Jacques Lacroix
Les noms d'origine gauloise
La Gaule des combats
2 e édition revue, corrigée et augmentée
Préface de Venceslas Kruta
Illustration de couverture :
Fragment de tôle de bronze perforée figurant deux guerriers celtes au combat. Il pourrait
s’agir d’un plastron de cuirasse. Lacoste (Mouliets-et-Villemartin, Gironde). Fouilles
Christophe Sireix. Photo P. Ernaux/Inrap.
Chez le même éditeur :
Pierre-Henri Billy, Dictionnaire des noms de lieux de la France , 201 1
Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise , 2003
Xavier Delamarre, Noms de personnes celtiques dans l ’épigraphie classique , 2007
Stéphane Gendron, L’origine des noms de lieux en France, 2008
Pierre- Yves Lambert, La langue gauloise, 2003
Achevé d'imprimer en février 2012
par l'imprimerie XL-Print
42010 Saint-Etienne
Dépôt légal : mars 2012
N° d'imprimeur : V010020/00
Imprimé en France
© Editions Errance, Paris, 2012
7, rue Jean-du-Bellay 75004 Paris
Tél. : 01 43 26 85 82
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ISBN : 978-2-87772-479-1
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PRÉFACE de V. Kruta 5
INTRODUCTION GÉNÉRALE 7
INTRODUCTION À LA GAULE DES COMBATS 1 1
CHAPITRE I : LES RAISONS DES COMBATS 13
1 - Les mouvements des peuplades 13
2 - Les conflits entre peuples voisins 30
CHAPITRE II : L’ÉQUIPEMENT MILITAIRE 61
1 - L’habillement des soldats 61
2 - Les armes 64
CHAPITRE III : LA GUERRE DE DÉFENSE 87
1 - Le rôle des sites de nature 87
2 - Les forteresses 111
CHAPITRE IV : LA GUERRE D’ATTAQUE 155
1 - Avant la bataille 155
2 - La bataille 167
3 - L’issue du combat 193
CONCLUSION À LA GA ULE DES COMBATS 205
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 207
INDEX ' 225
TABLE DES CARTES ET TABLEAUX 238
TABLE DES MATIÈRES 239
“La terre est comme notre peau,
condamnée à conserver la trace des blessures anciennes.”
Fernand Braudel, L'Identité de ta France
“Ces mots durs et noirs,
[. . .] c’est l’humus de ma mémoire.”
Jean-Paul Sartre, Les Mots
L’importance et la nature du substrat gaulois, ou plus généralement celtique, sous
ses différents aspects, est une question d’actualité non seulement en France, mais dans
un bon nombre de pays européens parmi les vingt-deux qui ont connu un passé cel-
tique. Le sujet choisi par M. Lacroix répond parfaitement aux préoccupations actuelles.
Le moment est d’autant plus favorable à une telle enquête que l’intérêt pour la langue
gauloise, et les anciennes langues celtiques en général, a été renouvelé à la suite de la
découverte (ou redécouverte) d’un matériel épigraphique bien plus abondant et important
qu’on ne le croyait jadis. Par ailleurs, le passé celtique est désormais abordé sans a priori,
sans excès de méfiance ou de confiance.
Le travail présenté est incontestablement une somme impressionnante, fruit d’une
recherche qui ne s’est pas cantonnée dans l’approche strictement linguistique, mais a
cherché à aborder le sujet dans le contexte plus général des anciennes sociétés celtiques,
avec l’espoir de trouver dans les mots qui nous sont parvenus une sorte d’empreinte des
aspects de ce passé celtique qui ont été particulièrement significatifs et importants.
L’analyse linguistique est censée devenir ainsi un moyen de compléter l’image de la
culture et de la société des anciens Celtes par la mise en évidence des domaines où son
impact a été le plus durable, donc le plus fort.
Cette préoccupation d’enrichir l’analyse linguistique en la plaçant dans un contexte
historique et archéologique me paraît une très heureuse innovation, car aucun des travaux
analogues ne l’a réalisé avec une telle amplitude. C’est ce qui explique également l’or-
ganisation du travail en trois tomes - la Gaule des combats, des activités économiques,
des dieux -, subdivisés en chapitres traitant de thèmes ponctuels, judicieusement choisis
en fonction des matériaux disponibles. L’ensemble est ordonné, agréable et instructif
à lire, d’une consultation d’autant plus facile que les index thématiques facilitent les
recoupements. Cette riche matière est traitée avec un sens critique pondéré et exercé
avec à propos. Le résultat est tout à fait convaincant et nouveau par l’importance qu’il
découvre à d’autres domaines que la toponymie et le monde rural : la guerre, l’économie
et le sacré. Nous avons un travail riche par ses vues d’ensemble mais aussi par le détail.
Evidemment, il n’est probablement pas exhaustif, mais l’échantillon apparaît suffisam-
ment représentatif pour permettre des conclusions qui sont pleinement corroborées par
ce que nous enseignent les autres catégories de sources.
Cet ouvrage est tout à fait exceptionnel par l’ampleur des vues et de la culture géné-
rale de son auteur, ses évidentes capacités d’une approche critique originale d’un champ
de recherche difficile, souvent miné par des interprétations traditionnelles dont le fonde-
ment est finalement bien moins solide qu’on ne le croit.
Venceslas Kruta
Les mots en majuscules correspondent à des noms d’origine gauloise et/ou issus du
celtique antique.
Un mot précédé d’un astérisque indique une forme reconstituée.
Les références des ouvrages et articles cités dans le texte - qui renvoient à la biblio-
graphie en fin d’ouvrage - mentionnent entre parenthèses le(s) nom(s) d’auteur(s),
l’année d’édition (ou de réédition), avec éventuellement le tome, et la page ou les
pages concernées.
Seule exception : GG servira à désigner le texte de La Guerre des Gaules de Jules
César.
GG J pour l’édition et la traduction de Léopold- Albert Constans.
GG2 pour l’édition et la traduction de Maurice Rat.
“Le cas du gaulois est[-il] sans espoir” ? se demande Pierre- Yves Lambert par l’en-
tremise d’un lecteur imaginaire, prêt à refermer, dans son découragement, l’étude qu’il
était en train de lire sur cette langue (2003, 212). Sa connaissance est certes très fragmen-
taire. “Le gaulois est une langue dont il ne subsiste que des débris”, des “maigres restes”
(Delamarre, 2003, 8). Les documents épigraphiques nous donnent le plus souvent des
noms sans contexte, au sens mal établi ; les courtes formules stéréotypées apparaissent
pauvres et répétitives. Quant aux rares textes suivis que nous possédons, ils ne permettent
que des interprétations très incomplètes et, il faut bien le reconnaître, assez incertaines
et sans retombées majeures encore pour comprendre l’action de la langue gauloise sur
le français.
Cette connaissance très lacunaire est pourtant déjà miraculeuse : “Il est tant de lan-
gues, souligne Christian Guyonvarc’h, dont on ne sait rien, si ce n’est qu’elles ont existé
à un certain moment de l’histoire de l’humanité. Or, le gaulois n’avait aucun texte litté-
raire et il a disparu depuis quinze siècles” (1974a, 378).
Les difficultés à bien cerner le substrat gaulois dans la langue française - c’est-à-dire
les traces que le gaulois, recouvert par la langue latine, et par les autres superstrats, est
néanmoins parvenu à laisser dans notre langue - découlent en grande partie de ces faits.
Ce ne sont pas les seuls. Les noms de lieux, lorsque l’attestation des formes anciennes
vient à manquer, ou se montre trop tardive, sont difficiles à rapporter avec certitude au
celtique, quand bien même on les suspecte d’être prélatins ; il faut parfois hésiter entre
une origine celtique et préceltique. Si l’étymologie celtique est assurée, le fait ne signifie
pas que le toponyme remonte lui-même à l’époque de la Gaule (il peut avoir été formé
à une date bien postérieure, un appellatif gaulois étant passé dans la langue romane).
Sur le plan du lexique, il n’est pas non plus aisé de déterminer sûrement tous les mots
français devant avoir une origine gauloise (sur la méthode, voir Delamarre, 2002, 6-7).
L’absence d’étymons attestés oblige à des restitutions conjecturales et à des hypothèses
parfois très fragiles. Le défaut d’éléments de comparaison peut se révéler gênant : on doit
tenir compte du fait que si une grande partie du vocabulaire gaulois provenait du celtique,
d’autres mots appartenaient à un substrat antérieur pour lequel le recours dans l’analyse
au celtique insulaire devient inopérant (Flobert, 1994, 206 ; 1995, 265).
A ces problèmes s’ajoute une certaine prévention qui s’est exercée dans un passé
récent contre l’influence gauloise supposée, et aussi - depuis beaucoup plus longtemps
- une certaine méconnaissance culturelle des faits celtiques (aussi bien linguistiques
qu’historiques). Nous devons constater que le grand public ignore le plus souvent
l’existence d’une toponymie française d’origine gauloise, et même “l’honnête homme”,
influencé par une formation classique gréco-romaine. La connaissance juste des mots
du substrat a de son côté subi le préjudice des élucubrations celtomanes des XVIII e /
XIX e siècles (et encore du début du XX e siècle), qui prétendaient expliquer le français, le
breton, voire toutes les langues, par la langue gauloise. En juste réponse, on a eu plutôt
tendance depuis cette époque à minimiser - prudemment -, parfois même à occulter,
la part gauloise du vocabulaire français, considérant qu’elle se réduit à une poignée de
mots auxquels on fait rapidement mention dans les histoires de la langue, et d’une façon
le plus souvent stéréotypée : limitée à un sens strictement “rural” (“Les romanistes sem-
blent avoir eu souvent à cœur, par réaction contre les excès des celtomancs, de réduire au
minimum l’influence du celtique sur les langues romanes”, disait déjà Georges Dottin)
(1920,72).
Pour ces raisons, on a parfois un peu “surestim[é] l’élément latin” dans l’analyse
linguistique (Delamarre, 2003, 10). Une tendance différente a entraîné d’autres linguistes
(particulièrement dans les années 1950-1990) à accroître exagérément la part - certes
réelle - du préindo-européen dans notre toponymie (langue “bien pratique” puisque
“inconnaissable”) (même réf.). Aussi, “le gaulois [. . .] garde pour nous une grande partie
de son mystère” (Walter, 1988, 32).
Cependant, le cas de la langue gauloise n’est pas si désespéré qu’on pourrait être
tenté de le présenter en forçant un peu les traits. La rigueur des nouvelles recherches
menées par les spécialistes - étudiant comparativement le gaulois avec les autres lan-
gues celtiques, et prenant grande attention aux évolutions phonétiques, replacées dans
un cadre indo-européen - a fait oublier les élucubrations passées. Des progrès très nets
ont été accomplis depuis le début du XX e siècle dans notre connaissance du vieux-cel-
tique continental (on peut même parler de grandes avancées depuis une quarantaine
d’années). Si le matériel épigraphique s’est enrichi de nouveaux documents encore dif-
ficiles à interpréter, on peut espérer dans l’avenir de nouvelles découvertes éclairantes.
Surtout, des travaux de qualité ont été publiés sur la langue gauloise, qui nous aident
à mieux connaître les anthroponymes anciens, les toponymes celtiques, à mieux juger
le vocabulaire gaulois : ouvrages d’Alfred Hôlder (1896, 1904, 1907) ; Georges Dottin
(1920) ; Joseph Vendryes ; Karl Horst Schmidt (1957) ; D. Ellis Evans (1967) ; Joshua
Whatmough (1970); Helmut Birkhan (1970); Michel Lejeune; Pierre-Henri Billy
(1993 et 1995a) ; Jean Degavre (1998) ; Pierre-Yves Lambert (nouv. éd., 2003) ; Xavier
Delamarre (2 e éd. rev. et aug., 2003)... Les linguistes étrangers, tels Wolfgang Meid ou
Patrizia de Bernardo Stempel, semblent avoir réveillé ces derniers temps la recherche
française, agréablement revigorée.
La connaissance étymologique a accompli de grandes avancées, pendant ces
mêmes années, avec la publication d’importants dictionnaires : Walther von Wartburg
(25 volumes parus depuis 1922) ; Ernst Gamillscheg (nouv. éd., 1969) ; Julius Pokorny
(1959, 1969) ; Paul Imbs et Bernard Quemada (16 volumes, 1971-1994) ; Alain Rey
(1992). Les travaux français d’onomastique et de toponymie, qui ont été multipliés, se
sont aussi appuyés sur des bases beaucoup plus sérieuses. D’où des études régionales de
qualité (voir listes dans Mulon, 1977, et 1987) et des synthèses marquant des progrès nets
dans la compréhension des noms propres : travaux d’Auguste Longnon (1920-1929) ;
Auguste Vincent (1937) ; Albert Dauzat et Charles Rostaing (2 e éd., 1978) ; Ernest Nègre
(1990-1991) ; Stéphane Gendron (2 e éd. aug. et corr., 2008) ; Pierre-Henri Billy (2011).
Toutes ces sommes publiées constituent de riches et indispensables outils de travail :
dictionnaires, glossaires, répertoires, corpus... ; autant d’instruments destinés à mener
des recherches, à élaborer des synthèses... qui tardent cependant à venir. Les différents
recueils cités ne sont-ils pas, pourtant, davantage des usuels offrant des outils de travail
que des fins en soi ? Tandis que les études menées par les historiens et les archéologues,
à partir de leurs acquis et de leurs découvertes (depuis trente ans très enrichis), ont
tendance à se multiplier sur les différents sujets de la civilisation gauloise, les analyses
linguistiques, qui pourraient être conduites sur cette même civilisation à partir des don-
nées onomastiques et lexicologiques, sont à ce jour quasi inexistantes : au mieux l’on
trouve, à l’intérieur d’un ouvrage ou d’un article sur la langue gauloise, un classement
rudimentaire du vocabulaire, par sphères d’intérêts, sans commentaire ni analyse des
domaines concernés (exceptons Helmut Birkhan, 1997, pour un ouvrage sur les Celtes
écrit en langue allemande). Au reste, noms communs cl noms propres issus du gaulois
semblent le plus souvent séparés dans des éludes différentes. Et le riche enseignement
des noms de lieux est le plus souvent négligé par les historiens et les linguistes eux-
mêmes. Recensant les traces celtiques du français, Ferdinand Brunot notait en bas de
page : “Il ne saurait être bien entendu question des noms propres d’origine celtique [...],
qui sont très nombreux, mais qui ne peuvent entrer en ligne de compte” (Brunot, 1905 ;
rééd., 1966, T, 56). Henriette Walter écrit pareillement : “Ainsi s’établit, au risque de
faire de la peine à certains, le bilan de ce que nos ancêtres les Gaulois nous ont laissé de
leur langue : en dehors de quelques milliers de noms de lieux, à peine quelques dizaines
de mots” (1988, 44). La même attitude se retrouve aussi chez Christian Goudineau, qui
commente : “Il ne reste vraiment rien de la langue celtique ? - MOT : Rien qui compte.
Si l’on excepte les noms de lieux, une centaine de mots, peut-être un peu plus”. . . (2002,
1 15-116). Cette tendance à vouloir exclure de l’analyse les toponymes - quantité jugée
négligeable ? - est révélatrice. Pierre-Henri Billy et Jean-Pierre Chambon soulignent que
“la lexicologie et l’onomastique peuvent pourtant gagner à être pratiquées ensemble”
(1990, 61). La langue française comprend le trésor des noms communs, mais aussi le
trésor des noms propres.
