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  Reportage TSR Nouvo du 27.11.04
Chanel: Un film sinon rien
 
Ce serait la campagne la plus chère de l'histoire. Plutôt qu'une pub luxueuse, Chanel No5 se paie le luxe d'un vrai film, avec Nicole Kidman dans le rôle de l'égérie. «Moulin Rouge» dans un flacon, c'est le dernier coup du directeur artistique de Chanel Jacques Helleu. Rencontre. 
 
 

Avec 9 millions de téléspectateurs, c'est un record d'audience. Pour une pub. Le 21 novembre sur TF1, Chanel No5 s'offre deux minutes de prime time et un vrai générique de cinéma, d'ailleurs chez Chanel on l'appelle « LE film ».

Derrière cette campagne hors norme, celui qui depuis 40 ans fait l'image de Chanel, son directeur artistique Jacques Helleu. L'homme a beaucoup de flair et beaucoup de moyens. Séduit par Nicole Kidman dans le film de Baz Luhrmann, il décide d'offrir « Moulin Rouge » à son No5. Première rencontre avec l'actrice en 2003 à New York. « Il était 11 heures du matin, raconte Jacques Helleu, je pensais qu'elle viendrait un peu à la Adjani, en impair et lunettes noires. Pas du tout, elle était hyper séduisante, mais entourée de deux avocats et de deux hommes d'affaires ». Pour un cachet qui s'élèverait – selon la rumeur – à 10 millions de francs.

Après Catherine Deneuve et Carole Bouquet, pourquoi chercher sa nouvelle égérie à Hollywood, sinon pour faire les yeux doux aux Américains? « C'est faux, explique Jacques Helleu, d'ailleurs Chanel a fait un carton aux Etats-Unis avec Catherine Deneuve. Il n'a jamais été question de se tourner vers des modèles qui pourraient uniquement plaire aux Américains ».

Jacques Helleu avoue préférer l'actrice en blonde. Blonde Nicole sera.

Reste à convaincre le réalisateur de « Moulin rouge » Baz Luhrmann. Heureux hasard, le cinéaste australien a toujours voulu faire un film sur la vie de Coco Chanel. Il accepte. Mais Baz Luhrmann n'est pas un pubeux, loin de là. « Ce que je peux faire, c'est un court métrage de deux minutes, explique-t-il, la bande-annonce d'un film qui n'existera jamais ».

La pub est tournée dans les studios Fox à Sydney. Cinq jours de tournage, 250 figurants, six mois de post-production. Des moyens dignes d'un long métrage. Ce serait même le spot le plus cher de l'histoire. A ce prix, c'est bien plus que le No5 mais toute l'image de Chanel qui est en jeu. « Je sais que si je me trompe, je suis mort » résume Jacques Helleu. La campagne doit être une vitrine pour tout l'empire Chanel. Joaillerie, haute couture, maquillage, tout est soigneusement mis en scène dans le film. La joaillerie Chanel y présente pour 45 millions de dollars de bijoux et Karl Lagerfeld dessine cinq robes spécialement pour la pub. Trois personnes de la joiaillerie Chanel sont dépêchées sur le tournage pour ajuster le pendentif, allusion diamantée au No5.

Dans le monde selon Jacques Helleu, les cinéastes sont aussi importants que les égéries. C'est lui engage le réalisateur d'« Alien » Ridley Scott pour tourner une série de spots avec Carole Bouquet dans les années 80. C'est encore lui qui confie la version « chaperon rouge » du No5 à Luc Besson. Pourtant, même à Chanel et à ses moyens, on dit parfois non. « Louis Malle et François Truffaut avaient refusé, explique Jacques Helleu, ils pensaient qu'il était impossible pour eux de concrétiser un film de 30 secondes qui soit représentatif de leur image cinématographique ». D'autres tentatives n'ont pas abouti, avec Ettore Scola, Pedro Almodovar ou encore Wong Kar-Wai. « Parfois il manque l'inspiration ou la motivation, poursuit-il, l'argent ne suffit pas ».

Et quand on invite le 7e art dans la pub, il arrive que le produit passe au second plan. Pour la première fois, le flacon carré auréolé par Warhol est totalement absent de la campagne. « J'ai tout de suite adhéré à l'idée, affirme Jacques Helleu, le flacon fait partie de l'inconscient collectif. En revanche, le rappel par une manière indirecte comme le diamant est à la fois plus subtil et plus fort ».

« Chanel No5 Le film » n'a peut-être pas l'éclat visuel des spots précédents mais sa force est finalement de glisser une bande-annonce de cinéma au milieu d'un bloc de pub. Pour se distinguer. A l'heure où tout le monde parle de « product placement » au cinéma pour parer à la lassitude du public pour la pub classique, Chanel se paie rondement le film. 






Carine Jaggi pour la TSR

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