Migrants à Lampedusa : retour, jour par jour, sur la crise qui touche l'Italie et l'Europe

En quelques jours, 10 000 personnes ont débarqué sur l'île située à 150 km des côtes tunisiennes. Le centre d'accueil est débordé. Et la situation s'envenime au niveau européen.

Des migrants attendent devant le centre d'accueil de Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie.
Des migrants attendent devant le centre d’accueil de Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie. (©AFP/Alessandro Serranò)
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Lampedusa : c’est le nom de cette petite île italienne située au large de la Méditerranée, prisée des touristes, confrontée depuis la semaine du 11 septembre 2023 à un afflux de migrants venus d’Afrique du Nord.

En tout, près de 10 000 personnes ont traversé la mer pour débarquer sur l’île, dont le centre d’hébergement d’urgence ne contient que 400 places.

L’Italie a demandé l’aide de l’Union européenne (UE) pour gérer la situation, mais ses voisins européens, notamment la France et l’Allemagne, bloquent. Au point de relancer l’épineux débat de la crise de l’accueil sur le Vieux Continent.

Depuis, la polémique sur la pression migratoire enfle. On vous résume, jour par jour, la situation.

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Afflux massif de migrants entre mardi et mercredi

  • Mardi 12 septembre 2023

Plus de 5 000 personnes et 112 bateaux : voici le nombre d’arrivées enregistrées sur l’île italienne depuis le mardi 12 septembre 2023. Pays de départ ? La Tunisie ou la Libye, d’où sont parties des personnes originaires de territoires d’Afrique subsaharienne, comme le Soudan, l’Éthiopie, la Somalie, le Tchad, l’Érythrée ou le Niger. Mais aussi de pays comme la Guinée, la Côte-d’Ivoire ou la Gambie.

Beaucoup pensaient rester en Tunisie, mais la crise économique et le durcissement des conditions d’accueil dans ce pays d’Afrique du Nord ont poussé des hommes et des femmes à traverser la Méditerranée pour rejoindre Lampedusa. Et pour cause : les autorités tunisiennes sont accusées d’avoir expulsé certains migrants vers les frontières libyennes ou algériennes, où ils se retrouvaient parfois abandonnés en plein désert.

Une autre explication à cet afflux massif est à chercher du côté des bonnes conditions météo de ces derniers jours, qui ont convaincu de nombreux migrants à prendre la mer pour Lampedusa, seulement située à quelque 150 km des côtes tunisiennes.

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Grâce à sa position privilégiée, l’île constitue une porte d’entrée vers l’Europe. Elle est même souvent le premier point d’escale des migrants, comme on vous l’expliquait dans un précédent article.

Lors de ce premier jour d’arrivées massives, un bébé de cinq mois est mort lors du sauvetage chaotique d’un bateau duquel le nourrisson est tombé à l’eau et s’est noyé. 

Des migrants arrivent dans le port de Lampedusa, le 18 septembre 2023 en Italie.
Des migrants arrivent dans le port de Lampedusa, le 18 septembre 2023 en Italie. (©AFP/Zakaria ABDELKAFI)

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  • Mercredi 13 septembre

Le lendemain, mercredi 13 septembre 2023, encore 3 000 autres personnes ont mis le pied sur l’île depuis leurs embarcations de fortune surchargées, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur italien. Repoussant encore les capacités du centre d’accueil de l’île, complètement débordé.

La plupart des migrants ont été récupérés en mer par les garde-côtes italiens, qui les ont ensuite amenés jusqu’à l’île.

Ainsi en deux jours, le nombre de personnes arrivées a dépassé la population de l’île, habitée par près de 6 500 personnes en tout. Selon Matteo Villa, du centre de réflexion ISPI, ce nombre d’arrivées en 48 heures est un « record absolu ».

Le 13 septembre, la commune est contrainte de déclarer l’état d’urgence local. Des tensions ont éclaté lors de la distribution de nourriture par la Croix Rouge Internationale.

Car le « hotspot », nom donné au centre de triage où les personnes nouvellement arrivées sont tenues à l’écart de la population locale et pré-identifiées avant d’être transférées sur le continent, n’a absolument pas la capacité d’accueillir dignement les personnes qui arrivent quotidiennement sur l’île. 