Le temps nous semblait venu pour que fût tentée, à partir des acquis des différents
dictionnaires et travaux publiés, une étude globale de l’empreinte laissée par la langue
gauloise dans le français : langue nationale mais aussi parlers régionaux ; langue utilisée
en France, sans oublier des références indispensables à la Belgique et à la Suisse ; et
sans s’interdire des comparaisons éclairantes avec certains pays comme l’Allemagne ou
l’Italie, dont une partie des terres connut une vie gauloise. Notre travail, cependant, s’est
concentré essentiellement sur l’Hexagone, dont le matériel linguistique et la documen-
tation archéologique (déjà abondants) nous sont plus familiers. Evidemment, la langue
gauloise ne s’arrêtait pas à la frontière de notre France actuelle. Et des recherches de
semblable importance mériteraient d’être conduites pour des pays (non seulement voisins
mais plus lointains) d’ancienne tradition celtique. On pourrait même envisager à plus
haut niveau de réaliser une somme sur le substrat celtique en Europe. . .
L’étude à laquelle nous nous sommes ici consacré - fruit d’une thèse (Lacroix,
2002) - a cherché à mesurer l’étendue et la distribution sémantique du substrat gaulois,
à la fois dans l’onomastique et dans le lexique français. Elle a tendu également à éclairer
par les faits linguistiques collectés le passé gaulois, car “en parlant des mots, on parle
aussi des choses désignées par ces mots” (P.-Y. Lambert, dans Delamarre, 2003, 5).
“Le philologue, souligne Paul Lebel, a pour tâche de commenter les noms de lieux en
cherchant à les replacer dans la civilisation qui les a vus naître” (1962, 170). Comme
nous nous sommes proposé de prendre en compte à la fois lexique et onomastique, nous
avons entendu aussi lier étude linguistique et connaissance de la période antique. La
confrontation entre les faits de langue et les faits historiques, ou bien archéologiques,
pouvait pennettre de mieux éclairer certains aspects connus de la çivilisation et de la
langue gauloises, peut-être d’en révéler quelques autres.
Trois questions se sont posées à nous sur l’héritage linguistique des Gaulois : Quelle
est son importance ? Que nous montrent, du point de vue sémantique, les traces de la
langue gauloise qui sont restées dans notre vocabulaire et dans notre onomastique ? Mais
aussi quelles images ces faits de langue nous donnent-ils à voir, par-delà la connaissance
du substrat gaulois, pour notre compréhension de la civilisation gauloise (dans la mesure
où les mots pourront se montrer bien sûr capables de révéler le passé de la Gaule) ?
au tome 1
La Gaule des Combats
C’est par la force de leurs guerriers que des groupes de populations celtes se sont jadis
imposés dans l’Ouest européen, et se sont installés, assez nombreux, sur le territoire de ce
qui allait être nommé la Gaule. C’est par la force des armes que les tribus ayant conquis
un territoire défendront leurs terres contre des tribus voisines, et qu’elles chercheront à
s’opposer aux attaques des adversaires germaniques ou romains.
Il faut donc d’abord nous interroger sur l’existence de souvenirs linguistiques en
rapport avec le vocabulaire de la guerre (problème déjà abordé dans Lacroix, 1 996) : les
mots de notre lexique, les noms d’aujourd’hui désignant des lieux, des anthroponymes
éventuellement, ont-ils gardé la mémoire d’une Gaule guerrière ? Quelle est l’importance
de ces traces ? Et que nous révèlent-elles ?
LES RAISONS DES COMBAT*
1.1. La dynamique celte
Venceslas Kruta a souligné le “rôle fondamental des Celtes dans le processus de
formation de l’Europe” (2000, 366 ; voir aussi Eluère, 1992). Que les guerriers celtes,
au cours du P 1 millénaire av. J.-C., aient fait résonner leurs épées et leurs noms dans
une grande partie de l’Europe - vastes territoires s’étendant de l’Océan aux Carpates,
des plaines du Nord au littoral de la Méditerranée, jusqu’en Asie Mineure - n’est pas
niable (Kruta, 2000, 1), et se lit encore dans la géographie linguistique : les appellations
de lieux ont gardé richement traces de ce passé. De grandes capitales européennes
portent toujours des noms qui s’expliquent par le celtique ancien, vieux souvenirs des
territoires conquis militairement et régis par des tribus celtes pendant quelques centaines
d’années : BONN (récemment détrônée par Berlin), DUBLIN, GENÈVE, LONDRES,
MILAN, PARIS, VIENNE. Bien des villes qu’on trouve dans différents pays ou nations
de l’Europe expliquent encore pareillement leur appellation par le celtique (parfois il
y a probabilité plus que certitude absolue), telles MAYENCE, TRÊVES et WORMS,
en Allemagne ; BEVERLEY, CARLISLE, DOUVRES, GLOUCESTER et YORK,
en Angleterre ; BREGENZ et LINZ, en Autriche ; BINCHE, DINANT, NAMUR et
YPRES, en Belgique ; ABERDEEN, DUNDEE et GLASGOW, en Ecosse ; SÉGOVIE
et SÉGORBE, en Espagne ; BOLOGNE, BRESCIA, CÔME, CRÉMONE, MANTOUE
et VÉRONE, en Italie ; NIMÈGUE, aux Pays-Bas ; COÏMBRA, BRAGA et EVORA,
au Portugal ; BRNO, en République tchèque ; BERNE, LAUSANNE, NYON, SION,
SOLEURE, WINTERTHUR, YVERDON et ZURTCH, en Suisse... (fîg. 1) (Carnoy,
1948-1949 ; Losique, 1971 ; Cherpillod, 1986 ; Deroy et Mulon, 1992 ; Abalain, 1998,
6 ; de Bernardo Stempel, 2000 ; Kruta, 2000, 68-69 ; Walter, 2001, 23-26 ; Delamarre,
2003 ; Muller, 2009, 169). Un pays doit même son appellation à l’ancienne occupation
de guerriers celtes : la BELGIQUE, qui garde souvenir des Belgae, installés entre Seine,
Marne, Escaut et Rhin, depuis le II? siècle av. J.-C. (Michel, 1981). •
Les terres de ce qui allait devenir la Gaule étaient particulièrement riches ; les armes
de fer permirent la mainmise sur ces territoires. Les implantations s’y firent fortes. De
nombreuses régions et pays de France doivent leur appellation à la langue gauloise :
régions ou pays “naturels” de notre géographie physique comme les ARDENNES,
le Massif ARMORICAIN, la BEAUCE, les CÉVENNES, le JURA, le plateau de
LANGRES, le MORVAN, les VOSGES ; régions historiques et grandes provinces
comme P ANJOU, le BERRY, le GÉ VAU DAN, le PÉRIGORD, le POITOU, le
QUERCY, le ROUERGUE, la SAVOIE, la TOURAINE, le VELA Y, etc. ; également
petits pays, comme le BESSIN, la BRESSE, la BRIE, le Pays de CAUX, le MÉDOC,
l’OISANS, le TRICASTIN, le VERCORS, le VEXIN, et tant d’autres (fig. 2, la carte
comportant près de 80 noms, parmi les plus courants). Dans leur Dictionnaire des pays
/ ^ Ærhste I
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Derby
Fig. 1 - Quelques villes d'Europe tirant leur nom du celtique.
et provinces de France (parution 2000), qui compte 546 entrées, Bénédicte et Jean-Jacques
Fénié répertorient environ 120 noms modernes de pays dont l’appellation est d’origine
gauloise. Près de 20 % de nos appellations de régions, de pays et autres “petits ensembles
géographiques composant l’Hexagone” remontent donc à un thème gaulois. On compte
dans ces 20 % environ 65 pays ou régions françaises dont les noms sont issus de ceux de
cités gallo-romaines ou de pagi gallo-francs (fîg. 3). Même si d’importantes mutations
et vicissitudes historiques se sont produites (entraînant partitions, regroupements,
bouleversements complets des unités de peuplement), on doit penser que bien des
entités territoriales qui nous ont été transmises se sont formées à partir d’anciens lieux
de vie de populations gauloises : “Ces pays de la France médiévale et moderne dérivent
certainement directement, pour un grand nombre, des pagi gallo-romains, eux-mêmes
plus ou moins hérites des divisions de la Gaule indépendante”, souligne Xavier de
Planhol (1988, 187). On sait que les circonscriptions ecclésiastiques mises en place au
Moyen Age reprendront assez, fréquent mon l d’anciennes limites de Cités gallo-romaines
(il serait bien sûr abusif de voir partout ces coïncidences). Certaines provinces de la
France d’avant 1789 feront aussi perdurer les limites antiques des peuples gaulois, en
même temps qu’elles conserveront leurs noms : ainsi de I ’ AUVERGNE, ancien territoire
des ARVERNES, du POITOU, habité autrefois par les PICTAVES, de la SATNTONGE,
lieu d’établissement des SANTONS, de la TOURAINE des anciens TURONS, exemples
remarquables où la permanence des territoires s’est accompagnée de la permanence des
appellations (Jullian, 1909, II, 32 ; de Planhol, 1988, 196-208).
Nos départements - quoique de création assez récente - ont parfois repris aussi
les contours des Cités gallo-romaines, respectant les anciens découpages : ainsi de
la Dordogne, jadis terre des PETROCORES ; de la Mayenne, où étaient établis les
DIABLINTES ; du Morbihan, lieu de vie des VÉNÈTES ; de l’Oise, occupée autrefois
par les BELLOVAQUES ; de la Sarthe, terre des CÉNOMANS ; de la Somme, ancien
domaine des AMBIENS, etc. (Jullian, 1909, II, 32 ; Lot, 1947, 65). Si ces nouvelles unités
géographiques n’ont pas gardé les appellations des anciens territoires de la Gaule, on
constate qu’un nombre assez important de localités françaises (une quarantaine), souvent
villes principales du département (mais on compte aussi quelques petites localités), tirent
leur désignation d’un ethnonyme gaulois, le lieu s’étant associé au peuple qui y habitait :
ainsi d’ ANGERS (Maine-et-Loire) et des Andecavi ; de BEAUVAIS (Oise) et des
Bellovaci ; de BOURGES (Cher) et des Bituriges ; de CAHORS (Lot) et des Cadurci ;
de CHÂLONS -en-Champagne (Marne) et des Catalauni ; de CHARTRES (Eure-et-
Loir) et des Carnutes ; du MANS (Sarthe) et des Cenomanni , de LIMOGES (Haute-
Vienne) et des Lemovices ; de METZ (Moselle) et des Mediomatrici ; de NANTES
(Loire- Atlantique) et des Namnetes ; de PERIGUEUX (Dordogne) et des Petrocorii ;
de POITIERS (Vienne) et des Pictones ou Pictavi ; de RENNES (Ille-et-Vilaine) et
des Redones ; de RODEZ (Aveyron) et des Ruteni ; de TOURS (Indre-et-Loire) et
des Turones ; de TROYES (Aube) et des Tricasses ; de VANNES (Morbihan) et des
Veneti (Rouche, 1968) (fig. 4 et 5). Une grande partie des peuples gaulois qui se sont
installés dans ce qui allait devenir l’Hexagone demeure ainsi dans nos noms de localités.
Cette mosaïque d’appellations correspondant à d’anciens territoires nous montre que
les peuplades celtiques se sont introduites par groupes fractionnés, et certainement par
vagues étalées dans le temps : il y a eu une suite de mouvements prolongés de conquête,
et non un flot unique et subit d’invasion armée (Rachet, 1973, 77).
De nombreux autres noms de localités de France gardent souvenir de l’intrusion celte
de jadis, et des établissements qui se créèrent, comme AGEN, ARGENTAN, AUXERRE,
A VALLON, BAR-le-Duc, BEAUNE, BOULOGNE-sur-Mer, CAEN, CHALON-sur-
Saône, CHAMBORD, DIJON, GISORS, LAON, LONS-le-Saunier, LYON, MELUN,
NANTERRE, NÉRAC, NÎMES, NIORT, NOGENT-le-Rotrou, REDON, ROUEN,
USSEL, VERDUN, et quantité d’autres (fig. 6). Quelques toponymes, bien qu’issus du
gaulois, peuvent évidemment renvoyer à des créations plus récentes. A tous ces noms
de communes, on ajoutera de multiples appellations de villages, hameaux et lieux-dits :
“En France, souligne Henriette Walter, | . . . | c’est par milliers que se comptent les noms
de ville ou de village d’origine gauloise” (2001 , 28). L’occupation celte - quoique vieille
de 2000 à 2500 ans - nous reste très perceptible.
On remarque, sur la carte des grandes et moyennes villes de France, des zones où
paraissent beaucoup moins de noms de communes célèbres d’origine gauloise (voire
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Brionnaïs
Dombes
Lyonnais
Bièvre
Roy a ns
Vercors
Gêvaudan
Cévennes
Rouergue
Lodévois
Savoie
Bauges
Oisans
Briançonnais
Queyras
Embrunais
Fig. 2 - Principaux pays, régions, provinces de France dont le nom est issu de la langue
gauloise.
Fig. 3 - Principaux pays et provinces de France dont les appellations modernes dérivent d'un
nom de territoire ( civitas ou pagus ) issu de la langue gauloise.
