connaissons déjà). Nous en retenons un ou deux les bonnes années… Pour vous, quelle charge de travail représente le « tri » de ces manuscrits ? Difficile à dire. On le fait plutôt par à coups. C’est une grosse charge de travail. On a tendance à s’y pencher lorsqu’on a un moment de calme. Quels sont les plus gros problèmes de ces manuscrits ? Si on enlève les manuscrits qui n’ont rien à voir avec la ligne éditoriale, on a souvent deux soucis : -          Le manque d’originalité. On a encore trop souvent des écoles de sorciers avec un héros orphelin qui a une cicatrice. -          Les soucis de structure de l’intrigue. Quand ils sont trop gros, même s’il y a quelque chose dans l’écriture, on peut être amené à refuser parce que cela représenterait trop de travail éditorial. Quels problèmes d’écriture présentent-ils ? Cela dépend vraiment. La concordance des temps revient assez souvent dans les défauts récurrents… La mauvaise gestion aussi des temps calmes et des temps forts, et des descriptions. Trop de longueurs souvent. Ou alors la volonté de tout expliquer par le menu... Préfèreriez-vous ne plus recevoir de manuscrit du tout, mais par exemple, solliciter des projets auprès de certains auteurs que vous connaissez déjà, voir passer commande à certains auteurs débutants ayant fait leurs preuves via des nouvelles publiées ? On le fait déjà. On a les auteurs que nous suivons comme Sylvie Lainé, Jeanne-A Debats, Isabelle Bauthian, Karim Berrouka ou Jean-Laurent Del Socorro (et plein d’autres), les auteurs avec qui on aimerait travailler et ceux qui aimeraient être publié chez nous pour tel ou tel manuscrit. A cela il faut ajouter les traductions. C’est ce qui explique que l’on ait « si peu de place » pour les nouveaux auteurs, même si on en publie régulièrement. On tient toutefois à laisser ouvert les soumissions. Cela fait aussi partie de notre métier même si c’est compliqué et chronophage à gérer. Parlons de votre ligne éditoriale : depuis son origine,  Actu SF publie essentiellement des auteurs français, quelle est aujourd’hui la part de traductions (et surtout de livres anglo saxons) par rapport aux livres français ? Les traductions se vendent-elles mieux ? Si oui, à quoi cela tient-il ? Disons que sur la quinzaine d’inédits que nous publions chaque année, nous avons un ou deux romans étrangers, parfois inédits, parfois non. Les traductions, sauf grands noms comme George R.R.Martin chez nous, ne se vendent pas mieux que les auteurs français. En tout cas chez nous. Etranger ou français, il faut se battre pour les imposer… Quelles sont pour vous les forces des auteurs de genre français par rapport aux  auteurs anglais ou américains ? Aucune idée ! On s’est longtemps demandé s’il y avait des spécificités francophones mais je serai bien en peine de répondre à cette question. Il y a, c’est certain, des imaginaires différents en fonction du pays dans lequel l’intrigue se situe. New York n’est pas Paris, les distances entre les villages canadiens sont bien plus grandes que pour les villages français etc. Il y a des traditions et des histoires cultures différentes aussi. Mais tous les auteurs français ne situent pas leur romans à Paris et les américains à New York. Les frontières entre les pays en terme d’imaginaire sont désormais poreuses et floues… Chacun porte aussi son histoire culturelle pour mieux y puiser son inspiration ou s'en démarquer... Qu’est ce qui fait un bon livre pour vous, un livre que vous avez envie de dévorer en tant que lecteur/lectrice et de publier en tant qu’éditeur/éditrice ? C’est un avis personnel, mais j’aime les romans qui ont du rythme, avec des personnages forts, et qui m’embarquent tout de suite. Et puis les idées, une excitation intellectuelle qui peut me porter, ainsi qu’un regard sur le monde… En revanche, je suis moins sensible aux romans d’ambiance… Tout cela bien entendu est à prendre avec des pincettes. Parfois les romans nous emportent même s'ils ne correspondent pas a priori à nos goûts personnels... Quelles seraient les qualités d’écriture que vous rêveriez de trouver dans un manuscrit d’auteur inconnu parvenant dans la boite aux lettres de votre maison d’édition ? Une très jolie plume, avec du rythme, peu de longueurs, et un style capable de susciter de belles images et des idées. Avez-vous senti une évolution dans les manuscrits que vous recevez depuis votre lancement ? Non pas forcément, même si je suis toujours épaté par la vitalité des auteurs et les idées que l’on trouve dans certains manuscrits. Quelle est la part de « 1er romans » français de votre offre éditoriale annuelle ? Pourquoi ? Cela dépend des années. En 2018, on n’aura pas de premier roman mais plusieurs "deuxièmes" romans (Isabelle Bauthian, Marie-Catherine Daniel, Alex Evans)… On organise d’ailleurs avec les Indés de l’imaginaire une opération « Les pépites de la fantasy » en février, chacun d’entre nous s’engageant à publier un premier ou un deuxième roman d’un auteur francophone… Les auteurs anglo-saxons sont formés à la narration littéraire, à l’art de raconter des histoires, et ce dès l’école primaire. Est-ce que pour vous, cela produit un formatage dans les livres écrits dans la sphère anglo-américaine ? Ou de meilleurs narrateurs ?S Je n’en suis pas certain. En fait si on a parfois une impression de formatage, il faut aussi s’interroger sur ce qui est traduit en France et ce qui se vend en termes de marché. J’ai le sentiment qu’il y a de moins en moins de formatage parce qu’il faut de plus en plus de romans qui se distinguent… Les éditeurs tentent de plus en plus des « coups » comme Ken Liu au Bélial ou David Walton chez Actusf. Que penseriez-vous de l’idée de proposer en France des formations à la narration littéraire équivalentes à celles dispensées aux étudiants anglo-saxons ? Je ne sais pas s’il faut les copier, mais offrir aux auteurs de quoi travailler sur leur écriture et sur leur imaginaire ne peut être qu’une bonne chose. Pour vous, le succès d’autres formes narratives (les séries télé, les jeux vidéos,… ) fait il perdre des lecteurs ?  Ou, au contraire amènent-elles des lecteurs vers des romans ou genres littéraires dont elle sont souvent inspirées ? Malheureusement il n’y a pas de ruissellement. Le succès d’un Game of Thrones ne fait pas exploser les ventes de fantasy (mais du Trône de Fer, si). Le succès de Star Wars ne fait pas décoller les ventes de la science fiction. Si un succès en série ou au cinéma booste les livres dont ils sont tirés, il ne booste pas le genre dans son ensemble. Mais c’est normal, la difficulté, c’est que tous ces loisirs sont en concurrence les uns avec les autres pour s’approprier le temps libre de chacun d’entre nous. La narration littéraire a-t-elle des cartes à jouer face à ces nouvelles formes de distractions, pour vous ? Lesquelles ? Oui, le livre reste un loisir puissant qui a des qualités et suscite des émotions propres. La question, c’est comment développer la zone d’appétition des lecteurs en leur donnant envie de lire encore et encore. C’est aux auteurs de se poser la question et aux éditeurs. A l’origine de certains grands succès en série, au cinéma ou en jeux vidéos, il y a des livres, ce qui montre bien la puissance des mots. A chacun de bosser, de ciseler ses textes pour les rendre les plus forts possibles. Pensez-vous, qu’aujourd’hui, le problème n’est pas de former plus d’écrivains, mais de former des lecteurs, car il y en a de moins en moins ? Le livre reste la première industrie culturelle en France et les dernières études montrent que les français restent très attachés au livre et continue à en lire. Et puis les auteurs sont souvent des lecteurs… Les principales questions portent sur l’organisation du marché, la surproduction et concurrence des loisirs. La clef de l’équation est quelque part là dedans. Et je trouve qu'avoir beaucoup d'auteurs aspirant à être publié est une bonne chose. C'est un joli signe de vitalité... Jérôme Vincent Directeur éditorial Perfecto, l'agence 100% Culture Directeur des Editions Actusf Tel : 06 13 23 92 68]]> 4826 0 0 0 ]]> ]]> Conseils d'écrivains # 3 : Elmore Leonard http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5579 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5579 5579 0 0 0 ]]> ]]> Jane Smiley : Comment travaillez-vous sur un roman ? http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6201 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6201 "Vous devez comprendre la structure d’une intrigue." Jane Smiley a publié son premier roman, Barn Blind, en 1980. En 1992 son best-seller A Thousand Acres /L’exploitation, basée sur le Roi Lear de Shakespeare, a reçu le prix Pulitzer fiction. Il a été adapté au cinéma sous le titre « Secrets » (avec Michelle Pfeiffer, Jessica Lange et Jennifer Jason Leigh) en 1997. Sa trilogie Nos premiers jours / Nos révolutions / Notre Âge d'or vient d'être publiée en France. Son guide Thirteen Ways of Looking at the Novel (2005) est une réflexion sur l’histoire et la nature du roman, dans la tradition de l’ouvrage de E. M. Forster intitulé Aspects of the Novel, qui s’étend de Le dit du Genji de Murasaki Shikibu, au Japon, au XIe siècle, à la littérature féminine américaine du XXIe siècle. Elle répond aux questions des Artisans de la Fiction concernant sa manière de travailler sur ses romans.   Les Artisans de la Fiction : Comment travaillez-vous sur vos romans ? Jane Smiley : En général, mes idées de départ sont assez précises : j’ai toujours l’un ou l’autre étage de la pyramide qui me vient en premier. Pour ma trilogie « The Last Hundred Years » c’était la complexité. Ou plutôt la complexité associée à l’univers narratif et aux personnages. Les personnages vivent dans un endroit duquel ils vont déménager. L’intrigue est donc liée à l’histoire des lieux qu’ils laissent et qu’ils rejoignent. Pour « A Thousand Acres /L’exploitation » (Pulitzer 1992), je savais que je voulais réécrire « Le Roi Lear ». Donc bien sûr l’intrigue est venue en premier puisque je la reprenais de Shakespeare. Ensuite ce furent les personnages. Je voulais que Goneril et Régane (les filles aînées du roi Lear) soient les personnages principaux, plutôt que Lear lui-même. Pour « Horse heaven/Le paradis des chevaux », c’est l’univers narratif qui m’est apparu en premier. Je voulais écrire sur un champ de courses ou sur l’univers des champs de courses. Et dans cet univers il y a des personnages naturels, des chevaux, des cavaliers. Les différents livres viennent de points de départ différents et me donnent la direction dans laquelle me diriger. [caption id="attachment_6189" align="aligncenter" width="360"] "A thousand acres" Pulitzer 1992), et l'adaptation cinématographique réalisée en 1997.[/caption] Faites-vous un gros travail préparatoire (sur la création des personnages, de la recherche, etc.) avant de vous mettre à l’écriture ?Je fais un vrai travail de préparatoire. Quand je réalise qu’un sujet m’intéresse, je lis sur le sujet, je me rends sur les lieux — ce qui est toujours surprenant —… et il y a un moment où, instinctivement, je sens que j’en sais suffisamment pour me mettre à écrire. [quote align="right" color="#999999"]Je sais que lors de l’écriture, je devrais forcément continuer mon travail de recherche[/quote] Mais je sais aussi que lors de l’écriture, je devrais forcément continuer mon travail de recherche, car plus j’écris plus je prends conscience de ce que je ne sais pas sur le sujet. Par exemple pour « Horse Heaven », j’ai visité des champs de courses, j’ai lu des livres sur le sujet et j’ai interviewé des gens qui avaient l’habitude des courses de chevaux. Une nuit, j’étais dans la cuisine, je me faisais griller un toast et j’ai eu l’idée de la première phrase du roman. Vous pouvez être sûr que j’étais dans ma chambre à écrire bien avant que le toast soit prêt ! C’est l’exemple le plus bizarre de réaction instinctive, ce moment où vous savez que c’est le moment d’y aller, de rédiger. Si vous en savez trop sur un sujet, ça va créer le chaos dans votre tête. Mais il faut quand même en savoir suffisamment pour avoir de la matière pour commencer. Donc il faut commencer avec peu de matériaux et continuer les recherches au fur et à mesure de l’écriture. Qu’est-ce qui est nécessaire pour que vous commenciez votre travail ? Connaitre la fin votre roman ? Non. J’ai besoin de ressentir de la curiosité sur le thème sur lequel je vais écrire. Utilisez-vous beaucoup d’éléments autobiographiques dans vos romans ? Ça dépend des romans. Quand j’écrivais ma trilogie, j’incluais aux personnages fictifs des caractéristiques de personnes que je connaissais dans la vraie vie. Mais les personnages eux-mêmes n’étaient pas inspirés de personnes que je côtoyais. Pour « Horse heaven » c’était un peu différent : aux États Unis, si vous arrivez sur un champ de courses et que vous dites que vous êtes auteur, on va vous étouffer sous les histoires et les anecdotes. Du coup, c’était très rigolo. J’ai beaucoup appris. Chaque histoire qu’on me racontait avait l’air incroyable et pourtant elle était vraie. Celle que j’ai créée moi-même, l’intrigue du livre, est bien plus plausible que toutes les histoires réelles que j’ai entendues ! Nous expliquons souvent à nos étudiants qu’ils doivent étudier les structures des histoires classiques pour comprendre comment elles fonctionnent. Vous qui avez repris Le Roi Lear de Shakespeare, quelle est votre opinion sur le sujet ? La question de la structure rejoint celle de l’intrigue : si vous lisez un polar, vous êtes tenu par le suspens, de twist en twist, jusqu’au climax puis le dénouement. [quote align="right" color="#999999"]L’intrigue c’est la logique du roman. Si votre roman n’a aucune logique, votre lecteur ne pourra pas vous suivre. [/quote] Vous devez comprendre la structure d’une intrigue. Chaque roman a une intrigue. L’intrigue c’est la logique du roman. Si votre roman n’a aucune logique, votre lecteur ne pourra pas vous suivre. L’auteur doit comprendre comment fonctionne une intrigue en général et sa propre intrigue en particulier et la meilleure façon de le faire c’est de lire des romans et d’analyser les intrigues. Je ne sais pas si vous avez lu Tristram Shandy de Laurence Sterne mais c’est un livre qui a une logique interne très forte, même si Sterne lui-même ne connaissait pas la fin avant de l’écrire. C’est ça l’idée : vous devez trouver un moyen de lire et d’apprendre des grands auteurs pour comprendre leurs structures et comment les réutiliser. Est-ce que quelqu’un lit ou relit votre travail pendant vos phases d’écriture ? Mon mari. Je me réveille le matin et avant d’aller au travail je lui lis ce que j’ai écrit la veille à voix haute. Ça m’aide à comprendre le rythme. Donc je lui lis à voix haute, et je vois ses réactions… ou son absence de réaction. Je ne fais lire mon travail à personne d’autre jusqu’à ce que le livre soit terminé. [quote align="right" color="#999999"J’ai de la chance d’écrire des livres, parce que faire un film a l’air tellement compliqué[/quote] Qu’est-ce qui est le plus difficile à écrire pour vous ? Les dialogues ? Les descriptions ? Vraiment ça dépend des livres. J’adore écrire des livres, c’est comme un puzzle. Nous venons de visiter le musée du cinéma à Lyon et ça m’a fait penser que j’ai de la chance d’écrire des livres, parce que faire un film a l’air tellement compliqué. Quels sont les auteurs qui vous ont le plus appris ? Charles Dickens, Shakespeare. Et les livres pour les enfants qui m’ont appris le plaisir de lire des histoires. Ils m’ont aussi appris qu’une même histoire peut avoir différents niveaux de lecture. Et plus on lit plus on comprend ces niveaux. Je relis mes classiques et j’apprends toujours un peu plus. J’ai aussi appris de ces livres que j’étais intéressée par les thèmes plus adultes, les sujets complexes, ambigus. J’ai appris que je n’étais pas très attirée par le suspens, mais plutôt par la psychologie des personnages. Par exemple Troloppe et Proust. Les deux sont intéressés par la psychologie des personnes. Les personnages de Trollope sont toujours ambigus. Quand ils désirent quelque chose, ils savent ce que ça va leur coûter financièrement ou psychologiquement. Je trouve ça passionnant. Puis Trollope est très bon pour créer des personnages complexes. Ce qui n’est pas le cas de Dickens. De Proust, j’ai apprécié sa façon de se dévoiler pour mieux se déguiser, se cacher. J’ai lu plus tard que Proust était gay et que dans La Recherche, la figure de la personne aimée est un personnage masculin. Je trouve ça incroyable d’avoir été si transparent et si secret à la fois. Madame de La Fayette et Marguerite de Navarre m’ont aussi beaucoup appris sur la complexité des personnages. Entretien réalisé durant les Assises Internationales du Roman 2018 Interview : Lionel Tran Transcription & traduction : Julie Fuster Remerciements : Mathilde Walton-Isabelle Vio  ]]> 6201 0 0 0 ]]> ]]> Apprendre à lire pour devenir écrivain - Chigozie Obioma http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6346 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6346 ❝ Avant d'apprendre à écrire j'ai appris à lire comme un écrivain❞ [caption id="attachment_6348" align="aligncenter" width="726"]Chigozie Obioma Chigozie Obioma, interviewé par les Artisans de la Fiction le 21 Janvier 2020[/caption]

Le 21 janvier les Artisans de la fiction et la Villa Gillet recevaient Chigozie Obioma, romancier nigérian, lors d'une masterclass. Son premier roman « Les pêcheurs » est finaliste du Booker prize en 2015 puis traduit en 27 langues. Chigozie Obioma est également professeur de littérature africaine et de creative writing à l’Université Nebraska-Lincoln.

Son nouvel ouvrage « An orchestra of minorities / La prière des oiseaux » vient de sortir. C'est l'occasion pour Les Artisans de la Fiction de l'interroger sur son apprentissage de l’écriture au sein d’un MFA (master of fine arts) américain mais également sur les techniques de narration enseignées à ses propres étudiants.

Ces derniers sont, dans l'ensemble, autant de futurs écrivains que de jeunes élèves désireux de valider leur formation. Son approche se distingue donc entre deux publics distincts. D'un côté ceux qui feront de l’écriture une carrière, de l'autre ceux qui veulent simplement maîtriser les bases de la narration littéraire.  

Comment Chigozie Obioma s'est formé aux techniques de la narration ?

Durant la masterclass, nous avons interrogé Chigozie Obioma sur son parcours de romancier. A cet égard il revient sur les techniques de la narration, acquises aux Etats-unis, pendant sa formation. Cette interview est l'occasion pour les Artisans de la Fiction de mettre en avant le déroulement des ateliers d'écriture américains. Pour l'auteur le creative writing lui a permis de se professionnaliser en tant qu'auteur. De plus, c'est lors de son MFA qu'il a acquis les techniques nécessaires à l'écriture d'un roman. Il revient avec nous sur l'importance de la lecture lorsqu'on veut devenir auteur.  

 

Cette interview vous est proposée grâce à la collaboration de la Villa Gillet et de son équipe notamment Lucie Campos, Mathilde Walton et Léa Danilewski. Nous les remercions pour leur accueil chaleureux. Bien évidemment, cette rencontre n’aurait pas été possible sans Chigozie Obioma et son attachée de presse, Claire de Santos, que nous avons été ravis de rencontrer et que nous remercions également ! Pour en apprendre plus sur le travail de Chigozie Obioma nous vous invitons à regarder la captation vidéo de sa masterclass.

]]>
6346 0 0 0 ]]> ]]>
Masterclass Chigozie Obioma http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6351 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6351 Masterclass: "Les personnages émergent de la trame"

La masterclass de Chigozie Obioma  à la Villa Gillet a été l'occasion pour les Artisans de la Fiction d'aborder de nombreux points avec le romancier. Dans un premier temps il répond aux questions de Lionel Tran, fondateur des Artisans de la fiction, concernant les choix narratifs effectués dans son roman, puis aux questions du public.

[caption id="attachment_6350" align="alignnone" width="723"]Masterclass Chigozie Obioma Lionel Tran, Chigozie Obioma et Constance Robert-Murail, son interprète [/caption]

Malgré son jeune âge, Chigozie Obioma est l'auteur de deux romans ainsi que professeur de creative writing à l’Université Nebraska-Lincoln. Diplômé d'un master of fine arts, il a étudié les rouages de la narration avant de se lancer dans l'écriture. Cet apprentissage lui a permis d'écrire des récits efficaces, prenants. Ce qui explique que son premier livre, « Les pêcheurs » ait été finaliste du Booker prize en 2015. Quelques jours seulement après la sortie de son second roman «La prière des Oiseaux» la Villa Gillet et les Artisans de la fiction ont organisé cette masterclass exceptionnelle. 

Quelles sont les techniques narratives de "La prière des oiseaux" ?

  • Comment choisir un point de vue ?
  • Qu'est-ce que le conflit et comment le créer ? Pour quel effet ?
  • Chigozie Obioma a-t-il été confronté à l'échec dans son parcours ?
  • Comment l'expérience personnelle d'un auteur influe son histoire ?
  • Les personnages sont-ils créés avant ou après la trame ?

 

Autant de questions que se posent tous les apprentis écrivains lorsqu'ils doivent se lancer dans l'écriture de leur roman et dans la création de leurs intrigues. Trouvez des réponses dans cette captation vidéo de la masterclass de Chigozie Obioma. 

Nous vous proposons de profiter de cette rencontre, permise grâce aux efforts combinés de toutes les parties prenantes. De fait nous remercions chaleureusement l'équipe de la Villa Gillet, Claire de Santos et Chigozie Obioma, ainsi que Constance Robert-Murail d'avoir interprété et traduit les propos de l'auteur. 

Si ce contenu vous a plu nous vous invitons à découvrir l'interview de Jane Smiley. Elle y aborde l'importance de la structure de l'intrigue puis développe le concept de pyramide.

 

]]>
6351 0 0 0 ]]> ]]>
Simonetta Greggio - Interview - Récits d'Objets http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7451 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7451 Parole d’auteur - Simonetta Greggio - Récits d’Objets

Les Artisans de la Fiction interrogent Simonetta Greggio, romancière. Dans cette interview, nous revenons sur l’écriture de "L’Ourse qui danse". Il s’agit de son dernier roman publié dans la collection Récits d’Objets du Musée des Confluences.  

Simonetta Greggio interview récits d'objets

La rencontre avec Simonetta Greggio 

Simonetta Greggio est une romancière et traductrice italienne. Après des études au sein de la faculté de lettres de Padoue (Italie) elle s'installe en France. Elle travaille alors comme journaliste durant plusieurs années à Paris.

L'écriture et la littérature font partie de la vie de Simonetta Greggio depuis l'enfance. Elle nous raconte avoir toujours eu l’envie d’écrire. Ses premiers livres édités, parus au début des années 2000, sont des guides touristiques ou culinaires. Sa première fiction, “La douceur des hommes”, est publié en 2005. Depuis, Simonetta Greggio a publié une quinzaine d’ouvrages dont plusieurs ont été récompensés. C’est notamment le cas de “Dolce Vita 1959-1975” finaliste en 2010 du prix Renaudot et du prix Interallié. Elle donne également des cours d’écriture afin de transmettre sa passion et sa technique. 

Son dernier roman,“L’Ourse qui danse”, est paru en août 2020. Il s’inscrit dans la collection Récits d’objets, conçue et propulsée par le Musée des Confluences de Lyon et dont l’objectif est de“raconter l’homme” à partir de ses artefacts : des romanciers expérimentés, comme Simonetta Greggio, sont donc invités à faire de l’un des objets du musée le coeur d’une fiction.

Le 9 octobre 2020, les Artisans de la Fiction ont rencontré Simonetta Greggio dans le cadre du partenariat entre le Musée des Confluences et les Bibliothèques de Lyon. Nous l’avons interrogé sur son travail ainsi que sur son processus d’écriture. Cette interview exclusive de Simonetta Greggio est désormais visible sur notre chaîne youtube

Les points abordés : 

  • Comment Simonetta Greggio s’est formée à l’écriture de fiction ?
  • Quel est son processus d’écriture ?
  • Qu’est-ce qu’une bonne histoire à son sens ?
  • Qu’enseigne-t-elle à ses élèves ?
  • Quels sont les erreurs de débutants les plus fréquentes ?
  • Pourquoi les écoles d’écriture sont importantes et le système français à développer ?

Regarder l'interview de Simonetta Greggio 

 

Pour aller plus loin : 

Nous vous conseillons également de découvrir, ou redécouvrir, le parcours de Pierre Lemaître que nous avons interviewé !    partenariat artisans de la fiction musée des confluences]]>
7451 0 0 0 ]]> ]]>
Pousser plus loin sa passion pour l’écriture http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7589 Tue, 05 Jan 2021 15:17:52 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7589 Pousser plus loin sa passion pour l’écriture Vous êtes passionné(e) d'écriture ? Ecrire vous embarque, vous fait ressentir des sensations d'une intensité incomparable ? Votre entourage ne vous comprend pas, vous n'arrivez pas à partager cette passion pour l'écriture avec eux ? Vous dévorez les livres, et vous rêvez d'en écrire ? La dernière des choses à faire serait de... tout plaquer pour vous jeter dans l'écriture.   passion écriture

Être passionné(e) de littérature et d’écriture 

Depuis l'enfance, vous dévorez des livres. Vous les entassez en pile autour de votre lit. Vous en embarquez des kilos en vacances, par peur d'en manquer. Les livres vous font vivre d'autres expériences, ouvrent votre horizon, vous emportent. Et ce n'est pas tout : la plume, le stylo,  le clavier vous démangent. Vous ad-or-ez écrire ! Chez vous, c'est une passion. Et vous aimeriez ne faire que cela. Mais, hormis les échanges que vous avez avec d'autres passionnés sur les forums d'écriture, votre entourage n'encourage pas vraiment votre passion. Parfois, vous n'avez qu'une envie : claquer la porte au nez de tous ceux et toutes celles qui vous empêchent de vraiment être la personne que vous aimeriez être ! Et claquer la porte de votre travail, car lui non plus ne correspond pas à ce que vous désirez vraiment.  Cela vous réveille la nuit, ça vous remue, vous en êtes obsédé ! Vous vous imaginez déjà caresser vos propres livres dans les rayonnages des bibliothèques et des librairies ! Alors qu'attendez-vous vous pousser plus loin votre passion pour l'écriture ?

Mieux comprendre ce que l’on consomme 

Heu, avant de tout plaquer pour des lendemains radieux, commencez par vous demander : qu'est ce qu'un roman ? Quelles sont les compétences requises pour en construire un ? À quelles règles répond-t-il ? Puis dans un second temps, demandez-vous : comment puis-je me former (vos écrivains préférés se forment depuis l'enfance, et ont suivi des études de narration littéraire dans leur pays) ? Existe-t-il un marché (les livres ne sont pas fabriqués par des lutins, une fois que vous avez fini de les écrire) ? Combien gagne un écrivain (imaginez que tous les écrivains sont millionnaires, comme J.K.Rowling est aussi réaliste que croire que tous les licenciés de football gagnent le même salaire que Ronaldo) ? Tout cela est vertigineux, et guère passionnant : vous ce qui vous plait, c'est cet état magique, dans lequel vous plongent l'écriture et la lecture ! Pas les prises de tête. Admettons que dans un premier temps vous vouliez vous tester et apprendre par vous-même. C'est courageux, risqué. Et vous avez raison : la détermination et la capacité d'apprentissage et de travail sont au cœur de la vocation de tout écrivain.

Ne pas rester passif

La meilleure des choses à faire est donc de prendre le taureau par les cornes… Non, cela ne veut pas dire se jeter sur son stylo, son clavier et noircir des pages, remplir des fichiers sans se retourner, ni se relire. Cela veut dire commencer par extraire de votre bibliothèque un de vos romans préférés et de le relire en vous demandant : comment cela est-t-il fait ? Comment cela fonctionne-t-il ? Si ce roman se rattache à un genre, la question à vous poser sera : quelles sont les règles du genre ? ATTENTION: avant de prétendre dépasser les règles du genre, il faut les connaître, les pratiquer, et les maîtriser. Donc, même si cela vous excite, n'allez pas plus vite que la musique : commencez à apprendre à lire comme un écrivain.

L’illusion du talent 

Oui, il est possible d'apprendre seul en quoi consiste le travail d'un romancier. Et le point de départ de cet apprentissage est le même que pour tout apprentissage : sortir du plaisir immédiat de la lecture ou de l'écriture, pour commencer à étudier l'artisanat de la narration littéraire. Vous ne pourrez pas prétendre écrire quelque chose de lisible sans avoir étudié comment font vos auteurs préférés. Attention : il ne s'agit pas d'être fasciné par la personnalité de tel ou tel écrivain, d'être passionné par les thèmes de ses romans. Il s'agit de se pencher sur son travail d'écriture. Pour devenir apprenti écrivain, vous allez devoir étudier techniquement les œuvres d'autres écrivains. Mais qu'étudier ? Par quel bout commencer ? Afin d'étudier comment fonctionne la narration écrite, vous allez devoir commencer par découvrir les termes techniques, puis par identifier les mêmes techniques dans ce que vous lisez. Notre conseil est de débuter votre apprentissage en lisant des livres de technique. Trouver des ouvrages de techniques de la narration littéraire en français n'est pas toujours évident, mais certains ouvrages anglo-saxons ont été traduits. Vous trouverez également sur notre site de nombreuses ressources (interviews d'auteurs) vous permettant de commencer à acquérir les bases techniques

Se donner les moyens de progresser dans les meilleures conditions

Votre passion est légitime. Mais comme dans tous les champs d'activité, cette passion doit non pas se replier sur elle-même, mais s'ouvrir à l'apprentissage. Vous enfermer dans votre chambre à vous, passer des heures à écrire ce qui vous passe par la tête en vous disant que ça va finir par s'affiner, vous couper de votre entourage et percevoir tous ceux qui s'inquiètent pour vous comme des adversaires ne vous aidera pas. Pas plus qu'exiger de vos proches qu'ils vous applaudissent dès que vous écrivez une page. Apprendre n'est pas une perte de temps. Tous les écrivains que vous aimez ont appris, ont aimé apprendre. Et ceux qui l'ont fait par leurs propres moyens savaient au préalable ce qu'ils devaient apprendre et travailler. Ne vous mettez pas en péril: étudiez le travail à accomplir, entraînez-vous, soyez exigeant. Commencez également par étudier le terrain : renseignez-vous sur le métier d'écrivain (combien gagne un écrivain, pour quelle quantité de travail ?) Cela dissipera beaucoup de fantasmes et d'illusions toxiques.

Vivre de sa passion de l'écriture

Cela veut-il dire qu'il faut renoncer à écrire "parce que c'est trop difficile". Absolument pas. Il faut juste être réaliste, et se donner les moyens de comprendre ce qu'est un roman, de se nourrir des savoirs-faire des écrivains qui nous ont précédés, tout en gagnant sa vie à côté. Si vous souhaitez progresser, il n'y a pas de solution miracle : vous avez le devoir de vous former (attention : il ne s'agit pas d'une formation en accéléré. On ne rattrape pas 12 à 15 ans de formation chez les anglo-saxons en quelques dizaines d'heures). Vous former transformera votre rapport à la lecture et à l'écriture. De la passion, vous passerez à l'amour de la narration écrite, du travail bien fait, et du plaisir de pratiquer l'artisanat de la narration afin de vous adresser à quelques lecteurs ...à qui vous désirez rendre un petit peu du plaisir que vous avez pris en lisant.   ]]>
7589 0 0 0 ]]> ]]>
Baptiste Dericquebourg et le Deuil de la Litterature http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7733 Tue, 02 Mar 2021 09:46:31 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7733 Interview de Baptiste Dericquebourg - Le Deuil de la littérature Les Artisans de la Fiction interviewent Baptiste Dericquebourg, enseignant en littérature et auteur du pamphlet Le Deuil de la littérature. Dans son ouvrage Baptiste Dericquebourg dresse un portrait sombre et cinglant des études de lettres en France. Nous revenons avec lui sur son expérience et sur le regard qu'il porte sur l'apprentissage de l'écriture.  Baptiste Emile Dericquebourg Baptiste Dericquebourg, diplômé de l'ENS, enseigne la littérature en classe prépa. Pourtant en 2020 il publie aux éditions Alia un pamphlet où il dresse le portrait, sombre, des études de lettres en France.

Baptiste Dericquebourg quel a été votre parcours ?

Après une prépa littéraire à Lyon, j’ai étudié quatre années à l’ENS de la rue d’Ulm. D'abord la philosophie, puis les Lettres classiques, ainsi que, pendant un an, le sanskrit à Vienne. Je suis ensuite parti en Grèce. J’enseignais à l’Institut Français d’Athènes. Puis j’ai enseigné en Français, au lycée, au collège, et depuis quelques années en prépa littéraire à Saint-Brieuc.

Quelles étaient vos attentes en tant qu'étudiant en vous inscrivant en Lettres ?

Je crois que j’attendais, assez naïvement, d’accéder à un savoir général et d’ordre supérieur, permettant d’agir. Une formation permettant de devenir un intellectuel. C’était naïf, cette figure est surannée. Mais mes lectures étaient alors largement sartriennes et camusiennes… Aujourd’hui, je dirais toutefois que cette ambition, sur le fond, est celle qui apparaît dans le programme de formation du rhéteur Isocrate. Elle est très banale : accéder à une pensée construite, en se confrontant à des textes, en apprenant à produire et à argumenter, à s’exprimer et bien agir. Elle peut être présente et accompagner bien des études avec des finalités professionnelles différentes, finalement...

Qu'est ce qui vous a poussé à écrire "Le deuil de la littérature" ?

La première version du texte a été écrite au moment du mouvement des GJs. Cet événement politique et le clivage sociologique qu’il a puissamment souligné m’a poussé à reprendre plusieurs fils de réflexion sur la “littérature”, son enseignement, le milieu universitaire. Cela a été comme un moment de cristallisation pour toutes ces réflexions, qui avaient toutefois commencé il y a une quinzaine d’années, dès ma prépa. Il m’a semblé important de proposer une solution à un sentiment assez largement partagé de perte de valeur et d’effacement progressif du sens de ces études qui ne soit pas un rejet total. Parce que tout en étant insatisfait de la manière dont s’organise l’enseignement de, et dont se déploie le discours sur, la littérature, il m’apparaît évident que l’accès au langage est une chose essentielle dans l’existence.

Vous dressez un double constat d'échec des filières universitaire d'enseignement de Lettres et de Philosophie. Pour vous, qu'est ce qui ne fonctionne pas, dans l'enseignement de ces filières ?

J’essaie d’expliquer dans mon essai que les deux disciplines, Philosophie et Littérature, sont d’une part très incertaines d’elles-mêmes et de leur objet (contrairement, par exemple, aux Mathématiques, à la Physique, etc.), et que d’autre part, les filières où elles s’enseignent sont des filières de philologie : on apprend à lire et commenter un corpus à conserver, et éventuellement à manier un peu les langues qui permettent d’accéder à ce corpus. Cet enseignement n’est pas nécessairement un échec s’il est considéré pour ce qu’il est - de la philologie - mais si l’on attend de ces formations davantage que d’être philologue, on se trouve déçu. Du reste, il me semble également que le rapport philologique aux textes limite les capacités de lecture (bien des questions d’interprétation seraient résolues facilement par les étudiants, si on leur donnait un peu de pratique), et perd les “théoriciens de la littérature” dans des problèmes abstraits… Pour proposer un raisonnement par analogie : imagine-t-on former un menuisier simplement par l’observation de meubles en bois, par l’apprentissage de l’intégralité du mobilier de Versailles, et par l’apprentissage d’une procédure à respecter dans l’installation des meubles dans une maison ? Et, allons plus loin, que donnerait une réflexion, dans le cadre de cette formation, sur “l’essence de la menuiserie” ? Je dis cela sans détestation de la philologie : j’aime les textes anciens, mêmes latins et grecs, les lire et les interpréter. Je tenais simplement à souligner que cela ne peut suffire à comprendre les textes, ni à savoir comment se servir du langage.

Pourquoi associez-vous littérature et philosophie dans l'enseignement universitaire français ?

Il me semble que ce que nous pratiquons aujourd’hui sous le nom de philosophie n’a pas d’identité intellectuelle bien nette, avec un objet bien défini, ou une méthodologie claire. C’est un mélange entre deux activités : une activité philologique (étudier un corpus philosophie, d’ailleurs assez baroque…), et une activité rhétorique : produire des exercices argumentatifs sur telle notion ou tel problème. Ce mélange tient par l’utilisation d’un mot, philosophie, qui a désigné beaucoup de choses au cours de l’histoire, qui est lesté d’un prestige un peu désuet, et qui fait plus écran qu’autre chose. Quant aux lettres, à l’enseignement de la littérature, j’ai déjà expliqué qu’elles étaient réduites à la partie “philologie”, avec une pratique de la rhétorique restreinte aux questions méta littéraires (en somme, à l’interrogation des notions utilisées dans cette formation : ce sont les dissertations littéraires, exercice intéressant et formateur si on le prend pour ce qu’il est). Les deux disciplines sont en réalité très proches dans leur méthodologie, et beaucoup d’étudiants hésitent d’ailleurs longtemps entre l’une et l’autre. La séparation me semble de plus en plus artificielle, sans être complètement infondée. J’ai donc proposé de renommer ces activités d’après les catégories antiques correspondantes : philologie (étude et commentaire des textes), et rhétorique (générale, car je n’entends pas par là uniquement l’apprentissage à l’écriture de discours, mais à l’apprentissage, technique donc, et actif, à la production de textes en général).

Vous remettez en question la finalité de ces études : la thèse, que vous qualifiez de "marginalia". En quoi les thèses de littérature n'ont que peu de sens ou d'utilité pour vous ?

La thèse (en philosophie et en littérature) est quasi-exclusivement une activité de commentaire. L’exercice contribue fortement à l’enfermement dans un rapport philologique aux textes, et à la constitution d’un clergé. Avec l’affaiblissement économique des autres professions du livre, ce clergé, aujourd’hui, dispose d’un poids déterminant dans ce qu’est la “vraie littérature”, “la vraie philosophie”, sans pour autant être en mesure d’être productif, inventif. Lorsque l’on finit sa thèse, on a en général une trentaine d’années, et l’on a à peine commencé à vivre autrement que dans la glose... Il y a là une impasse pour la vie des discours, et de la pensée, au sens large. Pour autant, je souhaite préciser que mon discours n’est pas un jugement de valeur sur toutes les thèses, et j’en lis aussi et y trouve des renseignements et des réflexions intéressantes, comme dans une partie des travaux constituant les “marginalia”. La logique de mon texte, qui tient du pamphlet, m’oblige toutefois à un peu de généralité, pour pointer des problèmes de structure, et des problèmes de finalité.

Vous questionnez le terme d'enseignant chercheur en littérature. En quoi n'est-ce pas, pour vous, de la recherche ?

Il y a bien de la recherche philologique dans les facs de lettres : un modèle dans le genre, c’est l’ouvrage de Dolf Oehler, le Spleen contre l’oubli. Mais il me semble que le sens des textes ne constitue pas un objet de recherche ; au fur et à mesure, quand on n’a d’autre objectif de recherche que de rendre compte d’un texte par la production d’un autre texte, appelant un autre texte, etc., plus ce sens se dérobe : le sens dépend largement de l’action et de l’usage que nous pouvons en faire.

Au delà du constat d'échec, vous abordez l'origine du problème : l'abandon de l'enseignement d'une pratique de l'écriture à  l'université à la fin du 19ème siècle. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

S’intéresser à l’enseignement du XIXème siècle conduit à découvrir un monde très différent du nôtre. La pédagogie, sur le modèle antique, est encore largement active, au collège comme au lycée. La finalité de l’enseignement à ces niveaux reste de former des élites (les autres n’y accèdent pas). C'est à dire des gens capables de produire des discours. Les exercices de thèmes, de composition de vers, et de composition rhétorique sont à l’honneur. Je n’idéalise pas cet enseignement, bien sûr. Néanmoins, il est évident qu’il a largement soutenu la créativité littéraire. Ne serait-ce que par réaction, en France, tout au long du siècle et encore au début du XXème. Mais plus l’école s’étend, moins elle se donne comme objectif de former à l’utilisation du discours. On remarque plutôt une tendance à la révérence face au discours ; la formation à la production de discours (j’emploie ce mot au sens le plus large possible) se cantonne dans les formations les plus élitistes. Je propose de lier ce phénomène à la contradiction entre un régime représentatif (où l’exercice du pouvoir par la parole est cantonné, dans les faits, à des groupes sociaux restreints) et à la prétendue “démocratisation” scolaire, plutôt une massification de l’accès à l’écrit, assez éloignée d’une formation à l’usage du discours.

L'enseignement de la pratique de l'écriture a été abandonné, selon vous, à la fin du 19ème siècle. Par quoi a-t-il été remplacé et quelles ont été les conséquences ?

Ce sont les exercices orientés vers la lecture qui l’emportent. Le lien entre lecture et écriture n’est plus fait, et l’écriture devient un activité un peu mystérieuse… 

Quel a été l'impact de cet enseignement de la littérature basé sur l'analyse de textes sur les élèves et les enseignants ?

Les attentes des uns comme des autres deviennent flou. Étudier quelque chose que l’on ne sait pas faire, et dont on n’a que lointainement une idée du plaisir et des bénéfices qu’il pourrait nous apporter, n’aide pas à susciter le désir. Mais comme les gens sentent bien qu’ils en ont besoin, il arrive assez régulièrement qu’ils aillent chercher ailleurs, par d’autres biais, ce savoir-faire : atelier d’écriture, ouverture d’un blog et animation d’un petit groupe, pratique de l’écriture entre amis, chaînes YouTube, etc.

Étonnamment, vous défendez la dissertation. Pourquoi ?

Il faut prendre la dissertation pour ce qu’elle est : un exercice rhétorique, à partir de l’analyse d’une thèse, et sa discussion contradictoire à partir d’exemples. C’est un exercice actif, mais également analytique, qui impose d’apprendre à composer un propos argumenté - donc une bonne propédeutique. Il faut simplement le prendre pour ce qu’il est. D’une manière ou d’une autre, il faut bien apprendre à composer, en suivant des formes ou d’autres. Je pense qu’en fait, la dissertation a mauvaise presse plus en raison de son isolement (peut-être le seul exercice rhétorique survivant) et des prétentions que certains y mettent (comme s’il s’agissait d’une méthode intellectuelle infaillible) que de ses qualités intrinsèques.

Au delà des élèves et des enseignants, pensez-vous que l'abandon des modèles ait également impactés les écrivains français, qui se sont retrouvés "libres d'écrire sans modèles ni outils" autres que ceux qu'ils découvraient en autodidactes ?

J’ai le sentiment que c’est l’une des causes de la place extraordinaire qu’a pris l’autofiction dans le paysage littéraire contemporain : à défaut de s’inscrire dans la transformation d’un genre littéraire, et d’être capable de l’investir de façon créative (parfois révolutionnaire) et de trouver des lecteurs capables grâce à leur propre pratique de l’écriture, de percevoir telle entreprise, on raconte sa vie, plus ou moins fictionnalisée. Les hommages aux auteurs abondent, mais les imitations de techniques sont bien souvent masquées comme telles et souvent inconscientes, et l’obsession de la “sincérité” ou de la “vérité” s’impose partout... 

Pensez-vous que l'on puisse apprendre sans modèles ?

Non, absolument pas.

La rhétorique a cessé d'être enseignée en Lettres et en Philosophie au début du 20ème siècle. Son enseignement a-t-il totalement disparu en France ?

Les classes préparatoires littéraires sont, dans une certaine mesure, des formations rhétoriques qui ne se présentent pas comme telles : on apprend largement à écrire et parler, à travers un exercice, la dissertation, et en l’appliquant à différents objets (histoire, lettres, problèmes généraux (=philosophie)), sans spécialisation de discipline, sauf en deuxième année. C’est l’un des derniers foyers de l’ancien enseignement rhétorique. Pour le reste, il y a beaucoup de formations qui enseignent à produire des discours, et s’apparentent largement à des formations rhétoriques, sans toujours l’avouer : on apprend à composer tel type de textes en école de journalisme, tel autre à Sciences Po, ou l’ENA, etc. Mais on notera que ce sont des formations du supérieur, et à destinations des classes dirigeantes.

Depuis quelques années, nous assistons à la création de Master d'écriture créative. Pensez vous que ces filières parviennent à transformer les filières littéraires ?

Je les connais trop peu pour apporter une réponse catégorique. Ce qui me gêne, c’est qu’à ce niveau (master), on s’adresse déjà à une extrême minorité des gens...

Vous appelez la disparition des filières de Lettres et de Philosophie. Pourquoi ?

En partie par provocation et par la logique de mon pamphlet. Et en partie pour proposer les transformations évoquées plus haut. En réalité, j’appelle à les renommer d’après leur contenu réel : études philologiques. Au moins, on serait au clair sur ce qui s’y pratique. Mais il me semblerait souhaitable que l’enseignement rhétorique sorte de son isolement, et soit dispensée dans de nombreuses formations...

Par quoi devraient-elles être remplacées selon vous ?

 Pour le supérieur, j’ai répondu. Pour le secondaire, qui est le niveau crucial pour la vie d’une nation, par un ensemble cohérent d’heures de lecture, d’heures d’apprentissage de la langue, et d’heures de rhétorique générale.

Le Deuil de la Littérature est féroce. Votre livre a-t-il provoqué des réactions ?

J’ai eu un certain nombre de retours, oui. Beaucoup de rires, apparemment, c’est déjà ça. Ma proposition de pédagogie active n’est pas toujours prise au sérieux, je le regrette, peut-être que le mot n’est toujours pas disponible pour sortir du purgatoire… Mais beaucoup de remerciements d’avoir posé ces problèmes avec courage et franchise. Cela me conforte dans l’idée que poser ces questions de façon à travers un pamphlet était chose utile, voire nécessaire. Toutefois, je dois préciser que j’ai eu de bons professeurs. Bienveillants et attentifs, qui m’ont beaucoup appris au cours de mes études. Je regrette de leur paraître peut-être ingrat par mon texte… mais un pamphlet exige, pour avoir sa force, d’être un peu aveugle et de “tirer dans le tas.”

Une dernière question : techniquement, votre livre doit beaucoup aux modèles littéraires que vous avez étudiés. Comment avez-vous fait pour vous autoriser à digérer ces modèles et à ne pas sombrer dans les "marginalia" ?

Ca a été un long parcours, entre la pratique de l’écriture, le dégoût des bibliothèques et des colloques. Puis la fréquentation des Grecs depuis longtemps, beaucoup de conversations enrichissantes avec mes amis, mais l’éloignement volontaire d’avec le monde universitaire… 

Allez plus loin

Nous remercions Baptiste Dericquebourg pour cette interview.  Nous vous invitons également à consulter les entretiens de Violaine Houdart-Merot pour découvrir un autre point de vue sur les études de lettres en France.]]>
7733 0 0 0 ]]> ]]>
Faut-il avoir du talent pour écrire ? http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7828 Tue, 23 Mar 2021 16:22:29 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7828 Toute personne qui écrit développe un rapport étrange à son écriture. Il y a des jours où on se sent le dernier des nuls, d’autres où l’on a l’impression que les idées ou les mots viennent sans effort. Il y a des jours où l’on se sent doué, voire surdoué, d’autres où l’on se dit qu’on n’est pas “fait pour ça”. Mais y a-t-il des gens “faits” pour l’écriture ? L’écriture nécessite-t-elle du talent ? Que se passe-t-il si l’on n’en pas ? Quel rôle joue le talent dans l'écriture ? En bref, faut-il avoir du talent pour écrire un bon roman ? 

rôle talent écriture

Le rôle du talent dans l’écriture d’un roman ?

On vous rassure tout de suite, le talent n’existe pas ! Il n’y a pas de gène spécial “écriture” ou de gène “inspiration” dont disposeraient certains élus, un peu par hasard. Et d’ailleurs, cela vaut pour tous les domaines artistiques ou artisanaux ! Personne ne naît en sachant faire la cuisine, en étant un pianiste d’exception ou étant un génie de l’aquarelle.

Il existe - peut-être - quelques exceptions, de gens exceptionnels capables de maîtriser totalement un art à l’âge de 5 ans, comme ce fut le cas pour le jeune Mozart et la musique. Mais ils représentent un pourcentage tellement infime de la population. Rapporté au nombre de bons romanciers, ce pourcentage est même trop infime pour être seulement pris en compte ! Si seulement les génies écrivaient de bons romans, il n’y aurait pas grand-chose à vendre dans les librairies.

Mettre l'inné de côté

En mettant l’inné de côté, il ne s’agit pas non plus de nier les prédispositions culturelles. Bien sûr qu’il existe des milieux sociaux, des époques voire des cultures, qui favorisent le sens de l’écriture. Par exemple, un enfant né dans un milieu où l’accès aux livres et à l’écriture est encouragé et valorisé aura plus tendance à avoir un rapport confiant dans ses capacités d’écrivain, qu’un enfant qui n’aura jamais été stimulé dans ce sens ou qui n’aura pas eu accès à une éducation aux livres, aux romans, à la fiction. C'est d'ailleurs ce que l'on appelle "l'acquis" par opposition à ce qui est inné.

Mais une prédisposition culturelle à l’écriture en elle-même ne suffit pas. Il faut l'investir par un goût sincère pour le domaine, par un apprentissage réel et par une pratique régulière. Ce n’est pas parce qu’on a beaucoup lu de romans qu’on sait écrire de bonnes histoires. Tout comme ce n’est pas parce qu’on est fan d’un personnage que l'on sait construire des personnages inoubliables. Avoir une bonne orthographe ou connaître les codes littéraires ne sont pas non plus des prérequis pour écrire une histoire puissante et touchante. 

Avec ou sans prédisposition l’écriture d’un bon roman requiert un apprentissage sérieux, de la pratique, de la patience, de la persévérance, de la régularité, de l’humilité… pas du talent !

Le talent dans l’écriture de roman… c’est de savoir apprendre !

Vous l'aurez compris, nous sommes convaincus que le rôle du talent dans l'écriture est inexistant. Si talent il y a, c’est dans la capacité d’apprentissage. Il est indéniable que certaines personnes apprennent plus vite que d’autres. Soit parce qu’elles comprennent plus rapidement et plus complètement des notions nouvelles. Soit parce qu’elles ont plus de facilité à les mettre en œuvre et à comprendre leurs erreurs. Mais là aussi rassurons-nous tout de suite. La capacité d’apprentissage est un muscle qui se travaille, s’améliore et s’entretient. L’idée principale c’est : plus on apprend, plus c’est facile d’apprendre ! 

Dans nos formations, il est très clair que les élèves qui s’épanouissent le plus sont ceux et celles qui ont régulièrement appris tout au long de leur vie. Et pas seulement dans des domaines associés à la fiction ! Parfois parce que cela leur était nécessaire. Par exemple, un ingénieur informatique doit toujours apprendre les dernières nouveautés techniques de son domaine. Ou parce que cela faisait partie de leur caractère. Peu importe les raisons. Ceux et celles qui ont été amenés à beaucoup apprendre dans leurs vies, sont ceux qui “savent” le mieux apprendre. C’est-à-dire comprendre, faire des rapprochements fertiles et les mettre en application.

Le talent c’est de se former et d’aimer ce qu’on fait !

Et pourtant, nous direz-vous, il existe de nombreux excellents romans écrits par des écrivains ou écrivaines qui n’ont jamais pris de cours de creative writing ! Et c’est tout à fait vrai. Emile Zola ou Haruki Murakami n’ont pas suivi de masters d’écriture et pourtant ils ont écrit de nombreux très bons romans. Est-ce là, la preuve que le talent joue un rôle dans l'écriture ? La question se pose-t-elle différemment pour eux ? Pas du tout !

Tout d’abord, il ne faut pas se laisser flouer par la connotation américaine du mot “creative writing”. Les formations à l’écriture de fiction existent depuis bien plus longtemps que le terme lui-même. D'ailleurs elles ne sont pas forcément américaines. Dès le IVème siècle avant JC, Aristote compilait dans “La Poétique”, des réflexions sur la dramaturgie et l’art de faire vivre des émotions à un spectateur. Plus proche de nous en termes d’époque et de géographie, de nombreux auteurs français du XIXème siècle ont été formés aux techniques de la narration. Notamment grâce à l’étude et à l’imitation des œuvres classiques, grecques, romaines… même si cet apprentissage a - par la suite - été évincé.  L’universitaire Violaine Houdart-Merot revient en détail sur cette idée dans l'entretien qu’elle nous a accordé.

Le rôle de l'inconscient

Et puis il y a l’apprentissage indirect, qu’on peut nommer de “passif” ou “d’inconscient”. En effet, lorsque nous lisons beaucoup de romans ou que nous regardons beaucoup de films, nous intégrons des règles de narration et de dramaturgie sans même nous en rendre compte. Par exemple, il nous paraît évident qu’une histoire ait un début, un milieu et une fin, sans qu’on ait besoin qu’un formateur nous le dise. Quand nous lisons une histoire dans laquelle il manque un début, un milieu ou une fin, nous avons tout de suite l’intuition que quelque chose n’est pas compréhensible, ou n’est pas clair dans cette histoire. Nous savons intuitivement que quelque chose ne va pas… l’étape suivante consiste à repérer le problème et savoir le réparer !

Il est donc possible d’apprendre à écrire un bon roman sans être formé directement… même si cela est toujours plus difficile d’écrire un bon roman “sans faire exprès” qu’en sachant ce qu’on fait et pourquoi on le fait !

Le scénariste Yves Lavandier explique précisément cette notion d’apprentissage intuitif, ses puissances et ses limites dans son interview.

Il est à noter également que dans nos formations, il apparaît que les élèves les plus épanouis sont ceux et celles qui sont les plus assidus mais aussi (et c’est souvent les mêmes !) celles et ceux qui apprennent le plus de manière “inconsciente” parce qu’ils lisent beaucoup de romans, voient beaucoup de films, en parlent, les décortiquent et s’interrogent beaucoup sur la fiction !

En conclusion

La seule prédisposition nécessaire pour toute personne qui souhaite écrire un roman (qu’elle se considère ou non talentueuse) c’est… d’aimer écrire ! Aimer créer des personnages, aimer construire des intrigues, aimer améliorer son texte, aimer le ré-écrire pour l’amener à sa puissance poétique ou émotionnelle maximale… C'est grâce à cela qu'elle pourra progresser et atteindre ses objectifs.

Il peut arriver qu’une personne arrive dans nos formations en n’ayant pas le goût des bonnes histoires, mais qu’elle cherche autre chose : une recette rapide, une façon de quitter son emploi actuel ou de changer de vie. Ces personnes-là, qui cherchent des raccourcis, sont celles qui se démotivent le plus vite. En effet, pour accepter l’effort que demande tout apprentissage, il est nécessaire d’avoir une véritable appétence pour le domaine.

]]>
7828 0 0 0 ]]> ]]>
L'échec et l'apprentissage vont de pair http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7862 Sun, 07 Nov 2021 14:58:21 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7862 APPRENTISSAGE ET SENTIMENT D'ÉCHEC

Avez-vous déjà commencé un texte de fiction - petit ou grand - et ne l’avez jamais terminé ? Question stupide, la réponse est forcément “oui”. Car quiconque s’est déjà essayé à l’écriture s’est forcément confronté à… l’échec. Pour un écrivain, le sentiment d’échec peut prendre mille et une formes. L’angoisse de la page blanche, la peur de se relire, la ré-écriture compulsive sans réel objectif… Pourquoi ce sentiment d’échec est-il si courant en écriture de fiction ? D’où vient-il et qu’en faire ? L'échec est-il toujours inhérent au processus d'apprentissage ?

L’échec dans l'apprentissage de l'écriture : un sentiment normal.

Prenons quelques minutes pour étudier un phénomène bien connu de nos élèves. En arrivant dans nos formations, ou en sortant d’un stage (voire de la première année !), nombreux sont ceux et celles qui pensent avoir une idée claire de ce qu’est l’écriture d’une bonne histoire. Ce sont souvent de grands lecteurs de romans. Parfois ils ont écrit quelques nouvelles et ont été très assidus pendant les séances. Pourtant, en poursuivant leur formation, et en approfondissant leur apprentissage, ils tombent des nues.

“Tiens ? L’écriture de fiction demande AUTANT de techniques et de connaissances ? Les auteurs de fiction réfléchissent et retravaillent AUTANT leurs textes ? Il y a autant de savoir-faire à acquérir ? Autant de ré-écritures à produire pour écrire une bonne histoire ?”

Pour certains cette prise de conscience est motivante car cela donne enfin une explication à la difficulté qu’ils ont rencontrée à l’écriture de leurs premiers textes. Mais parfois, elle est douloureuse voire déprimante. Et dans ces cas là, nos élèves sont les “victimes” d’un phénomène connu sous le nom de “l’effet de Dunning-Kruger”. L'effet Dunning-Kruger nous fait croire que nous connaissons très bien un sujet alors qu’on l’a à peine abordé… et est à l’origine d’un sentiment d’imposteur terrible quand on commence à étudier ce domaine plus en profondeur et qu’on réalise qu’il y a tellement à apprendre !

Mais sachez qu’il a une troisième étape à l’effet de Dunning-Kruger : l’étape où notre compréhension du domaine rejoint, peu à peu, à force d’étude, notre maîtrise du domaine. Il y a donc une vie après le choc !

Les raisons de ce sentiment d’échec : Les idées reçues

Nos sentiments d’échecs sont alimentés par des idées souvent fausses que nous nous faisons sur l’écriture de roman, parfois véhiculées par certains médias par méconnaissance du sujet :  par exemple lorsqu’un romancier ou une romancière est publié pour la première fois, on parle souvent de “premier roman”. Au-delà de l’aspect purement marketing (c’est toujours excitant de faire découvrir de nouveaux auteurs !), cette formulation est trompeuse : elle fait croire qu’il s’agit du premier roman écrit de l’auteur, alors qu’il s’agit de son premier roman publié… Et cette tromperie ne serait pas dramatique si elle ne faisait pas croire à nombre de nos élèves qu’il est facile d’écrire un roman ! Car dans une très vaste majorité des cas, les auteurs de premiers romans publiés ont énormément de romans non-publiés à leurs actifs (sans parler de tous les autres textes de fiction, type nouvelles par exemple, et tous les textes jamais terminés !).

Le “premier roman” d’un écrivain

Prenons l’exemple d’un "premier roman” récent qui a connu un véritable succès aux Etats-Unis et en Angleterre : “Three Women” de Lisa Taddeo. Il s’agit bien du premier livre de l’autrice et l’on peut se demander comment quelqu’un d’aussi peu expérimenté a pu écrire un roman d’un telle puissance et recevoir autant de prix prestigieux. La réponse est simple : Lisa Taddeo ne s’est pas réveillée un jour avec l’idée de son premier roman.

Lorsqu’on regarde la quatrième de couverture, on apprend que les faits relatés dans le livre ont fait l’objet d’une investigation de plusieurs années de la part de l’autrice. Après un master en creative writing, elle s’est d’abord consacrée à une activité de journaliste spécialisée dans ces questions. Ses recherches ont fait l’objet d’articles publiés dans des revues prestigieuses (The Guardian, The New York Times…) ainsi que de nombreuses nouvelles de fiction. Lorsque Lisa Taddeo s’est consacrée à son premier roman : elle n’était pas une autrice débutante, ni en recherches, ni en dramaturgie et encore moins en narration !

Mais si nous ne disposons pas de toutes ces informations, alors on peut rapidement sauter à la conclusion erronée qu’il suffit de s’y mettre (sans technique, sans apprentissage, sans patience) pour y arriver ! Cette idée est séduisante car elle nous fait miroiter la possibilité d’un succès rapide… un fantasme caressé par beaucoup d’entre nous, mais qui est illusoire et à l’origine de sentiments d’échec et de frustration.

Nous vous conseillons donc de regarder de très près les trajectoires professionnelles des écrivains que vous appréciez le plus et vous verrez qu’ils ont passé de très nombreuses années à se former, puis à écrire modestement (des articles, des nouvelles, des petits romans, parfois des échecs commerciaux…), qu’ils n’ont pas tout de suite été publiés et encore moins rémunérés.

L’apprentissage de l’écriture se fait par échecs successifs.

En effet l’apprentissage de l’écriture de fiction prend du temps, beaucoup de temps, comme tout apprentissage d’un domaine qui requiert la maîtrise de nombreux savoir-faire. Si vous voulez en savoir plus sur les raisons précises qui rendent l’apprentissage de l’écriture si long (et des pistes pour vous aider !), sachez que nous avons écrit un article à ce sujet ! 

Comme tout apprentissage, l’écriture de fiction se fait pas-à-pas et d’échec en échec. Il s’agit, bien entendu, d’analyser ces échecs pour comprendre leurs raisons et pouvoir avancer. C’est pour cela que nous croyons autant en l’apprentissage par groupe avec un formateur : déjà parce qu’il est rassurant de voir que nous ne sommes pas seuls à trouver cet apprentissage difficile. Ensuite parce qu’il est plus facile d’apprendre de ses échecs si quelqu’un de plus expérimenté vous guide et vous conseille.

Enfin, grâce au groupe, en écoutant et en lisant les textes des autres, on est sans cesse confrontés à ce qui fonctionne et ce qui fonctionne moins bien dans un texte et sans cesse sollicités pour réparer ce qui ne fonctionne pas encore ! Et tous nos élèves vous le diront : il est mille fois plus simple de corriger le texte de quelqu’un d’autre plutôt que son propre texte, car on est moins aveuglé par son désir et ses propres émotions. A force d’apprendre à réparer les textes des autres, on devient, petit à petit, à même de corriger et améliorer ses propres textes.

L’échec : le moteur d’un écrivain.

Si vous cuisinez régulièrement (comme un chef ou non !), vous le savez : ce n’est pas parce qu’on à l’habitude de faire un plat qu’on le réussit à chaque fois ou qu’on à rien d’autre à apprendre !

Tout travail créatif est un travail qui requiert un apprentissage perpétuel. L’écriture de fiction ne fait pas exception. Il y a mille façons de créer un bon personnage. Mille manières d’écrire un bon dialogue. Et autant  de façons d’écrire un thriller, une romance ou un roman d’aventures… et encore plus de façons de le rater ! 

L’apprentissage et l’échec font partie intégrante de la vie d’un écrivain. Donc le “moment où vous saurez tout faire” n’arrivera pas ! Jamais ! Et ceci est une excellente nouvelle pour tous ceux et celles qui aiment apprendre, tester et améliorer toujours leur écriture car cela signifie que les possibilités sont infinies. 

Apprendre est un processus sans fin

… Et nous ne sommes pas les seuls à le dire ! Nous vous invitons à écouter cette interview de Bernard Werber (l’auteur de “Les Fourmis”, “Les Thanatonautes”…). Il partage la difficulté inhérente au travail d’écriture et à tout travail créatif. Construire un récit qui va plonger des personnes dans une aventure ou des émotions puissantes, c’est forcément se donner un objectif très ambitieux et donc se mettre en difficulté. 

Il est tout à fait acceptable, aussi, de trouver cette perspective éreintante, épuisante, fatigante et décevante. Car oui, cela signifie que le chemin de l’apprentissage est long et tortueux, et tous les écrivains/écrivaines ainsi que tous nos élèves connaissent des vagues de découragement passagères. Si ces vagues de découragement ne sont pas passagères et que vous trouvez que le travail exigé par l’écriture de fiction ne vous convient pas, qu’il n’est pas ce que vous pensiez : et bien ce n’est pas un drame ! Vous ne serez pas le premier ni la première à vous tromper… et si votre ambition première est l’expressivité libre, il existe plein d’autres champs possibles à explorer.

Le sentiment d’échec : une pression aussi venue de l’extérieur

Il n’est pas rare que nos élèves nous témoignent la situation suivante : maintenant qu’ils suivent un cours de creative writing, leurs proches leur demandent régulièrement quand est-ce qu’ils pourront lire leur roman… ou pire, quand est-ce qu’ils pourront le trouver en librairie ! 

Comme si l’intégralité d’un artisanat classique pouvait être comprise, intégrée, digérée en quelques séances et sans pratique ! Cette question est aussi absurde que de demander à un grand débutant en piano quand aura lieu son premier concert alors qu’il n’a suivi que quelques cours !

[quote align="center" color="#999999"]“Je vous conseillerais de vous calmer. Votre but ce n’est pas de publier à tout prix. " Angela Ackerman[/quote]

Des proches mal informés et mal "formés"

Cette pression, mise par un entourage bien intentionné mais mal informé, peut être très difficile à vivre par nos élèves, en particulier si eux-mêmes se flagellent avec les mêmes obsessions.  Mais alors comment faire pour se débarrasser de cette impression ? Quelle est la bonne attitude à adopter ? Nous avons abordé cette question lors de notre entretien avec l’écrivaine et formatrice, Angela Akerman.

“Je vous conseillerais de vous calmer. Votre but ce n’est pas de publier à tout prix. C’est d’écrire un livre qui sera aimé par vos lecteurs. Donc prenez votre temps, travaillez votre technique. Et lorsque vous aurez terminé votre livre, ce sera un très bon livre. Ne vous concentrez pas sur le court terme. Pensez au long terme. Je sais que c’est dur. Avec le temps, vous apprenez à gérer ces échecs, mais quand vous commencez c’est très dur. C’est très frustrant et ça fait beaucoup de mal à votre confiance en vous. Donc n’essayez pas d’accélérer le processus. Parce que vous augmentez vos chances de vous confronter aux échecs et ça ne va pas vous faire du bien. Je conseillerais de prendre votre temps, d’écrire un livre magnifique (…) Prenez votre temps, soyez sérieux.”

Vous l'aurez compris. Que vous décidiez d'apprendre : l'échec fera toujours partie du processus d'apprentissage. Tous les romanciers et toutes les romancières ont du faire face à se sentiment à un moment ou à un autre. D'ailleurs ils sont nombreux à le ressentir encore aujourd'hui. Il est donc tout à fait normal que l'échec soit présent au début de votre apprentissage ... et après !

Si vous avez envie de vous former à l’écriture de fiction et de bénéficier de l’expérience d’un formateur et des retours d’un groupe, notre offre de formation est faite pour vous. Nous proposons un cycle à l’année en trois ans (Artisanat de l’écriture) qui vous initiera à des techniques d’écriture de fiction, de dramaturgie et de narration en passant par la recherche de matériaux intéressants. Nous proposons également des formations plus courtes et donc thématiques, sous forme de stages de cinq jours intensifs.

]]>
7862 0 0 0 ]]> ]]>
Interview Diniz Galhos - publier et devenir une star http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8329 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8329 Interview de Diniz Galhos

"Le succès c'est la pire chose qu'on puisse souhaiter à un jeune auteur"

Dans cette interview Diniz Galhos, traducteur et auteur de polar répond à nos questions. Il nous confie son parcours d'auteur, ses méthodes de travail et ses conseils pour les apprenti.es auteur.es. 

interview Diniz Galhos

À Quais du Polar 2021 nous avons croisé Diniz Galhos. L'occasion pour nous d'interroger un profil hybride, à cheval entre la traduction et l'écriture. En effet Diniz Galhos est à la fois auteur et traducteur. Il a notamment traduit Les Aventures de Bourbon Kid. Cette œuvre n’a pas été signée mais on suppose que Quentin Tarantino l'aurait écrite. Il a également traduit Skagboys, d’Irvine Welsh, et les polars d’Edyr Augusto pour lesquels il a remporté le prix Caméléon de la traduction. 

En 2012 il a publié Gokan, son premier roman, aux éditions Cherche-midi. Il s'agit d'un polar explosif qui se déroule à Tokyo en 2010 et qui fait également référence au fameux réalisateur américain. Quelques années plus tard il publie un second polar : Hakim avec l’éditeur Asphalte.

Dans cette interview, Diniz Galhos nous raconte ses débuts dans le monde de l’écriture, du jour où ses parents lui apprennent qu’écrivain est un véritable métier à celui où il réalise que les auteurs vivent rarement de leur plume. Pour Diniz Galhos il faut faire un choix entre s’orienter vers une carrière commerciale ou faire progresser son art.  

Devenir une star : un mythe

Diniz Galhos GokanNous recevons parfois Aux Artisans de la Fiction des apprenti.es auteur.es qui ne souhaitent pas tant écrire que devenir célèbres après la publication de leur livre. Cette démarche, qui donne difficilement des résultats en raison du travail colossal que nécessite l'écriture d'un roman, est également souvent source de souffrance. En effet, ces jeunes auteurs s'impliquent tellement personnellement dans l'écriture de leur oeuvre que le moindre refus vis à vis de leur manuscrit les remets complètement en question.

Pourtant Diniz Galhos est formel : tous les auteurs reçoivent des refus.

"Si vous avez des refus ne vous inquiétez pas. Tout le monde en a. Tous les auteurs, l'écrasante majorité des auteurs ont des armoires entières pleines de refus; qui blessent, qui font très très mal. Acceptez ça aussi. Il faut accepter d'avoir mal. Et ne baissez pas les bras. Continuez, continuez, continuez."

C'est l'une des réalités du monde de l'édition que Jérôme Vincent et Stéfanie Delestré, éditeurs dans deux maisons d'éditions, nous ont également expliqué en interview. L'édition est avant tout un secteur commercial et les facteurs amenant le refus d'un manuscrit sont nombreux.

"Et ne vous attendez pas à devenir des stars non plus. LE simple fait de trouver un éditeur ou une éditrice qui vous dise "c'est génial, ça va sortir chez nous, il faut que ça sorte chez nous" en soi c'est une récompense. Le fait d'avoir son bouquin imprimé dans les mains est une récompense. Les ventes, le succès, la gloriole c'est accessoire."

Mais pour Diniz Galhos, le succès n'est pas seulement accéssoire. C'est également la pire chose que l'on puisse souhaiter à un jeune auteur.

VIDEO EMBED

]]>
8329 0 0 0 ]]> ]]>
Conseils d'éditeurs pour écrire un roman http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8360 Tue, 28 Sep 2021 11:00:35 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8360 Les meilleurs conseils d'éditeurs pour écrire un roman

Peu sollicités, les éditeurs ont pourtant de nombreux conseils à transmetter à celles et ceux qui souhaitent écrire un roman. Les éditeurs ne sont pas seulement les juges sans pitié qui choisissent quel récit mérite ou non la publication. Ils regorgent de conseils pratiques pour permettre aux débutants de s'améliorer.

[caption id="attachment_8362" align="alignnone" width="590"]Conseil éditeurs romans Stéfanie Delestré, Sabine Wespieser et Jérôme Vincent[/caption]

Les éditeurs : une mine d’information 

À l’image des romanciers et des romancières, les éditeurs connaissent bien, parfois même mieux, le monde du livre. En particulier en ce qui concerne les éditeurs spécialisés dans un genre, comme Stéfanie Delestré et le polar où Jérôme Vincent et la science-fiction. Ils ont également l’avantage d’occuper une position en surplomb. Contrairement aux auteurs, les éditeurs ont du recul sur l’actualité du livre. Ils connaissent pratiques de leur lectorat, leurs atteintes et l’évolution de toute la sphère littéraire.

En effet, le travail de l’éditeur consiste à dénicher de bonnes histoires, racontées par des voix singulières, parmi les milliers de manuscrits qu’on leur transmet tous les ans. De plus, les éditeurs suivent quotidiennement le travail des auteurs qu’ils publient. Ils savent repérer les principaux défauts d’un texte et comment rendre une histoire palpitante. Pourtant les éditeurs ont assez peu la parole. Alors qu’ils sont de véritables mines d’informations.

Tâchons d’y remédier ! 

Apprendre des éditeurs de roman 

Que vous souhaitez un jour être publié.e ou que vous soyez simplement curieux.se des coulisses de l’édition, vous apprendrez forcément des conseils donnés par les éditeurs de roman. C'est aussi l'occasion de mieux comprendre la relation complexe qui unie l'auteur et son éditeur. Comment se déroule le travail une fois le manuscrit sélectionné.

Les conseils de Stéfanie Delestré - Gallimard, Série Noire 

Interviewée à Quais du Polar 2021 Stéfanie Delestré est directrice de la collection Série Noire.

Son conseil ? “Ecrivez à la machine à écrire”. 

Les conseils de Jérôme Vincent - Actu SF

La maison d’édition Actu SF est spécialisée dans les récits de l’imaginaire. Jérôme Vincent, son fondateur, nous explique pourquoi la boîte à manuscrit est fermée depuis 2020.

Son conseil : Bien choisir sa maison d’édition et ne pas envoyer vos manuscrits n’importe où. 

Les conseils de Sabine Wespieser - Maison d'édition Wespieser

La maison d'édition de Sabine Wespieser existe depuis 2001 et accueille 130 oeuvres issues du monde entier.

Son conseil : lire, toujours lire.

Découvrir quelques maisons d’édition 

Frédérick Houdaer - Le fonctionnement d’une maison d’édition 

Nathalie Démoulin - Les éditions du Rouergue Noir : La sélection des manuscrits

Eric Marcelin et Simon Pinel - Les éditions Critic 

Jérôme Vincent - Les éditions ActuSF 

André François Ruaud - Les Moutons Électriques 

Louise Alain - Les éditions ALire 

]]>
8360 0 0 0 ]]> ]]>
Lire Anatomie du scénario pour écrire un roman http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8462 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8462 « L’Anatomie du scénario » est un grand classique des manuels de creative writing. On le retrouve dans toutes les bibliographies sur le sujet, aux côtés de Robert McKee, Dana Marks et autres très grands noms de l’écriture de scénarios. Et comme tous les grands classiques, il entraîne avec lui son flot d’incompréhensions, fantasmes et idées préconçues. Faut-il lire « L'Anatomie du scénario » pour écrire un roman ? La réponse courte est « oui, bien entendu » ! Mais en quoi est-ce utile pour un romancier… et suivre une méthode, n’est-ce pas un peu dangereux ? 

Anatomie du scénario écrire roman

Les apports de "L'Anatomie du Scénario" pour écrire un roman ? 

Dans la grande famille des manuels de creative writing, « L’Anatomie du scénario » est très loin d’être l’ouvrage le plus désagréable à lire. Grâce à ses nombreuses masterclass, John Truby est un habitué de la pédagogie. Il emploie une langue simple, ses explications sont limpides et les exemples extrêmement précis. Il se concentre en particulier sur  les films « Casablanca » et « Tootsie » - qu’il analyse sous différents prismes -, mais n’hésite pas à multiplier les exemples et à aller piocher dans des histoires plus classiques voire dans des exemples non américains (« Un prophète », « Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain »…).  

Alors oui, les exemples sont majoritairement issus du monde du cinéma et de la télévision, mais cela reste très précieux pour les romanciers et romancières qui sont - comme les scénaristes - des créateurs d’histoires. 

Et, bien entendu, il ne sera pas question d’outils de la narration littéraire (à part un chapitre très éclairant sur le dialogue). Mais vous ne trouverez pas non plus de points techniques directement liés au cinéma ou aux techniques de prises de vue. 

Non, ce qui intéresse Truby ce sont ces deux questions :

  1. Qu’est-ce qu’une bonne histoire ?
  2. Comment bien la raconter ? 

Raconter de bonnes histoires

Pour cela, il développe et analyse en profondeur les bases techniques de la dramaturgie et propose des méthodologies pour mettre en œuvre chacune de ces bases.

Chaque chapitre se termine par de longs passages de « questions/réponses », volontairement naïfs mais toujours intéressants, qui permettent d’aborder à nouveau les points traités d’une manière encore plus vivante. Cela permet à Truby de proposer de nouvelles méthodologies, de développer de nouveaux exemples… bref, d’approfondir son sujet.

Les thèmes traités dans « L’Anatomie du scénario » sont fondamentaux pour écrire un roman puisqu’ils abordent avant tout la méthodologie des histoires. « Une histoire ne présente pas au public le monde réel ; elle lui présente l’univers du récit. (…) C’est une vie humaine condensée et exagérée de sorte que le public puisse parvenir à une meilleure compréhension de la façon dont la véritable vie fonctionne. » Truby interroge donc scénaristes et romanciers sur les histoires les plus touchantes, celles qui permettent de condenser la vie ou ses expériences les plus essentielles. Il propose plusieurs méthodologies pour repérer et concevoir des histoires puissantes et surtout « organiques » (un mot qu’il reprend à des très nombreuses reprises) car il est si facile de partir dans tous les sens, et de ne pas raconter une histoire jusqu’au bout… laissant le lecteur ou le spectateur dans un état d’incompréhension et de frustration. 

Cette recherche thématique est abondamment accompagnée par une analyse technique des piliers de la dramaturgie :

  • construire un personnage ainsi que tout un réseau cohérent
  • construire une intrigue puissante
  • élaborer un univers narratif vivant
  • tisser des scènes entre elles avec dynamisme
  • … mais aussi, comment développer des thèmes et utiliser la symbolique pour donner une puissance certaine à ses histoires.

Ces points techniques sont fondamentaux pour un scénariste, certes, mais plus largement aussi pour tous ceux et celles qui écrivent des histoires et veulent les structurer pour bien les raconter : les dramaturges, les romanciers, les humoristes…

Les pièges de "L'Anatomie du scénario" lorsqu'il s'agit d'écrire un roman

La grande intelligence de John Truby se situe en particulier dans cette manière de ne jamais dissocier thématique et technique, idée et structure. Il a pour ambition de faire comprendre au lecteur qu’une bonne histoire ne pourra jamais être le produit d’une technique aveugle ou d’une simple bonne idée… et pour cela, il est prêt à rendre sa méthodologie la plus « compréhensible », la plus « accessible » possible. Ce qui est vraiment, VRAIMENT, tout à son honneur ! (Quiconque a lu de nombreux manuels de creative writing saura que la compréhension du lecteur ne semble pas toujours être au cœur des priorités de nombreux théoriciens !).

De quels risques se méfier  ?

Truby veut être tellement didactique qu’il peut donner l’impression qu’écrire une bonne histoire est… facile. Sa pensée très analytique et ses nombreux conseils de « marches à suivre » peuvent faire croire à plus d’un lecteur imprudent qu’il s’agit ici de recettes à mettre en oeuvre sans réfléchir.

Par exemple, il n’hésite pas à catégoriser les constructions d’histoire. Il les sépare en cinq types : le récit linéaire, le récit en zigzag, le récit en spirale, le récit en ramifications et le récit explosif. C’est fascinant à lire et à analyser… mais il serait bête de vouloir faire rentrer toutes les histoires dans ces moules et de « faire son marché » sans essayer de comprendre que ce sont des prismes qui permettent de penser les histoires plutôt que de les exécuter… et que les histoires sont souvent des additions, voire des variations autour de ces catégories.

Et pourtant, John Truby ne manque jamais de rappeler que la technique est une matière souple à manier avec intelligence. La conception d’histoires est avant tout une question de temps et d’expérience chèrement acquise.

Les malentendus autour des méthodologies de John Truby viennent trop souvent d’une lecture rapide. En tant que formateur en creative writing, on doit parfois « rattraper » nos élèves impatients qui veulent « appliquer Truby ». En général, l’incompréhension des élèves se concentre sur la méthodologie en 22 étapes proposée par Truby pour construire une intrigue. Cette méthodologie est incroyablement intéressante et riche pour construire des histoires organiques, telles que Truby les conçoit. Mais pour fonctionner, il faut prendre le temps de comprendre en profondeur chacune des étapes, sa raison d’être dans l’histoire, l’effet psychologique qu’elle génère sur le lecteur (c’est-à-dire pourquoi cette étape permet au lecteur d’être toujours intéressé par l’histoire qu’il lit) et la puissance émotionnelle qu’elle permet de construire.

Suivre une recette sans la comprendre

Appliquer sans comprendre revient à essayer de faire une omelette en suivant une recette mais sans savoir ce qu’est un oeuf ni comment se servir d’une poêle… ça va être compliqué et frustrant ! 

Ainsi, ne lire que le chapitre « L’intrigue » et laisser de côté les autres est une véritable erreur !

Tout comme la soi-disant critique de la structure en trois actes formulée par John Truby (et qui revient si souvent dans la bouche des élèves !). Alors oui, John Truby se montre très frileux envers tous les auteurs de technique qui écrivent qu’il « suffit de construire trois actes » pour avoir une histoire… et il a bien raison ! Une histoire, c’est un début, un milieu, et une fin. Cependant une bonne histoire conserve ce motif et l’enrichit à l’infini ! Avec seulement un début, un milieu et une fin, une histoire est non seulement ennuyeuse, mais aussi facile à deviner, sans surprise, et tombe à plat.

Truby est un aristotélicien convaincu. C'est un amoureux de la structure en trois actes, mais il hait les structures vides qui n’abritent rien que des idées sans rebondissements, sans logique, sans profondeur.

Alors, comment donner de la profondeur à ses histoires ? En comprenant l’intérêt et la puissance de chacun des éléments qui la composent… et en essayant de les mettre en oeuvre de manière puissante, originale et cohérente. (Donc : en lisant tous les autres chapitres de « L’Anatomie du scénario » avec autant de concentration que le chapitre sur « L’Intrigue » !).

Faut-il appliquer « L’Anatomie du scénario » à la lettre pour écrire un bon roman ?

A plusieurs reprises, Truby supplie son lecteur de ne pas être rigide dans sa mise en application de ses méthodologies, en particulier de son système en 22 étapes : 

« Il faut les considérer comme l’échafaudage dont vous avez besoin pour réaliser quelque chose de vraiment créatif et pour être que tout fonctionnera à mesure que l’histoire se déploiera de façon organique (…). De toute façon, il est inutile de se braquer sur le chiffre vingt-deux. Une histoire peut comporter moins de vingt-deux étapes. Tout dépend de son type et de sa longueur. Il faut penser l’histoire comme un accordéon ». « N’oubliez jamais que ces étapes sont de puissants outils, mais ne sont pas gravées dans le marbre. ll faut donc se montrer très souple lorsqu’on les utilise. Toute bonne histoire passe par ces étapes dans un ordre légèrement différent de celui qui est présenté ci-dessous. Vous devez donc trouver l’ordre qui correspond le mieux à l’intrigue et aux personnages que vous avez vous-mêmes créés ».

Conclusion :

Nous vous conseillons de lire « L’Anatomie du scénario » que vous souhaitiez ou non écrire un roman. Il s’agit à la fois d’une réflexion et d’une méthodologie passionnantes sur les histoires… C’est probablement la somme la plus complète sur le sujet écrit à l’heure actuelle ! Le livre est tellement riche que même après plusieurs lectures, on trouve toujours de nouvelles subtilités, de nouvelles pistes à explorer… À cet égard, ce livre est une totale réussite de la part de John Truby :

« Nous voulions que vous découvriez le code dramatique — la façon dont les êtres humains évoluent et changent au cours de leur vie — dans toute sa splendeur et sa complexité. Ce livre présente beaucoup de techniques qui permettent d’exprimer le code dramatique d’une histoire puissante et originale. Si vous êtes sérieux, vous ne cesserez jamais de les étudier et de les mettre en pratique ».

Mais n’hésitez jamais à confronter ce livre à votre pratique ainsi qu’à d’autres manuels. Le risque, dans toute méthodologie, est de devenir plus royaliste que le roi ! Jamais Truby n’essaie de vous montrer qu’il détient une vérité unique et exclusive. Alors n’hésitez pas à diversifier vos ressources, vos réflexions et vos analyses !

Et surtout, ne confondez pas compréhension intellectuelle et maîtrise. « L’Anatomie du scénario » n'est pas la recette unique et magique permettant de construire un best seller en un claquement de doigts : c'est un extraordinaire ouvrage pédagogique permettant de commencer à comprendre la manière dont fonctionnent en profondeur les histoires. Lire « L’Anatomie du scénario » vous ouvrira les portes de l'apprentissage d'un artisanat passionnant et méticuleux.

Afin de varier la source de vos connaissances nous vous conseillons notamment :

]]>
8462 0 0 0 ]]> ]]>
Mettre en pratique « L’Anatomie du scénario » de John Truby http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8487 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8487 Mettre en pratique « L’Anatomie du scénario » de John Truby

"L'Anatomie du scénario" de John Truby est devenue une référence lorsque l'on veut écrire un roman. Cependant cette "bible" n'est pas toujours facile à mettre en application.

John Truby Anatomie du scénario Roman

Vous avez lu « L’Anatomie du scénario » de John Truby, vous avez essayé d’appliquer ses conseils… mais vous n’avez jamais réussi à terminer votre manuscrit ? Ou alors vous n’êtes pas sûr d’avoir bien compris Truby. Ou encore, même en ayant bien tout lu, vous n’arrivez pas à vous « y » mettre.

Le stage « Préparer et construire un roman » vous donnera des pistes de travail, des exercices et des idées de méthode pour non seulement bien comprendre la réflexion de Truby sur les histoires, mais aussi commencer à la mettre en pratique.

L’importance de l’étude

Lire « L’Anatomie du scénario » en entier, même religieusement, n’implique pas forcément de comprendre… surtout pas un ouvrage aussi dense ! John Truby analyse ce qu’est une bonne histoire ainsi que les éléments qui la composent. Sans jamais séparer le fond de la forme, il réfléchit d’abord à ce qui fait une bonne histoire. Quelles aventures réelles ou symboliques touchent profondément un lecteur ? Et pourquoi ? Dans quoi un auteur peut-il puiser pour trouver de telles idées ? Et comment formuler cette histoire de la manière la plus puissante ?

Puis Truby analyse en profondeur les éléments essentiels qui permettent de construire une histoire puissante : un réseau de personnages, un univers narratif, des symboles forts, des intrigues et des scènes puissantes… Il y a donc ÉNORMÉMENT d’informations à comprendre et à digérer !

À la première lecture, on peut se sentir très enthousiaste, car l’énergie et la pédagogie de Truby donneraient presque au lecteur l’impression qu’il est facile d’écrire une bonne histoire, voire un chef d’oeuvre semblable aux exemples qu’il cite (« Casablanca », « Kramer versus Kramer »…).  Ou à l’inverse, on peut se sentir très accablé par la montagne d’informations et ne pas savoir par où commencer.

… Dans tous les cas, c’est en s’y mettant qu’on réalise que les choses se corsent. On a compris qu’il fallait créer un réseau de personnages, un univers narratif, etc. Oui, mais comment ? Truby a beau être précis, il y a tout de même mille et une façons de faire.

Analyser vos romans favoris

La meilleure chose que vous puissiez faire, c’est d’abord de reprendre vos romans préférés (et pourquoi pas vos films et séries aussi), et les relire à la lueur de John Truby : lire « Le Comte de Monte Cristo » et analyser son réseau de personnages en profondeur. Regarder « Les Hauts de Hurle-Vent » et se demander comment Emily Brontë a créé son univers narratif. Prendre « Kafka sur le rivage » et repérer l’évolution de l’intrigue élaborée par Haruki Murakami… Car c’est en regardant et décortiquant la façon dont vos maitres travaillent que vous pourrez apprendre d’eux. Aucun auteur n’utilise la même technique de la même manière !

Durant notre stage « Préparer et construire un roman », nous prendrons deux exemples que nous étudierons toute la semaine à travers le prisme des différentes techniques. Il s’agira d’un roman court ET d’un film. Car apprendre à lire comme un écrivain, c’est-à-dire repérer non seulement les techniques utilisées par un auteur mais aussi la manière (ou les manières) dont cet auteur utilise cette technique, c’est nécessaire pour toute personne qui veut faire un pas dans le monde merveilleux de la création d’histoire. C’est en analysant le travail de nos pairs et de nos maîtres, les milles et une façons qu’ils ont eues d’utiliser les grandes règles dramaturgiques évoquées par Truby, que nous forgeons nos propres armes. 

L’importance de la mise en pratique (seul)

Lire et analyser, ça ne veut pas dire « savoir faire » ! Et c’est bien souvent avec ce sentiment de frustration qu’on peut tourner la dernière page d’un manuel de creative writing. On ne compte pas le nombre de critiques amateurs qui semblent parfaitement savoir ce qu’est une bonne histoire sans ne s’être jamais posé la question de comment en écrire une !… Ou d’élèves qui connaissent tous les termes techniques du creative writing, mais se trouvent démunis (ou déçus d’eux-mêmes) au moment d’écrire.

Si vous ressentez cette sensation, le stage « Préparer et construire un roman » est fait pour vous. Vous construirez un projet de roman prétexte qui vous permettra de tester les nombreuses méthodes que nous analysons ensemble. Vous créerez un réseau de personnages, un univers narratif, une structure, et réfléchirez aux différentes scènes et trajectoires de vos personnages.

Nous demandons toujours aux élèves de ne pas prendre un projet en cours, mais de bien « recommencer de zéro » (dans le cadre du stage). Cela leur permet de porter toute leur attention sur l’apprentissage plutôt que sur la réparation de leur projet existant… et donc d’apprendre avec l’esprit plus libre !

L’importance de la mise en pratique (en groupe)

On a souvent tendance à l’oublier, mais à plusieurs on est plus forts… même dans l’activité (qui semble) solitaire de l’écriture de fiction !

Nous encourageons nos élèves de nos stages et de nos formations l’année à co-travailler sur leurs projets respectifs. Car souvent, travailler seul sur son propre projet n’est pas une bonne idée : on y est trop attaché affectivement, on a du mal à prendre du recul, à sortir de son idée initiale, à envisager d’autres possibilités… Attitudes qui sont bien plus simples à avoir lorsqu’il s’agit de retravailler et de « réparer » le texte d’un autre, d’un camarade. Il est donc plus aisé de faire ses armes, de tester les outils de la narration et de la dramaturgie en co-travaillant, en affinant votre histoire grâce à l'aide d’un autre et à affiner les ébauches de vos collègues…

Parlez aux scénaristes : ils ont une vraie culture du travail de groupe ! Cela leur permet de pousser très loin leurs histoires et leurs personnages, grâce à l’entraide, mais aussi grâce à la répartition des tâches et des savoir-faire. 

L’importance de « laisser infuser » les connaissances lues et apprises.

Comme dans tous les domaines, on ne peut pas tout faire à la volonté. La volonté est importante pour se motiver à lire, à apprendre, à tester, à travailler… mais un apprentissage demande aussi et avant tout du temps, de la décantation, de l’imprégnation.

Aussi, si vous n’avez pas tout compris de « L’Anatomie du scénario » en l’ayant lu une fois… et bien c’est normal ! Relisez certains passages régulièrement, en fonction de vos besoins. Laissez le manuel de côté pendant plusieurs mois et revenez-y plus tard. Vous verrez, vos idées auront changé, vous ferez le lien entre de nouveaux concepts plus facilement, vous comprendrez différemment les exemples.

La lecture des manuels de creative writing est importante pour comprendre les règles de la dramaturgie, mais il est nécessaire de laisser infuser ces lectures. Les décanter. Les passer à la loupe de vos lectures et de vos essais d’écriture (les réussites comme les échecs !). C’est comme cela, avec le temps et l’expérience, que vos lectures techniques prendront du sens. 

Le stage « Préparer et construire un roman » vous permettra de mieux comprendre les enseignements de Truby grâce à des analyses d’oeuvres approfondies auxquelles vous participerez (vous irez activement analyser la mise en oeuvre), mais aussi grâce à la mise en pratique. En apprenant à « faire » et en regardant comment font les autres (les autres participants du stage, les autres auteurs), vous entraînerez votre oeil à repérer l’importance des règles de dramaturgie, leur puissance et leur grande souplesse. 

]]>
8487 0 0 0 ]]> ]]>
Opter pour un stage technique ou pour le cycle artisanat de l'écriture http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8551 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8551 La différence entre un stage et un cycle aux Artisans de la Fiction En arrivant aux Artisans de la Fiction vous avez le choix d'opter pour un stage, une formation technique et condensée en trente heures, ou d'intégrer le cycle artisanat de l'écriture, soit une formation tout aussi technique mais qui se fera sur une année (voire sur trois ans). Mais dans quels cas privilégier l'un plutôt que l'autre ? Est-il utile, conseillé, de faire de front un cycle et des stages ? Quelles seront les redites ? Nous vous expliquons tout !  cycle artisanat de l'écriture

L'« Artisanat de l’écriture », c’est quoi ?

Il s’agit d’une formation de narration et de dramaturgie en trois ans. Au total cela représente 180 h (60 h par an) de formation en présentiel ou en télé-enseignement. Les séances se déroulent de fin septembre à fin juin. Elles sont généralement en journée, de l’ordre d’une journée par mois. Mais nous proposons également des créneaux en soirée. L’enseignement est intense et progressif, accompagné de manuels réalisés par les Artisans de la Fiction. Les séances comportent à la fois de la théorie, de l’analyse narrative de texte et de la pratique (seul ou en groupe).

La première année : focus sur les techniques !

La première année est concentrée sur les techniques de la narration écrite et se déroule en deux grands moments : la première partie de l’année consiste à étudier et mettre en pratique des grandes techniques de narration, les plus classiques, les plus communément utilisées (l’action, le dialogue, la description, etc.)… La deuxième partie de l’année est consacrée à l’écriture, mais surtout à la ré-écriture progressive de deux histoires courtes pour mettre en application les techniques apprises… et apprendre les différentes étapes de la ré-écriture. Les deux années suivantes sont davantage consacrées à la dramaturgie : en deuxième année, vous découvrez, analysez, reproduisez et testez le schéma narratif de sept grandes intrigues fondamentales (la comédie, la tragédie, la quête…) afin de voir comment elles se structurent, les thèmes qu’elles portent, les effets émotionnels qu’elles font vivre au lecteur. La troisième année est une grosse année d’étude, de co-construction narrative et d'apprentissage d’une dizaine d’intrigues plus fines qui sont comme des variations autour des sept intrigues étudiées en année 2 (l’amour contrarié, le mystère…).  Les trois années ont également pour objectif commun de vous pousser à vous construire une véritable culture narrative (on vous pousse à lire beaucoup, de tout, et surtout à lire comme un écrivain) et à réfléchir sur vos thèmes personnels.  Et oui, les formateurs vous donnent des devoirs et des lectures ! Il existe un créneau intensif pour ceux qui souhaitent s’investir dans l’apprentissage.

Et les stages, alors, c’est quoi ?

Ce sont des créneaux d’apprentissage courts mais intenses qui se concentrent sur une technique ou un ensemble de techniques de narration ou de dramaturgie. Les stages ont lieu sur 5 jours (du lundi au vendredi), pour une durée totale de 30h chacun. Ils sont organisés lors des vacances scolaires et ont lieu en journée (10h-17h), en télé-enseignement ou en présentiel. Les séances comportent de la théorie, de l'étude anatomique d'extraits ou de structures d'histoires et 50 % de pratique. Tous les stages sont au prix unique de 530 euros (soit 17,60 euros de l’heure). Nous proposons des stages  de : - Recherche thématique : Identifier ses territoires d’écriture - Mise en forme : Les Outils de la narration, Les Outils avancés de la narration - Dramaturgie : Préparer et Construire un roman, Les 7 intrigues fondamentales, L’Arc transformationnel du personnage - Genres littéraires : Construire un polar, Écrire de la science-fiction

Tous les stages = les trois ans de cycle ?

Faire tous les stages, vous permet-il d’acquérir les mêmes connaissances que de suivre les trois années de cycle ? Non. Parce  qu'un apprentissage en profondeur demande un travail dans la durée. Par contre en stage, nous avons beaucoup plus le temps de nous concentrer sur une technique ou un ensemble de techniques que nous approfondissons à l’aide d’exemples et d’exercices pratiques pendant la séance… C’est intense et très stimulant ! Nombre de nos élèves inscrits en formation à l’année (ou anciens élèves) suivent des stages en plus de leur formation annuelle afin de s’entraîner encore et encore ou d’approfondir une notion. En cycle, l’apprentissage se fait sur le long terme. Nous abordons les mêmes techniques, mais de manière cumulative. L’apprentissage et l’assimilation se font surtout (comme pour toute pratique) au moment des devoirs et des lectures faites à la maison qui permettent aux élèves d’incorporer ce qui est vu en séance. Par exemple, en première année de cycle, les élèves apprennent à ré-écrire plusieurs fois le même texte de fiction pour l’améliorer et travaillent ainsi plusieurs semaines voire plusieurs mois sur une même production… le mûrissement et le recul qu’un travail à long terme procure ne pourront jamais être acquis lors d’un stage.

A noter :

  • Le contenu du stage « Les Outils de la narration littéraire » est similaire au contenu de la première partie de la première année de « L’Artisanat de l’écriture »… les devoirs et les lectures en moins !
  • Le contenu du stage « Les 7 intrigues fondamentales » est vu pendant la deuxième année de « L’Artisanat de l’écriture ». Mais pendant la formation de cycle, vous travaillez ces intrigues pendant 10 mois, et nous avons le temps de commencer à vous apprendre à lire comme un écrivain !
  • Comme dans toutes les formations, il est fondamental de refaire, re-refaire, re-re-refaire les mêmes exercices. Découvrir des outils est stimulant, mais ne veut pas dire… qu'on sache les mettre en application, et qu'on en maitrise  les subtilités.  [caption id="attachment_8557" align="aligncenter" width="580"] En présentiel ou en télé enseignement, nous enseignons l'écriture de manière révolutionnaire.[/caption]

Qu’est-ce qui est le plus avantageux : une année de cycle artisanat de l'écriture ou un stage ? 

… Ça, ça dépend de vous ! De votre disponibilité, de votre budget, de vos besoins et de votre volonté/capacité de vous plonger dans l’apprentissage passionnant, long, et jamais terminé d’un artisanat aussi ancien et complexe qu’est celui de (bien) raconter de (bonnes) histoires !

Mais on vous conseille de commencer par… un stage !

Si vous ne connaissez pas notre pédagogie, ou si vous n’avez jamais suivi de formation en télé-enseignement (et que vous envisagez d’en suivre une !), nous vous conseillons de commencer par un stage. L’engagement est moins chronophage, le prix est plus modéré et vous apprendrez plein de choses ! Surtout : vous aurez une vision réelle de notre manière de transmettre des savoir-faire, une culture narrative… et de vous faire travailler ! Rien ne vous empêche de vous inscrire en cycle Artisanat de l’écriture par la suite ! Nombre de nos élèves ont suivi ce chemin et sont ravis, sereins et très assidus dès leur première année.  N’hésitez pas à nous contacter par email ou téléphone pour en savoir davantage. Nous pouvons également vous recevoir dans nos locaux du 10 rue du Chariot d’Or, 69004, sur rendez-vous ! Et si vous vous voulez vous inscrire à une de nos formations, il suffit de remplir notre bulletin de pré-inscription. Nous avons hâte de vous recevoir !  Notre approche de la pédagogie de l'écriture. Les différents types d'ateliers d'écriture. La révolution numérique dans les formations d'écriture.]]>
8551 0 0 0 ]]> ]]>
Publier de la romance http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8615 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8615 Louise Valmont, auteure et ancienne élève, nous explique comme elle en est venue à publier de la romance. De ses premiers écrits à une collaboration avec les éditions Addictives, elle nous livre comment écrire de la littérature de genre !  Louise Valmont publier roman

Comment avez-vous fait pour être publiée ? 

J’ai eu de la chance, mais je crois aussi que j’ai fait abstraction de mes fantasmes de couverture blanche  ! Car bien avant d’imaginer écrire de la romance, j’avais envoyé plusieurs manuscrits de romans… ce qui m’a valu un silence poli des éditeurs de littérature générale. Au mieux une lettre type en appelant à leur politique éditoriale qui, malheureusement, ne leur permettait pas de m’accueillir à bras ouverts dans leur maison ! Malgré tout, je suis restée optimiste et ai continué à écrire, pour moi. Un jour, je suis tombée sur l’annonce d’un éditeur à la recherche de nouveaux auteurs. J’ai envoyé mon cv, une lettre de motivation où j’étais très détendue et honnête (aucune expérience dans le genre demandé, mais formée à l’écriture, de bonne composition et ne demandant qu’à apprendre !) et « book » de mes publications antérieures (c’est à dire : un blog de textes courts et humeurs diverses, deux/trois nouvelles publiées sur des sites obscurs, mais surtout de nombreuses chroniques de livres et spectacles écrites pour un webzine culturel)

"Je n’avais jamais lu de romances de ma vie"

Aucune nouvelle pendant un an jusqu’à ce que les éditions Addictives pour ne pas les nommer, me proposent de faire un essai ! À ce moment-là, je n’avais jamais lu de romances de ma vie… D’où un petit stress … Un intense, mais rapide survol m’a permis de comprendre qu’il y avait beaucoup de variété et de liberté dans ce genre pourtant sous contraintes et j’ai pu aussi repérer ce vers quoi j’aimerais aller dans cette littérature, complètement inédite pour moi.  Après plusieurs échanges de copies, j’ai reçu une réponse positive. C’est là que le stress est remonté à bloc… Car il fallait à présent développer une intrigue à partir de mon idée, imaginer mes personnages, construire une intrigue, la placer dans un environnement. Heureusement j’étais en dialogue constant avec mes éditrices. Et pour moi, cela a été New York et l’univers de la mode et quelques mois plus tard ma première romance, Play with me, paraissait en épisodes...

Faut-il être très productif pour publier de la romance ?

Je ne sais pas s’il faut l’être, mais c’est un secteur très productif, sans doute un de ceux dans la fiction qui publient le plus de titres par an. Et les lecteurs de romance lisent beaucoup, voire dévorent. Malheureusement, comme beaucoup de choses aujourd’hui dans la culture, les livres ont une durée de vie assez courte. Pour moi, j’ai la chance de pouvoir produire à mon rythme, même s’il est arrivé que deux projets se succèdent sans pause. Pourtant c’est très important pour moi justement de faire une pause entre deux romances, pour me ressourcer et emmagasiner du vécu et de l’observation. Car quand j’écris, je ne vis presque plus en dehors de mon histoire :-) Mes éditrices me laissent écrire à mon rythme, mais quand le projet est lancé, elles savent aussi se montrer intransigeantes sur les délais. C’est un des aspects qu’il faut intégrer dans la romance : les délais (de correction, de relecture, de reécriture) peuvent parfois être courts et il faut les respecter. Cela me paraît important de le préciser : écrire et publier (de la romance en particulier) sous-entend d’être professionnel dans ce que l’on sait faire (écrire) bien sûr, mais aussi dans sa relation avec son éditeur. Car la romance, ce sont des livres qui font rêver, mais qui s’élaborent dans un monde très réel de chiffres, de délais, de coûts et de contrats !

Pouvez-vous nous parler de votre processus d'écriture ?

Pour ce qui est du processus, je pars d’une idée : une envie, une question, un couple aperçu dans la rue, un contexte. Puis il y a un certain nombre d’étapes, qui peuvent se faire les unes après les autres, mais parfois aussi simultanément.  Ainsi, je me renseigne sur le sujet qui m’intéresse ou un univers : par exemple, pour mes deux romances de campus  aux États-Unis, j’ai lu beaucoup de romans américains qui se passent à l’université ainsi que beaucoup d’articles sur la vie dans les facultés américaines. J’ai aussi consulté des blogs d’étudiants, des forums, j’ai épluché les sites des universités (j’ai ainsi quasiment appris par cœur  le plan de Columbia pour y faire circuler mes personnages), j’ai regardé des films, séries et documentaires sur le fonctionnement et les scandales à l’université.  

Faire des rencontres

Quand c’est possible, je rencontre des personnes « ressources » : pour Play with me, j’ai  parlé longuement à une jeune femme qui gère la carrière des mannequins dans une grande agence parisienne, pour les scènes au poste de police, j’ai interrogé un ami d’ami qui avait été en garde à vue, j’ai aussi écouté  les copains de mes enfants sur leurs années d’études aux États-Unis  En bref, je passe du temps à me documenter pour créer mon univers de référence et situer le cadre : c’est important pour moi de me sentir à l’aise dans le lieu et l’atmosphère où je vais faire vivre mes personnages.  Ensuite je m’attaque aux personnages, à leur caractère et à la relation qui va exister entre eux : en général une opposition assez forte teintée d’attirance qui va tourner à l’amour et la complicité. Mais il y a beaucoup de nuances à ce schéma très caricatural, presque autant de nuances que de romances ! Pendant cette phase, j’avoue que j’observe beaucoup mes amis et les gens autour de moi !

"Ecrire l'histoire en une phrase."

J’essaie ensuite d’écrire l’histoire en une phrase, ce qui est un vrai challenge pour moi (bon j’avoue la phrase ressemble à une phrase de Proust, le style en moins, mais pour la longueur, je lui fais largement concurrence!) Je continue en construisant un plan détaillé, chapitre par chapitre, en veillant a faire monter la tension, à placer l’intrigue, à la développer, à la résoudre sans oublier quelques surprises et retournements de situation.  Je fais aussi une chronologie qui couvre le temps du roman et parfois remonte même un peu avant.  Puis une fois que tout ceci est prêt et semble être cohérent, je laisse reposer. Mais en fait j’y pense tout le temps sans vraiment y penser (de façon flottante, un peu comme l’écoute du psy…) ce qui me permet de résoudre certains problèmes, mais aussi d’en ajouter ! Puis j’écris. Ce qui veut dire que j’entre dans ma romance de plain-pied. À partir de ce moment-là, je vis, mange, dors, parle (!) avec mes personnages ! Ce qui n’est pas facile à vivre pour ceux qui m’entourent , car j’oublie un peu le reste de la vie. Je peux passer 10 heures sur un chapitre sans ressentir la faim ou la lassitude… En général, avant de reprendre là où je me suis arrêtée, je relis ce que j’ai écrit la fois précédente , je corrige et je continue.  J’arrive ainsi à un premier jet. Suit alors une phase de relecture, de correction, de relecture à nouveau. Puis j‘envoie mon manuscrit à  mes éditrices et je frémis en attendant leur réponse !

Est-ce que la formation que vous avez suivie vous a aidé ? Sur quels points ?

Oui, la formation d’auteur m’a libérée : j’ai pu sortir des moi des textes plus personnels, plus difficiles, peut-être aussi plus nombrilistes mais qui n’étaient pas des fictions. Elle m’a ainsi permis de passer à autre chose et de comprendre que je voulais et aimais raconter des histoires. Elle m’a aussi permis me sentir un peu plus légitime, même si je n’avais alors aucun écrit publié. Enfin, elle m’a aussi donné des outils ou des réflexes dont je me sers tout le temps :  - Faire des fiches personnages : je les fais à chaque fois même si avant de commencer, je me sens un peu paresseuse… mais ces fiches très détaillées me permettent de savoir et de ressentir comment ils vont réagir à certaines situations. - Peaufiner les dialogues : j’y passe beaucoup de temps, surtout à enlever tous les mots inutiles.  J'essaye de les rendre plus vifs et utiles dans la progression de l’histoire. - Travailler l’ambiance, l’atmosphère, les lieux...

" Rester dans le Show dont tell "

- Rester dans le Show dont tell même si dans la romance, on a plutôt tendance à souligner les sentiments ! Lors des corrections de mes éditrices, j’ai  souvent en marge des petites questions sur les émotions et ressentis des personnages. J’ai parfois grincé des dents en lisant ces remarques, imaginant en avoir montré assez,  mais j’ai toujours retravaillé ces parties et je dois dire qu’à chaque fois, le résultat était meilleur : c’était plus clair en le disant même s’il ne faut pas tout dire :-)  - Travailler beaucoup (comme pendant la formation), faire des petites fiches, construire, recommencer, reprendre. - Couper ...même si parfois c’est douloureux quand on s’aperçoit qu’il faut supprimer un chapitre en entier  - Appeler mes copains de formation (en cas de doute existentiel, de crise de légitimité ou de problème technique de narration ou de contrat) ! J’ai gardé des liens très forts d’amitié et de confiance avec quelques unes des personnes avec lesquelles j’ai partagé mon année de formation. 

Un conseil d'écriture pour ceux et celles qui voudraient  et publier de la Romance ?

Tout en respectant les codes généraux du genre (une histoire d’amour, des difficultés, un happy end), écrire comme on écrirait n’importe quelle fiction, sans essayer de calquer un style qui ne serait pas le sien et serait plus « vendeur », et toujours travailler avec professionnalisme, sincérité et plaisir. Bonne chance à tous !   Pour en apprendre encore davantage sur Louise Valmont nous vous conseillons l'entretien que nous avons réalisé en 2019 ! Elle revient en détail sur son parcours et sur les différentes manières d'écrire et publier de la romance.]]>
8615 0 0 0 ]]> ]]>
Ecrire un recueil de nouvelles - Fiers de nos élèves http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8662 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8662 Ecrire un recueil de nouvelles  Laurence Soleymieux, élève des Artisans de la Fiction vient de publier un recueil de nouvelles chez l'éditeur Jacques Flament. Elle nous explique son processus d'écriture et les difficultés qu'elle a rencontré !

- Combien de temps avez-vous travaillé sur votre recueil de nouvelles ? 

Ce travail m’a pris deux ans. Au départ j’avais des textes épars, des ébauches, des premiers jets qui n’avaient pas forcément de lien entre eux. Certains textes avaient été écrits depuis plusieurs années, parfois dans le cadre des ateliers suivis au Artisans de la Fiction, mais je ne trouvais pas le temps nécessaire pour les retravailler en profondeur. Je dois dire que la période du confinement pendant laquelle je me suis retrouvée au chômage partiel pendant plusieurs mois m’a bien aidée à mener à bien mon projet. 

- Était-il conçu dès le départ comme un recueil de nouvelles ?  

Au départ, je n’avais pas imaginé rassembler ces textes dans un recueil. Lorsque j’ai eu une dizaine de textes tous très différents les uns des autres, s’est alors posée la question du recueil.  En prenant conseil auprès d’une agente littéraire, elle a mis en évidence la nécessité d’avoir un fil conducteur : soit par le biais d’un personnage, soit par le biais d’un objet qui relierait les nouvelles entre elles.  

- Comment avez-vous procédé pour l'écriture des nouvelles ? -Avez-vous beaucoup réécrit ? 

Pour chacune d’entre elles, j’ai suivi la méthode enseignée aux Artisans de la Fiction : la construction de la matrice du personnage principal, de la voix du personnage, de l’antagoniste. Après avoir élaboré une idée d’histoire que j’ai déployée en 3 phases principales qu’on appelle Début – Milieu - Fin, j’ai continué à creuser les failles de mes personnages et surtout définir leur but/objectif qui doivent être très clairs pour l’auteur.  J’ai énormément réécrit : pour clarifier certains passages, pour en alléger d’autres qui n’apportaient pas d’éléments significatifs faisant avancer l’histoire. J’ai passé aussi beaucoup de temps sur le travail de fignolage (éliminer les répétitions, se questionner sur le choix de certains mots, supprimer les mots clichés, etc). 

- Comment avez vous structuré l'ensemble ? 

Grâce aux conseils dont j’ai bénéficié mais aussi aux bêta lecteurs (dont certains sont élèves aux Artisans de la fiction – je les remercie une nouvelle fois ici pour leur relecture ) j’ai pu améliorer la cohérence de mes histoires, leur donner du rythme quand elles en manquaient. Le personnage commun à toutes les nouvelles, Léa Laroche, sage-femme et voyante, est apparu assez rapidement. Ensuite, pour quasiment chaque nouvelle, je lui ai fait jouer un rôle parfois essentiel parfois secondaire. Elle est très présente dans le recueil et elle entretient des liens avec tous les autres personnages, bien que très différents les uns des autres. C’est elle qui les relie en quelque sorte.  [caption id="attachment_8674" align="aligncenter" width="300"] Le 1er recueil de nouvelles de Laurence Soleymieux[/caption]

- Est-ce que la formation que vous avez suivie aux Artisans vous a aidé ? Sur quels points ?

C’est indéniable. J’en veux pour preuve que je tente des concours de nouvelles depuis 2013. Cette année là, j’ai obtenu le 1er prix d’un concours organisé par l’association des Paralysés de France. Le format n’était pas celui de la nouvelle mais celui d’un texte de forme libre.   Par la suite, j’ai renouvelé l’expérience avec des concours de nouvelles mais invariablement mes textes n’étaient pas retenus . Tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’histoire. Je me suis alors renseigné sur les techniques de la nouvelle en participant à un forum d’auteurs en ligne appelé Mauxd’auteurs. Des auteurs chevronnés multi primés et d’autres débutants, comme moi à l’époque, s'y côtoyaient. J’ai participé à plusieurs jeux d’écriture mais là encore, mes textes manquaient de structure. Puis j’ai proposé à un auteur du forum de participer ensemble à un concours de nouvelles en duo. Il m’a « coaché » pendant 5 mois. Nous avons co-écrit jusqu’à 8 versions d’une nouvelle qui a été primée et qui figure dans un ouvrage collectif. 

"Il me manquait théorie et structure."

Une fois le concours passé, j’ai essayé dans mon coin de rassembler les conseils qu’il m’avait prodigué pendant ce travail commun mais il me manquait théorie et structure. Un collègue Correspondant de Presse m’a parlé des Artisans de la Fiction. C’était en 2017 – depuis lors je n’ai cessé de me former. J’achève cette année le parcours avec le Writing Boot Camp pour un embryon de roman.  Jamais je n’aurai abouti quelconque manuscrit si je n’avais eu une solide formation telle que celle des Artisans car les formateurs nous apprennent à décortiquer les histoires, à comprendre comment elles sont construites et ce qui fait qu’elles fonctionnent. Nous nous inspirons des modèles que nous apprécions en tant que lecteurs. Cela nécessite une vraie implication en tant qu’élève et pas mal de travail mais qui peut réussir sans travail ? 

- Beaucoup d'éditeurs disent ne pas être intéressés par des recueils de nouvelles, comment avez vous surmonté cela ? 

J’ai adressé mon manuscrit complètement révisé et mis en page par une correctrice professionnelle à l’éditeur indépendant JACQUES FLAMENT car je sais qu’il est intéressé par les recueils de nouvelles. J’en avais déjà lus plusieurs parmi ceux qu’il édite.  En 2018, j’ai eu l’occasion de participer à un ouvrage collectif initié par l’éditeur sur le thème « une image – un texte » à partir de photos noir et blanc de la photo reporter américaine Dorothea Lange (prises majoritairement pendant la Grande Dépression). 

- Participez-vous régulièrement à des concours d'écriture ? Pour quelles raisons ? 

Oui dès que j’ai du temps à y consacrer. Durant les deux dernières années j’ai pu participer à deux concours. Cela me permet d’entretenir les outils et les techniques à mettre en œuvre dans ce type d’écrit. En effet, la nouvelle est très codifiée du point de vue de la technique. C’est ce qui rend l’exercice difficile. 

- Un conseil d'écriture pour ceux et celles qui se lancent dans l'écriture de nouvelles ? 

Apprendre les techniques et les outils de la narration littéraire qui permettent de se lancer  véritablement dans l’écriture d’histoires de fiction et notamment les nouvelles. Ne pas craindre de  recommencer encore et encore, de prendre le temps de travailler ses textes en profondeur en  plusieurs versions successives et de se frotter aux concours pour s’exercer.   ]]>
8662 0 0 0 ]]> ]]>
La différence entre style et technique  http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8671 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8671 La différence entre style et technique  Quand nos élèves découvrent les formations à l’écriture de fiction, souvent ils sont pris par un doute. Que sont toutes ces techniques supposées nous apprendre des règles objectives, alors qu’une histoire c’est personnel ? Si on apprend tous à écrire, est-ce qu’on ne va pas tous écrire la même chose, de la même manière ? Quelle différence peut-on faire entre le style et la technique en narration ? Ces craintes sont légitimes… mais elles dévoilent une méconnaissance du processus créatif et de l’apprentissage ! Non, la technique ne tuera pas votre sensibilité ! Voyons pourquoi :

C’est quoi la technique ? Et quoi ça sert ?

La technique, en fiction, c’est l’ensemble des règles et des lois qui aident un auteur à construire et raconter son récit de la manière la plus intelligible, et la plus intéressante possible. Dans certains cas, « intéressant » signifiera « stressant » ou « haletant », dans d’autres cela voudra dire « émouvant », ou « hilarant »… Les techniques du creative writing n’ont pas été inventées par les Anglo-saxons ou par Hollywood. D’ailleurs, elles ont été inventées par personne : ce n’est pas parce qu’Aristote a écrit un jour qu’une histoire a « un début, un milieu et une fin » qu’on doit tous et toutes construire nos histoires ainsi. Aristote a seulement constaté qu’une histoire semble plus organique, plus complète, plus naturelle et plus touchante au spectateur lorsque celle-ci a un début, un milieu et une fin. Les techniques et les lois de la narration et de la dramaturgie ont été dégagées, expérimentées, « découvertes » par des auteurs et des théoriciens qui se sont demandé pourquoi lorsqu’on raconte une histoire de telle ou telle manière, cela crée des images plus fortes ou des sensations plus intenses que lorsqu’on ne le fait pas. Ce sont des guides, bien plus que des recettes !  Aux Artisans de la Fiction, nos élèves découvrent, analysent et expérimentent les grandes lois de la narration et de la dramaturgie. Cela ne veut pas dire qu’ils finissent tous par écrire la même chose ou de la même manière… car il y a une infinité de manières d’utiliser ces règles, une infinité de manières de bien (ou mal !) les utiliser. Cela dépend du contexte, du genre, de l’histoire, du format, de l’effet que l’auteur cherche à créer etc…

Et le style, dans tout ça ? 

Communément, on pourrait penser que le style, c’est un peu la cerise sur le gâteau. Il y aurait l’histoire, la structure de l’histoire avec ses personnages, et il s’agirait de la raconter « à sa manière », « avec son style ». Dans ces cas-là, on s’imagine alors que le style induit l’originalité. Un style, puisqu’il est personnel, serait forcément original. Or, la lecture de textes de jeunes auteurs très peu expérimentés nous montre l’inverse : il n’y a rien de plus formaté qu’un auteur qui n’a pas conscience des techniques d’écriture, qui n’a pas de recul sur ses propres textes (ou pire, qui cherche à ré-inventer l’eau tiède en distordant des règles de narration qu’il connait mal, voire en torturant la langue française). Dans la majorité des cas, on reconnaît l’auteur peu expérimenté au premier regard. Il maîtrise mal sa stratégie narrative. Il fait des phrases trop longues, ou bien utilise beaucoup d’adverbes, des adjectifs bizarroïdes, des métaphores ampoulées, voire du vieux français. Parfois, il confond personnage, narrateur et auteur. Souvent, il se met lui-même en scène ! En un mot : il cherche à impressionner. Or quand on cherche à impressionner, ça se voit… et quand ça se voit, on n’impressionne personne ! En fiction écrite, le style ne désigne pas uniquement la manipulation ou la maîtrise de la langue française. Un style, c’est un ensemble de choix que l’auteur fait en conscience pour construire un univers, une histoire et une narration de manière cohérente. Cela passe à la fois par des choix thématiques, de genre, de structure, de registre de langue… la liste est potentiellement interminable.

le style : ça sert à clarifier ce qu’on dit, pas à complexifier 

Contrairement à ce que l’on pense, le style n'a pas pour but pour impressionner, ni même enjoliver un texte. Ce n’est pas le nuage de sucre glace qu’on saupoudre sur son gâteau pour lui donner du cachet (voire pour cacher les défauts !).  Quand on s’intéresse au style purement formel d’un texte littéraire, on remarque que les choix stylistiques sont mis en forme pour renforcer une ambiance (un univers, un genre) mais aussi pour clarifier le texte, bien plus que pour le complexifier. Prenons l’exemple de la métaphore, la figure de style qui rapproche deux idées parfois éloignées. La métaphore/comparaison est très utile à l’auteur quand celui-ci doit décrire quelque chose qui est impossible ou très difficile à décrire avec un adjectif ou un nom existant déjà dans la langue française. Par exemple, en français, il est très difficile de décrire une odeur. Les mots manquent. Quand ils existent, peu de lecteurs les connaissent ! Ou ne s’approchent pas suffisamment de la réalité de ce qu’on essaye de décrire… et c’est donc là que la métaphore/comparaison intervient : on dira d’une odeur qu’elle ressemble à celle de l’essence, qu’elle rend ivre. On dira aussi d’une texture qu’elle est proche de celle de la peau d’un nouveau-né, qu’elle fait penser au pelage d’un cheval. Cela aide le lecteur à mieux se représenter ce que l’auteur tente de lui décrire dans toute sa spécificité et son unicité.

La technique peut-elle étouffer le style ?

Le style d’un auteur n’est jamais étouffé par la technique ! Au contraire, la technique le clarifie, le révèle. Par exemple, quelqu’un qui apprend à danser ne perd pas son style parce qu’il développe sa souplesse ou sa force musculaire… Bien au contraire, c’est parce qu’il maîtrise de plus en plus son corps par la souplesse et la puissance, qu’il peut rendre ses gestes, son style, intelligibles et originaux. Quand on commence une phase d’apprentissage aux techniques de la narration littéraire, on peut ressentir cette impression de « perdre son style ». C’est juste que l’on découvre des techniques que l’on ignorait jusque là. Ainsi on perd les repères, les réflexes qu’on s’était donnés (parfois sans s’en rendre compte).  Pour filer la métaphore précédente, l’apprenti danseur classique a rarement l’impression de jouir de son style quand il est à la barre. Par contre, le jour où il maîtrise son corps grâce aux exercices répétés à la barre, il peut pleinement formuler son style.  Donc non, vous ne perdez ni votre style, ni votre plume, ni votre génie, ni votre pureté en apprenant à écrire de la fiction et en vous familiarisant avec les règles de la dramaturgie et de la narration.  

La technique et le style, quelle est la vraie différence ? 

On peut donc en conclure que le style et la technique ne s’opposent pas. Il n’y a pas d’un côté « votre pureté et votre imagination » et de l’autre « le monstre froid de la technique ». Plus vous comprendrez les règles de dramaturgie et de narration, plus vos idées, votre imagination et votre langue vont s’affiner, se diversifier, être maitrisées. De la même manière, on ne devient jamais un bon auteur de fiction si l’on ne pratique pas et si l’on ne fait que parler de techniques. La technique s’apprend, s’intègre et s’incorpore par la pratique. Et votre façon de pratiquer, c’est votre style !

Conclusion

Dès qu’on travaille un pan des techniques du creative writing, on travaille forcément sur son style. Mais pour des raisons pédagogiques, nous avons divisé nos stages par grandes techniques. Elles sont, bien entendu, toutes complémentaires. Chez nous, vous pouvez donc vous former aux techniques de la narration (Stage Les Outils, Stage Les Outils avancés), aux techniques de la dramaturgie (Stage Préparer et Construire, Stage 7 intrigues), aux techniques de genre (Stage Polar, Stage Science-fiction) et à la recherche d’idées personnelles et fertiles (stage Territoire).   ]]>
8671 0 0 0 ]]> ]]>
Créer un personnage récurrent http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8686 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8686 Le personnage récurrent 

L’art de la dramaturgie, c’est avant tout l’art de créer des personnages marquants. Attachants ou repoussants, les personnages captent l’attention du lecteur -  et c’est à travers eux que le lecteur vit des histoires, des aventures, et découvre le monde. Le personnage récurrent est un excellent moyen de muscler votre narration. 

personnage récurrent roman

Les techniques de création de personnages sont nombreuses, mais parmi elles, la question du personnage récurrent est fascinante !

Qu'est-ce qu'un personnage récurrent ?

Il s’agit d’un terme générique qui désigne plusieurs types de personnages. Un personnage récurrent peut être un personnage « star », le héros d’une série d’histoires, de romans, de films. On peut penser aux grandes figures de l’enquête ou des romans d’action, comme James Bond, le commissaire Maigret ou encore Erlendur Sveinsson (de la série de douze enquêtes de Arnaldur Indridasson) : ce sont des héros récurrents qu’on retrouve à la tête de multiples histoires.

Mais le terme peut aussi désigner un personnage secondaire au rôle fondamental pour le héros (mentor, allié, antagoniste…) et qui revient régulièrement dans l’intrigue au fil des épisodes, des romans.

On peut alors penser à Albus Dumbledore - personnage secondaire dont la présence est non seulement récurrente mais nécessaire dans le développement des sept tomes de « Harry Potter ».

Pensez aussi à Requin (Jaws) ! Le géant aux mâchoires d’acier qu’on retrouve comme antagoniste dans deux films de la série des James Bond (« L’Espion qui m’aimait » et « Moonraker »), ainsi que dans les romans sous le nom Zbigniew Krycsiwiki, et dans de nombreux jeux vidéos :  « Quitte ou double », « GoldenEye 007 », « Nightfire »…  

Quoi qu’il en soit, le personnage récurrent a de l’importance car le lecteur suit ses aventures ou « tombe » sans cesse sur lui. Cette importance est dramaturgique ( = dans le déroulement de l’histoire, des péripéties), mais aussi thématique ou symbolique s’il incarne une valeur particulière dans l’histoire.

Comment faire évoluer ce personnage sur plusieurs histoires ?

Il faut donc traiter la création du personnage récurrent avec une attention toute particulière. Esquisser une silhouette en trois coups de crayon ne suffira pas ! Il faut que le caractère du personnage, sa psychologie, son histoire passée (…) soient suffisamment riches pour alimenter de nombreux épisodes de manière intéressante et émouvante. Et c’est là que le travail sur l’arc peut vraiment vous aider !

Les personnages récurrents ont généralement un passé très chargé (positivement ou négativement). Leurs caractéristiques principales dans l’histoire émanent de ce passé. Lorsqu’on lit les romans de Ian Flemming, on découvre des indices du sombre passé de Requin, de son enfance aux évènements qui l’ont amené à devenir le tueur à gages qu’on connait. Ce passé, c’est celui d’un jeune Polonais à la mâchoire détruite lors d’une descente de police, qui fuit en Suède et trouve de l’aide auprès d’un médecin ancien-nazi (qui lui modèlera sa mâchoire d’acier !).

Ce qui est intéressant à noter, c’est que bien souvent, ce passé n’est révélé au lecteur que par bribes, par flashbacks, et fait rarement l’objet d’une intrigue à part entière. Un personnage récurrent évolue rarement de manière significative dans l’histoire ou les histoires qu’on nous raconte : il a déjà effectué un arc puissant dans un passé, arc plus ou moins connu du spectateur.

Son rôle dans l’histoire n’est pas tant d’évoluer que d’incarner le résultat d’une évolution puissante. Il est une sorte d’exemple ou de repoussoir pour les autres personnages !

Le personnage récurrent : au coeur du réseau de personnages

Cela ne veut pas dire qu’un personnage récurrent ne peut connaitre d’évolution ou n’est pas à l’origine d’un arc transformationnel puissant. Dans de nombreux cas, sa trajectoire suit la forme d’un « arc neutre » (attention, on n’a pas dit « arc plat »). Dans ce type d’arc, le personnage - qui a déjà fait l’expérience d’un arc positif ou négatif plus tôt dans sa vie - aide les autres personnages à développer leurs arcs. C’est une sorte de catalyseur ! Si on reprend l’exemple d’Albus Dumbledore, la fiction de JK Rowling nous donne de très nombreux indices sur le passé glorieux et fascinant du mythique directeur de l’Ecole des Sorciers.

Mais dans l’histoire principale qui nous est racontée, celle d’Harry Potter, le rôle de Dumbledore est de puiser dans ses connaissances, dans ses péripéties passés, dans ses alliances anciennes (i.e dans le résultat de son arc positif !) pour aider et guider le jeune Harry, beaucoup moins expérimenté que lui. Par ailleurs, Albus Dumbledore sert de catalyseur à de nombreux autres personnages de la saga qu’il aide à s’accomplir (Professeur Rogue, Drago Malefoy, Hagrid, etc).

Si vous souhaitez en connaître davantage sur les techniques qui permettent de créer des personnages puissants, aux trajectoires fascinantes, nous vous conseillons de suivre notre stage « L’Arc transformationnel du personnage ». Vous découvrirez, analyserez et créerez - étapes par étapes - des arcs de personnages positifs, négatifs et neutres et découvrirez des techniques pour développer vos personnages sur une intrigue longue. 

]]>
8686 0 0 0 ]]> ]]>
Le syndrome du milieu http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8690 Thu, 01 Jan 1970 00:00:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8690 En finir avec le syndrome du milieu

Écrire un roman comporte de nombreuses difficultés. Au-delà des aspects purement pratiques (trouver le temps nécessaire), il faut aussi se confronter aux problèmes techniques. Ces derniers augmentent de façon exponentielle avec le nombre de pages envisagé par l’auteur ! Et parmi ces problèmes techniques, les jeunes auteurs et autrices de fiction sont régulièrement confrontés au fameux syndrome du milieu. Quel est ce syndrome ? De quoi est-il le signe ? Et comment le « soigner » ? 

roman syndrome du milieu

Un syndrome récurrent

C’est un problème que tous ceux et celles qui ont écrit de la fiction ont déjà vécu ! Une fois passées l’excitation des premières pages et l’étape relativement aisée de la mise en place, l’histoire prend du plomb dans l’aile. L’intrigue retombe comme un soufflet, les personnages s’essoufflent, les sous-intrigues bourgeonnent mais ne mènent nulle part… Bref, on est dans le ventre mou du récit. Cet effet récurrent est connu sous le terme de « syndrome du milieu » ! Et il est assez paradoxal, quand on y pense. Car le milieu, c’est le moment de votre histoire où il devrait se passer le plus de péripéties. C'est un moment d’actions, de contrecoups et de revirements. Si vous êtes victime de ce syndrome du milieu, pas d’inquiétude ! Cela se traite avec de la patience et du labeur !

Maîtriser l’arc du personnage 

Le syndrome du milieu de l’histoire peut tenir son origine de plusieurs problèmes dans votre intrigue. Un nombre de personnages principaux difficile à gérer. Un enjeu dramatique qui n’en est pas vraiment un. Ou bien un univers narratif mal façonné ou sous-utilisé, un travail de construction bâclé… Et très souvent, tous ces problèmes s’avèrent liés !

Avant de tout jeter à la poubelle et de recommencer (et risquer de vous retrouver confronté(e) au même problème), demandez-vous si vous avez travaillé les arcs de vos personnages.

Le travail sur l’arc des personnages n’est pas une panacée, mais quand il est fait sérieusement, il permet de consolider des éléments très importants de votre histoire. Il vous demande de travailler votre univers narratif, de penser à une situation initiale solide, de bien définir la quête de votre personnage. Mais surtout, d’envisager des obstacles puissants dont la confrontation va amener votre personnage à une évolution progressive, inexorable. Il est en train de devenir un être nouveau - pour le meilleur comme pour le pire. Bref, le travail sur l’arc permet de constituer le corps de votre récit, ce fameux « milieu ».

Tracer précisément l’arche narrative de votre personnage - avant rédaction et en cours d’écriture - vous permet de ne pas vous perdre dans votre récit, au fil de la rédaction. Vous maitrisez votre thème, vos effets dramatiques. Ainsi vous ne perdez pas le rythme : ni pour vous, ni pour vos lecteurs. C’est donc un outil très intéressant à étudier, analyser et tester en profondeur !

Syndrome du milieu et midpoint

En dramaturgie (en construction d’histoires), on situe précisément le milieu d’une intrigue. Il s'agit du « midpoint », un moment tout sauf anodin. Ce point central est une scène (ou une série de scènes) qui fait basculer votre histoire dans un nouveau paradigme. Bien souvent, cela permet de redonner un rythme dynamique à une histoire qui est en train de perdre du tonus en termes d’actions ou d’intérêt pour le lecteur.

Notez-bien qu’il n’existe pas une seule façon de dessiner un arc de personnages. Et heureusement ! Sinon toutes nos histoires parleraient de la même chose et se dérouleraient de la même manière. Au sein du stage « L’Arc transformationnel du personnage », vous découvrirez les trois grands types d’arcs transformationnels. L’arc positif, l’arc négatif et l’arc neutre. Ce sont de grands modèles à connaître et à maîtriser, pour ensuite, si on le souhaite, être libres de les moduler à l’infini.

Si vous êtes lassé(e)s de souffrir du syndrome du milieu, pensez à vous former aux bases et aux techniques de la dramaturgie. Une (bonne) histoire ne s’écrit pas au hasard. Il est normal de devoir apprendre à construire une histoire cohérente et fascinante pour un lecteur qui n’est pas dans votre tête. Pour en connaître davantage sur les techniques qui permettent de créer des personnages puissants, aux trajectoires fascinantes, nous vous conseillons de suivre notre stage « L’Arc transformationnel du personnage ». Vous découvrirez, analyserez et créerez - étapes par étapes - des arcs de personnages positifs, négatifs et neutres et découvrirez des techniques pour développer vos personnages sur une intrigue longue.

]]>
8690 0 0 0 ]]> ]]>
Le point de vue dans les romans de Robin Hobb http://www.artisansdelafiction.com/blog/la-question-du-point-de-vue-dans-loeuvre-de-robin-hobb/ Thu, 14 May 2015 09:47:26 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=1874

Si on analyse les romans de Robin Hobb d'un point de vue technique, on découvre que l'auteur des cycles de fantasy L’assassin Royal, Les aventuriers de la mer, Le soldat Chamane, Les citées des anciens, aborde la question du point de vue d’une façon singulière.

Le point de vue : qui raconte l'histoire ?

Dans la fiction littéraire, la question du point de vue, c'est-à-dire « qui raconte l’histoire », est fondamentale et marque une différence fondamentale avec le cinéma ou le théâtre. La construction de l’univers narratif, des personnages ou l’intrigue sont similaires au cinéma où au théâtre (il s’agit de construire des dynamiques : dynamique de cadre, de personnages, de structure), mais le point de vue est spécifique à la littérature. Il permet de se connecter émotionnellement et de ressentir à travers le personnage.

Narration à la 3ème personne, points de vue multiples

Dans ses cycles de romans Les aventuriers de la mer, ou Les citées des anciens, qui couvrent des récits s’étendant sur des années et couvrant plusieurs pays, Robin Hobb opte pour la solution, évidente, d’une narration à la troisième personne (« il » ou « elle »), avec des points de vue multiples. Nous découvrons par exemple l’histoire à travers les yeux et la perception d’une jeune fille de marchand, d’un second de navire, d’une jeune intrigante ou d’un serpent de mer dont l’identité est en train de se dissoudre dans un nœud formé avec ses congénères.

Narration à la 1ère personne, point de vue unique

L’approche de Robin Hobb sur son cycle de romans le plus connu, L’assassin Royal, ainsi que sur Le soldat Chamane, est plus audacieuse et intrigante. Pour nous faire vivre ces récits qui courent également sur des décennies, mettent en jeu des dizaines de personnages, et ont pour décors des civilisations différentes, l’auteur opte pour une narration à la première personne (« je »), avec un narrateur unique. Le choix est audacieux, car avec un narrateur unique à la première personne, le lecteur ne peut accéder aux informations dont le héros n’est pas le témoin. Comment tenir le lecteur informé des événements qui se déroulent à l’autre bout du royaume, comment lui faire vivre ce que vivent les personnages secondaires, sur des cycles de romans qui s’étendent sur les milliers de pages ?

Narration à la 1ère personne, point de vue unique combiné à des points de vue externes

La solution la plus évidente serait de raconter ces événements au narrateur, comme lorsque quelqu’un nous informe de ce qu’à vécu tel ou telle de nos connaissances avec qui on a perdu le contact. Robin Hobb utilise en effet cette possibilité, afin de distiller des informations sur son univers narratif foisonnant. Chacun des chapitres de L’assassin royal s’ouvre sur un document (journal, correspondance, compte rendu, légende), cela lui permet des ellipses, et surtout nous permet d’accéder à d’autres points de vue (les documents en questions ne sont pas écrits par le narrateur), sans que le contrat implicite passé avec le lecteur, la connexion intime avec le héros, soit brisé. Mais cela ne nous permet pas d’être connectés à ce que vivent les autres personnages, en plus de prendre le risque de lasser le lecteur, qui pourrait avoir l’impression d’étouffer en restant  dans la peau, la tête et les sensations corporelles d’un seul personnage pendant des milliers de pages.

Narration à la 1ère personne, point de vue unique incluant d'autres points de vue

C’est là que Robin Hobb contourne la contrainte qu’elle s’est fixée, sans pour autant rompre le contrat : Fitz Chevalerie, le narrateur de L’assassin royal a un pouvoir, qu’il vit comme une malédiction, et qui lui permet d’être connecté à certains autres personnages, de vivre à travers eux, d’habiter leurs rêves. Ainsi en respectant le choix d’un seul point de vue, nous accédons, avec le narrateur à d’autres points de vue, ce qui élargit considérablement notre appréhension du récit.

Narration à la 1ère personne, point de vue unique dual

A cette astuce, Robin Hobb en ajoute une autre : le héros est émotionnellement connecté à un animal, un loup, à travers qui il voit et ressent. Cela donne lieu à des chapitres entiers où le héros change de personnalité, devenant ce loup, ou vivant dans la peau du loup, ce qui permet à l’auteur d’ajouter un autre point de vue fort et de mettre en scène les moments de désaccord entre le héros et son loup, leur dialogue constant. Ainsi, le héros se dédouble et s’affronte lui-même parfois, et en tant que lecteur, nous vivons l’histoire dans deux corps, avec deux personnalités, qui passent parfois d’un corps à l’autre.

Robin Hobb fait reposer son cycle Le soldat Chamane entièrement sur cette technique : un seul point de vue, au « je », celui de Jamère Burvel, mais la personnalité de Jamère est divisée en deux au début du récit, et il va ensuite constamment s’affronter lui-même. Avec un seul corps, nous avons deux points de vue qui s’affrontent, prennent le dessus, luttent pour survivre.

Interview (en anglais) de Robin Hobb à propos de L'assassin royal

]]>
1874 0 0 0 ]]> ]]>
Ce qui rend l’écriture de James Ellroy addictive http://www.artisansdelafiction.com/blog/ce-qui-rend-lecriture-de-james-ellroy-addictive/ Mon, 18 Jan 2016 12:55:12 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=2827

Densité. Rapidité. Efficacité. Précision. Pragmatisme.

Les images qui viennent immédiatement pour définir l’écriture de James Ellroy sont elles justes ?  Penchons nous sur les procédés techniques utilisés par l’auteur du Dahlia Noir, du Grand nulle part ou d’American Tabloïd

Brève analyse de Perfidia (Rivages/Thriller 2015.)

POINTS DE VUE MULTIPLES

Perfidia-James-Ellroy-atelier-d'écriture-Les-Artisans-de-la-Fiction5

Se déroulant sur 3 semaines, du début à la fin décembre 1941 (date de Pearl Harbour et de l’entrée en guerre des Etats Unis) Perfidia reprend le dispositif narratif utilisé par James Ellroy dans son premier quatuor de Los Angeles (Le Dahlia Noir, Le Grand Nulle Part, L.A. Confidential et White Jazz), ainsi que dans sa trilogie American Tabloïd, American Death Trip et Underworld USA. L’histoire est racontée en utilisant le point de vue multiple à la troisième personne.

C'est-à-dire que l’auteur nous fait vivre le récit du point de vue de plusieurs personnages, chacun de ces points de vue étant écrits à la troisième personne du singulier (« il », « elle »).

Le fait d’opter pour le point de vue multiple densifie pour le lecteur la perception de ce qui se joue dans le récit. Nous découvrons, vivons et comprenons l’histoire du point de vue de 4 personnages. En l’occurrence du point de vue de Hideo Ashida (un jeune policier à l’esprit scientifique d’origine japonaise), du point de vue de Kay Lake (jeune intrigante fascinée par le monde policier), du point de vue de William H. Parker (futur chef de la police de Los Angeles), du point de vue de Dudley Smith (un officier à la carrière prometteuse).

[tab] [tab_item title="Point de vue d’H.Ashida"]« (…) Ashida ne bronche pas. Une voiture de police tourne au coin de la rue et s’arrête en dérapage à quelques centimètres du bidule photographique. Ashida est tout près du véhicule. Il en reconnaît les occupants : Buzz Meeks et Lee Blanchard. » (p.28)[/tab_item] [tab_item title="P.d.V. W. H.Parker"]« (…) Parker remonte dans sa voiture et active les feux d’avertissement et la sirène. Sur le trottoir, des gamins poussent des cris. Il accélère à fond et se glisse dans l’ouverture. Il arrive au commissariat de Wilshire Boulevard à 13 h 16. Il se gare et monte l’escalier en courant. De jeunes flics restent bouche bée en voyant un capitaine pousser un sprint. » (p.52)[/tab_item] [tab_item title="P.d.V. D. Smith"]« (…) Dudley regarde sa montre. Il est 14 h 54. Le départ de l’avant dernière course est à 15 h. La plupart de habitués quittent le champ de course avant la dernière. (…) Dudley fume. Ses pensées vagabondent. » (p.62-63)[/tab_item] [/tab]


Chacun de ces personnages à ses enjeux, ses obstacles internes et externes propres, et entre en relation à un moment donné avec les autres afin de tenter de tirer son épingle du jeu dans un univers narratif en mutation.

A ces points de vue multiples l’auteur ajoute des extraits de chansons, des extraits d’articles de journaux. Ce dispositif crée une impression d’urgence et de réalité, ancrant les personnages dans un univers narratif historique.

trilogie-USA-john-dos-passos--ateliers-d'écriture-Les-Artisans-de-la-Fiction

Cette technique (points de vue multiple + extraits de documents) a été utilisée pour la première fois au début des années 1930 par l’auteur américain John Dos Passos dans sa trilogie U.S.A (Le 42ème parrallèle, 1919 et La grosse galette). Comme Dos Passos, Ellroy mêle également au point de vue de personnages fictifs, les biographies de personnages historiques réels (dans Perfidia la star de cinéma Bette Davis,  le compositeur Leonard Bernstein, la famille Kennedy…)

Le récit est un canevas où les fils narratifs des protagonistes (les personnages qui vivent l’histoire en agissant) s’entrecroisent avec les transformations en cours de l’univers narratif (l’élan patriotique qui suit l’attaque de Pearl Harbour, l’internement des japonais en camps de prisonniers, l’entrée en guerre des USA).

POINT DE VUE A LA TROISIEME PERSONNE

& POINT DE VUE A LA PREMIERE PERSONNE

American-Tabloid-James-Ellroy-ateliers-d'écriture-Les-Artisans-de-la-Fiction

Dans Perfidia, Ellroy s’accorde d’ailleurs une entorse à la règle. Le lecteur vit le récit à travers plusieurs points de vue masculins à la troisième personne, mais le point de vue féminin, celui de Kay Lake, est écrit à la première personne du singulier. Le point de vue à la première personne du singulier à un effet plus immersif. Avec le « je », le lecteur se connecte directement aux perceptions du protagoniste, comme avec une caméra subjective (l’action étant montrée par celui qui la vit).

Mêler point de vue à la troisième personne et point de vue à la première personne peut être risqué. Le lecteur basculant d’un registre d’écriture à un autre peut sortir du récit, dont il percevra les procédés d’écriture en cours de lecture.

Pour ne pas prendre ce risque, Ellroy utilise le procédé du journal intime. Les passages au « je » de Kay Lake sont écrits de sa main. Mais l’astuce reste artificielle. Il ne s’agit pas vraiment, en fait, d’un journal intime, qui n’en porte que l’intitulé. Les passages de ces personnages sont avant tout écrits à la première personne, et nous donnent accès à ce que vit Kay Lake durant l’action, et non à une reconstitution de son expérience, à laquelle pourrait s’ajouter son analyse rétrospective.

Point de vue de Kay Lake , à la première personne : « (…) J’ai commencé à écrire ce journal intime sur un coup de tête. Une scène extraordinaire s’est déroulée sous mes yeux alors que je me trouvais sur la terrasse de ma chambre. Je faisais un croquis de la vue qu’offre le balcon sur la partie sud de la ville lorsque j’ai entendu le grondement des véhicules qui descendaient le Strip. Aussitôt je me suis levé pour noter précisément l’heure et la date » (p.40-41)

POINT DE VUE OBJECTIF

des-souris-et-des-hommes-steinbeck-ateliers-d'écriture-Les-Artisans-de-la-Fiction

Certains auteurs, comme l’auteur de polars Dashiell Hammet (Le Faucon Maltais, 1929), ou Steinbeck (Des souris et des hommes, 1937) ont crée une variante du point de vue à la troisième personne : le point de vue objectif.

Le point de vue objectif donne à voir les actions, les gestes, les expressions des personnages, et d’entendre leurs paroles, mais pas d’accéder à leurs pensées. L’effet sur le lecteur est particulièrement efficace : nous avons l’impression d’être au milieu de la scène, de l’entendre et de la comprendre en observant ce qui se déroule devant nous. Ce point de vue est aussi qualifié de « point de vue journalistique » ou « cinématographique ». Le point de vue objectif est considéré par les auteurs comme le point de vue le plus difficile à maîtriser techniquement.

La façon dont Ellroy gère le point de vue à la troisième personne dans Perfidia, ainsi que dans ses autres romans mentionnés plus haut est très singulière. L’auteur nous donne essentiellement à voir les actions de ses protagonistes, comme dans le point de vue objectif. Dashiell-Hammet-ateliers-d'écriture-Les-Artisans-de-la-Fiction

Nous sommes, en tant qu’observateurs, au cœur de la scène, nous voyons les personnages agir, sans que leur subjectivité semble apparaitre. L’écriture est concrète, pragmatique. Le style s’appuie sur des verbes d’action précis, des adverbes concrets. L’auteur évite les adjectifs au maximum.

Les extraits choisis plus haut pour les trois points de vue masculins le montrent clairement. Regardons en détail un nouvel extrait.

Point de vue d’Hideo Ashida, à la troisième personne : « (…) Ashida passe derrière le comptoir./ Il examine la caisse enregistreuse, les barres chocolatées, les cartes de Noël sur leur présentoir./ Il tape sur le clavier une vente d’un dollar. /Le tiroir caisse s’ouvre. Les cases sont remplies de billets de banque, d’un à vingt dollars» (p.30)

Ellroy utilise le présent, des phrases courtes, des verbes d’action précis, aucun adjectif. L’effet, proche de l’écriture blanche, est direct et crée le sentiment que l’action se déroule en directe devant nous.

UNE DESCRIPTION PRAGMATIQUE DE L’INTÉRIORITÉ

American-Death-Trip-James-Ellroy-ateliers-d'écriture-Les-Artisans-de-la-Fiction

Une analyse plus poussée montre qu’Ellroy ne s’interdit pourtant pas l’accès aux pensées de ses protagonistes. Mais, et c’est peut-être là sa spécificité, la façon dont il traite l’intériorité de ses personnages est avant tout …pragmatique.

Ellroy ne fait pas contraster la subjectivité des protagonistes avec leurs actions. Les pensées des personnages auxquelles nous accédons ne nous donnent pas à un accès direct à leurs sentiments. Les protagonistes de Perfidia sont des êtres rationnels, calculateurs et efficaces. La manière dont ils pensent, et dont leurs pensées apparaissent au cœur de l’action, est écrite de la même façon que leurs actes sont donnés à voir. Les phrases sont courtes, sans adjectifs, s’articulant avec des verbes d’action fort et des adverbes efficaces. Ces pensées sont précises, factuelles, d’une logique instantanée.

Reprenons l’extrait précédent et observons comment James Ellroy met en scène la pensée d’Ashida et la combine avec l’action :

[tab] [tab_item title="ACTION"]

« (…) Ashida passe derrière le comptoir du drugstore. Il examine la caisse enregistreuse, les barres chocolatées, les cartes de Noël sur leur présentoir. Il tape sur le clavier une vente d’un dollar. Le tiroir- caisse s’ouvre. Les cases sont remplies de billets de banque, d’un à vingt dollars. Ashida repasse de l’autre côté du comptoir et parcourt la première travée. Au sol : pas de douille éjectée par l’arme du braqueur. Au plafond : l’orifice résultant de l’impact. Juste au-dessous, des fibres métalliques sur le plancher - des bribes de laine d'acier arra­chées par la balle au passage. Ashida s'agenouille et les examine. Les bords ont brûle sous la chaleur dissipée par la bouche du canon. Les bribes de lame d'acier retombent de ses mains en virevoltant sur elles-mêmes. » (p.30-31)

[/tab_item] [tab_item title="PENSÉE"]

« (…) L’instinct parle. Le braqueur avait davantage besoin de drogue que d’argent liquide. Le vol des portefeuilles est secondaire. Il a été commis pour détourner l’attention de son vrai mobile. Anomalie : Pourquoi voler un seul flacon de phénobarbital ? Ce geste ne cadre pas avec l’archétype du voleur en manque de drogue. Donc : deux solutions. Soit le braqueur l’a ramassée, soit il a utilisé un revolver.» (p.30-31)

[/tab_item] [tab_item title="ACTION & PENSÉE COMBINÉES"]

« (…) (ACTION) Ashida passe derrière le comptoir du drugstore. Il examine la caisse enregistreuse, les barres chocolatées, les cartes de Noël sur leur présentoir. Il tape sur le clavier une vente d’un dollar. Le tiroir- caisse s’ouvre. Les cases sont remplies de billets de banque, d’un à vingt dollars. (PENSÉE) L’instinct parle. Le braqueur avait davantage besoin de drogue que d’argent liquide. Le vol des portefeuilles est secondaire. Il a été commis pour détourner l’attention de son vrai mobile. Anomalie : Pourquoi voler un seul flacon de phénobarbital ? Ce geste ne cadre pas avec l’archétype du voleur en manque de drogue. Ashida repasse de l’autre côté du comptoir et parcourt la première travée. Au sol : pas de douille éjectée par l’arme du braqueur. Donc : deux solutions. Soit le braqueur l’a ramassée, soit il a utilisé un revolver. Au plafond : l’orifice résultant de l’impact. Juste au-dessous, des fibres métalliques sur le plancher - des bribes de laine d'acier arra­chées par la balle au passage. Ashida s'agenouille et les examine. Les bords ont brûle sous la chaleur dissipée par la bouche du canon. Les bribes de lame d'acier retombent de ses mains en virevoltant sur elles-mêmes. » (p.30-31)

[/tab_item] [/tab]


Action, description et pensée s’entremêlent, en étant traitées formellement de la même manière. Elles sont quasiment indissociables. Et l’effet produit renforce l’impression d’immédiateté et de réel pour le lecteur.

James Ellroy réussit le paradoxe d’écrire avec un point de vue objectif, dont il transgresse la règle principale : ne pas donner au lecteur l’accès aux pensées de ses protagonistes. Mais, en écrivant l’intériorité de ses personnages de la même façon qu’il décrit leurs actes, il renforce l’impression d’urgence et d’implacabilité de son récit.

C’est dans cette transgression que réside probablement la force de son écriture.