Il faut dire que le centre d’accueil n’est doté que de 389 places, rappelle l’association Cimade, association française de solidarité aux personnes opprimées et exploitées.

Par la suite, l’Allemagne a annoncé suspendre l’accueil volontaire de demandeurs d’asile en provenance d’Italie, pourtant prévu par les accords européens.

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Les nouveaux arrivants dispersés vers d’autres centres d’accueil

  • Jeudi 14 septembre 

Le jeudi 14 septembre 2023 matin, de nombreuses personnes ont commencé à s’échapper du hotspot en sautant les clôtures « en raison des conditions inhumaines dans lesquelles elles y étaient détenues », selon la Cimade. Les associations humanitaires dénoncent un manque de nourriture, d’eau et de soins médicaux.

Face à l’incapacité des autorités italiennes à offrir un accueil digne, la solidarité locale a pris le relais. De nombreux habitants et habitantes se sont mobilisés pour organiser des distributions de nourriture aux personnes réfugiées dans la ville.

La Cimade

Des hommes, des femmes et des enfants sont contraints de dormir dehors sur des lits de fortune en plastique, beaucoup enveloppés dans des couvertures de survie.

Des migrants escaladent la barrière du centre d'accueil de Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie.
Des migrants escaladent la barrière du centre d’accueil de Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie. (©AFP/alessandro serrano)

En fin de journée, quelque 5000 personnes devaient être transférées vers la Sicile. Dans la journée également, Marion Maréchal Le Pen, vice-présidente du parti d’extrême droite Reconquête, est arrivée sur l’île.

Au micro de BFMTV, elle a estimé que le gouvernement italien était « abandonné » par l’UE et a fustigé la responsabilité de la France face à cette situation.

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  • Vendredi 15 septembre 2023

Vendredi 15 septembre 2023, les nouvelles arrivées se sont tassées sur Lampedusa.

Alors que l’Allemagne a rapidement fermé la porte à l’accueil de migrants, la France a fait savoir ce vendredi, qu’elle allait envoyer des renforts pour lutter contre l’immigration clandestine à la frontière avec l’Italie. « Notre devoir à tous, Européens, est de ne pas laisser l’Italie seule face à cette situation », a réagi Emmanuel Macron.

Selon la Croix-Rouge Internationale, 700 transferts ont déjà eu lieu ce vendredi matin vers la Sicile et le continent, et 2 500 autres personnes devaient quitter l’île dans le courant de la journée.

Les personnes sont transférées dans d’autres centres en Italie, où elles pourront suivre leur demande d’asile, si elles en déposent une, puis envisager une installation plus pérenne en cas de réponse favorable.

À savoir qu’en Italie, le taux de rejet en première instance des demandes de protection s’élève à 56 % entre janvier et juin 2023, selon le Haut Commissariat des Nations unies (HCR), l’agence de l’ONU consacrée aux réfugiés.

Des chiffres

114 300 : c'est le nombre de migrants arrivés en Italie entre janvier et août par la Méditerranée, selon les chiffres de Frontex, l'agence européenne de gardes-frontières et de gardes-côtes. C'est presque deux fois plus qu'à la même période en 2022.

2 000 : c'est le nombre de personnes mortes cette année lors de la traversée entre l'Afrique du Nord, l'Italie et Malte, selon les chiffres de l'agence de l'ONU pour les migrations.

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Ursula von der Leyen annonce un plan d’urgence

  • Samedi 16 septembre 2023

Les ministres de l’Intérieur français, italien et allemand ainsi qu’un représentant de la présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne ont tenu une conférence téléphonique. Gérald Darmanin a indiqué qu’il se rendrait « dans les prochains jours » sur l’île.

Lampedusa apparaît comme le symbole d’une submersion migratoire ces derniers temps, est-ce vraiment le cas ? « Non », tranchent des experts. « On parle de très peu de personnes, à l’échelle des grands pays d’accueil dans le monde », estime la géographe spécialisée dans les migrations, Camille Schmoll.

Pour les seuls réfugiés, la Turquie accueille 3,6 millions de personnes, l’Iran plus de trois millions. « On se focalise sur Lampedusa parce que les images sont impressionnantes et parce qu’il y a un phénomène de  »surconcentration’‘, d’hyper-visibilité lié au fait que l’île est exiguë et que le centre d’accueil est débordé’, dit-elle.