AGENAIS
(Aquitaine)
pagum Agenninsem
VII e siècle
AMÏÉNOIS
(Picardie)
in pago Ambianense
VIII e siècle
ANJOU
(Centre, Pays de la Loire)
Andecava regio
VI e siècle
ARTOIS
(Pas-de-Calais)
in pago Atrabitense
VII e siècle
AUVERGNE
(Auvergne)
Arvernia regio
V e siècle
AUXERROIS
(Yonne)
in pago Autissioderinse
VIF siècle
AUXOIS (AZOIS)
(Côte-d'Or)
in pago Alisiense
VI e siècle
AVALLONNAIS
(Yonne)
Avalensis pagus
VIF siècle
AVRANCHIN
(Manche)
Abrincatenus
V e siècle
BARROIS
(Meuse)
pagus Barrensis
VIF siècle
BEAUNOIS
(Côte-d'Or)
in pago Belnensi
VIF siècle
BEAUVAISIS
(Oise)
in pago Belloacinse
VIF siècle
BERRY
(Centre)
de Biturigo
VF siècle
BESSIN
(Basse-Normandie)
Baiocassim
IX e siècle
BOULONNAIS
(Pas-de-Calais)
in pago Bononinse
VIII e siècle
BOURBONNAIS
(Auvergne, Centre)
Burbunensis
XI e siècle
BRIANÇAIS
(Poitou-Charentes)
pagus Briosinsis
VIII e siècle
BRIANÇONNAIS (BRIANTIN)
(Hautes-Alpes)
in pago Brigand no
VIII e siècle
BRIE
(Aisne, S.-et-M., Marne)
pagum Briegium
VII e siècle
BUCH (Pays de)
(Gironde)
Buch
XIV e siècle
CAUX (Pays de)
(Seine-Maritime)
in Caltivo terreturio
VIII e siècle
CHÂLONNAIS (CHALONGES)
(Marne)
territuriae Catalauninsis
VII e siècle
CHARTRAIN (Pays)
(Eure-et-Loir, Yvelines)
de pago Carnotino
VI e siècle
DOMBES
(Ain)
pago Dumbensi
VIII e siècle
DROUAIS (DREUGÉSIN)
(Eure-et-Loir, Orne)
in pago Dorgasino
VII e siècle
DUESMOIS
(Côte-d'Or)
in pago Duismense
VIII e siècle
DUNOIS
(Eure-et-Loir)
in pago Dunensi
IX e siècle
EMBRUNAIS
(Alpes-de-Hte-Pr., Htes-Alpes)
civitas Ebredunensis
VI e siècle
ÉVRECIN
(Eure, Orne)
Ebrocinum
VII e siècle
GÉVAUDAN
(Lozère)
in Gabalitano
VI e siècle
LANGRES (Plateau de) (LANGOGNE) (Haute-Marne)
Lingonici territurio
VI e siècle
LAONNOIS
(Aisne)
Lugdoniensis
VII e siècle
LIEUVIN
(Eure)
civitas Lexovii
IV e siècle
LIMAGNE
(Auvergne)
Arvernam Lemanem
VI e siècle
LIMOUSIN
(Limousin)
Lemovicino
VI e siècle
LODÉVOIS (LODÉVAIS)
(Hérault)
in comitatu Lutovense
X e siècle
LYONNAIS
(Rhône-Alpes)
in pago Leudunense
VIII e siècle
MÂCONNAIS
(Saône-et-Loire)
in pago Matisconense
IX e siècle
MAINE
(Pays de la Loire)
Cinomannico
VI e siècle
MÉDOC
(Gironde)
Medulicus
V e siècle
MELUNAIS
(Ile-de-France)
pagus Meclidonensis
VI e siècle
MESSIN (Pays)
(Moselle)
Metensis pagus
VII e siècle
MULTIEN (MULCIEN)
(Seine-et-Marne, Oise)
comitatum Meldensim
VI e siècle
NANTAIS (Pays)
(Pays de la Loire)
regionem Nemetensem
IX e siècle
PARISIS
(Seine-St-Denis, Val-d'Oise)
in pago Parisiaco
VII e siècle
PERCHE
(E.-et-L., L.-et-Ch., Orne, Sarthe)
Pertensim
VI e siècle
PÉRIGORD
(Aquitaine)
Petrogoricum
VI e siècle
POITOU
(Poitou-Charentes)
Pectavum
VI e siècle
QUERCY
(Lot, Tarn-et-Garonne)
Cadurcinum
VI e siècle
QUEYRAS
(Hautes-Alpes)
Quadratum
XII e siècle
RETZ (Pays de)
(Loire-Atlantique)
Ratinsi
XI e siècle
ROUERGUE
(Aveyron)
in pago Rutenico
VII e siècle
ROUMOIS
(Haute-Normandie)
Rothomaginsem
VIII e siècle
ROYANS (ROYONNAIS)
(Drôme, Isère)
in Roianensibus parti bus
XI e siècle
SAINTONGE
(Poitou-Charentes)
Sanctonicum comitatum
VI e siècle
SÉNONAIS
(Yonne)
Senonensis pagus
VI e siècle
SOISSONNAIS
(Aisne)
pagis Suessionense
VIII e siècle
TARDENOIS
(Aisne, Marne)
pago Tardensi
VIII e siècle
TERNOIS
(Pas-de-Calais)
in pago Taroanense
VII e siècle
TONNERROIS
(Yonne)
in Tornoderensi pago
VI e siècle
TOURAINE
(Indre-et-Loire)
in Turonico
VI e siècle
TRICASTIN
(Drôme)
ager Tricastinensis
IX e siècle
VANN ETAIS
(Morbihan)
Venetensi paroechia
IX e siècle
VELAY
(Haute-Loire)
a Vellavo
VI e siècle
VENAISSIN (Comtat)
(Vaucluse)
in pago Vendascino
VIII e siècle
VENDÔMOIS
(Loir-et-Cher)
pagum Vindocinensem
VI e siècle
VERCORS
(Drôme, Isère)
Vercorsium
XIII e siècle
VERDUNOIS
(Meuse)
in territorio Virdunensi
VII e siècle
VERMANDOIS
(Aisne, Somme)
Virmandense terreturio
VI e siècle
VEXIN (VELGESIN)
(Eure, Oise, Val-d'Oise)
pagus Veliocassinus
VII e siècle
WOËVRE
(Meuse)
in pago Vabrense
VI e siècle
Fig. 4 - Communes de France tirant leur nom d'un nom celtique de peuplade gauloise.
pratiquement pas) : si l’on excepte la pointe ouest - région où l’arrivée tardive de Celtes
insulaires a pu en grande partie occulter une influence gauloise ancienne, mais avec des
noms celtiques - sont particulièrement concernés l’angle sud-ouest et la bordure sud-est
du pays. C’est que la présence gauloise y a sans doute été moins serrée qu’ailleurs (on
sait que l’influence ibérique ou aquitaine a dominé dans le Sud-Ouest ; les Ligures, puis
les Grecs et les Romains (créateurs de la Provincia) ont modelé largement le Sud-Est, ce
qui a entraîné des dénominations différentes : des noms de localités comme Bordeaux,
Bayonne , Toulouse , Carcassonne , Narbonne, Marseille , Aix, Nice... ne peuvent être
expliqués par le celtique) (de Planhol, 1988, 19-20). Une corrélation doit donc être
établie entre l’occupation gauloise cl les toponymes celtiques : les appellations des
Fig. 5 - Peuplades et peuples gaulois de nom celtique ayant laissé leur nom dans un nom de
localité française.
1 .
ABRINCATES
Abrincatui
2.
AMBIENS
Ambiani
3.
ANDÉCAVES
Andecavi
4.
ATRÉBATES
Atrebates
5.
BAIOCASSES
Baiocasses
6.
BELLOVAQUES
Bellovaci
7.
BITURIGES
Bituriges
8.
BOÏENS/BOÏATES
Boii/Boiates
9.
CADURQUES
Cadurci
10.
CARNUTES
Carnutes
11 .
CATALAUNES
Catalauni
12.
CATURIGES
Caturiges
13.
CÉNOMANS
Cenomanni
14.
CORIOSOLITES
Coriosolites
15.
DIABLINTES
Diablintes
16.
DUROCASSES
Durocasses
17.
ÉBUROVIQUES
Eburoviœs
18.
ÉLEUTÈTES
Eleuteti
19.
GABALES
Gabali
20.
LÉMOVIQUES
Lemovices
21.
LEXOVIENS
Lexovii
22.
LINGONS
Lingones
23.
MÉDIOMATRIQUES
Mediomatrici
24.
MELDES
Meldi
25.
NAMNÈTES
Namnetes
26.
PARISES
Parisii
27.
PÉTROCORES
Petrocorii
28.
PICTAVES
Pictavi
29.
RÉDONS
Redones
30.
RÈMES
Remi
31.
RUTÈNES
Ruteni
32.
SAGIENS
Saii
33.
SANTONS
Santones
34.
SÉNONS
Senones
35.
SILVANECTES
Sulbanectes
36.
SUESSIONS
Suessiones
37.
TRICASSES
Tricasses
38.
TRICASTINS
Tricastini
39.
TRITOLLES
Tritolli
40.
TURONS
Turones
41.
VÉNÈTES
Venoti
42.
VERGUNNES
Vcrqunni
43.
VIDUCASSES
Vuhnasso s
44.
VIROMANDUENS
Viiunuiinltii
AVRANCHES (Manche)
AMIENS (Somme)
ANGERS (Maine-et-Loire)
ARRAS (Pas-de-Calais)
BAYEUX (Calvados)
BEAUVAIS (Oise)
BOURGES (Cher)
LA TESTE-DE-BUCH (Gironde)
CAHORS (Lot)
CHARTRES (Eure-et-Loir)
CHÂLONS-EN-CHAMPAGNE (Marne)
CHORGES (Hautes-Alpes)
LE MANS (Sarthe)
CORSEUL (Côtes-d'Armor)
JUBLAINS (Mayenne)
DREUX (Eure-et-Loir)
ÉVREUX (Eure)
LIEUTADÈS (Cantal)
JAVOLS (Lozère)
LIMOGES (Haute-Vienne)
LISIEUX (Calvados)
LANGRES (Haute-Marne)
METZ (Moselle)
MEAUX (Seine-et-Marne)
NANTES (Loire-Atlantique)
PARIS (Seine)
PÉRIGUEUX (Dordogne)
POITIERS (Vienne)
RENNES (Ille-et-Vilaine)
REIMS (Marne)
RODEZ (Aveyron)
SÉES (Orne)
SAINTES (Charente-Maritime)
SENS (Yonne)
SENLIS (Oise)
SOISSONS (Aisne)
TROYES (Aube)
S Al NT-PAU L-TRO I S-CHÂTEAUX (D rô me)
TRETS (Bouches-du-Rhône)
TOURS (Indre-et-Loire)
VANNES (Morbihan)
V E RGO NS (Al pes-d e- Ha ute-Pro ve nce)
VIEUX (Calvados)
VERMAND (Aisne)
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Fig. 6 - 140 villes de France (parmi d'autres) tirant leur nom du gaulois.
Celtes se sont imposées là où les armes de leurs troupes l’avaient emporté. Les noms
reçus disent les conquêtes gagnées et les installations réalisées.
1.2. L'esprit de conquête
Les Celtes ont etc animés d’ardeur conquérante, de désir de lutte et d’héroïsme, d’un
certain goût pour la puissance et pour la gloire, qui leur a fait traverser les espaces du
centre de l’Europe, et qui les verra parfois repartir vers des terres étrangères.
Les noms de trois des plus grands peuples gaulois (qui participèrent à des expéditions
lointaines et prendront part à des combats nombreux) nous montrent pleinement ces
motivations des anciens Celtes. Ils s’affirmaient aventuriers téméraires : les Aedui
du pays ÉDUEN - au premier rang en Gaule au moment de la Conquête - s’étaient
dénommés les “Ardents” (on rapproche l’irlandais aed, “feu”) (Dottin, 1920, 224).
Ils se proclamaient combattants supérieurs : si l’on en croit Pierre-Yves Lambert, les
SÉNONS - connus comme principaux acteurs de la prise de Rome en 387 av. J.-C., et
dont SENS et le SENONAIS gardent le souvenir - auraient été de par leur ethnonyme
les “Vainqueurs” (2003, 34) (d’autres linguistes avaient proposé les “Anciens”)
(Dottin, 1920, 286 ; Delamarre, 2003, 270). Ils se voulaient guerriers glorieux : les
BERRICHONS portent toujours, comme BOURGES et le BERRY, le nom fier des
anciens Bituriges gaulois, qui se disaient les “Rois-du-Monde” (Deroy et Mulon, 1992,
68). On sait que les desseins des BITURIGES ont tendu à l’hégémonie en Gaule, où
anciennement ils étaient les plus puissants.
Si nous nous tournons vers les noms célèbres de grands personnages associés au destin
de la Gaule et qui sont restés dans l’Histoire, nous retrouvons de semblables valeurs.
CAMULOGÉNUS, commandant des troupes gauloises dans la bataille de Lutèce, en 52
av. notre ère, tirait son nom du dieu CAMULUS, le “Champion”. DUMNORIX, chef des
Andécaves en 5 1 av. J.-C., à la tête d’une confédération de peuples soulevés contre César,
était surnommé le “Roi -du -Monde”. BITUITOS, roi fastueux des Arvernes au II e siècle
av. J.-C., portait également un nom formé sur un thème celtique désignant le “Monde”
0 bitu -). OLLOVICO, roi des Nitiobroges au moment de la guerre des Gaules, se disait
le “Grand- Vainqueur” (ou le “Combattant-puissant”). AMBIORIX, chef des Eburons
au I er siècle av. J.-C., se dénommait “Celui-qui-est-Roi-pour-tous-les-Alentours”, le
“Roi-du-Monde-environnant”. Nous savons enfin que VERCINGÉTORIX se disait le
“Grand-Roi-des-Guerriers” (ou le “Roi-des-Grands-Cuerriers”) (sur ces différents noms,
voir Le Roux et Guyonvarc’h, 1986, 362-363, 368, 383, 423 ; Lambert, 1995, 116-117 ;
Kruta, 2000, 72 ; Delamarre, 2003, 101, 151).
1.3. Les peuples migrants
L’esprit d’aventure, la volonté de domination ne peuvent suffire à expliquer toutes
les conquêtes guerrières, tous les déplacements de populations. Il a fallu aussi se battre
pour aller gagner des terres nécessaires à l’établissement de la peuplade ou à une
nouvelle installation : trouver un lieu où vivre (par suite de démographie trop importante,
d’appauvrissement des terres, voire de conditions climatiques devenues défavorables).
Plusieurs peuples gaulois font allusion en leur ethnonyme à leur qualité d’émigrant,
s’auto-dénommant les “Migrateurs”. Certaines de ces désignations de peuples ne sont
pas passées en français : cas des AULERQUES, “Ceux-qui-sont-lofn-de-leurs-traces”,
peuplades qui s’installèrent sur les terres de l’actuelle Normandie, et que Tite-Live nous
montre avoir participé à la plus ancienne vague d’invasion en Italie ( Histoire Romaine,
V, 34, 5 ; voir Peyre, 1979, 30).
Le nom des ALLOBROGES nous reste davantage présent (même s’il ne s’est pas
ancré dans un nom de localité). Leur appellation était très populaire durant la Révolution
française. L’hymne des Savoyards célèbre toujours ce peuple gaulois, jadis installé dans
le Dauphiné et en Savoie : “ALLOBROGES vaillants,/ Dans vos vertes campagnes,/
Accordez-moi toujours/Asile cl sûreté”... ; et on retrouve l’appellation de Pays
d’ALLOBROCIE (à connotations valorisantes) dans diverses productions régionales
de Savoie : vins, charcuteries, bornages..., le nom des ALLOBROGES étant donné à
des restaurants, des commerces, des hôtels ou résidences, des journaux. Un scholiaste
de Juvénal nous éclaire sur le sens de l’ethnonyme : “dicti Allo-brogae quia ex alio loco
fuerant translati”, “ils ont été appelés Allo-broges parce qu’ils avaient été déplacés d’un
autre lieu” (Dottin, 1920, 225 ; P.-M. Duval, 1971, 787) ; les ALLOBROGES étaient mot
à mot “Ceux-qui-viennent-d’un-autre-pays” ( Allo-broges ) : les émigrés ou les expatriés
(Sergent, 1995, 207). C’est une “indication précise sur l’installation vraisemblablement
récente de ce peuple, relevé pour la première fois en 218 av. J.-C. dans la région” (Kruta,
2000, 71). Les archéologues remarquent à cette époque “sur [leur] territoire historique
l’apparition en nombre d’objets laténiens, jusqu’ici plutôt rares, dont certains présentent
une empreinte incontestablement danubienne” (même réf., 308).
Autre appellation sans doute liée aux migrations, le nom de la ville du MANS et de la
région du MAINE nous fait remonter aux CÉNOMANS, qui se seraient désignés comme
“Ceux-qui-marchent-loin” ( Ceno-mafn]ni ) : les exilés ou les migrants (Nègre, 1990,
153 ; Delamarre, 2003, 1 14). On doit remarquer, aussi, les importants déplacements de ce
peuple, dont une partie avait émigré en Italie dès le IV e siècle av. J.-C., comme le montre
le mobilier d’une série de tombes découvertes par les archéologues dans la province de
Mantoue en 1969 (Kruta, 2000, 532 et 520).
De façon assez voisine, l’appellation des SANTONS (qui sont restés dans SAINTES
et la SAINTONGE, terres où ils avaient fini par s’installer après avoir traversé toute la
Gaule d’est en ouest), doit sans doute être rapportée à un nom celtique du “chemin”,
sc ni o- (Dottin, 1920, 286; Nègre, 1990, 157 ; Sergent, 1995, 207). Ils étaient donc
“Ceux-qui-cheminent” : les “Errants”.