Pour en savoir plus : entretien avec James Ellroy à propos de Perfidia (Télérama 05.05.2015) Vidéo (anglais non sous titré) : James Ellroy introduces Perfidia at University Book Store - Seattle

 ]]>
2827 0 0 0 ]]> ]]> ]]>
Les techniques d’écriture de la Science-Fiction # 1 : Alastair Reynolds http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-decriture-specifiques-a-science-fiction-1/ Fri, 03 Jun 2016 12:40:02 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=3777 Alastair Reynolds : “Devenir un bon écrivain c’est comme gravir une montagne sans fin”

Alastair-Reynolds-interview-creative-writing-Les-Artisans-de-la-Fiction2

La science-fiction britannique était à l’honneur cette année, lors du Festival de Science-Fiction et de Fantasy Les Intergalactiques de Lyon, qui se tenait du 14 au 15 mai 2016. Les Artisans de la Fiction ont rencontré l’écrivain de SF anglais Alastair Reynolds. Alastair Reynolds est l’auteur de l'impressionnant Cycle des Inhibiteurs, un space opera hard SF en quatre tomes (Pocket). Entre une conférence et une séance de dédicaces, Alastair Reynolds a généreusement répondu à nos questions sur les techniques d’écriture spécifiques à la Science-Fiction, avec modestie et précision.   Artisans de la Fiction : Comment travaillez-vous la préparation de vos romans ? Faites-vous beaucoup de construction sur les personnages et le background de l’histoire ? Alastair Reynolds : J’ai écrit une quinzaine de romans et mon approche a été différente pour chacun d’entre eux. Pour les premiers j’ai beaucoup planifié avant la rédaction, en détaillant l’intrigue avec des notes pour chaque chapitre. Mais je me suis rendu compte que ce n’était pas une méthode de travail qui me correspondait. Je préfère commencer tout de suite à écrire et laisser les choses venir. Je structure mes idées, mais je ne suis pas du genre à passer des semaines à organiser mon histoire avant de rédiger quoi que ce soit.
J’attaque généralement l’écriture par ce qui pourrait être une scène d’ouverture.
Artisans : Vous n’avez donc pas d’approche systématique. Par quoi commencez-vous : une idée, une situation ou plutôt un personnage ? Alastair Reynolds : Je débute par quelques lignes, quelques notes personnelles, qui sont également destinées à mon éditeur, afin de lui montrer de quoi parlera le livre. J’attaque généralement l’écriture par ce qui pourrait être une scène d’ouverture, et je poursuis à partir de là. Mais cette scène ne se retrouvera pas forcément dans le livre au final. C’est simplement pour commencer. [caption id="attachment_3788" align="aligncenter" width="603"]Alastair-Reynolds-interview-creative-writing-Les-Artisans-de-la-Fiction4 Le cycle des Inhibiteurs, un space opera hard SF en quatre tomes (Pocket).[/caption] Artisans : Abordons la question de l’univers narratif. Lorsque vous entamez un projet, est-ce plus simple en termes de préparation, s’il se déroule dans le même univers narratif qu’un de vos précédents livres ? Alastair Reynolds : Quand on reprend et qu’on étend un univers connu dans un nouveau roman, il y a beaucoup de questions de cohérence à se poser : la cohérence de l’univers lui-même et la cohérence des personnages aussi. Lorsqu’on crée un univers neuf, il faut le définir entièrement, poser ses règles de fonctionnement et sa géographie. Les deux choses sont aussi complexes pour moi. J’ai écrit plusieurs livres qui sont liés entre eux, j’ai aussi écrit des romans qui n’appartiennent pas à une série, et aucun ne m’a paru vraiment plus simple à créer.
Je crois que le lecteur doit s’intéresser aux motivations de chaque protagoniste.
Artisans : En tant que narrateur, comment avez-vous appris la manière dont les histoires fonctionnent ? Alastair Reynolds : Je pense que c’est un processus personnel et continu de découverte. Je n’ai pas encore le “golden eye”, alors j’essaie de comprendre ce qu’est vraiment une histoire. Vous pouvez réussir à composer une très bonne intrigue, mais ce n’est pas la même chose qu’arriver à écrire un récit qui plaise au lecteur. Ça, c’est une autre étape, et je m’exercer encore à passer de l’un à l’autre. Parfois j’écris un texte auquel les lecteurs se connectent vraiment émotionnellement. Et j’ai de très bons retours sur la construction narrative de ce texte. Et une autre fois, je vais écrire un texte où j’utiliserai les mêmes effets et il apparaît clairement que ça ne provoque pas la même chose chez les lecteurs. Je n’ai pas encore la réponse à ce problème, c’est pour ça que je continue à étudier. Et ça ne s’arrêtera jamais. Vous savez, je ne pense pas que tous les personnages doivent être sympathiques, mais je crois que le lecteur doit s’intéresser aux motivations de chaque protagoniste. Le lecteur peut détester un personnage et avoir envie qu’il soit puni, mais le lecteur doit comprendre les convictions de ce personnage. C’est un des points où j’essaye de m’améliorer aujourd’hui. Alastair-Reynolds-interview-creative-writing-Les-Artisans-de-la-Fiction3  
À chaque fois que je pense maîtriser un élément, je comprends qu’il y en a un autre à dompter.
Artisans : Et cet apprentissage de ce qui fonctionne dans une histoire, vous le nourrissez en écrivant et lisant d’autres auteurs ? Alastair Reynolds : Oui. Après avoir écrit une quinzaine de livres, et reçu beaucoup de retours, j’ai acquis un certain sens de ce qui marche et ne marche pas. Ça me guide dans mes choix d’écriture. J’ai aujourd’hui une idée des choses à éviter et de celles qui payent. Mais écrire un roman est un processus complexe. On essaye d’être juste sur une énorme quantité de points en même temps : l’histoire doit avoir une logique narrative, une bonne intrigue qui doit aussi être originale pour que le lecteur ne devine pas ce qui va arriver. Le lecteur doit aussi croire aux personnages, il faut que les personnages ressemblent à des personnes réelles, qu’ils soient bien distincts les uns des autres. Puis on travaille sur les thèmes que l’on développe dans l’histoire afin qu’ils soient profonds et donnent à réfléchir aux lecteurs. On doit aussi se préoccuper du langage et du point de vue… À chaque fois que je pense maîtriser un élément, je comprends qu’il y en a un autre à dompter. J’ai l’impression que devenir un bon écrivain c’est comme gravir une montagne sans fin. Mais c’est un défi qui continue de m’amuser, je ne m’en lasserai jamais.
Pour être un bon écrivain, il faut écrire, écrire beaucoup.
Artisans : Pensez-vous que les jeunes auteurs aient besoin de prendre des leçons ou de lire des ouvrages sur la narration ? Alastair Reynolds : Lorsque j’ai commencé à apprendre l’artisanat de l’écriture —je n’ai jamais arrêté d’ailleurs— j’ai lu tous les livres que j’ai pu trouver sur le sujet. Il y a le livre “Écriture, mémoires d’un métier” de Stephen King qui est sorti il y a quelque année (1). Je trouve que c’est un bon livre sur l’écriture, plein de conseils utiles. Si je pouvais remonter le temps et me le conseiller à moi-même plus jeune, je le ferais. Il m’aurait évité beaucoup de tracas à l’époque. De même, participer à des ateliers d’écriture ou à des groupes de bêta-lecture sur internet sont des pratiques très utiles, jusqu’à un certain point. Après, pour être un bon écrivain, il faut écrire, écrire beaucoup. Il faut réussir à oublier les distractions, dépasser ses complexes, et écrire. C’est en écrivant et ré-écrivant qu’on s’améliore. Je pense que la théorie des 10 000 heures d’exercices nécessaire pour maîtriser une pratique est assez juste. Je m’approche doucement de ces 10 000 heures (2). Je n’ai pas de talent inné, je ne suis pas un génie, j’ai juste l’envie d’être un auteur. Tout ce que j’ai pu réussir en littérature, c’est par un long et dur travail que j’y suis arrivé.
Il existe des astuces pour donner les sentiments qu’il y a un monde plus vaste derrières la page.
Artisans : Nous sommes en train de traduire le livre de Ben Bova sur l’écriture de science-fiction (3). Il y explique que l’auteur de science-fiction, en particulier, doit fournir beaucoup d’effort pour décrire un monde qui n’existe pas pour le lecteur. Qu’est-ce que vous en pensez ? Alastair Reynolds : En science-fiction, il faut parvenir à donner l’impression au lecteur que l’univers que l’on décrit est plus complexe qu’il n’y parait. On crée une illusion dans l’esprit du lecteur pour qu’il croie toujours qu’il y a un truc caché au coin de la rue. Si on raconte l’histoire d’une civilisation galactique, on ne peut pas donner le nom de toutes les planètes habitées, mais l’auteur doit faire croire qu’il connaît le nom de toutes ces planètes. Il existe des astuces pour donner les sentiments qu’il y a un monde plus vaste derrières la page. Écrire des nouvelles est un très bon exercice pour apprendre à maîtriser ces méthodes, car on manque de place pour faire vivre son univers et raconter l’histoire. Si on arrive à écrire ça en 3000 mots, on acquiert une compétence qui sera très utile dans l’écriture de roman.
J’ai une règle : si j’ai déjà investi 50% de l’effort nécessaire pour écrire une histoire, alors je vais jusqu’au bout.
Artisans : Une dernière question, quel serait votre conseil à un apprenti écrivain ? Alastair-Reynolds-interview-creative-writing-Les-Artisans-de-la-Fiction Alastair Reynolds : Un conseil très commun : écrivez beaucoup, produisez beaucoup de texte. Et une chose que j’ai appliqué dans ma carrière : finissez ce que vous avez commencé. J’ai une règle : si j’ai déjà investi 50% de l’effort nécessaire pour écrire une histoire, alors je vais jusqu’au bout. C’est toujours payant, on en retire toujours quelque chose. Je me suis rendu compte que quel que soit le projet, une nouvelle ou un roman, quel que soit le niveau que l’on ait, lorsque l’on commence à écrire, tout est super. Puis arrive un point où l’on perd confiance. On se dit que le texte est merdique, “pourquoi j’ai commencé ça ?”. C’est le moment où beaucoup d’écrivains abandonnent le projet et passent à un suivant. Et la même chose arrive sur l’autre projet et finalement ils ne terminent jamais rien, et n’apprennent jamais comment conclure une histoire. Aujourd’hui encore pour chaque texte, je passe par ce point où je me dis que tout est nul. Mais je sais que ça fait partie du processus d’écriture et je m’accroche, je boucle le projet. Ensuite je l’envoie à un éditeur, une revue ou un site web, et je commence un autre projet. L’avantage de commencer à travailler sur un autre texte, c’est que quelques semaines après l’envoi, quand l’éditeur vous contacte pour vous dire que votre nouvelle est pourrie, qu’il n’en veut pas, et bien vous vous en fichez. Votre investissement émotionnel a déjà basculé sur votre nouveau projet. En revanche si l’éditeur vous dit qu’il a aimé ce que vous avez envoyé, alors ça vous donne énormément d’énergie pour le projet en cours. Alors voilà ce que je conseille : finissez ce que vous commencez, puis attaquez autre chose. Et ne passez pas des années à essayer de peaufiner le même texte. Écrivez plutôt beaucoup de textes différents.
Interview réalisée par Lionel Tran & Loïc Mauran. Transcription & Traduction : Loïc Mauran. Merci aux Intergalactiques de nous avoir permis de réaliser cette interview. Pour en savoir plus :
  1. Écriture : Mémoires d'un métier, Albin Michel, 2001.
  2. Théorie des 10 000 heures : travaux du Professeur K. Anderson Ericsson, popularisés par le livre Outliers de Malcolm Gladwell (édition Little Brown And Cie, 2009, en anglais), expliquant que 10 00 heures d’exercice sont la clé pour devenir un expert dans n’importe quel domaine.
  3. The Craft of Writing Science Fiction That Sells, Writers Digest Books, 1994, en anglais.
   ]]>
3777 0 0 0 ]]> ]]>
Transmettre les techniques narratives # 1 : Lionel Davoust http://www.artisansdelafiction.com/blog/transmettre-techniques-narratives-1/ Fri, 17 Jun 2016 17:09:03 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=3821 © Melanie Fazi[/caption]

Lionel Davoust :  « Considérer la narration comme une pratique avec ses codes et ses techniques »

 Lionel Davoust est un traducteur et écrivain de fantasy et de thriller (Le Mystère Léviathan, Points, Port d'âmes, Critic), anciennement biologiste marin et soigneur d'orques.  Son roman La volonté du Dragon, a été particulièrement remarqué par la critique et les lecteurs. Son blog, très actif, est particulièrement généreux en conseils et en ressources à destination des apprentis auteurs (de nombreuses fiches, articles et vidéos sont à disposition.) Nous vous invitons à les consulter : Blog Lionel Davoust. L’interview qui suit aborde l’apprentissage de la narration, la manière de commencer un récit, la construction de personnages, l’utilisation d’un univers narratif et le travail de réécriture. Elle a été réalisée par Loïc Mauran avec Les Artisans de la Fiction.
Les Artisans de la Fiction : Pourquoi partagez-vous vos techniques d'écriture avec votre public et les jeunes auteurs ? Lionel Davoust : Quand j’ai commencé à vouloir écrire réellement sérieusement – à considérer la narration comme une pratique avec ses codes et ses techniques qu’il est pertinent d’apprendre, tout comme un peintre apprend la perspective ou l’anatomie –, les seules véritables ressources qui existaient sur le sujet se trouvaient presque toutes en anglais : livres, sites etc. Je n’ai pas de problème avec l’anglais (et j’ai beaucoup appris), mais le manque de ressources dans notre langue m’a toujours intrigué. Il me semble qu’en France, on approche l’art de manière beaucoup plus mystique, notamment l’écriture, et qu’on place une emphase disproportionnée sur « l’inspiration », « le talent » (quand les Américains tendent à l’excès inverse). D’accord – mais comment cela s’apprend-il, se travaille-t-il ? J’étais convaincu qu’il y avait aussi des choses que je pouvais apprendre et creuser pour servir au mieux mes histoires. Et c’est le cas. Dans ma pratique, je m’efforce de trouver l’équilibre qui me convient entre les deux approches, mais clairement en remettant l’accent sur la pratique et son étude dans la progression personnelle de l’écrivain. Or, Il se trouve que dans les métiers créatifs, il existe toujours des facilitateurs qui vous mettent le pied à l’étrier, qui vous guident à travers vos premiers balbutiements, qui vous montrent vos forces et faiblesses. D’accord – mais comment peut-on leur rendre la pareille ? Personne ne rajeunit, ils auront forcément toujours plus d’expérience. Du coup, puisque leur rendre pareil service est impossible, j’essaie plutôt à mon tour de partager cette expérience auprès de ceux qui viendront après moi. L’adage américain dit « You can never pay back, only pay forward » (on ne peut jamais rendre à ceux qui nous précèdent, si ce n’est en le donnant à ceux qui nous suivent). Du coup, je voudrais parvenir à régler un peu ma dette karmique, en quelque sorte... ! En fournissant à autrui ce que j’aurais aimé trouver quand, moi, j’ai commencé.
L’apprentissage de l’écriture est une réflexion permanente.
Les Artisans de la Fiction : Quel regard portent vos amis écrivains sur cette démarche ? Lionel Davoust : Les regards de mes confrères et consœurs sont plutôt positifs dans l’ensemble. Cela nourrit le débat plus général sur la créativité, et nous amène tous à réfléchir sur nos propres pratiques quand nous confrontons nos façons de faire. Le blog est très actif sur ce sujet, et parfois même des controverses un peu passionnées naissent, mais je pense que c’est une bonne chose : je n’ai jamais prétendu avoir raison ni la science infuse, je ne fais que proposer des pistes, qui sont les miennes. L’apprentissage de l’écriture est une réflexion permanente, avant tout sur le rapport qu’on entretient avec elle. Dès lors, c’est, par nature, une controverse.
Je planifie très à l’avance mes récits. Qu’est-ce que cette histoire ? De quoi parle-t-elle ? Quelles questions pose-t-elle ?
Les Artisans de la Fiction : Par quoi commencez-vous le travail d'une nouvelle histoire : l’univers narratif, les personnages, l’intrigue, ou le thème peut-être ? Lionel Davoust : D’une envie, voire d’une pulsion. Qu’est-ce qui me gratte, me scandalise, m’interroge, m’amuse dans le monde et qui me donne envie de faire un long voyage ? De là, généralement découle la fin de l’histoire, pour moi – j’ai absolument besoin de la connaître avant toute chose. Quand on me raconte une histoire, j’aime qu’on me surprenne, ou tout du moins que la conclusion vienne éclairer le chemin parcouru aux côtés des personnages. Je veux être satisfait, que le voyage offre une forme d’aboutissement ou de sens. Or, je suis structurel, c’est-à-dire que je planifie très à l’avance mes récits. J’ai donc besoin de savoir où je vais pour pouvoir ensuite y aller ! Qu’est-ce que cette histoire ? De quoi parle-t-elle ? Quelles questions pose-t-elle ? Je trace donc le gros de mon itinéraire narratif, et les personnages, les détails de l’univers. Mais tout cela est un joyeux chaos dont toutes les parties se nourrissent mutuellement en permanence – l’histoire me donne un personnage qui me donne un fil narratif qui me donne un particularité d’univers qui me donne l’histoire etc. Et puis, une fois que j’ai suffisamment pris de hauteur sur tout cela, je suis prêt à me lancer dans le voyage réel aux côtés des personnages – et je découvre que l’histoire traite en réalité de toute autre chose. Mais c’est tout le plaisir, justement. J’ai besoin de tout ce voyage préparatoire pour mieux m’en affranchir.
Je préfère montrer les enjeux, les caractéristiques, la psychologie par l’exemple, l’action, plutôt qu’en le relatant simplement.
Les Artisans de la Fiction : Quels sont vos techniques pour la caractérisation d'un personnage, lors sa première apparition dans un texte ? Lionel Davoust : N’importe quoi qui serve l’histoire ou le personnage dont il est question. Mais disons que je suis un convaincu de l’adage « show, don’t tell » (montrez, ne dites pas). Dans tous les récits, à tous les niveaux et donc aussi pour les personnages, je préfère montrer les enjeux, les caractéristiques, la psychologie par l’exemple, l’action, plutôt qu’en le relatant simplement. Je suis un lecteur impatient et j’aime qu’on m’embarque dans un récit, pas qu’on me le dise sans que je puisse le vivre. Du coup, je m’efforce dans mon travail de ne pas tomber dans ce qui, à mon goût de pur lecteur, est un défaut. Je vais faire de mon mieux pour vous montrer qui est ce personnage, pas vous le dire et que vous deviez me croire sur parole.
Si un personnage se montre tel qu’il est, dans ses forces et surtout ses faiblesses, il suscitera au moins une mesure de fraternité humaine avec le lecteur. Parce qu’il sera un être humain compréhensible.
Les Artisans de la Fiction : Comment vous y prenez-vous pour créer du lien entre le lecteur et vos personnages ? Comment faites-vous pour transmettre l’intériorité des personnages (pensées, émotions, sensations … ) ? Lionel Davoust : En n’y pensant surtout pas consciemment. Ce lien ne se force pas, de la même manière, disons, qu’on ne force pas quelqu’un à tomber amoureux de vous. L’écriture est d’ailleurs un peu une entreprise de séduction... L’alchimie prend, ou pas. Tout ce qu’on peut faire, c’est garder deux choses cardinales à l’esprit : d’une, le personnage est le véhicule du lecteur (du moins dans un point de vue classique à la troisième personne) ; tout ce qui est vu, entendu, su se fait à travers ses sens. Le devoir de l’écrivain consiste à rendre cela aussi compréhensible, cohérent, complet et concis à la fois qu’il est possible pour le lecteur. Deuxièmement, c’est là aussi que l’action, la démonstration par l’exemple, sont bien plus éloquents – et riches en potentiel d’évocation – qu’un raz-de-marée de détails ultra-précis. Pour rendre un personnage vivant, il faut laisser la place au lecteur de le comprendre, de l’investir s’il le souhaite. Et ce qu’il est doit émerger organiquement de ce qui se passe. Je crois profondément à la capacité empathique de l’être humain (même si notre espèce rechigne parfois à s’en servir dans le vaste monde...). Si un personnage se montre tel qu’il est, dans ses forces et surtout ses faiblesses, il suscitera au moins une mesure de fraternité humaine avec le lecteur. Parce qu’il sera un être humain compréhensible.
 Créer un personnage consiste surtout à comprendre comment cette personne se considère comme le héros de sa propre histoire.
Les Artisans de la Fiction : Comment travaillez-vous les personnages qui sont loin de ce que vous êtes (sexe, âge, métier, ambitions ...) ? Lionel Davoust : En m’efforçant de me mettre à leur place, de les comprendre (et j’écris d’ailleurs pas mal de mes personnages justement parce qu’ils sont très différents de moi, parce que je ne comprends pas leur point de vue et que j’aimerais justement, sans le partager, au moins le saisir un peu plus). Cela peut passer par des recherches, des entretiens même, mais cela revient beaucoup, au bout du compte, à se mettre en retrait tant que possible pour se projeter dans un autre mode de vie, une autre culture, un autre point de vue, et surtout à comprendre comment cette personne se considère comme le héros de sa propre histoire. Car tout le monde est le héros de sa propre histoire, tout le monde considère qu’il a un minimum raison dans sa conception des choses (même le dalaï-lama considère qu’il a un minimum raison dans sa conception des choses qui est de considérer qu’il n’a pas toujours raison dans sa conception des choses. Non ?). Concevoir, accepter puis adopter cette autre façon de voir, cet exercice de projection, se trouve à mon sens à la base de l’écriture – et de la lecture. Jusqu’à, dans l’imaginaire, se projeter dans d’autres réalités.
Y a-t-il un enjeu, un conflit narratif relié au plus grand dessein du récit, du sort des personnages ? Si la réponse est non, alors la scène mérite probablement de disparaître.
Les Artisans de la Fiction : Vous possédez un univers narratif personnel, dense, complexe et en expansion depuis des années. Vous y faites vivre plusieurs cultures : comment faites-vous pour introduire les scènes de rituels dans l’intrigue (comme un mariage) sans en faire de simple spectacle ? Lionel Davoust : Comme je le disais, je déteste l’exposition pour l’exposition, le décor qui traîne en longueur, et ma hantise principale est de m’écouter écrire. Le temps est précieux et j’aimerais ne pas gâcher celui de mes lecteurs ; en conséquence, je m’efforce, autant que j’en suis capable, de proposer, non pas des éléments toujours utiles à l’intrigue et qui n’en dévieraient jamais (on tombe alors dans l’utilitarisme, et l’atmosphère pure a quand même sa place), mais au moins des choses qui ont du sens. Quel but sert cette scène ? Montre-t-elle quelque chose d’intéressant qui éclaire le récit, les personnages, le monde, et ce, surtout, en les faisant avancer ? Y a-t-il un enjeu, un conflit narratif relié au plus grand dessein du récit, du sort des personnages ? Si la réponse est non, alors la scène mérite probablement de disparaître. Vous faites probablement référence dans votre question au mariage Umsaï dans « La Route de la Conquête » vu par les yeux des deux soldates impériales ; ce n’est pas un simple spectacle (enfin, j’espère) parce que la scène n’est pas « purement » gratuite – la généralissime de l’Empire d’Asreth veut conquérir la région pacifiquement et le patriarche umsaï veut les convaincre de les laisser en paix. Il y a donc beaucoup d’enjeux en sous-main dans cette scène, un jeu diplomatique entre deux cultures qui veulent des choses très nettes, diamétralement opposées et qui pourtant aimeraient toutes deux que ça ne se termine pas en bain de sang. Le patriarche cherche à montrer sa culture et pourquoi elle n’a aucun intérêt pour l’Empire. Les Impériaux veulent localiser les gisements qu’ils cherchent. Chacun a donc beaucoup à perdre, à gagner, mais surtout à apprendre de l’autre. Si cette scène avait juste été un décor, sans que les enjeux ne soient clairement établis, sans que chaque partie ait des objectifs clairs, elle aurait été assommante – et je ne l’aurais pas gardée. Mais je crois que je n’aurais pas été capable de l’écrire, de toute façon. Je serais mort d’ennui avant.
Je me retrousse les manches, et je corrige tout ce que je me suis fixé de faire.
Les Artisans de la Fiction : Comment vous y prenez-vous lors de la relecture d'un premier jet ? Quel type de chapitre vous demande le plus de retravail  (exposition, confrontation, révélation ...) ? Lionel Davoust : C’est justement une question que nous avons traitée en grand détail avec Jean-Claude Dunyach lors de la Masterclass proposée dans le cadre du festival Imaginales en mai dernier, tiens ! J’ai mon propre système en une seule passe. En gros, je lis le manuscrit comme un simple lecteur et je relève scrupuleusement tout ce qui m’agace, m’ennuie, tout ce que je ne comprends pas après coup, mais aussi tout ce qui me plaît (car ce sont ces moments qui me montrent l’idéal que j’aimerais atteindre autant que possible sur le livre). Je note des réflexions génériques de plus haut niveau sur l’histoire : quels sont les défauts récurrents qui émergent dans ce livre ? Verbeux ou sec, mou ou trop rapide, un personnage incohérent, un trou dans le scénario ? Une fois la lecture terminée, j’ai une idée assez précise de ce que je dois corriger, tant au niveau macroscopique (structure) que microscopique (d’une phrase à l’autre). Après... Eh bien, je me retrousse les manches, et je corrige tout ce que je me suis fixé de faire. Je n’ai pas tellement de « bête noire » ni de difficulté particulière dans les corrections. Pour moi, le vrai défi consiste à terminer le premier jet, c’est là le travail lent, difficile, de défrichage. Ensuite, je change de casquette et je reprends mes habitudes éditoriales – comme si je travaillais sur le texte d’un autre ; il n’y a plus tellement d’affect à ce stade. La correction, ce n’est « que » de la technique qui s’apprend ; c’est long, mais, au bout d’un moment, ça devient mécanique. L’écriture, c’est en revanche toujours risqué.
L’éditeur va me dire ce qui n’a pas fonctionné pour lui, et surtout pourquoi – ce qui lui a manqué dans son expérience de lecture.
Les Artisans de la Fiction : Qu’est-ce que le passage de vos manuscrits dans les mains de votre éditeur leur apporte ? Lionel Davoust : C’est indispensable. Aussi expérimenté que l’on soit, je crois que l’on ne peut pas se passer d’un regard extérieur aiguisé. Le bon éditeur est un lecteur expérimenté qui va comprendre ce que j’ai voulu faire et me montrer là où, potentiellement, je pourrais servir mon projet encore mieux, là où je ne lui ai peut-être pas rendu justice. L’éditeur va me dire ce qui n’a pas fonctionné pour lui, et surtout pourquoi – ce qui lui a manqué dans son expérience de lecture. Ensuite, c’est à moi de trouver la solution ; mais cela porte l’histoire et le manuscrit plus haut que je ne pourrais le faire seul – et que, je le pense fermement, aucun auteur ne peut faire seul. Quand je rends un manuscrit, j’apporte à l’éditeur une pierre que j’espère précieuse, que j’ai taillée au mieux de ma compétence ; lui part ensuite de cet état des choses et me montre comment la polir encore davantage. Jamais je ne voudrais me passer de ce regard.   Interview écrite réalisée par Loïc Mauran avec Les Artisans de la Fiction, printemps 2016.]]>
3821 0 0 0 ]]> ]]>
Les techniques d’écriture de la Science Fiction # 2 : Christopher Priest http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-decriture-specifiques-a-science-fiction-2/ Thu, 30 Jun 2016 09:48:26 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=3831 interview Christopher Priest écrire de la science Fiction Les Artisans de la Fiction intergalactiques 2016 (8)

Christopher Priest : « Lire, relire, c’est le seul moyen de devenir écrivain »

La science-fiction britannique était à l’honneur cette année, lors du Festival de Science Fiction et de Fantasy Les Intergalactiques de Lyon, qui se tenait du 14 au 15 mai 2016. Les Artisans de la Fiction ont rencontré l’écrivain de SF anglais Christopher Priest,auteur de nombreux romans et recueils de nouvelles, associés à ce que l’on a appelé la new wave de la Science-Fiction britannique. Il a notamment écrit Le Prestige (Denoël, 2001), adapté au cinéma en 2006 par Christopher Nolan, avec Christian Bale et Hugh Jackman. Christopher Priest a été de nombreuses fois primé (Prix World Fantasy, Prix British Science Fiction, Prix Arthur C. Clarke...).   ChristopherPriest-écriture-sf-Les-Artisans-de-la-Fiction2 Artisans de la Fiction : Que pensez-vous de l’enseignement et de l’apprentissage des techniques d’écriture ?  Christopher Priest : Le point essentiel est que l’on ne peut pas enseigner l’écriture. Pourtant l’écriture s’apprend. Le problème n’est donc pas de savoir comment enseigner, mais comment montrer aux apprentis écrivains la manière d’apprendre. Et pour moi la réponse est la lecture. Il faut lire beaucoup de livre, lire tout et n’importe quoi, les journaux, les publicités, Guy de Maupassant ! Lire, relire, c’est le seul moyen de devenir écrivain : lire et comprendre comment ce que l’on vient de lire fonctionne. Les écoles de techniques narratives peuvent aider à ça, guider les étudiants, leur donner des exercices.
Je me suis principalement cultivé en lisant
Artisans de la Fiction : Il y a donc une manière particulière de lire pour apprendre le fonctionnement des histoires. Vous-même, avez-vous appris en lisant, ou avez-vous suivi des cours ? Christopher Priest: J’ai fait peu d’étude dans ma vie, je me suis principalement cultivé en lisant. Mais dans le cadre de l’apprentissage de l’écriture, il existe des exercices très formateurs. Je me souviens d’un cours que j’ai donné dans une université australienne : un des étudiants était doué mais ne comprenait pas la notion de point de vue. Il vivait dans une petite chambre universitaire, alors je lui ai demandé de décrire sa chambre du point de vue d’un de ses amis, puis de celui d’une fille, d’un enfant, d’une araignée sur le mur… Je lui ai fait refaire cette description, perçue à travers les yeux de différentes personnes, et il a finalement saisi la notion. Mais je ne lui ai donné qu’un exercice, c’est l’étudiant qui a compris par lui-même. interview Christopher Priest écrire de la science Fiction Les Artisans de la Fiction intergalactiques 2016 (19) Artisans de la Fiction : Lorsque vous entamez un projet d’écriture, est-ce que vous commencez par définir qui sont vos personnages, ou par définir ce qu’ils vont faire ? ChristopherPriest-écriture-sf-Les-Artisans-de-la-Fiction3 Christopher Priest : Les personnages sont les éléments les plus importants lorsqu’on écrit, et ils sont ce qu’il y a de plus difficile à créer. Ce que j’ai l’habitude de faire, c’est de donner aux personnages un passé, une histoire personnelle, plutôt qu’une description. Si un écrivain homme doit décrire un personnage féminin, c’est technique et complexe, il risque de simplement dire qu’elle est belle et qu’elle a de longs cheveux, mais ça ne donne aucune information ! Ce que l’auteur doit faire, c’est savoir comment un personnage réagira dans une situation donnée. Si le personnage est témoin d’un accident de voiture dans la rue, il va s’écrier “mais qu’est-ce que je dois faire ?” C’est cette réponse que je veux donner au personnage en lui créant un background. Ainsi les choses sont cohérentes pour moi, et j’espère qu’elles le sont pour le lecteur. Ce n’est pas de la science, c’est de l’art, et c’est difficile.
Quand je crée un personnage, je crée le décor qui l’entoure à partir de ce que le personnage en perçoit.
Artisans de la Fiction : Et qu’est-ce que vous créez en premier : les personnages ou l’univers narratif ? Christopher Priest: Je crée les deux ensemble, ce sont des éléments organiques selon moi. Je me souviens qu’il y a quelques années, j’ai lu le manuscrit d’un jeune auteur : le premier chapitre faisait la description d’un vaisseau spatial. Et ça racontait : “Il ouvrit la porte et alla par là, il regarda le réacteur nucléaire, des diodes clignotaient. Il alla par ici et regarda les servo-machines, les relais commutaient…” Et c’était comme ça page après page. J’ai dit à l’auteur : “Mais c’est vraiment ennuyant ! Je ne comprends pas toutes ces choses, quel est leur intérêt ? Ton personnage est le capitaine de ce vaisseau, il voit ces trucs tous les jours et ne devrait plus y prêter attention. Imagine l'environnement au travers des yeux de ton capitaine : s’il fait anormalement chaud, ou si une diode ne clignote pas, qu’il y a truc de cassé, là ton personnage devrait le remarquer.” Je pense que c’est ce type de détails qui donne vie à un environnement. Quand je crée un personnage, je crée le décor qui l’entoure à partir de ce que le personnage en perçoit.
L’intrigue est invisible, bien que toujours présente.
Artisans de la Fiction : Il y a donc naturellement un lien fort entre les personnages et l’environnement. Et comment créez-vous du lien entre l’environnement et l’intrigue ? Christopher Priest:  Haha ! Pourquoi vous me posez des questions si difficiles ? Ce qu’il faut écrire, c’est ce qui est nécessaire pour le personnage dans la situation où il se trouve. L’intrigue, elle, est invisible, bien que toujours présente. Tout ce qui arrive dans le récit doit être directement ou indirectement lié à l’intrigue (et l’indirect est tout aussi important que le direct). Si vous racontez l’histoire d’un homme qui prend un pistolet et tire sur quelqu’un, ça n'intéressera personne. Mais si vous racontez que l’homme prend un pistolet qui ne fonctionne pas, ou qui n’est pas chargé, ou encore que l’autre personne s’enfuie, alors vous racontez une autre histoire, plus intéressante, et vous avez une intrigue. interview Christopher Priest écrire de la science Fiction Les Artisans de la Fiction intergalactiques 2016 (17) Artisans de la Fiction : Une dernière question, vous avez écrit plusieurs novélisations de films (*). Etais-ce un bon exercice d’écriture, ou vous n’avez fait ça que pour gagner un peu d’argent ? Christopher Priest: J’ai fait ça pour l’argent ! Haha, il faut dire que de mon point de vue, partagé par la plupart des auteurs, écrire une adaptation est assez facile. On vous donne l’histoire et les personnages, vous n’avez qu’à vous mettre au travail. C’est plus rapide que d’écrire un roman, et vous gagnez plus d’argent qu’avec vos propres livres ! interview Christopher Priest écrire de la science Fiction Les Artisans de la Fiction intergalactiques 2016 (15) Mais il y a une difficulté : on commence le travail à partir du scénario. Si je prends l’exemple du sexe, la plupart du temps le scénario se contente de dire “le garçon et la fille vont au lit et couchent ensemble”. Mais on ne sait pas à quoi ça ressemblera à l’écran. Est-ce que ça va être du porno, ou des images beaucoup plus chastes ? Est-ce que ça sera montré de manière suggestive, ou est-ce que ça sera de l’amour tendre ? On n’en sait rien. C’est difficile car le réalisateur aura un regard particulier sur la scène. Autre exemple, les courses-poursuites ne sont jamais détaillées dans le script. C’est juste marqué : “le détective rentre dans sa voiture et poursuit le bandit”. C’est tout ce qu’on a ! Et dans le film ça sera une scène d’action de 10 minutes trépidante ! (*) Christopher Priest a adapté entre autre en roman les filmseXitenZ, Mona Lisa, Short circuit. Interview réalisée par Lionel Tran & Loïc Mauran. Transcription & Traduction : Loïc Mauran. Merci aux Intergalactiques de nous avoir permis de réaliser cette interview. Pour en savoir plus : ]]>
3831 0 0 0 ]]> ]]>
Ecoles de creative writing # 1 : Eshkol Nevo http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecoles-decriture-1/ Wed, 06 Jul 2016 07:40:56 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=3871 « Un enseignement de l’écriture doit être ouvert »

interview-creative-writing-israel-école-d'écrirture-les-Artisans-de-la-Fiction

L’école de creative writing israélienne Sadnaothabait (les ateliers du jour), issue de 15 ans d’expérience, a été cofondée en 2014 par le romancier Eshkol Nevo et la poétesse Orit Gidali. Elle accueille chaque année environ 300 élèves dans ses murs, au cœur du marché aux puces de Jaffa, ou à l’extérieur (Haïfa, Kfar Saba, Jérusalem…) Cette première école d’écriture israélienne propose des cursus souples en deux ans et a l’originalité de proposer des cours animés conjointement par deux professeurs. Une trentaine d’étudiants de l’école ont été publiés, plusieurs ont été primés (prix du premier roman), et certains de leurs livres sont devenus des best-sellers.

 Les Artisans de la Fiction se sont entretenus avec Eshkol Nevo, un des deux fondateurs de l’école, durant les 10èmes Assises Internationales du Roman, à Lyon.

  Les Artisans de la Fiction : Eshkol Nevo vous avez co-créé, avec Orit Gidali, une école d’écriture en 2014. Sur quel principe repose cette école ? creative-writing-school-Eshkol-Nevo- ateliers d'écriture Les Artisans de la Fiction 1 (18)Eshkol Nevo : Je vais vous raconter l’histoire de l’école. Depuis 13 ans, Oril Gidali et moi, animions des ateliers d’écriture, des writing workshops, dans des appartements privés à Tel-Aviv. Au début, c’était plutôt une sorte de « boutique d’écriture ». Nous enseignions à 60 personnes chaque année, puis très, très lentement, la demande a augmenté. Durant l’été 2011, il y a eu de nombreuses manifestations en Israël (1). Il se trouve qu’un des leaders des manifestations était aussi un de nos élèves et il nous a invités à faire un atelier d’écriture pendant une manifestation. Nous l’avons fait, c’était la 1ère fois que nous animions en dehors d’un logement, en plein air. Tous les manifestants venaient et écrivaient des poèmes… Donc, nous avons pensé : « et si nous prenions cette idée de boutique d’écriture et que nous donnions l’opportunité d’apprendre l’écriture à plus de gens ? » Et nous avons créé l’école, il y a deux ans.
Nous sommes présents tous les deux durant chaque cours.
jaffa_workshops creative writing schoolLes Artisans de la Fiction : Quels types de cours proposez-vous ? Eshkol Nevo : Notre principal cours est animé par Oril Gialdi et moi. Avec Orit, nous enseignons la narration et la poésie.  Nous sommes présents tous les deux durant chaque cours, nous discutons des textes avant les leçons. Parfois nous ne sommes pas d’accord à propos des textes, et nous venons avec ce désaccord en classe. Nous proposons également différents cours spécialisés : écriture journalistique, écriture journalistique/ internet, écriture de chansons, écriture au « je » pour les blogs, écriture de fantasy, écritures thérapeutiques… Ces cours sont animés par différentes personnes. En plus d’Orit et moi, les fondateurs de l’école, il y a en tout 17 personnes qui interviennent dans notre école : des écrivains, éditeurs, scénaristes, journalistes, une chanteuse, une psychologue…
Il y a en tout 17 personnes qui interviennent dans notre école
  Les Artisans de la Fiction : Dans les cours que vous animez avec Orit, vous êtes deux professeurs pour chaque cours ? Eshkol Nevo : Oui, mais toute l’école ne fonctionne pas de cette manière. Il y a des classes avec un seul professeur. C’est spécifique à notre cours, que nous réalisons toujours à deux depuis 15 ans. Il y a souvent des différences d’opinions, de sa part ou de la mienne. Orit se focalise beaucoup sur la langue. Je suis plus axé sur la narration, de manière générale. Mais parfois nous permutons les rôles. C’est bien d’avoir quelqu’un auprès de qui prendre conseil, parce que parfois -vous le savez en tant que professeur- vous vous retrouvez dans une situation particulièrement difficile avec un étudiant, vous allez devoir lui parler de son texte et lui dire quelque chose de dur. Dans ces moments là, c’est bien d’avoir quelqu’un avec qui en discuter, afin de voir quelle serait la manière la plus adaptée pour lui dire cette vérité sans déprécier le travail de l’étudiant, ou sans qu’il se sente blessé. Donc c’est une chance de travailler à deux. ododt_hasadna2 creative writing school Les Artisans de la Fiction : Combien d’étudiants accueille votre école ? Eshkol Nevo : Nous accueillons environ 200 étudiants chaque année dans l’école, plus une centaine d’autres étudiants durant des workshops en dehors de l’école. Nous avons beaucoup de demandes. Les Artisans de la Fiction : Comment, vous-même, en tant qu’étudiant, avez-vous appris à raconter des histoires ? Eshkol Nevo : Je pense que je raconte des histoires depuis que je suis enfant. Mais j’ai commencé à penser sérieusement en faire une profession quand j’ai terminé mes études de psychologie à l’université. Un des autres étudiants m’a dit : « tu sais, il y a un workshop de creative writing, si tu as envie de passer… ». J’ai dit « ouais, pourquoi pas… » Et je suis allé à mon premier atelier d’écriture.  J’avais 28 ans.
Les writing workshop universitaires ne sont pas très présents en Israël.
Les Artisans de la Fiction : À l’université ? Eshkol Nevo : Non, c’était un atelier privé. Les writing workshop universitaires ne sont pas très présents en Israël. C’était un atelier privé, nous étions sept étudiants, je me suis assis et cela a changé ma vie. Je ne savais absolument pas à quoi m’attendre. Et ça s’est avéré être un des moments les plus cools de ma vie parce que je me suis mis à écrire, et à écrire. A chaque cours, entre les cours. J’ai démissionné de mon travail pour écrire. C’est devenu une obsession, soutenue par cet incroyable atelier d’écriture.
Quand j’écris un personnage, j’essaie de trouver ce qu’il y a de spécifique en lui.
[caption id="attachment_3866" align="aligncenter" width="640"]interview-creative-writing-israel-école-d'écrirture-les-Artisans-de-la-Fiction-12 Romans publiés d'anciens étudiants de l'école de creative writing Sadnaothabait (les ateliers du jour)[/caption] Les Artisans de la Fiction : Est-ce que le fait d’avoir étudié la psychologie vous aide à construire vos personnages, en tant qu’auteur ? Eshkol Nevo : Parfois j’ai l’impression que c’est le contraire, parce que d’habitude dans la psychologie, vous avez tendance à aller vers la généralisation : vous essayez d’identifier un phénomène, quelque chose qui soit commun, qui puisse être diagnostiqué. Est-il bipolaire ? Est-il schizophrène ? Est-il dépressif ? Je pense que quand j’écris un personnage, j’essaie de faire l’inverse, j’essaie de trouver ce qu’il y a de spécifique en lui, en elle -ce qui fait qu’il n’est pas comme tout le monde. Des traits physiques particuliers, une manière de s’exprimer, une manière de penser particulière : qu'est-ce qui le rend, ou la rend différent ? creative-writing-school-Eshkol-Nevo- ateliers d'écriture Les Artisans de la Fiction 1 (15)Donc je ne pense pas que mes études de psychologie m’aident. Il s’agit plus de savoir écouter les gens, de leur parler, d’observer. Quand je suis dans le processus d’écriture, je suis toujours en train d’espionner, de chercher des choses que je pourrais utiliser dans mes livres. Même actuellement, à Lyon, durant les Assises Internationales du Roman. Le jour de mon arrivée, je me suis assis dans un café, j’ai regardé les gens et je me suis dit : « oui, je peux utiliser ce chapeau ! », « je peux utiliser ce collier, le mettre autour du cou d’un de mes personnages ». Donc ce qui m’aide pour construire des personnages, ce n’est pas tant mes études de psychologie que le fait d’être ouvert.
Quand je suis dans le processus d’écriture, je suis toujours en train d’espionner, de chercher des choses que je pourrais utiliser dans mes livres.
[caption id="attachment_3875" align="aligncenter" width="640"]interview-creative-writing-israel-école-d'écrirture-les-Artisans-de-la-Fiction-7 Romans publiés d'anciens étudiants de l'école de creative writing Sadnaothabait (les ateliers du jour)[/caption] Les Artisans de la Fiction : Vous avez parfois recours à des flash-back dans vos romans. Travaillez-vous beaucoup le passé de vos personnages, leur histoire antérieure au récit ? Eshkol Nevo : Je ne m’assois pas à ma table de travail en ayant planifié telle trajectoire de vie pour tel personnage, ou en pensant « il faut que j’écrive l’histoire de chacun de mes personnages avant de commencer ».  Les personnages se développent au cours de l’écriture et parfois je sens le besoin d’un flash-back et à ce moment-là, je dois y penser.  Par exemple, nous nous sommes rencontrés il y a deux heures, j’ai une sorte de concept de vous, qui repose sur nos échanges et notre conversation, et peut-être, si nous en avons la chance, j’en arriverais à vous connaitre plus, à connaitre votre enfance, là où vous êtes né. Cela prend du temps. Je pense que c’est artificiel de le planifier à l’avance. Parfois ça prend du temps, c’est comme avec une personne, parfois vous avez besoin de temps pour comprendre quel a été son passé, son histoire familiale. Je ne prépare pas l’histoire de mes personnages.
Nous désirons que chaque leçon soit une expérience.
creative-writing-school-Eshkol-Nevo- ateliers d'écriture Les Artisans de la Fiction 1 (13) Les Artisans de la Fiction : Quelle approche de la pédagogie de l’écriture proposez-vous dans votre école ? Eshkol Nevo : Je pense que ce qui était nouveau dans ce que nous avons apporté dans le champ des workshops de Creative writing –il y en a beaucoup en Israël- c’est que nous avons senti que le cours lui-même devait être une expérience. Quelque chose de créatif doit se produire durant la leçon. Les gens doivent écrire, pour commencer. Chaque cours, ou chaque début de cours au moins, doit être actif et non passif. Mais cela va plus loin : il s’agit d’essayer d’exposer les gens à toutes sortes de contraintes, de situations, et les sortir de la classe et d’amener dans la classe toutes sortes d’artistes. Donc le cours ne repose plus seulement sur des retours et de l'analyse de textes. Il devient quelque chose que les étudiants vont expérimenter et qu’ils vont prendre du plaisir à faire, quelque chose qui va les inspirer. C’est, je pense, l’élément le plus crucial pour nous. ododt_hasadna3 creative writing schoolNous désirons que chaque leçon soit une expérience. Quelque chose d’intéressant doit se produire, aussi pour nous en tant que professeurs –si vous faites trop souvent la même leçon, vous vous ennuyez, et la classe sent que vous vous ennuyez. Et donc, nous devons inventer. Ma partenaire est vraiment très forte pour ça. Elle a vraiment beaucoup d’idées pour déclencher la créativité chez les élèves. En général, j’ai l’embarras du choix –elle propose quatre idées et je dis « celle-ci est la meilleure ». Une chose est vraiment spécifique à nos workshops : nous ouvrons de nombreuses possibilités aux étudiants d’interagir avec nous. La classe n’est qu’une option. Or, certaines personnes sont timides dans ce contexte. Elles ont besoin d’avoir des retours écrits sur le texte qu’elles ont rédigé à la maison, d'autres ont besoin d’un accompagnement personnalisé. Nous leur donnons cette opportunité d’un rendez-vous, ou d’une conversation téléphonique. Nous ouvrons donc de nombreux canaux, ce qui représente bien sûr plus de travail, mais c’est ce que les étudiants viennent chercher chez nous. Ils veulent avoir autant de retours qu’ils le peuvent. Ils veulent avoir un lien avec les professeurs, nous leur en offrons la possibilité. Je pense que c’est spécifique à notre école. Les Artisans de la Fiction : Combien d’étudiants avez-vous par classe ? Eshkol Nevo : Quinze, au maximum, parfois moins. Nous essayons de les sélectionner.  Nous avons la chance d’avoir beaucoup de personnes qui veulent étudier avec nous, donc nous avons la possibilité de choisir. Et parfois dans les demandes que nous recevons, ça va être une phrase que vous repérez dans un texte, et qui vous fait dire « il y a du potentiel, il y a quelque chose d’intéressant, là ». C’est une chance, dans le contexte actuel, de pouvoir choisir à qui nous voulons enseigner.
Ils veulent avoir un lien avec les professeurs, nous leur en offrons la possibilité. Je pense que c’est spécifique à notre école.
[caption id="attachment_3858" align="aligncenter" width="577"]interview-creative-writing-israel-école-d'écrirture-les-Artisans-de-la-Fiction-4 Romans publiés d'anciens étudiants de l'école de creative writing Sadnaothabait (les ateliers du jour)[/caption] Les Artisans de la Fiction : Quelle est la durée des cursus ? Eshkol Nevo : Cela dépend des étudiants. Le minimum est un semestre de 40 heures académiques. Et ensuite c’est en option. « Vous voulez continuer ? C’est un semestre de plus. » Ce qui fait une année entière. Et au bout d’un an, ils ont une option : « vous voulez rentrer chez vous et écrire votre manuscrit ? Allez-y. » Mais s’ils veulent continuer, c’est un autre semestre. Et après deux ans, c'est-à-dire quatre semestres, cela s’arrête. En général, nous leur disons : « c’est suffisant, allez chercher de l’inspiration en dehors des cours de l’école. » creative-writing-school-Eshkol-Nevo- ateliers d'écriture Les Artisans de la Fiction 1 (21)Donc, en général, le processus long est de deux ans, mais c’est optionnel. Nous nous sommes rendus compte que certains étudiants n’avaient pas besoin d’un processus d’apprentissage aussi long. Certains sont déjà presque déjà au point en venant nous voir, ils ont juste besoin d’un ou deux workshops et ils sont prêts. Ils ont juste besoin d’être guidés, ils n’ont pas besoin du groupe. Ils peuvent aussi suivre un autre cours dans l’école, pour y trouver de l’inspiration. C’est un type de structure très libre. Peut-être est-ce dû à moi, je n’aimerais pas que l’on me force à étudier des choses que je n’aime pas ou que je ne veux pas, parce que c’est obligatoire. Donc nous donnons aux étudiants autant de liberté que nous pouvons. Certaines personnes ont besoin de plus de cadre, d’autres moins, c’est très personnel.
Tout le monde se retrouve à parler d’écriture et à raconter des histoires, alors les étiquettes tombent.
[caption id="attachment_3859" align="aligncenter" width="569"]interview-creative-writing-israel-école-d'écrirture-les-Artisans-de-la-Fiction-5 Romans publiés d'anciens étudiants de l'école de creative writing Sadnaothabait (les ateliers du jour)[/caption] Les Artisans de la Fiction : Quels genres de personnes viennent dans vos cours ? Eshkol Nevo : Comment répondre à une question pareille ? C’est très variable. Je dirais que ça commence avec des gens qui sortent de l’armée, qui ont 21, 22 ans, jusqu’à des vétérans, des personnes âgées, jusqu’à 70-80 ans. Il y a beaucoup de personnes de mon âge, qui ont la quarantaine, un petit peu plus de femmes que d’hommes, mais cela change un peu dernièrement. Donc une très grande variété de gens. Israël est une société très compliquée, composée de multiples tribus. Nous avons dans nos classes des représentants de toutes ces tribus : des religieux –au sein du groupe religieux, des religieux orthodoxes- des non-religieux, des riches, des pauvres, tel coin du pays, tel autre partie du pays. Ce qui est fascinant dans le fait d’enseigner l’écriture, c’est que les élèves commencent le cours avec des a priori, des étiquettes. On peut voir les étiquettes sur leur front : « ah, voilà la femme religieuse », « peut-être que celui-ci ou celle-là je ne vais pas l’aimer à cause de ça » … et puis tout le monde se retrouve à parler d’écriture et à raconter des histoires, alors les étiquettes tombent, ils parlent ensemble, et parfois deviennent de bons amis. Ça fait partie de ce que j’aime dans l’apprentissage de l’écriture. Cela permet d’aller au-delà des catégories de la société, qui sont très nombreuses en Israël. Les Artisans de la Fiction : Comment s’orientent vos étudiants au sein de vos cours ? creative-writing-school-Eshkol-Nevo- ateliers d'écriture Les Artisans de la Fiction 1 (12)Eshkol Nevo : Nous avons des cours de journalisme, d’écriture de chansons, écritures thérapeutiques… Certaines personnes commencent « journalisme/internet » et découvrent qu’ils veulent écrire un roman, et ils changent de cursus, tandis que d’autres commencent à rédiger de la littérature, et découvrent qu’ils sont plus intéressés par l’écriture d’un blog, et d’autres cours concernent l’écriture de poésie. Nous proposons beaucoup d’options, c’est un cursus assez libre, et mobile, qui dépend de la trajectoire de chaque élève, qui peut changer d’orientation en cours de route.
Notre école est située dans le marché aux puces, à Tel-Aviv, dans une ancienne boutique.
Les Artisans de la Fiction : Comment s’appelle votre école ? Pourquoi ? Eshkol Nevo : « Sadnaothabait », c’est difficile à traduire de l’hébreu. « The workshops of the homies » / « Les ateliers du jour”, comme les “plats du jour”, parce que nous avons commencé à enseigner chez nous, dans des habitations privées, dans les living-rooms de personnes à Tel-Aviv. Les living-rooms devenaient de plus en plus étroits, les prix des workshops de plus en plus élevés. Ça devenait impossible de continuer comme ça, de satisfaire 15 personnes dans un espace minuscule. Nous avons essayé de maintenir cette atmosphère d’intimité. Nous voulons donner à nos élèves le sentiment qu’ils sont à la maison. [caption id="attachment_3864" align="aligncenter" width="640"]interview-creative-writing-israel-école-d'écrirture-les-Artisans-de-la-Fiction-10 Romans publiés d'anciens étudiants de l'école de creative writing Sadnaothabait (les ateliers du jour)[/caption] Notre école ne ressemble pas à une école. Quand nous avons ouvert l’école, mes filles voulaient voir où travaillait papa. J’étais très fier de leur faire visiter, elles sont entrées et elles ont dit « mais ça ne ressemble pas à une école, Papa. » Notre école est située dans le marché aux puces, à Tel-Aviv, dans une ancienne boutique du marché aux puces. Il y a de hauts plafonds, c’est un endroit vraiment cool. Les gens ont l’impression que c’est chez eux, ils empruntent des livres, ils apportent leurs propres livres. C’est un genre d’école moderne, une école d'écriture qui n'intimide pas. C’est pour cela que nous avons choisi cet endroit et pourquoi nous ne voulons pas être plus gros, peut-être que nous pourrions, mais nous voulons rester à cette taille.
Je ne crois pas que l’université soit le bon endroit où enseigner l’écriture.
[caption id="attachment_3863" align="aligncenter" width="551"]interview-creative-writing-israel-école-d'écrirture-les-Artisans-de-la-Fiction-9 Romans publiés d'anciens étudiants de l'école de creative writing Sadnaothabait (les ateliers du jour)[/caption] Les Artisans de la Fiction : Avant de créer cette école, vous avez enseigné l’écriture dans plusieurs universités en Israël. Eshkol Nevo : Oui, pendant 7 ans. Les Artisans de la Fiction : Pourquoi avez-vous arrêté ? Eshkol Nevo : Parce que, fondamentalement, je ne crois pas que l’université soit le bon endroit où enseigner l’écriture. Pour des raisons variées. La première est l’économie. A l’université vous devez faire de nombreux travaux, qui ne sont pas créatifs, il faut soumettre des articles. Et d’ordinaire, pendant que j’enseignais, mes étudiants étaient tellement occupés à soumettre des articles académiques, qu’ils n’avaient pas le temps de faire les exercices de creative writing que je leur donnais. Ensuite, à l’université les gens sont au début de la vingtaine, ce qui est limitant. J’ai aussi envie d’enseigner à des personnes qui ont déjà une vie remplie, et qui veulent écrire. Certains d’entre eux ne peuvent pas s’engager dans le processus universitaire. Est-ce que ça veut dire qu’ils ne peuvent pas d’écrire ? Peut-être en sont-ils vraiment capables, parce qu’il y a quelque chose de spécial dans leur vie.
Alors je me suis dit : peut-être que je devrais créer ma propre école, qui serait très libre.
Plus j’enseignais à l’université, plus je sentais qu’il y avait quelque chose qui n’allait pas, qui ne fonctionnait pas. Les étudiants de mes cours d’écriture à l’université ne publiaient pas de livres, ils étaient trop accaparés par leurs études… Tandis que les étudiants de mes cours privés s’épanouissaient. Alors je me suis dit : peut-être que je devrais créer ma propre école, qui serait très libre. Et où les étudiants auraient le temps d’écrire, au lieu de passer leur temps à s’inquiéter de leurs travaux universitaires, de leurs notes. Encore une fois, je ne comprends pas comment on peut donner une note à un travail d’écriture littéraire. En tant que professeur d’université, j’étais obligé de donner des notes, comment peut-on noter une histoire ? Je peux dire ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et éventuellement donner un conseil, mais donner une évaluation, cela me paraît un peu étrange. Je suis heureux de ne plus avoir à le faire. Un enseignement de l’écriture doit être ouvert : il faut pouvoir tenter des choses, faire des erreurs, être passionné, mais pas faire partie du système académique. Je pense que c’est la façon dont on peut enseigner l’écriture. Peut-être que nous devrions faire un programme d’échange scolaire entre Lyon et Tel-Aviv, entre Les Artisans de la Fiction et Sadnaothabait. Qu’en pensez-vous ? Faisons-le !     Le site de l’école Sadnaothabait (en hébreux, traduisible avec la fonction traduction du navigateur « chrome ») Cet entretient à été réalisé le 30 mai 2016 aux Subsistances, durant les 10èmes Assises Internationales du Roman, grâce à Adélaïde Fabre et Céline Linguagrossa. Interview & traduction : Lionel Tran.]]>
3871 0 0 0 ]]> ]]>
Transmettre les techniques narratives #2 http://www.artisansdelafiction.com/blog/transmettre-techniques-narratives-2/ Thu, 08 Dec 2016 15:06:25 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=3969 INTERVIEW RACHEL BENTHAM

"Je suis constamment confrontée à ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans un récit"

Rachel Bentham est l’auteur de plusieurs recueils de poèmes, de nouvelles ainsi que de nombreuses pièces radiophoniques et docu-fictions diffusées sur BBC Radio 4. Elle est également professeur de Creative Writing à la Bristol University et à la Bath-Spa University depuis plus de 10 ans. Julie Fuster l’a interviewée sur son parcours d’auteur, de professeur de Creative Writing et sur ses techniques d’écriture. [caption id="attachment_3972" align="alignright" width="300"]rachel-bentham creative writing atelier écriture Rachel Bentham, professeur de creative writing à l'Université de Bristol et de Bath-Spa[/caption] J’ai retrouvé Rachel Bentham au Yurt Lush, à côté de la gare centrale de Bristol. Je cherchais à rencontrer un écrivain local pour l’interroger sur ses techniques d’écriture, et je ne pouvais pas me retrouver sous de meilleurs augures. “Gurt Lush”, c’est une expression d’argot bristolien, pour dire que quelque chose est génial, avec une connotation un peu pirate qui décrit bien l’ambiance générale de la ville. La Yurt Lush, elle, est une yourte en toile, mais qui n’abrite rien d’autre qu’un pub plutôt sage, fréquenté par des trentenaires en pleine pause-déjeuner. [caption id="attachment_3976" align="alignleft" width="255"]creative writing ateliers écriture Présentation du programme de Creative Writing proposé par Rachel Bentham à l'université de Bristol[/caption]   Rachel m’y retrouve directement après avoir donné son cours de Creative Writing du vendredi matin, dans les locaux de l’Université de Bristol à Bath. “C’est un cours ouvert à tous, c’est une communauté d’auteurs très variés. Il y a des personnes à la retraite, des professeurs, mais aussi des jeunes d’une vingtaine d’années, des étudiants… Le niveau est plutôt élevé. J’enseigne les mêmes exercices que dans les cours de Master”, me dit-elle.  Intriguée par le niveau moyen d’un étudiant britannique que j’imagine biberonné aux grandes saga et à la littérature chevaleresque, je questionne Rachel sur les faiblesses les plus communes de ses élèves :  “Il y a ceux qui se perdent dans les descriptions, ceux qui ont des problèmes pour adopter un point de vue différent du leur. Par exemple, j’ai remarqué que les hommes ont parfois du mal à écrire d’un point de vue féminin, alors qu’on ne trouve pas spécialement le problème inverse. Mais en réalité, le vrai problème ce sont les détails géographiques, même les plus infimes. Mes élèves oublient toujours de rappeler comment un personnage passe d’un point A à un point B. Mettons que nous avons deux hommes, assis de part et d’autre d’une table. Ils discutent tranquillement puis soudainement ils se mettent à se disputer puis à se battre. Qu’en est-il de la table ? Qui l’a contournée ? Est ce qu’ils ont sauté dessus ? Cela dit, (mes élèves) sont particulièrement observateurs. Ils ont, en général, une grande capacité à utiliser leurs observations pour créer des personnages. Mais je ne suis pas sûre que ce soit une particularité britannique ”.
Par exemple, j’ai remarqué que les hommes ont parfois du mal à écrire d’un point de vue féminin, alors qu’on ne trouve pas spécialement le problème inverse.
Cela fait 12 ans que Rachel enseigne l’écriture. Avant ça, elle a beaucoup voyagé, elle a dirigé un magasin de vêtement pour lequel elle cousait elle-même les pièces, elle a eu quatre enfants, “et j’ai beaucoup travaillé gratuitement. Je me suis produite sur scène, pour des festivals de poésie et de littérature, pour rien, juste parce que j'aimais ça”. Elle rajoute : “Les gens pensent qu’ils n’ont aucune raison de payer pour lire ou entendre de la poésie.” [caption id="attachment_3971" align="aligncenter" width="640"]cours de creative writing Britol Rachel Bentham anime également un cours de creative writing à l'université de Bath-Spa.[/caption] “J’ai toujours eu le besoin d’écrire à l’intérieur de moi”, m’explique Rachel. Quand je lui demande ce qui l’a poussé à commencer par la poésie, plutôt que par la fiction, sa réponse est matérielle, lucide. Ayant eu ses enfants assez tôt, elle s’est rapidement retrouvé avec un temps- libre fragmenté. “J’avais du temps pour moi, mais seulement une heure par-ci, puis une heure par-là , pendant que les enfants dormaient. Ce genre de timing c’est idéal pour la poésie. Je pouvais prendre une heure pour écrire un texte, puis le laisser reposer pendant trois jours, deux semaines ou plusieurs mois, puis revenir dessus et le corriger”. Quand ses enfants ont commencé à grandir, ses textes ont également pris de l’ampleur : “Je les amenais à leurs activités et je retournais m'asseoir dans la voiture pour écrire des histoires en les attendant”. Ses enfants devenus adolescents, elle décide alors de se lancer dans un roman, et elle s’inscrit en Master de Creative Writing, puis en thèse afin d’y puiser des techniques et des idées. Elle finit par obtenir une bourse de poète-résident par la ville de Bristol et se met à proposer des ateliers d’écriture poétique et de performances pour les femmes. C’est par ce biais qu’elle rencontre une productrice de la BBC qui produira l’intégralité de ses pièces radiophoniques et de ses docu-fictions.
On leur donne une liste de 50 questions qui leur permet de construire leurs personnages en profondeur.
Enseigner l’écriture est à la fois un problème et une solution pour son propre travail d’auteur. Elle avoue souffrir du nombre d’heures d’enseignement et de travail administratif qui est volé à son travail de création (“Ma vie compromet mon travail d’écriture”) et admet que si elle gagnait au Lotto, elle n’enseignerait qu’un jour par semaine, pour rester connectée à la réalité tout en pouvant se plonger dans l’écriture. Mais le fait que son travail soit lié au processus créatif est tout de même un avantage : “A travers le travail de mes élèves, je suis constamment confrontée à ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans un récit. Ça me fait beaucoup réfléchir sur mes propres productions”. Par exemple, en donnant un cours sur la création des personnages à ses élèves de Master, elle a pu prendre conscience de son propre processus. “A ce niveau là, on leur donne une liste de 50 questions qui leur permet de construire leurs personnages en profondeur. J’ai réalisé que moi-même, je ne le faisais pas. La seule fois où je l’ai fait… c’était hier… pour une pièce radiophonique que j’écris en ce moment.
Mes personnages et mon récit avancent de situation en situation.
rachel-peeping-at-stanton-drew Et elle avoue ensuite, presque honteusement, ne pas réellement préparer les personnages ni la structure de ses romans. “Je sais toujours en avance ce qu’il va se passer, mais en fait, ce qui m’intéresse c’est de m’immerger dans l’écriture. Elle fonctionne avec logique : “Je mets mon personnage dans une situation et je vois ce qu’il en fait. C’est comme ça que je le construis. Qu’est ce qui est le plus logique pour lui. Mes personnages et mon récit avancent de situation en situation”. Mais elle hésite, puis se reprend et m’assure qu’elle est convaincue que ce n’est probablement pas la bonne manière de procéder… “J’apprends très lentement, même si j’ai beaucoup travaillé la technique,  je ne cherche pas à écrire de manière consciente, je ne cherche pas à tout maitriser.” Elle évoque un membre de son groupe de travail qui écrit des romans à grand succès. Elle reconnait qu’il met en place une forme de recette qu’elle refuse d’appliquer à ses propres écrits. Devant autant de modestie, il faut noter que Rachel a passé six années sur son dernier roman - encore non publié. Elle y met en scène une femme polynésienne, en plein 19ème siècle, qui tue son mari violent en essayant de se protéger de ses coups et qui va devoir gagner le pardon de sa communauté. Bien qu’elle avoue avoir eu l’idée de ce roman en voyant un portrait de cette femme dans le journal, Rachel admet que cette histoire représente un liant entre toutes les expériences qu’elle a pu traverser depuis son enfance. “J’ai vécu plusieurs années en Nouvelle Zélande, dit elle, et ma thèse traitait de la légitimité d’un auteur occidental à écrire de la fiction sur des autochtones”. Elle fait également brièvement référence à une formation de chaman qu’elle a suivi pendant sept ans à son retour en Angleterre, auprès d’une femme tahitienne immigrée. Il serait donc un peu naïf de penser qu’elle ne prépare rien ou presque, avant de se mettre à l’écriture. Mais Rachel s’en défendrait presque : “J’ai fait énormément de recherches sur les femmes polynésiennes, en histoire et en anthropologie. Mais c’est compliqué, parce que ces études ont principalement été menées par des historiens peu objectifs, qui déconsidéraient la culture polynésienne.” Puis elle souligne ensuite le danger de trop pousser ses recherches : “On risque ensuite de vouloir trop démontrer ses connaissances dans son roman.”
Je dis toujours à mes élèves que les personnages doivent être animés par une quête, un désir, quel qu’il soit. 
[caption id="attachment_3975" align="alignleft" width="250"]all-courses-2016-17-course-information-11 Objectifs pédagogiques du cours de creative writing animé par Rachel Bentham[/caption] Après six ans de recherches et d’écriture, Rachel me dit que son roman est maintenant terminé mais qu’elle doute de sa publication en l’état. Selon elle, plusieurs aspects du roman le rendrait impubliable. Il y a d’abord la question de l’arc narratif de son personnage principal “Je dis toujours à mes élèves que les personnages doivent être animés par une quête, un désir, quel qu’il soit. Et qu’ils doivent agir activement à l’achèvement de cette quête. Mais mon personnage principal n’a rien de tout ça. Au 19ème siècle, une femme polynésienne ne cherche pas à réussir, ni à accomplir quoi que ce soit dans sa vie. C’est une vision très occidentale et moderne. Mon personnage est une personne passive… ça ne peut pas faire un roman publiable pour un éditeur”. L’argument marketing aurait donc raison de la vérité historique ou même de la simple plausibilité. Rachel évoque également le problème à porter une histoire mettant en scène une femme noire lorsqu’on est un auteur blanc. Ses relecteurs lui ont fait remarquer qu’elle n’était pas en position de parler pour quelqu’un dont elle serait si éloignée culturellement. “C’est absurde ! Quand j’ai monté cette pièce radiophonique qui mettait en scène une femme occidentale du 12ème siècle, personne n’a rien trouvé à redire! Pourtant je pense qu’une femme anglaise du 12ème siècle est tout aussi éloignée de moi culturellement qu’une femme polynésienne du 19ème siècle !”. Le problème du politiquement correct reste un obstacle pour elle, et nous nous accordons sur le fait qu’il n’a pas sa place dans la création en générale et la fiction en particulier.
Il y a une certaine tendance dans l’édition actuelle à publier des histoires avec des twists. Des révélations, des changements soudains.
La fin de notre entretien file cette confrontation entre la liberté de la création et les attentes  des lecteurs, imaginées à tord ou à raison par les éditeurs. “Il y a une certaine tendance dans l’édition actuelle à publier des histoires avec des twists. Des révélations, des changements soudains. Ces gimmicks, ce sont un peu de la manipulation. On manipule l’histoire et on manipule le lecteur. Je n’aime pas l’idée de changer mon idée, mon intention de création dans le but de créer un twist. Mais en terme de marketing, j’ai tords”. Nous sommes le vendredi 25 novembre, il est trois heures au clocher de la gare Temple Meads et la Yurt Lush se vide progressivement de ses trentenaires qui ont trop fait durer leur pause-déjeuner. Rachel est rejointe par un ami écrivain pour une séance de travail. Alors moi aussi je sors de la yourte, sonnée par son attitude altière, sa grande modestie et l’acuité de ses convictions aiguisées par toute une vie de travail et d’enseignement. [message_box title="Publications:" color="green"][column col="1/2"] Nouvelles diffusées sur BBC Radio 4: 1997 - The Body 1998 - Poison Garden 1998 - When should we live, if not now? 2000 - Learning the Ropes 2004 – Gymslip 2010 – Rip Off Docu-fiction et pièces radiophoniques diffusées sur BBC Radio 4 : 1999 - On The Rob 2000 - Hanging Around 2003 - Dolly Shepherd, the Edwardian Parachute Queen 2006 - Cast in Stone Prix : 1999: Sole winner of the ‘Picture This’ prize for film script Learning the Ropes 2005: 1st prize in the U.S.A. International Open Poetry Contest Nouvelles : J Gay and E Hargrave (eds) Her Majesty. Birmingham, Tindal Street Press, 2002. Rachel Hazlewood (ed), Bristol Tales. York, Endpapers, 2005. Ginny Bailey and Sally Flint (eds) Riptide – Vol 4. Exeter, Dirt Pie Press, 2009.[/column] [column col="1/2"]Anthologies (poésie) : Alana Farrell (ed.) Rats for Love. Bristol, Bristol Broadsides, 1990. PVT West, SJ Allen and G Hague (eds.) Rive Gauche. Bristol, Rive Gauche Publishing, 1997. Sacha Tremain(ed.) Flowers on a Shoestring. Bristol, Institute of Physics Publishing, 2002. Santosh Kumar(ed.) Symphonies. Allahabad, India, Cyberwit.net,. 2003 Todd Swift (ed.) 100 Poets Against the War. Cambridge, Salt Publishing, 2003. David Johnson and Peter Hunter(eds) City. Bristol, Paralalia, 2004. Andrew Himes (ed) withJan Bultmann, Voices in Wartime ; Anthology. Seattle, Whit Press, 2005. Pat VT West and Gill Hague What She also Did Was… Bristol, Rive Gauche, 2007. Monica Jones (ed) Up to Our Necks In It; Poems on the Way We Live Now. Bristol, Black Tulip Books, 2009. Susan Richardson and Gail Ashton (eds) In The Telling. Blaenau Ffestiniog, Cinnamon Press, 2009. Rachel Bentham and Sheila Yeger (eds) It was not and never would be enough and… Bristol, Rive Gauche, 2010. [/column] [/message_box]]]>
3969 0 0 0 ]]> ]]>
Dramaturges #1 SHARON CLARK http://www.artisansdelafiction.com/blog/dramaturges-1/ Fri, 17 Mar 2017 17:39:10 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4006 "La fiction est le meilleur medium pour faire passer mes opinions et mes idéaux" RENCONTRE AVEC LA DRAMATURGE ANGLAISE SHARON CLARK,  PAR JULIE FUSTER  Il est rare de rencontrer des auteurs qui parlent de leur technique d’écriture. En général, les interviews littéraires se restreignent aux questions d’inspiration et au chemin progressif de l’auteur vers le succès, c’est à dire vers un nombre de ventes élevé de ses livres, puis des opportunités qu’un tel succès saurait ouvrir. Les auteurs eux-mêmes sont déstabilisés par les questions techniques sur leurs heures de travail, leur méthodologie, la création de leurs personnages, le façonnage de leur arc narratif, et se montrent parfois peu enclins à dévoiler gratuitement et massivement une pratique au long-court et laborieuse.  Mais le fait que ce sujet soit majoritairement ne signifie pas que ce travail d’artisanat narratif n’existe pas, bien au contraire. A la fin de ma rencontre avec Rachel Bentham, elle avait mentionné le nom de Sharon Clark, auteur et productrice de pièces de théâtre, notamment pour le Bristol Old Vic Theater et pour Raucous - sa propre compagnie de théâtre immersif avec laquelle elle a notamment monté la pièce “The Stick House” (2015) qui a connu un succès certain. La façon dont Rachel louait l’engagement de Sharon dans son travail m’indiquait l’existence d’un auteur à la détermination puissante et à l’ambition narrative sérieusement obsessionnelle, mais aussi la présence d’un artisan potentiellement prêt à ouvrir une porte sur son atelier narratif ainsi que sur ses outils de travail. Un auteur qui pourrait apporter des réponses nouvelles, éclairer un angle nouveau dans mes recherches sur les différentes techniques d’écriture de fiction, et notamment -apparement - sur la création de personnages. Quelques semaines plus tard, c’est au cinéma Watershed, sur son lieu de travail comme productrice, que je me suis retrouvée face à Sharon. [quote align="center" color="#999999"]Sharon Clark vit l’écriture comme un état d’urgence permanente[/quote] [caption id="attachment_4010" align="alignleft" width="321"] Sharon Clark, en pleine répétition pour la compagnie Raucous[/caption] Sharon a peu de temps à consacrer à notre rencontre, une heure peut être. Elle s’assoit au bord de sa chaise, prête à réagir, à répondre vite, et ses yeux tentent de ne pas dévisager les personnes qui passent près de nous pour ne surtout pas les reconnaitre, devoir les saluer, leur parler. Le temps semble être un problème qu’elle essaye de ne pas me faire subir mais qui la poursuit.

Sa carrière d’auteur a commencé tard, selon elle, vers ses 40 ans et vit l’écriture comme un état d’urgence permanente. Pour elle, il n’a donc jamais été question de prendre des cours d’écriture - elle n’en avait plus le temps - mais de se mettre directement au travail. Et pour cela Sharon est particulièrement bien entourée. Administratrice d’un théâtre depuis une quinzaine d’années, elle fréquente quotidiennement des auteurs, des comédiens et des metteurs en scène. Son école d’écriture c’est donc la critique, voire la critique de groupe. Elle passe ses soirées au théâtre, elle se procure des scripts - notamment ceux que le Guardian note de cinq étoiles - et elle étudie ce qui marche. Avec ses amis auteurs, elle déconstruit les pièces et discute des tactiques que les dramaturges utilisent pour faire avancer une intrigue, évoluer un personnage…

[quote align="right" color="#999999"]L’écriture des romans ne correspond pas à l’état psychique dans laquelle elle veut se trouver. [/quote] L’écriture des romans ne correspond pas à l’état psychique dans laquelle elle veut se trouver. Sharon veut certes raconter des histoires, mais elle désire l’expérience immédiate et le contact abrupt avec le public que le théâtre offre. Et puis, il ne s’agit pas d’un caprice de jeune fille qui veut devenir écrivain pour la beauté du geste ou pour s’économiser une thérapie. Elle est suffisamment occupée par l’éducation de ses deux enfants et son travail de productrice. Mais ce qui pousse Sharon à l’écriture, c’est son opinion stricte de ce qui devrait être dit et de comment ça devrait être joué, de ce qui devrait être mis sur le devant de la scène et disséqué, des histoires qui devraient être racontées et la manière dont cela devrait être fait.  Elle ne “veut” pas raconter des histoires, mais elle considère que la fiction est le meilleur medium pour faire passer les opinions et les idéaux qui l’habitent.

[caption id="attachment_4013" align="alignleft" width="635"] Le travail de la compagnie Raucous est collectif, expérimental, et ouvert aux nouvelles technologies[/caption] Au moment où je la rencontre, Sharon travaille sur deux pièces. Un travail d’écriture théâtral personnel et une pièce pour sa compagnie, Raucous. Pour ces deux projets, elle fonctionne de la même manière, c’est à dire par les obsessions.  Tout commence par l’accumulation d’images mentales. Un coucher de soleil, un homme et une femme sur une plage, une impression de malaise.

[quote align="left" color="#999999"]elle part à la recherche de l’explication la plus riche,  qui ouvre au maximum le champ des possibilités narratives[/quote] Quelque chose qui cloche profondément. Au fil du temps les images se précisent. Certaines passent à la trappe et d’autres restent et s’accumulent dans l’esprit de Sharon. Elle analyse ses images à la recherche d’une explication, mais pas uniquement d’une explication possible, elle part à la recherche de l’explication la plus riche, celle qui ouvre au maximum le champ des possibilités narratives. L’homme et la femme sont face à un coucher de soleil, mais s’ils sont amants ou sur le point de l’être la possibilité narrative se restreint trop. Elle se restreint à la possibilité imminente ou non d’un acte sexuel, elle se restreint aux détails objectifs d’une romance plus ou moins ordinaire. [quote align="right" color="#999999"]Cette version des faits ouvrent de nombreux possibles, de nombreuses questions, de nouveaux champs[/quote] Un homme et une femme sont assis, face à la mer, il y a quelque chose qui cloche. Ils sont frère et sœur. L’homme est un chanteur de musique folk qui n’a jamais accepté le déclin de sa gloire et qui vit dans un van. La sœur vit dans une maison perdue en plein milieu de l’Ecosse. Ils ne se sont pas vus depuis 15 ans et ils se retrouvent justement ce jour-là. Cette version des faits ouvrent de nombreux possibles, de nombreuses questions, de nouveaux champs qui eux-mêmes peuvent donner naissance à d’autres champs. Qu’est-ce qui pousse un frère à venir voir sa sœur après 15 ans de séparation ? D’ailleurs, est-il venu la voir ou se sont-ils retrouvés au même endroit par hasard ou encore par invitation ? Pourquoi ne sont-ils pas vus depuis 15 ans ? Pourquoi la sœur n’esquisse telle aucun geste d’apaisement, de tendresse, de compassion envers son frère ? Pourquoi un frère et une sœur se retrouveraient ils à contempler un coucher de soleil ? Sharon laisse venir les images à elle, elle leur fait passer l’épreuve du temps, et si les images restent alors elle les explore un peu plus.

[caption id="attachment_4012" align="aligncenter" width="650"] L'objectif narratif de Raucous, la compagnie de Sharon Clark, est de rendre les histoires plus directs et immersives pour le spectateur.[/caption] C’est un processus long mais nécessaire car il est l’origine de tous les ingrédients du futur récit et de la future mise en scène. Dans les images mentales de Sharon se cachent les détails des personnages, mais aussi les symboles, les métaphores qu’elle décidera ou non de développer, et enfin la structure même de la narration. [quote align="left" color="#999999"]cette étape de maturation peut prendre deux ans avant qu’un seul mot ne soit écrit sur le papier.[/quote] En même temps qu’elles se multiplient dans son esprit, les images de Sharon se hiérarchisent, se placent les une par rapport aux autres comme les vignettes d’une bande dessinée. Pour ses pièces non commissionnées, ses pièces personnelles, cette étape de maturation peut prendre deux ans avant qu’un seul mot ne soit écrit sur le papier.  Enoncer sans façon un délai de deux ans - après avoir passé de longues minutes à détailler son sentiment d’urgence face à l’écriture - donnerait presque l’impression que Sharon se contredise. Mais ce serait se tromper : n’avoir aucun support écrit, aucun mot, aucune trame narrative démontrable, n’empêche pas Sharon de commencer la production de sa future pièce. Pour son travail en cours, par exemple, elle admet n’avoir que le titre (Over the hill there is something better) ainsi que l’image du frère et de la soeur décrite un peu plus haut. Travailler sur la production avant même d’avoir le texte la rassure. C’est une autre façon d’explorer les images qui la poursuivent, de tester les métaphores et les symboliques. [quote align="right" color="#999999"] Le temps de rédaction est ensuite inversement proportionnel au temps d’incubation[/quote] Pour The Ice Road, récit historique dont la création est prévue pour 2017, c’est la musique de Chostakovitch qui fait office de point de départ et donc d’arc structurel.   Le tout, ensuite, c’est de se mettre à écrire. Après ces nombreux mois d’incubation, Sharon attend d’avoir le déclic, qu’elle décrit comme étant une combinaison de temps et d’excitation.  Elle raconte qu’elle va se réveiller un matin avec le sentiment que les idées sont mûres. Et si, avec un peu de chance, il s’agit d’un samedi matin, alors elle peut réellement s’y mettre. [caption id="attachment_4008" align="alignright" width="338"] Ice Road, la création la plus récente de Sharon Clark[/caption] Le temps de rédaction est ensuite inversement proportionnel au temps d’incubation car le sentiment d’urgence la saisit à nouveau, et elle se met à rédiger très vite. Après avoir essayé différentes techniques d’organisation d’écriture, elle en a conclu que c’était celle-ci qui lui convenait le mieux. Pourtant elle admet qu’elle pourrait probablement restreindre sa période de maturation du projet. Face à des commandes extérieures aux délais très courts, elle est capable de tenir la date et de rendre un projet sérieux. Mais pour ses projets personnels, elle commence à comprendre que c’est la peur qui la tétanise, et que son usage préparatoire des images et de la scénographie n’est qu’un moyen pratique pour se sentir rassurée, légitime, avant de passer à l’écrit. [quote align="left" color="#999999"]Si ce qu’elle écrit risque de devenir ennuyeux pour le lecteur, alors elle casse le rythme. [/quote] Quand elle commence à rédiger, Sharon a donc déjà tout dans la tête. Les personnages, les thèmes, les symboles, qui restent immuables. La structure, elle, émerge du processus d’écriture et est l’esclave du rythme que Sharon veut imposer à son lecteur et à son public. Retenir son attention est impératif pour que le sens de l’histoire soit transmis. Et cela passe uniquement par un travail de montage très minutieux. Pour faire émerger cette structure, donc, et maitriser ses effets, Sharon procède de manière chronologique. Le premier jour, elle écrit la première scène. Le deuxième jour, elle relit la première scène, la corrige, la poli, puis elle écrit la scène suivante. Le troisième jour, elle écrit la troisième scène, puis relit les deux premières scènes, et une fois de plus les corrige et les polis. Si ce qu’elle écrit risque de devenir ennuyeux pour le lecteur, alors elle casse le rythme. Par exemple elle ajoute un flash-back ou elle change de narrateur. Elle ne peut pas envisager un récit qui ne soit pas à plusieurs voies, c’est à dire porté par les différents acteurs mais aussi par les costumes, les montages sonores… Ce qu’elle préfère dans son travail d’auteur, c’est de gérer toutes ces voies entre elles, comme un chef d’orchestre. Celle qui commence, celle qui continue, celle qui interrompt, celle qui soutient et celle qui poursuit… [quote align="right" color="#999999"]les émotions que le public doit ressentir ou l’état mental dans lequel il est supposé se trouver à ce moment-là du récit[/quote] Quand elle écrit pour Raucous, elle doit également intégrer les effets spéciaux et para textuels qui serviront à ses partenaires en charge de la composition musicale, des images numériques, de la robotique et des odeurs.  Son texte prend alors une forme assez peu traditionnelle. Une première colonne est dédiée au récit et au dialogue tel qu’il est énoncé sur scène. Une seconde est dédiée aux effets techniques qui soutiennent le texte. Et enfin une dernière colonne décrit les émotions que le public doit ressentir ou l’état mental dans lequel il est supposé se trouver à ce moment-là du récit (la peur, l’angoisse, l’attente …) si la narration et les effets fonctionnent correctement. [quote align="left" color="#999999"]il faut donc que l’œuvre nouvelle apporte quelque chose, un point de vue intéressant et inclusif[/quote] Sharon s’interroge sur l’arrogance de la position d’écrivain : parce qu’il a une histoire à raconter, l’auteur s’imagine que le public est prêt à dépenser 15 euros pour lire son roman ou voir sa pièce. En dehors de toute stratégie marketing (qui repose bien souvent davantage sur un storytelling de la vie de l’auteur que sur celui de son œuvre), il faut donc que l’œuvre nouvelle apporte quelque chose, un point de vue intéressant et inclusif sur une histoire crédible. Il faut prouver au lecteur que le point de vue de l’auteur en vaut la peine, et pour cela, moins partir de son autobiographie que de son propre système de croyances, d’opinions et de convictions forgées par une expérience spécifique du monde. [quote align="center" color="#999999"]"Il n’existe pas de moment satisfaisant pour l’écriture et qu’il vaut mieux l’accepter le plus tôt possible."[/quote] En souriant, elle se plaint de ne pas s’être mariée à un avocat à succès ou à toute autre profession lucrative qui l’aurait soulagé de la nécessité de travailler - en plus de son activité d’auteur. Mais si ça avait été le cas, ses pièces qui interrogent profondément les valeurs de combativité, de féminisme et de liberté n’auraient aucune crédibilité. La conséquence à cette fatalité est qu’elle doit être au travail tous les jours, que ce soit pour l’écriture, la production ou la gestion de sa vie de famille.  Elle rappelle qu’est c’est d’abord cela la réalité d’un écrivain : qu’il n’existe pas de moment satisfaisant pour l’écriture et qu’il vaut mieux l’accepter le plus tôt possible. A la fin de cette petite heure d’interview, Sharon me quitte comme elle est arrivée, avec une poignée de main énergique et un grand sourire aux lèvres. Je repense à la remarque de Rachel qui m’avait tellement intriguée à son sujet (“Enfin, elle n’est pas comme moi, Sharon met au moins deux ans à préparer ses personnages…”). Je pensais que j’aurai affaire à une auteur beaucoup plus classique, simplement plus consciencieuse que la majorité des auteurs sur le travail préparatoire et les détails. Or, comme artisan de la narration, Sharon est un objet effrayant et inspirant. Sa façon d’invoquer la volonté comme principe premier au processus narratif me parait être davantage un produit de sa frustration - frustration commune aux artistes exigeants et en recherche permanente qu’une astuce technique infaillible. Son engagement et sa précision dans le travail structurel et rythmique de ses histoires changent des discours semi-mystiques récurrents sur l’inspiration qu’on entend souvent chez les écrivains, mais elle donne parfois l’impression que c’est la proactivité qui fait l’auteur. La volonté est nécessaire à l’auteur, mais, contrairement aux injonctions de Sharon (“If you don’t have time, you better be good, and you better be good now”/ “Si tu as peu de temps, il vaut mieux que tu sois bonne, et il vaut mieux que tu le sois dès le premier coup”), elle ne produit pas nécessairement de bonnes histoires. Ce genre de discours reste cependant très motivant et inspirant. [quote align="center" color="#999999"]Au fil des années et des projets, elle a su construire une méthodologie d’écriture globale, très originale, dans laquelle elle se tient en déséquilibre permanent sur un pont délicat. [/quote] Il en va de même pour son rapport aux images mentales comme point de départ aux histoires qu’elle raconte : même si l’aspect obsédant d’une image n’en fait pas un argument narratif valable, il est fascinant d’observer sa capacité à chercher au sein même des images quelle est leur porte d’entrée fictive la plus riche, celle qui ouvre un maximum de possibilités au récit. Sharon est donc loin de l’auteur classique que je m’imaginais. Au fil des années et des projets, elle a su construire une méthodologie d’écriture globale, très originale, dans laquelle elle se tient en déséquilibre permanent sur un pont délicat. Un pont qui relie la recherche à l’aveugle au contrôle total des effets narratifs. Et c’est cette subtilité-là, cette position fragile presque contradictoire, qui apparait comme l’aspect le plus singulier de sa méthode d’écriture.

JULIE FUSTER

]]>
4006 0 0 0 ]]> ]]>
Technique d'écriture du Thriller #1 Alexis Aubenque http://www.artisansdelafiction.com/blog/technique-decriture-thriller-1/ Fri, 17 Mar 2017 13:53:09 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4021 "Écrire un livre quel qu’il soit est extrêmement difficile" Alexis Aubenque est un auteur français de space opera et de thriller. Il est économiste de formation. Il a inauguré en 2002 un cycle romanesque de science-fiction avec La Chute des mondes, space opera se déroulant au xxviie siècle dans une fédération galactique regroupant 250 mondes habités.  Depuis 2008, il a arrêté la science-fiction pour se lancer dans le domaine du thriller avec une première série intitulée River Falls, qui met en scène le shérif Mike Logan. En 2009, ce changement est récompensé par le prestigieux « prix Polar » du Salon Polar & CO de Cognac pour le second tome de la série River Falls. Il enchaîne à partir de 2011 avec la série Nuits Noires à Seattle, qui met toujours en scène le shérif Logan mais de manière secondaire, et met en avant ses lieutenants Angelina Rivera et Dean Nelson déjà présents dans la première série. En 2008, vous arrêtez la science-fiction pour vous lancer dans le thriller. Quest-ce qui a motivé cette décision ? [caption id="attachment_4015" align="alignleft" width="350"] "La chute des mondes", cycle de Science Fiction d'Alexis Aubenque[/caption] En fait, je suis quelqu’un de très éclectique dans mes goûts et, s’il est vrai que j’adore la science-fiction, j’aime tout autant le roman policier, le thriller, le fantastique et la littérature générale. Il se trouve que bien souvent les éditeurs nous mettent dans des cases, et une fois qu’on nous colle une étiquette, il est très difficile de nous en séparer. J’avais, plusieurs fois, proposé des projets de thrillers, mais le déclic s’est produit quand mon éditrice au Fleuve Noir qui, ayant rejoint les éditions Calmann-Levy, m’a enfin proposé d’en faire un. J’ai sauté sur l’occasion et ne le regrette pas.   Techniquement, le Thriller est-il plus simple que la SF ? De mon point de vue, écrire un livre quel qu’il soit est extrêmement difficile, et je ne saurais faire de différence. Comment vous êtes vous formé à l’écriture de Thriller ? En lisant énormément de romans, mais aussi en décortiquant les codes des séries télévisées du genre. [quote align="right" color="#999999"]En dernier lieu l’intrigue. Le fameux : qui, comment, pourquoi ?[/quote] Lorsque vous vous lancez dans le travail préparatoire dun Thriller, par quoi commencez-vous : lantagoniste ? Le protagoniste ? L’univers narratif ? Tout d’abord, c’est le décor. Trouver un lieu, une ville qui me fasse rêver. Le désert du sud du Colorado pour « Canyon Creek ». L’Alaska pour « White Forest », Les iles du Pacifique pour » Stone Island »… Puis ce sont les personnages principaux. Et en dernier lieu l’intrigue. Le fameux : qui, comment, pourquoi ? [caption id="attachment_4018" align="aligncenter" width="650"] Thrillers d'Alexis Aubenque[/caption] Vous avez commencé par la SF. Quels sont les principales différences, du point de vue de l’écriture, avec le Thriller ? Les deux genres sont très différents dans la démarche. En premier lieu, il y a SF et SF ! C’est à dire qu’à l’inverse du Thriller qui est assez codifié, la SF ne l’est pas du tout, la seule règle étant que l’action se passe dans la futur… et encore ! [quote align="left" color="#999999"] "L’intérêt premier d’un thriller c’est la progression dans la découverte des éléments du crime. "[/quote] Pour ma part, j’écrivais de la science-fiction tendance aventure, et la grosse différence avec le thriller, c’est que je n’étais pas obligé d’avoir un squelette très détaillé de mon histoire avant de l’écrire. Je me laissais souvent guidé par les personnages. J’avais juste en tête la fin du livre, mais je ne savais pas forcément comment y arriver. Les options s’ouvraient devant moi au fil de l’écriture je choisissais celle qui me semblait la plus adaptée. En thriller, je suis obligé d’avoir quasiment le plan de mon histoire, car l’intérêt premier d’un thriller c’est la progression dans la découverte des éléments du crime. Et on ne peut pas installer les indices si soi-même on n’a pas toute l’intrigue. Comment procédez-vous sur un roman : faites vous beaucoup de travail préparatoire ? Construisez-vous les personnages au préalable ? L’intrigue ? Oui, beaucoup de réflexion en amont sur les personnes et l’intrigue. Je ne commence jamais un livre si je n’ai pas mon histoire en tête et tous mes personnages bien campés. Il vous faut 8 mois pour écrire un roman, cela doit demander une vraie discipline. Réécrivez-vous beaucoup ? Non, pas tant que ça. Quand j’écris, j’essaye de faire le mieux possible, et je n’avance que si j’aime les pages précédentes, pour justement ne pas avoir à tout refaire une fois le livre fini. [caption id="attachment_4016" align="aligncenter" width="650"] Thrillers d'Alexis Aubenque[/caption] A vos débuts, vous avez essuyé de nombreux refus, avec du recul, quest ce qui ne fonctionnait pas dans l’écriture  de vos histoires ? Je ne suis pas convaincu qu’ils ne fonctionnaient pas, mais ce n’est que mon jugement. Quest-ce qui vous a aidé à progresser ? Le désir de faire toujours mieux, et le retour des lecteurs. A chaque livre, j’essaye d’analyser ce qui a plu et ce qui a moins plus, pour ne pas refaire les mêmes erreurs. [quote align="right" color="#999999"]Je crois beaucoup à la maxime «  c’est en forgeant que l’on devient forgeron ».[/quote] Vous navez pas suivit de cours d’écriture, lu de méthode de technique narrative : comment avez-vous apprit à raconter ? Tout seul, en écrivant les livres que j’avais envie de lire. Je crois beaucoup à la maxime «  c’est en forgeant que l’on devient forgeron ». Vous citez, comme maîtres à écrire, les auteurs anglo-saxons. Que vous ont apprit ces auteurs, du point de vue de la technique ? Je serais bien en mal de vous répondre. Je crois que c’est mon inconscient qui fait tout le travail pour moi. Il digère la façon dont écrivent les auteurs que je vénère et j’essaye seulement de prendre exemple sur eux avec mes propres histoires [quote align="left" color="#999999"]"Il faut être légèrement masochiste pour écrire !"[/quote] Les auteurs anglo-saxon que nous avons interviewé disent « le plus important cest dapprendre à lire comme un écrivain », êtes vous daccord ? C'est-à-dire ? « Lire comme un écrivain » ? Je ne suis pas certain de comprendre le sens de cette phrase. Pour moi, le plus important, c’est d’écrire le livre qu’on aurait eu envie de lire. Quel conseil donneriez-vous à un aspirant auteur désirant se lancer dans la SF, le thriller ? De prendre du plaisir, du plaisir et encore du plaisir, même si comme je le disais plus haut, c’est  extrêmement difficile d’écrire. Il faut être légèrement masochiste pour écrire ! Y-a-il dautres genres que vous aimeriez explorer ? En fait, j’ai déjà exploré de nombreux genres, mais ceux sont ces livre qui n’ont jamais été publiés :)  ]]> 4021 0 0 0 ]]> ]]> Techniques d'écriture du Polar # 1 Megan Abbott http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-decriture-polar-1-megan-abbott/ Thu, 13 Apr 2017 19:38:08 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4039
[quote align="center" color="#999999"]J'ai appris la narration en disséquant les romans, en me demandant : comment est-ce que cela est raconté ?[/quote]
Megan Abbott, née en 1971 à Detroit dans le Michigan, est une écrivaine américaine de roman policier (Absente 2009- Adieu Gloria 2011 - Avant que tout se brise 2016). Ses histoire s’inscrivent soit dans un cadre narratif inspiré d'un Los Angles tout droit sorti des films noirs, soit dans des banlieues américaines où la seule porte de sortie pour les adolescentes semble être la discipline corporelle à travers le sport. Jouant avec les codes classiques du roman noir, elle crée des protagonistes féminines fortes, intelligentes et combatives. Amatrice de point de vue périphérique, Megan Abbott revendique le fait de choisir comme narrateur non pas le héros ou la victime, mais le personnage à priori secondaire. Ainsi elle choisira de raconter l'histoire de la mère de la sportive star, ou celle de l'amie à qui l'adolescente criminelle se confie, faisant de ces personnages des héroïnes voyeurs, autant fascinées que dépassées par ce qui se jouent à côté d'elles. Megan Abbott a également écrit un essai sur le roman noir ("La rue était à moi - masculinité blanche dans le Polar Hard Boiled", 2002 )
Les Artisans de la Fiction l'interviewent dans le cadre de l'exposition "Los Angeles, une fiction" (Musée d'Art Contemporain Lyon), durant le Festival Quai du Polar 2017. Au cours de cet entretien filmé en public, Megan Abbott explique ses techniques d'écriture :
  1. Filiation et recherche documentaire
  2. Inspiration et choix de point de vue
  3. Structure en trois actes
  4. Spécificités du genre- Antagonisme
  5. Personnages et cadre narratif
Le site de Megan Abbott ]]>
4039 0 0 0 ]]> ]]>
Techniques d'écriture du polar # 2 : Todd Robinson http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-polar-2-todd-robinson/ Thu, 08 Jun 2017 13:19:35 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4377

Le secret, c’est de lire beaucoup

Todd Robinson est né en 1972 et a créé une revue spécialisée dans la littérature noire et policière qui a remporté de nombreux prix aux États-Unis. Il a été paysagiste, garde du corps, barman et videur – principalement au Roxy à New York et au fameux Rathskeller à Boston. Il vit aujourd’hui dans le Queens et travaille toujours dans un bar de Manhattan où il organise régulièrement des rencontres littéraires. Les Artisans de la Fiction l'interviewent à propos de son approche de l'écriture sur le stand de la librairie Vivement Dimanche, durant Quai du Polar 2017. Todd Robinson, comment avez-vous appris les règles du polar ? Je n’ai pas nécessairement « appris les règles ». C’est plutôt que ce genre m’a parlé dès que je l’ai découvert, parce que j’ai tout de suite compris que le type d’histoires et de personnages qu’on y trouvait étaient les mêmes que dans ma vie. Je travaillais dans des bars malfamés, où les clients étaient tous des criminels, et il y avait entre nous une tradition de se raconter des histoires. Alors quand j’ai commencé à lire des auteurs qui racontaient ce type d’histoires, je me suis dit que je pouvais le faire aussi. Mais je ne suis pas sûr qu’il y ait des règles à proprement parler. Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre quelles sont les règles que les lecteurs s’imaginent, et de les briser. [caption id="attachment_4383" align="alignleft" width="200"] Cassandra de Todd Robinson, éditions Gallmeiser[/caption] Donc vous étiez habitué à raconter ce type d’histoires oralement, puis vous avez découvert des auteurs qui le faisaient par écrit ? Absolument. Mes histoires, je les connaissais déjà. Certains auteurs de polar font des recherches très poussées, ils connaissent des flics, ils ont un réseau d’informateurs. Moi, j’avais juste à me rendre au travail ! En termes d’univers narratif, tout était là. Il suffisait de tendre l’oreille, de garder les yeux ouverts, de boire un ou deux whiskys et d’écrire le livre. Il y a des parties de mes livres qui sont des histoires vraies, mais qui ont été rejetées par des éditeurs parce qu’ils les jugeaient peu crédibles. Votre univers narratif est entièrement basé sur votre expérience ? Oui, et mes personnages aussi. Il y a très peu d’exceptions, et même quand il y en a, c’est juste que je prends quelques libertés par rapport à une personne réelle. Je suis beaucoup plus fasciné par les personnages qui m’entourent que par ceux que je pourrais créer de toutes pièces. Les vraies personnes sont toujours plus intéressantes, plus complexes, avec plus de détails. [quote align="right" color="#999999"]Je veux qu’en lisant mes livres, les lecteurs aient l’impression qu’on leur raconte à voix haute une bonne histoire de bistrot.[/quote] Parmi les nombreuses histoires que vous vivez ou entendez au travail, comment choisissez-vous lesquelles raconter ? Certaines de mes histoires sont composites : elles mélangent différents bouts d’histoires vraies. D’autres sont racontées telles quelles. Au début de mon roman Cassandra, une jeune fille disparaît après avoir assisté à un concert rock dans un club. Ça, c’est vraiment arrivé. Ce soir-là, j’ai parlé à son père, qui est venu la chercher au club. Et par la suite, c’est devenu l’incident déclencheur de mon roman. Parce que j’ai réalisé que dans cet univers de bars, de rockeurs et de punks, j’étais mieux placé que la police pour rechercher cette fille ! Alors je me suis demandé, [quote align="left" color="#999999"] J’ai une voix bien distincte, et quand elle ne transparaît pas assez dans mes textes, je les réécrits.[/quote] « Comment m’y serais-je pris pour retrouver cette gamine ? », et c’est devenu l’histoire de mon roman. Puis j’ai ajouté d’autres incidents et personnages, eux aussi inspirés d’histoires vraies. Je veux qu’en lisant mes livres, les lecteurs aient l’impression qu’on leur raconte à voix haute une bonne histoire de bistrot. D’ailleurs certains s’en plaignent : « On adore tes livres, mais on a l’impression que tu nous hurles dessus pendant 300 pages ! » (Rires). J’ai une voix bien distincte, et quand elle ne transparaît pas assez dans mes textes, je les réécrits. [caption id="attachment_4386" align="alignright" width="188"] La revue de littérature noire, Thuglit, éditée par Todd Robinson[/caption] Pour les personnages, modifiez-vous ou inventez-vous certains détails ? Le moins possible. Plus je colle à la réalité, plus mes personnages sont vivants. L’un de mes personnages, par exemple, est basé sur une tenancière de bar que j’ai côtoyé pendant des années. Une vieille coriace avec une voix rauque. Ce personnage, je l’ai appelé Frieda. Mais en réalité cette femme s’appelait Audrey. Quand elle a appris que j’avais créé un personnage basé sur elle, Audrey m’a menacé de sa voix rauque : « Je m’appelle Audrey. Pas Frieda. » Je lui ai répondu « Oui madame », puis j’ai utilisé son vrai prénom. Cette femme est un personnage incroyable... Quand les gens me disent que j’ai beaucoup d’imagination, je leur explique que non ! Tout est basé sur la réalité. Dans vos romans, l’auteur et le narrateur se confondent-ils ? Totalement. Mon personnage, c’est moi il y a quinze ans, avec un peu plus de cheveux et quinze kilos en moins. Le point de vue, c’est toujours le mien. Les choix aussi. Pas nécessairement les choix que j’ai fait, mais ceux que j’aurais aimé faire. Et parfois ces choix ont des conséquences, et j’explore ces conséquences. Pour moi c’est la façon la plus sûre d’écrire une histoire. Mais j’aimerais être plus courageux en tant qu’écrivain, et adopter des points de vue qui ne sont pas les miens. Beaucoup d’autres écrivains le font, mais pour moi c’est difficile. [caption id="attachment_4382" align="alignleft" width="188"] La revue de littérature noire, Thuglit, éditée par Todd Robinson[/caption] Vous dites que vous n’avez pas appris les règles du polar, pourtant vous semblez connaître les règles de la fiction… Le secret, c’est de lire beaucoup. On absorbe le fonctionnement de la structure. Mais ce qui m’intéresse, c’est de contourner les règles. Dans mes livres, on suit toujours une structure familière… Jusqu’à un certain point. Là où beaucoup de romans se termineraient, moi je continue. Et ça terrifie les lecteurs. Parce qu’ils sentent que le livre devrait être fini, et ils ne comprennent pourquoi il leur reste toutes ces pages. C’est un choix délibéré de ma part. Dans tous mes livres, j’utilise une technique que j’appelle « Le Gros Truc Stupide ». Ça consiste à faire quelque chose de si stupide que je ne suis même pas sûr d’y arriver. [quote align="center" color="#999999"] Dans chacun de mes livres je veux qu’il y ait un événement énorme, qui soit un challenge à écrire et qui piège le lecteur.[/quote]Pour mon dernier livre, je parlais à mon agent, et nous étions tous deux un peu éméchés. Je lui ai dit « Voilà en quoi consiste le ‘Gros Truc Stupide’ de mon prochain roman. » Je lui ai expliqué, et son visage s’est décomposé. « Tu penses que ça peut marcher ? » lui ai-je demandé. « Je ne sais pas, a-t-elle bredouillé ; essaye et je te dirai ». Alors je l’ai fait, et elle a adoré. Parce qu’à ce moment du livre, c’était la seule décision logique pour mes personnages. Dans chacun de mes livres je veux qu’il y ait un événement énorme, qui soit un challenge à écrire et qui piège le lecteur. Vous savez donc quelle règle vous voulez contourner ? Oui. Prenons un exemple : le film L’Irlandais, avec Don Cheadle. Dans ce film il y a une scène qui m’énerve, parce qu’elle est si bonne que j’aurais aimé l’écrire. C’est la scène traditionnelle où le criminel donne un pot-de-vin à la police. Cette scène se déroule à l’identique dans des dizaines de films et de romans. Le criminel donne une mallette au flic, qui dit « Le compte y est ? », puis le criminel réponds « Tu peux compter toi-même, si tu veux. » Puis le flic hésite et dit « Non, je te fais confiance » avant de partir avec la mallette. Eh bien, dans L’Irlandais, quand le criminel paye les flics et qu’ils lui demandent si le compte y est, le criminel leur hurle dessus : « Bien sûr que le compte y est ! Il faudrait vraiment être stupide pour se tromper de somme ! Quel genre d’idiot pourrait mettre la mauvaise somme dans une mallette ? » Et les flics regardent leurs chaussures, penauds. [quote align="left" color="#999999"]En la lisant, je me suis demandé ce que j’aurais fait à la place de l’auteur.[/quote] Moi quand j’ai vu cette scène, je me suis dit « Pourquoi personne n’avais jamais fait ça ? » On a vu cette scène tellement de fois, et elle se déroule toujours pareil. Ça me rappelle un roman que j’ai lu récemment, où deux criminels devaient se débarrasser d’un corps. Là aussi, c’est le genre de scène qu’on a déjà vu des tonnes de fois. En la lisant, je me suis demandé ce que j’aurais fait à la place de l’auteur. Et j’en ai conclus que moi, j’aurais fait vomir mes personnages ! Parce que ça me paraît logique, et que ça n’a jamais été fait. [caption id="attachment_4385" align="alignright" width="205"] Une affaire d'hommes, de Todd Robinson, éditions Gallmeister[/caption] Quel conseil donneriez-vous à un écrivain débutant ? A part la drogue ? (Rires.) Je lui dirai que le plus important est de trouver sa propre voix. Parce qu’au final, c’est la seule chose qui le distinguera des autres. Deux personnes peuvent raconter la même blague, avec exactement les mêmes mots ; pour l’une d’elles, on sera pendu à ses lèvres ; pour l’autre, on baillera en attendant la chute. La différence c’est la voix, la façon dont l’histoire est racontée, le rythme des mots… C’est vrai à l’oral comme à l’écrit. Trouver sa voix est le plus important, même si ça prend des années. Pour moi ce qui marche, c’est de lire mes textes à voix haute, mais ça ne conviendra pas forcément à tout le monde... Le principal, c’est de découvrir qui vous êtes vraiment. Pour finir, un mot sur Elmore Leonard. Qu’avez-vous appris de lui ? L’importance des dialogues. Et d’avoir des personnages qui s’expriment de façon distincte. Dans son roman Loin des yeux, par exemple, il y un personnage nommé Snoopy qui se transforme à chaque scène, selon son interlocuteur. Pourtant on reconnaît toujours sa voix. Même quand il était très vieux, Leonard savait exactement comment on parlait dans la rue. Pourtant l’argot change selon les époques. Mais Leonard, qui a écrit durant cinq décennies, a toujours collé parfaitement à l’époque où se passait ses romans. Pour moi c’est incroyable. Ses dialogues sont très dynamiques. Violents et intelligents à la fois, comme si les personnages se mettaient des coups de poing verbaux. Et drôles ! C’est le problème de la plupart des films adaptés de ses romans : ils ne comprennent pas son sens de l’humour. Sauf l’équipe de scénaristes de la série Justified, qui est inspirée d’une de ses nouvelles. Ces gars-là ont exactement saisit l’écriture d’Elmore Leonard. Tarantino lui a tout volé, pour ses dialogues ? Quitte à copier quelqu’un, autant copier le meilleur. C’est difficile. En tout cas moi j’ai essayé, mais je n’y suis pas arrivé. [message_box title="Bibliographie" color="green"]Cassandra (Gallmeister, 2016) Une affaire d’hommes (Gallmeister, 2017)[/message_box] TRADUCTION : Pierre Larsen. Remerciements à la Librairie Vivement Dimanche.      ]]>
4377 0 0 0 ]]> ]]>
Techniques de la Non Fiction #1 : William Finnegan, Pulitzer 2016 http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-de-non-fiction-1-william-finnegan-pulitzer-2016/ Fri, 16 Jun 2017 07:05:02 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4393

NON FICTION : Comment appliquer les règles de la narration littéraire au récit journalistique ?

Jeudi 1er juin 2017, les Artisans de la Fiction interviewaient William Finnegan, journaliste au New Yorker et prix Pulitzer 2016, pour son livre « Jours Barbares », au Musée d'Art Contemporain de Lyon, dans le cadre des 11èmes Assises Internationales du Roman. Après avoir fait des études de Creative Writing, William Finnegan s’est tournée vers le récit journalistique. Grand reporter au New Yorker, pour qui il couvre la guerre civile au Soudan et l’Afrique du Sud pendant l’Apartheid puis les Balkans et Mogadiscio. Avec Jours Barbares Finnegan signe un premier récit autobiographique, l’histoire d’un jeune garçon passionné de littérature, qui a appris à faire face à l’adversité en pratiquant affrontant l’océan à travers sa pratique du surf. [caption id="attachment_4412" align="aligncenter" width="640"] William Finnegan et la traductrice Deirdre Givois (Dawn Sheridan, The Language Connection)[/caption] Né en 1952 à New York, William Finnegan grandit en Californie et se tourne très vite vers l’océan en domptant les vagues du Pacifique et en parcourant le monde pour pratiquer son sport. Sportif, mais aussi amateur de littérature, il devient néanmoins écrivain et reporter de guerre. Il est en effet une grande figure du journalisme américain. Reporter pour le magazine The New Yorker depuis les années 1980, il est l’auteur maintes fois récompensé de reportages sur la politique, la guerre, le crime organisé. Des reportages qui sont pour la plupart le fruit d’une immersion longue, parfois dangereuse et d’une patiente observation. Jours Barbares est son dernier ouvrage, un récit autobiographique pour lequel il a obtenu le prix Pulitzer 2016 dans la catégorie «biographie/autobiographie » Toutes les vidéos de cette rencontre : #1 Comment le journalisme américain repose sur la narration ? #2 Pourquoi passer de la Fiction à la Non Fiction ? #3 Comment transformer un matériau autobiographique en une véritable histoire ? # 4 Les défis d'écriture posés par "Jours Barbares" [message_box title="Jours Barbares (Editions du Sous Sol, 2017) Prix Pulitzer 2016 " color="green"]William Finnegan raconte dans son livre près de cinquante ans de sa vie à parcourir les océans avec le surf pour seule obsession. Il y partage sa propre histoire du surf, à la poursuite des vagues aux quatre coins de la planète, là où l’actualité le portait. Il nous fait voyager dans un petit village de pêcheurs aux Samoa, dans un hôpital à Bangkok alors atteint de la Malaria, au beau milieu d’une île déserte aux Fidji ou encore sur des spots inexplorés à Madagascar. Ce qui grandit au fil des pages est l’ambivalence des sentiments de Finnegan par rapport à sa pratique du surf. Pour Finnegan, le surf n’est pas un sport, c’est un « path », c’est son itinéraire à travers la vie. Avec sa plume distinctive, il apporte au récit de surf une analyse politique et sociale des destinations qu’il visite.[/message_box] Cette rencontre exceptionnelle a eu lieu dans le cadre de l’exposition « Los Angeles, une fiction », du MAC Lyon. ]]>
4393 0 0 0 ]]> ]]>
Territoires d'écriture # 1 Harry Parker, "Anatomie d'un soldat" http://www.artisansdelafiction.com/blog/territoires-decriture-harry-parker-anatomie-dun-soldat/ Mon, 10 Jul 2017 13:15:37 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4445

Harry Parker : un romancier en prise avec la guerre

Entretien avec Harry Parker animé par Lionel Tran / Les Artisans de la fiction Vendredi 2 juin, Les Artisans de la Fiction ont exploré le lien entre techniques de la narration littéraire, expérience personnelle, territoires d'écriture et récit de Non Fiction avec l’écrivain britannique Harry Parker. Fils d’un militaire britannique, Harry Parker a grandi dans le comté du Wiltshire au Sud-Ouest de l’Angleterre. Après avoir étudié l’histoire de l’art à University College London, il passe un an à l’Académie royale militaire de Sandhurst, l’école de formation des élèves-officiers de la British Army. Il a alors 23 ans lorsqu’il intègre l’armée britannique, et 24 lorsqu’il se rend pour la première fois sur le front irakien, en 2007. En 2009, alors qu’il est envoyé en Afghanistan, il perd ses deux jambes sur une mine artisanale. Son premier roman, Anatomie d’un soldat, met ainsi en scène le capitaine Tom Barnes, son double littéraire lui aussi blessé en Afghanistan.

Visionner cette rencontre sur notre chaîne Youtube

  1. Se former à l’écriture (9 mn)
  2. Comment transformer son expérience en fiction (12 mn)
  3. Organiser son temps d’écriture (9 mn)
  4. L’intérêt d’une structure classique (8mn)
  5. Choix de point de vue, thème (9mn)
  6. Digérer son expérience avant d’écrire (12 mn)
  7. Difficultés et nécessités spécifique à l’écriture (12 mn)
https://youtu.be/GCW1bO5NZyQ
[message_box title="Anatomie d’un soldat, traduit de l’anglais par Christine Laferrière, (Christian Bourgois, 2016) (408 p.)" color="red"]
Le jeune capitaine britannique Tom Barnes part en mission dans une zone de conflit. Au retour d’une patrouille nocturne, il marche sur un engin explosif improvisé et est immédiatement rapatrié en Angleterre. Débute alors un autre combat tant psychologique que physique durant lequel le héros va parvenir à surmonter « ce à quoi l’on ne pouvait survivre » grâce à l’aide non seulement des médecins, mais aussi de sa famille ainsi que de l’être aimé.
Raconté tour à tour par quarante-cinq objets - garrot, sac à main, gilet pare-balles, verre de bière, prothèse, miroir, sac d’engrais, vélo, pile électrique, basket blanche... - conçus pour assister, observer ou nuire, ce récit est un tour de force qui nous fait découvrir de manière inédite le destin et les pensées profondes des acteurs du conflit et de leurs proches, qu’ils soient patriotes ou fanatiques, cyniques ou manipulés, bienveillants ou éblouis par l’idéalisme de la jeunesse.[/message_box]
Remerciements à Adelaïde Fabre, directrice de la programmation des Assises Internationales du Roman]]>
4445 0 0 0 ]]> ]]> ]]>
Technique d'écriture du Thriller #2 Jane Harper http://www.artisansdelafiction.com/blog/technique-decriture-polar-3-jane-harper/ Mon, 17 Jul 2017 06:03:27 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4448 Jane Harper : "Il faut se mettre dans la tête du lecteur" Jane Harper est une auteur anglaise-australienne de roman policier. Elle est journaliste depuis 13 ans (dans la presse australienne et anglaise). En 2014, une de ces nouvelles est selectionnée, ce qui l'incite à se pencher plus sérieusement sur la fiction. Elle suit des cours en ligne, et ébauche durant cet apprentissage son premier roman, qui est sélectionné par un éditeur. Publié en 2015, The Dry (Canicule, en France, éditions Kero, 2017) est primé meilleure première oeuvre de fiction indépendante en Australie, et édité dans 20 pays (Royaume-Unis, États-Unis, traduit en français et en allemand). Les droits de ce roman ont été achetés par la productrice américaine Reese Witherspoon. Jane Harper, comment avez-vous appris les règles de la narration ? J’ai suivi une formation en ligne qui m’a enseigné la structure, les personnages, et comment faire passer ses idées de façon efficace. J’ai écrit mon roman dans ce cadre.  Puis j’ai continué de le réécrire, et de me perfectionner en lisant d’autres auteurs. Y’a-t-il des écoles de narration en Australie ? Ma formation en ligne était basée à Londres, mais oui, il en existe de similaires en Australie. En quoi consistait cette formation ? Le but était de terminer un roman. J’ai ramené cette histoire sur laquelle je travaillais déjà. J’ai soumis des chapitres et reçu des retours. En me basant sur ces retours j’ai effectué de nombreux changements et améliorations. J’ai énormément réécrit : après le premier jet je suis retournée au début et j’ai tout réécrit plusieurs fois, en améliorant le manuscrit à chaque jet. [caption id="attachment_4452" align="alignleft" width="300"] "The dry" et "Force of nature", les deux premiers romans de Jane Harper[/caption] Qu’avez-vous mis en place en premier : l’intrigue, les personnages ? J’ai commencé par l’intrigue, donc la première chose qu’il m’a fallu définir a été la fin. Ensuite j’ai mis en place les principaux pivots dramatiques. Les personnages ne sont venus que dans un second temps, une fois que l’intrigue était solide. Ils se sont développés au fil des jets : à chaque réécriture ils devenaient plus vivants et multidimensionnels, avec des relations plus complexes. Combien de temps cela vous a pris ? J’ai commencé à écrire mon roman en septembre 2014, et j’ai terminé le premier jet trois mois plus tard. Ensuite j’ai écrit les seconds et troisièmes jets, et ce troisième jet a remporté un concours de manuscrits non-publiés en mai 2015. Cela aura donc pris six mois pour atteindre la qualité requise. [quote align="right" color="#999999"]J’ai travaillé comme journaliste pendant treize ans, donc j’avais l’habitude d’écrire vite, et surtout d’écrire tous les jours[/quote] C’est très court. J’ai travaillé comme journaliste pendant treize ans, donc j’avais l’habitude d’écrire vite, et surtout d’écrire tous les jours, ce qui est très important. Et même quand j’ai gagné ce prix, le manuscrit n’était pas terminé : j’ai écrit un quatrième jet où j’ai rajouté quelque chose comme 30.000 mots. C’était un long processus. Le roman a été vendu à un éditeur en août 2015, environ dix mois après que j’ai commencé. Avez-vous suivi des cours de journalisme ? J’ai fait des études de langues à l’université, suivies d’études de journalisme. J’ai travaillé pour des journaux anglais et australiens ; j’avais donc une pratique assidue de l’écriture avant de me lancer dans ce projet de roman. Cela m’a beaucoup aidé. [quote align="left" color="#999999"]Il faut donner au lecteur une raison de continuer à lire : on ne peut pas juste assumer qu’il va aller jusqu’au bout. [/quote] Y’a-t-il des règles communes entre narration et écriture journalistique ? Dans les deux cas il faut être au clair avec ce que l’on veut communiquer. Il faut être le plus concis et engageant possible. Il faut donner au lecteur une raison de continuer à lire : on ne peut pas juste assumer qu’il va aller jusqu’au bout. Il faut toujours essayer de conserver son attention et son intérêt, avec des informations importantes disséminées tout au long de l’histoire. Il faut donc être bien focalisé, aller droit au but, ne pas inclure de chapitres, de paragraphes, de phrases ou même de mots qui n’ajoutent rien à l’histoire. [caption id="attachment_4456" align="alignright" width="300"] Jane Harper durant le Festival Quai du Polar 2017[/caption] Où trouvez-vous vos idées ? J’ai commencé par cette idée d’un meurtre dans une petite bourgade qui souffrait d’une canicule qui touchait tous les habitants et créait beaucoup de tensions. A partir de là j’ai ajouté les personnages, leurs relations, et plus j’écrivais plus je trouvais de nouvelles idées ; je me suis notamment inspiré de différentes histoires que j’avais couvertes en tant que journaliste. Des conversations, des choses que j’avais lues ou que des personnes m’avaient dites quand je les interviewais… Certains de ces éléments n’étaient pas forcément liés à mon histoire, mais ils m’inspiraient, et je les adaptais. Les décors sont-ils inspirés de lieux réels ? C’est un mélange : la ville est fictive, mais une bonne partie des problèmes et des personnages que l’on y trouve sont communs à de nombreuses petites villes de la campagne australienne, et même du monde entier. Ces villes où les gens se connaissent et s’influencent tous… On y trouve beaucoup de tensions, beaucoup de pressions sociales, les relations de voisinage y sont intéressantes. [quote align="left" color="#999999"]Quand je commence j’ai souvent besoin d’un certain type de personnage pour une raison précise en lien avec l’intrigue, pour effectuer certaines actions. [/quote] Comment construisez-vous vos personnages ? Ils se transforment en cours de route. Quand je commence j’ai souvent besoin d’un certain type de personnage pour une raison précise en lien avec l’intrigue, pour effectuer certaines actions. Au début ils sont souvent trop unidimensionnels, trop stéréotypés et pas si intéressants, mais plus on réécrit plus ils deviennent intéressants. On creuse leurs relations avec les autres personnages, leur passé, et ils se rapprochent progressivement de personnes réelles, plus authentiques. En termes de réécriture, quel est votre mode de fonctionnement ? Je préfère d’abord écrire l’histoire entière, du début à la fin, plutôt que de réécrire au fur et à mesure. J’attends donc d’avoir terminé mon premier jet pour m’attaquer au deuxième. Cela m’évite de rester coincée, de ne jamais arriver à la fin. Chaque fois que je réécris, je repars du début, en essayant de m’améliorer à chaque fois. A chaque jet j’ajoute des éléments et j’en retire d’autres. [caption id="attachment_4451" align="alignleft" width="300"] Couvertures éditions originales de "The dry / Canicule"[/caption] Quel conseil donneriez-vous à un romancier débutant ? Le plus important est d’aller jusqu’au bout. Il faut essayer de terminer un jet complet, même s’il est court, même s’il ne correspond pas à nos attentes, même si on ne le trouve pas très bon. Sans quoi on risque de passer dix ans sur un roman sans jamais le terminer. Pour moi la meilleure façon d’accomplir ceci est, dans un premier temps, de ne pas se soucier du nombre de mots ou de la qualité d’écriture, mais juste de s’asseoir chaque jour et d’écrire une scène ou un chapitre avec une action qui fait avancer l’histoire. Pensez à ce que vous essayez de dire dans ce chapitre, et aux raisons pour lesquelles il figure dans l’histoire. Quand on arrive à la fin du premier jet, c’est un tel soulagement qu’on est heureux de retourner au début et d’écrire le second. Quand vous étudiiez le journalisme, vous apprenait-on à structurer des histoires ? Oui, mais on apprend surtout en s’entraînant. Que ce soit du journalisme ou de la narration, on devient meilleur avec la pratique. Mais la fiction est plus difficile que le journalisme. [caption id="attachment_4454" align="alignright" width="300"] Jane Harper durant le Festival Quai du Polar 2017[/caption] Quelle est la principale différence ? La longueur, bien sûr. Mais aussi le fait que dans la fiction il faut tout imaginer de A à Z, tandis que dans le journalisme les faits sont déjà là, on peut se reposer sur des citations, des photos, des événements réels. Que trouvez-vous le plus difficile dans l’écriture romanesque ? La phase de mise en place de la structure, lorsque l’on essaye de comprendre si l’histoire fonctionne, si elle est intéressante. Il faut se mettre dans la tête du lecteur, essayer de comprendre ce qu’il devra savoir, ce qu’il voudra savoir, ce qu’il ressentira à tel ou tel moment… C’est une étape difficile mais essentielle. [quote align="left" color="#999999"]Je pose les grandes lignes le plus tôt possible : le début, le milieu, la fin.[/quote] En ce qui concerne les informations dont le lecteur a besoin, prévoyiez-vous tout à l’avance ? Je pose les grandes lignes le plus tôt possible : le début, le milieu, la fin. Le reste change inévitablement en cours de route, c’est pourquoi il est bon de pouvoir se reposer sur ces bases, afin de pouvoir improviser le reste.

Canicule est publié aux éditions Kero.

TRADUCTION : Pierre Larsen. Remerciements à Gabriel de la Librairie Vivement Dimanche.  ]]>
4448 0 0 0 ]]> ]]>
Techniques d'écriture de la nouvelle #1 Mariana Enriquez http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-decriture-de-nouvelle-1-mariana-enriquez/ Sun, 17 Sep 2017 13:00:41 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4476

Mariana Enriquez : "Il faut essayer de lire et d’écrire dans un genre qu’on aime."

Mariana Enriquez (Buenos Aires, 1973) est une nouvelliste, romancière et journaliste argentine. À l’âge de 22 ans elle publie son premier roman, qu’elle décrit aujourd’hui comme « un mélange d’Emily Brontë et d’Anne Rice, avec un soupçon de Stephen King, d’Hubert Selby Jr et de Brett Easton Ellis ». Elle publie par la suite deux courts romans et deux recueils de nouvelles, dont Ce que nous avons perdu dans le feu, édité en français en 2017 et en cours de traduction dans dix-huit pays. Les histoires de cette ex-punk oscillent entre fantastique, horreur et réalisme ; ses thématiques sont urbaines, résolument modernes. Les Artisans de la Fiction l’ont interviewé à propos de son approche de l’écriture durant les Assises Internationales du Roman 2017.    Mariana Enriquez, par quoi commencez-vous pour écrire une nouvelle : une idée, un personnage, une fin, une image… ? Pour moi les romans sont basés sur les personnages, et les nouvelles sur les idées. Les personnages y sont secondaires, presque des prétextes. Les nouvelles peuvent aussi servir à communiquer une ambiance, une humeur ; certaines sont comme des chansons, courtes et mémorables, avec un rythme constant. Mais dans mon cas, leur point de départ est toujours une idée. Pouvez-vous donner un exemple de votre manière de procéder, avec une des nouvelles de votre recueil ? Prenons la nouvelle Pas de chair sur nous. C’est l’histoire d’une femme amoureuse d’un crâne. L’idée, c’est de parler de la façon dont les femmes tombent amoureuses du concept de leur propre disparition. C’est une histoire d’anorexie, mais je ne voulais surtout pas d’une histoire réaliste, type reportage ou récit personnel… Je voulais quelque chose de plus « fun », qui puisse évoquer la folie de ce genre de comportement. Donc l’histoire est à la fois drôle et macabre. Mais l’idée, c’est de parler d’à quel point il est cinglé de souhaiter ne plus avoir de chair, de souhaiter disparaître. [caption id="attachment_4499" align="aligncenter" width="640"] Editions internationales de "Ce que nous avons perdu dans le feu"[/caption] Les fins de vos nouvelles sont souvent très fortes, car imprévisibles. C’est dû à la façon dont vous gérez les informations : le lecteur s’imagine une chute, mais il se trompe toujours. Comment travaillez-vous vos fins ? Quand je commence à écrire, grosso-modo l’histoire est déjà en place dans ma tête. En général je connais déjà la fin. Si certaines fins sont imprévisibles, c’est parce que je déteste les choses trop propres, trop parfaites, en particulier dans les nouvelles. Je recherche l’imprévisible ; ça ne fonctionne pas toujours, mais quand je considère que c’est le cas je conserve la nouvelle. C’est en partie en réaction au nombre de nouvelles que j’ai lu où la fin est prévisible : pour moi c’est un réel problème technique. Peut-être que certains lecteurs apprécient cela, mais je pense que les nouvelles pâtissent de cette idée répandue selon laquelle elles doivent être « bouclées ». Beaucoup d’écrivains, comme Lydia Davis, écrivent des nouvelles qui sont des fragments temporels ; je ne sais pas comment mieux le définir. [quote align="right" color="#999999"] Si certaines fins sont imprévisibles, c’est parce que je déteste les choses trop propres, trop parfaites, en particulier dans les nouvelles[/quote] Une nouvelle peut même être un poème en prose… Pour moi la nouvelle moderne n’est plus celle du 19ème siècle, au sens où l’entendait Maupassant. J’adore Maupassant, mais je pense qu’aujourd’hui les nouvelles peuvent aller dans de nombreuses directions. Vers l’intertextualité, par exemple, comme dans les récits post-modernes. C’est plus libre qu’avant. Techniquement, oui ; mais l’effet que les écrivains tentent de produire reste le même : quand on arrive à la fin, il faut que ce soit fort. Et vous y parvenez dans une grande partie de vos nouvelles. Ce n’est pas juste logique… Ça l’est, mais c’est aussi imprévisible. Merci. [caption id="attachment_4488" align="alignleft" width="232"] Inédit Mariana Enriquez[/caption] Réécrivez-vous beaucoup ? Pas tellement, mais je corrige beaucoup. Pour les nouvelles en particulier, j’ai souvent une idée très précise de ce que je souhaite accomplir, donc la langue doit toujours être retravaillée. Vous avez la nouvelle entière en tête avant de vous mettre à écrire ? Oui. Je réécris beaucoup les romans, mais pas tant les nouvelles. Parlons de violence. Est-ce difficile pour vous d’écrire certaines scènes ? Non, j’aime écrire les scènes violentes et macabres. C’est difficile d’un point de vue technique, car je dois utiliser les mots qui vont provoquer une réaction précise chez le lecteur. C’est une chose que j’ai apprise en lisant énormément. Il y a aussi un problème, quand on écrit de la fiction de genre : c’est que certaines choses ne plairont pas à certains lecteurs ou ne leur feront pas peur… [quote align="right" color="#999999"]Quand j’écris je suis très éloignée des choses horribles qui se passent dans l’histoire, émotionnellement parlant.[/quote] Moi par exemple j’ai peur des chiens ; si on me fait lire une histoire de chien j’aurais très peur, mais quelqu’un qui aime les chiens ne comprendra pas. Ça, c’est un problème. Mais ce sont des difficultés techniques, pas émotionnelles. Quand j’écris je suis très éloignée des choses horribles qui se passent dans l’histoire, émotionnellement parlant. Si c’était un trauma au moment où c’est arrivé, ça ne l’est plus au moment de l’écriture. Je ne suis pas le genre d’écrivain qui « combat ses démons » en écrivant… Moi je les combat bien avant. Quand je m’assieds pour écrire, c’est un travail plaisant ; ce n’est pas  du tout une catharsis. Y’a-t-il des situations ou des idées qui sont si terribles que vous devez attendre pour pouvoir les écrire ? Bien sûr. Pour avoir le courage d’écrire certaines choses, je dois laisser passer du temps. Mais cette dimension émotionnelle est loin derrière quand je m’assieds pour écrire. Je ne pense pas qu’on puisse écrire lorsqu’on est en plein milieu d’un tourment émotionnel… Enfin, peut-être que certains le peuvent, mais pas moi. Je ne pense pas que ce soit possible. Si on a encore la tête dedans, ça risque de sonner cucul-la-praline. Cette confrontation à vos peurs avant l’écriture, cela fait-il partie de vos motivations pour écrire ? J’imagine, oui. Parfois on a peur d’écrire certaines choses. Oui. Par exemple beaucoup de mes histoires parlent de corps, et de culpabilité. Ce sont deux choses qui me hantent : la peur de tomber malade, la peur de faire quelque chose de très mal et de devoir en subir les conséquences, d’être accusée… Ces choses m’effraient, elles me touchent émotionnellement, et ce sont des thèmes psychologiques qu’on retrouve dans mes textes. Quelle effet ou émotion souhaitez-vous provoquer chez votre lecteur ? J’aime que mes lecteurs aient peur. Moi-même en tant que lectrice cette sensation m’excite. Mais il y a un deuxième effet, plus tardif, que j’essaye de provoquer… C’est une technique que j’ai apprise en lisant de très bons auteur de genre, que ce soit en SF, en roman noir ou en horreur. Ces auteurs peuvent être très distrayants tout en écrivant sur des sujets très contemporains, qui concernent directement notre quotidien. Très politiques, donc. Mais c’est en quelque sorte un effet secondaire. Par exemple, dans les années 1940, quand tu lisais Raymond Chandler tu essayais de deviner qui était le meurtrier, mais quand tu refermais le livre, tu réalisais que tu avais lu un roman sur une société américaine corrompue, où les flics étaient des pourris et où obtenir la justice était impossible à cause de ce système dirigé par des bandits. [quote align="right" color="#999999"]J’aime que mes lecteurs aient peur. Moi-même en tant que lectrice cette sensation m’excite.[/quote] Mais ces choses, tu ne les remarquais qu’après coup ; pendant la lecture, tu n’y pensais pas, car tu étais pris dans l’intrigue. Voilà ce que je souhaite accomplir : d’abord une sensation forte, un frisson ; ensuite, une réflexion. Pour reprendre l’exemple de l’histoire du crâne, tu peux la lire et prendre du plaisir, mais quand tu la termines, tu penses à cette femme qui désire être extrêmement mince, ressembler à un squelette… Mais ça vient après. [caption id="attachment_4497" align="aligncenter" width="640"] Romans et recueils de nouvelles de Mariana Enriquez[/caption] La plupart de vos histoires paraissent fantastiques, mais au fond elles sont très réalistes. Quand la violence survient on ne sait jamais si elle est surnaturelle, si elle a juste lieu dans l’imagination du personnage, ou si c’est juste l’ambiance qui crée ce feeling fantastique. Une de mes histoires, Toile d’araignée, parle de deux femmes argentines qui se rendent au Paraguay avec le mari d’une d’elles, qui disparaît. Dans cette nouvelle, en raison de différents indices que je plante discrètement, le lecteur en vient à penser que le mari disparaît à cause de la femme… Ou de quelque chose en lien avec la géographie, avec le pays lui-même… [caption id="attachment_4500" align="alignleft" width="187"] Edition anglaise de "Ce que nous avons perdu dans le feu"[/caption] [quote align="right" color="#999999"]Mais la façon dont j’agence les mots, dont je raconte l’histoire, dont je suggère les choses, tout cela amène le lecteur à penser que c’est une histoire d’horreur, de fantôme.[/quote] Comme si le pays dévorait les gens, les prenait au piège, comme une toile d’araignée. Mais je fais aussi allusion aux traumas politiques, au fait qu’en Argentine et au Paraguay des gens ont longtemps disparu pour des raisons politiques. Ce mélange d’éléments donne à l’histoire les apparences d’une nouvelle horrifique, mais la question reste ouverte : peut-être le mari s’est-il juste enfui. Mais la façon dont j’agence les mots, dont je raconte l’histoire, dont je suggère les choses, tout cela amène le lecteur à penser que c’est une histoire d’horreur, de fantôme.   Souvent dans vos nouvelles le lecteur ou le personnage a peur d’une chose, mais ce qui finit par arriver en est une autre. L’une de vos histoires les plus réussies est celle avec le point de vue masculin (« Pablito Clavo un clavito » : une évocation du Petiso Orejudo). C’est une des plus horribles, parce que le père désire vraiment enfoncer ce clou dans le crâne de son enfant… Et même s’il ne va jamais le faire, il le désire vraiment… Ce mec est loin d’être une victime (rires). C’est sûr (rires). Si je devais écrire une suite, je ne pense pas qu’il enfoncerait ce clou dans le crâne de l’enfant, mais son désir est bien réel… C’est pour ça qu’il voit ce fantôme… C’est quelque chose qui est en lui… Ce n’est pas un trauma comme dans la plupart de vos autres nouvelles. C’est vrai. Parlons des points de vue. Comment les choisissez-vous ? Certaines de vos nouvelles sont à la première personne, d’autres à la troisième. [caption id="attachment_4494" align="alignright" width="280"] Tiré à part de la nouvelle "Ce que nous avons perdu dans le feu".[/caption] C’est lié à l’idée qui sous-tends la nouvelle, et à sa tonalité générale. Si j’ai besoin d’une voix spécifique, j’utilise la première personne. Par exemple la première histoire du recueil, L’enfant sale, nécessitait d’être écrite à la première personne, car je voulais une narratrice ambiguë, qui pense que vivre dans un quartier chaud la rendra plus forte, mais qui réalise que ce n’est pas si simple. Pour transcrire cette ambiguité j’avais besoin d’écrire à la première personne. Et pour la nouvelle éponyme, celle qui clôt le recueil, c’est un peu pareil. Les événements de cette nouvelle sont très violents, très extrêmes, et je ne voulais pas d’un point de vue trop rapproché ; il ne fallait pas que la narratrice fasse partie du groupuscule, car cela aurait requis une voix bien spécifique, que je n’étais pas forcément capable d’écrire car je n’étais pas sûre de la cautionner. Mais je ne voulais pas non plus écrire complètement à la troisième personne, car ça aurait été trop éloigné des événements, comme de les décrire de façon détachée… [quote align="right" color="#999999"] le point de vue est parfois dicté par l’idée qui sous-tends l’histoire : en général si je veux une histoire ambiguë, j’ai besoin d’écrire à la première personne.[/quote] Alors j’ai choisi une narratrice à la première personne qui connaît le groupuscule, qui lui est lié et le comprends, mais qui n’y adhère pas totalement. Elle doute. Elle peut en raconter l’histoire car tout le monde veut qu’elle le rejoigne (en tout cas sa mère et les gens du groupuscule le veulent), mais elle a des réserves, et c’est pourquoi elle a besoin d’expliquer au lecteur ce qui se passe, comment ça a commencé, ce qu’elle en pense et ce qu’ils veulent qu’elle fasse. Mais je ne voulais pas de quelqu’un qui soit converti, qui fasse partie du groupuscule à 100%… Donc le point de vue est parfois dicté par l’idée qui sous-tends l’histoire : en général si je veux une histoire ambiguë, j’ai besoin d’écrire à la première personne. [caption id="attachment_4493" align="alignleft" width="225"] Roman graphique écrit par Mariana Enriquez[/caption] C’est en lien avec la distance émotionnelle que vous souhaitez instaurer. Je pense, oui. Comment avez-vous appris à raconter des histoires ? En lisant beaucoup. Je ne suis jamais allée dans un atelier, ni dans une fac de creative writing. Y’en a-t-il en Argentine ? Non. Enfin ces deux dernière années certaines universités s’y sont mises, mais c’est très récent. La plupart des argentins qui veulent écrire vont dans des ateliers animés par des écrivains. Ils se lisent les uns les autres, se corrigent, etc… Mais moi je n’y suis pas allée. La plupart des écrivains à qui on pose cette cette question répondent « en lisant beaucoup ». Ok, mais encore faut-il lire comme un écrivain, c’est à dire pas juste pour le plaisir. [caption id="attachment_4490" align="alignright" width="189"] Roman inédit de Mariana Enriquez[/caption] C’est vrai. J’ai publié ma première nouvelle à 20 ans. Aujourd’hui j’en ai 43. Cela fait donc longtemps que je lis comme une écrivaine. Je remarque comment l’auteur débute l’histoire, quel point de vue il utilise… Mais je peux toujours lire pour le plaisir. Je pense que si on lit seulement pour apprendre la technique, quelque chose se perd. Il faut prendre du plaisir dans la littérature, se laisser être surpris par elle, être fasciné par le langage et ce qu’il peut accomplir… [quote align="right" color="#999999"] Quand un auteur me fascine, en général je ne peux pas voir ses « trucs ».[/quote] On tire forcément quelque chose de cette expérience, même sans y faire attention, on en tire des outils… Donc ça dépend. Quand un auteur me fascine, en général je ne peux pas voir ses « trucs ». C’est comme un rêve. Par exemple quand j’ai lu Méridien de sang de Cormac McCarthy, sa langue était si incroyable que je ne pouvais que m’y noyer, vouloir le terminer au plus vite ou au contraire vouloir que ça dure éternellement, mais en tout cas c’était une expérience d’immersion totale. Dans de tels cas, je ne veux être qu’une lectrice. Avez-vous lu l’écrivain japonais Abe Kōbō ? Oui, je l’apprécie beaucoup. La façon dont il mélange la réalité et l’allégorie est intéressante. Parfois c’est totalement poétique, mais la plupart du temps c’est un mélange. J’ai pensé à lui après avoir lu vos nouvelles, car on ne peut y séparer la réalité du fantastique. Les deux y sont intimement liés… C’est vrai. Vous avez aussi été comparée à Roberto Bolaño... C’est un écrivain que j’admire, mais en tant qu’auteurs je ne pense pas que nous ayons grand-chose en commun. Nous partageons une chose qui a peu à voir avec le style : l’intérêt pour la politique. Mais je pense que c’est une chose fatalement latino-américaine (rires). Si tu prends deux auteurs latino-américains et que tu les rassembles, ils parleront forcément de politique. Cela fait partie de notre réalité, et donc de notre fiction. Mais à part ça, je pense que Bolaño est un écrivain beaucoup plus « littéraire » que moi. En l’occurrence il est beaucoup plus influencé par Borges que moi. Alors qu’il n’est pas argentin, et qu’il était romancier avant d’être nouvelliste. Mais cet intérêt pour l’invention de bandes de poètes qui n’existaient pas, de biographies d’auteurs imaginaires… Tout cela est très « borgesien », et même si j’aime beaucoup le lire, ce n’est pas quelque chose que j’aimerais écrire. [caption id="attachment_4496" align="alignright" width="215"] Inédit Mariana Enriquez[/caption] Il avait l’esprit d’un encyclopédiste. C’est une littérature aux dimensions épiques. Moi, même si j’écris quelque chose de très long, je vais le retravailler et couper jusqu’à ce que ce soit très court (rires). Je ne sais pas comment Bolaño travaillait, mais il me semble qu’il ne retirait jamais rien. Ce n’était pas son truc. Et ça fonctionne parfaitement comme ça, c’est très torrentiel…   Quel conseil donneriez-vous à un écrivain débutant ? Je dirais qu’il faut essayer de lire et d’écrire dans un genre qu’on aime. Ensuite on peut expérimenter d’autres choses ; mais au début, mieux vaut tenter quelque chose qu’on connaît. Beaucoup de jeunes écrivains essaient de faire des choses qu’ils ne connaissent pas. Par exemple j’ai une amie qui aime la littérature russe, et pas juste les classiques… Mais quand elle écrit, elle tente d’avoir une écriture très minimale, presque comme des haïkus, quelque chose de japonais, ce qui est à l’opposé total de ce qu’elle lit. Alors forcément, ça ne fonctionne pas, car les outils qu’elle tente d’utiliser ne sont pas ceux avec lesquels elle est familière. [quote align="left" color="#999999"]Donc voilà le conseil que je donnerais : travaillez dans un style que vous connaissez.[/quote] Elle aimerait les connaître mais ce n’est pas le cas, elle n’est pas familière avec ce genre de langage, de mélodies… Attention, je ne dis pas qu’elle devrait écrire un roman de 1000 pages comme les Russes, mais elle devrait essayer quelque chose de plus psychologique, de plus centré sur les personnages, sur la politique, sur les relations entre les gens… Quelque chose de moins délicat. Parce que pour écrire comme elle le souhaiterait, il faudrait qu’elle passe beaucoup de temps à lire Hemingway et Carver et des auteurs japonais qui correspondent à ce style… Toute cette école minimaliste. Donc voilà le conseil que je donnerais : si vous avez beaucoup lu les auteurs minimalistes, essayez de faire comme eux. Quoi qu’il en soit, travaillez dans un style que vous connaissez. ___________________ Ce que nous avons perdu dans le feu est publié aux Editions du sous-sol (http://www.editions-du-sous-sol.com) Interview : Lionel Tran Traduction : Alexandre Simon Avec d'énormes remerciements à Adélaïde Fabre, programmatrice des Assises Internationales du Roman    ]]>
4476 0 0 0 ]]> ]]>
Techniques d'écriture de la Science Fiction #3 : Peter F. Hamilton http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-decriture-de-science-fiction-3-peter-f-hamilton/ Wed, 18 Oct 2017 08:14:29 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4589 "La structure narrative est immensément importante" Peter F. Hamilton suit des études scientifiques sans aller à l’université jusqu'au bout, car il travaille tôt en usine et, durant les années 1980, s'occupe à toute heure de sa mère gravement malade. Depuis son adolescence, pour s'occuper, il lit beaucoup de livres de science-fiction, comme ceux d’Arthur C. Clarke, Robert A. Heinlein, Isaac Asimov, Brian Aldiss, Larry Niven. Il lit également des magazines comme New Scientist sur les développements de la science et de la technologie — les revues de science-fiction et de fantastique à cette époque-là étaient très courantes outre-Manche — et, une idée en tête, s'achète une machine à écrire. Il commence à écrire en  et vend sa première nouvelle Death Day qui, par la suite, paraît dans Fear, un magazine consacré à l’horreur ouverte à la science-fiction et à la fantasy, en . Il en écrit ensuite d'autres pour de petits journaux, pour le magazine Interzone et pour l’anthologie In Dreams and New Worlds. Après ses nombreuses nouvelles, l'éditeur de Pan Books (en) lui passe un coup de fil, lui demandant s'il est en train de travailler sur un roman. C'est ainsi que son premier roman Mindstar Rising (Mindstar, titre français paru en 2010) paraît en 1993. Il est suivi par A Quantum Murder en 1994 (Quantum, titre français paru en 2010) puis The Nano Flower en 1995 (Nano, titre français paru en 2011) qui font partie de la première trilogie The Greg Mandel Books (Greg Mandel en France) qui met en vedette le détective psychique dans un avenir proche devant le réchauffement de la planète et le gouvernement communiste. Le petit public anglophone commence très vite à s'y intéresser.   Les Artisans de la Fiction : Peter F. Hamilton, comment travaillez-vous sur un roman ? Comment ? Vous voulez-dire de jours à travailler sur un roman ? Ou globalement ? Oui, globalement. Préparez-vous beaucoup l’univers narratif, les personnages ? Oui. Typiquement pour une trilogie, je vais passer 6 mois à planifier le monde, l’univers, les personnages. Puis je vais faire la structure des chapitres, et ensuite seulement je vais commencer à écrire. Donc c’est un long processus avant de commencer. C’est pourquoi, lorsque je suis effectivement en train d’écrire le livre je sais exactement où le personnage se trouve, et où je dois l’amener. Et une fois que je sais cela, il n’y a pas de panne de l’écrivain. Le travail d’écriture quotidien à ce moment-là est de savoir comment j’amène un personnage d’un endroit à un autre. Mais je connais la structure d’ensemble. [quote align="left" color="#999999"]lorsque je suis effectivement en train d’écrire le livre je sais exactement où le personnage se trouve, et où je dois l’amener.[/quote] Vous commencez par créer l’univers narratif ou les personnages ? C’est un peu des deux. Quand vous avez créé votre monde, vous savez le genre de personnes qui vivent dans ce monde. Je dois préparer de nombreux détails : par exemple le niveau de technologie est tellement élevé que les personnages vont devoir faire tel genre de job… Ceci sera la politique et l’économie, donc cela dicte plus ou moins le type de gens qui vivront dans ce monde, ce qui me donne une base pour ajouter des caractéristiques individuelles aux personnages. Donc tout cela se crée conjointement, de manière organique. [caption id="attachment_4598" align="aligncenter" width="640"] Editions françaises de Peter F.Hamilton[/caption] Comment avez-vous appris à raconter des histoires ? Avez-vous appris en étudiant les autres écrivains ? Avez-vous suivi des cours ? [quote align="right" color="#999999"]Une fois que vous avez l’idée, que vous savez ce que va raconter le livre, vous décidez où cette histoire va se dérouler[/quote]Non, je n’ai pas suivi de cours. Cela m’est venu en lisant énormément quand j’étais plus jeune. En étudiant comment les différents aspects étaient assemblés, en essayant. J’ai écrit beaucoup de nouvelles, avant même d’essayer d’écrire un roman. Je pense que j’ai écrit des nouvelles pendant 3 ou 4 ans et seulement là je me suis dis que j’aimerai tenter d’écrire un roman. Et ça a marché comme ça Donc, ça n’a pas été instantané, je ne me suis pas lancé à partir de rien, il y a eu beaucoup d’écriture entre temps. Comment reliez-vous l’univers narratif et l’intrigue ?Une fois que vous avez l’idée, que vous savez ce que va raconter le livre, vous décidez où cette histoire va se dérouler, ce qui vous donne le background (le cadre narratif), donc tout découle de l’idée initiale. La chose principale que le livre va raconter, ensuite cela devient où vous situez cette histoire, puis les personnes qui vivent dans ce monde. Donc c’est un processus très organique. Une étape en entraîne une autre, puis une autre… Pour moi, c’est devenu assez facile maintenant, parce que je pratique cela depuis 20 ans. Mais c’est vraiment ce processus où une chose en entraîne une autre. Quand vous étiez un écrivain débutant, qu’est-ce qui vous a aidé à comprendre comment cela fonctionnait ? Les éditeurs. David Pringle, qui éditait la revue Interzone et David Garnett qui éditait la revue New Worlds. Je n’arrêtais pas de leur envoyer des histoires et ces histoires revenaient accompagnées de commentaires du genre « non, ceci ne marche pas, essaie plutôt de faire ça, ou cela ». Ils m’ont beaucoup aidé. Toute histoire à besoin d’être réécrite et accompagné par des éditeurs. Mais pour un écrivain débutant, c’est essentiel, surtout quand ils sont bons comme ils l’étaient. Ils m’ont énormément aidé.   [caption id="attachment_4594" align="aligncenter" width="640"] Editions originales de Peter F. Hamilton[/caption] Pensez-vous que suivre des cours pour apprendre comment les histoires fonctionnent peut aider de jeunes écrivains ? Oui, j’aurais aimé faire cela. La structure d’une histoire est une des composante fondamentales qui permet de maintenir l’intérêt du lecteur. C’est essentiel. Et cela prend du temps pour acquérir la confiance qui permet de tenter de faire quelque chose de différent. [quote align="left" color="#999999"]Et si vous voulez faire quelque chose d’un peu différent, vous avez vraiment besoin de savoir comment construire la structure d’une manière qui fonctionne. [/quote]Et si vous voulez faire quelque chose d’un peu différent, vous avez vraiment besoin de savoir comment construire la structure d’une manière qui fonctionne. La structure narrative est immensément importante. Pour moi, construire les nœuds dramatiques à l’avance aide beaucoup. Je peux voir à l’avance si le raconter de telle manière fonctionnera ou si je devrais peut-être le faire différemment. Donc le fait de pré-construire est la seule manière dont je conçoit le fait d’écrire. En tant que lecteur,  une histoire c’est comme de la magie, mais l'auteur se retrouve dans la position du présidigitateur. Pour lui, il s'agit de réaliser c’est des tours… Absolument. Et lire comme un écrivain, ce n’est pas la même chose que lire pour le plaisir. Oui. Si j’ai bonne idée durant l’écriture, je l’intègre et à la moitié de l’écriture du livre, je me relis pour voir si tout ce que j’ai ajouté fonctionne. Et si c’est le cas, j’ajoute ces nouveaux trucs dans les nœuds dramatiques du plan structuré de la seconde moitié du livre. Et je continue à partir de là. Donc c’est un processus pour commencer l’écriture absolu. Je m’accorde de la flexibilité, mais les nœuds dramatiques et comment cela va se terminer est essentiel. Il y a certains écrivains qui peuvent se mettre à leur bureau et juste commencer à taper leur histoire… Et je les envie. …et ils m’envient. Il n’y a pas de manière fixe d’écrire un livre. C’est ce qui fonctionne pour vous. Quand vous êtes dans le processus d’écriture, vous savez où vous voulez aller, vous êtes portés par l’histoire… Sentez-vous parfois que cela ne fonctionne pas et revenez-vous en arrière ? Oh, oui. Fréquemment, oui ! Encore une fois, vous devez avoir une discipline de cascadeur ! Vous pouvez très bien essayer de balancer toutes vos idées sur la page, mais ça ne marche pas comme ça. Une fois que vous avez posé la ligne narrative de l’histoire vous pouvez vous lancer. C’est la façon dont il faut procéder, en tout cas pour moi, même s’il bien sûr n’y a pas qu’une seule manière de procéder. Une dernière question : quel conseil donneriez-vous à un apprenti écrivain ? Ca va sembler très cliché mais si vous continuez à écrire, juste le processus de l’écriture, vous apprendrez ce qu’est l’écriture, vous gagnerez en confiance. C’est le meilleur avis que je peux vous donner : continuez à écrire.

Interview : Loïc Mauran – Lionel Tran

Merci aux Intergalactiques et à Audrey Burki de la Bibliothèque de la Part Dieu de nous avoir permis de réaliser cette interview.

Pour en savoir plus :

]]>
4589 0 0 0 ]]> ]]>
Résidence d’écriture & Flash Fiction : Tania Hershman http://www.artisansdelafiction.com/blog/residence-decriture-flash-fiction-tania-hershman/ Tue, 05 Dec 2017 15:50:21 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4639  Qu’écrit-on pendant une résidence d’écriture ? Que fait-on de son temps ? Est ce vraiment utile ?   Combien de temps doit durer la résidence pour être efficace ?… Sous l’appellation générique de “résidence” se cachent des réalités très diverses (retraite, bootcamp, formules payantes ou défrayées…) qui peuvent générer des questions sur la qualité des offres, leur légitimité et surtout leur efficacité. D’autant plus que le terme est à la mode, souvent accolé à un prix littéraire ou à une maison d’édition. Julie Fuster a rencontré Tania Hershman, auteure britannique, dont le dernier recueil de nouvelles, Some Of Us Glow More Than Others (2017), résulte d’une résidence d’écriture d’un an au sein d’un laboratoire scientifique. Ecrivain reconnue, primée et diffusée sur la BBC, Tania est également co-auteur du fascinant ouvrage de technique d’écriture Writing Short Stories: A Writers' and Artists' Companion dont la lecture est conseillée à toute personne qui rêve d’un jour de remporter un concours de nouvelles… et pourquoi pas, de gagner une résidence d’écriture ! En 2009, Tania Hershman a passé un jour par semaine pendant un an au sein d’un laboratoire de biochimie de l’Université de Bristol. L’initiative ne résulte d’aucun prix littéraire, ni même d’aucune structure officielle : l’auteur a simplement envoyé un email au Doyen de l’Université pour lui proposer une collaboration que celui-ci s’est empressé d’accepter. Elle est alors accueillie comme “auteur en résidence” dans le laboratoire des professeurs Paul Martin and Kate Nobes, volontaires pour tenter l’expérience. Diplômée en sciences et en journalisme, Tania n’est pas nouvelle dans le monde de l’écriture : elle a déjà publié ses histoires dans de nombreuses revues scientifiques ainsi qu’un recueil de nouvelles et micronouvelles, The White Road (2008), recommandé par le Orange Award for New Writers. Elle a également suivi des ateliers d’écriture sérieux dont elle explique longuement le déroulement et les bénéfices dans le premier chapitre de son ouvrage technique, Writing Short Stories: A Writers' and Artists' Companion paru en 2014. [quote align="right" color="#999999"]le processus d’écriture est toujours présent dans ma tête, je n’ai pas besoin de l’organiser.[/quote] Cependant, cette résidence est une première et elle n’a alors aucune idée de la façon dont elle doit procéder et organiser son temps : “ Au tout début, ni l’Université ni moi ne savions vraiment dans quoi nous nous engagions et encore moins ce que nous pourrions tirer de cette expérience… on s’est jeté dedans sans vraiment savoir.” Elle sait seulement qu’elle est là pour observer et ne se pose aucun objectif de productivité. “En matière d’écriture je ne planifie jamais et je n’ai pas de calendrier. En réalité, le processus d’écriture est toujours présent dans ma tête, je n’ai pas besoin de l’organiser. Je cherchais seulement à nourrir mon inspiration”. Elle a donc du improviser pour trouver sa place au sein du laboratoire, où elle ne disposait ni d’un bureau ni de tâche précise. Rapidement, elle décide d’approcher les chercheurs et se met à interviewer ceux qui l’acceptent, puis à assister à leur travail. Elle observe tout, la façon dont les chercheurs se comportent entre eux, la manière dont ils se parlent, et leur posent des questions précises. Elle veut connaitre le nom de leurs outils, de leurs machines, leur planning, la façon dont ils font avancer leurs recherches, comment ils abordent l’échec, l’ennui, l’absence de conclusion, et prend tout en notes. Les visites du mercredi sont les plus fructueuses, puisqu’il s’agit du jour de la réunion d’équipe : tout le personnel du laboratoire se retrouve pendant une heure après le déjeuner et chacun fait le point sur l’avancée de son travail. Parfois, l’un d’entre eux fait une présentation plus formelle, d’autres fois, ils accueillent un chercheur invité pour une mini-conférence. Tania en profite pour absorber autant les connaissances scientifiques que l’ambiance générale, les attitudes de chacun, les anecdotes… [column col="2/3"] [message_box title="QU'EST-CE QUE LA FLASH FICTION ?" color="red"] Le flash fiction, traduit en français en “micro-nouvelle” ou “micro-fiction” est un sous-genre de la nouvelle qui consiste en raconter une histoire sous la forme la plus brève possible, de la demi page au récit en quelques mots. Il s’agit de condenser les grands principes de la fiction (personnage, choix d’un point de vue, situation initiale, péripétie et dénouement) dans le moins de caractère possible. Genre très apprécié dans la littérature anglo-saxonne, le flash fiction connait un succès grandissant grâce à son format adapté à sa diffusion sur les réseaux sociaux et à la radio qui agissent comme des réels tremplin vers la publication papier et permet de mettre en avant des auteurs émergeants. Des auteurs comme Ernest Hemingway, Jorge Luis Borges, Margaret Atwood, Lydia Davis, Raymond Carver ou Mark Twain sont de grandes figures de la micro nouvelle. Micronouvelle, par Ernest Hemingway : « For Sale, Baby Shoes, Never Worn »/ “A Vendre, Chaussure Bébé, Jamais Portées” RESOURCES : Concours Radio France de la micronouvelle. Dossier Flash Fiction Espaces Comprises. FlashFiction Festivaln, 50 micronouvelles, regroupées par Thierry Crouzet [/message_box] [/column] Au cours de cette année de résidence, Tania est contactée par BBC Radio 4 qui lui propose d’écrire un texte pour son programme littéraire régulier, Off the Page. La radio publique est un acteur majeur de la création littéraire en Grande Bretagne : elle diffuse des fictions quotidiennes et ses programmateurs n’hésitent pas à mettre en avant des auteurs peu connus ou hors système. Tania se met au travail et soumet sa nouvelle Experimentation, mettant en scène un biologiste qui tient un compte rendu froid et scientifique de l’évolution de sa relation naissante avec une collègue de laboratoire…inspirée de son séjour à l’Université de Bristol. Ce sera pourtant la seule histoire qu’elle soumettra pendant tout le temps de sa résidence. Le passage du temps est nécessaire pour modeler des histoires et Tania avoue sans problème avoir laissé passer six ans avant même d’envisager la conception d’un recueil. Pendant ce temps, bien sûr, elle ne cesse d’écrire et de publier ses textes dans des revues. La majorité des histoires de Some Of Us Glow More Than Others, publié en 2017 (neuf ans après sa résidence), lui sont venues après une longue période d’incubation. Elle utilise alors une technique très intéressante pour mettre de la distance avec les faits réels: “ Je prends deux évènements, deux souvenirs de cette période, qui ont a priori rien à voir l’un avec l’autre et je les rapproche pour voir ce qui se passe quand on les combine…c’est le seul moyen de pouvoir m’extraire de la réalité et rejoindre la fiction.” Son ambition n’est, en effet, ni d’écrire un journal intime ni de réaliser un reportage. Beaucoup plus que comme un décor, elle utilise ses souvenirs comme un tremplin pour son imagination. Elle considère d’ailleurs que son passage au laboratoire lui a permis de dégager non pas les histoires mais les grands thèmes de son ouvrage : la question de l’incertitude, celle de l’échec…   [quote align="center" color="#999999"]C’est le seul moyen de pouvoir m’extraire de la réalité et rejoindre la fiction.[/quote] L’éventualité d’une publication sous forme de recueil n’apparait pas avant mai 2015. Elle rencontre alors celle qui deviendra son agent littéraire - une profession plus répandue en Grande Bretagne qu’en France - Kate Johnson. Entre temps, Tania a bien publié un recueil de fiction en 2012 (My Mother Was An Upright Piano), mais c’est Kate qui l’encourage à rassembler ses nouvelles et micronouvelles scientifiques en un seul ouvrage. Tania plonge dans ses archives, ses notes et ses anciennes publications dans des revues et parvient à regrouper plus d’une quarantaine d’histoires qui formeront le corps de Some Of Us Glow More Than Others. Avec l’aide de Kate et de ses éditeurs chez Unthank Books, Tania procède à un fastidieux travail de classement et de sélection. A l’ouverture du recueil, ce qui marque tout de suite le lecteur c’est cet arrangement ordonné en sections solides, en opposition avec la poésie mouvante qui fait pourtant le style des histoires de Tania Hershman. Il est important pour elle, non pas de diriger le lecteur, mais de l’orienter au sein de son monde surréaliste, où une bonne soeur nostalgique de ses cours de chimie peut côtoyer un préparateur hospitalier fasciné par sa collègue statisticienne. Cependant, le plan ne suit pas des thèmes mais plutôt des mots clés - et malgré la rectitude de ce classement, elle affirme avoir travaillé par instinct davantage que par raisonnement. Il y a probablement autant d’expériences des résidences d’écriture qu’il existe de résidences elles mêmes, et le cas Tania Hershman est particulier sous bien des aspects. L’absence d’échange économique (elle n’a pas été payée, ni n’a payé pour observer son objet d’étude) , le temps 1 conséquent entre la résidence et un “résultat éditorial” (neuf ans), mais aussi la qualité exceptionnel des textes qui y figurent, donnent matière à réflexion. [quote align="right" color="#999999"]Le pire qui puisse vous arriver est de vous entendre dire non, ce qui est tout à fait inoffensif[/quote]Oui, il est primordial de laisser la possibilité aux écrivains de chercher et expérimenter sans attendre d’eux un résultat imminent ou quantifiable. Oui, le temps et l’incertitude sont des constantes frustrantes mais nécessaires à la qualité du travail, quel qu’il soit… une chose que les auteurs, eux mêmes, semblent parfois oublier. Tania garde un excellent souvenir de son année d’écrivain en résidence et les histoires qui en sont nées ont beaucoup contribué à sa reconnaissance dans le monde littéraire britannique. De son point de vue, une résidence d’écriture donne à un auteur tout ce dont il a besoin pour écrire : un rythme régulier, un sujet d’investigation et des interlocuteurs enthousiastes. Elle est d’ailleurs à la recherche d’une nouvelle résidence dans le nord de l’Angleterre où elle réside dorénavant. Elle conseille tout auteur ou artiste de tenter cette expérience, sans attendre qu’une position “officielle” se présente : “Allez démarcher des institutions qui vous intéressent, parlez de votre projet et montrez ce que vous savez faire. Le pire qui puisse vous arriver est de vous entendre dire non, ce qui est tout à fait inoffensif”.   [message_box title="REVIEW : Writing Short Stories: A Writers' and Artists' Companion" color="blue"] Tania Hershman et Courttia Newland sont deux grandes figures de la nouvelle et de la microfiction dans le paysage britannique actuel. Auteurs de nombreux recueils, de récits diffusés sur les radios nationales ou dans les plus grands magazines, ils dévoilent leurs conseils méthodologiques pour l’écriture des formats courts dans le formidable manuel Writing Short Stories: A Writers' and Artists' Companion publié en 2014 chez Bloomsbury, maison d’édition à l’origine de nombreux ouvrages de technique littéraire de qualité. L’ouvrage, en anglais uniquement, se divise en trois parties : définition, histoire et évolution de la nouvelle(1), un recueil de nouvelles contemporaines réussies (2), conseils techniques (3). L’intérêt et l’originalité du manuel se trouvent dans la troisième partie, où les deux auteurs reprennent chacun à leur tour les différents aspects techniques de l’écriture de la nouvelle et la façon dont ils les abordent personnellement à travers de nombreux exemples… quitte à se contredire parfois ! C’est d’ailleurs un rappel récurent tout au long du livre: ce qui marche pour un auteur ne fonctionne pas nécessairement pour un autre… d’où la nécessité de multiplier les conseils et les références. Les chapitres sont courts et abordent les aspects les plus techniques (comment écrire la première phrase d’une nouvelle, comment choisir un point de vue pertinent…) comme les plus pratiques (doit on nécessairement écrire seul et en silence, comment savoir mon sujet fera une bonne histoire…). Tania et Courttia ont pris le parti d’être directs (“Peut être que vous n’êtes pas fait pour être un écrivain” suggère Courttia page 130) mais également sincères et transparents sur leur propre pratique : on retiendra le chapitre intitulé Compétition de nouvelles - Comment faire ressortir votre histoire dans lequel Tania, jury de concours, lit “en direct” les nouvelles qui lui ont été soumises et expliquent pourquoi elle sélectionne l’une plutôt qu’une autre. Le ton est toujours encourageant, clair et jamais définitif. Extrêmement éclairant. Writing Short Stories: A Writers' and Artists' Companion, par Courttia Newland et Tania Hershman, 304 pages, publié chez Bloomsbury, 2014, £14.99 [/message_box] Pour plus d’informations sur le travail de Tania Hershman : Le site de Tania Hershman Bibliographie : Nouvelles et flash fiction : Some Of Us Glow More Than Others, Unthank Book Writing Short Stories : A Writers' and Artists' Companion, 2017 My Mother Was An Upright Piano, Tangent Books, 2012 The White Road, Salt Publishing, 2008 (recommandé par le Orange Award for New Writers) Poésie  : Terms & Conditions, Nine Arches Press, 2017, Nothing Here Is Wild, Everything Is Open, Southword Editions, 2016 (2nd prize winner, Fool For Poetry Chapbook Contest) Manuel technique : A Writers & Artists Companion: Writing Short Stories, co-écrit avec Courttia Newland, Bloomsbury, 2014 Anthologie I am because you are, co-édité avec Pippa Goldschmidt, Freight Books, 2015 Seule l’édition du recueil Some of us glow more than others a été soutenue par une bourse délivrée par Art Council England]]> 4639 0 0 0 ]]> ]]> Editer des histoires #1 : Les éditions Alire (Québec) http://www.artisansdelafiction.com/blog/editions-alire-quebec/ Sat, 06 Jan 2018 16:24:13 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4665 "Sans bonnes histoires, il n’y a rien." Louise Alain, les éditions Alire

  Louise Alain,co-fondatrice des éditions Alire

Est-il possible d'éditer des romans de genre en langue française et de trouver un public ? C'est l'aventure dans laquelle se sont lancées au Québec les éditions Alire, depuis 1996. Luttant pour exister à leurs débuts, les éditions Alire se sont depuis imposées dans le paysage éditorial québécquois. Rencontre à bâtons rompus avec la vigoureuse Louise Alain, co-fondatrice des éditions Alire, qui était présente en France à l'occasion du Festival Quai du Polar 2017.

Interview de Louise Alain, co-fondatrice des éditions Alire

Les Artisans de la Fiction : Depuis les années 1970 en France, il existe ce qu’on appelle les ateliers d’écriture. Ils représentent l’approche littéraire française. On y travaille le style, le réel… Mais il n’y a pas de formations techniques à la narration. Ici on n’apprends pas les règles, on ne dissèque plus les classiques… Donc aux Artisans de la Fiction, nous allons un peu à contre-courant. Nous allons voir comment font les voisins anglo-saxons, pas pour faire « à l’américaine » mais pour raviver la fiction.

Louise Alain : Connaissez-vous l’ouvrage d’Elisabeth Vonarburg sur comment écrire des histoires ?