De nombreux chercheurs dénoncent « une instrumentalisation politique » et des épisodes maritimes qui sont devenus « un outil de propagande » pour l’extrême droite.

Des migrants dorment sur des lits de camp à Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie.
Des migrants dorment sur des lits de camp à Lampedusa, le 14 septembre 2023 en Italie. (©AFP/Alessandro Serrano)

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  • Dimanche 17 septembre 2023

Ursula von der Leyen et Giorgia Meloni sont arrivées dimanche 17 septembre 2023 au matin sur l’île italienne. Des habitants mécontents de ces arrivées massives ont accueilli les officiels à l’aéroport, menaçant de bloquer leur cortège.

« Nous faisons tout notre possible », leur a répondu la cheffe du gouvernement italien, ajoutant : « Comme d’habitude, je prends personnellement la responsabilité ».

La Première ministre italienne, élue il y a un an, et la présidente de la Commission Européenne, se sont d’abord rendues au port. Puis celle-ci a donné une conférence de presse durant laquelle elle a annoncé un plan d’urgence pour aider l’Italie à gérer l’arrivée record de migrants sur son territoire.

Un plan censé conjuguer fermeté à l’encontre des passeurs et facilitation des voies légales d’entrée dans l’espace européen pour les candidats éligibles à l’asile. Parmi les mesures également, le renforcement de la surveillance en mer et l’intensification du retour des déboutés du droit d’asile.

Des points qui font bondir les ONG humanitaires : 80 d’entre elles dénoncent dans un communiqué conjoint « de vieilles recettes que l’Union européenne met en place depuis des dizaines années et qui ont prouvé leur échec, ne faisant qu’aggraver la crise de la solidarité et la situation des personnes migrantes ».

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« La France n’accueillera pas de migrants »

  • Lundi 18 septembre 2023

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur français, s’est rendu ce lundi à Rome pour rencontrer son homologue italien. Déjà, il a fait preuve de fermeté quant à l’accueil des migrants en France.

Si l’Italie est géographiquement en première ligne en Méditerranée, elle est toutefois loin d’être le premier pays d’accueil effectif. Une partie des exilés fait l’objet d’une répartition vers d’autres pays, une autre poursuit son chemin clandestinement.

Ainsi, sur le million de demandes d’asile enregistrées en 2022 dans les pays européens, l’Italie en avait reçu 84 000, deux fois moins que la France (156 000) et très loin de l’Allemagne (244 000).

  • Mardi 19 septembre 2023

Gérald Darmanin, invité du JT de 20h sur TF1 mardi 19 septembre 2023 soir, a de nouveau évoqué le sujet de Lampedusa. Il a fait de nouveau preuve de fermeté quant à la gestion de ce flux migratoire.

La France n'accueillera pas de migrants qui viennent de Lampedusa. Il y a une immigration irrégulière en Europe, en France et en Italie qu’il faut combattre, et ce n’est pas en accueillant plus de personnes qu’on va tarir un flux qui évidemment touche nos capacités d’intégration.

Gérald DarmaninMinistre de l'Intérieur

Balayant d’un revers de la main l’installation de camps de migrants à Menton, le ministre a même assuré que la France était prête à aider « ses amis italiens » pour reconduire les migrants [à la frontière]. 

« C’est pour cela que l’on va demander à la Commission européenne qu’il y ait plus de contrôles », a-t-il ajouté, n’excluant pas de mobiliser des forces de l’ordre françaises. La ville de Menton (Alpes-maritimes) verra d’ailleurs « 200 effectifs supplémentaires » de policiers et gendarmes.

Les afflux de migrants devraient s’intensifier dans les prochains mois au regard de la pression migratoire accrue sur cette route, selon un communiqué de Frontex. La route méditerranéenne centrale est pourtant considérée comme la route migratoire maritime la plus dangereuse au monde.

« Les passeurs baissent les prix pour les migrants partant de Libye et de Tunisie, dans un contexte de concurrence féroce entre les groupes criminels », résume l’agence de garde-frontières.

Avec AFP

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