1.4. Le mode de déplacement des peuplades
Le massif du VERCORS, la commune de CORSEUL, près de Dinan (Côtes-
d’Armor), la ville de PÉRIGUEUX et la région du PÉRIGORD, ont en commun d’avoir
dans leur nom originel un élément gaulois (~)corio- qui servait à nommer leur ancien
peuple ( Vertamocori , Coriosolites, Petrocorii) (Nègre, 1990, 158, 153-154, 155) (ce
même élément se reconnaît dans l’appellation de la ville de Tréguier et du Trégor(-rois),
dans les Côtes-d’Armor ; mais il provient d’une population celtique émigrée de Grande-
Bretagne au milieu du I er millénaire et venue s’installer en petite Bretagne) (Fleuriot,
1980, 131 ; Deroy et Mulon, 1992, 486 ; Billy, 2011, 542-543). Corios est rapproché de
l’ancien irlandais cuire , “troupe”, “armée”, et du gallois cordd , “tribu”, “clan”, “troupe”
(Pokomy, 1959, 615-616; Vendryes, 1987, C-275 ; Delamarre, 2003, 125-126). Il
aurait originellement désigné chez les Indo-Européens moins une troupe de guerriers
que “l’ensemble du groupe humain qui se déplace avec familles, armes et bagages, dans
l’intention d’occuper un nouveau territoire” (Martinet, 1986, 27) : le déplacement de
toute une tribu, à la fois formation de guerre et de migration.
Le CHARIOT a été un moyen de locomotion privilégié pour la migration des
populations celtes. Remarquons que l’industrie de la CHARRONNERIE n’avait pas
été développée primitivement par les Romains, peuple sédentaire. Au contraire, les
Gaulois afficheront une supériorité (réputée des peuples antiques) pour la fabrication
des voitures de transport (Carcopino, 1934, 236-237). Elle s’explique d’abord par le
fait que les Celtes avaient été anciennement des populations itinérantes, vivant les longs
déplacements avec familles, armes et bagages. Fernand Braudel évoque ces “longs
convois d’hommes, de femmes, d’enfants, de chariots, de cavaliers... Tout un peuple en
marche, une cohue, des progressions inorganisées mais qui ont, des siècles durant, mis
en question le destin entier de l’Europe et de la Méditerranée” (1981, 49). Il a fallu que
ces migrants apprennent à fabriquer des voitures solides, capables de résister à toutes les
routes. Fait révélateur : l’ctude des véhicules gaulois (se reporter aux “Métiers du bois”,
dans le chapitre 2 du tome II “Arts et techniques”) nous montrera que la plupart des noms
du vocabulaire latin désignant des voitures ont été empruntés à la langue gauloise.
Plusieurs types de véhicules ont été utilisés par les migrants celtes (Peyre, 1979,
88). D’abord, des carrioles comme le carpentum, avec bâti rond en bois permettant la
couverture d’une capote, d’où naîtra le nom de notre CHARPENTE (Lambert, 2003,
195). Ensuite, des voitures tout-terrain à quatre roues comme la reda. On peut penser
que le peuple des RÉDONS, qui a laissé son nom à RENNES et au pays RENNAIS,
où il avait abouti après une longue migration, en tirait son appellation : ils auraient été
les “Conducteurs-de-rafae”, “Ceux-qui-se-déplacent-avec-des-chars-de-voyage” (P.-
M. Du val, 1952, 246 ; Lambert, 2003, 34 et 44 ; 1997, 399 ; Delamarre, 2003, 256).
Enfin, on comptait de robustes structures de transport comme le carrus, pouvant abriter
familles, vivres, bagages, armes ou butin ; de ce terme naîtront les noms de notre CHAR
à bancs et de notre CHARIOT (Lambert, 2003, 194). L’adoption, la conservation dans le
français de ces différents mots et noms ne peut être sentie comme une marque de hasard.
Elle traduit certainement un fait de civilisation celtique trouvant son origine dans les
mouvements de migration et de conquête (“Les Celtes [...J partis des confins danubiens
avec familles, armes et bagages sur leurs CHARIOTS CHARPENTÉS et BÂCHÉS (trois
mots celtiques !)”, a pu souligner Guy Souillet) (1987, 134).
1.5. Des traces du déplacement des peuples ?
Les déplacements d’une peuplade gauloise pourraient-ils se lire encore dans la
toponymie, des noms de lieux ayant gardé l’empreinte de diverses haltes, séjours et
habitats de ses membres ? La proposition est hardie mais incertaine. Certains auteurs ont
pensé repérer sur le parcours des SÉNONS (qui fonderont SENS) les traces d’anciens
établissements essaimés d’est en ouest : SENONES, à Test des Vosges ( Senonensis ,
en 938) et SENONGES, à l’ouest ( Senoneas , Senongas, Senonias, au X e siècle) ;
SENONCOURT, dans la Haute-Saône {de Senuncurtis, en 1150) ; et trois bourgs de la
Meuse : SENON {Senon, Senonensis , en 1227), SENONCOURT ( Cenoncourt , en 1370)
et SENONVILLE {de Senonville, en 1180) (avec reprise par le germanique d’un thème
gaulois) (Hubert, 1989, 133; Bosch-Gimpera, 1953-1954, 347; Nicolle, 1980, 55;
Harmand, 1984, 21 ; pour les formes anciennes, Nègre, 1990, 232, 635 ; 1991, 859, 906,
949) (fig. 7). Le séjour de populations SÉNONES dans le secteur Est a été mis en rapport
avec la découverte à Metz, en 1895, d’une dédicace religieuse aux Matres Senonum,
“déesses-Mères [protectrices] des SÉNONS” (?) {C.I.L., XIII, 4304) (Toussaint, 1948,
103, 203 et 209 ; Bosch-Gimpera, 1953-1954, 347 ; Burnand, 1990, 149) ; on connaît
aussi, plus à Test, en Allemagne (à Bôckingen, dans le Bade- Wurtemberg), une
inscription aux Seno[nibus] Matronis ( C.I.L. , XIII, 6475) (Jufer et Luginbühl, 2001,
62). L’appellation de deux autres localités pourrait se rapporter aussi à l’ethnonyme des
Senones : SENONCHES, en Eure-et-Loir {Senoncha, au IX e siècle), et SENONNES,
en Mayenne ( Senona , au VIL siècle) (Nègre, 1990, 629 et 231 ; Chaurand, 1994, 266).
On aurait affaire à des groupes sporadiques de Celtes SÉNONS qui, ayant décidé de se
séparer de leur nation-mère, auraient repris leur marche pour s’établir plus vers l’ouest
(fig. 7). Cependant, le thème seno -, “ancien”, “vénérable”, peut avoir créé des noms
propres sans qu’ils soient forcément tous à rapporter au peuplement des SÉNONS :
on trouve dans la toponymie des SENEIJIL (six départements), SÉNEUJOLS (Haute-
Loire), Saint-Pierre-de-SÉNOS (Vaucluse), qui paraissent ne rien devoir aux Senones
(Delamarre, 2003, 270-271 ).
1.6. Les mouvements migratoires et les scissions à l'intérieur des peuples
Au cours des déplacements multiples dans l’espace européen, les vicissitudes
migratoires ont pu entraîner des partitions au sein d’un même peuple ou d’une même
peuplade, la dynamique des avancées suscitant parfois des processus centrifuges. Des
traces linguistiques témoignent de ces dispersions, dont nous allons donner exemples.
Des Bituriges Vivisci - dont l’existence est attestée par les écrits des auteurs anciens
et par des inscriptions antiques - étaient installés dans le Bordelais (on a pu penser
qu’un reliquat de ces Vivisci se trouvait lui-même établi au nord du lac Léman, d’où
l’appellation de VEVEY, en Suisse romande, localité nommée Viviscum dans l’itinéraire
routier de la Table de Peutinger ) (Moreau, 1983, 41-42 ; Jaccard, 1906, 506-507 ; Bosch-
Gimpera, 1953-1954, 349). Mais une autre branche du même peuple, les Bituriges Cubi ,
vivait au cœur de la Gaule celtique, comme nous en attestent les appellations du BERRY
et de BOURGES qui procèdent de l’ethnonyme.
Fig. 7 - Sur les traces des SÉNONS ?
Le grand peuple celte des BOÏENS (Boii) a laissé son nom à son territoire principal
de BOHEME ( Boiohaemum .), aujourd’hui partie occidentale de la République tchèque
(Kruta, 2000, 473-478). Cependant, deux rameaux des BOÏENS ont fondé des
établissements en Gaule, dont une petite tribu installée très loin de la BOHÊME : dans
la partie méridionale de l’estuaire girondin. Nous en retrouvons le nom dans le Pays
de BUCH ( civitas Boiorum au IV° siècle), d’où l’appellation de La Teste-de-BUCH,
commune de la Gironde (Moreau, 1972, 67 ; Nègre, 1990, 152 ; Boisgontier, 1993, 197-
198 ; Kruta, 2000, 475 ; Delamarre, 2003, 82).
Le peuple des Caturiges avait fait partition en plusieurs groupes. Une fraction devait
s’être établie dans la vallée de la Meuse, puisque l’appellation ancienne de Bar-le-Duc
était Caturices ou Caturrigis , comme l’attestent les itinéraires antiques (identification
déjà établie par d’Anville, 1760, 217-218 ; Barruol, 1975, 343 ; Billy, 1993, 47). Le nom
de la localité de CHORGES (chef-lieu de canton des Hautes- Alpes), issu d’un antique
Catorigomagus (attesté au IV e siècle), nous prouve l’existence d’un autre groupe du
même peuple, installé cette fois dans la haute-vallée de la Durance (Barruol, 1975, 340-
344).
Selon le témoignage de plusieurs auteurs antiques (dont Ptolémée, Strabon et Pline)
et selon les inscriptions du Trophée des Alpes et de l’Arc de Suse, un petit groupe des
Medulli vivait en Basse-Maurienne (Billy, 1993, 106). Plusieurs toponymes de la zone
préalpine pourraient s’être formés sur un nom propre gallo-romain Medul(l)ius, formé à
partir de l’ethnique : hameau de Méouilles, sur la commune de Saint-André-les-Alpes,
dans les Alpes-de-Haute-Provence (de Medulla , vers 1300) ; commune de Mévouillon,
près de Séderon, dans la Drôme (villa Medulis, en 1070) (Barruol, 1975, 335 ; Dauzat et
Rostaing, 1978, 455 ; Nègre, 1991, 627 et 678). Cependant, d’autres Medulli étaient allés
s’installer loin de là, en Aquitaine. Ausone, poète latin du IV e siècle né à Bordeaux, cite
plusieurs fois leur nom dans ses Epîtres, évoquant le paganum Medulis ; nous gardons la
preuve de son existence dans notre appellation du MÉDOC qui s’est formée sur le nom
des MÉDULLES (Moreau, 1983, 162 ; Deroy et Mulon, 1992, 309).
1.7. La recherche forcée de nouveaux territoires
Parfois, c’est la poussée d’un autre peuple qui a entraîné toute une peuplade celte à
quitter le territoire qu’elle avait conquis autrefois.
César nous en donne témoignage, au I er siècle av. J.-C., pour le peuple gaulois des
HELVÈTES (dont la confédération HELVÉTIQUE perpétue le souvenir). A cause des
attaques incessantes des Germains (contre qui ils étaient “chaque jour aux prises”), les
HELVÈTES décident en 58 av. J.-C. de “gagner le pays des SAbïTONS” (l’actuelle
SAINTONGE) ; ils “mettent le feu à toutes leurs villes (une douzaine), à leurs villages
(quatre cents environ)”, et partent vers l’ouest avec des “CHARIOTS [ carrorum ] en
aussi grand nombre que possible” (GG2, 1/1, 3, 5, 10, p. 13-15 et 19). L’ampleur de
ce mouvement étonne : le total des partants (HELVÈTES et alliés qui les rejoignent)
représentait - comme la liste nominative de tous les émigrants, retrouvée par les Romains
dans le camp des HELVÈTES, le montre - plus de 360 000 hommes, femmes, enfants,
dont 92 000 combattants (GG 1/29 ; Werncr, 1984, 155 ; Eluère, 1992, 83) ; cela nous
donne une idée de l’importance des flux d’immigrations celtes ! Si les troupes de
César n’avaient empêché par la force militaire l’exécution de ces desseins migratoires
(forçant les populations à retourner vivre sur leurs terres qu’elles venaient de quitter),
on peut penser que la SAINTONGE nous livrerait aujourd’hui quelques toponymes
HELVÈTES... Un récent article a montre de façon très intéressante que les dirigeants
HELVÈTES n’avaient sans doute pas choisi par hasard comme lieu d’établissement le
nord de la Gironde (distant de 700 km) : des rapports anciens devaient exister entre les
deux peuples, peut-être jadis voisins ou parents sur de mêmes terres celtiques d’Europe
centrale, avant que des mouvements migratoires ne les aient séparés ; des indices
archéologiques (communauté d’objets) le suggèrent (Hiernard et Simon-Hiemard,
1999). Nous pensons que la linguistique pourrait ici apporter aussi des indices. Le lien
que nous avons envisagé plus haut entre l’appellation des Bituriges Vivisci du nord de
la Gironde (dont l’habitat était contigu à celui des Santones ) et le nom de la localité de
VEVEY en Suisse paraît confirmer ces relations ethniques anciennes (on songera aussi à
l’appellation du petit peuple des Medutli du MÉDOC, agrégé aux Vivisci, que nous avons
mise en rapport avec des Meduüi alpins homonymes, établis dans le massif du Cenis). Au
total, quel brassage de populations, assemblages et dislocations !
Au III e siècle av. J.-C., les BELGES, quittant leurs habitats, s’imposaient militairement
à l’ouest du Rhin, et venaient occuper les terres jusqu’à la ligne au nord de la Seine et
de la Marne. Pas moins d’une douzaine de peuples principaux les composaient, qui vont
faire souche en Gaule. Sept de ces peuples ont ancré leur ethnonyme dans nos noms de
lieux : AMBIENS (d’ AMIENS et de l’AMIÉNOIS), ATRÉBATES (d’ ARRAS et de
l’ ARTOIS), BELLOVAQUES (de BEAUVAIS et du BEAUVAISIS), CALÈTES (du
Pays de CAUX), SUESSIONS (de SOISSONS et du SOISSONNAIS), VÉLIOCASSES
(du VEXIN), VIROMANDUENS (de VERMAND et du VERMANDOIS) (Kruta, 2000,
457, l’auteur doutant que les RÈMES de REIMS fussent des BELGES). On doit penser
au vu de la tentative avortée des HELVÈTES, qui entraîna déjà bien des désordres -
que cette intrusion massive provoqua jadis “une restructuration générale du peuplement”
(Kruta, 2000, 313). Elle entraîna la “dépossession des peuples congénères” qui avaient
formé “le premier ban de l’invasion celtique” (Bloch, 1900, 28) : un ensemble de
peuplades et de peuples gaulois dut émigrer vers le sud et vers Test (Jung, 1970, 457 ;
Wemer, 1984, 147). Les traces linguistiques qui s’en sont gardées révèlent - comme un
test ADN - la vérité passée.