[caption id="attachment_4676" align="alignright" width="360"] Elisabeth Vonarburg, auteur de "Comment écrire des histoires" (réédité par les éditions Alire)[/caption]

Non. C’est un des ouvrages les plus utilisés au Québec dans les cours d’écriture et de création littéraire. C’est un guide pour apprendre à écrire. Elisabeth Vonarburg est elle-même une grande écrivaine de science-fiction. Elle a longtemps donné des cours de création littéraire Elle a voulu écrire un livre très ludique. Ce livre est connu en France : à chaque fois que nous allons dans des salons des gens nous le demandent…

Je dis « nous » parce que, même si ce n’est pas nous qui l’avons publiés chez Alire, l’éditeur qui l’a publié il y a quelques années a fermé, et Elisabeth a récupéré ses droits d’auteur. Donc nous l’avons réédité parce que, même si ce n’est pas le genre de choses que nous publions habituellement, c’est un livre qui se vends bien, régulièrement, tous les ans… Il y a toujours une curiosité chez les gens, un désir d’apprendre à écrire. Ça a toujours été le cas.

Raconter des histoires est un métier.

Oui, ça s’apprends.

Dans notre petite école on le voit, cet énorme appétit d’apprendre. Les gens écrivent beaucoup, publient beaucoup, mais j’imagine que l’écart entre tout ce qui s’écrit et tout ce qui est publié est très grand. Tout le monde n’écrit pas forcément pour publier.

Mais quand les gens découvrent les ficelles du métier, ils ne lisent plus de la même façon. Ça change pas mal de choses. C’est moins de la consommation. C’est vrai.

[caption id="attachment_4677" align="aligncenter" width="640"] catalogue des éditions Alire Polars, romans d'horreur et essai au catalogue des éditions Alire[/caption]

Vous disiez que vous aviez commencé par vous occuper de la communication d’auteurs québécois non publiés au Québec.

Des auteurs comme Elisabeth Vonarburg, Jean-Jacques Pelletier ou Esther Rochon, pour n’en citer que quelques-uns, en fait ils publiaient au Québec de longue date, mais… Le problème, c’est que les québécois ne les lisaient pas. Ils ne savaient même pas qu’ils existaient, et ce pour une raison commerciale : les éditeurs locaux qui les publiaient essayaient de les vendre comme des « auteurs québécois ». Donc c’était de la science-fiction, mais en librairie c’était classé dans le rayon « littérature québécoise ». [quote align="right" color="#999999"]À cette époque il n’y avait pas cette conscience dans l’édition, dans l’industrie, que les auteurs qui faisaient du genre devaient être travaillés différemment.[/quote]

Or quand l’amateur de science-fiction se rends en librairie, il ne vas pas dans le rayon « littérature québécoise » ; il va dans le rayon « science-fiction ». Idem pour l’amateur de romans policiers, ou fantastiques. À cette époque il n’y avait pas cette conscience dans l’édition, dans l’industrie, que les auteurs qui faisaient du genre devaient être travaillés différemment de ceux qui font de la littérature « blanche » ou « générale ». Alors voilà… En 1993 j’ai commencé à travailler dans une grosse boîte, Québec Amérique, où Jean Pettigrew a démarré pour la première fois au Québec une collection spécialisée dans les genres, où nous publiions des inédits au format poche, à petits prix donc, pour former le lectorat et lui permettre d’essayer nos auteurs.

En quoi consistait votre travail là-bas ?

Le plus gros travail que j’ai fait sur cette collection chez Québec Amérique, c’était de me rendre chez les libraires et de leur dire « Ok, vous avez reçu trois exemplaires de tel titre, quatre exemplaires de tel autre ; vous laissez un exemplaire au rayon québécois, et vous mettez tous les autres aux rayons polar, fantastique ou science-fiction. Je viens vous revoir dans un mois ou deux, et on fait le bilan. » Et ça a été pareil dans toutes les librairies : les livres classés par genre s’étaient vendus, les autres non. Alors voilà, nous avions fait la démonstration par A+B, et une fois que nous avons gagné cette bataille-là, deux ou trois ans plus tard nous avons monté Alire avec Jean Pettigrew. Et nous avons continué sur cette lignée : une maison d’édition spécialisée, qui publiait d’abord en format poche, et où les genres étaient bien identifiés.

Et c’est comme ça que nous nous sommes fait notre place au Québec.

[quote align="right" color="#999999"]nous sommes très américains dans notre storytelling, mais nous sommes aussi de tradition française, alors nous nous distinguons.[/quote]

C’est comme ça que nous avons pu vendre nos livres, en les mettant à 7 ou 8 euros, et c’est comme ça que la maison d’édition s’est installée… Puis avec le temps nous sommes aussi devenu une maison d’édition plus traditionnelle, mais ça a mis longtemps… Nous avons commencé à refaire du grand format en 2009, donc 13 ans plus tard. Mais dès le début nous savions que le grand format aliénait une partie des lecteurs.

A-t-il été difficile de convaincre les lecteurs que des auteurs québécois pouvaient écrire aussi bien que des anglo-saxons ?

[caption id="attachment_4668" align="alignright" width="360"] Roman publié par les éditions Alire et son adapation cinéma.[/caption]

Oh, oui. Moi qui fait souvent les salons du livre, j’ai souvent entendu des gens dire « C’est québécois ? Ça doit pas être terrible ! » Alors le doute était là. Mais nous disions aux gens d’essayer. J’ai même dit à des gens « Si vous n’aimez pas ce livre, revenez l’année prochaine et je vous le rembourse. » Mais personne n’est jamais venu se faire rembourser. Nous avons de bons auteurs, nous n’avons pas à pâlir devant les anglo-saxons. D’accord nous sommes très américains dans notre storytelling, mais nous sommes aussi de tradition française, alors nous nous distinguons. La littérature de genre au Québec possède sa propre couleur, sa propre Histoire ; nous avons nos territoires, une vision qui nous est propre, celle des francophones d’Amérique, qui se sont épanouis loin de la mère-patrie. Cette distance et cette originalité, je les revendique.

[quote align="center" color="#999999"]La littérature de genre au Québec possède sa propre couleur, sa propre Histoire. ; nous avons nos territoires, une vision qui nous est propre, celle des francophones d’Amérique, qui se sont épanouis loin de la mère-patrie[/quote]

Aujourd’hui, c’est différent ?

C’est beaucoup plus facile. Maintenant il y a des éditeurs qui font de la littérature de genre. Des collections « Polar », nous en avons vu émerger au Québec depuis le début des années 2000, parce qu’à un moment les éditeurs ont senti qu’ils loupaient quelque chose.

[caption id="attachment_4675" align="aligncenter" width="450"]Stand des éditions Alire au Salon du Livre de Montréal 2017 Stand des éditions Alire au Salon du Livre de Montréal 2017 (©photo : Nicolas Gary)[/caption]

Il y a eu une explosion, une effervescence, une multiplication des éditeurs. Ce qui est une excellente nouvelle, parce qu’avant quand on disait « non » à un auteur, c’était comme si on signait l’arrêt de mort de son texte. Il n’y avait pas d’autres éditeurs avec une volonté de travailler les genres. Maintenant c’est beaucoup plus sain. Parce qu’il y a des livres que nous ne publions pas chez Alire, non parce qu’ils sont mauvais, mais parce qu’ils ne correspondent pas à notre ligne éditoriale.

Quelles sont vos exigences pour accepter un manuscrit ?

Il faut que ça marche. Que l’histoire fonctionne, qu’elle soit bien construite. Il faut que ce soit cohérent, qu’on y croit. La science-fiction, ce n’est pas tout et n’importe quoi : il y a des codes. Bien sûr on peut défaire les codes, mais pour ça il faut les connaître. Une fois qu’on connaît ces codes on peut jouer avec, les réinventer, faire bouger les choses.

Chez Alire nous avons la chance d’avoir quelqu’un qui connaît les genres. Jean Pettigrew est un collectionneur depuis sa plus tendre enfance, un boulimique de science-fiction, qui a aussi beaucoup travaillé ici en France. Il connaît tout le monde dans le milieu de la science-fiction depuis 40 ans, et il a toujours eu conscience qu’on pouvait faire quelque chose au Québec.

[caption id="attachment_4667" align="aligncenter" width="640"]Romans de genre québécquois publiés par les éditions Alire Romans de genre québécquois publiés par les éditions Alire.[/caption]

Un passionné, donc.

Oui, c’est la seule personne qui pouvait monter une maison d’édition comme la nôtre. Mais il ne pouvait pas le faire seul. Quand on est parti ensemble de notre maison d’édition précédente, c’était un peu hasardeux parce qu’on mettait tous nos oeufs dans le même panier : si on se plantait, on était tous les deux sur la paille. Alors j’ai dit à Jean, « Ok, je peux te suivre sur ce projet, mais il faut que tu engages quelqu’un pour s’occuper de l’aspect commercial, des relations avec la presse, etc. Parce que si tu fais des livres et qu’ils dorment dans des boîtes, moi je ne miserai pas un sous sur ta compagnie. » Publier de bons livres, c’est une chose ; les faire vivre sur le marché, c’en est une autre. Alors voilà, je lui ai dit ça et ça l’a convaincu. On est un beau couple en affaires.

Pour finir, comment s’appelle le livre d’Elisabeth Vonarburg dont vous parliez au début ?

[quote align="right" color="#999999"]Une belle écriture, c’est bien, mais personnellement ça ne me suffit pas.[/quote] Il s’appelle Comment écrire des histoires – guide de l’explorateur.  Ça ressemble à une BD, c’est un livre très amusant. Il y a beaucoup de dessins, de schémas et de jeux. C’est un livre très ludique. Il permet d’apprendre à écrire via des exercices, en mettant en situation, en proposant différentes alternatives pour faire comprendre ce qu’est la mécanique de l’écriture. Parce que oui, c’est une mécanique

 Louise Alain,co-fondatrice des éditions AlireC’est ce que nous défendons aussi. Ce qu’on peux apprendre à des gens qui veulent écrire, ce n’est pas l’expression personnelle ; ce sont les règles, les principes de composition. C’est particulièrement nécessaire dans le genre, mais aussi dans la littérature générale. Sans bonnes histoires, il n’y a rien. Une belle écriture, c’est bien, mais personnellement ça ne me suffit pas.

[message_box title="PETITE HISTOIRE DES EDITIONS ALIRE" color="red"]

Les Editions Alire

Le 17 mai 1996, les éditions Alire voyaient officiellement le jour. C'était un vendredi, le printemps verdissait la grande région de Québec et pour Louise Alain, directrice marketing, Lorraine Bourassa, directrice administrative, et Jean Pettigrew, directeur éditorial, il s'agissait de l'aboutissement de six mois d'efforts... et du début d'une formidable aventure qui, aujourd'hui, fête sa première décennie.

Nous avions alors un objectif bien précis : développer, publier et publiciser les genres littéraires écrits par les auteurs francophones du Québec et du Canada. Ce qui, en 1996, relevait quelque peu de l'utopie, selon certains. De fait, les premières années ont été difficiles et il a fallu présenter, expliquer, comparer, démontrer... Tout comme pour le cinéma des années 90, accoler l'adjectif « québécois » aux « genres littéraires », eux aussi considérés comme l'apanage des seuls Anglo-Saxons, n'allait pas de soi, peu s'en faut ! Mais nous avions des arguments de taille qui avaient nom Jean-Jacques Pelletier, Élisabeth Vonarburg, Esther Rochon, Joël Champetier, Francine Pelletier, Patrick Senécal, Natasha Beaulieu, Jacques Côté, etc.

Les premiers succès

[caption id="attachment_4671" align="alignleft" width="300"]Louise Alain et Jean Pettigrew, fondateurs des éditions Alire Louise Alain et Jean Pettigrew, fondateurs des éditions Alire, salon du livre de Montréal 2017 (© photo: Nicolas Gary)[/caption]

Il y a eu les premiers lecteurs enthousiastes (à l'origine du bouche à oreille qui a alerté un public plus vaste), les premiers succès d'estime (Blunt, de Pelletier, mais aussi la série « Tyranaël », de Vonarburg), puis les premières véritables percées : La Chair disparue, de Pelletier, et la suite des « Gestionnaires de l'apocalypse », Sur le seuil, de Senécal, et tous ses titres subséquents, quelques romans ont été portés au grand écran (Sur le seuilLa Peau blanche), d'autres adaptations sont en cours de production, tout comme un projet de télésérie, et un remake états-unien est dans l'air...

Lentement mais sûrement, au cours de cette décennie, un nouveau paradigme a pris place au Québec, qui associe dorénavant l'expression « genres littéraires québécois » à originalité, qualité, plaisir de lire, mais aussi fiabilité et professionnalisme. En 2006, nous pouvions donc affirmer que notre objectif premier était atteint : « l'autre » littérature québécoise avait (et a toujours !) sa place au soleil. Mais qu'on ne s'y trompe pas : tout n'est pas rose et il reste beaucoup à accomplir.

Louise Alain - Le site des éditions Alire - La Page Facebook des éditions Alire (très riche et fournie sur l'actualité des éditions Alire)

[/message_box]

Interview : Lionel Tran. Transcription : Pierre Larsen. Remerciements à Gabriel de la Librairie Vivement Dimanche - A la Librairie du Tramway.

]]>
4665 0 0 0 ]]> ]]>
Éditer des histoires #2: Les moutons électriques http://www.artisansdelafiction.com/blog/editer-histoires-2-moutons-electriques/ Mon, 12 Mar 2018 13:49:57 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4793 "Ce qu’il faudrait, c’est que trop de monde veuille lire"

Comment travaillent les éditeurs ? Que publient-ils ? Sur quels critères sélectionnent-ils les manuscrits ? Cherchent-ils de nouveaux auteurs ? André François Ruaud, fondateur de la maison d'édition "Les moutons électriques" répond à ces questions, et défriche l'horizon : alors que la fiction vit un nouvel âge d'or avec les séries télé, quel avenir pour la fiction littéraire de genre ? [caption id="attachment_4804" align="alignleft" width="183"] André François Ruaud[/caption] Les Artisans de la Fiction : Combien de manuscrits d’aspirants auteurs ou d’auteurs inconnus recevez-vous quotidiennement, annuellement ? Combien en retenez-vous ? André François Ruaud : En fait nous avons récemment décidé de ne plus accepter de recevoir les manuscrits, parce que notre programme est bien plein pour les deux ou trois prochaines années. Nous en recevions quelque chose comme un par jour. Et en 13 ans d’existence, nous n’en avons malheureusement retenu que 6. Pour vous, quelle charge de travail représente le « tri » de ces manuscrits ? Ce tri est en général très rapide à faire : il suffit de lire les premières pages pour se rendre compte si l’écriture semble correcte. Souvent même, la lettre de présentation et/ou le pitch du roman suffisent à les trier. [quote align="right" color="#999999"]Les manuscrits que nous avons acceptés, ce furent à chaque fois des coups de cœur immédiat. [/quote] Nous avons parfois hésité en revanche sur quelques manuscrits, et là ça prend bien sûr du temps : lectures en interne, consultation d’un ou d’une lectrice de notre équipe… Mais en fait, nous avons réalisé qu’à chaque fois que nous avions un tant soit peu hésité sur un manuscrit, nous l’avons finalement refusé. Les manuscrits que nous avons acceptés, ce furent à chaque fois des coups de cœur immédiat : la certitude dès en feuilletant le projet et le texte que « oh, ça c’est pour nous ». C’est hélas rare. [caption id="attachment_4799" align="aligncenter" width="580"] Trois titres de la collection "Bibliothèque rouge", qui propose une "biographie" de protagonistes fétiches de la littérature de genre.[/caption]
Nous recherchons des textes écrits dans une langue soutenue, avec une vraie exigence de style.
Quels sont les plus gros problèmes de ces manuscrits ? L’absence de connaissance de notre domaine, à savoir les littératures de l’imaginaire. Nous recherchons des romans qui s’inscrivent pleinement dans les courants les plus actuels de nos littératures, et ce sont des genres qui évoluent très vite, au lieu de quoi on nous propose trop souvent des univers déjà vus au style hésitant, immature. De plus, nous recherchons des textes écrits dans une langue soutenue, avec une vraie exigence de style. [caption id="attachment_4797" align="aligncenter" width="580"] Eu menu des Moutons Électriques : hommages au patrimoine des littérature de genre, publication de romans impressionnants d'auteurs de genre français contemporains et anthologies thématiques.[/caption] Quels problèmes d’écriture présentent-ils ? Style trop faible, psychologie superficielle, ignorance des règles narratives contemporaines ainsi que des thématiques porteuses et pertinentes en littératures de genre : disons-le, il faut lire pour les connaître. Une présentation professionnelle du manuscrit est également nécessaire : il faut envisager cette démarche comme une recherche d’emploi, avec la même rigueur, la même politesse.
Disons-le : il faut lire pour connaître.des thématiques porteuses et pertinentes en littératures de genre.
Préfériez-vous ne plus recevoir de manuscrit du tout, mais par exemple, solliciter des projets auprès de certains auteurs que vous connaissez déjà, voire passer commande à certains auteurs débutants ayant fait leurs preuves via des nouvelles publiées ? [quote align="right" color="#999999"]Nous n’avons retenu que 6 manuscrits en 13 ans. [/quote] Absolument : c’est ce que nous faisons. En ce domaine comme dans toutes les professions, le réseau est primordial. Nous n’avons retenu que 6 manuscrits en 13 ans, tout le reste de nos publications provient par conséquent de commandes et de relations, y compris des suggestions effectuées par nous auprès d’auteurs n’ayant fait que des nouvelles (un excellent nouvelliste belge est en train de nous faire un roman, à notre demande) ou publié uniquement en micro-édition (nous avons ainsi « recruté » une bonne partie des auteurs passés par le label Le Carnoplaste, par exemple, y compris l’éditeur lui-même). [caption id="attachment_4798" align="aligncenter" width="580"] Trois titres de la foisonnante collection "Bibliothèque rouge" publiée par les Moutons Électriques.[/caption]
Nous ne faisons quasiment pas de traduction.
Parlons de votre ligne éditoriale : à l’origine Les Moutons électriques publiaient essentiellement des auteurs français, quelle est aujourd’hui la part de traductions (et surtout de livres anglo saxons) par rapport aux livres français ? Les traductions se vendent-elles mieux ? Si oui, à quoi cela tient-il ? Nous ne faisons quasiment pas de traductions et n’en avons jamais tellement fait, notre spécialité c’est et cela reste la création francophone. [quote align="right" color="#999999"] Il nous semble plus intéressant de collaborer avec des auteurs de langue française, de faire naître avec eux des œuvres, de réaliser un travail éditorial riche et enthousiasmant. [/quote]En effet, il nous semble plus intéressant de collaborer avec des auteurs de langue française, de faire naître avec eux des œuvres, de réaliser un travail éditorial riche et enthousiasmant. Globalement, les traductions se vendent-elles toujours mieux ? Oui, certainement —  la force du gros argent et de l’inertie acquise, forcément. Quelles sont pour vous les forces des auteurs de genre français par rapport aux auteurs anglais ou américains ? Et inversement ? Les auteurs français de genre n’ont tout simplement plus rien à envier, littérairement, à leurs collègues anglos. Je pense même que le niveau est peut-être légèrement meilleur du côté francophone, désormais, en tout cas la créativité et l’inventivité se trouvent bien du côté francophone. Leur force étant leur culture, leur volonté de travailler avec un directeur littéraire qui les accompagne réellement, et leur présence : un auteur francophone est derrière son livre, il le signe en librairie et en salons, il discute sur les réseaux sociaux… [caption id="attachment_4800" align="aligncenter" width="580"] Trois livres de la passionnante collection "Bibliothèque des Miroirs" publiés par Les Moutons Électriques[/caption]
La créativité et l’inventivité se trouvent bien du côté francophone.
Qu’est ce qui fait un bon livre pour vous, un livre que vous avez envie de dévorer en tant que lecteur/lectrice et de publier en tant qu’éditeur/éditrice ? [quote align="right" color="#999999"]Je ne publie en tant qu’éditeur que ce que j’aime lire en tant que lecteur.[/quote] Je suis gourmand des tendances les plus actuelles des littératures de l’imaginaire : le retour du surnaturel, l’influence « pulp » et « comics », l’explosion hors des cadres des genres bien établis comme la fantasy ou le space opera pour mélanger, ouvrir, créer en ce moment finalement une nouvelle littérature de genre bien plus vaste et moins cloisonnée… Et je ne publie en tant qu’éditeur que ce que j’aime lire en tant que lecteur. Quelles seraient les qualités d’écriture que vous rêveriez de trouver dans un manuscrit d’auteur inconnu parvenant dans la boite aux lettres de votre maison d’édition ? Une belle plume ample et charnue, une gourmandise du vocabulaire, une malice dans la narration… exactement ce qui nous a fait « craquer » récemment sur le manuscrit de Nicolas Texier, « Opération Sabines » (manuscrit nous étant arrivé par réseau, ceci dit). Avez-vous senti une évolution dans les manuscrits que vous recevez depuis votre lancement ? Pas réellement. Quelques bonnes surprises, beaucoup de manuscrits peu commerciaux ou manquant d’originalité, du petit truc qui donne envie d’en lire plus. [caption id="attachment_4801" align="aligncenter" width="580"] Trois romans publiés par Les Moutons Électriques dans la collection "La bibliothèque Voltaïque".[/caption] Quelle est la part de « 1er romans » français de votre offre éditoriale annuelle ? Pourquoi ? Plusieurs ! Pourquoi, eh bien parce que la création francophone c’est notre cheval de bataille. Au point qu’avec nos collègues ActuSF et Mnémos nous avons créé une opération, les « Pépites de l’imaginaire », chaque mois de février, pour mettre en avant nos plus belles découvertes.
Nous travaillons maintenant avec des auteurs francophones qui sont de plus en plus forts narrativement.
Les auteurs anglo-saxons sont formés à la narration littéraire, à l’art de raconter des histoires, et ce dès l’école primaire. Est-ce que pour vous, cela produit un formatage dans les livres écrits dans la sphère anglo-américaine ? Ou de meilleurs narrateurs ? Certainement les deux : trop de formatage mais aussi un niveau qui, jusqu’à tout récemment encore, était plus « pro ». Mais ça change, nous travaillons maintenant avec des auteurs francophones qui sont de plus en plus forts narrativement, tout en n’étant pas formatés. Que penseriez-vous de l’idée de proposer en France des formations à la narration littéraire équivalentes à celles dispensées aux étudiants anglo-saxons ? Quid du marché ? Je ne suis pas persuadé que le marché, maintenant au bord de l’effondrement, puisse absorber un surplus d’auteurs supplémentaires, même formés.
Le livre se trouve indiscutablement à un nouveau tournant de sa (longue) existence.
Pour vous, le succès d’autres formes narratives (les séries télé, les jeux vidéos,… ) fait il perdre des lecteurs ? Ou, au contraire amènent-elles des lecteurs vers des romans ou genres littéraires dont elle sont souvent inspirées ? Oui et non. Ces nouvelles formes narratives prennent du temps à la lecture pour un plaisir différent (j’oserai plus instantanée). Or, tout le monde a les mêmes 24 heures, et un temps limité pour lire, jouer, visionner. Il me semble nécessaire que nous autres, acteurs du livre, éditeurs, auteurs, libraires, nous nous adaptions à ce nouveau public issu de la « culture geek », que nous arrivions à trouver le point de jonction. On y réfléchit. Croyez-moi, on y réfléchit. C’est d’ailleurs un peu l’idée derrière une collection que nous coéditons : «  Les Saisons de l’étrange », une sorte de Netflix littéraire, des livres qui fonctionnent en saison, très « fun ». La narration littéraire a-t-elle des cartes à jouer face à ces nouvelles formes de distractions, pour vous ? Lesquelles ? [caption id="attachment_4809" align="alignright" width="327"] Deux titres incontournalbles du patrimoine de la littérature de genre réédités par Les Moutons Électriques.[/caption] Je ne le sais pas. Les possibilités sont énormes, le livre se trouve indiscutablement à un nouveau tournant de sa (longue) existence. Une certitude, il doit s’adapter à cette nouvelle forme de culture, que ce soit directement (un roman des Moutons est devenu un jeu de rôle par exemple, Wastburg de Cédric Ferrant) ou indirectement, en s’inspirant des moyens de « consommation » du monde geek, comme les « Saisons de l’étrange ». [quote align="right" color="#999999"]En France, le cinéma et la littérature de l’imaginaire ne se sont que trop peu mêlés.[/quote] Et puis en France, le cinéma et la littérature de l’imaginaire ne se sont que trop peu mêlés. C’est un tort qui pourrait être réparé et aider grandement des auteurs très talentueux (qui le mériteraient amplement, et puis quoi, une adaptation grand écran de « Gagner la guerre », ça ne vous fait pas rêver?) Pensez-vous, qu’aujourd’hui, le problème n’est pas de former plus d’écrivains, mais de former des lecteurs, car il y en a de moins en moins ? Oh que oui : trop de monde veut écrire, alors qu’en fait, ce qu’il faudrait, c’est que trop de monde veuille lire. Remerciements à André François Ruauld - Nargès Temimi - Auvergne Rhône Alpes Livre et Lecture. Le site des Moutons électriques]]>
4793 0 0 0 ]]> ]]>
Techniques d’écriture de la Science Fiction #4 : Paul J. McAuley http://www.artisansdelafiction.com/blog/techniques-decriture-de-science-fiction-4-paul-j-mcauley/ Wed, 21 Mar 2018 09:50:26 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4839 Paul J. McAuley, né en 1955, est un auteur de science-fiction britannique, biologiste de formation, lauréat de plusieurs prix littéraires anglo-saxons. Les thèmes de ses romans et nouvelles varient entre biotechnologies, uchronies, univers parallèles, space opera ou voyages dans l’espace. En France la traduction de son œuvre inclut le cycle en trois épisodes « Quatre cents milliards d’étoiles » (J’ai lu, 1998-2000), ainsi que plusieurs romans indépendants parus chez Flammarion, Denoël ou Robert Laffont. Les Artisans de la Fiction l’ont interrogé à propos de ses techniques et de son apprentissage d’écrivain, dans le cadre du festival les Intergalactiques.  Les Artisans de la Fiction : Paul J. McAuley, comment avez-vous appris à écrire des histoires ? Comme tout écrivain j’ai commencé par lire. À l’enfance je dévorais les romans. J’ai appris comme ça, sans suivre de formation. Mais je dirais que pour devenir écrivain, une étape vitale est de trouver ce qui fonctionne et ne fonctionne pas pour vous. Et la seule façon de le trouver, c’est d’essayer. Encore et encore, jusqu’à la fin d’une histoire. Puis étudier le résultat de façon critique. Il faut apprendre à relire son propre travail objectivement ; c’est la meilleure façon de comprendre ce qui marche ou pas. L’autre façon, c’est de voir si vous pouvez atteindre la fin de l’histoire. Très souvent on commence à écrire et on en arrive à un point où on ne peut plus continuer. Ça m’est souvent arrivé quand j’étais débutant. Apprendre à dépasser ce point de non-retour est crucial et demande beaucoup de pratique.
« Il faut apprendre à relire son propre travail objectivement. »
Par quoi commencez-vous pour attaquer une nouvelle histoire ? Souvent par une scène, c’est à dire un personnage dans une situation donnée. J’explore cette situation pour voir où elle entraîne le personnage. Comment réagit-il, que fait-il ? Une autre technique, particulièrement adaptée à la science-fiction ou à la fantasy, est de commencer par poser les caractéristiques d’un autre monde, d’un futur proche ou lointain. On peut aussi penser à une histoire qui explore ou démontre une idée – c’est une troisième méthode. Mais pour les romans, je commence souvent par la combinaison personnage + situation. D’ailleurs il m’est arrivé plusieurs fois de travailler une nouvelle, qui devient un roman en cours de route. J’explore de petites parties d’un monde, et soudain je me rends compte que celui-ci pose des questions plus complexes que prévu. Et que répondre à ces questions nécessite une histoire longue. Préparer votre univers narratif vous prends-t-il beaucoup de temps ? Un peu, mais moins qu’à d’autres. J’aime découvrir les choses au fil de l’écriture. Donc à mesure que je rédige le premier jet, je réalise que je manque de connaissances dans tel ou tel domaine. Alors avant d’attaquer la réécriture j’effectue des recherches. Certains écrivains font énormément de recherches et de travail préparatoire, mais pour moi trop de recherches risque de tuer l’histoire. Bien sûr j’aime que mes histoires aient l’air réalistes, mais davantage en ce qui concerne l’intrigue que l’univers narratif. La consistance de l’univers narratif est plus importante que sa plausibilité. Et pour atteindre cette consistance il faut jeter énormément de choses. Si vous faites beaucoup de recherches, sachez que certaines de vos trouvailles ne serviront pas dans l’histoire. Mais elles en nourriront le background. J’ai écris une série de romans qui se déroule autour des lunes de Saturne et Jupiter, et pour ça j’ai fait énormément de recherches sur ces territoires, leur composition, etc. Beaucoup de mes trouvailles n’apparaissent pas dans le roman. Mais elles m’ont servi, en alimentant mon imaginaire, et en me permettant de mieux connaître l’endroit où évoluaient mes personnages. Qu’avez-vous étudié avant de devenir écrivain ? [quote align="right" color="#999999"] Souvent on commence à écrire et on en arrive à un point où on ne peut plus continuer ; il est crucial d’apprendre à dépasser ce stade. [/quote] J’ai commencé à écrire très jeune. Gamin j’étais un lecteur vorace. À l’adolescence je lisais beaucoup de science-fiction. Enfant, quand on nous proposait de rédiger soit un essai, soit une histoire, je choisissais toujours l’histoire. Très jeune j’ai essayé d’écrire une paire de romans… Sauf qu’il faut beaucoup de concentration pour écrire un roman ; or quand on est jeune on est distrait, hyperactif, on est intéressé par trop de choses à la fois, donc terminer quoi que ce soit est quasi-impossible. Alors je n’ai fini aucun de ces romans. Mais des années plus tard, je m’y suis remis. Vers 25, 26 ans, quand je préparais mon doctorat en biologie… Quand mon premier roman a été publié, je faisais beaucoup de recherches en biologie. Ce doctorat en biologie vous a-t-il aidé dans l’écriture ? En ce qui concerne les recherches, oui. Quand on étudie les sciences on devient coutumier des méthodes de recherche. Quand je lis des articles scientifiques contemporains, je peux en tirer des idées d’histoires… Mais bon, certains auteurs n’ont pas ce bagage de biologiste et écrivent de l’excellente science-fiction. Donc ce n’est pas nécessaire. Peut-être cela accélère-t-il certaines choses. Mais si vous êtes ingénieur dans l’aviation et que vous écrivez un récit sur un vol Paris-Londres, vos connaissances ne vous seront pas forcément utiles. Cela risque même de rallonger le roman de façon considérable, si vous y expliquez tout du fonctionnement d’un avion ! (Rires.) Vous avez appris à raconter en autodidacte. Selon vous, suivre des cours de narration peut-il apporter quelque chose ? Quand on écrit on est forcément seul, donc il peut être utile d’avoir l’opinion d’autrui. Surtout au début. Comme je l’ai dit, l’écrivain débutant doit acquérir un regard critique sur son propre travail. C’est crucial. Travailler avec d’autres peut apporter cela. On rédige le premier jet, on obtient des retours critiques, puis on travaille sur le deuxième jet et ainsi de suite. Moi en général après le troisième jet mon éditeur prends le relai, mais avant ça je suis mon propre critique. Les questions que je me pose sont multiples. En quoi cette scène fonctionne-t-elle ? Que manque-t-il dans telle autre ? En quoi ma structure fonctionne-t-elle ou pas ? Que dois-je retirer ou ajouter ? La division de mes paragraphes convient-elle ? On peut apprendre ces choses en solo, mais au début cela peut faciliter la tâche de les apprendre en groupe. Pour s’assurer qu’on ne se trompe pas de direction. Quand j’avais 18, 19 ans, j’étais membre de la British Science Fiction Association, qui organisait des ateliers d’écriture par correspondance. Tous les membres s’envoyaient leurs travaux. C’était avant internet, donc on recevait les manuscrits par voie postale. On les lisait, on les critiquait, on les annotait, puis on les envoyait au participant suivant. J’ai fait ça pendant quelques temps. Au final on se retrouve toujours seul face à l’écriture, mais oui, un groupe de travail peut aider. Il est évident que certaines choses peuvent être enseignées, en terme de narration. Il y a des façons de raconter des histoires qui s’apprennent.
« Il faut comprendre comment fonctionnent les histoires ; pas juste la vôtre, mais toutes les histoires. »
Connaissez-vous de bons ouvrages pour apprendre la narration ? Si je devais recommander un seul guide de narration, ce serait certainement « Sur l’écriture » de Stephen King. Il contient des conseils très utiles concernant tous les aspects de l’écriture, et réponds à la question « Comment fonctionnent les histoires ? » Voilà d’ailleurs une chose importante à apprendre. Il faut comprendre comment fonctionnent les histoires, et pas juste la vôtre, mais toutes les histoires. Quelles sont les règles ? Comment lire avec un regard critique ? Voilà qui est aussi important que d’apprendre à raconter. Car un regard réellement critique vous permets de connaître les trucs, les astuces, les pièges à éviter. Pourquoi tel élément se situe-t-il ici et pas là ? Pourquoi les choses sont-elles racontées dans tel ordre ? Pourquoi telle histoire utilise-t-elle une structure linéaire, et pas telle autre ? Comment cela affecte-t-il la réception du lecteur ? En terme de personnages, quelles informations doit-on communiquer au lecteur, et lesquelles doit-on garder pour soi ? On peut comprendre tout cela en apprenant à lire de façon critique. Interview : Loïc Mauran – Lionel Tran Traduction : Alex Simon Merci aux Intergalactiques et à Audrey Burki de la Bibliothèque de la Part Dieu de nous avoir permis de réaliser cette interview. Pour en savoir plus :     Festival des Intergalactiques : http://www.intergalactiques.net      Paul J. McAuley :         Site officiel (en anglais) : http://www.unlikelyworlds.co.uk          Fiche Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_J._McAuley ]]>
4839 1648 0 0 ]]> ]]>
Conseils d'écrivains #1 : Joyce Carol Oates http://www.artisansdelafiction.com/blog/conseils-decrivains-1-joyce-carol-oates/ Fri, 22 Feb 2019 13:37:47 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4857 "Écrivez avec tout votre cœur" Joyce CaroOates est une romancière, nouvelliste, poétesse, dramaturge et essayiste américaine. Elle a publié plus de quarante romans et une infinité de nouvelles. Elle liste ici ses principaux conseils aux apprentis-écrivains. 1. Ecrivez avec tout votre cœur. 2. La première phrase ne peut être écrite qu’une fois que la dernière l’a été. LES PREMIERS JETS C’EST L’ENFER. LES DERNIERS JETS, LE PARADIS. 3. Ecrivez pour vos contemporains, pas pour la Postérité. Si vous avez de la chance, vos contemporains deviendront la Postérité. 4. N’oubliez pas le conseil d’Oscar Wilde : à petite dose la sincérité est dangereuse, à haute dose elle est fatale. 5. Quand vous ne savez pas comment finir un chapitre, faites entrer dans la pièce un homme armé d’un pistolet. (Ce conseil est de Raymond Chandler, pas de moi. J’essayerai à l’occasion.) 6. À moins que vous n’expérimentiez avec des formes obscures, faites attention à vos paragraphes. 7. Soyez votre propre éditeur/ critique. Compatissant mais sans pitié ! 8. N’essayez pas de prévoir qui sera votre lecteur idéal. Il/elle existe, mais est occupé(e) à lire quelqu’un d’autre. 9. Lisez, observez, écoutez énormément ! Comme si votre vie en dépendait. 10. Ecrivez avec tout votre cœur. La version originale de ces conseils provient du site de Gotham, fameuse école d’écriture américaine.  Traduction : Alex Simon, 2018]]> 4857 0 0 0 ]]> ]]> Écoles de creative writing # 2 : Carlo Lucarelli http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecoles-de-creative-writing-2-carlo-lucarelli/ Thu, 12 Apr 2018 13:21:42 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=4891 "J'étudie car je dois expliquer comment écrire à d'autres écrivains, par conséquent j'apprends moi-même."
Les Artisans de la Fiction interviewent Carlo Lucarelli, star du polar italien avec la trilogie du commissaire De Luca et des inspecteurs Coliandro et Grazia Negro. Carlo Lucarelli est également professeur de narration littéraire à la Scuola Holden (la prestigieuse école de creative writing crée par Alesendro Barico à Turin) et à la Bottega Finzioni, l'école qu'il a fondé à Bologne.  Les Artisans de la Fiction : Carlo Lucarelli, vous enseignez à la Scuola Holden, l’école d’écriture fondée par Alesandro Barrico… Carlo Lucarelli : J'ai enseigné il y a longtemps à l'école Holden, maintenant j'enseigne à la Bottega Finzioni, une école que nous avons fondée à Bologne. Il y a beaucoup d'écoles d'écriture en Italie ? Oui, les plus importantes sont l'école Holden et la Bottega Finzioni. [caption id="attachment_4893" align="alignright" width="385"] La trilogie du commissaire De Luca[/caption] Quel genre de cours donnez-vous, qu'enseignez-vous là-bas ?  Nous avons quatre domaines. Alors, je commence par le début car la Bottega Finzioni est très particulière. C'est une école qui s’inspire des anciens ateliers de peintres de la Renaissance. [quote align="right" color="#999999"]C'est une école qui s’inspire des anciens ateliers de peintres de la Renaissance.[/quote] Nous prenons un projet, une idée qui est née à l’intérieur de l'école ou qui vient de l’extérieur, par exemple une idée qu'un réalisateur voudrait développer. Les élèves travaillent avec leur « maître », c'est à dire nous, qui avons plus d'expérience. Nous  travaillons ensemble sur le projet. C'est comme dans les ateliers de peintres où l'on apprenait d'abord à mélanger les couleurs, ensuite à dessiner et puis à réaliser une grande fresque. Je disais donc que nous avons quatre domaines : le théâtre, la littérature, la fiction à savoir le cinéma et la télévision et la non-fiction à savoir les programmes pour la télévision y compris les programmes pour les jeunes et les enfants. [caption id="attachment_4899" align="alignleft" width="384"] Deux éditions de "Almost Blue", le best-seller de Carlo Lucarelli, adapté au cinéma.[/caption] Est-ce que le fait d'enseigner la fiction vous a aidé dans votre travail de romancier ? Oui, absolument. C'est une expérience que j'ai d'abord fait à l'école Holden et que je vis maintenant à la Bottega Finzioni. J'écris de manière instinctive mais j'ai besoin d'un moment où je m'arrête et j'essaye de comprendre de manière rationnelle ce que je fais. Quand j'écris des romans, je fais appel à des techniques, à des pensées, à des expériences, à des habitudes. [quote align="left" color="#999999"]J'étudie car je dois expliquer comment écrire à d'autres écrivains, par conséquent j'apprends moi-même. [/quote] Quand je suis à l'école, je dois rationaliser tout ça, je dois l'expliquer, j'apprends donc à moi-même  mon fonctionnement. De ce point de vue, l'enseignement m'est très utile, cela m'aide à comprendre et je finis par me dire: "Ah, voilà pourquoi j'ai fait ainsi!". J'étudie car je dois expliquer comment écrire à d'autres écrivains, par conséquent j'apprends moi-même. Et surtout j'apprends de mes élèves qui me posent des questions ou qui développent de manière différente les idées que je leur soumets. C'est donc très utile. Cela a été fondamental pour moi. Comment travaillez-vous sur vos romans ?  J'ai besoin de trois choses : une raison d’écrire, c'est à dire quelque chose qui s'est passée dans le monde et que j'ai envie de raconter dans mon roman; j'ai besoin d'un personnage qui me raconte cette histoire, peut-être bien un des personnages de mes anciennes histoires; et puis j'ai besoin de commencer à visualiser en quelques images ce que je voudrais raconter. [quote align="center" color="#999999"] j'ai besoin d'un personnage qui me raconte cette histoire[/quote] Ensuite je commence à écrire, sans savoir ce qu’il va se passer, sans avoir une idée de la trame, sans rien savoir, je construis un mystère, je mets mon personnage à l'intérieur de ce mystère et j'avance pour voir jusqu'où il peut arriver. [caption id="attachment_4894" align="alignright" width="385"] Depuis la lutte contre le fascisme jusqu'aux combats altermondialistes, Carlo Lucarelli s'est toujours insurgé contre les inégalités.[/caption] Réécrivez-vous la trame ? Je réécris toujours, tout le temps. On pense que le travail d'écrire se situe au moment où l'on s’assoit et l'on met de l'encre sur le papier. Ceci n'est pas écrire, cet instant est le moment où l'on est en train de penser l'histoire. Dans un deuxième temps l'histoire qu'on a pensée, qu'on a construite avec des mots, doit être réécrite. C'est l'union de ces deux moments qui fait l'écriture. Quels sont les auteurs qui vous inspirent le plus ? J'ai été inspiré par un auteur italien des années 60 qui s'appelle Giorgio Scerbanenco, en lisant ses livres j'ai compris comment je voulais écrire, mais il y a d'autres auteurs, James Ellroy, Raymond Chandler, Georges Simenon, on pourrait en citer d'autres. Cependant j'ai toujours eu une conviction qui s'inscrit d'ailleurs dans le discours que je tenais tout à l'heure quand j'ai dit qu'un enseignant apprend beaucoup de ses élèves, eh bien, on n'apprend pas que des classiques, des grands écrivains, on apprend aussi des contemporains. Moi j'ai beaucoup d'amis écrivains, je discute avec eux, je parle beaucoup de ce que je fais, donc beaucoup des auteurs qui m'inspirent sont  mes amis, par exemple Giampiero Rigosi ou Simona Vinci. Quel serait votre conseil aux écrivains en herbe ? Trois conseils : lire évidemment, puis écrire car étrangement beaucoup de jeunes écrivains écrivent peu, ils écrivent une chose et puis ils se disent: " Voilà c'est fait!". Il faut écrire tout le temps ! Le troisième conseil est de se faire lire. Beaucoup de jeunes écrivains gardent leurs écrits pour eux ou les font lire seulement à quelques personnes ; au contraire, il faut essayer de se faire lire par le plus de gens possible, même par ceux que l'on sait qu'ils n'aimeront pas, voire qu'ils détesteront ce qu'on a fait, c'est de tout ça qui naît l'envie d'écrire. Site de la Scuola Holden - Site de la Bottega Finzioni Interview : Lionel Tran Traduction : Sara Beretta Remerciements à Laura Combet & à Quais du Polar ainsi qu'à la librairie Vivement Dimanche]]>
4891 0 0 0 ]]> ]]>
Éditer des histoires #3 : Les éditions ActuSF http://www.artisansdelafiction.com/blog/editer-des-histoires-3-les-editions-actusf/ Thu, 14 Jun 2018 15:54:12 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5107  Jérôme Vincent, directeur éditorial d'Actu SF : "Nous retenons un ou deux manuscrits les bonnes années" Les éditions ActuSF sont nées en 2003 à la suite du webzine du même nom. Elles publient des romans et nouvelles relevant des littératures de l'imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique). Le rythme de parution s'est fortement accéléré à partir de 2007 avec la publication depuis cette date d'une dizaine de titres par an, essentiellement avec des auteurs français dans la collection des « Trois Souhaits » comme Sylvie Lainé, Roland C. Wagner, Jean-Marc Ligny, François Darnaudet, Thierry Di Rollo, Sylvie Denis, Laurent Genefort, Laurent Queyssi, Etienne Barillier, Arthur Morgan, Jean-Michel Calvez ou Thierry Marignac. Les Artisans de la Fiction : Combien de manuscrits d’aspirants auteurs ou d’auteurs inconnus recevez-vous quotidiennement, annuellement ?  Combien en retenez-vous ? [quote align="right" color="#999999"]Nous recevons en moyenne 4 à 500 manuscrits par an. [/quote] Jérôme Vincent : Nous recevons en moyenne 4 à 500 manuscrits par an. Ce chiffre ne prend en compte que les envois spontanés (pas les auteurs que nous connaissons déjà). Nous en retenons un ou deux les bonnes années… Pour vous, quelle charge de travail représente le « tri » de ces manuscrits ? Difficile à dire. On le fait plutôt par à coups. C’est une grosse charge de travail. On a tendance à s’y pencher lorsqu’on a un moment de calme. [quote align="center" color="#999999"](Le plus gros problème des manuscrits que nous recevons) c'est le manque d’originalité. On a encore trop souvent des écoles de sorciers avec un héros orphelin qui a une cicatrice.[/quote] Quels sont les plus gros problèmes de ces manuscrits ? Si on enlève les manuscrits qui n’ont rien à voir avec la ligne éditoriale, on a souvent deux soucis : - Le manque d’originalité. On a encore trop souvent des écoles de sorciers avec un héros orphelin qui a une cicatrice. - Les soucis de structure de l’intrigue. Quand ils sont trop gros, même s’il y a quelque chose dans l’écriture, on peut être amené à refuser parce que cela représenterait trop de travail éditorial. Quels problèmes d’écriture présentent-ils ? Cela dépend vraiment. La concordance des temps revient assez souvent dans les défauts récurrents… La mauvaise gestion aussi des temps calmes et des temps forts, et des descriptions. Trop de longueurs souvent. Ou alors la volonté de tout expliquer par le menu... Préfèreriez-vous ne plus recevoir de manuscrit du tout, mais par exemple, solliciter des projets auprès de certains auteurs que vous connaissez déjà, voir passer commande à certains auteurs débutants ayant fait leurs preuves via des nouvelles publiées ? [quote align="right" color="#999999"] Les soumissions (spontanées) font aussi partie de notre métier même si c’est compliqué et chronophage à gérer.[/quote] On le fait déjà. On a les auteurs que nous suivons comme Sylvie Lainé, Jeanne-A Debats, Isabelle Bauthian, Karim Berrouka ou Jean-Laurent Del Socorro (et plein d’autres), les auteurs avec qui on aimerait travailler et ceux qui aimeraient être publié chez nous pour tel ou tel manuscrit. A cela il faut ajouter les traductions. C’est ce qui explique que l’on ait « si peu de place » pour les nouveaux auteurs, même si on en publie régulièrement. On tient toutefois à laisser ouvert les soumissions. Cela fait aussi partie de notre métier même si c’est compliqué et chronophage à gérer. Parlons de votre ligne éditoriale : depuis son origine,  Actu SF publie essentiellement des auteurs français, quelle est aujourd’hui la part de traductions (et surtout de livres anglo saxons) par rapport aux livres français ? Les traductions se vendent-elles mieux ? Si oui, à quoi cela tient-il ? Disons que sur la quinzaine d’inédits que nous publions chaque année, nous avons un ou deux romans étrangers, parfois inédits, parfois non. Les traductions, sauf grands noms comme George R.R.Martin chez nous, ne se vendent pas mieux que les auteurs français. En tout cas chez nous. Etranger ou français, il faut se battre pour les imposer… Quelles sont pour vous les forces des auteurs de genre français par rapport aux  auteurs anglais ou américains ? [quote align="right" color="#999999"]Chacun porte aussi son histoire culturelle pour mieux y puiser son inspiration ou s'en démarquer...[/quote] Aucune idée ! On s’est longtemps demandé s’il y avait des spécificités francophones mais je serai bien en peine de répondre à cette question. Il y a, c’est certain, des imaginaires différents en fonction du pays dans lequel l’intrigue se situe. New York n’est pas Paris, les distances entre les villages canadiens sont bien plus grandes que pour les villages français etc. Il y a des traditions et des histoires cultures différentes aussi. Mais tous les auteurs français ne situent pas leur romans à Paris et les américains à New York. Les frontières entre les pays en terme d’imaginaire sont désormais poreuses et floues… Chacun porte aussi son histoire culturelle pour mieux y puiser son inspiration ou s'en démarquer... [quote align="right" color="#999999"] j’aime les romans qui ont du rythme, avec des personnages forts, et qui m’embarquent tout de suite. Et puis les idées, une excitation intellectuelle qui peut me porter, ainsi qu’un regard sur le monde…[/quote]Qu’est ce qui fait un bon livre pour vous, un livre que vous avez envie de dévorer en tant que lecteur/lectrice et de publier en tant qu’éditeur/éditrice ? C’est un avis personnel, mais j’aime les romans qui ont du rythme, avec des personnages forts, et qui m’embarquent tout de suite. Et puis les idées, une excitation intellectuelle qui peut me porter, ainsi qu’un regard sur le monde… En revanche, je suis moins sensible aux romans d’ambiance… Tout cela bien entendu est à prendre avec des pincettes. Parfois les romans nous emportent même s'ils ne correspondent pas a priori à nos goûts personnels...   [quote align="right" color="#999999"](Mon rêve d'éditeur : ) une très jolie plume, avec du rythme, peu de longueurs, et un style capable de susciter de belles images et des idées.[/quote]Quelles seraient les qualités d’écriture que vous rêveriez de trouver dans un manuscrit d’auteur inconnu parvenant dans la boite aux lettres de votre maison d’édition ? Une très jolie plume, avec du rythme, peu de longueurs, et un style capable de susciter de belles images et des idées. Avez-vous senti une évolution dans les manuscrits que vous recevez depuis votre lancement ? Non pas forcément, même si je suis toujours épaté par la vitalité des auteurs et les idées que l’on trouve dans certains manuscrits. Quelle est la part de « 1er romans » français de votre offre éditoriale annuelle ? Pourquoi ? Cela dépend des années. En 2018, on n’aura pas de premier roman mais plusieurs "deuxièmes" romans (Isabelle Bauthian, Marie-Catherine Daniel, Alex Evans)… On organise d’ailleurs avec les Indés de l’imaginaire une opération « Les pépites de la fantasy » en février, chacun d’entre nous s’engageant à publier un premier ou un deuxième roman d’un auteur francophone… [quote align="center" color="#999999"]Si on a parfois une impression de formatage, il faut aussi s’interroger sur ce qui est traduit en France et ce qui se vend en termes de marché. [/quote]Les auteurs anglo-saxons sont formés à la narration littéraire, à l’art de raconter des histoires, et ce dès l’école primaire. Est-ce que pour vous, cela produit un formatage dans les livres écrits dans la sphère anglo-américaine ? Ou de meilleurs narrateurs ? Je n’en suis pas certain. En fait si on a parfois une impression de formatage, il faut aussi s’interroger sur ce qui est traduit en France et ce qui se vend en termes de marché. J’ai le sentiment qu’il y a de moins en moins de formatage parce qu’il faut de plus en plus de romans qui se distinguent… Les éditeurs tentent de plus en plus des « coups » comme Ken Liu au Bélial ou David Walton chez Actusf. [quote align="right" color="#999999"]Offrir aux auteurs de quoi travailler sur leur écriture et sur leur imaginaire ne peut être qu’une bonne chose.[/quote]Que penseriez-vous de l’idée de proposer en France des formations à la narration littéraire équivalentes à celles dispensées aux étudiants anglo-saxons ? Je ne sais pas s’il faut les copier, mais offrir aux auteurs de quoi travailler sur leur écriture et sur leur imaginaire ne peut être qu’une bonne chose. Pour vous, le succès d’autres formes narratives (les séries télé, les jeux vidéos,… ) fait il perdre des lecteurs ?  Ou, au contraire amènent-elles des lecteurs vers des romans ou genres littéraires dont elle sont souvent inspirées ? Malheureusement il n’y a pas de ruissellement. Le succès d’un Game of Thrones ne fait pas exploser les ventes de fantasy (mais du Trône de Fer, si). Le succès de Star Wars ne fait pas décoller les ventes de la science fiction. Si un succès en série ou au cinéma booste les livres dont ils sont tirés, il ne booste pas le genre dans son ensemble. Mais c’est normal, la difficulté, c’est que tous ces loisirs sont en concurrence les uns avec les autres pour s’approprier le temps libre de chacun d’entre nous. La narration littéraire a-t-elle des cartes à jouer face à ces nouvelles formes de distractions, pour vous ? Lesquelles ? [quote align="right" color="#999999"]La question, c’est comment développer la zone d’appétition des lecteurs en leur donnant envie de lire encore et encore. [/quote] Oui, le livre reste un loisir puissant qui a des qualités et suscite des émotions propres. La question, c’est comment développer la zone d’appétition des lecteurs en leur donnant envie de lire encore et encore. C’est aux auteurs de se poser la question et aux éditeurs. A l’origine de certains grands succès en série, au cinéma ou en jeux vidéos, il y a des livres, ce qui montre bien la puissance des mots. A chacun de bosser, de ciseler ses textes pour les rendre les plus forts possibles. Pensez-vous, qu’aujourd’hui, le problème n’est pas de former plus d’écrivains, mais de former des lecteurs, car il y en a de moins en moins ? Le livre reste la première industrie culturelle en France et les dernières études montrent que les français restent très attachés au livre et continue à en lire. Et puis les auteurs sont souvent des lecteurs… Les principales questions portent sur l’organisation du marché, la surproduction et concurrence des loisirs. La clef de l’équation est quelque part là dedans. Et je trouve qu'avoir beaucoup d'auteurs aspirant à être publié est une bonne chose. C'est un joli signe de vitalité...     Jérôme Vincent Directeur éditorial Perfecto, l'agence 100% Culture Directeur des Editions Actusf  ]]> 5107 0 0 0 ]]> ]]> Craig Johnson répond aux questions des Artisans de la Fiction http://www.artisansdelafiction.com/blog/craig-johnson-repond-aux-questions-des-artisans-de-la-fiction/ Mon, 25 Jun 2018 12:07:38 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5139 Craig Johnson : "C’est un défi d’essayer d’être un meilleur raconteur d’histoires"  Craig Johnson, né le 1er février 1961 à Huntington dans l’État de la Virginie-Occidentale, est un écrivain américain, auteur d'une série de quinze romans policiers consacrés aux enquêtes du shérif Walt Longmire, publiées en France par les éditions Gallmeister et adaptées en série sur la chaîne Netflix. Craig Johnson interviewé par les Artisans de la Fiction durant Quai du Polar 2018 Craig Johnson, comment travaillez-vous sur un roman ? Ça dépend du roman. Si les idées sont prêtes, je peux m'y atteler rapidement, mais pour d'autres romans, le travail préparatoire demande beaucoup plus de travail, des recherches et du temps. [quote align="right" color="#999999"]je jauge les histoires un peu comme je jaugerais des chevaux[/quote] L’important est de savoir à quelle sorte d'histoire on a affaire. Vous voyez, avec mon chapeau (il désigne son chapeau de cow-boy), je jauge les histoires un peu comme je jaugerais des chevaux. Je regarde le cheval et j’essaie de voir s’il peut tenir la distance, sur combien de pages. J’évite ainsi pas mal de problèmes en essayant de savoir quelle sorte d’histoire je tiens. [caption id="attachment_5128" align="aligncenter" width="580"] Éditions originales des romans de la série "Longmire".[/caption] Comment savoir à quelle sorte d’histoire on a affaire ? Ça tient à la complexité de l’histoire. Certaines histoires sont simples et d’autres, plus complexes, vont demander plus de travail. [quote align="right" color="#999999"]Certaines histoires sont simples et d’autres, plus complexes, vont demander plus de travail.[/quote] Dans un de mes livres, Another Man’s Mocassins (sous le titre Enfants de Poussière en France), l’histoire se passe en 1967 pendant la guerre du Viêt-Nam. J’ai dû effectuer beaucoup de recherches pour que le livre sonne juste. C’était incontournable, parce que si quelque chose clochait, quelqu’un qui aurait fait la guerre du Viêt-Nam ou se rappellerait de cette guerre l’aurait tout de suite vu. Dans un autre de mes livres, Hell is empty (sous le titre Les démons sont ici en France), il s’agit d’une chasse à l’homme qui se passe sous la neige. [caption id="attachment_5129" align="aligncenter" width="580"] Éditions originales des romans de Craig Johnson[/caption] [quote align="right" color="#999999"] j’ai pensé que l’Enfer de Dante pouvait convenir aux paysages désolés qui servent de cadre au récit.[/quote] Cela avait déjà été fait. En cherchant comment apporter quelque chose de différent, j’ai pensé qu’une analogie avec une autre histoire pouvait aider le récit. Quand je me suis demandé quelle œuvre classique importante pourrait accompagner le récit, j’ai pensé que l’Enfer de Dante pouvait convenir aux paysages désolés qui servent de cadre au récit. Dans l’histoire, c’est l’adjoint qui dit au shériff  Walt Longuemire : “je sais que vous détestez partir quelque part sans avoir un livre, chef, tenez, prenez celui-ci”, et le shérif prend l’Enfer de Dante dans son sac à dos... Ainsi, l’expérience de marche, l’ascension du héros entre en résonance avec le voyage de Dante. Ça a demandé du travail de mettre les deux histoires en parallèle. [caption id="attachment_5131" align="aligncenter" width="580"] Éditions originales des romans de Craig Johnson[/caption] Comment procédez-vous pour vos recherches ? Vous pouvez réaliser toutes sortes de recherches à partir de livres, de vidéos, ou de documentaires, mais rien n’est aussi précieux que la parole. L’interview est le matériau de base, vous y faites des découvertes importantes. Tous les livres, toutes les vidéos, les documentaires ne vous disent rien de l’expérience sensitive. Quand vous discutez avec quelqu’un, cela vous donne une autre dimension, celle du ressenti de l’expérience humaine, et c’est justement de cela dont vous avez besoin pour écrire un roman. [caption id="attachment_5135" align="alignleft" width="389"] Romans de Craig Johnson aux éditons Gallmeister.[/caption] Comment construisez-vous vos personnages ? Est-ce qu’ils sont à l’origine de votre roman ou est-ce qu’ils viennent après? Dans le processus d’écriture, il s’agit la plupart du temps de combinaisons. Dans Little Bird, le premier livre de la série des Walt Longuemire, je savais que le livre se passerait dans le Wyoming. Je savais qu’il y aurait un crime et une victime. Je me suis demandé qui serait le plus affecté par le crime, et ma réponse était bien sûr le shérif. C’était probablement pour être sûr d’en faire le personnage prédominant du livre. Mais avec le temps je me suis aperçu que mes personnages se fabriquent non pas à partir de ce que je veux faire, mais plutôt à partir de ce que je ne veux pas. Quand vous travaillez sur du genre, western, polar, la question à se poser c’est : qu’est-ce qui a déjà été fait avant ? Et comment je peux faire autrement? [caption id="attachment_5127" align="aligncenter" width="580"] Craig Johnson, Quai du Polar 2018.[/caption] [quote align="right" color="#999999"]Le sens de l’humour est une arme secrète importante de Walt Longuemire.[/quote] J’ai donc fait Walt différemment. Alors que dans la plupart des westerns les personnages sont séduisants, extraordinairement compétents et plein de sang-froid, j’ai voulu un protagoniste qui ressemble plus à vous et à moi. Je lui ai néanmoins donné quelques particularités, des armes secrètes. Le sens de l’humour, par exemple, est une arme secrète importante de Walt Longuemire. En général dans les fictions criminelles, les personnages n’ont pas d’humour du tout. Une autre caractéristique de Walt c’est qu’il est un grand lecteur. Il lit tout et il se souvient de tout. Cela aussi lui donne un avantage. [caption id="attachment_5130" align="aligncenter" width="580"] Éditions originales de Craig Johnson.[/caption] Comment avez-vous appris à raconter des histoires? (Rire) J’y travaille toujours ! Vous savez, ça n’est jamais acquis une bonne fois pour toutes. C’est toujours un défi d’essayer d’être un meilleur raconteur d’histoires. Vous vous levez le matin avec l’envie d’être un meilleur écrivain que la veille. Vous écrivez le chapitre d’après, vous voulez qu’il soit meilleur que le précédent. Vous écrivez un nouveau livre, vous voulez qu’il soit meilleur que celui d’avant. [caption id="attachment_5138" align="aligncenter" width="580"] Craig Johnson, Quai du Polar 2018.[/caption] Je prends l’insatisfaction artistique comme une qualité. Quoi que vous fassiez, ne soyez jamais pleinement satisfait. Si vous commencez à être satisfait de ce que vous faites, vous êtes fichu, parce que vous n’essayez pas, vous ne vous lancez pas de défi. Le défi est quelque chose d’important, c’est valable pour tout ce que j’écris. C’est au centre du processus de création. [quote align="right" color="#999999"]Quoi que vous fassiez, ne soyez jamais pleinement satisfait[/quote] Une autre chose aussi est importante, en particulier quand vous faites des séries. Vos personnages prennent de l’ampleur, ils changent. Vous n’êtes pas le même qu’il y a dix ans, je ne suis pas le même qu’il y a vingt ans. C’est  important de permettre aux personnages d’évoluer, de changer et de prendre de l’ampleur. Quel conseil donneriez-vous à un jeune écrivain? (Il réfléchit) Il y en a tellement... [caption id="attachment_5133" align="aligncenter" width="580"] Éditions françaises et espagnole des romans de Craig Johnson.[/caption] [quote align="right" color="#999999"]Il faut ressentir la passion pour l’acte d’écrire.[/quote] Peut-être que le plus important c’est celui-ci : fiez-vous à votre cœur. Il faut ressentir la passion pour l’acte d’écrire. Ne cherchez pas une formule, ne cherchez pas quelque chose qui pourrait se vendre, parce que vous allez vous torturer avec ce genre de considérations. Ça vient de l’intérieur. Il vous faut croire en quelque chose, et si vous arrivez à trouver ça, alors vous allez faire l’expérience du plaisir d’écrire. Si vous faites ça comme il faut, avec justesse, avec passion, avec cette énergie qui vous motive pour écrire, alors cela devient comme respirer, manger, boire un verre de vin, c’est un plaisir dans votre vie, ce n’est plus un travail. Craig Johnson aux éditions Gallmeister Remerciements : Laura Combet Interview : Lionel Tran Traduction : Jean Nicolas Monier  ]]> 5139 0 0 0 ]]> ]]> A.J. Finn, auteur de "La femme à la fenêtre" répond aux questions des Artisans de la Fiction http://www.artisansdelafiction.com/blog/a-j-finn-auteur-de-la-femme-a-la-fenetre-repond-aux-questions-des-artisans-de-la-fiction/ Mon, 02 Jul 2018 16:49:31 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5151 A.J. Finn : "Lisez autant que vous pouvez !" [caption id="attachment_5153" align="aligncenter" width="580"] A.J. Finn, auteur de "La femme à la fenêtre" interviewé par Les Artisans de la Fiction durant Quai du Polar 2018.[/caption] A.J. Finn, pseudonyme de Daniel Mallory, a écrit pour de nombreuses publications, dont le Los Angeles Times, le Washington Post et le Times Literary Supplement (Royaume-Uni). Originaire de New York, Finn a vécu en Angleterre pendant dix ans en tant qu'éditeur de livres avant de retourner à New York. Son premier roman, le thriller "La femme à la fenêtre" est un best seller international, qui s'inscrit dans le sillage de "La fille du train" de Paula Hawkins. A.J. Finn répond aux questions des Artisans de la Fiction durant l'édition 2018 du festival Quai du Polar. A.J.Finn, comment avez-vous organisé l’écriture de votre premier roman, « La femme à la fenêtre » ? À l’époque où je préparais mon premier roman, je travaillais dans une maison d’édition (au sein du groupe Harper & Collins). Pour écrire, je devais me dégager du temps la nuit et le week-end. Ça m’a pris un an. Ensuite, avant de développer quoi que soit d’autre, j’ai préparé une ébauche d’environ 7500 mots. Dans sa version finale, le livre fait 90 000 mots, donc il s’agissait d’une ébauche plutôt détaillée. J’ai envoyé cette ébauche à un agent littéraire, et je lui ai demandé si elle pensait que je pouvais poursuivre le projet. Elle m’a dit oui, j’ai donc passé les douze mois suivants à écrire.   Comment vous êtes-vous formé à la narration littéraire ? [quote align="right" color="#999999"]Je n’ai pas reçu de formation d’écriture à proprement parler.[/quote] (Il réfléchit) Quand j’étais à l’université, j’ai lu le livre de Stephen King consacré à l’écriture (en français « Écriture, mémoires d’un métier »), et c’était très instructif. Mais à l’époque je n’aspirais pas à écrire de la fiction. Ce n’est venu qu’il y a trois ans environ, donc non, je n’ai pas reçu de formation d’écriture à proprement parler. Est-ce que le fait de ne pas avoir suivi de master de Creative Writing vous a manqué ? J’aurais bien aimé suivre le genre de cours de creative writing qui sont proposés aujourd’hui. [quote align="right" color="#999999"]Mettre beaucoup d’action entre quatre murs d’une maison relevait vraiment du défi.[/quote] Est-ce que la temporalité du roman était difficile à gérer dans « La femme à la fenêtre » ? Le temps est en effet un élément central dans le livre. Le roman se situe dans une maison isolée que les personnages ne quittent quasiment jamais. Mettre beaucoup d’action entre quatre murs d’une maison relevait vraiment du défi. [caption id="attachment_5156" align="alignleft" width="183"] Édition originale de "La femme à la fenêtre".[/caption] Avez-vous dû effectuer beaucoup de recherches pour « La femme à la fenêtre » ? Oui, j’en ai fait. Par exemple, mon personnage principal est une femme atteinte d’agoraphobie, elle n’arrive pas à sortir de sa maison. J’ai moi-même lutté contre l’agoraphobie plus jeune, mais je voulais avoir la garantie d’être suffisamment précis dans le livre. J’ai donc consulté des psychiatres, je me suis entretenu avec des personnes qui souffraient d’agoraphobie, et j’ai aussi effectué des recherches en ligne. Parlons du cadre narratif… Vous êtes-vous inspiré d’une maison existante pour la résidence de la protagoniste de « La femme à la fenêtre » ? Oui, en effet. Un ami de la famille possède une très grande maison à Manhattan, un véritable hôtel particulier sur cinq niveaux, et je m’en suis servi pour imaginer la maison où se situe l’action du roman. [caption id="attachment_5154" align="aligncenter" width="580"] A.J. Finn, Quai du Polar 2018.[/caption] Avez-vous eu besoin de prendre des photos, de la revisiter ? Oui, j’ai eu besoin de la visiter à nouveau. Mais je n’ai pas eu besoin de prendre de photo, parce que je l’avais clairement à l’esprit. [quote align="right" color="#999999"]Contrairement à ce qu’on s’imagine, écrire du point de vue d’une femme n’est pas si difficile.[/quote] Parlons du point de vue… Comment avez-vous abordé l’écriture du point de vue de votre protagoniste, qui est une femme ? C’est une excellente question. Contrairement à ce qu’on s’imagine, écrire du point de vue d’une femme n’est pas si difficile. Ma position est la suivante : quel que soit le personnage que je crée, homme ou femme, ce personnage est imaginaire. Je ne sais pas comment « pense » une femme, mais je ne sais pas plus comment pensent d’autres hommes que moi. Ce que je sais, c’est comment moi je pense. Je crois donc qu’il est exagéré de trop chercher une distinction entre la façon de penser d’une fille ou d’un garçon, du moins pour ce qui concerne le travail d’écrivain. Pour vous, quel a été le point le plus difficile, techniquement, dans l’écriture de "La femme à la fenêtre" ? Contrairement à ce à quoi je m’attendais, les dialogues ne m’ont pas posé de difficultés. Le plus difficile pour moi, c’est l’action. Écrire l'action, est très difficile. Faire simplement se déplacer un personnage du canapé à la fenêtre, sans que cela soit ennuyeux, ça peut vraiment être un casse-tête. C’est vraiment très difficile. Avez-vous bénéficié de l’aide de quelqu’un pour vous lire et faire des retours sur le manuscrit ? J’ai mes deux agents littéraires aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Ce sont toutes les deux des femmes, elles pouvaient me dire si la voix de mon personnage féminin était convaincante. Avez écrit des choses avant ce 1er roman ? [quote align="right" color="#999999"]Je lis sans cesse, et c’est le conseil que je donne à n’importe quel écrivain.[/quote] Je n’ai rien écrit auparavant, pas de nouvelles, pas de poèmes. Mais ce qui m’a aidé à écrire ce livre, c’est d’en avoir lu beaucoup, en tant qu’éditeur et en tant qu’étudiant. Je lis sans cesse, et c’est le conseil que je donne à n’importe quel écrivain : lisez autant que vous pouvez. Mais alors si vous n’avez pas écrit de nouvelles ni de poèmes auparavant, quelle était votre pratique de l’écriture ? J’ai pratiqué l’écriture à l’université, mais aussi quand j’étais éditeur, notamment beaucoup de présentations de livres. Cela m’a été très utile. C’est également bénéfique de lire les livres qu’on aurait aimé écrire. C’est une façon de les intégrer. Par exemple pour l’écriture de mon livre, j’ai lu Gone Girl de Gillian Flynn en étudiant ses aspects techniques afin de me les approprier. Avez-vous eu besoin de remanier la structure de « La femme à la fenêtre » ? [quote align="right" color="#999999"]C’est vraiment important que le premier chapitre soit accrocheur.[/quote] Oui, beaucoup. Je l’ai remanié pour moi, et pour personne d’autre. Les premiers chapitres ont changé, je les ai réarrangés plusieurs fois. C’est vraiment important que le premier chapitre soit accrocheur, qu’il soit une base solide. Avez-vous procédé à beaucoup de réécritures ? Non, je n’ai pas procédé à beaucoup de réécritures, à la fin je ne disposais plus du temps nécessaire, et puis j’avais déjà un autre projet de livre. En tant qu’ancien éditeur, quels seraient vos conseils aux auteurs envoyant leur manuscrit ? Quels sont les principaux écueils à éviter ? [quote align="right" color="#999999"]J’encourage l’auteur qui veut faire publier son manuscrit à en venir rapidement au fait.[/quote] La plupart des éditeurs n’ont pas le temps de lire tout ce qu’ils reçoivent. Ils lisent les trente ou cinquante premières pages d’un manuscrit avant de décider s’ils continuent ou pas leur lecture. J’encourage l’auteur qui veut faire publier son manuscrit à en venir rapidement au fait. Aussi vite que possible. Quand vous soumettez votre roman à un éditeur, vous êtes supposé y joindre une lettre qui décrit brièvement votre livre. Cette lettre doit être courte et percutante, un peu comme ces présentations que j’avais à écrire pour les livres que je publiais. Quels seraient vos conseils à des apprentis romanciers ? Je donnerais trois conseils. Le premier, c’est : lisez autant que vous pouvez. Le second, c’est : gardez à l’esprit qu’écrire un roman n’est pas toujours une partie de plaisir. En réalité, ça ne l’est pas souvent, parce que c’est un travail. Mais le plus important : ne soyez pas trop dur avec vous-même. C’est un travail difficile, alors si ça ne fonctionne pas du premier coup, ne vous flagellez pas, vous allez finir par y arriver. Remerciements : Laura Combet, Gabriel, de la Librairie Vivement Dimanche Interview : Lionel Tran Traduction : Jean Nicolas Monier]]> 5151 0 0 0 ]]> ]]> Éditer des histoires #4 : les éditions Critic http://www.artisansdelafiction.com/blog/editer-des-histoires-4-les-editions-critic/ Fri, 22 Feb 2019 13:50:50 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5178 "Tout éditeur souhaite découvrir la perle rare" Les Éditions Critic ont été créées en 2009 par Éric Marcelin et Simon Pinel, comme un projet parallèle à la librairie éponyme, ouverte neuf années plus tôt au 19 de la rue Hoche, à Rennes. Elles visent la publication de romans français (une dizaine par an) appartenant aux littératures de l'Imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique) ou au thriller. Cathy Lecroc, chargée de communication, répond aux questions des Artisans de la Fiction. Les Artisans de la Fiction : Combien de manuscrits d’aspirants auteurs ou d’auteurs inconnus recevez-vous quotidiennement, annuellement ? Combien en retenez-vous ? Cathy Lecroc : Nous recevons en moyenne quatre manuscrits par jour, ce qui fait une masse de manuscrits à lire assez conséquente, si l’on considère la chose à l’année. Pour ce qui est du nombre de manuscrits retenu à l’année, ça oscille entre un et deux. Pour vous, quelle charge de travail représente le « tri » de ces manuscrits ? [quote align="right" color="#999999"]Nos moyens humains étant limités, il est parfois difficile de se ménager du temps pour lire dans des conditions sereines.[/quote] Le tri des manuscrits est une charge assez laborieuse, nos délais d’attente sont par conséquent long, d’autant que nous cumulons la casquette de libraire à celle d’éditeur. Et nos moyens humains étant limités, il est parfois difficile de se ménager du temps pour lire dans des conditions sereines. [caption id="attachment_5190" align="aligncenter" width="480"] La librairie des éditions Critic, à Rennes, 19 rue Hoche.[/caption]     Quels sont les plus gros problèmes de ces manuscrits ? Voici une question extrêmement difficile à laquelle répondre. Le problème principal consiste probablement dans un manque de qualité globale dans ce qui fait un bon récit : narration, style, personnages, dialogue, etc.   [quote align="right" color="#999999"] Ce qui fait un bon récit : narration, style, personnages, dialogue, etc.[/quote]Quels problèmes d’écriture présentent-ils ? Grammaire, orthographe, bien sûr, mais aussi et surtout des problèmes de narration : point de vue, rythme, dialogue, etc. Préféreriez-vous ne plus recevoir de manuscrit du tout, mais par exemple, solliciter des projets auprès de certains auteurs que vous connaissez déjà, voir passer commande à certains auteurs débutants ayant fait leurs preuves via des nouvelles publiées ? Recevoir des manuscrits, c’est découvrir de nouveaux auteurs, c’est laisser place à la surprise. Mais, d’un autre côté, on trouve que les auteurs pourraient filtrer davantage les éditeurs auxquels ils envoient leurs manuscrits. Pour l’exemple, nous recevons beaucoup de romances, or nous n’en publions pas. [quote align="right" color="#999999"] Les auteurs pourraient filtrer davantage les éditeurs auxquels ils envoient leurs manuscrits.[/quote] Parlons de votre ligne éditoriale : depuis son origine, Critic éditions publie essentiellement des auteurs français, quelle est aujourd’hui la part de traductions (et surtout de livres anglo-saxons) par rapport aux livres français ? Les traductions se vendent-elles mieux ? Si oui, à quoi cela tient-il ? Nous publions 100 % d’auteurs français ; Arnaud de Montebourg serait ravi ! Plus sérieusement, fut un temps où un auteur anglophone vendaient plus qu’un auteur francophone, ne serait-ce grâce à la consonance de son nom, d’où l’utilisation de pseudonymes anglais par certains auteurs français. Mais la tendance veut que cette différence disparaisse de plus en plus. Quelles sont pour vous les forces des auteurs de genre français par rapport aux auteurs anglais ou américains? Nous ne pensons pas qu’il y ait de forces particulières d’un pays à un autre, seulement un bagage culturel différent. Qu’est ce qui fait un bon livre pour vous, un livre que vous avez envie de dévorer en tant que lecteur/lectrice et de publier en tant qu’éditeur/éditrice ? Question difficile. Un bon livre, c’est à la fois une alchimie (histoire, style), mais c’est surtout une rencontre entre un texte (et un auteur) et un éditeur. Un bon livre pour un éditeur peut être mauvais pour un autre. Quelles seraient les qualités d’écriture que vous rêveriez de trouver dans un manuscrit d’auteur inconnu parvenant dans la boite aux lettres de votre maison d’édition ? Nous ne rêvons pas d’un texte avec des qualités d’écriture particulières. Bien sûr, tout éditeur souhaite découvrir la perle rare, celle qui allie virtuosité du style et maestria de la narration. Seulement, à l’heure actuelle, tout ce que nous souhaitons, c’est un gros coup de cœur pour les dix ans des éditions Critic qui se présentent prochainement. Avez-vous senti une évolution dans les manuscrits que vous recevez depuis votre lancement ? Nous en recevons plus en quantité, mais la qualité moyenne reste la même. Quelle est la part de « 1er romans » français de votre offre éditoriale annuelle ? Pourquoi ? On a publié dix « 1er romans » en huit ans d’existence. C’est une volonté éditoriale de lancer des auteurs et de les accompagner. Reste que sur les deux dernières années, nous n’avons pas trouvé de manuscrit provoquant le coup de cœur. [quote align="right" color="#999999"]On a publié dix « 1er romans » en huit ans d’existence. [/quote] Les auteurs anglo-saxons sont formés à la narration littéraire, à l’art de raconter des histoires, et ce dès l’école primaire. Est-ce que pour vous, cela produit un formatage dans les livres écrits dans la sphère anglo-américaine ? Ou de meilleurs narrateurs ? Je pense que nos auteurs n’ont rien à envier aux anglophones. Pour vous, le succès d’autres formes narratives (les séries télé, les jeux vidéos,…) fait il perdre des lecteurs ? Ou, au contraire amènent-elles des lecteurs vers des romans ou genres littéraires dont elles sont souvent inspirés ? Bien sûr ! Les gens ont du temps libre et un budget qui ne sont pas extensibles… et la plupart doivent faire des choix. Il existe des ponts, mais de notre expérience de libraire, peu de personnes font le choix de la curiosité et privilégient davantage leur zone de confort. La narration littéraire a-t-elle des cartes à jouer face à ces nouvelles formes de distractions, pour vous ? Lesquelles ? Évidemment. Il n’y a qu’à regarder les jeux vidéo narratifs (Heavy Rain, Walking Dead), les jeux de société narratifs (Sherlock Holmes, Détectives conseils), etc. Certains explorent dans d’autres médias l’importance de l’expérience narrative. Pensez-vous, aujourd’hui, le problème n’est pas de former plus d’écrivains, mais de former des lecteurs, car il y en a de moins en moins ? C’est le rôle de tout le monde : des parents, des professeurs, mais aussi de tous les médiateurs culturels (libraires, bibliothécaires, etc.). Intéresser les jeunes lecteurs, les rendre curieux, et les garder. Remerciement à Cathy Lecroc et aux Editions Critic  ]]> 5178 0 0 0 ]]> ]]> INTERVIEW Jón Kalman Stefánsson et Guðrún Eva Mínervudóttir http://www.artisansdelafiction.com/blog/interview-jon-kalman-stefansson-et-gudrun-eva-minervudottir/ Wed, 05 Sep 2018 16:33:09 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5199 ©Einar Falur Ing lfsso / © Marteinn Thorsson[/caption] On entend beaucoup de choses sur la créativité et la productivité islandaise en littérature, en musique et en design. On entend même que la localisation de l’île, posée sur une faille sismique à la croisée des continents européen et américain, générerait énergie artistique et prédispositions pour la création. Le succès éditorial d’un nombre croissant d’auteurs islandais en France donne l’occasion de se pencher plus sérieusement sur la question. A travers l’interview croisée des auteurs Jón Kalman Stefánsson et Guðrún Eva Mínervudóttir, Julie Fuster a tenté de comprendre ce qui fait la singularité de leur écriture fictionnelle à travers un questionnement sur la technique du roman, l’importance de la structure narrative et la création des personnages. [caption id="attachment_5247" align="aligncenter" width="500"] © Julie Fuster[/caption] Jón Kalman Stefánsson est un romancier reconnu dans le monde entier pour sa trilogie romanesque (Entre ciel et terre(2010), La Tristesse des anges(2011),Le Cœur de l’homme(2013)) et sa chronique familiale (D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds(2015), À la mesure de l’univers(2017)) publiées chez Gallimard. Auteure plus intimiste et moins connue en France, Guðrún Eva Mínervudóttir a publié un recueil de nouvelles chez Zulma (Quand il te regarde tu es la Vierge Marie, 1998), ainsi qu’un roman, Le Créateur (Autrement, 2008), et un recueil plutôt inclassable, entre le récit et l’autobiographie, Album (Tusitala, 2002). Quand avez vous commencé à écrire de la fiction et à prendre au sérieux votre écriture ? Jón Kalman : J’ai d’abord commencé en tant que poète, mon premier recueil a été publié en islandais en 1988 et à cette époque je pensais que la fiction ce n’était pas pour moi, ce n’était pas dans mon sang. Puis un jour j’ai lu un roman danois des années 30… il était plein d’énergie… et plein de whisky aussi (rires). Il a eu un réel impact sur moi, je me suis dit qu’il fallait que j’écrive de la fiction. Je m’y suis mis sans réfléchir, sans planifier, j’ai juste commencé à écrire. Guðrún Eva : J’avais 18 ans et j’étais en vacances en Italie. Quelque chose s’est passé, une sorte d’accident qui m’a beaucoup inspiré. Quand je suis rentrée chez moi, j’ai essayé d’écrire sur cet accident. J’étais très lente et c’était extrêmement frustrant. J’ai dû ré-écrire ce livre des dizaines de fois, encore et encore, et ça a été une très bonne école. Je demandais à mon entourage de me relire et de me conseiller. [caption id="attachment_5227" align="aligncenter" width="441"] Éditions française et Islandaise de Jón Kalman Stefánsson[/caption] Avez vous pris des cours de creative writing ? [quote align="right" color="#999999"] je suis convaincu qu’aucun auteur ne peut faire l’économie de l’apprentissage de l’écriture. - Jón Kalman [/quote] Jón Kalman : Non, ça n’existait pas à mon époque. Mais même si ça avait existé je n’en aurais pas pris. Par contre je suis convaincu qu’aucun auteur ne peut faire l’économie de l’apprentissage de l’écriture. Que ce soit par des cours de creative writing ou par d’autres moyens. Guðrún Eva : Non, à mon époque les cours de creative writing n’existaient pas à l’Université et nulle part ailleurs non plus en Islande. J’ai dû m’enseigner à moi-même par la ré-écriture, apprendre par l’expérience. Avec des camarades auteurs, nous relisons mutuellement notre travail et nous nous critiquons. C’est comme ça que nous nous faisons progresser. [quote align="right" color="#999999"] Je pense que les cours de creative writing permettent de gagner un temps considérable, on apprend les mêmes choses  que ce qu’on apprendrait seul mais de manière beaucoup moins douloureuse. - Guðrún Eva [/quote]Depuis quelques années j’enseigne le creative writing à l’Université d’Islande. Je pense que les cours de creative writing permettent de gagner un temps considérable, on apprend les mêmes choses  que ce qu’on apprendrait seul mais de manière beaucoup moins douloureuse. En tant que professeur, je vois à quel point certains auteurs progressent grâce aux cours, je vois aussi que l’écriture n’est pas un sport individuel. Les gens s’inspirent et surtout se corrigent les uns les autre. C’est un sport collectif. [caption id="attachment_5232" align="aligncenter" width="450"] Éditions françaises de Guðrún Eva Mínervudóttir[/caption] Si vous n’avez jamais pris de cours de creative writing, qu’est ce qui vous a le plus formé - techniquement -  en tant qu’auteur ? [quote align="right" color="#999999"]Pour un auteur, c’est essentiel de lire, c’est ce qu’il y a de plus important. Lire tout ce qui tombe sous la main et si possible dans sa langue maternelle. -Jón Kalman[/quote] Jón Kalman : Pour un auteur, c’est essentiel de lire, c’est ce qu’il y a de plus important. Lire tout ce qui tombe sous la main et si possible dans sa langue maternelle. Parce que votre langage est votre outil. Mieux vous savez le manier, plus grandes et plus intéressantes sont vos possibilités. Il faut donc lire le plus possible, les auteurs anciens et les auteurs contemporains. Plus on lit, plus on apprend. [caption id="attachment_5236" align="aligncenter" width="450"] Éditions étrangères de Jón Kalman Stefánsson[/caption]  Guðrún Eva : La lecture pénètre votre subconscient, vous lisez et vous repérez - sans le savoir parfois -  ce qui fonctionne dans une histoire et ce qui ne fonctionne pas. Ce qui crée une tension narrative, ce qui touche profondément. [quote align="right" color="#999999"]Je lis beaucoup de livre sur le creative writing. Ceux qui sont le plus utiles sont ceux sur la structure des scénarios de films. - Guðrún Eva [/quote] Je lis beaucoup de livre sur le creative writing. Ceux qui sont le plus utiles sont ceux sur la structure des scénarios de films. Les auteurs de scripts sont beaucoup moins timides que les auteurs de littérature, en partie parce qu’ils doivent faire avec un budget incroyablement conséquent. Ils se doivent d’être efficaces. Du coup ils n’ont pas peur de dire des choses comme “Au bout de 11 minutes de film, il faut absolument introduire le second personnage principal”. Bien sûr je ne suis pas leurs préceptes à la lettre mais je m’informe, j’absorbe. C’est très intéressant. [caption id="attachment_5233" align="aligncenter" width="450"] Éditions originales de Guðrún Eva Mínervudóttir[/caption] Combien de fois avez ré-écrit votre premier roman ? [quote align="right" color="#999999"]Je me rappelle m’être assis chez moi, à Reykjavik, pour écrire ma lettre d’adieu à la littérature. Je pensais que j’étais un raté. -Jón Kalman[/quote] Jón Kalman : J’ai écrit deux premiers romans. Ils étaient incroyablement mauvais, tellement mauvais que j’ai dû les jeter. Il n’y avait rien de bon à garder. Je me rappelle m’être assis chez moi, à Reykjavik, pour écrire ma lettre d’adieu à la littérature. Je pensais que j’étais un raté. C’était vraiment la fin du monde pour moi. Guðrún Eva : J’ai ré-écrit mon premier roman pendant plusieurs années, même si le première version ne m’a pris qu’une seule année. Ce qui était une sacrée performance puisque, en même temps, j’étudiais et je travaillais à plein temps. Je n’ai pas beaucoup dormi pendant cette année-là mais j’étais jeune et quand vous êtes jeune vous pouvez faire ce genre de choses. Je brûlais d’inspiration. J’ai donc écrit ce roman, puis je l’ai ré-écrit pendant plusieurs années. Puis je l’ai auto-publié en dix copies. C’était une excellente école. [caption id="attachment_5235" align="aligncenter" width="450"] Éditions internationales de Jón Kalman Stefánsson[/caption] Faites-vous beaucoup de recherches avant de vous lancer dans l’écriture d’un roman ? [quote align="right" color="#999999"]Le plus important c’est de conserver un rythme et une atmosphère. Recréer une atmosphère est beaucoup plus important que l’exactitude factuelle. - Jón Kalman [/quote] Jón Kalman : Avant d’écrire Entre ciel et terre, j’ai fait des recherches pendant huit mois. En Islande, toutes les archives des journaux sont disponibles sur internet, ce qui veut dire qu’on peut rester chez soi et lire des journaux de 1890. A cette époque il y avait un excellent journal à Ísafjörður (ndrl. village dans les fjords de l’ouest islandais) qui sortait trois fois par semaine. J’ai lu tous les articles sur une période de 10 ans. Ça a donc pris du temps, et en parallèle je lisais des livres aussi, sur l’Islande à la fin du XIXème siècle, sur la pêche. C’est très drôle de se plonger complètement dans une époque mais à la fin je devenais fou. Je suis un écrivain donc si je n'écris pas je deviens fou. Quand vous écrivez sur une période historique c'est très important de la connaitre parfaitement afin d’être capable d’y évoluer librement. Pour moi, j’ai lu des articles et des livres jusqu’à ce que j’ai le sentiment que je pouvais en faire quelques chose. Je ne m’intéresse pourtant pas tellement à aller à fond dans les détails, à l’exactitude des vêtements ou du vocabulaire employé à cette époque là. J’écris une histoire qui se passe 130 ans avant ma naissance, bien sûr que je vais rater des éléments. En plus je ne suis pas historien et ce n’est pas mon but de l’être. Le plus important c’est de conserver un rythme et une atmosphère. Recréer une atmosphère est beaucoup plus important que l’exactitude factuelle. L’idée c’est de créer, pas d’imiter. Dans le premier volume de Entre ciel et terre j’ai d’ailleurs glissé un message que personne n’a relevé : à un moment de l’histoire un des personnages cite une femme-poète islandaise qui, factuellement, est née vingt ans après l’époque où se situe mon histoire. En faisant ça, je voulais indiquer au lecteur que je ne faisais que créer et non pas imiter. Mais personne n’a jamais relevé !   [caption id="attachment_5221" align="alignright" width="312"] Le bureau de Guðrún Eva Mínervudóttir (photographié par elle-même)[/caption] Guðrún Eva : J’ai eu l’idée du Créateur en lisant un article dans Marie Claire pendant une résidence d’écriture à Paris. Je suis tombée sur un article à propos d’un homme qui réalisait des poupées sexuelles, il y avait aussi des interviews d’hommes qui achètent ces poupées. J’ai toujours été intéressée par écrire sur le rapport entre le corps et l’esprit et je trouvais que c’était une façon intéressante d’aborder le sujet. Maintenant je me souviens, à cette époque j’avais une autre histoire en tête. Une histoire au sujet d’une mère célibataire au bord de la crise de nerfs. Ces deux idées sont rentrés en collision. Ça me donne la chaire de poule quand j’y pense. On peut travailler de manière complètement aveugle pendant des semaines, et à un moment, sans qu’on sache vraiment comment, tout s’aligne. Ça s’est passé comme ça pour tous mes romans. En tout cas oui, l’article m’a juste donné l’idée de l’histoire. Ensuite j’ai fait énormément de recherches sur le sujet des poupées sexuelles. J’ai lu des livres, j’ai regardé des documentaires. Pour des raisons étranges, les lecteurs ont toujours une grande satisfaction à la lecture d’un texte qui détaille précisément une routine ou un travail manuel. Il fallait que je sois précise. Comment préparez vous la structure de votre roman ? [quote align="right" color="#999999"] Quand je lis des romans je m’intéresse toujours à la façon dont ils sont montés. Par contre, quand j’écris un roman moi-même, je ne pense pas à la structure. - Jón Kalman[/quote] Jón Kalman : Je suis très intéressé par le travail de la structure, notamment quand je lis des romans je m’intéresse toujours à la façon dont ils sont montés. Par contre, quand j’écris un roman moi-même, je ne pense pas à la structure. Je me mets juste à écrire. C’est comme improviser en musique, on commence sur un thème et instinctivement on sait s’il on doit accélérer, ralentir, passer dans un mode mineur ou quand s’arrêter. C’est exactement pareil quand j’écris de la fiction, je reste attentif à la rythmique intérieure du roman. Je me laisse porter par l’histoire. La structure est incroyablement importante car tout le roman en dépend. Donc je ne la prépare pas mais je la ressens pendant l’écriture. Je n’applique pas une structure sur mon histoire, la structure vient de l’intérieure de l’histoire elle-même. [caption id="attachment_5226" align="aligncenter" width="441"] Éditions internationales de Jón Kalman Stefánsson[/caption] C’est très instinctif, ça me demande d’être incroyablement concentré. Et le risque c'est de se perdre. D’ailleurs très souvent je me perds et je dois re-penser ou ré-écrire toute une partie de mon histoire. En particulier lorsque je commence un nouveau roman. Je ne comprends pas les auteurs qui planifient tout leur roman avant même de l’écrire. Pour moi la littérature c’est l'art de l’inattendu. Et si on prépare l’inattendu, en quoi est-ce de l’inattendu ? Bien sûr, un auteur de thriller ou de romans policiers pense très différemment, mais je ne peux parler que de ma propre pratique du roman. Je ne planifie rien, ce qui ne veut pas dire que mon roman n’est pas structuré. Une fois encore, la structure vient de l’intérieure de mon histoire, c’est mon histoire qui la dicte au fur et à mesure. [quote align="right" color="#999999"]J’ai déjà essayé de planifier, mais ce que je planifie part en fumée dès que je me mets à écrire. Si je prends des notes, je n’en utiliserai que 5%. - Jón Kalman[/quote] J’ai déjà essayé de planifier, mais ce que je planifie part en fumée dès que je me mets à écrire. Si je prends des notes, je n’en utiliserai que 5%. Par contre, je ne dis pas que prendre des notes est inutile. Parfois c’est essentiel de vous préparer de la mauvaise manière. Mettons que vous vouliez aller au Japon et que vous vous êtes préparé pour ça. Mais quelque chose dans votre voyage se passe mal et vous vous retrouvez sur la lune. Bon. Vous n’auriez jamais atteint la lune si vous ne vous étiez jamais mal préparé pour aller au Japon (rires). [caption id="attachment_5237" align="aligncenter" width="450"] Éditions internationales de Jón Kalman Stefánsson[/caption] Un bon exemple de mon incapacité totale à m’organiser c’est quand j’ai commencé l'écriture d’Entre ciel et terre. Je partais pour l’écriture d’un seul roman. Puis j’ai compris que j’avais trop de matériaux et j’ai écrit deux romans. Puis j’ai compris que j’avais encore trop de matériaux pour deux romans donc j’en ai écrit un troisième. Au début du troisième j’étais terrifié à l’idée de devoir en commencer un quatrième… toujours à partir de la même histoire. Heureusement ça s’est arrêté là. [caption id="attachment_5243" align="alignright" width="300"] © Marteinn Thorsson[/caption] [quote align="right" color="#999999"]Je trouve la structure au fur et à mesure de l’écriture. J’ai réalisé que si je planifie tout en avance, mon histoire sera moins riche- Guðrún Eva[/quote] Guðrún Eva : En général j’ai une idée précise : une phrase, une situation, un retournement narratif… n’importe quoi. Je pars de cette situation et je vois où ça m’amène. Je trouve la structure au fur et à mesure de l’écriture. J’ai réalisé que si je planifie tout en avance, mon histoire sera moins riche alors que si je laisse la structure s’accorder à mes personnages, mon subconscient a plus de temps pour fonctionner et il rend mon histoire bien plus intéressante. Je pense beaucoup à la structure, mais j’y pense pendant que j’écris. Ce qui me demande parfois de revenir 15 pages en arrière et tout ré-écrire. Après le premier jet, je prends mes instruments de chirurgien et je retire d’énormes parties du texte. Au départ j’ai toujours envie de tout expliquer au lecteur, pourquoi mon personnage agit comme ceci ou comme cela, quel est son passé etc. Et donc au final je dois retirer d’énormes parties de mon roman. Mais ça fait partie du travail : je dois écrire ces passages non-nécessaires pour donner naissance aux passages nécessaires. C’est comme monter un échafaudage : si on construit quelque chose, on a besoin d’un échafaudage mais on a aussi besoin de retirer l’échafaudage au final.  L’échafaudage doit partir, mais ce n’est pas douloureux, on est pas en train de détruire quoi que ce soi : une maison a toujours l’air bien plus belle une fois que l’échafaudage a été retiré. J’ai vraiment dû apprendre à travailler la structure, ce n’est pas quelque chose qui fait partie de mon ADN. Je n’ai jamais eu besoin de travailler mon style, comme certains auteurs peuvent le faire, car pour moi il est très instinctif, par contre, j’ai dû énormément batailler pour comprendre comment faire fonctionner la structure d’un roman. [quote align="right" color="#999999"] Je confie mon roman a des amis très différents qui injectent leurs propres esprits dans mon livre, leurs propres idées. - Guðrún Eva[/quote] Ensuite j’ai la règle des 40 pages. Lorsque j’arrive à la page 40 de mon roman, je le donne à lire à d’autres personnes. Je pense que c’est crucial d’avoir des retours au moment même de l’écriture. Je confie mon roman a des amis très différents qui injectent leurs propres esprits dans mon livre, leurs propres idées. Ça rend le livre plus riche. Par exemple, j’avais donné mes 40 pages à une amie qui est revenue de sa lecture en disant : “Ce personnage là, il est homosexuel n’est ce pas ?”… et je me suis dit : “Oh mon dieu, oui, elle a complètement raison, je ne m’en étais pas rendu compte”. Et ça été très important pour mon histoire ensuite. Je ne me pose pas la question d’écrire une bonne histoire ou non. Quand je relis mon travail, j’essaye de voir où je perds ma propre attention. Si moi-même je ne peux pas m’intéresser à mon propre travail, qui va l’être ? A l’inverse, si je peux être intéressée par mon histoire, je sais que d’autres gens pourront l’être. Pas tous, mais certain. Comment créez-vous vos personnages et comment choisissez vous le point de vue que vous allez traiter ? [quote align="right" color="#999999"]Pour D’ailleurs les poissons n’ont pas de pied, la première image que j’avais en tête c’était celle d’Ari jetant ses affaires sur le sol de la salle à manger et s’en allant. -Jón Kalman [/quote] Jón Kalman : Pour D’ailleurs les poissons n’ont pas de pied, la première image que j’avais en tête c’était celle d’Ari jetant ses affaires sur le sol de la salle à manger et s’en allant. Je savais que c’était connecté à un échec dans sa vie, à sa difficulté à s’y confronter. Ensuite j’ai pensé que son échec n’était pas seulement un échec qui lui était personnel mais qui avait aussi sa place dans la vie de ses parents et de ses grand-parents, comme c’est très souvent le cas dans une famille : la répétition d’une même erreur, la transmission d’un secret aux dépends de certains membres…  L’unique avantage qu’un écrivain puisse avoir c’est que les humains sont incroyablement imparfaits, la vie est imparfaite, faite d’échecs et de désirs inassouvis. Dans cette perspective, créer un personnage c’est trouver qui il est mais aussi ce qu'il a appris tout au long de sa vie, sa façon personnelle de réagir aux événements. [quote align="right" color="#999999"]Je ne crois pas qu’on puisse créer un personnage, vraiment je n’y crois pas. On ne peut pas créer une personnalité de manière mathématique. -Jón Kalman [/quote] Je ne crois pas qu’on puisse créer un personnage, vraiment je n’y crois pas. On ne peut pas créer une personnalité de manière mathématique. C’est impossible de créer un personnage avant de créer une histoire. Bien sûr c’est mieux d’avoir une vague idée de qui est son personnage mais on n’a pas besoin de détails. Ça me rappelle cette énigme : si Dieu est tout-puissant, alors il a la capacité de créer un rocher si lourd que lui-même ne pourra pas soulever. Mais s’il ne peut pas soulever le rocher, alors peut-on toujours dire que Dieu est tout-puissant ? C’est la même chose pour la fiction. Vous créez quelque chose que vous ne pouvez soulever. Toute fiction est plus vaste que son auteur. On ne peut tout prévoir. [caption id="attachment_5239" align="aligncenter" width="450"] Éditions internationales de Jón Kalman Stefánsson[/caption] En Islandais, le mot “littérature” est composé de deux mot : “poème” et “créer”. Etre un poète c’est être capable de décrire des choses que vous n’avez vous-même jamais vécu. Vous pouvez créer des mondes, des états d’esprit, sans les avoir expérimentés. Il s’agit de ressentir l’humain en toute chose. Bien sûr, tous les auteurs sont différents. Certain seront très forts pour avoir l’intuition de ce qu’est la réparation d’une voiture et feront une très bonne histoire sur la vie d’un mécanicien, d’autre pour avoir l’intuition de la jet-set et feront une très bonne histoire basée sur ce monde-là… Même les plus grands auteurs ne peuvent aborder tous les sujets. Je pense même qu’un excellent auteur ne peut aborder que deux ou trois sujets, sur lesquels il travaillera toute sa vie. On n’a que quelques sujets dans notre sang d’écrivain et c’est sur ceux-là que nous avons vraiment quelque chose à apporter, une histoire à dire. [quote align="right" color="#999999"]Vous pouvez donc écrire sur des sujets que vous n’avez jamais vécu, donner vie à des personnages que vous n’avez jamais été. -Jón Kalman [/quote] Vous pouvez donc écrire sur des sujets que vous n’avez jamais vécu, donner vie à des personnages que vous n’avez jamais été. Pour ma part je n’ai jamais été marin. Je suis trop sujet au mal de mer. J’ai essayé de l’être quand j’avais 15 ans, j’ai travaillé sur un bateau pendant trois semaines et je n’ai pas tenu. J’ai été malade tout le long. Pourtant j’ai été capable de décrire la vie de six marins partis en mer, au début du XX ème siècle. Je n’ai jamais vécu cette situation, mais quand je l’écrivais c’est comme si j’y étais. [caption id="attachment_5238" align="aligncenter" width="450"] Éditions internationales de Guðrún Eva Mínervudóttir[/caption] [quote align="right" color="#999999"] J’ai retiré toutes les excuses des discours masculins. Dans les monologues intérieurs masculins, j’ai retiré toutes les formes de doute. -Guðrún Eva [/quote] Guðrún Eva : Je crois dans l’idée que nous abritons beaucoup de personnages en nous-même. Hommes ou femmes. Par exemple, Sveinn du Créateur, c’est moi. Ecrire sur le genre opposé ça peut être un peu compliqué bien sûr. Mais j’ai développé quelques techniques. Dans la première version du roman, j’avais beaucoup plus de personnages masculins. Lorsque j’ai apporté mon manuscrit à mon éditeur, il m’a dit : “Eva, je ne sais pas ce que c’est, mais tes personnages masculins sonnent faux. Ils ne sonnent pas comme des hommes”. J’ai re-lu mon livre plusieurs fois et je l’ai ré-écrit. J’ai retiré toutes les excuses des discours masculins. Dans les monologues intérieurs masculins, j’ai retiré toutes les formes de doute. Et j’ai ramené mon manuscrit à mon éditeur. Il l’a relu et il a dit : “Incroyable, qu’est ce que tu as fait ? Ça fonctionne parfaitement maintenant”. Interview, traduction : Julie Fuster [message_box title="Bibliographies" color="blue"] Jón Kalman Stefánsson (ouvrages traduits en Français uniquement) : Entre ciel et terre, traduit en français par Éric Boury, Editions Gallimard,2010 La Tristesse des anges, traduit en français par Éric Boury, Editions Gallimard, 2011 Le Cœur de l'homme, traduit en français par Éric Boury, Editions Gallimard, 2013 D’ailleurs, les poissons n’ont pas de pieds, traduit en français par Éric Boury, Editions Gallimard, 2015 À la mesure de l'univers, traduit en français par Éric Boury, Editions Gallimard, 2017 Guðrún Eva Mínervudóttir (ouvrages traduits en Français uniquement) : Pendant qu'il te regarde tu es la Vierge Marie, traduit par Catherine Eyjólfsson, Editions Zulma, 1998 Album, traduit par Catherine Eyjólfsson,Les Editions Tusitala, 2002 Le Créateur, traduit par Catherine Eyjólfsson, Autrement, 2008 [/message_box] [message_box title="Rencontre exceptionnelle avec Jon Kalman Stefansson," color="red"] Rencontre exceptionnelle avec Jón Kalman Stefánsson, à la Librairie Vivement Dimanche Vendredi 14 septembre 2018 - de 19 h à 21 h00 Toute l'équipe de la Librairie Vivement Dimanche à l'immense plaisir de recevoir l'un des plus grand auteur contemporain de littérature et il vient spécialement à Lyon, depuis l’Islande, pour vous rencontrer ! La rencontre sera agrémentée par une lecture d'Ásta par le comédien Denis Déon. Réservations [/message_box]    ]]> 5199 0 0 0 ]]> ]]> Enseigner le creative writing #3 : Matthew Neill Null http://www.artisansdelafiction.com/blog/enseigner-le-creative-writing-3-mathew-neill-null/ Tue, 04 Sep 2018 15:16:35 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5203 "Avoir conscience du lecteur est important"
Matthew Neill Null est un romancier américain originaire de Virginie-Occidentale. Il a étudié le Creative Writing à l’Iowa Writers’ Workshop et ses nouvelles ont été publiées dans plusieurs anthologies, dont la Pen/O. Henry Prize Stories.
Le miel du lion, son premier roman, l’a imposé comme une nouvelle voix  prometteuses dans le paysage littéraire américain. Il est aussi l’auteur d’un recueil de nouvelles, Allegheny Front, qui paraîtra prochainement en français chez Albin Michel.
Matthew Neill Null enseigne le Creative Writing à la Bryant University. Dans le cadre des Assises Internationales du Roman 2018, Il répond aux questions des Artisans de la Fiction concernant l'apprentissage de la narration littéraire, sa transmission et la mise en oeuvre des techniques du romancier quand on est un auteur atypique.
  Les Artisans de la Fiction : Comment avez-vous appris la façon dont fonctionne une histoire ? Matthew Neill Null : En termes de structure, je crois que la manipulation du temps est un savoir-faire essentiel. Pulsations, prolepsis, flash-back, les outils sont nombreux. Une grande part de l’écriture consiste à sélectionner les éléments à présenter au lecteur (images, dialogues, scènes...) mais aussi à décider de leur ordre. Pour ma part, penser structure revient à penser aux différents usages du temps. [quote align="left" color="#999999"]Une grande part de l’écriture consiste à sélectionner les éléments à présenter au lecteur (images, dialogues, scènes...) mais aussi à décider de leur ordre. [/quote]Vous savez, une histoire ce n’est rien, c’est juste de l’encre sur une feuille. Les personnages ne sont pas réels, rien n’est réel, donc vous utilisez les images, les personnages et le temps pour donner de la consistance au monde créé. Quand j’analyse un roman, je prête attention aux grandes lignes de l’action, mais aussi au travail de pulsation : où sommes-nous dans la chronologie, combien de temps prend une scène, quand commence-t-elle, quand se termine-t-elle... Et il m’arrive de me dire que tel ou tel élément aurait dû être amené dix pages avant... [caption id="attachment_5207" align="alignright" width="224"] Le 1er roman de Matthew Neill Null traduit en français[/caption] Qu’est-ce qui vous fait préférer une scène à un résumé narratif ? J’ai reçu d’un autre écrivain cet excellent conseil : une bonne scène c’est comme une fête. Quand vous allez à une fête, vous voulez arriver le plus tard et de partir le tôt possible, n’est-ce pas ? Vous voulez profiter du meilleur de la fête. Vous ne voulez pas vous pointer à 8 heures et vous dire « mince, ceux qui devaient arriver plus tard sont déjà là et ça va être chiant », ou bien vous dire pendant la soirée « vivement que celui-ci finisse son verre et se barre... » Non. Ce que vous désirez, c’est arriver à la fête et vivre immédiatement le moment le plus intéressant et le plus excitant. L’écrivain doit penser au lecteur et lui donner le meilleur de son matériau. Ne soyez pas non plus trop pointilleux sur les détails. Souvent le lecteur n’en a pas autant besoin que ce qu’on pourrait imaginer. Je crois que la fiction fonctionne à son maximum lorsqu’on cible les moments les plus intéressants pour le lecteur. C’est évident, personne ne veut s’ennuyer en lisant. [quote align="right" color="#999999"]Dans les ateliers d’écriture américains, on préconise parfois à l’excès de montrer au lieu de dire. Je ne suis pas d’accord avec ça. [/quote] Dans les ateliers d’écriture américains, on préconise parfois à l’excès de montrer au lieu de dire. Je ne suis pas d’accord avec ça. En tant que lecteur, vous pouvez vouloir les deux. Quand on dit « montrer », il s’agit de scènes, de dialogues, d’actions et de causalité… Des moments où le lecteur découvre ce qui est en train de se jouer en même temps que les personnages. Dans ces moments-là, l’expérience du lecteur est très proche de celle des personnages. [caption id="attachment_5206" align="alignleft" width="180"] Édition originale de "Le miel du lion"[/caption] « Dire » renvoie aux aspects d’exposition, de résumé, de survol des événements et du temps qui passe, et, dans un souci d’efficacité, vous pouvez en avoir besoin pour donner des informations au lecteur. Dans mon cas, où je décris l’évolution de personnages sur une longue période, ce serait dingue de vouloir tout montrer. Vous avez besoin d’un équilibre entre les deux, et certains écrivains excellent là-dedans, je pense à Shirley Hazzard (The Transit of Venus[1], Giuseppe Tomasi di Lampedusa (Il Gattopardo[2], et Gabriel Garcia Marquez (Cien años de soledad)[ 3]. Je considère donc que l’affirmation « montrer plutôt que dire » est fausse. Mais d’un autre côté, les romans qui ne font que dire, dire, dire sans faire agir les personnages, ne sont pas satisfaisants. Il y a une juste mesure à trouver. Qu’en est-il, pour vous, de l’enchaînement des séquences ? Il n’est pas nécessaire que l’arrangement des séquences soit chronologique. Quelle que soit la façon dont vous organisez votre roman, vous devez être conscient du lecteur, et aller là où c’est le plus intéressant. Parfois vous lisez un livre, et vous sentez que la narration n’a pas été assez façonnée. L’auteur veut vous donner tous les détails de l’expérience des personnages, ça peut prendre des jours, des semaines, des mois, et ça devient assommant. [caption id="attachment_5213" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null à la Villa Gillet durant les 11 èmes Assises Internationales du Roman[/caption] Le travail de l’écrivain c’est de sélectionner, en toute subjectivité. Guerre et Paix n’est pas objectif, Tolstoï décide quoi vous montrer. Le point de vue omniscient à la troisième personne n’est pas plus objectif qu’à la première personne, il dénote une personnalité, et cela tient dans cette idée de sélection. En tant qu’auteur, je choisis de montrer une image plutôt qu’une autre au lecteur. [quote align="left" color="#999999"]Avoir conscience du lecteur est important, car le roman de fiction est une des formes d’art les plus collaboratives.[/quote] Avoir conscience du lecteur est important, car le roman de fiction est une des formes d’art les plus collaboratives. Lorsque l’on regarde un film, c’est différent : les images sont à notre disposition. Le lecteur, lui, est extrêmement sollicité, il doit construire les images dans sa tête, les dialogues, les personnages. Ça prend beaucoup plus de temps d’écrire de la prose que de la lire. Mais c’est aussi là où réside le vrai plaisir de cette collaboration entre le lecteur et l’auteur. Comment travaillez-vous sur vos romans ? [caption id="attachment_5205" align="alignleft" width="200"] Recueil de nouvelles de Matthew Neill Null - traduction à paraître en France.[/caption] Une grande part du processus se fait inconsciemment, je pense... Je ne peux pas dire que je prépare l’esquisse d’une trame ou quoi que ce soit de ce genre, mais j’ai une idée claire de la façon dont l’histoire commence et comment elle finit. Je ne suis pas à l’aise avec l’étiquette d’auteur de fiction, car contrairement à beaucoup d’entre eux, ma démarche ne commence ni avec les personnages, ni avec les situations ou les conflits. Pour moi, le processus débute avec des images ou des bribes de langage. Je suis un écrivain sensible aux images, je fais des associations d’idées, ce qui s’approche davantage du travail de poète. D’ailleurs, la plupart des éditeurs qui ont publié mon travail ont été eux aussi poètes. J’apporte une grande attention à la langue. Mon écriture recherche le mimétisme, vous savez, comme sur ces toiles où la pomme est si bien représentée que vous pourriez avoir envie de mordre dedans. Sauf que mon réalisme à moi ne se place pas sur ce terrain, je travaille sur un autre plan, davantage sur les associations d’images et le subconscient. Ce n’est ni bizarre ni fantaisiste, rien de comparable à Beckett ou Donald Barthelme. Je me situe peut-être entre le réalisme et « autre chose », en tout cas je n’écris pas « comme dans la vie ». Du coup, avec votre approche poétique de l’écriture, il doit être préférable de choisir des structures d’histoires simples... Souvent, le cœur de mes histoires est une situation amorale, dans laquelle mes personnages essaient de trouver ce qui est juste. Ils se retrouvent dans une posture difficile où un choix est nécessaire, et cela les amène à découvrir en eux une certaine ambivalence. [caption id="attachment_5212" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null à la Villa Gillet durant les 11 èmes Assises Internationales du Roman[/caption] [quote align="right" color="#999999"]L’intrigue est une bonne chose. Ce n’est pas pour rien que les gens aiment les histoires de Stephen King, les thrillers, le mystère, les liens de cause à effet.[/quote]C’est le cas de mon roman Honey From The Lion[4], dont l’intrigue se passe au moment d’une grève, avec des personnages confrontés à des forces externes qui s’opposent à leurs aspirations. Je voulais une intrigue, du suspense et de la tension afin de trouver un équilibre avec le langage poétique et les images, et faire ainsi en sorte que la lecture du livre reste une expérience satisfaisante et plaisante. Le langage que j’utilise peut vite devenir dense, complexe, et c’est sans doute pour cela que j’ai fait le choix d’une intrigue solide et enlevée. L’intrigue est une bonne chose. Ce n’est pas pour rien que les gens aiment les histoires de Stephen King, les thrillers, le mystère, les liens de cause à effet, et les auteurs qui maîtrisent l’art de l’intrigue méritent le respect. Même un auteur de « littérature » doit garder à l’esprit que l’intrigue et les rapports de causalité sont importants pour le lecteur. Si vous explorez ce langage poétique, n’y a-t-il pas un risque d’être hermétique ? Avez-vous des lecteurs à qui montrer vos étapes de travail ? [quote align="right" color="#999999"]Désormais je me sens rassasié des retours et je cherche  à finaliser mes textes par moi-même.[/quote] Vous savez, j’ai suivi pendant deux ans un programme MFA (Master of Fine Arts).Ces ateliers d’écriture ont pour principe de soumettre ses écrits à d’autres auteurs. C’est une expérience intense, très enrichissante. Avant de suivre ce programme, j’écrivais de façon romantique, seul, en lisant des livres, sans personne pour lire mon travail. J’en ai tiré des leçons. Mais désormais je me sens rassasié des retours et je cherche  à finaliser mes textes par moi-même. [caption id="attachment_5211" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null à la Villa Gillet durant les 11 èmes Assises Internationales du Roman[/caption] Si je montre mon travail, c’est vraiment à la fin du processus. Mon agent littéraire a travaillé pendant trente ans dans la maison qui a édité Robert Stone et Philip Roth. Elle comprend mon style et c’est à elle que je soumets mon travail. Mais je le fais quand le travail est assez complet, car je suis prudent. J’essaie de parvenir à comprendre moi-même ma sensibilité, d’avoir mon propre discernement sur ce que j’essaie de faire. Mon style est en dehors des canons d’écriture actuellement en vogue aux Etats-Unis, et je ne tiens pas à ce que quelqu’un me dise : "je ne comprends pas". Et c’est dangereux. [quote align="right" color="#999999"]Je me souviens avoir écrit un texte qu’une dizaine de personnes ont détesté. Ils trouvaient que ma prémisse était folle, peu convaincante, que c’était trop philosophique. [/quote] Ça m’est arrivé en MFA. Je n’écrivais pas autant que les autres participants, et je me sentais un peu à la rue. Je me souviens avoir écrit un texte qu’une dizaine de personnes ont détesté. Ils trouvaient que ma prémisse était folle, peu convaincante, que c’était trop philosophique. Ils s’imaginaient peut-être que j’essayais de frimer, mais mon intuition c’était que je tenais quelque chose. Et c’est justement le côté déjanté de cette histoire qui a plu aux revues, ainsi qu’aux lecteurs. La réaction du lecteur est importante. [caption id="attachment_5210" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null à la Villa Gillet durant les 11 èmes Assises Internationales du Roman[/caption] Quelle est votre position sur les MFAs (Masters of Fine Arts / Masters de Creative Writing) ? [quote align="left" color="#999999"] La principale aide qu’apporte un programme MFA et que tous les écrivains recherchent, c’est le temps. Le temps, c’est la meilleure chose que vous puissiez offrir à un écrivain.[/quote] Je suis allé à celui de l’Iowa, parce que c’est historiquement un des premiers, et parmi les plus prestigieux. Le personnel est conséquent, composé de 25 écrivains et 25 poètes. La principale aide qu’apporte un programme MFA et que tous les écrivains recherchent, c’est le temps. Le temps, c’est la meilleure chose que vous puissiez offrir à un écrivain. Le cursus dure trois ans, et j’ai eu de la chance d’avoir pu le suivre. Les MFA apportent beaucoup en termes de structuration. Mais il y a des étudiants qui viennent pour se montrer, séduire, et pour un auteur entendre trop de voix différentes peut gêner pour trouver son propre style. De plus chaque université a également son style, et cela aussi peut être un danger, en termes de risque de formatage. [quote align="right" color="#999999"]Les MFA c’est comme tout le reste, il y en a des bons et des mauvais. [/quote] Soumettre un texte à la classe et le changer parce que tout le monde est contre, c’est dangereux parce l’auteur peut perdre quelque chose en route. Il vaut mieux aller dans ces MFA avec une vision déjà claire de ce qu’on propose, et se dire que les retours vont permettre d’enrichir cette vision, plutôt qu’appliquer la vision des autres à ses écrits. Les MFA c’est comme tout le reste, il y en a des bons et des mauvais. Aujourd’hui peut-être qu’aux Etats-Unis, il y en a trop. Mais ce genre de cursus manque, sans doute, en Europe… [caption id="attachment_5209" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null à la Villa Gillet durant les 11 èmes Assises Internationales du Roman[/caption] Ce que j’aime dans les MFA, c’est qu’ils cassent cette image romantique de l’artiste  ténébreux, mystérieux qui d’un coup sentirait venir l’inspiration et écrirait des romans incroyables. Oui, dans le subconscient, le mystère et l’inspiration sont très importants, mais il y a des jours où écrire n’est pas glamour. C’est juste de l’artisanat, comme démonter une machine et réassembler des pièces pour se faire la main. Il y a beaucoup de tâches ingrates. [quote align="left" color="#999999"]Lire est un travail essentiel de l’écrivain. C’est comme vouloir être architecte. Vous avez besoin d’étudier les édifices dans le détail, d’apprendre comment se construit un immeuble.[/quote] L’essentiel du travail d’écrivain, ce n’est pas d’attendre l’inspiration, mais de s’asseoir et faire, faire, faire en espérant que vous créez quelque chose. Ensuite vous remaniez de façon exhaustive. Bien sûr, il y a une part de génie, de talent, mais c’est une part infime en comparaison du labeur des mots. Lire est un travail essentiel de l’écrivain. C’est comme vouloir être architecte. Vous avez besoin d’étudier les édifices dans le détail, d’apprendre comment se construit un immeuble. Je ne comprends pas quand mes étudiants me disent, pour justifier leur refus de lire les livres des autres, qu’ils préfèrent protéger leur voix. Les livres sont faits de livres. Sans Shakespeare, vous n’auriez ni Melville, ni Faulkner. Comment se déroule l’apprentissage de la narration aux Etats Unis ? Il est fréquent qu’un étudiant en commerce, en médecine ou en sciences se frotte à l’écriture. Cela fait partie de l’éducation universitaire. Certains essaient d’écrire de la poésie, des pièces de théâtre, des histoires courtes, mais dans un contexte artistique, pas critique. Les étudiants sont donc familiers du vocabulaire, des notions de structure, de point de vue, de métaphores, de comparaisons... [quote align="right" color="#999999"]C’est sûrement préférable de passer 6, 7 ou 8 ans à travailler sur la langue avant de produire un véritable ouvrage. [/quote] Dans mes classes, si je demande la différence entre le point de vue du narrateur omniscient et le point de vue de la première personne, 85% des étudiants connaissent la réponse. On peut donc en venir plus rapidement à d’autres aspects de l’artisanat, et je pense que c’est important de le faire dans un contexte créatif (artistique) et non critique. [caption id="attachment_5208" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null à la Villa Gillet durant les 11 èmes Assises Internationales du Roman[/caption] Il s’agit de dire : ok les gars, on sort ses stylos et on dessine une montagne. Ça ne sera pas bon du premier coup, mais ce n’est pas grave, ça fait partie du boulot. C’est sûrement préférable de passer 6, 7 ou 8 ans à travailler sur la langue avant de produire un véritable ouvrage. On peut dire la même chose de la guitare, ou du sport, ou de tout ce qui nécessite de l’entraînement. Ça ne tombe pas du ciel. On s’auto intoxique avec cette idée du jeune génie qui crée son travail par la pure inspiration. Je n’y crois pas. Melville a étudié Shakespeare de près. Quelles sont les aspects les plus importants sur lesquels vous faites travailler vos étudiants de creative writing ? [quote align="left" color="#999999"]Le problème critique de mes étudiants, c’est qu’ils ne lisent pas.[/quote] Le problème critique de mes étudiants, c’est qu’ils ne lisent pas. Ils ne lisent pas de littérature. Pour leurs cours, ils consultent internet et les résumés d’intrigues. Ils écrivent des messages sur leurs téléphones, ils utilisent des media plus passifs, ils aiment Netflix, la télé. Ils veulent être écrivains mais ils sont plutôt fermés à ce qu’on leur propose. En France, je vois un engagement pour la littérature, les gens sont de meilleurs lecteurs, lisent plus de livres. Mes étudiants usent et abusent des clichés, ils n’essaient pas de créer quelque chose de nouveau. Avec eux, je reviens sans cesse sur la structure des phrases, car beaucoup d’entre eux croient pouvoir s’affranchir de la grammaire et du sens, sous prétexte qu’ils font de l’art… [quote align="right" color="#999999"] Pour être écrivain vous devez être volontaire, faire beaucoup de sacrifices et cela sans attendre le succès, car vous pourrez ne jamais être publié.[/quote] Je dis aussi à mes étudiants que je ne peux pas leur apprendre à écrire. Vous allez à l’université, et vous pouvez apprendre à être chimiste ou comptable. Mais l’écriture est un processus qui implique de l’engagement personnel. Pour être écrivain vous devez être volontaire, faire beaucoup de sacrifices et cela sans attendre le succès, car vous pourrez ne jamais être publié. Par contre, je peux enseigner comment commencer à être un écrivain, comment apprendre à lire comme un écrivain, à penser comme un écrivain... Je peux  leur enseigner comment commencer, mais je ne peux pas finir le processus à leur place. Revenons à la façon dont vous travaillez sur vos romans. Vous dites ne pas vous appuyer sur les personnages, ni sur les situations... comment procédez-vous ? [quote align="left" color="#999999"] je passe des années à réviser de façon exhaustive le sens, les paragraphes, je combine et j’ajoute des personnages[/quote] C’est difficile à expliquer. Ce que je peux dire c’est que j’écris le premier jet en quelques mois, et ensuite je passe des années à réviser de façon exhaustive le sens, les paragraphes, je combine et j’ajoute des personnages... Mais mon point de départ est une situation plutôt squelettique, avec juste quelques tensions entre les protagonistes. [caption id="attachment_5214" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null à la Villa Gillet durant les 11 èmes Assises Internationales du Roman[/caption] C’est dur pour moi de parler du processus car sur le moment je suis très impliqué. C’est comme demander à un poisson quel temps il fait. Tout ce que je sais c’est que je m’assois pour quelques heures avec des pages autour de moi. Ça fait penser à la manière dont procède le sculpteur sur bois, en dégageant progressivement la sculpture du tronc à coups de gouge. Cela doit être un processus de réécriture extrêmement long ? [caption id="attachment_5215" align="alignleft" width="180"] Édition italienne de Matthew Neill Null[/caption] J’ai eu un professeur qui disait « on réécrit dans l’idée d’être relu ». J’accorde une grande importance à la langue. A la fin, la langue doit être un roc, il ne doit pas y avoir de faille. Les meilleurs romans, les meilleurs poèmes sont ainsi. Essayer de créer quelque chose de puissant est un acte important. Surtout dans un monde qui vous dit souvent que ce que vous faites est sans importance. Ce qui est particulièrement le cas en Amérique. Aux Etat Unis, l’invention dans l’écriture est souvent considérée comme optionnelle, comme s’il s’agissait d’ornementation. On évoque sans arrêt les « canons », les règles universelles, comme dans les sciences de ingénierie, où les mathématiques, mais tout cela m’évoque quelque chose de froid, de mécanique, sans valeur s’il n’y a pas une expérience humaine derrière tout ça. En France, il y a une déférence pour la littérature. C’est formidable. Il n’y a pas d’équivalent en Amérique. Là-bas, les romans font peur parce que l’art dérange. En Amérique, on veut bien l’art qui fait tapisserie, mais pas quand il choque ou quand il dérange. Pour moi, si vous vous contentez de créez juste de la décoration ou du divertissement, ce n’est pas de l’art. C’est beau, c’est joli, mais ça n’est pas vraiment pertinent. Même en littérature, la plupart des livres chroniqués sont plus proches du divertissement. Je n’ai pas de problème avec ça, nous en avons tous besoin, mais je pense que dans cent ans ou deux cent ans il ne restera rien de ces livres-là, plus personne ne s’en souciera. [1] Publié en français sous le titre Le Passage de Vénus, traduit par Claude Demanuelli, Paris, Gallimard, coll. « Du monde entier », 2007 [2] Publié en français sous le titre Le Guépard, traduit par Jean-Paul Manganaro, Le Seuil, 2007 [3] Publié en français sous le titre Cent Ans de Solitude, traduit par Claude Durand et Carmen Durand, Le Seuil, 2007 [4] Publié en français sous le titre Le Miel du Lion, Albin Michel  Blog de Mathew Neill Null (en anglais) Cours de Mathew Neill Null à propos de l'intrigue (48 mn - en anglais) Entretien réalisé durant les 11èmes Assises Internationales du Roman (2018). Interview : Lionel Tran. Transcritption et traduction : Jean Nicolas Monier. Remerciements : Isabelle Viot - Mathilde Walton.  ]]>
5203 0 0 0 ]]> ]]>
Écrire du Polar #3 : Marin Ledun http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-du-polar-3-marin-ledun/ Wed, 17 Oct 2018 11:11:31 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5403 "Les romans, eux, nous racontent une histoire, incarnée par les personnages" [caption id="attachment_5401" align="alignright" width="315"] Les Artisans de la Fiction interviewent Marin Ledun - Quai du Polar 2018[/caption] Après une licence en économie, Marin Ledun étudie les sciences de l'information et de la communication. Il obtient un doctorat De 2000 à 2007, il est chercheur à France Télécom R&D, il en démissionne en raison de la détérioration des conditions de travail. Son premier roman, Modus Operandi, est accepté par quatre maisons d'édition et publié par Au Diable Vauvert en 2007. Il publie une quinzaine de romans, abordant différents sujets en prise avec l'actualité et qui lui valent plusieurs récompenses (Au fer rouge, 2004, L'Homme qui a vu l'homme, 2009, Dans le ventre des mères…) S'inscrivant dans le genre du roman noir, ses romans, traduits dans de nombreux pays (Espagne, Russie, Italie, Brésil…), évoquent les limites du progrès, la crise contemporaine et ses conséquences sociales.   Les Artisans de la Fiction : Comment avez-vous appris l’écriture ? Marin Ledun : Je suis autodidacte, mais... Quand j’ai sorti mon premier roman à l’âge de 30 ans, j’avais une pratique de l’écriture d’une quinzaine d’année : une pratique épistolaire. Ça a l’air bête comme ça, mais j’ai vraiment appris ainsi. C’est-à-dire que je passais une heure, deux heures par jour sur des sujets aussi variés que l’amour, les relations amoureuses, l’amitié, ou des sujets plus sérieux, en fonction de mes études...   Et donc le jour où j’ai écrit mon premier roman, je savais déjà former des phrases, utiliser la langue française. Je ne savais pas raconter des histoires, certes, mais je savais mentir, truander, ce que j’avais déjà fait dans mes courriers. Donc oui, je suis autodidacte, mais j’ai appris par ce biais-là. Vous aviez une maîtrise de la langue française, comment vous êtes-vous débrouillé pour apprendre à raconter une histoire ? Le point de départ a été la lecture. Inconsciemment, je savais déjà comment structurer un livre, car j’en lisais. [quote align="right" color="#999999"]Inconsciemment, je savais déjà comment structurer un livre, car j’en lisais.[/quote] J’ai toujours aimé les bouquins qui ont une histoire. L’auto-fiction ou des choses comme ça, m’ont toujours profondément ennuyé. Alors que les romans, que ce soit dans le polar, la science-fiction, ou la littérature plus classique (le roman social du XIXem par exemple), eux, nous racontent une histoire, incarnée par les personnages. J’avais ces modèles-là en tête. Donc je ne me suis pas posé de questions, je n’avais aucune idée de la manière dont on écrivait un roman, je ne savais même pas que j’étais en train d’écrire un roman lorsque j’ai écrit le premier. Cela s’est fait de manière assez simple. J’avais aussi une pratique de l’écriture par ailleurs : je travaillais une thèse de doctorat, je publiais énormément. Passer d’une écriture scientifique très contraignante à une écriture romanesque a été un vrai plaisir. Le roman était une écriture jouissive. Qu’avez-vous appris entre l’écriture de votre premier roman et du dernier ? Avez-vous changé votre manière de faire ? Oui bien sûr. Je ne savais rien, donc j’ai tout appris, et j’imagine que cela va continuer ainsi. [quote align="right" color="#999999"]J’ai vraiment appris à écrire en écrivant.[/quote] Comment on construit une phrase, comment on évite de se répéter, comment on maintient de la tension par l’usage de certains temps, comment on construit une narration, pourquoi on choisit d’utiliser le « je », pourquoi on fait des phrases courtes quand on veut accélérer le mouvement, pourquoi on privilégie les phrases longues pour ralentir un petit peu la tension… Tout cela, on l’apprend en écrivant. J’ai vraiment appris à écrire en écrivant. Le travail avec l’éditeur vous a aidé ? Ça aussi c’est un apprentissage. Par exemple, la première réaction sur le premier roman, c’est de dire « Mais de quoi il se mêle celui-là ? Il n’a rien compris à mon œuvre. », et puis on apprend assez rapidement l’humilité, et surtout qu’on a besoin de l’éditeur. Il y a un moment, lorsqu’on a passé un an, deux ans, sur un texte, on ne voit plus rien. On sait qu’il y a un truc qui cloche mais on ne sait pas où, on ne le voit pas. Le plus dur, c’est de trouver le bon éditeur, c’est-à-dire l’éditeur qui va être au service du livre, et non au service de sa cause à lui. Mais il y en a plein, heureusement. Pour vos derniers romans, après avoir appris « du métier », comment procédez-vous pour travailler ? Vous construisez ? Vous partez de choses que vous connaissez, vous vous documentez beaucoup ? J’ai toujours procédé ainsi. C’est juste qu’avec le temps, j’ai perfectionné ma technique. [quote align="right" color="#999999"]Avec le temps, j’ai perfectionné ma technique.[/quote] D’abord, un sujet : ça peut être une phrase, une info, un bouquin que j’ai lu qui m’a marqué sur un sujet, ou qui m’a énervé et j’ai envie de voir comment traiter la question différemment. Ensuite, je lis, j’écoute, je vais voir si nécessaire. Il y a des sujets sur lesquels il n’y a rien d’écrit, donc il faut aller rencontrer des gens. Sur l’anti-terrorisme par exemple, on ne trouve que des discours d’un certain camp, et l’autre discours m’intéresse aussi, donc il faut aller fouiner. Une fois que j’ai toute cette matière-là (ça peut prendre des mois ou des années), après l’avoir bien lu, relu digéré, je la mets dans un tiroir. Je l’oublie. Et je construis de la fiction. Ça veut dire quoi ? Dans mon cas, ça veut dire que je construis une trame très très précise. Mon angoisse c’est de me retrouver dans une impasse au bout d’un an d’écriture. [quote align="right" color="#999999"]Je fais une trame très détaillée, avec un plan qui peut faire dis pages, cinquante pages, cent pages.[/quote]C’est pourquoi je fais une trame très détaillée, avec un plan qui peut faire dis pages, cinquante pages, cent pages. Un plan chapitré, à la scène près même. Et ensuite, c’est un an d’écriture, sur la petite musique, sur les mots. Je fais une demi-page par jour, au feeling, on va dire, pour vraiment me concentrer sur l’écriture, sur le style, et sur ce que j’ai envie de faire passer, mon angle de vue sur un sujet donné. Il y a une grosse part de préparation et de construction avant l’écriture, donc. Oui, tout à fait. Et en terme de réécriture ? Y-a-t-il un premier jet ou réécrivez-vous tout le temps ? Le premier jet c’est déjà plein de chapitres, pleins de scènes qui sont retravaillés, une fois, deux fois, dix fois, vingt fois, si nécessaire. Et ensuite je reprends tout et je peux être amené à tout rechanger. C’est-à-dire que le plan de départ n’est pas forcément le bon à la fin. Donc le premier jet (qui n’est pas tout à fait un premier jet), peut quand même complètement être changé. Et après, il y a le boulot avec l’éditeur. Donc ça fait beaucoup, beaucoup, de versions. Vous parliez de scènes. Quelles sont vos règles ? Comment vous savez qu’il faut ralentir le rythme, ou au contraire l’augmenter ? Ou à quel moment vous sentez qu’il faut plutôt résumer ? Ce qui détermine la longueur ou non et la vitesse du rythme d’une scène ou pas c’est d’une part -je prends un exemple tout simple : une scène de poursuite en bagnole- si j’en ai déjà écrit une dans un autre roman, celle-ci, il va falloir qu’elle soit différente. Je ne vais pas refaire la même, c’est hors de question. Mon idée c’est de ne pas dire ce qu’il se passe dans la tête des personnes, c’est de montrer ce qu’ils ressentent, à travers leurs actions, et à travers des petits bouts de dialogues qu’il peut y avoir, s’ils parlent dans la scène.  

Donc si en deux phrases c’est fait, eh bien en deux phrases c’est fait. D’abord, si j’ai trouvé les bonnes deux phrases, puis ensuite si ça fonctionne. Et après, si on veut attirer la focale sur un élément, ou un événement en particulier, par exemple (je dis n’importe quoi) : on balance un bâton. Il y a le moment où on jette le bâton, c’est quelques mots. Puis, si on a envie d’attirer l’attention sur un truc qu’il a écrit sur le bâton qui est en train de voler, on va tirer la phrase pendant deux ou trois lignes. Pour attirer l’attention. Ce qui ne va pas forcément ralentir l’action, mais par contre, va attirer le regard du lecteur qui va se dire « ah ! ce détail-là a l’air important. ». Dernière question : avez-vous des conseils pour des apprentis romanciers ? Conseil n°1 : N’écoutez pas les conseils. Conseil n°2 : [quote align="right" color="#999999"]Des fois, la solution, on ne la trouve pas, et il faut la créer.[/quote] Lisez, lisez, lisez. Regardez comment les autres artisans de l’écriture travaillent. Chacun a ses solutions à chaque problème, et il n’y a que comme ça qu’on va les apprendre. Il faut regarder ce qui se fait, sans chercher à copier, juste regarder ce qui se fait. Je pense qu’il n’y a que en lisant, et en écrivant, qu’on trouvera des solutions soi-même, parce que des fois, la solution, on ne la trouve pas, et il faut la créer. C’est un peu bête, mais à mon avis, c’est la base.   Transcription : Coline Bassenne Remerciements : Marin Ledun, Laura Combet & Quai du Polar        ]]>
5403 0 0 0 ]]> ]]>
Créer des outils pour les romanciers #1 Les reines du thesaurus http://www.artisansdelafiction.com/blog/angela-ackerman-becca-puglisi-thesaurus/ Wed, 05 Dec 2018 11:27:28 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5414

"C'est l'outil dont je rêvais ! " Tout romancier ou apprenti romancier se penchant sérieusement sur les techniques de la narration littéraire aura le même réflexe en découvrant "The emotion thesaurus / Le thesaurus des émotions". Que propose "The emotion thesaurus" ? Un dictionnaire des émotions, détaillant les sensations corporelles et les manifestations physiques correspondantes. Ce qui permet aux romanciers d'être plus spécifiques dans la mise en scène de leurs personnages. Autopublié par Angela Ackerman et Becca Puglisi en 2012 "The emotion thesaurus" a rapidement été suivi par "The negative traits thesaurus", "The positive trait thesaurus", "the urban settings thesaurus", "the rural settings thesaurus" et "The emotional wound thesaurus". Julie Fuster a interviewé la co-creatrice de ces guides pour les Artisans de la Fiction.

Comment vous-êtes vous formée au creative writing ?

Angela Ackerman : Je me suis principalement formée moi-même. J’ai toujours eu une passion pour l’écriture et j’ai d’abord pensé me tourner vers le journalisme. Donc j’ai pris quelques cours de creative writing et d’anglais à l’université, avec pour objectif de renforcer ma pratique de la langue.

Puis je suis tombée enceinte, j’ai eu des enfants très jeune donc je n’ai pas terminé mes études.

[caption id="attachment_5433" align="alignleft" width="210"] Le thésaurus des émotions - non disponible en français.[/caption]

Quand mes enfants ont eu cinq et six ans, je me suis mise à leur lire des livres. En les lisant je me suis dit “Tiens, ça n’a pas l’air bien compliqué d’écrire des livres pour enfants” et donc j’ai décidé de me remettre à l'écriture... Et c’est là que j’ai réalisé à quel point c’est dur d’écrire, c’est beaucoup plus dur qu’on ne le pense ! L’histoire est bien connue : on écrit une histoire, on s’imagine qu’on a un petit talent, et puis on demande à son entourage de la lire, on reçoit des critiques, on se pose des questions, et là on réalise tout ce qu’on va devoir apprendre pour être capable d’écrire quelque chose de valable.

Donc voilà, à part ces quelques cours à l’Université, je me suis auto-formée à 100%. C’est tout à fait possible de s’auto-former comme auteur maintenant. Il y a tellement de livres de techniques d’écriture - même s’ils sont difficiles d’accès pour vous en France - et il y a tellement de blogs, de webinars, de cours en ligne. Je connais beaucoup d’auteurs à succès qui ont bénéficié de ces outils.!

J’ai aussi bénéficié d’un groupe de travail en ligne qui s’appelle “The Critic circle”. C’est un groupe d’auteurs anglophones qui viennent de partout dans le monde, qui partagent leurs textes et se critiquent entre eux. A cette époque on essayait tous d’apprendre à écrire des romans et de se former à la technique. [quote align="right" color="#999999"]il y a des choses que nous sommes incapables de percevoir dans notre propre travail et que nous percevons tout de suite dans le texte d’un autre.[/quote] C’était incroyablement utile pour moi : parce que les personnes qui lisaient mon travail ne me connaissaient pas et donc elles avaient une lecture qui était tout à fait différente de la mienne. Ils relevaient des aspects que moi je n’aurais jamais relevés. Et c’est aussi très utile de lire le travail des autres : il y a des choses que nous sommes incapables de percevoir dans notre propre travail et que nous percevons tout de suite dans le texte d’un autre. Et c’est aussi dans ce groupe que j’ai rencontré ma partenaire professionnelle et co-autrice des thésaurus, Becca Puglisi.

Pourquoi avez-vous choisi d’écrire des livres de technique plutôt que des romans ?

[quote align="right" color="#999999"]Nous lisions les mêmes livres de technique et nous en parlions ensemble pour être sûres que nous avions bien compris ce qui y était enseigné ![/quote] Nous n’avons pas tellement choisi en fait. Becca et moi essayions d’écrire de la fiction, nous relisions mutuellement nos textes et nous buttions vraiment sur les questions techniques. Nous avons décidé de prendre une année où nous ne ferions rien qu’étudier les livres d’écriture créative : plus d’écriture de fiction, uniquement de la lecture et des exercices de creative writing.

Nous lisions les mêmes livres de technique et nous en parlions ensemble pour être sûres que nous avions bien compris ce qui y était enseigné !

[caption id="attachment_5445" align="aligncenter" width="450"] Le thésaurus des défauts des personnages.[/caption]

Notre plus gros problème c’était l’expression des émotions : nous avions réalisé que nos personnages se comportaient tous de la même manière. Nous écrivions toutes les deux pour des adolescents et franchement nos personnages ne faisaient pas grand chose d’autre que d’hausser les épaules ou de rouler les yeux. Donc on a commencé à prendre beaucoup de notes sur l’expression des émotions !

[quote align="right" color="#999999"]Une fois qu’on a couvert une très large gamme d’émotions, on s’est tourné vers les lieux, les décors.[/quote]Au début des années 2000, si vous vouliez percer comme auteur, vous vous deviez d’avoir une plateforme, un site internet, pour se faire connaitre, rencontrer des agents, faire des rencontres professionnelles. Donc on s’est dit qu’on allait partager toutes nos recherches et tout le savoir que nous accumulions sur un blog. Toutes les semaines, je crois que c’était tous les samedis, on publiait une liste de vocabulaire sur une émotion différente : la peur, l’anxiété, la joie etc. Et il se trouve qu’on a rencontré un vrai succès rapidement. Beaucoup de gens, d’auteurs, se posaient les mêmes questions que nous. Nos lecteurs ont commencé à nous suggérer des thèmes, des émotions à traiter. On le prenait en compte et la semaine d’après on publiait un post sur ce sujet là !

Une fois qu’on a couvert une très large gamme d’émotions, on s’est tourné vers les lieux, les décors. Parce que les auteurs ont tendance à se limiter et à n’écrire que sur des paysages, des lieux, des décors qu’ils connaissent déjà.

Puis on a continué comme ça et aujourd’hui nous avons 15 thésaurus différents. Ils ne sont pas tous publiés sous forme de livre parce que certains sujets ne s’y prêtent pas, parce qu’ils sont trop courts par exemple.

Donc on n’a jamais vraiment choisi cette voie : on a juste choisi de faire une pause dans l’écriture de fiction pendant un an, on est parties sur ce projet et il a très bien marché. On aimerait toutes les deux se remettre à la fiction mais pour l’instant on se concentre sur ce projet. Et pour le faire bien on est obligé d’y accorder tout notre temps.

Comment organisez-vous vos recherches ? Vous lisez beaucoup de livres de psychologie ? Vous interviewer des professionnels ?

Chaque livre demande un énorme travail de recherche, mais certains encore plus que d’autres. Ça dépend vraiment du sujet. Notre propos est très lié à la psychologie. Becca et moi sommes naturellement intéressées par la psychologie, mais nous ne sommes pas diplômées et nous ne sommes pas psychologues. Donc on fait des recherches sur internet, on lit des livres.

Les livres sur le langage corporel sont particulièrement intéressants pour nous. Il y en a un qui s’appelle Body Language et qui est davantage écrit pour les entreprises mais nous l’utilisons beaucoup, ainsi que le site internet ChangingMinds.org.

Ce que nous cherchons à comprendre c’est pourquoi un être humain agit de la manière dont il agit, comment cela s’exprime en terme d’émotions et de réactions corporelles et enfin qu’est-ce que ça lui coûte d’agir de cette manière.

[quote align="right" color="#999999"]L’outil le plus incroyable reste la théorie de Maslow sur la hiérarchie des besoins[/quote] Pour ça, l’outil le plus incroyable reste la théorie de Maslow sur la hiérarchie des besoins. Abraham Maslow était un scientifique qui travaillait sur le comportement humain. Il a défini les cinq types de besoins humains essentiels : si un être humain n’arrive pas à satisfaire l’un ou l’autre de ces besoins, cela va influencer tout son comportement.

[caption id="attachment_5432" align="alignright" width="250"] La pyramide de Maslow[/caption]

Par exemple, si je manque mon déjeuner, ce n’est pas un gros problème, je vais bien. Si je manque mon déjeuner et mon diner, je vais être un peu tendue mais je vais aller bien quand même. Si, par contre, je suis privée de nourriture pendant une semaine, je ferai n’importe quoi pour en trouver. Je n’aurai pas peur de me mettre dans des situations embarrassantes, je chercherai dans des poubelles, je me mettrai à voler, ou je mangerai des produits périmés. C’est le besoin de nourriture qui a modifié mon comportement et même mes valeurs.

Pour le thesaurus sur les émotions, nous avons beaucoup étudié le comportement des gens autour de nous. Nous avons avons regardé des vidéos Youtube pour voir comment les gens réagissent lorsqu’ils sont confrontés à telle ou telle situation : qu’est ce qui changent dans leurs corps, dans leurs comportements... L’idée c’est de pouvoir ensuite injecter tout ça dans les personnages de fiction.

On a tout un tas d’outil dans notre boîte pour la description et c’est génial de faire des recherches dessus. Utiliser ces outils aident vraiment à élargir son imagination et essayer plus de choses avec son écriture, étoffer ses personnages, leurs ouvrir de nouvelles directions. Et surtout ça aide à créer des personnages qui ne se ressemblent pas tous, ou à se répéter encore et encore.

[caption id="attachment_5429" align="alignleft" width="202"] Le thésaurus des cadres narratifs urbains.[/caption]

Combien de temps cela vous prend pour créer un thesaurus, de la conception de l’idée au livre terminé ?

Je dirais un an. Mais certain livres sont plus difficiles à écrire que d’autres. Par exemple le livre sur les décors était un gros morceau, on a dû écrire deux tomes. Becca et moi avons essayé de visiter tous les décors présents dans le livre. Et il y en a environ 250. Donc ça implique de beaucoup de voyages qu’on a étoffé avec des recherches sur internet et dans des livres parce qu’il y a des endroits dans lesquels il n’est pas possible de se rendre facilement, comme un hôpital psychiatrique par exemple. On ne peut pas se pointer en disant qu’on est juste là pour regarder.

Pour l’hôpital psychiatrique j’ai notamment regardé une vidéo Youtube d’un patient qui avait filmé son environnement. C’est rigolo, on voit qu’il est assez inquiet par l’idée de se faire prendre parce que je ne pense pas qu’il était autorisé à faire ça. Et c’était hyper intéressant à regarder. Par exemple la douche : on peut s’imaginer que ça ressemble à une douche d’un hôpital normal mais en réalité non. Il n’y a pas de rideau, le pommeau est complètement intégré au mur, tout est fait pour éviter que les patients se pendent. Des petits détails auxquels je n’aurais jamais pensé si je n’avais pas regardé cette vidéo.

[quote align="right" color="#999999"]Il a fallu parler avec des gens, lire des témoignages sur leurs expériences, comment ça a impacté sur leur vie, les peurs qu’ils ont. [/quote] Parfois l’écriture de certains thesaurus sont difficiles pour d’autres raisons. Celui sur les blessures émotionnelles était de loin le plus compliqué à rédiger pour nous. Par exemple le chapitre sur les abus sur les enfants... il a fallu parler avec des gens, lire des témoignages sur leurs expériences, comment ça a impacté sur leur vie, les peurs qu’ils ont. Et tu ne peux pas passer ta journée à lire des témoignages comme ça, au bout d’un moment tu es obligé de prendre une vraie pause. Donc je faisais des recherches pendant quelques heures par jour et ensuite il fallait que je fasse quelque chose de complètement différent, comme cuisiner des cookies pour ma famille. Pour me sortir de l’ambiance, sinon c’était trop dur.

On a conduit aussi quelques interviews, uniquement avec des personnes dont on savait qu’elles avaient traversé quelques chose de spécial et qu’elles étaient d’accord pour en parler. Par exemple il y a cette auteure qui a subi beaucoup de violence durant son enfant et qui est très transparente à ce sujet sur son blog, donc on l’a contactée pour en discuter avec elle et c’était tout à fait naturel.

[caption id="attachment_5443" align="aligncenter" width="450"] Le thésaurus des qualités des personnages.[/caption]

Vous travaillez comme coach d’écriture. Qui sont vos clients et quelles sont leurs demandes ?

L’idée c’est d’aider le plus d’auteurs possibles tout en ayant un usage économique de notre temps. Donc on ne fait pas de coaching individuel, on se considère comme des coachs parce que nous enseignons beaucoup ! Je voyage beaucoup à l’étranger, je fais des conférences. Becca a des enfants jeunes donc elle voyage moins mais on fait aussi des conférences sur internet, des webinars.

[caption id="attachment_5436" align="alignleft" width="200"] Le guide de creative writing de Donald Maass : "comment écrire des romans qui se démarquent et qui se vendent".[/caption]

Nos conférences se concentrent principalement sur le principe du “show don’t tell” (montrer plutôt que dire). Beaucoup d’auteurs pensent que ça se limite à ne pas utiliser la grammaire passive et écrire des descriptions évocatrices, mais le “show don’t tell” c’est bien plus que ça. Ça concerne tous les aspects de votre histoire et tout ce dont vous pouvez en retirer. Si vous voulez décrire un personnage, vous pouvez vous arrêter à son apparence physique et le lecteur aura une petite idée de qui il est. Mais si vous allez plus loin dans le détail, si vous décrivez la façon dont le personnage s’habille, dont il bouge, tout ça peut dire énormément sur qui il est, son passé, son éducation, son job, sa personnalité, l’état d’esprit dans lequel il est à ce moment précis.

Avec les décors c’est pareil. Je ne vais pas seulement décrire un lieu. Mais je vais décrire un lieu d’une manière précise qui va donner des informations à mon lecteur : je veux choisir le lieu parfait pour symboliser les motivations de mon personnage. Ou alors je peux aussi décrire un lieu dans lequel un certain type de conflit va nécessairement se créer. Créer des complications. Ou peut être utiliser le décors pour symboliser un moment charnière dans une vie.

[quote align="right" color="#999999"]Beaucoup d’auteurs ont peur de la description parce qu’ils pensent que ça va leur prendre trop de temps ou trop d’espace dans leurs romans. [/quote] Beaucoup d’auteurs ont peur de la description parce qu’ils pensent que ça va leur prendre trop de temps ou trop d’espace dans leurs romans. La réalité c’est que pour décrire une émotion, une image très forte vaut mieux que six images faibles. Si vous êtes clair avec le but de la scène, si vous savez ce que le personnage veut mais aussi ce que vous (en tant qu’auteur) voulez que la scène exprime de votre personnage ça vous aidera à savoir quels éléments vous devez décrire.

[caption id="attachment_5420" align="aligncenter" width="421"] Apprendice du Thésaurus des défauts du personnage.[/caption]

Prenez un personnage à qui on offre une super opportunité professionnelle, on lui offre le job de ses rêves. Mais cela veut dire qu’il va devoir voyager 250 jours par an alors qu’il vient de rencontrer quelqu’un avec qui il veut vivre et peut-être faire des enfants. Vous pouvez choisir de l’envoyer réfléchir dans un parc. Et dans ce parc il peut y avoir deux types de personnages : une famille qui a l’air heureuse, qui fait un pique-nique pendant que le père joue avec les enfants. Ou alors il y a un employé du même bureau, au téléphone, super bien habillé, super concentré, autoritaire.

La présence de ces deux types de personnages-décors permet de souligner le conflit qui s’instaure dans l’esprit du personnage. Et tout ça d’une manière très efficace. L’idée ce n’est pas de tout décrire mais de décrire ce qui est le plus important par rapport à votre personnage, ce qui va donner un maximum d’informations sur lui.

[caption id="attachment_5444" align="aligncenter" width="478"] Les six thésaurus créés et édités par Angela Ackerman et Becca Puglisi[/caption]

Pourquoi avez-vous choisi d’auto-publier vos thésaurus plutôt que de passer par une maison d’édition pré-existante ?

Quand on a commencé les thesaurus on espérait se faire remarquer par des maisons d’édition. On a discuté avec un agent, qui nous a dit : “Créez un site internet”. Donc on a fait ça. Un jour on a reçu un email d’une association pour nous demander de faire un atelier sur l’expression des émotions. Ils possédaient tout un document PDF avec le contenu de notre site. On a alors réalisé que si quelqu’un voulait récupérer tout notre contenu et le distribuer à notre place, c’était tout à fait possible. On s’est aussi dit qu’on n’avait pas le temps de passer par le long processus des maisons d’édition, qu’il fallait qu’on fasse notre livre tout de suite. Donc on l’a fait.

[caption id="attachment_5419" align="aligncenter" width="447"] Exemple d'appendice du Thésaurus des blessures émotionnelles : la matrice psychique du personnage.[/caption]

[quote align="right" color="#999999"] On ne voyait pas quel était notre avantage à passer par une maison d’édition.[/quote] Rapidement nous avons été approchées par un éditeur. Mais à cette époque on ne voyait pas quel était notre avantage à passer par une maison d’édition. Nos livres se vendaient bien sur Amazon, on trouvait nos lecteurs facilement. Donc qu’est-ce qu’ils pouvaient nous donner qu’on n’avait pas déjà, sans faire un grand sacrifice en terme de revenu ?

Donc on a publié les livres nous-mêmes. C’est quand les livres sont devenus populaires et qu’on a commencé à en vendre à l’étranger : là on s’est senti dépassées et on a décidé d’avoir un agent, au moins pour les droits de publications étrangers qu’on ne connaissait pas.

[quote align="right" color="#999999"]Le problème avec l’écriture et avec l’apprentissage de l’écriture c’est que plus tu apprends, plus tu réalises à quel point tu ne sais rien.[/quote]

Sur votre site internet vous avez beaucoup d’outils très visuels. Vous pensez qu’une carte, un tableau, sont plus efficaces pédagogiquement qu’un livre ou qu’un cours ?

Je ne sais pas si c’est plus efficace mais ce que je sais c’est que beaucoup de gens tentent de faire des résumés de ce qu’ils apprennent dans les livres de creative writing. Et les cartes, les tableaux, ça aide à résumer. Mais certaines personnes peuvent s’en tenir aux listes et ça leur va parfaitement.

[caption id="attachment_5421" align="alignleft" width="263"] Les couches de la personnalité du personnage, appendice du Thésaurus des défauts du personnage.[/caption]

Le problème avec l’écriture et avec l’apprentissage de l’écriture c’est que plus tu apprends, plus tu réalises à quel point tu ne sais rien. C’est terrifiant et paralysant. Je connais des gens qui arrêtent d’écrire à cause de ça. A cause de cette peur. Mais je connais d’autres gens qui continuent tout de même, malgré l’angoisse.

Ecrire c’est très compliqué, il y a tellement de choses qu'un auteur doit connaitre et penser. Et tout ça, ça ne prend pas en compte l’aspect marketing du travail: comprendre comment fonctionne l’industrie de l’édition, créer un site internet, trouver un agent, un éditeur, se faire connaitre, faire connaitre son livre.

Donc mon rôle c’est de prendre en charge l’aspect technique, cet aspect très complexe à lui seul, et le diviser en des tâches moins impressionnantes et plus facile à aborder.

Quelle serait la définition d’un bon livre, selon vous ?

Un livre dans lequel je peux totalement comprendre le point de vue du personnage. Dans lequel je peux me reconnaître. Si je vois le personnage principal traverser des épreuves qui sont similaires aux miennes... un livre dans lequel je peux m’identifier au personnage principal et à sa quête. Voir un personnage se débattre avec le monde réel. Je veux le voir réussir.

C’est à ça que ressemble une vie humaine : nous essayons tous d’évoluer dans le bon sens, de nous en sortir, d’aller quelque part.

Quels sont les livres qu’un jeune auteur doit lire pour améliorer ses techniques d’écriture ?

Je lis beaucoup de livres pour enfants et adolescents, mais si je devais choisir quelque chose pour les adultes je dirais The Eye of the World de Robert Jordan, qui fait partie de la série The Wheel of time. Ses personnages sont profonds et tellement intéressants. Il y a aussi beaucoup de personnages féminins très forts. Mais je dois vous prévenir que c’est le genre de série où le moindre personnage devient un personnage principal. Et parce que chaque personnage est riche psychologiquement, il devient le héros d’un des livres de la série. C’est infini !

Une autre série serait Daughter of smoke and bone de Laini Taylor pour comprendre la tension, les conflits dans la littérature et leurs intérêts pour faire avancer une histoire.

Pour moi ce sont des classiques.

[caption id="attachment_5437" align="alignright" width="200"] Guide de Creative Writing de Renni Browne & Dave King sur les techniques pour se relire et améliorer sa narration.[/caption]

Quels sont les livres de creative writing que vous conseilleriez ?

Self editing for fiction writers par Renny Browne et Dave King. C’est vraiment un outil merveilleux, non pas pour apprendre à écrire un roman mais pour apprendre à se relire et se corriger. Comprendre à quoi sert une relecture et comment en tirer le meilleur profit.

Il y aussi Description de Monica Wood. Il m’a vraiment aidé pour comprendre comment fonctionnent les descriptions, à quoi elles servent et comment bien les utiliser. The Breakout Novelist: Craft and Strategies for Career Fiction Writers de Donald Maass. Très bon pour saisir la subtilité de la tension narrative dans l’écriture d’une histoire.

Je recommande aussi tous les livres de Katie Weiland. Notamment ceux sur la structure et sur l’arc narratif. Dans le même genre il y a aussi Save the cat de Blake Snyder ou Writing Screenplays That Sell de Michael Hauge. Il m’a fait réaliser l’importance de la connaissance des blessures émotionnelles et m’a donné l’idée du thésaurus. Ces dernières références sont particulièrement pertinentes pour comprendre les mécanismes intérieurs d’un personnage, comprendre son évolution à travers l’histoire.

Mais en réalité on peut apprendre aussi des choses très intéressantes en lisant des livres sur l’écriture de scénario ou en analysant la façon dont les films que l’on aime sont structurés.

Quelle est la perception du Creative Writing au Canada ?

Très proche de la version américaine. Le marché américain est très large, bien plus large que le marché canadien. Les auteurs canadiens se tournent d’ailleurs majoritairement vers les maisons d’édition américaines.

[caption id="attachment_5449" align="aligncenter" width="485"] Guides de creative writing consacrés à l'arc transformationnel du personnage, la structure du roman, et à la réécriture de scénario.[/caption]

Par opposition, les maisons d’édition canadiennes se concentrent bien souvent uniquement sur les auteurs canadiens. Ce qui est très chouette parce que la compétition est moins rude mais souvent ça contraint l’auteur : l’histoire doit se passer au Canada ou doit être connectée au Canada, des choses comme ça. Si votre livre ne parle pas du Canada, il vaut mieux se tourner vers les maisons américaines.

[caption id="attachment_5435" align="alignright" width="150"] Guide de creative writing consacré à l'importance, à l'usage et aux techniques de la description dans la narration littéraire.[/caption]

Ce qui est très spécifique au marché nord-américain c’est le succès des e-books. Je ne sais pas comme c’est en France mais ici il y en a des millions qui sont publiés chaque année. Donc l’idée que ça génère c’est que tout le monde peut publier un livre. Et donc, comme ça semble facile, beaucoup de gens publient leur roman sans avoir pris le temps de se poser la question de la technique, sans se confronter à la question de savoir “Qu’est-ce que c’est un bon roman ?”. Et du coup leurs romans ne fonctionnent pas, ils ne trouvent pas leurs lecteurs.

Quel serait votre conseil pour l’auteur d’un premier roman ?

Prenez votre temps. Je sais que vous voyez vos amis publier des livres ou obtenir des contrats avec des agents et que vous vous dîtes “Oh mon dieu, je me laisse aller, pourquoi je ne suis pas comme eux ?”... mais je conseillerais de vous calmer. Votre but ce n’est pas de publier à tout prix. C’est d’écrire un livre qui sera aimé par vos lecteurs. Donc prenez votre temps, travaillez votre technique. Et lorsque vous aurez terminé votre livre, ce sera un très bon livre. Ne vous concentrez pas sur le court terme. Pensez au long terme.

 Je sais que c’est dur. Les gens qui écrivent ont souvent des problèmes de confiance en eux. Et c’est bien souvent alimenté par l’industrie de l’édition en elle-même : dans 99% du temps, ce que vous recevez de l’industrie à laquelle vous voulez appartenir est une réaction de rejet. “Non, ce livre ne rentre pas dans notre ligne éditoriale”, “Non, on va publier un livre sur un sujet similaire très bientôt” etc. Et la façon dont nous le comprenons c’est “Non, ce n’est pas bon, ce que vous faites ne convient pas”. C’est comme ça qu’on internalise ces remarques. Avec le temps, vous apprenez à gérer ces refus, mais quand vous commencez c’est très dur. C’est très frustrant et ça fait beaucoup de mal à votre confiance en vous.

