Culture - Enseignement

Je suis né le 5 mars 1949 à Wezembeek-Oppem, séparée de Bruxelles par la frontière linguistique qui en 1962 divisa la Belgique en deux. Wezembeek-Oppem est depuis lors une commune dite «à facilités», étrange statut qui, plutôt qu’un compromis entre Flamands et francophones, ne fit qu’attiser leur guerre communautaire. Je ne sais ce qui poussa mes parents, natifs du pays de Herve, à s’installer là, sinon le voisinage de Bruxelles où mon père avait trouvé du travail comme juriste au ministère des communications.

Tout se complique dans les communes à facilités, y compris les naissances. La mienne eut lieu sur la table de la cuisine, la seule pièce disposant de l’eau courante. Un chauffage électrique branché à la hâte provoqua un effet de condensation. Au moment où la sage-femme m’extrayait du ventre de ma mère, il pleuvait dans la pièce. Ces gouttes ajoutées au liquide amniotique que je quittais en larmes, aux sanglots de ma mère et de ma grand-mère, arrivée la veille en train de Mortroux, créèrent une confusion aqueuse que l’on retrouvera plus tard dans mes livres, tous écrits sous le signe de l’eau.

J’aurais aimé, le moment venu, qu’il fût gravé sur ma tombe «ici repose un homme dont le nom fut écrit sur l’eau», si cette épitaphe n’était déjà prise par un poète ô combien plus grand que moi.