Le peuple gaulois des SÉQUANES se trouvait à l’époque de la conquête des Gaules
établi en Franche-Comté (autour du bassin du Doubs). Si elle ne s’est pas gardée en
français, l’appellation de ces Sequani paraît se relier au nom de Sequana, hydronyme
(mais aussi théonyme) à l’origine du nom de notre fleuve la SEINE. Des historiens et
des linguistes pensent que leur territoire primitif s’étendait le long du bassin de ce fleuve,
ce qui en faisait des “Gens-de-la-SEINE” (peut-être aussi des adorateurs de la déesse
SÉQUANA) (Bloch, 1900, 28 ; Dottin, 1920, 91 ; Carcopino, 1957 ; de Planhol, 1988,
24 et 538). Il est à noter qu’Artémidore d’Ephèse, naturaliste grec, parlait à la fin du II e
siècle av. J.-C. de “la SEINE [...], d’où les SÉQUANES ont tiré leur nom de peuple”
(texte cité par Carcopino, même réf., 348).
Pareille aventure dut arriver aux RAURAQUES ( Rauraci ou Raurici), peuple qu’on
trouvait à l’époque de la Conquête installé en Gaule juste au nord des Helveîii (dont
ils étaient sans doute les clients), aux alentours de Bâle. Le nom de la localité voisine
d ’Augst, fondée par les Romains, provient d’un antique Augusta Raurica (ou Augusta
Rauricorum ) : la “Fondation augustéenne des RAURAQUES” (Lot, 1947, 42 ; Deroy et
Mulon, 1992, 24 et 44). Quoique les RAURAQUES fussent établis sur le cours supérieur
du Rhin, leur ethnonyme les reliait étymologiquement à la RUHR ( Raura en Celtique),
actuelle région allemande de Duisbourg et Bochum (Hubert, 1989, 131 ; Jung, 1970,
456 ; carte dans Harmand, 1970, 27). Eux aussi avaient dû “quilt|er| leur habitat antérieur
auprès du fleuve dont ils ont continué à porter le nom” (Jung, 1970, 457).
La même explication pourrait être appliquée aux MÉDTOM A TRIQUES, peuple du
nord-est de la Gaule qui vivait sur la Moselle, dans le MESSIN et à METZ, établissement
qui a gardé leur appellation. Leur nom gaulois signifierait “Ceux-du-milieu-des-Eaux-
Mères” ; il devait se justifier par le fait que les Mediomatrici étaient primitivement
établis sur les terres placées entre deux eaux sacrées patronnées par des déesses-mères
gauloises : la Matrona, c’est-à-dire la MARNE, et la Matra , aujourd’hui la MODER
(affluent du Rhin) (Hubert, 1989, 132; Sergent, 1995, 211). “A l’époque de César,
souligne Bernard Sergent, les Mediomatrici ne touchent certes pas la Marne, mais l’on
sait, par diverses sources, que la Gaule du Nord a été bouleversée, aux II e et III e siècles
avant notre ère, par l’immigration progressive d’un important groupe de tribus, les
Belgae, qui, partis sans doute de régions rhénanes septentrionales, se sont étendus
jusqu’à la Seine. Le mouvement des tribus belges aurait donc repoussé les Mediomatrici
vers l’est [...]. Un mouvement semblable, et de plus grande ampleur, avait porté les
Sequani, dont le nom est lié à celui de Sequana, la Seine, jusqu’à l’actuelle Franche-
Comté” (1993, 111).
Ajoutons de façon annexe un autre fait. Les historiens n’ont pas été sans remarquer
que certains ethnonymes gaulois se retrouvaient curieusement identiques en Bretagne
insulaire : cas des BELGES ATRÉBATES d’ ARRAS, qu’on rencontre sous la même
appellation d ’Atrebates comme peuplade établie au sud de la Tamise (on sait que
Commios, chef de ce peuple gaulois à l’époque de César, fut contraint de s’exiler dans
1 ’Ue de Bretagne, en 52 av. J.-C., et qu’il y devint roi des ATRÉBATES locaux : on
a trouvé en Angleterre des monnaies d’or avec sa légende) (Kruta, 2000, 554). Cas
également des Catuvellauni, installés entre Hartford et Northampton, sans doute (sous
une forme développée du nom) les “frères” des CATALAUNES de CHÂLONS-en-
Champagne. On peut ajouter les Parisii, qu’on a repérés dans le Yorkshire actuel, et qui
sont bien connus comme tribu gauloise ayant laissé son nom à PARIS. Ces différentes
homonymies ne sont pas le fait du hasard ; elles trahissent d’autres vagues migratoires,
entre le III e siècle et le I er siècle av. J.-C., du Continent vers l’Ile de Bretagne :
conséquence probable de l’arrivée des populations BELGES en Gaule (qui elles-mêmes
avaient été mues par la poussée d’autres éléments celtiques orientaux) (Harmand, 1970,
35-38 ; Kruta, 2000, 375-378 et 438, 525).
Ainsi, certaines traces des mouvements des peuples gaulois, bien que très anciennes,
nous sont perceptibles ; et plusieurs peuvent se lire encore dans nos noms.
1.8. La stabilisation des peuplades
Au milieu du II e siècle av. J.-C., les Celtes qui occupaient l’essentiel des terres
de la Gaule semblaient pour beaucoup stabilisés. Les corii, formations de guerre et
de migration, s’étaient fixés les uns après les autres, constituant des pagi, et, par leur
union, des Etats, comme nous l’indique l’ethnonyme des Petrocorii : littéralement les
“Quatre-troupes-armées”, demeuré dans le PÉRIGORD et dans PÉRIGUEUX (Nègre,
1990, 155). D’autres peuples pourraient montrer dans leur nom qu’ils se sont formés
par l’assemblage de plusieurs fractions : en particulier les Tricorii du nord de Gap, les
TRICASSES de TROYES et les TRICASTINS de Saint-Paul-TROIS -CHÂTEAUX
(Dottin, 1915, 117 et 120) (mais d'autres étymologies ont été proposées).
1.8.1. Ethnonymes à sens géographique
Certains peuples, certaines irihus, ont pu marquer leur ancrage au sol en prenant
un nom nouveau en rapport avec leurs lieux d’installation. Tous n’ont pas laissé de
souvenirs dans nos toponymes : tels les M( )KINS, venant habiter les côtes entre Manche
et mer du Nord (le Pas-de-Calais d’aujourd’hui), el surnommés “( eux -de-la- Mer” (Lot,
1947, 52; de Planhol, 1988, 24); ou encore les NANTIJATES, s’établissant dans la
haute vallée du Rhône, entre le coude du fleuve et son entrée dans le lac Léman, et
dénommés les “Habitants-de-la- Vallée” (par traduction latine Vallenscs , d’où le nom de
l’actuel Valais suisse) (Lot, 1947, 62 ; van Berehem, 1982, 70 et 182 ; K ru la, 2000, 71).
Mais d’autres peuples nous ont laissé des traces toponymiques de leur établissement.
L ’Aremorica (terme employé par César et par Pline) désignait la région des peuples
de l’Ouest riveraines de l’Océan ( Are-mor-ici signifiant en celtique : les “Gens- [vivant-]
près-de-la-Mer”, les “Riverains-de-1’ Océan”) ; de là naîtra le nom de notre ARMORIQUE
(cependant, le terme englobait à 1 ’époque antique des territoires plus larges qu 'aujourd’hui,
allant “de l’estuaire de la Seine à celui de la Loire, sinon encore plus loin” : Bretagne
mais aussi Normandie ; on doit ajouter que ces territoires ne formaient pas un Etat
gaulois) (Flobert, 1995, 264 ; également Deroy et Mulon, 1992, 30 ; Kruta, 2000, 427).
L’ethnonyme des ICONIENS relève sans doute aussi de la géographie. Ce petit
peuple des Alpes a laissé son nom à l’OISANS (Desjardins, II, 1878, 231 ; Dauzat,
1960, 151 ; Barruol, 1975, 319-320). Son appellation ( Iconii/Ucenii ) nous semble
s’expliquer par la présence d’une rivière le long de laquelle le territoire de la peuplade
était entièrement axé (des hauteurs montagneuses encadrant la vallée). Ses membres
ont dû être les “Gens-de-l’Eau” (radical gaulois ic-, dont on verra qu’il a créé en Gaule
des théonymes, des hydronymes et des toponymes liés aux eaux sacrées) (se reporter à
l’étude des “Eaux sacrées”, dans le tome III).
La peuplade des ALBIQUES ( Albici ), installée sur des terres entre le Vaucluse et les
Alpes-de-Haute-Provence, paraît avoir laissé son nom au Pays d’ALBION (appellation
qu’on retrouve dans certaines localités de ce secteur). L’ethnonyme se serait formé sur
un radical (celtique ou ligure ?) désignant la “clarté” et le “monde lumineux” ; peut-être
faisait-il allusion à la neige recouvrant l’hiver les cimes, et aux pierres calcaires reflétant
sous le soleil (cependant, une valeur sacralisante a certainement joué à partir de cette
réalité : l’ethnonyme pouvait faire allusion à “Ceux-du-Monde-lumineux-d’en-haut” :
“Ceux-du-Dom aine-céleste”) (Barruol, 1958, 239-240 ; 1963, 356 et 359 ; Guyonvarc’h,
1963b, 372 ; Kruta, 2000, p. 398 ; Delamarre, 2003, 37-38).
Enfin, les BRIGIANIENS (cités sur le trophée de La Turbie parmi les peuples
indigènes soumis) auraient eu un nom (celto-ligure ?) formé sur le radical *brig-, au sens
de “hauteur”, “montagne” : ils étaient sans doute installés sur les deux versants du Mont-
Genèvre (Barruol, 1975, 338-339). Leur ethnonyme pourrait être mis en rapport avec le
nom de la commune de BRIANÇON, dans les Hautes-Alpes ( Brigantion* au I er siècle,
toponyme d’origine celtique), et avec la région environnante, le BRIANÇONNAIS
(Barruol, même réf. ; Nègre, 1990, 149) (toutefois, on n’exclura pas un sens figuré qui
aurait fait des Brigianii “Ceux-qui-sont-Supérieurs” : les “Eminents”).
Ces cas d’ethnonymes gaulois à sens géographique - quoique révélateurs - sont, on
le voit, plutôt limités (nous ne pensons pas qu’il faille en élargir trop la liste, comme
on l’a fait parfois dans le passé. Le composant ambi-, présent dans une série de noms
de peuplades, a été ainsi systématiquement relié à l’occupation des deux rives d’un
fleuve ; le réexamen de certains de ces noms comme ceux des Ambarri, des Ambiani ,
des Ambibarii, amène maintenant à des interprétations toutes différentes) (voir Jullian,
II, 1909, 35, avec l’interprétation ancienne ; et avec un sens autre, Dcgavre, 1998, 77 ;
Lambert, 1995, 1 15-117 ; Sergent, 1995, 205).
1.8.2. Ethnonymes marquant la sédentarisation
Plus révélateur de la stabilisation des peuplades celtes en Gaule nous paraît un autre
ensemble de noms ethniques, formés sur des radicaux marquant l'idée d’appropriation
territoriale. Ils soulignent l’ancrage des populations sur le nouveau sol par une symétrie
inverse de celle qui s’était manifestée pour les migrations. C’est que longtemps les
peuples gaulois ont vécu entre ces deux tensions, entre ces deux pôles nomade et
sédentaire.
Face aux Allo-broges, “Ceux-qui-viennent-d’un-autre-pays”, on va trouver des
Nitio-broges (installés autour d’Agen), “Ceux-qui-ont-leur-propre-pays” (Sergent, 1995,
210) : comprenons les “Autochtones”, “probablement par antinomie envers des voisins
qui ne l’étaient pas” (Kruta, 2000, 71). L’ethnique (qui se lit sur un torque gaulois en or
du I er siècle av. J.-C., découvert en 1965) ne semble pas être resté dans un nom de lieu
(Lejeune, 1985a, 406-412) ; mais d'autres exemples similaires nous demeurent dans nos
toponymes.
Les ATRÉBATES (ancêtres des ARRAGEOIS : habitants d’ARRAS, et des
ARTÉSIENS : habitants de T ARTOIS) s'étaient dénommés les “Maîtres-du-sol”
(*ad-treb-ates, “Ceux-qui-ont-élu-domicile”, du gaulois trebo -, “habitation”) (Nègre,
1990, 152) : devenus propriétaires “non par cession gracieuse, achat ou héritage, non
comme de simples colons à la mode romaine, mais par conquête militaire” (Guyonvarc’h,
1962, 600).
Le nom des SUESSIONS, resté dans SOISSONS et la région du SOISSONNAIS,
serait formé, si Ton en croit l’analyse de Françoise Bader, sur un radical indo-européen
*swe- où se reconnaîtrait une forme réfléchie (à comparer avec le latin sui). Elle aurait
été employée pour marquer l’appropriation du territoire : le nom des Suessiones se
comprendrait comme ceux qui “ont fait Leur le territoire de conquête” (Bader, 1994, 66 ;
et aussi, antérieurement, Michel, 1981, 137).
Autre exemple, dans le Valais suisse, la petite ville de SION {Sedunum au IX e siècle)
(Wiblé, dans Gallay, 1986, 266) pourrait peut-être garder souvenir des SÉDUNES,
peuplade celtique qui occupait la haute vallée du Rhône en amont de Martigny et avait
pour chef-lieu SION (Longnon, 1920-1929, 105 ; Lot, 1947, 62 ; Barruol, 1975, 309 et
311 ; Verdier, 1981, 28 ; Kristol, 2005, 836). L’ethnique des Seduni se serait construit
sur un thème celtique *sed- (“être assis”), qui en feraient les “Installés”, selon Bernard
Sergent (1995, 212) (mais d’autres interprétations ont été envisagées).
1.8.3. Enracinement lexical
L’installation et la stabilisation des peuplades celtes sur le territoire de la Gaule va
évidemment aussi se marquer par la floraison des noms celtiques appliqués aux lieux
naturels (hauteurs, plaines ou vallées, fleuves, rivières et sources, forêts...) et aux
établissements humains, dont les créations se multiplieront sur les différents territoires
des peuples. Nous avons précédemment évoqué la richesse de nos noms de régions, de
pays, de localités (villes, villages auxquels il faut ajouter de nombreux lieux-dits) issus
de la langue gauloise ; ce sont autant de témoignages de l’ancrage des différents peuples
et peuplades sur le sol de la Gaule (même s’il faut tenir compte du fait que certains noms
de lieux ont pu être créés à une date ultérieure à partir de thèmes celtiques anciens).
La fixation des guerriers celtes a entraîné plus largement l’adoption (temporaire) de
leur langue. Le legs de certains mois gaulois intégrés à notre vocabulaire nous montre
quel dut être l’enracinement dans leurs nouvelles terres des colonisateurs celtes, dont
les parlers se sont imposés aux populations autochtones, et sont restés attachés à la
conscience linguistique pendant plusieurs siècles. Que des éléments gaulois - même en
nombre limité - aient survécu, malgré la Conquête romaine et la latinisation profonde,
malgré également les invasions barbares et la germanisation, montre assez la force avec
laquelle la langue des peuples celtiques s’était ancrée en Gaule.
Noms de peuples à sens géographique local, ethnonymes marquant l’appropriation
territoriale, enracinement du vocabulaire celtique dans les noms de lieux et dans les
parlers nous ont montré une certaine stabilisation, qui faisait passer les peuplades celtes
de la notion d’exil, de recherche migrante de lieu de vie, à l’idée d’établissement, de
fixation à un territoire, et de possession de terres. La pacification allait-elle suivre les
installations gauloises ? Les terres gagnées, les armes seraient-elles déposées ? On
sait qu’il n’en fut rien ; on allait seulement changer de type d’engagement guerrier :
des conflits de peuplades en déplacements, on en viendrait aux conflits de peuplades
sédentarisées - plus ou moins, il est vrai : des mouvements migrateurs se produiront
encore -, disons de populations pas encore vraiment stabilisées et toujours en tension.