[quote align="right" color="#999999"]Votre but ce n’est pas de publier à tout prix. C’est d’écrire un livre qui sera aimé par vos lecteurs. Donc prenez votre temps, travaillez votre technique. [/quote]Donc n’essayez pas d’accélérer le processus, parce que vous augmentez vos chances de vous confrontez aux refus et ça ne va pas vous faire du bien. Je conseillerais de prendre votre temps, d’écrire un livre magnifique qui sera lu par un éditeur et qui vous dira “Mon dieu, je veux publier tout ce que vous écrivez”. Prenez votre temps, soyez sérieux, et ça va finir par payer.

Pour commander (en anglais), les Thesaurus co-écrits par Angela Ackerman, le plus simple est de se connecter à leurs sites d'aide aux écrivains (très denses en outils, mais payants):

Writers helping Writers One stop for writers

Entretien, mise en forme et traduction : Julie Fuster

]]>
5414 0 0 0 ]]> ]]>
Écrire de la Romance #1 Louise Valmont http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-de-la-romance-1-louise-valmont/ Fri, 25 Jan 2019 14:34:38 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5463 Formée aux techniques de narration auprès de Lionel Tran, co-fondateur des Artisans de la Fiction, Louise Valmont est auteure chez les Editions Addictives (spécialisées dans les séries de romance pétillantes sur le modèle des séries TV). Elle a déjà publié trois séries complètes : Play with me, Toi et Moi, c'est compliqué, et Mine again. Louise Valmont répond de manière extrêmement détaillée aux questions des Artisans de la Fiction et aborde avec nous les techniques d'écriture exigeantes de ce genre très spécial qu'est la romance... Les Artisans de la Fiction : Avez-vous toujours écrit de la romance ? Comment êtes-vous passé à ce genre particulier ? [quote align="left" color="#999999"]j’ai changé d’approche, je me suis dit que j’avais beau avoir la plume facile, j’avais besoin de me former avec des pros des techniques narratives[/quote] Louise Valmont : En réalité, la romance, j’y suis arrivée par hasard, rencontres, péripéties, questionnements, doutes et remises en question mais avec un beau happy end ! J’avoue qu’au départ,  ce n’était pas un genre que j’avais envisagé d’écrire. Pour résumer mon parcours d’écriture, on pourrait dire que j’écris depuis toujours : enfant, j’écrivais des histoires dont la chute était souvent dramatique et très prévisible… Vers 20 ans j’ai terminé un premier roman, lu par deux lecteurs, membres de la famille qui n’en ont pas gardé un souvenir impérissable et qui a fini dans un tiroir (j’ai même perdu la fin), ensuite j’ai écrit et illustré des livres pour enfants (avec pour uniques lecteurs, les miens) ensuite pendant longtemps, j’ai écrit sous forme anarchique, par petits bouts, avec des interruptions parfois pendant des années entre journal intime et autofiction, ce qui m’a sans doute servi de thérapie :-) [quote align="right" color="#999999"]Ce qui m’a tout de suite plu, c’est de raconter une vraie histoire avec des péripéties, des actions, parfois du suspense et de l’écrire en ayant à l’esprit le plaisir du lecteur[/quote] Puis j’ai écrit un court roman dans le cadre d’un concours organisé par un magazine féminin (je n’ai pas gagné), j’ai réitéré avec un polar puis des nouvelles envoyées elles aussi à des concours, et comme je n’étais toujours pas sélectionnée (honnêtement, ce que j’envoyais était très mauvais), j’ai changé d’approche, je me suis dit que j’avais beau avoir la plume facile, j’avais besoin de me former avec des pros des techniques narratives. Ce que j’ai fait pendant un an. [caption id="attachment_5474" align="alignleft" width="217"] L'éditeur de Louise Valmont privilégie les auteurs au style vivant et moderne qui savent créer des personnages complexes et attachants, des dialogues percutants, une bonne dose d'humour, et surtout de bonnes histoires.[/caption] Après ça, j’ai continué à écrire puis ai renouvelé mes tentatives auprès d’éditeurs avec deux envois de romans un peu plus construits. Mais j’étais encore trop loin des frontières que tracent les lignes éditoriales… Alors, comme je suis du genre têtue quand je tiens à quelque chose, j’ai décidé d’essayer de publier des chroniques de livres et de spectacles sur différents webzines, ce qui a marché. J’y ai pris goût. Puis, petit à petit, en explorant les caractéristiques des genres et en faisant des bouts d’essai, je suis allée vers la romance et depuis, j’y suis restée. Et j’adore ça. Ce qui m’a tout de suite plu, c’est de raconter une vraie histoire avec des péripéties, des actions, parfois du suspense et de l’écrire en ayant à l’esprit le plaisir du lecteur (souvent de la lectrice car c’est un genre plébiscité par les femmes). Comment avez-vous appris à écrire de la romance ? En termes de construction, des différents codes du genre, d’écriture, etc. ? Je ne peux pas dire que j’ai appris de telle ou telle façon mais je peux affirmer que j’ai beaucoup travaillé et que je continue à suer sang et eau pour chaque nouveau roman ! Le premier essai de romance que j’ai fait c’était pour un concours (décidément on dirait que les concours ratés ont été décisifs dans mon parcours) mais je crois que j’ai dû effrayer dès les premières lignes car ça se passait dans un univers pas du tout glamour. Ce qui en soi pourrait ne pas être un problème, mais le problème majeur était que je ne savais pas vraiment ce qu’était la romance. [caption id="attachment_5484" align="aligncenter" width="580"] Il existe de nombreux livres de techniques d'écriture sur la romance.[/caption] [quote align="center" color="#999999"]Si code impératif il y a, c’est que tout se termine bien pour les protagonistes. Mais avant cela, ils vont rencontrer un tas de difficultés d’ordre personnel ou extérieur (ennemis et embuches diverses), ce qui va leur permettre d’affermir leur amour et de mener ensemble ce combat contre l’adversité.[/quote] Aujourd’hui je dirais que c’est un genre dit mineur, parfois décrié voire un peu gaussé, mais qu’en gros c’est un roman sentimental dont le cœur est une histoire d’amour qui fait rêver. Si code impératif il y a, c’est que tout se termine bien pour les protagonistes. Mais avant cela, ils vont rencontrer un tas de difficultés d’ordre personnel ou extérieur (ennemis et embuches diverses), ce qui va leur permettre d’affermir leur amour et de mener ensemble ce combat contre l’adversité. Lisez-vous beaucoup de romances ? Y-a-t-il des auteurs de romances qui ont été des modèles pour vous ? Finalement, je n’en lis pas tant que ça. J’en ai lu quelques-unes avant de commencer à en écrire, j’en lis encore de temps à autre, mais en fait, j’ai presque peur qu’elles m’influencent trop. Alors je préfère lire de tout comme je l’ai toujours fait, des romans français ou étrangers, classiques, psychologiques historiques, policiers, d’aventures, des mémoires, bref un peu de tout et en bonne quantité. Il me semble que cela nourrit mieux mon imaginaire et mon écriture. De la même façon, il me semble qu’aller voir une expo ou un spectacle m’apporte énormément. Je ne crois pas à l’hyper spécialisation en littérature quelle qu’elle soit, on n’a jamais vu un aquarelliste n’aller voir que des expos d’aquarelle ! [caption id="attachment_5494" align="aligncenter" width="560"] Romans classiques qui ont inspiré Louise Valmont : Madame Bovary, de Flaubert, L'amant de Lady Chatterley de D.H. Lawrence, et plus contemporain, Cinquième Avenue, de Bushnell (auteure de Sex and the City).[/caption] Côté inspiration, je citerais des livres classiques, peut-être de lointains parents-ancêtres de la romance comme L’amant de Lady Chatterley ou Madame Bovary et plus proche de nous, certains romans américains contemporains comme ceux de Donna Tartt, Russell Banks ou Siri Husdvedt. La différence c’est que ces livres que je cite ne finissent pas forcément bien ! Alors, disons que mon modère pourrait être 5ème avenue de Candace Bushnell qui n’est pas à proprement parler de la romance. Donc pas de modèle en réalité, mais des inspirations que je puise dans toutes mes lectures. Il y a beaucoup de sous-catégories de romance (romance érotique, romance historique, etc… voire aussi des collections particulières). Avez-vous voulu vous inscrire/vous inscrivez-vous dans une sous-catégorie précise ? Y-en-a-t’il une que vous aimeriez essayer ? Si oui, pourquoi ? J’écris des romances érotiques, ce qui est une des spécificités de la maison d’édition chez qui je publie, les éditions Addictives. Érotique veut dire que vous avez des scènes de sexe au fil de l’intrigue, qui font partie de la montée en puissance de la relation amoureuse qui unit les deux personnages. Au début, j’ai eu du mal à trouver la bonne mesure pour cette scène, soit c’était trop gnangnan, soit un peu trop hard. D’ailleurs, après l’envoi de ma première scène de sexe à mon éditeur, ça m’a valu de sacrés fou-rire avec des copines quand j’ai réalisé que j’avais envoyé une scène limite porno à mon éditeur. À priori, il ne m’en a pas tenu rigueur ! Deux de mes romances, Play with Me et la dernière parue Mine Again, sont classées en romances à suspense : en effet, dans ces deux romans, l’histoire d’amour se développe au milieu d’ennemis, de sombres machinations ou de secrets familiaux dont le but est de détruire les héros qui doivent résoudre difficultés et mystères avant de pouvoir devenir pleinement eux-même et vivre leur amour en toute sérénité. Quels sont les codes ? En terme de structure de l’histoire, d’intrigues, de personnages, d’écriture, etc. [quote align="right" color="#999999"]Outre l’issue positive, il doit y avoir de l’amour et des problèmes ![/quote] Outre l’issue positive, il doit y avoir de l’amour et des problèmes ! Ainsi, ce qui commence souvent par une attirance intense et irrépressible se heurte très vite à des interdits d’ordre personnel, extérieur, professionnel ou social que les héros vont combattre, comprendre et arriver à dépasser. Donc généralement, il se passe plein de choses pour chacun d’eux et ensemble avant qu’ils n’y arrivent…  Comme dans la vie, ils rencontrent aussi des gens qui ne les aiment pas, des amis qui n’en sont pas et des rivaux qui vont chercher à empêcher leurs projets de se réaliser. Bien sûr les personnages principaux, hommes et femmes, sont généralement beaux, intelligents et très sexy, mais aussi indépendants et souvent riches, au moins pour l’un des deux car si l’aspect matériel ne fait pas le bonheur, ça aide à faire plaisir à l’autre. S’il y a une règle majeure en romance, pour moi, c’est qu’en lisant, on doit pouvoir s’identifier très rapidement. Si ça ne marche pas, c’est qu’il y a un problème. Enfin, en matière d’écriture, je suppose que chaque maison d’édition a ses préférences de style, mais il y a souvent de l’humour, pas mal de dialogues et une narration à la première personne. [quote align="center" color="#999999"]S’il y a une règle majeure en romance, pour moi, c’est qu’en lisant, on doit pouvoir s’identifier très rapidement. Si ça ne marche pas, c’est qu’il y a un problème.[/quote] Quels sont les « interdits », les choses à ne surtout pas faire ? En terme de structure de l’histoire, d’intrigues, de personnages, d’écriture, etc. Je suppose que dire la fin serait une grosse erreur ! Ou ne pas amener l’histoire à son terme, l’amener sans l’avoir préparée, ouvrir plein de pistes et ne pas les refermer, être incohérent ou absolument pas crédible, utiliser trop de ficelles, avoir de mauvais dialogues, des descriptions trop longues, des développements inutiles pour faire avancer l’histoire, une intrigue mal ficelée ou trop molle, des personnages stéréotypés monolithes. Il faut aussi éviter de noyer son lecteur, ou au contraire de le guider un peu trop en lui expliquant tout. Mais ce sont des interdits propres à tout type d’écriture, non ? [caption id="attachment_5490" align="alignright" width="300"] Il existe des livres de techniques spécifiques à l'écriture de la romance érotique.[/caption] Ces codes et interdits diffèrent-ils selon les maisons d’éditions ? Je suppose que certains codes restent assez semblables (happy end, amour, péripéties et évolution) cela doit différer pour les subtilités (plus ou moins de sexe, plus ou moins d’humour etc…) mais comme je n’ai jamais travaillé ailleurs, je ne peux pas vous dire ! Quel est votre méthode de travail ? exemple : vous avez une idée, vous sous-mettez un résumé d’une potentielle histoire à votre éditeur, puis si le projet est accepté, vous retravaillez, puis peut-être découpez-vous les différentes scènes, etc. et écrivez ? Vous écrivez des histoires en plusieurs tomes : est-ce que vous pensez l’histoire en entier avant de découper en différents tomes ? [quote align="right" color="#999999"]Après cette première étape, je développe l’histoire sur quelques pages puis chapitre par chapitre, ce qui me permet ensuite de découper en volumes en y insérant quelques cliffhangers si nécessaire[/quote] Avec mon éditeur, nous communiquons beaucoup avant, pendant et après : chaque projet est ainsi le résultat d’une collaboration auteur/éditeur très importante. Cela débute avec le projet qui part en général d’une idée plus ou moins développée ou d’un univers qui m’intéresse. Par exemple pour Play with me, l’histoire d’une jeune styliste qui bosse comme assistante à tout faire dans une agence de mannequins, le point de départ c’était une coloc, un amour interdit et le secteur de la  mode, soit un univers de papier glacé qui fait rêver mais aussi plein de chausse trappes. Pour Toi & moi c’est compliqué, j’ai eu envie de travailler sur une sorte de huis-clos, puis ça s’est précisé en parlant vacances entre amis avec des copains échaudés par ce genre d’aventures de groupe, qui peuvent être aussi cauchemardesques que paradisiaques. Après cette première étape, je développe l’histoire sur quelques pages puis chapitre par chapitre, ce qui me permet ensuite de découper en volumes en y insérant quelques cliffhangers si nécessaire. Je suis assez perverse avec mes personnages pour lesquels rien n’est jamais simple ni acquis. Puis j’écris. Et quand je commence cette phase, c’est comme si j’entrais totalement dans le livre. Plus rien n’existe, j’en oublie parfois de manger, de dormir, de voir des gens. Je vis l’histoire à fond, ce qui n’est pas toujours facile pour les êtres vivants avec lesquels je partage mon quotidien ! [quote align="center" color="#999999"]Je suis assez perverse avec mes personnages pour lesquels rien n’est jamais simple ni acquis.[/quote] Combien de temps la préparation et l’écriture d’un tome vous prend-t-il ? De l’ensemble des tomes ? Écrire tous les épisodes d’une série, soit l’histoire en entier me prend entre 6 et 8 mois et c’est une période très intense. Je crois que je travaille très lentement, et qu’en plus je suis perfectionniste. Pourriez-vous définir ce qui plait dans la romance ? Que cherchent les lectrices/lecteurs lorsqu’ils lisent de la romance ? Pour moi, la romance crée des émotions et permet de se sentir vivant. Ce qui plait, c’est sans doute cette capacité à apporter du rêve et de l’évasion. Elle permet d’entrer dans un monde différent, de rencontrer d’autres gens, de voir que l’on peut être comme eux ou différents, et peut-être de se remettre en question car elle parle de ce qui nous préoccupe : le travail, l’amour, le couple, l’amitié, les rivalités, la mort, la sexualité, la famille... Mais les héros (parce qu’ils sont les héros) ont cette force que l’on admire et que l’on voudrait toujours avoir : ténacité, endurance, passion, volonté, ils sont à 100 %. C’est en effet rare de voir un héros mou, apathique et sans flamme ! Au fond, on les aime car ils sont nous, en version intense. Ils se battent pour vivre leurs passions, avoir la vérité, obtenir la justice.… [quote align="left" color="#999999"]Je crois que le secret de la romance, comme de toute lecture, est qu’elle permet de mieux comprendre qui nous sommes et de ne pas se sentir isolé en tant qu’être humain.[/quote] Je crois que le secret de la romance, comme de toute lecture, est qu’elle permet de mieux comprendre qui nous sommes et de ne pas se sentir isolé en tant qu’être humain. D’ailleurs, en ce qui concerne la romance, il y a plein de communautés de fans et de blogs de partage. Je ne suis pas sûre que d’autres types de littérature soient aussi fédérateurs ! [caption id="attachment_5493" align="aligncenter" width="960"] "Mais ce qui fait rêver… ce sont souvent des univers où tout a l’air beau, plaisant, paradisiaque et où les gens ont l’air libres et épanouis." L. Valmont[/caption] Vous écrivez à la première personne, au présent, du point de vue de la protagoniste. C’est une préférence de la maison d’édition ? Qu’est-ce que ce point de vue permet selon vous ? Est-ce que ce point de vue vous contraint parfois, par rapport à la 3eme personne focale (ou subjective) ? Écrire à la première personne est un des codes récurrents du genre. Cela permet dès les premières lignes d’être en prise directe avec le personnage principal en se situant dans son champ de vision, dans ses pensées, dans sa façon de comprendre le monde qui l’entoure et même dans ses rêves les plus secrets. On est tout de suite dans le cœur de quelqu’un et on peut l’entendre vibrer et battre. Si c’est réussi, le lecteur peut s’identifier très rapidement et aura envie d’en lire plus. J’aime beaucoup ce point de vue qui permet d’être au plus près de ce qui est éprouvé et ressenti. L’emploi du présent renforce cette possibilité d’immersion totale. [caption id="attachment_5482" align="alignright" width="300"] Publication papier de la série Toi et Moi, c'est compliqué ![/caption] Évidemment, cela limite le point de vue à ce que peut voir, savoir ou penser le personnage et il faut tenir cette focale tout du long, soit sur plus de 600 pages. Or ce personnage est juste un humain comme nous donc il n’a pas toutes les clés du problème en mains. Il y a donc des informations que l’on devra faire passer autrement au lecteur, via des dialogues, des lectures ou des faits rapportés. Dans Mine Again, les points de vue alternent selon les chapitres entre les deux protagonistes principaux : au début, j’avais un peu peur de me répéter, mais finalement j’ai trouvé l’expérience amusante, riche et stimulante. Cela m’a permis de montrer qu’une même situation peut être interprétée très très différemment selon de quel côté on se place et que les malentendus (un vrai ressort de la romance) arrivent vite. [quote align="right" color="#999999"]Cela m’a permis de montrer qu’une même situation peut être interprétée très très différemment selon de quel côté on se place et que les malentendus (un vrai ressort de la romance) arrivent vite.[/quote] Faites-vous un travail de réécriture ? Sur quels aspects ? Sur tous les aspects. Je traque les répétitions, les contradictions, les erreurs de chronologie, de détails (si le héros a un tatouage sur l’épaule droite, veiller à ce qu’il l’ait toujours à droite !). Comme j’ai tendance à écrire au kilomètre quand je suis lancée et à faire des scènes qui n’en finissent plus, mon éditeur coupe les parties redondantes et fait ça très bien, bien mieux que moi. Je réécris aussi parfois complètement certaines scènes parce qu’elles ne tiennent pas la route : trop descriptives, trop molles, trop bavardes. J’ajoute aussi des émotions, des réactions, je me pose la question de comment va réagir le personnage si l’autre lui dit ça ? Je vérifie si ça fonctionne avec le caractère du personnage et si la réponse est non, il faut réécrire. J’essaie aussi de reprendre les dialogues, de les rendre plus incisifs car souvent leur première version est mauvaise et manque de rythme. [quote align="left" color="#999999"]Je réécris aussi parfois complètement certaines scènes parce qu’elles ne tiennent pas la route : trop descriptives, trop molles, trop bavardes.[/quote] Où trouvez-vous vos idées ? Partout. En observant dans la rue, dans le métro, en écoutant les histoires de mes amis, au bureau, en famille, en piochant dans mes souvenirs, en visitant une expo ou en me baladant dans un parc. Après je mélange le tout et hop !   La romance a un côté « glamour » « irréel » « qui fait rêver », et c’est un peu cela que les lectrices/lecteurs cherchent. Comment faites-vous pour créer des univers glamours originaux ? Je fouille, je fais des recherches, je me renseigne, je lis des trucs sur Internet, je regarde des vidéos, des séries TV, je consulte des articles, des biographies, des manuels… Je vais parfois faire des interviews pour en savoir plus sur un univers, comme par exemple une directrice de casting pour Play with Me ou une travailleuse sociale pour Mine Again. Mais ce qui fait rêver… ce sont souvent des univers où tout a l’air beau, plaisant, paradisiaque et où les gens ont l’air libres et épanouis. Mais même quand on écrit et lit de la romance, on sait que ce n’est pas vrai, qu’il y a toujours un envers au miroir et que tout n’est pas si merveilleux et simple que ça en a l’air.  C’est vrai de la sphère professionnelle, mais aussi des familles, des amitiés, des relations avec les autres. Ce fameux glamour permet de faire rêver et s’évader mais il permet aussi de parler du reste qui, parfois, peut être très glauque : pour les mannequins par exemple, c’était le travail de filles trop jeunes, leur quasi exploitation, l’anorexie et la vie décalée qu’elles mènent. De la même façon, les familles riches et formidables en apparence font rêver mais elles ont toutes leurs secrets et leurs petits crimes.  Pour moi, le glam, c’est les paillettes, ce qui en met plein la vue, mais c’est aussi le contraste. Aussi, à chaque fois, j’essaie aussi de montrer le côté sombre, que ce soit la drogue, l’envie, le mensonge, la fausseté, la jalousie…   Pourriez-vous nous montrer un bref extrait d’une de vos romances et nous expliquer quel était l’objectif vis-à-vis du lecteur et quels sont les moyens techniques que vous avez mis en œuvre pour  l’atteindre ? Pouvez-vous nous montrer, comment « cela fonctionne » ? Méthode : une relecture de mes éditrices qui n’ont pas le nez dans le guidon comme moi, des coupes, des verbes d’action, moins de pensées et de bla-bla, et mieux correspondre au caractère du personnage principal, impulsif et entier. Objectif : donner davantage à voir la rapidité de la scène, l’attaque surprise, la réactivité à fleur de peau mais aussi le côté chevaleresque du personnage. [tab] [tab_item title="VERSION 1"] Version 1 (extrait de la V1 de Mine again) Je n’ai pas le temps de comprendre que tout le poids du joueur de rugby me tombe sur le dos, tandis que ses mains tentent de m’étrangler. Pris de court, déséquilibré, je chancelle sous son poids, puis je donne un coup de reins qui nous fait basculer, le type et moi sur le côté. Il se récupère mieux que moi qui me mange l’angle de la table basse. En me remettant debout, j’essuie ma lèvre sur le dos de ma main tout en fixant ma rose des vents couverte de sang. Je déteste me battre… Face à moi, campé sur ses pieds écartés, Oliver se tient droit, prêt à me terrasser. Son sourire s’épanouit, déjà victorieux à l’idée du combat. Mes doigts sont bien trop précieux pour risquer de les abimer… « Et assurés une fortune », dirait Tyler qui serait furieux s’il me voyait en ce moment. Dis donc Oliver, demandé-je en détachant les syllabes de son prénom, on t’a jamais dit que ça ne se faisait pas ? Tandis que je vérifie un à un que mes doigts fonctionnent, l’air narquois d’Oliver s’accentue. Attaquer par derrière, ce n’est vraiment pas loyal ! continué-je tranquillement. Presque impatient d’en finir, il soupire avec dédain. Pas rancunier, je lui souris puis…Sans modifier d’un millimètre ma position, je lui envoie une droite en pleine face suivie d’une gauche pile sur la tempe. Puis une autre droite sous le menton. Sonné, les yeux en soucoupe, il me regarde en vacillant, tout en tentant de riposter dans le vide. Tu vois, moi, ça fait dix minutes que je me retiens de t’éclater la gueule et là, y’a plus rien qui me retient, je me sens libre ! dis-je en lui rendant coup pour coup chacun des mots blessants adressés à Willow. Trois minutes plus tard, après une courte résistance que j’écrase avec minutie, Oliver git au sol, à peu près dans le même état que ses fleurs. Et voilà, maintenant, tu peux rentrer bien sagement chez toi, dis-je en me laissant tomber dans le canapé. [/tab_item] [tab_item title="VERSION 2"] Version 2 (celle qui a été publiée dans Mine again) Un cri de guerre me déchire soudain les tympans. Une volée de coups s’abat sur mes omoplates suivi d’un corps qui se jette sur moi. Surpris, je vacille sous un poids lourd et agité : Oliver. Soufflant comme un taureau dans ma nuque, il cherche à me ceinturer. Je titube quelques secondes puis bandant tous les muscles de mon torse, je glisse mes mains entre l’étau de ses bras et le repousse en tordant son épaule droite vers l’arrière. Il rugit en reculant. Je pivote comme une toupie pour lui faire face. Ramassé sur lui-même, il me cueille d’une droite monumentale sur la tronche. Je ne l’avais pas vue venir celle-là. La bouche en sang, je vois au moins dix systèmes solaires. Mais faut pas me chercher ! Tendant le bras, je l’attrape par le col. Un bruit craquant de déchirure s’échappe de son costume et je lui colle un poing dans le bide. Il se plie en deux. Sans lui laisser le temps de prier, je le remonte vers le ciel d’une droite au menton. Sonné, les yeux en soucoupe volante, il me regarde en vacillant, tout en tentant de riposter dans le vide. Un crochet sur la tempe l’étale sur le sol. À peu près dans le même état que ses fleurs. J’essuie ma lèvre sur le dos de ma main tout en fixant ma rose des vents couverte de sang. Puis je lui tends la main pour qu’il se relève. Mais ce trouduc refuse. Va mourir ! [/tab_item] [/tab] Avez-vous d’autres projets d’écriture, hors romance ? Oui, des nouvelles, un roman psychologique qui n’avance pas… J’ai des tonnes de projets, romances ou pas, notés dans des petits carnets empilés sur mon bureau et souvent je me dis que je ne vais jamais avoir assez de temps pour écrire tout ça. Mais si la vie est comme la romance, ça devrait bien finir :-) Un grand merci aux Artisans de m'avoir proposé cette interview ! Remerciements à Louise Valmont et les Editions Addictives. Pour découvrir les romances de Louise Valmont c'est ici ! Interview : Coline Bassenne  ]]> 5463 0 0 0 ]]> ]]> Écrire du Polar #4 : Anne-Céline Dartevel http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-du-polar-4-anne-celine-dartevel/ Fri, 25 Jan 2019 14:19:45 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5516 Anne-Céline Dartevel - Quai du Polar 2018[/caption]

« Les concours de nouvelles sont une très bonne école d’écriture. »

Jeune auteure prometteuse, Anne-Céline Dartevel a publié deux novellas noires aux Editions In8 : Pop Fiction et Wild Girl (dans le coffret Autour de minuit). Elle répond aux questions des Artisans de la fiction.     [quote align="right" color="#999999"]Et la brièveté de l’histoire me permettait de beaucoup retravailler la forme. [/quote] Les Artisans de la fiction : Pouvez-vous nous décrire votre parcours d’écrivain ? Comment tout cela est né ? Anne-Céline Dartevel : Comme beaucoup de monde, j’ai commencé à écrire lors de mon enfance et adolescence. J’écrivais des bribes d’histoires, de futurs grands romans qui s’arrêtaient au bout de dix pages et que, bien entendu, je ne finissais jamais. Puis j’ai passé un long moment sans écrire. Lorsque j’ai eu la trentaine, j’ai découvert les concours de nouvelles. J’ai participé à un premier concours, puis à un deuxième… Ces quelques années ont été pour moi une réelle école d’écriture. D’abord parce que j’ai découvert un format d’écriture qui me convenait car je pouvais faire aboutir une histoire assez rapidement. Et la brièveté de l’histoire me permettait de beaucoup retravailler la forme. Travailler la forme, ça me plaît. Ensuite, les concours de nouvelles imposent un thème, une photo, quelques mots à utiliser. Ce sont de bons moteurs pour se mettre à écrire. [quote align="center" color="#999999"] je me suis mise à lire et analyser des nouvelles[/quote]Ces concours de nouvelles sont donc une très bonne école d’écriture, surtout lorsqu’elles donnent lieu à une publication dans des recueils collectifs. C’est très gratifiant d’être publié, et ça permet de rencontrer d’autres auteurs débutants et aussi des auteurs confirmés. Et puis, à force de participer à ces concours, je me suis mise à lire et analyser des nouvelles, ce que je ne faisais que très peu… et à lire du Noir ! En remportant plusieurs concours de nouvelles policières ou noires, j’ai découvert un tas d’auteurs. Jean-Bernard Pouy, Marc Villard, Marin Ledun, Hervé Le Corre, par exemple : j’ai commencé à les lire à trente-cinq ans passés. Et ces lectures ont contribué à nourrir mon écriture, à davantage construire mes histoires. A force d’écrire des nouvelles, votre regard de lectrice a dû se transformer ? [quote align="right" color="#999999"]Et ces lectures ont contribué à nourrir mon écriture, à davantage construire mes histoires.[/quote] Je me souviens que lorsque je me suis mise à écrire sérieusement, j’avais l’impression de lire avec plus de plaisir et d’appétit. C’est vrai qu’à force de manier les mots, ma lecture se modifie. Parfois, en lisant, on se dit qu’on arrivera jamais à faire aussi bien, parfois cela peut donner des pistes de construction, et parfois on trouve cela complétement nul. Ce qui change, c’est qu’on se pose régulièrement la question : comment c’est fait, comment il s’y est pris ? Un peu comme si on essayait de découvrir des secrets de fabrication. De toute façon, quand c’est vraiment bon, on se laisse porter par le plaisir. [quote align="center" color="#999999"]Ce qui change, c’est qu’on se pose régulièrement la question : comment c’est fait, comment il s’y est pris ? Un peu comme si on essayait de découvrir des secrets de fabrication. [/quote] Vous avez publié plusieurs novellas. Pouvez-vous nous parler du travail réalisé avec les éditeurs ? La personne avec qui j’ai beaucoup travaillé est Marc Villard, écrivain et nouvelliste – il a publié une trentaine de recueils – et directeur de la collection Polaroid aux éditions In8. J’ai rencontré Marc Villard au Salon « Noir sur la ville » de Lamballe en 2012 et il m’a proposé de lui envoyer un texte – format novella – sans, bien entendu, aucune garantie de publication ! (Je me souviens de sa formule : « le juge de paix, c’est le texte.»). Je lui ai envoyé un premier manuscrit l’année suivante. Ce texte ne lui a pas plu et Marc m’a fait des retours négatifs que je n’ai pas su prendre en compte et qui, à l’époque, m’ont beaucoup découragée. J’ai retenté ma chance deux ans plus tard et son retour a cette fois été laconique et positif : «c’est bien ». Marc m’a ensuite proposé des pistes de retravail. Il m’a par exemple dit que mon premier chapitre était beaucoup trop narratif, descriptif. Le format court de la novella ne laisse pas le temps à un chapitre d’exposition. Il faut rentrer très vite dans l’action. Suite à ces conseils, j’ai donc beaucoup retravaillé ce premier chapitre pour que le lecteur puisse entrer directement dans l’histoire. Le reste des propositions de Marc Villard concernait des détails. Mon héros étant accordéoniste, Marc m’a suggéré de lui faire jouer de l’accordéon dans l’une des scènes. Il m’a fait retravailler quelques aspects formels, des expressions redondantes, ce genre de choses. Et puis nous avons retravaillé la fin de la novella. [caption id="attachment_5525" align="aligncenter" width="480"] Anne-Céline Dartevel - Quai du Polar 2018[/caption] [quote align="right" color="#999999"]Le format court de la novella ne laisse pas le temps à un chapitre d’exposition. Il faut rentrer très vite dans l’action.[/quote] J’ai adoré ce travail. Pour une jeune auteure, qu’un écrivain confirmé comme Marc Villard prenne le temps de produire des retours argumentés sur le texte, c’était instructif. Du coup, j’ai retravaillé mon texte et envoyé mon deuxième jet. C’était bon pour lui. Dans un deuxième temps, j’ai travaillé  avec Sylvie Lemaire qui fait un gros travail de relecture et de correction chez In8. Le travail consistait à préciser certains mots, éviter certaines répétions, approximations : un travail de reformulation très fouillé. Entre vos premières nouvelles et maintenant, en quoi votre manière d’aborder une histoire a changé ? Qu’avez-vous appris ? C’est difficile à dire. Lorsque j’ai envoyé mon premier manuscrit à In8, je me souviens d’une phrase de Marc Villard. Cette phrase m’a vraiment marqué, il avait écrit : Si tu veux persister à écrire du « noir », il faut que tu durcisses ton écriture. Et c’est vrai que lorsque je relis mes textes d’il y a quelques années, certains passages sont beaucoup trop « écrits », c’est-à-dire écrits de manière trop classique. Le revers de la médaille serait peut-être d’avoir perdu une certaine « innocence ». Le plaisir d’écriture n’est pas tout à fait le même que lorsque j’ai commencé les concours d’écriture, l’aspect ludique propre aux concours est un peu moins présent, on se met – peut-être – d’avantage la pression… Pop Fiction, Anne-Céline Dartevel Coffret Autour de minuit, Anne-Céline Dartevel Remerciements : Anne-Céline Dartevel, Laura Combet & Quai du Polar  ]]>
5516 0 0 0 ]]> ]]>
Conseils d'écrivains #2 : Kurt Vonnegut Jr http://www.artisansdelafiction.com/blog/conseils-decrivains-2-kurt-vonnegut-jr/ Thu, 11 Apr 2019 09:04:19 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5570 "Chaque personnage devrait vouloir quelque chose, même si c’est un verre d’eau." [caption id="attachment_5572" align="alignleft" width="254"] Kurt Vonnegut Jr, dans son bureau.[/caption]

Kurt Vonnegut Jr (auteur de « Abattoir N°5 », « Le déjeuner des champions », « Le berceau du chat » 10/18) a été professeur de Creative Writing à l’université de L’Iowa, où il a, entre autre, enseigné à John Irving.

Kurt Vonnegut Jr est né à Indianapolis en 1922. Il a étudié la biochimie à l'Université Cornell. Il a servi en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et il a été témoin, en tant que prisonnier de guerre en Allemagne, de la destruction de Dresde par les bombardiers alliés, une expérience qui a inspiré son roman classique Abattoir N°5. Il est l'auteur de treize romans, de trois recueils de contes et de cinq livres documentaires. IKurt Vonnegut Jr  est décédé en 2007 et demeure aujourd'hui encore un des écrivains de la contre-culture américains les plus aimés et les plus influents.

Voici ses conseils à de jeunes écrivains : 

 

1 Disposez du temps de votre lecteur, que vous ne connaissez pas, de façon à ce qu’il n’ait pas l’impression de perdre son temps.

2. Donnez au lecteur au moins un personnage sur lequel il ou elle puisse s’appuyer.

3. Chaque personnage devrait vouloir quelque chose, même si c’est un verre d’eau.

4. Chaque phrase doit faire une de ces deux choses : nous en apprendre sur le personnage ou faire avancer l’action.

5. Débutez aussi près de la fin que possible.

6. Soyez sadique. Peu importe à quel points vos protagonistes soient tendres et innocents, faites-en sorte que des choses affreuses leur arrivent –de manière à ce que le lecteur découvre de quelle étoffe ils sont faits.

7. Ecrivez pour satisfaire un seul lecteur. Si vous ouvrez une fenêtre pour faire l’amour au monde entier, votre roman attrapera une pneumonie.

8. Donnez à vos lecteurs autant d’information que possible, le plus tôt possible. Au diable le mystère. Les lecteurs doivent avoir une telle compréhension de ce qui se passe, de là où ça se passe et de pourquoi ça se passe qu’ils pourraient eux-mêmes finir l’histoire, même si des cafards dévoraient les dernières pages.

 

]]>
5570 0 0 0 ]]> ]]>
Écrire du Polar #5 : Marion Brunet http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-du-polar-5-marion-brunet/ Fri, 15 Mar 2019 11:20:07 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5635 « C'est le goût pour les histoires qui m'a donné envie d'en faire. » Marion Brunet publie des romans jeunesse depuis 2013 aux Editions Sarbacane. En 2018, elle écrit un roman noir pour adulte, L'Été circulaire, publié chez Albin Michel, avec lequel elle est lauréate du grand prix de littérature policière 2018. Elle répond aux questions des Artisans de la Fiction. Les Artisans de la Fiction : Tu as commencé à publier en « jeunesse », et tu viens de sortir un roman pour adultes : pourquoi ce changement ? Est-ce qu’il y avait trop de contraintes dans le roman « jeunesse » ? Marion Brunet : J’ai commencé à publier des romans « jeunesse » dans la collection Exprim’, chez Sarbacane. Une super Maison. Cette collection est vraiment particulière – il y en a d’autres bien sûr, je ne dis pas que c’est la seule – car elle rassemble non seulement des bouquins de qualité mais qui, en plus, font vraiment la jonction ado-adultes. On n’est pas du tout contraint, en terme de lectorat. On ne me demande pas d’adapter l’écriture, de ne pas mettre de violence ou de sexe par exemple. S’il doit y en avoir, il y en aura. On ne me demande pas non plus d’éviter un langage cru. Enfin, il n’y a aucune contrainte de ce type. J’ai donc commencé dans cette collection sans avoir vraiment le sentiment de commencer en « jeunesse ». Simplement, je me suis rendu compte qu’il y avait tout de même des choses sur lesquelles, de manière inconsciente, je me limitais. Et donc j’ai eu envie d’écrire un roman noir pour adultes. Y a-t-il des règles en littérature jeunesse ? En terme de construction ? J’écris aussi en 8-12 ans, donc vraiment « jeunesse », et là c’est encore autre chose : on a d’autres contraintes. Je disais que dans la collection Exprim’, on peut avoir du sexe et de la violence sans problème, mais évidemment, dans les bouquins 8-12 ans, il y a une charte plus carrée, notamment en ce qui concerne la vulgarité et les gros mots. Il y a des choses qu’on ne peut pas dire. On ne va pas écrire des trucs horribles et violents. On est vraiment dans le domaine de l’enfance. Quand on est du côté de l’adolescent, c’est différent : pas de contraintes particulières. [quote align="right" color="#999999"]Dans la tragédie, il peut y avoir un peu d’espoir.[/quote]Je pense que la différence entre la « jeunesse » et en adulte, ne se situe pas forcément sur l’écriture – même si de fait, il y a des conséquences –, mais peut-être plus sur une certaine noirceur de fond. Par exemple, je peux parfaitement écrire des tragédies en littérature ados, sur des choses dures. Dans mes trois livres ados, il y en a deux dans lesquels il y a, au moins, un mort. Ce n’est vraiment pas des histoires légères, feel good ou autres. Pas du tout. Mais, il y a un fond d’espoir. Dans la tragédie, il peut y avoir un peu d’espoir. Dans le dernier roman que j’ai écrit, L’été circulaire, pour adulte, il y a des choses qui tournent autour du déterminisme par exemple. C’est un peu déprimant quand même. Alors que quand j’écris en jeunesse, j’ai plutôt envie, même malgré moi, de leur filer la niaque. Même en racontant des histoires tristes, je ne veux pas plomber. Plutôt une dimension de transformation positive ? Je pense, oui. Mais pas non plus une sorte de message ou une fin Bisounours, bien sûr. Tu racontes des histoires ? Toujours. Je raconte des histoires. La narration pour moi c’est important. Comment t’es-tu formée à la narration ? [quote align="right" color="#999999"] Je raconte des histoires. La narration pour moi c’est important.[/quote] D’abord, j’ai lu énormément. J’étais une très grande lectrice, très jeune. Je lisais beaucoup de romans d’aventures. Les premiers que j’ai adorés c’était Jack London, Alexandre Dumas avec Les trois Mousquetaires, Stevenson, etc. On est dans la narration, dans l’aventure. Pour Dumas, c’était le feuilleton : le page turner avant l’heure. J’ai toujours aimé ça : qu’on me raconte des histoires. Ensuite, il y a le goût de la langue. Comment on joue avec la langue, comment on la déroule ? On ne raconte pas la même histoire selon la langue qu’on emploie. Mais j’aime, effectivement, raconter des histoires. Le travail de construction d’une histoire, tu l’as appris en lisant, en relisant, en décortiquant ? Pas forcément en décortiquant, mais je pense que c’est le goût pour les histoires qui m’a donné envie d’en faire. Mais attention, comme tout le monde, j’ai écrit des trucs chiants comme la mort, dans des périodes où je ne savais pas trop si j’étais entre la poésie, l’autofiction, etc… Des trucs imbitables, j’en ai fait. Qu’est-ce qui a été un tournant pour toi ? Parce qu’on peut continuer à faire ça longtemps. Je crois que c’est des trucs qui sont en lien avec soi-même dans la vie. Il y a un moment où tu as envie d’être plus en phase avec toi, d’être plus en phase avec ce que tu es, et non pas avec ce que tu imagines que tu voudrais être. Et du coup, on le retrouve dans ce que tu écris. Aussi, le tournant, ça a été un recueil de nouvelles que j’ai écrit. Il n’a jamais été publié mais j’avais eu de bons retours, des retours d’éditeurs que j’aimais bien, et qui m’avaient dit : « On ne fait pas de nouvelles, mais celles-là elles nous ont vraiment plu. » J’avais renoué avec mes vieilles amours : l’aventure. Dans certaines des nouvelles il y avait des histoires de pirates, ou des pêcheurs, des gars qui prenaient la mer, etc. On était entre l’aventure fiction – les choses que j’avais aimées étant enfant –, et l’univers ouvrier, avec des pêcheurs qui en chiaient pour aller pêcher la morue, etc. Tu t’étais nourrie de tes expériences ? De tes champs de connaissance pour écrire ces nouvelles ? [quote align="left" color="#999999"]Le fait d’écrire en « jeunesse », accompagne le travail de fiction : on attaque tout de suite une histoire.[/quote]C’est tellement vaste la façon dont on est nourrie… Je crois que j’ai beaucoup été nourrie par la bibliothèque familiale. Il y avait énormément de livres à la maison. J’ai eu cette chance. Je crois que, pour moi, c’est l’aventure (toute la narration à laquelle j’avais accès depuis l’enfance) qui a rencontré des thématiques plus politiques, qui dans ma vie, m’ont secouées et m’ont construites en fait. Un certain militantisme, des choses comme ça. Quand tu es passé de l’écriture de nouvelles à l’écriture d’un premier roman, tu as été accompagnée par un éditeur ? Oui, j’ai fait une belle rencontre avec l’éditeur de la collection Exprim’, chez Sarbacane, Tibo Bérard. Il fait un super boulot d’accompagnement avec les auteurs, et en plus c’est un type extrêmement enthousiaste qui booste beaucoup, mais qui en même temps pinaille pour plein de choses dans le texte. On a beaucoup travaillé ensemble, il m’a appris plein de choses. C’est quelqu’un qui a, comme tout bon éditeur, la capacité d’aller chopper chez chaque auteur, le truc dans lequel il est bon, et de lui dire : « attention, là-dessus t’es un peu plus faible, mais par contre, là-dessus t’es bon, alors vas-y, développe, éclate-toi sur cette chose-là. ». Il m’a donc appris, entre autres, à repérer où étaient mes forces et où étaient mes fragilités. Je pense aussi que le fait d’écrire en « jeunesse », accompagne le travail de fiction : on attaque tout de suite une histoire. La langue est super importante bien sûr, mais on est là surtout pour raconter une histoire. Que ce soit en « jeunesse » ou en adulte, pour moi, c’est hyper important. Sur le plan de l’écriture, comment s’est passé la transition entre littérature « jeunesse », ados, adulte, à l’écriture de polars ? [quote align="right" color="#999999"]C’est le goût pour les histoires qui m’a donné envie d’en faire[/quote]Pour moi c’est une continuité. Je n’ai pas eu l’impression que la différence était si radicale. J’ai des lecteurs qui ont aimé les bouquins « jeunesse » et qui ont aimé aussi L’été circulaire. Ils l’ont lu comme une continuité. Et certains lecteurs – peut-être plus observateurs – m’ont dit qu’il y avait un vrai changement dans l’écriture, que j’étais passé à autre chose. Je pense que je me suis plus autorisée le temps de la langue, que je minimisais peut-être (inconsciemment) en « jeunesse ». Je me suis autorisée aussi certaines nuances. Par exemple, en « jeunesse » je n’ai quasiment que des personnages adolescents ou jeunes adultes alors que dans L’été circulaire, j’ai toute une famille. À 15 ans on est moyennement intéressé par les problématiques d’un couple de 40 ans. Il y a besoin d’un bagage de vie pour être touché par ça. C’est donc des subtilités que j’ai pu mettre dans L’été circulaire, mais qui peut-être se sentent aussi dans la langue. Tu avais déjà écrit des récits policiers en jeunesse ? Tu connaissais le fonctionnement de ces intrigues ? En fait, j’ai écrit un roman noir, ce n’est pas un polar. Il n’y a pas d’enquête, c’est vraiment du noir social. C’est typiquement un bouquin qui aurait pu sortir en littérature blanche. Mais, parce qu’il y a une critique sociale, parce qu’il y a un mort, une certaine ambiance, une certaine tension, on a choisi de le sortir en noir. [quote align="right" color="#999999"]Ça émerge surtout avec les personnages et les scènes.[/quote] Ce qui est clair c’est que ce n’est pas un polar. C’est vrai, il y a un petit mystère qu’on suit, mais ce n’est pas le cœur du roman. Étonnement, j’ai écrit un roman « jeunesse » assez proche du thriller, alors que je ne connais pas bien le thriller. La Gueule du Loup, sorti chez Exprim’. Le thriller n’était pas forcément mon truc, mais j’avais envie d’un récit anxiogène. C’est l’histoire de deux adolescentes poursuivies à Madagascar, avec un vieux type très inquiétant. Sans connaitre les codes, j’ai bricolé une sorte de thriller-roman initiatique. Je ne connais pas bien les codes du polar, et je ne me suis pas vraiment renseignée. Je suis une lectrice de romans noirs, peu de polars. Je n’ai pas un bagage en polar particulièrement étoffé. Qu’est-ce que tu as appris dans ta manière d’aborder l’écriture entre le 1er et le dernier des romans que tu as écrits ? J’imagine que cela a dû évoluer ? Oui ça a évolué, mais pas sur la façon de préparer le travail. Je n’ai pas de modus operandi. C’est différent pour chaque roman, et je patauge un peu pour trouver ma façon de faire pour chacun. [quote align="left" color="#999999"]Avant de me mettre à écrire, je prends des notes, j’essaye d’avoir un chemin de fer, en sachant qu’il peut, évidemment, y avoir des choses qui bougent.[/quote]Tu fais du travail préparatoire ? Oui, avant de me mettre à écrire, je prends des notes, j’essaye d’avoir un chemin de fer, en sachant qu’il peut, évidemment, y avoir des choses qui bougent. La fin peut complètement changer par exemple. Ça émerge surtout avec les personnages et les scènes. Je prends pas mal de notes avant de démarrer. Et ça peut m’arriver de tout bouleverser au fur et à mesure.   Tu réécris beaucoup ? Oui, je réécris pas mal. Mon éditeur en « jeunesse » travaillait beaucoup sur le texte avec les auteurs et j’ai pris une sorte d’habitude, un réflexe de feignasse. Par exemple, j’écris un passage en ayant conscience que ce n’est pas top mais bon, l’éditeur va regarder alors… Une habitude de feignant. Et pour L’été circulaire, j’allais bosser avec quelqu’un avec qui je n’avais pas l’habitude de travailler, donc il fallait que ce soit au cordeau. J’ai donc travaillé chaque chapitre de façon beaucoup plus approfondie, à la fois sèche et approfondie. Je voulais vraiment que ce soit nickel. Tu as plus développé le travail préparatoire sur celui-ci alors ? Non, mais par contre j’ai mis du temps. Je ne sais même pas comment je l’ai écrit. À un moment j’ai regardé et je me suis dit « tiens, mais j’ai écrit tout ça ?! ». J’avais vraiment l’impression qu’il n’avançait pas et en fait, si, il s’écrivait un peu malgré moi. Sur la construction des personnages, tu procèdes comment ? Je les laisse apparaître. Je pense qu’il y a des influences de gens que j’ai pu croiser, mais je ne m’en rends pas toujours compte au départ ; ça vient parfois avec le temps. Pour ce roman-là, j’ai fait un truc que je n’avais jamais fait avant : aller discuter avec quelqu’un. J’ai discuté avec un vieux copain maçon, parce qu’un des personnages principaux, le père de famille, est maçon. J’avais besoin de connaitre quelques détails techniques, je ne voulais pas être complètement à côté de la plaque. On a beaucoup discuté, je lui ai demandé comment ça se passait dans les chantiers, et en parlant avec lui j’ai eu plein de choses qui ont émergé autour de l’ambiance entre les gars dans un chantier, comment ça peut se passer, y compris autour du racisme ordinaire par exemple. Mais d’habitude je ne fais pas ce genre de truc et j’ai trouvé ça super intéressant.[quote align="right" color="#999999"] je crois qu’il faut trouver l’endroit où on est juste.[/quote] Quel serait ton conseil à un auteur débutant ? C’est compliqué… Peut-être d’écrire beaucoup, beaucoup, beaucoup, de ne pas lâcher. De lire (même si je sais qu’il y a des bons auteurs qui ne sont pas forcément lecteurs). De trouver sa voie. On peut en avoir plusieurs, mais je crois qu’il faut trouver l’endroit où on est juste.   Marion Brunet, Editions Sarbacane Marion Brunet, L'été Circulaire, Albin Michel Interview : Lionel Tran Remerciements : Marion Brunet, Laura Combet & Quai du Polar  ]]> 5635 0 0 0 ]]> ]]> "Comment sélectionnez-vous les manuscrits ?" Éditions du Rouergue Noir. http://www.artisansdelafiction.com/blog/comment-selectionnez-vous-les-manuscrits-editions-du-rouergue-noir/ Wed, 05 Jun 2019 16:52:25 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5792 Nathalie Démoulin, éditrice du Rouergue Noir, Quai du Polar 2019[/caption]

"Il est arrivé qu’un auteur réécrive entièrement son livre."

Les Artisans de la Fiction : En moyenne, combien de manuscrits recevez-vous au Rouergue noir ? Nathalie Démoulin : On reçoit une vingtaine de manuscrits par semaine. Ça fait pas mal de texte. Qu’ils soient connus ou non, les auteurs sont tous traités de la même manière : on regarde tous les textes. Vingt manuscrits par semaine, ça fait beaucoup. Vous ne les retenez pas tous évidemment. Quels sont les principaux problèmes que vous rencontrez dans ces manuscrits ? La première chose qui fait écarter un texte, c’est la médiocrité de l’écriture. Si l’écriture n’est pas belle, ce n’est pas la peine. [quote align="center" color="#999999"]Il y a énormément de textes similaires. [/quote]Ensuite, il y a énormément de textes similaires. Par exemple, je reçois beaucoup de manuscrits qui commencent par quelqu’un qui reprend connaissance, qui est séquestré. J’aurais du mal à donner un pourcentage mais étonnement, on reçoit beaucoup de textes qui commencent tous de la même manière. Donc évidemment, le manque d’originalité pêche là aussi. Le fait d’avoir une histoire complètement clichée et prévisible et le fait de ne pas avoir d’écriture qui porte le texte, sont les deux points qui conduisent à écarter certains manuscrits. Qu’est- ce que vous entendez exactement par « écriture  médiocre » ? C’est un sentiment personnel, mais pour moi, l’écriture est médiocre lorsque la phrase est laide, que le lexique est limité, qu’il y a des fautes de langue… Il y a des gens qui ont envie d’écrire sans maîtriser la langue dans sa subtilité, et ça, c’est rédhibitoire. Il faut vraiment travailler la langue, c’est très important. Vous est-il déjà arrivé d’hésiter longuement avant de refuser ? Ça m’est arrivé d’hésiter à écrire à l’auteur. Parfois je reçois un texte qui n’est pas abouti mais dans lequel il y a quelque chose. Dois-je faire une réponse personnalisée à l’auteur ? Est-ce que je ne le mets pas sur une fausse piste ? Va-t-il réussir à aller plus loin ? Et donc, est-ce que je ne l’engage pas dans quelque chose de vain ? Ou est-ce qu’au contraire je lui donne le signe qui va lui permettre d’aller au-delà de ce qu’il a proposé une première fois ? C’est vrai que parfois, j’hésite. [quote align="right" color="#999999"]Parfois je m’interroge, oui. Est-ce que ça vaut vraiment la peine ? Est-ce qu’il faut le faire ? Est-ce que c’est bien ou pas ?[/quote] J’ai déjà envoyé à des gens des refus circonstanciels, expliquant l’intérêt qu’il y avait dans leur texte, et ensuite, ceux-ci m’ont renvoyé des textes que j’ai pris. Ça, c’est déjà arrivé. La question c’est toujours : est-ce que cette personne va arriver à dépasser les défauts de son texte et est-ce qu’en lui répondant, je lui rends un service ou au contraire, je l’engage dans un processus qui finalement n’aura pas d’issue ? Parfois je m’interroge, oui. Est-ce que ça vaut vraiment la peine ? Est-ce qu’il faut le faire ? Est-ce que c’est bien ou pas ? Quand vous acceptez un manuscrit d’un nouvel auteur, quel travail est mis en place ? Y a-t-il du retravail d’écriture ? Est-ce que vous vous en chargez ? Pouvez-vous nous donner des exemples ? En général, lorsque j’accepte un texte, la première question que je pose à l’auteur quand je l’appelle (outre lui dire que j’ai envie de travailler avec lui), c’est est-ce qu’il est d’accord pour retravailler son texte ? Car effectivement, il y a toujours du travail. Moi, je ne retravaille pas le texte. Je vais faire une analyse des problèmes. Je vais discuter avec l’auteur et je vais l’aider à trouver une solution, mais c’est à lui de se débrouiller avec son texte. Moi, je ne réécris jamais les auteurs que je publie. Faites-vous des suggestions ? Je fais des analyses très détaillées, soit de structure, de problèmes narratifs, de problèmes liés aux personnages). Il est arrivé qu’un auteur réécrive entièrement son livre. Vraiment. Certains auteurs retravaillent à peine, car ils avaient un texte déjà très abouti, très fin. Il y a tous les cas de figure, mais c’est vrai qu’a priori pour un primo romancier, il y a toujours du travail, car la prise de distance avec le texte, n’a pas été faite. C’est justement ça le travail de l’éditeur. C’est pour ça qu’on veut un éditeur. C’est pour arriver à aller plus loin, à dépasser des limites, à aller jusqu’au bout du projet, à enlever des scories, des choses dont on n’arrive pas à se défaire mais qui, en réalité, pénalisent le bouquin, etc. Tout ce travail-là est au cœur du métier d’éditeur. [quote align="center" color="#999999"] Pour un primo romancier, il y a toujours du travail, car la prise de distance avec le texte, n’a pas été faite. C’est justement ça le travail de l’éditeur.[/quote] Est-ce que ça vous est déjà arrivé d’accepter un manuscrit et d’être confrontée à un auteur qui ne veut pas retravailler ? Oui, ça m’est déjà arrivé de contacter un auteur (qui a été publié par ailleurs) qui ne voulait pas retravailler. Moi, ça ne m’intéressait pas. Dans la mesure où il ne voulait pas retravailler, il était dans des limites qu’il n’allait pas dépasser. Donc ce n’est pas très intéressant. Vous êtes aussi auteure. Avez-vous, vous aussi, été accompagnée par des éditeurs/éditrices ? Oui, bien sûr, j’ai eu des éditrices qui ont fait ce travail avec moi. [quote align="center" color="#999999"]Une des choses qui caractérise la maison d’édition c’est  justement l’ouverture et la capacité d’accueillir des voix très différente[/quote] Est-ce que vous tenez compte de la ligne éditoriale dans la sélection des manuscrits,  ? Est-ce que vous tenez compte aussi des goûts des lecteurs ? Ce qui se vend, ce qui ne se vend pas, etc ? Ou bien vous vous fiez à votre seul goût ? Au niveau de la ligne éditoriale, nous sommes très ouverts au Rouergue. On publie des auteurs qui ont des tempéraments, des écritures, des univers, très différents. Une des choses qui caractérise la maison d’édition - et pas seulement en polar, mais dans tous les domaines - c’est  justement l’ouverture et la capacité d’accueillir des voix très différentes. Après, au niveau de la destinée du livre, c’est très imprévisible. Parfois, on fonde beaucoup d’espoir sur un livre qui ne va finalement pas aussi bien marcher, parfois nos espérances sont dépassées. J’ai du mal à penser qu’on peut prévoir le succès d’un livre. Je pense qu’il y a une part qui échappe à tout le monde, qui échappe aussi aux libraires. Il y a des textes qui, à un moment donné, trouvent un public très large. Dans ma collection, Rouergue Noir, mais même au Rouergue en général, on ne cherche jamais le formatage. On est une maison qui se refuse à ça. Il y a des grosses maisons qui ont des collections très identifiées, un peu standardisées, mais nous, ce n’est absolument pas notre propos.

[quote align="right" color="#999999"]On est une petite maison de littérature, de langue française, originale. On cherche des auteurs et on accompagne les auteurs très longtemps. [/quote] On est une petite maison de littérature, de langue française, originale. On cherche des auteurs et on accompagne les auteurs très longtemps. On a des auteurs au Rouergue qui sont là depuis la naissance de la maison d’édition, en 1986. On est vraiment un éditeur qui accompagne des auteurs dans leur trajectoire, dans leur écriture, avec parfois des choses qui fonctionnent, mais avec parfois des passages plus difficiles dans la vie d’un écrivain, la vie de romancière. Et nous, on est là. Est-ce que vous êtes formée au travail d’éditrice ou est-ce que c’est venu par votre travail d’auteure ou autre chose ? Comment vous avez appris ? Ça fait longtemps que je suis dans le métier. A l’époque où j’ai commencé, dans les années 90, il n’y avait pas de formations spécifiques à l’édition comme il y en a beaucoup aujourd’hui. Si je faisais mes études aujourd’hui, je ferais une formation spécifique. A l’époque, j’ai fait une formation en Lettres, puis je suis arrivée dans une petite maison d’édition. J’ai appris le métier sur le tas. Je fais partie d’une autre génération. Mes collègues, arrivés après moi dans les maisons d’édition, avaient fait une formation professionnelle. [quote align="center" color="#999999"]L’analyse de manuscrit, bien sûr, ça s’apprend, mais s’il y a une qualité que j’ai, c’est d’être une bonne lectrice. Je sais lire.[/quote] L’analyse de manuscrit, bien sûr, ça s’apprend, mais s’il y a une qualité que j’ai, c’est d’être une bonne lectrice. Je sais lire. Donc oui, le métier s’apprend, mais c’est aussi une question de personnalité, et le fait de lire énormément, car cela donne un champ de réflexions, de comparaison et d’exigences, particulier. Est-ce que vous auriez des conseils à donner à des apprentis auteurs qui voudraient envoyer leur manuscrit ? D’abord, de bien travailler le texte. Il faut que l’auteur envoie son texte quand il ne peut plus aller plus loin tout seul. C’est une chose importante. Ensuite, de bien choisir à qui il l’envoie. Par exemple, au Rouergue, je reçois parfois des textes qui n’ont rien à voir avec ce qu’on publie. Si on m’adresse un roman historique, on va simplement ouvrir le paquet puis le refermer, parce que ce n’est pas du tout ce qu’on cherche. Donc il faut bien regarder le catalogue pour bien cibler ses envois, sinon, c’est trop d’énergie perdue.     Remerciement à Nathalie Démoulin des éditions Rouergue Noir, et à Quai du Polar.  ]]>
5792 0 0 0 ]]> ]]>
Viviane Moore : "J'écris entre 6, 7, 8 heures par jour" http://www.artisansdelafiction.com/blog/viviane-moore-jecris-entre-6-7-8-heures-par-jour/ Fri, 21 Jun 2019 16:28:23 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5858 [caption id="attachment_5875" align="aligncenter" width="500"] Viviane Moore/France[/caption]
Viviane Moore, née le 3 juillet 1960 à Hong Kong, est une journaliste, photographe et romancière française. Elle est connue pour sa série de romans policiers historiques mettant en scène un héros récurrent : Galeran de Lesneven.

Viviane Moore répond aux questions des Artisans de la Fiction durant Quai du Polar 2019.


Artisans de la Fiction : Viviane Moore, comment travaillez-vous sur un roman ?
Viviane Moore : Je pars souvent d’un lieu. Un lieu que je ne connais pas. Si je ne le connais que par des images, je vais aller faire des repérages, mais c’est souvent le lieu-personnage qui est à l’origine de beaucoup de mes livres. [quote align="right" color="#999999"]J’utilise le lieu comme un personnage. Le lieu est un personnage à part entière.[/quote] Je vais faire tout un repérage, travailler, voire y vivre certaines fois. Sinon, je travaille sur des lieux que je connais comme le Japon, l’Italie, la Sicile notamment. Même en France, très souvent, ce sont des lieux qui ont été déclencheurs d’une recherche, d’une histoire. J’utilise le lieu comme un personnage. Le lieu est un personnage à part entière.


Est-ce que ça veut dire que vous construisez l’histoire passé du lieu ?
Oui, j’utilise une partie de l’histoire du lieu, mais j’essaye surtout de retrouver aussi l’ambiance de l’époque, en l’occurrence du Moyen Age. Mon dernier livre c’est la Venise médiévale. Puis, j’utilise ce lieu comme je le ferais avec mes personnages.

Qu’est-ce que vous construisez ensuite ? Les personnages ?
Il n’y a pas de règles. Chaque livre a son procédé de naissance, son mode de création. Il n’y a jamais la même façon d’aborder un livre. Un livre a son temps, a sa durée, je ne peux pas dire à l’avance si ce sera un texte long ou court. Je pense que chaque livre a son temps.

Y a-t-il des éléments indispensables à préparer ?
Non. Je peux partir avec rien. Ce qui m’intéresse c’est le danger, la prise de risque. Partir dans l’inconnu. Ce n’est pas de savoir faire quelque chose qui m’intéresse, c’est de ne pas savoir le faire. Je ne suis pas forcément le bon auteur par rapport au questionnement que vous avez.

[quote align="right" color="#999999"] Je peux faire une fiche personnage, mais je peux aussi partir de façon très brute[/quote] Il vous arrive quand même de construire les personnages ou ce sont toujours des sortes de doubles de vous ? 
Déjà, je n’ai pas énormément de personnages féminins. Mais bien sûr que ça arrive, puisque je n’ai pas de règles. Je peux faire une fiche personnage, mais je peux aussi partir de façon très brute et le bâtir en écrivant, de façon beaucoup plus « pointilliste ».

Vous n’êtes pas une romancière débutante ?
Si, je suis toujours une débutante. Si on est honnête, on est toujours débutant. Surtout si on ne sait pas faire. Il y a des auteurs qui savent faire, mais ce n’est pas mon cas.

Est-ce que cela vous arrive de construire la structure de l’histoire ?
Ça peut arriver oui.

Faites-vous beaucoup de recherches pour vos romans historiques ?
Oui, énormément. Pendant des années. Si je prends l’exemple de La trilogie Celte, je me suis aperçue que c’était des recherches que j’avais faites quand j’étais adolescente. Elles sont ressorties à un moment donné, même si ça n’a pas empêché que je reprenne ces recherches. Je travaille en continu sur énormément de thèmes qui m’intéressent, je suis d’un naturel plutôt curieux, et à un moment donné, il y a quelque chose qui prend le pas sur le reste. Le principe est d’avoir une grande ouverture par rapport aux sujets. Oui, je récolte des matériaux de manière large, sans forcément trier tout de suite. Par contre, lorsque j’ai décidé de quelque chose, si j’ai un sujet qui m’intéresse, là, je vais aller creuser. Tout en essayant de ne pas avoir d’idées préconçues sur ce que je cherche, mais sur ce que je vais trouver.

De quoi avez-vous besoin quand vous faites des recherches ?
[quote align="right" color="#999999"]Je suis redoutable, car je veux connaitre toute l’histoire de A à Z.[/quote] Par exemple, Les Normands de Sicile, bizarrement, moi je les ai rencontrés en allant au Spitzberg. Ce n’était pas du tout logique. Quand j’y suis allée, j’ai eu profondément le sentiment de ces zones du Nord, et pourquoi ils avaient quitté le Nord, pourquoi ils étaient partis vers la Méditerranée, pourquoi ils avaient fondé un royaume là-bas. À ce moment-là, j’ai eu envie d’aller creuser sur les Normands de Sicile. Et là je suis redoutable, car je veux connaitre toute l’histoire de A à Z. Si j’aborde les Croisades, je ne vais pas m’arrêter à la première, je veux savoir l’intégralité, pour avoir une perspective. J’aime connaître à fond le sujet.

Ce sont des recherches uniquement livresques ou vous avez besoin d’aller sur place ?
C’est beaucoup de recherches livresques, de bouquins universitaires, bouquins d’historiens, mais j’ai toujours un travail physique aussi. J’ai besoin d’un aspect physique, d’un rapport physique à l’environnement. J’ai des cahiers de travail. Des cahiers précis, livre par livre.

Quand vous rentrer dans le travail d’écriture à proprement parler, vous avez besoin de visualiser les lieux dans lesquels une partie de l’histoire va se dérouler ?
Oui, c’est le côté « photographique » évidemment, car c’était mon ancien métier. Oui, je peux faire des plans, je dessine beaucoup.

Et pour les personnages, vous vous inspirez d’informations sur lesquelles vous avez pu tomber pendant vos recherches ou de personnes que vous avez connues ?
Les deux. C’est un mélange assez atypique oui.

Vous ne construisiez pas forcément une intrigue. Mais, dans une trilogie par exemple, avez-vous besoin de savoir  où vous allez ?
[quote align="right" color="#999999"]Je n’aime pas tout prévoir.[/quote] Non, pas forcément, car là aussi, j’aime bien être surprise. Je n’aime pas tout prévoir. C’est même l’inverse. Si on fait seulement ce qu’on sait faire, ce n’est pas intéressant. Moi, ça ne m’intéresse pas en tout cas. Quand j’ai commencé ma première série médiévale sur Galeran, j’aurais pu faire 90 livres derrière avec Galeran, mais j’ai eu le besoin de me mettre en danger.
J’ai fait de la science-fiction, j’ai fait des thrillers, je suis partie au Japon, je me suis lancée dans la Trilogie Celte et c’était complexe, car c’était une documentation beaucoup plus archéologique. Il y avait beaucoup de travail sur des textes anciens, et donc une façon de travailler différente : essayer de trouver un langage différent, essayer d’inventer des choses, etc. C’est ça qui est intéressant. Après, une fois que je suis dans un sujet, je suis extrêmement structurée.

Comment vous organisez votre travail d’écriture ?
Je travaille tous les jours. Entre 6, 7, 8 heures par jour, y compris le week-end, et les jours fériés. Sauf pendant les salons !

 Est-ce que vous réécrivez beaucoup ?
Je travaille en boucle. C’est-à-dire, un jour j’écris un chapitre, et le lendemain je relis le chapitre et je fais le second. Je ne réécris pas forcément le chapitre, mais il est relu, autant de fois qu’il y a de chapitre à écrire. Relu, ou modifié, ou supprimé. C’est un travail en boucle.

Est-ce que vous vous faites relire ?
Non. Je suis ma propre relectrice. C’est le seul avantage d’être un vieil auteur. Quand on a écrit un certain nombre de livres, on a suffisamment d’altitude pour juger de ce qu’on fait, à peu près objectivement. Quand on est un auteur débutant, on a le nez dedans et c’est plus compliqué.

À quel point vous pensez avoir progressé dans l’écriture ? Y a-t-il des choses qui étaient particulièrement compliquées à maîtriser au début ?
Non, j’écris depuis que je suis gosse. C’est assez instinctif. Je ne me juge pas merveilleuse et excellente, mais le domaine de l’imaginaire et de l’écriture, c’est ma nature donc je n’ai pas d’analyse là-dessus. C’est inné. Encore une fois, ça ne veut pas dire que je me juge bonne, mais c’est comme respirer un peu. [quote align="right" color="#999999"]Quand je me relis, il y a des fois où je jette tout.[/quote] Après, quand je me relis, il y a des fois où je jette tout. Je suis capable de jeter trois chapitres parce que je ne les trouve pas à la hauteur. Ou, quand j’ai fini un livre, je peux retravailler la musique de l’ensemble, par exemple. Les difficultés dans un livre, c’est la lourdeur, dans le sens où, quand on fait un livre qui dépasse les cinquante pages, ça devient quelque chose comme une sculpture en argile. Il faut soulever la masse, il faut arriver à la manipuler. Et plus il y a de pages et plus cette manipulation demande en force, en puissance, dans certains cas.

Comment avez-vous appris à raconter des histoires ?
Je n’ai pas appris. Je suis un petit poucet. Zoé Oldenbourg (une très bonne auteure qu’on a un peu perdue) disait que les auteurs, qu’un enfant auteur, est tout sauf insouciant. Dès l’enfance, on ramasse les petits cailloux blancs. Et je crois que c’est ce que j’ai fait aussi.

Quels étaient ces petits cailloux blancs ?
Alors ça… ça va devenir très intime comme discussion. Il y en a beaucoup. Il y a des enfants qui courent sur le chemin, sans se soucier de rien, et puis il y a des enfants qui vont se poser des questions sur l’arbre, sur l’eau qui coule, sur le son, etc. C’est ça les cailloux blancs.

Vos histoires sont-elles toujours inspirées en profondeur par vos expériences ?
[quote align="right" color="#999999"]L’imaginaire, je crois que ce n’est pas quelque chose qu’on a tous en partage. [/quote] J’espère oui. Il y a les expériences et il y a l’imaginaire pur aussi. L’imaginaire, je crois que ce n’est pas quelque chose qu’on a tous en partage. Là aussi, je pense que c’est très lié à l’enfance ; à l’enfance qu’on a eue, à la façon qu’on a eue de gérer notre environnement, au sens large, comme nos émotions par exemple.

Et les histoires dont on a été arrosées aussi ? De plein de manières, que ce soit les histoires du quartier, les histoires de la famille, etc. Je ne parle pas forcément des livres, même si beaucoup d’enfants grandissent avec des histoires écrites. Moi, j’étais plutôt du genre à faire les histoires pour les autres. Déjà petite. J’étais plutôt solitaire. Donc je n’ai pas eu vraiment de bain extérieur, même s’il y a des bains dont on ne se rend pas compte bien sûr. C’est plutôt la solitude, et de fait, l’observation du monde et des autres qui a amené une matière. Le questionnement sur le monde.

 Est-ce qu’il y a des auteurs qui vous ont donné envie d’écrire des livres ?
[quote align="richt" color="#999999"]J’ai eu un cheminement particulier, car je n’ai jamais voulu publier.[/quote] J’aurais du mal à nommer un auteur. J’ai eu un cheminement particulier, car je n’ai jamais voulu publier. J’écrivais pour moi à la base. J’ai commencé à travailler, je suis partie comme reporter, donc je m’écrivais moi mes histoires, manuscrites. Il a fallu une rencontre avec un éditeur, dans un train, pour qu’il y ait une bascule qui se fasse. Je n’avais pas un besoin de publication, par contre, un besoin de me raconter des histoires. Ça, indéniablement.

Est-ce que vos éditeurs vous ont déjà fait retravailler des textes ?
Non, je serais partie sinon. Je détesterais. C’est mon histoire. Mais je la partage avec les lecteurs. Comme je suis quelqu’un de très précis, je n’ai jamais rencontré ça.

Vous vous racontez les histoires quand vous les écrivez ?
D’abord oui. Toujours. Comme avant. Pas de changement à ce niveau-là. Tant que je m’amuserai comme ça, ça sera bien pour le lecteur aussi.

Est-ce que vous auriez un conseil à un apprenti romancier, une apprentie romancière ?
Écrire. Vivre. Vivre. Écrire. [quote align="right" color="#999999"]Écrire. Vivre. Vivre. Écrire.[/quote] Mais surtout rester libre. C’est pas facile, surtout dans ce monde, tellement imbibé d’images et de choses déjà vues, déclinées de tant de façons différentes. C’est très dur pour les jeunes, actuellement, d’avoir cette identité originale qui fait un auteur. Ça tient à l’enfance, oui, mais justement, quand je vois comment l’enfance est à la fois sécurisée, mais envahie par les images… Combien d’enfants sont déjà sur des écrans tout petits ? ça ne nourrit jamais autant que le livre. Après ça, c’est très dur de créer librement. Niveau imaginaire. Ils n’ont pas ramassé les petits cailloux blancs. En écriture pure, je pense qu’il faut se lire à voix haute. Quand je relis mes chapitres, je relis à voix haute. Toujours au moins une fois. Quand j’ai un doute sur la fluidité des chapitres, je relis à voix haute.

Interview : Lionel Tran
Transcription : Coline Bassenne

Remerciement : Viviane Moore, Quai du Polar.

]]>
5858 0 0 0 ]]> ]]>
Ian Manook : "Quand je fais une description j’essaie qu’il y ait au moins deux éléments de sensations." http://www.artisansdelafiction.com/blog/ian-manook-quand-je-fais-une-description-jessaie-quil-y-ait-au-moins-deux-elements-de-sensations/ Wed, 31 Jul 2019 11:37:41 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5894 Ian Manook durant Quais du Polar 2019[/caption] À l’âge de 18 ans, Patrick Manoukian parcourt les États-Unis et le Canada, pendant 2 ans, sur 40 000 km en autostop. Il effectue des études de droit et de sciences politiques à la Sorbonne, puis de journalisme à l’Institut français de presse. Il repart ensuite en voyage en Islande, au Belize, et au Brésil. De retour en France, il collabore en tant que journaliste à des rubriques touristiques de quotidiens et d’hebdomadaires. En 1987, il crée Manook, une agence d’édition spécialisée dans la communication autour du voyage. De 2003 à 2011, il réalise le scénario de plusieurs bandes dessinées sous le pseudonyme de Manook. En 2013, il signe du pseudonyme de Ian Manook un roman policier intitulé Yeruldelgger qui remporte le Prix SNCF du polar 2014 et qui sera suivi de Les temps sauvages, La mort nomade, Mato Grosso... Il répond aux questions des Artisans de la Fiction concernant sa façon de travailler sur un roman.   Ian Manook, comment travaillez-vous sur un roman ? Ian Manook : Je travaille d’une façon particulière,  sans plan. Généralement, je commence par une image, que j’ai en tête depuis très longtemps. Par exemple, la première image de Yeruldelgger, la petite pédale qui dépasse de la steppe, c’est quelque chose que j’ai en tête depuis une vingtaine d’années. Je l’ai imaginé dépassant d’une banquise, d’un désert de sable… Donc, je pars d’une image. Et après, je n’ai aucune idée de ce que va devenir l’histoire.  Je la construis au fur et à mesure qu’apparaissent les personnages. Partez-vous d’une idée, d’un personnage, d’un lieu ? D’un bon voyage. Tous mes bouquins sont basés sur un voyage. Je ne me documente pratiquement jamais avant. À postériori, je vais vérifier deux trois informations, mais mes bouquins sont basés sur mes souvenirs de voyage. J’ai besoin d’avoir fait un bon voyage.  Ce sont forcément des pays que je connais, où j’ai voyagé et surtout où j’ai aimé voyager. Il y a des pays où j’ai voyagé et sur lesquels je n’écrirai probablement pas de bouquin, parce que le voyage était bien, mais je n’ai pas accroché. Par exemple, si je n’accroche pas avec la musique du pays, il y a peu de chance que je me sente bien. [quote align="center" color="#999999"]Comme j’ai pas de plan et j’ai pas d’idée, l’écriture est forcément fluide, puisque c’est elle qui guide l’histoire[/quote] Comment construisez-vous vos personnages ? [quote align="right" color="#999999"]Mes personnages  sont construits au fur et à mesure qu’ils apparaissent[/quote] Mes personnages sont construits au fur et à mesure qu’ils apparaissent. Par exemple, Gantulga, qui est un incontournable de la trilogie mongole, n’existe pas trois-quatre lignes avant qu’il arrive. J’ai Oyun qui est dans une voiture, en train de surveiller un immeuble, et comme j’aime bien dire des choses sur le pays que je connais, ça aurait pu être la fin de chapitre, mais comme elle surveille un immeuble en face, et qu’il y a une cage d’escalier, je me dis que je vais toucher deux mots sur le fait que des mômes, des gosses, occupent les cages d’escalier pour résister à la froidure de l’hiver. Et donc, je la fais descendre de la voiture pour aller discuter avec les bandes de gosses, pour pouvoir parler de ça deux secondes. Après je suis embêté parce que je n’ai pas envie que ma petite cage d’escalier soir finie. Et, je décide qu’Oyun va trouver un moyen pour faire partir les gamins. [quote align="right" color="#999999"] je lui donne deux-trois répliques que je trouve plus cinglantes que les autres et d’un seul coup il prend corps.[/quote] Donc, elle donne un billet à un des gamins pour que la bande s’en aille. Elle doit s’adresser à un gamin plus particulier, qui soit un peu plus chef de bande que les autres. Y’en a un qui apparaît : il n’a pas de nom, je lui donne deux-trois répliques que je trouve plus cinglantes que les autres et d’un seul coup il prend corps. Et après je lui donne un nom, qui est tout simplement le nom du petit filleul que ma jeune fille parraine en Mongolie depuis 15 ans, et ça devient Gantulga, personnage qui n’avait aucune raison d’exister. Vous vous inspirez de gens que vous avez croisés ? Des gens que j’ai croisés qui m’inspirent, des gens qui n’ont rien à voir avec le pays où va être l’histoire qui m‘inspirent aussi, et dont je garde une silhouette, ou un nom, il n’y pas de règles précises. Je ne suis pas comme ces auteurs qui construisent une fiche de personnage à l’avance.  Je n’aime pas être tenu par des contraintes. Curieusement, je me donne beaucoup de contraintes d’écriture, mais à moi. C’est-à-dire ? Par exemple, d’écrire au présent. C’est une contrainte.  Souvent, par rapport à la trilogie américaine que j’ai commencé sur le tueur Roy Braverman, je me suis donné un  type d’écriture par bouquin. L’écriture à la hard boiled, une écriture à la sudiste, etc. J’aime bien me donner des contraintes comme ça, mais au niveau des personnages, j’aime bien les laisser vivre. Quand je commence avec Yeruldelgger, je ne sais pas qu’il a une petite fille qui est morte, je ne sais pas qu’il a une femme qui est devenue folle, je ne sais pas qu’il a un beau père qui est un truand… Juste ce qui m’intéresse, c’est ce personnage dans la steppe qui découvre ce petit tricycle avec un petit cadavre en dessous. Le reste ne m’intéresse pas encore, ça vient au fur et à mesure. Comment organisez-vous le travail d’écriture ? Encore une fois c’est le domaine dans lequel je ne me donne pas de contraintes. C’est-à-dire que je n’ai pas d’horaire précis, pas de lieu précis, je travaille –on voit beaucoup de photos sur Facebook- dans les transports. En venant à Lyon, j’ai travaillé pendant deux heures, j’ai écrit deux pages. J’aime bien écrire au milieu du bruit. Quand les salons du livre sont peu fréquentés, j’ouvre mon ordinateur et entre deux signatures j’écris. Je ne peux pas écrire au calme, chez moi, tranquille, parce le moment de distraction est fatal. Je jette un coup d’œil sur les disques, j’en mets un, je jette un coup d’œil sur la bibliothèque, je prends un bouquin… Peut-être que le bruit et l’animation me servent d’isolants. Est-ce que vous réécrivez beaucoup ? [quote align="right" color="#999999"]Je réécris pour travailler des choses très claires, des tics d’écriture.[/quote] Non. Très peu.  Le 1er jet est bon à 90 %. Après je réécris pour travailler des choses très claires, des tics d’écriture. Je sais que j’ai des tics d’écriture. Dans un premier jet, je construis toujours mes phrases de façon compliquée. La façon la plus fluide de faire une phrase en français, c’est : . sujet/verbe/complément du lieu direct, les autres compléments derrière. Moi, j’ai toujours tendance à mettre les compléments (que l’on appelait circonstanciels à mon époque) de les remettre en avant. À la lecture, je corrige. Vous rétablissez les inversions durant la réécriture afin de donner plus de fluidité au style… J’ai toujours la manie ou le tic de mettre des « petits » partout. Donc mon héros tombe dans un « petit » fossé. Un fossé c’est forcément petit, sinon c’est un ravin. Donc je corrige tout ça. Je fais ce genre de réécriture, mais j’ai très peu de réécriture de structure. Très très peu. [caption id="attachment_5905" align="aligncenter" width="580"] Editions italiennes de la trilogie mongole de Ian Manook[/caption] Parce que vous avez une idée du livre assez claire en vous lançant dans l’écriture ? Non, parce que je n’ai pas d’idée. Comme je n’ai pas de plan et je n’ai pas d’idée, l’écriture est forcément fluide, puisque c’est elle qui guide l’histoire. Si j’avais un plan très clair, un organigramme dans mon histoire, ou si j’avais des fiches de personnages, mon histoire pourrait partir en vrille par rapport à ça.  Mais comme il n’y a pas de référence, elle part en vrille comme est veut, c’est moi qui m’arrange pour ramener la vrille dans l’histoire. Que cherchez-vous au moment de l’écriture : une justesse ? Une tonalité ? [quote align="right" color="#999999"]Quand je fais une description j’essaie qu’il y ait au moins deux éléments de sensations.[/quote] J’essaie que ce soit bien écrit. J’essaie de travailler l’écriture vraiment, le choix des mots, des verbes. J’essaie toujours de glisser des images. Quand je fais une description j’essaie qu’il y ait au moins deux éléments de sensations, c’est-à-dire la couleur et le bruit, ou le bruit et le toucher, pas seulement juste un seul adjectif. Et je fais bien attention à répartir des descriptions du pays ou des traditions, de façon assez régulière dans un bouquin. Comment avez-vous appris à écrire des romans ? Ça je ne l’ai pas appris du tout, mais d’un autre côté, là j’ai 70 ans, j’écris depuis l’âge de 15 ans. Je n’ai rien publié jusqu’à 65 ans. J’ai toujours écrit tous les jours, quel que soient les circonstances, j’ai écrit, ne serait-ce que 10 lignes. Je peux écrire entre 10 lignes et 10 pages, ça dépend. Donc j’ai toujours eu dans la main ce genre d’écriture, mais les circonstances faisaient que je n’avais rien de terminé. [quote align="center" color="#999999"]Une écriture qui est trop sûre d’elle va devenir prétentieuse.[/quote] Est-ce que vous vous faites relire ? Non. Pendant l’écriture, maintenant de temps en temps, Françoise, ma femme me relit, mais dans les premiers, j’attendais d’avoir terminé pour me faire lire. Je fais relire en fait le 1er jet direct, celui que je n’ai pas encore corrigé, à trois-quatre-personne de mon entourage, et généralement à 90 % je ne tiens pas compte de leurs remarques. Mais ça m’aide. Quelques fois quand on me dit que je devrais mettre ça à la place de ça, je ne change pas, mais ça me fait dire que dans ça il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien, donc je retravaille cette partie-là. [caption id="attachment_5909" align="aligncenter" width="480"] Edition espagnole de la trilogie mongole de Ian Manook[/caption] Depuis vos premiers textes, écrits à 15 ans, sur quels points pensez-vous avoir le plus progressé du point de vue de l’écriture ? Je ne sais pas si  j’ai progressé, parce que quand je retombe sur des trucs écrits à 15 ans je trouve que c’est bien foutu, ah, ah, ah. Mais c’est fait pareil : on sent que c’est une narration sans plan, qui avance à l’émotion. C’est l’avantage d’écrire sans plan : on avance à l’émotion, on tombe littéralement amoureux d’un personnage, on s’y attache, donc on le développe, alors que ce n’était pas prévu. Et ensuite il y a cet avantage de progresser à l’écriture.  D’un seul coup, on fait une phrase qui nous semble belle, qui nous semble construite et elle en appelle une autre. Donc on fait une deuxième phrase, qui n’a pas forcément à voir avec l’histoire, mais qui va apporter un ciment d’écriture à l’histoire. Et j’écrivais, peut-être de façon plus maladroite, mais j’écrivais comme ça avant. Est-ce que le laps de temps entre vos débuts d’écriture et votre premier roman publié a été bénéfique dans le sens où il vous a permis d’accumuler du matériau ? Le temps où je n’ai pas terminé des bouquins, je l’ai utilisé à terminer des voyages, et ça c’est capital. Mais le temps n’a pas changé grand-chose parce que comme je suis extrêmement bordélique j’ai paumé beaucoup de manuscrits. Par exemple, je peux retrouver un manuscrit que j’ai écrit il y a 20 ans, je le lis et je me dis : je devrai changer ça, ça et ça. Et puis 2-3 mois plus tard, je tombe sur une version corrigée de ce manuscrit et que j’ai corrigé, on va dire, il y a 18 ans, et les corrections sont exactement les mêmes. C’est-à-dire que la distance a enrichi la matière que j’ai en moi pour écrire, mais elle a assez peu changé ma façon d’écrire. Quel serait votre conseil à un(e) apprentie écrivain ? [quote align="left" color="#999999"]On sent que c’est une narration sans plan, qui avance à l’émotion.[/quote] Deux conseils évidents : toujours écrire, tous les jours, faut pas avoir peur, prendre le temps, une silhouette passe, elle est marrante, essayez de la capturer en une phrase. On a une demie heure devant soit on essaie de faire un petit paragraphe de l’atmosphère, sur ce qu’il y a autour, etc.… Deuxième conseil : accepter la critique. Ce que m’a apporté le fait de devenir un écrivain « professionnel » c’est de travailler avec une éditrice chez Albin Michel, qui est une personne qui se met en face de vous, qui lit le bouquin à fond, et qui vous fait des remarques. Aucune des remarques n’est une obligation, mais si on n’est pas ouvert à cette critique-là, on va se refermer sur une écriture pleine de tics, une écriture qui est trop sûre de soi, qui va devenir prétentieuse.  Et donc il faut vraiment accueillir la critique quand la critique est justifiée et bien faite. Mais moi, je n’ai aucun problème à écouter les critiques sur mes bouquins. Interview Lionel Tran Remerciements à Quais du Polar et à la librairie Vivement Dimanche .]]> 5894 0 0 0 ]]> ]]> Val McDermid - Le Fonctionnement de l'intrigue http://www.artisansdelafiction.com/blog/val-mcdermid-interview/ Wed, 31 Jul 2019 13:36:23 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=5965 Interview - Val McDermid "J'ai mis beaucoup de temps à comprendre le fonctionnement de l'intrigue" [caption id="attachment_5910" align="aligncenter" width="580"] Val McDermid durant Quais du Polar 2019[/caption] Val Mcdermid - Skeleton RoadÀ 17 ans, Val McDermid est la première étudiante d'une école publique écossaise à fréquenter le St Hilda's College à l'Université d'Oxford. Diplôme en poche, elle s'engage dans le journalisme pendant une quinzaine d'années à Glasgow et à Manchester. Engagée dans les mouvements de gauche et de contestation pendant l'ère Thatcher, elle amorce en 1984 l'écriture d'un roman policier qu'elle met trois ans à achever : le succès de Report for Murder détermine sa vocation littéraire. Son œuvre, qui développe les thèses féministes et engagées de l'auteur, compte quatre séries policières aux héros récurrents distincts : Lindsay Gordon, une journaliste lesbienne apparue dans son tout premier roman, partage plusieurs points communs avec Val McDermid ; Kate Brannigan, une détective privée ; le Dr Tony Hill, profiler, et l'inspectrice Carol Jordan mènent des enquêtes dans des milieux particulièrement glauques et violents; enfin Karen Pirie, DCI à la "Police Scotland’s Historic Cases Unit". Les romans de Val McDermid sont d'ailleurs associés au Tartan noir, une conjonction stylistique entre le roman noir et la culture écossaise. Val McDermid est aussi critique de littérature policière pour la presse écrite et, s'étant toujours intéressée à l'écriture dramatique, collabore à des émissions radiophoniques de la BBC. Elle répond aux questions des Artisans de la Fiction

Les Artisans de la Fiction : Val McDermid, comment travaillez-vous sur un roman ? Par quoi débutez-vous ?

Val McDermid :  Un roman commence par une toute petite idée, parfois c’est quelque chose que je vais entendre, parfois c’est quelque chose que quelqu’un va me raconter, parfois c’est quelque chose que je vais lire dans les faits divers du journal ou aux infos à la radio. [quote align="right" color="#999999"]Je commence à sentir la forme d’une histoire en train d’émerger[/quote] Et je me mets à penser, « c’est ’intéressant, je n’en ai jamais entendu parler. C’est intéressant, mais …et si ceci c’était passé au lieu de ça ? S’ils l’avaient cru lui au lieu d’elle ? »  Ces idées vont jouer à l’arrière-plan de mon esprit, jusqu’au moment où elles se connectent, et que je commence à sentir la forme d’une histoire en train d’émerger. Et au fil du temps, l’histoire s’assemble. Et quand je m’assois pour l’écrire, l’histoire est prête à se mettre en mouvement. C’est une période qui dure longtemps. Cela peut prendre des années. Vous devez être patient. Parfois, vous pensez tenir une bonne idée, mais vous n’arrivez pas à trouver la solution de comment raconter l’histoire, alors vous devez lâcher prise et laisser votre subconscient faire le travail.

Val Mcdermid Donc vous prenez beaucoup de temps pour préparer le livre.

Dans ma tête. Quand je trouve le sens d’une histoire, je commence à me demander : de qui est-ce l’histoire ? Est-ce un roman pour un des personnages de mes séries policières, ou est-ce une histoire qui se tient toute seule ? Une fois que je connais l’histoire, je peux commencer. En général, quand janvier arrive, je suis en état d’écrire.

J’imagine que vous réécrivez peu…

[quote align="right" color="#999999"]Quotidiennement, je relis et je corrige ce que j’ai écrit le jour précédent.[/quote] Je réécris peu. Je corrige chaque jour. Quotidiennement, je relis et je corrige ce que j’ai écrit le jour précédent. Et au bout de quelques semaines, je mets bout à bout ce que j’ai écrit, soit 30 à 40 pages et je les relis, afin de voir si l’équilibre est correct, si les différents points de vue alternent suffisamment pour que l’histoire soit fluide. Je fais cela régulièrement. Et quand j’arrive à la fin, je fais une relecture succincte et j’envoie le manuscrit à mes éditeurs et à mon agent. Et ils m’envoient des notes, et nous discutons de ce qui ne va pas. Puis j’effectue une réécriture et c’est bon.

Val Mcdermid Vous avez commencé par être journaliste. Faites-vous toujours beaucoup de recherche pour vos romans ?

Cela dépend. Certaines fois je connais déjà presque tout ce que j’ai besoin de savoir quand je commence. Mais d’autres fois, j’ai besoin d’aller rencontrer des gens, de lire sur certains sujets. Par exemple pour Skeleton road, qui se déroule en lien avec les guerres de Yougoslavie des années 1990, j’ai dû faire beaucoup de lecture, de journaux par exemple. Au fil des années, j’ai lu beaucoup de science criminelle, j’ai écrit « Scènes de crime », qui n’est pas un roman, à propose de certains cas. Je connais des scientifiques en sciences criminelle, qui peuvent m’aider, quand j’ai une idée. Donc parfois je vais les voir et je leur dis « c’est ce qui j’aimerai que soit l’affaire. Dites-moi si ça fonctionne… » Et ils me répondent : « oui, ça marche, ou : non, ça ne fonctionne pas, mais tu peux faire différemment. » Val Mcdermid

En tant que journaliste, travaillez-vous sur les faits divers, les histoires de police ?

Pas tellement. J’étais un journaliste d’actualité. J’étais chef du Northern Bureau d’un journal national. Je couvrais toutes sortes d’histoires. J’ai fait un peu de travail d’investigation criminelle, mais pas beaucoup. Je n’ai jamais considéré le journalisme comme une préparation au travail de romancière. J’ai fait ça tant que je ne gagnais pas ma vie comme auteur de fiction. Val Mcdermid

Comment vous êtes-vous formée à la narration ?

[quote align="right" color="#999999"] j’ai passé beaucoup de temps à comprendre comment faire fonctionner une intrigue. [/quote] Quand j’ai commencé à écrire, l’intrigue était mon point le plus faible. J’ai passé beaucoup de temps à comprendre comment faire fonctionner une intrigue. Et j’ai relu de nombreux écrivains dont j’admirais le travail, et j’ai littéralement démonté leurs romans, pour comprendre comment ils marchaient. Quand j’ai commencé à travailler en tant que romancière, je planifiais mes romans très soigneusement, chapitre par chapitre, scène par scène et ça a fonctionné pour moi pendant une quinzaine de livres. Et puis ça a cessé de marcher. Et maintenant, j’écris de manière plus spontanée. Je sais quand le livre commence, je sais quand il se termine, je sais qui fait quoi et pourquoi, et je sais quelques trucs qui se déroulent en route. Val Mcdermid

Quel serait votre conseil à un(e) jeune écrivain ?

Mon conseil serait d’aller au bout. N’essayez pas d’écrire le premier chapitre parfait. N’écrivez pas de premier chapitre parfait. Terminez le truc. Et là vous pourrez l’améliorer. Beaucoup de gens pensent que si le début n’est pas bon, ils ne peuvent pas avancer. Terminez le livre. Et améliorez-le. Interview Lionel Tran Remerciements à Quais du Polar]]>
5965 0 0 0 ]]> ]]>
Enseigner le creative writing # 4 : Mick Kitson http://www.artisansdelafiction.com/blog/enseigner-le-creative-writing-4-mick-kitson/ Fri, 06 Sep 2019 16:03:04 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6003 "La fiction n’a rien à voir avec le réel"

Mick Kitson est né au Pays de Galles et a travaillé comme journaliste et professeur d’anglais. En 2018, il a publié son premier roman « Manuel de survie à l’usage des jeunes filles » (Ed.Métailié), Prix de l’Union Interalliée 2019. Les Artisans de la fiction l’ont interviewé lors des Assises Internationales du roman 2019. 
  Les Artisans de la fiction : Mick Kitson, j’ai entendu dire que lorsque vous étiez professeur d’anglais, vous étiez très frustré par les romans que vous lisiez. Comment avez-vous travaillé sur votre propre roman ? Mick Kitson : Avant de commencer l’écriture de mon roman, j’ai commencé par y penser pendant trois ou quatre mois. J’ai réfléchi à la structure, au point de vue, au personnage principal, à ce genre de choses. Avez-vous pris des notes ? Non c’était tout dans ma tête. Et ensuite, à force de penser au personnage principal — et en toute humilité -  je me suis mis à entendre sa voix, la façon dont il s’exprimait. Je pouvais l’entendre parler. En réalité je pense que ça se rapproche du travail de l’acteur. Mon frère est un acteur et il dit des choses similaires à propos de la préparation de ses rôles. On s’immerge dans un personnage. Et j’ai fait ça pendant un moment. Du coup, quand je me suis mis à écrire, les choses sont sorties très naturellement. C’était seulement le personnage qui parlait, moi je n’étais plus là, je laissais le personnage parler et c’est comme ça que j’ai écrit le roman.     Aviez-vous déjà une idée de la structure narrative à ce moment-là ? [quote align="right" color="#999999"] Je laissais le personnage parler et c’est comme ça que j’ai écrit le roman.[/quote] Une structure très basique seulement. Je n’avais pas d’intrigue par exemple. J’avais un décor ou plutôt j’avais la situation. Mais à part la situation, je n’avais rien. Enfin, je savais vers quoi je me dirigeais et je connaissais le personnage, mais c’est tout. Vous connaissiez le décor ? Oui, je connaissais le décor et je savais ce qui allait se passer dans le roman. J’ai décidé d’écrire un roman qui comportait beaucoup d’éléments que j’appréciais personnellement, comme la pêche par exemple. J’adore la nature, j’adore faire du jardinage, les plantes, les arbres… Donc j’ai aussi utilisé ça. [caption id="attachment_6006" align="aligncenter" width="596"] Mick Kitson aux Assises Internationales du Roman 2019[/caption] Vous avez été professeur d’anglais. Est-ce que le fait d’enseigner et de corriger vos élèves vous a aidé à devenir un bon écrivain ? [quote align="right" color="#999999"]Travailler avec des élèves qui écrivent vous apprend à repérer ce qui fonctionne, et c’est une très bonne chose pour un auteur. [/quote] Je pense vraiment que ça m’a aidé. Par-dessus tout, travailler avec des élèves qui écrivent vous apprend à repérer ce qui fonctionne, et c’est une très bonne chose pour un auteur. Par exemple au sujet des décors. Dans la plupart des romans, le décor est posé grâce aux sons. Et bien ça c’est quelque chose que j’enseigne à mes élèves. Si vous voulez mettre en place une situation, si vous voulez poser un décor, pensez en priorité aux sons qui sont associés à ce décor. C’est ce genre de choses que je savais, mais que j’ai assimilé grâce aux élèves, alors oui enseigner m’a beaucoup servi. Est-ce que vous leur faites étudier d’autres auteurs et ce qui fonctionne chez les autres auteurs ? Exactement. Et en lisant, vous tombez sur beaucoup de choses qui ne vous plaisent pas. Moi je tombe très souvent sur des romans qui ne me plaisent pas, en particulier des romans britanniques contemporains. Des romans qui ne s’intéressent plus du tout à un sujet, mais seulement à la forme. Et ça m’énerve vraiment, ça me rend fou. Par exemple ? [quote align="right" color="#999999"]La fiction n’a rien à voir avec le réel. Nous sommes là pour inventer des histoires.[/quote] Je pense notamment à l’utilisation du présent de l’indicatif, en particulier quand il est utilisé par la voix du personnage principal. Vraiment je déteste ça. Car dans la majorité des romans où c’est le cas, ça ne fonctionne pas. Alors, bien sûr, j’ai lu des romans où l’utilisation du présent fonctionnait très bien, mais le problème c’est que c’est devenu une mode, on le voit partout. Et en général, ce sont des auteurs qui essayent de rendre leur prose « authentique », de la rendre « réelle ». Or la fiction n’a rien à voir avec le réel. Nous sommes là pour inventer des histoires. Je pense que certains auteurs sont très talentueux pour faire des aller-retour entre les temps passé et présent. Il y a cette auteure — malheureusement, je ne me rappelle plus son nom — dont le roman traite d’un meurtre dans l’Islande du 19e siècle. Elle alterne entre la première personne au présent de l’indicatif — pour le personnage principal — et la troisième personne au passé pour les autres protagonistes. Et ça fonctionne parfaitement. Mais en général je ne pense pas que ça fonctionne très bien et, bien souvent, ça me rend fou ! Pour terminer, que conseillerez-vous à un jeune écrivain ? [quote align="right" color="#999999"]L’écriture c’est d’abord un travail d’imagination créative.[/quote] Essayez de ne pas écrire sur vous. Bien sûr, en écriture on parle toujours de soi. Mais ce que je veux dire c’est d’éviter de parler de ses propres expériences. Créez et inventez ! Créez un monde, créez un personnage qui vit dans ce monde… c’est ça la fiction. C’est créer un monde qui n’a jamais existé. Je pense que c’est ce que font les plus grands auteurs. Bien sûr, il peut s’agir d’un monde qui ressemble au nôtre, un monde qu’on connaît... Pour avoir lu de très nombreux textes de jeunes auteurs et d’auteurs débutants, je pense que l’erreur la plus courante est d’écrire une chanson d’amour égotique. Ils font de la fiction à partir de leur propre expérience et se donnent la place du héros. Je le déconseille vraiment, à moins d’avoir une expérience de vie vraiment, totalement, hors du commun. Mais pour la majorité des auteurs, ça n’est pas le cas. L’écriture c’est d’abord un travail d’imagination créative. Il s’agit de créer quelque chose de qui n’a jamais existé avant.   Interview : Lionel Tran Traduction : Julie Fuster Remerciements à Mathilde Walton et Léa Rumiz]]>
6003 0 0 0 ]]> ]]>
Comment les anglo-saxons se forment-ils à la narration littéraire ? http://www.artisansdelafiction.com/blog/comment-les-anglo-saxons-se-forment-ils-a-la-narration-litteraire/ Sat, 07 Sep 2019 14:39:02 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6017 "On apprend la narration bien avant l’université" [caption id="attachment_6041" align="alignleft" width="150"] Un ouvrage destiné à l'enseignement de la narration aux enfants.[/caption]
En Angleterre ou aux États Unis la narration littéraire est enseignée aux élèves en même temps que le langage et la grammaire, dès l’école primaire. Cet enseignement est dispensé à tout le monde, et pas seulement aux futurs romanciers et scénaristes. Greg Murray est américain, il a enseigné les techniques de la narration littéraire en tant que professeur d'anglais dans plusieurs lycées américains, à la fois dans des zones défavorisées et dans des zones plus privilégiées. 
Greg Murray se consacre actuellement à l’écriture d’un roman qui confronte ces deux univers, et il travaille également sur un recueil de nouvelles.
Il répond à nos questions concernant l'enseignement de la narration au lycée, et il interroge les formateurs des Artisans de la Fiction sur l'enseignement de la littérature dans les lycées français.
  Les Artisans de la Fiction : En France, lorsqu’un enfant dit qu’il veut devenir écrivain, on considère ça comme un rêve impossible, un peu comme s’il disait qu’il voudrait devenir astronaute. Est-ce qu’aux États-Unis, lorsqu’un enfant dit qu’il veut devenir écrivain il est pris au sérieux ? Greg Murray : Tout d’abord, ce n’est pas si commun que ça aux États-Unis. À cet âge-là en tout cas. Ça apparait plus tard, lorsque l’individu est assez grand pour prendre conscience d’à quel point il aime les livres. Là, il sait et se dit qu’il veut étudier ça. [caption id="attachment_6029" align="alignright" width="187"] Greg Murray dans les locaux des Artisans de la Fiction[/caption] Quels sont les types d’apprentissages pour cet adolescent qui voudrait devenir romancier ? Certaines universités ont des spécialisations en littérature et souvent les facs importantes ont des magazines littéraires qui sont faits à l’intérieur de l’établissement, qui offrent des possibilités d’apprentissage. Que trouve-t-on dans ces magazines littéraires ? On y trouve de la poésie, des nouvelles, des chroniques de livres, etc. La majeure partie du contenu est fait par des étudiants, mais c’est ouvert aux personnes de l’extérieur aussi. Dans les MFA (Masters of Fine Arts) de créative writing qu’est-ce qui est enseigné exactement ? Est-ce qu’il y a une pratique d’écriture ou plutôt des analyses de romans ou de nouvelles ? Il y a de l’analyse de certaines périodes historiques. Par exemple, La Renaissance, ce qui rend plus spécifique la poésie de telle période, etc. J’étais en sociologie, je n’ai pas suivi d’option en anglais, mais je sais que ceux qui y étaient, écrivaient. J’ai connu des personnes dont la thèse est devenue la base pour construire un roman, ou quelqu’un qui avait écrit une pièce de théâtre, et qui est devenu le scénario d’un film. Et dans les clubs d’élèves, les étudiants se rassemblent pour écrire ensemble. Ces productions peuvent aussi rapporter des points dans les notes. [caption id="attachment_6047" align="alignleft" width="235"] Guide d'exercices de creative writing pour collégiens et lycéens.[/caption] Pour revenir aux bases de l’apprentissage de la narration, est-ce qu’il existe des clubs d’écriture pour les enfants aux États Unis ? Ça dépend de quelle école vous êtes. Parfois, il y a déjà un club qui existe, parfois on peut créer un club en tant qu’élève, il suffit juste d’avoir l’accord de son prof. Parfois le prof accompagne le projet, parfois il laisse l’élève beaucoup plus libre. Est-ce que dans les cours d’anglais, au lycée, collège, ou même primaire, on enseigne déjà des bases de narration ? Oui, on apprend la narration bien avant l’université : l’intrigue, la structure narrative, la construction des personnages, etc. Pas en France ? En France, à l’école primaire l’élève va apprendre des notions très basiques comme : un personnage vit des péripéties avec un dénouement à la fin. Ensuite, au collège et au lycée, les élèves découvrent des analyses de romans, quelques analyses de nouvelles aussi. Il ne s’agit pas d’analyses techniques, sur le plan de la narration, mais d’analyses thématiques et stylistiques, axées sur l’esthétique de l’œuvre. Un élève français n’entendra jamais parler d’intrigue, ou de personnage qui a un but, de climax, ou de transformation du personnage durant sa scolarité. Il n’entendra pas parler de « narration », ou de la manière dont l’histoire est racontée, mais de l’esthétique de l’œuvre. Intéressant… Les techniques de la narration littéraire sont-elles abordées dans les manuels d’anglais en primaire, ou au collège ? Oui, ces questions sont abordées. Mais aux États-Unis, les élèves qui sont dans des apprentissages plus élevés auront accès à ces notions. Et pour des élèves qui se débrouillent moins bien, l’enseignement sera plus basique. Par exemple, on leur demandera de quelle couleur est le vélo du personnage principal, juste pour avoir la preuve qu’ils ont lu et qu’ils comprennent de quoi ça parle. Donc, oui, ces notions peuvent être abordées. Comment cela se passe exactement : sous la forme d’exercices pratiques, d’analyse de la structure histoires ? [quote align="right" color="#999999"]À 14 ans, on fait déjà des analyses de construction d’histoire en cours d’anglais.[/quote] À 14 ans, on fait déjà des analyses de construction d’histoire en cours d’anglais. J’ai enseigné l’anglais à des élèves de 18 ans, à la la fin du lycée, et le contenu du cours était uniquement de l’analyse des techniques utilisées dans les romans ou la poésie, [caption id="attachment_6044" align="alignleft" width="200"] Club d'écriture narrative proposée en librairie par un éditeur[/caption] Quels les romans avez-vous étudié en tant qu’élève, vers 14 ans, ou que vous avez fait étudier à vos élèves en tant que prof ? Déjà, il y a un Shakespeare par an. Après ce qui revient souvent, c’est un roman de guerre, par exemple le roman Holocauste qui est très utilisé. Et puis des histoires de maturation (aussi appelé « Coming out of age story », et qui raconte le passage à l’âge adulte. NDT) bien sûr, parce que ça s’adresse à des adolescents qui peuvent s’identifier. Et ensuite, des auteurs contemporains, mais aussi des auteurs auxquels les élèves peuvent s’identifier, par exemple des romans jeunes adultes (Young adult nove)l. Si je peux vous poser une question : je serais intéressé de savoir, étant donné qu’en France on ne vous apprend pas la manière dont sont structurées les histoires, quels sont les romans qu’on vous fait étudier à l’école ? Au collège, en 6em, certains professeurs donnent à lire le Petit Prince de Saint-Exupéry et. quatre ou cinq romans jeunesse d’auteurs français contemporains et les élèves doivent faire des fiches de lecture, avec un résumé. Mais à partir, de la 5em, 4em et 3 em, les élèves étudient une pièce de Molière, ou un roman de Victor Hugo, les nouvelles de Maupassant. Parfois des choses plus décalées, comme Les Chroniques martiennes de Ray Bradburry, en 4em. Mais il ne s’agit pas d’analyser la construction des différentes chroniques, il s’agit surtout d’une discussion sur les thèmes qui se dégagent. [caption id="attachment_6046" align="alignleft" width="150"] Cours de narration proposés aux collégiens durant les vacances[/caption] Au lycée, en 2nd, les élèves analysent surtout des textes pour préparer le bac de français par exemple La Princesse de Clèves de Madame de Lafayette, Les Confessions de Rousseau, Les Lettres Persanes de Montesquieu, Candide de Voltaire, Montaigne, Rimbaud, Francis Ponge, etc. En terminal, en section littéraire, donc des cours de littérature, on étudie 4 livres pour préparer le bac. Au programme, par exemple il y aLes Métamorphoses d’Ovide, Les Contes de Perrault, Jacques le fataliste et son maître de Diderot, et un recueil de poésie : Les Planches Courbes de Bonnefoy. Et il n’y avait pas d’analyses de la construction narrative de ces livres ? Il y a une l’analyse de l’aspect historique du roman qui s’inscrit dans une certaine époque, ou bien des commentaires de textes. Les élèves apprennent à commenter le texte en terme de style, le champ lexical utilisé, qu’est-ce que l’auteur avait voulu dire, etc. Mais jamais vraiment « comment c’est fait ». [quote align="right" color="#999999"]C’est particulièrement difficile de défaire ce genre d’apprentissage.[/quote] Ah. Donc, l’étude de texte et l’analyse sont très répandues dans la culture française. C’est particulièrement difficile de défaire ce genre d’apprentissage. Est-ce que cela ne décourage pas les élèves de lire ? (Rire) Peut-on vous demander ce que les élèves du secondaire étudient dans les romans qu’ils doivent lire en classe Un point qui est essentiel c’est le thème et le personnage : comment le thème peut être connecté au personnage ? Comment le personnage va faire apparaître le thème ? Et puis plus les élèves grandissent et plus ça devient compliqué et précis. [quote align="right" color="#999999"]Comment le thème peut être connecté au personnage ? Comment le personnage va faire apparaître le thème ? [/quote] Les étudiants qui suivent des cours optionnels d’anglais, ont-ils des cours sur les techniques d’écriture comme : comment faire bouger, penser, sentir un personnage ? Comment faire en sorte que le lecteur s’identifie au personnage et ressente des émotions à la lecture ? Oui, on étudie l’utilisation des mots : les mots spécifiques, la structure des phrases, le style. Par exemple, Hemingway est beaucoup utilisé, car, à la différence d’autres auteurs, il montre juste ce qui arrive, il ne fait pas apparaître le contexte. [quote align="right" color="#999999"]Quand j’enseignais, j’utilisais beaucoup le point de vue, qui est le narrateur qui raconte. [/quote]Par exemple quand j’enseignais, j’utilisais beaucoup le point de vue, qui est le narrateur qui raconte. Et un des devoirs préférés que je donnais à mes étudiants c’était écrire à partir d’un souvenir et le raconter de deux points de vue de deux personnages différents, puis après je demandais un troisième point de vue, où ils devaient encore réécrire la même scène, la même situation. Est-ce que les élèves prenaient plaisir à écrire ? Et surtout à lire les histoires que vous proposiez ? Ou aviez-vous l’impression qu’ils étaient désintéressés et se contentaient de regarder le résumé sur internet ? Ça dépend des étudiants. Comme je vous le disais, au lycée, il y a seulement une toute petite partie d’étudiants qui sont motivés, et souvent ils sont submergés par la quantité du travail scolaire à faire. Et ces étudiants-là oui s’impliquent vraiment, alors que les autres préfèrent laisser passer. [caption id="attachment_6049" align="aligncenter" width="462"] Exercice de vulgarisation de la prémisse narrative proposé aux enfants[/caption] Quels sont les types d’évaluations dans ce genre de cours ? Est-ce qu’il y a une sorte de dissertation, de commentaire, ou bien un exposé, ou quelque chose de l’ordre de la pratique : une nouvelle à écrire par exemple ? Un peu des deux. L’analyse technique beaucoup, parce que lorsqu’on étudie un roman, une nouvelle, une poésie, il faut rédiger une analyse technique. Par contre, si l’objet d’étude qui a été choisi est le dialogue ou le point de vue, là on peut faire produire un texte de fiction pour illustrer la compréhension qu’on a de ces techniques. Concernant votre parcours universitaire à vous, quels cours avez-vous suivis et qu’est-ce que vous y avez appris ? Comme j’ai suivi des cours de sociologie, je n’avais pas de cours de créative writing, mais par contre j’ai suivi des cours privés – comme chez vous aux Artisans de la Fiction – qui m’ont beaucoup appris ; et puis en lisant des livres de mes auteurs favoris sur les techniques d’écriture. Trouve-t-on beaucoup de livres sur les techniques d’écriture en librairie ou bibliothèque aux États Unis ? Oui, c’est clair. Des livres comme ceux que vous avez aux Artisans de la Fiction, même dans les librairies, on trouve une ou deux étagères qui sont dédiées aux techniques d’écriture. [caption id="attachment_6037" align="alignleft" width="260"] Ouvrage de creative writing destiné aux enseignants de collège et lycée[/caption] Comment choisissez-vous les livres que vous voulez lire dans cette bibliographie composée de centaines de références ? Bonne question. J’ai plutôt tendance, personnellement, à aller vers ce que je ne connais pas, ce que je n’ai pas compris. Par exemple, si je n’ai pas compris comment ça marchait en analysant des romans qui m’intéressent. Et aussi j’essaye de mettre la main sur un livre qui aborde beaucoup d’aspects différents. Je pense que quand vous voulez écrire, il faut écrire le genre de livres que vous aimez lire. Par exemple, moi je n’aime pas tellement les livres qui insistent sur l’univers narratif, je préfère les livres centrés sur le personnage. Les livres qui reposent essentiellement sur l’intrigue ne sont pas non plus le genre de romans que j’apprécie. J’irai donc chercher des livres de techniques sur le développement du personnage. [quote align="right" color="#999999"]Quand vous voulez écrire, il faut écrire le genre de livres que vous aimez lire[/quote] Étant donné qu’être un écrivain c’est un challenge, c’est tellement difficile, comment ici aux Artisans de la Fiction, vous encouragez vos étudiants, vous leur apprenez à rester motivé, à continuer à écrire, alors que c’est tellement difficile de se faire publier ? La plupart des élèves des Artisans de la Fiction ne viennent pas forcément dans le but de se faire publier, ils viennent simplement parce qu’ils sont curieux, et qu’ils veulent apprendre les bases de la narration. Et on remarque que l’apprentissage de la narration change considérablement leur manière de lire des romans, ou même de regarder des films. Pour ceux qui veulent être publiés, nous leur donnons avant tout, un appétit d’apprendre. Avec nous les gens découvrent tout ce qu’il y a à savoir, à apprendre pour écrire un roman, même un roman très simple, car la plupart n’en ont aucune conscience. [quote align="right" color="#999999"]On a besoin de maîtriser la structure, de connaitre les règles de construction d’un roman.[/quote] Ah oui, c’est cette idée que ça va sortir : le génie, ça vient d’un coup. Et parfois, oui, ça vient pendant 4 ou 5 chapitres au maximum et puis on rencontre un mur. Et c’est là qu’on se rend compte qu’on a besoin de maîtriser la structure, de connaitre les règles de construction d’un roman. [caption id="attachment_6045" align="aligncenter" width="640"] Matériel pour une activité narration littéraire pour des enfants de 5 à 8 ans[/caption] Les stagiaires qui viennent aux Artisans, sont contents de découvrir des outils, des structures, car ils ne trouvent pas ça ailleurs. Et il y a des gens qui viennent de loin. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’ateliers d’écriture en France, mais on n’y apprend pas à construire, on apprend la liberté de s’exprimer, qui est importante bien sûr, mais qui n’est pas suffisante pour aller au-delà de quelques pages pour écrire un roman, pour écrire une histoire. En quoi est-ce qu’ici aux Artisans de la Fiction, c’est différent de la manière traditionnelle d’apprendre la littérature, le français, en France ? En France, ce qui est très important c’est que l’accent est mis sur l’écriture, l’acte d’écrire, et non le fait de raconter une histoire. Depuis les années 60, il y a cette idée assez répandue que les règles classiques du roman sont dépassées. Et parfois lorsqu’on fait des interviews avec des écrivains, les auteurs étrangers parlent très facilement du travail technique d’artisan, alors que les auteurs français refusent de parler d’écriture ou n’en ont pas l’habitude parce que c’est considéré comme intime. Aux Artisans de la Fiction, nous apprenons à nos élèves l’artisanat de la narration, le fait qu’il existe des outils, qu’une histoire se construit, que l’auteur a une responsabilité vis-à-vis du lecteur. Et aussi qu’il ne s’agit pas d’inventer à partir de zéro, mais d’observer et d’étudier comment ont travaillé les autres écrivains, quelles techniques ils ont mises en œuvre, afin de s’en inspirer. Merci pour cet échange, j’ai vraiment découvert des choses déroutantes et passionnantes. En fait vous êtes vraiment, en France, dans une culture du génie. Quand j'écris, l'inspiration n'est pas toujours là, et lorsqu'elle n'est pas la la technique me permet de travailler quand-même. Ce que vous faites aux Artisans de la Fiction est important. Entretien : Coline Bassenne – Lionel Tran Remerciements à Greg Murray]]>
6017 0 0 0 ]]> ]]>
Écrire un Polar #6 : Shari Lapena http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-un-polar-shari-lapena/ Tue, 19 Nov 2019 16:01:16 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6103 Interview de Shari Lapena, Quais du polar

"Je passe 4-5 mois à écrire mon 1er jet puis  4-5 mois à réécrire la structure ligne par ligne"

[caption id="attachment_6105" align="aligncenter" width="641"] Shari Lapena à Quais du Polar 2019[/caption] Shari Lapena (née en 1960) est une romancière canadienne connue pour son roman policier "Le Couple d’à côté" ("The Couple Next Door", 2016), qui a été un best-seller au Canada et à l’étranger. D'abord avocate et professeure d’anglais, la carrière d’écrivaine professionnelle de Shari Lapena a débuté en 2008 avec la publication de son premier roman, "Things Go Flying". Ce roman a été finaliste pour le prix Sunburst en 2009 et son deuxième roman, "Happiness Economics", a été finaliste pour le prix Stephen Leacock en 2012. Elle répond aux questions des Artisans de la Fiction à l’occasion de Quais du Polar 2019.

Les Artisans de la Fiction : Shari Lapena, comment travaillez-vous sur un roman ?

Shari Lapena : D’habitude je commence par une idée. Je ne sais pas où cette idée va me mener mais je pense qu’elle a le potentiel pour se développer dans la bonne direction. À ce stade là je ne sais pas où l’histoire va aller. Je suis cette idée et des choses commencent à se produire. Je construis beaucoup de fils narratifs simultanés et vers la fin de l’écriture je commence à comprendre comment l’histoire va se boucler. 

Comme si vous développiez des hypothèses autour d’un problème ?

C’est un processus extrêmement organique. Je ne planifie pas la fin, j’ai besoin de voir comment les choses se déroulent, comment elles prennent de l’ampleur, puis je regarde comment ces événements affectent l’intrigue et comment l’intrigue les affecte et cela devient particulièrement complexe. [caption id="attachment_6106" align="alignright" width="358"] Édition française et édition originale de "the couple next door / Le couple d'à côté"[/caption]

Réalisez-vous des recherches avant l’écriture ?

Je m’y connais un peu en sciences criminelles, ce qui m’évite de faire de faire beaucoup de recherches, sauf sur certains points. Pour mon livre, Le Couple d’à côté, par exemple, je savais que la protagoniste souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique donc j’ai dû lire à propos de ce sujet. Au début je ne savais pas grand-chose sur ce personnage, à part qu’elle était déprimée et qu’elle laisserait son bébé à la maison tout en allant dehors, donc j’ai commencé à faire un peu de recherches. Mais, typiquement, je fais des recherches tout en écrivant. Et j’insère ce que je trouve.

Comment construisez-vous vos personnages ?

Je construis les personnages de la même manière que je construis mon intrigue : je pars avec l’idée d’un événement puis je pose des personnages que je connais peu. Je les insère dans cette situation et je vois comment ils agissent, ce qu’ils disent. Ensuite je commence à avoir une idée des personnages et en fonction des retournements de l’intrigue je vois comment mes personnages réagissent et je commence à les comprendre.

Je trouve plus facile de maintenir la tension en passant d’un point de vue à l’autre à chaque chapitre.

À quel moment choisissez-vous le point de vue ?

Avant d’écrire. Le point de vue est une décision que je prends toujours avant l’écriture, parce que sinon il faut tout réécrire. Jusqu’à présent dans mes thrillers, j’ai toujours utilisé un point de vue à la 3ème personne multiple. Je passe d’un point de vue à l’autre car j’aime vraiment être capable de suivre différentes lignes narratives avec des choses qui se déroulent en arrière-plan.  Si je suis limitée à la première personne, je ne peux pas saisir tout ce qui se passe dans l’histoire. Et je trouve plus facile de maintenir la tension en passant d’un point de vue à l’autre à chaque chapitre. 

Réécrivez-vous beaucoup ?

Je réécris beaucoup. Quand j’écris mon premier jet je ne planifie pas donc je dois réécrire afin que tout fonctionne. Mon premier jet est très expérimental et donc une fois qu’il est écrit je commence à connaître l’histoire que les personnages vivent et je me mets à réécrire, à resserrer et à faire une meilleure histoire. [caption id="attachment_6110" align="alignleft" width="524"] Édition originale, suédoise et française de "A stranger in the house /L'étranger dans la maison"[/caption]  

Combien de temps la réécriture vous prend-elle ?

À peu près autant de temps que l’écriture du 1er jet. Donc si je passe 4-5 mois à écrire mon 1er jet, je passe 4-5 mois à réécrire la structure, à réécrire ligne par ligne… Donc la moitié du temps est consacrée rédiger la première partie de l’histoire et la moitié est consacrée à terminer et améliorer.

Comment avez-vous appris comment fonctionne un roman ?

Chaque livre est un nouveau défi. Donc, je ne pense pas que ça devient plus facile. Je trouve que chaque livre est difficile à sa manière. Pour certains livres le début est plus compliqué, pour d’autres c’est la fin. J’ai appris beaucoup à propos de l’artisanat, comment faire fonctionner le livre, comment l’écrire. Je pense que je suis une meilleure écrivain aujourd’hui que je ne l’étais 3 livres en arrière mais c’est toujours une nouvelle expérience. Je ne sais jamais où cela va me conduire mais ça se résout toujours.  
Si je suis limitée à la première personne, je ne peux pas saisir tout ce qui se passe dans l’histoire.

Avez-vous pris des cours d’écriture, ou lu des livres de technique littéraire ?

Je n’ai jamais pris de cours de creative writing. Au Canada, nous avons une école privée pour les écrivains où vous pouvez suivre un programme de creative writing et payer pour un mentorat par des écrivains célèbres. Vous leur envoyez votre roman et ils travaillent avec vous. Je me suis formée et j’ai été éditée de cette manière. Je n’ai pas pris de cours de creative

writing, mais j’ai suivi des workshops d’écriture, ou plutôt des groupes d’écriture, mais j’ai trouvé cela perturbant, car trop de gens parlaient de trop de textes en même temps. Mais je trouve que travailler avec une ou deux personnes est particulièrement utile. 

Quel a été le point technique le plus difficile à maîtriser pour vous ?

Pour moi, c’est l’intrigue. Je suis connue pour mes intrigues. Mes intrigues sont très bonnes. Mais l’intrigue est pour moi ce qu’il y a de plus difficile. C’est pour ça que je commence par l’intrigue dans ma réécriture, parce que dans un thriller l’intrigue doit être tellement compliquée, elle doit être serrée, elle doit générer tellement de suspens et vous devez la travailler pour qu’elle créer un maximum de suspens dans chaque scène. 

Quel serait votre conseil à un apprenti écrivain ?

Je dirais à un jeune écrivain : la chose la plus importante est de trouver sa propre voix, parce qu’il y a tellement de voix et donc tellement de nouvelles manières de raconter des histoires. Votre voix c’est votre façon de raconter votre histoire, le point de vue. Je leur dirais de trouver quelque chose de différent, quelque chose qui parle pour eux, afin qu’ils n’écrivent pas quelque chose de la même manière que tout le monde, parce que ça ne marchera pas, donc je leur dirais : trouvez votre propre voix. Et pour trouver sa voix, je dirais : écrivez d’une manière excitante. Ne tenez pas compte du marché, écrivez ce qui vous excite personnellement et votre voix apparaîtra. Interview, transcription et traduction : Lionel Tran Remerciements à Quais du Polar.    ]]>
6103 1648 0 0 ]]> ]]>
Interview Árni Þórarinsson : "Prendre son travail au sérieux plutôt que soi-même" http://www.artisansdelafiction.com/blog/interview-arni-thorarinsson/ Thu, 05 Dec 2019 16:17:54 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6147 Interview de Árni Þórarinsson - Quais du Polar 2019.

Árni Þórarinsson est un pionnier du polar nordique. Né en 1950 à Reykjavik (Islande), il a étudié la littérature comparée et la philosophie en Angleterre. Longtemps  journaliste, Árni a ensuite embrassé la carrière de scénariste avant de publier douze romans traduits dans plus d’une vingtaine de langues. "Le Temps de la sorcière" a été adapté en série et nominé à l’Icelandic Literature Prize. Dans cette interview Árni Þórarinsson nous raconte son parcours et son processus d'écriture.

Les Artisans de la Fiction : Vous avez étudié la littérature comparée en Angleterre. Est-ce que cela vous a aidé en tant qu’auteur ?

Árni Þórarinsson : Ça m’a vraiment aidé, en particulier parce que ça m’a permis de lire beaucoup de romans classiques. Vers la fin de mes études mon meilleur ami écossais m’a offert The long goodbye de Raymond Chandler. Et c’est ce livre qui m’a montré l’importance des romans policiers, ça m’a prouvé que c’était de la vraie littérature. A partir de ça je me suis mis à lire beaucoup de romans policiers. 

J'ai donc appris la technique grâce à la lecture de romans policiers et le travail de journaliste Interview Árni Þórarinsson

En avez-vous analysé la structure, la façon dont ils fonctionnent ?

Tout à fait. Je voulais écrire des romans policiers pour mon propre plaisir et justifier mes études universitaires !

Quand j’ai quitté l’université j’ai travaillé comme journaliste et ça a été très formateur. J’ai appris à faire des recherches, à écrire rapidement et clairement. Et puis un journaliste rencontre tellement de gens. On peut prendre des facettes de ces gens-là pour créer des personnages, c’est très utile. La discipline journalistique est extrêmement saine : l’idée c’est de prendre son travail au sérieux plutôt que soi-même. J'ai donc appris la technique grâce à la lecture de romans policiers et le travail de journaliste.

Avez-vous pris des cours de creative writing ?

Non. Au départ j’écrivais des petites choses, comme par accident. Les choses ont changé à l’été 1994. Je lisais un livre de Ross Macdonald, mon auteur préféré, mais il s’est mis à pleuvoir et mon livre était tellement trempé qu’il était devenu illisible. Je m’ennuyais alors j’ai décidé d’essayer d’écrire, j’ai commencé à noter des idées pour un roman policier islandais. En 1994 en Islande, le roman policier islandais n’existait pas, il n’y avait rien de la sorte. 

Comment travaillez-vous sur vos romans ? Avez-vous vu une évolution dans votre manière de travailler depuis vos premiers romans jusqu’aux plus récents ?

J’ai appris à travailler en amont, à faire de plus en plus de recherches, à prendre beaucoup de notes avant la rédaction.

J’écris un synopsis pour chaque chapitre. J’écris aussi une description et un synopsis pour chacun des personnages : l’idée c’est de savoir quand est-ce que le personnage arrive dans l’histoire et quand est-ce qu’il la quitte. 

[caption id="attachment_6171" align="aligncenter" width="600"] Árni Þórarinsson durant Quais du Polar 2019[/caption]

Quand je commence à rédiger, j’ai donc déjà réalisé un gros travail préparatoire, comme une carte de l’histoire que je veux raconter. Je suis cette carte même si, bien sûr, il peut m’arriver de m’en éloigner. Il me parait impossible d’écrire un bon roman policier sans avoir réalisé un travail préparatoire, en particulier si vous n’avez aucune idée de la manière dont le roman va se terminer. L’improvisation ne fonctionne que si on a une base solide. J’ai vu trop d’auteurs qui ne savent pas du tout ce qu’ils font.

En effet, on interview parfois des auteurs français qui nous disent qu’ils ne préparent rien en avance.

Vraiment ? Ah bon. J’imagine que c’est une question de choix. Mais je pense que la préparation vous permet de travailler plus vite, d’être plus efficace à la rédaction. Je fais beaucoup de travail préparatoire mais ne vous trompez pas, je fais également un gros travail de réécriture. 

J’ai des gens proches qui lisent les premières versions et qui font des suggestions que je prends parfois en compte et parfois non. 

Quel a été l’aspect technique le plus difficile à acquérir pour vous ? Est-ce que c’est le dialogue ? La description ? La création des personnages ?

Je crois que c’est la description. J’ai des facilités dans l’écriture de dialogues. La création de personnages n’est pas non plus une entreprise trop difficile pour moi. Mais peindre un tableau d’une scène et faire passer au lecteur l’émotion que génère le paysage… je ne dis pas que c’est horriblement difficile, mais c’est ce qui m’est le moins naturel. La plupart des lieux que j’utilise dans mes romans sont des lieux qui existent vraiment.

L’improvisation ne fonctionne que si on a une base solide. J’ai vu trop d’auteurs qui ne savent pas du tout ce qu’ils font. Interview Árni Þórarinsson quais du polar 2019

Ce sont des endroits que vous connaissez déjà ?

Parfois oui et parfois non. Parfois je dois me rendre dans un lieu que je ne connais pas mais que je veux visiter pour l’utiliser. Un été j’ai loué un appartement à Barcelone et je suis installé sur le balcon pour écrire en plein soleil. Le problème c’est que j’écrivais un roman qui se passait en hiver... Du coup je regardais des vidéos pour m’aider à me reconnecter émotionnellement à l’ambiance de l’hiver.

Interview Árni Þórarinsson stand Quais du polar 2019

Comment créez-vous vos personnages ?

Ce sont des assemblages de plusieurs aspects de différentes personnes que je connais. Par exemple, Einar est un cocktail réalisé à partir plusieurs de mes collègues journalistes et de moi-même. Il a également des éléments inspirés par des détectives issus des romans hard boiled américains. 

Vous avez mentionné le travail de réécriture qui suit votre travail préparatoire et votre rédaction. En général, combien de réécriture réalisez-vous ?

C’est difficile à dire. Avec l’ordinateur on peut changer des éléments à l’infini. Quand j’ai commencé comme journaliste j’ai travaillé pendant plusieurs années sur des machines à écrire. C’est une excellente discipline : vous devez avoir une idée très claire de ce que vous écrivez avant même de vous mettre à écrire.  

Ecoutez les remarques et ne pensez surtout pas que vous pourrez tout apprendre par vous-même.

Et pour terminerc cette interview Árni Þórarinsson, quels seraient vos conseils à un jeune auteur ?

Mettez-vous à l’écriture ! Et persévérez jusqu’à ce que vous vous sentiez suffisamment à l’aise pour faire lire votre travail à quelqu’un d’autre. Faites lire votre travail à d’autres et soyez ouverts. Ecoutez les remarques et ne pensez surtout pas que vous pourrez tout apprendre par vous-même. 

Interview : Lionel Tran Traduction : Julie Fuster Remerciements à Quais du Polar et Árni Þórarinsson pour cette interview.

Sur le même thème : Entretien avec Jón Kalman Stefánsson et Guðrún Eva Mínervudóttir Quais du Polar 2020

]]>
6147 1648 0 0 ]]> ]]>
Entretien avec Yrsa Sigurdardottir, autrice de polars islandais http://www.artisansdelafiction.com/blog/yrsa-sigurdardottir-autrice-de-polars-islandais/ Fri, 06 Dec 2019 15:06:46 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6158 Interview avec Yrsa Sigurdardottir Yrsa Sigurdardottir est ingénieure dans le génie civil islandais. Elle est également l’autrice de 16 romans policiers traduits dans le monde entier, ainsi que de nombreux romans jeunesse. Son roman "Je sais qui tu es" a été adapté au cinéma en 2017.  Yrsa Sigurdardottir Les Artisans de la Fiction l’ont interviewée lors de son passage au festival Quais du Polar 2019 à Lyon.

Les Artisans de la Fiction : Quel est le point de départ de vos romans ?

Yrsa Sigurdardottir : Ça dépend. En général je pars d’un personnage, mais il m’arrive aussi de partir d’un lieu que j’ai visité ou encore d’une idée, d’un évènement. Bien entendu l’idée de départ n’est jamais l’idée complète du livre. C’est une sorte de graine qui se déploie. Ensuite je réfléchis à comment je peux faire évoluer cette idée, ce que je peux en changer, ce que je peux modifier.
Lisez un livre en entier et demandez-vous “Pourquoi est-ce que j’ai aimé ce livre ?”

Est-ce que vous préparez vos romans en amont, avant la rédaction ?

Oui, je prépare beaucoup. Je réfléchis et j’essaye de faire toutes mes recherches avant de commencer à rédiger. Mais quand je me mets à rédiger je me rends compte qu’il me manque des éléments et en général je dois à nouveau faire des recherches même pendant la phase de rédaction. Le temps de préparation prend environ deux ou trois mois, puis la phase d’écriture prend environ 6 mois, en incluant ces nouvelles phases de recherche.  [caption id="attachment_6160" align="alignleft" width="253"]Yrsa Sigurdardottir Yrsa Sigurdardottir à Quais du Polar 2019[/caption]

Y-a t’il des personnes qui lisent les premières versions de vos romans et qui vous conseillent ?

Non. Il n’y a que mon éditeur qui ait accès aux premières versions. 

Quel est l’aspect technique qui vous pose le plus de souci ou qui a été le plus difficile lors de l’écriture de vos premiers romans ?

Je dirais que c’est d’écrire la fin des mes romans. Mes histoires sont complexes et au début j’avais peur que la résolution finale soit trop compliquée à expliquer au lecteur et que ça devienne ennuyeux à lire. Pus vous avancez dans l’écriture d’un livre, moins vous avez de flexibilité. Au début du roman, tout est possible, vous êtes libre. Mais au fur et à mesure des décisions que vous prenez, vous perdez en liberté.
Reprenez votre travail, relisez-le, trouvez les faiblesses

Comment avez-vous appris à écrire des histoires ?

En lisant, seulement en lisant. Je suis une lectrice compulsive, j’adore ça. Je suis ingénieure et je n’ai jamais étudié le creative writing ou quoi que ce soit du genre. D’ailleurs, pour devenir un bon auteur, je ne conseille pas de faire des études littéraires mais je conseille de lire énormément. (…) Lisez un livre en entier, puis mettez-le de côté et demandez-vous : “Pourquoi est-ce que j’ai aimé ce livre ?”, “Comment l’auteur a t-il fait pour que je m’attache à ce personnage ?”. Et ensuite il ne s’agit pas de copier mais de trouver sa propre manière de faire.  Yrsa Sigurdardottir Que conseillerez-vous à un jeune auteur ? De ne pas baisser les bras ! Beaucoup de jeunes auteurs commencent un roman et s’arrêtent au milieu du travail parce qu’ils pensent qu’ils sont mauvais ou que c’est trop dur. Alors je conseille de ne pas abandonner. Reprenez votre travail, relisez-le, trouvez les faiblesses. De nos jours, avec l’ordinateur, on peut reprendre ses textes facilement et c’est très pratique. Je dirais aussi que c’est normal d’avoir des phases où on se sent moins bien par rapport à son travail. D’un jour à l’autre on peut trouver que son travail est brillant puis médiocre. C’est normal, c’est une sorte de montagne russe. Soyez-en conscient. Interview : Lionel Tran Traduction : Julie Fuster Remerciements à Quais du Polar Sur le même thème : Entretien avec Jón Kalman Stefánsson et Guðrún Eva Mínervudóttir Quais du Polar 2020  ]]>
6158 1648 0 0 ]]> ]]>
Enseigner le creative writing #5 : Jane Smiley http://www.artisansdelafiction.com/blog/enseigner-le-creative-writing-5-jane-smiley/ Thu, 26 Dec 2019 15:42:48 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6178 "Les élèves trouvent du plaisir à jouer avec leurs histoires" [caption id="attachment_6197" align="alignleft" width="351"] La romancière et professeur de creative writing Jane Smiley aux Assises Internationales du Roman[/caption] Jane Smiley a remporté le Pulitzer fiction en 1992  avec « A Thousand Acres /L’exploitation », adapté au cinéma sous le titre « Secrets » (avec Michelle Pfeiffer, Jessica Lange et Jennifer Jason Leigh) en 1997. Son guide Thirteen Ways of Looking at the Novel (2005) est une réflexion sur l’histoire et la nature du roman, dans la tradition de l’ouvrage d’E. M. Forster intitulé Aspects of the Novel, qui s’étend de Le dit du Genji de Murasaki Shikibu, au Japon, au XIe siècle, à la littérature féminine américaine du XXIe siècle. De 1981 à 1996, Jane Smiley a été professeur d’anglais à l’Iowa State University, où elle a enseigné des ateliers d’écriture créative au premier et au deuxième cycle. Depuis 2015, Jane Smiley enseigne la création littéraire à l’Université de Californie, Riverside. Elle répond aux questions des Artisans de la Fiction à propos de sa manière d’enseigner le creative writing.   Les Artisans de la Fiction : Quelle est votre opinion sur le creative writing ? Jane Smiley : J’ai étudié et j’enseigne le creative writing donc mon opinion est forcément positive. Mais il faut dire que j’ai une façon très spécifique d’enseigner : mes classes ont entre 12 et 13 élèves. Quand j’ai commencé comme professeur, le trimestre durait 16 semaines, maintenant ce n’est plus que 10 semaines. Chaque semaine les élèves amènent une histoire qu’ils ont écrite. Sur une durée de dix semaines ils amènent 3 jets de 3 histoires différentes puis un 4ème jet de l’une de ces trois histoires. Tout le monde lit les textes de tout le monde et ensuite ils se critiquent entre eux. Mais ne se jugent pas. [caption id="attachment_6188" align="aligncenter" width="360"] , les deux premiers titres de la trilogie de Jane Smiley : 'Nos premiers jours" (2016) et "Nos révolutions" (2018)[/caption] Quelle est la différence entre la critique et le jugement ? Et bien ils n’ont pas le droit de dire s’ils aiment ou s’ils n’aiment pas le texte d’un autre, si ce texte est bon ou non. Ils doivent seulement donner un point de vue technique. Par exemple, si un élève considère qu’une histoire d’un de ses camarades ne fonctionne pas, il dira : « À la page 12, pourquoi tel et tel personnages font-ils ceci et cela ? » L’élève qui a écrit l’histoire n’a pas le droit de répondre, il écoute les autres élèves discuter de son histoire entre eux. Et chaque discussion sur chacune des histoires dure entre vingt et vingt-cinq minutes. Donc chaque histoire est analysée à chaque cours. Pour la séance suivante ils doivent écrire un nouveau jet de cette même histoire et après trois jets, ils mettent cette histoire de côté et recommence une histoire. Combien de temps dure une classe ? [quote align="right" color="#999999"]J’enseigne le creative wrting de cette manière depuis 35 ans.[/quote] Environ trois heures. Le résultat de ça, selon moi, c’est que les élèves trouvent du plaisir à jouer avec leurs histoires, à essayer des choses. Ils n’ont pas peur d’être jugés, ils ne se sentent pas mis personnellement en jeu et ils peuvent se concentrer sur ce qui est intéressant dans leur histoire. Ils apprennent des autres élèves en écoutant ce qu’ils ont compris et pas compris de leur histoire. Ils ont un aperçu de leur travail depuis d’autres points de vue. Ce que je remarque aussi, c’est que plus le semestre avance, plus les élèves sont à l’aise les uns envers les autres. J’enseigne le creative wrting de cette manière depuis 35 ans. Ça me plait, je vois que ça plait aux élèves et je vois aussi que certains ont réussi à produire d’excellents travaux. C’est ma manière à moi de procéder. [caption id="attachment_6185" align="aligncenter" width="360"] Couvertures originales des romans de Jane Smiley[/caption] Nous avons interviewé des professeurs de creative writing américains et j’ai remarqué qu’à l’université vous n’abordez pas la technique, c’est-à-dire comment écrire un dialogue, une description… En effet, et la raison est simple : en plus des ateliers d’écriture, les élèves suivent des cours de littérature. Et ils lisent et apprennent des autres auteurs. Pendant le cours on discute, par exemple, de la qualité de leurs propres dialogues, s’ils font passer assez d’informations ou non, s’ils sont utiles ou non. J’essaye de conserver en eux une forme d’écriture intuitive. L’aspect technique est enseigné pendant les cours de littérature et en lisant des romans. Quelqu’un qui aime écrire c’est d’abord quelqu’un qui aime lire, je ne pense pas qu’on puisse devenir un bon écrivain si on ne lit pas. [quote align="right" color="#999999"]On peut penser le roman comme une sorte de pyramide[/quote] J’attends des élèves les plus avancés que les questions de grammaire, d’orthographe et de ponctuation soient acquises ou bien que si elles ne le sont pas, qu’ils travaillent dessus de manière active. Ça aussi ça doit devenir un travail intuitif. [caption id="attachment_6198" align="aligncenter" width="379"] Le livre de Jane Smiley sur les aspects et l'histoire du roman, et l'ouvrage de E.M. Foster qui l'a inspiré.[/caption] J’ai aussi une théorie que je leur explique très souvent : on peut penser le roman comme une sorte de pyramide. Le bas de la pyramide, là où se trouve la porte d’entrée, c’est le langage. Vous devez acquérir le langage pour passer la porte, apprendre la grammaire, apprendre le vocabulaire. Le niveau suivant c’est l’intrigue et les personnages : de nombreux livres s’arrêtent à la question de l’intrigue et des personnages. C’est souvent le cas pour les romans policiers, les thrillers ou les romances que vous achetez dans les grands magasins. Pour ces livres, ce qui compte c’est que les personnages soient crédibles et que l’intrigue soit surprenante.

Le niveau suivant de la pyramide concerne l’univers narratif (setting) et le thème. Bien sûr, l’univers narratif change en fonction de la manière dont le personnage agit : par exemple, si je prends Don Quichotte et que je le place en 1604 en Grande Bretagne plutôt qu’en Espagne, l’histoire devient très différente car l’intrigue de Don Quichotte est chevillée à l’univers narratif dans lequel elle se déploie. Le haut de la pyramide c’est la complexité. Mais il ne peut pas y avoir de la complexité partout. Si votre langage et votre intrigue sont tous les deux compliqués, personne ne vous lira. Certains livres ont des thèmes compliqués, certains livres ont des univers complexes et le lecteur doit perpétuellement réimaginer ce qui se passe, ou vous pouvez avoir des personnages complexes. Et plus l’auteur est capable d’atteindre cette complexité, et plus le roman est un chef d’œuvre littéraire. Mais ce n’est pas la complexité d’une œuvre qui rapporte de l’argent : ce qui rapporte de l’argent c’est des bons personnages et une bonne intrigue ! C’est ça qui vend ! [quote align="right" color="#999999"]J’aime cette idée qu’on n’a pas d’autre choix que celui d’être original. [/quote] En tant qu’auteur, vous ne pouvez pas vous échapper de vous-même. Vous pouvez toujours vous dire « Je vais être le nouveau Léon Tolstoï » mais c’est faux. Quoi que vous faites, vous êtes coincé avec vous-même. Et en fonction de qui vous êtes, vous serez plus ou moins cruel que Tolstoï.  Vous aurez plus ou moins d’humour que Tolstoï. Mais vous ne serez pas Tolstoï. J’aime cette idée qu’on n’a pas d’autre choix que celui d’être original. Vous êtes forcément original, mais ça ne suffit pas : vous devez apprendre à rendre votre livre intéressant, agréable à lire — bien plus qu’être original. Comment abordez-vous cette question avec vos étudiants, est-ce que vous parlez du genre d’auteurs qu’ils doivent choisir d’être ? Non, on n’en parle jamais. On parle toujours de manière très pratique, du texte qu’on a sous les yeux. Parfois il arrive qu’on discute un peu de tout ça en privé, mais je n’aime pas qu’ils pensent au futur, qu’ils se projettent. Je veux qu’ils se concentrent sur le travail. Ils savent où se situent leurs forces : quand on passe 10 semaines à discuter sur des versions de leurs histoires, ils finissent par avoir une idée assez claire de leurs forces en tant qu’écrivain. Une fois qu’on sait ça, la clé se situe dans la volonté de continuer à travailler. Chaque jet a-t-il une longueur précise ? C’est tapé à l’ordinateur. Entre 15 et 25 pages. Vous leur donnez une limite, un nombre de mots ou de pages maximum ? Non. Mais ils comprennent tout de suite que s’ils donnent 50 pages à lire chaque semaine à leurs camarades ceux-ci vont vite se fatiguer et en avoir marre. Je veux qu’ils soient dans une posture d’observateur et qu’ils tirent les conclusions de leur propre observation. Comment avez-vous appris à enseigner le creative writing ? J’ai étudié le creative writing à l’Université d’Iowa. Je n’ai pas beaucoup appris de mes professeurs, mais j’ai énormément progressé grâce à mes camarades de classe. Je n’écoutais pas les professeurs : c’était l’époque où c’était tous des hommes nés dans les années 20 et 30 qui ne savaient que proférer des injonctions. Ça ne nous intéressait pas en tant qu’élèves. Ce qui nous intéressait, par contre, c’était de faire lire de bons textes à nos camarades. Et quand c’était le cas nous étions contents. J’avais un groupe d’amis, cinq ou six personnes, et nous organisions des groupes de lecture rien que pour nous afin de nous montrer nos travaux. C’est ce que j’attends de mes étudiants : qu’ils se fassent vivre des choses entre eux à travers leurs textes, que leurs textes soient agréables à lire. Pas qu’ils me fassent plaisir à moi. [caption id="attachment_6183" align="aligncenter" width="360"] Deux éditions de "A thousand Acres" de Jane Smiley, Pulitzer fiction 1992.[/caption] Qu’avez-vous appris de toutes ces années d’enseignement ? Je me souviens d’une fois où je parlais de l’histoire d’un étudiant, et en en parlant j’ai trouvé la solution à un des problèmes que je rencontrais moi-même sur un de mes romans. Quand vous analysez les histoires des autres de manière régulière, vous êtes mis face à ce qui fonctionne ou ce qui ne fonctionne pas. Et vous pouvez vous aider de tout ça pour votre propre travail. Lorsque mes étudiants cherchent des solutions pour les histoires des uns et des autres, je fais la même chose. Moi aussi je cherche des solutions. Le lecteur sent le plaisir de l’auteur, le plaisir de créer un puzzle, même si c’est un puzzle triste dans le cas d’une histoire triste. En 35 ans d’enseignement, avez-vous remarqué une évolution dans les attentes de vos étudiants ? J’ai enseigné dans deux régions très différentes : dans l’Iowa — à University of Iowa et ensuite  à  Iowa State University — et maintenant j’enseigne à UC Riverside qui est au sud de la Californie. Ces deux régions ont des démographies très différentes. En Iowa j’avais beaucoup d’enfants de fermiers pour qui l’université est une manière de s’extirper de leur milieu social. Et je m’inspire de cette expérience dans mon roman Moo, où il est question d’un professeur de creative writing. En Californie, beaucoup de mes étudiants sont originaires du Mexique ou d’Asie. Et donc pour beaucoup d’entre eux, l’anglais n’est pas la langue maternelle. Ce qui veut dire que leur grammaire et leur orthographe ne sont pas parfaits, mais ça veut aussi dire que ce sont souvent des gens qui ont des histoires très intéressantes à raconter. J’adore enseigner à des élèves immigrés de première génération dont les familles n’ont pas eu accès à l’enseignement supérieur. Car leurs histoires sont souvent très intéressantes. J’ai donc surtout vu une différence liée à la démographie plutôt qu’à l’âge. [caption id="attachment_6181" align="aligncenter" width="360"] Ediition française et américaine de Private life de Jane Smiley[/caption] Les élèves d’aujourd’hui lisent-ils moins qu’il y a 30 ans ? Je n’en sais rien. Certains lisent beaucoup, certains lisent moins. Je leur dis qu’ils doivent lire s’ils veulent écrire.  Quels seraient vos conseils à un jeune professeur de créative writing ? D’être patient ! Et d’être dans l’analyse, pas dans la critique. Éteignez votre jugement, soyez ouvert. Posez des questions !   Entretien réalisé durant les Assises Internationales du Roman 2018 Interview : Lionel Tran Transcription & traduction : Julie Fuster Remerciements : MathildeWalton-IsabelleVio]]>
6178 0 0 0 ]]> ]]>
Jane Smiley - Comment travaillez-vous vos romans ? http://www.artisansdelafiction.com/blog/jane-smiley-ecrire-roman/ Thu, 30 Jan 2020 13:20:27 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6283 "Vous devez comprendre la structure d’une intrigue." Interview de Jane Smiley - Les Artisans de la Fiction Jane Smiley a publié son premier roman, Barn Blind, en 1980. En 1992 son best-seller A Thousand Acres /L’exploitation, basée sur le Roi Lear de Shakespeare, a reçu le prix Pulitzer fiction. Il a été adapté au cinéma sous le titre « Secrets » (avec Michelle Pfeiffer, Jessica Lange et Jennifer Jason Leigh) en 1997. Sa trilogie Nos premiers jours /Nos révolutions /Notre Âge d'or vient d'être publiée en France. Son guide Thirteen Ways of Looking at the Novel (2005) est une réflexion sur l’histoire et la nature du roman, dans la tradition de l’ouvrage de E. M. Forster intitulé Aspects of the Novel, qui s’étend de Le dit du Genji de Murasaki Shikibu, au Japon, au XIe siècle, à la littérature féminine américaine du XXIe siècle. Elle répond aux questions des Artisans de la Fiction et revient sur le travail d'écriture de roman. 

Comment travaillez-vous sur vos romans ?

Jane Smiley : En général, mes idées de départ sont assez précises : j’ai toujours l’un ou l’autre étage de la pyramide* qui me vient en premier. Pour ma trilogie « The Last Hundred Years » c’était la complexité. Ou plutôt la complexité associée à l’univers narratif et aux personnages. Les personnages vivent dans un endroit duquel ils vont déménager. L’intrigue est donc liée à l’histoire des lieux qu’ils laissent et qu’ils rejoignent. *ndlr: Pour Jane Smiley le roman est similaire à une pyramide, le langage en est la base et permet de passer la "porte" d'entrée de la pyramide. L'intrigue et les personnages constituent selon elle le second palier, l'univers narratif le troisième et enfin, la complexité, est au sommet.  Livres de Jane Smiley Pour « A Thousand Acres /L’exploitation » (Pulitzer 1992), je savais que je voulais réécrire « Le Roi Lear ». Donc bien sûr l’intrigue est venue en premier puisque je la reprenais de Shakespeare. Ensuite ce furent les personnages. Je voulais que Goneril et Régane (les filles aînées du roi Lear) soient les personnages principaux, plutôt que Lear lui-même. Pour « Horse heaven/Le paradis des chevaux », c’est l’univers narratif qui m’est apparu en premier. Je voulais écrire sur un champ de courses ou sur l’univers des champs de courses. Et dans cet univers il y a des personnages naturels, des chevaux, des cavaliers. Les différents livres viennent de points de départ différents et me donnent la direction dans laquelle me diriger. [caption id="attachment_6189" align="aligncenter" width="360"]A Thousand Acres, prix Pulitzer, Jane Smiley "A thousand acres" Pulitzer 1992), et l'adaptation cinématographique réalisée en 1997.[/caption]

Quel travail préparatoire faîtes-vous (sur la création des personnages, recherches etc.) avant de commencer l'écriture ?

Je fais un vrai travail de préparatoire. Quand je réalise qu’un sujet m’intéresse, je lis sur le sujet, je me rends sur les lieux — ce qui est toujours surprenant —… et il y a un moment où, instinctivement, je sens que j’en sais suffisamment pour me mettre à écrire. [quote align="right" color="#999999"]Je sais que lors de l’écriture, je devrais forcément continuer mon travail de recherche[/quote] Plus j’écris plus je prends conscience de ce que je ne sais pas sur le sujet. Par exemple pour « Horse Heaven », j’ai visité des champs de courses, j’ai lu des livres sur le sujet et j’ai interviewé des gens qui avaient l’habitude des courses de chevaux. Une nuit, j’étais dans la cuisine, je me faisais griller un toast et j’ai eu l’idée de la première phrase du roman. Vous pouvez être sûr que j’étais dans ma chambre à écrire bien avant que le toast soit prêt ! C’est l’exemple le plus bizarre de réaction instinctive, ce moment où vous savez que c’est le moment d’y aller, de rédiger. Si vous en savez trop sur un sujet, ça va créer le chaos dans votre tête. Mais il faut quand même en savoir suffisamment pour avoir de la matière pour commencer. Donc il faut commencer avec peu de matériaux et continuer les recherches au fur et à mesure de l’écriture. Interview de Jane Smiley - Les Artisans de la Fiction Qu’est-ce qui est nécessaire pour que vous commenciez votre travail ? Connaitre la fin votre roman ? Non. J’ai besoin de ressentir de la curiosité sur le thème sur lequel je vais écrire.

Quelle est la part d’éléments autobiographiques dans vos romans ?

Ça dépend des romans. Quand j’écrivais ma trilogie, j’incluais aux personnages fictifs des caractéristiques de personnes que je connaissais dans la vraie vie. Mais les personnages eux-mêmes n’étaient pas inspirés de personnes que je côtoyais. Pour « Horse heaven » c’était un peu différent : aux États Unis, si vous arrivez sur un champ de courses et que vous dites que vous êtes auteur, on va vous étouffer sous les histoires et les anecdotes. Du coup, c’était très rigolo. J’ai beaucoup appris. Chaque histoire qu’on me racontait avait l’air incroyable et pourtant elle était vraie. Celle que j’ai créée moi-même, l’intrigue du livre, est bien plus plausible que toutes les histoires réelles que j’ai entendues ! Horse Heaven - Jane Smiley

Quelle est l'importance de la structure dans un roman  ?

La question de la structure rejoint celle de l’intrigue : si vous lisez un polar, vous êtes tenu par le suspens, de twist en twist, jusqu’au climax puis le dénouement. [quote align="right" color="#999999"]L’intrigue c’est la logique du roman. Si votre roman n’a aucune logique, votre lecteur ne pourra pas vous suivre. [/quote] Vous devez comprendre la structure d’une intrigue. Chaque roman a une intrigue. L’intrigue c’est la logique du roman. Si votre roman n’a aucune logique, votre lecteur ne pourra pas vous suivre. L’auteur doit comprendre comment fonctionne une intrigue en général et sa propre intrigue en particulier et la meilleure façon de le faire c’est de lire des romans et d’analyser les intrigues. Je ne sais pas si vous avez lu Tristram Shandy de Laurence Sterne mais c’est un livre qui a une logique interne très forte, même si Sterne lui-même ne connaissait pas la fin avant de l’écrire. C’est ça l’idée : vous devez trouver un moyen de lire et d’apprendre des grands auteurs pour comprendre leurs structures et comment les réutiliser. Interview de Jane Smiley - Les Artisans de la Fiction

Est-ce que quelqu’un lit ou relit votre travail pendant vos phases d’écriture ?

Mon mari. Je me réveille le matin et avant d’aller au travail je lui lis ce que j’ai écrit la veille à voix haute. Ça m’aide à comprendre le rythme. Donc je lui lis à voix haute, et je vois ses réactions… ou son absence de réaction. Je ne fais lire mon travail à personne d’autre jusqu’à ce que le livre soit terminé. [quote align="right" color="#999999"]J’ai de la chance d’écrire des livres, parce que faire un film a l’air tellement compliqué[/quote] Qu’est-ce qui est le plus difficile à écrire pour vous ? Les dialogues ? Les descriptions ? Vraiment ça dépend des livres. J’adore écrire des livres, c’est comme un puzzle. Nous venons de visiter le musée du cinéma à Lyon et ça m’a fait penser que j’ai de la chance d’écrire des livres, parce que faire un film a l’air tellement compliqué.

Interview de Jane Smiley - Les Artisans de la Fiction

Quels sont les auteurs qui vous ont le plus appris ?

Charles Dickens, Shakespeare. Et les livres pour les enfants qui m’ont appris le plaisir de lire des histoires. Ils m’ont aussi appris qu’une même histoire peut avoir différents niveaux de lecture. Et plus on lit plus on comprend ces niveaux. Je relis mes classiques et j’apprends toujours un peu plus. J’ai aussi appris de ces livres que j’étais intéressée par les thèmes plus adultes, les sujets complexes, ambigus. J’ai appris que je n’étais pas très attirée par le suspens, mais plutôt par la psychologie des personnages. Romans de Jane Smiley Par exemple Troloppe et Proust. Les deux sont intéressés par la psychologie des personnes. Les personnages de Trollope sont toujours ambigus. Quand ils désirent quelque chose, ils savent ce que ça va leur coûter financièrement ou psychologiquement. Je trouve ça passionnant. Puis Trollope est très bon pour créer des personnages complexes. Ce qui n’est pas le cas de Dickens. De Proust, j’ai apprécié sa façon de se dévoiler pour mieux se déguiser, se cacher. J’ai lu plus tard que Proust était gay et que dans La Recherche, la figure de la personne aimée est un personnage masculin. Je trouve ça incroyable d’avoir été si transparent et si secret à la fois. Madame de La Fayette et Marguerite de Navarre m’ont aussi beaucoup appris sur la complexité des personnages. Cet entretien a été réalisé durant les Assises Internationales du Roman 2018 par Lionel Tran, grâce à la collaboration de Mathilde Walton et Isabelle Vio. Il a également été transcrit et traduit par Julie Fuster pour vous permettre d'en profiter ! Si cet article vous a plu et que le travail d'écriture d'un roman vous intéresse nous vous invitons à consulter les conseils d'écrivains de Joyce Carol Oates ou à regarder notre interview exclusive de Chigozie Obioma.      ]]>
6283 0 0 0 ]]> ]]>
L'écriture n'existe pas - Pierre Lemaitre http://www.artisansdelafiction.com/blog/lecriture-n-existe-pas/ Wed, 19 Feb 2020 14:18:35 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6317 « Ecrire bien n'existe pas. » pierre lemaitre écrire n'existe pas

De nombreuses angoisses pèsent sur qui veut écrire. L'une des plus répandues est de devoir bien écrire. Bien écrire tout de suite, dès le premier jet. Nous voyons encore trop souvent nos élèves se décourager car leur premier essai est décevant. Alors qu'il n'y a rien de plus normal lorsqu'il s'agit d'écrire. Pierre Lemaitre va plus loin encore : l'écriture n'existe pas.  

La littérature pour apprendre l'écriture

Le 6 février 2020, la librairie Vivement Dimanche recevait Pierre Lemaitre, romancier et auteur de « Au revoir là-haut » (prix Goncourt 2013) à l'occasion de la sortie de son dernier roman : « Miroir de nos peines».

Les Artisans de la Fiction ont sauté sur cette occasion inespérée de questionner l'écrivain sur son travail d'écriture et son apprentissage de la narration. Dans cette interview il partage avec nous la vision de son travail et notamment l'importance de la réécriture.

Pierre Lemaitre ne s'est pas formé à la narration littéraire. Comme de nombreux auteurs français, il n'a pas eu accès à des cours de creative writing. Il n'a également jamais participé à des ateliers d'écriture. En revanche, il considère la littérature comme un véritable professeur dans son parcours. [quote align="right" color="#999999"] Si vous essayez d'écrire bien, vous allez en faire trop. [/quote]

Car avant d'écrire, Pierre Lemaitre formait des bibliothécaires. Pendant vingt ans il a organisé des séminaires dans le domaine de la littérature française et américaine. Il a passé énormément de temps à désosser un grand nombre d’œuvres avant d'écrire à son tour. De fait, à l'écriture de son premier roman il disposait de nombreuses techniques narratives. C'est en étudiant la littérature et les outils de la narration qu'il a appris à les maîtriser.

Pourquoi l'écriture n'existe pas : c'est de la réécriture

Bien que cela puisse paraître étrange, pour Lemaitre l'écriture n'existe pas. Selon lui, le processus d'écriture est un processus de réécriture. [quote align="right" color="#999999"] Je ne pouvais pas écrire ma seconde phrase tant que la première n'était pas nickel à mes yeux. [/quote] Lorsque l'on écrit, nous sommes toujours en train de réécrire, de remodeler les mots. Il faut dix-huit mois à Pierre Lemaitre pour écrire un livre. Six sont consacrés aux recherches. Deux seulement à l'écriture du premier jet. Les dix mois restants sont dédiés à la réécriture.

La réécriture permet de se défaire des "effets de manche" et de l’ego d'auteur qui transparaît presque toujours dans le premier jet. Pour Pierre Lemaitre c'est l'occasion de rendre l'écriture la plus fluide possible pour le lecteur. Il explique à quel point son travail d'auteur a changé quand il a réalisé qu'il était absolument nécessaire de se défaire du fantasme du premier jet dans cette interview exclusive.

Si cet article vous a plu et que le travail d’écriture d’un roman vous intéresse nous vous invitons à consulter la façon dont Jane Smiley travaille la structure de ses intrigues ou à regarder notre interview de Chigozie Obioma pour apprendre à lire comme un écrivain.

 ]]>
6317 0 0 0 ]]> ]]>
Comment devenir écrivain - Ellen Kushner http://www.artisansdelafiction.com/blog/devenir-ecrivain-ellen-kushner/ Wed, 19 Feb 2020 16:37:34 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6329 Ellen Kushner - Pour devenir écrivain il est nécessaire de lire beaucoup [caption id="attachment_6331" align="alignleft" width="265"]devenir écrivain Ellen Kushner, interviewée par les Artisans de la Fiction[/caption] Depuis 2015 les Artisans de la Fiction vont à la rencontre de romanciers, aussi bien étrangers que français, pour mettre en évidence leurs pratiques d’écrivain. Ces auteurs ont tous des styles, des univers et des références bien distinctes. Et pourtant il s’accordent tous sur l’importance de la lecture pour écrire mieux et espérer devenir écrivain. Nous avons interviewé Ellen Kushner, auteure américaine considérée comme l’un des piliers de la littérature fantasy et en particulier de la fantasy de mœurs, avec la publication de "A la pointe de l'épée".

 

Pourquoi la lecture est si importante pour devenir écrivain ?

Pour Ellen Kushner, pas de doute possible. Ecrire une bonne histoire, y compris une bonne histoire d’heroic Fantasy, nécessite de lire énormément. Et il n’est pas question d’engloutir des kilomètres de romans ! Bien au contraire; il faut analyser le texte sous vos yeux
Posez-vous des questions pendant votre lecture. Lorsque vous tombez sur un passage qui vous semble bon ou qui vous touche particulièrement, demandez-vous : « Comment l’auteur s’y prend-t’il ? Comment a t’il fait pour me faire ressentir cette émotion ? Comment a t’il fait pour me faire imaginer ces choses ? » Lisez avec des yeux d’écrivain… peut-être pas à la première lecture si vous trouvez cela trop lent… Mais prenez le temps de retourner en arrière, de ressentir le plaisir d’analyser l’histoire.
Lire beaucoup, et de manière analytique, ne permet pas uniquement de mieux comprendre le fonctionnement des auteurs que vous appréciez. Pour Ellen Kushner c’est également autant de ressources qui vont nourrir son travail d’écriture.

Comment compléter sa formation en dehors des ateliers d'écriture ?

Ellen Kushner n'a pas suivi de cours de creative writing mais avant de devenir écrivain elle a longuement étudié le théâtre et l'histoire médiévale. 
Ce que vous étudiez quand vous faites des études de théâtre, c’est la structure des pièces et la création des personnages. Shakespeare m’a beaucoup inspiré. Pas forcément dans ma façon d’écrire, mais dans le Londres qu’il décrit.  Le Londres de Shakespeare se trouve aussi dans mes mondes. En revanche, les études d’histoire ne vous apprennent rien sur la création des personnages mais ça vous apprend sur la langue, sur votre langue et je trouve ça très important. Il existe des best-sellers qui sont très mal écrits en terme de langue mais ce n’est pas la littérature qui me parle. Pour moi il est important d’écrire de manière élégante mais surtout de manière précise et musicale. Et c’est quelque chose à laquelle vous vous confrontez quand vous étudiez la littérature médiévale. 

Comment s'inspirer de ce qu'on connait pour écrire ?

Lorsque Ellen Kushner se lance dans une nouvelle intrigue elle aime construire son univers en s'appuyant sur des lieux, des époques et des ambiances qu'elle connait. En effet, même lorsque l'on écrit de la fantasy, il est plus simple, et surtout plus efficace, de mettre à contribution nos souvenirs. Ellen kushner à la pointe de l'épée
J'ai créé l'univers de mon premier roman à partir de lieux que je connais ou que j'ai découvert dans mes lectures. J’aime dire que j’ai créé une grosse soupe faite de tout ce que j’aime, de tout ce qui m’intéresse, y compris des éléments de la vie que je menais à New York dans les années 1980, qui était une ville complexe, parfois très dangereuse, très queer. Je vivais dans un quartier mouvementé plein de vieilles maisons et de parcs… qu’on retrouve dans mon livre. C’était vraiment ma vie à ce moment là. Mais on retrouve aussi des éléments d’autres romans que j’ai aimés, d’endroits qui m’ont marqués.
Devenir un écrivain c'est donc s'inspirer de lieux que l'on connait afin de créer des lieux fictionnels cohérents pour le lecteur.
Dans ma vingtaine j’ai beaucoup voyagé seule, j’ai exploré beaucoup d’endroits, notamment en France que je connaissais depuis l’enfance. J’adorais les monuments à l’abandon, je rentrais dans les cours intérieures, dans les escaliers. En particulier les vieux monuments, ceux du Moyen Âge ou de la Renaissance. Pas à Paris bien entendu mais dans des villes plus petites.

En conclusion : comment créer un monde ?

Les mondes que créent Ellen Kushner sont un mélange de tout ce qu’elle connaît et apprécie, aussi bien dans les œuvres de théâtre, que les romans d’aventure, et les lieux réels. Son écriture s’imprègne de tout ce qui l’entoure et l’a entouré dans le passé. A l’inverse de Tolkien, qui construit des mondes entiers à partir de zéro, Ellen Kushner crée des personnages qui l’entraînent dans leur réalité. Voici comment elle procède :
Pour mon premier roman, tout ce que je connaissais du monde de mon histoire était ce que mes personnages pouvaient en voir. Je les suivais dans les rues de la ville. C’était une ville divisée entre les nobles et la plèbe, faite de criminels, de gens dangereux pleins de magie. Et quand on me demandait pourquoi la classe moyenne n’existait pas dans mon livre, je répondais “Elle existe mais elle n’était pas présente dans l’histoire que je voulais raconter". 
 

La page d'Ellen Kushner sur le site des éditions ActuSF

Les éditions Actusf répondent aux Artisans de la Fiction à propos de leur manière de sélectionner les manuscrits.

]]>
6329 0 0 0 ]]> ]]>
Comment publier son roman ? Ellen Kushner http://www.artisansdelafiction.com/blog/comment-publier-son-roman/ Sat, 07 Mar 2020 15:59:39 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6354 "La plupart des manuscrits sont en fait impubliables et illisibles" publier son roman

Ellen Kushner n'est pas seulement une auteure renommée. Elle a aussi travaillé dans une maison d’édition de fantasy où sa position d'assistante éditoriale lui a permis d'analyser les erreurs fréquentes des manuscrits envoyés. Ce qui l'a aidé à faire publier son roman.

Ellen Kushner est connue pour la qualité de ses romans d'heroic fantasy. Écrits à deux ou à quatre mains, ils font d'elle une auteure à l'univers particulièrement appréciée. Ses romans ont été récompensés à plusieurs reprises. "Thomas le Rimeur" a obtenu en 1991 le prix world fantasy ainsi que le prix Mythopoeic. Aujourd'hui ses livres sont publiés en France par les éditions Actusf.

[quote align="right" color="#999999"] Tout mon entourage me disait de travailler dans l’édition ! [/quote]

Cependant, même si Ellen Kushner a toujours écrit, elle a longuement travaillé en maison d'édition et a dirigé une collection de fantasy. Elle partage son expérience d'éditrice et ses conseils pour écrire son roman.

L'importance des cours d'écriture

Ellen Kushner n'a suivi qu'un seul cours de creative writing pendant ses études. Cet enseignement a eu un impact énorme sur sa carrière, aussi bien grâce aux méthodes de sa professeur que grâce aux techniques qu'elle y a apprises.

J'avais à l’université une professeur de littérature qui a réellement changé ma vie. Elle m’a fait m’interroger sur chaque phrase que j’écrivais. Tout son cours était basé sur les techniques d’écriture. Elle travaillait individuellement avec chacun des élèves et questionnait chaque phrase. “Pourquoi as-tu choisi ce mot là en particulier ? Qu’est-ce que tu essayes de dire ? Quel effet essayes-tu de créer ? Pourquoi tu as mis une virgule ici ?”.

Et elle ne faisait pas forcément ça pour me montrer que j’avais fait une erreur ou que je me trompais. Ce qu’elle voulait c’est que je sois consciente de mes choix d’écriture. Elle m’a beaucoup faite grandir. C’est la seule classe d’écriture que j’ai prise. Mais j’ai également beaucoup appris dans les cours qui consistaient en l’étude du travail d’autres auteurs, comme les cours de théâtre. J’ai étudié Shakespeare qui a vraiment changé ma façon de voir la littérature et a eu un immense impact sur moi.

Prendre des cours d’écriture est une très grande chance, à de multiple égards, mais ça ne suffira jamais : il faut absolument lire, analyser en lisant, et être ouvert à toutes ces manières différentes d’écrire qui existent. Apprendre par soi-même est nécessaire.

Cette professeur qui m’a tant appris, considérait le monde de l’édition comme l’ennemi de l’écrivain. Elle ne voulait surtout pas que je le rejoigne. Mais l’offre qu’on me faisait était trop intéressante pour que je refuse, alors je me suis dit “je vais y aller, je vais apprendre la langue de l’ennemi"… et c’est ce que j’ai fait !

L'édition, l'ennemi des écrivains ?

Une mine d'information pour publier son roman dans de bonnes conditions

La grande majorité des apprentis écrivains désirent voir leur travail publié. Peu d'entre eux connaissent le fonctionnement d'une maison d'édition. Quelles sont les attentes d'un directeur éditorial ? Quels sont les problèmes à éviter à tout prix dans son manuscrit ? Les informations utiles sont peu disponibles. Comment y voir plus clair dans l'entreprise délicate de trouver un éditeur ? Quoi de mieux que l'expertise d'une ancienne éditrice pour améliorer vos travaux !

En tant que jeune auteure j’étais forcément très timide. J’avais peur que mon travail ne soit jamais assez bon pour être publié. Je n’aurais jamais eu le courage d’envoyer mes écrits à un éditeur. Or le premier jour de travail comme éditeur assistant, ils ont posé un énorme tas de manuscrits sur mon bureau et ils m’ont dit “Fouille là-dedans et regarde si tu trouves quelques chose de bon”. Et j’ai dit “Oh mais quel honneur vous me faites, merci beaucoup”. La vérité c’est que la plupart des manuscrits était non seulement impubliables mais surtout illisibles. Et j’ai réalisé que je n’étais pas en compétition contre tous ceux qui écrivent un roman, mais contre le top 1% qui écrit bien. Et je n’ai plus eu peur

Dans ces manuscrits, la grammaire était mauvaise mais surtout le lecteur s’ennuyait profondément. La qualité de l’écriture était très faible, prise dans son ensemble. Je me souviens par contre qu’ils étaient magnifiquement imprimés et reliés. Parce que c’est ce qu’on faisait à l’époque. Mais la plupart était illisible. Il n’y avait que 5% du tas qu’on pouvait éventuellement penser un jour publier. 

Publier son roman : conseils aux jeunes auteurs 

Trouvez votre méthode

Chaque personne qui écrit a une façon bien spécifique de de le faire : et c’est très important de trouver sa manière à soi. Si quelqu’un vous dit “Voici comme on devient écrivain” … cette personne se trompe. Par exemples, certains auteurs  écrivent tous les jours, ce n’est pas mon cas. Moi je dois bloquer une semaine entière pendant laquelle je ne fais que ça. Il y a de nombreuses façons de faire, de s’organiser. Ce qui compte c’est de trouver ce qui fonctionne pour soi. Donc il faut expérimenter. Ecrire ce n’est pas une science. 

Essayez de ne pas avoir peur. Certains auteurs, même parmi les meilleurs, sont terrifiés de ne pas être assez bons et se mettent des bâtons dans les roues. 

Donnez vous la permission de mal écrire

Jetez votre premier jet le plus rapidement possible sans vous corriger… Dans “Bird by bird” (un manuel de creative writing américain), il y a un chapitre intitulé “Votre première version ratée (Your shitty first draft) et je la fais lire à tout le monde. Parce que ce que vous écrirez sera toujours mauvais au début. Il faut que ce soit mauvais pour que ça devienne bon.

Beaucoup de débutants s’imaginent qu’ils doivent écrire parfaitement du premier coup, et c’est une vraie erreur. Ça n’arrivera jamais. Vous obtenez un bon texte en corrigeant un mauvais texte. J’ai vu des gens se pétrifier en réalisant que leur première version n’était pas bonne, mais ils vivent dans l’illusion.

Le vrai travail, la qualité, se trouve pendant la ré-écriture. Certains auteurs adorent écrire un premier jet, certains auteurs détestent. Pour ma part j’adore écrire un premier jet. Et je détestais devoir le corriger. Maintenant j’apprécie tout le processus. mais je connais des auteurs qui détestent écrire un premier jet, pour eux c’est de la torture. Le plaisir est dans la correction. 

 

Pour aller plus loin sur la façon dont les éditeurs sélectionnent les manuscrits qui seront publiés vous pouvez consulter cette interview des Editions du Rouergue noir et découvrir ce qui se cache du côté de l'éditeur une fois le manuscrit entre ses mains.

]]>
6354 0 0 0 ]]> ]]>
Créer une bonne histoire - Antti Tuomainen http://www.artisansdelafiction.com/blog/creer-une-bonne-histoire-antti-tuomainen/ Thu, 19 Mar 2020 10:17:33 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6392 Une bonne histoire parle de quelque chose d'important

Antti Tuomainen est un écrivain finlandais spécialisé dans les thrillers. Les Artisans de la Fiction ont profité de sa venue à Quais du Polar 2019 pour l’interroger sur l’écriture de ses romans et sur ce qu'il considère essentiel pour créer une bonne histoire.

Créer une bonne intrigue Antti Tuomainen  

Comment se former seul à la narration, selon Antti Tuomainen ?

Antti Tuomainen était très jeune quand il a décidé de devenir écrivain, et comme de nombreux apprentis écrivains il n’a pas tout de suite su comment s'y prendre.

[quote align="center" color="#999999"] Je n’avais absolument aucune idée de ce que ça voulait dire. Je me suis lancé et j’ai commencé à écrire des choses très différentes qui m’ont menées dans des directions très différentes. [/quote]

Aujourd’hui auteur publié de huit romans (dont cinq traduits en français), Antti Tuomainen n’a jamais pris de cours d’écriture. C’est son parcours professionnel qui lui a permis de se former et de progresser. Avant de devenir auteur, il écrit pendant douze ans pour la publicité. Il fait aussi du journalisme et de l'écriture de script !

Ainsi l'écriture a toujours été présente dans le parcours d'Antti Tuomainen.  [quote align="right" color="#999999"] Je pense que la meilleure façon d’apprendre c’est de lire. Lire et écrire. Il faut faire les deux. Et il faut le faire beaucoup.  [/quote] Il explique que c'est cette pratique constante, associée à une lecture assidue, qui lui ont permis de devenir romancier.   

Il a donc "appris en faisant", un processus solitaire et souvent douloureux par lequel sont passés de nombreux auteurs. Pour faciliter ce processus, on ne cesse de le répéter à nos élèves (et les auteurs que nous interviewons nous soutiennent) : lire des romans et les décortiquer techniquement (et non uniquement thématiquement ou esthétiquement) est une étape essentielle de votre apprentissage de l’écriture

[quote align="center" color="#999999"] Je lisais des romans qui me plaisaient beaucoup. Je m’intéressais à leurs spécificités. je les relisais plusieurs fois pour trouver les clés, pour voir comment c’était fait [/quote]

Antti Tuomainen Little Siberia

Comment créer une bonne histoire ? 

Antti Tuomainen a d'abord été très influencé par les grands auteurs classiques finnois mais c’est en découvrant le polar américain qu’il a une révélation. [quote align="right" color="#999999"] Georges Pelecanos, James Lee Burkes, Dennis Lehane et James Sallis (...). Quand j’ai commencé à les lire ça m’a réveillé, je me suis dit “Ok, ça c’est vraiment intéressant”. [/quote]Parmi ses maitres du roman noir, il évoque :

Ces auteurs lui ont ouvert les yeux sur la nécessité de la tension narrative au sein d’une histoire - une intuition confirmée par l’analyse de ses films préférés.

Toutefois, la lecture de fiction classique et de romans policiers n’ont pas été les seuls maitres d’écriture d’Antti Tuomainen. C’est en analysant ses films préférés qu’il a découvert le sens d’une bonne intrigue. 

[quote align="center" color="#999999"]En regardant des films j’ai compris que pour avoir une histoire intéressante, il faut que les personnages veuillent ou désirent quelque chose. C’est la base de toute fiction. Et j’ai réalisé ça quand j’avais 18 ou 19 ans. Je me suis dit “ tu dois avoir un personnage qui désire quelque chose très fortement et là tu auras une histoire”. Ça a été une révélation pour moi. [/quote]

C'est donc la tension entre le désir du personnage et les obstacles que vous mettez sur sa route qui crée une intrigue intéressante pour le lecteur.

Quelle idée de départ pour créer une bonne histoire ?

Lorsque Antti Tuomainen se lance dans le travail d’écriture de roman il commence par choisir un thème. Une idée simple qui va devenir le fil conducteur de son roman

Une bonne histoire, ça parle de quelque chose d’important. Et pour moi ces deux choses vont ensemble : la narration et le fait de parler de quelque chose d’important. 

Mon idée de départ c’est toujours “un être humain qui a un problème”. Et ensuite, j’essaye de tout de suite montrer ce personnage en action. Je le montre en train d’agir. Ce que j’aime par dessus tout c’est quand le personnage prend le dessus, qu’il me montre le chemin. Je le pousse, je le mets dans une situation où il doit prendre des décisions cruciales. Le mieux c’est de le mettre dans une situation où il n’y a pas de bon choix à faire, où le bon choix n’existe pas, mais qu’un choix doit quand même être fait. Mon personnage doit choisir entre un mauvais choix et un choix encore pire.

Les romans d’Antti Tuomainen mettent en scène des personnes ordinaires plongés dans des situations extraordinaires. Son travail d’écriture et de réécriture repose donc sur ce « problème » auquel ses personnages sont confrontés. Ainsi il pousse ses personnages dans leurs retranchements et génère une tension narrative captivante.

  Nous remercions toute l'équipe de Quais du Polar.    

Cet article vous a plu ?

Retrouvez d'autres interviews des auteurs interrogés pendant les éditions précédentes de Quais du Polar : Pour  Marin Ledun la lecture a joué un rôle dans son apprentissage : “ Inconsciemment, je savais déjà comment structurer un livre, car j’en lisais. ”.  Megan Abott, autrice de thrillers, se range à son avis et avoue avoir disséqué techniquement de nombreux romans avant d'en écrire !    ]]>
6392 0 0 0 ]]> ]]>
Ecrire de la non-fiction - Jan Stocklassa http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-de-la-non-fiction/ Tue, 24 Mar 2020 16:08:02 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6422 Comment écrire de la non-fiction ? Jan Stocklassa est un ancien diplomate suédois. Il a écrit plusieurs romans et est particulièrement connu pour son travail de non-fiction sur l’enquête de l'assassinat du 1er ministre suédois Olof Palme.  [caption id="attachment_6424" align="alignnone" width="683"]écrire de la non-fiction Jan Stocklassa Jan Stocklassa - Quais du Polar 2019[/caption]

Lors de l’édition 2019 de Quais du Polar les Artisans de la fiction ont eu la chance d'interviewer Jan Stocklassa, romancier. Il revient avec nous sur le travail colossal investi dans son dernier ouvrage de non-fiction.

Qu’est-ce que la non-fiction ? 

La non-fiction, ou littérature non fictionnelle, désigne les écrits qui ne sont pas tirés de l’imagination de leur auteur. Le genre réfère aussi bien aux livres de cuisine qu’aux récits de voyage et aux comptes-rendus d’enquêtes journalistiques ou policières.  

[quote align="center" color="#999999"] j’ai tiré sur plusieurs fils, sur plusieurs faits et ce n’est qu’au bout de six ou sept ans de recherches que j’ai réalisé que je pouvais écrire un livre sur le sujet et que ce serait un bon livre.[/quote]

Jan Stocklassa, alors ancien diplomate et homme d’affaires suédois, se met à écrire de la non-fiction dès 2007. En 2018 il publie “La folle enquête de Stieg Larsson”. Un roman de non-fiction qui relate l’investigation de Stieg Larsson autour du meurtre réel, survenu en 1986 du premier ministre suédois Olof Palme. Ce dernier est assassiné en pleine rue, devant sa compagne et plusieurs témoins. Pourtant en 2019 le meurtrier n'a toujours pas été identifié. 

Quelles différences entre la fiction et la non-fiction  ? 

Il n'est pas toujours évident de différencier l'écriture de fiction de la litterature non fictionnelle. En effet, de nombreuses fictions sont, à différents degrés, inspirées de la vie réelle. Pour Jan Stocklassa la frontière entre les deux genres va s'amoindrir de plus en plus avant de disparaître.

Les deux genres se rapprochent de plus en plus l’un de l’autre. Vous pouvez écrire un ouvrage de non-fiction de manière très romancée tout comme vous pouvez écrire une histoire inventée à la façon d’un essai.. 

En fait, c’est une erreur courante de penser que la non fiction se cantonne à lister des faits. Il y a toujours un travail de narration qui est réalisé, si ce n’est dans le choix des faits qui sont délivrés… Je suis convaincu que ce type de littérature, la non-fiction, est tout aussi honnête et fidèle aux événements qu’un documentaire plus classique. Ce sont seulement deux manières différentes de faire la même chose : raconter une histoire. 

La folle histoire de Stieg Larsson Jan Stocklassa 2018

L’importance du travail de recherche 

Dans tout travail documentaire, la recherche occupe une partie considérable de la production. D’après Jan Stocklassa, l’écriture de son roman a demandé huit années de recherches. Ce n’est qu’après qu’il a véritablement écrit, et ce pendant un an.

Pour commencer c’était un grand travail de recherche archivistique, notamment sur les archives de Stieg Larsson. Ensuite, bien sûr, j’ai rencontré des gens et c’est là que ça a commencé à devenir vraiment intéressant, j’étais dans le vif du sujet. Se confiner dans les archives ne suffit pas. Il faut utiliser aussi ce nous avons sous la main. Par exemple nous avons fait de l’investigation : une jeune femme a rencontré celui que je pense être le meurtrier de notre Premier Ministre et l’a enregistré grâce à des caméras cachées sur ses lunettes. Nous avons fait de la recherche sur les réseaux sociaux, des choses très modernes. Des méthodes que Stieg Larsson aurait utilisées s’il était encore vivant aujourd’hui. 

Le conseil de Jan Stocklassa 

Avant de nous quitter Jan nous a donné quelques conseils pour se lancer dans l'écriture.

Je dirais à vos élèves que c’est un travail difficile. Il faut écrire au moins trois ou quatre heures par jour et ne pas attendre l'inspiration. Le plus important est de se lancer. Ecrivez au moins 1000 mots par jour… de mon côté j’écris au moins 1200 mots par jour, mais Stephen King en écrit 2000, donc bon… Donc 1000 mots par jour, ça parait raisonnable.

  Nous remercions Quais du Polar d'avoir permis cette interview. Les propos des auteurs de polar vous intéresse ? Vous pouvez dès à présent lire l'interview d'Antti Tuomainen et découvrir comment créer une bonne intrigue. L'écriture de la Non-Fiction vous intéresse ? Vous pouvez assistez à l'intégralité de la master class exceptionnelle donnée par Ted Conover aux Artisans de la Fiction et en apprendre plus sur les points communs entre la Non-Fiction et la Fiction.]]>
6422 0 0 0 ]]> ]]>
10 livres à ne pas lire pendant le confinement http://www.artisansdelafiction.com/blog/10-livres-a-ne-pas-lire-pendant-le-confinement/ Thu, 26 Mar 2020 11:35:23 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6430 Les 10 romans à ne pas lire pendant le confinement lié au Covid-19 La lecture vit peut-être son grand retour.  Une fois que l’on a fait le tour des chaînes d’infos et des plateformes de streaming que faire à part se tourner vers sa bibliothèque ? Alors pour vous aider à choisir votre prochaine lecture, voici la liste des 10 livres à NE PAS LIRE pendant le confinement.  Pourquoi lire des livres ? Parce que c’est le meilleur moyen de s’évader et de vivre des choses en dehors du monde réel. C'est aussi très efficace pour développer son empathie (en se mettant dans la peau de personnages différents de nous). Mais certains livres sont des prisons, manipulez cette liste avec précaution ! [caption id="attachment_6432" align="alignnone" width="640"]livres à lire confinement Stephen King, Le Fléau[/caption]

10 livres à ne pas lire en confinement

1 — La Geôle (1971) d’Hubert Selby jr

Les romans et nouvelles de l’écrivain américain Hubert Selby jr (qui a scénarisé « Requiem for a dream », d’après son roman « Retour à Brooklyn ») sont connus pour mettre en scène l’enfermement psychique de leur protagoniste (un personnage systématiquement nommé « Harry »). En comparaison de « La Geôle », ces récits pourraient presque passer pour une promenade au parc un jour de printemps. Pourquoi ?

La Geôle nous raconte l’histoire d’Harry. Enfermé dans une cellule minuscule il fait les 100 pas en ressassant ses désirs de vengeance sadique à l’égard de ceux qui l’ont enfermé. Fantasmant sur la star qu'il deviendra à l'issue  de son procès, et en se lamentant sur ses traumatismes d’enfant.

Et cela pendant 288 pages. Le tout porté par l’écriture torturée de Selby, donne un livre qui file la nausée !

  • Conseil : réservez-vous sa lecture pour plus tard (bien plus tard).

2 – Jessie (1992) de Stephen King

Je cite souvent Jessie de Stephen King (adapté l’année dernière sur Netflix, c’est pour ça que ce titre vous évoque peut-être quelque chose), à mes élèves comme exemple abouti d’une histoire mêlant unité de temps, d’action, et de lieu. L’histoire est celle d’une femme que son mari menotte au lit de leur chalet d’été le premier jour de la saison morte.

Le mari y voit un jeu érotique, mais Jessie n’a pas envie ce jour-là et le repousse. Par malchance, il tombe et se fracasse la tête. Jessie se retrouve coincée avec pour seule perspective : mourir de soif, de faim, où…

  • Une bonne lecture démangeaison, pour gratter là où ça oppresse. Et une fois la lecture finie, vous pouvez voir l’adaptation, pour comparer.
  [caption id="attachment_6440" align="alignright" width="150"] Le roman le plus lu en 2008[/caption]

3 –La route (2006) de CormacMccarthy

La route présente deux avantages.

1 — tout le monde ou presque l’a dans sa bibliothèque. 2— La route ne se déroule pas dans un espace confiné, mais sur une route nationale qui sillonne les États Unis.

Les deux personnages principaux passent l’intégralité du livre dans la nature. Mais cette nature est celle d’un monde post apocalyptique, hanté par des dangers (cannibalisme, faim, etc.). L’écriture est sèche, réaliste. Pour couronner le tout, les deux personnages ne sont jamais nommés tout au long du roman (hormis par un laconique « l’homme », « le garçon »), ce qui amplifie la sensation de désespoir du lecteur.

Ce n’est pas « La route » qui va vous booster le moral, mais par contre il vous permettra peut-être d’apprécier d’être enfermé en sécurité chez vous

  • Le roman à lire le soir à vos enfants si vous ne voulez plus jamais qu’ils ferment les yeux. Vous pouvez aussi prévoir une soirée familiale devant l’adaptation qui en a été faite (idée activité ludique en famille : chercher les différences entre le roman et le film)
 

4 – La montagne magique (1924), de Thomas Mann

Ce classique de Thomas Mann retraduit en 2017 par Claire de Oliveira nous entraîne dans le sillage de Hans Castorp. Un jeune homme rend visite à un ami dans un sanatorium. Seulement curieux au premier abord, le protagoniste se laisse peu à peu ensevelir par la torpeur de la maladie et des rituels médicaux. Il se confine dans cet hôtel-hôpital d’où il émergera au bout de 750 pages pour être précipité dans la folie de la première guerre mondiale.

  • Une lecture langoureuse et introspective, qui vous donnera la sensation de vous laisser bercer par l’air de la montagne tout en espérant tomber malade afin de ne plus jamais revenir dans la « vie normale ».
 

5— Le dernier homme (2003), de Margaret Atwood

L’autrice de « La servante écarlate » nous propose une trilogie dépeignant notre monde dans un futur proche, dévasté par une catastrophe écologique. Au programme : des conditions climatiques aberrantes, manipulations génétiques et virus foudroyant ayant éliminé l’ensemble de l’humanité. L’écriture poétique d’Atwood, la divulgation très progressive de la situation nous plongent dans une sorte de caisson d’isolation sensoriel, ou tout nous parvient assourdi et incompréhensible.

  • Une trilogie idéale pour comater dans un état semi-fiévreux, sans savoir ce qui est vrai et ce qui est halluciné.
 

6 –La faim (1895) de Knut Hamsun.

Publié en Norvège en 1895, le chef d’œuvre de Knut Hamsun (prix Nobel de littérature), nous enferme avec son héros écrivain galérien, dans une mansarde où il agonise tiraillé par la faim et le sentiment de son échec. L’écriture est d’une modernité invraisemblable. Et le film Danois, en N&B qui en a été tiré en 1966, est une très belle adaptation, qui en plus de traduire la trame du roman, en restitue l’écriture.

  • Si la question de l’autoconfinement (social, économique et psychique) vous terrifie, épargnez-vous cette lecture inoubliable.
   

7— La femme des sables, d’Abe Kobo

Abe Kobo (1924-1997) a été le Kafka japonais. Ses deux recueils de nouvelles, « Mort anonyme » et « Les murs », sont deux bijoux de naturalisme surréaliste angoissant.

Son roman « La femme des sables » (1962) est son chef d’œuvre. L’intrigue : un salaryman collectionneur de papillons s’endort sur une plage lors d’une excursion. À son réveil il est conduit au fond d’une dune à l’aide d’une échelle, chez une femme, afin d’y passer la nuit. Mais le lendemain matin il n’y a plus d’échelle. C’est en capturant des touristes que le village lutte contre la désertification des campagnes. Il passera la quasi-intégralité du roman à tenter de s’évader tandis que « sa » femme s’escrime à abattre les tâches quotidiennes, dont le pelletage du sable qui s’effondre chaque jour inexorablement.

  • Une lecture estivale, qui ensevelit progressivement son lecteur. Et vous pouvez doubler la dose en regardant l’adaptation magnifique réalisée par Hiroshi Teshigahara en 1964. Pour encore plus de plaisir sachez qu'il existe une version longue de 3 h 30.
  [caption id="attachment_6433" align="alignnone" width="921"]livres à lire pendant le confinement Minetarō Mochizuki, Dragon Head[/caption]

8 – Dragon Head (1995-2000), de Minetarō Mochizuki

Un manga en 10 tomes au milieu d’une liste de romans ? Oui, car une bonne histoire, c’est une bonne histoire.

Ce récit d’horreur apocalyptique commence par un voyage scolaire à bord du train à grande vitesse japonais. Mais au bout de quelques pages, c’est l’accident.  Les rares protagonistes survivants se réveillent au milieu d’un tunnel éboulé, dans le noir. Ils vont devoir affronter la folie, la faim et la perversité, avant de pouvoir revoir le jour, où les attend une compilation des pires catastrophes (tsunami, accident nucléaire, violence urbaine, secte apocalyptique, etc.).

Avec une mention spéciale pour le chapitre ou les protagonistes descendent en hélicoptère dans le gouffre qui remplace Tokyo. 20 pages intégralement noires parsemées de dialogues du style « quand allons-nous toucher le fond ? »

  • Vous vous régalerez si vous imaginez que le confinement actuel n’est que le début des réjouissances. L’adaptation en film est à éviter, par contre.
 

9 – Maison hantée (1963), de Shirley Jackson

Cité par Stephen King comme le roman d’horreur absolu, « Maison hantée » a été adapté au cinéma par Robert Wise sous le titre « la maison du diable », puis récemment sur Netflix sous le titre « The Haunting of Hill House ». « Maison hantée » nous invite à participer, avec sa protagoniste naïve, à une expérience parapsychologique scrutée par des scientifiques décidés à prouver que les fantômes existent. Mais petit à petit, ils vont succomber à la fameuse maison hantée, qui n’est autre que la manifestation des déséquilibres de l’héroïne.

  • À éviter si votre plus grande peur de l’isolation c’est… vous-même.
 

10 – Le fléau (1978 + 1990) de Stephen King

Un des romans les plus cités en ce moment. Difficile, en effet, de ne pas penser en regardant les informations au Fléau de Stephen King. L’intrigue : « Une pandémie de grippe créée en laboratoire se répand à travers les États-Unis et détruit la plus grande partie de la population. Les survivants se scindent en deux camps aux buts diamétralement opposés. Ainsi ils reproduisent la lutte éternelle du Bien contre le Mal. ».

Outre le récit implacable de l’incompétence et du déni humain face à la progression d’une épidémie, Le Fléau présente un objet d’étude narrative fascinant. Après le succès initial du livre à sa sortie, Stephen King en a publié une version presque trois fois plus longue en 1990. À l’époque, son éditeur avait refusé de publier un roman aussi long d’un jeune auteur. La comparaison entre les deux versions souligne ce qui est souvent perdu dans les adaptations audiovisuelles des romans de King : la profondeur de ses personnages et de leurs dynamiques intérieures.

  •  Le Fléau a de quoi vous occuper pendant une semaine, tout en devançant l’actualité. Si vous êtes d’un naturel angoissé, c'est certainement l'un des pires livres à lire pendant le confinement.
  En faisant vivre le pire à leurs protagonistes les romanciers nous permettent de l'expérimenter sans prendre de risques. En confrontant les personnages à ce qu’il y a de plus difficile dans la nature humaine, la littérature nous permet de relativiser ce que nous vivons et de nous ouvrir à ce que vivent aussi les autres. Lisez, immergez-vous, submergez-vous, évadez-vous, reconstruisez-vous. Au bout du compte, dans ces romans, la nature humaine finit toujours par survivre et souvent par se transformer.

D'autres lectures pendant le confinement ?

Si cette liste ne vous inspire pas (ou que vous préférez suivre nos précieux conseils et garder ces dix romans pour plus tard) vous pouvez vous tourner vers : Avec toutes nos salutations à la Librairie Vivement Dimanche en ces temps difficiles]]>
6430 0 0 0 ]]> ]]>
Pourquoi retravailler le texte de son roman ? Dathan Auerbach http://www.artisansdelafiction.com/blog/retravailler-le-texte-de-roman/ Fri, 27 Mar 2020 13:47:38 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6447 Retravailler le texte de son roman - Dathan Auerbach

La réécriture est une étape essentielle de l'écriture d'un roman. Interviewé lors de l’édition 2019 de Quais du Polar, Dathan Auerbach explique aux Artisans de la Fiction pourquoi il est essentiel de retravailler le texte de son roman.

[caption id="attachment_6449" align="alignnone" width="682"]Retravailler le texte de son roman Dathan Auerbach à Quais du Polar 2019[/caption]

Qui est Dathan Auerbach ?

Dathan Kahn Auerbach est un écrivain américain. Il a commencé à écrire en 2011. Ses premiers textes, il les partage sur des forums dédiés aux romans d’horreur. Peu à peu il fait connaître ses textes et sa communauté grandit. Son premier livre “Penpal” est financé grâce à une campagne Kickstarter ! Les Artisans de la Fiction l'ont interviewé en 2019, alors qu'il présentait "Bad Man", son dernier titre, lors du festival Quais du Polar.

Il nous confie alors n’avoir jamais étudié la narration avant de se lancer dans l’écriture.

[quote align="center" color="#999999"] Je me suis juste mis à écrire. On peut s’auto-former dans le sens où on peut lire tout ce qu’on peut sur le sujet ou on peut prendre des cours, le plus important c’est d’avoir des retours sur son écriture. Ces retours peuvent venir d’un professeur, mais ils peuvent aussi venir de vos lecteurs ou d’amis. Dans mon cas les retours viennent des lecteurs. J’écris, je publie, j’écoute ce que les lecteurs ont à dire et j’évolue grâce à ça. [/quote]

Pas question donc de se lancer à l’aveuglette. Dathan Auerbach n’a jamais perdu de vue ni son apprentissage ni l’importance des retours de ses lecteurs. C’est pour cela qu’il est primordial de retravailler le texte de son roman avant d’envisager la publication.

Pourquoi retravailler le texte de son roman ?

Pour Dathan Auerbach le plus difficile dans l'écriture d’un roman n’est ni de trouver une bonne intrigue, ni de rédiger le premier jet. Le défi pour lui est d’avoir un rendu cohérent. Or, pour créer une intrigue et un récit qui soit à la fois logique et plaisant pour le lecteur, il est impératif d’éliminer certains passages du récit.

Quand c’est un chapitre en entier qui ne fonctionne pas ou encore une page entière dans une nouvelle, c’est difficile… Alors parfois on passe beaucoup de temps à retravailler, à essayer, à polir. On finit par tomber sur une histoire moins bonne que ce qu’on avait au départ.  Juste parce qu’on n’a pas voulu se séparer d’une partie qui, à la base, ne fonctionnait pas.

Alors pour moi le plus difficile c'est de repérer et admettre que certaines parties ne fonctionnent pas et qu’il faut les enlever. Ça a été une leçon difficile à apprendre et même maintenant que je l’ai apprise, je dois constamment me la répéter

  [caption id="attachment_6450" align="alignleft" width="218"]Couverture de Bad Man - Dathan Auerbach, 2018 Couverture de Bad Man - Dathan Auerbach, 2018[/caption]

De fait la réécriture est impérative pour éliminer les passages superflus d’un roman. Retravailler son texte permet à l’auteur de mener son intrigue le plus efficacement possible. Dathan Auerbach attache donc une grande importance à la correction de ses écrits. Au point où, parfois, il devient difficile de savoir quand s’arrêter !

J’écris et je ré-écris autant que je peux. Je découpe en chapitres et j’écris petit à petit, puis je mets de côté pendant un moment. Puis je reviens à mon texte, je relis la dernière chose que j’ai écrite pour me remettre dans le rythme et du coup, la plupart du temps plutôt que d’écrire du nouveau matériau, je corrige ce que j’ai déjà écrit. L’idée c’est de tout modeler pour donner la forme que j’avais prévue au départ.

A chaque fois que je pense que c’est terminé, je mets le texte de côté, j’y reviens un mois plus tard et je découvre de nouvelles choses à corriger.

C’est difficile de savoir quand un livre est terminé, parfois il faut le décider sinon on n’arrête jamais de corriger. Il faut se faire confiance mais ça peut aussi être une bonne idée de faire lire à quelqu’un de confiance.

Mais il faut accepter que c’est un processus qui prend du temps. Quand quelque chose ne marche pas il faut le mettre de côté mais c’est vrai que le risque c’est de détruire son livre à force de trop le ré-écrire.

  Contrairement aux idées reçues, l'écriture n'est pas uniquement une question d'inspiration, mais un travail de fond. Ecrire un roman est un artisanat requérant un labeur constant de la part du romancier. L'écrivain va ébaucher, reprendre, affiner, réécrire, ôter, soumettre, rectifier, afin d'obtenir le roman le plus abouti possible.  

Pour aller plus loin sur le processus de réécriture nous vous invitons à lire ou à regarder l'interview de Pierre Lemaitre, pour qui l'écriture n'existe pas !

Remerciements à toute l'équipe de Quais du Polar pour avoir rendu cette interview possible.  ]]>
6447 0 0 0 ]]> ]]>
Point de départ pour un roman - Quais du Polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/point-de-depart-roman/ Wed, 01 Apr 2020 09:51:37 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6465 Point de départ pour un roman - Quais du Polar Les apprentis romanciers se demandent tous : quel point de départ pour un roman ? Par quoi commencer ? Faut il construire d’abord l’intrigue ? Créer des personnages ? Écrire un premier jet et réécrire ensuite ? Tout préparer dans sa tête avant d’écrire ? Six auteurs de polars, de romans noirs, de thrillers racontent le point de départ de leurs romans. Point de départ roman

Les auteurs de Quais du Polar interrogés sur le point de départ de leurs romans

L’idéal romantique de l’écrivain voudrait qu’il n’y ait pas de techniques d’écriture, d’outils universels pour l’écrivain, de méthode clés en main pour écrire un roman. Chaque écrivain étant différent, il existe autant de manière d’aborder l’écriture d’un roman que d’auteurs. Il faut commencer. Partir d’un point de départ, et l’écriture s’en suit naturellement. Est-ce vrai ? 

Certains écrivains ont besoin d’un déclencheur fort, d’une idée prenante qui surgit sans forcément que l’auteur sache quoi en faire au départ.  C’est le cas de la romancière islandaise Yrsa Sigurðardóttir, auteur de romans policiers.

“Une petite idée”

[quote align="center" color="#999999"] Yrsa Sigurðardóttir :  En général je pars d’un personnage, mais il m’arrive aussi de partir d’un lieu que j’ai visité ou encore d’une idée, d’un événement. Bien entendu l’idée de départ n’est jamais l’idée complète du livre. C’est une sorte de graine qui se déploie. Ensuite je réfléchis à comment je peux faire évoluer cette idée, ce que je peux en changer, ce que je peux modifier.[/quote] Le temps de préparation prend environ deux ou trois mois, puis la phase d’écriture prend environ 6 mois, en incluant ces nouvelles phases de recherche. La romancière canadienne Shari Lapena qui écrit des thrillers psychologiques (Le couple d’à côté) prend également pour point de départ de ses romans, une intuition. [quote align="center" color="#999999"]Shari Lapena : D’habitude je commence par une idée. Je ne sais pas où elle va me mener mais je pense qu’elle a le potentiel pour se développer dans la bonne direction. À ce stade là j’ignore où l’histoire va aller. Je suis cette idée et des choses commencent à se produire. Je construis beaucoup de fils narratifs simultanés et vers la fin de l’écriture je commence à comprendre comment l’histoire va se boucler. [/quote]

La romancière écossaise Val McDermid (les aventures de Lindsay Gordon, de Carol Jordan), est à l’écoute de bonnes idées d’histoires. Comme point de départ de son roman elle prend une toute petite idée qu’elle va creuser en développant des hypothèses autour de cette information initiale. Ensuite elle laisse l'histoire maturer, parfois pendant des années, avant de se lancer dans l’écriture.

[caption id="attachment_6470" align="aligncenter" width="675"] Val McDermid, Quais du Polar 2019[/caption]

"Sentir la forme d’une histoire en train d’émerger"

Val McDermid : Un roman commence par une toute petite idée.  Quelque chose que je vais entendre, que quelqu’un va me raconter. Parfois c’est quelque chose que je vais lire dans les faits divers du journal ou aux infos à la radio.

Et je me mets à penser, « c’est ’intéressant, je n’en ai jamais entendu parler…et si ceci c’était passé au lieu de ça ? S’ils l’avaient cru lui au lieu d’elle ? ». Ces idées vont jouer à l’arrière-plan de mon esprit. Quand elles se connectent je sens la forme d’une histoire émerger.  Au fil du temps elle s’assemble. Quand je m’assois pour l’écrire, elle est prête à se mettre en mouvement. C’est une période qui dure longtemps. Cela peut prendre des années.

Vous devez être patient. Parfois, vous pensez tenir une bonne idée, mais vous n’arrivez pas à trouver la solution de comment raconter l’histoire. Alors vous devez lâcher prise et laisser votre subconscient faire le travail.

L’auteur de polar historiques française Viviane Moore (La saga de Tancrède le normand) part du cadre de son histoire.

Viviane Moore : Je pars souvent d’un lieu. Un lieu que je ne connais pas. Si je ne le connais que par des images, je vais aller faire des repérages, mais c’est souvent le lieu-personnage qui est à l’origine de beaucoup de mes livres. Je vais faire tout un repérage, travailler, voire y vivre certaines fois. Sinon, je travaille sur des lieux que je connais comme le Japon, l’Italie, la Sicile notamment. Même en France, très souvent, ce sont des lieux qui ont été déclencheurs d’une recherche, d’une histoire. J’utilise le lieu comme un personnage. Le lieu est un personnage à part entière.

Mais avoir un point de départ pour un roman est-il suffisant ? Les auteurs dont vous venez de lire les témoignages attestent que ce n’est pas le cas. À partir d’une idée, d’une situation, d’un lieu, elles développent les fils narratifs, effectuent des recherches, et construisent leur histoire, que ce soit avant de commencer l’écriture, ou en cours de rédaction. Quelles sont les étapes qui suivent l’idée de départ ?

Différentes manières de développer l'idée de départ

La préparation d'un plan

L’auteur de romans noirs satiriques islandais Árni Þórarinsson prépare énormément ses romans, avant de commencer l’écriture.

Árni Þórarinsson : J’ai appris à travailler en amont. Je prends beaucoup de notes avant la rédaction.

J’écris un synopsis pour chaque chapitre, une description et un synopsis pour chacun des personnages. L’idée c’est de savoir quand est-ce que le personnage arrive dans l’histoire et quand est-ce qu’il la quitte. 

Quand je rédige, j’ai déjà réalisé un gros travail préparatoire. Comme une carte de l’histoire que je veux raconter. Je suis cette carte même si, bien sûr, il peut m’arriver de m’en éloigner. Il me paraît impossible d’écrire un bon roman policier sans. En particulier si vous n’avez aucune idée de la manière dont le roman va se terminer. L’improvisation ne fonctionne que si on a une base solide. J’ai vu trop d’auteurs qui ne savent pas du tout ce qu’ils font.

La préparation vous permet de travailler plus vite, d’être plus efficace à la rédaction. Je fais beaucoup de travail préparatoire mais ne vous trompez pas, je fais également un gros travail de réécriture. 

J’ai des gens proches qui lisent les premières versions et qui font des suggestions que je prends parfois en compte et parfois non. 

Un processus extrêmement organique

De son côté, la romancière canadienne Shari Lapena travaille de manière plus spontanée : elle se lance dans l’écriture et précise l’histoire en cours de route. [quote align="center" color="#999999"] Shari Lapena C’est un processus extrêmement organique. Je ne planifie pas la fin. J’ai besoin de voir comment les choses se déroulent, comment elles prennent de l’ampleur. Puis je regarde comment ces événements affectent l’intrigue et comment l’intrigue les affecte. Cela devient particulièrement complexe.[/quote] La romancière écossaise Val McDermid prépare mentalement son histoire avant de se lancer dans l’écriture. [quote align="center" color="#999999"] Val McDermid :  Je prépare le roman dans ma tête. Quand je trouve le sens d’une histoire, je commence à me demander : de qui est-ce l’histoire ? Est-ce un roman pour un des personnages de mes séries policières, ou est-ce une histoire qui se tient toute seule ? Une fois que je connais l’histoire, je peux commencer. En général, quand janvier arrive, je suis en état d’écrire.[/quote] Ian Manook,  l’auteur français de la saga Yeruldelgger, s’il revendique ne pas préparer le roman avant de débuter l’écriture, mais de partir d’une image qui deviendra le point de départ du roman. [quote align="center" color="#999999"] Ian Manook : Je travaille d’une façon particulière,  sans plan. Généralement, je commence par une image, que j’ai en tête depuis très longtemps. Par exemple, la première image de Yeruldelgger, la petite pédale qui dépasse de la steppe, c’est quelque chose que j’ai en tête depuis une vingtaine d’années. Je l’ai imaginé dépassant d’une banquise, d’un désert de sable… Donc, je pars d’une image. Et après, je n’ai aucune idée de ce que va devenir l’histoire.  Je la construis au fur et à mesure qu’apparaissent les personnages.[/quote]

En conclusion

Tous les auteurs ont une façon bien spécifique de débuter un projet. Il n’existe pas de recette type pour écrire un roman. L’important est de se lancer à partir d’une base solide, qu’il s’agisse d’une idée initiale forte (un “high concept”, pour reprendre le terme utilisé par John Truby dans son manuel Anatomie du scénario: Cinéma, littérature, séries télé), d’une situation dramatique puissante, ou d’une intuition. Certains romanciers structurent en amont, d’autres se lancent et corrigent. Dans tous les cas, avoir des bases techniques est indispensable. C’est la maîtrise des outils qui vous permettra de construire votre histoire et de la réparer en cours d’écriture. Le travail sur une histoire peut paraître décourageant au début. Mais c'est ce travail qui vous permettra de faire aboutir votre idée et de la mener à bout une fois votre roman lancé. Dans cette interview très détaillée, le romancier Nigérian et professeur de creative writing Chogozie Obioma, revient sur le point de départ et le travail de construction qu’il a mené sur son dernier roman “La prière aux oiseaux” Au cours de cette rencontre aux Assises Internationales du Roman, l’auteur britannique Harry Parker explique comment il a transformé son expérience personnelle en une idée de roman, et comment il l’a écrit.  Allez plus loin : lisez les interviews complètes de,  Yrsa Sigurðardóttir, Val McDermid, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, Viviane Moore, et de Ian Manook. Merci à toute l'équipe de Quais du Polar pour ces interviews, et pour proposer une édition virtuelle de l'édition 2020 !]]>
6465 0 0 0 ]]> ]]>
Les recherches pour la préparation d'un roman - Quais du Polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/recherches-preparation-roman/ Fri, 03 Apr 2020 15:14:44 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6467 Faire des recherches pour la préparation de son roman

Tous les apprentis écrivains savent que pour écrire une histoire crédible, il faut connaitre son sujet et donc… faire des recherches ! Mais qu’entend-on par “faire des recherches pour la préparation de son roman” ?  Eplucher wikipédia ?  Lire tous les romans écrits dans le même registre que celui que l’on vise ? Avaler des piles de documentation ? Conduire des interviews ? Vivre en immersion dans un milieu que l’on ne connaît pas ? Six auteurs de polars, romans noirs, et thriller psychologiques nous parlent du travail de recherche qu’ils réalisent.

recherches préparation roman

Certains grands romanciers, comme John Irving, avouent être davantage passionnés par les recherches préliminaires plus que par le processus d’écriture même. Ce travail peut durer des années car il s’agit de connaître son sujet et être crédible. Mais quel degré de recherche faut-il effectuer ?

Des recherches massives et exhaustives 

La romancière islandaise Yrsa Sigurðardóttir prépare au maximum ses romans.  

[quote "center" color="#999999"] Yrsa Sigurðardóttir : Oui, je prépare beaucoup. Je réfléchis et j’essaye de faire toutes mes recherches avant de commencer à rédiger. Mais quand je me mets à rédiger je me rends compte qu’il me manque des éléments et en général je dois à nouveau faire des recherches même pendant la phase de rédaction.[/quote]

  La romancière écossaise Val McDermid a été journaliste avant de devenir romancière. La recherche préparatoire pour un roman fait partie de ses habitudes. Mieux, elle dispose déjà  de matériel avant même de penser à une idée

Val McDermid : Certaines fois je connais déjà presque tout ce que je dois savoir quand je commence. D’autres fois, j’ai besoin d’aller rencontrer des gens, de lire. Pour Skeleton road, qui se déroule en lien avec les guerres de Yougoslavie des années 1990, j'ai beaucoup lu, notamment des journaux. Je connais des scientifiques en sciences criminelle, qui peuvent m’aider, quand j’ai une idée. Donc parfois je vais les voir et je leur dis « Voila l'affaire que j'aimerai. Dites-moi si ça fonctionne… » Et ils me répondent : « oui, ça marche, ou : non, ça ne fonctionne pas, mais tu peux faire différemment. »

L’auteure française de polar historiques Viviane Moore fait partie des écrivains passionnés de recherche. Pour elle c’est un travail qui se s’arrête jamais. [caption id="attachment_6474" align="alignleft" width="246"] Viviane Moore, Ombre Japonaise[/caption]

 "si un sujet  m’intéresse, je vais aller creuser"

[quote color="#999999"]Viviane Moore : Si je prends l’exemple de La trilogie Celte, je me suis aperçue que c’était des recherches que j’avais faites quand j’étais adolescente. Je travaille en continu sur énormément de thèmes qui m’intéressent. Je suis d’un naturel curieux, et à un moment donné, il y a quelque chose qui prend le pas sur le reste. Le principe est d’avoir une grande ouverture par rapport aux sujets. Je récolte de la matière première sans trier tout de suite. Par contre, lorsque j’ai décidé de quelque chose, si j’ai un sujet qui m’intéresse, là, je vais aller creuser. J'essaye de ne pas avoir d’idées préconçues sur ce que je cherche, mais sur ce que je vais trouver.[/quote]

Le romancier américain A.J. Finn est l’auteur du best seller “La femme à la fenêtre”, adapté au cinéma. Son roman raconte l’histoire d’une femme agoraphobe témoin d’un meurtre depuis la fenêtre de sa maison. Quel travail de recherche a-t-il effectué pour ce roman ?

[quote color="#999999"]A.J. Finn : J’ai moi-même lutté contre l’agoraphobie plus jeune, mais je voulais avoir la garantie d’être suffisamment précis dans le livre. Donc j’ai consulté des psychiatres. Je me suis entretenu avec des personnes qui souffraient d’agoraphobie, j’ai aussi effectué des recherches en ligne.[/quote]

"l’expérience humaine c’est ce dont vous avez besoin pour écrire un roman"

Le romancier américain Craig Johnson, auteur de la saga Longmire (adaptée en série télé sur Netflix), se définit comme un conteur. Pour lui, la recherche ne peut se cantonner à la lecture d’articles et des livres : il faut surtout rencontrer des personnes, des témoins, des spécialistes et parler avec eux. [quote color="#999999"] Craig Johnson : Vous pouvez réaliser toutes sortes de recherches à partir de livres, de vidéos, ou de documentaires, mais rien n’est aussi précieux que la parole. L’interview est le matériau de base, vous y faites des découvertes importantes. Tous les livres, toutes les vidéos, les documentaires ne vous disent rien de l’expérience sensitive. Quand vous discutez avec quelqu’un, cela vous donne une autre dimension, celle du ressenti de l’expérience humaine, et c’est justement de cela dont vous avez besoin pour écrire un roman.[/quote] interview craig johnston La romancière Viviane Moore a besoin de connaître physiquement le cadre de ses romans. [quote align="center" color="#999999"] Viviane Moore : c’est beaucoup de recherches livresques, de bouquins universitaires, bouquins d’historiens, mais j’ai toujours un travail physique aussi. J’ai besoin d’un aspect physique, d’un rapport physique à l’environnement. J’ai des cahiers de travail. Des cahiers précis, livre par livre.[/quote] La romancière française Marion Brunet, elle,  fonctionne simplement en prenant des notes.  [quote align="center" color="#999999"] Marion Brunet : Oui, avant de me mettre à écrire, je prends des notes, j’essaye d’avoir un chemin de fer, en sachant qu’il peut, évidemment, y avoir des choses qui bougent. La fin peut complètement changer par exemple. Ça émerge surtout avec les personnages et les scènes. Je prends pas mal de notes avant de démarrer. Et ça peut m’arriver de tout bouleverser au fur et à mesure.[/quote]

Capitaliser sur ses connaissances 

Pour écrire un roman il est fondamental de bien connaître ce dont on va parler. Où l'intrigue se déroule et qui sont les personnages qui vont vivre l’histoire. Les recherches en amont de l'écriture demandent du temps. Mais n’existe-t-il pas d’autres moyens d'être vraisemblable sans passer par des années de recherches dédiées à la préparation d'un roman ? Un nombre incroyable d’auteurs de polars ont été journalistes, policiers, travailleurs sociaux (comme l’écrivain Dennis Lehane, par exemple). Ils peuvent donc puiser des idées et des informations précieuses directement dans leurs expériences professionnelles et leurs contacts !

D’autres se passionnent depuis années pour les sciences criminelles, comme Shari Lapena.

Shari Lapena : Je m’y connais un peu en sciences criminelles, ce qui m’évite de faire de faire beaucoup de recherches, sauf sur certains points. Pour mon livre, Le Couple d’à côté, par exemple, je savais que la protagoniste souffrait d’un syndrome de stress post-traumatique donc j’ai dû lire à propos de ce sujet. Au début je ne savais pas grand-chose sur ce personnage, à part qu’elle était déprimée et qu’elle laisserait son bébé à la maison tout en allant dehors, donc j’ai commencé à faire un peu de recherches. Mais, typiquement, je fais des recherches tout en écrivant. Et j’insère ce que je trouve.

La romancière australienne Jane Harper, fait partie de ces auteurs de polar journalistes. Elle nous explique comment ses connaissances acquises dans le cadre professionnel l’ont aidées pour rendre son roman vraisemblable. 

"Je me suis inspirée des histoires que j’avais couvertes en tant que journaliste"

Jane Harper  : J'ai commencé par l'idée d’un meurtre dans une petite bourgade qui souffrait d’une canicule qui touchait tous les habitants et créait beaucoup de tensions. A partir de là j’ai ajouté les personnages, leurs relations, et plus j’écrivais plus je trouvais de nouvelles idées. Je me suis notamment inspirée de différentes histoires que j’avais couvertes en tant que journaliste. Des conversations, des choses que j’avais lues ou que des personnes m’avaient dites quand je les interviewais… Certains de ces éléments n’étaient pas forcément liés à mon histoire, mais ils m’inspiraient, et je les adaptais.

Le cadre de mon roman est  un mélange : la ville est fictive, mais une bonne partie des problèmes et des personnages que l’on y trouve sont communs à de nombreuses petites villes de la campagne australiennes, et même du monde entier. Ces villes où les gens se connaissent et s’influencent tous… On y trouve beaucoup de tensions, beaucoup de pressions sociales, les relations de voisinage y sont intéressantes.

Le romancier américain Todd Robinson fait partie de ces auteurs ayant exercé mille petits métier avant d’écrire. Il ancre ses histoires en s’inspirant du bar où il  travaille.

"Il suffisait de tendre l’oreille, de garder les yeux ouverts..."

[caption id="attachment_6477" align="alignnone" width="650"] Todd Robinson, Quais du Polar 2017[/caption] [quote align="center" color="#999999"] Todd Robinson : Mes histoires, je les connaissais déjà. Certains auteurs de polar font des recherches très poussées, ils connaissent des flics, ils ont un réseau d’informateurs. Moi, j’avais juste à me rendre au travail ! En termes d’univers narratif, tout était là. Il suffisait de tendre l’oreille, de garder les yeux ouverts, de boire un ou deux whiskys et d’écrire le livre. Il y a des parties de mes livres qui sont des histoires vraies, mais qui ont été rejetées par des éditeurs parce qu’ils les jugeaient peu crédibles. [/quote]

Tous les écrivains que nous avons questionné, soulignent l’importance capitale des recherches pour la préparation de son roman. Certains auteurs ont poussé cet art de façon impressionnante, comme Umberto Eco, ou J.R.R. Tolkien (qui a passé 40 ans à construire la langue et l’histoire de ses personnages, mais il était linguiste et professeur de mythologie). D’autres romanciers n’ont pas fait de recherches du tout, et se sont servis de leur expérience.

En amont des recherches pour la préparation de son roman, il est essentiel d’identifier quels sont ses territoires d’écriture. Nous conseillons à nos élèves de se pencher sur leurs champs d’expérience, sur leur connaissances (acquises au cours de leur formation, ou de leur vie) et d’explorer ce qui pourraient nourrir leurs histoires.

Si cet article vous a intéressé, nous vous conseillons de visionner la rencontre très dense avec la romancière et professeur d’écriture américaine Cynthia Bond, où elle parle du danger de se perdre dans trop de recherche

Quais du PolarLire les interviews complètes d’Yrsa Sigurðardótti, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, A.J. Finn, Marion Brunet, Craig Johnson, Todd Robinson, Jane Harper, Ian Manook, Val Mc Dermid et Marin Ledun. Merci à toute l'équipe de Quais du Polar pour ces interviews .]]>
6467 0 0 0 ]]> ]]>
Les principales difficultés de l’écriture de roman - Quais du polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/difficultes-ecriture-roman/ Wed, 01 Apr 2020 09:56:01 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6479 Les principales difficultés de l’écriture de roman  - Quais du polar

On imagine souvent que le seul problème de l’écrivain, c’est le “syndrome de la page blanche”, le manque d’inspiration. Et si ce cliché masquait le vrai travail d’artisan que réalise le romancier ? Quels sont les problèmes concrets que doit affronter l’auteur : la construction de l’intrigue ? La description ? La cohérence d’ensemble ? Six auteurs de polars, romans  noirs et thrillers psychologiques révèlent les difficultés  liées à l'écriture de roman qu’ils surmontent.

difficultés écriture roman

Les auteurs de Quais du Polar racontent les principales difficultés dans l’écriture de roman

 L’imagerie d’Epinal représente l’écrivain en chemise blanche, les cheveux en bataille et la nuque courbée sur son parchemin, une plume d’oie à la main. Souvent, ses seuls problèmes sont l'alcool, la misère et les taches d’encre sur les doigts. Et l’attente du feu sacré. Cet éclair de génie qui fait se redresser la chevelure hirsute, et qui allume une flamme démoniaque dans les yeux, avant que la plume s’agite comme par magie et que les feuilles parcheminées volent dans les airs à la lueur d’une bougie.

Mais concrètement, dans la réalité réelle, qu’est ce qui se passe sur la page, comment travaillent les romanciers ? Et quelles sont les difficultés qu’ils rencontrent durant durant l’écriture d’un roman ?

Les difficultés liées à l’intrigue 

De la même façon qu’un charpentier pose les fondations de l’ouvrage qu’il entreprend, le romancier doit ébaucher et réaliser la charpente de son histoire. La romancière islandaise Yrsa Sigurðardóttir, nous parle de la difficulté à construire une  fin satisfaisante pour un roman :

[quote align="center" color="#999999"]Le plus difficile  c’est d’écrire la fin des mes romans. Mes histoires sont complexes et au début j’avais peur que la résolution finale soit trop compliquée à expliquer au lecteur et que ça devienne ennuyeux à lire. Plus vous avancez dans l’écriture d’un livre, moins vous avez de flexibilité. Au début du roman, tout est possible, vous êtes libre. Mais au fur et à mesure des décisions que vous prenez, vous perdez en liberté. [/quote]

L’autrice de thrillers psychologiques canadienne Shari Lapena lutte avec l’intrigue, c”est à dire la structure interne du roman. Son objectif étant de créer une tension maximale.

[quote align="center" color="#999999"]Je suis connue pour mes intrigues, parce qu'elles sont très bonnes. Mais l’intrigue est pour moi ce qu’il y a de plus difficile. C’est pour ça que je commence par l’intrigue dans ma réécriture. Dans un thriller l’intrigue doit être tellement compliquée, elle doit être serrée, elle doit générer tellement de suspens que vous devez la travailler pour qu’elle créer un maximum de suspens dans chaque scène. [/quote]

Les difficultés techniques d'un roman 

Créer une description 

Le romancier islandais Árni Þórarinsson avoue devoir faire particulièrement attention aux descriptions afin qu’elle créent l’effet escompté sur le lecteur : [quote align="justify" color="#999999"]Árni Þórarinsson : Je crois que c’est la description. J’ai des facilités dans l’écriture de dialogues. La création de personnages n’est pas non plus une entreprise trop difficile pour moi. Mais peindre un tableau d’une scène et faire passer au lecteur l’émotion que génère le paysage… je ne dis pas que c’est horriblement difficile, mais c’est ce qui m’est le moins naturel. La plupart des lieux que j’utilise dans mes romans sont des lieux qui existent vraiment. Parfois je dois me rendre dans un lieu que je ne connais pas mais que je veux visiter pour l’utiliser. Un été j’ai loué un appartement à Barcelone et je suis installé sur le balcon pour écrire en plein soleil. Le problème c’est que j’écrivais un roman qui se passait en hiver… Du coup je regardais des vidéos pour m’aider à me reconnecter émotionnellement à l’ambiance de l’hiver.[/quote]

Accrocher le lecteur 

L’auteur du best seller “La femme à la fenêtre”, A.J. Finn, a particulièrement bataillé avec le début de son roman, afin de le rendre le plus accrocheur possible :

[quote align="center" color="#999999"]J’ai beaucoup remanié la structure de “la femme à la fenêtre”. Pour moi, et pour personne d’autre. Les premiers chapitres ont changé, je les ai réarrangés plusieurs fois. C’est vraiment important que le premier chapitre soit accrocheur, qu’il soit une base solide.[/quote]

La romancière australienne Jane Harper, journaliste de profession, a dû, elle, apprendre à se mettre à gérer les informations transmises au lecteur :

[quote align="center" color="#999999"]La phase de mise en place de la structure, lorsque l’on essaye de comprendre si l’histoire fonctionne, si elle est intéressante. Il faut se mettre dans la tête du lecteur, essayer de comprendre ce qu’il devra savoir, ce qu’il voudra savoir, ce qu’il ressentira à tel ou tel moment… C’est une étape difficile mais essentielle.[/quote]

 Ecrire l’action 

L’auteur de “La femme à la fenêtre” a dû également faire face à une difficulté souvent sous estimée dans l’écriture de roman :

[quote align="center" color="#999999"]Contrairement à ce à quoi je m’attendais, les dialogues ne m’ont pas posé de difficultés. Le plus difficile pour moi, c’est l’action. Écrire l’action, est très difficile. Faire simplement se déplacer un personnage du canapé à la fenêtre, sans que cela soit ennuyeux, ça peut vraiment être un casse-tête. C’est vraiment très difficile.[/quote]

Tous ces auteurs travaillent “l’intrigue”, “la tension”, “la description”, mais est-t-on obligé d’utiliser ces outils lorsque l’on veut écrire quelque chose d’original, de non formaté, et qui ne ressemble pas à un roman classique ? 

Connaître ET maîtriser les règles pour les briser

[caption id="attachment_4383" align="alignright" width="249"]Todd Robinson Cassandra Cassandra, Todd Robinson[/caption]

L’auteur de roman noir Todd Robinson, barman de profession, est un iconoclaste. Mais pour briser les règles, encore faut il les connaître.

[quote align="center" color="#999999"]Todd Robinson : Je n’ai pas nécessairement « appris les règles ». C’est plutôt que ce genre m’a parlé dès que je l’ai découvert. J’ai tout de suite compris que le type d’histoires et de personnages qu’on y trouvait étaient les mêmes que dans ma vie. Je travaillais dans des bars mal famés, où les clients étaient tous des criminels. Il y avait entre nous une tradition de se raconter des histoires. Alors quand j’ai commencé à lire des auteurs qui racontaient ce type d’histoires, je me suis dit que je pouvais le faire aussi. Je ne suis pas sûr qu’il y ait des règles à proprement parler. Ce qui m’intéresse, c’est de comprendre les règles que les lecteurs s’imaginent pour les briser.[/quote]

Les difficultés rencontrées pendant d’écriture d’un roman ne montrent pas les limites de l'écrivain. Elles attestent du soin qu’il met dans la construction de son histoire, l'attention qu’il prête à son lecteur, et la responsabilité qu’il porte vis à vis du médium qu’il sert : la narration littéraire. 

Pour aller plus loin

Vous souhaitez vous former afin de parvenir à identifier les points clés de la construction d’un roman, nous vous proposons du 20 au 24 avril 2020 en télé enseignement un stage de 5 jours (30 heures au total) : Préparer et construire un roman - Les bases de la dramaturgie.

Si vous désirez vous former au travail du romancier, nous proposons le cycle l'Artisanat de l'écriture, qui vous permettra d'apprendre pas à pas comment construire une histoire, ainsi que les principales techniques pour connecter le lecteur au personnage.

Si vous désirez vous former aux règles de construction d’un polar, roman noir ou d’un thriller, les Artisans de la fiction vous proposent le stage Construire un polar - du 13 au 17 juillet 2020 (ATTENTION : il s’agira de la dernière édition de ce stage)

 

Quais du PolarNous vous invitons à lire ou à regarder l’interview de Pierre Lemaitre, pour qui l’écriture n’existe pas !

Lire les interviews complètes d’Yrsa Sigurðardóttir,, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, A.J. Finn, Todd Robinson, Jane Harper.

]]>
6479 0 0 0 ]]> ]]>
Comment les auteurs de polar ont appris l’écriture - Quais du Polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/apprendre-ecriture/ Thu, 02 Apr 2020 14:53:08 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6484 Apprendre l’écriture, témoignages des auteurs de Quais du Polar 

Autant vous le dire clairement : non, l’écriture n’est pas un "truc" magique qu’on a en soi et qui se réveillerait un jour par hasard ou par chance ! Ne croyez pas non plus qu’il s’agit de s’enfermer dans sa tour d’ivoire et de remplir des pages en ayant l’air inspiré (au clair de lune avec une plume d'oie plongée dans l'encrier). Le travail de romancier c’est d'abord un travail d'apprentissage et d'expérimentation. On peut apprendre l'écriture. Il s'agit de se former progressivement, d'apprendre les outils et de les "faire" à sa main. 9 romanciers internationaux racontent comment ils ont appris à écrire du polar.

Apprendre l’écriture

Apprendre l’écriture en lisant 

Toutes celles et ceux qui apprennent la musique le savent : la premier étape, avant d’apprendre à jouer, c’est d’apprendre à écouter la musique des autres. Pas pour se laisser emporter par l’émotion, mais surtout pour comprendre comment cela fonctionne. Il en va de même pour l’apprenti romancier, qui, s’il est sérieux, devra commencer par apprendre à lire comme un écrivain. C’est-à-dire commencer à se former au métier de romancier, en apprenant ce qu’est l’écriture d’un roman et comment cela fonctionne. La romancière islandaise  Yrsa Sigurðardóttir  a appris à écrire en apprenant à lire comme un écrivain : 

Yrsa Sigurðardóttir : J’ai appris à écrire des histoires en  lisant, seulement en lisant. Je suis une lectrice compulsive, j’adore ça. Je suis ingénieure et je n’ai jamais étudié le creative writing ou quoi que ce soit du genre. D’ailleurs, pour devenir un bon auteur, je ne conseille pas de faire des études littéraires mais je conseille de lire énormément. (…) Lisez un livre en entier, puis mettez-le de côté et demandez-vous : “Pourquoi est-ce que j’ai aimé ce livre ?”, “Comment l’auteur a t-il fait pour que je m’attache à ce personnage ?”. Et ensuite il ne s’agit pas de copier mais de trouver sa propre manière de faire. 

J’ai relu de nombreux écrivains dont j’admirais le travail

La romancière écossaise Val McDermid a appris à construire une intrigue en disséquant les livres des auteurs qu’elle admirait : 

Val McDermid : Quand j’ai commencé à écrire, l’intrigue était mon point le plus faible. Et j’ai passé beaucoup de temps à comprendre comment faire fonctionner une intrigue. J’ai relu de nombreux écrivains dont j’admirais le travail, et j’ai littéralement démonté leurs romans, pour comprendre comment ils marchaient. Quand j’ai commencé à travailler en tant que romancière, je planifiais mes romans très soigneusement, chapitre par chapitre, scène par scène et ça a fonctionné pour moi pendant une quinzaine de livres. Maintenant, j’écris de manière plus spontanée. Je sais quand le livre commence, je sais quand il se termine, je sais qui fait quoi et pourquoi, et je sais quelques trucs qui se déroulent en route.

[caption id="attachment_5664" align="alignleft" width="191"]apprendre l'écriture L'été Circulaire, Marion Brunet[/caption]

C'est aussi le cas de l’auteur de polars française Marion Brunet (également auteur jeunesse) qui trouve son inspiration en lisant : 

Marion Brunet : D’abord, j’ai lu énormément. J’étais une très grande lectrice, très jeune. Je lisais beaucoup de romans d’aventures. Les premiers que j’ai adorés c’était Jack London, Alexandre Dumas avec Les trois Mousquetaires, Stevenson, etc. On est dans la narration, dans l’aventure. Pour Dumas, c’était le feuilleton : le page turner avant l’heure. J’ai toujours aimé ça : qu’on me raconte des histoires. Ensuite, il y a le goût de la langue. Comment on joue avec la langue, comment on la déroule ? On ne raconte pas la même histoire selon la langue qu’on emploie. Mais j’aime, effectivement, raconter des histoires.

C’est bénéfique de lire les livres qu’on aurait aimé écrire.

A.J.Finn, auteur du best seller “La femme à la fenêtre” (bientôt adapté au cinéma par Joe Wright réalisateur de Orgueil et préjugés) a lu des livres de techniques narrative.

A.J.Finn : Quand j’étais à l’université, j’ai lu le livre de Stephen King consacré à l’écriture (en français « Écriture, mémoires d’un métier »), et c’était très instructif. J’ai pratiqué l’écriture à l’université, mais aussi quand j’étais éditeur. Cela m’a été très utile. C’est également bénéfique de lire les livres qu’on aurait aimé écrire. C’est une façon de les intégrer. Par exemple pour l’écriture de mon livre, j’ai lu Gone Girl de Gillian Flynn en étudiant ses aspects techniques afin de me les approprier.

Tous les écrivains que nous avons interviewés (plus de 80 : vous pouvez lire leurs interviews ici et ) admettent apprendre l’écriture grâce à la lecture. Pas seulement par une “lecture plaisir”, mais une lecture d’apprenti écrivain. Une lecture technique et non une lecture analytique et thématique. Mais, comme l’apprenti musicien, l’apprenti écrivain, ne peut pas se contenter de comprendre, il doit apprendre à mettre en pratique ce qu’il comprend. D’une part apprendre les règles de construction, et les outils de la narration littéraire, et d’autre part apprendre par la pratique, l’écriture et la réécriture. 

Apprendre l'écriture en écrivant

Le romancier français Marin Ledun, a lui-aussi appris comment fonctionne un roman en lisant, mais il a également appris à écrire ...en écrivant des choses qui n’avaient en apparence rien à voir avec l’écriture de roman.

Marin Ledun : Le point de départ pour moi a été la lecture. Inconsciemment, je savais déjà comment structurer un livre, car j’en lisais. Je suis autodidacte, mais… Quand j’ai sorti mon premier roman à l’âge de 30 ans, j’avais une pratique de l’écriture d’une quinzaine d’année : une pratique épistolaire. Ça a l’air bête comme ça, mais j’ai vraiment appris ainsi. C’est-à-dire que je passais une heure, deux heures par jour sur des sujets aussi variés que l’amour, les relations amoureuses, l’amitié, ou des sujets plus sérieux, en fonction de mes études… Je travaillais une thèse de doctorat et publiais énormément. Passer d’une écriture scientifique très contraignante à une écriture romanesque a été un vrai plaisir. Le roman était une écriture jouissive.

Et donc le jour où j’ai écrit mon premier roman, je savais déjà former des phrases, utiliser la langue française. Je ne savais pas raconter des histoires, certes, mais je savais mentir, truander, ce que j’avais déjà fait dans mes courriers.

Donc je suis autodidacte, mais j’ai appris par ce biais-là.

Marin Ledun Luz La guerre des vanités

Je me suis mis à lire beaucoup de romans policiers

Mais faut-il faire des études de lettres pour écrire ? Les études de lettres en France ne sont pas axées sur l’apprentissage des techniques de la narration littéraire, à la différence des pays anglo-saxon. Le romancier islandais Árni Þórarinsson a suivi un cursus de littérature en Angleterre. Mais il a appris à écrire par la pratique intensive :

Árni Þórarinsson : Vers la fin de mes études mon meilleur ami écossais m’a offert The long goodbye de Raymond Chandler. Ce livre m’a prouvé que les romans policiers sont de la vraie littérature. À partir de ça je me suis mis à lire beaucoup de romans policiers. Quand j’ai quitté l’université j’ai travaillé comme journaliste et ça a été très formateur. J’ai appris à faire des recherches, à écrire rapidement et clairement. Et puis un journaliste rencontre tellement de gens. C’est très utile pour créer des personnages.

La discipline journalistique est extrêmement saine : l’idée c’est de prendre son travail au sérieux plutôt que soi-même. J’ai donc appris la technique grâce à la lecture de romans policiers et le travail de journaliste.

L’auteure de thrillers psychologiques canadienne Shari Lapena a suivit des formations d’écriture :

Shari Lapena : Je n’ai jamais pris de cours de creative writing. Au Canada, nous avons une école privée pour les écrivains. Vous suivez un programme de creative writing et payer pour un mentorat par des écrivains célèbres. Vous leur envoyez votre roman et ils travaillent avec vous. Je me suis formée et j’ai été éditée de cette manière. Je n’ai pas pris de cours de creative writing, mais j’ai suivi des workshops d’écriture, ou plutôt des groupes d’écriture, mais j’ai trouvé cela perturbant, car trop de gens parlaient de trop de textes en même temps. Mais je trouve que travailler avec une ou deux personnes est particulièrement utile. 

J’ai commencé à écrire lors de mon enfance et adolescence

Apprendre l'écritureL’auteure française Anne-Céline Dartevel a appris à écrire, comme beaucoup d’apprentis écrivains français, en participant à des concours d’écriture :

Anne-Céline Dartevel : Comme beaucoup de monde, j’ai commencé à écrire lors de mon enfance et adolescence. J’écrivais des bribes d’histoires, de futurs grands romans qui s’arrêtaient au bout de dix pages et que, bien entendu, je ne finissais jamais. Puis j’ai passé un long moment sans écrire. Lorsque j’ai eu la trentaine, j’ai découvert les concours de nouvelles. J’ai participé à un premier concours, puis à un deuxième… Ces quelques années ont été pour moi une réelle école d’écriture.

D’abord parce que j’ai découvert un format d’écriture qui me convenait car je pouvais faire aboutir une histoire assez rapidement. Et la brièveté de l’histoire me permettait de beaucoup retravailler la forme. Travailler la forme, ça me plaît. Ensuite, les concours de nouvelles imposent un thème, une photo, quelques mots à utiliser. Ce sont de bons moteurs pour se mettre à écrire.

Le  travail d’un écrivain va bien au delà du mythe romantique de l’inspiration qui tombe du ciel. Un romancier doit commencer par comprendre ce qu’est un roman, comment fonctionne une histoire. Il y parviendra en apprenant à lire comme un écrivain, pour analyser comment fonctionnent les romans des auteurs qu’il admire.

À ce savoir technique, il faut ajouter des années de pratique, où, petit à petit, on apprend à tester, et à maîtriser ce que l’on a compris. Mais comme dans tout artisanat de pointe et toute discipline artistique, la formation initiale n’est pas suffisante. Un écrivain sérieux continuera à se former tout au long de sa vie d’écrivain.

Anne Céline Dartevel wild girl

C’est toujours un défi d’essayer d’être un meilleur raconteur d’histoire

Le grand romancier américain Craig  Johnson (la saga Longmire, adaptée sur Netflix), nous confie qu'il n'a toujours pas terminé sa formation d'apprenti écrivain.

Craig Johnson : J’y travaille toujours ! Vous savez, ça n’est jamais acquis une bonne fois pour toutes. C’est toujours un défi d’essayer d’être un meilleur raconteur d’histoires. Vous vous levez le matin avec l’envie d’être un meilleur écrivain que la veille. Quand vous écrivez le chapitre d’après, vous voulez qu’il soit meilleur que le précédent. Vous écrivez un nouveau livre, vous voulez qu’il soit meilleur que celui d’avant. Je prends l’insatisfaction artistique comme une qualité. Quoi que vous fassiez, ne soyez jamais pleinement satisfait. Si vous commencez à être satisfait de ce que vous faites, vous êtes fichu, parce que vous n’essayez pas, vous ne vous lancez pas de défi. Le défi est quelque chose d’important, c’est valable pour tout ce que j’écris. C’est au centre du processus de création. Une autre chose aussi est importante, en particulier quand vous faites des séries. Vos personnages prennent de l’ampleur, ils changent. Vous n’êtes pas le même qu’il y a dix ans, je ne suis pas le même qu’il y a vingt ans. C’est  important de permettre aux personnages d’évoluer, de changer et de prendre de l’ampleur.

Aller plus loin pour apprendre l'écriture à votre tour

Pour aller plus loin sur l’apprentissage de l’écriture, nous vous invitons à lire l’interview du grand romancier britannique Jonathan Coe, où il raconte la façon dont il a apprit à écrire

Vous pouvez également voir l’interview passionnante du romancier et professeur de creative writing Chigozie Obioma., où il explique que pour apprendre l'écriture il faut d'abord  apprendre à lire comme un écrivain.

Lire les interviews complètes d’Yrsa Sigurðardóttir, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, A.J. Finn,Anne-Céline Dartevel, Marion Brunet, Craig Johnson.

Si vous désirez vous former à la narration littéraire et à l’écriture de roman, nous vous proposons un cycle annuel : l’Artisanat de l’écriture, d’octobre à juin. Quais du Polar Merci à toute l'équipe de Quais du Polar pour ces interviews. Pour son édition 2020, Quais du Polar vous propose une édition virtuelle.]]>
6484 0 0 0 ]]> ]]>
Créer un personnage de roman - Quais du Polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/creer-personnage-roman/ Wed, 08 Apr 2020 12:07:19 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6488 Comment créer un personnage de roman - Quais du polar La porte d’entrée d’un roman c’est le personnage. En tant que lecteurs, nous nous souvenons plus souvent des personnages (le commissaire Maigret, l’inspecteur Harry Bosch, Walt Longmire…) que de l’intrigue. Mais comment fait-on pour créer un personnage ? 5 auteurs de polars, romans noirs et thrillers psychologiques nous racontent comment ils s’y prennent pour créer un personnage de roman .

créer personnage roman

Créer des personnages en relief 

Tout écrivain débutant va se confronter d’entrée de jeu à la complexité de la création de personnages : par quoi commencer, et comment aller au delà d’une vague  silhouette dotée d’une ou deux caractéristiques ? Faut-il avoir des connaissances de psychologie pour créer la personnalité complexe d’un personnage ? Et une fois que l’on a fabriqué un personnage, à la manière du docteur Frankenstein, comment lui donner vie ? Comment s'assurer qu'il ne nous échappe pas ? 

Combiner le personnage et l’intrigue

Craig Johnson, romancier américain, explique l’importance de créer un personnage de roman avec des failles [caption id="attachment_6511" align="alignleft" width="150"]Little Bird, Craig Johnson Little Bird, Craig Johnson[/caption]

Craig Johnson : Dans le processus d’écriture, il s’agit la plupart du temps de combinaisons entre le personnage et l’intrigue. Dans Little Bird, le premier livre de la série des Walt Longmire, je savais que le livre se passerait dans le Wyoming. Qu’il y aurait un criminel et une victime. Je me suis demandé qui serait le plus affecté par le crime, et ma réponse était bien sûr le shérif. Avec le temps je me suis aperçu que mes personnages se fabriquent non pas à partir de ce que je veux faire, mais plutôt à partir de ce que je ne veux pas. Quand vous travaillez sur du genre, western, polar, la question à se poser c’est : qu’est-ce qui a déjà été fait avant ? Comment faire autrement?

Dans la plupart des westerns les personnages sont séduisants, extraordinairement compétents et plein de sang-froid. J’ai voulu un protagoniste qui ressemble à vous et moi. Je lui ai donné des armes secrètes. Le sens de l’humour, par exemple. En général dans les fictions criminelles, les personnages en sont dépourvus. Une autre caractéristique de Walt c’est qu’il lit beaucoup. Et il se souvient de tout. Cela lui donne un avantage.

[caption id="attachment_6505" align="aligncenter" width="647"]créer personnage roman Todd Robinson à Quais du Polar[/caption]

Mais encore faut-il savoir comment engendrer des personnages riches, spécifiques et complexes. Comme de très nombreux écrivains, le romancier américain Todd Robinson, barman de profession, s’inspire de personnes qu’il a côtoyées.

Plus je colle à la réalité, plus mes personnages sont vivants.

Todd Robinson : Mes personnages sont basés sur mon expérience. Il y a très peu d’exceptions, et même quand il y en a, c’est juste que je prends quelques libertés par rapport à une personne réelle. Je suis beaucoup plus fasciné par les personnages qui m’entourent que par ceux que je pourrais créer de toutes pièces. Les vraies personnes sont toujours plus intéressantes, plus complexes, avec plus de détails.

[caption id="attachment_6512" align="alignright" width="150"]Todd Robinson Une affaire d'hommes Todd Robinson, Une affaire d'hommes[/caption]

Plus je colle à la réalité, plus mes personnages sont vivants. L’un de mes personnages, par exemple, est basé sur une tenancière d'un bar que j’ai côtoyée pendant des années. Une vieille coriace avec une voix rauque. Ce personnage, je l’ai appelé Frieda. Mais en réalité cette femme s’appelait Audrey. Quand elle a appris que j’avais créé un personnage basé sur elle, Audrey m’a menacé de sa voix rauque : « Je m’appelle Audrey. Pas Frieda. » Je lui ai répondu « Oui madame », puis j’ai utilisé son vrai prénom. Cette femme est un personnage incroyable… Quand les gens me disent que j’ai beaucoup d’imagination, je leur explique que non ! Tout est basé sur la réalité.

Pour créer un personnage, l’auteure de polars française Marion Brunet mélange plusieurs personnes issues de la réalité.

Marion Brunet : Je les laisse apparaître. Je pense qu’il y a des influences de gens que j’ai pu croiser, mais je ne m’en rends pas toujours compte au départ. Pour ce roman-là, j’ai fait un truc que je n’avais jamais fait avant : aller discuter avec quelqu’un. Un vieux copain maçon, parce qu’un des personnages principaux est maçon. J’avais besoin de connaître des détails techniques, pour ne pas être à côté de la plaque. On a beaucoup discuté, je lui ai demandé comment ça se passait dans les chantiers, et en parlant avec lui j’ai eu plein de choses qui ont émergé autour de l’ambiance entre les gars dans un chantier, comment ça peut se passer, y compris autour du racisme ordinaire par exemple. Mais d’habitude je ne fais pas ce genre de truc et j’ai trouvé ça super intéressant.

Pour les besoins de l’intrigue

Mais certains auteurs ne commencent pas par créer un personnage pour leur roman : ils partent d’une idée d’intrigue, et construisent ensuite les personnages dont ils ont besoin. C’est la technique du réseau de personnages. C’est également ainsi que la romancière australienne Jane Harper a travaillé sur son roman “Canicule” : 

Les personnages s'approchent de personnes réelles, plus authentiques

[caption id="attachment_6507" align="aligncenter" width="647"]créer personnage roman Jane Harper à Quais du Polar[/caption]

Jane Harper : Mes personnages se transforment en cours de route. Quand je commence j’ai souvent besoin d’un certain type de personnage pour une raison précise en lien avec l’intrigue, pour effectuer certaines actions. Au début ils sont souvent trop unidimensionnels, trop stéréotypés et pas si intéressants, mais plus on réécrit plus ils deviennent intéressants. On creuse leurs relations avec les autres personnages, leur passé, et ils se rapprochent progressivement de personnes réelles, plus authentiques.

La romancière canadienne Shari Lapena, auteure de thrillers psychologiques, travaille d’une manière similaire ; 

Shari Lapena : Je construis les personnages de la même manière que je construis mon intrigue : je pars avec l’idée d’un événement puis je pose des personnages que je connais peu. Je les insère dans cette situation et je vois comment ils agissent, ce qu’ils disent. Je commence à avoir une idée des personnages et en fonction des retournements de l’intrigue je vois comment mes personnages réagissent et je commence à les comprendre.

Analyser la construction des personnages de fiction.

Au final, que le romancier partent de la construction du personnage, ou de l’élaboration de l’intrigue, il cherchera à créer une interaction entre les deux. Et pour parvenir à cela, il devra doter ses personnages de qualités et de défauts, leur donner une véritable personnalité. Et pour y parvenir, il s’inspirera à la fois des personnages qu’il l’ont marqués en tant que lecteur, en analysant la construction de ces personnages de fiction. Il piochera aussi dans sa propre personnalité pour donner vie à ces personnages. Il s'inspirera également de ses connaissances, afin de doter ses personnages d'attributs originaux et vraisemblables. Enfin, il devra apprendre à construire un réseau de personnages en interaction dans le cadre de son histoire.

 

Pour ceux qui veulent apprendre à créer des personnages complexes, Les Artisans de la Fiction proposent un stage Personnage. Attention : il s'agira de la dernière fois que ce stage sera proposé.

Pour ceux qui veulent apprendre à construire un personnage en interaction avec un réseau de personnages ainsi qu’un univers narratif, Les Artisans de la Fiction proposent en télé enseignement du 20 au 24 avril 2020 le stage “Préparer et construire un roman - Les bases de la dramaturgie”

Quais du Polar Lire les interviews complètes de Craig JohnsonTodd Robinson, Shari Lapena,, Jane Harper, Marion Brunet. Merci à toute l'équipe de Quais du Polar pour ces interviews. Pour son édition 2020, Quais du Polar vous propose une édition virtuelle.]]>
6488 0 0 0 ]]> ]]>
La réécriture d’un roman - Quais du polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/reecriture-roman/ Sat, 04 Apr 2020 13:33:33 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6529 La réécriture de roman

Que réécrit un écrivain ? Comment réécrit-il ? Et surtout : que réécrit-il ? En quoi la réécriture de roman est-elle une nécessité ? 7 auteurs de polars, romans noirs et thrillers psychologiques témoignent de leur pratique de la réécriture.

réécriture roman

Plus on prépare et moins on réécrit

Le mythe romantique de l’auteur voudrait que l’écrivain de génie écrive d’une traite son livre, porté par les muses. Le manuscrit sera évidemment pur de toute rature, hésitation, ou repentir. La réalité est plus... artisanale. Tous les romanciers que nous avons interviewés depuis la création des Artisans de la Fiction ont répété la même chose : l’écriture, c’est de la réécriture. Mais qu’entendent-ils par là ? Le romancier noir islandais Árni Þórarinsson a toujours beaucoup réécrit. Il nous parle du passage de la machine à écrire au traitement de texte.

Árni Þórarinsson : C’est difficile à dire. Avec l’ordinateur on peut changer des éléments à l’infini. Quand j’ai commencé comme journaliste j’ai travaillé pendant plusieurs années sur des machines à écrire. C’est une excellente discipline : vous devez avoir une idée très claire de ce que vous écrivez avant même de vous mettre à écrire. 

"Je réécris beaucoup"

La romancière canadienne, auteur de thrillers psychologiques Shari Lapena écrit sans préparer de plan, la réécriture est un élément central de son travail d’écrivain.

Shari Lapena : Je réécris beaucoup. Quand j’écris mon premier jet je ne planifie pas donc je dois réécrire afin que tout fonctionne. Mon premier jet est très expérimental et donc une fois qu’il est écrit je commence à connaître l’histoire que les personnages vivent et je me mets à réécrire, à resserrer et à faire une meilleure histoire.

Ceux qui réécrivent en cours d’écriture et ceux qui le font après le premier jet

À l’inverse, la romancière écossaise Val McDermid planifie énormément ses romans avant de se lancer dans l’écriture, afin de gagner en efficacité : et surtout elle rétrécit au fur et à mesure.

Val McDermid :  Je réécris peu. Je corrige chaque jour. Quotidiennement, je relis et je 

corrige ce que j’ai écrit le jour précédent. Et au bout de quelques semaines, je mets bout à bout ce que j’ai écrit, soit 30 à 40 pages et je les relis, afin de voir si l’équilibre est correct, si les différents points de vue alternent suffisamment pour que l’histoire soit fluide. Je fais cela régulièrement. Et quand j’arrive à la fin, je fais une relecture succincte et j’envoie le manuscrit à mes éditeurs et à mon agent. Et ils m’envoient des notes, et nous discutons de ce qui ne va pas. Puis j’effectue une réécriture et c’est bon.

Les auteurs de best-sellers, comme A.J. Finn, auteur de “La femme à la fenêtre” recherchent la même efficacité, afin de limiter le temps de réécriture ;

A.J. FInn : Non, je n’ai pas procédé à beaucoup de réécritures, à la fin je ne disposais plus du temps nécessaire, et puis j’avais déjà un autre projet de livre.

[caption id="attachment_5153" align="aligncenter" width="570"] A.J. Finn à Quais du Polar[/caption]

"Je préfère d’abord écrire l’histoire entière"

La romancière australienne Jane Harper écrit un premier jet complet, avant de passer à la réécriture de l’ensemble : 

Jane Harper : Je préfère d’abord écrire l’histoire entière, du début à la fin, plutôt que de réécrire au fur et à mesure. J’attends donc d’avoir terminé mon premier jet pour m’attaquer au deuxième. Cela m’évite de rester coincée, de ne jamais arriver à la fin. Chaque fois que je réécris, je repars du début, en essayant de m’améliorer à chaque fois. A chaque jet j’ajoute des éléments et j’en retire d’autres.

Le romancier français Marin Ledun travaille d’une manière différente : il modifie son texte en cours d’écriture, puis réécrit son premier jet.

[caption id="attachment_6509" align="aligncenter" width="630"] Le romancier français Marin Ledun à Quais du Polar[/caption]

Marin Ledun : Le premier jet c’est déjà plein de chapitres, pleins de scènes, qui sont retravaillés, une fois, deux fois, dix fois, vingt fois, si nécessaire. Et ensuite je reprends tout et je peux être amené à tout rechanger. C’est-à-dire que le plan de départ n’est pas forcément le bon à la fin. Donc le premier jet (qui n’est pas tout à fait un premier jet), peut quand même complètement être changé. Et après, il y a le boulot avec l’éditeur. Donc ça fait beaucoup, beaucoup, de versions.

"Je voulais que ce soit au cordeau"

Les points les plus fréquemment modifiés pendant la réécriture sont la clarté, la cohérence, la longueur et la densité. Traditionnellement c’est le rôle de l'éditeur. Dans les pays anglo-saxons c’est souvent celui de l’agent de l'écrivain. 

 

La romancière française Marion Brunet a apprit à retravailler ses textes en tant qu’auteur jeunesse.

Marion Brunet : Je réécris pas mal. Mon éditeur en « jeunesse » travaillait beaucoup sur le texte avec les auteurs et j’ai pris une sorte d’habitude, un réflexe de feignasse. Par exemple, j’écris un passage en ayant conscience que ce n’est pas top mais bon, l’éditeur va regarder alors… Une habitude de feignant. Et pour L’été circulaire, j’allais bosser avec quelqu’un avec qui je n’avais pas l’habitude de travailler, donc il fallait que ce soit au cordeau. J’ai donc travaillé chaque chapitre de façon beaucoup plus approfondie, à la fois sèche et approfondie. Je voulais vraiment que ce soit nickel.

L’apprenti écrivain confond souvent le travail de réécriture avec le travail de peaufinage des phrases. L’affinage, le travail sur la beauté et la justesse de la langue ne se fait qu’en dernière instance.

"Je sais que j’ai des tics d’écriture"

[caption id="attachment_5926" align="aligncenter" width="470"] Le romancier français Ian Manook à Quais du Polar[/caption]

L'auteur français Ian Manook scrute attentivement ses tics d’écriture :

Ian Manook : Je réécris très peu.  Le 1er jet est bon à 90 %. Après je réécris pour travailler des choses très claires, des tics d’écriture. Je sais que j’ai des tics d’écriture. Dans un premier jet, je construis toujours mes phrases de façon compliquée. La façon la plus fluide de faire une phrase en français, c’est : sujet/verbe/complément du lieu direct, les autres compléments derrière. Moi, j’ai toujours tendance à mettre les compléments (que l’on appelait circonstanciels à mon époque) de les remettre en avant. À la lecture, je corrige.

Les romanciers le disent tous : l’écriture, c’est de la réécriture. La réécriture ne touche pas uniquement à la justesse de la langue, elle a un impact sur la construction des scènes, des personnages. La réécriture d’un roman c’est la transformation d’une matière plus ou moins brute en un livre destiné à accueillir un lecteur.

Vous aimeriez vous entraîner à la réécriture ? Notre stage Écrire un roman - Les outils de la narration littéraire vous propose d’écrire et de réécrire 12 fois la même scène durant 5 jours !

Si vous souhaitez en savoir plus sur la réécriture d’un roman, le dramaturge et romancier , Yves Ravey nous raconte le processus d’écriture et de réécriture d’un  roman 

Toujours dans le cadre de Quais du Polar, l’écrivain américain Dathan Auerbach parle de l’importance de retravailler le texte de son roman.

Quais du PolarLire les interviews complètes d’Yrsa Sigurðardótti, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, A.J. Finn, Marion Brunet, Craig Johnson, Todd Robinson, Jane Harper, Ian Manook, Val Mc Dermid et Marin Ledun

Merci à toute l’équipe de Quais du Polar pour ces interviews. Cette année Quais du Polar propose une édition virtuelle.]]>
6529 0 0 0 ]]> ]]>
Conseils aux jeunes auteurs - Quais du Polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/conseils-jeunes-auteurs/ Sun, 05 Apr 2020 08:31:49 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6534 Conseils aux jeunes auteurs - Quais du Polar

Quels sont les pièges à éviter lorsque l’on se lance dans l’écriture ? Comment se motiver pour aller au bout de l’écriture d’un premier roman ? Faut-il éviter de lire pour ne pas se laisser influencer ? Faut-il attendre de maîtriser les techniques de la narration littéraire avant de se lancer dans l’écriture ? Faut il ne tenir compte d’aucun avis parce que les gens sont jaloux et qu’ils veulent nous empêcher de réussir ? 10 auteurs de polars, romans noirs et de thrillers psychologiques donnent leurs conseils aux jeunes auteurs.

conseils jeunes auteurs

Ne pas se décourager et persévérer

Contrairement à ce qu’on s’imagine, les romanciers et romancières sont généreux en conseils aux jeunes auteurs. Pourquoi ? Parce qu’eux-mêmes se sont battus contre le découragement et la recherche d’une recette magique qui n’existe pas. Aujourd’hui devenus mentors, après être passés par toutes les étapes difficile de l’écriture, ils ont des conseils à vous donner. Alors lisez-les !

Aller au bout

L’uns des problèmes les plus courant, c’est le découragement et la tentation d’abandonner l’écriture de son roman en cours de route. Combien d’entre nous l’ont fait ? Et le pire c’est que cet abandon peut souvent être porté par l’illusion que ce n’était pas le bon livre à écrire. Les idées d’autres livres, encore plus grandioses, suffit à nous convaincre de laisser tomber la proie pour l’ombre.

Mais parfois l’apprenti romancier abandonne car il ne sait pas le travail que représente l’écriture d’un roman, et, constatant que son premier jet n’est pas à la hauteur, il se dit “c’est nul”.  C’est ignorer qu’un roman n’est pas écrit en un seul jet, ni même deux, mais souvent jusqu’à une dizaine. Aller jusqu’au bout d’un projet de livre est fondamental. Certes, il y a peu de chances qu’il s’agisse d’un  bon livre, voir d’un roman publiable, mais vous apprendrez tellement en cours de route, que cela vous permettra de mieux réussir la tentative suivante. 

Les conseils aux jeunes auteurs de la romancière islandaise Yrsa Sigurðardóttir sont double : s’accrocher tout d'abord, et apprendre à réparer son roman !

Ne pas baisser pas les bras

Yrsa Sigurðardóttir : Ne baissez pas les bras ! Beaucoup de jeunes auteurs commencent un roman et s’arrêtent au milieu du travail parce qu’ils pensent qu’ils sont mauvais ou que c’est trop dur. Alors je conseille de ne pas abandonner. Reprenez votre travail, relisez-le, trouvez les faiblesses. De nos jours, avec l’ordinateur, on peut reprendre ses textes facilement et c’est très pratique. Je dirais aussi que c’est normal d’avoir des phases où on se sent moins bien par rapport à son travail. D’un jour à l’autre on peut trouver que son travail est brillant puis médiocre. C’est normal, c’est une sorte de montagne russe. Soyez-en conscient.

La romancière écossaise Val McDermid conseille la même chose en appuyant sur le travail requis par un roman pour qu’il soit aboutit :

Val McDermid :  Mon conseil serait d’aller au bout. N’essayez pas d’écrire le premier chapitre parfait. N’écrivez pas de premier chapitre parfait. Terminez le truc. Et là vous pourrez l’améliorer. Beaucoup de gens pensent que si le début n’est pas bon, ils ne peuvent pas avancer. Terminez le livre. Et améliorez-le.

   

Terminer un jet complet

La romancière australienne Jane Harper insiste, elle aussi,  sur l'importance de terminer une première version de son roman.

Jane Harper : Le plus important est d’aller jusqu’au bout. Il faut essayer de terminer un jet complet. Même s’il est court, même s’il ne correspond pas à nos attentes. Même si on ne le trouve pas très bon. Sans quoi on risque de passer dix ans sur un roman sans jamais le terminer. Pour moi la meilleure façon d’accomplir ceci est, dans un premier temps, de ne pas se soucier du nombre de mots ou de la qualité d’écriture. Mais juste de s’asseoir chaque jour et d’écrire une scène ou un chapitre avec une action qui fait avancer l’histoire. Pensez à ce que vous essayez de dire dans ce chapitre, et aux raisons pour lesquelles il figure dans l’histoire. Quand on arrive à la fin du premier jet, c’est un tel soulagement qu’on est heureux de retourner au début et d’écrire le second.

Ne pas se flageller

Le romancier américain A.J.Finn, auteur du best seller “La femme à la fenêtre”, conseil de se préparer et ...de ne pas se décourager.

A.J. Finn : Je donnerais trois conseils. Le premier, c’est : lisez autant que vous pouvez. Le second, c’est : gardez à l’esprit qu’écrire un roman n’est pas toujours une partie de plaisir. En réalité, ça ne l’est pas souvent, parce que c’est un travail. Mais le plus important : ne soyez pas trop dur avec vous-même. C’est un travail difficile, alors si ça ne fonctionne pas du premier coup, ne vous flagellez pas, vous allez finir par y arriver.

 
L’auteur de romans noir islandais Árni Þórarinsson, conseille aux jeunes auteurs d’être ouverts à la critique :  

Árni Þórarinsson : Mettez-vous à l’écriture ! Et persévérez jusqu’à ce que vous vous sentiez suffisamment à l’aise pour faire lire votre travail à quelqu’un d’autre. Faites lire votre travail à d’autres et soyez ouverts. Ecoutez les remarques et ne pensez surtout pas que vous pourrez tout apprendre par vous-même.

 

Apprendre des autres

L’idéal de pureté de l’écrivain romantique fait beaucoup de mal car il place une charge monstrueuse sur les épaules de l’apprenti écrivain :  comment un débutant peut apprendre s’il pense qu’il doit tout savoir par lui-même, sans formation ? Comment progresser sans être accompagné ? Et surtout comment débuter, progresser et parvenir progressivement à maîtriser un savoir faire complexe sans étudier techniquement ce qu’on fait les autres romanciers ? 

Lire comme un écrivain

Ecrire un roman, c’est à dire créer un dispositif immersif permettant de faire vivre au lecteur un rêve éveillé ne s’insprovise pas. Attention : il ne s’agit pas de se faire vivre un rêve éveillé en tant qu’écrivain. De la même manière qu’un prestidigitateur ne cherche pas à s’émerveiller lui-même, mais porte la responsabilité d’entraîner ses spectateurs et de leur faire vivre, le temps du spectacle, une expérience de suspension d’incrédulité. Le romancier cherche à créer cette suspension d’incrédulité avec des mots, des phrases, des paragraphes, une structure. Et le meilleur moyen d’apprendre comment fonctionne un roman est de lire. Attention : pas lire comme un lecteur, pour le plaisir de se laisser entraîner dans un monde et une expérience créée à l’aide de mots. Mais en apprenant à lire comme un écrivain.

Le romancier français Ian Manook donne comme conseils aux jeunes auteurs de pratiquer l’écriture quotidiennement et d'accepter les retours.

Être ouvert à la critique

Ian Manook : Deux conseils évidents : toujours écrire, tous les jours, faut pas avoir peur, prendre le temps, une silhouette passe, elle est marrante, essayez de la capturer en une phrase. Si on a une demie-heure devant soi, alors on essaie de faire un petit paragraphe sur l’atmosphère qui nous entoure, sur ce qu’il y a autour, etc.… Deuxième conseil : accepter la critique. Ce que m’a apporté le fait de devenir un écrivain « professionnel » c’est de travailler avec une éditrice chez Albin Michel, qui est une personne qui se met en face de vous, qui lit le bouquin à fond, et qui vous fait des remarques.

Aucune des remarques n’est une obligation, mais si on n’est pas ouvert à cette critique-là, on va se refermer sur une écriture pleine de tics, une écriture qui est trop sûre de soi, qui va devenir prétentieuse.  Et donc il faut vraiment accueillir la critique quand la critique est justifiée et bien faite. Mais moi, je n’ai aucun problème à écouter les critiques sur mes bouquins.

L’auteur de romans noirs  français Marin Ledun donne trois conseils, en insistant sur l’importance de lire pour se former en tant que romancier.

Marin Ledun : Conseil n°1 :N’écoutez pas les conseils. Conseil n°2 : Lisez, lisez, lisez. Regardez comment les autres artisans de l’écriture travaillent. Chacun a ses solutions et il n’y a que comme ça qu’on apprend. Il faut regarder ce qui se fait, sans chercher à copier, juste regarder ce qui se fait. Je pense qu’il n’y a que en lisant, et en écrivant, qu’on trouvera des solutions soi-même, parce que des fois, la solution, on ne la trouve pas, et il faut la créer. C’est un peu bête, mais à mon avis, c’est la base.

Trouver sa propre voix

Mais une fois les bases de la narration acquise, n’y a-t-il pas un risque d’écrire de histoires bien faites, mais formatées ? Les techniques de la narration littéraire sont enseignées dans les pays anglo saxons tout au long de la scolarité (primaire et secondaire), et à l’université (master de creative writing) depuis la fin des années 1940 aux Etats Unis. Les conséquences d’un tel enseignement commencent à être étudiées. La conclusion des diverses études tendent à montrer, que les cours de narration littéraire n’ont pas forcément produit de grands génies de l’écriture, mais de très bons narrateurs. 

Apprendre à construire et à écrire une bonne histoire est un point de départ. L’apprenti écrivain ne devra pas s’en contenter, car ses livres rejoindront les piles de livres bien construits mais qui ne se distinguent pas des autres. Il devra également parvenir à se singulariser. C’est là que l’approche de l’enseignement de l’écriture française (les ateliers d’écriture ainsi que la culture de l’originalité) a son intérêt. En France, nous mettons valeur “la voix” de l’écrivain, son style, sa manière unique d’écrire.

Parallèlement à l’apprentissage des règles de la narration, et de l’héritage des grands artisans romanciers, l’apprenti écrivain devra aussi chercher sa voix, c’est à dire ce qu’il a à raconter ainsi que la manière qui lui est propre de raconter. 

Votre voix c’est votre façon de raconter votre histoire

La romancière canadienne Shari Lapena écrit des thrillers psychologiques. Elle conseille aux jeunes auteurs de raconter leurs histoires à leurs manières.

Shari Lapena : La chose la plus importante est de trouver sa propre voix. Il y a tellement de voix et donc tellement de nouvelles manières de raconter des histoires. Votre voix c’est votre façon de raconter votre histoire, le point de vue. Je leur dirais de trouver quelque chose de différent. Quelque chose qui parle pour eux, afin qu’ils n’écrivent pas quelque chose de la même manière que tout le monde, parce que ça ne marchera pas, donc je leur dirais : trouvez votre propre voix. Et pour trouver sa voix, je dirais : écrivez d’une manière excitante. Ne tenez pas compte du marché, écrivez ce qui vous excite personnellement et votre voix apparaîtra.

L’auteur de romans noirs Todd Robinson est un écrivain et un personnage atypique. Forcément, lui aussi insiste sur l’importance pour un jeune écrivain de trouver sa voix :

Todd Robinson : Je lui dirai que le plus important est de trouver sa propre voix. Parce qu’au final, c’est la seule chose qui le distinguera des autres. Deux personnes peuvent raconter la même blague, avec exactement les mêmes mots ; pour l’une d’elles, on sera pendu à ses lèvres ; pour l’autre, on baillera en attendant la chute. La différence c’est la voix, la façon dont l’histoire est racontée, le rythme des mots… C’est vrai à l’oral comme à l’écrit. Trouver sa voix est le plus important, même si ça prend des années. Pour moi ce qui marche, c’est de lire mes textes à voix haute, mais ça ne conviendra pas forcément à tout le monde… Le principal, c’est de découvrir qui vous êtes vraiment.

 

Avoir une identité d’écrivain originale

L’auteure française de polars historiques Viviane Moore conseille aux jeunes auteurs de cultiver leur différence. :

Viviane Moore : Écrire. Vivre. Vivre. Écrire. Mais surtout rester libre. C’est pas facile, surtout dans ce monde, tellement imbibé d’images et de choses déjà vues, déclinées de tant de façons différentes. C’est très dur pour les jeunes, actuellement, d’avoir cette identité originale qui fait un auteur. Ça tient à l’enfance, oui, mais justement, quand je vois comment l’enfance est à la fois sécurisée, mais envahie par les images… Combien d’enfants sont déjà sur des écrans tout petits ? Ça ne nourrit jamais autant que le livre. Après ça, c’est très dur de créer librement. Niveau imaginaire. Ils n’ont pas ramassé les petits cailloux blancs. En écriture pure, je pense qu’il faut se lire à voix haute. Quand je relis mes chapitres, je relis à voix haute. Toujours au moins une fois. Quand j’ai un doute sur la fluidité des chapitres, je relis à voix haute.

Le grand narrateur américain Craig Johnson est un des romanciers policiers les plus appréciés en France, mais malgré son succès (la série de romans Longmire, adaptée sur Netflix) il conseille avant tout aux jeunes auteurs de ne pas chercher de formule commerciale : 

Craig Johnson. : Il y en a tellement…Peut-être que le plus important c’est celui-ci : fiez-vous à votre cœur. Il faut ressentir la passion pour l’acte d’écrire. Ne cherchez pas une formule, ne cherchez pas quelque chose qui pourrait se vendre, parce que vous allez vous torturer avec ce genre de considérations. Ça vient de l’intérieur. Il vous faut croire en quelque chose, et si vous arrivez à trouver ça, alors vous allez faire l’expérience du plaisir d’écrire. Si vous faites ça comme il faut, avec justesse, avec passion, avec cette énergie.

 

Que retirer de ces conseils aux jeunes auteurs ?

L’écriture ça s’apprend, c’est du travail, ce n’est pas du travail à la chaîne, ce n’est pas magique, même apprendre à devenir un bon prestidigitateur, c’est n'est pas magique en tant que tel.

Si vous souhaitez cerner vos thèmes, ainsi que les histoires que vous avez à raconter, Les Artisans de la Fiction organisent le stage Identifier vos territoires d’écriture, du 20 au 24 avril en télé-enseignement. 

Nous proposons également le stage Préparer et construire un roman - Les bases de la dramaturgie, afin de débuter dans l’apprentissage du travail de romancier avec des bases techniques, du 20 au 24 avril en télé-enseignement. 

Si cet article vous a intéressé, nous vous recommandons la vidéo du romancier et professeur de creative writing Chigozie Obioma, Apprendre à lire comme un écrivain

Nous vous invitons également à visionner la vidéo exceptionnelle du grand romancier français Pierre Lemaitre, où il donne ses conseils aux élèves des Artisans de la Fiction.

Quais du PolarLire les interviews complètes d’Yrsa Sigurðardótti, Árni Þórarinsson, Shari Lapena, A.J. Finn, Marion Brunet, Craig Johnson, Todd Robinson, Jane Harper, Ian Manook, Val Mc Dermid et Marin Ledun Merci à toute l’équipe de Quais du Polar pour ces interviews. Cette année Quais du Polar propose une édition virtuelle.]]>
6534 0 0 0 ]]> ]]>
L’atelier du romancier : Niklas Natt och Dag Quais du Polar http://www.artisansdelafiction.com/blog/atelier-du-romancier/ Sun, 05 Apr 2020 10:33:01 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6543 L’atelier du romancier : Niklas Natt och Dag Quais du Polar

L’auteur de romans policiers historique suédois Niklas Natt och Dag  était présent à Quais du Polar 2019 pour présenter son roman “1793”. Il nous dévoile son atelier de romancier : comment a-t-il appris à écrire ? Quel travail de recherche pour un roman historique  ?

atelier du romancier

Comme de nombreux romanciers débutants, Niklas Natt och Dag s’est lancé dans l’écriture sans formation. Et il a dû apprendre à la dure, à partir de ses erreurs. Il ouvre pour Les Artisans de la Fiction son atelier de romancier : comment travaille-t-il ? Quelle part accorder à la réécriture ? Comment gérer les informations dans un roman historique ?

Je n’ai jamais pris de cours d’écriture. Et c’est dommage.

Se lancer dans l’écriture d’un roman sans filet est un pari risqué. Mais ceux qui écrivent professionnellement au quotidien, comme les journalistes, sont plus outillés. S’ils ne connaissent pas forcément les outils de la narration littéraire, ils ne partent pas à zéro.

Niklas Natt och Dag : J’ai été journaliste pendant de nombreuses années. Donc pendant longtemps j’ai été payé pour écrire, mais je n’ai jamais pris de cours d’écriture. Et c’est dommage parce que je pense vraiment que ça m’aurait été utile car les problèmes techniques qui se sont posés à moi tout de suite étaient très basiques. Par exemple: "est-ce que je dois absolument suivre mon personnage principal en permanence ou est-ce je peux faire des ellipses ? Dans quels cas et comment ?".

J’imagine que c’est le genre de problèmes qu’on aborde pendant un cours de creative writing. Dan mon cas j’ai dû apprendre par moi-même et j’ai perdu beaucoup de temps. J’en aurais sûrement gagné beaucoup avec des cours. 

 

En plus des difficultés techniques  le romancier débutant, devra faire face à un problème central : trouver le temps d’écrire. Sans plages de temps arrachées au quotidien, l’atelier du romancier restera désespérément vide.

Niklas Natt och Dag :  J’ai beaucoup de respect pour les gens qui abandonnent tout pour réaliser leurs rêves, comme, par exemple, prendre une année sabbatique pour écrire un roman. Mais moi je suis trop peureux pour faire ce genre de choses. J’ai donc beaucoup écrit pendant mes soirées et mes week-ends. Par chance ma femme est tombée enceinte de notre premier enfant pile à ce moment-là et comme elle était très fatiguée elle dormait beaucoup. Alors j’ai eu beaucoup de temps libre pour écrire. 

Sept ou huit versions avant d’arriver au roman final.

Niklas Natt och Dag : La première version du roman m’a prise une année à écrire. Puis cette version a été acceptée par un éditeur et ensemble nous avons travaillé sur sept ou huit versions avant d’arriver au roman final. Le problème avec les romans historiques c’est que vous n’avez jamais fini de faire votre travail de recherche. Et il y a aussi la tentation de mettre beaucoup trop de détails pour prouver à vos lecteurs que vous avez bien fait vos recherches. La première version de mon roman, celle qui a été acceptée par l’éditeur, contenait beaucoup trop de détails historiques ainsi que des longueurs. J’avais aussi cette tendance qu’ont très souvent les jeunes auteurs : cette envie incroyable d’impressionner le lecteur. Vous savez : “Je vais décrire ce coucher de soleil d’une manière qui n’a jamais été faite auparavant”. Je me suis cru plus malin que tout le monde et c’était une vraie erreur de ma part.

L'importance de la recherche pour un roman historique

Niklas Natt och Dag 1794Tout roman, qu’il soit réaliste, fictionnel,ou  autobiographique, demande un important travail de recherche. Pourquoi ? Parce que le romancier n’écrit pas pour lui-même mais pour des lecteurs. Les lecteurs seront rebuts par des erreurs, des approximations, ou pire des stéréotypes (ne vous lancez pas à écrire un roman se déroulant dans un cadre que vous ne connaissez que par d’autres romans, ou par des films). Dans le cas de l’écriture d’un roman historique le travail de recherche. Niklas Natt och Dag nous raconte comment la place qu'a occupée la recherche dans l’atelier de son roman 1793 :

Niklas Natt och Dag : Tous les romans que j’adore sont le fruit d’un très laborieux travail de recherches. Par exemple, j’adore Le Seigneur des Anneaux. Je l’ai lu pour la première fois quand j’avais onze ans, c’est mon roman préféré. Quand vous regardez les appendices du roman, vous réalisez le travail pharaonique que Tolkien a réalisé, comme créer des langues par exemple. Et même les détails que vous ne trouvez pas intéressants, Tolkien a été obligé de les inventer dans le seul but de créer un monde qui soit cohérent, dans lequel on croit. Tolkien est mon exemple et pour mon roman j’ai fait autant de recherches qu’on puisse faire. Mais comme je disais, si on ne se met pas une limite, le travail de recherches peut durer toute une vie. Pour vous donner une idée, j’ai une bibliothèque de livres chez moi : et cinq à six étagères de cette bibliothèque sont consacrées à des livres de recherches pour mon roman. 

Manipuler son lecteur pour l’obliger à  ressentir des émotions

Nous le répétons souvent à nos élèves : le romancier n’écrit pas pour se faire ressentir des émotions à lui-même. Il écrit une histoire, créé des personnages qu’il confrontent à des obstacles externes et internes. Pourquoi ? Car son objectif est d’essayer de faire vivre au lecteur une expérience émotionnelle puissante. Mais bien qu’il s’efface au profit de ses personnages, le romancier les nourrit de sa propre expérience et de ses émotions, comme l’explique Niklas Natt och Dag :

Niklas Natt och Dag : La chose la plus dure pour un auteur c’est de manipuler son lecteur et de l’obliger à lui faire ressentir des émotions, de l’empathie pour le personnage principal. La seule manière que Niklas Natt och Dag 1793j’ai trouvée pour y parvenir est celle-ci : si je veux que mon lecteur pleure, je dois écrire quelque chose qui me fasse pleurer moi en premier. Sinon ça ne me fait pas pleurer moi, je ne peux pas demander à mon lecteur de pleurer. Et c’est très difficile de faire pleurer un lecteur, il n’y a pas de recette toute faite pour ça. Parfois vous vous attelez à écrire une scène qui est supposée être pleine d’émotions et vous ne ressentez rien… et vous êtes obligé de rependre tout depuis le début, de retravailler votre personnage en profondeur, sa personnalité… et d’un coup ça marche. Votre scène fait pleurer. Mais c’est très dur. 

La nécessité  d’écouter les critiques

S’enfermer dans son atelier de romancier et mener à bien son projet de roman est un travail artisanal complexe, difficile et parfois ingrat. A l’arrivée, on pourrait imaginer que le romancier n’a pas vraiment envie de subir un regard extérieur qui va venir s'immiscer dans son travail. Et pourtant, du fait même de la complexité technique d’un roman, le regard d’un éditeur est fondamental. C’est le conseil que donne  Niklas Natt och Dag aux jeunes auteurs :

Niklas Natt och Dag : Quand vous écrivez votre premier roman et que vous le terminez vous pensez que votre travail est fait, que votre roman est parfait, prêt pour être admiré par les lecteurs. Vous ne voulez pas y toucher, vous ne voulez rien changer. Puis vous prenez en pleine face une vague de rejets de la part des éditeurs et cela vous affecte beaucoup. C’est difficile mais c’est nécessaire d’écouter les critiques, d’accepter les modifications et de réécrire… ça peut même être sympa à faire ! Et d’ailleurs ce n’est que en écoutant les critiques et en ré-écrivant que vous finirez par y arriver. Si vous refusez les critiques, vous n’arriverez à rien, personne ne vous publiera

Vous souhaitez vous lancer dans l’écriture d’un roman avec des bases techniques ? Les Artisan de la Fiction, vous proposent le stage Préparer et construire un roman - Les bases de la dramaturgie,  du 20 au 24 avril en télé enseignement.

Cet article vous a intéressé ? nous vous recommandons la vidéo du romancier et professeur de creative writing Chigozie Obioma, Apprendre à lire comme un écrivain

Quais du PolarSi vous voulez en apprendre plus sur le travail du romancier, l’écrivain de Fantasy Ellen Kushner vous conseille de vous donner le droit d’écrire mal.

Merci à toute l’équipe de Quais du Polar pour ces interviews. Cette année Quais du Polar propose une édition virtuelle.

]]>
6543 0 0 0 ]]> ]]>
Ecrire un roman à deux - Ellen Kushner http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-un-roman-a-deux-ellen-kushner/ Sat, 25 Jul 2020 10:11:07 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6332 Comment écrire un roman à deux ? L'écriture ne doit pas forcément être une entreprise solitaire. En réalité, de nombreux auteurs aiment travailler à plusieurs. Pour de nombreux aspirants écrivains c’est aussi une solution rassurante. Pourtant, nombre d’entre eux déchantent une fois confrontés à la difficulté d'écrire un roman à deux. 

Ellen Kushner, auteure de fantasy ("A la pointe de l'épée"), est reconnue pour avoir écrit "The fall of the kings" à quatre mains avec Delia Sherman, sa compagne. Dans cette interview elle revient sur cette expérience et dévoile avec nous les ficelles de l’écriture à deux ! 

   

Un chef et un sous chef ! 

Lorsqu’on décide de travailler de manière collaborative avec un proche on peut être tenté d’écrire sur un pied d’égalité. Principalement par crainte de froisser son nouveau partenaire d’écriture. 

Pour Kushner écrire un roman à quatre mains demande de déterminer qui est le chef et de s’y tenir ! 

J’ai énormément travaillé de manière collaborative. Avec de nombreux auteurs. Ce qui est important est de déterminer qui est le chef et qui est le sous-chef. Le sous-chef peut tout à fait cuisiner un plat tout seul et même inventer un plat, mais il doit apporter ce plat au chef et lui demander “Est-ce que ce plat correspond à votre restaurant ?”. Donc Delia pouvait inventer plein de choses de son côté mais ensuite il fallait qu’on discute ensemble voire qu’on modifie ses idées pour qu’elles correspondent à ce que je voulais écrire. On vivait ensemble à cette époque et on était comme des enfants qui jouaient avec des poupées. Si on avait un trajet en voiture à faire ou qu’on cuisinait, on en profitait pour discuter du livre.

Et ça donnait

 “Écoute, écoute, j’ai une super idée et si il arrivait ci ou ça”, “Oh oui c’est une très bonne idée et du coup ça pourrait amener sur ci ou ça”, “Super alors moi j’écris cette partie et toi tu écris cette partie”. On en parlait tout le temps. J’avais un travail dans un bureau mais elle travaillait de la maison. Donc on parlait d’une scène pendant le repas du soir et elle l’écrivait le lendemain. L’avantage était qu’on n’avait pas les mêmes forces. Par exemple je n’aime pas écrire les descriptions, alors qu’elle adore ça. Donc ce n’était pas rare que j’écrive la scène avec les personnages, les dialogues, et que je laisse une note “décrire le décors ici”.

Pour écrire un roman à deux : soyez complémentaires !

L’un des principaux avantages de l’écriture à quatre mains est de pouvoir travailler avec quelqu’un qui aura des forces et des faiblesses différentes des siennes. Bien que l’idée ne soit pas de rester sur ses acquis, écrire un roman à deux permet de mettre en relief les faiblesses d’une intrigue ou d’un personnage. Et surtout, de trouver des solutions deux fois plus vite que si l'on est seul ! [quote align="right" color="#999999"] C’est comme marcher sur un fil en sachant qu’il y a un filet de sécurité en dessous pour vous rattraper si vous tombez. [/quote]

Ce qui est génial quand vous écrivez avec quelqu’un c’est que vous pouvez lui donner la première version de votre scène en disant : “Tiens, j’ai écrit cette scène mais je sens qu’il y a un truc qui ne marche pas, est-ce que tu peux corriger ?”. Et l’autre dit “Non, ça fonctionne très bien, arrête tes bêtises” ou “Ah oui je vois très bien le problème et je peux arranger ça très facilement”.

Choisissez bien votre partenaire 

Tout le monde ne peut évidemment pas écrire avec tout le monde. Certains profils sont plus à même de s’entendre dans le délicat processus d’écrire un roman à deux. [quote align="right" color="#999999"] Essayez et vous verrez !  [/quote]

Vous ne pouvez pas écrire en collaboration avec n’importe qui, et ce n’est pas tout le monde qui aime le faire non plus. Il y a des gens avec qui je n'essaierai jamais d’écrire. Je connais deux Australiennes qui écrivent ensemble avec succès. Quand je les ai rencontré pendant une convention de science fiction l’année dernière elles m’ont dit : “On écrit de la fan fiction ensemble et on aimerait s’attaquer à un projet sérieux. Mais on a peur que quelque chose d’horrible arrive, que ça détruise notre amitié”. Et je leur ai dis “Essayez, si ça ne marche pas et que ça vous rend malheureuses, vous arrêtez”. Essayez et vous verrez ! Elles le savaient très bien au fond d’elles. Parfois on a juste besoin d’entendre quelque chose que l’on sait déjà. 

Cet article vous a plu ? Allez plus loin en découvrant le contenu de notre chaîne Youtube (interviews d'auteurs et masterclass). Ellen Kushner, a été interviewée par les Artisans de la Fiction durant la masteclass d'Auvergne Rhône Alpes Livre et Lecture. Merci à Joël Bouvier et aux éditions Actusf qui éditent Ellen Kushner en France.]]>
6332 0 0 0 ]]> ]]>
Par quoi commencer un roman de Science Fiction - Les Intergalactiques http://www.artisansdelafiction.com/blog/commencer-roman-science-fiction/ Tue, 21 Apr 2020 13:41:24 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6584 Par quoi commencer un roman de science-fiction - Les Intergalactiques

Beaucoup d’apprentis narrateurs se demandent par quoi commencer un roman de science-fiction ? Faut-il débuter par une scène accrocheuse ? Faut-il poser l’univers narratif ? Si on écrit un roman de science-fiction, faut-il commencer par montrer un vaisseau spatial ? Trois écrivains anglais nous racontent par quoi ils commencent leurs romans…

commencer roman science fiction

La perspective de commencer un roman est à la fois excitante et terrifiante. 

En tant que narrateur débutant, on aura tendance à chercher des outils, des techniques, des méthodes concrètes. Il FAUT faire apparaître le protagoniste (le personnage principal, celui qui vit l’histoire) dès le 1er chapitre. Il FAUT immerger le lecteur dans l’univers de l’histoire et hameçonner le lecteur dès le 1er paragraphe, avec un enjeu puissant.

Tout cela est vrai mais vous sera inutile si vous ne savez pas ce qu’est une histoire. Comment elle se construit, comment elle va faire vivre des émotions aux lecteurs. Un peu comme si vous vouliez apprendre la cuisine en vous demandant : il faut faire quoi dans quel ordre ? La réponse "il faut commencer par une entrée surprenante" ne sera pas fausse, mais elle ne vous aidera pas beaucoup.

Les témoignages qui suivent ne sont pas des recettes, mais vous éclaireront sur la manière de procéder de plusieurs romanciers maîtrisant parfaitement la narration.

Paul J.McAuley, est un botaniste et écrivain britannique. Auteur de science-fiction récompensé à de nombreuses reprises, il se définit lui-même comme accro à la science et écrit de la hard science (récits de science-fiction visant à la justesse scientifique). Il nous explique qu’il commence ses romans par créer de la tension en plongeant ses protagonistes dans une situation dont il devront se sortir :

"Je commence souvent par la combinaison personnage + situation"

Paul J. McAuley : Je commence souvent par une scène, c’est-à-dire un personnage dans une situation donnée. J’explore cette situation pour voir où elle entraîne le personnage. Comment réagit-il, que fait-il ? Une autre technique, particulièrement adaptée à la science-fiction ou à la fantasy, est de commencer par poser les caractéristiques d’un autre monde, d’un futur proche ou lointain. On peut aussi penser à une histoire qui explore ou démontre une idée – c’est une troisième méthode. Mais pour les romans, je commence souvent par la combinaison personnage + situation. D’ailleurs il m’est arrivé plusieurs fois de travailler une nouvelle, qui devient un roman en cours de route. J’explore de petites parties d’un monde, et soudain je me rends compte que celui-ci pose des questions plus complexes que prévu. Et que répondre à ces questions nécessite une histoire longue.

Alastair Reynolds est astrophysicien et auteur britannique de hard science fiction et de space opera. Il a acquis une reconnaissance littéraire mondiale avec les romans qui constituent son Cycle des Inhibiteurs. Il débute ses romans de la plus classique des manières :

Alastair Reynolds : Je débute par quelques lignes, quelques notes personnelles, qui sont également destinées à mon éditeur, afin de lui montrer de quoi parlera le livre. J’attaque généralement l’écriture par ce qui pourrait être une scène d’ouverture, et je poursuis à partir de là. Mais cette scène ne se retrouvera pas forcément dans le livre au final. C’est simplement pour commencer.

[caption id="attachment_4851" align="aligncenter" width="622"]commencer roman science fiction Paul J. McAuley[/caption]  

Commencer un roman de science fiction par la création du monde

Une des grandes spécificités des littératures de l’imaginaire (science-fiction, fantasy) c'est de créer une expérience d’immersion narrative dans un monde qui n’est pas la réalité. La difficulté est bien sûr de rendre cet univers narratif crédible. Le modèle indépassable de ce travail de création d’univers narratif reste aujourd’hui l’univers créé par J.R.R. Tolkien. En effet, Tolkien a passé 40 ans à construire des langages imaginaires, puis à construire l’histoire imaginaire des peuples ayant créé ces langues.

"6 mois à planifier le monde, l’univers, les personnages"

[caption id="attachment_6656" align="aligncenter" width="480"] Peter F. Hamilton aux Intergalactiques[/caption]

Peter F. Hamilton est  un romancier de science fiction britannique, connu pour ses oeuvres de space opéra (la saga du Commonwealth, la trilogie du vie). Avant de commencer l’écriture de ses romans, il consacre des mois à la préparation de son univers narratif :

Peter F. Hamilton : Typiquement pour une trilogie, je vais passer 6 mois à planifier le monde, l’univers, les personnages. Puis je vais faire la structure des chapitres, et ensuite seulement je vais commencer à écrire. Donc c’est un long processus avant de commencer. C’est pourquoi, lorsque je suis effectivement en train d’écrire le livre je sais exactement où le personnage se trouve, et où je dois l’amener. Et une fois que je sais cela, il n’y a pas de panne de l’écrivain. Le travail d’écriture quotidien à ce moment-là est de savoir comment j’amène un personnage d’un endroit à un autre. Mais je connais la structure d’ensemble.

Puis, il relie personnages et univers narratif, créant une interaction entre le réseau de personnages et le monde où se déroule l’histoire : 

Peter F. Hamilton : Une fois que vous avez l’idée, que vous savez ce que va raconter le livre, vous décidez où cette histoire va se dérouler, ce qui vous donne le background (le cadre narratif), donc tout découle de l’idée initiale. La chose principale que le livre va raconter, ensuite cela devient où vous situez cette histoire, puis les personnes qui vivent dans ce monde. Donc c’est un processus très organique. Une étape en entraîne une autre, puis une autre… Pour moi, c’est devenu assez facile maintenant, parce que je pratique cela depuis 20 ans. Mais c’est vraiment ce processus où une chose en entraîne une autre.

[caption id="attachment_4597" align="aligncenter" width="511"]Commencer roman science fiction Peter F. Hamilton[/caption]

Commencer directement à écrire son roman de science fiction

Comme nous l'expliquions au début de cet article, il n’existe pas de méthode universelle pour construire un roman. Il existe bien sûr des principes de construction d’une histoire, ainsi que des outils de structure et des outils de mise en forme spécifiques à la narration littéraires mais chaque romancier devra ensuite les tester et trouver la manière qui lui convient.

"Je me suis rendu compte que ce n’était pas une méthode de travail qui me correspondait."

Alastair Reynolds connait les techniques de construction narrative mais ne les utilise pas forcément ni systématiquement dans ses romans.

Alastair Reynolds : J’ai écrit une quinzaine de romans et mon approche a été différente pour chacun d’entre eux. Pour les premiers j’ai beaucoup planifié avant la rédaction, en détaillant l’intrigue avec des notes pour chaque chapitre. Mais je me suis rendu compte que ce n’était pas une méthode de travail qui me correspondait. Je préfère commencer tout de suite à écrire et laisser les choses venir. Je structure mes idées, mais je ne suis pas du genre à passer des semaines à organiser mon histoire avant de rédiger.

"Il n’y a pas de manière fixe d’écrire un livre"

Peter F. Hamilton, a une approche entre les deux : c’est à dire qu’il ne construit pas tout au préalable sans se lancer non plus directement dans l’écriture sans préparation. Il fait des allers-retours entre préparation, écriture et réécriture, afin d'ajuster au fur et à mesure : 

Peter F. Hamilton : Si j’ai une bonne idée durant l’écriture, je l’intègre et, à la moitié de l’écriture du livre, je me relis pour voir si tout fonctionne. Et si c’est le cas, j’ajoute ces nouveaux trucs dans les nœuds dramatiques de la seconde moitié du livre. Et je continue à partir de là. Je m’accorde de la flexibilité mais la connaissance des nœuds dramatiques et de la fin de l'histoire est essentielle. Il y a certains écrivains qui peuvent se mettre à leur bureau et juste commencer à taper leur histoire… Je les envie et ils m’envient. Il n’y a pas de manière fixe d’écrire un livre. C’est ce qui fonctionne pour vous.

L’écriture romanesque est un artisanat

Pour pratiquer cet artisanat il n’y a pas de recette miracle, de méthode systématique. Tout artisanat requiert une formation. Le futur écrivain devra prendre le temps d’apprendre ce qu’est une histoire, quelles sont les techniques à mettre en oeuvre. Il apprendra ensuite à maîtriser les outils de mise en forme, tout en recherchant quels sont les thématiques qu’il porte en lui, et la meilleure manière de les transformer en histoires à la fois singulières et universelles.

Chaque auteur, lorsqu’il parlera de sa manière de travailler sur ses romans, de les préparer, de les écrire, donnera un aperçu de son artisanat de romancier. Les témoignages précédents attestent d’une grande amplitude dans la façon de commencer un roman, qui découle de la personnalité de chaque romancier. Mais ces témoignages racontent surtout comment chaque romanciers vise à créer de la tension au sein de son histoire afin de faire vivre une expérience émotionnelle riche et puissante à ses lecteurs.

Si vous souhaitez vous former aux bases de la dramaturgie (construction de personnages, d’univers narratif, gestion de l’interaction entre personnages et univers narratif), Les Artisans de la Fiction proposent le stage “Préparer et construire un roman” (5 jours / 30 h). En télé enseignement du 20 au 24 avril (mais également en juillet, août et à la Toussaint 2020).

Vous aimeriez  maîtriser les techniques de la narration littéraire  ?

Notre stage ” Écrire un roman – Les outils de la narration littéraire” vous propose d’écrire et de réécrire 12 fois la même scène en découvrant 12 outils durant 5 jours ! 

Vous avez besoin d’identifier vos thématiques, de cerner les histoires que vous avez besoin de raconter ? Les Artisans de la Fiction proposent le stage “Identifier ses territoires d'écriture”   (5 jours / 30 h) En télé enseignement du 20 au 24 avril (mais également en juillet, août et à la Toussaint 2020). 

Vous désirez en savoir plus concernant l’écriture d’un roman de science fiction ? Olivier Paquet, écrivain français de science-fiction, répond aux questions des Artisans de la Fiction : Olivier Paquet - Techniques de la science fiction (vidéo - 13 mn)

Cet article vous a intéressé ?

Lisez la version complète des interviews de Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds et Paul J. McAuley.

Nous remercions toute l’équipe des Intergalactiques ainsi qu’Audrey Burki qui ont rendu ces interviews possibles. Nous remercions tout particulièrement Loïc Moran pour son aide précieuse lors de la réalisation de certaines de ces interviews. 

Pour vos commandes de livres, pensez aux libraires indépendants. À la librairie Vivement Dimanche, Gabriel est un passionné de littératures de l'imaginaires. Il vous conseillera avec plaisir dans vos choix de lectures !]]>
6584 0 0 0 ]]> ]]>
La création d'un univers narratif de science fiction http://www.artisansdelafiction.com/blog/univers-narratif-science-fiction/ Thu, 23 Apr 2020 09:32:18 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6593 Construire un univers narratif de science-fiction - Les Intergalactiques

Les littératures de l’imaginaire ont longtemps été méprisées et considérées comme une littérature pour enfants et ados, proposant avant tout “une fuite de la réalité”. Les romanciers de science-fiction et de fantasy proposent au contraire de mieux comprendre notre réalité à travers la création d’univers narratifs originaux. Mais comment créer un univers narratif pour un roman de science-fiction ? L’invente-on au fur et à mesure de l’écriture ? Doit-on tout préparer au préalable comme dans les jeux de rôles ?  Et, au fait, c’est quoi au juste un “univers narratif” ?

constuire univers narratif science fiction

L’écrivain américain Henry James était un défenseur passionné de l’art du romancier. Dans “The art of fiction” (1884) il définit la responsabilité du narrateur littéraire : créer des personnages et un monde narratif dans lequel seront plongés ces personnages. Les lecteurs s’identifieront à ces personnages et seront immergés dans le monde de l’histoire. 

Pour les auteurs de science-fiction, la tâche s’avère encore plus complexe que pour le romancier contemporain. Le romancier britannique Paul J. McAuley nous raconte comment on peut se perdre dans le travail de recherche pour créer l’univers narratif d’un roman de science-fiction :

La consistance de l’univers narratif est plus importante que sa plausibilité

Paul J. McAuley : J’aime découvrir les choses au fil de l’écriture. Donc à mesure que je rédige le premier jet, je réalise que je manque de connaissances dans tel ou tel domaine. Alors avant d’attaquer la réécriture j’effectue des recherches. Certains écrivains font énormément de recherches et de travail préparatoire, mais pour moi trop de recherches risque de tuer l’histoire. Bien sûr j’aime que mes histoires aient l’air réalistes, mais davantage en ce qui concerne l’intrigue que l’univers narratif. 

"Certaines de vos trouvailles ne serviront pas dans l’histoire"

[caption id="attachment_6623" align="aligncenter" width="450"] Paul J. McAuley aux Intergalactiques[/caption]

 

Paul J. McAuley : La consistance de l’univers narratif est plus importante que sa plausibilité. Et pour atteindre cette consistance il faut jeter énormément de choses. Si vous faites beaucoup de recherches, sachez que certaines de vos trouvailles ne serviront pas dans l’histoire. Mais elles en nourriront le background. J’ai écrit une série de romans qui se déroule autour des lunes de Saturne et Jupiter. Pour ça j’ai fait énormément de recherches sur ces territoires, leur composition, etc. Beaucoup de mes trouvailles n’apparaissent pas dans le roman. Mais elles m’ont servi, en alimentant mon imaginaire, et en me permettant de mieux connaître l’endroit où évoluent mes personnages.

Donner une illusion d’exhaustivité 

Dans les littératures de l’imaginaire, J.R.R. Tolkien est le maître incontesté de la construction d’un univers narratif. En effet, il a passé 40 ans à construire le monde du Seigneur des Anneaux, dont il a créé les langues, ainsi que l’histoire des différents peuples de ce monde, une histoire s'étendant sur des milliers d’années. Créer un univers narratif demande du temps. C’est pourquoi les auteurs de SF ou de fantasy utilisent souvent dans des cycles les univers qu’ils construisent. D’autres, comme Alastair Reynold, utilisent la “technique de l’iceberg”. Il s’agit de donner l’illusion au lecteur que le monde de l’histoire est plus riche que ce qu’il en est : 

"On crée une illusion dans l’esprit du lecteur"

Alastair Reynolds : En science-fiction, il faut parvenir à donner l’impression au lecteur que l’univers que l’on décrit est plus complexe qu’il n’y parait. On crée une illusion dans l’esprit du lecteur pour qu’il croie toujours qu’il y a un truc caché au coin de la rue. Si on raconte l’histoire d’une civilisation galactique, on ne peut pas donner le nom de toutes les planètes habitées, mais l’auteur doit faire croire qu’il connaît le nom de toutes ces planètes.

Il existe des astuces pour donner l'impression d'un monde plus vaste derrières la page. Écrire des nouvelles est un très bon exercice pour apprendre à maîtriser ces méthodes car on manque de place pour faire vivre son univers et raconter l’histoire. Si on arrive à écrire ça en 3000 mots, on acquiert une compétence qui sera très utile dans l’écriture de roman.

L’univers narratif influe l’intrigue et les personnages

L’univers narratif d’un roman de science-fiction n’est pas une fin en soi. Ce univers ne sera pas uniquement un décor. Il influencera directement les personnages, comme l’explique l’écrivain de science-fiction Peter F. Hamilton :

Peter F. Hamilton : Quand vous avez créé votre monde, vous savez quel genre de personnes qui vivent dans ce monde. Je dois préparer de nombreux détails : par exemple le niveau de technologie est tellement élevé que les personnages vont devoir faire tel genre de job… Ceci sera la politique et l’économie, donc cela dicte plus ou moins le type de gens qui vivront dans ce monde, ce qui me donne une base pour ajouter des caractéristiques individuelles aux personnages. Donc tout cela se crée conjointement, de manière organique.

"Personnages et univers narratif  sont des éléments organiques"

Le risque est de développer son univers narratif au détriment des personnages. Le romancier de science-fiction britannique, Christopher Priest (auteur du “Prestige”, adapté au cinéma par Christopher Nolan) nous raconte comment il a expliqué cela à un jeune romancier :

 

Christopher Priest: Je crée les personnages et l’univers narratif ensemble, ce sont des éléments organiques selon moi. Je me souviens qu’il y a quelques années, j’ai lu le manuscrit d’un jeune auteur : le premier chapitre faisait la description d’un vaisseau spatial. Et ça racontait : “Il ouvrit la porte et alla par là, il regarda le réacteur nucléaire, des diodes clignotaient. Il alla par ici et regarda les servo-machines, les relais commutaient…” Et c’était comme ça page après page. J’ai dit à l’auteur : “Mais c’est vraiment ennuyant ! Je ne comprends pas toutes ces choses, quel est leur intérêt ? Ton personnage est le capitaine de ce vaisseau, il voit ces trucs tous les jours et ne devrait plus y prêter attention. Imagine l’environnement au travers des yeux de ton capitaine : s’il fait anormalement chaud, ou si une diode ne clignote pas, qu’il y a truc de cassé, là ton personnage devrait le remarquer.” Je pense que c’est ce type de détails qui donne vie à un environnement. Quand je crée un personnage, je crée le décor qui l’entoure à partir de ce que le personnage en perçoit.

[caption id="attachment_6629" align="aligncenter" width="450"] Christopher Priest aux Intergalactiques[/caption]

Le bagage des personnages

Mathieu Rivero, jeune romancier français de science-fiction et de fantasy, nous raconte comment il construit conjointement l’univers narratif et les personnages de son roman :

Mathieu Rivero : En fait, l’idée et les personnages arrivent souvent avec un univers, des bagages. Par exemple, quand j’ai eu mon idée de polar cyberpunk, j’ai pensé tout de suite que je voulais faire une espèce de polar avec des personnages qui ont des membres artificiels. Et j’avais un détective assez classique, un peu rentre dedans, un peu imbu de lui-même. Il n’est pas très malin en fait… très intelligent mais pas malin. Il fait toutes les erreurs qu’on peut faire en étant insouciant. Du coup ça amène un certain entourage, une certaine thématique aussi.

L’intrigue va nourrir aussi l’univers narratif

Mathieu Rivero précise comment l’histoire va pour lui se densifier au moment de la construction de l’univers narratif du roman :

Mathieu Rivero : Donc je dirais que l’univers et les personnages se nourrissent, et l’intrigue va nourrir aussi l’univers. Je définis l’univers pendant la planification principalement, mais ça va commencer avant. Quand j’ai les premières idées, j’ai des idées sur le monde, sur l’univers narratif. Bien sûr, ça n’empêche pas de créer pendant la rédaction. C’est plein de petites décisions en fait.  

Mathieu Rivero Or et nuit

L’univers pose des questions techniques

Jusqu’où faut-il aller dans la construction de l’univers narratif d’un roman de science fiction ? Doit-on connaître la composition chimique de l'atmosphère de chaque planète que l’on créera ? Non. En revanche, il est essentiel de connaître les conséquences de tel ou tel choix dans l’univers narratif. Mathieu Rivero, toujours, nous raconte comment chaque choix opéré par le romancier aura des conséquences : 

Mathieu RIvero : Par exemple, pour Or et Nuit, il est arrivé un moment où le personnage devait se laver. Ça posait des questions techniques parce que ça se passe dans le désert donc c’est la galère. Est-ce qu’il se lave avec de l’eau ? Avec du sable ? Est-ce qu’il y a une oasis ? Est-ce que je prend le temps de créer une oasis ? Toutes ces questions, elles se sont posées sur le moment, quand je me suis dit que mes personnages devaient se laver quand même… Bon, j’exagère évidemment. Je ne pense pas qu’il y ait ce genre de scène dans le roman.

Alors, faut-il tout préparer pour ne pas être pris de court ? Certains romanciers, comme Tolkien, auront besoin de connaître par coeur leur univers narratif. Nombreux sont ceux qui ajusteront au fur et à mesure, comme nous l'explique Mathieu Rivero :

Mathieu Rivero :  Je ne pense pas toujours à tout avant que la question se pose pendant la rédaction. Même si j’ai le déroulé de la scène en amont, elle s’articule vraiment quand je me mets à rédiger. Les éléments se mettent en place, et parfois ça me fait réaliser que je dois faire des recherches parce que je ne sais pas comment telle ou telle chose peut se passer. Voilà, ça se nourrit des recherches et de l’imagination. On peut inventer, on a le droit, on a la licence poétique qui est formidable !

Réutiliser un univers narratifs connu dans son roman de science fiction

[caption id="attachment_3787" align="aligncenter" width="960"] Alastair Reynolds aux Intergalactiques[/caption]

Certains romanciers créent un univers narratif qu'ils utiliseront pour plusieurs romans, ce qui peut poser des problèmes de cohérence, comme nous l’explique le romancier de science fiction britannique Alastair Reynolds :

Alastair Reynolds : Quand on reprend et qu’on étend un univers connu dans un nouveau roman, il y a beaucoup de questions de cohérence à se poser : la cohérence de l’univers lui-même et la cohérence des personnages aussi. Lorsqu’on crée un univers neuf, il faut le définir entièrement, poser ses règles de fonctionnement et sa géographie. Les deux choses sont aussi complexes pour moi. J’ai écrit plusieurs livres qui sont liés entre eux, j’ai aussi écrit des romans qui n’appartiennent pas à une série, et aucun ne m’a paru vraiment plus simple à créer.

L’expérience du lecteur sera plus immersive si l’auteur recréer le monde de l'histoire où il plonge ses personnages, comme le souligne Henry James. Les auteurs de littérature de l’imaginaire doivent complètement construire l'univers narratif (climat, groupes sociaux, technologie, règles). Cet univers transformera l’histoire, impactera les personnages et fera voyager le lecteur.

Vous aimeriez en savoir plus sur la construction d’un univers narratif quand on écrit de la littérature de l’imaginaire ?

L’auteur de Fantasy Valérie Simon explique comment elle construit ses univers narratifs (vidéo - 13 mn)

Olivier Paquet, écrivain français de science-fiction, répond aux questions des Artisans de la Fiction : Olivier Paquet - Techniques de la Science Fiction (vidéo - 13 mn)

Cet article vous a intéressé ? Lisez la version complète des interviews de Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds, Christopher Priest  et Paul J. McAuley.

Nous remercions toute l’équipe des Intergalactiques ainsi qu’Audrey Burki qui ont rendu ces interviews possibles. Nous remercions tout particulièrement Loïc Moran, pour son aide précieuse lors de la réalisation de certaines de ces interviews.

Pour vos commandes de livres, pensez aux libraires indépendants. À la librairie Vivement Dimanche, Gabriel est un passionné de littératures de l'imaginaires. Il vous conseillera avec plaisir dans vos choix de lectures !]]>
6593 0 0 0 ]]> ]]>
Progresser dans son écriture - Les Intergalactiques http://www.artisansdelafiction.com/blog/progresser-ecriture/ Sat, 25 Apr 2020 09:37:31 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6597 Comment progresser dans son écriture - Les Intergalactiques

Comment progresser dans son écriture ? Doit-on écrire un nombre minimum de pages par jour ? Doit on ne surtout pas écouter les remarques déstabilisantes sur ses textes ? Doit-on quitter la sécurité de son emploi salarié pour se jeter dans l’écriture et en faire son métier ? 5 romanciers de science-fiction se confient.

La question “peut-on progresser dans son écriture ?” masque souvent la grande question “peut-on apprendre à écrire ?”. Bonne nouvelle : la réponse est “oui”. Un GRAND oui massif. Attesté par le nombre d’auteurs étrangers ayant suivi des formations d’écriture. Un oui, que souligne la passions des français pour les ateliers d’écriture. D’un côté des formations reposant sur l’apprentissage de l’artisanat du romancier, de l’autre, le droit d’écrire pour se faire du bien et trouver sa “voix”.

Se former permet de comprendre ce qu’est un roman

Se former permet de comprendre ce qu’est la narration littéraire, de comprendre les principes de construction et d'apprendre à mettre en oeuvre les outils spécifiques à la narration écrite. Apprendre à aller au-delà du 1er jet, à préciser sa pensée par écrit afin qu’elle devienne intelligible à autrui.

Le mythe romantique de l’écrivain échevelé, chemise à jabot ouverte sur un torse anémié, mains de rapaces tachées d’encre agrippant une plume d’oie fatiguée, à eu le mérite de placer la figure de l’écrivain sur un piédestal. L’apprenti écrivain se fera mal à la nuque à admirer cette statue, à en imiter le regard traqué, la posture tassée. Et surtout il s’enfermera dans un refus d’apprendre, d’écouter les conseils, et au final de progresser.

À des années lumières du mythe romantique, le romancier de science-fiction britannique Paul J. McAuley, nous raconte comment, modestement,  il analyse lui-même ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans son manuscrit, avant de faire appel à son éditeur :

Accepter le regard des autres pour progresser en écriture

Paul J. McAuley : Quand on écrit on est forcément seul, donc il peut être utile d’avoir l’opinion d’autrui. Surtout au début. L’écrivain débutant doit acquérir un regard critique sur son propre travail. C’est crucial. Travailler avec d’autres peut apporter cela. On rédige le premier jet, on obtient des retours critiques, puis on travaille sur le deuxième jet et ainsi de suite. En général après le troisième jet mon éditeur prend le relai, mais avant ça je suis mon propre critique. Les questions que je me pose sont multiples. Pourquoi cette scène fonctionne ? Que manque-t-il dans telle autre ? En quoi ma structure fonctionne ou pas ? Que dois-je retirer ou ajouter ? La division de mes paragraphes convient-elle ? On peut apprendre ces choses seul, mais cela facilite la tâche de les apprendre en groupe. Pour s’assurer qu’on ne se trompe pas de direction.

Il ne s’agit pas bien sûr de se relire en se demandant “suis-je un génie ou un raté ?”, mais d’être capable d’analyser techniquement ce qui ne marche pas dans son récit. Mais comment parvenir à comprendre comment fonctionne une histoire écrite ? Paul J. McAuley explique comment il a appris à progresser dans son écriture en travaillant avec d’autres apprentis écrivains :

Paul J. McAuley : Quand j’avais 18, 19 ans, j’étais membre de la British Science Fiction Association, qui organisait des ateliers d’écriture par correspondance. Tous les membres s’envoyaient leurs travaux. C’était avant internet. On recevait les manuscrits par voie postale. On les lisait, on les critiquait, on les annotait, puis on les envoyait au participant suivant. J’ai fait ça pendant quelques temps. Au final on se retrouve toujours seul face à l’écriture. Il est évident que certaines choses peuvent être enseignées, en terme de narration. Il y a des façons de raconter des histoires qui s’apprennent.

Admettre que premier jet n’est pas sacré

Oubliez le mythe de l’écrivain frappé soudain par la divine manifestation de son génie et qui  JAMAIS ne soumettra ses écrits aux yeux d’êtres trop inférieurs pour le comprendre. Un écrivain progresse en apprenant que son premier jet n’est pas sacré, et que, comme l’a dit Hemingway, l’écriture c’est avant tout de la réécriture. Et donc qu’un romancier à parfois besoin de se faire relire par des lecteurs.

[caption id="attachment_6639" align="aligncenter" width="480"] Mathieu Rivero aux Intergalactiques[/caption]

Mathieu Rivero, écrivain français de science-fiction, explique comment ses bêta-lecteurs l’aident à progresser dans son écriture :

Mathieu Rivero : J’ai des béta-lecteurs – merci à eux, ils sont géniaux ! Je trouve que les béta-lecteurs c’est super bien. Il m’arrive souvent de faire lire mon synopsis avant la rédaction par exemple. Ça arrive qu’on le relise en conjonction avec l’éditeur. L’éditeur ne sait pas que les béta-lecteurs sont passés avant – ou qu’ils passeront après – mais ce qui est important c’est qu’ils vont donner des retours, ils vont donner des ressentis. Ça permet de savoir si j’ai tapé juste. Ensuite, quand c’est rédigé, ils peuvent rentrer dans le texte et me dire ce qui sonne juste, faux, ce qui est incohérent. Parfois on ne voit pas, on est tellement absorbé dans le texte pendant sa création qu’on oublie.

Apprendre à lire comme un écrivain

Se faire relire par des lecteurs privés avant de soumettre son manuscrit à l’éditeur, ok, encore faut-il que ces lecteurs aient des notions de narration littéraire. Et pas seulement qu'ils soient de gros lecteurs. Lire c’est fondamental, mais il est encore plus incontournable d’avoir appris à lire comme un écrivain, afin de faire des retours concrets, et pas juste “j'aime” ou “j'aime pas”.

Qu’en est il de l’éditeur ? L’écrivain doit-il à tout prix se préserver du regard intrusif du patron uniquement intéressé par l’argent ? Au cinéma, le rôle de l’éditeur est souvent celui de l’antagoniste. Le méchant. Dans le film “Genius” (2016), d’après la relation qu’entretenait l’écrivain Thomas Wolf avec son éditeur, on voit pour une fois l’éditeur ...accomplir un travail d’éditeur. C’est à dire à rendre le manuscrit lisible par des lecteurs.

Peter F. Hamilton, l’auteur anglais science-fiction raconte comment ce sont ses éditeurs qui lui ont appris à écrire :

Faire confiance aux éditeurs

Peter F. Hamilton : David Pringle éditait la revue Interzone et David Garnett éditait la revue New Worlds. Je n’arrêtais pas de leur envoyer des histoires et ces histoires revenaient accompagnées de commentaires du genre « non, ceci ne marche pas, essaie plutôt de faire ça, ou cela ». Ils m’ont beaucoup aidé. Toute histoire à besoin d’être réécrite et accompagnée par des éditeurs. Mais pour un écrivain débutant, c’est essentiel. Ils m’ont énormément aidé.

Lire beaucoup

De nombreux aspirants écrivains sont surtout focalisés sur l’écrivain qu’ils rêvent de devenir. Ce n’est pas comme ça qu’on progresse dans son écriture, mais, comme Peter F. Hamilton nous le confie, en lisant et en relisant pour comprendre comment fonctionne un roman :

Peter F. Hamilton : Cela m’est venu en lisant énormément quand j’étais plus jeune. En étudiant comment les différents aspects étaient assemblés, en essayant. J’ai écrit beaucoup de nouvelles, avant même d’essayer d’écrire un roman. Je pense que j’ai écrit des nouvelles pendant 3 ou 4 ans et seulement là je me suis dis que j’aimerai tenter d’écrire un roman. Et ça a marché comme ça. Donc, ça n’a pas été instantané, je ne me suis pas lancé à partir de rien, il y a eu beaucoup d’écriture entre temps.

Développer son golden eye

Certes, une histoire, une bonne histoire ce n’est pas uniquement de la technique, c’est aussi des idées originales. Le romancier de science-fiction britannique Alastair Reynolds, nous explique comment il s’efforce de progresser dans son écriture pour créer des histoires qui parlent en profondeur à ses lecteurs.

Alastair Reynolds : Je pense que c’est un processus personnel et continu de découverte. Je n’ai pas encore le “golden eye”, alors j’essaie de comprendre ce qu’est vraiment une histoire. Vous pouvez réussir à composer une très bonne intrigue, mais ce n’est pas la même chose qu’arriver à écrire un récit qui plaise au lecteur. Ça, c’est une autre étape, et je m’exercer encore à passer de l’un à l’autre.

[caption id="attachment_3787" align="aligncenter" width="450"] Alastair Reynolds aux Intergalactiques[/caption]

Alastair Reynolds : Parfois j’écris un texte qui connecte les lecteurs émotionnellement. Et j’ai de très bons retours sur la construction narrative de ce texte. Et une autre fois, je vais écrire un texte où j’utiliserai les mêmes effets et il apparaît clairement que ça ne provoque pas la même chose chez les lecteurs. Je n’ai pas encore la réponse à ce problème, c’est pour ça que je continue à étudier. Et ça ne s’arrêtera jamais.

Vous savez, je ne pense pas que tous les personnages doivent être sympathiques, mais je crois que le lecteur doit s’intéresser aux motivations de chaque protagoniste. Le lecteur peut détester un personnage et avoir envie qu’il soit puni, mais le lecteur doit comprendre les convictions de ce personnage. C’est un des points où j’essaye de m’améliorer aujourd’hui.