La multiplicité des appellations de peuples gaulois que nous avons retrouvée sur la
carte de France - où le nom de plus de quarante peuples ou peuplades reste inscrit dans
des noms de villes - nous a déjà donné une idée du morcellement territorial, propre
aux mentalités celtes qui entendaient laisser à chaque territoire son individualité. On
y devine les sources de conflits et d’affrontements : “Le sentiment d’identité ethnique
était sans aucun doute très vif chez les différents peuples [gaulois], qui s’opposaient
vigoureusement à leurs voisins, mais aussi chez les tribus qui les composaient, et
qu’agitaient d’incessantes querelles” (de Planhol, 1988, 29). Yann Le Bohec écrit
sans ambages : “La Gaule n’a pas de stratégie [militaire] parce qu’elle n’existe pas.
C’est chaque peuple qui a un embryon de stratégie ; il consiste à se protéger du voisin
immédiat” (2001, 137). Les peuples gaulois guerroieront fréquemment contre leurs
voisins, soit qu’ils veuillent développer, soit qu’ils entendent sauvegarder la force de
leurs Etats. D’autres types de noms, demeurés jusqu’à nous, en témoignent.
2.1. Le souci de la frontière
Jacques Harmand évoque excellemment “le souci de la frontière, fruit de l’émiettement
du monde celtique” (1970, 53). La guerre de type frontalier, de peuplade à peuplade
limitrophe, se lit particulièrement dans le souci affiché de nommer les limites de
territoire. La richesse des toponymes frontaliers issus de la langue gaulôise doit être
soulignée.
2.1.1. La frontière-désert
La limite de territoire pouvait être protégée par une ceinture de terres semi-désertiques,
zone sécuritaire tampon où régnaient sols montueux, forêts, marais, végétation pauvre
(Dion, 1947, 13 et 16-19 ; Hannand, 1970, 53 ; de Planhol, 1488, 26-28 ; Àrsac, 1991,
122 ).
On verra, dans l’étude du “Rôle des sites de nature”, au chapitre III, quel était
l’intérêt défensif des hauteurs : celles du JURA séparaient Sequanes et I lelvètes ; celles
des CÉVENNES protégeaient les Arverncs des I Ici viens ; celles des VOSGES isolaient
Leuques et Rauraques, Triboques, Médiomatriqucs et ( nialnunes.
Le territoire des Turons était entouré d’une couronne forestière tenant lieu de barrière
contre le peuple voisin des Andécaves (Audin, 1981, 80) ; on note “encore aujourd’hui,
l’existence d’importantes forêts séparant l’Anjou |des anciens Andecaves] de la Touraine
[des anciens Turones]” (Provost, 1988d, 30). Semblablement, la forêt d’ARGONNE
formait frontière entre les Leuques et les Médiomatriques ; et la forêt de la BEINE, en
Picardie, se trouvait aux confins des territoires des Viromanduens, des Suessions et des
Bellovaques.
Comme les zones forestières, les vallées marécageuses constituaient parfois des
déserts périphériques aux territoires. La Sologne ( Secalonia , en 651, où l’on pourrait
reconnaître la racine hydronymique *sec-, appliquée à des terres humides) formait
séparation entre les Camutes du pays Chartrain et les Bituriges du Berry (Provost,
1988c, 36 ; Deroy et Mulon, 1992, 452). Les marais de la VOUGE, au sud-est de Dijon
( fluvioliis Vooge au XII e siècle, d’un terme celtique ayant sans doute désigné le cours
d’eau de “la forêt’’), et la rive droite de la SAÔNE (de Saint-Jean-de-Losne jusqu’à Port-
sur-Saône) ( Souconnci , à la base duquel on trouve un radical *souc- appliqué à des eaux
et à des marécages), semblent avoir conjointement marqué la limite de territoire entre les
Lingons du pays de Langres et les Eduens de Bibrcicte (Thévenard, 1996, 77, et carte,
80 ; Lebel, 1956, 326 ; Taverdet, 1994, 134 ; Delamarre, 2003, 319). La BRESSE, zone
mêlant forêts et marais, isolait les Séquanes des Eduens et des Ambarres.
Ces différents déserts périphériques seront laissés vierges de peuplement par les
nations gauloises (sauf cas particuliers de marches venant à accueillir une population
émigrante “comme gardes-frontière et groupes tampons”) (Harmand, 1970, 53). Des
habitats permanents n’y seront créés qu’au Moyen Age, avec la fondation d’abbayes
et les premières mises en culture (les monastères se sont souvent implantés en limite
de diocèses). Aussi, les anciens espaces de “no man’s land” gaulois pourraient être
reconnus des toponymistes... à ce qu’ils se montreraient souvent vides de noms
celtiques, alors qu’au contraire s’y repéreraient - postérieurs au XI e siècle - des noms
d’établissements, des appellatifs religieux (“hagiotoponymes”), des désignations de sols
pauvres (“Seule la création d’abbayes permit la réalisation d’un habitat permanent et les
premières mises en cultures ; [...] le nom de Dieu y est fréquemment invoqué dans les
toponymes : le mont-Dieu , le val-Dieu, la maison-Dieu, la garde de Dieu, etc. [...]. Ces
“zones d’ombre” ne devaient comporter aucun lieu-dit antérieur au XII e siècle, sauf à
l’emplacement des passages [...]. Une enquête sur les limites du territoire jadis occupé
par les Rèmes [du pays Rémois] [. . .] mettrait en évidence les toponymes anciens absents
de la zone frontière forestière”, souligne Roger Legros) (dans Chevallier, 1981, 176-
177). Autre exemple, la frontière occidentale des Diablintes (peuplade dont le nom se
retrouve dans Jublains) montre, à l’ouest de la rivière la Mayenne, une vaste zone inculte
où les noms d’origine celtique sont très peu présents, signe d’un espace-limite gaulois
laissé vide d’habitats (“Les noms d’origine celtique et les établissements gallo-romains
sont rarissimes à l’ouest de la Mayenne”) ; par contre, on y trouve une concentration
de toponymes des sols ingrats d’époque ultérieure, comme Saint-Aubin-de-Terregatte,
Saint-Denis-de-Gastines, Désertines , Sainî-Pierre-des-Landes . . . (Lambert et Rioufreyt,
dans Chevallier, 1981, 134). En Touraine, enfin, Ronsard fait allusion {Elégies, 23) à la
forêt dite de Gastine ( Wastina , au XI e siècle, du latin vastus, “vide”, “désolé”, “désert”,
“inculte”), dont le poète stigmatise les défrichements. Il n’en reste effectivement plus
aujourd’hui que des lambeaux à la limite septentrionale de l’Indre-et-Loire. Elle faisait
jadis partie d’un grand ensemble forestier (sur le domaine duquel on trouve maintenant
la localité Les Hermites), zone ayant séparé les Cités des Turons et des Cénomans
(Audin, dans Chevallier, 1981, 71, et carie, 72). Le silence des mots gaulois pourrait
donc être fort parlant.
Toutefois, bien qu’elles aient constitué des frontières larges, ces zones de marche, si
elles avaient un cœur, avaient forcément des bords, souvent marqués dans la topographie
par des marques repérables dans le paysage : lignes d’eau, lisières de bois, hauteurs bien
détachées..., qui jalonnaient leur pourtour et permettaient au chasseur, au pêcheur, au
bûcheron. . . de se situer dans l’espace, car il leur fallait “percevoir qu’ilfs] approchai [en] t
des confins du territoire” (de Planhol, 1988, 27). Par ailleurs, des voies de circulation
coupaient nécessairement les zones de marche pour mettre en relation commerciale deux
Etats voisins, avec des seuils précis de franchissement. A ces différents points purent
s’attacher des appellatifs gaulois en rapport avec les limites de territoire (“car on peut
penser sans invraisemblance que c’est aux endroits de passage, aux endroits où une
route sortait d’une Cité pour entrer dans une autre, qu’un toponyme comportant l’idée
de limite a dû le plus naturellement tendre à se fixer”) (Fournier, 1931, 135).
Hors des déserts périphériques formés par des bandes forestières ou des vallées
marécageuses, lorsque des frontières naturelles importantes ne formaient pas barrage
- principalement en zone de plaine -, il faut penser que des limites linéaires nettes
existaient. César souligne à propos des Suèves (peuplades germaniques confédérées,
qui ont laissé leur nom à la Souabe ) que “le plus beau titre de gloire pour les Etats,
c’est d’avoir fait le vide autour de soi, de façon à n’être entourés que des déserts les
plus vastes possible” (GG 2, VI/23, 133 ; mêmes remarques en IV/3). Du fait que le
général romain explique ainsi en détail ce système, nous devons conclure qu’il était tout
différent de celui de la Gaule ! Ce serait donc une erreur de s’exagérer l’importance des
déserts-frontières des peuples gaulois. Au reste, comme le souligne Jacques Naveau, “la
tendance à vouloir attribuer, systématiquement, aux territoires antérieurs à la Conquête
des limites naturelles a quelque chose à voir avec le mythe du bon sauvage” (1992, 28).
Nous devons croire que “Les Gaulois avaient une idée très précise de leurs frontières
et savaient en jalonner au sol le tracé exact” (Goudineau et Peyre, 1993, 164). De
même, à l’époque gallo-romaine, “la circonscription territoriale [aura] non seulement
un centre bien déterminé mais ses frontières exactement fixées” (Albert Grenier, cité
par Chambon, 2001, 102-103). De ces désignations nettes de confins de territoire, nous
retrouvons des souvenirs riches dans notre toponymie.
2.1.2. Le type *morga
Johannes U. Hubschmied puis Paul Lebel ont posé l’existence d’un gaulois *morga,
et de son dérivé *morgone, “bord, limite”, peut-être issus d’un celtique *mroga,
“frontière” (de même origine indo-européenne que le latin margo et le gotique marka,
qui nommaient aussi une “frontière”). Le mot aurait-il continué à vivre dans les dialectes
romans ? Selon certains philologues, on le retrouverait, peut-être par croisement avec le
latin murus , dans le nom des M(E)URGERS bourguignons, MURGÉES berrichons, et
autres MORGIERS suisses, tas d’épierrements bordant des limites de champs (Lebel,
1956, 292; Taverdet, 1981, 18) (cependant Pierre-Henri Billy pense que *morga
n’a laissé “aucune trace dans le lexique antique, médiéval ni moderne”) (2000a, 90).
*Morga, “limite”, subsiste en tout cas dans une série de noms de rivières et de noms de
localités (fîg. 8, avec un choix de noms), présents essenliellement dans le centre-est et
l’est de la France (également en Suisse et en Allemagne du Sud) (I lubschmied, 1938 ;
Lebel, 1956, 292-294 et 322-323 ; Pokorny, 1959, 738 ; I Vlamarre, 2003, 91).
Contestant cette origine, quelques linguistes ont tenté de rattacher ces noms de lieux à
une base préceltique *merg-, “marécage” (en particulier Müller, 1987, 74 ; 1994, 844 et
846, pour qui cette racine aurait servi à désigner anciennement des “marais” ou des “prés
humides” et des “ruisseaux de marais”). Cependant, force est de constater d’une part
que le thème linguistique en question se rencontre sur le domaine celtique de l’ancienne
Europe (Bessat et Abry, 1997, 253) ; et d’autre part que dans une majorité de cas, on a
affaire à des noms de lieux voisinant avec des frontières anciennes reconnues : même
si l’on préfère l’étymologie “marécage”, on ne peut effacer le caractère frontalier des
toponymes concernés, et on sera conduit alors à penser que “les rivières [...] coulaient
souvent dans des zones palustres dont les peuplades protohistoriques de la Gaule avaient
fait des éléments de bornage faciles à défendre” (Lebel, 1956, 323).
• Hydronymes
Particulièrement révélateurs des noms de cette série paraît un ensemble de noms
de rivières qu’on peut associer à des limites gauloises ou gallo-franques de territoire
Fig. 8 - Exemples de toponymes issus du gaulois MORG- (les frontières notées sont celles des
anciennes Cités gallo-romaines) (d'après J. Moreau, 1972, carte 1).
(ces dernières ayant pu reprendre de plus anciennes limites) ; “Le fait nous apparaît si
troublant que nous estimons pouvoir affirmer que hydr. Morge est bien issu de gaulois
*morga, ‘bord, limite’”, écrit Pierre-Henri Billy (1995b, 262). Cette délimitation des
territoires par des cours d’eau nous montre qu’ont existé des limites linéaires et pas
seulement des marches larges. Citons parmi ces cours d’eau frontière : le MORGON
(Allier), à une douzaine de kilomètres au sud-ouest de B ourbon-L’ Archambault, jadis
à la pointe sud-ouest du territoire éduen, sur la frontière des Arvernes et des Bituriges
(Goudineau et Peyre, 1993, 162) ; le MORGON (Rhône) ( Morgone rivulo , av. 994),
affluent de la Saône à Villefranche, à la limite entre les Ségusiaves et les Ambarres
(Lebel, 1956, 322 ; Billy, 1998, 161). En Haute-Savoie, on localise plusieurs MORGE
sur l’ancien territoire des Allobroges : à l’ouest, la MORGE {Marge, en 1697) qui rejoint
le Fier près de Vallières (au nord de Rumilly), à la limite de l’arrondissement d’Annecy,
peut-être lieu-limite jadis entre le pagus du vie us Albinnum (Albanais) et le pagus
Diafnensis] (Muller, 1994, 845 ; Bessat et Abry, 1997, 255) ; plus à l’est, la MORGE
coulant à Menthonnex-en-Bornes, qui paraît avoir été aux confins du pagus Genavensis
(Genevois) et du pagus Apollinfis] (mêmes réf.) ; enfin, beaucoup plus à l’est, presque
à l’extrémité du lac Léman, la MORGE, à Saint-Gingolph ( Morgia , en 1136), sur la
frontière réputée des Allobroges avec les Nantuates, aujourd’hui frontière entre la France
et la Suisse (Lebel, 1956, 293 ; Barruol, 1975, 310 ; Muller, même réf. ; Bessat et Abry,
1997, 249-250 et 255-256). Dans la Suisse voisine, nous trouvons plusieurs MORGE
proches d’anciennes limites de territoire ; citons celle coulant à Conthey en Valais
(. Morgi , en 1233), qui séparait les Gaulois Sédunes de Sion des Véragres d’ Octodurus/
Martigny (Millier, 1994, 845 ; Bessat et Abry, 1997, 249). En Isère, enfin, on repère
quatre MORGE différentes, qui paraissent toutes avoir correspondu à des marques de
frontière. Ce sont, du nord au sud : la MORGE de Chailles et (à quelques kilomètres de
distance) la MORGE des Echelles {La Morge , XVII e siècle), chacune affluent du Guiers,
qui fixe dans cette région “la limite du pagus Salmorincensis [pays de Sermorens] et du
pagus Bellicensis [Bugey]” (Lebel, 1956, 293) ; la MORGE, affluent de l’Isère {riveria
Morge , XIII e siècle), au nord-ouest de Grenoble, à l’endroit où la rivière fait un coude très
accentué, lieu de frontière méridionale probable des Allobroges avec les Vertamocores
(Lebel, 1956, 293 ; Barruol, 1975, 295) ; enfin, beaucoup plus au sud, la MORGE de
Saint-Sébastien-Cordéac (au sud de La Mure), affluent du Drac qui limitait le pagus
Diensis (Di ois) du pagus Gratianopolitanus (Grésivaudan) (Lebel, 1956, 293).