Essayer d’être juste

Mais peut-on progresser dans son écriture ? Nous avons vu que les regards extérieurs techniques et compétents donnent du recul au romancier lorsqu’il en manque. C’est le rôle des bêta lecteurs et de l’éditeur. A force d’erreurs, comme c’est le cas de tout pratique artisanale, le romancier parviendra à  en éviter certaines, comme le confie Alastair Reynolds.

Alastair Reynolds : Après avoir écrit une quinzaine de livres, et reçu beaucoup de retours, j’ai acquis un certain sens de ce qui marche et ne marche pas. Ça me guide dans mes choix d’écriture. J’ai aujourd’hui une idée des choses à éviter et de celles qui payent.

Quand on raconte une histoire, que ce soit oralement (nous le faisons tous quotidiennement), ou par écrit, nous affinons notre manière de raconter l’histoire chaque fois que nous la racontons à nouveau, ajoutant des détails, de la tension, présentant mieux les personnages. Car, même si on s’appuie sur des outils et sur l’expérience des autres écrivains on continuera à apprendre comment fonctionne une bonne histoire et à améliorer son écriture tout au long de sa vie.

Écrire un roman est un processus complexe

Alastair Reynolds : Écrire un roman est un processus complexe. On essaye d’être juste sur une énorme quantité de points en même temps. L’histoire doit avoir une logique narrative, une bonne intrigue qui doit aussi être originale pour que le lecteur ne devine pas ce qui va arriver. Le lecteur doit aussi croire aux personnages. Il faut que les personnages ressemblent à des personnes réelles, qu’ils soient bien distincts les uns des autres. Puis on travaille sur les thèmes que l’on développe dans l’histoire afin qu’ils soient profonds et donnent à réfléchir aux lecteurs. On doit aussi se préoccuper du langage et du point de vue…

À chaque fois que je pense maîtriser un élément, je comprends qu’il y en a un autre à dompter. J’ai l’impression que devenir un bon écrivain c’est comme gravir une montagne sans fin.

Soigner ses personnages

Pour le romancier de science-fiction anglais Christopher Priest (auteur entre autre de “Le prestige”, adapté au cinéma par Christopher Nolan), le plus important est de ne jamais perdre de vue, le personnage et ses interactions. C’est en apprenant à maîtriser la construction des personnages que l’on améliore son écriture.

[caption id="attachment_6632" align="aligncenter" width="450"] Christopher Priest aux Intergalactiques[/caption]

Christopher Priest : Les personnages sont les éléments les plus importants lorsqu’on écrit, et ils sont ce qu’il y a de plus difficile à créer. Ce que j’ai l’habitude de faire, c’est de donner aux personnages un passé, une histoire personnelle, plutôt qu’une description. Si un écrivain masculin doit décrire un personnage féminin, c’est technique et complexe, il risque de simplement dire qu’elle est belle et qu’elle a de longs cheveux, mais ça ne donne aucune information !

Ce que l’auteur doit faire, c’est savoir comment un personnage réagira dans une situation donnée. Si le personnage est témoin d’un accident de voiture dans la rue, il va s’écrier “mais qu’est-ce que je dois faire ?” C’est cette réponse que je veux donner au personnage en lui créant un background. Ainsi les choses sont cohérentes pour moi, et j’espère qu’elles le sont pour le lecteur. Ce n’est pas de la science, c’est de l’art, et c’est difficile.

Soigner son intrigue

Christopher Priest ajoute que c’est ce qui advient au personnage qui va construire l’intrigue. Et, dans une bonne histoire, le personnage doit faire face à des difficultés :

Christopher Priest:  Ce qu’il faut écrire, c’est ce qui est nécessaire pour le personnage dans la situation où il se trouve. L’intrigue, elle, est invisible, bien que toujours présente. Tout ce qui arrive dans le récit doit être directement ou indirectement lié à l’intrigue (et l’indirect est tout aussi important que le direct). Si vous racontez l’histoire d’un homme qui prend un pistolet et tire sur quelqu’un, ça n’intéressera personne. Mais si vous racontez que l’homme prend un pistolet qui ne fonctionne pas, ou qui n’est pas chargé, ou encore que l’autre personne s’enfuie, alors vous racontez une autre histoire, plus intéressante, et vous avez une intrigue.

Aller plus loin pour progresser dans l'écriture

Si vous souhaitez vous former aux bases de la dramaturgie (construction de personnages, d’univers narratif, gestion de l’interaction entre personnages et univers narratif), Les Artisans de la Fiction proposent le stage “Préparer et construire un roman” (5 jours / 30 h) En télé enseignement du 20 au 24 avril (mais également en juillet, août et à la Toussaint 2020).

Vous aimeriez en savoir plus sur la construction d’un univers narratif quand on écrit de la littérature de l’imaginaire ? L’auteur de Fantasy Valérie Simon explique comment elle construit ses univers narratifs (vidéo - 13 mn)

Olivier Paquet, écrivain française de science-fiction, répond aux questions des Artisans de la Fiction : Olivier Paquet - Techniques de la Science Fiction (vidéo - 13 mn)

Cet article vous a intéressé ? Lisez la version complète des interviews de Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds, Christopher Priest  et Paul J. McAuley.

Nous remercions toute l’équipe des Intergalactiques ainsi qu’Audrey Burki qui ont rendu ces interviews possibles.  Nous remercions tout particulièrement Loïc Moran, pour son aide précieuse pour avoir préparé, conduit et traduit ces interviews. Merci également à Alex Simon et à Bérénice de Pol pour les traductions complémentaires !

Pour vos commandes de livres, pensez aux libraires indépendants. À la librairie Vivement Dimanche, Gabriel est un passionné de littératures de l'imaginaires. Il vous conseillera avec plaisir dans vos choix de lectures !

 ]]>
6597 0 0 0 ]]> ]]>
Quels livres lire pour devenir écrivain - Les Intergalactiques http://www.artisansdelafiction.com/blog/lire-devenir-ecrivain/ Sat, 25 Apr 2020 10:23:38 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6605 Quels livres lire pour devenir écrivain - Les Intergalactiques

Tous les écrivains que nous avons interviewés conseillent aux apprentis écrivains de “lire pour écrire”. Ils entendent “lire des romans pour comprendre comment ils sont construits”. Mais qu’en est-il des livres de technique littéraire ? Les romanciers en lisent-ils ? Ou considèrent-ils que cela ne présente aucun intérêt ? Doit-on vraiment lire pour devenir écrivain ?

Peut-on apprendre à écrire ? Faut il s’enfermer face à une page blanche sur son traitement de texte et forcer, jusqu’à ce que ça sorte ? Pratiquer est fondamental, mais si l’on n’a aucune idée de ce que l’on tente de faire, et bien, le résultat sera probablement n’importe quoi. Alors est-il utile de lire des livres qui enseignent les techniques de la fiction littéraire ?

Peut-on apprendre à écrire ?

La grand romancier de Science Fiction anglais Christopher Priest (auteur entre autre de “Le prestige”, adapté au cinéma par Christopher Nolan) pose un paradoxe. D'un côté selon lui "on ne peut pas enseigner l’écriture”, mais de l'autre il est bel et bien convaincu que l’écriture s’apprend. Et pour lui,  la base, c’est de lire et d’apprendre à lire.

La lecture, point de départ de l’apprentissage

Christopher Priest : Le point essentiel est que l’on ne peut pas enseigner l’écriture. Pourtant l’écriture s’apprend. Le problème n’est donc pas de savoir comment enseigner, mais comment montrer aux apprentis écrivains la manière d’apprendre. Et pour moi la réponse est la lecture. Il faut lire beaucoup de livre, lire tout et n’importe quoi, les journaux, les publicités, Guy de Maupassant ! Lire, relire, c’est le seul moyen de devenir écrivain : lire et comprendre comment ce que l’on vient de lire fonctionne. Les écoles de techniques narratives peuvent aider à ça, guider les étudiants, leur donner des exercices.

Si le fait d’apprendre à lire comme un écrivain tombe sous le sens, qu’en est-il des livres ou les écrivains racontent leur apprentissage de l’écriture ? Que peut-on lire pour devenir écrivain ?

[caption id="attachment_6631" align="aligncenter" width="480"] Christopher Priest aux Intergalactiques[/caption]

Des ouvrages guides à lire pour devenir écrivain

L’auteur de Science Fiction britannique, Paul J. McAuley, recommande le livre concernant l’apprentissage de l’écriture le plus lu au monde :

Paul J. McAuley : Si je devais recommander un seul guide de narration, ce serait certainement « Sur l’écriture » de Stephen King. Il contient des conseils très utiles concernant tous les aspects de l’écriture, et réponds à la question « Comment fonctionnent les histoires ? » Voilà d’ailleurs une chose importante à apprendre. Il faut comprendre comment fonctionnent les histoires, et pas juste la vôtre, mais toutes les histoires. Quelles sont les règles ? Comment lire avec un regard critique ? Voilà qui est aussi important que d’apprendre à raconter. Car un regard réellement critique vous permets de connaître les trucs, les astuces, les pièges à éviter. Pourquoi tel élément se situe-t-il ici et pas là ? Dans quel but les choses sont-elles racontées dans tel ordre ? Pourquoi telle histoire utilise-t-elle une structure linéaire, et pas telle autre ? Comment cela affecte-t-il la réception du lecteur ? En terme de personnages, quelles informations doit-on communiquer au lecteur, et lesquelles doit-on garder pour soi ? On peut comprendre tout cela en apprenant à lire de façon critique.

Contrairement aux idées reçues, le romancier n’écrit pas pour lui. Il n’écrit pas pour se faire plaisir, et encore moins pour être son propre lecteur.  L’écrivain écrit pour des lecteurs, et pour cela il doit passer au delà d’une lecture plaisir. Il a pour devoir d’apprendre comment fonctionne une histoire, comment créer des émotions chez le lecteur.

Cet apprentissage est plus complexe qu’il n’y paraît (c’est pour cela que lorsqu’on débute, ce que l’on écrit ne ressemble pas, mais pas du tout à ce que l’on a l’habitude de lire). Le romancier de Science Fiction anglais Alastair Reynolds a vendu 2 millions d’exemplaires de ses romans de space opéra. Cet écrivain chevronné reconnaît sans peine avoir eu besoin de se former, en lisant des livres de technique et en suivant des cours d’écriture :

“Je n’ai pas de talent inné”

Alastair Reynolds : Lorsque j’ai commencé à apprendre l’artisanat de l’écriture —je n’ai jamais arrêté d’ailleurs— j’ai lu tous les livres que j’ai pu trouver sur le sujet. Il y a le livre “Écriture, mémoires d’un métier” de Stephen King qui est sorti il y a quelque année. Je trouve que c’est un bon livre sur l’écriture, plein de conseils utiles. Si je pouvais remonter le temps et me le conseiller à moi-même plus jeune, je le ferais. Il m’aurait évité beaucoup de tracas à l’époque.

La théorie des 10 000 heures d’exercice

[caption id="attachment_3786" align="alignnone" width="540"] Alastair Reynolds aux Intergalactiques[/caption]

Alastair Reynolds : De même, participer à des ateliers d’écriture ou à des groupes de bêta-lecture sur internet sont des pratiques très utiles, jusqu’à un certain point. Après, pour être un bon écrivain, il faut écrire, écrire beaucoup. Il faut réussir à oublier les distractions, dépasser ses complexes et écrire. C’est en écrivant et ré-écrivant qu’on s’améliore. Je pense que la théorie des 10 000 heures d’exercices nécessaires pour maîtriser une pratique est assez juste. Je m’approche doucement de ces 10 000 heures. Mais je n’ai pas de talent inné, je ne suis pas un génie, j’ai juste l’envie d’être un auteur. Tout ce que j’ai pu réussir en littérature, c’est par un long et dur travail que j’y suis arrivé.

Les auteurs anglo saxons ont accès à des formations d’écriture qui commencent en fait ...à l’école primaire et se poursuivent jusqu’en masters de creative writing. Mettez les pieds dans une librairie anglaise ou américaine et vous tomberez sur des centaines d’ouvrage enseignant la fiction.

Qu’en est-il des apprentis auteurs et des auteurs français ? Pensent-ils également qu’il soit nécessaire de se former pour écrire ? Et lisent-ils aussi des guides d’écriture ?

“Un début, un milieu et une fin”

[caption id="attachment_6640" align="aligncenter" width="450"] Mathieu Rivero aux Intergalactiques[/caption]

Mathieu Rivero est un jeune auteur français de Science Fiction et de Fantasy. Et il partage l’importance de la lecture de livres de technique dramatique dans son apprentissage permanent de l’écriture :

Mathieu Rivero : Le premier livre de théorie que j’ai lu c’était La Poétique d’Aristote où il dit qu’une histoire doit avoir a un début, un milieu et une fin. Au début, ça me semblait vraiment évident, donc pas très utile comme conseil. Finalement, j’ai réalisé que c’est le meilleur conseil qu’on puisse donner : tout doit avoir un début, un milieu et une fin. Les personnages, l’histoire, le décor, l’univers narratif, tout.

Sur le net, il y a de plus en plus de choses. Beaucoup de blogs d’écrivains fleurissent par exemple. Sinon, il y a des ouvrages de référence vraiment bien notamment sur le cinéma. Le cinéma et la littérature ont beaucoup de points communs pour moi. En tout cas dans la façon de présenter des idées. Bien sûr, il y a des différences. Par exemple, en littérature, on ne peut pas donner les informations aussi rapidement qu’au cinéma. D’un autre côté, au cinéma, on a du mal à donner les pensées des personnages. Donc il y a des limites différentes. Mais en termes de construction narrative c’est la même chose.

Pour les auteurs, il y a par exemple Robert McKee avec Story, et Joseph Campbell. Ils présentent tous les poncifs de la narratologie des années 70-80-90. Sinon il y a Yves Lavandier pour La dramaturgie, et comment écrire un personnage. Il est français, c’est génial ! Et c’est vraiment un ouvrage de référence pour moi parce qu’il se centre sur les personnages. Je crois que j’ai fait le tour de ce que j’ai utilisé comme méthode.

L’enseignement dispensé par les Artisans de la Fiction repose sur l’apprentissage théorique et technique, ainsi que sur la pratique. Nous faisons lire à nos élèves de nombreux ouvrages et extraits d’ouvrages. Nous leur remettons une bibliographie d’ouvrages techniques, car comment maîtriser un artisanat si on refuse de s’intéresser à ses techniques ?

Pour aller plus loin

Si vous souhaitez vous former aux bases de la dramaturgie (construction de personnages, d’univers narratif, gestion de l’interaction entre personnages et univers narratif), Les Artisans de la Fiction proposent le stage “Préparer et construire un roman” (5 jours / 30 h) En télé enseignement du 20 au 24 avril (mais également en juillet, août et à la Toussaint 2020).

Vous désirez lire des livres sur les techniques de la narration ?  Yves Lavandier a été le premier à écrire un livre incontournable sur le sujet : La dramaturgie. Il a donné une interview exclusive aux Artisans de la Fiction : Qu’est ce qu’une bonne histoire ? (7 mn)

Vous aimeriez en savoir plus sur la construction d’un univers narratif quand on écrit de la littérature de l’imaginaire ? L’auteur de Fantasy Valérie Simon explique comment elle construit ses univers narratifs (vidéo - 13 mn)

Cet article vous a intéressé ? Lisez la version complète des interviews de Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds, Christopher Priest  et Paul J. McAuley.

Nous remercions toute l’équipe des Intergalactiques ainsi qu’Audrey Burki qui a rendu ces interviews possibles. Nous remercions tout particulièrement Loïc Moran, pour son aide précieuse et pour avoir préparé, conduit et traduit ces interviews. Merci également à Alex Simon et à Bérénice de Pol pour les traductions complémentaires !

Pour vos commandes de livres, pensez aux libraires indépendants. À la librairie Vivement Dimanche, Gabriel est un passionné de littératures de l’imaginaires. Il vous conseillera avec plaisir dans vos choix de lectures !]]>
6605 0 0 0 ]]> ]]>
Finir son projet de roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/finir-projet-roman/ Wed, 22 Apr 2020 09:53:00 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6614 Finir son projet de roman

Avoir abandonné un projet de roman en cours de route est le point commun de tous les apprentis écrivains et apprenties écrivaines. Comment aller au bout de son manuscrit ? Comment surmonter les blocages? Et surtout : qu’est ce qui a fait que l’on n’a pas réussi à terminer son manuscrit ? 4 auteurs de Science Fiction vous donnent leur avis sur la question.

Ah, le rêve d’être publié, aimé, admiré ! Qui ne fantasme pas d’avoir son livre, de le contempler en librairie, de se sentir enfin reconnu à sa juste valeur ? Selon un sondage publié en 2013 17 % des français écrivent, soit 11 millions de personnes. Et 1,4 million ont un manuscrit terminé dans leur tiroir. Ce qui veut dire que pas loin de 8 projets de romans sur 10 n’arrivent pas à terme.

En arrivant aux Artisans de la Fiction, beaucoup de nos futurs élèves nous disent désirer se former à la narration écrites, afin d’aller plus loin que les 30 premières pages de leur projet. Les problèmes qui les empêchent de finir leur projet de roman peuvent se résumer finalement à : “je ne sais pas ce que je fais, donc je finit par ne plus y croire”.

Le livre ne va pas “sortir de vous”.

L’idéal romantique voudrait qu’on l’ai ou non en soi ce talent d'écrivain et que le meilleur moyen de découvrir si on l’a, c’est de s’y mettre quotidiennement jusqu’à ce qu’un roman “sorte”. Alors on s’y met, tel Arthur tentant de retirer excalibur du rocher où elle est plantée. La question essentielle est “l’aies-je ?”. Et puis vient la pensée magique : se répéter "je sens que ça vient, ça arrive, là c’est en train de sortir, le LIVRE sort de moi, ça y est”, tout en noircissant les pages.

Jusqu’au moment où, même aux forceps, même en faisant du Yoga, même en s'enivrant ou en buvant du thé au milieu de la nuit, tout ce qui devait sortir est sorti. Et cela fait une pile de feuilles couvertes d’encre. Parfois la pile fait des centaines de pages, la plupart du temps quelques dizaines.

Pourquoi s’est on arrêté ? Parce que l’on ne savait ni ce qu’on faisait, ni où on allait, et que l’on a écrit intuitivement en s’efforçant de se faire croire des choses. Imaginez l’attitude que nous avons vis à vis de l’écriture transposée dans N’IMPORTE quelle pratique artistique : "je veux devenir danseur, mais sans apprendre, il va falloir que je danse dans ma chambre jusqu’à épuisement, sans analyser mes mouvements, ni observer comment dansent les danseurs professionnels".

difficultés écriture roman

Écrire fait du bien

Certes, ça fait du bien. Écrire fait du bien. La pile de papier imprimée est un souvenir de ce bien être, rien de plus, et surtout pas un texte lisible, et encore moins un roman publiable. Donc une fois que l’on s’est efforcé de se faire croire des choses, on finit par se lasser, où plus cruellement, par sentir que cela n’aboutira à rien.

Les conseils qui suivent recommandent pourtant d’aller au bout de ses projets d’histoire. DE SES PROJETS D’HISTOIRES. Pas de son texte, de ce qui sort sous le coup de l’inspiration. Les anglo-saxons sont avantagés, car ils apprennent dès l’école primaire ce qu’est une histoire, comment elle fonctionne, comment créer un personnage. Cet apprentissage se fait en cours d’anglais. En France les élèves étudient aussi des textes littéraire, mais pas dans une visée pratique, il s’agit d’un apprentissage analytique (comprendre de quoi ça parle et quel est le contexte historique). Du coup, quand un français ou une française se lance dans l’écriture, c’est sans repères autre que le plaisir que l’on a pris en lisant.

Aller jusqu’au bout

[caption id="attachment_6657" align="aligncenter" width="480"] Peter F. Hamilton aux Intergalactiques[/caption]  

Le romancier de Science Fiction britannique Peter F. Hamilton recommande d’aller au bout de ses projets d’écriture (attention, encore une fois : pour cela il faut avoir un projet identifiable, pas une vague inspiration) :

Peter F. Hamilton : Ca va sembler très cliché mais si vous continuez à écrire, juste le processus de l’écriture, vous apprendrez ce qu’est l’écriture, vous gagnerez en confiance. C’est le meilleur conseil que je peux vous donner : continuez à écrire.

L’auteur de Science Fiction anglais Alastair Reynolds conseille également de s'accrocher (mais pas à des chimères). Il souligne l’importance d’apprendre progressivement à construire et à terminer une histoire :

Alastair Reynolds : Un conseil très commun : écrivez beaucoup, produisez beaucoup de texte. Et une chose que j’ai appliqué dans ma carrière : finissez ce que vous avez commencé. J’ai une règle : si j’ai déjà investi 50% de l’effort nécessaire pour écrire une histoire, alors je vais jusqu’au bout. C’est toujours payant, on en retire toujours quelque chose.

Réaliser que la phase "tout est nul" fait partie du processus d’écriture

Alastair Reynolds : Je me suis rendu compte que quel que soit le projet, une nouvelle ou un roman, quel que soit le niveau que l’on ait, lorsque l’on commence à écrire, tout est super. Puis arrive un point où l’on perd confiance. On se dit que le texte est merdique, “pourquoi j’ai commencé ça ?”. C’est le moment où beaucoup d’écrivains abandonnent le projet et passent à un suivant. Et la même chose arrive sur l’autre projet et finalement ils ne terminent jamais rien, et n’apprennent jamais comment conclure une histoire. Aujourd’hui encore pour chaque texte, je passe par ce point où je me dis que tout est nul. Mais je sais que ça fait partie du processus d’écriture et je m’accroche, je boucle le projet.

Finir ce que vous commencez

Alastair Reynolds explique également comment ne pas se laisser démoraliser par un refus. Attention sur ce point également : la plupart des aspirants ne sachant pas ce qu’est un roman et s’étant lancés dans “l’écriture”, basculent dans la paranoïa une fois leur manuscrit illisible refusé, et imaginent s’être heurtés au complot des éditeurs ligué contre les jeunes auteurs.

Il conseille de continuer à écrire une fois que l’on envoie un manuscrit, car cela fait partie du processus d’apprentissage et de l’artisanat du romancier :

Alastair Reynolds : Ensuite je l’envoie à un éditeur, une revue ou un site web, et je commence un autre projet. L’avantage de commencer à travailler sur un autre texte, c’est que quelques semaines après l’envoi, quand l’éditeur vous contacte pour vous dire que votre nouvelle est pourrie, qu’il n’en veut pas, et bien vous vous en fichez. Votre investissement émotionnel a déjà basculé sur votre nouveau projet. En revanche si l’éditeur vous dit qu’il a aimé ce que vous avez envoyé, alors ça vous donne énormément d’énergie pour le projet en cours.

Alors voilà ce que je conseille : finissez ce que vous commencez, puis attaquez autre chose. Et ne passez pas des années à essayer de peaufiner le même texte. Écrivez plutôt beaucoup de textes différents.

Ok, les anglais et les américains apprennent à écrire dès l’école primaire. Mais du coup, comment font les français ? Se forment-ils tous seuls ? Ou alors y a-t-il un phénomène de sélection naturelle, qui comme pour les spermatozoïdes, veut qu’il y ait un manuscrit gagnant sur un million ?

Comprendre que le texte forme un tout

L’auteur de Science Fiction et de Fantasy français Mathieu Rivero raconte comment il parvient à aller au bout de ses projets de roman : en travaillant et en retravaillant le texte, la construction, en écrivant et en écrivant.

Mathieu Rivero : Si quelque chose ne va vraiment pas, un détail ou un élément, je préfère continuer et aller au bout de ma scène – voir carrément au bout du roman – et noter tout ce qu’il faudra corriger, tout ce sur quoi il faut revenir ensuite. Parfois, il y a un problème à un endroit précis, mais ça ne peut être corrigé qu’en corrigeant quelque chose d’autre ailleurs.

L’écriture c’est de la réécriture

Mathieu Rivero : Le texte est un tout, donc ce n’est pas un élément qui sonne faux… enfin, un élément peut sonner faux mais la cause est peut être ailleurs. Par exemple, si on veut absolument qu’une réaction soit calibrée, qu’un personnage fasse quelque chose à un moment donné, mais que les comportements une ou deux scène plus tôt, un ou deux chapitres plus tôt, ne correspondent absolument pas à ce personnage là et à la réaction qu’il va avoir, qu’est-ce-qui est le plus important ? La scène précédente ou ce que j’avais envie d’écrire à ce moment là ? Donc j’écris, et quand le livre est complet, je vais pouvoir jauger, juger, et décider quelles scènes je garde et quelles scènes je modifie.

Persévérer dans le temps

Beaucoup de romanciers nous ont révélé avoir commencé à écrire dans l’enfance (la maîtrise des écrivains ayant grandi dans des pays où la narration s’enseigne à l’école en est évidemment renforcée). C’est le cas du romancier anglais Paul J. McAuley :

Paul J. McAuley :  J’ai commencé à écrire très jeune. Gamin j’étais un lecteur vorace. À l’adolescence je lisais beaucoup de science-fiction. Enfant, quand on nous proposait de rédiger soit un essai, soit une histoire, je choisissais toujours l’histoire. Très jeune j’ai essayé d’écrire une paire de romans… Sauf qu’il faut beaucoup de concentration pour écrire un roman ; or quand on est jeune on est distrait, hyperactif, on est intéressé par trop de choses à la fois, donc terminer quoi que ce soit est quasi-impossible. Alors je n’ai fini aucun de ces romans. Mais des années plus tard, je m’y suis remis. Vers 25, 26 ans, quand je préparais mon doctorat en biologie… Quand mon premier roman a été publié, je faisais beaucoup de recherches.

Mais, même en commençant jeune, le travail d’apprentissage de l’artisanat du romancier sera long. Cela ne veut évidemment pas dire que les écrivains n’ayant pas commencé enfant n’ont aucune chance. Ils auront plus de travail d’apprentissage à rattrapper.  Car tout romancier doit apprendre non seulement les règles du métier (les règles d’écriture), mais apprendre à les maîtriser, et cela prend du temps.

Apprendre à dépasser le point de non retour

 Paul J. McAuley : Comme tout écrivain j’ai commencé par lire. À l’enfance je dévorais les romans. J’ai appris comme ça, sans suivre de formation. Mais je dirais que pour devenir écrivain, une étape vitale est de trouver ce qui fonctionne et ne fonctionne pas pour vous. Et la seule façon de le trouver, c’est d’essayer. Encore et encore, jusqu’à la fin d’une histoire. Puis étudier le résultat de façon critique. Il faut apprendre à relire son propre travail objectivement ; c’est la meilleure façon de comprendre ce qui marche ou pas. L’autre façon, c’est de voir si vous pouvez atteindre la fin de l’histoire. Très souvent on commence à écrire et on en arrive à un point où on ne peut plus continuer. Ça m’est souvent arrivé quand j’étais débutant. Apprendre à dépasser ce point de non-retour est crucial et demande beaucoup de pratique.

Pour conclure, comment aller au bout de vos projets ? Déjà en commençant par savoir ce que vous faites. Il s’agit bien sûr d’être ambitieux, mais de se donner les moyens de ses ambitions (croire que les autres sont des freins à nos désirs, n’est pas se donner les moyens de quoi que ce soit). Donc commencer par apprendre. Cet apprentissage est long, complexe, mais c’est ce qui fait la valeur de la narration écrite. Et assimiler que cet apprentissage durera toute la vie (comme tout apprentissage sérieux). Ensuite il s’agit de se fixer des objectifs accessibles : commencer par écrire des nouvelles pendant des années (en apprenant ce qu’est une nouvelles, pas en écrivant des “textes courts”), avant de passer à un projet modeste de roman gérable.

Si vous vous lanciez dans la construction d’une maison seul, sans matériel, et sans avoir étudié ce qu’est une maison, il y a des chances que tel votre désir de roman avorté, cette maison ne dépasse pas le petit tas de parpaings.

Aller plus loin

Ellen Kushner romancière de science fiction explique dans cette vidéo comment elle a réaliser que la plupart des manuscrits étaient en réalité impubiables et surtout illisibles.

Cet article vous a intéressé ? Lisez la version complète des interviews de Peter F. Hamilton, Alastair Reynolds, Christopher Priest  et Paul J. McAuley.

Nous remercions toute l’équipe des Intergalactiques ainsi qu’Audrey Burki pour avoir rendues possibles ces interviews. Nous remercions tout particulièrement Loïc Moran, pour son aide précieuse lors de la conduction de ces interviews. Merci également à Alex Simon et à Bérénice de Pol pour les traductions complémentaires !

Pour vos commandes de livres, pensez aux libraires indépendants. À la librairie Vivement Dimanche, Gabriel est un passionné de littératures de l'imaginaires. Il vous conseillera avec plaisir dans vos choix de lectures !

]]>
6614 0 0 0 ]]> ]]>
Les cours de creative writing dans les pays anglo-saxons http://www.artisansdelafiction.com/blog/cours-creative-writing/ Fri, 08 May 2020 10:23:32 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6668 Le creative writing, comment les anglo-saxons apprennent l’écriture ?

Le creative writing est peu connu en France. Pourtant beaucoup d'auteurs anglo-saxons ont assisté à des cours de creative writing et ils sont aussi nombreux à enseigner cette discipline. Les romanciers majeurs des AIR nous parlent de leurs expériences de professeur de creative writing.

Il y  a Joyce Carol Oates, John Irving, Bret Easton Ellis… et bien entendu JK Rowling, Paul Auster, Nancy Huston et tant d'autres ! La littérature anglo-saxonne contemporaine a beaucoup de facettes et ne se cantonne à aucun genre. Le succès médiatique et littéraire de nombreux de ses auteurs ne peut être réduit à la simple puissance économique des pays dont ils sont originaires.

Car les anglo-saxons sont d’excellents conteurs d’histoire… et c’est notamment grâce à la formation au creative writing dès leur plus jeune âge. Car aux Etats Unis et Royaume Uni, on apprend les bases du story-telling en même temps que les bases de grammaire et de la conjugaison.

Là où en France, les élèves sont encouragés à faire de l’analyse d’oeuvre et de l’histoire de la littérature, les élèves anglo-saxons sont formés aux bases de l’écriture de fiction dès le collège et ensuite au lycée.

Mais alors, qu’apprend-t’on dans les formations de creative writing universitaires anglo-saxonnes ? Que se cache-t’il derrière les fameux Master of Fine Arts (MFA) ? Et pourquoi de si bons auteurs en sortent-ils ?

Comment se déroule un cours de creative writing hors de nos frontières ?

À l’université, les cours de creative writing sont très différents des ateliers d’écriture tels qu’on peut les trouver en France.

Jane Smiley (“A Thousand Acres”, prix Pulitzer 1992) a été élève en master de creative writing avant de devenir professeur à l’Iowa State University puis à l’Université de Californie, Riverside. Elle explique comment se passe un cours de creative writing à l’Université.

Jane Smiley : Les classes ont entre 12 et 13 élèves. Quand j’ai commencé comme professeur, le trimestre durait 16 semaines, maintenant ce n’est plus que 10 semaines. Chaque semaine les élèves amènent une histoire écrites par leurs soins. Sur une durée de dix semaines ils amènent trois jets de trois histoires différentes puis le quatrième jet de l’une de ces trois histoires. Nous lisons tous l'intégralité des textes et ensuite ils se critiquent entre eux.

Dans un cours de creative writing : les élèves ne se jugent pas

L’idée est donc de regrouper des élèves qui ont déjà acquis les bases de l’écriture au collège et au lycée afin qu’ils fassent des retours critiques entre eux.

Jane Smiley : Mes élèves n’ont pas le droit de dire s’ils aiment ou s’ils n’aiment pas un texte. Si ce texte est bon ou non. Ils doivent seulement donner un point de vue technique. Par exemple, si un élève considère qu’une histoire d’un de ses camarades ne fonctionne pas, il dira : « À la page 12, pourquoi le personnage fait cela ? » L’élève qui a écrit l’histoire n’a pas le droit de répondre, il écoute les autres discuter de son histoire entre eux. Et chaque discussion sur chacune des histoires dure entre vingt et vingt-cinq minutes. Donc chaque histoire est analysée à chaque cours. Pour la séance suivante ils doivent écrire un nouveau jet de cette même histoire et après trois jets, ils mettent cette histoire de côté et recommence une histoire.

Les élèves apprennent ainsi à repérer ce qui fonctionne ou non dans le récit d’un autre afin de pouvoir repérer plus tard comment faire fonctionner leurs propres récits.

Formatrice aux Artisans de la Fiction, Julie Fuster a assisté l’autrice anglaise Rachel Bentham pendant un semestre d’enseignement avec des élèves de l’Université de Bristol.

Julie Fuster : La façon de procéder était très proche de celle de Jane Smiley. Rachel Bentham faisait des points techniques précis avec des exercices en début de cours, en revenant par exemple sur la technique du dialogue ou la caractérisation des personnages. Mais la majorité du cours était un moment de discussion technique poussée sur la nouvelle ou le texte court d’un élève présent. J’ai remarqué que les élèves maitrisaient le langage technique de la narration. Mais certains d’entre eux suivaient le cours de Rachel depuis plusieurs années.

La question du talent

Les élèves apportent des textes personnels et produisent eux-mêmes les retours qui permettront à leurs collègues de s’améliorer. Mais alors, quel est le rôle du professeur de creative writing ? Est- il là pour repérer et encourager le talent ?

L’écrivain britannique Jonathan Coe considère qu’on ne peut pas enseigner l’écriture, seulement des savoir-faire annexes, mais essentiels. Ces savoir-faire permettent au talent d’un auteur de prendre son ampleur.

Jonathan Coe : Évidemment vous ne pouvez pas enseigner le talent, parce que soit les étudiants ont du talent, ou ils n’en ont pas. Mais je pense qu’il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire dans un environnement formel pour écrivains. Vous pouvez leur montrer le genre d’erreurs qu’ils font, plus rapidement que s’ils étaient livrés à eux-mêmes. Mais aussi leur apprendre à lire d’une manière qui aide à écrire. Vous pouvez également leur donner du temps et de l’espace pour écrire et être encouragé. Je pense que ça peut être extrêmement bénéfique pour eux de suivre ce genre de cursus.

Une manière d'apprendre

L’auteur britannique Christopher Priest, que nous avons interviewé en dehors des Assises Internationales du Roman, explique qu’il n’est pas possible d’enseigner l’écriture (et par extension le talent !)… Le rôle du professeur de creative writing est d’encourager l’engagement personnel de l’écrivain dans l’apprentissage de sa propre écriture.

Christopher Priest : Le point essentiel est que l’on ne peut pas enseigner l’écriture. Pourtant l’écriture s’apprend. Le problème n’est donc pas de savoir comment enseigner, mais comment montrer aux apprentis écrivains la manière d’apprendre.

La puissance des auteurs anglo-saxons sur la production des fictions mondiales (vente de livres, adaptation au cinéma ou en série…) est liée à l'importante éducation des anglo-saxons à l’écriture de fiction. Les notions de “plot”, de “narrative” et de “storytelling” sont connues par le plus grand nombre, car enseignées dès l'école primaire. La figure de l’écrivain se rapproche plus de celle du conteur que de celle de l’intellectuel.

Pour aller plus loin

Vous avez envie de vous plonger dans un roman dont l’intrigue se situe dans un cours de creative writing américain ? Nous vous conseillons l’excellent roman “Blue Angel”. Son autrice, Francine Prose connait bien le sujet car elle a longtemps été professeur de creative writing.

Vous pouvez également rejoindre l’une de nos formations longues à l’écriture de fiction ou participer à l’un de nos stages pour apprendre à préparer et construire un roman, réfléchir à vos territoires d’écriture, vous former aux outils de la narration littéraire ou découvrir les 7 intrigues fondamentales.

assises internationales du roman virtuelles 2020

Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous recommandons la lecture ou le visionnage des interviews intégrales de Mick Kitson, Jane Smiley, Cynthia BondDana SpiottaMatthew Neill Null et Jonathan Coe Cet article est publié dans le cadre de l’édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020  ]]>
6668 0 0 0 ]]> ]]>
Le travail de l'auteur, casser le mythe romantique http://www.artisansdelafiction.com/blog/travail-auteur/ Fri, 08 May 2020 10:23:58 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6670 Le travail de l'auteur : casser le mythe

En France nous avons une image biaisée de l'auteur : romantique et torturé qui ne peut écrire que sous la pulsion de l'inspiration. Il est grand temps de casser le mythe et de nous intéresser au vrai travail de l'auteur.  

travail auteur

On imagine souvent qu’un écrivain est un être à part, un homme (ou une femme) différent du commun des mortels, un être inspiré, peut-être même torturé !

Cette image d’Epinal n’est pas grotesque : la preuve, elle est couramment diffusée par les médias qui présentent souvent les auteurs et autrices comme des personnes étranges, des originaux, au dessus des autres… Le problème de cette idée c’est qu’elle sous-entend qu’il y aurait des élus, des gens qui auraient un “talent inné”. Peut-être même un talent caché ignoré d’eux-mêmes et qu’un éditeur à la longue chevelure blanche saurait un jour découvrir.

Or, il n’existe pas d’ “auteur inné”, tout comme il n’existe pas de “médecin inné” ou de “boulanger inné”. On ne nait pas auteur, on le devient ! Matthew Neill Null, auteur phare des Assises Internationales du Roman 2019, revient longuement sur la réalité du métier d’auteur.

À quoi ressemble réellement le travail de l’auteur de roman ?

Il ne viendrait à la tête de personne qu’il est possible de s’assoir devant un piano et de se mettre, d’un coup d’un seul, à jouer comme un pianiste concertiste !  Comme toute pratique artistique et artisanale, écrire une bonne fiction nécessite un apprentissage. Et qu’il soit fait en autodidacte ou grâce à des cours, cet apprentissage n’est jamais terminé ! Les plus grands auteurs “apprennent à écrire” toutes leurs vies.

Matthew Neill Null : Oui, dans le subconscient, le mystère et l’inspiration sont très importants, mais écrire n’est pas glamour. C’est juste de l’artisanat, comme démonter une machine et réassembler des pièces pour se faire la main. Il y a beaucoup de tâches ingrates  On peut dire la même chose de la guitare, ou du sport, ou de tout ce qui nécessite de l’entraînement. Ça ne tombe pas du ciel. On s’auto intoxique avec cette idée du jeune génie qui crée son travail par la pure inspiration. Je n’y crois pas. Melville a étudié Shakespeare de près.

[caption id="attachment_5213" align="aligncenter" width="450"] Matthew Neill Null, AIR 2019[/caption]

En finir avec l’inspiration

La technique s’apprend, bien sûr… mais l’inspiration aussi ! Ou plutôt, être écrivain c’est savoir que les bonnes idées ne viennent pas d’elles-même frapper à la porte de votre imagination. Il faut aller les chercher et surtout savoir les reconnaitre !

Matthew Neill Null : L’essentiel du travail d’écrivain, ce n’est pas d’attendre l’inspiration, mais de s’asseoir et faire, faire, faire en espérant que vous créez quelque chose. Ensuite vous remaniez de façon exhaustive. Bien sûr, il y a une part de génie, de talent, mais c’est une part infime en comparaison du labeur des mots.

Il est donc rare qu’une bonne idée se révèle dans toute sa splendeur. Dans bien des cas, une bonne idée d’histoire se travaille et se retravaille encore et encore. Il s'agit de la dénicher, de la polir et de la faire briller.

Apprendre l’écriture est un engagement personnel

[caption id="attachment_5206" align="alignleft" width="180"]Honey from the Lion Honey from the Lion, Matthew Neill Null[/caption]

Casser le mythe de l’écrivain c’est donc casser le mythe d’un être oisif, qui ne travaillerait que lorsqu’il en a envie ou que l’inspiration est là.

Comme pour toute pratique artisanale et artistique, le temps, mais surtout l’engagement personnel sont des clés essentielles. L’écriture ne s’apprend pas  “malgré soi”.

Matthew Neill Null : Je dis aussi à mes étudiants que je ne peux pas leur apprendre à écrire. Vous allez à l’université pour apprendre à être chimiste ou comptable. Mais l’écriture est un processus qui implique de l’engagement personnel. Pour être écrivain vous devez être volontaire. Par contre, je peux enseigner comment commencer à être un écrivain, comment apprendre à lire comme un écrivain, à penser comme un écrivain… Je peux  leur enseigner comment commencer, mais je ne peux pas finir le processus à leur place.

Etre un écrivain demande du savoir faire, de l’engagement et de la patience… Il faut apprendre un artisanat puis le maîtriser suffisamment pour qu’il puisse toucher des personnes qui ne nous connaissent pas et ne nous doivent rien.

Mais n’est-il pas rassurant de savoir que le “talent” et la “chance” n’ont rien à voir là dedans ? N’est-il pas réjouissant de réaliser qu’un apprentissage existe et qu’il est possible de s’y former ?

En cassant le mythe de l’auteur, on abolit un joli fantasme… mais on ouvre aussi la porte à ceux et celles qui veulent tenter l’aventure avec sérieux.

Vous pouvez commencer par nos stages techniques, parfaits pour découvrir les outils de l'écriture de fiction pendant une semaine complète. Une semaine ne vous suffit pas ? Vous souhaitez vous investir tout au long de l'année ? Alors notre formation artisanat de l'écriture n'attend plus que vous !

assises internationales du roman virtuelles 2020 Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous recommandons la lecture ou le visionnage des interviews intégrales de Mick Kitson, Jane Smiley, Cynthia BondDana SpiottaMatthew Neill Null et Jonathan Coe Cet article est publié dans le cadre de l’édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020]]>
6670 0 0 0 ]]> ]]>
Ecrire un roman : les 5 erreurs à éviter http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-roman-erreurs-a-eviter/ Fri, 08 May 2020 10:23:47 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6686 Ecrire un roman : les 5 erreurs à éviter

Les Assises Internationales du Roman est un moment idéal pour rencontrer des écrivains et discuter du métier. Auteurs connus, écrivains de best-sellers mais aussi écrivains plus confidentiels, professeurs de creative writing… tous les auteurs ont été des débutants ! Ils ont fait des erreurs, se sont lancés dans des projets trop ambitieux et ont dû eux-même poser des questions à des auteurs plus expérimentés. Voici les 5 erreurs qu'ils conseillent d'éviter lorsque l'on essaye d'écrire un roman. 

Voici donc les cinq erreurs à éviter avant d'écrire votre roman tête baissée !

1 - Vouloir protéger sa voix à tout prix

Une erreur courante de l’écrivain-débutant est d’être obnubilé par l’idée de trouver sa propre “voix”. Il faudrait à tout prix avoir un “ton”, forcément original, puis tout faire le protéger jalousement… avant même de se demander quelle histoire on veut raconter et quelle émotion on veut faire passer au lecteur !

Matthew Neill Null, auteur et professeur de creative writing, témoigne de ce paradoxe qu’il observe régulièrement chez certains de ses élèves :

Matthew Neill Null : Je ne comprends pas quand mes étudiants me disent, pour justifier leur refus de lire les livres des autres, qu’ils préfèrent protéger leur voix. Les livres sont faits de livres. Sans Shakespeare, vous n’auriez ni Melville, ni Faulkner. Le problème critique de mes étudiants, c’est qu’ils ne lisent pas. Ils ne lisent pas de littérature.

Ne vous méprenez pas, la question de la “voix” et du style sont des aspects importants de l’écriture. Mais le travail sur le style est la dernière touche qu’on apporte à un roman, pas la première ! Il ne doit surtout pas passer avant la création d’une histoire intéressante, ou pire : être utilisé pour flatter l’égo de l’auteur.

 

2 - Se donner la place du héros

Un autre réflexe qu’on retrouve chez le jeune auteur est de se choisir lui-même comme principale source d’inspiration - en dépit d’un travail d’imagination, de fictionnalisation et de création.

Mick Kitson, auteur de nombreux romans traduits à travers le monde dont “Manuel de survie à l’usage des jeunes filles”, témoigne de cette habitude récurrente :

Mick Kitson : Pour avoir lu de très nombreux textes de jeunes auteurs et d’auteurs débutants, je pense que l’erreur la plus courante est d’écrire une chanson d’amour égotique. Ils font de la fiction à partir de leur propre expérience et se donnent la place du héros. Je le déconseille vraiment, à moins d’avoir une expérience de vie vraiment, totalement, hors du commun. Mais pour la majorité des auteurs, ça n’est pas le cas. L’écriture c’est d’abord un travail d’imagination créative. Il s’agit de créer quelque chose de qui n’a jamais existé avant.

Aux Artisans de la Fiction nous encourageons les apprentis-auteurs à puiser dans leurs connaissances et dans leurs expériences car cela fait souvent de récits forts. Mais nous rejoignons les propos de Mick Kitson : c’est dans le terreau de ses connaissances qu’on peut faire fleurir sa meilleure imagination, car la fiction est avant tout un travail (et un plaisir) de l’invention.

 

3 - Se contenter d’être original

Troisième erreur à éviter lors de l’écriture de son roman et qu’on retrouve très régulièrement chez les apprentis-auteurs : tout miser sur l’originalité ! Et, par la même occasion, sacrifier l’intrigue, le personnage et la clarté de l'histoire.

L’autrice et professeur de creative writing Jane Smiley, récompensée du Prix Pulitzer pour son roman “A Thousand Acres” nous rassure :

Jane Smiley : J’aime cette idée qu’on n’a pas d’autre choix que celui d’être original. Vous êtes forcément original, mais ça ne suffit pas : vous devez apprendre à rendre votre livre intéressant, agréable à lire — bien plus qu’être original.

Nous conseillons à nos élèves de ne pas s'inquiéter de l'originalité de leur écriture ou des thématiques qu'ils abordent : ce qui compte c'est d'abord de bien raconter une bonne histoire... Etre original, c'est encore l'étape au-dessus ! Il ne viendrait pas à l'idée d'un apprenti-architecte de faire une maison originale. D'abord, il doit maîtriser les bases de l'architecture... et c'est en maîtrisant ses bases qu'il trouvera le moyen, peut-être, des les contourner ou de les améliorer.

4 - Oublier l’univers narratif au détriment des personnages et de l’intrigue

Arrêtons-nous quelques instants sur la théorie de la pyramide inventée par Jane Smiley pour expliquer les étapes de l’écriture d’un roman.

A la base de la pyramide se trouve le langage : bien sûr, l’écriture d’un roman demande de connaitre sa propre langue et d’aimer les mots. Puis juste au dessus de la base du langage se trouvent l’intrigue et les personnages… là aussi, pas de surprise, sans histoire et sans personnages pour l’incarner, il n' y a pas de roman possible.

Mais écrire un bon roman, va plus loin que la seule maîtrise du langage et de l’intrigue… et c’est une erreur souvent commise par les débutants dans l’écriture de fiction :

Jane Smiley : De nombreux livres s’arrêtent à la question de l’intrigue et des personnages. C’est souvent le cas pour les romans policiers, les thrillers ou les romances que vous achetez dans les grands magasins. Pour ces livres, ce qui compte c’est que les personnages soient crédibles et que l’intrigue soit surprenante. Le niveau suivant de la pyramide concerne l’univers narratif (setting). L’univers narratif change en fonction de la manière dont le personnage agit : par exemple, si je prends Don Quichotte et que je le place en 1604 en Grande Bretagne plutôt qu’en Espagne, l’histoire devient très différente car l’intrigue de Don Quichotte est chevillée à l’univers narratif dans lequel elle se déploie.

Jane Smiley encourage donc les jeunes auteurs à ne pas laisser de côté le travail sur l’univers narratif, c’est-à-dire le monde dans lequel se déroule le récit. Trop souvent, ce monde est sous-développé et sous-exploité, ce qui prive les intrigues d’ampleur, de richesse et de profondeur !

 

5 - Se projeter dans le futur

Enfin, une erreur bien souvent commise par les apprentis-romanciers c’est de mettre la charrue avant, bien avant, les bœufs. Bien sûr que la perspective d’être publié est un élément motivant pour se mettre au travail de façon sérieuse, mais il ne faut pas que cet objectif occulte le vrai travail du romancier : écrire un bon roman nécessite un long temps d’apprentissage. C’est un chemin qui demande du temps et beaucoup de tentatives avortées, comme pour toute création sérieuse.

Jane Smiley : Je n’aime pas que mes élèves pensent au futur, qu’ils se projettent. Je veux qu’ils se concentrent sur le travail. Ils savent où se situent leurs forces : quand on passe 10 semaines à discuter sur des versions de leurs histoires, ils finissent par avoir une idée assez claire de leurs forces en tant qu’écrivain. Une fois qu’on sait ça, la clé se situe dans la volonté de continuer à travailler.

Il s’agit donc de se concentrer sur l’apprentissage, l’écriture et la ré-écriture et de focaliser son énergie sur cette perspective plutôt que de se ruer sur la fin de son livre et la recherche effrénée d’une publication.

Pour aller plus loin

Vous vous reconnaissez dans ces erreurs courantes ? Pas de panique, elles sont tout à fait légitimes ! Et reconnaître ces cinq erreurs quand on veut écrire un roman c’est déjà apprendre à les éviter.

Alors si vous avez envie de vous former à l’art de la narration, nous vous proposons des stages thématiques, accessibles aux auteurs débutants et expérimentés : apprenez à reconnaître vos territoires d’écritures, à préparer et structurer un roman et formez-vous aux outils de base de la narration !

assises internationales du roman virtuelles 2020 Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous recommandons la lecture ou le visionnage des interviews intégrales de Mick Kitson, Jane Smiley, Cynthia BondDana SpiottaMatthew Neill Null et Jonathan Coe Cet article est publié dans le cadre de l’édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020  ]]>
6686 0 0 0 ]]> ]]>
La création du personnage principal de roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/creation-personnage-roman/ Wed, 29 Apr 2020 14:14:26 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6704 La création du personnage principal de roman

Sur quoi repose la création d'un bon personnage de roman ? Et d’ailleurs c’est quoi un bon personnage ? Ces questions peuvent paraitre simplistes à côté d’autres aspects techniques comme sur la structure du roman, les dialogues ou encore les choix de point de vue. On a parfois l’impression que la création du personnage se fait de manière instinctive alors que c’est un moment fondamental de l’écriture.

[caption id="attachment_6710" align="alignnone" width="616"]création personnage de roman L'art transformationnel du personnage de fiction - Cycle Artisanat de l'écriture[/caption]

Le personnage d’un roman n’est pas seulement la porte d’entrée de votre histoire. C’est le personnage qui incarne chacune des actions, des situations que vous mettez en scène et qui les rend vivantes, intéressantes. C’est aussi le personnage qui porte les émotions que vous voulez faire vivre à votre lecteur. Alors si votre personnage n’est pas crédible ou qu’il ne génère ni intérêt ni empathie, vous pouvez être sûrs que vos lecteurs fermeront votre livre aussi vite qu’ils l’ont ouverts ! Les auteurs des AIR 2019 vous donnent plusieurs pistes issues de leur expériences personnelles pour permettre la création d'un personnage de roman crédible, intéressant et original.

Construire son personnage très précisément… jusqu’où ?

La création d'un personnage de roman crédible revient à réfléchir à toutes ses facettes : il faut définir très clairement l’identité et la spécificité du personnage. Nom, sexe, âge au moment des faits, origines ethniques, sociales, économiques, façon de s’habiller, de bouger… Pour que ce soit lisible dans la tête du lecteur, il faut que ce soit clair dans la tête de l’auteur ! Dans ce but, certains auteurs remplissent des questionnaires de Proust très précis afin de mieux cerner leurs personnages et aux Artisans de la Fiction, nous encourageons nos élèves à créer de véritable “fiches personnage” très fouillées en amont de leur écriture.Mais est-il nécessaire de remonter aussi loin et aussi précisément que possible dans son passé ? Jusqu’où faut-il aller ? La question divise l’autrice américaine Cynthia Bond et l’auteur et professeur de creative writing israélien Eskhol Nevo.

Cynthia Bond : (À propos de l’écriture de son roman Ruby) Je suis remontée très loin dans la construction de l’histoire personnelle des personnages. Et pas seulement des personnages principaux, de tous les personnages. Certains des faits de leurs passés sont issus des faits réels. Comme par exemple l’histoire de ma tante, la sœur de ma mère, qui a été tuée par le KKK parce qu’elle aimait un homme blanc.

"Je ne prépare pas l’histoire de mes personnages"

Eshkol Nevo : Je ne m’assois pas à ma table de travail en ayant planifié telle trajectoire de vie pour tel personnage, ou en pensant « il faut que j’écrive l’histoire de chacun de mes personnages avant de commencer ».  Les personnages se développent au cours de l’écriture et parfois je sens le besoin d’un flash-back et à ce moment-là, je dois y penser.

Je pense que c’est artificiel de le planifier à l’avance. Parfois ça prend du temps, c’est comme avec une personne, parfois vous avez besoin de temps pour comprendre quel a été son passé, son histoire familiale. Je ne prépare pas l’histoire de mes personnages.

S’il ne semble donc pas indispensable de connaitre le moindre détail du passé de ses personnages principaux, il existe quelques techniques très utiles qui permettent aux auteurs de donner de la profondeur à leurs personnages.

[caption id="attachment_3926" align="aligncenter" width="478"]création personnage roman Eshkol Nevo - Assises Internationales du Roman, 10ème édition[/caption]

S’immerger dans le personnage

La création d’un personnage de roman se rapproche du travail de comédien. Il s’agit d’inventer un corps, un nom, un visage, mais aussi toute une manière de bouger, de se déplacer et de se comporter … en un mot “d’incarner”.

Pour l’américaine Dana Spiotta, autrice et professeur de creative writing (Prix de Rome 2016), tout travail de fiction commence par une immersion dans le personnage.

Dana Spiotta : J’ai d’abord une vague idée de personnage. Ensuite, j’imagine ce que ça doit être de vivre en étant cette personne. C’est un vrai exercice d’empathie, il s’agit de s’immerger dans la façon dont une personne autre que soit expérimente une situation.

A propos de Manuel de survie à l’usage des jeunes filles, son roman multi-récompensé, l’auteur anglais Mick Kitson va encore plus loin. Son travail préparatoire a consisté en devenir le personnage lui-même.

Mick Kitson : En réalité je pense que le travail d’écrivain se rapproche du travail de l’acteur. On s’immerge dans un personnage. J’y ai consacré une très grande partie de mon travail préparatoire. Du coup, quand je me suis mis à écrire, les choses sont sorties très naturellement. C’est seulement le personnage qui parle, moi je ne suis plus là… c’est comme ça que j’ai écrit le roman.

Il ne s’agit donc pas seulement d’inventer un personnage mais surtout de faire un vrai travail d’immersion dans sa tête : comprendre sa logique interne, sa façon précise et personnelle de percevoir les évènements qu’il traverse ou dont il témoigne.

[caption id="attachment_2662" align="aligncenter" width="512"]les ateliers d'écriture à l'américaine Dana Spiotta, auteure et professeur de Creative Writing - AIR 9ème édition[/caption]

La création d'un personnage de roman complexe

Pour Cynthia Bond, la création d’un personnage de roman crédible passe par la réflexion sur son “arc”, c’est à dire sa trajectoire (physique, émotionnelle, psychologique) du début à la fin du roman.

Pour elle, tout commence par définir les deux extrémités de cet arc.

Cynthia Bond : Une très bonne technique pour créer un arc de personnage complexe c’est de partir de la fin : je décide là où je veux emmener mon personnage, ce que je veux qu’il soit devenu à la fin de l’histoire. Puis je reviens au début du roman et je place le personnage dans une situation aussi éloignée que possible de cet état final dans lequel j’ai envie qu’il se trouve.

Une fois qu’on a défini les deux extrémités de l’arc, il est temps de se demander quelles sont les étapes qui font passer le personnage de son état initial à son état final :

Cynthia Bond : Il s’agit de déterminer des moments clés dans la trajectoire de chacun de ces personnages. Ces moments clés sont des moments de révélations pour le personnage. Ce sont les étapes de son changement, de sa transformation. Avant chaque révélation, il faut que les personnages souffrent. Il ne faut vraiment pas les épargner : il faut les mettre dans une situation où ils souffrent, et puis rajouter un évènement encore pire ! Car pour un personnage comme un pour un être humain réel, il est impossible de changer si on n’a pas une très bonne raison de le faire, si on n’y est pas obligé.

« Tout commence avec les personnages et ce qu’ils désirent »

Pour Dana Spiotta, les personnages sont les points de départ de ses romans. Ce sont eux qui définissent la trajectoire de l’intrigue. Créer un bon personnage de roman c’est donc se demander ce que ce personnage désire.

Dana Spiotta : Tout commence avec les personnages et ce qu’ils désirent. Je les mets en scène, je les fais parler entre eux afin que je comprenne mieux qui ils sont. Et c’est à partir de ça que je commence à percevoir la forme que le livre va prendre (…) Créer mon personnage c’est aussi déterminer ce que mon personnage veut : sur le long terme et sur le court terme. Il peut, dans l’immédiat, vouloir une guitare, parce qu’il veut, sur le long terme, capter l’attention de son père. Quand tu sais ce qu’ils veulent et ce qui les empêchent d’avoir ce qu’ils veulent, c’est très très utile. Et pas seulement les personnages principaux. Tous les personnages. Et avoir ça en tête ça peut permettre de régler beaucoup de problèmes de scènes qui ne fonctionnent pas.

Il est donc très important, au moment de la création des personnages, de ne pas se contenter d’une couche superficielle. Il s’agit de ne pas donner l’impression que ce sont des marionnettes, mais bien des êtres singuliers et surtout… crédibles !

Faîtes parler votre personnage

La crédibilité d’un personnage se crée donc par la complexité de sa psychologie, la cohérence de ses actes avec sa personnalité et la richesse de son histoire passée… Cela prend donc du temps d’apprendre à connaitre ses personnages et de les apprivoiser ! Une très bonne technique - surtout si on est en panne d’idées - c’est de les faire parler.

Mick Kitson : À force de penser au personnage principal — et en toute humilité –  je me suis mis à entendre sa voix, la façon dont il s’exprimait. Je pouvais l’entendre parler.

Pour Dana Spiotta, faire parler le personnage est une partie intégrante et nécessaire de son travail de construction du personnage.

Dana Spiotta : Les dialogues sont très importants. J’ai besoin d’entendre parler mes personnages.(…) Ecrire un dialogue vous fait découvrir qui sont les personnages, leurs voix, leurs façons de parler. Il m’arrive de prendre mon bain et de commencer à parler, à voix haute, comme si j’étais le personnage en question. J’invente des conversations à voix haute entre mes personnages : ça m’aide énormément d’entendre comment ils parlent, comment ils utilisent le langage.

Les moments de dialogue sont aussi les moments parfaits pour donner une troisième dimension au personnage dans les yeux du lecteur. Le dialogue est un instrument puissant pour la crédibilité et la richesse des personnages… c’est un outil essentiel, car un dialogue mal écrit sort tout de suite le lecteur du texte. Mais quand il est bien écrit, nous avons l’impression que le personnage est avec nous, que nous pouvons le voir, l’entendre, le percevoir… et donc le connaitre et le suivre dans ses aventures.

[caption id="attachment_6009" align="alignnone" width="530"]création personnage roman Mick Kitson, romancier[/caption]

… Et testez des choses inattendues

Un bon auteur est donc capable de créer des personnages crédibles, auxquels le lecteur croit complètement et auxquels il s’attache. Mais ce qui intéresse également un auteur de fiction, s’il veut capter l’attention du lecteur et le surprendre, c’est de créer des personnages originaux.

Pour Eskhol Nevo, qui a longtemps étudié la psychologie à l’université, les personnages originaux n’ont pas besoin d’être surprenants… pour être originaux ils doivent avant tout être spécifiques !

Eshkol Nevo : En psychologie, vous avez tendance à aller vers la généralisation : vous essayez d’identifier un phénomène, quelque chose qui soit commun, qui puisse être diagnostiqué. Est-il bipolaire ? Schizophrène Dépressif ?Je pense que quand j’écris un personnage, j’essaie de faire l’inverse, j’essaie de trouver ce qu’il y a de spécifique en lui, en elle, ce qui fait qu’il n’est pas comme tout le monde. Des traits physiques particuliers, une manière de s’exprimer, une manière de penser particulière : qu’est-ce qui le rend, ou la rend différent des autres personnages.

« Je me suis lassé d’écrire à propos de ma vie »

Pour Jonathan Coe, l’auteur du Testament à l’anglaise, un écrivain crée des personnages originaux au moment où il décide d’arrêter de se prendre lui-même comme personnage de ses romans :

Jonathan Coe : Après deux ou trois ans, j’ai commencé à me lasser d’écrire toujours à propos de ma vie – je ne racontais que ça, à l’époque (…) mes histoires étaient très autobiographiques. J’ai alors pris une décision très simple, mais extrêmement radicale pour moi, à l’époque : « Ok, je vais écrire une histoire, dont le personnage principal sera une femme et l’histoire sera racontée du point de vue d’une femme ». Je n’avais jamais fait ça auparavant. Il fallait évidemment essayer. Peut-être que si j’avais eu un tutorat, des professeurs d’écriture, ils auraient pu me suggérer cela plus tôt, mais j’ai fait cette découverte moi-même. Donc j’ai écrit un roman intitulé « the accidental woman/La femme de hasard ». Ce n’était pas un très bon livre, quels que soient les critères de jugement, mais il était bien meilleur que ce que j’avais écrit auparavant.

Pour aller plus loin

La caractérisation (= la création de personnages) est une partie essentielle du travail de l’auteur. Elle définit la structure de l’intrigue, l’incarne et la rend vivante.

Le travail préparatoire des personnages est donc une étape à ne pas négliger, même si la précision et l’enrichissement du personnage peut se dévoiler au fur et à mesure de la rédaction du premier jet.

Si vous avez du mal à créer des personnages crédibles et complexes, rejoignez le stage “Personnage” qui se déroule du 6 au 10 juillet 2020 !

Vous pouvez également vous former à la structure des sept intrigues fondamentales en rejoignant notre stage spécialisé : vous découvrirez sept trajectoires spécifiques de personnages (les arcs transformationnels) et leurs puissances émotionnelles sur le lecteur.

assises internationales du roman virtuelles 2020

Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous recommandons la lecture ou le visionnage des interviews intégrales de Eskhol Nevo, Mick Kitson, Cynthia Bond, Dana Spiotta, Matthew Neill Null et Jonathan Coe Cet article est publié dans le cadre de l'édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020

]]>
6704 0 0 0 ]]> ]]>
La structure du roman - Assises Internationales du Roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/la-structure-du-roman-assises-internationales-du-roman/ Fri, 08 May 2020 10:23:21 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6715 La structure du roman - Assises Internationales du Roman
Quand on se lance dans l’écriture d’un roman, faut-il faire un plan ? Doit-on tout connaitre à l’avance du début jusqu’à la fin ? La structure d'un roman c’est la colonne vertébrale de l'histoire. Il s'agit de choisir les grandes étapes, gérer les moments d’action et les moments de repos… pour mieux capter l’attention de votre lecteur.
structure roman
Ce n’est pas un hasard si J.D Salinger a mis deux ans et demi à écrire L’attrape-cœur, s’il a fallu six ans à J.K Rowling pour le seul tome Harry Potter à l’école des sorciers ou si seize ans ont été nécessaires à J.R Tolkien pour rédiger Le Seigneur des Anneaux.

Même avec de l’expérience, l’écriture d’un roman est une entreprise de longue haleine : il ne s’agit pas seulement de créer une histoire intéressante et originale… mais aussi de savoir la raconter. C’est-à-dire gérer les informations délivrées au lecteur (et les émotions quelles vont générer !), gérer le rythme du récit, l’arrivée des personnages et leurs trajectoires physiques, mentales et émotionnelles tout au long de l’histoire… Et tout ça ne se fait pas au hasard !

Alors pour éviter de partir dans tous les sens et surtout pour maîtriser l’effet de son récit sur son lecteur, il existe un moyen plébiscité par de nombreux auteurs de fiction : structurer minutieusement son roman en amont de la rédaction. Mais qu’est-ce qu’on structure au juste ? Et jusqu’à quel niveau de détail ? La structure n’est-elle pas quelque chose d’instinctif quand on connait bien l’histoire qu’on veut raconter ?

Les auteurs des AIR expliquent comment ils structurent leurs romans.

1 - faut-il faire confiance à son instinct ?

Bien entendu tous les auteurs de fiction n’ont pas suivi des cours de creative writing ou lu des manuels de creative writing… Et tous ne pré-écrivent pas leur romans en amont. Faut-il en conclure qu’il y a quelque chose d’instinctif chez eux ? Un sens inné de la structuration du récit ?

L’immense romancier anglais Jonathan Coe n’a pas suivi de cours de creative writing, pourtant il témoigne s’être auto-formé à la structure de roman dès l’enfance… en regardant la télé !

Jonathan Coe : J'ai commencé à regarder des films. Pas tant au cinéma qu’à la télé, car dans les années 60 et 70, la télévision britannique passait beaucoup de vieux films. J'ai découvert comme ça la narration hollywoodienne classique où l’arc narratif et la structure en 3 actes sont très clairs. Et ce n’est pas avant d’avoir 16 ou 17 ans que j’ai commencé à lire des livres sérieux, mais je pense qu’auparavant, j’avais déjà appris les règles fondamentales de la narration, notamment à travers la télévision.

Pour l’auteur américain Matthew Neill Null, le sens de la structure peut être quelque chose d’assez naturel chez certains auteurs, mais cela ne les prive pas d’une réflexion sérieuse sur la façon de délivrer son histoire au lecteur :

Matthew Neill Null : L’écrivain doit penser au lecteur et lui donner le meilleur de son matériau. Je crois que la fiction fonctionne à son maximum lorsqu’on cible les moments les plus intéressants pour le lecteur. C’est évident, personne ne veut s’ennuyer en lisant.

2 - structurer un roman : comment faire ?

Mais alors, comment faire ? Comment fait-on pour structurer son roman ? A quoi doit-on penser ?

La romancière américaine et professeur de creative writing Cynthia Bond revient sur la façon dont elle a structuré Ruby, son premier roman sur lequel elle a travaillé plus de quinze ans.

Cynthia Bond : Au début du travail sur mon roman, je n’avais pas de plan. J’avais des scènes que j’avais écrites pendant un atelier d’écriture sans me rendre compte que j’écrivais un roman. Donc au bout de cent pages je me suis rendue compte que j’avais besoin de faire un plan. Je suis donc revenue en arrière, depuis le début, et j’ai refait un plan pour ce que j’avais déjà écrit et pour la suite.

Cynthia Bond n’a pas fait de master de creative writing à l'université, mais elle suivi des cours d’écriture dans une école de journalisme où des auteurs de fiction enseignaient… C’est grâce à l’un d’entre eux qu’elle a découvert les bases de la structure.

Cynthia Bond : J’ai eu un excellent professeur, John Rechy, auteur du roman City of Night. C’est lui qui m’a appris à structurer un roman. Je pensais que c’était très difficile, mais il m’a appris qu’il s’agissait simplement de lister les actions. A partir de ça, j’ai complexifié le processus.  J’ai tendu des grande surface de papier kraft sur tous les murs de la maison de ma mère, et j’ai dessiné des grands schémas dessus J’ai divisé l’action principale c’est à dire l’intrigue du roman. Puis j’ai développé la trajectoire de chaque personnage, également sous forme de schéma. J’ai fait des versions simples puis des versions de plus en plus complètes.

[caption id="attachment_3782" align="aligncenter" width="466"]structure roman Cynthia Bond[/caption]

« La manipulation du temps est un savoir-faire essentiel »

Pour Matthew Neill Null, il s’agit moins de structurer des actions, mais plutôt de travailler sur la temporalité : qu’est-ce qui se passe quand et avant quoi ?

Matthew Neill Null : En termes de structure, je crois que la manipulation du temps est un savoir-faire essentiel. Pulsations, prolepsis, flash-back, les outils sont nombreux. Une grande part de l’écriture consiste à sélectionner les éléments à présenter au lecteur (images, dialogues, scènes…) mais aussi à décider de leur ordre. Pour ma part, penser structure revient à penser aux différents usages du temps.

Le contenu du “plan” d’une histoire est donc variable selon les auteurs : action, temporalité, arc transformationnel, actes ou scènes… Car les auteurs ne racontent pas tous la même histoire et encore moins de la même manière !

3 - tout structurer avant de rédiger son roman ?

Mais alors, une fois que la structure de son roman a été pensée et repensée… cela veut-il dire qu’on doit suivre son plan à la lettre ? Ne jamais en sortir ? Ne pas suivre le flot des idées qui apparaissent au moment de la rédaction ?

Cynthia Bond : Je pense que lorsqu’on écrit un roman on a besoin d’un plan, comme une carte de géographie. On peut vouloir, par exemple, se rendre en voiture au Texas et remarquer sur la carte que le trajet nous fait passer par l’Oklahoma. Et il se peut que, du coup, on passe par l’Oklahoma et qu’on y reste pour y vivre, sans jamais se rendre au Texas ! … Sans la carte, on n’aurait jamais su que l’Oklahoma existait… C’est à ça que sert le plan.

Le travail de structuration en amont de la rédaction est un outil très utile pour accompagner l’auteur dans la création de son histoire. Mais c’est un outil souple, évolutif, sur lequel on peut revenir et revenir encore et le modifier au moment de la rédaction - comme tous les outils, il est au service de l’histoire !

« La profondeur du livre vient du fait qu’on y passe du temps »

[caption id="attachment_6745" align="aligncenter" width="420"]structure roman Diane Spiotta[/caption]

L’autrice Dana Spiotta, qui enseigne la narration au College of Arts and Science de de Syracuse, explique qu’il faut accepter que l’accouchement d’une bonne histoire demande beaucoup de temps. Vous ne trouverez pas la meilleure structure pour votre histoire en une après-midi ! Et surtout pas du premier coup !

Dana Spiotta : La profondeur du livre vient du fait qu’on y travaille longtemps. Et c’est un point important de l’écriture de roman. Si vous êtes régulier, que vous passez du temps avec votre nouvelle un peu chaque jour, vous finissiez par être habité par votre histoire, par en rêver, par y penser lorsque vous faites votre jogging. Et des connexions profondes peuvent se faire et vous finissez par avoir des idées bien plus intéressantes que si vous travaillez juste en surface. C’est un travail plus subconscient que conscient. Et pour que ça arrive, il faut accepter que ça prenne énormément de temps. Il faut vraiment s’y mettre sur la longue durée, c’est de la rigueur.

Macrostructure et microstructure

Certains auteurs ne se contentent pas uniquement de penser la dynamique de leurs récits dans les grandes lignes et n’hésitent pas à structurer chacune des scènes qui composent leur histoires. La macro-structure de leur roman est le reflet de la micro-structure de la scène.

Matthew Neill Null  : J’ai reçu d’un autre écrivain cet excellent conseil : une bonne scène c’est comme une fête.Quand vous allez à une fête, vous voulez arriver le plus tard et de partir le tôt possible, n’est-ce pas ? Vous voulez profiter du meilleur de la fête. Vous ne voulez pas vous pointer à 8 heures et vous dire « mince, ceux qui devaient arriver plus tard sont déjà là et ça va être chiant », ou bien vous dire pendant la soirée « vivement que celui-ci finisse son verre et se barre… » Non. Ce que vous désirez, c’est arriver à la fête et vivre immédiatement le moment le plus intéressant et le plus excitant.

Pour aller plus loin

Pour en savoir plus sur la structure du roman et de la scène nous vous conseillons la lecture de “Structuring your novel”, l’excellent manuel de KM Weiland (même s’il existe de nombreux autres très bons manuels qui traitent de ce sujet).

Mais parfois, lire un livre de technique ne suffit pas pour comprendre, et vous avez besoin d’un formateur pour vous montrer comment faire concrètement. Les stages “Préparer et construire un roman” et “Les outils de la narration littéraire” abordent avec précision la question de la structure du roman et de la scène. Nous serons ravis de vous y accueillir.

assises internationales du roman virtuelles 2020

Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous recommandons la lecture ou le visionnage des interviews intégrales de Cynthia Bond, Dana Spiotta, Matthew Neill Null et Jonathan Coe

Cet article est publié dans le cadre de l'édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020

]]>
6715 0 0 0 ]]> ]]>
Le choix du point de vue : quelques idées reçues http://www.artisansdelafiction.com/blog/choix-point-de-vue/ Fri, 08 May 2020 10:24:09 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6729 Le choix du point de vue : quelques idées reçues

La question du choix de point de vue peut faire peur à l’apprenti-auteur. C’est un aspect de l’écriture qui semble technique et pas très excitant. Pourtant le choix du narrateur (= celui qui raconte l’histoire) n’est pas un sujet de discussion pour geek du creative writing… c’est un aspect essentiel de votre histoire. Choisir le point de vue, c’est impacter directement et pleinement le regard de votre lecteur sur les évènements que vous lui racontez.

1- choisir un point de vue : une question pour les techniciens ?

Vous avez votre histoire et vous connaissez vos personnages. Donc vous connaissez les lieux dans lequel se passent les actions. Vous avez faits vos recherches et plein de petites fiches. Peut-être même que vous avez déjà réfléchi à la structure globale de votre roman… Bravo ! Il ne reste plus qu’à vous demander : quel point de vue allez vous choisir pour raconter votre histoire, ou plutôt, qui sera le narrateur de votre histoire ? Un des personnages ? Le personnage principal ? Son cousin ? Un narrateur omniscient ? Subjectif ? Objectif ? Les possibilités sont infinies et les conséquences sont nombreuses. Alors comment choisir ?

Un professeur de creative writing vous dira :

"c’est très simple, pour choisir il faut essayer !"

Et on ne contredira pas cette idée. Mais avant que vous fassiez passer votre texte au test de la narration à la 1ère personne puis à celle du narrateur omniscient, penchons-nous sur quelques idées reçues sur le point de vue, grâce aux auteurs des AIR 2019.

L’autrice américaine Dana Spiotta insiste sur les conséquences qu’entrainent le choix du point de vue.

Dana Spiotta : Les enjeux émotionnels du roman sont associés aux choix techniques. Qui raconte l’histoire ? Si on écrit un récit à la première ou à la troisième personne… ça va avoir des conséquences. Des conséquences émotionnelles sur le lecteur.Mon personnage, Nick, écrit les chroniques de sa vie imaginaire dans laquelle il est une grande star du monde de la musique. Mais je ne voulais pas que ce soit une oeuvre d’art expérimentale. Je voulais que ça raconte une histoire humaine. Et c’est là que je me suis rendue compte que si c’était sa soeur qui racontait l’histoire - sa soeur est une personne plus ordinaire à laquelle je m’identifie - on aurait une vision intéressante des chroniques de Nick. Une vision moins indulgente et du coup plus humaine. (…) Si le livre est raconté par Nick ou par sa soeur, ça ne sera pas le même livre.

C’est comme ça que les décisions techniques sont prises en fonction de l’expérience émotionnelle qu’on veut faire ressentir au lecteur grâce à ce livre.

Dana Spiotta résume ici tout l’intérêt de se pencher sur les techniques de la narration pour un apprenti-auteur : il ne s’agit pas de faire plaisir à tel ou tel professeur ou d’appliquer une recette qui marche ! Il s’agit de comprendre comment les choix techniques de l’auteur sont pris en fonction de l’effet qu’il cherche à créer sur son lecteur.

2 - le point de vue multiple : trop facile ?

On ne peut pas se le cacher, la tendance des romanciers contemporains est de multiplier les points de vue au sein de leurs romans. Les romans “choral” (= la même histoire est racontée par plusieurs narrateurs) sont nombreux sur la scène littéraire et connaissent de vrais succès de librairie.Amitava Kumar, journaliste et auteur indien, nous explique l’intérêt du point de vue multiple, en particulier dans son roman Itinéraire d’un singe amoureux.

Amitava Kumar : Le point de vue omniscient est daté, il appartient au monde ancien.  Depuis Freud, Marx, les mouvements féministes, le mouvement pour les droits civiques… on ne peut plus se contenter d’une seule voix, d’une seule façon de raconter. (…) Je voulais que mon roman soit raconté par un narrateur à la voix forte, spécifique, mais je voulais aussi que sa voix soit parfois coupée par d’autres voix, qui racontent d’autres choses, d’autres expériences. La voix de la femme qu’il aime, la voix de son professeur d’histoire. D’autres voix.

"Rendre compte d’un monde multiple"

L’autrice Dana Spiotta le rejoint dans cette envie de rendre compte d’un monde multiple et complexe. Pour montrer cette fragmentation elle ne multiplie pas les points de vue. Elle utilise une autre technique tout à fait particulière dans le roman Stone Arabia :

Dana Spiotta : Pour moi un roman est un mini-monde. Comme tous les mondes : il est fragmenté. J’ai opté pour le point de vue de la soeur, parce qu’il faut bien faire un choix et se mettre à écrire sinon on n’écrit jamais ! Donc c’est écrit à la troisième personne, du point de vue de la soeur. Les chroniques de Nick sont vues à travers les yeux de sa soeur. Mais la structure est encore plus intriquée car à l’intérieur du livre j’ai aussi mis des extraits du journal de la soeur.

[caption id="attachment_6229" align="aligncenter" width="488"] Amitava Kumar, en masterclass aux Artisans de la Fiction[/caption]

Le choix d'un point de vue unique est plus facile

Dans nos formations aux Artisans de la Fiction, nous insistons souvent pour que nos élèves ne choisissent qu’un seul point de vue (celui qu’ils veulent !) dans les textes courts qu’ils écrivent pendant les séances… et nous essayons de réfréner leur envie d’écrire à partir de plusieurs points de vue. Nous ne sommes pas cruels : nous voulons simplement que nos élèves maitrisent les bases avant de se lancer dans la complexité !

Car oui, le choix du roman à points de vue multiple demande énormément de travail à l’auteur : il faut créer toutes ces “voix” spécifiques et toutes ces manières de voir !

Mais si vous faites le choix du point de vue multiple, Cynthia Bond prend l’exemple de son roman Ruby pour vous donner un excellent conseil technique :

Cynthia Bond : Il faut donner au lecteur un indice de ce qui se passe. Lorsque vous changer de points de vue par exemple. Si je dis : “Ephram regardait Ruby, ses yeux étaient magnifique, son sourire était sublime. Ruby baissa le regard.” On change donc de point de vue, on passe de celui d’Ephram à celui de Ruby. Alors il faut qu’il y a un signe précis, une indication précise pour faire comprendre au lecture qu’on a changé de points de vue, pour ne surtout pas le perdre.

3- le point de vue objectif, pas si objectif.

Une autre idée reçue concerne le point de vue objectif. Dans le cas d’un roman écrit au point de vue objectif, le narrateur est hors de l’histoire. Il se contente de relater les faits tels qu’ils sont vus de l’extérieur. Le lecteur n’a donc pas accès aux pensées des personnages ni à leurs sensations intérieures. On dit que c’est un point de vue “objectif” car - de loin - le narrateur semble s’en tenir aux faits réels, sans les interpréter, sans tenter de tirer le lecteur d’un côté ou d’un autre.

Pour l’auteur américain Matthew Neill Null, cette notion d’objectivité est un leurre.

Matthew Neill Null : Le travail de l’écrivain c’est de sélectionner, en toute subjectivité. Guerre et Paix n’est pas objectif, Tolstoï décide quoi vous montrer. Le point de vue omniscient à la troisième personne n’est pas plus objectif qu’à la première personne. Il dénote une personnalité, et cela tient dans cette idée de sélection. En tant qu’auteur, je choisis de montrer une image plutôt qu’une autre au lecteur.

Pour aller plus loin

La question du point de vue vous parait complexe ? Vous avez du mal à identifier quels sont les différents types de point de vue ? Quels sont leurs avantages ? Leurs inconvénients ? Leurs effets sur le lecteur ?

Nous pouvons vous conseiller la lecture de “Premier roman, mode d’emploi” de Laure Pécher (longtemps éditrice aux Editions du Serpent à Plumes) qui consacre un chapitre entier à cette thématique. Vous pouvez également rejoindre l’une de nos formations. Nous abordons la question du point de vue dans notre stage "Les outils de la narration littéraire" ainsi qu’en 1ère année de cycle… Nous l’approfondissons au cours de la 2ème année !

assises internationales du roman virtuelles 2020Si vous souhaitez aller plus loin, nous vous recommandons la lecture ou le visionnage des interviews intégrales de Eskhol NevoMick KitsonCynthia BondDana SpiottaMatthew Neill Null et Jonathan Coe

Cet article est publié dans le cadre de l’édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020]]>
6729 0 0 0 ]]> ]]>
Les stimulis sensoriels dans le roman - Daniel Galera http://www.artisansdelafiction.com/blog/les-stimulis-sensoriels-roman/ Tue, 12 May 2020 09:06:38 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6759 Les stimulis sensoriels dans l’écriture de roman

Une des questions clés auxquelles doit faire face le romancier est pourquoi lit-on des romans ? Les réponses sont nombreuses : pour se distraire, pour développer son empathie en s’identifiant à d’autres personnages que nous même, pour voyager… Mais avant tout, pour vivre une expérience. Ce qui rend un roman immersif c’est la façon dont l’auteur parvient à faire vivre à ses lecteurs l'impression d'une expérience sensorielle immersive. Cela passe par les stimulis sensoriels présents dans l'écriture du roman. Le romancier brésilien Daniel Galera invité aux Assises Internationales du Roman en 2019, nous confie comment il utilise les détails sensoriels pour faire vivre une expérience forte aux lecteurs.

La description des sentiments

Une des premières technique qu’apprend le romancier débutant est qu’il ne faut pas se contenter de nommer les sentiments ressentis par le personnage de roman. Le travail de l’écrivain est plus complexe : il s’agit de décrire ces sentiments, la manière dont ils se manifestent physiquement, corporellement avant d’atteindre la conscience du personnage. Daniel Galera s’appuie sur les recherches du chercheur portugais Antonio Damásio sur la conscience. 

“Il faut fournir la quantité suffisante de stimulis sensoriels dans un roman”

Daniel Galera : Antonio Damásio écrit beaucoup à propos du fait que l’identité humaine et la conscience sont localisées dans le cerveau. Il y a de nombreuses études sur ce sujet, mais Damásio dit que notre identité est connectée à la manière dont notre corps fonctionne et que les informations récoltées par nos sens créent notre conscience C’est ce qu’on appelle la conscience incorporée, dans le sens où votre conscience est connecté au fonctionnement interne de votre corps. En le lisant j’ai réalisé à quel point les stimulis sensitifs sont importants : les 5 sens, la vision, le toucher, l’odeur, les sons. 

Quand j’écris mes livres j’essaie d’utiliser  la description des sentiments, des sensations, d’une manière qui contribue à donner à mes personnages un sens de leur identité, afin que le lecteur se sente plus immergé dans l’histoire. Pour moi, il faut fournir la quantité suffisante de stimulis sensoriels dans vos mots pour absorber le lecteur dans votre livre. J’utilise ces connaissances pour essayer d’écrire mieux. 

Le traitement des détails dans l’écriture de roman 

En tant que lecteur, on se laisse absorber par sa lecture, sans analyser comment procède l’auteur. Et beaucoup d’apprentis écrivains, entraînés par le flot de l’écriture se focalisent souvent sur les idées et les thèmes qu’ils souhaitent aborder. Cela se fait au détriment de la spécificité et de la précision de l’écriture. Or, les détails sont essentiels car ils permettent de procurer au lecteur une expérience sensorielle plus profonde.

Daniel Galera : Les détails sont très importants pour rendre un livre intéressant, crédible et immersif. Mais si vous donnez trop de détails, vous risquez d’ennuyer le lecteur, voir de vous l’aliéner donc vous devez trouver un équilibre avec la quantité de détails que vous donnez.

Mais mon expérience m’a apprise que vous pouvez ajouter un peu plus de détails que ce que la plupart des manuels d’écriture ou des professeurs d’écriture vous suggèrent. Une certaine quantité de détails apparemment inutiles est bonne pour un roman. Quand soudainement vous incluez une petite quantité de détails que vous n’auriez pas besoin de mettre à tel endroit, vous avez plus d’informations, plus de stimulis pour que le lecteur puisse imaginer votre monde. Mais il ne faut pas trop en faire, parce que vous risquez d’ennuyer le lecteur. Il faut trouver un équilibre.

En bonus : la méthode de Daniel Galera 

Les détails sensoriels donneront de la puissance, de l’originalité à votre roman, mais ne seront pas suffisants : il ne s’agit pas de se poser à son bureau et de laisser couler le texte en ajoutant des détails. Il existe autant de méthodes d’écriture que de romanciers. Daniel Galera, lui, passe des années à préparer son roman avant de se lancer dans l’écriture.

“je vois la structure du roman dans ma tête”

Daniel Galera : D’habitude l’idée d’un roman met longtemps à apparaître. Ce n’est pas  comme si je m'asseyais à ma table  et que je décide soudainement d’écrire un roman. Je passe du temps à attendre que des idées apparaissent. Les idées proviennent de différentes sources : parfois de choses que je vois, ou à propos desquelles je lis, parfois de mes expériences personnelles, parfois de la littérature elle-même. Une idée utile doit m’importer intimement. Je pense que chaque écrivain peut sentir quand une idée vaut la peine que l’on écrive à propos d’elle. Et pour moi parfois cela peut parfois prendre des années. J’aime prendre mon temps et commencer par  laisser les idées se développer dans mon imagination. 

Je sais que certains écrivains préfèrent écrire tout le temps. Ils écrivent tous les jours, ils continuent à écrire pour faire venir les idées. Pour moi, c’est différent. Je passe de longue périodes sans écrire pendant lesquelles je pense à ce que je vais écrire. Ça m’est utile car des connections se font lentement dans mon imagination, jusqu’au moment où je vois la structure du roman dans ma tête. Et puis je peux commencer à écrire. 

[caption id="attachment_6773" align="alignright" width="187"] Daniel Galera - Blood Drenched Beard[/caption]

“ C’est habituel de tout changer. “

Avoir la structure du livre en tête permet à certains écrivains de savoir où ils vont. Daniel Galera ordonne cette structure, l’affine, avant de passer à la rédaction.

Daniel Galera : Je commence à prendre des notes, j’essaie de noter des détails à propos des personnages, l’intrigue. Quand le livre a une structure qui est solide pour la narration, je la note : combien de chapitres, qu’est ce qui va se passer dans chaque chapitre, comment ils vont s’enchaîner dans le roman. Je fais des plans puis je commence à écrire. Et d’après mon expérience, cette planification ne sera pas exécutée de manière systématique. J’ai besoin d’un plan pour débuter, mais quand je suis effectivement en train d’écrire le roman, c’est habituel de tout changer.

Un roman résulte vraiment de ces connexions internes. Il pourra se dérouler sur un jour, ou même quelques heures mais il aura la structure d’une histoire longue. C’est parfois dur de garder à l’esprit toutes les relations internes entre les personnages et la structure du livre, donc il est important quand vous écrivez de continuer à penser au roman tout le temps, et pas seulement quand vous écrivez.  Ayez votre roman à l’esprit tout le temps : durant votre temps libre, quand vous faites quelque chose d’autre, quand vous conduisez votre vélo pour aller au boulot,  dans la rue, en mangeant, en prenant une douche. Et laissez ces connexions continuer à se faire dans votre esprit. Je pense que cela rend votre travail plus productif. 

Une autre méthode : écrire spontanément

La question de la méthode d’écriture suscite débat : existe-il une méthode universelle pour écrire des histoires ? Lire des interviews de romanciers parlant de leur façon de travailler leurs romans prouve que chaque auteur fini par mettre au point la méthode de travail qui lui correspond. Daniel Galera, lui,  a tâtonné avant d'affiner sa manière de travailler sur ses romans.

Daniel Galera : Mon premier roman est vraiment court, il a été écrit en 4 mois,  je me suis vraiment assis à mon bureau et je l’ai laissé sortir, je n’ai pas beaucoup pensé à ce que je faisais. Je pense que c’est un bon roman, mais on peut vraiment voir la différence entre ce roman et les suivants, parce que j’ai vraiment commencé à planifier mes romans. Mais le 1er a été écrit presque spontanément. C’était facile pour moi d’écrire comme ça. Mais aujourd’hui, je ne peux plus me contenter de m'asseoir et de laisser le texte couler sans trop y réfléchir. Mais d’autres écrivains écrivent d’une manière différente. Certains écrivains expérimentés vous diront qu'ils ne planifient rien. Ils s'assoient et ce qui leur vient à l'esprit est la chose à écrire. C’est une autre manière de faire. Mais pour moi, le temps passant, je préfère une forme de préparation.

Aller plus loin et apprendre à utiliser les stimulis sensoriels dans votre roman

En tant que lecteur ou en tant qu’apprenti écrivain, vous souhaitez aborder des techniques pour plonger le lecteur au coeur de vos récits ? Les stages techniques “Les outils de la narration littéraire”et  “Préparer et construire un roman” abordent avec précision les technique de description, de mise en scène des émotions des personnages ainsi que la structure du roman et de la scène. Nous y parlons également des stimulis sensoriels dans le roman et nous serons ravis de vous y accueillir.

assises internationales du roman virtuelles 2020Les propos de Daniel Galera ont été recueillis par Isabelle Casse, stagiaire des Artisans de la Fiction. Merci  à elle. 

Cet article est publié dans le cadre de l'édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020

]]>
6759 0 0 0 ]]> ]]>
L’importance des béta-lecteurs de roman  http://www.artisansdelafiction.com/blog/beta-lecteurs-roman/ Tue, 12 May 2020 09:06:28 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6782 L’importance des béta-lecteurs de roman 

Le mythe romantique de l’écrivain retranché dans sa tour d’ivoire voudrait que l’on naisse écrivain, et qu’il faille se protéger de toute influence extérieure afin de préserver sa pureté. L’idée de faire relire son roman, par des lecteurs extérieurs (parfois qualifiés de “béta-lecteurs”) semble une hérésie, un aveu de faiblesse. Or un roman ne se destine à priori pas uniquement à celui qui l’a écrit. Comment toucher des lecteurs, leur faire ressentir des émotions, si on ne passe pas par des lecteurs sélectionnés qui vous vous aider à identifier ce qui ne tient pas la route, n’est pas clair, ou tout simplement ennuyeux ? Le romancier brésilien Daniel Galera invité aux Assises Internationales du Roman en 2019, nous raconte l’utilité de se se former en tant que romancier, et faire relire par des béta-lecteurs son roman.

Le parcours de Daniel Galera

L’approche française vis à vis de l’apprentissage de l’écriture est à la fois très séduisante et très atypique. Depuis la fin du 19ème siècle, à la différence des autres arts, la croyance romantique qu’écrire ne s’apprend pas et que l'écriture doit explorer un au delà de la narration s’est imposée. Écrire c’est comme la Force dans Star Wars : on l’a ou on ne l’a pas. Cette approche n’est pas universelle : les romanciers et romancières étrangers (et pas seulement anglo-saxons) se forment, parfois dès l’école primaire. Cette formation est longue et complexe, car écrire un roman demande la maîtrise d’un artisanat fascinant. Daniel Galera nous raconte comment il s’est formé.

Daniel Galera : J’ai suivis des cours de creative writing au Brésil, un atelier qui se déroule dans la ville où j'habite, c’est un des plus anciens qui existe au Brésil, depuis presque 40 ans maintenant. Quand je suis allé dans cet atelier, j’avais 19 ans. Cela a duré pendant un an. J’étais vraiment jeune, je commençais à écrire. Nous nous rencontrions chaque semaine, et il fallait écrire une nouvelle histoire à chaque séance, c’était beaucoup de travail. Le professeur est devenu assez célèbre au Brésil. Il nous enseignait des points techniques par rapport à l’écriture. Puis nous lisions les textes les uns des autres avant d’en discuter. C’est le seul apprentissage que j’ai eu, mais il a été vraiment important pour moi. 

Suivre des ateliers est essentiel pour écrire. Sinon vous risquez de perdre beaucoup de temps à comprendre des choses que vous auriez saisi plus rapidement en cours. Donc cela vous permet de gagner du temps  pour ce que vous désirez travailler et vous consacrer à vos idées.

Devenir écrivain : modestie et vanité

L’absence de formations à la narration écrite, et l’idée qu’écrire ne s’apprend pas a contribué à développer en France une approche narcissique de l’écrivain. L’apprenti écrivain est sans cesse face à une double contrainte : affirmer d’un côté son génie spontané / se sentir comme un imposteur. Avec la peur que se former créer une écriture formatée. Cette idée est fausse : un écrivain, comme un peintre, un musicien est à la fois un technicien et un artiste. L’absence de connaissances technique dans un domaine créatif ne garantit pas l’originalité. Mais la technique seule ne fera pas non plus un écrivain.

L’apprenti écrivain doit à la fois croire qu’il peut écrire, qu’il a quelque chose à raconter, et apprendre comment le raconter.

Daniel Galera : Vous ne pouvez pas écrire si vous n’avez pas une certaine quantité de vanité à propos de ce que vous faites. En général on dit que la vanité peut tuer un écrivain. C’est vrai, dans le cas d’une vanité excessive.

Il y a une sorte d'égoïsme dans le fait de s'asseoir, d’écrire une histoire et de présumer que des gens seront intéressés. Mais vous avez besoin de ça pour vous y mettre.  Donc soyez tolérant avec votre vanité quand vous commencez à écrire une histoire ou un roman, mais quand c’est presque terminé,  laissez cette vanité de côté et devenez la plus humble des personnes au monde. Ainsi vous pourrez réécrire, et améliorer votre travail. Mais ce sera difficile de commencer si vous ne vous sentez pas important, si vous ne pensez pas que vous avez des choses importantes à dire, que vos sentiments sont importants, vous devez vous mettre dans ce genre d’état d’esprit pour commencer.

"Vous changez votre état d'esprit : vous devenez plus modeste"

Daniel Galera : Il s’agit de travailler et de croire que vous avez quelque chose à raconter. Et à un moment donné vous avez besoin d’avoir des lecteurs et cela change votre état d’esprit, cela vous rend peut-être plus modeste. Peut-être que vous vous dites “mon esprit est inutile”  et vous vous relisez et vous commencer à voir les problèmes et vous découvrez ce que vous avez réellement écrit dans votre 1er manuscrit, et vous un écrivez un second, et un troisième et peut-être que ce sera la meilleure chose que vous pouviez écrire. 

Tout romancier sérieux apprendra en lisant les autres auteurs, en analysant leurs forces. Lorsqu’il se lance dans l’écriture, il se comparera à ses auteurs de référence (pas en terme de statut mais en terme de maîtrise). Il ajoutera son travail, le reprendra, car, comme tous les écrivains que nous avons interrogés, “l’écriture c’est avant tout de la réécriture”.

Daniel Galera : Un livre n’est jamais terminé. C’est juste qu’il arrive un moment où c’est le mieux que vous pouviez faire avec le temps dont vous disposiez, et vous arrêtez. Mais bien sûr, si je relis mes livres précédents, je trouverai toutes sortes de choses que je veux améliorer. Ce sera toujours le cas. On doit travailler avec des contraintes de temps, et c’est ce que nous faisons le mieux. Mais il y a toujours la place pour l’amélioration. Toujours.

Avoir des retours honnêtes sur son travail 

Vivre dans le mythe de la pureté de l’écrivain peut finir par devenir une prison. L’idée de réécrire paraît insupportable. L’idée que quelqu’un vous relise est traumatisante. Certains auteurs s’érigent contre l’idée de se faire relire, que ce soit par leur éditeur ou par des lecteurs privilégiés. Et pourtant de nombreux romanciers et romancières se font relire. A quoi cela leur sert-il ? Un auteur se fait relire parce qu’il est responsable de l’expérience qu’il propose à ses lecteurs. Ce travail lui incombe, mais il finit, à force de travail par manquer de recul. Le montage d’un film demande au cinéaste de tâtonner, et de soumettre à des proches la version temporaire de son film, afin d’évaluer l’effet produit.

“Un bon lecteur vous dira que votre travail n’est pas bon, pas prêt. “

Daniel Galera : Quelques uns des mes amis, qui sont aussi écrivains, me relisent. Ce sont les béta-lecteurs de mon roman. Ils lisent mes premières versions depuis mon premier manuscrit. Et je lis leur travail également. C’est un échange, une relation de confiance. Car ça peut être vraiment difficile d’avoir un regard totalement honnête sur son travail. Quand un ami, une connaissance et même un professeur parfois, vous dit qu’il qu’il vous donne un avis honnête sur votre livre, habituellement cette personne va essayer de vous faire plaisir.

De bons béta-lecteurs de roman sont des personnes qui ne vont pas essayer de vous faire vous sentir bien. Ils vous diront que votre travail n’est pas prêt, n’est pas bon, et chaque écrivain a besoin de ça. Et vous pouvez faire cela en ayant des lecteur, ou de faire partie d’un groupe, d’un atelier de littérature par exemple, où vous pouvez vous lire les uns les autres, et avoir cet environnement ou vous pouvez être vraiment honnêtes vis à vis de ce que les autres écrivent.

“Pour chaque histoire le romancier devrait chercher des béta-lecteurs spécifiques”

[caption id="attachment_6772" align="alignleft" width="221"]béta-lecteurs roman Daniel Galera - The Shape of Bones[/caption]

La responsabilité qui pèse sur les épaules d’un romancier ou d’une romancière est gigantesque. À la différence du dramaturge de théâtre, ou du cinéaste qui dispose d’une équipe pour interpréter les personnages, construire les décors, fabriquer les costumes, gérer les éclairage, l’auteur doit tout faire. Or un écrivain ne sait pas tout. C’est pourquoi il fait parfois appel à des lecteurs ayant des connaissances techniques, culturelles ou psychiques qu’il ne possède pas.

Daniel Galera : Parfois je fais appel des béta-lecteurs qui peuvent me donner une opinion à propos de sujets spécifiques ou certains aspects techniques de tel roman spécifique. Parfois ces lecteurs peuvent êtres des personnes avec qui j’ai discuté, au cours de ma phase de recherches. Par exemple pour mon dernier roman, Minuit vingt, il y a un personnage qui est scientifique, elle fait de la recherche biochimique.

Et bien sûr je ne connaissais rien à la manière dont ces gens travaillent à l’université. Donc j’ai trouvé une scientifique qui travaille dans ce champ. Elle est devenue ma source sur le fonctionnement universitaire de ce domaine. Quand j’ai terminé mon manuscrit, je lui ai soumis afin qu’elle puisse le lire et me dire spécifiquement comment ce personnage fonctionnait et elle m’a donné énormément d’informations précieuses, des ajustements, des corrections.

Donc pour chaque histoire, pour chaque roman, je pense que le romancier devrait rechercher des béta-lecteurs spécifiques, d’avis éclairés. Je pense que sinon nous ne pouvons pas écrire à propos de ce que nous ne connaissons pas. Nous pouvons lire à ce sujet, rencontrer des gens. Le travail d’un écrivain est en grande partie solitaire, mais à un moment donné on doit entrer en contact avec d’autres gens si on veut faire un vraiment bon livre. 

Un exemple : la prosopagnosie

Quand on se lance dans l’écriture, on peut avoir peur de n’avoir rien à raconter. On peut aussi se lancer dans l'écriture de choses que l’on ne connaît pas et produire des histoires stéréotypées (raconter par exemples des histoires d’amour ou de chasse au psychopathe se déroulant à New York alors que l’on n’y a jamais mis les pieds). Un stéréotype est un terme d’imprimerie : c’est un processus qui consistait à réaliser un moulage bon marché d’une plaque d’imprimerie composée en caractères mobiles. La copie était de moins bonne qualité que l’original, et se dégradait de copie en copie.

Un auteur aura toujours besoin d’incorporer de nouvelles idées, de nouvelles connaissance dans ses histoires, s’il désire qu'elles soient riches et singulières. Daniel Galera nous raconte comment il procède.

Daniel Galera : Prenons par exemple la prosopagnosie. C’est une maladie dont les patients sont incapables de reconnaître ou de se souvenir des visages rencontrés. C’est une vraie maladie. J’ai lu à ce sujet dans un livre écrit par António Damásio. En lisant ça je me suis dit “c’est quelque chose de vraiment incroyable”, j’ai pris des notes en pensant qu’un jour je créerais peut-être un personnage souffrant de cette maladie.

Quand j’écrivais Blood-Drenched Beard, mon roman précédent, un homme va dans une petite ville pour enquêter à propos de la mort de son grand père, des décennies auparavant. J’ai pris conscience que s’il souffrait de cette maladie, cela créerait plein de situations intéressantes. Parce qu’il doit rencontrer des nouvelles personnes et leur poser des questions délicates à propos du passé. Donc tout le monde devient une menace pour lui. Parce qu’il parle à quelqu'un, et le lendemain il ne reconnaît pas cette personne. C’est pourquoi j’ai décidé d’utiliser cette maladie pour ce roman.

Aller plus loin

assises internationales du roman virtuelles 2020Si vous souhaitez en savoir plus sur la réécriture d’un roman, le dramaturge et romancier, Yves Ravey interviewé aux Assises Internationales du Roman nous raconte le processus d’écriture et de réécriture d’un  roman 

En tant que lecteur ou en tant qu’apprenti écrivain, si vous souhaitez vous aller plus loin les stages “Identifier ses territoires d’écriture”et  “Préparer et construire un roman” abordent avec précision la manière dont on nourrit ses histoires de son expérience, avant de la transformer pour créer des histoires universelles ainsi que la structure du roman et de la scène. Nous serons ravis de vous y accueillir. Nous apprenons également à nos élèves comment devenir de bon béta-lecteurs de roman en faisant des retours aux autres à chaque séance.

Les propos de Daniel Galera ont été recueillis par Isabelle Casse, stagiaire des Artisans de la Fiction. Merci  à elle. 

Cet article est publié dans le cadre de l'édition virtuelle des Assises Internationales du Roman 2020

]]>
6782 0 0 0 ]]> ]]>
Interview - Parole d'auteure : Regina Porter - AIR 2020  http://www.artisansdelafiction.com/blog/interview-regina-porter/ Wed, 13 May 2020 10:42:26 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=6793 Interview - Regina Porter - AIR 2020  Regina Porter est une dramaturge primée et une diplômée de l'Iowa Writers' Workshop, où elle a été boursière de l'Iowa Arts Fellow. Elle est née à Savannah, en Géorgie, et vit à Brooklyn. “Ce que l’on sème” (The Travelers) est son premier roman. Regina Porter donne également des cours de creative writing. Interviewée dans le cadre des AIR 2020 elle témoigne en exclusivité de son apprentissage de l’écriture, de sa manière de travailler sur un roman, et des cours qu’elle donne. [caption id="attachment_6797" align="alignnone" width="509"]Parole d’auteur regina porter Photographie de Francesca Mantovani, Regina Porter [/caption]

L'interview de Regina Porter

Regina Porter, comment avez-vous appris à écrire de la fiction ?

Regina Porter : Je suis encore en train d'apprendre à écrire. Cela semble être un cliché de dire cela, mais chaque jour est un nouveau départ. Mon intérêt pour l'écriture a commencé par l'écoute des gens qui m'entourent : famille, voisins, amis. Les mots que les gens utilisent sont pleins de contradictions. Leur façon de parler et leur langage corporel changent lorsqu'ils sont à une grande réunion sociale ou qu'ils se tiennent seuls au bas des escaliers - en chuchotant au sujet d'un invité qui est parti. 

Vous dites que vos premières tentatives d'écriture de roman ont été horribles et que ces romans ne sortiront pas de votre tiroir (dans le journal français Libération). Qu'est-ce qui n'allait pas avec ces tentatives ? 

Regina Porter : J'ai écrit mon premier roman en essayant de contrôler les personnages et l'intrigue. J'ai tracé et écrit des esquisses détaillées des personnages, et une prépondérance de notes qui m'ont laissé, très franchement, sans rien à dire.  Pour les étudiants, je poserais cette question : Lorsque vous rencontrez une nouvelle personne, savez-vous tout sur elle ? La découverte est la moitié de la joie (ou du cauchemar). Apprendre à connaître quelqu'un de nouveau est un voyage qui exige de la curiosité, de l'incertitude et de l'intimité.

Parole d’auteur regina porterDepuis votre première tentative d'écrire une fiction pour "Ce que l’on sème / The travelers", qu'avez-vous le plus amélioré ?

Regina Porter : Peut-être la compression et l'expansion du temps. Il y a des portraits intimes de la vie des personnages, avec une toile de fond historique. Pour cela, il a fallu juxtaposer le flash et l'immobilité. Les photographies représentent une sorte d'immobilité, une couche supplémentaire de conversation dans le cadre du récit qui rappelle aux lecteurs que ces personnages vaquent à leurs occupations quotidiennes, mais que l'histoire leur arrive.

Sur quoi avez-vous mis l'accent ?

Regina Porter : Suivre la vie interne et externe de chaque personnage avec la bonne mesure de distance et d'empathie.

Aujourd'hui, comment écrivez-vous un roman ? Comment organisez-vous le travail (recherche, travail préparatoire, construction et planification, écriture et édition) ?

Regina Porter : J'écoute beaucoup de musique quand j'écris. En ce moment précis, j'écoute du jazz ancien. J'oublie, mais je peux d'une certaine manière accéder à un détail visuel viscéralement comme si un court métrage passait devant moi. Il y a une intensité de sentiment que possède un personnage qui me conduira à ses goûts, ses aversions, son histoire personnelle et sociale, si je fais confiance au processus.

Vous êtes diplômé de l'Iowa Writer's Workshop : comment cette expérience a-t-elle changé votre façon de travailler et/ou d'écrire ?

Regina Porter : J’ai compris que l'écriture est une pratique. Il y a des périodes où j'ai froid ou l'écriture a froid, mais l'Iowa m'a donné le tempérament pour revenir à ma pratique.

Comment vous sentiez-vous à l'idée d'écrire un roman avant de participer à l'atelier d'écriture de l'Iowa ?

Regina Porter : J'avais désespérément besoin d'un endroit tranquille où entendre mes personnages.

L'Iowa Writer's Workshop est célèbre en France, mais reste très mystérieux. Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont l'écriture y est enseignée ?

Regina Porter : Il y a des ateliers hebdomadaires le mardi. Deux étudiants y travaillent chaque semaine. Les pairs doivent lire et analyser le travail. Ils doivent écrire une lettre pour les histoires des ateliers, décrivant ce qu'ils pensent de l'histoire, certains éléments qu'ils aiment dans l'histoire et les points à améliorer. Pendant le cours, l'enseignant demande un retour d'information sur le roman ou l'histoire et les travaux sont longuement discutés.

Ici en France, les gens craignent que l'apprentissage de l'écriture créative conditionne les écrivains et les romans, comme si les livres se ressemblaient tous à la fin. Quelle est votre position face à cette crainte ?

 

Parole d’auteur regina porter

Les écrivains qui participent à des programmes d'écriture ont des personnalités, une éthique professionnelle et des objectifs différents. J'ai reçu de précieux conseils dès le début. 

  1. A) Trouvez trois écrivains dans le programme qui comprennent votre travail et faites-en vos lecteurs pour la vie.
  2. B) (D'un libraire du Strand à New York) : N'allez pas là-bas et revenez ici en écrivant comme tout le monde. Pendant mes deux années à l'atelier des écrivains de l'Iowa, il y avait des écrivains d'Afrique du Sud, de France, d'Allemagne, de Malaisie, du Ghana, du Nigeria, des Caraïbes, de Chine, de Corée, de Colombie, d'Espagne....

J'ai également vécu dans un B&B international avec des médecins, des scientifiques et des artistes du monde entier.  Mon premier instructeur d'atelier était Margot Livesey, qui est originaire d'Écosse. Ainsi, au moins pour l'écriture de "Ce que l’on sème / The travelers", j'ai atterri dans un environnement propice à la portée mondiale du roman.  Un programme d'écriture donne aux écrivains un temps ininterrompu pour écrire. Personne ne peut vous apprendre à écrire, mais un bon professeur peut vous inspirer à prendre des risques, à trouver votre voix et à devenir un meilleur écrivain.

Il y a la technique, et il y a le tissu conjonctif. Idéalement, les deux se marient et vivent heureux pour toujours ou bien ils se battent comme des chats et des chiens. La technique se concentre sur les éléments de l'artisanat : caractérisation, structure, intrigue, pov, dialogue, mise en scène, voix, construction du monde, exposition, etc. Mais le tissu conjonctif (ou l'âme) d'un roman - le jus - est ancré dans l'imagination, l'éducation et l'expérience personnelle de chaque écrivain.  C'est la question qu'il/elle veut démêler ou à laquelle il/elle veut répondre qui l'oblige à s'embarquer dans un voyage souvent assez solitaire. 

Vous écrivez également des pièces de théâtre et des téléfilms pour la télévision : quelles sont les similitudes et les différences par rapport à l'écriture de roman en ce qui concerne les travaux préparatoires et la construction ?

Regina Porter : Les pièces sont centrées sur les personnages et les dialogues. Alors que le cinéma et les téléfilms prennent leur élan à partir des personnages, de l'intrigue et des détails visuels. Le dialogue est important, mais moins. Un roman peut être écrit sans intrigue ou même sans personnage ni dialogue.  Un roman peut être écrit avec tout ce qui précède (y compris une pièce de théâtre et un téléfilm). Les passages descriptifs dans la fiction sont, à mon avis, similaires à la cinématographie dans un film. Donc, encore une fois, les supports sont distincts, mais ils sont aussi alignés. 

Collaborez-vous toujours avec les éditeurs pour écrire/réécrire vos œuvres de fiction ?

Regina Porter : Une fois qu'une œuvre est terminée et que j'ai un projet suffisamment solide pour le soumettre, mon agent l'envoie à l'éditeur qui le lit et me fait part de ses commentaires. J'ai eu la chance d'avoir Alexis Washam comme rédacteur en chef. L'une des raisons pour lesquelles j'ai choisi Hogarth est qu'Alexis a compris que les photographies faisaient partie intégrante de l'écriture du roman. Elle a tenu sa parole de ne pas me dissuader de les utiliser. L'imprimerie Hogarth a également été fondée par Virginia Wolfe. 

Avez-vous déjà regretté le travail effectué sur votre fiction avec un éditeur ? 

Regina Porter : Pas encore. 

Les romans et les pièces de théâtre sont mis au défi par les nouvelles formes de fiction (séries, jeux vidéo...) : aimez-vous ou craignez-vous ce défi ?

Regina Porter : Lorsque les gens s'adonnent à des beuveries dans les émissions de télévision, je dis parfois qu'ils lisent la télévision. Des lecteurs passionnés se sont jadis abreuvés de chapitres d'œuvres de Charles Dickens en série.  L'été dernier, je suis allé au Japon et j'ai passé un après-midi au musée du Manga à Kyoto avec ma fille cadette. Ce même été, nous sommes allés au musée Benjamin Franklin et avons passé l'après-midi à apprendre l'histoire de Marvel Comics. Il y avait tellement de fondements politiques, sociaux et sexuels dans les expositions. Je me suis sentie ignorante et ravie d'une manière qui se manifestera sûrement à un moment donné dans mon approche de la narration.

Voyez-vous des différences entre les écrivains français et américains en ce qui concerne le savoir-faire de l'écriture ? 

Regina Porter : Il est possible que les écrivains français aient plus de liberté pour laisser leurs récits et certains aspects de leurs récits ouverts, non déclarés, inconnus.  Mais je n'aime pas les catégories et cela pourrait être une généralité.

Vous donnez également des cours d'écriture créative, pouvez-vous nous parler du contenu de ces cours ?

Regina Porter : Mes cours de création littéraire se basent sur une question : comment se frayer un chemin dans un monde dangereux ? Toutes les histoires sont liées aux contes de fées et les contes de fées s'inspirent de la vie. Je pourrais juxtaposer Hansel et Gretel avec une histoire de Karen Russell pour explorer les personnages et l'intrigue et comment le danger se joue dans notre monde moderne.

Pouvez-vous nous donner un exemple d'exercice que vous donnez à vos élèves ?

Regina Porter : Les chansons ont un début, un milieu et une fin.  Elles racontent des histoires. Je demande à mes élèves d'apporter une chanson préférée en classe pour la partager. Je leur demande pourquoi ils aiment cette chanson ? Où ont-ils entendu la chanson pour la première fois et que faisaient-ils à ce moment-là ? Je leur demande à quelle fréquence ils écoutent la chanson. Je ne leur dis pas cela - l'enseignement est largement intuitif pour moi - mais les chansons révèlent souvent des éléments dans leur approche narrative, leurs voix, le rythme de leurs histoires.

La musique offre une opportunité de mouvement et d'émotion. Vous pouvez écouter une chanson préférée encore et encore et être ému jusqu'aux larmes ou poussé dans une frénésie de danse. C'est également l'objectif d'une bonne histoire : transporter le lecteur quelque part.  Je leur demande aussi de donner à leurs personnages des tâches que je pourrais leur demander d'accomplir, par exemple écrire sur une époque où ils étaient perdus, puis passer de la première à la troisième personne lors d'un exercice d'écriture en classe.

Recommandez-vous à vos élèves de lire des manuels d'écriture créative ?

Regina Porter : The Art of Time in Fiction de Joan Silber. 

Enseignez-vous à vos élèves la façon dont les autres écrivains construisent leurs romans ?

Regina Porter : Les écrivains ont des points forts différents. Ainsi, si je remarque qu'un écrivain se débat avec le POV, je pourrais inclure dans notre dossier de lecture hebdomadaire une histoire d'un écrivain établi dont l'approche du point de vue du public est magistrale et discuter des différents choix que cet écrivain a faits dans l'exécution de son histoire.

Est-ce que l'enseignement de la création littéraire vous aide à écrire vous-même ?

Regina Porter : J'ai élaboré un plan de cours hebdomadaire. Il y a toujours quelque chose dans ce plan de cours qui m'aide aussi à apprendre.

Qu'est-ce qui vous surprend le plus dans le travail de vos élèves ?

Regina Porter : Leur énergie et leur voix de jeunesse. Leur soif de trouver leur place dans un paysage humain changeant et d'exprimer cette soif dans leur travail.  J'aime le sentiment d'assurance que beaucoup d'étudiants emmènent avec eux vers la fin de l'atelier. Le flou est remplacé par l'intelligence émotionnelle et, oui, par une compréhension plus complète de l'artisanat. 

Quels conseils donneriez-vous à un jeune auteur ?

  1.     Lisez de la fiction, de la non-fiction et de la poésie.
  2.     Évitez de retravailler la même histoire en classe ou à la maison, car trop d'opinions peuvent être préjudiciables. Et parfois, retravailler est un moyen de procrastination.
  3.     Un mauvais premier jet est meilleur qu'un premier jet dilué à la recherche d'un sens parfait. 
  4.     Lorsque vous êtes bloqué, promenez votre chien ou jouez avec votre chat. Si vous n'avez pas de chien, promenez-vous.
  5.     Si la fin est au début, pourquoi ne pas trébucher vers la fin ?
assises internationales du roman virtuelles 2020

Cette interview de Régina Porter vous est proposée grâce à la collaboration de la Villa Gillet.

Nous remercions tout particulièrement Léa Rumiz sans qui elle n'aurait pu êtr réalisée. 

 ]]>
6793 0 0 0 ]]> ]]>
Le fonctionnement d'une maison d'édition : Les éditions Le Clos Jouve http://www.artisansdelafiction.com/blog/les-editions-le-clos-jouve/ Thu, 09 Jul 2020 14:01:14 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7217 Le fonctionnement d'une maison d'édition : Les éditions Le Clos Jouve Fréderick Houdaer, auteur et formateur aux Artisans de la Fiction nous parle de sa maison d'édition : Les éditions le Clos Jouve. Il revient sur la création de cette maison d'édition et sur la collaboration, essentielle, entre éditeur et auteur.  

Créer une petite maison d'édition en 2019 pouvait paraître audacieux. Mais, fortes d'une ligne éditoriale à contre courant, Les éditions du Clos Jouve ont remporté leur pari. Frédéric Houdaer co-fondamteur des éditions du Clos Jouve nous explique le projet éditorial et nous détaille comment fonctionne la sélection des manuscrits au sein de cette ambitieuse maison d'édition.

Quel a été le point de départ de votre maison d’édition ?

Fréderick Houdaer : Un constat partagé avec mon camarade Philippe Bouvier (nous avons créé les Editions Le Clos Jouve à deux), une sorte d’état des lieux fait autour de notre cinquantième année. Je sortais de douze années dans la petite édition, j’avais eu en charge une collection de romans francophones puis une collection de poésie chez deux petits éditeurs différents, j’avais sorti une trentaine de titres en tout.

Philippe Bouvier, lui, sortait d’un parcours aussi riche et éreintant, mais dans un tout autre domaine : celui du syndicalisme et du travail d’expertise dans le domaine de la santé au travail. Il avait révélé ses capacités éditoriales en s’occupant du « Grain de sel » sur Internet, au départ simple (mais historique) journal « des communistes de la Croix-Rousse », mais en parvenant à agréger de nombreux auteurs autour de lui, la plupart non encartés voire non-lyonnais, dont des poètes comme Michel Thion… et des légendes vivantes de l’histoire de l’édition comme Gérard Guégan (premier traducteur et éditeur de Bukowski en France). Cela faisait des années que je disais à Philippe Bouvier qu’il était un éditeur dans l’âme, qu’il devait créer sa maison d’éditions. Il y a mis ses conditions : qu’on le fasse ensemble (même si l’apport financier est venu de lui).

 Aviez-vous déjà entre les mains des manuscrits que vous souhaitiez publier au lancement ?

Fréderick Houdaer : Oui, deux des auteurs que nous venons de publier au « Clos Jouve » étaient initialement prévus dans la collection « poésie » dont je m’occupais au Editions Le Pédalo Ivre. Signalons notamment Sammy Sapin et son « J’essaie de tuer personne », poésie-documentaire d’une petite centaine de pages sur son métier d’infirmier. Un recueil très bien accueilli.

Avez-vous lancé un appel à manuscrits ?

Fréderick Houdaer : Non.

Qu’est ce qui a suscité l’arrivée de manuscrits dans votre maison d’édition ?

Fréderick Houdaer : Philippe Bouvier et moi-même (qui n’avons pas les mêmes réseaux, d’où l’importance de les croiser) avons appris à nous servir… des réseaux sociaux. Premier résultat : la page Facebook des « Editions Le Clos Jouve » a dépassé les 7000 lïkes en à peine deux mois !

Combien de manuscrits recevez-vous ?

Fréderick Houdaer : Deux par semaine, pour l’heure. Ça reste gérable.

Quelle est la charge de travail représentée par la lecture de ces manuscrits ?

Fréderick Houdaer : Cela peut être très rapide comme très long. Nombre des manuscrits que nous recevons sont très éloignés de notre ligne éditoriale (pourtant précisée sur notre site, voir réponse un peu plus bas). De toute façon, la règle d’or pour nous est « l’unanimité à deux », dans tous les domaines. Du choix initial du papier, par ex., aux textes que nous retenons.

Acceptez-vous uniquement les manuscrits papier ? Pourquoi ?

Fréderick Houdaer : La version papier est préférable. Nous passons suffisamment de temps comme ça devant nos écrans.

Renvoyez-vous les manuscrits qui vous sont adressés s’ils sont accompagnés d’une enveloppe affranchie ?

Fréderick Houdaer : Oui.
[caption id="attachment_5975" align="aligncenter" width="382"] Fréderick Houdaer[/caption]

Pensez-vous que joindre une lettre au manuscrit soit utile ?

Fréderick Houdaer : Une brève présentation de l’auteur(e), (de son éventuelle biblio) et du travail qu’il nous propose, oui. Mais que cela tienne en une page grand maximum.

Quels sont les manuscrits qui vous horripilent le plus ?

Fréderick Houdaer : Ceux envoyés par des personnes qui ne se sont visiblement pas intéressés à ce que nous avons déjà publié au Clos Jouve, qui n’ont même pas regardé notre site Internet où notre ligne éditoriale est clairement expliquée, la spécificité de chacune de nos collections, etc.«

Un éditeur, ça se définit par son catalogue. » (François Maspero dixit).

Quel est le plus gros problème que présentent les manuscrits ?

Fréderick Houdaer : Ils sont écrits par des gens qui n’ont visiblement pas lu grand-chose. Et qui sont donc illisibles, ou présentent fort peu d’intérêt.

Quels sont les problèmes d’écriture de ces manuscrits ?

Fréderick Houdaer : Louis-Ferdinand Céline parlait du « manque de travail ». Trois mots qui résument bien des choses.

Sentez-vous une réticence à retravailler un texte de la part des auteurs que vous publiez ou au contraire une demande ?

Fréderick Houdaer : Il est le plus souvent nécessaire qu’un dialogue s’engage entre l’auteur et son éditeur, autour de son texte. Quatre de nos cinq premiers titres ont été retravaillés, tant sur le plan de l’écriture que sur celui de la composition (l’une de nos collections est réservée aux recueils, et le « faire recueil » comme je l’appelle n’est pas toujours évident pour un auteur, même doué, une fois qu’il a regroupé une centaine de textes en croyant « y être parvenu »).

Les éditions Le Clos Jouve

Préférez-vous passer une commande à un auteur dont vous connaissez le travail plutôt que de recevoir des manuscrits ?

Fréderick Houdaer : Quand on s’intéresse au travail de certains auteurs depuis des années, il est naturel de se tourner vers eux pour engager une collaboration. Ce n’est pas du copinage. Après… le Clos Jouve a publié les premiers livres de trois auteurs (Jindra Kratochvil, Judith Wiart et Michel Sportisse). Mais nous avions déjà repéré le travail de ces trois personnes sur Internet.

Avez-vous d’autres moyens de repérer de nouveaux auteurs autre que la réception des manuscrits ?

Fréderick Houdaer : Internet et les revues.

Comment vous êtes-vous formé au travail d’éditeur et au travail de ré-écriture que ça demande ?

Fréderick Houdaer : Sur le tas. En lisant beaucoup. Et en refaisant certains livres peu convaincants que je lisais (comme on peut refaire le film, en sortant du cinéma). En tant qu’auteur, j’ai souffert que certains de mes éditeurs ne m’aient pas invité à « revoir ma copie ». Mon dernier éditeur par contre (« Le Dilettante ») a fait ce boulot.

Quand vous êtes face à un manuscrit qui vous intéresse mais qui n’est pas totalement abouti, que faites-vous ?

Fréderick Houdaer : Je me retrousse les manches. Et j’invite l’auteur à en faire de même.

Qu’est ce qui fera au final pencher la balance en faveur de tel manuscrit ?

Fréderick Houdaer : La première impression à la première lecture du manuscrit + en cas de retravail nécessaire (ce qui est le cas quatre fois sur cinq), la qualité du dialogue entamé entre éditeurs et auteur, l’écoute de part et d’autre, l’humilité (au sens « technique » et non « moral ») mise en œuvre autour du livre à naître.

Aimeriez-vous que les auteurs puissent se former en amont afin d’éviter de vous envoyer les manuscrits non aboutis que vous recevez ?

Fréderick Houdaer : Certainement. L’éditeur est un accompagnateur pour l’auteur qu’il a choisi, pas un papa ou une maman. C’est la responsabilité de l’auteur de se frotter le plus tôt possible à la réécriture de son travail, c’est son privilège également. Et s’il a la possibilité de se former…

Par rapport au travail que représente la sélection d’un manuscrit, le travail sur l’achat et la traduction d’un livre déjà publié est-il plus simple ?

Fréderick Houdaer : Aux éditions le Clos Jouve, nous avons eu deux cas de figure. Nous avons réédité « Portraits perdus d’Antoine Vitez » du grand critique de théâtre Jean-Pierre Léonardini. L’ouvrage était devenu introuvable, son premier éditeur ayant baissé le rideau. La réédition n’a posé aucun problème.

Nous avons dû par contre renoncer à publier une poétesse amérindienne remarquable. Sans compter les frais de traduction, son agent (aux States, certains poètes ont des agents littéraires !) réclamait une somme d’argent impossible pour nous.

Envisageriez-vous de ne publier plus que des traductions ou des rééditions ?

Fréderick Houdaer : Nous continuerons à publier ET des rééditions ET des textes inédits. Pour les traductions, nous verrons.

Quelles seraient vos recommandations aux auteurs envoyant des manuscrits ?

Fréderick Houdaer : Intéressez-vous à notre ligne éditoriale, déclinée en trois collections et bien présentée sur notre site !

Si vous aviez la possibilité d’être entendue par ceux et celles qui envoient des manuscrits, que leur diriez-vous ?

Fréderick Houdaer : N’envoyez jamais un manuscrit comme une bouteille à la mer. Choisissez avec soin les éditeurs que vous sollicitez. Lisez, écrivez le plus possible (mais je crois qu’un certain Stephen K. l’a déjà dit). Et, pour citer un autre auteur, Pierre Lemaître « l’écriture n’existe pas, il n’existe que la réécriture ».

Merci aux Artisans !

]]>
7217 0 0 0 ]]> ]]>
David Defendi - Interview http://www.artisansdelafiction.com/blog/david-defendi-interview/ Wed, 04 Nov 2020 12:30:15 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7424 Interview de David Defendi : son parcours David Defendi, auteur, scénariste, réalisateur et journaliste revient dans cette interview sur son parcours. Il nous livre le cheminement qui a été le sien depuis l'écriture de son tout premier roman et partage ce qu’il pense de l’apprentissage de la fiction en France. 

Le parcours de David Defendi 

David Defendi possède de nombreuses casquettes. En effet il est auteur, scénariste, réalisateur aussi bien pour la télévision que pour le cinéma, mais aussi entrepreneur et journaliste. De fait il a toujours évolué dans les milieux de l’écriture. Il a travaillé plusieurs années à l’étranger, notamment aux Etats-Unis, en tant que journaliste et collabore avec plusieurs scénaristes (entre autre Ed Burns, co-createur de The wire/ sur écoute et Treme, et le réalisateur Coréen Kim Jee Woon / A Bitttersweet Life ). Il est notamment connu pour ses œuvres : L’arme à gauche (Flammarion), Braquo (Flammarion Noir) et son dernier roman, publié en 2016 : Têtes de dragon (Albin Michel).  C’est en allant aux Etats-Unis que David Defendi découvre les polars et plus particulièrement les œuvres de James Ellroy. Il abandonne la "posture latine empreinte de snobisme” face aux littératures de genre et se lance dans l'écriture d'un roman noir. Très vite, il réalise que l’envie d’écrire et la motivation sont là... mais les résultats se font attendre. Sans connaissances techniques il tâtonne pendant longtemps avant de comprendre comment construire son récit.

“J’ai perdu beaucoup de temps”

David Defendi s’appuie alors sur une trame narrative réelle, inspirée de la vie des gens qu’il a connu. Instinctivement, il sent que son plan doit se dérouler selon un enchaînement spécifique pour que l’histoire fonctionne.  Il prépare en amont des ébauches de plan pour ses chapitres qui lui permettront par la suite de structurer correctement son histoire.  En effet, ce que David Defendi pressent à l’époque n’est autre que les différentes étapes d’un archétype d’histoire : toutes les histoires que nous connaissons, lisons, regardons, respectent des grandes structures qui existent depuis les débuts de la narration (les mythologies, les contes, les légendes) : la quête, le voyage du héros, la tragédie etc... Chacune des ces structures se distingue par de grandes étapes (des "moments clés") qui produisent le rythme mais surtout la logique et donc la puissance  d'un récit. Connaitre, reconnaitre et maitriser ces grandes "histoires archétypales" permettent de mieux raconter les histoires qu'on cherche à raconter et à faire vivre des émotions fortes à ses lecteurs.  L'originalité d'un auteur vient de sa capacité à maitriser un archétype d'histoire, de le combiner avec d'autres, d'en faire des variations... mais jamais de l'ignorer.

Les territoires d’écriture : utiliser son vécu 

L'intrigue du premier roman de David Defendi, “L’arme à gauche”, est basée sur la vie d’un jeune voyou que le père de l'auteur a fréquenté. Cette histoire, entremêlée au vécu de sa famille, crée une résonance particulière chez le romancier qui s’identifie à ce personnage.  [caption id="attachment_7441" align="aligncenter" width="580"] Le premier livre de David Defendi, inspiré par son histoire familiale.[/caption] David Defendi utilise ses territoires d'écriture personnels. C'est à dire les histoires réelles dans lesquelles il a baigné, dont il a été le témoin voire le spectateur privilégié. Il utilise ce matériau authentique, cette connaissance singulière pour construire un récit de fiction qui conserve la puissance de la réalité. Connaitre et maitriser ses territoires d'écriture est l'une des tâches qui incombent à l'écrivain : au delà d'être un bon observateur, l'écrivain doit être à l'affût des histoires et des univers qu'ils connait et utiliser la puissance universelle de leur singularité.

La différence entre la littérature et l’audiovisuel  

Le monde de l’audiovisuel se professionnalise plus rapidement que celui de la littérature. Toutefois, le cinéma français a longtemps été dans une démarche intuitive. Le courant de la Nouvelle vague cassant les structures d’histoire, les auteurs se forgent une image de solitaire sans règles qui, peu à peu, entraîne l’irrespect de celui qui crée l’histoire : le scénariste. C’est le réalisateur qui devient la figure du proue du cinéma. D’après David Defendi ce mépris du scénariste tend à évoluer. Et cela en particulier grâce à l’industrie américaine qui rend ses lettres de noblesse à cette profession.  Ed Burns, l’auteur de The Wire, contribue à renverser la donne. Il participe à la prise de conscience de David Defendi qui, en le fréquentant, se met à se demander : pourquoi les scénaristes ne sont-ils pas respectés ? Pourquoi travaillent-ils à l’instinct ? David Defendi réalise alors que nous avons beaucoup à apprendre des anglo-saxons. 
“Il existe tout un monde, dans l’angle-mort de l’industrie culturelle française” 
Pour David Defendi il faut absolument montrer ce monde aux jeunes romanciers pour leur permettre de manipuler les structures, de les assimiler et de gagner du temps. Cela passe également par l’observation des techniques des grands romanciers et des grands scénaristes. Afin de reconnaître les outils qu’ils utilisent et de les utiliser à son tour. 

Le mythe du génie français 

David Defendi a vécu et travaillé aussi bien en France qu’aux Etats-unis. Ainsi nous lui avons demandé de partager son expérience et de nous parler de la façon dont l’écriture est abordée dans les deux pays. D’après lui il existe, en France, un véritable mythe du génie, basé sur l’inspiration transcendante et sur le talent, souvent caché, du romancier. Tandis que les américains, comme les autres anglo-saxons, ont un rapport très professionnel à la narration.  Les romanciers ont conscience qu’il existe des règles, des outils, propres à la narration. Et ils admettent volontiers qu’il faut les maîtriser avant de pouvoir s’en défaire et les briser. A l’inverse, pour David Defendi, nous sommes en France dans une forme permanente de révolution. Cette guerre constante contre les cadres et les règles éloignent les auteurs du véritable travail de romancier.  Cette posture freine de nombreux romanciers dans leur apprentissage. Comme David Defendi, ils perdent du temps et s’épuisent à réinventer des outils déjà existants dont ils pourraient simplement se servir. 

L’importance des cours d’écriture 

La perte de temps n’est pas la seule raison pour laquelle David Defendi défend une approche artisanale de l’apprentissage de l’écriture. En effet, pour lui, connaître les techniques et les outils de la narration lui aurait non seulement éviter de perdre du temps mais aurait aussi fait gagner en qualité ses écrits.  La posture française amène, au contraire, à oublier ses lecteurs et à se lancer dans une véritable course à l’égo, très solitaire, que David Defendi déplore. Il s’agit pour lui d’une manière de refuser le monde, d’en refuser ses règles et par extension de se détacher de la réalité.  Or cela conduit à oublier que le métier premier des romanciers et romancières est d’écrire pour apporter du plaisir, de l’émotion au lecteur. 

La perte d’originalité 

Dès que l’on parle de règles, d’outils, de techniques les apprentis romanciers pensent qu’ils vont perdre leur originalité. Ils craignent d’utiliser, et même seulement de connaître, les outils à disposition de tous, de peur produire des œuvres standards.  Or comme David Defendi nous l'explique dans cette interview : c’est tout l’inverse. 
“Il n’y a pas plus cliché et standardisé que les manuscrits écrits sans règles”
Apprendre les règles permet d’éviter ces clichés, de les reconnaître. Ce n’est qu’ensuite qu’il devient possible de s’affranchir des règles voire d’en inventer de nouvelles. C’est ainsi que les auteurs peuvent faire preuve d’originalité sans tout déconstruire et sans avoir besoin de tout remettre en question. 

Conseils aux apprentis

 Nous terminons cette interview de David Defendi par les conseils qu'il souhaite transmettre à la prochaine génération de romanciers et de romancières :

  • écrire écrire écrire, ne perd pas ton mojo et tes inspirations 
  • travaille les règles et travailler avec les autres
  • se confronter aux autres, très vite car c'est très facile quand on travaille seul de se prendre pour un génie. 
  • participe à des ateliers d’écriture
  • apprend à connaître les outils 
  • lis des bouquins sur les structures 
  • travaille en professionnel tout en continuant de te faire plaisir 
“Fais toi plaisir mais travaille les règles sinon, à court terme tu vas te faire plaisir, mais tu vas te crasher. En travaillant les règles tu peux te faire plaisir toute ta vie en écrivant. ”
]]>
7424 0 0 0 ]]> ]]>
Les avantages d'une formation d'écriture à distance http://www.artisansdelafiction.com/blog/avantages-formation-ecriture-distance/ Tue, 27 Oct 2020 08:00:33 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7426 Les avantages d'une formation d'écriture à distance

Depuis mars 2020, les Artisans de la Fiction proposent une partie de leurs formations d’écriture à distance. Les cours se déroulent via la plateforme gratuite Discord. Mis en place dans un premier temps pour assurer la continuité de nos formations pendant le confinement, nous avons rapidement intégré ce mode d’enseignement à notre offre de façon permanente. Pourquoi ? Parce que les avantages d’une formation à l'écriture à distance sont très nombreux.

Une formation à distance, comment ça se passe ?

Comme un cours en présentiel ! Nous utilisons Discord dans sa version audio/écrite. Une fois connecté à votre groupe, vous pouvez entendre les explications du formateur, lui poser des questions, travailler par petits groupes… comme lors d’un atelier traditionnel.

Nous n’utilisons pas la vidéo (ni pour le formateur, ni pour les élèves) afin d’éviter une utilisation de bande passante qui pourrait perturber le cours… mais il arrive que le formateur partage son écran lors d’une correction ou d’une explication.

Quels avantages par rapport à une formation d'écriture présentielle ?

Ils sont nombreux.

Tout d’abord il y a l’avantage du chat écrit : le formateur publie les consignes des exercices et des exemples. Au moment de faire des exercices, les élèves ont donc tout sous les yeux pour se lancer et peuvent remonter la conversation pour retrouver les explications, les exercices des autres élèves etc… Très pratique !

Au moment de partager son travail avec les autres, c’est là aussi plus confortable… et bien plus efficace :  il n’y a plus qu’à publier son texte sur le chat écrit plutôt que de le lire à voix haute devant tout le monde. Le formateur peut donc se concentrer sur l’écrit, sur la construction du texte, le choix des mots, avec précision plutôt que de donner un avis général sur le texte qu’il n’a pu qu’entendre… et les autres élèves aussi ! Enfin une formation à l’écriture qui se concentre sur le texte-même. 

Et puis le principal avantages d'une formation d'écriture à distance c'est que les conditions sont plus propices à l’apprentissage : dans un environnement calme, sans les distractions apportées par le groupe, on est plus concentré, on apprend mieux… on va plus loin. 

Et les manuels ?

avantages formation écriture distance

Nos élèves en présentiel le savent bien : pour chacune des formations que nous proposons, nous créons un manuel. C'est la véritable base et prolongement de notre enseignement. Nous y regroupons des fiches théoriques, des extraits de romans et nouvelles, des résumés, des exercices, des bibliographies… Et c’est pareil pour les cours à distance : à la première séance, votre formateur vous envoie un manuel en PDF identique à celui procuré pendant le télé-enseignement. Avec l’avantage supplémentaire d’utiliser moins de papier et moins d’impression. Il devient aussi possible d'anoter le document à l’infini. 

Nous vous rappelons cependant que le contenu de nos manuels sont protégés et ne peuvent être diffusés sans notre accord. 

Les formations à distance, c’est pour qui ?

Nos formations à distance s’adressent à tous nos élèves. Tout particulièrement pour ceux et celles qui habitent loin de notre école : nous avons même des élèves qui suivent nos formations depuis La Réunion ! Et pour celles et ceux qui s’inquiètent des risques sanitaires : même si nos cours en présentiels se font avec masques sur le visage et avec gel hydroalcoolique à portée de main. 

Comment s’inscrire à un enseignement de l’écriture à distance ?

Que ce soit en stage intensif, en initiation ou en formation à l’année, vous vous inscrivez en suivant la procédure normale. Si votre formation est prévue en télé-enseignement (la mention “télé-enseignement” apparait à côté du créneau sur le site), nous vous enverrons les documents que nous avons spécialement conçus pour nos élèves pour les accompagner dans le téléchargement et la prise en main de Discord… et nous avons même pensé à créer un document qui regroupe les problèmes souvent rencontrés avec leurs solutions. Il vous suffit de les lire et de les suivre : nos élèves, mêmes les plus néophytes, s’en sortent !

A noter : pour l’installation et l’utilisation de Discord soit satisfaisante et effective, il est nécessaire que vous disposiez d’un matériel informatique récent et d’une connexion internet stable. 

Découvrez nos prochaines formations en télé-enseignement : ]]>
7426 0 0 0 ]]> ]]>
Découvrir et apprendre le creative writing en France  http://www.artisansdelafiction.com/blog/apprendre-le-creative-writing-en-france/ Tue, 01 Dec 2020 11:05:25 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7542 Découvrir le creative writing en France  En France, le creative writing est l'objet de tous les fantasmes (devenir auteur de best seller en une semaine) et de toutes les craintes (la fabrique uniformisée d'écrivains). Mais qu'en est-il ?  Que désigne ce terme ? Peut-on découvrir le creative writing en France ? Et surtout, vous essayer au creative writing va-t-il éteindre toute singularité en vous ? [caption id="attachment_7545" align="alignnone" width="653"]le creative writing france Loin des aprioris de formatage, l'enseignement du creative writing est avant tout un enseignement technique des classiques de la littérature.[/caption]

Le creative writing : kézaco 

Traduit en français, creative writing workshop veut dire "atelier d'écriture créative". 98 % des écrivains américains sortiraient des MFA (Masters of Fine Arts) de creative writing. Le plus connu est l'Iowa Writer's Workshop, où un premier cours de creative writing a été donné en 1897. Son programme universitaire a commencé à se développer à partir de 1936. Les romanciers Philip Roth, John Irving, Flannery O'Connor, Jane Smiley ont suivi ce cursus. Mais est ce que cela veut dire que les narrateurs anglo-saxons apprennent l'artisanat du romancier à l'université ? En fait, l'apprentissage des techniques narratives se fait AVANT.  Nous avons interviewé Dana Spiotta, romancière et professeure de creative writing à la Syracus University : elle nous a appris que les étudiants maîtrisent les techniques narratives avant leur entrée en MFA. L'apprentissage du creative writing commence ...dès l'école primaire. Cet apprentissage de la narration se déroule  en même temps que l'apprentissage du langage écrit : il s'agit, comme en musique, d'identifier les différents éléments qui composent une histoire, de parvenir à les imiter. Cet enseignement se poursuit ensuite tout au long de la scolarité (équivalent collège, lycée). Et il bénéficie à tous les élèves. Ce qui explique également  l'excellence des techniques classiques de la narration littéraire dans des champs aussi divers que le journalisme, les articles scientifiques ou la communication.

Le creative writing peu présent en France 

La grande question est : pourquoi l'apprentissage français de la narration littéraire est-il aussi différent ? Dans La création littéraire à l’université (Presse Universitaires de Vincennes, 2018), Violaine Houdart-Merot nous apprends qu'à la fin du 19ème siècle, l'université française cesse de se servir de l'imitation des modèles narratifs classiques (ce que l'on appelait "la version"), au profit de la "science du lecteur", approche nouvelle qui se veut plus scientifique (et qui débouchera sur l'enseignement de l'étude de texte). Cette réforme se double d'une passion pour la figure romantique de l'écrivain censé avoir "le feu sacré" de l'écriture en lui. On cesse donc d'imiter les modèles classiques. Comme cela continue à se faire dans les arts appliqués et la musique au profit d'une idée du dépassement des modèles et la poursuite d'un absolu artistique. Cette quête d'un au-delà des conventions artistiques est toujours particulièrement valorisée en France, où l'idée qu'à la différence de toute discipline artistique ...l'écriture ne s'apprend pas. Les cours de creative writing ne se sont donc pas développés dans le cadre de la scolarité, ni en dehors.

La différence avec l’apprentissage classique de la littérature

En France, l'approche "scientifique" de la lecture s'est développée tout au long du cursus scolaire. L'analyse de texte a remplacé l'étude anatomique des histoires, la transmission vivante des modèles narratifs et leur appropriation. Le modèle est devenu celui de la dissertation et du commentaire de texte, que nous avons tous étudiés et pratiqués en cours de français. Ce modèle est au cœur des prépas littéraires et des études universitaires de lettres. La narration n'a pas totalement été abandonnée. Elle a été coupée d'une transmission organique des savoir-faire. Ainsi elle a donné lieu en France à la création de la narratologie, la "science de la narration". Une approche désincarnée des techniques narratives, créée dans les années 1960, dans le sillage du structuralisme et qui a popularisé en France certains termes et concepts narratifs. A la différence de nombreux pays qui ont continué à perpétuer la tradition littéraire, par l'étude anatomique, l'appropriation, la  recréation et la réinvention des modèles, la France a inventé son propre modèle, analytique et coupé de la pratique. L'écrivain a été "libéré" de tout apprentissage technique, de tout savoir-faire, afin que rien n'entrave la pureté de sa recherche d'absolu. 

À quoi sert le creative writing 

Le creative writing n'est finalement qu'une branche moderne de ce que l'on appelait les humanités, un  apprentissage classique des techniques et des effets du langage. Il s'agit d'étudier, de refaire, de comprendre les principes, les proportions, les effets produits par telle technique. Le développement du creative writing, d'après Mark McGurl (The Program Era: Postwar Fiction and the Rise of Creative Writing, 2011); a eu pour objectif de valoriser la lecture au sein d'une population peu lettrée. Il y a à peine quelques décennies la littérature américaine avait la réputation d'être rurale et sans raffinement. À l'inverse Paris était la capitale mondiale de la littérature. De nombreux MFA de creative writing ont été créés à la fin de la 2ème guerre mondiale dans des zones rurales, comme l'Iowa Writer's Workshop. [caption id="attachment_7549" align="alignleft" width="580"] "Workshops of Empire" dEric Bennett enquête sur le financement des premiers programmes universitaires de creative writing durant la guerre froide.[/caption] L'enseignement des techniques de la narration a eu aussi une fonction d'unification sociale dès la fin du 19ème siècle : les ateliers d'écriture créative permettait à des immigrants d'horizons très divers de raconter leur histoire, et de l'agglomérer à l'histoire du pays.  

Qu’est-ce qu’on apprend dans un cours de creative writing 

Imaginez qu'au lieu d'analyser le sens des romans au collège et au lycée, on se penche sur leur structure. Que l'on étudie comment fonctionnent les techniques mises en œuvre. Et que l’on expérimente en même temps la construction de ses propres ébauches d'histoires. Le tout pendant 12 ans de formations initiale, de 8 à 18 ans. Durant l'apprentissage du creative writing, on apprend à recréer tout ce qui permet de créer de la tension dans une histoire. C’est à dire la dynamique interne des personnages. Mais aussi les forces en tension de l'univers narratif, les structures classiques d'histoires, et bien sûr les outils de mise en forme. On apprend à utiliser le langage écrit pour produire un effet similaire à celui que l'on apprécie chez certains romanciers. Cela ne permet pas seulement d'accompagner la vocation et la professionnalisation d'aspirants romanciers, romancières et scénaristes : cet enseignement forme de meilleurs lecteurs et lectrices, capable d'évaluer la qualité des livres qu'ils lisent.  Et de s'adresser à autrui en racontant des histoires.

Le formatage et l’apprentissage 

L'idéal romantique de l'écrivain entretient aujourd'hui encore en France l'idée qu'apprendre serait nocif. Se former reviendrait à se formater. Le creative writing produirait forcément des écrivaillons tout juste bons à réaliser à la chaîne des produits de consommation culturelle.   Toute personne voulant se lancer dans l'écriture ne vise pas forcément à devenir un artiste, tout comme toute personne entrant au conservatoire ne vise pas forcément à devenir le compositeur qui révolutionnera la musique du XXIème siècle. Est-ce que se lancer à l'aveugle dans une tâche aussi complexe que l'écriture d'une histoire en se fixant un objectif hors de sa portée est une si bonne idée que ça ? David Defendi, romancier (Albin Michel) et scénariste (Braquo), témoigne des risques qu'il y a a se lancer dans l'écriture sans être formé: Gagner du temps avec les outils de la narration  (15mn). [caption id="attachment_7548" align="alignleft" width="580"] Compilation d'articles concernant l'enseignement et l'écriture de la fiction, par Wallace Stegner, un des père du creative writing dans les universités américaine dans les années 1940.[/caption]

S’initier au creative writing en France

Des cours de creative writing sont proposés en Angleterre, aux Etats-unis, mais aussi dans les pays du nord de l'Europe (Suède, Danemark, Islande...) et du sud de l'Europe (Italie, Espagne, Portugal...). Mais peut-on  suivre des cours de creative writing en France ? Vous pouvez suivre des cours de creative writing en ligne et en anglais. En cherchant bien, vous trouverez quelques formations universitaires en anglais, mais dont le tarif s'approche des cours de creative writing des universités anglo-saxonnes. Et pourtant il existe une offre très riche d'ateliers d'écriture. Alors, apprend-on le creative writing dans les ateliers d'écriture ? Les ateliers d'écriture sont nés à la fin des années 70, dans un contexte à la fois d'anti pédagogie et d'idéal d'absolu littéraire (l'écriture de la nécessité). Les ateliers d'écriture sont axés sur la réassurance et la voix de l'auteur. Ils laissent de côté l'idée d'un apprentissage classique de la narration. Et qu'en est-il des master d'écriture créative proposés dans quelques universités françaises ? Ces masters s'inspirent des ateliers d'écriture français, et s'inscrivent dans le fil de notre héritage littéraire contemporain. Ils ne "font pas de la petite narration", mais ouvrent des passerelles entre l'écriture et d'autres arts, sans passer par un apprentissage de la narration (cf La création littéraire à l’université ). Mais un nouveau type d'ateliers est aussi en train d'émerger. Des ateliers nourris par  la plus grande accessibilité des manuels de pédagogie de la narration anglo-saxons. Ils proposent d'étudier les structures classiques, et les techniques narratives mises en œuvre par les romanciers. Les Artisans de la Fiction sont fiers d'appartenir à ce courant. Dans nos stages et cycles de narration littéraire, vous pourrez commencer à apprendre en quoi consiste le travail d'un narrateur.  ]]>
7542 0 0 0 ]]> ]]>
Des cycles de livres à lire pendant le confinement http://www.artisansdelafiction.com/blog/livres-lire-confinement/ Wed, 02 Dec 2020 14:58:33 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7560 Quels livres lire pendant le confinement ?

Ou... quels cycles de romans vous faire offrir pour les confinements à venir ? C'est l'heure de profiter des fêtes pour mettre la main sur les livres que nous n'auriez pas encore eu l'occasion de lire pendant le confinement / déconfinement / prédéconfinement. 

livres lire confinement

Les romans retrouvent du poil de la bête depuis quelques mois. Le confinement à fait redécouvrir à quel point lire une histoire apaise, fait voyager et aide à envisager la suite sereinement. Voici la petite liste des Artisans de la fiction : les meilleures séries littéraires qu'on vous recommande aussi bien de lire et d'offrir ! 

Le retour en force de la lecture

L'explosion des formes audiovisuelles et numériques de distraction ont pu donner l'impression que le roman et la narration littéraire étaient dépassés. Mais, paradoxalement, les deux premiers confinements ont consacré le grand retour de la lecture. 

Lire un livre permet plus d'introspection, d'exercice mental, et d'évasion. Sans oublier la fonction la plus puissante des bonnes histoires : nous préparer au pire de manière ludique !

Nous nous sommes tous replongés dans les livres que nous avions envie de lire ou de relire depuis des années. Lire nous a aidé à nous déconfiner mentalement. Nous avons voyagé, vécu des aventures dans la peau d'autres personnages. Nous avons exploré des pays, des villes, réelles ou imaginaires, tout en transformant notre perception du monde. Il est temps de passer à la vitesse supérieure !

S'embarquer dans une histoire que l'on continuera à lire pendant des mois

Il est agréable de voyager le temps d'un livre, d'une nouvelle. De papillonner d'une histoire à une autre, comme quand on pioche dans un saladier débordant de fruits. Parfois c'est délicieux, parfois on reste un peu sur sa faim, d'autres fois on aimerait que l'histoire continue. Et si vous profitiez du contexte actuel pour ENFIN vous lancer dans la lecture de ces cycles de romans dont vous entendez parler depuis des années en disant "je n'aurais jamais le temps de m'embarquer là dedans" ?

Les cycles de romans qui suivent sont des succès mondiaux (heu, non, ce n'est pas parce qu'un cycle de roman a du succès qu'il est mauvais, au contraire : en tant que lecteurs, nous aimons tous les très bonnes histoires bien écrites). De solides histoires qui vous porteront, que vous retrouverez, que vous irez visiter quel que soit le contexte !

La liste des livres à lire pendant le confinement pour s'évader ?

 “L’Amie prodigieuse” Elena Ferrante

Amazon.fr - L'amie prodigieuse: Enfance, adolescence - Ferrante, Elena, Damien, Elsa - LivresA travers les quatre tomes de “L’Amie prodigieuse” de l’autrice italienne Elena Ferrante, vous suivez les destins de la narratrice, Lenù, et de sa meilleure amie Lila, de leur petite enfance dans les quartiers pauvres de Naples d’après-guerre jusqu’à leur vieillesse. Deux femmes décidées à ne pas se laisser écraser par les traditions, la famille, la pauvreté et la Cammora. Elles cherchent les moyens de vivre une vie meilleure chacune à sa manière.

Lenù se bat pour accéder au monde universitaire et plonge dans les cercles socialistes et féministes de l’Italie des années 70 et 80, tout en jonglant avec un syndrome d’imposteur et les incompréhensions de son milieu d’origine. Lila, de son côté, tente de faire évoluer son quartier de l’intérieur quitte à faire des compromis qui lui apportent autant de succès que de problèmes. L’histoire de cette amitié, tantôt sublime, tantôt toxique, est tenue par une écriture limpide et extrêmement nerveuse. 2000 pages à savourer sans avoir peur d'arriver trop vite à la fin.

"Quatuor de Los Angeles" James Ellroy 

Cela fait des années que vous entendez parler du "Dahlia Noir" de James Ellroy. Savez vous que ce roman emblématique est suivi du Grand Nulle Part, de L.A. confidential et de White Jazz ? Immergez vous dans les tréfonds de la police de Los Angeles dans les années 40-50 en suivant les parcours tortueux d'une galerie de personnages dignes des tragédies grecques. Vous ne sortirez pas intacts de cette plongée dans les tréfonds de la gestion brutale de la misère par le pouvoir. L'écriture hyper cut, d'une efficacité et d'une beauté folle voue à l'échec les rares tentatives d'adaptation des romans d'Ellroy. Le Quator de Los angles atomise les séries télés les plus crues et radicales. A côté d'Ellroy, Deadwood a des airs de feelgood.

1600 pages d'une densité effroyable. 

La bonne nouvelle, c'est que si vous accrochez, vous retrouverez les protagonistes dans Le nouveau quatuor de Los Angeles, actuellement en cours de publication (déjà 1500 pages publiées), et qui est une préquelle du Quatuor de Los Angeles.

"La croisée des mondes" Philip Pullman

livres lire confinementOn ne présente plus Lyra Belacqua, la protagoniste de La Croisée des mondes et Pantalaimon, son daemon. Dans le monde imaginé par Philip Pullman, les humains portent leur âme sur leur épaule. Cette âme a la forme d'un animal, qui représente la facette dominante de leur personnalité. Cette manifestation physique de l'âme est changeante jusqu'à la puberté ou elle adopte une forme fixe (par exemple : un aigle, une vipère ou un singe). L'idée fabuleuse des Daemons suffirait à justifier la lecture de La croisée des mondes, mais ce serait se priver des innombrables autres inventions littéraires de Pullman.

Partez sur les traces de Lyra, elle vous fera passer d'un monde à un autre à l'aide du couteau subtil, et vous entraînera dans la grande guerre que mène le Magisterium contre toute forme de liberté. Philip Pullman est un maître narrateur, ses descriptions sont d'une beauté à pleurer (et à étudier de près par les apprentis écrivains) 1330 pages magiques. 

La très bonne nouvelle, c'est qu'après 18 ans d'attente une 2ème trilogie, La Trilogie de la Poussière, est en cours de publication !

"L'assassin royal" Robin Hobb

Et pour finir, la saga des sagas. En apercevant le titre "L'assassin royal" chez votre librairie ou en bibliothèque, peut-être vous êtes-vous dit : Mouais, une série pour ados. Détrompez-vous. Une partie des lecteurs de fantasy évite le cycle de Robin Hobb à cause de sa noirceur. Écrit intégralement à la 1ère personne du point de vue du protagoniste, l'Assassin royal est une prouesse technique et narrative. Une histoire qui ne vous laissera pas de répit tant que vous n'aurez pas atteint la dernière page du dernier tome (publié il y a quelques mois).

Mais de quoi ça parle l'Assassin royal ? L'Assassin royal raconte le long chemin vers la reconnaissance d'un bâtard. Abandonné par son grand-père au pied d'une salle de garde, afin qu'il soit remis au noble qui l'a engendré. Contraint de vivre avec les chiens pendant des années, ce personnage à qui on n'a pas donné de nom sera ensuite chargé d'exécuter les bases besognes, tout en vivant caché dans les murs du château. 

L'auteur, Robin Hobb, a vécu en Alaska. Elle est une des plus grandes narratrices actuellement en activité. L'Assassin royal, démontre sa maîtrise absolue des archétypes et des techniques de la narration littéraire : personnages, scènes, gestion de la tension. 

Lire la 1ère page de l'Assassin royal, c'est vous embarquer dans une lecture qui durera des années. En effet, vous reposerez régulièrement le tome en cours de lecture. Afin de respirer, de pleurer avec le protagoniste et de relever la tête.

7600 pages (trois trilogies de 6 à 7 tomes) - Un cadeau à vous faire offrir collectivement ! 

 

Mais...si on n'aime pas lire ?

On va préférer faire comme si on ne vous avait pas entendu. Si vous préférez regarder des séries télé, il existe de nombreuses adaptations. Par exemple de la trilogie d'Elena Ferrante, de La croisée des mondes (en cours de diffusion, sous le titre original "His dark materials"), ainsi qu'un film tiré de L.A. Confidential de James Ellroy.

A la limite commencez par les voir. Cela vous donnera tellement envie d'en savoir plus sur ces personnages (les livres vous satisferont encore plus).

Nous invitons nos élèves à étudier ces auteurs, et à prendre le temps de faire une comparaison entre les romans et leur adaptation. 

Vous avez trouvé des titres inspirants dans notre liste des livres à lire pendant le confinement ? Nous en sommes ravis ! Il ne vous reste plus qu'à commander vos livres chez votre libraire de quartier. Nous commandons les nôtres auprès de la Librairie Vivement Dimanche, qui soutient les Artisans de la Fiction depuis leur création.

]]>
7560 0 0 0 ]]> ]]>
Le stage d'écriture les outils de la narration http://www.artisansdelafiction.com/blog/stage-decriture-les-outils-de-la-narration/ Thu, 10 Dec 2020 10:13:21 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7462 Le stage d'écriture : Écrire un roman, les outils de la narration littéraire

Qu'apprend-on réellement dans un stage d'écriture dédié aux outils de la narration littéraire ? Quels sont ces outils ? Dans quels cas sont-ils utilisés par les romanciers et les romancières ? 

Plonger son lecteur dans le récit

L’objectif de tout écrivain est de faire ressentir des émotions à ses lecteurs. Pour cela son devoir est de plonger ses lecteurs en immersion dans une histoire en les connectant à ses personnages.

Comment faire sentir au lecteur ce que le personnage sent, voir ce que le personnage voit, penser en même temps que le personnage ? Grâce aux outils de la narration littéraire !

Aux Artisans de la Fiction, nous nous intéressons aux quatre piliers fondamentaux de l’écriture de fiction : la création des idées (recherche, territoires d’écriture), la construction de l'histoire (structure), la stratégie narrative (le point de vue) et enfin l’écriture (la rédaction de l’histoire).

Le stage d'écriture les outils de la narration forme nos élèves aux outils de la narration littéraire, qui permettent de mettre en scène vos personnages au coeur de situations ou d'actions.

Comment se déroule le stage les outils de la narration ?

Comme tous nos stages, la formation “Écrire un roman, les outils de la narration littéraire” se déroule sur 5 jours, du lundi au vendredi, de 10h à 17h. Tout au long du stage, nous proposons à nos élèves différents exercices. Il s'agit de construire un personnage, une scène, puis d'écrire et ré-écrire cette scène une douzaine de fois. Le formateur vous apprend à ré-écrire en utilisant un outil technique différent à chaque fois (action, dialogue, monologue intérieur).

Les exercices se font par étapes, sous la direction du formateur et sont toujours précédés d’explications théoriques et d’exemples issus de la littérature mondiale. Un manuel original regroupant des fiches théoriques, des exercices et des extraits est remis à chaque élève (en papier pour les formations en présentiel, en PDF pour les formations en télé-enseignement).

Quels outils sont au programme du stage d'écriture ?

Les outils dont l’écrivain dispose pour connecter le lecteur aux personnages sont nombreux. Pendant le stage nous abordons ceux qu’on retrouve dans la grande majorité des fictions (que ce soient des romans, des nouvelles). C'est à dire : l'action, la description, le dialogue, le monologue intérieur, l’émotion intérieure du personnage, les métaphores et les comparaisons.

Nous abordons aussi les grandes techniques fondamentales de construction d'une histoire : la construction d'un personnage, d'une scène et le choix du point de vue.

Enfin, nous nous intéressons aux techniques de la grammaire permettant de raconter des histoires de la manière la plus efficace possible : les verbes d’action, les noms spécifiques, etc…

Le “show don’t tell” ou l’art de la mise en scène par l’écrit

Tous ces techniques sont des outils de “mise en scène”. Elles permettent à l’auteur de faire vivre une action et une émotion à son lecteur comme s’il vivait la scène avec le personnage. En creative writing, on appelle cela le “show don’t tell”. Il s’agit de faire vivre une information au lecteur plutôt que de lui expliquer.

Mise en pratique du "show don't tell" :

On veut faire passer à notre lecteur l’information “Michel est alcoolique”. Pour faire ressentir cette information, on ne dira pas que Michel est alcoolique. On tentera de le faire comprendre au lecteur à l'aide d'un des outils de la narration littéraire.

Le description

Nous pourrons par exemple recourir à la description et écrire :

La sonnette de la porte retentit. Michel dormait sur le canapé, la bouche ouverte, des cadavres de bouteilles de bière et des canettes jonchaient le sol.

L'action

Cela marche également avec l'action :

Michel se leva du canapé. Il enjamba des monticules de canettes éventrées et se rendit dans la cuisine. Il ouvrit le réfrigérateur et s’empara d’une des bouteilles de bière (etc).

Le dialogue

Mais aussi avec un dialogue bien écrit :

- Mais qu’est-ce que c’est que toutes ces canettes ? Michel bailla, sa langue était pâteuse. "Laisse moi tranquille". Il s'écroula dans le canapé, le corps lourd, les yeux bouffis. - "Tu as recommencé à boire, c’est ça ?"

Des outils au service de votre histoire

Les outils de la narration littéraire sont au service de l'écrivain. Ils lui permettent de faire vivre l'histoire dans l'esprit du lecteur. Ces outils peuvent se combiner les uns aux autres (comme dans l'exemple de dialogue ci-dessus). L'écrivain choisira les plus pertinents en fonction de l’effet qu’il cherchera à produire sur le lecteur. Connaître ces outils c'est vous faire gagner du temps comme l'explique David Defendi sur notre chaîne Youtube. Cela vous permet d'écrire mieux et plus vite.

Où se former ?

Nous en parlions dans notre article portant sur le creative writing Anglo-Saxon. En France il n'est pas toujours évident de trouver ou se former à la narration littéraire. Les écoles sont peu nombreuses. Les Artisans de la fiction en font heureusement partie ! Pour vous former aux outils de la narration littéraire, vous pouvez vous inscrire à notre stage Les outils de la narration littéraire ou suivre notre formation à l’année “L’artisanat de l’écriture - année 1”.

Pour compléter votre formation aux techniques d’écriture, vous pouvez vous former à la recherche de matière première, à la construction du roman, ou encore vous former à la compréhension des histoires fondamentales.

]]>
7462 0 0 0 ]]> ]]>
Pourquoi l’apprentissage de l'écriture demande du temps ? http://www.artisansdelafiction.com/blog/apprentissage-ecriture-demande-temps/ Tue, 15 Dec 2020 16:23:31 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7552 Pourquoi est-ce si long d'apprendre l'écriture de fiction ?

Quel que soit le domaine abordé, “apprendre” demande du temps… L'apprentissage de l'écriture en particulier n’échappe nullement à cette règle. Mais pourquoi est-ce si long d’écrire un roman - en particulier quand on est débutant ? Que répondre à vos proches qui vous voient écrire depuis des années et qui s’impatientent de voir le résultat ?

1. parce que c’est un artisanat comme les autres

Il ne viendrait à l’idée de personne de devenir un pianiste-concertiste en une semaine, en un mois ou même en un an ! Pour devenir pianiste-concertiste, il faut passer par de longues années d’apprentissage des bases, puis de maîtrise. Il faut muscler et assouplir ses doigts, apprendre le solfège, copier et comprendre les maestros, se faire accompagner par de bons professeurs… et bien pour devenir un bon écrivain, c’est exactement pareil ! L’écriture n'est pas un don qui se révèlerait par magie et qu'il ne s'agit plus que d'exploiter. L'écriture est un artisanat, c’est-à-dire un ensemble de savoir-faire à acquérir par l’étude, par l’apprentissage… et par la répétition ! Apprendre et comprendre comment fonctionne un bon texte de fiction demande du temps, de la patience et de la pratique. Beaucoup de pratique !

2. parce qu’il y a énormément de compétences à assimiler et que l’on est seul

L’apprentissage de l’écriture demande beaucoup de temps car les savoir-faire à maîtriser pour écrire un bon roman sont très nombreux :

  • comprendre ce qu’on a de singulier à raconter… et qui peut intéresser un lecteur (= la recherche de matériaux intéressants)
  • comprendre comment construire une histoire pour qu’elle soit racontée de la meilleure des manières possible (= les différents types de structures, mais aussi de genres littéraires !)
  • apprendre les outils de la narration (= apprendre à créer un bon personnage, à écrire un bon dialogue, une bonne description…)
  • maîtriser les différents points de vues et les voix des narrateurs ( = la stratégie narrative).

Aucun de ces aspects n’est facile ni rapide à apprendre ! Cela demande des années pour maîtriser l’ensemble et faire fonctionner tous ces outils de façon harmonieuse.

Quand on regarde le générique d’un film, on voit que pour créer une œuvre de fiction, le nombre de personnes (et de savoir-faire !) est immense : il y a les spécialistes du décors, ceux des costumes, ceux de l'intrigue, ceux des lumières etc… Or l’écrivain doit parvenir à créer un film puissant dans la tête de son lecteur en endossant tous ces rôles à la fois ! Pas étonnant que cela demande du temps !

3. parce que ça ne se fait pas à la volonté mais à la décantation.

On dit souvent des cours d’écriture qu’ils proposent une “recette” aux élèves… Si c'était le cas, nous n’aurions que des auteurs et autrices de best-sellers dans nos classes ! Non, les cours d’écriture vous font découvrir des techniques d’écriture qui fonctionnent, qui permettent d’écrire des histoires puissantes de façon puissante… Mais la maîtrise de ces techniques demande de la pratique et de l’expérience ! Un bon roman se fait davantage à la patience qu’à la force de la volonté, car ce n’est pas parce qu’on VEUT écrire bien qu’on y arrive automatiquement. Nous conseillons d'ailleurs à nos élèves d’adopter un rythme d’écriture régulier, dont le tempo dépend de leurs disponibilités : tous les jours ou toutes les semaines… Plutôt que de les motiver à faire de la quantité (ce qui n’a aucun intérêt) ou de la qualité (ce qui ne vient pas sur demande), nous les encourageons à la régularité. Mettez-vous régulièrement à votre ouvrage et reprenez-le pour l’améliorer ! Ainsi le temps investit dans votre apprentissage de l'écriture permettra des progrés réguliers.

4. Comment faire pour apprendre efficacement ?

La lenteur d’un apprentissage ne devrait pas vous décourager à vous lancer dans l’écriture de fiction… mais plutôt vous motiver à vous former efficacement. On apprend toujours plus vite (et mieux !) quand on est formé par quelqu’un qui a expérimenté avant nous et qui sait transmettre les techniques.

Pour ça, plusieurs solutions complémentaires existent : formez-vous par vous-même en lisant des ouvrages qui enseignent les techniques. Les ouvrages écrits ou traduits en français sont de plus en plus nombreux et sont souvent de grandes qualités.

Voici ceux que nous vous conseillons pour débuter :

 

Puis pour aller plus loin :

  • L’Anatomie du scénario, de John Truby (traduit en français)
  • Le Guide du scénariste, de Christopher Vogler (traduit en français)
[caption id="attachment_7563" align="alignleft" width="580"] 4 ouvrages de référence pour s'initier à la narration[/caption]

Comment maximiser votre temps d'apprentissage de l'écriture de fiction ?

L'apprentissage de l'écriture demandera toujours du temps mais vous pouvez l'optimiser en vous formant grâce à des cours d’écriture. Une formation vous permet de vous initier aux techniques d’écriture et de bénéficier des explications, retours et conseils du formateur ainsi que des autres élèves du groupe. Aux Artisans de la fiction, nous proposons des formations complètes (cycle à l’année de trois ans) ou des formations plus ponctuelles (journées d’initiation, stages thématiques), vous trouverez forcément le format qui vous convient.

Entourez-vous de jeunes auteurs qui sont, eux aussi, sur le chemin de l’apprentissage de la fiction et serrez-vous les coudes ! Partagez vos textes, vos techniques et vos bon plans, faites-vous des retours constructifs, encouragez-vous mutuellement. L’écriture est souvent un travail solitaire et il facile de baisser les bras, de penser qu’on est nul (ou au contraire, qu’on est un génie !) quand on est seul sur son ouvrage. Dans ce cas là, se créer une équipe de gens formés, ou en cours de formation, peut-être un véritable atout.

]]>
7552 0 0 0 ]]> ]]>
Interview Katie Weiland - Construire un roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/interview-katie-weiland/ Sat, 26 Dec 2020 08:08:35 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7554 Interview Katie Weiland : Comment construire une bonne histoire

A l’occasion de la création de notre nouveau stage “L’Arc transformationnel du personnage”, nous avons eu le plaisir de réaliser une interview de Katie Weiland, autrice de nombreux excellents manuels de technique et écrivaine de fantasy originaire du Nebraska   !

Katie Weiland est connue pour avoir écrit de nombreux manuels : Structuring your novel (Construire votre roman), Creating Character Arcs (Construire des arcs de personnages), et le dernier en date publié en novembre 2020, Writing your story’s theme (Ecrire le thème de votre histoire).

Ces manuels, dont la plupart sont accompagnés de cahiers d’exercices pratiques, sont pour l’instant non-traduits en français mais forment une des sources de référence de nos cours, aux côtés des maîtres du genre que sont John Truby, Robert McKee, Laure Pécher, Yves Lavandier…

Cependant, les manuels de Katie Weiland se distinguent par leur très grande clarté et par la profusion d’exemples issus de la culture littéraire et cinématographique les plus larges, de Dickens et Brontë, jusqu’aux films d’animation “Cars” ou encore la saga “Star Wars”.

Dans cette interview Katie Weiland revient sur son parcours et sur sa façon de travailler l'écriture de roman !

Artisans de la Fiction : Comment avez-vous appris à écrire de la bonne fiction ?

Katie Weiland : Je dévore les livres - romans et manuels d’écriture - depuis que je suis enfant. Mais surtout, je m’efforce à écrire tous les jours (sans exception) depuis toujours. Je m’accroche à cette idée, qui est presque devenue un mantra, car je crois vraiment au pouvoir de l’écriture quotidienne. C’est par la pratique qu’on apprend, bien plus que par le reste. J’ai également beaucoup appris en écrivant à propos de l’écriture, notamment sur mon site internet HelpingWritersBecomeAuthors.com, qui m’a réellement permis de distiller mon expérience d’autrice. Mon évolution en tant qu’écrivaine va de paire avec mon travail d’enseignement.

A.D.F : Selon vous, qu’est-ce qu’une bonne histoire ?

Katie Weiland : Je suis convaincue que les clés d’une bonne histoire sont la cohésion et la résonance - ou, dit autrement, une histoire dans laquelle chaque pièce à sa raison d’être et où toutes les pièces s’assemblent afin de créer une image d’ensemble, un motif.S’il fallait ne retenir qu’une seule chose, je dirais que ce serait de comprendre que l’intrigue, le personnage et le thème d’une histoire ne sont pas, en réalité, des éléments distincts les uns des autres. Nous pouvons les identifier comme des entités bien spécifiques qui ont chacune un rôle défini dans la construction d’une histoire.

Mais aucune ne peut réellement fonctionner sans les autres. Le personnage est à l’origine de l’intrigue, et l’intrigue permet d’approfondir le développement du personnage. Et entre les deux - au point de contact entre l’intrigue et le personnage - c’est là qu’on trouve le thème. C’est l’union de l’intrigue et du personnage qui fait naître, tout naturellement, un thème.

A.D.F : Quelles sont les erreurs que vous avez commises lorsque vous avez commencé à écrire de la fiction ?

Katie Weiland : C’est une question à laquelle il est difficile de répondre. J’ai fait beaucoup d’erreurs… mais j’ai toujours fait de mon mieux avec les connaissances qui m’étaient données. Et ces erreurs m’ont permis de m’améliorer. Ça fait partie du processus. J’aurais aimé être consciente des notions de structure bien plus tôt. J’aurais dû blogger sur Wordpress dès le début, plutôt que sur Blogger. Aussi, j’aurais aimé que la révolution de l’auto-publication ait eu lieu cinq ans plus tôt… mais au final, je n’ai vraiment pas de regrets.

A.D.F : Comment travaillez-vous sur vos romans ? Quelles sont les différentes étapes du travail ?

Katie Weiland : Bien que chaque roman soit une aventure unique, mon processus d’écriture reste relativement le même de livre en livre. Une fois qu’une idée a infusé suffisamment de temps dans ma tête, je m’assois et j’écris un plan détaillé. Ensuite, quand je connais l’essentiel de mon histoire, je m’attaque aux recherches. C’est une phase qui dure généralement trois mois. La première version rédigée du roman prend une année. Et quand vient la ré-écriture, c’est là que l’aventure commence réellement. La plupart de mes histoires sont à des stades variés de ré-écriture pendant de nombreuses années.

A.D.F : Comment préparez-vous votre roman en amont de la rédaction (en particulier l’arc des personnages) ?

Katie Weiland : Comme je le disais, je suis convaincue que l’intrigue, le personnage et le thème sont les angles d’un même triangle que serait l’histoire. Ainsi, il est difficile (si ce n’est impossible) de créer l’un sans influencer les deux autres.

Quand je développe mes propres histoires, l’idée initiale tourne autour de l’un d’entre eux, que ce soit l’intrigue, le personnage ou le thème. Les trois germes pré-existent dans le noyau original. Donc quand je commence à enquêter sur l’un, j’en apprends aussi sur les deux autres.

C’est un travail assez instinctif, jusqu’à un certain point. Mais je m’efforce de le rendre conscient, notamment grâce au travail sur le plan. J’appelle ça “sauter du coq à l’âne” (bobbing and weaving). C'est-à-dire que je travaille un petit peu sur un aspect, puis un petit peu sur un autre. Puis j’essaye d’unifier le tout en travaillant sur le troisième. Et je répète le processus autant de fois que nécessaire. Jusqu’à ce qu’une histoire cohérente et complète émerge sous mes doigts. J’obtiens mon intrigue et mes personnages grâce à mon thème - et mon thème grâce à mon intrigue et mes personnages.

Vous former à votre tour

Si vous souhaitez en apprendre davantage et vous former à la construction de fictions longues et puissantes, nous vous conseillons les manuels de Katie Weiland, disponibles sur son site (sur lequel vous trouverez de nombreux conseils d’écriture !).

Mais si vous ne parlez pas anglais ou que vous souhaitez être accompagnés dans votre apprentissage, vous pouvez suivre nos stages “Préparer et construire un roman”, “Construire un roman : raconter avec les sept intrigues fondamentales” ou encore, notre nouveau stage “L’Arc transformationnel du personnage”. L’approche de Katie Weiland est associée à l’approche d’autres auteurs et vous donneront des outils et des méthodes solides pour créer vos propres histoires.

Nous remercions grandement Katie Weiland de nous avoir accordé cette interview ! Si cet échange vous a plus nous vous invitons à consulter l'interview de David Defendi, .romancier et scénariste, qui explique l'importe de se former pour raconter des histoires.

]]>
7554 0 0 0 ]]> ]]>
Coaching personnalisé et suivi individuel vs apprentissage de l'écriture http://www.artisansdelafiction.com/blog/coaching-individuel-ecriture/ Tue, 15 Dec 2020 16:18:36 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7577 Coaching individuel vs apprentissage de l’écriture Ou pourquoi Les Artisans de la Fiction ne proposent pas de suivi personnalisé ou de coaching individuel dans l'écriture de fiction.   coaching personnalisé écriture Très régulièrement nous sommes contactés par des apprentis auteurs ou par des passionnés de l’écriture. Et souvent ils nous demandent si les Artisans de la Fiction proposent un programme de coaching individuel. Nous avons décidé de vous expliquer ici pourquoi les Artisans de la fiction ont fait le choix de ne PAS proposer ce service.

Qu’est-ce que le coaching personnalisé

Tout d’abord définissons de quoi nous parlons. Un coaching personnalisé ou suivi individuel, dans le domaine de l’écriture c’est un auteur (ou plus souvent un apprenti auteur) qui va payer une autre personne pour lire son travail et l’aiguiller quant à la pertinence ou le potentiel de son texte. L'idée sous-jacente est : "Est ce que ce que j'écris vaut quelque chose ?" Et l'attente implicite est : "Aidez-moi pour que ce soit le cas ! Et le plus rapidement possible." Très souvent, le coaching personnalisé est très coûteux. Parce que lire un manuscrit ou ne serait-ce qu’une partie de ce dernier, prend énormément de temps. Selon le coach ou l'accompagnant, les conseils seront de nature très diverses. Orthographe, originalité de l’histoire, sa cohérence, structure parfois mais plus rarement. Parfois des parallèles sont dressés entre le manuscrit et d'autres ouvrages (mais ce conseil est souvent ignoré alors qu'il est peut-être le plus pertinent). En règle générale, un coaching personnalisé a surtout pour but de prendre les apprentis par la main et de les encadrer afin qu’ils ne perdent pas leur motivation. C’est d’ailleurs souvent ce que nous lisons dans nos emails :
“J’aimerais être accompagné.e car seul.e je me démotive” “Je n’arrive pas à m’y mettre et je n’avance pas, mes histoires piétinent” “J’ai besoin que quelqu’un me lise sinon je suis découragé.e”
Et nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de mal à se faire accompagner si certains en ressentent le besoin. Mais la raison pour laquelle nous avons décidé de ne PAS faire de coaching personnalisé c’est pour dédier notre temps et notre énergie à quelque chose qui nous semble bien plus durable et utile à nos élèves : l’apprentissage.

L’apprentissage qu’est-ce que c’est ?

On parle d’apprentissage lorsque l’on acquiert un savoir-faire ou des connaissances. Contrairement à l’enseignement, dans l’apprentissage il y a une véritable activité de la part de ceux qui apprennent : ils sont au cœur du processus. Contrairement à ce que l'on défend en France depuis la fin du XIXème siècle, le travail du romancier ne naît pas hors sol : il s'ancre dans l'apprentissage d'une tradition classique. Et il repose sur l'étude active des modèles et des techniques mises en œuvre par la cohorte d'écrivains qui nous ont précédés et qui nous entourent. Attention : n'espérez pas de résultats miraculeux à court terme. On ne devient pas musicien classique après avoir compris grossièrement les principes du solfège et la notion de structure musicale. Plus vous étudierez et plus vous pratiquez et plus vous apprécierez le savoir faire des bons narrateurs littéraires. Et plus vous parviendrez à émuler leur travail.

Mais le plaisir, là dedans ?

Le plaisir n'est pas incompatible avec le savoir-faire et l'apprentissage. Prenons le temps d'une comparaison : peut-être aimez-vous manger, peut-être aimez-vous également cuisiner ? Peut-être est-ce pour vous une passion, tout comme l'écriture et la lecture ? Quand vous cuisinez, vous ne coupez pas des aliments, et les faites revenir juste pour le plaisir de jouer avec la nourriture. Vous vous fixez un but. Ce but est simple : refaire tel plat, parce que vous aimez en manger, vous mettre au défi de parvenir à réaliser tel plat. Vous étudiez : en vous penchant sur une recette, en décortiquant tel savoir faire et en essayant de le recréer. La réussite sera rarement au rendez-vous la 1ère fois. Mais chaque tentative vous fera progresser. Vous pourrez même prendre des cours de cuisine avec un grand cuisinier. Au début vous serez mauvais : c'est le signe que vous avez la chance d'avoir tellement à apprendre. Petit à petit, vous progresserez. Lorsque vous demandez un coaching individuel en écriture, en fait, vous ne voulez pas apprendre : cela ne vous intéresse pas, vous ne voulez pas perdre de temps, ce que vous voulez, c'est devenir le plus grand cuisinier du monde, avec un petit coup de main. Dans ce cas, vous passerez à côté de ce que nous pouvons vous apporter.

Un investissement long terme

Vous aimez les livres bien écrits, bien construits, qui s'inscrivent dans la lignée d'un héritage respecté, digéré et enrichi. Le travail du romancier est extrêmement ambitieux et complexe. Vous lancer seul.e dans cette tâche, en cochant vite fait la case "accompagnement" est certes un acte fort, mais probablement voué à l'échec. Lorsque nous accompagnions encore les manuscrits de particuliers, nous avons vite réalisé qu'il était difficile d'apprendre quoi que ce soit à quelqu'un en lui faisant des retours sur des outils qu'il ne connaissait pas, ou dont il ne comprenait pas le fonctionnement. Le coût de 5 heures d'accompagnement (lecture inclue) représente le même prix qu'un stage intensif de 30 heures, durant lesquelles vous apprendrez des bases qui vous permettront d'identifier quoi retravailler. Vous découvrirez également à quel point les techniques de la narration écrite sont fascinantes, et à quel point vous avez sous-estimé le savoir-faire de tous les romanciers et romancières que vous avez pu lire. Seul.e, vous progresserez moins vite, vous vous mettrez une pression beaucoup plus violente. Vous pouvez passez des milliers d'heures sur votre manuscrit, si vous ne savez pas ce que vous voulez faire, ni comment vous y prendre, cela ne pourra aboutir que sur le plaisir d'avoir tapé sur votre clavier. Au sein d'un groupe d'apprentis narrateurs, vous serez réellement accompagné, et vous apprendrez à accompagner les autres. L'écriture est un travail solitaire, mais qui demande de connaître une tradition et de s'adresser à autrui.

Une progression visible et durable

Les Artisans de la Fiction défendent la re-creation d'un apprentissage classique de la narration littéraire. Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, les romanciers et scénaristes anglo-saxons sont souvent de bons narrateurs car ils ont bénéficié d'une formation longue et qu'ils s'appuient sur un enseignement littéraire axé sur la pratique. Nous ne vendons pas un apprentissage instantané, qui donnerait des résultats miracles. Ce que vous attendez-vous d'un coaching littéraire : - Un suivi personnalisé. - Que l'on vous dise si ce que vous avez écrit tient la route. - Une évaluation du potentiel de votre manuscrit. - Des conseils pour améliorer rapidement votre projet. Ce dont vous bénéficiez en suivant une formation aux Artisans de la Fiction : - Une dynamique de groupe avec des pairs engagés dans un processus d'apprentissage. - L'apprentissage progressif des techniques mises en oeuvre dans l'écriture d'une histoire. - L'assimilation d'une culture de la narration (types d'histoires, structures archétypales). - La capacité de vous fixer des objectifs progressifs, et la méthodologie pour les atteindre. - L'habitude d'analyser et de reprendre ce qui ne fonctionne pas dans une histoire. - La capacité à continuer à vous former en analyser techniquement vos histoires préférées. - La capacité à lire comme un écrivain.   Notre cycle l'Artisanat de l'écriture vous permet de suivre une formation théorique et technique équivalente à ce que suivent les anglo-saxons au lycée. Seulement ? Cette formation extrêmement copieuse et intensive, vous évitera de vous lancer à corps perdu dans une tâche dont vous sous-estimez la complexité. Pensons nous pour autant qu'un suivi personnalisé ou qu'une formule de coaching individuel à l'écriture soit à bannir ? Non : l'accompagnement personnalisé est d'ailleurs au cœur des masters de creative writing. Oui : mais cet accompagnement est dispensé à des élèves ayant de solides bases en techniques de la narration littéraire. Pas à des autodidactes se lançant au feeling avec le désir d'obtenir un résultat à la hauteur de maîtres artisans. Nous proposons d'ailleurs une formation axée sur des retours personnalisés et sur les projets : le writing boot camp, mais cette formation est accessible uniquement après la 3ème année, sur sélection.      ]]>
7577 0 0 0 ]]> ]]>
Les bénéfices d'un cours d'écriture http://www.artisansdelafiction.com/blog/benefices-cours-ecriture/ Thu, 24 Dec 2020 10:00:20 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7579 Les bénéfices d’un cours d’écriture Avez-vous déjà entendu qu'écrire ne s'apprend pas ? Que prendre un cours d'écriture vous stérilisera, voire saccagera votre originalité ? Que dans le meilleur des cas, cela vous fera vendre de minables best-sellers ? Si on laisse de côté ces clichés tenaces : quels sont les bénéfices d'un cours d'écriture ? bénéfices cours écriture

Bénéfice 1 : Mieux comprendre ce qu'on lit

Le désir d'écrire naît du plaisir que l'on a en tant que lecteur. Tout comme le désir de devenir comédien viendra du plaisir que l'on en savourant le travail de tel ou tel acteur. La motivation, contrairement à ce que l'on pourrait penser, ne vient pas de l'envie d'avoir son nom sur la couverture d'un livre, où de s'imaginer en haut de l'affiche. Le désir profond d'un apprenti écrivain est de comprendre comment tel auteur parvient à créer un monde et nous projeter dans ce monde à l'aide de techniques invisibles aux yeux du lecteur. Nos cours d'écriture ne mettent pas en avant le plaisir d'expression de nos élèves. Ils ont pour objectif de vous apprendre ce qu'est une histoire, comment elle fonctionne. Et cela passe bien sûr par l'étude des techniques mises en œuvre par les romanciers et romancières. Le bénéfice premier d'un cours d'écriture aux Artisans de la Fiction sera d'apprendre à lire comme un écrivain. C'est-à-dire techniquement.

Bénéfice 2 : Apprendre des techniques et pratiquer

Qu'entend-t-on par apprentissage technique ? Dans nos cours d'écriture, vous apprenez à : 
  • Lire pour repérer les outils mis en oeuvre par l'écrivain
  • Lire "anatomiquement" afin de comprendre comment les éléments sont reliés entre eux
  • Mettre en oeuvre chaque technique étudiée (individuellement et collectivement)
  • Analyser les travaux des autres élèves afin d'assimiler plus en profondeur.
  • Réécrire afin d'affiner progressivement l'effet de vos histoires sur les lecteurs.

Bénéfice 3 : Gagner du temps 

Mais à quoi ça sert de comprendre ce que font les autres écrivains ? Est-ce qu'il ne vaut pas mieux éviter d'être influencé ? La tâche d'écrire un roman ou une nouvelle est tellement complexe, que si vous vous lancez sans avoir étudié la manière de construire et de mettre en forme des auteurs qui vous ont précédés, vous n'irez pas loin. Vous ne maîtriserez pas ce que vous écrirez, et surtout cela sera techniquement indigent.  Les romanciers sont des prestidigitateurs et non des magiciens : un prestidigitateur est avant tout un passionné de techniques, qu'il va étudier en observant et en tentant de reproduire le travail des prestidigitateurs qui l'ont précédé. Vous penchez techniquement sur l'écriture des auteurs que vous admirez, c'est le début de votre apprentissage. Vous allez découvrir que derrière une facilité de lecture se dissimule une grande complexité technique. Plus vous découvrirez tôt en quoi consiste le travail d'écriture d'une histoire, plus vous gagnerez de temps : cela vous évitera de vous lancer dans des projets impossibles. Le gain de temps est donc l'un des grands bénéfices des cours d'écriture. 

Bénéfice 4 : Rejoindre une communauté d’apprentis techniciens

En suivant une formation chez nous  vous serez entourés d'autres apprentis, qui se poseront les mêmes questions que vous, qui feront face aux mêmes difficultés : est-ce que ce que j'écris est intéressant, comment créer plus de tension, pourquoi c'est plat, comment me servir de tel ou tel outil ? Cela vous permettra de dédramatiser (en étant isolé on se met vite la pression), et surtout de progresser pas à pas. Tout comme l'étude des travaux des autres auteurs est indispensable (ça fait du bien d'arrêter de croire qu'il faut tout réinventer sans aucune base), se former avec des pairs nous paraît fondamental. Vous apprendrez ce qu'il faut faire et ne pas faire en progressant avec d'autres apprentis. A plusieurs on apprend mieux, car il est tellement difficile d'évaluer ses propres textes... et tellement plus simple de voir dans les textes des autres ce qui fonctionne et c qui ne fonctionne pas, ce qui intéresse et ce qui ennuie, ce qui est compréhensible et ce qui doit être ré-écrit. Accéder aux travaux des autres, reconnaitre leurs forces et apprendre à réparer leurs faiblesses, tels sont les bénéfices d'un cours d'écriture !

Bénéfice 5 : Profiter de la dynamique de groupe 

Se former au sein d'une équipe d'apprentis, c'est acquérir, petit à petit un langage commun, des outils communs, des réflexes de travail. Laissons de côté les idées que vous avez sur l'écriture, le temps de faire un parallèle avec les autres domaines ou vous avez développé des compétences. Peut-être êtes vous partis seul, en lisant des guides et en reproduisant chez vous ce que vous aviez lu. Vous cherchiez à comprendre comment faire telle ou telle chose. Vous avez pris le temps de comprendre ce qu'il fallait faire (c'est à dire analyser techniquement comment c'était fait). Mais peut être avez vous vous suivi des cours, vous êtes vous engagé dans un apprentissage à plusieurs. Et c'est ce cadre collectif qui vous a aidé, stimulé, remis en question parfois.  Travailler au sein d'un groupe, apprendre à écrire collectivement, et à réécrire les textes des autres, à analyser ce qui ne marche pas et à émettre des pistes de retravail vous préparera à retravailler vos projets d'écriture avec plus de recul et de professionnalisme. Ce travail peut s'effectuer aussi bien en présentiel qu'en télé enseignement.

Bénéfice 6 : Des savoir-faire à investir dans d’autres domaines 

Qu'est-ce-que vous former aux techniques et à la culture de la narration littéraire vous apportera ?  Pas forcément la publication du roman que vous fantasmez. Pas dans l'immédiat en tout cas. Mais les bénéfices d'un cours d'écriture dédié à l'apprentissage sont néanmoins nombreux. Cela dopera vos capacités de compréhension des histoires que vous lisez, que vous voyez. Et cela déploiera vos capacités d'écriture, quel que soit le domaine. Nos élèves viennent se former chez nous pour leur écriture personnelle, et réinvestissent ces outils dans le champ professionnel (journalisme, communication, enseignement, accompagnement, bénévolat..). Considérez que dans les pays anglo-saxons, les formations initiales de creative writing (de l'école primaire au lycée) bénéficient à tous les champs professionnels, et pas seulement aux romanciers ou scénaristes. Et inversement, les formations anglo-saxonnes en creative writing ne se limitent pas seulement à former des auteurs de fiction, mais aussi des professionnels de l'édition, de la communication, du journalisme, de la relecture etc... En vous formant chez nous vous apprendrez ce qu'est une histoire, à quoi elle sert, vous vous sentirez moins seuls face à l'écriture, moins tétanisés par l'absolu. Que vous deviez rédiger des articles, des synthèses, des documents, vous apprendrez à leur donner plus de force, de précision.Vous apprendrez à raconter, et à bien raconter. Et, principalement, si vous aimez lire des histoires, vous apprendrez à les savourer encore plus. Car la narration littéraire est un artisanat fascinant qui vous nourrit intellectuellement. Et qui décuplera vos capacités. 

Se renseigner avant de s’inscrire dans un cours d’écriture 

Ne vous engagez pas dans un atelier sans savoir où vous mettez les pieds. Certaines personnes ont débarqué aux Artisans de la Fiction en cherchant un espace de liberté, de spontanéité… alors que nous proposons un retour à une pédagogie classique, axée sur l'apprentissage, l'exercice, l'assimilation respectueuse d'un héritage narratif. D'autres vont dans des ateliers d'écriture créative à la recherche de règles et d'outils, alors qu'on leur dira "autorise-toi à être libre".  Renseignez-vous. Vous former vous demandera du temps, choisissez le type de formation qui répondra à ce que vous cherchez. Vous ne profiterez pas des bénéfices de votre cours d'écriture si vous n'êtes pas dans un espace adapté à votre besoin.  ]]>
7579 0 0 0 ]]> ]]>
Pourquoi l'apprentissage de l'écriture a été radié de l'université française - Violaine Houdart-Merot http://www.artisansdelafiction.com/blog/apprentissage-ecriture-universite-violaine-houdart-merot/ Thu, 11 Feb 2021 15:30:23 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7622 Pourquoi l'apprentissage de l'écriture a été radié de l'université française - Une interview de Violaine Houdart-Merot

Pourquoi l'apprentissage de l'écriture a été radié de l'université française ? Comment en sommes-nous venus à mépriser l'apprentissage classique des formes de narration ? Pourquoi nous leur avons préféré le commentaire et l'analyse de texte ? Nous revenons dans cette interview de Violaine Houdart-Merot sur les conséquences de ces partis pris. 

Violaine Houdart-Merot est l'une des figures de proue de la création littéraire en France. Elles est l'instigatrice du master de création littéraire et du doctorat de recherche en création de l’Université de Cergy-Pontoise. Et aussi auteur du livre La création littéraire à l’université. Elle partage avec nous son regard et son expérience sur le déclin de l'apprentissage de l'écriture à l'université.

[caption id="attachment_7679" align="aligncenter" width="640"] Ernest Meissonier, Le Siège de Paris, huile sur toile, 1870-1884[/caption]

L'apprentissage de l'écriture à l'université : un peu d'histoire

  • Pourquoi a-t-on cessé d'enseigner l'écriture en France depuis la fin du 19ème siècle?

Violaine Houdart-Merot : L’écriture qui a cessé progressivement d’être enseignée et pratiquée à la fin du XIXe siècle, c’est celle de l’enseignement rhétorique, aussi bien dans le secondaire qu’à l’université. L’enseignement rhétorique, dans le prolongement de la pédagogie jésuite, était fondé sur la traduction et sur l’imitation des œuvres étudiées, essentiellement gréco-latines. Ces oeuvres comprenaient aussi bien des discours d’orateurs que des tragédies, des épopées ou des ouvrages philosophiques et historiques. La finalité de la lecture était alors d’apprendre l’art d’écrire et de parler. On pratiquait différents genres : des discours, des vers en latins, des lettres ou des narrations par exemple. Cet apprentissage s’appuyait aussi sur des traités de rhétorique.

Le procès de la rhétorique est lié à un faisceau de raisons.

 

V H-M : D'abord la défaite contre l’Allemagne en 1870 qui amène à remettre en question le système éducatif français. On le juge trop peu scientifique et moins performant que le système allemand. Ensuite le nouveau contexte scientifique : le positivisme de la fin du XIXe siècle et la recherche d’une légitimité des études littéraires par le recours à la science, au moment où se développe l’histoire littéraire. C’est enfin une conception romantique de la création littéraire. Elle se méfie de toutes sortes d’imitation au nom de l’originalité et du génie créateur.

Cet enseignement rhétorique avait certes bien des défauts. Mais on a jeté en quelque sorte le bébé avec l’eau du bain, en abandonnant tout apprentissage d’une écriture autre que celle du commentaire. Les seuls exercices qui ont remplacé ces différents exercices rhétoriques avaient pour finalité la lecture : la composition française ou dissertation et l’explication de texte. En sorte que la seule écriture pratiquée dans l’enseignement secondaire a été une écriture de type critique. Une écriture du commentaire et non de même nature que les textes littéraires étudiés.

[caption id="attachment_7680" align="aligncenter" width="580"] Les progymnasmata sont des exercices préparatoires de rhétorique[/caption]
  • Quel a été, pour vous, les conséquences de l'abandon d'un apprentissage basé sur l'imitation et l'appropriation des modèles classiques ?

V H-M : La première conséquence de cet abandon fut de renoncer à un apprentissage diversifié des modalités d’écriture. Notamment d’écritures de type littéraire, au profit de la seule écriture critique. L’autre conséquence fut de dissocier l’acte de lire et l’acte d’écrire. Ce qui est aussi dommageable pour la lecture que pour l’écriture. En effet la pratique d’une écriture littéraire est souvent une incitation à lire. La lecture est devenue une finalité en soi des études littéraires, au lieu de privilégier une interaction entre la lecture et l’écriture.

Plus profondément, il me semble que la perte d’attraction des études littéraires est liée à un enseignement qui ne permet pas une réelle appropriation de la littérature. Du fait de ce clivage entre lire et écrire. Je pense, comme Jean-Marie Schaeffer dans sa petite écologie des études littéraires, qu’il est indispensable de définir la littérature en terme d’usage esthétique. Et pour cela  il faut permettre à chacun, élève ou étudiant, enfant comme adulte, de pratiquer la littérature pour se l’approprier.

  • Pouvez-vous nous parler de l'importance du mythe romantique dans le rapport à l'écriture, en France ?

V H-M : Les romantiques ont voulu rompre avec le classicisme et la fameuse doctrine de l’imitation : « que le poète se garde surtout de copier qui que ce soit, pas plus Shakespeare que Molière, pas plus Schiller que Corneille », écrit Victor Hugo dans la Préface de Crommwell. Le mouvement romantique prône l’originalité et affirme que l’on crée, non pas à partir de ce qu’on a lu, mais en écoutant la nature, son cœur et son inspiration. Le poète, écrit encore Hugo, « ne doit pas écrire avec ce qui a été écrit, mais avec son âme et son cœur ».

De là est né le mythe de l’écrivain démiurge, créant dans la solitude, à une époque où les écrivains revendiquent leur autonomie dans la société. Certes on sait bien que les Romantiques imitent comme tous les écrivains, reconnaissent même des modèles et que, si l’originalité est devenue une nouvelle catégorie esthétique, leurs œuvres sont tout autant que les autres nourries de leurs lectures. Ils réagissaient en fait contre une application trop rigide du principe d’imitation des Anciens et revendiquaient leur liberté par rapport à des normes d’écriture trop étroites. Mais le mythe a perduré.

  • Comment expliquez-vous l'absence de remise en question du modèle français d'enseignement de la littérature, qui existe depuis presque 150 ans ?

V H-M : Si ce mythe perdure, alors même que beaucoup d’écrivains contemporains revendiquent à nouveau l’imitation comme constitutive de la création, alors même que la notion d’intertextualité est presque devenue un nouveau lieu commun, c’est sans doute parce que ce mythe du génie littéraire ex nihilo correspond aussi à la place privilégiée, idéalisée que tient la littérature en France, conçue comme intouchable, inaccessible au commun des mortels.

Dans East Village Blues, l’écrivaine Chantal Thomas raconte comment, arrivant à New York au milieu des années 1970, elle fut stupéfaite de découvrir une ville où se pratiquent des lectures publiques et où l’on ose se dire poète sans avoir peur du ridicule. Alors qu’en France, à la même époque, le chemin vers l’écriture est « un mouvement vers l’impossible ».

Ce mythe perdure aussi, précisément, à cause de ce clivage entre lire et écrire. Parce qu’on ne pratique pas l’écriture à l’école, sinon dans les petites classes. La littérature étant réservée aux enfants ou aux grands écrivains. Il est difficile en France de sortir du « régime vocationnel » qui est celui des écrivains depuis le XIXe siècle. Selon lequel l’activité d’écrivain répond à une vocation, à un appel intérieur, comme dans le domaine religieux, régime de « singularisation » qui s’oppose au régime « professionnel », comme l’explique Nathalie Heinich dans L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime démocratique (2005).

  • Vous êtes-vous penché sur l'apprentissage de la littérature tel qu'il est proposé dans d'autres pays ? Si c'est le cas, les types d'enseignement proposés sont-ils différents du modèle français ?

V H-M : En dehors de la France, et notamment aux États-Unis et au Québec, mais aussi en Grande-Bretagne et en Australie, le rapport à la littérature et à l’écriture créative est en effet différent. Ces modèles étrangers sont importants pour nous aider à penser une autre manière d’enseigner la littérature. Le modèle le plus connu est celui des programmes de creative writing. Le premier est apparu aux États-Unis dès 1936 dans l’université d’Iowa et ces programmes (et notamment les « masters of fine art ») se sont ensuite multipliés. Mais ces programmes ont été - et sont toujours - victimes de préjugés en France, souvent par méconnaissance. De même, au Québec, le doctorat en création littéraire est bien établi depuis les années 1980.

Alain Beaulieu explique qu’à l’université Laval, les premiers ateliers d’écriture sont nés de la demande des étudiants. Puis a été créé un parcours spécifique de création littéraire, y compris en doctorat. Les colloques internationaux que nous avons organisés depuis une dizaine d’années à l’université de Cergy-Pontoise nous ont permis de mieux comprendre ce qui se pratique à l’étranger. De même la thèse soutenue en 2013 par Amarie Petitjean, comparant le modèle français et les modèles canadiens et états-uniens éclaire leur histoire. Le doctorat que nous avons mis en place en France, dans quelques universités, s’inspire du modèle québécois de « recherche-création », tout en cherchant une voie plus spécifiquement française.

  • Pensez-vous que l'on puisse enseigner l'écriture littéraire ?

Je suis convaincue qu’on peut enseigner l’écriture littéraire. À condition de concevoir cet enseignement non comme un ensemble de techniques et encore moins de « recettes » à transmettre. Mais comme un accompagnement qui permet à chacun tout d’abord d’oser écrire, de s’autoriser à écrire, et ensuite d’explorer l’écriture, par une interaction avec la lecture de textes littéraires variés et par un travail de réécriture.

Dans cette mesure, il ne s’agit nullement de revenir à l’enseignement rhétorique du XIXe siècle. Mais d’inventer une nouvelle forme de « culture rhétorique », qui ne considère plus qu’il existe des règles universelles, transmises dans des traités de rhétorique à dimension prescriptive. Je conçois cet enseignement comme un laboratoire. Un lieu d’expérimentation littéraire où la dimension collective permet à chacun d’avoir d’emblée des lecteurs attentifs et exigeants et un regard critique sur ses écrits. Ce qui est très stimulant pour pouvoir retravailler ses textes, de même qu’à l’inverse on entraine chacun à être un lecteur plus expert.

  • Depuis la publication de votre livre, La création littéraire à l’université, pensez-vous que la situation a beaucoup évolué en France ?

apprentissage écriture universitéIl me semble que ces nouvelles formations intéressent de plus en plus les étudiants et les enseignants-chercheurs en littérature. Quelques masters ont été créés depuis la publication de mon livre en 2018. De nouveaux  postes  apparaissent ci et là sous la rubrique « création littéraire ». Plusieurs thèses et une première habilitation à diriger des recherches ont été soutenues depuis trois ans, sous la mention « Pratique et théorie de la création littéraire ». Et par ailleurs, des recherches théoriques sont menées actuellement. En littérature mais aussi dans les autres arts sur cette articulation entre recherche et création. Nous allons d’ailleurs prochainement publier chez Peter Lang, Amarie Petitjean et moi-même, un ouvrage collectif, intitulé La Recherche-création littéraire. Il rassemble des écrivains, doctorants et enseignants-chercheurs, en France, mais aussi aux États-Unis, au Québec, en Grèce, en Suisse.

Mon espoir est que le secondaire aussi redonne davantage de place aux pratiques d’écriture créative. Elles sont peu présentes dans les nouveaux programmes. Car ils sont très axés encore sur le commentaire et la dissertation, même si l’on parle d’une écriture d’appropriation (qui risque d’être peu pratiquée, faute de temps). Il faut rappeler que bien des enseignants, en collège notamment, ont compris depuis longtemps l’intérêt de faire écrire les élèves et d’importer au sein de l’institution scolaire les pratiques d’ateliers d’écriture, même si le nombre d’élèves est un obstacle. Mais des revues comme la revue Pratiques ou Le Français aujourd’hui donnent depuis longtemps des pistes passionnantes pour cette appropriation littéraire par la pratique d’écriture.

  • Que souhaitez-vous pour l’avenir de la création littéraire en France ? Comment participer à son expansion ?

Il y a toujours le risque qu’une réforme se rigidifie. Qu'elle se transforme en routine. Il ne faudrait surtout pas que ces nouvelles formations deviennent des cours de rhétorique dans le mauvais sens du terme. C'est à dire en se contentant de donner des techniques passe-partout. Sans être dans une perspective d’exploration et de travail de la langue. Sans être à l’écoute de la singularité de chacun. Il y a aussi le risque que ces formations soient prises en charge par des enseignants qui n’ont pas véritablement réfléchi aux enjeux de ces démarches et qui n’aient pas fait l’effort de se former.

De même les nouvelles thèses, si elles sont mal comprises, peuvent se réduire à un écrit créatif d’intérêt variable associé à un travail de recherche au rabais, sans interaction entre les deux. Pour cela, il importe d’être vigilant, de continuer à travailler collectivement sur ces questions. Je crois à l’intelligence collective dans ce domaine.

Mais il me semble important qu’il existe des structures en dehors de l’université ou de l’institution scolaire. Comme Les Artisans de la fiction, Aleph ou le Labo des histoires pour les enfants, qui offrent à des publics très variés la possiblité d’avoir accès à une écriture créative, à différents niveaux. Il ne faudrait surtout pas mettre en concurrence les différents lieux de formations à l’écriture créative.

  • Un conseil pour les apprentis écrivains qui se découragent devant l’ampleur de ce qu’ils ont à apprendre ?

Je pense que le plus important est la force du désir d’écrire. C’est d’ailleurs l’un des bienfaits de ces nouveaux masters. Ils permettent à chacun de mesurer réellement l’ampleur de ce désir. Certains réalisent alors que ce désir n’est pas assez fort pour y consacrer vraiment tout le temps et l’investissement nécessaire. 

Face à un étudiant découragé, qui a l’impression de ne pas avancer, je lui dirais de continuer à écrire. D'écrire le plus régulièrement possible. De à lire, le plus régulièrement possible. Mais aussi d'écrire ses lectures : « Si vous n’arrivez pas à écrire, écrivez » disait le philosophe Wittgenstein. Il faut réamorcer régulièrement le désir d’écrire. On ne peut pas dissocier ces pratiques d’écriture de « savoirs » sur l’art d’écrire. Cela exige de lire, aussi bien des lectures littéraires que plus théoriques. Je pense aussi que les échanges sont importants. C’est aussi l’un des bénéfices de ces masters que de permettre la constitution de petites communautés, souvent très solidaires. Les étudiants s’entraident et se soutiennent entre eux, au-delà des deux années qu’ils ont passé ensemble.

Aller plus loin

Nous remercions grandement Violaine Houdart-Merot pour cet entretien qui éclaire la question de l'apprentissage de l'écriture au sein de l'université française. Son point de vue permet ainsi de mieux comprendre les réticences que rencontre l'apprentissage de l'écriture en France. Nous publierons dans quelques jours la seconde partie de cette interview. Elle portera sur les master de création littéraire et sur leur fonctionnement. Cette interview vous permettra de mieux comprendre l'apprentissage de l'écriture proposé dans l'université française et d'évaluer si ces formations correspondent à vos besoins et attentes. L'apprentissage de l'écriture  proposé par les Artisans de la Fiction diffère de l' apprentissage de l’écriture développé au sein des masters d'écriture créative proposés par  l'université Française. Nos formations partent du même constat, mais proposent de former nos élèves aux règles de la dramaturgie et à l'apprentissage des modèles narratifs. Nous organisons régulièrement des journées d'initiation pour permettre aux élèves de tester notre approche.]]>
7622 0 0 0 ]]> ]]>
Le master de création littéraire - Interview Violaine Houdart-Merot http://www.artisansdelafiction.com/blog/master-creation-litteraire-interview-violaine-houdart-merot/ Mon, 10 May 2021 13:18:18 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7635 Le master de création littéraire - Interview Violaine Houdart-Merot

Les masters de création littéraire sont encore jeunes mais ils tentent de transformer les études de lettres à l'université. Nous avons interviewé Violaine Houdart-Merot, instigatrice du master de création littéraire de l’Université de Cergy-Pontoise et auteur de "La création littéraire à l'université". Elle revient avec nous sur le fonctionnement et les enjeux d'un tel master.

Parlons du master de création littéraire !

  • Quels sont les enjeux qui vous ont poussé à créer le master de création littéraire, quelles difficultés avez-vous rencontré ?

L’enjeu principal pour moi a été le désir de redonner du sens aux études de lettres en retrouvant cet équilibre perdu entre culture du commentaire et culture rhétorique. J’avais fait une thèse sur la culture littéraire au lycée depuis 1880 qui m’avait convaincue des dégâts qu’avaient faits cet abandon d’une réelle pratique d’écriture, au profit des seuls exercices de commentaire. Mon expérience personnelle des ateliers d’écriture m’a poussée d’abord à introduire en licence des ateliers d’écriture créative dont j’ai pu constater d’emblée l’enthousiasme qu’ils suscitaient et le rôle aussi qu’ils jouaient pour faire des étudiants de meilleurs lecteurs. J’ai ensuite créé, avec Amarie Petitjean, un Diplôme universitaire d’écriture créative - qui existe toujours-, plus facile à concevoir qu’un master, et dont la réussite a été un tremplin vers la mise en place plus complexe d’un master de création littéraire.

La difficulté a été de convaincre tous mes collègues de l’intérêt pour les étudiants de ce nouveau type de master, donnant une place importante à la pratique littéraire et formant à différents métiers de l’écriture. L’autre difficulté a concerné la possibilité de rétribuer les écrivains invités chaque année pour des résidences d’écrivains ou des master class.

   Mais les collègues les plus méfiants en ont été assez vite convaincus en constatant l’engouement incroyable de cette nouvelle formation, alors que les masters de recherche en littérature sont en général en perte de vitesse, un peu partout en France. Dès la première année, nous avons eu un grand nombre de candidatures, au point que nous avons du faire une sélection importante. 

  • Quelle place occupait l’apprentissage des techniques d’écriture créative dans vos ateliers ?

 Je n’étais pas la seule à encadrer ces ateliers d’écriture et la diversité des encadrants m’a toujours semblée essentielle, précisément pour éviter qu’il y ait un modèle unique, une manière de faire unique. Parmi les ateliers proposés à Cergy, il y a un atelier d’écriture numérique, un autre de traduction littéraire et une place est toujours donnée à des écrivains qui interviennent durant un semestre ou pour des master class.

L’apprentissage des techniques d’écriture créative est le plus souvent associé à l’observation de textes d’écrivains, étudiés dans une perspective d’écriture. Ces points diffèrent selon le thème de l’atelier. Parfois des points théoriques sont proposés (autour d’une notion comme la focalisation, le traitement du temps, ou la métalepse par exemple, mais toujours en s’appuyant sur des exemples littéraires.

Parfois, c’est à la suite des premières versions produites par les étudiants que des conseils sont donnés, qu’il s’agisse du recours à telle ou telle notion ou de conseils de lectures qui peuvent venir résoudre un problème posé par un texte. Mais les retours des autres étudiants jouent aussi un rôle important pour amener les étudiants à revenir sur leur texte et explorer d’autres modalités d’écriture.

[caption id="attachment_7687" align="alignnone" width="630"] Liste des débouchés professionnels du Master de création littéraire de Cergy Pontoise[/caption]
  • À quels débouchés ont accès les élèves du master de création littéraire ? Aspirent-ils en majorité devenir des auteurs publiés ou des chercheurs dans le domaine de la création littéraire ?

Les motivations des étudiants qui candidatent sont variées, mais, fondamentalement liées à un fort désir d’écrire. Nous en tenons compte d’ailleurs dans la sélection des dossiers. Nous ne leur faisons pas croire que chaque étudiant pourra vivre de sa plume ni même forcément être publié. Au contraire nous insistons pour qu’ils préparent leur avenir professionnel. L’une des unités d’enseignement consiste précisément en un accompagnement du projet professionnel, avec des rencontres avec des professionnels et on leur demande de suivre un stage dans la perspective de ce projet. Notre master comprend également une formation à la SGDL sur les droits d’auteurs entre autres, ainsi qu’une formation à l’animation d’ateliers d’écriture. A l’issue du master, certains poursuivent en doctorat, d’autres se dirigent vers l’enseignement, les métiers des réseaux sociaux, ou encore de la publicité, de la communication, ou même de l’édition ou du journalisme. Pour certains, qui arrivent d’horizons très variés et ont déjà un métier, c’est une parenthèse qu’ils s’offrent et qui va leur permettre d’enrichir leur expérience professionnelle d’une toute autre façon. [caption id="attachment_7690" align="aligncenter" width="580"] Présentation des travaux des élèves du Master de création littéraire de Cergy-Pontoise.[/caption]
  • Comment se passe l’évaluation des compétences de vos élèves en matière de création littéraire ?

La difficulté à évaluer un écrit créatif est souvent donnée comme argument – ou comme prétexte - pour dire que la création littéraire ne peut être enseignée. Et pourtant, un enseignant en lettres passe son existence à lire, et donc à évaluer (au sens d’estimer la valeur) des œuvres littéraires qu’il étudie, et d’autant plus depuis que l’université s’intéresse aux écrivains contemporains, alors que la tradition a longtemps été de n’étudier que des écrivains morts, déjà patrimonialisés.

Par ailleurs, dans toute évaluation il y a une part de subjectivité, elle existe aussi pour évaluer une dissertation, mais l’important est que cette évaluation soit explicitée. Enfin, une carrière d’écrivain est jalonnée de prix qui évaluent et classent les œuvres. Il est formateur pour un apprenti-écrivain d’être confronté au regard et au jugement des lecteurs.

"Ce qui importe n’est pas tant la note que les observations"

Nous essayons d’expliciter les critères d’évaluation. Ceux-ci diffèrent selon qu’il s’agit du mémoire de master en recherche-création ou des ateliers en licence. Dans le cas des ateliers en licence, nous observons la manière dont la proposition d’écriture a été traitée, sa conformité à la consigne ou son détournement, sachant qu’un détournement assumé peut être tout à fait productif et intéressant. Nous tenons compte aussi de l’adéquation entre le fond et la forme, de l’utilisation de compétences littéraires (procédés narratifs, figures de style, métaphores « vives » et non stéréoypées etc), de la densité du texte, de ses enjeux de signification, du travail éventuel de mise en page, lorsqu’il est signifiant. Certains critères dépendent du genre choisi. Ainsi, pour des dialogues de théâtre, on observe plus spécifiquement le jeu sur les registres de langue, la manière dont chaque personnage parle, la tension dramatique … Enfin, nous accordons aussi une importance à la qualité du travail de réécriture dont le texte a été l’objet et à la capacité de l’étudiant à avoir un regard réflexif sur ce qu’il a écrit. Mais les modalités d’évaluation peuvent varier d’une personne à l’autre, et même d’un texte à l’autre. Ce qui importe n’est pas tant la note que les observations qui sont faites sur ce qui nous semble réussi et les pistes données pour aller plus loin. [caption id="attachment_7693" align="aligncenter" width="580"] L'université de Cergy Pontoise, où est proposé le Master de création littéraire crée par Violaine Houdart-Merol[/caption]
  • L’oralité occupe une place importante dans le master que vous avez dirigé, pour quelles raisons ? Que pensez-vous des ateliers d’écriture qui ne l'utilisent pas (notamment en distanciel, aux moyens de plateformes différentes) ?

L’oralité est en effet très présente, en master comme en licence. Elle permet le partage avec les autres étudiants des textes produits. Cette mise en voix des textes développe des compétences importantes à différents égards. Mais il est important aussi d’alterner lectures écrites et écoute de textes proférés à haute voix, car l’oralisation induit un certain type de texte, au détriment de textes qui seraient plus « écrits », et qui passeraient moins bien à l’oral. De plus, il importe de pouvoir travailler sur le texte écrit pour revenir plus précisément sur tel ou tel passage. En master, il arrive assez souvent que les textes soient produits hors de l’atelier, envoyés avant la séance à chacun. La lecture se fait alors en amont, de manière individuelle, la séance étant consacrée à l’analyse de chaque texte. 

Par ailleurs, en master notamment, nous incitons les étudiants à présenter leurs écrits hors de l’université (Maison de la poésie, théâtres voisins, festivals d’écriture…) et un atelier est prévu au sein du master pour le travail de la voix et les performances, mené par un enseignant qui pratique lui-même le théâtre. Ce type d’apprentissage nous semble important à une époque où la littérature se pratique beaucoup plus qu’avant « hors du livre » pour reprendre l’expression d’Olivia Rosenthal et Lionel Ruffel.

Certes les ateliers à distance ne permettent pas  ce travail sur la voix ou même sur le corps. Mais l’essentiel est néanmoins la possibilité d’être accompagné dans un travail d’écriture et d’avoir un retour précis sur ce qu’ils ont écrits.

  • La peur de la standardisation (ou de “l’américanisation”) des textes produits est encore très présente, qu’est-ce que vous en pensez ? Peut-on faire de la création littéraire sans écrire à l’américaine ?

Les résistances sont encore nombeuses par rapport à un apprentissage de l’écriture. La peur du formatage est souvent évoquée. Or il me semble que le danger de standardisation est au contraire plus fort si l’on écrit dans la solitude en ayant recours à des modèles parfois étroits dont on n’a pas toujours conscience. A l’inverse, dans un master, chacun est amené à se frotter à une diversités de genres littéraires, d’esthétiques, de styles différents, à lire une grande quantité d’œuvres littéraires. 

Le meilleur argument que l’on peut donner est celui de la grande diversité des textes produits par les étudiants. À partir d’une même proposition d’écriture, ils sont les premiers stupéfaits de constater la variété des écrits. De même, si l’on regarde les différents mémoires rédigés par les étudiants de master, on est frappé par leur variété. Enfin les premières publications nées de masters de création littéraire, à Cergy comme à Paris 8 ou au Havre, manifestent aussi une grande diversité d’écriture et de centres d’intérêt.

"On n’a jamais reproché aux ateliers de peintres ou aux écoles de musique d’être source de standardisation"

Je pourrais citer À l’approche de Virginie Gautier, œuvre poétique d’une grande force (éditions du Chemin de fer, 2017), née des trajets réguliers dans le RER A pour se rendre de Paris à Cergy. L’ouvrage vient d’être choisi par l’association Ciclic (établissement public de coopération culturelle de la région Centre-Val de Loire) pour être étudié par tous les lycéens de cette région. Ce livre n’a rien à voir avec le roman publié par Marin Fouqué (qui fut également étudiant en master à Cergy et qui par ailleurs est rappeur) paru chez Actes Sud en 2019, 77. Il raconte la vie désoeuvrée de quelques jeunes du « sept-sept », en Seine-et-marne, réflexion sur le territoire et le rapport au temps, dans une écriture au rythme saccadé, parfois violent, dans un flux de conscience. Rien de particulièrement « américain » dans ces deux livres, mais à chaque fois des écritures très singulières.

Par ailleurs, on n’a jamais reproché aux ateliers de peintres ou aux écoles de musique d’être source de standardisation. Pourquoi est-ce que seul l’art littéraire devrait se passer de la richesse des échanges ? Les écoles littéraires ont-elles été nocives ?

  • Aujourd'hui, vous accompagnez des doctorants en création littéraire : quels sont leurs axes de recherche les plus prometteurs, pour vous ?

Toutes les recherches sont passionnantes à partir du moment où il y a une réelle interaction entre la recherche théorique et la création littéraire et que ce travail créatif est lui-même conçu comme une recherche, l’expérimentation d’une forme adéquate. Ces nouvelles thèses s’appuient sur la conviction qu’un écrivain digne de ce nom doit toujours être capable de penser ce qu’il fait, même si, bien entendu, le processus d’écriture comporte une part d’inconscient.

Dans cette mesure, il est plus important dans un premier temps que les étudiants qui travaillent dans un domaine particulier (par exemple la biographie, la littérature de voyage, la fiction documentée, l’écopoésie, les résurgences d’une poésie orale…) aient lu les œuvres littéraires et les travaux théoriques qui touchent à ce domaine, de manière à nourrir aussi leur travail créatif, dans un va-et-vient entre pratique d’écriture, lectures et réflexions théoriques. L’intérêt de ces travaux est aussi de fournir une réflexion, utile pour d’autres, sur les processus d’écriture mis en jeu.

Ce qui me paraît prometteur également, c’est la réflexion qui s’amorce sur la manière d’écrire la recherche en littérature, la revendication d’une écriture de la recherche qui soit plus personnelle, une écriture qui ne se réduise pas au « non-style » que Charles Coustille a observé dans l’écriture de thèses académiques.

Nous remercions grandement Violaine Houdart-Mérot pour cet entretien très riche. Désormais vous connaissez les enjeux et le fonctionnement d'un master de création littéraire. Nous vous invitons également à consulter la première partie de cette interview, dédiée à l'apprentissage de l'écriture dans l'université française.

Il existe de nombreuses approches de l’apprentissage de l’écriture dont celle proposée par les Artisans de la Fiction. Nous organisons régulièrement des journées d’initiation pour permettre aux élèves de tester notre approche.

]]>
7635 0 0 0 ]]> ]]>
Le stage - Arc transformationnel http://www.artisansdelafiction.com/blog/stage-arc-transformationnel/ Thu, 28 Jan 2021 09:18:59 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7647 Stage d'écriture : L'arc transformationnel

Qu'entend-on par l'arche du personnage dans un roman ? Et surtout qu'apprend-on dans un stage dédié à l'arc transformationnel ? Julie, formatrice des Artisans de la Fiction, vous explique tout !

L’arc transformationnel, qu’est-ce que c’est ?

On le connaît sous le nom “arc”, “arc transformationnel”, “arche”, “arche du personnage” etc… Les scénaristes de films et de séries connaissent et manipulent cette notion depuis longtemps… les écrivains - français - beaucoup moins !

Mais les choses changent ! Par exemple, si vous regardez attentivement le générique de fin de la série “Dix pour cent” (2015, Fanny Herrero, France Télévision), vous remarquerez qu’aux côtés des réalisateurs, assistants, responsables décors, costume et sons, apparaît enfin ce nouveau savoir-faire, celui de “responsable des arches narratives” (en l'occurrence Fanny Herrero, Benjamin Dupas et Eliane Montaine).

Mais qu’est-ce qu’un arc de personnage en fiction ? A quoi sert-il ? Pourquoi est-ce une notion à connaître et à maîtriser par toute personne qui cherche à écrire de la fiction ?

L’arc du personnage

L’arc transformationnel d’un personnage, c’est tout simplement, la trajectoire physique et psychologique d’un personnage du début à la fin de l’histoire. C’est ce qui désigne sa transformation. C'est son évolution au fur et à mesure du récit. 

On parle d’“arc” ou “arche”, car, il s’agit de faire évoluer le ou les personnages principaux de votre histoire en leur faisant vivre des situations de plus en plus intenses (montée de l’arche) jusqu’à un dénouement (redescente de l’arche) à la fin de l’histoire.

L’arc du personnage : un outil pour construire son récit.

Construire l’arc du ou des personnages principaux de votre fiction, vous fait questionner l’identité, les habitudes et les caractères de ces personnages. Mais aussi la manière dont ils vont agir et réagir par rapport aux épreuves multiples que vous allez leur faire subir.

La construction de votre arc permet donc de donner une base à la structure de votre intrigue. C’est l’évolution naturelle de votre personnage qui vous donne la direction à prendre… Cela permettra de rendre votre intrigue non seulement crédible et cohérente, mais surtout naturelle, aux yeux de votre lecteur.

arc transformationnel

L’arc du personnage : un outil pour faire passer des émotions puissantes. 

Montrer l’évolution d’un personnage est un des outils les plus puissants qu’un auteur possède dans sa boîte à outils : car les lecteurs et spectateurs de fiction ne veulent pas uniquement être divertis par une histoire, ils veulent aussi (parfois inconsciemment) que cette histoire leur apprenne quelque chose sur eux-même, sur le monde, sur la société et le sens de la vie… en deux mots simples, ils veulent “être touchés” par ce qu’ils lisent ou regardent.

Or montrer l’arche d’un personnage, c’est montrer un personnage en proie à un questionnement qu’il va attaquer par toutes ces facettes pour essayer de le manipuler… C’est montrer un personnage qui va être transformé par les différents obstacles auxquels il va devoir se confronter… C’est montrer un être humain en train de faire face à l’une ou plusieurs des questions les plus importantes de l’existence : quelles sont mes racines ? à quel point je suis prisonnier.ère de la condition dans laquelle je suis né.e ? comment faire pour devenir la personne que je souhaite devenir ? par qui m’entourer ? qui sont les vrais alliés et les ennemis de mon existence ? quelles sont les valeurs que je souhaite incarner et défendre ? etc…

En pratique :

Bien entendu, il existe de nombreuses fictions dans lesquelles l’intrigue tourne autour de la résolution d’un problème général ou d’une situation, plutôt qu’autour du développement du personnage. C’est très souvent le cas dans les romans et films d’action ou, par exemple, dans les polars. Donc ce n’est pas parce que vous écrivez une fiction, que vous devez - nécessairement - construire votre intrigue en fonction des arcs de vos personnages principaux. Mais si votre objectif est de faire en sorte que vos lecteurs s’identifient à vos personnages, si vous voulez leur faire vivre une émotion puissante et que l’histoire que vous leur racontez reste avec eux longtemps : une litanie de péripéties ne suffira pas. Il faudra, à un moment ou à un autre de la construction de votre intrigue, que vous envisagiez sérieusement les arcs de vos personnages principaux. 

Pour en savoir plus sur la notion d’arc narratif, nous vous invitons à lire notre interview de Katie Weiland, autrice américaine de l’excellent manuel “Creating character arcs”. 

Vous pouvez également vous formez à cette notion et aux différentes techniques de l’arc narratif en suivant notre stage “L’Arc transformationnel du personnage”. 

]]>
7647 0 0 0 ]]> ]]>
Bien préparer un roman, quelles étapes ?  http://www.artisansdelafiction.com/blog/preparer-un-roman/ Tue, 01 Jun 2021 15:47:57 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7650 Les étapes de la préparation d'un roman

Écrire un roman est le Graal parmi les aspirants et aspirantes auteurs. C'est également la forme la plus complexe de narration écrite. Alors, comment se prépare un roman ? Et surtout, comment se préparer à préparer l'écriture d'un roman ?

Bien préparer l'écriture d'un roman 

Cette question revient souvent chez les jeunes auteurs. Instinctivement, l'apprenti auteur sait qu'il a besoin d'une idée originale, d'un personnage ainsi que d'une chambre à soi. Penchons-nous sur ces trois points.

Une idée originale

Se lancer à partir d'une idée n'est pas nécessairement une mauvaise idée. Mais toutes les idées ne constitueront pas un bon point de départ pour un roman. Une bonne idée sera une situation singulière, inattendue ou anormale poussant un personnage (lui-même singulier) à faire face. Il s'agira d'une situation initiale d'où pourra découler la structure du roman. Attention, un thème, le désir de parler de tel sujet, ne constitue pas un point de départ pour un roman. Pourquoi ? Parce que cela ne crée aucune tension dramatique.

Un personnage

Le réflexe premier sera de se prendre soi-même comme personnage, ou pire, d'avoir envie de créer un personnage sans réelle identité et de le nommer d'une lettre ("K.", "X", ou "Z")... Tout comme l'idée de départ, un personnage devra être  générateur de tensions. Ainsi, "préparer votre roman" signifiera "construire des personnages dotés d'un maximum de conflits internes".

Une chambre à soi

Le texte "Une chambre à soi" de Virginia Woolf est devenu un conseil incontournable des aspirants écrivains. A priori, le fait de disposer d'une espace coupé des perturbations du monde extérieur permettrait de préparer et d'écrire son roman sereinement. Encore faut-il savoir ce que vous essayez de construire. Un roman ne s'écrira pas uniquement en remplissant des pages sous la dictée de l'inspiration.

Attention à la méthode miracle

Conscients de la complexité technique de la tâche, certains apprentis écrivains désireront se former. Cela afin d'acquérir une méthode leur évitant d'écrire des centaines de pages bonnes pour la corbeille à papier. Certains envisagent même d'assimiler cette méthode rapidement, afin d'écrire leur roman, de trouver un éditeur et de pouvoir changer de métier dans l'année. En effet : pourquoi continuer à s'imposer un travail qui ne nous plaît pas à 100 % alors que l'on pourrait gagner beaucoup plus en faisant quelque chose de créatif ?

L'idée d'une méthode qui permettrait d'écrire des romans à longtemps fait rire en France. Ce serait l'antithèse du génie romantique dont l'écriture s'inscrirait au-delà des techniques et de l'héritage romanesque. Cette approche plonge les apprentis écrivains dans le désarroi. L'idée d'une méthode simple est presque aussi trompeuse. Il existe de nombreuses méthodes, que nous enseignons aux Artisans de la Fiction. Mais en amont de la mise en œuvre d'une méthode, il est indispensable de se pencher sur ce qu'est un roman, comment il est construit. Il s'agit de compétences qui s'acquièrent, dans la plupart des pays, durant la scolarité. Depuis la fin du 19ème siècle la France a abandonné un enseignement de la littérature basé sur la pratique et l'imitation des modèles classiques au profit d'une "science du lecteur".

Avant de choisir votre méthode et de pouvoir préparer votre roman, nous vous conseillons de vous pencher sur ce qu'est un roman. Et de vous demander de quoi il est constitué et comment il fonctionne.

Accumuler les bons matériaux dramatiques 

Plus qu'un thème, un roman visera avant tout à faire ressentir des émotions au lecteur. Ces émotions découleront des conflits internes et externes auxquels sont confrontés les personnages. Un roman, comme toute forme artistique (musique, arts graphiques, sculpture…) reposera sur la création et la gestion de forces en tension.

L'enseignement proposé par les Artisans de la Fiction, repose sur un apprentissage préalable des règles de la dramaturgie.

Ces principes, posés par Aristote dans "La Poétique", sont assez simples. Une histoire a : un début, un milieu, une fin. Et chacune de ces parties remplit une fonction bien particulière. L'apprenti partira de ces règles de proportions pour étudier techniquement comment sont construites les histoires des écrivains qui l'intéressent.

Rapidement, cet apprenti découvrira qu'un roman consiste à créer un ensemble de forces en tension. Le travail pour préparer un roman sera de concevoir les différents éléments constitutifs d'un roman (personnages, univers narratif et situations) de manière à créer le maximum de tension pour le lecteur.

 

L’intérêt d’un projet test

Pourquoi il ne faut pas faire la formation avec SON projet d’histoire 

Notre stage Préparer et construire un roman vous permettra de découvrir, d'apprendre et de commencer à mettre en application les principes de construction d'un roman. Durant 30 heures intensives (5 jours), vous apprendrez ce qu'est un personnage dynamique. Vous découvrirez comment construire un univers narratif et créer des interactions avec un protagoniste. Vous vous pencherez enfin sur la structure en 3 actes d'une histoire et les éléments transformationnels.

Ce stage s'appuie sur l'étude technique d'une novella (roman court) et de la construction narrative d'un film. Vous expérimentez bien sûr également ces règles et outils en travaillant sur un projet.

ATTENTION : nous demandons aux personnes qui suivent ce stage de travailler sur un projet prétexte, et de laisser de côté le projet de roman sur lequel ils travaillent.

Pourquoi ? Parce qu'il sera plus facile pour vous de reprendre votre roman après avoir découvert des outils que vous ne connaissiez pas en vous lançant dans l'écriture de votre roman. Sinon, vous risquez de vous sentir remis en question, et vous passerez à côté des techniques que vous venez chercher. 

Les compétences à acquérir pour bien préparer son roman

Qu'apprend-t-on au cours du stage "Préparer et construire un roman" ?

On apprend à observer anatomiquement comment une histoire est structurée. A la suite de ce stage, vous assimilerez ces principes de construction en étudiant la construction des histoires que vous lisez, regardez ou écoutez. Tout apprenti continue à se former tout au long de son parcours, qu'il devienne musicien, graphiste ou architecte.

Ces compétences vous serviront quotidiennement, car les histoires ne sont pas réservées aux romanciers ou aux scénaristes, mais  font partie des compétences dont nous avons besoin pour échanger, communiquer, ou nous faire comprendre. Les principes et outils de la dramaturgie donneront plus de précision, de force et d'intérêt aux écrits que vous devez rédiger professionnellement.

Le public qui suit le stage Préparer et construire un roman est composé de dévoreurs et de dévoreuses d'histoires, mais également, d'ingénieurs, de journalistes, de professeurs de français, d'avocats, de communicants, de storytellers, et de simples particuliers. 

]]>
7650 0 0 0 ]]> ]]>
Le schéma narratif : pourquoi Coraline de Neil Gaiman vous a marquée ? http://www.artisansdelafiction.com/blog/coraline-neil-gaiman-schema-narratif/ Tue, 02 Mar 2021 09:00:02 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7695 Pourquoi Coraline est une oeuvre marquante ? Comme nous, avez-vous tremblé à la lecture du roman “Coraline” de Neil Gaiman ? Ou peut-être en regardant son adaptation en film d’animation ? Mais savez-vous POURQUOI cette histoire a un tel effet émotionnel sur vous ? Pourquoi pleurez-vous, ou riez-vous, en lisant une histoire tout en sachant qu’elle est inventée ? Pourquoi reste-t-elle avec vous, dans votre tête, pendant des années ? Et bien c'est grâce au fameux schéma narratif. schéma narratif Coraline Neil Gaiman Si Coraline vous a marqué ce n’est pas un hasard. Derrière votre émotion se cache un auteur qui a consciencieusement travaillé son schéma narratif. C’est-à-dire la construction de son récit dans le but de vous mettre dans cet état-là !  Il existe de nombreuses façons de construire une histoire et de nombreux schémas narratifs différents.  Mais il existe de vrais “classiques”. Ces classiques sont des schémas narratifs qui existent depuis très longtemps et qui racontent des histoires qui répondent à de vrais besoins universels émotionnels et thématiques. Le récit de “Coraline” est une variation sur une structure d’intrigue classique nommée “voyage et retour”. 

Un récit au schéma narratif classique et puissant.

Le type d’intrigue “voyage et retour” raconte l’histoire d’un personnage insatisfait du monde dans lequel il vit, et qui “chute” dans un autre monde. Cet autre monde lui apparaît d’abord comme merveilleux. Car tout ce qui frustrait le personnage dans son monde original a disparu… Par exemple, les parents du “nouveau monde” de Coraline n’ont rien à voir avec ses parents de son monde normal. Bien qu’ils aient la même apparence ils sont des parents bien plus aimants, tellement plus attentifs et nettement plus rigolos que les parents du monde original ! Mais rapidement, le protagoniste d’une telle intrigue réalise que ce nouveau monde qui lui plait tant connaît une face sombre, cruelle, et très dangereuse, qui le forcera à s’enfuir et à retrouver son monde original. Cette expérience dans l’autre monde, longue, et effrayante, permet au protagoniste de mûrir, de prendre du recul et de mieux apprécier son vrai “chez-soi”. Cette structure d’intrigue fait passer du rire aux frissons, puis au soulagement. C'est un vrai ascenseur émotionnel pour le lecteur ! Mais elle pose aussi des questions fondamentales sur le rapport à l’altérité, sur le besoin humain d’aller “voir si l’herbe est plus verte ailleurs” et les dangers auxquels expose une telle curiosité si elle devient malsaine !

Un schéma narratif classique… mais intemporel !

On aurait tort d’imaginer que les structures d’histoires classiques ne produisent que des histoires pour les enfants, qu’elles sont passées de mode ou qu’elles n’inspirent pas les auteurs de récits contemporains. La structure d’histoire “Voyage et retour” est à l’origine de nombreuses histoires classiques (“Alice au pays des Merveilles”, “Robinson Crusoë”, “Les Voyages de Gulliver”, “Vingt-mille lieues sous les mers” etc.), mais aussi de romans et scénario de films contemporains. Prenez par exemple, le roman d’Alex Garland, “The Beach”, mieux connu sous son adaptation en film par Danny Boyle  (avec le jeune Leonardo Di Caprio, Virginie Ledoyen et Guillaume Canet). L’histoire raconte celle de trois jeunes Occidentaux qui découvrent leur idéal de vie au sein d’une communauté cachée sur une île thaïlandaise paradisiaque. Rapidement, le rêve va tourner au cauchemar, révélant les aspects les plus sombres résidant dans l’âme humaine et tapie dans toute société. Les protagonistes retourneront à leurs vies respectives, traumatisés certes, mais surtout conscients des aspects positifs de leur société d’origine qu’ils jugeaient si sévèrement et naïvement au départ. On retrouve ce schéma classique dans d’autres histoires actuelles comme “Kafka sur le rivage” d’Haruki Murakami, “La petite fille qui aimait Tom Gordon”, de Stephen King, “The Remainder” d’Alia Trabbuco Zeran ou même “Le Monde de Narnia” de Clive Staples Lewis…

Comprendre l’importance du schéma narratif pour raconter une histoire puissante

  Les schémas narratifs classiques sont de vrais “booster” ou “tremplin” à histoires. Leur structure - quand elle est comprise en profondeur par un auteur - permet à une histoire à gagner en densité d’actions et en intensité émotionnelle. Pour tous les auteurs et autrices, il est crucial de connaître au moins le schéma narratif de base, celui qui a donné naissance à tous les autres, celui de la quête (ou “monomythe”), de comprendre comment il est conçu et quelles d’histoires il permet de raconter, dans toutes leurs puissances. Ensuite, en fonction des auteurs techniques que vous lirez, vous apprendrez qu’il existe 7 ou 12 ou 32 (…) schémas narratifs classiques qui découlent de cette structure de base qu’est la quête, mais en réalité, le nombre exact ou précis importe peu. Ce qui est important c’est de comprendre quelles sont ces différentes variations, et pour elles aussi, de comprendre comment elles sont construites, quelles histoires ou quels thèmes elles permettent de porter et quels types d’émotions elles font vivre aux lecteurs et lectrices.  Aux Artisans de la Fiction, nous sommes convaincus qu’il ne s’agit pas uniquement de comprendre “en théorie” les schémas narratifs classiques afin de savoir écrire des histoires puissantes. C’est pourquoi nous faisons expérimenter 7 types d’intrigues fondamentales (= 7 schémas narratifs classiques) à nos élèves, à partir d’exemples issus de la littérature mondiale, mais surtout en les accompagnant dans la construction d’histoires-tests ! Pour découvrir, analyser et tester 7 intrigues fondamentales, vous pouvez vous inscrire au stage “Construire un roman : raconter avec les 7 intrigues fondamentales”. Ou bien inscrivez-vous à notre cycle de formation en 3 ans… mais attention, vous n’aborderez ces questions-là qu’en deuxième année !  ]]>
7695 0 0 0 ]]> ]]>
La dramaturgie Yves Lavandier http://www.artisansdelafiction.com/blog/la-dramaturgie-yves-lavandier/ Wed, 17 Feb 2021 10:07:17 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7712 Dramaturgie et principes de construction, interview d'Yves Lavandier

Les Artisans de la Fiction ont interviewé le réalisateur, scénariste et auteur de La Dramaturgie Yves Lavandier. Dans cette partie de l'entretien nous abordons avec lui l'utilité des histoires et la réponse qu'apporte la Dramaturgie à cette problématique. 

la dramaturgie Yves LavandierLa force de La Dramaturgie, dont la première édition a été publiée par Yves Lavandier en 1994, n'est pas de proposer une méthode clé en main pour construire une histoire en 10 étapes. La vraie puissance de La Dramatrugie est d'appuyer sa démonstration sur un corpus d'exemples extrêmement contrastés issus du cinéma (autant blockbusters que cinéma d'auteur), du théâtre et des contes. L'étude technique des modèles narratifs, abandonnée en France à partir de 1870, fait ainsi son grand retour. L'approche d'Yves Lavandier fait ainsi l'effet d'une bombe dans l'esprit de tous ceux et toutes celles qui ont étudié la narration à travers le miroir déformant de l'analyse cinématographique et littéraire. La révolution initiée par Yves Lavandier ne fait pas table rase : elle replace la notion d'apprentissage et d'héritage technique au cœur des formations à la narration. Et pour cela merci encore, Yves Lavandier ! 

la dramaturgie Yves Lavandier

-Yves Lavandier, qu'est ce que la dramaturgie selon vous ?

« Drama » signifie « action » en grec. La dramaturgie est donc la représentation d'une action (en général une action humaine ou, à défaut, une action anthropocentrée). Depuis l'origine, les dramaturges se sont inspirés des actions qu'ils ont sous les yeux tous les jours, c'est-à-dire de la vie des humains. Les neurones miroirs (des auteurs comme des spectateurs) jouent un rôle majeur dans tout ce qui a trait à la dramaturgie. Par ricochet, on se rend compte qu'il y a aussi de la dramaturgie dans la vie, avant même l'apparition des rites religieux, des peintures rupestres et du théâtre antique.

- En quoi la dramaturgie peut aider les personnes qui veulent raconter des histoires ?

Il me semble que sans la maîtrise de la dramaturgie, on ne peut tout simplement pas raconter d'histoire. Que cette maîtrise soit consciente ou inconsciente.

- Quels sont les éléments qui composent nécessairement une histoire ?

Vous voulez que je résume mille pages en quelques lignes ?... Bon, allez, d'accord. Pour moi, une bonne histoire, c'est une action humaine difficile. Les quatre mots comptent dans ma définition : « action », « humaine », « difficile » mais aussi « une ». Si vous racontez une action humaine difficile, il y a de fortes chances que vous vous retrouviez avec un récit. Après, il y a encore un peu de boulot.

-Pourquoi les auteurs parlent-ils de “conflit” ? 

Les auteurs qui en parlent ont probablement compris que c'est l'ingrédient indispensable à toute dramaturgie. L'action humaine évoquée ci-dessus doit être difficile.

-Quel rôle remplit le protagoniste dans une histoire ?

Il est le vecteur d'identification. Il génère la structure. C'est également le relais entre l'auteur et le récepteur. Il est aussi souvent porteur du point de vue de l'auteur. On le voit clairement dans Le Tartuffe, dont Tartuffe est le personnage principal mais pas du tout le protagoniste.

-A quoi servent les histoires ?

A vivre ! Donc à mettre du sens sur ce qu'il nous arrive, à apprendre à surmonter les obstacles de la vie et à apprivoiser nos émotions. Mais aussi à structurer le temps et établir des rapports de causalité. A trouver la voie pour grandir. A nous distraire du quotidien. Comme vous le voyez, les raconteurs d'histoire font tout sauf un travail non-essentiel. Dans un roman de 1873, Le vagabond ensorcelé (ou Le voyageur enchanté, selon les traductions), Nikolaï Leskov raconte l’histoire de six bûcherons sibériens qui s’échinent à soulever un immense tronc d’arbre. En vain. C’est alors que l’un des bûcherons monte sur le tronc et se met à chanter. Galvanisé par le chant de leur camarade, les cinq autres bûcherons arrivent à soulever l’arbre.

D’après Roberto Benigni, qui citait cette fable en 1998, tel est le sort des auteurs et des artistes. En apparence, ils ne servent à rien, ils sont un poids pour la société. Pourtant ils nous donnent de la force et nous aident à vivre. Les plasticiens, les comédiens, les musiciens, les danseurs, les dessinateurs, les raconteurs d’histoire sont presque aussi importants que les soignants, les éboueurs ou les agriculteurs dont on vante justement les mérites ces derniers temps.

-Comment reconnaissez-vous une bonne histoire ?

Quand vous recevez une histoire, qui que vous soyez, votre ressenti est la superposition souvent inextricable d'un ressenti subjectif et d'un ressenti objectif. Le ressenti subjectif, c’est celui qui dépend de vos goûts personnels, de votre culture, de vos névroses, en bref de votre éducation et de votre environnement. Le ressenti objectif, lui, relève d’abord de l’inné. Un nouveau-né sans la moindre culture culinaire est déjà capable d’exprimer s’il aime ou pas ce qu’on lui donne à manger.

Dans le cas des histoires, le ressenti objectif est celui qui repose sur les principes universels et intemporels du récit. Un spectateur qui n’a aucune éducation cinéphilique mais qui sait, ne serait-ce qu’inconsciemment, ce que sont l’anxiété et la frustration, les rapports de causalité et tout ce qui constitue la vie des êtres humains, ce spectateur est capable de recevoir et d’apprécier une œuvre dramatique bien écrite. Si le ressenti objectif n’existait pas, alors deux spectateurs totalement différents l’un de l’autre (âge différent, sexe différent, valeurs différentes, etc.) ne pourraient pas vibrer ou rire aux mêmes situations.

C’est la raison pour laquelle les films écrits, joués et réalisés par Charles Chaplin ont été aussi populaires entre 1915 et 1940 auprès de toutes les catégories de population du monde entier, des plus pauvres aux plus riches, des plus frustes aux plus cultivées. Pour répondre à votre question, j'ai développé au fil du temps des critères aussi objectifs que possible pour évaluer les récits. Ainsi, quand je fais du script doctoring, je m'efforce de mettre mes goûts et couleurs de côté. Mais je n'ai pas la prétention de croire que je suis 100 % objectif. Je garde forcément une part de subjectivité.

-Pourrait-on raconter une histoire où il ne se passe rien ?

Non. D'abord, quel en serait l'intérêt ? Emmerder le monde ? Remporter la Palme d'Or de la pose artistique ? Ensuite, il se passe toujours quelque chose dans la vie. Et même beaucoup de choses simultanément. A des niveaux divers, physiologique, psychologique, relationnel, professionnel, social... Montrer une situation dans laquelle il ne se passe rien ne me paraîtrait pas crédible du tout. Même dans les pièces de Samuel Beckett, il se passe quelque chose. En attendant Godot est une œuvre fascinante à ce sujet. Non seulement il y a beaucoup de conflit pour Vladimir et Estragon (ils veulent voir Godot or Godot ne vient pas) mais, en plus, il y a clairement un début, un développement et une fin. En tout cas pour le spectateur.

-Pensez-vous que les histoires sans adversité ont un intérêt ?

Non. Nous avons besoin qu'on nous parle de trains qui déraillent, pas de trains qui arrivent à l'heure. C'est un besoin primitif profond, intemporel et universel, le besoin d'apprendre à faire face à l'adversité. Car nous savons tous, comme le dit le proverbe, que les mers calmes ne font pas les bons marins. C'est le grand intérêt éducatif des récits. Peut-être même leur première raison d'être. Que faire quand la vie nous oppose un conflit ?

-En France, il existe une crainte du formatage narratif, qu'en pensez-vous ?

la dramaturgie Yves Lavandier

Cette crainte existe, en effet, elle est puissante et elle est même devenue le seul argument à  opposer à ceux qui, comme moi, soutiennent que le récit est à la fois un art et un artisanat. Comme il est de plus en plus difficile d’affirmer que les règles de la narration n'existent pas ou ne sont que de vulgaires recettes, on sort la carte « formatage », on met en avant l’appauvrissement généré par l’application desdites règles. Je pense qu'on se trompe de cible. Certes, certains films font penser à des clones mais ce n’est pas dû à l’application scrupuleuse des règles. C’est dû, à mon avis, à l’absence d’âme dans ces œuvres. Quand j’observe les grandes œuvres du répertoire, depuis Œdipe roi, je vois bel et bien un format, c’est-à-dire les mêmes principes fondamentaux.

On me rétorquera peut-être qu’il y a format et formule, que les formats qui posent problème sont les formats rigides, simplistes ou approximatifs. Bien sûr, cela n’aide pas. Il vaut mieux adopter un format juste et souple quand on veut raconter une histoire. Mais, à mon avis, l’essentiel n’est pas là. Le fait que les grandes œuvres sont formatées n’est pas un problème pour deux raisons : 1 - parce que le format n’est qu’un moyen, 2 - parce que chacune de ces œuvres véhicule un inconscient spécifique. Le formatage, même réussi, devient un problème quand le moule ne sert plus à transmettre un regard personnel, une vision particulière du monde mais juste à produire un article comme on produit des chaussettes ou des boîtes de conserve. À ce moment-là, l’art disparaît et la formule peut en effet piquer les yeux.

-Doit-on opposer "histoires fabriquées à partir de règles soit disant universelles" et "chefs d'oeuvres tirant leur force de l'absence de règles" ?

Quand je pense aux chefs d'œuvre du répertoire, Œdipe roi, Hamlet, L'école des femmes, Cyrano de Bergerac, Les lumières de la ville, La garçonnière, La mort aux trousses, je vois des règles omniprésentes et leur respect scrupuleux. Ce débat vient peut-être de ce qu'on s'obstine à appliquer au monde des récits ce que le monde de la peinture a vécu aux XIXème et XXème siècles. A une époque, pour exister, un peintre devait casser les règles formelles, être en rupture avec ses aînés de la décennie précédente. Les avant-gardes se succédaient à vitesse grand V.

Outre qu'après l'installation de l'abstraction et de l'art conceptuel, cela s'est beaucoup calmé, c'est oublier que la peinture est un art qui porte l'abstraction en elle. Alors que la dramaturgie est un art figuratif et condamné à le rester. Et puis quel est le but d'un artiste ? Prouver à tout prix aux autres qu'il est libre ou exprimer sa vision du monde ?

-Vous vous dites aristotélicien. Que vous a apporté la lecture d'Aristote ?

la dramaturgie Yves Lavandier

L'idée que les règles sont universelles et intemporelles. Certains propos d'Aristote sont d'une étonnante actualité. Quand il écrit (vers 340 av JC) : « Quant au spectacle, qui exerce la plus grande séduction, il est totalement étranger à l’art et n’a rien à voir avec la poétique. (…) Pour l’exécution technique du spectacle, l’art du fabricant d’accessoires est plus décisif que celui des poètes », je ne peux m'empêcher de penser aux blockbusters d'aujourd'hui, bourrés de cascades et d'effets spéciaux, et plus généralement à la fascination humaine pour le spectaculaire. Aristote nous prouve également qu'on peut être un grand théoricien du récit sans être un grand artiste et même que ce sont deux activités différentes, qui demandent des compétences différentes.

[quote align="right" color="#999999"] Reprochent-ils à Aristote de n'avoir jamais écrit une seule pièce de théâtre ? Dans tous les arts, il y a des théoriciens et des praticiens.  Je pense que tous les humains possèdent en eux, de façon inconsciente, les grands principes de la dramaturgie. [/quote]

Quand Joe Eszterhas ou Blake Snyder critiquent ces théoriciens du scénario qui n'ont jamais écrit une ligne de scénario (contrairement à eux, bien sûr !), ils sont à côté de la plaque. Certains sont excellents dans les deux domaines, d'autres épouvantables dans les deux. Et toutes les combinaisons entre ces deux extrêmes. Je ne me suis jamais dit qu'Aristote avait tort parce qu'il n'a pas fait un carton au box-office athénien. Vous noterez que je suis d'autant plus à l'aise pour aborder ce sujet que je ne fais pas partie de la catégorie d'auteurs dénigrés par Eszterhas ou Snyder.

-Conseilleriez vous la lecture d'Aristote à un apprenti narrateur ?

Pas nécessairement. Car Aristote disposait d'un répertoire de référence limité et qu'on trouve ses préceptes dans des traités contemporains mieux illustrés. En revanche, je conseille vivement aux apprentis de lire Œdipe roi de Sophocle, qui se trouve être l'œuvre qu'Aristote cite le plus souvent en exemple. C'est une pièce magnifique, fondatrice, signifiante et nous avons une chance inouïe : elle nous est restée. 

-La dramaturgie devrait-elle être enseignée ? Et à qui ?

Honnêtement, je n'en sais rien. Nos enfants ont clairement besoin d'apprendre à lire et à écrire leur langue. Ont-ils besoin de savoir structurer un récit ? Je pense que tous les humains possèdent en eux, de façon inconsciente, les grands principes de la dramaturgie. Est-il nécessaire de conscientiser et développer cette connaissance ? Oui, probablement, si vous voulez devenir un auteur de fiction. Mais sinon ?...

En apprendre plus sur la Dramaturgie d'Yves Lavandier

Nous remercions Yves Lavandier pour ses réponses et le temps qu'il a consacré à cet entretien en trois parties ! La seconde porte sur les modèles narratifs et la troisième sur tout le travail d'autoédition réalisé par Yves Lavandier pour son livre La Dramaturgie. Nous vous invitons également à visionner son interview sur notre chaine YouTube.

]]>
7712 0 0 0 ]]> ]]>
Les modèles narratifs - Interview Yves Lavandier http://www.artisansdelafiction.com/blog/modeles-narratifs-yves-lavandier/ Tue, 16 Mar 2021 08:07:14 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7717 L'importance des modèles narratifs

Nous sommes convaincus que tout apprentissage passe par une phase d'observation et d'imitation. Dans le cas de l'écriture il s'agira d'observer et d'apprendre à maîtriser les modèles narratifs. Nous parlons avec Yves Lavandier, scénariste, réalisateur et auteur de La Dramaturgie de l'importance de ces modèles dans toute oeuvre de fiction.

Les modèles narratifs - Interview Yves Lavandier

En 1994 Yves Lavandier autopublie la Dramaturgie, OVNI de 480 pages, consacré aux règles de construction d'un récit. Formé au scénario à l'université Colombia de New York, Yves Lavandier est passionné de cinéma, de théâtre et de théâtre de marionnettes. Sorti confidentiellement et sans promotion, La Dramaturgie, devient progressivement une référence dans les milieux du théâtre, du cinéma et de la bande dessinée, qui cherchaient en vain depuis longtemps un ouvrage à la fois technique et universel consacré aux principes de la narration. 30 000 exemplaires plus loin, et au grand étonnement d'Yves Lavandier, es apprentis écrivains et romanciers plébiscitent à leur tour La Dramaturgie, qui vient d'être réédité.

Entretien fleuve (et en 3 parties) avec un pionnier, à qui les scénaristes, dramaturges et romanciers français doivent beaucoup, et sans qui Les Artisans de la Fiction n'existeraient pas. 

[caption id="attachment_7719" align="alignleft" width="250"]Yves Lavandier La dramaturgie édition 1994 Première édition de la Dramaturgie[/caption]

-Qu'est ce que vous a apporté l'analyse structurelle de toutes les histoires que vous citez comme exemple dans vos livres ?

Le répertoire est une immense et fabuleuse bibliothèque de solutions et de contre-solutions. Plus de la moitié des récits que j'ai reçus dans ma vie m'aident à écrire. Quand je suis bloqué, je me demande comment Untel s'en est sorti. Je lui pique sa solution artisanale.

-Peut-on comprendre comment fonctionne une histoire sans avoir étudié des modèles ?

Oui, mais de façon intuitive, inconsciente.

-Peut-on construire une bonne histoire sans modèle ?

Sans modèle conscient, oui. Même si c'est un pari. Sans modèle du tout, conscient ou inconscient, cela ne me paraît même pas possible. C'est amusant à quel point les humains oublient qu'ils ont un inconscient, puissant et influent dans tous les aspects de leur vie. Les profs de scénario qui annoncent d'emblée « Moi, je n'ai pas de théorie sur l'écriture » sont des imposteurs qui s'ignorent. Tous les êtres humains ont forcément une théorie sur la narration. Ce n'est pas parce qu'elle n'est pas consciente qu'elle n'existe pas. Quand vous écrivez, vous pouvez faire un pari sur votre génie et vous contenter de votre connaissance inconsciente des règles. Mais quand vous enseignez, je pense qu'il est plus intègre de conscientiser ses théories.

-D’où vient l’originalité / une histoire originale ? 

Cela dépend du type d'originalité que vous souhaitez atteindre. Si vous voulez être original sur la forme, il suffit de jouer avec celle-ci, de faire les pieds au mur, de mettre la fin au début et de vous arrêter au milieu de nulle part. Si vous voulez plutôt être original sur le fond, un premier moyen consiste à utiliser les mécanismes universels et intemporels du récit et d'y injecter votre point de vue spécifique sur le monde. A condition, bien sûr, que votre vision des choses de la vie soit elle-même originale. Un deuxième moyen consiste à proposer quelque chose de différent sur un ou deux postes, trois maximum. Une arène inconnue. Un objectif plus rare que sauver le monde ou trouver qui a tué. Un personnage pittoresque. Une situation paradoxale jamais vue.

Pourquoi je dis « trois postes maximum » ? Parce que si vous êtes original sur tout, vous prenez le risque de fabriquer un OVNI et de perdre votre spectateur.

[quote align="right" color="#999999"] Parce que si vous êtes original sur tout, vous prenez le risque de fabriquer un OVNI et de perdre votre spectateur. [/quote] Les Américains ont une formule célèbre à ce sujet : Give us the same but different. Donnez-nous la même chose mais différente. En d'autres termes, si vous faites un western, respectez les codes du genre mais changez quelques éléments pour que votre western ne fasse pas déjà vu mille fois. Si vous proposez une dix millionième série policière, situez-la à une époque jamais explorée. Ou avec un enquêteur singulier. L'idéal, bien sûr, serait d'arrêter de faire des séries policières.

-Doit-on opposer "modèle" et "originalité" ?

Surtout pas ! C'est le piège classique pour artistes rebelles. Le modèle est la voie royale vers l'originalité. Vous avez besoin des deux. « Les œuvres qu’on dit immortelles, » écrivait Anton Tchekhov en 1888, « ont beaucoup en commun ; si cet élément commun leur était retiré, elles perdraient leur charme et leur valeur. » Les œuvres d'art ont besoin d'être à la fois uniques ET universelles. Exactement comme un être humain. Il m'amuse que tant de gens voient les modèles/règles/formats comme des contraintes, je suis fermement convaincu qu'ils sont en réalité des alliés.

-Peut-on écrire une histoire originale par hasard ?

Oui. Je pense que le hasard, je dirais même la chance peuvent jouer un rôle important dans notre activité. Dans tous les arts, il y a des petits miracles, des accidents heureux. On le voit très bien en musique. Sur certains albums, vous avez un morceau épatant et le reste est quelconque. Maintenant, il n'est pas sûr que ce soit une bonne idée d'espérer un miracle quand on écrit. On prend le risque d'attendre longtemps. Ma position (d'auteur) est d'apprendre à  maîtriser les règles autant que possible. Et si, en plus, un jour, les planètes sont alignées...

- D’après David Defendi, il n’y a pas plus cliché et standardisé que des histoires écrites sans tenir compte des règles de narration, qu’en pensez-vous ?

Cette réflexion me fait penser aux récits qui se terminent au milieu de nulle part. C'est presque devenu un triste classique. Mais je vois aussi beaucoup d'histoires écrites sans cadre et qui ne ressemblent à rien.

- Comment procédez-vous lorsque vous commencez à analyser une histoire ?

Quand je reçois une histoire, je suis toujours d'abord dans l'émotion. J'ai envie de m'identifier à un personnage et de vibrer pour lui. C'est malheureusement rarement le cas mais cela arrive. Alors c'est une vraie jouissance. C'est enthousiasmant. Je me demande même si une bonne histoire ne permet pas de secréter de l'ocytocine. En tout cas, cela suscite chez moi de l'admiration et de la gratitude pour les auteurs. Ensuite (seulement ensuite), j'identifie les mécanismes qui m'ont permis d'éprouver cette émotion. Souvent, c'est quasiment immédiat. Quand j'ai découvert la scène de traduction de La vie est belle (1997), je me souviens avoir ri et pleuré en même temps. Et puis, aussitôt, j'ai admiré l'exploitation de l'ironie dramatique. Bien sûr, quand l'histoire est ratée, le phénomène est le même. D'abord, je décroche. Ensuite, je comprends pourquoi. Manque de conflit dynamique, manque d'enjeu, manque de clarté, etc., etc...

-Comprendre comment est construite une histoire n'enlève-t-il pas le plaisir ?

Pas du tout. Pour les raisons que je viens d'expliquer. En ce qui me concerne, l'émotion vient toujours en premier. Je dirais même que comprendre les mécanismes peut même rajouter du plaisir au plaisir. Il m'arrive parfois d'éprouver ce que j'appelle une « émotion de scénariste ». C'est-à-dire qu'en plus d'être emporté par le récit, je suis bluffé par l'artisanat. Double lame !

- Qui sont vos narrateurs préférés ? Ceux que vous admirez le plus et pourquoi ?

Sophocle. William Shakespeare. Molière. Henrik Ibsen. Eugène Labiche. Charles Chaplin. Ernst Lubitsch. Alfred Hitchcock. Billy Wilder. Age et Scarpelli. Jean-Michel Charlier. René Goscinny. Francis Veber. Et juste derrière, je citerais Bertolt Brecht et George Bernard Shaw. Ce sont tous des auteurs qui ont réussi plusieurs œuvres, qui n'ont pas juste eu la chance qu'un jour, une fois, les planètes soient alignées. Ils ont été bons sur la durée. Même si, bien sûr, ils ont eu aussi leur lot de ratages.

Si j'admire beaucoup Cyrano de Bergerac, par exemple, je ne mettrais pas Edmond Rostand dans ma liste. En tout cas, tous ces auteurs sont pour moi de formidables professeurs de scénario. Maintenant, deux réflexions. Primo, je préfère apprendre d'une œuvre particulière que d'un auteur. En partie pour la raison évoquée ci-dessus : les plus grands auteurs ont parfois raté leur coup. Secundo, pour apprendre à écrire, je me contrefiche qu'Othello soit une œuvre de Shakespeare, Marlowe ou Bacon. Ce qui m'importe, c'est qu'Othello existe et me serve de guide. La question de la paternité est intéressante mais pour d'autres raisons.

-Si vous avez lu "The seven basic plots" de Christopher Booker, qu'avez vous pensé de son approche ?  

Je ne l'ai pas lu et pourtant, j'ai déjà un avis ! Enfin, disons plutôt un a priori. Je suis toujours méfiant vis-à-vis des auteurs qui utilisent des chiffres supposés « magiques » comme 7, 12 ou 22. J'ai expliqué, dans La dramaturgie, comment le chiffre 7 est apparu aux Anciens comme signifiant alors que leur analyse reposait sur une erreur scientifique. Mettre dans le même panier une étoile (le Soleil), les seules cinq planètes de cette étoile visibles à l'œil nu (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) et le satellite d'un satellite de cette étoile (la Lune), c'est du grand n'importe quoi. C'est pourtant ainsi que sont nés les sept jours de la semaine, les sept métaux des alchimistes, les sept péchés capitaux, etc. Maintenant, il est possible qu'en cherchant à identifier les grands récits de base, on tombe par hasard sur le chiffre 7. Si votre démarche est authentique, vous n'allez pas renoncer au chiffre 7 par principe.

Aller plus loin

La question des modèles narratifs vous intéresse ? Creusez la question en découvrant le point commun entre Coraline de Neil Gaiman et La plage d'Alex Garland !

Si ce n'est pas déjà fait nous vous conseillons également de lire les deux autres parties de l'interview d'Yves Lavandier. La première porte sur les composants d'une bonne histoire et la seconde sur le travail d'auto-édition de La Dramaturgie ! Nous vous invitons également à visionner l‘interview d’Yves Lavandier sur notre chaine YouTube.

]]>
7717 0 0 0 ]]> ]]>
Sur quoi écrire son roman ? Identifier ses territoires d'écriture ! http://www.artisansdelafiction.com/blog/roman-sur-quoi-ecrire/ Wed, 17 Mar 2021 14:20:19 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7722 Trouver sur quoi écrire votre roman grâce à vos territoire d'écriture

Comment faire le bon choix avant de se lancer dans un projet de roman ? Comment éviter les cul-de-sac (les projets de romans qui ont l'air fabuleux jusqu'à ce qu'on commence à essayer de les écrire) ? D'ailleurs, comment trouver sur quoi écrire son roman ? 

Toutes les apprenties et tous les apprentis romanciers se heurtent à une question fondamentale avant même d'envisager d'écrire : sur quoi écrire son roman ?  Certes, les idées affluent. Souvent de nuit, où lorsque l'on est occupé à autre chose. Mais souvent il s'agit d'embryons d'idées : un personnage, un lieu, un morceau de situation. Se lancer à partir de telles bribes ne vous aidera malheureusement pas à aller loin. Mais alors : comment trouver sur quoi écrire son roman ?

La méthode tête à l'envers ! 

Plutôt que vous placer d'entrée de jeu sur la ligne d'arrivée, devant la table des bests sellers dans votre librairie favorite, en prenant un air intelligent et en vous demandant "hum, sur quoi écrire mon roman afin qu'il se détache du lot ?", soyez raisonnable et commencez par évaluer vos forces.

Pourquoi ? Parce que vous lancer dans le vide en cherchant à atteindre un but impossible ne peut que se terminer par un échec cuisant. A l'inverse, partir de vos champs de connaissances vous permettra de démarrer sur des fondations solides. Ces champs de connaissance vous aideront à délimiter sur quoi vous êtes capables d'écrire un roman.

vous lancer dans le vide en cherchant à atteindre un but impossible ne peut que se terminer par un échec cuisant.

Ecrivez à partir de ce que vous connaissez

Cette formule est une des plus répétée dans les cours de creative writing, et également les plus mal comprise. A la question : sur quoi écrire mon roman ? La réponse serait donc aussi simple que écrivez sur ce que vous connaissez ! 

Si vous vous penchez sur le parcours des écrivains que vous aimez, vous découvrirez que ces auteurs écrivent souvent à partir de ce qu'ils ou qu'elles connaissent. Par exemple Stephen King écrit souvent des histoires de profs de littérature en lycée, ayant lui-même été professeur de lettres en lycée. Des histoires de  père de famille, lui-même étant père de famille. Ou des histoires de mère célibataires, lui-même ayant eu une mère célibataire. Ou bien encore des histoires d'alcooliques, lui-même ayant été alcoolique. De même, beaucoup d'auteurs de polars ont été policiers, avocats, ou journalistes. Est-ce que cela signifie que si vous êtes caissier dans une grande surface, ou psychologue, vous allez devoir écrire uniquement sur ces sujets ? 

[caption id="attachment_7771" align="aligncenter" width="580"] Vos territoires d'écriture les matériaux issus de votre expérience émotionnelle dont vous allez vous servir pour votre roman.[/caption]

Re découvrez l'ampleur de vos connaissances 

Que vous soyez magasinier, vendeuse, ou comptable, nommer votre profession ne suffira pas à vous dire sur quoi écrire votre roman. Dans la mesure où ce que vous désirez c'est écrire des histoires, vous allez commencer à ouvrir des tiroirs à partir de l'armoire de vos champs de connaissances.

Par exemple, votre métier de magasinier, ou de prof de lettre, ou de vendeur de fleurs ne se résume pas à un intitulé. Quels sont les enjeux dans ce métier, les dangers, comment s'est-il transformé au cours du temps ? Et surtout quelles sont les meilleures histoires que vous avez entendues, vues, ou imaginées dans ce cadre professionnel ? Mais votre vie ne se limite pas à un métier. Déjà parce que vous connaissez très bien d'autres métiers, en comptant les jobs que vous avez effectués, les métiers de vos proches (dont il vous parlent tellement que vous avez parfois l'impression que vous pourriez les exercer à leur place).

Et au delà de vos connaissances professionnelles (précieuses, car vous connaissez le vocabulaires, les situations fortes), vous disposez d'un nombre élevé de connaissances : les villes que vous avez visitées, vos hobbies, les langages que vous parlez (le langage de tel sport, de telle technique qui vous a passionnée), etc.

Mais c'est tellement vaste ! Que faire de ce bagage de connaissances accumulées ?

C'est là qu'entre en jeu le type de connaissance indispensable pour savoir sur quoi écrire votre roman.

Mais qu'est-ce que l'inspiration ?

Avez-vous de l'inspiration ? Cette question vous fait peur. Vous pensez qu'elle est réservée aux grands écrivains, ceux qui disent que "ça ne s'apprend pas : on l'a en soit où pas". La question de l'inspiration est biaisée. Tout le monde en a, et ça vous le savez depuis l'enfance, lorsque vous inventiez la suite du roman que vous veniez de lire, où que vous fassiez dans la cour de l'école des variations sur les aventures de vos personnages préférés.

L'inspiration n'est pas quelque chose qui sort du vide, et qui se manifesterait sous la forme de petits caractères jaillissant de vos doigts. L'inspiration vient de vos lectures, des modèles que vous aimez, et que vous combinez à vos champs d'expérience.

Alors, sur quoi écrire son roman ? Sur des sujets que vous connaissez, dans un genre d'histoire que vous connaissez bien, et que vous aimez.

Pour raconter vos histoires, commencez par apprendre comment fonctionne une histoire

Mais attention, pour passer de fan à artisan, il va vous falloir apprendre à lire comme un écrivain. Lire comme un écrivain ? Et bien, oui, si vous désirez devenir cuisinier, vous allez devoir apprendre à passer derrière les fourneaux ! Il en ira de même pour l'écriture : il s'agira de comprendre comment est construit tel ou tel roman. 

Écrire un  roman, contrairement à l'idée romantique qui voudrait que l'écriture soit un don, requiert des compétences techniques riches et complexes.  Et d'ailleurs, c'est ce qui en fait un art aussi admiré. À la différence du scénariste ou de l'auteur de pièce de théâtre, l'écrivain ne disposera pas d'une équipe pour donner à voir et à vivre son histoire. Il devra tout construire lui-même. 

En vous penchant sérieusement sur les histoires que vous aimez et la manière dont elles sont construites vous acquérerez de solides pistes pour savoir sur quoi écrire votre roman.

Vous aimeriez découvrir quelles sont les histoires que vous pourriez raconter ? Vous aimeriez apprendre quelles sont les techniques de construction d'une histoire ? Notre stage : Sur quoi écrire ? Identifier ses territoires d'écriture, vous permet de faire les deux. Ce stage est proposé en télé enseignement et en présentiel.

]]>
7722 0 0 0 ]]> ]]>
L'autoédition de La dramaturgie http://www.artisansdelafiction.com/blog/autoedition-dramaturgie/ Tue, 06 Apr 2021 11:00:50 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7725 Le parcours éditorial de la Dramaturgie : l'autoédition

Les soupçons de complaisance qui entachent  l'autoédition ("s'il ou elle s'est auto-publié, c'est parce que personne ne voulaient de son livre"), masquent parfois des parcours éditoriaux singuliers. Lorsqu'il publie en 1994 La Dramaturgie, Yves Lavandier fait appel à un éditeur inconnu : Le clown et l'enfant. Il s'agit en fait de la petite maison d'édition qu'il vient de créer pour permettre à la publication de La Dramaturgie en autoédition.

[caption id="attachment_7759" align="aligncenter" width="580"] Du 1er jet de la dramaturgie en 1987 , à sa 8ème édition par Les impressions Nouvelles, en 2019.[/caption]

Devenant progressivement une référence pour les auteurs de théâtre, les scénaristes de cinéma, de télévision et de bande dessinée, La Dramaturgie va connaître 7 éditions. De la 1ère édition émergeront deux autres livres d'Yves Lavandier consacrés à l'art du récit : Construire un récit et Évaluer un scénario. Yves Lavandier complète le texte de La Dramaturgie à chacune de ces éditions, jusqu'à parvenir à une version définitive. Puis il transmet le flambeau aux Impressions Nouvelles en 2019.

- Pourquoi avoir choisi l'autoédition pour La Dramaturgie ?

Parce qu'en 1993, je n'ai pas trouvé d'éditeur satisfaisant pour le publier. Certains m'ont dit non, d'autres ne m'ont même pas répondu. J'en ai déduit qu'ils avaient été mal élevés par leurs parents. Quant à l'éditeur le plus intéressé par le livre, un gros éditeur, il voulait réduire le nombre de pages, changer certains éléments, etc. Par exemple, il voulait mettre le mot « scénario » dans le titre, arguant que ce serait plus vendeur. Il avait sûrement raison. Le mot « dramaturgie » était inusité à l'époque. Aujourd'hui, on l'entend partout, jusque dans la bouche des journalistes sportifs, mais, en 1993, le mot avait une consonance très confidentiel, universitaire. Le problème, c'est que le mot « dramaturgie » était adéquat. Bref, j'ai dit stop à l'éditeur et j'ai fondé ma société d'édition.

-Pouvez-vous nous parler du travail qu'a représenté l'autoédition de La Dramaturgie ?

Je n'ai pas l'impression que cela m'ait mangé beaucoup de temps. Je n'aurais jamais pu le faire sans l'existence du traitement de texte et de la PAO.

-Qu'est ce qui a été le plus difficile dans ce travail de petit éditeur ?

Le travail d'attaché de presse. Quasiment aucun journaliste n'a voulu s'intéresser à un livre édité par une société inconnue, avec en plus un nom bizarre (Le Clown & l'Enfant). Je me suis rendu compte à quel point tant de journalistes manquent de curiosité et sont inféodés aux attachés de presse, sans même s'en rendre compte. Bon, fort heureusement, La dramaturgie a très vite bénéficié d'un excellent bouche-à-oreille. Mais le grand public doit savoir qu'il existe des œuvres dont la presse ne rend pas compte et qui, pourtant, méritent attention.

Je ne parle pas de mes livres car je manque de recul. Mais je pense à d'autres œuvres comme Le principe de Lucifer d'Howard Bloom ou les livres de Paul Watzlawick. En musique, je pense en vrac à Aulis Sallinen, Sona Jobarteh, Les Mouettes, Vendredi-sur-Mer, Fazil Say (compositeur, pas pianiste) et tant d'autres. Les amateurs ont intérêt à fouiner, à faire leur propre travail de découverte.

[caption id="attachment_7728" align="alignnone" width="699"]autoédition La dramaturgie Extrait du premier jet de La Dramaturgie, écrit en 1987[/caption]

-Qu'est ce qui a été le plus valorisant dans l'autoédition de la Dramaturgie ?

La liberté de faire ce que je voulais. Et la reconnaissance. Au final : plus de 30 000 exemplaires sans publicité ni presse, et plusieurs versions étrangères. Je n'ai pas l'impression d'avoir perdu mon temps.

-Quels sont vos lecteurs ? 

En fait, la toute première version de La dramaturgie faisait 8 pages. C'était à l'automne 1987. Je venais de lancer mon premier atelier d'écriture et j'avais mis au propre mes notes de cours. Donc, les tout premiers lecteurs étaient mes étudiants, toutes sortes de gens qui voulaient apprendre à écrire des histoires. Au fur et à mesure de mes sorties culturelles et de mes pratiques pédagogique et professionnelle, ces 8 pages se sont épaissies. Quand j'ai dépassé 100 pages, je me suis dit que je tenais un livre. 

[caption id="attachment_7756" align="aligncenter" width="480"] différentes éditions de La dramaturgie, depuis 1994.[/caption]

- A quel besoin répondent les livres comme La Dramaturgie en France ?

A la fin des années 80, on parlait déjà d'une crise du scénario. Je me suis dit que ces notes de cours enrichies pourraient rendre service. A l'époque, il existait très peu de livres sur le sujet. Le premier livre de Syd Field, Screenplay, qui datait de 1979, n'avait pas encore été traduit. Idem pour Linda Seger (Making a good script great, 1987). Cela dit, le livre de Syd Field avait été plagié par Tudor Eliad en 1980 (Comment écrire et vendre son scénario). Il y avait aussi le livre de Jean-Paul Torok (Le scénario, 1986). Très intéressant mais plus historique que technique. Bref, nous avions une crise du scénario mais pas grand-chose pour nous aider à la résoudre. Cela explique peut-être en partie l'intérêt que La dramaturgie a suscité dès sa sortie en avril 1994.

Mais ce que j'ai découvert plus tard, beaucoup plus tard, c'est que j'avais écrit La dramaturgie et encore plus Construire un récit et Évaluer un scénario pour moi, en tant qu'auteur. J'avais besoin de mettre ma pensée noir sur blanc et de me constituer une méthode d'écriture. Tous les auteurs font cela plus ou moins consciemment. Vous lisez Aristote, Boileau, McKee, Truby, Roth et vous vous faites votre petite tambouille personnelle. Vous prenez ce qui vous parle et vous laissez le reste. Puis vous faites des allers et retours, vous écrivez des histoires, vous revenez aux manuels, vous réécrivez. Et, petit à petit, vous vous constituez une méthode. C'est exactement ce que j'ai fait avec Construire un récit. Même si le livre semble aider beaucoup d'auteurs, c'est d'abord à moi que cette méthodologie rend service. 

[caption id="attachment_7760" align="aligncenter" width="699"] Extrait du premier jet de La Dramaturgie, écrit en 1987[/caption]

-La spécificité de votre travail de petit éditeur a été de proposer quelques ouvrages de référence  et de défendre ce fond depuis 1994, pourquoi ?

Honnêtement, je ne suis pas éditeur. Je n'ai jamais édité personne d'autre que moi-même. Un jour, j'ai offert de rééditer Savoir rédiger et présenter son scénario de Philippe Perret et Robin Barataud, au moment où le livre a perdu son premier éditeur. Finalement, cela ne s'est pas fait. Mais on restait dans le sujet, c'était un geste militant vis-à-vis d'un excellent ouvrage. Cela dit, je ne suis pas sûr que j'aurais défendu le livre correctement, comme un éditeur professionnel peut le faire. Ma politique a été simple et chanceuse : bénéficier d'un bon bouche-à-oreille et soutenir mes livres pendant 25 ans en évitant la rupture de stock.

-La dramaturgie est aujourd'hui rééditée par un éditeur belge. Pourquoi ?

Oui, les Impressions Nouvelles. Plusieurs motivations sont à l'origine de ce changement d'éditeur. Vers 2017, 2018, j'ai reçu plusieurs offres pour aller enseigner le scénario dans une université américaine. Je me suis dit que cela allait être difficile de m'occuper de mes livres depuis les USA. Finalement, c'est tombé à l'eau. Enfin, à court terme. Et puis, à la même époque, j'ai eu le sentiment d'avoir fait le tour. Les dernières rééditions de La dramaturgie contenaient de moins en moins de modifications. De même, j'ai eu l'impression que Construire un récit et Évaluer un scénario étaient suffisamment aboutis pour ne pas nécessiter d'incessantes révisions. Même si je ne peux m'empêcher de continuer à nourrir ma réflexion sur ces passionnants sujets. Enfin, j'ai ressenti le besoin d'avoir du temps pour mener à terme plusieurs projets personnels et professionnels.

-Quel(s) manuel(s)de scénario déconseilleriez-vous ?

Je ne suis pas fan de la structure en trois actes proposée par Syd Field (et reprise par quasiment tout le monde !). Je la trouve illogique et piégeuse. Mais plutôt que déconseiller des manuels de scénario, j'ai envie de conseiller à chacun d'en lire plusieurs et de se faire sa petite tambouille personnelle. Même chez Syd Field, il y a des éléments de réflexion pertinents. Au-delà des traités de narratologie, certains textes sont riches d'enseignement : les entretiens Hitchcock-Truffaut, Psychanalyse des contes de fée de Bruno Bettelheim, Tragedy and comedy de Walter Kerr, le chapitre de Freud sur Œdipe et Hamlet dans L'Interprétation des rêves, The theatre essays d'Arthur Miller, The death of tragedy de George Steiner, les préfaces de George Bernard Shaw, Et tout le reste est folie de Billy Wilder, Making movies de Sidney Lumet, On directing film de David Mamet, Adventures in the screen trade de William Goldman...

Plus les textes sur la psyché humaine (notre matière première) : Fanita English, Eric Berne, Paul Watzlawick, Alexander Lowen, Howard Bloom, Serge Tisseron, Claude Steiner, Alice Miller, etc. Et puis, en digestif, allez, La poétique d'Aristote ! Les auteurs apprennent leur métier tous les jours jusqu'à la fin. J'ai bientôt 62 ans et je viens de comprendre quelque chose sur la différence entre climax, cliffhanger et climax médian en travaillant sur un scénario de bande dessinée qui va être découpé en deux tomes. Que du plaisir !

Aller plus loin

Nous remercions Yves Lavandier pour avoir partagé avec nous son expérience de l'autoédition de La Dramaturgie. Si cela n'est pas déjà fait nous vous invitons à lire les deux autres parties de cet entretien : Nous abordons avec Yves Lavandier la question des modèles narratifs et de l'importance de la dramaturgie. Vous pouvez également en apprendre davantage sur l'édition et l'autoédition dans nos interviews d'éditeurs: Actu SFCritic, ou encore les éditions du Rouergue.

]]>
7725 0 0 0 ]]> ]]>
Différents types d’ateliers d’écriture http://www.artisansdelafiction.com/blog/types-ateliers-ecriture/ Wed, 12 May 2021 13:15:49 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7731 Comment s'y retrouver parmi les différents types d'ateliers d'écriture ?

En France il existe de nombreux types d'ateliers d'écriture . Tarif, contenu, difficulté ? Tous ont des spécificités. Alors comment s'y retrouver ? Et puis surtout que va-on y chercher et qu'y apprend-on ? 

types ateliers écriture 

L'origine des ateliers d'écriture

Apparus en France à la fin des années 1970, les ateliers d'écriture ont été portés par des structures historiques. L'idée derrière ces ateliers était de réparer les blessures de l'apprentissage de l'écriture dans le cadre scolaire. Il s'agissait avant tout d'encourager et de déstigmatiser l'acte d'écriture. Le dispositif réunissait 10 à 15 personnes autour d'une table. Une animatrice ou un animateur proposait des consignes d'écriture, appelées "propositions d'écriture". Ces propositions reposaient sur la présentation d'un extrait sélectionné par les animateurs, qui servira de base d'écriture. Par exemple, un extrait de Georges Perec, et l'invitation aux participants de lister, à la manière de Perec, les chambres qu'ils ont occupées.

La seconde partie du dispositif consistait en un accueil respectueux et positif des textes écrits par les participants, qu'ils répondent où non à la proposition. Le principe directeur est que "tout le monde écrit" et "tout le monde lit ce qu'il a écrit". Cela afin d'éviter le voyeurisme, et de donner à chacun la possibilité de s'exprimer. Jusqu'à 50 % du temps d'un atelier est consacré à la lecture orale des textes écrits au cours de la séance. "Participants", "propositions d'écriture", "invitation à écrire", "retour" : le vocabulaire choisi rompait volontairement avec l'idée d'un apprentissage scolaire. Le but étant de créer un climat rassurant et bienveillant, où le participant pouvait écrire librement, sans se sentir menacé, jugé.

L'idée était qu'un apprentissage libre de l'écriture libérerait la créativité, en opposition à un apprentissage scolaire castrateur et stérile. Cet élan vers la liberté d'écrire est lié à l'importance du mythe romantique en France depuis la fin du 19ème siècle.

De nombreux types d’ateliers d’écriture

Quelques unes des structures à l'origine de ces ateliers ont proposé des formations d'animatrices et d'animateurs d'ateliers d'écriture à partir du milieu des années 1980. Ainsi les ateliers d'écriture ont très progressivement essaimé, jusqu'à l'apparition d'ateliers d'écriture proposés par des maisons d'éditions prestigieuses à partir de 2010. Par la suite différents types d'ateliers d'écriture se sont développés à partir de cette même volonté de démocratiser l'écriture. Quels que soient son nom, sa localisation, et son tarif, dans la plupart des cas un atelier d'écriture vous offrira avant tout le "droit d’écrire". Le droit d'écrire sans avoir à subir un jugement de la part des animateurs et des autres participants.

Cette liberté vous permettra en effet de souffler, de vous faire plaisir, et surtout d'oser écrire sans crainte. Un peu comme faire spontanément de la musique lors de la fête de la musique, ou danser chez vous quand vous entendez un morceau qui vous parle.

Le jeu littéraire

Nés au moment de l'essor des pédagogies nouvelles, basées sur la valorisation de l'individu, ces ateliers vous proposent de vous exprimer en vous amusant. Les jeux littéraires, associés à l'OuLiPo sont fréquemment utilisés. Cette approche s'inscrit dans l'idée d'un dépassement des techniques classiques du roman, qui ont cessées d'être enseignées en France à partir de 1870. Ces jeux littéraires ont conduit à un développement des ateliers d'écriture, générateurs de plaisir et de bien être, dans le cadre médico-social, et du développement personnel.

Toutefois on ne soulignera jamais assez l'importance en France de ces espaces de liberté créatrice, qui ont permis que soit prise au sérieux la nécessité d'un apprentissage de l'écriture.

Les ateliers de formation à la technique

Durant les années 1990 Internet s'ouvre progressivement au grand public. En France, l'anglais est de mieux en mieux lu et parlé par les générations montantes. L'enseignement de l'écriture dans les pays anglo-saxons cesse d'être un mystère. Les lecteurs anglophones découvrent une bibliographie comptant plusieurs centaines d'ouvrages consacrés aux techniques du roman. Yves Lavandier, français ayant étudié le scénario aux Etats Unis, autopublie La Dramaturgie en 1994. Son livre créera une onde de choc silencieuse chez de nombreux auteurs de théâtre, scénaristes, et apprentis écrivains. C'est la re-découverte que la narration répond à des règles, et que cela s'apprend !

Par ailleurs les éditions Dixit publient de nombreuses traductions de livres techniques consacrés à la narration (construction de personnage, arc transformationnel, voyage du héro). Ces ouvrages ne sont à priori pas destinés aux apprentis écrivains. L'idée que l'écriture est "au delà" des règles classiques de la narration, est encore solidement ancrée en France.

Mais des transfuges issus du cinéma, comme Laure Pécher, ou Anaël Verdier réalisent que les techniques de scénarisation seraient utiles aux apprentis romanciers. Un nouveau type d'atelier d'écriture fait son apparition en France. Et les outils (dramaturgie, techniques du romancier pour connecter le lecteur au personnage), longtemps oubliés, font leur retour en force ! Les livres "L'anatomie du scénario", "Le guide du scénariste", ou "La dramaturgie" deviennent des lectures incontournables des apprentis écrivains.

La naissance des masters d'écriture créative

A partir de 2010 on constate qu'il y a un problème avec les études de lettres en France. L'essor des ateliers d'écriture d'expression débouche alors sur la création de Masters d'écriture créative. Ces masters réhabilitent, 150 ans plus tard, la pratique de l'écriture  dans plusieurs universités.

La différence entre les ateliers classiques et nos formations

Fondés en 2014, Les Artisans de la Fiction, s'appuient sur plus de 10 ans d'expérience au sein des ateliers d'écriture les plus reconnus en France. En effet, Lionel Tran a formé des animateurs et animatrices d'ateliers d'écriture pour Aleph. Les Artisans de la Fiction proposent un virage dans l'enseignement de l'écriture en France. Notre pédagogie se penche sur l'apprentissage de l'écriture tel qu'il est proposé à l'étranger. Nous avons découvert que les techniques littéraire ne sont pas enseignées dans les masters de creative writing. L'apprentissage commence à partir de l'école primaire, puis au collège et au lycée en cours de langue. Soit 12 ans de formation initiale, qui touchent tous les élèves.

Les Artisans de la Fiction ont abandonné l'idée d'une pédagogie basée sur l'expression libre et le plaisir créatif spontané. Nous proposons de rétablir un apprentissage des règles et des outils de la narration dans le champ littéraire. Cet apprentissage, comme celui de la musique classique ou des arts graphiques, est un apprentissage classique exigeant et long, reposant sur l'étude des modèles. Tout l'inverse d'une recette miracle pour écrire son best seller en 10 jours, donc !

Voila qui devrait vous permettre de faire votre choix parmi les différents types d'ateliers d'écriture existants. Et si vous vous interessez à la façon dont nous enseignons la narration nous proposons plusieurs formules. Tout d'abord nos journées d'initiation au creative writing, idéales pour vérifier si notre approche correspond à vos attends. Mais aussi des stages techniques sur 5 jours qui vous permettront d'aller beaucoup plus loin. Et, enfin, des ateliers qui se déroulent à l'année, pour une progression régulière sur trois ans.

]]>
7731 0 0 0 ]]> ]]>
Maîtriser le show don't tell http://www.artisansdelafiction.com/blog/maitriser-le-show-dont-tell/ Mon, 29 Mar 2021 10:50:40 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7812 Faire du show don't tell son allié

On entend souvent que “maîtriser le show don’t tell” est une règle d’or de l’écriture de fiction. Ce qui donne l’impression d’une contrainte désagréable, d’une formalité à cocher. Mais le “show don’t tell” n’est pas une règle d’or, encore moins un bon conseil à donner à un écrivain… le “show don’t tell” est au cœur de toute écriture de fiction, le “show don’t tell” C’EST l’écriture de fiction.

Alors qu’est-ce que c’est exactement ?

Et comment maîtriser le “show don’t tell” ?

maîtriser le show don't tell

Le “show don’t tell”, qu’est-ce que c’est ?

Le “show don’t tell” (= littéralement “montrer plutôt que de dire”), c’est l’art de la mise en scène. C’est la capacité à faire passer une information à un lecteur en lui faisant vivre cette information plutôt qu’en lui expliquant. 

Voyons plutôt un exemple. 

L’information que l’on veut faire passer à notre lecteur est : Arthur est quitté par Sarah et a le cœur brisé. Il est très triste et plein de colère envers lui-même et envers sa femme. 

Voici un exemple d’un texte de fiction qui “explique” ces informations plutôt que de les mettre en scène : 

Arthur était malheureux. Sa femme venait de le quitter après cinq années d’un mariage houleux. 
  • Je pars, lui avait-elle dit. 
Puis elle était sortie, laissant Arthur, le cœur brisé, plein d’une colère rentrée contre lui-même et contre elle (...)

Voici maintenant un texte qui fait passer les mêmes informations au lecteur mais sans lui expliquer, grâce à la mise en scène. 

Arthur prit sa tête dans ses mains. Son cœur battait à mille à l’heure dans sa poitrine, il pouvait presque l’entendre. Il regarda autour de lui : la penderie de la chambre était vide du côté de Sarah. Arthur se leva et s’approcha. Le bois des étagères tirait vers le gris, la poussière lui entra dans la gorge. Il se mit à tousser, tousser, tousser jusqu’à pleurer, vomir, presque. Il se précipita dans la salle de bain, vit son visage dans le miroir. Il était livide.  • Quelle tronche de merde ! hurla-t-il. Et quelle connasse ! 

Que se passe-t-il quand on ne maitrise pas le “show don’t tell” ? 

En lisant ces deux textes, on remarque tout de suite quelque chose : dans le premier texte il n’y a aucune action. Les évènements sont exposés au lecteur de manière désincarnée sans mise en contexte… mais surtout, le vrai problème c’est que ce texte ne génère aucune émotion dans la tête du lecteur. Le lecteur prend acte des informations données par l’auteur. Il se dit “D’accord, je comprends bien qu’Arthur est malheureux” mais il ne ressent pas, il ne “voit” pas le désarroi d’Arthur. 

Sur un texte de quelques lignes, cette absence de mise en scène n’est pas problématique. Mais si elle est déployée sur l’intégralité du texte, sur plusieurs pages, voire dans un roman entier, les conséquences sont désastreuses : le lecteur ne pourra pas faire l’expérience qu’il vient chercher quand il ouvre un roman, c’est-à-dire vivre profondément une histoire à travers les yeux d’un autre. Vivre des actions, vivre des émotions “comme si c’était à lui que ça arrivait”.

Comment faire pour le maîtriser ?

Mais alors, comment maîtriser le show don’t tell ? Comment fait-on pour mettre en scène des informations plutôt que de les expliquer ?

Les techniques qui permettent de mettre en scène des informations sont nombreuses !

Se former seul

On peut, par exemple, se former seul en observant les romans de ses auteurs et autrices préférés. En analysant leurs façons de faire, on peut remarquer des techniques, tenter de les reproduire pour ensuite les faire à sa propre main. On peut ensuite faire des fiches récapitulatives pour compiler les techniques et aller piocher dedans si l'on est perdu au moment de la rédaction.

Cette technique est la technique... de tous les auteurs, en particulier de ceux et celles qui n'ont jamais pris de cours d'écriture. Ils se sont auto-formés à l'art de la mise en scène en observant de près leurs textes favoris. Par exemple, dans ses mémoires d’autrice (Frantumaglia - L'écriture et ma vie), Elena Ferrante explique qu’elle a passé beaucoup de temps à recopier, mots pour mots, des passages entiers de romans d'Elsa Morante dont elle admirait le travail de fiction.

Aller plus vite grâce à une formation

Mais l'auto-formation peut être fastidieuse et décourageante, surtout pour un grand débutant. C'est pourquoi il est parfois judicieux de s'initier cet artisanat, dans le cadre d'un apprentissage.

Dans le stage "Écrire un roman : les outils de la narration littéraire”, nous en abordons deux techniques fondamentales de mise en scène : les outils de narration (description, action, dialogue etc..) et la stratégie narrative (= le point de vue). Nous prenons le temps de montrer des exemples issus de la littérature classique et contemporaine pour montrer comment les auteurs de toutes les époques maîtrisent l’art de la mise en scène. Et bien entendu, nous faisons tester chacune de ces techniques à nos élèves par le biais d’exercices simples et fractionnés. 

Le stage "Écrire un roman : les outils de la narration littéraire” vous donnera donc des clés pour mieux comprendre comment fonctionne l’art de la narration et comment maîtriser le “show don’t tell”. Il vous permettra de vous sentir plus indépendant dans votre écriture en vous permettant de mieux comprendre comment fonctionne cette technique et comme “réparer” un texte qui explique trop sans montrer.

L’art du “show don’t tell” est l’art de la narration dans son ensemble. La maîtrise des outils de la narration n’est qu’une des nombreuses manières de le maîtriser. La mise en scène passe aussi par la compréhension des structures d’histoire, par la maîtrise de la thématique et de la symbolique qui sont des aspects fondamentaux de l’écriture de fiction et que nous enseignons dans nos formations à l’année comme en stage (Préparer et construire un roman, Les 7 intrigues fondamentales, L’Arc transformationnel du personnage…). 

]]>
7812 0 0 0 ]]> ]]>
Peut-on écrire une bonne histoire sans arc ? http://www.artisansdelafiction.com/blog/bonne-histoire-sans-arc/ Tue, 18 May 2021 08:52:46 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7907 Une bonne histoire sans arc transformationnel : est-ce possible ?

Pas de bonne histoire sans bon personnage… Que ce soit dans un roman, une série, un film ou tout autre genre fictionnel ! Le personnage est la porte d’entrée d’une histoire. C'est elle qui permet au lecteur de pénétrer un univers et une intrigue, mais aussi de s’identifier émotionnellement.

C’est pourquoi nous formons nos élèves aux techniques d’arcs transformationnels des personnages. Afin de les aider à développer des personnages avec des trajectoires émotionnelles, sociales, psychologiques, riches et intéressantes.

Mais doit-on forcément développer un arc puissant pour créer une bonne histoire ?

Nos personnages doivent-ils nécessairement évoluer tout au long du récit ?

Et par extension, est-il possible d’écrire une bonne histoire sans arc de personnage ?

La situation : une histoire sans arc de personnage

Il est tout à fait possible d’écrire une bonne histoire sans arc de personnages. C’est-à-dire sans développer de personnages aux psychologies profondes et aux transformations significatives… Car toutes les histoires ne sont pas focalisées sur le développement des personnages ! Et un bon personnage n’est pas nécessairement un personnage avec une psychologie complexe.

Une histoire construite sur le déroulement d’un conflit externe (stopper une bombe qui menace un bâtiment, arrêter l’armée nazie, envoyer un équipage sur la Lune, etc.) peut être suffisamment passionnante en soi ! Ce qui tiendra en haleine le lecteur ou le spectateur, ce n’est pas de voir comment le personnage va traverser les évènements. Mais comment il va s’y prendre pour atteindre son objectif les stratégies qu’il va élaborer, les alliés qu’il va se créer le long du chemin pour atteindre la victoire (… ou subir un échec).

En langage technique, les histoires dont l’intrigue est focalisée sur le déroulement du conflit externe plutôt que sur la psychologie des personnages sont appelées des “situations”. Il s’agit bien souvent de films d’action et de romans d’aventure. Mais ce sont aussi des polars, des thrillers, des romans historiques… “Vingt-mille lieux sous les mers” (Jules Verne) est un exemple parfait de roman puissant sans arc développé de personnage !

On peut penser aussi aux intrigues du Commissaire Maigret (Georges Simenon), mais également à la série des James Bond (que ce soit en romans ou en films !). 

Une Grande Histoire plutôt qu'une trajectoire

Les auteurs de “situations” font le choix conscient de focaliser leurs intrigues sur la “grande histoire” (celle d’un projet collectif, d’une organisation, d’une société, d’une communauté…) plutôt que sur la trajectoire personnelle d’un individu. Les personnages des situations sont souvent des prétextes pour mettre en scène cette histoire plus grande.

… Mais quand l’histoire est bien écrite, cela n’empêche pas les auteurs de façonner des personnages attachants. Si ces personnages sont bien construits, qu’ils sont crédibles, originaux et qu’ils ne sont pas des clichés, alors le lecteur va s’attacher à eux… et à l’objet de leurs quêtes !

La preuve, c’est que James Bond, tout comme le Commissaire Maigret, parvient à nous émouvoir, à nous faire rire, pleurer, stresser… et nous nous réjouissons pour lui quand à la fin de l’histoire, il mène à bien une mission. Si nous regardons les aventures de James Bond, ou que nous lisons les romans de Ian Flemming, c’est aussi pour le plaisir de voir agir, parler et vivre ce personnage spécifique.

Une histoire sans arc : le danger de l’arc plat 

On peut donc écrire de bonnes histoires et de bons personnages sans arc … et les exemples sont nombreux !

Cependant, ce qu’il faut garder en tête, c’est que si des auteurs comme Georges Simenon et Ian Flemming ont écrit ces histoires sans arc de personnage, c’est bien par choix et non par manque de savoir-faire !

Le risque de se lancer dans une histoire longue sans comprendre ce qu’est un arc ou savoir comment il fonctionne, c’est prendre le risque de créer un arc plat, mal construit. Et donc de produire une histoire plate, sans dynamique, qui ne temporise pas l’attention du lecteur/spectateur et qui maîtrise mal ses effets.

Un auteur sans expérience peut facilement se lancer dans une aventure rocambolesque en laissant la notion d’arc transformationnel de côté… sans réaliser qu’il passe à côté d’un outil technique très puissant pour son histoire ou sans l’utiliser à bon escient. 

En effet lorsqu’on regarde des histoires type “situations”, on remarque que bien souvent, les auteurs n’ont pas fait l’économie d’arcs transformationnels.  Même si ceux-là passent au second plan, au profit de l’intrigue externe.

Quelques exemples

On peut prendre, par exemple, la série “Killing Eve” dont l’écriture est dirigée par Phoebe Waller-Bridge. Toute l’intrigue de la saison 1 est construite sur la résolution d’un conflit externe passionnant. Qui est Villanelle, cette tueuse sans scrupule ? Pour qui travaille-t-elle ? L’agent Eve Polastri parviendra-t-elle à comprendre son identité, à la débusquer et l’arrêter ?

Ces questions dramatiques sont suffisamment intéressantes pour faire de “Killing Eve” une série haletante et bien construite. Du reste, les auteurs sont allés encore plus loin ! Ils ont creusés des arcs transformationnels puissants pour les personnages principaux (Villanelle, Eve, le mari d’Eve, le mentor de Villanelle, etc.). Le spectateur s’attache et s’inquiète pour eux. La tension émotionnelle qui se dégage de la série va bien au-delà du suspens propre à une intrigue policière.

Notons que “Fleabag”, série plus tardive qui a fait connaître Phoebe Waller-Bridge au grand public et lui a valu de nombreuses récompenses, est focalisée sur l’arc transformationnel des personnages, plutôt que sur le conflit externe (qu’il serait difficile de définir, par ailleurs). L’autrice maitrise donc parfaitement les deux modalités : les histoires à arcs et les situations. 

Ce qui est certain, donc, c’est qu’on n’écrit pas une bonne histoire par hasard ou sur un coup de chance, sans savoir ce que l’on fait… en particulier sur des formats longs comme le roman, le long-métrage ou la série. 

Vous former pour maîtriser les arcs transformationnels

Alors si vous êtes intéressé.e par la conception de récits longs, il est tout à fait possible de vous former aux techniques de construction de personnages et d’intrigues.

La notion d’arc transformationnel est abordée dans notre formation Artisanat de l'écriture dans les années 2 et 3, ainsi que dans le stage “Préparer et construire un roman”. Mais si vous voulez comprendre cette puissante technique, l’analyser en profondeur et maîtriser ses déclinaisons, vous pouvez vous inscrire au stage intensif “L’Arc transformationnel du personnage”. Vous découvrirez comment élaborer un arc de personnage positif, négatif et neutre (… ce qui ne veut pas dire plat !). 

]]>
7907 0 0 0 ]]> ]]>
Construire le plan de son roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/construire-le-plan-de-son-roman/ Tue, 29 Jun 2021 08:00:10 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7922 Passer à l'action : le plan du roman

Ça y est : vous êtes déterminé(e) à franchir la peur de la page blanche ! Vous allez enfin écrire votre roman. Mais pour cela il vous faut un plan d'action ! Par quoi commencer pour préparer et construire le plan de son roman ?

Acquérir les bases de la dramaturgie

L'idée que l'écriture va jaillir de vous et donner d'elle même forme à votre roman, est séduisante. De très grands écrivains ont parfois écrit des chefs-d'œuvre en se fiant à leur intuition. Mais ces romanciers et romancières avaient de solides bases de narration littéraire. Ils n'en étaient pas à leur coup d'essai !

Les romans nous fascinent : comment des mots assemblés sous la forme de phrases, de paragraphes, permettent-ils aux lecteurs de vivre un film mental ? 

De nombreux blogs, des chaînes YouTube vous proposeront un ensemble de règles simples. Très souvent ces règles sont vraies mais difficiles à mettre en œuvre. Comme si vous lisiez "comment construire une voiture en 10 étapes". La 1ère étape serait "construire un moteur" ? Et lorsque vous vous mettez devant votre ordinateur ou votre cahier, vous aurez beau vous répéter "il faut construire le moteur de mon histoire", rien ne viendra.

La première étape, avant même de vous lancer dans la construction du plan de votre roman, sera d'apprendre les règles de construction d'un récit.

De très bons livres de technique existent sur le sujet, en commençant par La dramaturgie d'Yves Lavandier, ou L'anatomie du scénario de John Truby. Comprendre ces règles est un premier pas. Les maîtriser vous demandera d'étudier de nombreux modèles d'histoires. 

Construire des personnages forts

Une fois que vous maitrisez les règles de la dramaturgie, vous allez pouvoir commencer à travailler le plan de votre roman. Vous avez appris qu'une histoire repose sur un protagoniste, un antagoniste, un but à atteindre et des obstacles. Vous aurez aussi compris que ces principes doivent être incarnés par des personnages.

Les personnages seront les véhicules émotionnels de votre histoire. C'est grâce à vos personnages que les lecteurs s'immergerons dans votre histoire et ressentiront des émotions.

Il existe plusieurs méthodes pour construire des personnages : 

  • S'inspirer de soi.
  • Trouver de l'inspiration chez ses proches (mais attention à ne pas raconter leur vie, ce qui pourrait vous exposer à des ennuis judiciaires).
  • S'inspirer de personnages déjà existants (mais attention au plagiat, qui ennuiera vos lecteurs et vous attirera également des problèmes). 

La bonne méthode est un mix de ces trois approches : s'inspirer de types de personnages (d'archétypes), les transformer à partir de son expérience directe (soi) et indirecte (ses proches), afin de créer des personnages à la fois universel et singuliers.

 

Comment procéder ?

Certains écrivains répondent à des centaines de questions afin de cerner leurs personnages, d'autres écrivent un monologue afin de saisir la voix de leurs personnages, d'autres rédigent une interview de leur personnage. Le principe est de connaître ses personnages avant de commencer à écrire.

Donc, avant de faire le plan de votre roman : préparez les matériaux. Des matériaux de la plus grande densité !

Construire un univers narratif dynamique

Vos personnages vivent dans un univers fictif. Le monde ou se déroule votre histoire est parfois appelé univers narratif. Il s'agit de l'environnement de votre histoire. Le plan de votre roman sera ancré dans votre univers narratif. 

[caption id="attachment_7928" align="alignleft" width="265"] L’antre d’Araigne, 1944 © Bodleian Library/ The Tolkien Estate Limited[/caption]

Cet univers sera un monde en transformation. Il sera rempli d'habitations et d'éléments naturels. Mais, il sera aussi rempli de groupes d'êtres vivants. Ces groupes seront en conflit. 

Les histoires de science fiction ou de fantasy accordent un rôle important aux univers narratifs. L'exemple le plus impressionnant est l'univers narratif élaboré par J.R.R. Tolkien, l'auteur du Hobbit et du Seigneur des anneaux. Tolkien a passé 40 ans à construire l'univers où se déroulent ses histoires. Il a même créé les langues parlées dans cet univers (il était linguiste, cela aide). 

Mais les polars, les thrillers et les romans noirs accordent également un rôle fondamental à l'univers narratif. Les polars de Michael Connely ou ceux d"Henning Mankell racontent autant l'histoire des mutations de Los Angeles ou Malmo (Suède) que les aventures des inspecteurs Bosch et Wallander.

Comment construire un univers narratif ? La méthode est simple : dessinez un plan de votre univers narratif et créez les règles qui régissent ce monde. Créez ensuite les lois et interdits de chacun des groupes qui vivent dans ce monde. Élaborez ensuite l'histoire de ce monde.

Remarque : Parfois certains auteurs construisent d'abord l'univers narratif, avant de créer les personnages.

Construire l'arc transformationnel de ses personnages

Une fois les règles de la dramaturgie maîtrisées, vos personnages construits, le  monde de votre histoire structuré, vous allez pouvoir passer au plan de votre roman. Le plan d'un roman est parfois appelé "intrigue", ou "colonne vertébrale''. Cette colonne vertébrale articulera la trajectoire de vos personnages et les transformations de votre univers narratif. 

La trajectoire de vos personnages est également appelée l'arc transformationnel des personnages. Il existe plusieurs types  d'arc transformationnels : l'arc positif, l'arc négatif et l'arc neutre.

Qu'est ce qu'un arc transformationnel ? Un arc transformationnel suit les étapes par lesquels votre personnage passera d'un état initial à un état transformé (positivement ou négativement). L'arc transformationnel d'un personnage est l'illustration sous la forme de scènes dynamiques d'un processus psychique. 

Ces arcs transformationnels sont un des outils les plus puissants pour construire le plan de votre roman. En s'appuyant sur l'arc transformationnel de vos personnages, la charpente de votre histoire deviendra plus riche en tension, et générera des émotions plus puissantes chez vos lecteurs.

Étudier la construction d'autres romans 

Comment savoir si le plan de votre roman tient la route avant de vous lancer dans l'écriture ? Il existe deux moyens : 

1. L'étude d'autres romans.

Étudier la manière dont sont construits les plans de nombreux romans vous permettra de progresser plus rapidement, et de la manière la plus solide. En effet, c'est par l'imitation que l'on apprend le mieux. Il est donc essentiel d'étudier les grands maîtres qui nous ont précédé. Et ce dans n'importe quel domaine créatif. Cependant pour étudier la construction d'autres romans vous avez besoin d'apprendre à lire comme un écrivain. 

2. Les échanges avec des pairs.

Appartenir à un collectif d'auteurs, à un groupe d'apprentis écrivains, ou à un atelier d'écriture vous aidera à obtenir des retours techniques sur le plan de votre roman. Avant de vous lancer dans l'écriture, vous parviendrez à améliorer de nombreux aspects de votre histoire.

Pour conclure, avant de vous lancer dans l'écriture de votre roman, apprenez les règles de construction. Prenez le temps de les maîtriser. Se former seul est ambitieux. Nous proposons un stage : Préparer et construire un roman, qui vous permet de vous initier aux règles de la dramaturgie qui vous aideront à construire le plan de votre roman.  Cette formation de 30 H (5 jours) est une formation intensive qui repose à la fois sur l'apprentissage théorique, la pratique, et l'étude narrative de modèles.

]]>
7922 0 0 0 ]]> ]]>
Maison d'édition indépendante : Sabine Wespieser http://www.artisansdelafiction.com/blog/maison-dedition-independante-sabine-wespieser/ Wed, 09 Jun 2021 12:38:58 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7975 Sabine Wespieser et sa maison d'édition indépendante

À l’occasion du Littérature Live Festival 2021 les Artisans de la fiction ont pu interviewer l'éditrice indépendante Sabine Wespieser ! Elle nous parle de son métier. De la ligne éditoriale de sa maison d'édition indépendante Editions Sabine Wespieser à façon de sélectionner les manuscrits.

Qu'est ce qu'une maison d'édition indépendante ?

Comme le nom l'indique, une maison d'édition indépendante ne dépend pas d'un groupe d'édition. Des éditeurs comme Le Rouergue, ou La manufacture des Livres ou les éditions de l'Olivier sont des maisons d'édition indépendantes. Il existe de très nombreuses toutes petites structures éditoriales régionales qui sont des maisons d'édition indépendantes. Il est fréquent que des maisons d'éditions indépendantes comme Les éditions du sous-sol rachetées par le Seuil en 2015, soient acquises par de plus grosses maisons d'édition. Cela ne change pas forcément leur ligne éditoriale, les éditeurs conservant parfois  la sélection et l'accompagnement des manuscrits. Les éditeurs indépendants sont souvent des défricheurs. Ils découvrirent des auteurs, et très souvent les défendent durant des années, même si les ventes ne sont pas forcément au rendez-vous. 

Le parcours de Sabine Wespieser

Sabine Wespieser est éditrice indépendante depuis presque 20 ans. En 2001 elle quitte les éditions Actes Sud pour qui elle a travaillé durant treize ans et fonde sa propre maison d’édition. La raison qui l'a poussé à créer une maison d'édition indépendante était de revenir à une échelle de travail  plus artisanale. Sabine Wespieser souhaitait pouvoir sélectionner les manuscrits, accompagner les auteurs, et même aller jusqu'à rédiger la 4ème de couverture de chaque livre édité.

Au total, Sabine Wespieser a plus d’une trentaine d’années d’expérience dans le monde de l’édition. Elle ne souhaite pas pratiquer l'édition à la manière d'une industrie, même si elle s'appuie sur un système de diffusion.

Aujourd’hui elle emploie trois salariés à temps plein et édite une dizaine de livres maximum chaque année, afin de garantir l'accompagnement de ces ouvrages.  Il s’agit d’une maison d’édition à compte d’éditeur très attachée à sa politique d’auteur, sujet sur lequel nous revenons avec Sabine Wespieser dans notre interview. Son catalogue accueille plus de 130 auteurs dont une majorité francophone et ne publie que de la littérature générale. 

Les enjeux de l'édition

Durant cette interview Sabine Wespieser revient avec nous sur son travail d’éditrice. Elle nous explique la politique particulière de sa maison d’édition. Sabine Wespieser entretient une relation privilégiée et respectueuse avec ses auteurs. Pour elle, pas question de demander à l'auteur d'ôter un personnage, ou de transformer son texte. Elle considère que  l'édition est avant tout "'un exercice d'admiration''. Mais cela ne veut pas dire qu'elle accepte n'importe quel texte. Au contraire : elle attend d'un manuscrit qu'il soit publiable sans retouches, c'est à dire qu'il se "prenne ou qu'il se laisse". Ce qui veut dire que l'auteur doit aboutir son texte avant de l'envoyer.

Parmi les 10 manuscrits qu'elle reçoit par jour, seuls 10 seront publiés, ce qui représente 0,2 % des manuscrits reçus. Si vous ôtez  aux 10 livres publiés les auteurs que Sabine Wespieser continue à éditer, cela fera moins de 0,1 %. Donc ne sont édités que les livres les plus aboutis, les plus singuliers

Au cours de cette interview, nous abordons avec elle l’importance de la lecture, primordiale aussi bien pour les éditeurs que pour les romanciers et romancières désirant se faire publier. Comme tout le monde dans la chaîne du livre, le conseil de Sabine Wespieser aux aspirants auteurs est "lisez !". Elle nous parle aussi de l'exigence dont elle fait preuve vis-à-vis des manuscrits qu’elle reçoit. Et, enfin, elle revient sur le travail complexe et peu reconnu du traducteur ! 

Chronologie de l’interview :

00:00 - Présentation de Sabine Wespieser et de sa maison d'édition 

01:44 - Ses objectifs en tant qu'éditrice 

04:14 - Devenir éditeur 

10:13 - Les auteurs et la formation 

12:44 - Les critères de sélection d'un manuscrit 

15:37 - La relation éditeur / auteur 

17:47 - Travailler avec des auteurs étrangers 

21:55 - Les motifs de refus d'un manuscrit

22:44 - Conseils pour les apprentis auteurs

]]>
7975 0 0 0 ]]> ]]>
Interview de Doreen Baingana  http://www.artisansdelafiction.com/blog/interview-doreen-baingana/ Thu, 17 Jun 2021 08:15:34 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8095 Interview de Doreen Baingana

Dans cette interview Doreen Baingana, auteure et éditrice ougandaise partage son parcours et son processus d'écriture. Comment a-t-elle appris à écrire ? Qu'est-ce qu'une bonne histoire à ses yeux ? Et Comment elle accompagne les auteurs dont elle s'occupe ? 

Interview Doreen Baingana

Doreen Baingana est une romancière ougandaise. Son recueil de nouvelles, Tropical Fish, publié en 2005 a obtenu le Grace Paley Short Fiction Prize ainsi que le Commonwealth First Book Prize d'Afrique. Cependant Doreen Baingana ne se contente pas d'écrire. Elle a également co-fondé le Mazawo Africa Writting Institute. Une école de creative writing basée à Entebbe.

Dans cette interview Doreen Baingana revient sur son parcours et sur sa façon d'écrire. Elle nous fait part de ses conseils et nous explique comment elle accompagne les auteurs du Mazawo Africa Writting Institute.

Le parcours de Doreen Baingana

Comment avez-vous appris à écrire de la fiction  ?

J'ai appris à écrire en lisant beaucoup pendant mon enfance, mon adolescence et ma vie de jeune adulte. On le dit beaucoup et c'est la meilleure façon d'apprendre le métier. Sans en avoir conscience, j'ai absorbé ce qui fait la force d'une histoire, le fonctionnement des phrases, le rythme et d'autres aspects de l'écriture.

Lorsque j'ai quitté la maison pour la première fois en 1989, j'ai écrit des lettres de Rome, en Italie (oui, avant l'internet). J'ai pris plaisir à décrire tout ce qui était différent : le paysage, les gens, la nourriture, même le goût de l'eau ! J'ai pris l'habitude d'observer de près et de transformer ces observations et réflexions en mots sur la page.

Lorsque j'ai déménagé aux États-Unis en 1991, j'ai commencé à suivre des ateliers d'écriture de toutes sortes : journalisme, poésie, littérature non romanesque, etc.     

Qu'avez-vous appris pendant votre MFA* qui vous a permis de construire et d'écrire de meilleures histoires ?

Beaucoup de choses ! La "leçon" la plus importante que j'ai retenue est celle qui concerne l'épuration de mes histoires. Tout ce que je mets dans le premier ou le deuxième jet n'a pas besoin d'y rester. Je préfère élaguer et réduire mes histoires pour ne garder que l'essentiel et le plus efficace. 

*ndlr: un MFA est un master of fine arts, il s'agit d'un diplôme de maîtrise

Pourquoi avez-vous choisi de suivre un cursus d'écriture créative aux États-Unis (et pas au Royaume-Uni, en Europe, en Afrique, etc.) ?

Ce n'était pas vraiment un choix. Je vivais déjà aux États-Unis et c'était donc une évidence. De plus, il y avait beaucoup plus de programmes aux États-Unis qu'ailleurs, en 1999, lorsque j'ai postulé à l'université du Maryland, College Park. 

Le processus d'écriture

Lorsque vous écrivez pour les adultes, pourquoi avez-vous choisi le support d'un recueil de nouvelles plutôt que celui d'un roman ?

Comme je l'ai mentionné, j'ai suivi de nombreux ateliers lorsque j'ai commencé à écrire, qui sont plus propices à l'écriture de nouvelles. Les histoires courtes sont un bon moyen de maîtriser le métier. J'ai continué à écrire des nouvelles parce que j'aime cette unité de la forme. Je peux explorer un sujet de manière compacte et singulière. En d'autres termes, j'ai l'impression de pouvoir saisir une nouvelle à deux mains, alors qu'un roman est une chose plus grande et plus complexe à appréhender. Néanmoins, j'écris un roman depuis six ans et j'espère qu'il trouvera un éditeur cette année.

Curieusement, j'ai publié un extrait du manuscrit de mon roman en janvier dernier sous la forme d'une nouvelle, qui a récemment été sélectionnée pour le Caine Prize for African Writing, ce qui semble confirmer mes compétences en tant qu'auteur de nouvelles. 

Qu'est-ce qu'une bonne histoire pour vous ? Comment la reconnaissez-vous ?

Le caractère unique de la "voix" ou du ton, qui est difficile à décrire, mais qui est fortement lié au personnage. Une histoire qui révèle ou donne un aperçu de cette tragicomédie qu'est l'être humain de façon surprenante mais reconnaissable. Une histoire qui me donne l'impression d'avoir voyagé dans une âme.

[caption id="attachment_8103" align="aligncenter" width="580"] Doreen Baigana animant un atelier de creative writing au Mazawo Africa Writting Institute.[/caption]

Qu'est-ce qu'un bon personnage pour vous ?

Je répète ce que j'ai dit plus haut sur le caractère unique de la voix. Je préfère les personnages excentriques, mais même les personnages les plus ordinaires peuvent rendre la lecture intéressante si leurs motivations sont pleinement explorées. J'ai besoin que le personnage soit crédible, même si je ne l'aime pas.

Dans quelle mesure pensez-vous aux lecteurs lorsque vous construisez une histoire, un personnage ou lorsque vous choisissez un thème ?

Je vais reprendre une phrase d'Alice Walker qui a dit qu'elle imaginait le meilleur lecteur possible en écrivant. Cela signifie pour moi quelqu'un qui "comprend" ce que j'écris, quelqu'un à qui je n'aurai pas à expliquer l'histoire. Cela me dispense d'essayer de déformer mon écriture pour qu'elle convienne à ceux qui ne sont pas familiers avec mes décors ou mes thèmes.

Je choisis des thèmes qui m'intéressent et que j'ai envie d'explorer, en espérant qu'ils trouveront un écho auprès des lecteurs. Ce n'est qu'après avoir rédigé quelques brouillons que je me demande ce que différents types de lecteurs vont en penser, mais j'essaie de ne pas me laisser influencer.  

Quels sont les grands narrateurs que vous admirez ? Comment apprenez-vous d'eux ?

Il y en a tellement ! En tête de liste, Toni Morrison et Nadine Gordimer, qui étaient non seulement des écrivains politiques engagées, mais aussi des maîtres de la narration et des explorateurs de la psyché humaine.

Toutes deux utilisaient le langage comme un instrument de musique puissant. J'espère pouvoir entremêler le politique et le personnel avec autant d'adresse qu'elles. Je dois ajouter Gabriel Garcia Marquez à la liste pour son imagination débridée. Ses écrits me montrent qu'aucun sujet, style ou approche n'est hors limite.

Le dernier livre d'une compatriote ougandaise, "First Woman", est remarquable à bien des égards, mais surtout parce que l'auteur, Jennifer Nansubuga Makumbi, n'hésite pas à utiliser l'anglais ougandais et à faire ressortir les nuances de notre vie quotidienne. Je n'avais pas réalisé à quel point la lecture avait été pour moi un pas ou un saut dans l'étranger. Lire "First Woman" a été comme un retour à la maison.    

Comment recrutez-vous/reconnaissez-vous les bons auteurs de fiction pour enfants ?

Jusqu'à présent, nous n'avons pas organisé d'ateliers pour les auteurs jeunesse. En revanche, nous avons organisé un programme pour les auteurs de romans et animé des ateliers plus courts pour les auteurs de livres pour adultes. 