• Noms de localités
Parallèlement à ces hydronymes, nous rencontrons, formés sur le même thème
linguistique, des noms de localités : établissements qui ont dû se développer près de
cours d’eau frontaliers. ..
Dans la Drôme, MORGON, lieu-dit à Charols (au nord-est de Montélimar), se trouve
sur l’ancienne frontière des Segovellauni avec les Tricastini (qui deviendra limite des
diocèses de Valence et de Die) (Barruol, 1975, 270 ; Billy, 1998, 161).
En Isère, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de Grenoble, on repère à Saint-
Barthélémy-de-Séchilienne un autre lieu-dit MORGE, situé aux anciens confins du
territoire des Iconiens de la haute vallée de la Romanche (Thévenot, 1942 ; Barruol,
1975, 320-322; Bessat et Abry, 1997, 249 et 256-257 ; Billy, 1998, 160). Dans le
même département, cette fois à une vingtaine de kilomètres au nord-ouest de Grenoble,
on trouve la commune de MOIRANS (sans doute le Morginnum cité dans la Table de
Peutinger ) ; son nom pourrait être de même radical que celui de la MORGE qui coule
au sud de la localité (cours d’eau dont on a vu plus haut qu’il marquait sans doute à
l’époque gauloise la frontière entre les Allobroges el les Vertamocores) (Lebel, 1956,
293 ; Bessat et Abry, 1997, 251). Xavier Dclamurrc pense reconnaître dans ce toponyme
Morginnum un suffixe théonymique -no- avec gémination expressive : MOIRANS aurait
désigné à l’origine le lieu voué au “Dieu-de-Ia-Frontière” (information à l’auteur).
Plus au nord, dans le Jura, nous localisons près de Louvenne et Montrevel un hameau
de MORGES ( Morgas villam, en 910) ; selon Paul Lebel, il se serait situé à la limite du
pagus Scodingorum (pays gallo-franc d’Ecuens) et du pagus Lugdunensis (pays gallo-
franc du Lyonnais) (Lebel, 1956, 292 ; Lassus et Taverdet, 1995, 120).
En Côte-d’Or, nous rencontrons au sud du territoire de la commune de Chassagne-
Montrachet un lieu-dit MORGEOT (carte I.G.N. 3025 O) ( vinea Morga, en 864),
exactement sur la frontière départementale entre la Côte-d’Or et la Saône-et-Loire (à
quelques kilomètres à l’est, sur la même ligne frontalière, on repère Merceuil, nom sans
doute également issu d’un toponyme frontière : germanique *marka) (Billy, 1998, 165-
166) : MORGEOT correspond à l’ancienne limite entre le pagus Belnensis (Beaunois) et
le pagus Cabilonnensis (Chalonnais) (Lebel, 1954-1955, 348 ; 1956, 292).
Enfin, dans l’Yonne, à Sennevoy, se remarque un lieu-dit LA MEURGE (ferme)
(bien visible sur la carte I.G.N. 2820 E), “à 2 km de la limite [ancienne] du pagus
Tomodurensis [Tonnerrois] et du pagus Duismensis [Duesmois]” (Lebel, 1956, 292). A
l’époque de l’Indépendance, cette frontière - à très peu de distance des Sénons - pouvait
séparer le territoire des Eduens (comprenant le Duesmois) du territoire des Lingons (avec
le Tonnerrois) ; aujourd’hui, nous y trouvons la limite des départements de l’Yonne,
de la Côte-d’Or, et aussi de l’Aube, toute proche (Goudineau et Peyre, 1993, 166, et
planche IX de l’atlas).
• Autres MORGE possibles
D’autres toponymes de la même série, sans qu’on en ait la preuve définitive, peuvent
être suspectés d’avoir correspondu à des confins de territoires antiques.
Certains se repèrent sur des frontières modernes ou médiévales ; n’ont-elles pas
succédé à de plus anciennes limites ? Dans la Meuse, MORGEMOULIN ( Morgemoulin ,
déjà en 1256) est arrosé par le ruisseau de Vaux (présumé ancien *Morge) ; or, le village se
situe “dans une région où se rencontraient les doyennés de Pared et d’ Amel” (Lebel, 1 956,
293). Dans les Hautes-Alpes, à Abriès, on localise un lieu-dit MORGON, “à la limite du
diocèse d’Embrun et de la Cisalpine” (Billy, 1998, 161) ; aujourd’hui, la frontière franco-
italienne est à 6 km à l’est. Pour la Savoie et l’Isère, Hubert Bessat et Christian Abry
ont récemment montré qu’on relevait sur le pourtour de l’ancien diocèse de Grenoble un
alignement de noms du type Morge(s). Au nord-est de cette limite ecclésiastique, nous
trouvons le Chemin de MORGES, au Moutaret (commune de l’Isère).; au sud, le lieu-dit
MORGE à Saint-Sébastien (Isère) ; et à l’ouest, accompagnant la frontière sur plus de
50 km, plusieurs noms de lieux-dits et de ruisseaux : LES MORGES, lieu-dit à L’ Albenc
(Isère) ; la MORGE, cours d’eau prenant naissance à Saint-Aupre (Isère) ; la MORGE,
ruisseau à Miribel (Isère) ; la MORGES, ruisseau à Attignat-Oncin (Savoie) (Bessat et
Abry, 1997, 249, 253, et carte, 248).
Les frontières, nous l’avons dit, ont pu être marquées pour les peuples gaulois par
une ligne d’eau mais aussi par une élévation particulière. Il faut donc peut-être prendre
en compte plusieurs noms de hauteurs qui paraissent issus du même thème linguistique
*morg- (on n’exclura pas qu’ils se soient superposés à un plus ancien radical préindo-
européen *mor -, “hauteur”, qu’ils auraient remotivé) (Dauzat, Deslandes, Rostaing,
1978, 175 ; Bessat et Abry, 1997, 250). Au nord-est du département de Haute-Savoie,
se trouve le Pas de MORGINS (1369 m), qu’une route antique (issue du lac Léman)
atteignait en direction du Chablais (Bertrandy et autres, 1999, 74 et carte, 73) ; la hauteur
se situe juste avant la frontière entre la France et la Suisse ; en face, on repère la localité
suisse de MORGINS ( Morgens , en 1 156), et le Val de MORGINS qui longe la ligne de
séparation (Bessat et Abry, 1997, 251). Au nord du département des Hautes-Alpes, près
de La Chapelle-en-Valgaudémar, s’élève V Aiguille de MORGES (2 985 m) ; elle “a
pu servir de repère, sur des confins longtemps mal maîtrisés topographiquement, entre
les diocèses de Grenoble-Gap-Embrun, ce dernier diocèse touchant ce secteur par les
vallées de Freissinières et Vallouise” (Bessat et Abry, 1997, 249 ; et 250, 253, 255) ;
cette hauteur se situe à 6 km d’oiseau de la frontière avec le département de l’Isère. Au
sud du même département des Hautes-Alpes, nous trouvons près de Savines-le-Lac le Pic
de MORGON (2 327 m) ( montana de Morgon, en 1278), sur la frontière départementale
entre les Hautes-Alpes et les Alpes-de-Haute-Provence, jadis limite sud-ouest des
Caturiges. Enfin, tout au nord des Alpes-Maritimes, on trouve, à 9 km au nord de Saint-
Etienne-de-Tinée, la Crête de MORGON (2 790 m), qui devait être non loin de la “limite
entre le diocèse de Nice et la Cisalpine” (Billy, 1998, 161) ; le Pas de MORGON qui
voisine la crête (2 714 m) se trouve juste contre la frontière franco-italienne (et l’on
repère à 6 km au nord-ouest de ce lieu le Rocher des Trois-Evêques (2 868 m), marque
du partage des territoires diocésains) (carte I.G.N. 3639 OT).
On peut suspecter aussi d’autres noms en morg- d’avoir été associés à des limites
de territoires antiques (dont nous n’avons pas connaissance), parce qu’ils coexistent de
façon révélatrice avec différents toponymes frontaliers. Nous nous contenterons de trois
exemples. En Haute-Loire, entre Le Puy et Brioude, nous trouvons (sur la commune de
Saint-Georges-d’Aurac) un hameau de MORGE (où coule la Chamalière - dite Morge,
en 1495 -, que longeait la voie romaine de Clermont au Puy) ; mais n’est-on pas “dans
une zone fortement humide et éloignée de toute limite [antique]” (Billy, 1998, 160) ?
L’examen de la carte nous permet de repérer à 10 km à l’est la localité de Fix-Saint-
Geneys (nom dérivé du latin fines, “frontière”) ; à 15 km au sud-est, la Montagne de la
DURANDE (d’un modèle gaulois *ic(u)oranda, appellation frontière étudiée plus loin) ;
à 8 km au sud, le lieu-dit Mercurol sur la commune de Chanteuges ; et à moins de 20 km
(au sud-est) les villages de Mercœur et Mercury (probablement du germanique *marka,
“frontière”) (Provost et Rémy, 1994, 28; Dauzat, Deslandes, Rostaing, 1978, 140;
Soutou, 1969, 13-16 ; Billy, 1998, 165-166). Nous sommes donc vraisemblablement
sur une ligne de frontière ancienne. Paul Lebel avait songé à une limite entre pagus
Brivatensis : Brivadois, et pagus Vellavicus : Velay (1956, p. 293). André Soutou évoque
la “frontière séparant les Gabales des Vellaves”, près des Arvernes (1969, 16) ; on situait
cette limite plus au sud-est, mais des indices donnent à penser que les Vellaves auraient
pu occuper un territoire plus large vers l’ouest.
<
Dans le Puy-de-Dôme voisin, au nord-est de Clermont-Ferrand et de Riom, nous
rencontrons à Maringues un affluent de l’Ailier, la MORGE (. Morge , en 1260). Nous
sommes aussi “en dehors de toute limite connue” (Billy, 1998, 160). Cependant, près
du cours d’eau, Pierre-Henri Billy relève lui-même les noms de lieux YRONDE et
LYRONDE, issus du modèle *ic(u)oranda précité appliqué à des démarcations ; et nous
relevons également, à une dizaine de kilomètres, la localité de RANDAN, toponyme issu
du même thème *randa, “frontière” (Lebel, 1956, 293 ; Billy, 1998, 181).
Enfin, dans l’Aube, à l’est de Troyes, nous reconnaissons (près du lac de la Forêt
d’Orient où il vient se jeter) un autre cours d’eau nommé la MORGE ( Morgea , v. 1136) ;
il paraît couler “loin de toute limite” (Billy, 1998, 160). Paul Lebel a montré qu’à
proximité était cependant attesté (vers 1210) un lieu-dit Ewcrandant (relevant aussi du
modèle *ic(u)oranda) ; et qu’existait un ancien lieu-dit / / ennuie à bouchères (issu du
même modèle), à 10 km au sud de l’endroit où coule la MORGE ; enfin il relève que
la localité toute proche de Mesnil-Saint-Père “était la dernière paroisse du diocèse de
Troyes, contiguë à celui de Langres” (Lebel, 1937, 189). On pouvait être à la limite du
pagus Tricassinus (Tricassin), du pci gus Latiscensis (Lassois) et du pagus Breonensis
(Briennois) ; ou (plus anciennement) aux confins du territoire des Tricasses et des
Lingons (Lebel, 1937, 185 et 189 ; et aussi Berthoud, 1926, 81-82 ; Hure, 1931, 191 ;
Drioux, 1929 ; carte dans Drioux, 1934).
• *Morgarita
On reconstitue à partir du même *morga un composé gaulois *morgarita, qui aurait
désigné le “gué-de-la-limite”, le “passage-de-la-frontière” (Billy, 1998, 161). En Gaule,
les noms de lieux formés à partir de deux éléments étaient assez courants. L’attraction du
latin margarita, “perle”, puis du prénom Marguerite , expliquerait la déformation Morg-
>Marg- subie par les toponymes issus de ce modèle.
Dans l’Hérault, nous trouvons un cours d’eau, affluent de la Lergue, nommé la
MARGUERITE ( Margarita , en 1326, à relier au nom de la forêt dite Margarita, en 988,
que longeait le cours d’eau). Il était proche, jadis, du lieu de séparation entre Volques
Tectosages, Volques Arécomiques et Rutènes (Billy, même réf.).
En Gironde, le toponyme MARGUERON qu’on remarque à l’est du département
pouvait faire partie de la même série (si l’on suppose une forme *Morga-rit-onem). Une
voie romaine, allant de Castillon à Sainte-Foy-la-Grande, aurait traversé la commune
(Sion, 1994, 283). MARGUERON est situé à la frontière des départements de la Gironde
et du Lot-et-Garonne (non loin de la Dordogne) ; on trouvait jadis à peu de distance la
ligne de séparation entre Nitiobroges et Vasates, non loin des Pétrocores et des Vivisques
(même réf., 51).
En Charente-Maritime, nous relevons sur la commune de Mirambeau un cours d’eau
appelé la MARGUERITE (affluent de la GUIRLANDE, elle-même, on va le voir,
toponyme frontalier). Cet endroit, aujourd’hui à la frontière entre la Charente-Maritime
et la Gironde, devait marquer jadis la limite entre le territoire des Santons et celui des
Bituriges Vivisques (Billy, 1998, 161) ; la voie antique Saintes-Bordeaux a été repérée
dans la traversée de la localité (Maurin, 1999, 194).
Les confins de l’ancien territoire des Arvemes nous montrent plusieurs *Morgarita.
A l’ouest, sur la frontière qui séparait à l’époque gauloise les Lémoviques des
Arvemes, nous trouvons MARGERIDES ( Margheritis , en 1279), commune de Corrèze,
aujourd’hui à 9 km de la limite départementale Corrèze-Cantal. Il était fréquent - comme
nous le montrera l’étude des “Cultes”, dans le tome III La Gaule des dieux - que les
peuples gaulois installent des sanctuaires aux endroits-limites de lçurs territoires. Des
fouilles conduites à MARGERIDES en 1965 ont justement mis à jour un sanctuaire rural
important comprenant trois fanums (Lintz, 1992, 65-66). La voie romaine Bort-Limoges
traversait la localité, passant “tout près du sanctuaire [...] d’où une [autre] voie pouvait
rejoindre Ussel”, ce qui vient justifier l’appellation toponymique de “passage-de-la-
frontière” (même réf., p. 67).
A l’extrême sud-est de l’ancien territoire des Arvemes, nous repérons aussi, sur la
commune de Védrines-Saint-Loup (Cantal), un lieu-dit LA MARGERIDE ( Marjarida ,
1148) (Billy, 2011, 351), à quelques centaines de mètres de la frontière départementale
avec la Haute-Loire. Comme le précise P.-H. Billy, c’est ce lieu “qui a donné son nom
au vaste massif forestier qui couvre les confins du Cantal, de la Haute-Loire et de la
Lozère” : la Forêt de la MARGERIDE, au sud de Védrines (1998, 161). La frontière
était ainsi marquée à la fois par la forêt et par la hauteur : le lieu-dit LA MARGERIDE se
repère sur le plateau, à l’altitude de 1 100 m. A l’époque de l’Indépendance, la séparation
entre les Arvemes et les Gabales devait se situer à quelques kilomètres du lieu-dit (peut-
être moins) ; ce sera ultérieurement la limite de pagus du Tallendais avec le Brivadois.
L’appellation de “Gué-de-la-frontière” s’expliquait par la présence d’un cours d’eau (la
Védrinette) et d’une voie de circulation (“vieux chemin de la Limagne à Nîmes” repéré
au lieu-dit LA MARGERIDE) (Provost et Vallat, 1 996, 1 73).