Lorsque j'étais aux éditions Storymoja, il y a dix ans, nous recherchions des écrivains qui avaient une "oreille" pour un langage susceptible de plaire aux enfants. Il ne s'agissait pas d'un langage qui s'adressait aux enfants, mais d'un ton qui était attentif à la sensibilité et à la curiosité de ce public. Nous recherchions en particulier des histoires qui exploraient la réalité contemporaine des enfants africains, qu'elle soit rurale ou urbaine.

Comment accompagnez-vous un auteur dans son travail d'écriture ?

Notre mission est de permettre à davantage d'écrivains africains de produire des livres de longue haleine. Jusqu'à présent, nous avons mené un programme pilote dans le cadre duquel nous lancions un appel à candidatures. Les participants soumettaient des extraits de romans et nous en sélectionnions six pour deux ateliers d'écriture de romans en ligne (c'était avant que la pandémie de Covid ne rende le format en ligne indispensable).

Pendant trois mois, les auteurs ont pu discuté de leurs écrits avec un romancier expérimenté et ont acquis des compétences techniques. Ensuite, ils ont eu le temps de rédiger un premier jet complet. Nous avons pu désigner des éditeurs/mentors pour travailler avec certains d'entre eux pendant qu'ils révisaient leurs brouillons dans le but d'avoir des manuscrits complets prêts à être envoyés aux agents et aux éditeurs.  

  Malheureusement, la pandémie de Covid a limité notre capacité à obtenir les fonds nécessaires à la poursuite de nos projets.

Lorsque je travaille avec des écrivains sur leurs manuscrits, mon objectif est de déterminer ce qu'ils veulent atteindre. Puis je fournis un retour sur les façons dont le manuscrit peut être révisé pour atteindre ces objectifs. Je me concentre plus particulièrement la caractérisation, l'intrigue, le thème, le cadre et le style, et sur la manière dont tous ces éléments peuvent former un tout artistique.  

Interview de Doreen Baingana au Littérature Live Festival

Remerciements

Nous remercions Lucie Campos, la Villa Gillet, Géraldine Prévot et l'Institut du Livre sans qui cette interview de Doreen Baingana n'aurait pu avoir lieu. Vous pouvez découvrir les autres interviews que nous avons réalisés lors du Littérature Live Festival sur notre blog.

]]>
8095 0 0 0 ]]> ]]> ]]>
Pourquoi proposer des ateliers d'écriture pour les adolescents ? http://www.artisansdelafiction.com/blog/ateliers-ecriture-adolescents/ Mon, 26 Jul 2021 06:00:30 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7446 Les ateliers ados : pourquoi ?

Nos formations ne s’adressent pas qu’aux adultes ! Depuis plusieurs années, nous accueillons dans nos ateliers d'écriture des adolescents (à partir de 10 ans) pour les former aux outils de la narration littéraire et les soutenir dans leurs passions pour la lecture et l’invention d’histoires.

Qu’apprend-on dans les ateliers d’écriture pour les adolescents ?

Nous apprenons à nos groupes ados les mêmes méthodes et les mêmes outils que pour nos groupes adultes… Nous simplifions seulement nos explications théoriques.  Puis nous adaptons également les exemples puisés dans la littérature vers des textes qu’ils connaissent et qu’ils aiment. Actuellement nous proposons aux adolescents deux créneaux qui s'intéressent à deux pans différents de l'écriture de fiction.

En premier, l’atelier “Les outils de l’écrivain” forme les adolescents aux outils d’écriture initiaux pour tout texte de fiction. Il s'agit aussi bien de créer un personnage, un décors, construire la voix d’un personnage, écrire un dialogue etc. Cette formation reprend des apprentissages vus avec les adultes dans “L’Artisanat de l’écriture” - année 1 et dans le stage “Ecrire un roman : les outils de la narration littéraire”.

Ensuite vient l’atelier “Apprendre à raconter des histoires puissantes”. Cet atelier fait découvrir aux élèves les grands types d’histoires à travers des exemples issus de la littérature mondiale… Comment ces histoires sont-elles construites ? Quelles émotions font-elles vivre aux lecteurs ? Pendant l'atelier d'écriture les adolescents sont amenés à lire, à comprendre et bien sûr à s’emparer de ces structures pour écrire leurs propres histoires. Cet atelier recoupe les apprentissages destinés pour les adultes dans “L’Artisanat de l’écriture” - année 2 et dans le stage “Construire un roman : raconter avec les 7 intrigues fondamentales”. 

Comment se déroule un atelier d’écriture ados ?

Nos méthodes sont basées sur un apprentissage progressif. Le formateur donne une explication, l’illustre avec un exemple issu d’une histoire puis propose des exercices aux élèves pour qu’ils se fassent la main, petit à petit, aux techniques de la narration littéraire. 

Contrairement aux formations pour adultes, nous ne donnons pas aux adolescents de devoirs ! En effet, tout l'apprentissage se déroule en atelier. Et pourtant nous avons remarqué que les adolescents progressent remarquablement vite !

Se former dès le plus jeune âge, pourquoi ?

Comme pour toutes les pratiques artistiques et sportives, commencer à se former dès le plus jeune âge à l’écriture comporte bien des avantages. Il est beaucoup plus facile et naturel d’apprendre les bases quand on a ni fausses idées ni modèles erronés à déconstruire. D’après notre expérience, les ados peuvent s’emparer des mêmes outils et des mêmes méthodes que les adultes, sans que nous ayons besoin de les simplifier pour eux : leur capacité à apprendre en s’amusant (sans attente ni pression), leurs imaginations qui ne demandent qu’à trouver un cadre pour s’exprimer, sont des moteurs surpuissants pour leur apprentissage. 

Découvrez également nos mini-stages ados pendant les vacances scolaires :

]]>
7446 0 0 0 ]]> ]]>
Construire un bon personnage de roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/construire-un-bon-personnage-roman/ Tue, 29 Jun 2021 08:00:17 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7918 Comment construire un bon personnage de roman ?

Tous les apprentis romanciers et toutes les apprenties romancières se posent cette question. Elle est centrale dans l'écriture de fiction. Un mauvais protagoniste ruine la lecture et entraîne dans sa chute toute votre intrigue. Heureusement, créer un bon personnage de roman s'apprend !

James Bond, Roméo, Juliette, Fleabag, le Comte de Monte-Cristo, Sam Gamegie, Thor, Blanche-Neige, les Sept Nains…

Dans une histoire, tout tourne autour des personnages. Ce sont eux qui incarnent l’intrigue, l’univers et les thèmes. À travers eux, le lecteur traverse des drames et des aventures, découvre des époques, des lieux, et vit des émotions. C’est à travers les personnages que le lecteur s’immerge dans une histoire… Et qu’il s’en souvient ! Demandez à un ami de vous résumer son roman préféré, et vous verrez qu’il évoquera tout de suite le personnage principal… ou son antagoniste ! Car nous nous identifions aux personnages de nos romans préférés. Il arrive même que nous nous attachions à eux au point de les prendre comme des références (modèle d’intelligence, de charme, de cruauté…) voire comme des amis ! Alors quand la fiction s’arrête, il peut être déchirant de leur dire adieu. De tels effets sont l’apanage des “bons” personnages. 

Mais comment crée-t-on un bon personnage de roman ? Et surtout, comment éviter d’en faire des mauvais ? Petit tour (non exhaustif !) de quelques techniques incontournables. 

Observer les personnages de la réalité… et les transposer !

Tout part de l’observation. Tous les jours, dans la vie réelle, nous rencontrons des personnes particulières : une apparence étrange, un métier unique, une façon de parler singulière, une attitude gênante ou angoissante… Il suffit d’ouvrir les yeux et de tendre une oreille pour en détecter ! Car le travail du romancier n’est pas de tout inventer. Il s'agit de repérer les aspects les plus intéressants de la réalité et de les restituer… de manière intéressante.

Regardez autour de vous, dans votre environnement actuel ou dans votre passé. Nous sommes prêts à parier que vous pouvez lister une cinquantaine de “personnages” issus de la réalité. Tous ne feront pas un bon personnage de roman. Mais à partir de ces observations vous pourrez compléter vos personnages qui manquent de relief, ou mieux, additionner des spécificités pour réaliser un personnage hors du commun.

Dans son autobiographie “Oh Boy”, Roald Dahl raconte son enfance dans les internats du Pays de Galles. Il dépeint très précisément la cruauté et les accoutrements des professeurs de ces écoles privées et dont il a parfois été la victime. Cet environnement singulier et ses personnages ont un impact fort sur les intrigues de Dahl, en particulier dans les fictions destinées au jeune public : tous ceux et celles qui ont lu (ou vu !) “Mathilda”, se souviennent de l’impressionnante Mademoiselle Legourdin, la tyrannique directrice d’école, tout aussi ridicule et effrayante que les professeurs de l’auteur !

Attention aux clichés

Mais attention à ne pas créer des clichés… un bon personnage est d'abord un personnage crédible. Et l’auteur de fiction doit trouver des moyens pour aller au-delà d’une dimension unique qui fige un personnage dans un stéréotype, tel que “Le Méchant”, “Le Policier”, “La Demoiselle en détresse” etc…

Car un bon personnage, c’est un personnage complexe qui dispose d’une multiplicité de facettes. Personne (ni dans la vraie vie, dans la fiction), n’est qu’une seule chose : personne n’est seulement “boulanger”, ou “célibataire”, ou “jeune” ou “italien”.

Pour créer un bon personnage, il faut donc créer un être dans son entier, ce qui comprend un physique, une origine (sociale, régionale, professionnelle…), un état de santé, une histoire, des préférences, des savoir-faire… Sans oublier : des défauts et des paradoxes ! Nos élèves l’oublient souvent et passent à côté d’une dimension très importante : un personnage qui a des défauts est un personnage qui génère la sympathie du lecteur. Car dans les faiblesses d’un personnage nous reconnaissons nos propres faiblesses et nous nous identifions.

L'identification, un point clé

Il est très difficile pour un lecteur de s’identifier à Ulysse quand celui-ci élabore  des stratagèmes guerriers extrêmement ingénieux. Mais quand il pleure la mort de son chien Argos ou qu’il fait preuve de mauvaise foi en provoquant son roi, alors nous reconnaissons nos propres penchants. Et nous l’aimons d’autant plus !

Le romancier doit se montrer un peu sociologue pour comprendre (et recréer) toutes les facettes qui constituent un être humain crédible… et il doit se montrer aussi un peu psychologue, pour créer ce qui constitue l’esprit de tout être humain : des désirs, des frustrations, des paradoxes et peut-être quelques traumas. 

Dans “Total Kheops”, le premier tome de la cultissime “Trilogie Fabio Montale”, Jean-Claude Izzo construit un personnage fascinant de complexité. Épris d’un idéal de justice, Fabio Montale est devenu policier dans une ville de Marseille où tous ses amis d’enfance sont tombés dans le grand-banditisme. Un pied dans chaque univers, le personnage est sans cesse confronté à des cas de conscience insolubles : à qui doit-il sa loyauté  ? À ses amis ou à la loi ? Doit-il protéger des coupables pour sauver des innocents, ou se soumettre à une justice parfois corrompue ? Quoi qu’il fasse, Fabio Montale est un personnage frustré qui essaye de faire de son mieux en se laissant parfois aveugler par la colère, la rancoeur et l’ambition.

Un bon personnage de roman : le personnage secondaire

[caption id="attachment_7921" align="alignleft" width="266"] Illustration des personnages secondaires d'Harry Potter par l'auteure J.K. Rowling[/caption]

Il est donc important de soigner nos personnages principaux : s’ils ne sont pas singuliers ou qu’ils  manquent de crédibilité, nos lecteurs auront vite fait de s’y désintéresser.

Mais il serait dommage de mettre tous nos efforts dans la construction d’un héros puissant… et d’oublier les personnages secondaires !

Là encore, une multiplicité de techniques existe pour créer des personnages secondaires dynamiques. Focalisons-nous sur l’une des principales : la création du “réseau de personnages”.

Là, il s’agit moins de faire fonctionner notre imagination, mais de comprendre la dynamique de notre histoire. Toute bonne histoire est créée par la tension entre le monde du personnage principal et celui de l’antagoniste. Créer un réseau de personnages cohérent permet de renforcer cette tension : il y aura les personnages qui aideront/renforceront le héros (les alliés, les mentors…), ceux qui l’empêcheront d’atteindre son objectif (les ennemis, les concurrents…), et ceux dont l’attitude est beaucoup plus trouble (les personnages protéiformes, les faux alliés, les fous…).

Réfléchir à la place d’un personnage secondaire dans l’échiquier des forces en présence est un excellent point de départ : cela permet à l’auteur de dérouler un conflit clair et cohérent… et de ménager des effets émotionnels très forts. 

Un exemple : Dumbledore

Dans la saga Harry Potter, l’un des personnages les mieux construits est le Professeur Dumbledore, le Directeur de l’école des sorciers. Il est le père de substitution d’Harry Potter, son meilleur conseiller ainsi que son plus grand protecteur contre les Forces du Mal. L’autrice, JK Rowling, a construit Dumbledore avec tous les symboles et les signes d’un Mentor : il s’agit d’un homme âgé donc expérimenté, un excellent technicien de la magie, mais aussi le garant d’une vision morale et philosophique que le jeune Harry Potter ne peut pas encore avoir à son âge. C’est donc un guide et un protecteur… À chaque fois qu’il apparaît dans une scène, le lecteur est confiant : si Dumbledore est présent, rien de mal ne peut arriver ! Il parait si puissant, si calme et si apaisant… Alors quand arrive sa mort, au Livre VI, c’est la fin d’une ère de paix et de raison dans le monde des sorciers. Le désespoir et l’angoisse qui envahissent Harry Potter sont profondément partagés par le lecteur. 

Le réseau de personnage

La construction d’un réseau de personnages crédibles et puissants est un savoir-faire indispensable à tous les romanciers et les romancières qui souhaitent plonger leurs lecteurs dans des histoires captivantes et pleines d’émotions. Il n’est donc pas étonnant que de très nombreux livres de techniques d’écriture soient dédiés à ce sujet fondamental qui va puiser dans de nombreux domaines à la croisée des mondes de la fiction : la psychologie, la sociologie, l’anthropologie… 

Pour aller plus loin sur le sujet, nous vous conseillons l’excellent ouvrage de Linda Seger, traduit en français sous le titre “Créer des personnages inoubliables”. Si c’est davantage la question du réseau de personnages et des archétypes qui vous intéressent, vous serez fascinés par la clarté et l’intelligence du manuel de Christopher Vogler, “Le Guide du scénariste” (“The Writer’s journey”) dont toute la première partie est consacrée à ce sujet. 

Nous abordons aussi les points clés de la création d'un bon personnage de roman dans nos stages techniques. En particulier dans le stage préparer et construire un roman, le stage les outils de la narration et, bien évidemment : notre stage personnage (réouverture 2022).

]]>
7918 0 0 0 ]]> ]]>
Ecrire un polar, les bases http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-un-polar-les-bases/ Tue, 13 Jul 2021 08:00:35 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=7955 Comment écrire un polar

Le polar répond à des règles. Et pour écrire, à son tour, un bon polar, il faut connaître ces règles. Comment préparer la construction d'un polar ? Comment écrire un polar original ? Quelles différences entre Polar/Thriller/roman Noir ? 

écrire un polar

Découvrir les règles du genre

Tous les lecteurs et toutes les lectrices de polar savent qu'un polar "c'est toujours à peu près les mêmes recettes". Plutôt que "recette", préférons le terme de règles. L'auteur de The seven basic plots, ouvrage sur les structures d'histoires archétypales,  fait remonter l'origine du récit à énigme à ...Oedipe.

Le récit à énigme, à mystère, ou en anglais le detective story sont donc un seul et même type d'histoire. Ce type d'histoire existe depuis l'antiquité : l'histoire de  Suzanne et les Vieillards présente dans la Bible, par exemple. Au 19ème siècle le récit à énigme prend une tournure policière, avec Double meurtre dans la rue Morgue (1841) d'Edgar Allan Poe, ou Mademoiselle Scudery (1818)  d'E.T.A. Hoffmann. Et popularisé bien sûr par Les aventures de sherlock Holmes (1891-1892) d'Arthur Conan Doyle

Ce qui nous excite, en tant que lecteur,  dans ce type d'histoire, c'est  le casse-tête. Confronté à une situation inexplicable, le lecteur est mis au défi. L'idée qu'il existe une solution, même si les apparences la font passer pour impossible est particulièrement stimulante. 

Lire des polars et analyser comment ils fonctionnent sera donc la base de votre apprentissage. D'autant plus que les auteurs de polar connaissent particulièrement bien les romans policiers. Ce qui est un minimum si l'on ne veut pas réécrire inconsciemment des histoires déjà existantes.

Construire le crime

Le polar a ceci de particulier qu'il ... se construit à l'envers. L'auteur commencera par élaborer le crime, de manière très détaillée : où qui, quoi, comment. Ce crime devra être atroce, spectaculaire, révoltant. Le cadre sera déconcertant avec, par exemple, le cadavre trouvé dans une pièce fermée de l'intérieur. L'objectif premier est d'interpeller le lecteur et d'exciter sa curiosité. Quelque chose doit clocher, paraître impossible.  Par exemple, dans Les morts de la Saint Jean, D'Henning Mankell, deux jeunes femmes et un jeune homme, inexplicablement habillés comme la noblesse suédoise sous le règne de Gustav III, sont retrouvés morts. Chacun a tué d'une seule balle, leurs corps à moitié dévorés par des animaux.

Quand nous disons "élaborer le crime", il ne s'agit pas uniquement de peindre un tableau atroce. Il s'agit avant tout de créer la séquences d'événements, et d'actes qui vont conduire à ce tableau.

Mais pour cela vous allez devoir au préalable... construire le meurtrier, la victime et l'enquêteur. 

Trois types de personnages

Le roman à mystère comporte trois personnages centraux : la victime, le meurtrier et l'enquêteur. Comme aurait pu le dire Aristote : "et chacun de ces personnages remplit une fonction bien particulière".

La victime, bien qu'absente du récit, joue un rôle central. Elle sera découverte morte au début de votre histoire, mais l'enquête nous plongera dans sa vie, ses fréquentations, ses habitudes, ses secrets et ses vices. Construire la victime sera donc fondamental. Bien sûr il vous faudra déterminer : pourquoi est-t-elle tuée ? Est-ce par vengeance ? Par jalousie ? Par accident ? 

Ce qui nous conduit à un deuxième type de personnage : le meurtrier. Ce personnage n'aura pas forcément de rapport direct avec la victime. Et il faudra également le construire de façon détaillée. Qui est-il ? Quelle est son histoire ? Où vit-il ? Quelle est sa relation avec la victime ? Pourquoi a-t-il commis ce crime ?

Pour terminer, il vous faudra construire l'enquêteur. L'enquêteur sera le personnage auquel le lecteur va s'identifier. Il faudra donc le construire lui aussi avec soin : qui est-il ? A-t-il des failles ? Pourquoi sent-il le besoin d'enquêter sur cette affaire .

Mener l'enquête

L'étape suivante, avant de commencer à écrire votre polar, sera la construction de l'enquête à proprement parler. Concernant le récit de mystère, la route de l'enquête ne sera pas nécessairement la plus courte. En effet, plus votre enquête proposera de fausses pistes, de faux coupables, d'indices mal interprétés par l'enquêteur et plus votre histoire sera prenante.

L'intrigue d'un polar se construit comme un labyrinthe : vous partez du crime, et vous construisez à l'envers les étapes qui vont conduire l'enquêteur à la résolution.

La construction de l'intrigue de votre polar vous demandera de construire un réseau de personnages, et un univers narratif dynamique.

La différence entre polar, thriller et roman noir

Pendant longtemps en France l'étiquette Polar à couvet trois types d'histoires :

  1. Le roman policier, dont nous venons de parler, et qui est un récit de mystère. 
  2. Le thriller
  3. Le roman noir

À la différence du récit de mystère, et donc du Polar, le Thriller est construit non pas autour d'une enquête, mais d'un affrontement entre le tueur et l'enquêteur (qui est d'ailleurs parfois également la victime). La dynamique de cette histoire repose sur la peur ressentie par l'enquêteur face au tueur. 

Pour terminer, le Roman Noir n'est ni une enquête, ni une lutte contre un monstre, mais raconte souvent la dérive d'un protagoniste aux prises avec lui-même, la corruption, la société.  À la différence du thriller et du Polar, le Roman Noir se termine mal pour le protagoniste. Et à ce titre se rapproche de la structure de la tragédie, un type d'histoire identifié par Aristote dans la Poétique il y a plus de 2350 ans ! 

Le stage Construire un polar des Artisans de la Fiction

Si vous désirez écrire un polar, le meilleur conseil que nous puissions vous donner est de lire un maximum de polars, ou de thrillers, de romans noirs. Mais de les lire comme un écrivain. C'est à dire pas seulement pour le plaisir, mais pour étudier leur construction (structure narrative, personnages, chapitres, paragraphes, phrases). Pourquoi ? Pour éviter de refaire ce qui a déjà été fait sans rien y apporter.

Si vous souhaitez vous former aux techniques de construction du Polar, Thriller, et Roman Noir, Les Artisans de la Fiction proposent un stage intensif de 30 H (5 jours), resposant sur une approche théorique, pratique et technique. Durant 5 jours vous apprendrez quelles sont les règles et comment les mettre en œuvre pour créer une émotion puissante chez votre lecteur.

Cependant, si vous souhaitez commencer par vous former aux principes de construction d'une histoire avant de vous spécialiser, nous vous conseillons le stage "Préparer et construire un roman - Les bases de la dramaturgie." .

Et si vous vous cherchez plutôt à maîtriser les outils de mise en forme (actions, description, dialogue, point de vue…) c'est vers le stage "Les outils de la narration littéraire" qu'il faut vous tourner !

]]>
7955 0 0 0 ]]> ]]>
La pédagogie pour apprendre l'écriture de roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/apprendre-lecriture-de-roman/ Mon, 26 Jul 2021 06:00:56 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8066 Quelle pédagogie de l'écriture aux Artisans de la Fiction ? 

Vous désirez apprendre l'écriture de roman ? Acquérir les bases de la construction d'une histoire ? Trouver le style qui vous permettra de raconter vos histoires ? Et vous vous demandez quelle est la pédagogie de l'écriture proposée par les Artisans de la Fiction ?

L'histoire qui a conduit à la création des Artisans de la Fiction est simple. Nous voulions proposer les formations d'écriture que nous aurions aimé suivre quand nous nous sommes lancés dans l'apprentissage de l'écriture de romans !

Ce que nous avons appris en 20 ans d'enseignement de l'écriture, c'est que pour écrire il faut lire énormément, en apprenant à "lire comme un écrivain"

Apprendre l'écriture de roman grâce à un véritable programme pédagogique

Les Artisans de la Fiction sont un organisme de formation. Chez nous, vous suivez une nouvelle pédagogie de l'écriture qui repose sur un apprentissage des principes dramaturgiques, l'étude anatomique d'histoires, la mise en œuvre personnelle et collective (écriture participative, co-construction narrative, réécriture mutuelle).

L'approche pédagogique des Artisans de la Fiction est singulière dans le paysage des ateliers d'écriture. Notre approche s'inspire des formations de creative writing proposées dans les pays anglo-saxons. Contrairement à ce que l'on imagine souvent, le creative writing ne s'apprend pas dans les Masters universitaires de Creative Writing. Cet enseignement débute dès l'école primaire. Et il ne s'agit pas d'une méthode clé en main pour écrire son roman. L'enseignement du creative writing est un enseignement classique de la narration littéraire. Cet apprentissage a été abandonné à France à partir de 1870. 

Apprentissage technique des outils 

Le romancier est un artisan qui tire ses forces de l'étude des travaux des autres artisans que sont les écrivains et les écrivaines. Parfois confondue en France avec la philosophie, l'écriture est avant tout une manière de raconter des histoire uniquement à l'aide du langage écrit. Les outils de mise en forme de la narration littéraire permettent aux écrivains de créer un état de rêve éveillé chez le lecteur. Ces outils permettent au romancier de créer et de gérer l'émotion du lecteur, tout comme un prestidigitateur crée et ménage la tension et la surprise de ses spectateurs. Apprendre l'écriture de roman, c'est découvrir ces outils et se les approprier. 

L’étude des modèles

Notre approche pour apprendre l'écriture de roman n'a finalement rien de révolutionnaire. Nous vous proposons une approche pédagogique "classique", axée sur l'étude des outils, des structures, des modèles, que l'histoire de la narration nous a transmise. Après 150 ans de ruptures, d'explorations hors des sentiers communs et de quête d'un au-delà de la narration, nous proposons de revenir à l'évidence : tout art repose sur l'étude des modèles laissés par les prédécesseurs.

Dans "La Poétique" (335 ans avant JC), Aristote cite Platon : "Platon explique que l'œuvre d'art n'est qu'une imitation d'imitation, la copie d'une copie. L’artiste ne fait qu’imiter l’objet produit par l’artisan ou par la nature, objet sensible qui est lui-même la copie ou l'imitation de son essence (l'Idée ou Forme)".

Notre approche classique s'appuie sur les possibilités offertes aux formations d'écriture par les outils numériques.

Un référentiel qualité et des certifications 

Les Artisans de la Fiction viennent de passer l'audit Qualiopi et d'en obtenir la certification. Qualiopi est une marque nationale créée pour garantir la qualité pédagogique des formations dans le respect des exigences du Référentiel National Qualité. Il s'agit pour tous les organismes de formations de démonter le processus pédagogique proposé aux stagiaires. L'audit examine 7 critères fondamentaux et 22 indicateurs d'appréciation. 

Cet audit a lieu tous les 3 ans. L'exigence pédagogique est au coeur des formations à la narration littéraire proposées par Les Artisans de la Fiction. Nous sommes particulièrement fiers de cette certification. Elle vous garantit la qualité du processus de formation, et l'adéquation entre les objectifs de formation affichés,  et le dispositif pédagogique.

[caption id="attachment_7898" align="alignnone" width="454"]Apprendre écriture roman Certification délivrée au titre de la catégorie suivante : actions de formation.[/caption]

Des ressources pédagogiques

Qui dit apprentissage et formation dit ressources. Le plaisir de l'échange et de l'interaction (surtout dans les formations en télé-enseignement) est fondamental. Mais, une fois la formation terminée, ou entre deux sessions de formation, les ressources sont indispensables. Elles synthétisent nos connaissances et permettent à nos élèves d'apprendre l'écriture de romans plus efficacement.

C'est pourquoi depuis 2016, les Artisans de la Fiction ont créé des supports pour accompagner leurs formations. Au départ nous les distribuions sous la forme de fiches pédagogiques. Puis ces supports sont progressivement devenus de véritables manuels, présentant articles théoriques, extraits d'auteurs à étudier narrativement, et outils (tableaux, exercices). 

...améliorées tous les ans 

Nous mettons nos manuels à jour tous les ans. Les extraits sont renouvelés, les exercices affinés. Les travaux de recherches de nos élèves viennent également les compléter.

...pensées et conçues aux Artisans de la Fiction

Rédigés par les formateurs des Artisans de la Fiction, nos supports pédagogiques sont constamment mise à jour. Grâce à notre bibliothèque d'ouvrages portant sur le creative writing nous passons beaucoup de temps à améliorer nos supports. Avant le covid-19 ils étaient également fabriqués dans l'atelier des Artisans de la Fiction. Aujourd'hui nous les éditons au format PDF crypté. 

[caption id="attachment_8102" align="alignnone" width="542"] Les manuels de deuxième année, reliés aux Artisans de la Fiction[/caption]

Ce que nous ne proposons pas 

L'idéal romantique de l'écrivain qui reçoit un don et dont l'écriture coule naturellement de lui est encore très répandue en France. Dans les ateliers d'écriture français, il est fréquent que l'on viennent inconsciemment chercher à être rassuré, dans une premier temps, et flatté, dans un second temps. 

Les Artisans de la Fiction, ne proposent ni mentorat, ni recette miracle. Nous proposons une formation artistique classique. Pour nous, écrire n'est pas un "droit", c'est une responsabilité.

Les Artisans de la Fiction considèrent la narration littéraire comme un artisanat. Maîtriser cet artisanat demande d'en apprendre les règles, imiter les modèles, et étudier  techniquement les auteurs avant de pouvoir proposer ses textes à des lecteurs.

Du suivi personnalisé (optique court terme)

Nous ne proposons pas de coaching. L'idée que "vous avez un livre en vous" et qu'un mentor va le faire "sortir" est séduisante. On peut imaginer que cela nous évitera de "perdre du temps" avec d'autres élèves. Que ce qui compte vraiment c'est "avancer son projet le plus vite possible afin d'obtenir reconnaissance et rétribution." 

Rien n'est plus faux et à l'opposé de ce que nous proposons : consacrer plusieurs années d'apprentissage avant de s'essayer dans un domaine est la base de tout savoir maîtrisé. 

D'autre part, le processus d'apprentissage est plus fécond collectivement.

De la création “débridée”

La France s'est singularisée de nombreux pays à la fin du 19ème siècle, en abandonnant l'imitation des modèles. La compréhension anatomique de la dramaturgie a été remplacée par l'analyse de textes (appelée "science du lecteur"). Puis, à plusieurs reprises, l'écriture s'est affranchie du modèle du roman (considéré comme daté et bourgeois.) L'écriture sans modèles, ni règles, ni transmission est devenue l'évidence. 

Ainsi l'idée que "écrire existe pour faire du bien à la personne qui écrit" s'est progressivement imposée. 

S'exprimer librement, jouer avec les consignes pour se faire du bien ne correspond pas à l'approche des Artisans de la Fiction. Écrire des histoires demande un apprentissage riche et complexe. 

Une méthode miracle pour être édité

Depuis les débuts de l'âge d'or des séries télé à la fin des années 1990 (le déclencheur fut "6 feet under"), l'idée qu'il faille opposer création libre et supérieur et recette hollywoodienne médiocre est progressivement tombée. Maîtriser la dramaturgie est le minimum pour raconter des histoires. 

Effectivement, dans un pays sevré d'apprentissage de la narration pendant plus d'un siècle, cette idée a fait l'effet d'une bombe. Et beaucoup se sont rués sur l'écriture de romans, de scénarios, tels des chercheurs d'or. Après tout J.K. Rowling, l'autrice de Harry Potter, n'a-t-elle pas écrit son best seller à la laverie ?

Les principes de la narration sont assez simples à comprendre, leur maîtrise demande des années d'apprentissage. Et cet apprentissage est passionnant. D'ailleurs avant de se lancer dans l'écriture de Harry Potter, J.K. Rowling a suivi des études de lettres classiques en Angleterre et même un an à la Sorbonne. 

Ce que nous offrons aux Artisans de la Fiction 

Les ateliers des Artisans de la Fiction ne sont ni un service de nettoyage pour écrivains pressés, ni espace de libération des possibles pour rétifs à l'apprentissage. Au contraire Les Artisans de la Fiction vous offrent la possibilité de venir étudier et mettre en pratique une approche artisanale de l'écriture de fiction. Nous vous proposons d'apprendre l'écriture de roman pour de bon. 

Des formations techniques à l’écriture de fiction pour tous 

Beaucoup de personnes qui nous contactent s'excusent de ne pas avoir suivi d'études littéraires. D'autre de ne pas posséder le don inné de l'écriture. Nous leur expliquons que vis à vis de la narration, tout le monde est égal en France. Il faut prendre l'apprentissage à la base. 

En réalité même les animateurs d'atelier d'écriture, les professeurs de français, les journalistes sont... des débutants aux Artisans de la Fiction !

Et c'est bien parce que nous nous adressons à des débutants que nos formations sont précises et claires sur le plan pédagogique. Vous former vous demandera du temps et des efforts, mais vous ne serez jamais écrasés intellectuellement ou techniquement.

En réalité, les seules conditions vraiment fondamentales pour apprendre l'écriture de roman sont : un désir et une capacité d'apprentissage. 

rôle talent écriture

Un investissement à long terme 

50 % des élèves qui suivent une formation aux Artisans de la Fiction se servent professionnellement des compétences d'écriture acquises alors qu'ils venaient initialement se former pour leur plaisir.

Pourquoi apprendre à écrire, à construire une histoire, à travailler conjointement sur un projet narratif ? Parce que la narration est un mode de communication et de partage au cœur des activités humaines ! 

Savoir raconter, c'est aussi savoir transmettre des informations complexes de manière digeste et ludique. Qu'il s'agisse de raconter un conte à ses enfants, une anecdote à ses amis, une expérience dans son cadre professionnel.

Comprendre comment fonctionne une histoire permet de mieux savourer celles qui nous informent, qui nous distraient, dont nous nous nourrissons quotidiennement. Une formation en narration littéraire vous demandera un investissement en temps, en concentration, mais vous servira quotidiennement tout au long de votre existence.

Un cadre d’apprentissage optimisé

Comment se déroule une formation aux Artisans de la Fiction, en présentiel ou en télé enseignement ?

  • ⅓ du temps est consacré à la théorie, de manière interactive : brainstormings, écriture participative (il s'agit d'écrire à plusieurs simultanément sur le même fichier, technique développé par les informaticiens pour créer de manière plus intuitive). 
  • ½ du temps est consacré à des travaux de mise en pratique : écriture individuelle, écriture collaborative, co-construction, réécriture mutuelle.
  • 15 % du temps est consacré à la lecture (visuelle, sur fichier), et à l'analyse technique des exercices réalisés par les élèves.

Ensuite, comme dans tout processus d'apprentissage sérieux, nous demandons à nos élèves du travail (des devoirs !) en dehors des séances. Ce travail de lecture, d'étude ou de construction évolue au fil des années, pour ceux qui suivent un cycle de trois ans. 

Une communauté d’auteurs apprenants 

En devenant élève des Artisans de la Fiction, vous rencontrez également d'autres apprentis narrateurs. Ils et elles vous accompagneront tout au long de votre parcours de formation. 

Côte à côte vous apprendrez ce qui marche, ce qui ne marche pas. Vous partagerez non seulement vos histoires réussies, mais vos sources d'inspiration, et vous vous nourrirez des apports des autres. Ainsi vos réflexes s'aiguisent, votre culture narrative s'enrichit. 

Vous co-travaillerez, vous partagerez vos personnages, vous développerez les histoires co-construites. Sans être tétanisés par le désir d'aboutir à tout prix et le plus rapidement possible un projet de roman pour l'instant au delà de votre maîtrise technique, vous apprendrez conjointement.

Au fil des séances vous partagerez une complicité, des compétences, auxquelles vous pourrez faire appel par la suite.

Pour terminer, la cerise sur le gâteau : vous pourrez accéder à La Communauté Facebook des Artisans de la Fiction. Il s'agit d'un espace privé réservé à nos élèves et anciens élèves.

]]>
8066 0 0 0 ]]> ]]>
Le magazine les créateurs de mondes http://www.artisansdelafiction.com/blog/le-magazine-les-createurs-de-mondes/ Mon, 19 Jul 2021 06:00:45 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8181 Les créateurs de Mondes, un magazine dédié aux univers de fiction 

Les Créateurs de Mondes, un magazine pour tous les passionnés d’univers de fiction. Des littératures de l’imaginaire aux jeux vidéo en passant par le jeu de rôle, l’animation et la BD, ce bimensuel a tout pour plaire aux amateurs de narration.

magazine les créateurs de mondes

Le magazine Les Créateurs de Mondes

À l’origine du magazine Les créateurs de Mondes il y a tout d’abord une équipe de passionnés. Des passionnés de littérature, de jeux, d’aventure et de récits. Ensemble, ils ont pour but d’informer, de divertir et de créer une communauté autour de ces thématiques.

Le credo de l’équipe rédactionnelle :

“Nous ne sommes pas de simples consommateurs de produits culturels, nous voulons comprendre comment tout cela est conçu, porter notre regard derrière la caméra, et peut-être un jour, devenir créateurs à notre tour.”

Tout comme les Artisans de la Fiction, les Créateurs de Mondes cherchent à comprendre les rouages à l'œuvre dans la création des univers qui nous transportent. Derrière ce magazine, il y a une véritable volonté de compréhension (et de transmission) de ces connaissances. Mais concrètement qu’est-ce qu’on trouve dans la centaine de pages qui composent chaque numéro ?

La science fiction et les univers de fiction à l’honneur

La science-fiction et la fantasy occupent une place à part au sein du magazine Les Créateurs de Mondes. Les univers de fiction désignent tout ce que notre imagination peut produire. Cette dernière est particulièrement libre dans ces genres où tout est à construire. Le monde, et parfois l’univers qui l’englobe, son histoire, sa géopolitique, les groupes sociaux en présence jusqu’à la faune et la flore qui le composent.

Les amatrices et les amateurs de science fiction trouveront donc dans le magazine de quoi satisfaire leur curiosité. Toutefois Les Créateurs de Mondes sont loin de se contenter d’être destiné aux geeks. Au contraire, l'équipe de rédaction entend s’intéresser à tous types d’univers de fiction. Univers de fiction dans le cadre du roman et de la nouvelle, bien sûr, mais pas seulement ! Le jeu vidéo, le cinéma, la musique mais aussi le jeu de rôles et les arts graphiques y ont aussi leur place.

Les grandes thématiques du magazine

  • Artiste dans l’âme
  • Se lancer dans l’écriture
  • Comment créer un jeu vidéo 
  • Créer son jeu de rôles ou son jeu de plateau 

Le magazine les créateurs de mondes

L’écriture au cœur des littérature de l'imaginaire

Comme vous l’aurez deviné, c'est cette dernière thématique qui nous intéresse le plus (même si nous avons pris plaisir à lire les autres rubriques). À notre sens, le magazine Les Créateurs de Mondes comble un vide énorme en consacrant une rubrique entière aux univers de fiction dans le cadre de l’écriture. Cette thématique s’intéresse à l’étude de l’univers de grands auteurs et autrices (tels que Jule Vernes). Il s’agit alors de décortiquer une œuvre afin d’en comprendre la construction et le fonctionnement. Afin, ensuite, de l’utiliser en tant que modèle. Une démarche qui ne peut que rappeler la pédagogie que nous défendons dans nos formations. 

Cette rubrique est aussi dédiée à des interviews d’auteurs.res, de scénaristes, aux conseils d'écriture, à l’explication de techniques propres à la nouvelle ou au scénario. Ou encore à des concours d’écriture ! Le premier vient d'ailleurs de débuter ! Il porte sur l'univers de Jule Vernes et sera clôturé en juillet 2021. Nous avons d'ailleurs participé à l'élaboration de la grille d'évaluation car, une fois n'est pas coutume, nous participerons en tant que jury ! 

Un partenariat avec les Artisans de la fiction 

Nous sommes convaincus que le magazine Les Créateurs de Mondes a beaucoup à apporter. Tout d’abord aux amateurs et amatrices de science fiction qui se retrouveront totalement dans les univers abordés. Mais aussi pour toutes celles et ceux qui souhaitent parfaire leur culture et qui ont la curiosité de découvrir de nouvelles choses.

En ce qui nous concerne, nous avons tellement adhéré au projet que nous avons décidé de devenir partenaires du magazine Les Créateurs de Mondes ! En effet, nous nous intéressons aux mêmes thématiques. Nous avons aussi en commun notre volonté de partager, et de mieux comprendre, la création de ces univers. 

Ce partenariat prend différentes formes. Nous allons écrire ensemble, en particulier sur les thématiques dans lesquelles nous avons une expertise. Notamment sur la création des univers narratifs, processus que nous connaissons très bien. Un abonnement de trois mois au magazine Les Créateurs de Mondes est également offert à tous nos élèves. Cette lecture nourrit leur apprentissage de la narration et ce même si l’écriture de l’imaginaire ne fait pas partie de leurs sujets de prédilection.

Passionné.e de science fiction ?

Au fil des années nous avons rassemblé de nombreuses interviews propres à l'écriture de l'imaginaire, notamment à l'occasion du festival des Intergalactiques qui a malheureusement été annulée en 2020. L'édition 2021, La forme de l'autre, aura lieu du 9 au 14 septembre 2021 à Lyon ! En attendant voici quelques-unes des interviews réalisées lors des années précédentes.
Et nos entretiens pour écrire de la Science Fiction avec, Paul J. McAuleyPeter F. HamiltonChristopher Priest et Alastair Reynolds.

]]>
8181 0 0 0 ]]> ]]>
Le numérique, révolution pour les ateliers d'écriture http://www.artisansdelafiction.com/blog/revolution-ateliers-ecriture-numerique/ Mon, 09 Aug 2021 08:00:34 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8215 Comment le numérique révolutionne les formations d'écriture

La pandémie a bouleversé les ateliers et formations d'écriture, poussant depuis mars 2020 les ateliers d'écriture à basculer vers un format à distance. L'impossibilité de pouvoir se retrouver physiquement a ouvert de nouvelles perspectives à l'enseignement de l'écriture. Nous vous expliquons tout sur les ateliers d'écriture au format numérique. 

[caption id="attachment_8218" align="alignnone" width="677"]atelier écriture numérique Frédérick Houdaer, formateur, en plein atelier d'écriture numérique ![/caption]

Depuis ses origines, l'enseignement de l'écriture littéraire s'est structuré autour d'un rituel : un enseignant et un groupe d'élèves réunis autour d'exercices et de la lecture des textes qui viennent d'être écrits, suivis de retours également oraux. La règle principale étant : tout le monde écrit et tout le monde lit. 

Ce dispositif garantit un espace sécurisé où il ne s'agit pas d'attaquer les textes qui viennent d'être partagés, de les juger, de dire si on les aime ou pas. L'objectif est de mettre tout le monde sur un même pied : celui d'apprenti.

L'espace protégé de l'atelier d'écriture 

Très souvent, lorsque l'on se lance dans l'écriture, on compare avec angoisse ce que l'on écrit avec la maîtrise des auteurs que l'on aime lire. En tant que lecteur, on se définit par ses goûts. Lorsque l'on passe de l'autre côté de la barrière, cela peut être difficile car les écrivains de l'on admire ont souvent traversé des dizaines d'années d'apprentissage et d'échecs avant d'atteindre la maîtrise de leur artisanat.

En tant que lecteur et en tant qu'apprenti écrivain, on ne voit pas ces étapes. On juge la qualité d'une histoire à l'aune d'autres histoires : est-elle originale ? Est-elle bien écrite ? Nous parle-t-elle ? Quand on lit des débutants, on a malheureusement tendance à avoir vis-à-vis d'eux les mêmes exigences que l'on a vis-à-vis de nos préférences littéraires. Et cela peut être destructeur pour ces apprentis car ils ne sont pas aussi outillés que les auteurs.

Le premier bienfait de l'atelier d'écriture est donc de garantir un espace protégé, où on ne sera pas attaqué sur ses maladresses. 

Le plaisir d'être réunis en atelier

Le terme "atelier" à été associé aux espaces de partage de l'écriture depuis la fin du 19ème siècle aux Etats Unis, où sont apparus les Writing Workshops, que l'on peut littéralement traduire par… ateliers d'écriture. 

Dans son imposante "The Program Era: Postwar Fiction and the Rise of Creative Writing" / L'ère du programme : fiction d'après guerre et montée du creative writing", l'universitaire américain Mark McGurl, explique l'origine de cette appellation.

Les premiers writing workshops s'inspiraient d'ateliers de théâtre collectifs et permettaient aux nouveaux immigrants de raconter leur histoire. La plupart de ces immigrants travaillaient dans des ateliers de construction ou de fabrication. Le terme a été choisi pour sa familiarité avec ces mondes professionnels. 

On se retrouvait donc, après le travail, dans un espace collectif où, sous la guidé d'un intervenant issu du monde artistique, on pratiquait l'écriture de manière ludique. La dimension collective était garante d'un autre lien social, en dehors de l'espace du travail ou de la famille. 

Et finalement, les ateliers d'écriture sont restés proches de cette dimension. On vient dans un atelier d'écriture pour trouver un espace en dehors des cadres habituels de son existence afin de rencontrer des personnes que l'on aurait peut-être jamais côtoyées ailleurs. Tout le monde étant motivé par un intérêt commun : raconter des histoires. 

Le problème de l'oralisation des textes

Bien sûr, il n’était pas question de numérique à l'époque. L'atelier d'écriture ne demandait que peu de matériel : de quoi écrire (crayons, stylos, et papier). Ne pouvant pas être tapés à la machine (et encore moins sur ordinateur), les textes ébauchés en atelier étaient lus à voix haute.

La proximité d'origine des writing workshops avec les ateliers de théâtre ont probablement facilité cette pratique. La lecture orale des textes permettait le partage immédiat de ce qui venait d'être écrit. Les consignes liées à la lecture étaient variables : ne pas critiquer son propre texte avant de le lire afin de ne pas parasiter la perception du lecteur, ne pas interrompre la personne qui lit…

Pendant ce temps, l'intervenant prenait des notes afin de faire une restitution du texte qui lu, parfois formuler des retours : souligner ce qui marche particulièrement, parfois proposer des pistes de réécriture. Ce dispositif, toujours présent aujourd'hui, confère à l'atelier d'écriture une dimension de recueillement, quasi religieuse : dans le silence, on boit le texte d'autrui avec ses oreilles. Au point qu'il semble inimaginable de concevoir un atelier sans lecture orale des textes.

Ce temps de lecture représente souvent la moitié du temps de l'atelier d'écriture.

L'atelier d'écriture dématérialisé

Les rituels de la messe de l'atelier d'écriture sont restés les mêmes. L'imagerie même de l'atelier d'écriture est ancrée dans la tradition : la plume d'oie et l'encrier, qui sont plus un souvenir qu'une réalité de la pratique d'écriture aujourd'hui.

Aux Artisans de la Fiction, nous A-DO-RONS la tradition : nous défendons le bien fondé d'une approche classique de l'enseignement : étude, exercices, devoirs, lectures imposées, et évaluations. Nous avons même réhabilité le tableau noir. Nous adorons également le support papier. La preuve : nous sommes le seul atelier d'écriture au monde à posséder et à utiliser des machines de façonnage pour fabriquer nos manuels de formation ! Et lorsque nous avons dû basculer en télé enseignement nous avons soudain perdu l'accès à nos outils favoris : nos généreuses bibliothèques de creative writing, nos manuels et nos tableaux.

Pour nous, il était impératif de ne pas interrompre les formations en cours. Donc, comme tous nos concurrents, nous avons basculé en télé enseignement en mars 2020 ...avec la crainte de perdre l'essence de l'atelier d'écriture.

Un atelier d'écriture en visioconférence ?

Le 1er confinement à pris tout le monde de court. Pour ne pas arrêter de travailler et d'enseigner, diverses solutions ont été improvisées. Très vite, la visioconférence s'est imposée, y compris au sein des ateliers d'écriture. Mais ce n'est pas le choix qu'ont fait Les Artisans de la Fiction.

Que permet la visioconférence ? De se voir, malgré la distance. C'est le plaisir de scruter le visage des autres stagiaires, de l'animateur. Et le léger voyeurisme d'apercevoir un coin de chez les autres. Mais a-t-on envie de voir les autres taper sur leur clavier ? Non, d'ailleurs les caméras sont en général coupées pendant les temps d'écriture.

Reste le plaisir de voir également l'autre lire son texte, après l'avoir écrit. Depuis le début des Artisans de la Fiction, en 2014, nous n'avons cessé d'aller à contre-courant de ce qui se propose en France dans les ateliers d'écriture depuis les années 1970. D'entrée de jeu, nous avons décidé de ne pas utiliser la visioconférence. Pourquoi ?

Pas de visio dans nos ateliers d'écriture en numérique

Tout d'abord pour éviter les problèmes de connexion. Tous nos élèves n'ont pas le même accès à internet. Nous ne voulions pas que certains soient défavorisés.

Ensuite par respect de nos élèves. Se filmer, mettre en scène son intérieur demande du travail. Tout le monde n'en a pas l'habitude, ni la possibilité. Pour préserver l'intimité de nos élèves. Les disparités sociales ne sautent pas aux yeux dans un atelier présentiel. En visioconférence, la différence de standing est immédiatement perceptible entre celui dont le bureau est aussi grand que l'appartement de l’autre. 

Nous anticipons également la “Zoom fatigue” qui allait frapper ceux qui passent déjà la semaine en télétravail avant de rejoindre l'atelier d'écriture. Nous avons donc décidé d'explorer d'autres outils nous permettant de mieux servir notre approche de l'enseignement de l'écriture.

La puissance des outils d'écriture participative

Les Artisans de la Fiction ont décidé d'utiliser la plateforme Discord. Cette plateforme est massivement utilisée par les jeunes et les amateurs de jeux vidéo. Et elle a aussi été utilisée par beaucoup d'enseignants de l'Education Nationale suite aux difficultés rencontrées par la plateforme laclasse.com. 

Pourquoi Discord ? Pour la légèreté et la facilité d'utilisation. Discord permet d'échanger vocalement et par écrit en direct. Discord dispose bien sûr d'une fonction vidéo (mais nous ne l'utilisons pas, pour les raisons évoquées ci-dessus).

Nous avons donc commencé à explorer l'atelier d'écriture en podcast live interactif (le formateur parle, les élèves peuvent prendre la parole). 1ère découverte : du fait que tout le monde peut intervenir par écrit. Quand un élève prend la parole, cela n'empêche pas les autres de réagir également par écrit.

Lors du deuxième confinement, nous nous sommes retrouvés face à un nouvel enjeu : comment proposer un atelier d'un an en télé-enseignement qui soit plus satisfaisant qu'un atelier en présentiel ? Nous avons rapidement utilisé l'écriture participante. De quoi s'agit-il ? L'écriture participative a été développée par des informaticiens afin de pouvoir écrire un programme à plusieurs mains simultanément. C'est-à-dire ? Tout le monde écrit en même temps sur un même fichier. Et cela a révolutionné les ateliers d'écriture.

La révolution des ateliers d'écriture numérique

Les formations proposées par Les Artisans de la Fiction reposent sur une pédagogie classique. Nous utilisons de nombreux documents écrits : extraits, fiches théoriques, tableaux d'intrigues. En plus des textes des élèves, que nous faisons souvent réécrire à plusieurs reprises. 

La bascule de ces documents dans un espace où les élèves peuvent les annoter et compléter en direct, seuls ou par petits groupes a transformé la pratique écrite en atelier. Au lieu d'être seul, penché sur son cahier, en tentant d'écrire le plus possible durant le temps d'écriture, on écrit en ayant accès à ce que les autres sont en train d'écrire. L'apprentissage gagne en profondeur, en souplesse et en dynamisme. 

En basculant nos ateliers d'écriture sur support numérique, nos élèves ont écrit plus que d'habitude. Ils ont eu la possibilité de retravailler leurs textes autant qu'ils le désiraient entre les séances, sans avoir à retaper leur 1er jet écrit sur papier.

Le temps de lecture d'un texte écrit est beaucoup plus bref que la lecture orale du même texte. L'assimilation de ce texte est plus précise, car chacun peut lire à son rythme. Les textes sont accessibles dans le dossier partagé, si on a envie de revenir dessus.

Et surtout l'écriture participative change tout pour le formateur, qui peut lire en direct ce que les élèves écrivent, et ainsi affiner son analyse. Lire les textes au fur et à mesure paraissait inimaginable jusqu'ici. 

De véritable formations d'écriture

Depuis leur origine, les ateliers d'écriture, pour des raisons techniques, ne pouvaient se faire que manuellement et en passant par l'oralisation. Cette tradition a perduré. Pour nous il n'est pas question d'abandonner ce qu'il y a de bon dans cette tradition : se retrouver, même à distance, pour écrire dans le plus grand respect mutuel.

En effet, nous proposons des formations d'écriture. 

Chez nous, l'apprentissage prime sur le plaisir d'expression immédiat (si c'est plus ce que vous recherchez, il existe des milliers d'ateliers vous offrant cela). Les outils numériques existent depuis longtemps, mais étaient tenus en dehors des ateliers d'écriture. Désormais, ils permettent aux élèves d'écrire et d'être lu simultanément.

Durant l'année 2020 2021  une centaines d'élèves inscrits en atelier présentiel a du basculer en télé enseignement. Même si le plaisir de se retrouver à manqué, l'écrasante majorité d'entre eux ne souhaite pas revenir à l'écriture manuelle et l'oralisation des textes ! 

Outils particulièrement appréciés lors des ateliers d'écriture en numérique sur la saison 2020/21 :

T, réalisatrice : Le télé-enseignement tel que proposé est épatant. L’interactivité via le serveur et les fichiers partagés sans le visuel habituel permet de se concentrer à l’écriture et à la lecture. On rencontre les autres par leur récit, à travers leur univers narratif et leur territoires d’écriture.

C., rédactrice/correctrice : Interactif, vivant, dynamique, riche, on est au travail et on est content d'y être, en plus, même à distance (à cause du Covid), on fait réellement partie d'un groupe au travail. L'interaction entre les participants est un aspect super intéressant et très enrichissant L, cadre marketing : Interactions et retour du groupe très fructueux. Utilisation de Discord finalement très productive (parfois même mieux qu'en présentiel car oblige à partager les documents en live.

C, psychologue : Le travail énorme fourni par les formateurs pour rendre accessibles et efficientes les séances en distanciel, l'animation et la dynamique de groupe, les retours des stagiaires, bien cadrés et féconds.

F, graphiste : La dynamique de groupe dans les exercices sur Discord !

S, ingénieur systèmes ; Discord en globalité : les salles virtuelles, la fluidité..

J, marketing Le travail de groupe et le passage par l'écrit plutôt que l'oral.

]]>
8215 0 0 0 ]]> ]]>
La quête : structure de toutes les histoires http://www.artisansdelafiction.com/blog/quete-structure-histoires/ Mon, 02 Aug 2021 08:00:45 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8219 La quête : un outil pour raconter

Au coeur de toutes les histoires, la structure de la quête est l'outil suprême pour raconter des récits imaginaires. Mais la quête est également un outil extrêmement riche pour raconter des histoires réalistes !

quête structure histoires

C’est quoi l’histoire d’une quête ?

Le mot “quête” évoque les mythes, les contes, et les romans d’aventure et de science-fiction. On pense à la Quête du Graal, au Seigneur des Anneaux, à L’Odyssée, à L’Ile au Trésor et même aux aventures d’Indiana Jones. Et cette association d’idées ne nous induit pas en erreur. En effet les genres du fantastique et de l’aventure sont les cadres idéals pour les grandes quêtes épiques qui embarquent le lecteur dans un voyage en terres inconnues (et hostiles !). Elles le maintiennent fasciné, tendu, obsédé par cette question : “le protagoniste réussira-t-il à atteindre cet objet (ou ce lieu, ou cette personne…) qu’il désire tant ?”

Mais la structure de la quête, la quête en tant qu’histoire, n’est pas nécessairement corrélée à de grandes épopées ni même à des aventures impliquant des voyages lointains ou des combats sanguinaires.

Une quête, c’est un moment dans la vie d’un individu où celui-ci quitte sa zone de confort pour partir à la recherche de “quelque chose de meilleur” pour lui et/ou pour sa communauté. La recherche de cet objet/ce lieu/cette personne (etc) conduit l’individu dans de nombreuses épreuves, forgeant ainsi son courage, sa force et testant sa témérité. Mais ces épreuves, de plus en plus difficiles, de plus en plus dangereuses, ne font pas que révéler la nature éventuellement héroïque du protagoniste car elles lui font aussi connaître le goût amer de la perte : perte de son innocence, d’un ou plusieurs êtres chers, peut-être même d’une croyance, d’un principe de vie ou d’une capacité physique.

La quête implique donc un désir puissant, une sortie du “monde normal” du protagoniste. Pour les meilleures histoires, elle implique aussi un changement profond du ou des personnages. Car personne ne sort d’une quête en étant exactement le même qu’en y entrant.

Pourquoi étudier la structure de la quête ?

Quand on y regarde de près, la structure d’une quête regroupe les éléments de base nécessaires à la construction de n’importe quelle histoire : un ou plusieurs protagonistes, un monde connu VS un monde inconnu, un objectif et des péripéties.

Au sujet de la quête, beaucoup de romanciers et d’auteurs (Campbell, Vogler…) parlent de “monomythe”. Ils veulent dire par là que la structure de la quête est la structure de base de toutes les histoires. Toutes les histoires que nous racontons, que nous lisons, que nous regardons, sont des quêtes. Car au fond, toutes les histoires racontent les aventures d’un protagoniste qui désire quelque chose qu’il n’a pas et qui se lance à la recherche de cet objet, aidé par ses pairs et empêché par des antagonistes.

Par exemple, le roman “Mr Gwyn” d’Alessandro Barrico ne ressemble pas - en apparence - à l’archétype d’une quête en racontant l’histoire d’un romancier en perte de vitesse et passablement déprimé. Et pourtant, Mr Gwyn se lance bien dans une quête : celle de l’invention d’un nouveau genre, celle (fantasmagorique) de pouvoir enfin accéder à l’originalité, à la vérité en littérature. Et cette quête, aussi folle soit-elle, est pourtant très concrète. Elle mène le protagoniste a changer d’identité, à monter une entreprise, à rencontrer des individus et à vivre des aventures qu’il n’aurait jamais eu l’occasion de vivre s’il ne s’était pas lancé dans cette recherche désespérée.

La quête : une structure pour un nombre infini d’histoires

Bien entendu, cela ne veut pas dire que toutes les histoires que nous racontons sont identiques ou qu’il n’existe qu’un seul schéma narratif valable. Très souvent, les adversaires de Campbell ou Vogler leur reprochent cet argument qui pourtant n’a jamais été le leur ! La structure de la quête est la base de toutes les histoires… mais seulement la base ! Il existe d’infinies variations possibles du schéma narratif, de multiples possibilités de construction de l’histoire, de thèmes, de genres etc.

Il suffit de regarder sa bibliothèque : des centaines de romans, pas un seul ne raconte la même chose de la même manière !

Maîtriser les différentes structures

Aux Artisans de la Fiction, nous étudions et faisons expérimenter aux élèves de nos formations, quelques unes des structures d’histoire les plus courantes (et les plus puissantes !) à partir du schéma de la quête.

Pendant le stage “Construire un roman : raconter avec les 7 intrigues fondamentales”, ainsi qu’en 2ème année de cycle “L'Artisanat de l’écriture”, nos élèves découvrent, analysent et testent six grands schémas narratifs à partir de la structure de la quête. En se basant sur le livre de Christopher Booker (“The seven basic plots - why we tell stories”) ils apprennent à raconter les histoires les plus fondamentales de l’expérience humaine : affronter ce qui terrifie, se battre pour sortir de sa condition, faire l’expérience de sa propre ambition dévorante, se confronter à l’inconnu, etc…

En 3ème année de cycle “Artisanat de l’écriture”, nos participants vont encore plus loin dans la modulation et la variation du schéma de la quête et expérimentent 18 types d’intrigues “d’esprit et de corps” à partir de l’analyse de Ronald Tobias dans “20 master plots”.

Si vous souhaitez découvrir la structure de la quête, sa richesse, sa puissance et ses variations, nous vous conseillons de vous inscrire au stage “Construire un roman : raconter avec les 7 intrigues fondamentales”. Il est accessible aux débutants comme aux personnes confirmées. Les prérequis : adorer les histoires et vouloir se former !

]]>
8219 0 0 0 ]]> ]]>
Ecrire de la fanfiction, interview d'Alixe http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-fanfiction-alixe/ Wed, 01 Sep 2021 07:19:06 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8225 Alixe, auteure de la fanfiction HP 7 ¾, répond à nos questions

Écrit-on forcément pour être édité ? Si c’est le but de certains auteurs, ce n’est pas le cas de ceux qui écrivent de la fanfiction. Cette forme de récit consiste en effet à reprendre l’univers fictionnel de quelqu’un d’autre – en général issu de la pop culture – pour le prolonger à sa manière. S’il n’est donc pas question d’édition, car les œuvres dont sont inspirées les fanfictions ne sont pas toujours libres de droits, l’exercice est toutefois très sérieux. C’est ce que nous explique Alixe, autrice de fanfiction, que nous avons eu le plaisir d’interviewer.

Une fanfiction est une histoire qui reprend l’univers fictif de quelqu’un d’autre (imaginer la suite de l’histoire, développer les personnages secondaires, réécrire l’intrigue en changeant un élément…). Les fanfictions sont publiées en ligne, et les lecteurs peuvent les commenter. Les principaux sites sont Fanfiction.net, ArchiveofOurOwn.org ou encore Wattpad.com. Il existe des fanfictions à partir de séries télévisées (Games of Throne, NCIS), de films (Univers Marvel, Star Wars), de romans (Twilight, Le Seigneur des Anneaux), de mangas (Naruto, Dragon Ball Z), de jeux vidéo (Pokémon, Zelda), etc… 

Alixe, très connue dans le milieu de la fanfiction, écrit depuis une quinzaine d’années. Elle est l’autrice de HP 7 ¾, dans lequel elle imagine ce qu’il pourrait se passer pendant les 19 années séparant le dernier chapitre et l’épilogue de la saga Harry Potter de J. K. Rowling.

Son histoire se découpe en 4 volumes d’environ 600 pages chacun. Comme c’est souvent le cas pour les fanfictions, elle l’a publiée sous forme de feuilletons pendant dix ans sur des sites de publications de fanfiction où on peut encore les trouver. HP 7 ¾ est également disponible en PDF, EPUB et KINDLE en téléchargement libre sur son site internet http://hp7troisquart.free.fr/. Elle revient pour nous sur l’écriture de sa fanfiction, ses habitudes et les techniques qu’elle a mise en place au fil des années. Rassurez-vous, l’article est garanti sans spoiler !

Vous avez une formation juridique, ce qui, a priori, implique plus l’écriture de rapport que la narration. Comment en êtes-vous venu à la fiction ?

J’ai toujours eu des histoires dans la tête, mais je n’aurais jamais pensé qu’elles pourraient intéresser quelqu’un. J’imaginais surtout la suite de mes histoires préférées. Les idées me sont toujours venues dans le désordre… À cause de ça, j’ai eu des difficultés dans mes études, surtout pour les dissertations sur table qui sont minutées. Je ne pouvais pas les modifier après coup, j’en garde un très mauvais souvenir. A cause de ça, je pensais que je n’aimais pas écrire. 

Je suis tombée sur la fanfiction par hasard, et j’ai découvert que ce que je faisais depuis toujours avait un nom, et que d’autres personnes le faisaient aussi ! J’ai commencé par lire plusieurs fanfictions puis j’en ai corrigé quelques-unes. Ensuite, une idée d’histoire m’est venue. Je l’ai écrite et fait lire à deux personnes qui m’ont encouragée. Au final, ce n’était ni meilleur, ni moins bien que ce qui existait déjà, donc je me suis dit pourquoi pas la mettre en ligne ! C’est comme ça que ça a commencé.

Est-ce que vous avez cherché à vous former à l’écriture ? Ou vous avez simplement « pris la plume » et vous avez commencé à écrire ?

Au départ j’ai tâtonné. Dans mes premières fanfictions, les narrateurs étaient très différents de moi donc ce n’était pas facile. J’ai beaucoup travaillé la grammaire aussi, ce n’était pas mon fort. En lisant les fanfictions des autres, j’ai réalisé que les mêmes fautes revenaient souvent. Alors j’ai décidé de créer une section sur mon site internet pour compiler des conseils d’écritures, les miens et ceux que je trouvais en ligne. J’ai lu quelques livres de techniques aussi, notamment ceux d’Orson Scott Card, Personnages et points de vue (Bragelonne, 2008) et Comment écrire de la fantasy et de la science-fiction (Bragelonne, 2006).

La fanfiction pour laquelle vous êtes la plus connue, HP 7 ¾, se base sur la saga Harry Potter. Vous mettez en scène l’évolution des personnages et de l’univers entre le dernier chapitre et l’épilogue du tome 7, soit sur une période de 19 ans. Comment avez-vous construit vos intrigues ?

[caption id="attachment_8227" align="alignleft" width="201"]écrire fanfiction alixe Couverture du premier Tome de HP 7 3/4, illustrée par Watou[/caption]

Pour commencer, il a fallu réfléchir à ce sur quoi je voulais écrire. Beaucoup de fanfictions sont des romances – j’ai moi-même commencé comme ça – mais j’ai vite réalisé que ce qui m’intéressait c’était d’imaginer l’évolution sociopolitique de la société fictive pendant ces 19 ans. J’ai une formation juridique, donc ça m’a aidé pour certains points, mais j’ai dû faire beaucoup de recherches pour pouvoir écrire quelque chose de crédible.

Ensuite, j’ai repris toutes les informations que l’autrice de la saga, J. K. Rowling, a donné sur l’univers. J’ai décidé de faire une chronologie par année avec tous les événements marquants comme la naissance des enfants des personnages par exemple. A chaque fois que j’écrivais un chapitre, je reportais les événements marquants dans le calendrier (mariage, dîners, vacances, promotions…). Comme ça j’avais toute la chronologie sous les yeux. Ça a vraiment été très utile, surtout lorsqu’on écrit la même histoire pendant 10 ans ! On finit par oublier certains détails…

En 19 ans, les personnages changent. Comment avez-vous travaillé leur évolution ? Et surtout, comment faire pour que cette évolution soit crédible tout en respectant les caractères que leur a donné J. K. Rowling ?

En ce qui concerne les caractères des personnages, je ne me suis pas trop posé de questions au début, j’ai juste écrit. Et puis les lecteurs semblaient apprécier donc j’ai continué. C’est l’avantage avec la fanfiction, on publie chapitre par chapitre donc on a des retours immédiats et détaillés. Pour l’évolution, je n’ai rien planifié en réalité. Je savais à peu près où j’allais, en me basant sur ce que J. K. Rowling avait décidé. Les détails sont venus au fil de l’écriture.

Le plus dur, au final, c’était le nombre de personnages. J’ai fait un fichier Excel avec un code couleur et des filtres pour m’y retrouver. Je notais le nom du personnage, si je l’avais inventé ou repris à Rowling, dans quelle partie de mon histoire il apparaissait, etc… J’ai beaucoup utilisé de personnages « fantômes » de la saga, ceux qui ne sont cités qu’une seule fois et sur lesquels on ne sait rien ou presque. Plus tard, j’ai écrit des fiches de personnages, mais c’était surtout pour les lecteurs. Je les ai mises en ligne pour qu’ils s’y retrouvent.

Il vous a fallu dix ans pour écrire votre fanfiction. Est-ce que vous aviez conscience en commençant que ce projet vous prendrez aussi longtemps ?    

Pas du tout ! Au départ, je voulais surtout défendre l’épilogue de la saga, parce que beaucoup de fans ne l’aimaient pas, alors que je le trouvais vraiment logique. Donc je me suis dit : pourquoi ne pas écrire ce qui se passe pendant ses 19 années ? Je voulais convaincre les gens avec une histoire plutôt qu’un argumentaire. J’ai commencé à écrire en pensant que j’en avais seulement pour quelques mois… Finalement, ça m’a pris des années !

Pendant toutes ces années de travail, comment avez-vous construit vos intrigues ? Est-ce qu’il y a des éléments qui étaient prévus dès le départ par exemple ? 

Pour HP 7 ¾, j’avais déjà le point de départ et d'arrivée puisque ma fanfiction s’insert entre deux chapitres de la saga. D’ailleurs la dernière phrase de ma fanfiction est la première que j’ai écrite ! Même si j’ai dû la reprendre 10 ans plus tard… L’avantage de la fanfiction c’est qu’il y a un cadre. En l’occurrence, Rowling a donné pas mal de détails sur le futur des personnages. Mais il y a quand même beaucoup de place pour l’imagination.

Pour les intrigues que j’ai moi-même créées, je ne les planifie pas vraiment à l’avance. Elles viennent un peu comme ça. Je note les idées, ou je rédige des scènes, en attendant que ce soit le moment de les écrire parce que j’écris de manière chronologique. Comme ça j’ai toujours quelque chose à publier. Parfois je me force à écrire certains passages de transitions, ou qui relatent un événement qui doit se passer à ce moment-là (comme une naissance par exemple).

C’est vrai que souvent, les idées me viennent d’un détail, d’une réplique… Je pars d’un point et ça devient une espèce d’arc foisonnant. Une fois j’ai carrément inventé toute une intrigue policière juste pour pouvoir inclure une seule réplique ! 

Avez-vous rencontré des difficultés techniques au cours de l’écriture ? 

[caption id="attachment_8242" align="alignleft" width="219"] Couverture du second tome de HP 7 3/4, illustrée par Watou[/caption]

Un de mes personnages participe à des enquêtes policières, et ça n’a pas été simple. Déjà parce qu’il rencontre beaucoup de personnages, donc il fallait que je m’y retrouve. Le fichier que j’avais créé m’a beaucoup aidé ! Et il y avait les lieux aussi… J’ai tout un fichier Excel avec différents endroits en Angleterre, leurs particularités, leur météo, ce genre de choses. Les intrigues policières, ça n’a pas été facile non plus… Ce n’est pas mon fort. Un de mes lecteurs me faisait souvent remarquer qu’elles n’étaient pas très bien construites. Je lui ai demandé de m’aider et on a construit beaucoup d’enquêtes ensemble.

A part ça je pense que la principale difficulté c’était le rythme d’écriture, surtout pour les tomes 2 et 3. J’avais besoin d’une motivation donc j’ai commencé à publier mes statistiques d’écritures en ligne. J’avais un objectif de 5000 mots par semaine à peu près. Je notais le nombre de mots écrits par semaine, le nombre de chapitres écrits, corrigés, publiés, etc… Les lecteurs pouvaient suivre la progression, ça me motivait vraiment. Pour le tome 3, il y a un suivi sur 67 semaines par exemple.

Avez-vous collaboré avec d’autres lecteurs que celui des enquêtes policières pendant l’écriture de HP 7 ¾ ?

Oui, ça m’est arrivé. J’ai collaboré par exemple avec une autre autrice de fanfiction et nous avons écrit nos histoires en miroir. Mon enquêteur rencontre son personnage au cours d’une enquête. Pour une autre intrigue, l’enquêteur va dans un centre sportif et c’est une de mes relectrices qui a imaginé les personnages. C’est assez commun en fanfiction en réalité, on travaille beaucoup ensemble. On ne gagne rien sur nos histoires, le but c’est seulement d’écrire ce qu’on a dans la tête et de rendre hommage aux fictions qu’on apprécie, donc j’imagine que ça favorise la collaboration ! Et du coup la progression aussi. C’est vraiment bon pour l’égo quand on vous dit que vous avez mal fait, et qu’on vous montre en plus comment faire mieux !

Avez-vous également travaillé avec des bêtas-lecteurs et/ou des relecteurs ?

J’ai travaillé avec les deux. D’abord des relecteurs pour l’orthographe, la grammaire, la syntaxe. Ce n’était pas mon fort au début ! Et puis très vite j’ai eu des bêtas-lecteurs qui me donnaient leurs avis sur les intrigues et la cohérence. Il y a des gens avec lesquels je travaille depuis que j’ai commencé la fanfiction, donc ça fait plus de 15 ans. J’ai vraiment besoin de ça en fait, de cet échange. Ça me donne plein d’idées. Il y a des gens qui arrivent à écrire tout seuls, je ne sais pas comment ils font !

Est-ce qu’il vous est déjà arrivé de réécrire complètement un passage, une scène, une intrigue suite à une correction ? Au retour d’un lecteur ?

Oui bien sûr ! Une fois, une de mes relectrices m’a fait remarquer que ce que j’avais écrit était vraiment cliché. J’ai tout repris évidemment. Dans HP 7 ¾, j’ai aussi réécrit entièrement une intrigue amoureuse parce que j’ai imaginé un personnage qui changeait tout, et ça me semblait beaucoup plus intéressant.

Je me souviens aussi d’une remarque d’un lecteur qui a changé beaucoup de choses. HP 7 ¾ se concentre vraiment sur l’évolution et l’ouverture de la société fictive. Un lecteur s’est inquiété, il avait peur que j’aille trop loin et que ça change radicalement l’univers. En réfléchissant, j’ai réalisé qu’il avait raison et j’ai mis le holà à ce que j’avais prévu. Ça a changé l’orientation générale, mais je pense que c’est mieux comme ça, c’est plus crédible.

En dehors de la fanfiction, avez-vous écrit des histoires originales ? Ou prévoyez-vous d’en écrire ?

Jusqu’à très récemment, j’aurais répondu non. Mais depuis quelque temps j’y pense. J’ai un projet de roman qui me demandera beaucoup de travail,  je pense. Tout ce que j’ai appris avec la fanfiction va beaucoup m’aider je pense. Je reprendrais le système de calendrier, ça c’est sûr ! Et surtout je vais noter systématiquement mes sources, parce que je ne l’ai pas fait au début de HP 7 ¾ et ça a été vraiment difficile à la fin. Mais bon, j’ai déjà mené au bout un gros projet, donc ça ne me fait pas peur. 

]]>
8225 0 0 0 ]]> ]]>
Nicolas Mathieu - L'écrivain bête de somme http://www.artisansdelafiction.com/blog/nicolas-mathieu-ecrivain/ Wed, 25 Aug 2021 14:22:57 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8263 L'écriture : un travail de labeur

Nous disons souvent à nos élèves que l’écriture est un travail difficile, complexe. Apprendre à maîtriser la narration demande de la patience et de la persévérance. Nicolas Mathieu, Prix Goncourt 2018 et écrivain spécialisé dans le roman noir, nous donne ses conseils dans cette interview.

Nicolas Mathieu interview

À l’occasion du festival Quais du Polar 2021 nous avons eu la chance d’interviewer de nombreux auteurs et autrices. Parmi eux, Nicolas Mathieu, prix Goncourt pour "Leurs enfants après eux'" en 2018, et auteur de romans noirs. Il a publié son premier livre “Aux Animaux la guerre” en 2014, aux éditions Actes Sud . Une série éponyme a été adaptée de son roman par Alain Tasma en 2018. La même année il se voit décerner le prix Goncourt pour son roman : "Leurs enfants après eux". Certains Goncourt sont vite oubliés, pas "Leurs enfants après eux", qui rencontre un énorme succès public grâce à ses qualité narratives. Plus récemment il a également écrit un album jeunesse, publié dans Actes Sud Junior et illustré par Pierre-Henry Gomont.

Nicolas Mathieu n’en est donc plus à son premier roman ni à son premier coup d'essai. Et pour lui le travail de l’écrivain :

“C'est de la discipline, du labeur, un travail de bête de somme.”

Du lecteur à l’auteur

Dans cet entretien il nous explique son parcours. Le goût de l’écriture lui vient, au départ, d’un plaisir de lecteur. C’est l’occasion de rappeler qu’il est très difficile, voire impossible, d’écrire sans lire comme nous l’indique l'éditrice Stéfanie Delestré (Serie Noire Gallimard), également interviewée lors de Quais du Polar. Mais avoir un goût pour la lecture ne suffit pas. 

En effet, à ses débuts Nicolas Mathieu tente d’écrire des romans bourgeois. Il veut écrire les livres qui lui plaisent, ceux qu’il aime lire. 

“Et ça ne marchait pas du tout”, nous dit-il. Une erreur commune à de nombreux débutants. Le problème n’est évidemment pas d’écrire les histoires que l’on aurait aimé lire, mais d’écrire des histoires que l’on ne peut pas écrire. 

Pourquoi ? 

Parce qu’elles sont trop éloignées de notre propre expérience et que les récits qui en découlent ne prennent pas. 

[caption id="attachment_8266" align="alignnone" width="387"]Nicolas Mathieu écrivain la grande école La couverture de La grande école, album écrit par Nicolas Mathieu et illustré par Pierre-Henry Gomont, 2020[/caption]

Se former pour écrire

Dans cet entretien Nicolas Mathieu nous confie également construire ses histoires en utilisant les techniques de la narration, afin d'embarquer son lecteur dans un "train narratif".  Ces techniques sont issues issues de la dramaturgie, Nicolas Mathieu étant également scénariste. Interrogé sur les livres qu'il recommanderait à des apprentis romanciers, il conseille de lire, justement, La dramaturgie d'Yves Lavandier, ouvrage qui lui a mis une énorme claque à 16 ans. Nous avons réalisé plusieurs interviews très riches d'Yves Lavandier

Ecrire ce qu’on peut, avec ce qu’on a

C’est le conseil sur lequel Nicolas Mathieu termine notre entretien. Pour découvrir l’intégralité de son interview et notamment : 

  • Comment Nicolas Mathieu fait-il exister ses personnages ?
  • Quel rôle joue la réécriture dans son travail ?
  • Que penser des logiques inspirées ?

Rendez-vous sur notre chaîne Youtube !

]]>
8263 0 0 0 ]]> ]]>
Les mauvais manuscrits : cinq pages et poubelle - Stéfanie Delestré http://www.artisansdelafiction.com/blog/eviter-mauvais-manuscrits/ Wed, 29 Sep 2021 13:30:58 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8278 Les mauvais manuscrits : cinq pages et poubelle - Stéfanie Delestré, directrice de collection 

Voir son manuscrit publié, c'est le rêve de nombreux apprentis narrateurs. Stéfanie Delestré, directrice de la collection Série Noire de Gallimard nous explique comment elle fait le tri et quels sont les textes qui partent directement à la poubelle. Pour éviter d’envoyer en maison d’édition de mauvais manuscrits, elle nous livre ses conseils. 

Stéfanie Delestré - mauvais manuscrits

Depuis 2017 Stéfanie Delestré est directrice de la collection Série Noire de Gallimard. Spécialisée dans le polar ses conseils sont précieux qu’importe votre genre de prédilection. Dans cette interview réalisée à l’occasion de Quais du Polar 2021 elle nous explique la réalité de son métier. 

L’édition fonctionne-t-elle au piston ? Combien de manuscrits une maison d’édition reçoit-elle ? Qu’est-ce qu’un éditeur attend des textes qui lui sont proposés ? Et à l’inverse, quels sont les défauts rédhibitoires de ces mauvais manuscrits ? Comment les éviter ?

La machine à écrire 

Stéfanie Delestré nous raconte qu’il n’y a pas de secret. L’écriture est un travail de labeur qui s’effectue en solitaire. Les éditeurs et les éditrices n’ont pas le temps de réécrire pour les auteurs, le gros du travail doit être fait en amont. Pour mettre toutes les chances de leur côté, les jeunes auteurs doivent travailler leurs projets avec soin. 

Et pour cela elle leur conseille d’écrire… à la machine à écrire ! Pourquoi ? Parce que l’ordinateur a considérablement facilité le travail d’écriture. En résulte des textes écrits à la va vite sur un coin de table et envoyés dans la foulée en maison d’édition. Ces manuscrits sont forcément mauvais et les éditeurs n’en lisent que quelques pages avant de les mettre à la poubelle. 

“Quelqu'un qui ne sait pas écrire les 5 premières pages de son roman ne saura pas écrire les 250 qui suivent, ce n'est pas la peine"

Ecrire à la machine obligerait les apprentis romanciers à retaper leur texte, plusieurs fois, encore et encore. À l’image de Nicolas Mathieu qui réécrit son texte, jusqu’à ce qu’il n’y ait “plus aucune phrase innocente”. 

L’édition, un marché saturé, oui mais…

Stéfanie Dellestré est catégorique : dans le monde du livre les places sont très chères. Tout le monde ne peut pas être édité. Dans son cas, chaque année la collection Série Noire publie une quinzaine de titres. Une moitié d’auteurs étrangers, une moitié d’oeuvre issus de romanciers et romancière déjà édités par la collection. Cela lui laisse deux, parfois une place, pour un ou une nouvelle arrivante. 

C’est peu, très peu.

Et pourtant : 

“Je peux vous assurer qu'un bon manuscrit trouve un éditeur.” 

Alors pour mettre toutes les chances de votre côté et comprendre l’industrie du livre nous vous invitons à visionner l’interview de Stéfanie Delestré sur notre chaîne Youtube

]]>
8278 0 0 0 ]]> ]]>
Tristan Saule - être publié n'est pas une obligation http://www.artisansdelafiction.com/blog/tristan-saule-interview/ Mon, 11 Oct 2021 08:42:10 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8282 Interview de Tristan Saule

Tristan Saule, romancier français, revient avec nous sur son parcours. Il aborde les différentes méthodes de travail en tant qu'auteur et le rapport à la publication. En effet, publier un roman ne devrait jamais être une fin en soi. 

[caption id="attachment_8284" align="alignnone" width="631"]Tristan Saule interview Tristan Saule, interviewé par Julie Fuster et Lionel Tran à Quais du Polar 2021[/caption]

Interviewé à l'occasion de Quais du Polar 2021, c'est au tour de Tristan Saule de répondre à nos questions. Romancier français, Tristan Saule est l’auteur de "Mathilde ne dit rien", un polar sombre qui met en scène l'histoire de Mathilde. Cette travailleuse sociale au passé mystérieux que tout le monde croit profondément apathique, à tort. 

Au cours de cet entretien il nous raconte son parcours d’auteur, le travail avec l’éditeur et revient sur les deux méthodes qu’il utilise pour écrire ses romans. L’une dans le temps long où il s’autorise tout et l’autre qui doit aboutir sur une publication tous les ans. Un rythme rapide et très demandeur qui nécessite de travailler de façon complètement différente.

Des procédés d'écriture différents

Souvent les apprentis auteurs pensent que chaque auteur possède sa propre méthode. Fruit de nombreux essais et erreurs, c'est grâce à elle que les grands romanciers et les grandes romancières terminent leurs projets. Et s'il est vrai que chaque auteur doit trouver son propre rythme, rien n'empêche de le changer en fonction de ses objectifs ! C'est d'ailleurs ce que fait en ce moment-même Tristan Saule. Alors qu'il lui faut, en général, plusieurs années de travail pour venir à bout d'un roman, il a décidé, avec son éditeur Le Quartanier, de changer la donne. Pour son dernier projet, une série dont il ne nous divulque pas grand chose, les sorties doivent s'enchaîner. Cela implique de modifier jusqu'à son processus créatif.

Je mets souvent plusieurs années à écrire un roman, sauf ma dernière série que je dois écrire très vite. Deux / trois mois pour le premier jet. Donc là il n'y a pas de secret, il faut vraiment écrire à la Jack London,qui écrivait mille mots par jour, c'est ce que je fais. 1000 mots par jour. Et si on les efface le lendemain c'est pas grave. Il faut s'y astreindre, même si on est fatigué, même si c'est compliqué, si c'est dur, il faut s'y astreindre, à ce volume qu'il faut produire parce qu'il en ressort toujours quelque chose de bon.

Écrire un roman vite, oui, mais il faut s’en donner les moyens, nous dit-il. 

Mais si Tristan Saule est prêt à changer complêtement ses habitudes d'écriture pour publier dans les temps chaque tome de son roman, il est formel :

Publier son roman n'est pas une fin en soi

Bien au contraire. Pour Tristan Saul les grands auteurs continueraient d'écrire même s'ils ne pouvaient plus être publiés. Pourquoi ? Parce que l'écriture fait partie intégrante de leur quotidien. Elle est inévitable. Raison pour laquelle ils s'adonnent à cette tâche titanesque qu'est l'écriture d'un roman.

Le romancier travailler dur, gagne peu et si l’écriture n’est pas constitutive de votre vie, et donc inévitable, alors ne vous infligez pas ça.

Quais du Polar]]>
8282 0 0 0 ]]> ]]>
Jérôme Vincent - les conseils d'ActuSF http://www.artisansdelafiction.com/blog/jerome-vincent-les-conseils-actusf/ Tue, 07 Sep 2021 12:30:46 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8312 Dans cette interview Jérôme Vincent, directeur des éditions ActuSF nous livre ses conseils ! Quantité de manuscrits, erreurs à éviter et quels sont les éléments d'une bonne histoire : toutes les réponses sont dans cet entretien.  [caption id="attachment_8314" align="alignnone" width="558"]jérôme vincent actusf jérôme Vincent, Directeur d'ActuSF à Quais du Polar 2021[/caption]

Jérôme Vincent et les éditions ActuSF

En 2003 Jérôme Vincent crée les éditions ActuSF, à la suite du webzine éponyme ! Ce dernier publie toujours régulièrement des articles dédiés à l'actualité de la Science Fiction, aussi bien du côté de la littérature que du cinéma. La maison d'édition ActuSF est donc, elle aussi, spécialisée dans les récits de l'imaginaire. Après presque vingt ans d'édition le catalogue est aussi très étoffé. D’Ellen Kushner avec À la pointe de l’Epée à George R. R. MARTIN et son roman La Fleur de Verre en passant par les français Thomas C.Durand (Les Quatre Vérités) et Danielle Martinigol (Les Sondeurs des Sables). Tous les ans ActuSf publie une quinzaine de romans avec, une à deux places pour de nouveaux auteur.es.  C'est très peu, à l'image de la collection Série Noire de Gallimard. Pourtant chaque année entre 800 et 1500 manuscrits sont envoyées à ActuSF. C'est deux fois plus qu'en 2018 lorsque nous avions fait une première interview de Jérôme Vincent.

Fermeture de la boîte à manuscrits chez ActuSF

Le nombre exponentiel de manuscrits à forcer Jérôme Vincent et ses équipes à prendre en 2020 une décision difficile. Fermer la boîte à manuscrit d'ActuSF. Ainsi depuis le 08 septembre 2020 il n'est plus possible de transmettre son manuscrit à la maison d'édition.
C'est un crève-coeur de fermer la boite des manuscrits. C'est le sel d'une maison d'édition. Notre job c'est aussi d'aller chercher des pépites et des bonnes histoires.
Cette pause permet néanmoins aux éditeurs et aux éditrices d'ActuSF de rattraper le retard accumulé et de se consacrer à l'accompagnement des auteurs édités par la maison d'édition ! Bien que les soumissions soient closes pour l'instant nous avons demandé à Jérôme Vincent ses conseils.

Les conseils de Jérôme Vincent

Quelles sont les plus grosses erreurs des manuscrits qui lui sont envoyés ? Qu'est-ce qu'une bonne histoire ? Comment sont choisis les manuscrits d'ActuSF ? Faut-il absolument lire pour devenir auteur ? Toutes les réponses sont dans notre interview.

Chronologie de l’interview :

00:00 - Les éditions ActuSF 00:32 - 800 à 1000 manuscrits par an… pour deux places  00:50- Une sélection au feeling 01:22 - Le manuscrit trop similaire aux autres manuscrits  03:11 - De bons personnages, une bonne intrigue et de l’originalité   04:12 - Le job de l’éditeur 05:38 - Être en phase avec ce qui se fait     Quais du Polar]]>
8312 0 0 0 ]]> ]]>
Les manuels de creative writing à lire http://www.artisansdelafiction.com/blog/manuels-creative-writing/ Sat, 30 Oct 2021 08:00:43 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8349 Le top des manuels techniques

La liste des manuels de creative writing que nous vous recommandons de lire en 2022 ! Ils sont à mettre dans toutes les mains. Ou au moins dans toutes les mains de celles et ceux qui s'intéressent à la narration !

manuels creative writing

Nos bibliothèques en sont témoins : nous adorons les manuels de creative writing. En français, en anglais, mais aussi en espagnol, des plus anciens au plus récent, ils ont tous leur place sur nos étagères ! Nous les lisons très attentivement. Au fil des années nous avons rassemblé une impressionnante collection. Certains ouvrages, que vous connaissez peut-être, ont eu une telle importance que nous les citons désormais dans nos formations. Mais si nous avons tendance à rabacher nos titres préférés aux oreilles de nos élèves, les écrivains débutants, eux, ne savent pas toujours par où commencer.

Alors que vous débutiez tout juste ou que vous ayez décidé d'agrandir votre pile à lire...

Voici sans tarder les manuels de creative writing que nous conseillons aux apprentis auteurs.

Les incontournables

Vous les connaissez sans doute déjà, au moins de nom.  À la fois accessibles et truffés d’exemples, ils sont parfaits pour faire vos premiers pas dans la grande tradition de la conception et l'écriture d'histoires.  Nous les conseillons particulièrement à nos élèves de premières années afin qu'ils puissent commencer à se construire une culture narrative et nourrir l'apprentissage réalisé dans nos formations.

Attention cependant à ne pas les ériger en bible ! Aucun manuel de creative writing ne doit être appliqué comme une recette et encore moins comme une méthode infaillible. Au contraire, nous vous conseillons de diversifier vos lectures autant que faire se peut. Vous entrez dans une tradition millénaire et il s'agit d'abord d'essayer de comprendre ce qui a été créé avant vous et comment. Regardons les maîtres et apprenons d'eux !

La dramaturgie d'Yves Lavandier

manuels creative writing La dramaturgie

Un des très rares manuels d’analyse dramatique écrits en français et dont la publication n’a pas été de tout repos tant il fait office d’ovni (salvateur !) dans le paysage de l’édition française. Une somme conséquente des éléments de base de la fiction, augmentée à chaque nouvelle ré-édition de très nombreux exemples issus de la culture classique et contemporaine. Yves Lavandier est avant tout un scénariste et pioche ses exemples dans le cinéma… Mais son analyse puissante et toujours concrète des “bonnes” histoires est nécessaire pour quiconque s’intéresse à la fiction qu’elle soit écrite ou sur les écrans.

Premier roman mode d'emploi de Laure Pécher

Un court manuel, très accessible, écrit par une éditrice aguerrie. Parfait pour les apprentis écrivains… pour peu qu'on ne se laisse pas leurer par le titre. La seule lecture de "Premier roman mode d'emploi" ne suffira pas à vous donner toutes les clés nécessaires à l'écriture d'un bon premier roman et encore moins à les maitriser. En revanche, elle vous donnera de quoi approfondir des outils techniques vus en Artisanat de l’écriture (première année) et dans le stage Les Outils de la narration.

manuels creative writing Stephen KochWriter's workshop, the modern library de Stephen Koch

Celui-là est réservé aux anglophones car, à notre grand dam, il n'a pas encore été traduit en France. Néanmoins, la langue de Koch est facile d’accès. Si vous maîtrisez l’anglais de base, nous vous conseillons d'y jeter un coup d'oeil. Après vingt ans d'enseignement du creative writing dans les Universités de Columbia et Princeton, Koch revient pas à pas sur les différentes phases de la ré-écriture d’un texte de fiction : pourquoi ré-écrire, comment ré-écrire, jusqu'où ré-écrire votre texte ?

Evidemment, rien ne vous oblige à lire ces trois références en un bloc et sans respirer. Notre conseil : les lire et les relire par petites tranches pour vous en approprier le contenu, comprendre la complexité de l'artisanat dans lequel vous vous engagez, et l'intégrer dans votre pratique.

Quelques grands noms

Robert McKee

Un grand nom de l'enseignement de la fiction, connu pour ses masterclass (et son "apparition" dans le film "Adaptation" de Spike Jonze). Son livre phare, “Story”, (mais aussi son livre moins médiatisé “Dialogue”) peut agacer ou effrayer au premier abord car il ne s’agit pas d'un manuel à proprement parler, mais d’une analyse fine, pragmatique et poussée de la construction des bonnes histoires. Après une telle lecture, il n’est plus possible de s’imaginer qu’une bonne histoire s’écrive par hasard, sans formation et/ou sans connaissance des grands maitres. Suite à la lecture de "Story", le premier réflexe est de se jeter sur son roman préféré pour mieux comprendre sa construction.

John Truby

“Anatomie du scénario” est une autre très grande référence de la construction d’histoire. De plus en plus lue en France notamment dans les milieux du cinéma… et parfois assez mal compris ! Attention à ne pas sauter à deux pieds dedans sans recul et en y cherchant de la magie.

Truby utilise son expérience de scénariste et surtout de correcteur pour revenir sur les éléments qui font une bonne histoire. Il explique comment les construire indépendamment puis en miroir les uns des autres. S’il remet en cause la dynamique du schéma en trois actes, il propose une construction en vingt-deux étapes qui a le mérite d’étudier en profondeur la mécanique d’une histoire et ses effets émotionnels. Mais cette grille de lecture, très technique et passionnante, ne devrait pas être appliquée de façon automatique sans une compréhension profondeur de la dramaturgie, et aux dépends des autres éléments nécessaires sur lesquels Truby revient longuement (conflit, réseau de personnages etc). Le chapitre sur la construction de l’univers narratif est extrêmement riche, développé et utile pour tous les inventeurs de monde. Une lecture à entreprendre tout le long du cycle L’Artisanat de l’écriture et sur laquelle revenir encore et encore.

Katie Weiland

Autrice de Fantasy ET grande pédagogue de la fiction, Katie Weiland crée des manuels extrêmement didactiques. Par ailleurs elle choisit des exemples au long cours, issus des grands classiques anglo-saxons et les oeuvres les plus populaires. Ses manuels sont tous très intéressants. Nous vous conseillons particulièrement de jeter un oeil (en anglais !) à "Structuring your novel". Manuel qui a la grande intelligence de couvrir la construction du récit, des scènes et des phrases en trois grandes parties distinctes.

Pour compléter l’année 2 de l’Artisanat de l’écriture, le stage Préparer et construire un roman ou Les 7 intrigues fondamentales.

Difficile pour nous de ne pas citer toute la bibliographie des cycles l'Artisanat de l'écriture. Nous avons choisi de vous présenter ici quelques-uns des noms qui nous semblent les plus pertinents. Ce ne sont pas forcément les bases, ni ceux par lesquels il conviendrait de débuter. Nous les voyons plutôt comme des partenaires : concrets et passionnants.  Ils peuvent vous accompagner tout au long de votre apprentissage. L'erreur serait de les lire sans se plonger en parallèle dans l'analyse technique de vos oeuvres de fiction préférées et en ignorant tout l'héritage narratif dont nous sommes les enfants.

Notre conseil

Le mieux pour débuter votre apprentissage de l'écriture de fiction serait de commencer par la base. C'est à dire par la lecture de roman ou le visionnage de films comme un écrivain le ferait. Ayez un regard analytique, non pas sur le style mais sur la structure, la construction des personnages, la mise en tension des conflits, la construction de l’univers… Demandez-vous dans quel genre ou dans quelle grande tradition narrative s’inscrivent les romans que vous aimez, et quels en sont les codes. En parallèle continuez de lire des manuels de creative writing. Ecrire et se former, en même temps vous permettra d'apprendre et de fixer, peu à peu, vos connaissances.

]]>
8349 0 0 0 ]]> ]]>
L'intérêt des territoires d'écriture http://www.artisansdelafiction.com/blog/roman-territoires-decriture/ Wed, 29 Sep 2021 13:58:01 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8363 Les territoires d'écriture : vos alliés

Connaître et maîtriser ses territoires d'écriture est un atout essentiel pour tout auteur de roman. En effet, ils tirent partie de votre expérience personnelle pour rendre vos récits vivants et dynamiques.

territoires d'écriture

Pourquoi maîtriser ses territoires d'écriture ?

Les “territoires d’écriture” ce sont les idées qui construisent votre histoire : l’époque, le lieu où se déroule une intrigue, les types de personnages. Mais ce sont surtout les thématiques pertinentes qu’un auteur investit encore et encore, qu’il creuse toujours plus loin et de manière renouvelée.

Chez Haruki Murakami c’est la porosité entre la réalité et le rêve. Chez Elena Ferrante ce sont  les multiples variations des relations entre femmes. Tandis que chez Stephen King c’est la question de l’incarnation de l’horreur ordinaire. Enfin, chez Paolo Cognetti c’est le rapport conflictuel qu’on peut avoir avec son lieu d’origine…

Au moment d’écrire des nouvelles ou des intrigues, nos élèves ont souvent envie de se lancer sur des “grands sujets” qui les intéressent parce que, justement, ça les intéresse. Mais sont-ils les mieux placés pour écrire sur ce sujet ? Ne risquent-ils pas de remâcher des clichés vus et revus dans la fiction ? Passent-ils à côté de sujets pertinents, qu’ils maîtrisent parfaitement ou sur lesquels ils ont un regard singulier ? 

Se tromper de territoire

On peut être très tenté d’écrire un polar sur un serial killer qui sévirait dans les rues de New York dans les années 1970. C’est une idée de départ séduisante, pour tout auteur ! 

Mais si on n’est pas un grand lecteur de polar, si on n’a aucune connaissance concrète du monde judiciaire, si on ne connaît pas comment fonctionne le corps humain (et les multiples façons de l’anéantir), si on n’a jamais croisé de serial killer autrement qu’à la télévision et qu’on n’a jamais mis un pied à New York… On risque fortement d’écrire un texte à la fois peu crédible, bourré de clichés et qui ne soit qu’une variation fade d’autres fictions qu’on a déjà lues sur le sujet.

Tous les sujets sont intéressants en soi… mais tous ne seront pas investis de manière intelligente, pertinente ou originale !

Définir ses territoires pour écrire une histoire puissante

Définir ses territoires d’écriture, c’est réfléchir et délimiter vos champs de connaissances profonds et intimes. Toute personne transporte avec elle des milliers d’histoires potentielles. Peut-être connaissez-vous particulièrement bien le monde de l’entreprise pour y avoir travaillé de nombreuses années ? Peut-être avez-vous un regard singulier sur une région ou un pays pour y avoir vécu une partie de votre vie ? Ou encore, vous avez peut-être été sans cesse confronté au même problème, au même questionnement, toute votre vie. Ce problème peut prendre différentes formes : trouver un travail, effacer les marques d’une origine sociale qui vous poursuit, créer une communauté etc...

Tous ces champs de connaissance (professionnels, intimes, familiaux, linguistiques, etc) que vous portez avec vous sont des pépites pour l’écriture. Vous maitrisez des domaines que vous connaissez parfaitement, sur lesquels vous avez un point de vue singulier et donc forcément intéressant. 

Servez-vous de leurs forces pour écrire des histoires universelles !

Transposer ses territoires pour conserver les forces du vécu

Il ne s’agit pas de vous pousser à écrire de l’autobiographie, mais à repérer les grandes forces, les grands questionnements sur lesquels vous pouvez vous appuyer pour écrire une histoire puissante. Ensuite, vous pourrez conserver ces forces et les transposer dans un univers, dans une époque, dans des personnages fictionnels qui seront d’autant plus crédibles qu’ils auront le charisme de la réalité. 

Comment définir ses territoires ?

Aux Artisans de la Fiction nos élèves questionnent  leurs territoires d’écriture tout au long de la formation Artisanat de l’écriture(sur trois ans). En effet, nous leur fournissons  un manuel de questions qui leur permet de réfléchir à leurs domaines de connaissance. Nous les invitons à piocher dedans pour créer des personnages pour leurs histoires, investir des questions et des univers dans les intrigues qu’ils étudient avec nous en deuxième et troisième année.

Nous avons également construit une formation intensive sous forme de stage de cinq jours (30h) qui permet aux participants d’élaborer des idées d’histoires, de personnages, d’univers et de thèmes puissants à partir de leurs vécus. 

]]>
8363 0 0 0 ]]> ]]>
Les points de vue dans le roman http://www.artisansdelafiction.com/blog/choisir-points-de-vue-pour-son-roman/ Tue, 12 Oct 2021 14:35:49 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8395 Dans un roman, le choix des points de vue permet de raconter des histoires totalement différentes. C'est le point de vue qui détermine les informations auxquelles les lecteurs auront accès. Bien le choisir est un passage obligatoire pour tous les romanciers !

points de vue roman

Qu’est ce que le point de vue

Choisir le point de vue d’une histoire, c’est choisir qui la raconte. C'est choisir le regard, le filtre qui tamisera les évènements et les émotions. Ou pour le dire encore autrement : c’est choisir le narrateur ou la narratrice de l’histoire, d’un roman, d’une nouvelle…

A notre époque, en France, on a souvent le réflexe d’écrire un roman à la première personne. Un personnage, souvent le personnage principal, raconte sa version des faits et la livre au lecteur.

Par exemple, dans “Le Horla” de Maupassant, c’est bien le personnage principal qui parle. Il s'exprime à la première personne pour livrer son expérience, ses angoisses et ses visions au lecteur. Ce dernier suit l’histoire à travers ses yeux. Il appréhende les informations par son filtre ainsi que ses souvenirs, ses émotions, etc. On pense aussi à “Celle que vous croyez” de Camille Laurens, aux narrateurs des romans de Nicolas Fargues…

Le point de vue à la première personne existe aussi au cinéma ! Il existe plusieurs techniques pour donner l’illusion au spectateur de voir une histoire à travers les yeux du personnage principal, comme la caméra subjective ou encore… la voix off.

Mais ce réflexe est à considérer avec attention, car il existe de nombreuses autres possibilités.

Les différents points de vue dans un roman

Une seule et même histoire est potentiellement racontable à travers mille et un prismes. Il est impossible de faire une liste exhaustive de tous les points de vue.

Car un même évènement peut avoir été vécu de manières très différentes par les protagonistes d’une histoire. Prenez l’exemple d’un triangle amoureux, ou bien d’un repas de famille… chacun à sa version des faits !

Pour le repas de famille, il y a bien sûr le point de vue de chaque membre présent autour de la table, mais aussi celui de la voisine, celui du chat, celui du facteur qui passe livrer le courrier à un moment fatidique, etc. Vous voyez, c’est potentiellement infini.

Mais pour nous repérer dans cette infinie possibilité, nous avons tendance à “grouper” les différents points de vue en catégories.

  • Les points de vue à la première personne. Ça peut être le point de vue du personnage principal, ou bien celui d’un personnage secondaire qui regarde une histoire extraordinaire se dérouler devant ses yeux sans y prendre part.
  • Les points de vue à la troisième personne. Le lecteur suit de l’extérieur le personnage principal dans son aventure, comme lorsqu’on regarde un film par exemple. Le narrateur est extérieur. Il choisit de nous montrer ou non une scène, de nous livrer ou non les pensées du personnage.
  • Le point de vue omniscient : un narrateur extérieur connait tout du monde de l’histoire, tout du passé, des émotions et du futur de tous les personnages de l’histoire…
  • Les points de vue rares. Ce sont le point de vue au “nous”, le point de vue au “tu”, etc.

Sans oublier toutes les modulations et les variations possibles dans chacune de ces catégories ! Par exemple, lorsqu’une histoire nous est racontée à la troisième personne, le narrateur fait le choix de donner au lecteur l’accès (ou non !) aux pensées du personnage principal… ou encore l’accès aux pensées de tous les personnages !

Faire le bon choix pour son roman

Alors comment choisir à quel(s) point(s) de vue écrire son roman ? Souvent, on a tendance à aller vers le point de vue qui nous séduit le plus. C'est à dire celui qui nous intéresse en tant qu’auteur… et pourquoi pas ? Mais il est aussi primordial de se pencher sur la question des conséquences du choix de point de vue.

Lorsqu’on choisit que telle ou telle personne raconte une histoire, cela va avoir un impact sur le lecteur. Il n’aura accès qu’à un nombre limité d’informations (uniquement celles que le narrateur a). Il ressentira également l’histoire à travers le prisme émotionnel et moral de ce personnage… alors évidemment, un choix de point de vue, ça a des conséquences sur l’intrigue et sur l’émotion !

Il paraît donc sage d’envisager plusieurs options avant de se lancer dans la rédaction de sa nouvelle ou de son roman !

Les erreurs courantes

Se jeter tête baissée sans mesurer les conséquences techniques de son choix de point de vue… c’est une erreur très courante pour les auteurs inexpérimentés ! Et la question du point de vue est tellement critique, qu’elle transporte avec elle de nombreuses autres erreurs faciles à commettre.

  • Confondre narrateur et auteur : et oui, ce n’est pas la même chose. L’auteur peut créer un narrateur qui a des opinions très différentes des siennes !
  • Choisir son narrateur trop vite… et se rendre compte que ce choix ne nous permet pas de raconter l’histoire qu’on souhaite raconter.
  • Vouloir mettre trop de points de vue différents dans son roman. Après avoir envisagé le point de vue à la première personne, le second réflexe est souvent de se dire… "Je vais raconter mon histoire avec plusieurs points de vue et les mélanger"! Bonne idée, et par ailleurs il existe de très nombreux romans qui superposent les points de vue - on pense tout de suit à “La Horde de Contrevent” d’Alain Damasio ou encore à “Lignes de faille” de Nancy Huston. Mais restez prudent. Maitriser un point de vue unique, le rendre intéressant et immersif pour un lecteur est déjà difficile. Alors en maitriser plusieurs ! Et surtout, être capable de ne pas perdre son lecteur dans la multiplicité des points de vue… ça demande pas mal d’entrainement !

Alors pour vous aider à comprendre les différents points de vue, les tester et comprendre leurs conséquences sur un roman… une bonne idée, c’est de se former. Vous pouvez, à ce sujet, lire “Premier roman, mode d’emploi” de Laure Pécher, ou bien “The Power of point of view” d’Alicia Rasley… entre autres ! Les manuels sur la question sont plutôt nombreux. Leur lecture vous permettra de mieux saisir l'impact des différents points de vue dans un roman.

Vous pouvez également suivre notre stage “Les Outils de la narration littéraire” dans lequel une journée entière est consacrée à ce thème (et 4 autres journées consacrées à une multiplicité d'autres outils). Le stage avancé “Les outils de la narration - 2” aborde lui le point de vue sous le prisme de la stratégie narrative.

Si vous suivez la formation annuelle “L’Artisanat de l’écriture”, vous aborderez la question du point de vue en Année 1 et la question de la stratégie narrative en Année 2 !

]]>
8395 0 0 0 ]]> ]]>
Devenir écrivain professionnel - Entretien avec Laurent Bonzon http://www.artisansdelafiction.com/blog/devenir-ecrivain-professionnel/ Fri, 31 Dec 2021 15:44:20 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8458 Devenir écrivain professionnel est le rêve de nombreux apprentis, malheureusement un grand flou entoure ce métier. Le 5 octobre 2021, nous avons reçu Laurent Bonzon, directeur de l'agence interprofessionnelle du livre “Auvergne-Rhône Alpes - Livre et lecture”, pour parler de la situation économique et sociale des auteurs.

Qu'est-ce que l'ARALL ?

L’agence régionale ARALL a pour mission de suivre et de soutenir la création régionale du livre ainsi que d’informer et d’accompagner les auteurs sur leur statut Trop peu d’auteurs ou d’apprentis auteurs connaissent l’existence de l’ARALL et des journées d’informations sur le contenu d’un contrat d’édition. Un véritable flou entoure le métier d'écrivain, en particulier les sources de revenus des auteurs jeunesse ou des auteurs de littérature générale. En résulte une vision souvent erronée de la vie des romanciers et des romancières. Laurent Bonzon prend le temps d’exposer de manière détaillée et mesurée, la réalité sociale et économique du « métier » d’auteur. Son expérience permettant ainsi aux aspirants auteurs de s'en faire une idée moins fantasmagorique. Quel est le statut social et économique d’un artiste-auteur ? Que touche un auteur sur son livre ? Quelle est la différence entre un droit d’auteur et un à-valoir ? Est-il possible de gagner sa vie grâce à ses livres et par le biais de quelles activités annexes ?

Devenir un auteur professionnel

Si on souhaite être un auteur professionnel, c’est-à-dire un auteur dont les revenus principaux proviennent de son activité d’écriture, Laurent Bonzon remarque : 
« Très principalement les auteurs vivent de leurs revenus annexes et non pas du revenu de leurs œuvres. Parce que les tirages baissent et la production augmente (…) alors que la consommation, elle, n’augmente pas. »
Par là, il fait référence à toutes les activités « hors écriture » qu'un auteur peut réaliser autour de son métier d’écrivain. Il s'agit par exemple des interventions en milieu scolaire, d'une participation à des festivals ou de la tenue d’ateliers d’écriture
« Les auteurs professionnels, pour la plupart, accompagnent la sortie de leurs oeuvres par une présence physique dans des lieux du livre ou dans des lieux de médiations.(…) (Ils doivent être) très présents dans un circuit qui inclut les festivals, les salons, les fêtes de livre, les libraires, les bibliothèques, parfois les théâtres ».
En effet, le métier d’auteur a évolué depuis trente ans, parallèlement aux fluctuations du marché de l’édition et du livre : 
« Le marché se fait de plus en plus sur un petit nombre de titres qui a tendance à diminuer. Le reste régresse en termes de ventes. Des auteurs qui étaient il y a dix ou quinze ans entre 10 000 et 20 000 exemplaires vendus sont aujourd’hui à moins de 10 000 exemplaires. C’est une tendance qu’on observe (…). Les achats du public se répartissent de manière moins diverse qu’auparavant. ». « On est à plus de 70 000 nouveautés par an en librairie. Pas uniquement en littérature, tous livres confondus (…) ça fait un nombre de livres très important, impossible à absorber. » « Les auteurs professionnels doivent entreprendre autour de leurs créations tout un aspect de diffusion (…). »

De plus en plus d'écrivains !

Au cours de notre entretien, Laurent Bonzon évoque également l’impact récent des divers confinements sur la saturation du marché : « La librairie ayant fermé deux mois, on s’est mis à reporter la sortie de milliers de nouveautés (…). Il y a eu une grosse interrogation sur la production qui est pléthorique, en littérature comme ailleurs. » Mais cette prise de conscience de la surproduction n’a pas survécu à la reprise de l’économie : « À l’automne 2020, les grands groupes ont non seulement publié massivement des livres. Mais en plus ont publié massivement des best-sellers, des long-sellers, des big-sellers, donc des livres faciles à vendre. Ces livres ont englouti le marché, englouti certains petits éditeurs. » Quarante minutes d’une analyse réaliste et passionnante à écouter avec attention. Pour tous celles et ceux qui souhaitent mettre un pied dans le monde de la fiction éditée, sans oeillères et sans fantasmes ! ]]>
8458 0 0 0 ]]> ]]>
10 résolutions qui feront du bien à votre écriture http://www.artisansdelafiction.com/blog/10-resolutions-ecriture/ Mon, 27 Dec 2021 08:00:57 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8559 Nos 10 résolutions pour booster votre apprentissage de l'écriture !

Vous vous réveillez la nuit en sentant votre roman vous titiller ? Vous sentez qu'un jour vous écrirez un livre ? Et vous aimez trop lire pour ne pas chercher à comprendre le travail qu'il y a derrière ? C'est donc tout naturellement que vous souhaitez prendre une voire même plusieurs résolutions vis-à-vis de votre écriture !

résolutions auteur

Les 10 résolutions qui feront progresser votre écriture !

Résolution N°1 : Je m'intéresse au parcours d'apprentissage des autres auteurs

Comme pour tout apprentissage, commencez par apprendre comment les autres écrivains ont appris : chaque écrivain est différent, et le parcours de chacun d'entre eux vous donnera des pistes à explorer. Ne vous dites pas que vous êtes plus malin : si Stephen King a fait des études de lettres et à enseigné la littérature anglaise pendant des années, ce n'est pas par hasard.

Un conseil : Tenez compte du fait qu'en France on n'apprend plus à écrire depuis 1870, alors que dans les pays anglo-saxons cet apprentissage commence à l'école primaire (12 ans d'apprentissage préalable : théorie + pratique).

Résolution N°2 : Lire comme un écrivain

L'idée est admise qu'il est possible d'apprendre à écrire, comme on apprend la musique classique, l'orfèvrerie, où le football. Et comme chacune de ces disciplines, vous commencerez à vous former en apprenant à observer, phrase par phrase, le travail des autres écrivains, en cherchant à comprendre comment ils ont fait pour produire tel effet. Apprendre à lire comme un écrivain est une étape fondamentale, qui vous demandera un long apprentissage, mais qui vous récompensera infiniment : votre plaisir de lecteur sera décuplé.

Un conseil : Apprendre à lire comme un écrivain vous demandera de connaître les outils mis en oeuvre par les écrivain, sinon, vous vous contenterez de lire pour le plaisir (ce qui est merveilleux)

Résolution N°3 : J'apprends à écrire

"Ce qui est bien avec l'écriture, c'est que tout le monde peut le faire : il n'y a rien à apprendre, il suffit de savoir lire et écrire ! ". Heu, oui, tout comme il faut juste avoir des doigts pour jouer du piano ou du violon, avoir des pieds pour devenir internationale de football ? Et bien pas tout à fait ! TOUT le monde peut apprendre à écrire, mais cet apprentissage est aussi simple que de vouloir réaliser un film tout seul, un film dont vous écrirez le scénario, jouerez tous les rôles, construirez les décors, créerez les effets spéciaux. Il va vous falloir apprendre de nombreuses techniques, et apprendre à les maîtriser.

Un conseil : Apprendre à écrire c'est apprendre à refaire, et à refaire, et à échouer et à refaire. Plus vous commencez tôt, plus vous progresserez.

Résolution N°4 : Je me prépare avant de me lancer dans l'écriture

Trop souvent, on se précipite sur l'écriture, par peur de perdre l'inspiration. N'ayez crainte : les bonnes idées restent ! Écrire une histoire est une randonnée au long cours. Préparez-vous ! Construisez vos personnages, élaborez votre univers narratif, structurez votre histoire ! Vous pouvez également étudiez le terrain (lisez avec un œil d'écrivain les auteurs qui ont déjà exploré le territoire narratif où vous désirez vous aventurer). Plus vous aurez une idée précise de ce que vous essayez de mettre en forme, moins vous aurez à réécrire.

Un conseil : Que vous soyez plutôt "écrivain architecte", "écrivain jardinier ouvrier" ou "écrivain sushi master", prenez le temps de découvrir les différentes manières de construire une histoire, avant de trouver celle qui vous convient.

Résolution N°5 : Réécrire, réécrire, réécrire

Dé-dra-ma-tis-ez : un roman ne s'écrit pas en un jour, une nouvelle en une heure. Un des secrets de l'écriture est de découvrir que ce que vous écrivez dans un 1er jet est une ébauche que vous apprendrez à améliorer progressivement. À chaque couche d'écriture vous améliorerez votre texte.

Un conseil : La réécriture est un plaisir. Réécrire, ce n'est pas changer une ou deux virgule, c'est reformuler parfois complètement son texte afin qu'il se rapproche de ce que vous essayez d'atteindre. Réécrire son texte demande autant d'efforts que d'aller à la salle de sport, pour le muscler, l'affiner. Le plus dur c'est de commencer.

Résolution N°6 : Je m'offre le temps de lire

Le secret pour devenir écrivain c'est de lire, d'apprendre à savourer une histoire phrase par phrase, paragraphe par paragraphe, chapitre après chapitre. Et de s'offrir le plaisir intense de relire certains passages pour étudier comment ils sont construits. Lire vous reposera l'esprit, nourrira en profondeur votre amour de la narration écrite, et

Un conseil : votre bibliothèque regorge de trésors qui ne demandent qu'à être ouverts. Vous avez tout lu ? Voici la liste d'histoires puissantes que nous avions conseillées pendant les confinements !

Résolution N°7 : Se faire relire

Les écrivains ont besoin de bêta lecteurs, car seul(e) on manque de recul. Demandez-vous qui parmi votre entourage pourrait être un sparring partner de qualité. C'est à dire quelqu'un capable de vous pousser, de vous aider à être plus clair, et de vous encourager sans complaisance ?

Un conseil : les stagiaires que vous avez rencontrés dans des formations d'écriture sont des bêta lecteurs de qualité ! En effet ils connaissent les outils et ont l'habitude de formuler des retours techniques.

Résolution N°8 : S'intéresser à tous les aspects du monde du livre

Vous aimez lire, découvrez la chaîne éditoriale qu'il y a derrière un livre, de l'éditeur jusqu'au libraire. Vous familiariser avec ceux et celles qui accompagneront vos manuscrits, vous familiarisera avec l'écosystème que vous souhaitez explorer.

Un conseil : Les agences régionales interprofessionnelles du livre sont des trésors d'informations. Le directeur de l'Agence Rhône-Alpes Livres et Lecture donne ses conseils aux apprentis écrivains professionnels.

Résolution N°9 : Écrire pour de bonnes raisons

Ces bonnes raisons sont légions ! Parce que vous adorez lire, parce que vous aimez la littérature en tant que forme artistique, parce que la lecture vous a sauvé la vie et que vous voulez travailler dur pour tenter de rendre à la littérature ce qu'elle vous a apporté !

Un conseil : regardez cette interview de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018.

Résolution N°10 : Apprendre qu'apprendre à écrire n'est jamais terminé

Vous adorez lire, et vous savez déjà qu'un livre en entraîne un autre, de bibliographie en références citées par les auteurs et leurs personnages. Et cela est rassurant : vous aurez toujours quelque chose à lire. Il en va de même avec l'apprentissage : chaque livre, réussi ou raté, vous apprendra comment écrire, qu'améliorer, que tenter d'émuler. Ce qui veut dire que vous ne cesserez jamais de savourer vos lectures, d'affiner vos tentatives, d'apprendre des auteurs , de découvrir de nouvelles merveilles.

Un conseil : Les professeurs de creative writing sont des passionnés de littérature à leur contact, où en lisant leurs ouvrages, vous découvrirez de nouveaux livres, et de nouvelles techniques d'écriture.

Evidemment, rien ne vous oblige à appliquer TOUTES nos résolutions mais si vous les garder en tête, votre écriture progressera dans la bonne voie. Inutile de vous infliger des challenges intenables et frustrants ! La liste de nos résolutions écriture ! Vous souhaitez vous former à la narration littéraire ? Découvrez notre pédagogie ! Vous souhaitez découvrir quelles sont les histoires que vous avez à raconter ? Identifiez vos territoires d'écriture ! Vous désirez apprendre à structurer vos histoires ? Apprenez à préparez et construire un roman !]]>
8559 0 0 0 ]]> ]]>
Les pires résolutions d'auteur http://www.artisansdelafiction.com/blog/les-pires-resolutions-auteur-2022/ Fri, 24 Dec 2021 14:00:57 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8561 Les pires résolutions pour 2022

La nouvelle année approche et avec elle son cortège de bonnes résolutions… ou tout du moins, de résolutions fermes et de promesses jurées à soi-même ! L’énergie amenée par le mois de janvier est agréable, motivante, mais il peut être très facile pour un apprenti-auteur d’être séduit par des résolutions qui pourraient s’avérer vénéneuses pour son moral, son apprentissage… et son potentiel futur projet !

écriture résolutions 

Pour vous aider à y voir plus clair, nous avons listé certaines des “pires résolutions” qu’un apprenti-auteur peut prendre sans s’en rendre compte. Vous verrez, derrière ces « pires résolutions », on déniche surtout des péchés de bonne volonté. Certaines idées évoquées ne sont pas mauvaises en soi mais sont souvent prises beaucoup trop tôt par un apprenti-auteur, ou sans avoir conscience des impacts ou des enjeux qu’une telle décision va soulever. Ces « pires résolutions » révèlent aussi une méconnaissance du processus créatif, de l’apprentissage et du fonctionnement du monde éditorial. Un bon roman, ça ne s’écrit ni avec de la volonté ni avec de la motivation… Alors, avant de formuler vos vœux pour la nouvelle année, jetez un coup d'œil ci-dessous !

Cette année, je quitte mon travail pour me consacrer à mon roman.

… et ses multiples variations de type :

« cette année, je ne fais plus que ça », « cette année je m’enferme chez moi »…

Quitter son travail pour se donner le temps d’être auteur est une décision souvent prise trop tôt. Bien sûr, l’option est séduisante : avec du temps libre, on va enfin pouvoir passer toute la journée à écrire ! Mais avez-vous déjà bloqué des vacances ou des week-ends entiers pour écrire ? Si oui, en toute honnêteté, avez-vous réellement écrit huit heures par jour ? Avez-vous trouvé la motivation nécessaire ? Résisté à la tentation d’aller sur internet ou de faire tout simplement autre chose ? La réponse peut être oui, mais la réponse… est souvent non !

Un apprenti-auteur qui quitte son emploi sans réel projet concret (un contrat d’édition par exemple) a énormément de temps devant lui… mais aussi une pression énorme. Il n’a pas le droit à l’échec, or l’écriture et la publication d’un roman n’a rien d’évident ni de garanti. Les résolutions d'auteur qu'il vaut mieux éviter.

« c’est souvent se mettre une pression financière et matérielle »

Quitter trop tôt son travail pour se lancer dans l’écriture, c’est souvent se mettre une pression financière et matérielle qui ne va pas vous aider à écrire mieux ni à écrire plus. Dans le pire des cas, cela va vous bloquer (car trop de pression), et dans le « meilleur » cas, cela va vous forcer à finaliser très vite votre projet, à l’envoyer le plus vite possible à un éditeur, à le publier le plus vite possible.

Or, ce que vous voulez, ce n’est pas écrire et publier n’importe quoi le plus rapidement possible. Ce que vous souhaitez, c’est écrire un texte qui vous ressemble, que vous savez suffisamment solide pour entrer dans la compétition avec tous les autres romans… et surtout, un texte dont vous êtes toujours fier(e) six mois plus tard, deux ans plus tard, dix ans plus tard.

Très peu d’auteurs publiés se consacrent uniquement à l’écriture. Beaucoup ont une activité (voire plusieurs !) professionnelle pour les raisons de pression économique que nous avons évoquées, mais aussi pour leur moral et leurs idées… car à rester seul chez soi, on tourne vite en rond ! Tout le monde n’est pas fait pour écrire huit, dix, douze heures par jour… même les auteurs les plus productifs ou les plus inspirés ! Renseignez-vous sur les auteurs que vous aimez ou que vous fréquentez, interrogez-les sur leurs choix professionnels : vous verrez, ils sont nombreux à ne pas fuir la sphère professionnelle !

Cette année, j’écris ma série en 15 tomes.

Qu’on connait aussi sous sa variante :

« Je me lance dans l'écriture en me donnant un an pour voir si ça donne quelque chose ». Ou encore « cette année, j’écris le meilleur roman de la décennie ».

Si vous êtes un apprenti-romancier, ne vous donnez jamais ce genre de « résolution »… vous allez vous épuiser et vous faire du mal en courant derrière un objectif irréaliste. N’oubliez pas : qui veut aller loin, ménage sa monture ! Se lancer bille en tête avec des objectifs trop ambitieux, cela montre que vous êtes très motivé, mais cela montre aussi une certaine forme d'inexpérimentation. Car écrire un roman demande un vrai apprentissage : vous devez apprendre à reconnaître des bonnes idées, apprendre à développer une idée originale, apprendre à construire une histoire, apprendre à (bien) la raconter…

Bien sûr, de la bonne volonté et de la motivation seront nécessaires pour « s’y » mettre, mais ce n’est pas parce qu’on a envie d’écrire une bonne histoire qu’on sait le faire ! Cela demande d’apprendre en se formant (par soi-même, grâce à ses pairs et/ou au sein d’une formation), de mûrir ses idées, d’acquérir de l’expérience. Tout cela prend du temps et c’est bien normal ! Quelqu’un qui ne sait pas cuisiner et qui s’y mettrait aujourd’hui n’envisagerait jamais de devenir cuisinier professionnel dans un restaurant réputé d’ici douze mois !

Cette année, je publie forcément mon roman, quoi qu’il en coûte.

Vous avez écrit votre roman, votre nouvelle, votre recueil de poésie… et vous décidez que cette année, ça suffit, il sera publié. Là aussi, cette « résolution » se base sur une méconnaissance du système éditorial. On ne publie pas un roman (encore moins chez un éditeur qu’on admire) parce qu’on le veut ! Les éditeurs ont une ligne éditoriale claire et un planning de publication souvent complet plusieurs mois voire années en avance. Et souvenez-vous, l’objectif ce n’est pas de publier à tout prix, trop vite, chez n’importe qui, n’importe comment. On finit toujours par regretter de publier une histoire qui aurait pu être mieux fagottée, chez un éditeur qui n’a pas les moyens de vous porter ou de vous faire ré-écrire…

Cette année je paye un coach littéraire pour qu'il rende mon roman publiable.

Là, la mauvaise résolution ne concerne pas le coach littéraire. Il en existe d’excellents qui sauront vous aider à vous organiser, à reconnaître vos forces et vos faiblesses, à comprendre comment fonctionne le milieu éditorial… Et, ça, c’est une bonne chose ! Éventuellement, il peut vous aider à créer et soigner une image marketing. Mais un coach littéraire ne vous apprendra pas à écrire une histoire, à comprendre puis maîtriser, et enfin faire à sa main les règles de la narration et de la dramaturgie. Pourquoi ? Parce que ça n’est pas son métier, tout simplement !

Rendre votre roman publiable, signifie deux choses : que votre roman soit intéressant/bien écrit/original (et pour cela il faut vous former et progresser par l’expérience), et que votre roman soit en adéquation avec une ligne éditoriale et/ou une demande sur le marché.

Plutôt que de dépenser des fortunes en coaching ou en relecture de manuscrit, l’apprenti-auteur à tout à gagner en se formant !

Cette année, je lis 10, 25, 50, 200 romans et manuels d’écriture

Cette dernière résolution est un diable habillé en Prada… de l’extérieur, elle paraît séduisante et démontre votre bonne volonté et votre grand enthousiasme. Mais quand on s’approche, on découvre vite que le problème, ce ne sera jamais la quantité de livres que vous lisez, ni la quantité d’heures que vous consacrez à l’écriture. Le temps ou le nombre, ce n’est jamais un problème en soi. C’est ce que vous en faites qui a de l’importance. Si vous lisez 40 romans cette année, mais qu’à aucun moment vous ne réfléchissez ni n’essayez de comprendre pourquoi ces roman vous plaisent et qu’est-ce qui fait qu’ils sont intéressants, captivants, émouvants… votre lecture compulsive n’aura que très peu d’intérêt et ne vous aura pas fait progresser. Cette année, ne lisez pas plus, mais lisez mieux, c’est-à-dire lisez comme un écrivain !

Vous vous êtes reconnus dans ces résolutions ? Pas de panique, cela ne fait pas de vous une mauvaise personne… il faut simplement que vous reformuliez vos idées et vos aspirations de manière réaliste. Et pour ça, on ne vous laisse pas tomber : voici un article sur les 10 (très) bonnes résolutions pour auteur à prendre en 2022.

Vous souhaitez vous former à la narration littéraire ? Découvrez notre pédagogie ! Vous souhaitez découvrir quelles sont les histoires que vous avez à raconter ?  Identifiez vos territoires d'écriture ! Vous désirez apprendre à structurer vos histoires ? Apprenez à préparez et construire un roman !

Les résolutions d'auteur à prendre en 2022.

]]>
8561 0 0 0 ]]> ]]>
Utiliser la force des structures classiques dans vos romans http://www.artisansdelafiction.com/blog/structures-classiques-romans/ Thu, 20 Jan 2022 14:34:01 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8591 Les 7 intrigues fondamentales : utiliser la force des structures classiques de romans

Existe-t-il des structures d'histoires types ? Ces structures sont-elles stéréotypées ? Au-delà des fantasmes et des a priori, se pencher sur les types d'histoires et les émotions qu'elles génèrent chez le lecteur, c'est apprendre à utiliser la force des structures classiques de romans.

structures classiques romans

Balayons tout de suite l'idée que les grands écrivains n'ont rien appris avant d'écrire. Et pendant que nous y sommes, balayons aussi la crainte qu'une structure produise des histoires formatées. 

L'étude des structures d'histoires remonte à Aristote, qui dans « La Poétique » a proposé deux grands types d'histoires toujours pertinents aujourd'hui : la comédie et la tragédie. Aristote a également posé les bases de la structure d'une histoire en trois actes. Ces trois actes correspondent au début, au milieu et à la fin d'une histoire. Chacune de ces parties remplit un rôle fondamental pour capter, maintenir et satisfaire le public.

D'où Aristote sort-il ces notions ? Il a étudié et comparé les pièces de théâtre de son époque, afin de voir si des constantes se dégageaient. Étonnamment, peu de chercheurs se sont engagés sur le même sujet d'étude. En 2400 ans, ceux qui ont entrepris de comparer les histoires afin de déterminer s'il existait des types d'histoires récurrentes se comptent sur les doigts d'une main.

L'histoire de la dramaturgie

En France, avant l'abandon de l'imitation des modèles classiques à la fin du 19ème siècle, Georges Ploti a tenté de théoriser en 1895 ce que l'on trouve dans tout scénario d'histoire. Malheureusement, les situations qu'il a identifiées ont très mal vieilli et ne seront guère utiles au narrateur actuel.

En 1928, le formaliste russe Vladimir Propp publie Morphologie du conte où il procède de la même manière qu'Aristote. Après avoir étudié une centaine de contes, il se penche sur « l'étude des formes et l'établissement des lois qui (en) régissent la structure ». Son ouvrage est traduit en français en 1965. Il y présente la structure des contes sous la forme d'équations. Le résultat est difficile à appréhender mais lègue une typologie riche (fonctions narratives, séquences, personnages). L'héritage de Propp nourrira la narratologie, tentative de créer une « science de la narration », qui se révèlera particulièrement abstraite.

En 1990, le français Yves Lavandier, qui se définit comme « aristotélicien » et qui a étudié le scénario aux États-Unis, autopublie "La Dramaturgie". Dans cet ouvrage, il explique le fonctionnement d'une histoire à l'aide de nombreux exemples de films (d'auteur et grand public) ainsi que de nombreuses pièces de théâtre (classique et moderne). « La Dramaturgie » devient une référence.

Combien de types d'histoires ?

Pour l’auteur débutant - ou pour toute personne qui découvre les règles de la dramaturgie et de la narration - il peut paraître suspect de découvrir que le nombre de schémas narratifs fondamentaux varie en fonction des auteurs. Le polémiste Christopher Booker détermine l’existence de sept histoires classiques. Il n'en existe qu’une pour Vogler. Tobias en compte vingt… On se dit alors que si chaque auteur détermine un chiffre différent de type d’histoires classiques, c’est qu’ils ont tous tort ! Et s’ils ont tort, cela voudrait dire que la question d’une structure classique est inepte.

En réalité, quand on lit ces auteurs et qu’on essaye de comprendre leurs démarches, on se rend compte que la variété de leurs approches ne les met pas en opposition. Tous ces auteurs s’accordent sur un point, c’est qu’il existe bien une structure classique de base pour toutes les histoires. Cette structure — dégagée par Aristote — veut que pour qu’une histoire soit racontée dans son intégralité (c’est-à-dire qu’elle donne à son lecteur le sentiment qu’on lui a « tout » raconté - on dit alors qu’elle « donne satisfaction »), elle suive un schéma classique comprenant un début, un milieu et une fin. 

À partir de cette structure classique de base, il existe une infinité de variations possibles. MAIS certaines ont été utilisées bien plus souvent que d’autres par les humains au cours de l’Histoire, voire de façon récurrente, presque obsessionnelle. C’est cette récurrence qui leur donne le statut d’histoire « classique ».

La structure des histoires classiques

Dans « The Seven basic plots », Christopher Booker circonscrit sept histoires dont les structures semblent être sans cesse utilisées et réutilisées pour raconter les histoires : la quête, la comédie, la tragédie, les histoires de renaissance, d’accession à la richesse et de départ dans un « autre monde »

Booker se concentre sur ces sept types d’histoire qu’on retrouve encore et encore dans le théâtre et la poésie, puis dans les romans, les films, et tous les types de fiction… mais en aucun cas, il ne dit que ces sept types d’histoire sont uniques et qu’il n’en existe aucune autre ! 

En analysant et dégageant les structures de ces sept histoires, il tente de comprendre pourquoi les auteurs et autrices y retournent toujours. Il découvre que chacune de ces histoires permet d’aborder des thèmes fondamentaux pour les humains et répond à des besoins émotionnels, psychologiques et sociaux. Si nous lisons, écrivons, regardons des histoires, c’est pour nous détendre, mais aussi et surtout pour nous aider à mieux nous comprendre et à nous développer. Or ces sept types d’histoires, déterminées par Booker, touchent à ces grandes questions de l’humanité qui travaillent chacun et chacune d’entre nous. 

Pourquoi les étudier ?

En se penchant sur l’étude de Booker, on apprend donc à relire les grands classiques et les histoires contemporaines. On dégage de grandes règles dramaturgiques, on repère les thèmes que ces structures classiques portent et les émotions qu’elles font vivre à leurs lecteurs et spectateurs. Booker nous apprend donc à mieux lire. Il nous permet de mieux comprendre les histoires, mais aussi mieux comprendre les grandes questions qui traversent les cœurs des humains… et qui font des sujets de roman non seulement intéressants, mais nécessaires.

L’étude de Booker n’est pas une panacée, encore moins une religion faite de dogmes qu’il faudrait exécuter sans en comprendre l’intérêt pour avoir son roman en trois clics. Nous encourageons nos élèves à lire d’autres auteurs et autrices qui analysent et étudient des schémas d’histoires classiques différents et/ou plus nombreux que les sept histoires classiques définies par Booker.

Apprendre les modèles

Notre façon d’enseigner à nos élèves les sept structures classiques de romans telles que définies par Booker ne se résume pas à la simple étude. Nous dégageons les grandes idées, les structures fondamentales, les thèmes et les émotions de chaque type d’histoire. Nous analysons leurs différentes variations à travers de très nombreux exemples issus de la littérature classique et contemporaine.

Par exemple, pour la structure d’intrigue de la tragédie, on prendra comme exemple « Antigone » de Sophocle, mais aussi « Macbeth » de Shakespeare, « Bonny and Clyde », « Les Possédés », ou encore « Wonder Wheel » de Woody Allen.

Car il n’y a jamais une seule manière de mettre en œuvre la structure classique d’une histoire (auquel cas, nous écririons tous la même histoire… ce qui n’est pas le cas !). Mais ces œuvres — et bien d’autres encore — ont pour dénominateur commun un schéma narratif similaire et des thèmes puissants, fondamentaux.

Après ces analyses, nous amenons nos élèves à copier le schéma narratif en imaginant une histoire à partir de l’exemple type, afin qu’ils s’immergent dans la structure d’histoire et qu’ils en perçoivent toute la force et la puissance.

Faire vôtre un thème universel

La mauvaise manière de faire cet exercice est d’abattre une structure sans essayer de comprendre son mouvement interne et les thématiques puissantes qu’elle soulève. La bonne manière, ce n’est pas de remplir toutes les cases, mais de faire sien un thème universel et de le dérouler classiquement en apprenant des maîtres. À la sortie de la formation chaque élève dispose d’un répertoire d’au moins sept histoires puissantes qu’il a construites ou co-construites. Rien ne l’empêche ensuite de reprendre ces structures d’histoire développées en classe et de les refaire « à leur sauce » !

Découvrir et s'approprier les structures classiques de romans 

Si vous souhaitez analyser et expérimenter avec les 7 intrigues fondamentales à votre tour deux possibilités s'offrent à vous !

Vous pouvez suivre notre stage intensif de cinq jours (trente heures), intitulé « Raconter avec les 7 intrigues fondamentales ». À l’heure actuelle, nos formations sont accessibles en télé-enseignement et/ou en format mixte (vous choisissez de suivre la formation en présentiel ou à distance).

La construction de sept structures classiques de romans est également au programme de notre deuxième année de cycle « L’Artisanat de l’écriture ». Pour accéder à la deuxième année, il est indispensable d’avoir suivi la première année, afin de bénéficier d’un apprentissage progressif. Vous entrez dans le monde millénaire et fascinant de la fiction. 

]]>
8591 0 0 0 ]]> ]]>
Les romans de Carole Martinez http://www.artisansdelafiction.com/blog/carole-martinez-romans/ Thu, 27 Jan 2022 10:44:43 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8636 Les romans de Carole Martinez Carole Martinez, romancière, nous explique son processus d’écriture, entre chaos et relectures. Chacun de ses romans est une aventure particulière dont elle tire des enseignements singuliers. Dans cette interview, elle nous livre ses conseils !  Carole Martinez roman Carole Martinez publie son premier livre à 40 ans. Il s’agit de « Le Coeur Cousu », un livre écrit et réécrit pendant plusieurs années qui a été récompensé par le prix Renaudot et le prix du Premier Roman. Depuis, Carole Martinez a publié plusieurs romans chez Gallimard. Elle sera également présidente du 10e salon du roman historique qui se déroulera en 2022 !  Dans cette interview elle revient avec nous sur son processus d’écriture : un travail chaotique et de longue haleine, singulier pour chaque nouvelle histoire. 

“Chaotique et jouissif” 

C’est ainsi que Carole Martinez décrit la première phase d’écriture de son tout premier roman: « Le Cœur Cousu ». Pendant plusieurs années, elle écrit sans savoir si elle terminera cette histoire pour de bon. Il a fallu se remettre « dans le sens de la lecture » pour remettre bout à bout tous ces morceaux d’histoire et former le récit de « Le Coeur Cousu ». C’est là qu’un important travail de lecture et de relecture se met en place. 

“J’écris à voix haute” 

Écrire à voix haute, cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est bien ainsi que Carole Martinez écrit ses romans. Elle encourage d’ailleurs ses élèves, toutes celles et tous ceux qui souhaitent écrire, à le faire à voix haute.  En effet, relire à voix haute permet de prendre du recul sur ce qui a été mis sur la page ! Carole Martinez, tout comme Pierre Lemaître, réécrit énormément !

“J’aime quand cela jaillit, je suis super contente, mais cela n’empêche pas la réécriture.” 

Nous vous invitons à visionner l’intégralité de cette interview sur notre chaîne Youtube. Carole Martinez aborde également : L’angoisse qui accompagne chaque nouveau projet  Le travail de recherche : essentiel pour nourrir son écriture  L’importance de la grammaire  Ses conseils d’écriture ! Nous remercions chaleureusement Carole Martinez pour cette interview, donnée dans les locaux des Artisans de la Fiction.  Nous remercions vivement Maya Flandin de la Librairie Vivement Dimanche et sa fabuleuse équipe pour leur soutien.]]>
8636 0 0 0 ]]> ]]>
Les conseils d'écriture d'Olivier Paquet http://www.artisansdelafiction.com/blog/conseils-ecriture-olivier-paquet/ Mon, 14 Feb 2022 14:03:42 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8484 Les conseils d'écriture d'Olivier Paquet, romancier

Olivier Paquet, romancier français spécialisé dans la science-fiction nous livre ses conseils d'écriture dans cette nouvelle interview !  Interview conseils écriture olivier paquet Olivier Paquet est un écrivain de science-fiction et l’auteur de romans et nouvelles primés à de très nombreuses reprises ! Son dernier roman, « Les Machines fantômes » est édité chez L’Atalante.

Nous avons eu la chance de l’interviewer lors du festival Les Intergalactiques qui s’est tenu à Lyon du 12 au 14 septembre 2021.

Dans cette interview, Olivier Paquet revient sur ses techniques d’écriture avec l’enthousiasme d’un passionné et la précision d’un artisan. Comment écrit-il un roman ? 

Le processus d'écriture

L’auteur explique qu’il s’agit d’une activité bien plus collective qu’on pourrait le croire. Devant sa feuille, il a beau être seul, il admet « entend[re] la voix de [s]on éditrice et des relecteurs », et prendre en compte leurs conseils, leurs indications. Plus tard dans l’interview, il revient également sur le rôle majeur de son éditrice pour l’aider à enlever ou à étoffer ses textes… un véritable travail d’équipe ! 

Olivier Paquet parle longuement de son processus d’écriture et des différentes étapes qui le composent. Il développe en particulier le travail de recherches et de compilation à partir d’une idée de départ. « Ça peut prendre un an » explique-t-il, en insistant beaucoup sur l’idée qu’il est primordial de se documenter mais aussi d’oublier sa documentation, c’est-à-dire de l’incorporer, de s’en imprégner. Les deux étapes sont aussi importantes l’une que l’autre :  « Se documenter ET oublier. Car c’est le récit qui commande, on fait de la littérature ! (…) Il ne s’agit pas de bien faire ses devoirs ! »

Bien entendu, au fil des années, des romans publiés et de l’expérience, ses méthodes ont évolué et il admet écrire plus rapidement qu’à ses débuts. Mais Olivier Paquet n’hésite pas à revenir sur les difficultés qu’il a pu rencontrer dans l’écriture, sur certains points techniques. Il évoque en particulier la complexe question du dialogue. Face à ses difficultés, il a notamment lu « Dialogue » de Robert McKee et trouvé des clés techniques précises pour s’améliorer. De manière générale, il témoigne être très intéressé par les livres de techniques et conseille de les lire en ayant une question ou un problème précis en tête.

L'importance de la lecture

Olivier Paquet distille des conseils d’écriture et de travail tout au long de la vidéo. Il insiste sur l’importance de la lecture et sur la nécessité de lire « hors de son genre ».

« J’espère que quelqu’un qui veut écrire du genre a déjà lu beaucoup de genre ! C’est essentiel. Mais il est important de lire autre chose pour que son écriture progresse ». Il encourage de multiplier les lectures de tous types (les différents genres, mais aussi les différentes cultures, les différentes époques…) et surtout de lire en se demandant comment faire l’auteur pour réussir à faire ce qu’il fait. 

C’est une interview passionnante pour tous les apprentis auteurs ! Lecteurs de SF ou non, on apprend beaucoup d’Oliver Paquet et on se laisse gagner par son enthousiasme et son amour de la littérature sous toutes ses formes.

En 2022, Olivier Paquet donnera deux stages d’écriture de SF aux Artisans de la Fiction, en télé-enseignement puis en présentiel. C’est un évènement exceptionnel dont nous sommes très fiers… nous avons hâte de vous y retrouver.

PS : Nous sommes désolés pour les quelques frottements dans le son au début de la vidéo… ils disparaissent très vite, rassurez-vous.

]]>
8484 0 0 0 ]]> ]]>
Ecrire avec ses 5 sens - Joëlle Wintrebert http://www.artisansdelafiction.com/blog/interview-joelle-wintrebert/ Wed, 02 Mar 2022 09:51:51 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8536 JOËLLE WINTREBERT Intergalactiques 2021-004.00_03_42_08.Still004

Joëlle Wintrebert, romancière spécialisée dans la science-fiction et le roman historique partage avec les Artisans de la Fiction les conseils qui l'ont aidée tout au long de sa carrière.

Nous avons eu le plaisir de croiser la romancière Joëlle Wintrebert lors du festival Les Intergalactiques 2021 ! Nous en avons profité pour parler avec elle d’écriture et plus spécifiquement de son apprentissage de la fiction ! 

Spécialisée dans l’écriture de science fiction et de fantasy, Joëlle Wintrebert a également écrit des polars et des romans historiques ! Au total, elle a écrit plus d’une trentaine d’ouvrages et a été récompensée à plusieurs reprises. En 1989 son roman Le Créateur chimérique obtient le Grand Prix de la science-fiction française. En 2003 c'est son roman Pollen qui reçoit le prix Rosny aîné.

L'importance des retours

Joëlle Wintrebert nous explique qu'à ses débuts les ateliers d'écriture n'existaient pas et que son approche de l'écriture était de fait très naïve :

"J'étais très naïve par rapport à l'écriture. Même si on fait des études de lettres, cela permet de voir comment les auteurs écrivent, quelle est leur thématique etc., mais décortiquer l'écriture elle-même cela je ne l'avais jamais fait !"

Contrairement à d'autres auteurs Joëlle Wintrebert reçoit, pour ses premiers romans, très peu de retours de la part de ses éditeurs ! Ce sont les retours de ses amis romanciers qui lui permettent de mettre le doigt sur ses faiblesses pour les améliorer.

"Ce sont des amis écrivains qui ont pointé pour la première fois ce qui leur semblait poser problème dans mes textes, notamment l'usage immodéré des adverbes ! Et ça a été extrêmement important pour moi !"

En effet les retours techniques permettent aux romanciers et aux romancières de prendre du recul par rapport à ce qu'ils écrivent !

Cependant les retours ne sont pas la seule manière d'apprendre, loin s'en faut. Joëlle Wintrebert nous confie également avoir énormément appris en faisant de la traduction et du rewriting ! Cette expérience lui permettant de voir dans les textes des autres ce qu'elle ne voulait pas lire dans ses propres romans !

Cela est d'autant plus intéressant que Joëlle Wintrebert... ne réécrit absolument pas !

Ecrire sans réécriture

Parmi les auteurs il existe deux grandes tendances. Ceux qui réécrivent tout plusieurs fois (certain repartent même de zéro à chaque version comme Bernard Werbert) et ceux qui ne réécrivent... pas du tout, comme Joëlle Wintrebert !

"Ah non non je ne réécris absolument pas ! J'écris lentement mais c'est définitif. Evidemment l'écriture est plus longue."

De son côté c'est la documentation et les travaux de recherche qui prennent beaucoup de temps. Ce qui est compréhensible lorsque l'on écrit un roman historique mais pour Joëlle Wintrebert ce travail ne doit pas être négligé même dans le cadre d'un roman fantastique !

Elle nous explique cela en détail sur notre chaîne Youtube :

]]>
8536 0 0 0 ]]> ]]>
Découvrir de nouveaux outils narratifs http://www.artisansdelafiction.com/blog/les-outils-avances-narration/ Thu, 27 Jan 2022 17:14:37 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8640 Découvrir le stage « Les outils avancés de la narration littéraire »

Vous avez suivi la première année de l’Artisanat de l’écriture ou bien le stage « Les outils de la narration » ? Vous avez envie de découvrir de nouveaux outils ? De renforcer vos acquis ? D’aller plus loin dans votre maîtrise de la narration ?  Bonne nouvelle ! En février 2022, nous ouvrons le stage «Les outils avancés de la narration littéraire». Un nouveau stage idéal pour ceux et celles qui ne veulent pas se cantonner aux bases, mais pousser avec exigence leurs pratiques de la narration. Comment ce stage se déroule-t-il ? Quels outils sont étudiés ? Et comment ? Nous avons créé une foire aux questions pour mieux vous présenter notre nouvelle formation. 

Le stage les outils «avancés» est-il la suite du stage «Les outils de la narration littéraire» ?

Puis-je le suivre si j’ai fait une première année de l’Artisanat de l’écriture ?

Oui : ce stage a été pensé pour approfondir les notions vues lors du stage « Les outils de la narration littéraire » et de la première année de « L’Artisanat de l’écriture ». Nous révisons les bases (un petit rappel ne fait de mal à personne !). Cependant l'objectif est d’aller plus loin que la maîtrise de ces bases. En effet, nous avons créé ce niveau « avancé » pour permettre à nos élèves de renforcer leurs acquis, découvrir de nouveaux outils… et de mettre en pratique les outils de la narration qu’ils connaissent, sur un autre type de scène : la scène réactive. 

Moins théorique, plus analytique, ce stage va aussi vous permettre de nourrir votre créativité en explorant le champ des possibles offert par une technique, et retravailler (re-retravailler, re-re-retravailler…) son texte pour lui donner énergie, dynamisme, singularité et le pouvoir d’évocation. 

Par exemple, grâce à votre formation, vous connaissez les bases du dialogue. Vous savez qu’un bon dialogue doit faire avancer l’intrigue tout en dévoilant les caractères des personnages et la spécificité de leur relation. En partant de cette base, nous pouvons  maintenant travailler sur d’autres aspects « avancés » du dialogue en y ajoutant de l’implicite, du sur-explicite et en prenant en compte le langage corporel, en le couplant avec de la description, des réactions émotionnelles… Travailler un dialogue, c’est reprendre tout l’équilibre de son texte : renforcer la caractérisation des personnages, les non-dits, jouer avec la rythmique pour ménager du suspens ou pour souligner l’éclat d’une émotion (la colère, la joie, la surprise, etc).

De  «nouveaux»  outils  de  la  narration  seront - ils  abordés ?

L’objectif du stage est de vous faire pratiquer et aller plus loin dans la maîtrise des outils initiaux, en particulier la construction de personnage, le dialogue, la description, la stratégie narrative. Non seulement ces outils seront poussés plus loin, mais nous réfléchirons davantage à leur utilisation en miroir. 

En complément, nous aborderons deux points techniques qui ne sont pas étudiés - ou très rapidement - dans le stage « Les outils de la narration » : la scène réactive et le résumé narratif. Nous étudierons et testerons l’utilisation des outils de narration au sein d’une scène réactive, pour voir la différence avec la scène active… et comment on peut jouer sur le rythme du texte en passant de l’un à l’autre !

Quels sont les nouveaux outils et les nouvelles techniques abordés ?

Nous apprendrons à utiliser dans une scène réactive les outils de la narration vus et pratiqués dans les formations précédentes sur la scène active. Nous observerons leurs effets sur la narration, le rythme et le tissage des scènes.

Ensuite nous étudierons la construction d’une scène réactive, ainsi qu’un outil qui lui est très souvent associé : le résumé narratif. Cet outil peut également s’utiliser dans la scène active.

Puis nous travaillerons les points de vue. Il s'agira de les englober dans une optique plus large qui est celle de la stratégie narrative. Cette dernière regroupe toutes les techniques associées au narrateur de l’histoire. C'est à dire : travailler sa voix, son positionnement temporel et moral par rapport aux faits qu’il raconte, à qui il s’adresse, les temps de narration….

C’est donc un stage dans lequel vous n’allez pas seulement approfondir des notions, mais en découvrir de nouvelles !

S'agit-il d'un stage pratique ou théorique ? 

Comme toutes nos formations, ce stage comporte une dimension théorique (explications), anatomique (analyses d’extraits de roman) et pratique. Cependant, dans ce stage, ce sont les dimensions anatomiques et pratiques qui nous occuperont principalement. Nous allons étudier en profondeur les façons dont des auteurs très différents utilisent les outils qui nous intéressent. Nous tenterons de les imiter en mettant en pratique nos observations. L’objectif ? Comprendre que les outils de la narration sont plastiques. Ils deviennent  intéressants non pas quand ils sont « bien appliqués » scolairement, mais quand ils sont au service du texte, de l’histoire, de l’ambiance que vous voulez établir, du sujet que vous portez. Ils sont là pour rendre accessible, passionnante, immersive et belle, cette histoire que vous avez dans la tête. Vous apprendrez donc à lire comme un écrivain, et vous commencerez à apprendre à écrire comme un écrivain !

Pourquoi suivre le stage les outils avancés de la narration littéraire ?

Pour dépasser le niveau initial en narration ! Écrire clairement, de manière compréhensible et faire passer une action et une émotion sans perdre le lecteur… c’est l’objectif du stage « Les outils de la narration littéraire  » et de la première année de l’Artisanat de l’écriture. Et si vous avez suivi l’une ou l’autre de ces formations, vous savez que c’était déjà un objectif ambitieux ! Le stage « avancé » a l’ambition de vous amener plus loin et de vous ouvrir de nombreuses pistes pour le faire.  

Ce stage est aussi fait pour que vous pratiquiez beaucoup, que vous écriviez et réécriviez votre texte plusieurs fois, en améliorant toujours un nouvel aspect. À la fin de ce stage vous aurez une idée  claire des différentes phases de ré-écriture. Comment améliorer le rythme général ? Rendre mes phrases plus fluides ? Mon dialogue moins « informatif » et plus nécessaire, puissant et réaliste ?

Vous sortirez de cette formation avec de très nombreuses pistes de réécriture et d’amélioration. Elles vous serviront toujours, pas seulement pour le texte que vous aurez écrit pendant la semaine. A l'issue de ce stage vous aurez démultiplié la puissance que peuvent donner les outils à votre écriture !

Est-ce que les résultats seront immédiats ? Aurai-je un texte publiable à la fin du stage ? 

Comme pour tout apprentissage, les résultats ne peuvent être immédiats ! Encore moins dans un stage avancé qui aborde des techniques complexes et pour lesquelles la théorie ne fonctionne plus… ce qui compte, c’est de tester, d’observer, souligner et renforcer les effets que vous voulez faire vivre à votre lecteur. Vous ferez donc le plein de techniques, d’idées, de pistes pour renforcer vos acquis et solidifier vos textes de fiction… avec le rythme et la densité qui font la réputation des formations aux Artisans de la Fiction.

Il sera de votre responsabilité de remettre cent fois votre travail sur l’ouvrage. D'être exigeant.e avec vous-même. De lire et analyser les auteurs que vous aimez, que vous améliorerez votre technique narrative. 

Conclusion : Si vous êtes passionné(e) de narration écrite, que vous adorez travailler et retravailler un texte pour qu’il soit fascinant, fluide et singulier (à l’instar de Carole Martinez ou Pierre Lemaitre qui ré-écrivent  et relisent énormément !) alors ce stage est fait pour vous  ! Vous allez adorer vous pencher sur des extraits d’auteurs modernes et contemporains pour comprendre leurs techniques d’écriture et les imiter afin d’enrichir votre maîtrise et vos savoir-faire.

Gardez en tête que ce stage s'intéresse à la narration écrite, la mise en scène et la maîtrise de la langue. Ce n’est pas un stage de construction de scénario ni de recherches d’idées créatives. Si vous souhaitez vous former et approfondir vos bases en dramaturgie, vous pouvez vous tourner vers nos stages “Préparer et construire un roman”, “Raconter avec les 7 intrigues fondamentales” ou encore “L’Arc transformationnel du personnage”. 

]]>
8640 0 0 0 ]]> ]]>
Comment écrire de la science-fiction ? http://www.artisansdelafiction.com/blog/ecrire-science-fiction/ Tue, 08 Mar 2022 08:28:40 +0000 http://www.artisansdelafiction.com/?post_type=blog&p=8679 Ecrire de la science-fiction, un défi pour les apprentis auteurs

Vous adorez les histoires de space opéra, d'aliens et d'androïdes ? Vous vous doutez qu'écrire de bonnes histoires de science-fiction demande des compétences particulières ? Oui, mais lesquelles ? 

écrire science-fiction

Attention aux erreurs de débutant

Se lancer dans l'écriture d'une littérature de genre peut sembler, au premier abord, plus facile. Détrompez-vous : les littérature de genre ont leurs codes et leurs amateurs qui les connaissent.

Les erreurs les plus courantes lorsqu'on commence à écrire de la science-fiction sont : - Bombarder le lecteur d'informations techniques : un roman ou une nouvelle de science-fiction est avant tout une histoire (et non un manuel technique ou un article scientifique). - Traiter d'un sujet scientifique que vous ne connaissez pas : faites vos recherches et utilisez vos champs de compétence. - Se contenter de transposer son quotidien en ajoutant quelques termes de SF (personne ne sera dupe, surtout pas les lecteurs). - Tenter d'écrire de la science-fiction sans en avoir jamais lu. - Être incompréhensible. Quelle que soit la forme ou l'origine de votre protagoniste (Alien, IA, IA alien,...), n'oubliez pas que votre lecteur est un être humain. Aidez-le à s'identifier à votre protagoniste, qu'il soit humain ou non-humain.

Se repérer parmi les types de science-fiction

Se lancer dans l'écriture de science-fiction sans bases risque d'être catastrophique. Pour éviter d'écrire de la science-fiction stéréotypée (c'est-à-dire une copie de copies de qualité dégradée), vous allez devoir dans un premier temps vous pencher sur l'origine du genre. La science-fiction n'est pas un genre apparu au 21 siècle. Ni dans les années 1960. Ni dans les années 1930.

Le terme de science-fiction est apparu pour la première fois en 1851. Les transformations qui affectent la société en plein boom industriel se manifestent à cette époque-là dans la fiction, sous la forme du merveilleux scientifique ou des voyages extraordinaires (qui incluent les romans de Jules Verne).

Mais certains font remonter la science-fiction… aux mythes Grecs, car le forgeron de Zeus, Héphaïstos construit une femme robot avec qui il peut travailler et converser, ainsi que des tables de banquet automatiques qui se rendent seules à l'Olympe.

Les débats autour de l'origine de la science-fiction sont sans fin.

Il existe de nombreuses sous catégories de science-fiction.

Les plus connues sont : -La hard science (des histoires s'appuyant sur des connaissances scientifiques réelles). -Les voyages dans le temps (comme "la machine à explorer le temps" d'H.G.Wells) -L'uchronie (comme "Le maître du haut château" de Philip K.Dick, où le romancier américain imagine que l'axe a gagné  la Seconde Guerre mondiale). -Le cyberpunk (créé par le roman "Neuromancien" de Wiliam Gibson, qui a littéralement imaginé le monde cyber en 1984) -Le space opéra ("Star Treck", "Star Wars", et tellement d'autres, comme les cycles de Peter F. Hamilton et Alastair Reynolds) - La science-fiction post apocalyptique (de "Ravage" de Barjavel à "La route" de Cormac McCarthy, en passant par "Mad Max").

Bien sûr, cette liste ne s'arrête pas là et pourrait inclure la Space Fantasy (qui combine Space Opéra et Fantasy), et le Planet Opera.

Conseils pour écrire de la science-fiction

Vous l'avez compris : raconter des histoire de science-fiction ne s'improvise pas. Mais cela ne veut pas dire qu'il soit impossible d'écrire dans un genre donné. Au contraire : à la différence de la littérature dite "blanche", les littératures de genre répondent à des codes. Le conseil incontournable est :

Lire dans le genre pour en connaître les codes

Les romanciers et professeurs de narration du monde entier le répètent : il faut lire pour écrire. Et il faut "apprendre à lire comme un écrivain". Être fan de “Star Wars” n'est pas suffisant. Vous allez devoir lire aussi les auteurs classiques de science-fiction (années 50, années 70, années 90, et actuels…). Le meilleur moyen de découvrir un large panel d'auteurs de SF est de lire des anthologies et des recueils de nouvelles présentant les histoires de différents auteurs. Cela vous permettra d'identifier des auteurs que vous appréciez et dont vous aurez ensuite envie d'explorer l'œuvre (car de nombreuses nouvelles de science-fiction ont été ensuite développées sous la forme de romans).

Nous vous recommandons "La grande anthologie de la science-fiction - Histoire de (Fin du monde, extraterrestres, automates…)" que vous trouverez facilement d'occasion. 

Et un conseil donné par l'écrivain de science-fiction Olivier Paquet :

"Maîtrisez bien sûr le genre, mais n'oubliez pas de lire en dehors du genre où vous voulez écrire !". 

Comment s'y prendre pour écrire de la science-fiction ?

Pour vous outiller, Les Artisans de la Fiction proposent un stage d'écriture dédié aux outils, techniques et à la culture de la science-fiction animé par Olivier Paquet. Olivier Paquet est un romancier et nouvelliste de science-fiction publié par les éditions de L'Atalante qui éditent de très grands auteurs de science-fiction, et de fantasy depuis 1979. Leur catalogue compte notamment le « Disque-monde » de Terry Pratchett et "Les Guerriers du silence" de Pierre Bordage.

Au programme du stage Écrire de la science-fiction

  • Découvrir l’histoire du genre.
  • Apprendre à co-construire un univers narratif de science-fiction.
  • Apprendre à construire un personnage pour une histoire de SF.
  • Construire la structure d’une histoire de voyage dans l’espace.
  • Apprendre les techniques de description de la science-fiction.
  • Co-construire la structure d’une histoire de metaverse.
  • Apprendre à construire une scène d’action.
  • Apprendre à gérer l’information afin de dépayser le lecteur sans le perdre.

Au cours de ce stage vous vous formerez aux bases de l'histoire du genre, vous apprendrez à préparer les fondations d'une histoire de SF, vous apprendrez à construire des personnages humains et non humains complexes, vous vous familiarisez avec la construction d'une scène d'action et vous apprendrez à rendre digeste pour le lecteur les informations complexes de votre histoire : Stage Écrire de la Science Fiction

N'hésitez pas à explorer le très bon rayon SF de la Librairie Vivement Dimanche, et de demander conseil à Gabriel, spécialiste des littératures de l'imaginaire.

]]>
8679 0 0 0 ]]> ]]>