Enfin, juste à l’est de l’Etat arverne, sur le territoire limitrophe des Ségusiaves,
un troisième lieu de frontière du type *morgarita a laissé son nom à MARGERIE-
Chantagret (Loire) ( Margeriam i, en 1250). Nous sommes aujourd’hui à 5 km de la limite
entre la Loire et le Puy-de-Dôme. La voie romaine de Feurs à Rodez (appelée voie
Bollène ) devait passer par MARGERIE (Lavendhomme, 1997, 45, 201 et 219).
D’autres toponymes que nous ajouterons sont plus incertains, mais peuvent être
envisagés. En Savoie, on repère au-dessus de la commune des Déserts et d’Aillon-
le-Jeune un Mont MARGÉRIAZ (1 845 m) (in Margeriaz, en 1320) ; il signalait la
démarcation entre les diocèses de Genève et de Grenoble, “en reprenant les limites des
civitates bas-impériales respectives” (Billy, 1998, 161) : zone de jonction entre Savoie,
Maurienne, Tarentaise et Albanais ; mais nos connaissances actuelles ne nous permettent
pas de déceler de frontière gauloise en ce lieu à l’intérieur du territoire allobroge.
Dans la Manche, on relève le nom de la commune de MARGUERAY ( Margerei ,
au XII e siècle; Margueré, v. 1280, ce qui correspond à la prononciation locale
actuelle : mar-gu(e)ré) (de Beaurepaire, 1986, 150) ; pourrait-il remonter à un ancien
*Morgaritum ? On comparera pour la deuxième partie du toponyme les noms de lieux
RAY, RAI(S), RE, relevés en Touraine par Stéphane Gendron comme issus du modèle
ancien *rito- (1991, 81-87) ; et aussi le nom de la commune de LONRAI dans l’Orne cité
par Paul Cravayat (Lonrayo, en 1 145-1171, sur un modèle s Hongo-rito ) (Cravayat, 1969).
Sur la carte, nous constatons que MARGUERAY (entouré par deux petits cours d’eau)
est à 4 km de la frontière départementale Manche/Calvados, jadis zone de séparation
entre les peuplades des Unelles et des Viducasses.
Les anciens noms tirés de *morgarita ont dû être parfois remotivés par le prénom
Marguerite. Il se pourrait donc que certaines des localités appelées Sainte-Marguerite
aient correspondu à d’anciens “Gués-de-1 a- frontière” ; telles, dans le Calvados, Sainte-
MARGUERITE-d’Elle, sur la frontière départementale ouest avec la Manche (jadis
limite des Unelles avec les Baiocasses) ; et Sainte-MARGUERITE-des-Loges, près de
la limite départementale est avec l’Orne (non loin de l’Eure aussi), jadis limite entre
Lexoviens et Esuviens, à peu de distance des Eburoviques ; dans le Puy-de-Dôme,
Sainte-MARGUERITE, à Thiers, non loin de NÉRONDE, autre toponyme frontière
que nous allons bientôt évoquer ; dans l’Orne, Sainte-MARGUERITE-de-Carrouges,
contiguë à la frontière avec le département de la Mayenne, à la limite, jadis, entre
Esuviens et Diablintes. La localité de MARGERIE(-Hancourt), dans la Marne, s’appelait
en 1119 Sancta Margareta (Vincent, 1937, 341) ; elle se trouve aujourd’hui à la limite
précise entre les départements de la Marne et de l’Aube (peu éloignée de la Haute-
Marne) ; ce devait être jadis l’endroit de séparation entre Catalaunes et Tricasses (non
loin des Leuques et des Lingons).
2.1.3. Le type *randa
Un terme *randa , “limite, frontière”, ayant existé en Gaule, paraît se rapporter à
une origine celtique : on connaît un vieil-irlandais runn, "division, part”, et rannaid ,
“il partage, il divise” ; un vieux-gallois guorenniou , "fractions, subdivisions”, et gallois
rhan, “part” ; un moyen-comique- ran, et comique radn. “pari” ; un vieux-breton rannou ,
“part, partie”, et breton rann, “part, division”, etc. (Henry, 1900, 230 ; Le Roux, 1956a,
44 ; Fleuriot, 1964, 293 ; Vendryes, 1974, R-7). La notion de part est voisine de celle
de partition : la frontière crée une division dans un territoire, séparé en deux parties par
une ligne de partage. Ce terme gaulois *randa a donné naissance à des appellations
dialectales du type RANDE, désignant des limites de terrains : gascon RENDAN,
“grande haie” ; languedocien RANDE, “haie vive”, et RANDISSO, “haie”, “claie pour
clôture” ; limousin RANDAL, “haie”, et RONDISSO, “clôture” ; rouergat RANDA et
RANDURO, “haie vive” ; auvergnat RANDA, “haie” ; dauphinois RANDA, “bordure”,
“lisière”, et RANDO, “haie”, “clôture” ; et peut-être champenois RAND ou RANDON,
“tertre servant de limite à un territoire communal”. On trouve aussi dans les dialectes
de nombreuses régions le sens de “bord”, “rangée”, “sillon”, “séparation” (Lebel, 1937,
150 ; Galtier, 1949, 243 ; von Wartburg, X, 1962, 56-58 ; carte Billy, 1995a, 191).
Datant de l’époque gallo-romaine, une coupe d’argent a été retrouvée sur la
commune de Courpière (Puy-de-Dôme), portant dédicace à un Marti Randosati :
Mars RANDOSATIS ou RANDOSAS (C./.L., XIII, 1516), dont le nom doit provenir
du modèle *randa (Thévenot, 1955, 26; Le Roux, 1956a, 46; Guyonvarc’h, 1964a;
Provost et Mennessier-Jouannet, 1994, 87 ; Sterckx, 1998, 118). Il s’agit peut-être d’une
épithète topique (Mars de *Randosa , le “Lieu-frontière”) ; ou peut-être du surnom d’un
dieu combattant qui garantissait les limites du territoire (voire même d’un dieu de la
“Troupe-frontière” ?) (Delamarre, 2003, 164 et 268). On remarque, à 5 km au nord du
lieu de la découverte, la localité de NÉRONDE-sur-Dore, dont le nom est rapporté à un
ancien toponyme frontière (repéré “au pied du Massif des Bois Noirs et du Forez, fort
dépeuplé et boisé dans l'Antiquité, qui séparait les Arverni des SegusiavV ) (Billy, 1998,
160). 4 km plus au nord, se situe le hameau de Sainte-MARGUERITE, dont le nom, on
l’a vu, paraît issu d’un autre toponyme frontière, *morgarita.
Dans la toponymie, le type randa (souvent suffixé) a dû être utilisé en Gaule pour
nommer des limites de territoires : il se reconnaît aux lieux de séparations entre différents
Etats ou pagi de la Gaule (flg. 9).
• *Randa sous une forme dérivée
Peuple des Santons
RANVILLE-Breuillard {Aranvilla, en 1254, peut-être à rapporter au même modèle),
est un village de Charente implanté à la frontière avec la Charente-Maritime (et proche
des Deux-Sèvres) ; cette séparation correspond à la limite ancienne entre Santons et
Pictons (et sans doute aussi à une frontière de pagus chez les Santons) (Vernou, 1993,
25).
Peuple des Lémoviques
LE RANDEIX, lieu-dit à EYGURANDE (autre toponyme frontière gaulois analysé
plus loin), est placé à la frontière nord-est de la Corrèze avec le Puy-de-Dôme (et non loin
de la Creuse) ; on y trouvait jadis la limite entre Lémoviques et Arvernes (Desbordes,
1984, 44 ; Lintz, 1992, 30-31 ; Chambon, 2001, 108). RANDAL, lieu-dit à Camps, se
repère également en Corrèze, au sud-est du département, à la jointure avec le Lot (et non
loin du Cantal) ; à l’époque gauloise, on était juste à la séparation entre Lémoviques et
Cadurques (la frontière étant marquée par les gorges de la Cère) (Desbordes, 1984, 44).
Peuple des Arvernes
Les toponymes du type randa que l’on repère sur l’ancien territoire des Arvernes ne
correspondent pas à des frontières d’Etat ; on peut supposer des délimitations internes de
Fig. 9 - Toponymes issus du type *RANDA (avec tracé en fond de carte des frontières des
anciennes Cités gallo-romaines).
pagi. RANDANNE, dans le Puy-de-Dôme, écart de la commune d’Aurières (toponyme
frontalier désignant un “bord”, une “frontière”, dérivé du latin ora, “bord”, “extrémité”),
est situé sur le ruisseau la RANDANNE ; à quelques kilomètres se trouveiit les lieux-dits
LA DURANDE et ÉGUIRANDE, eux-mêmes toponymes frontaliers d’origine gauloise,
repérables à la limite des évêchés de Clermont et du Puy (Billy, 1998, 158 ; Chambon,
2001, 87). On ignore quelle était la frontière antique concernée. A une douzaine de
kilomètres plus à l’est, nous trouvons l’abbaye Notre-Dame de RANDOL ; la commune
de Saint- Amand-Tallende, voisine, tire la seconde partie de son appellation du nom d’un
pagus gallo-franc, le Tallendais ; on peut croire que les toponymes cités se montraient
sur la zone frontalière entre Tallendais et Auvergne, et que celle nouvelle frontière avait
repris d’anciennes limites de pagi. Au nord du même département, la commune de
RANDAN est située à la frontière de l’Ailier. La limite moderne peut calquer une limite
ancienne ; mais on ne sait de quelle frontière antique à P intérieur des Arvernes ce nom
garde le souvenir.
Peuple des Gabales
Au nord-est de Mende, en Lozère, sur l’ancien territoire des Gabales, se rencontre
dans un espace restreint une série de lieux nommés RANDON : Arzenc-de-RANDON,
Châteauneuf-de-RANDON, Rieutort-de-RANDON, et les hauteurs du Signal de
RANDON et du Truc de RANDON ( Rando , en 1126) où l’on reconnaît les traces d’un
ancien oppidum (Fabrié, 1989, 107). Mais quelle frontière marquaient-ils ? Si beaucoup
d’historiens placent la séparation entre les Gabales et les Vellaves plus au nord-est,
Louis-Fernand Flutre, dans son ouvrage sur la toponymie de la Lozère, pense que
“RANDON se trouve exactement sur l’arête médiane des monts de la Margeride [...],
qui formait autrefois barrière entre les Gabales et les Vellaves” (1957, 222). Pour Ernest
Nègre également, la ligne de séparation entre les deux peuples a dû correspondre à ces
hauteurs et explique leur nom (Nègre, 1990, 143 ; Arsac, 1991, 123). Nous remarquons
qu’à 2 km à l’est de Châteauneuf-de-RANDON, se trouve un lieu-dit Mercoire, déjà
rencontré comme toponyme frontalier (germanique marka).
Peuple des Vellaves
Un lieu-dit RANDON se rencontre au hameau de Vachères, à l’extrême sud-est de
la Haute-Loire (près de la frontière avec l’Ardèche) ; on y trouvait jadis la limite entre
Vellaves et Helviens. Au sud-est du même département, tout proche du département de
la Loire, un autre lieu-dit RANDON est aussi connu, sur la commune de Saint-Didier-
en-Velay ; il correspond à l’ancienne séparation entre Vellaves et Ségusiaves (Billy,
1998, 158).
Peuple des Médulles
Le nom de la commune de RANDENS, établie au cœur de la Savoie ( Randens , en
1019), est censé provenir, d’après Albert Dauzat suivi par Pierre-Henri Billy et Ernest
Nègre, d’un nom d’homme germanique Rando (Dauzat et Rostaing, 1978 ; Billy,
1981, 240; Nègre, 1991, 798) ; nous y verrons plutôt le toponyme-frontière randa :
RANDENS s’est développée au bord de l’Arc qui formait frontière entre les Médulles et
les Allobroges (tout proche aussi du territoire des Ceutrons) (“La limite [entre Allobroges
et Médulles] devait passer [...] vers le défilé de Charbonnières près de Randens,
toponyme frontière, où se trouve un tumulus-frontière”, précise Bernard Rémy) (1970,
203, et carte, 201-202).
Peuple des Allobroges et des Séquanes
ARANDON, village au nord-ouest de l’Isère ( Arandon , au XIII e siècle), et
ARANDON, écart de Groslée, au sud-est de l’Ain ( Arandun , en 1214) sont implantés
chacun d’un côté du Rhône (marquant la frontière départementale), distants d’une
dizaine de kilomètres. La première localité se situait aux confins dû territoire allobroge,
près des Séquanes et des Ambarres ; la seconde pourrait avoir correspondu à l’extrémité
du territoire séquane (près des autres peuples cités) (mais on ne peut exclure que les
Allobroges aient tenu à la fois la rive gauche et la rive droite du fleuve). Toutes deux
doivent avoir été étymologiquement des établissements “près-de-la-frontière”, *Are-
rand-one. On comparera dans le lexique avec le terme dialectal ARANDE, “à côté” (ou
ARANDA, “auprès”), encore employé dans l’Isère (dans la région de La Mur ç, faire un
ARANDON signifie “faire un écart”, autrefois en labourant, aujourd’hui en conduisant
sa voiture) (von Wartburg, X, 1962, 56 ; B. Horiot, renseignement oral).
Peuple des Ambarres
ARANDAS, dans l’Ain (in Arandato, au VII e siècle, sur un modèle *are-rand-ate), se
situe à moins de dix kilomètres de la limite départementale avec l’Isère ; ce point devait
correspondre jadis à l’extrémité orientale du territoire des Ambarres (à la jointure avec
les Séquanes et les Allobroges).
Peuple des Lingons
Un lieu-dit LE RANDON existe sur la commune d’Argançon, située à l’est du
département de l’Aube, un peu au nord de Vendeuvre-sur-Barse et de Bar-sur- Aube
(Toussaint, 1954, 155). On peut penser que ce lieu voisinait jadis avec la limite entre
Lingons et Tricasses (la frontière nord du territoire lingon allait jusqu’au “nord-ouest de
Bar-sur-Aube [...] incluant Vendeuvre”, “ce tracé septentrional [...] [n’étant] autre que
la limite du diocèse de Langres avant 1731”) (Thévenard, 1996, 78, et carte, 80).
Peuple des Esuviens
RANDONNAI ( Rondonai , v. 1272 ; Randonet, en 1351) est une commune de l’Orne,
qu’on trouve implantée à 9 km d’une double frontière avec l’Eure et l’Eure-et-Loir ;
René Lepelley, dans son Dictionnaire des noms de communes de Normandie, rapporte
ce toponyme à un latin arundo, “roseau” (1996, 206). On songera plutôt à un dérivé du
thème gaulois randa, “frontière” (opinion du reste soutenue par Barrière, 1947, 166).
Nous remarquons que RANDONNAI se situe dans la zone limite qui séparait autrefois
les Esuviens des Eburoviques (non loin des Carnutes).
• Composé *camaranda/ Aamboranda
Une petite série de noms de lieux du type CHAMARANDE(S), CHAMERANDE,
CHAMERANDE, se rencontre dans la moitié est de la France (Champagne, Bourgogne,
Auvergne, Rhône -Alpes) (fîg. 10). Ils remontent à un nom composé dont *randa était le
second élément.
On a pensé reconnaître en première position le thème gaulois *cam(m)a- dont le
dérivé ' Y cammano-, latinisé en *cam(m)ino-, est à l’origine de notre français CHEMIN
(Lambert, 2003, p. 195 ; Billy 1998, 158). Le composé *cama-randa aurait en ce cas
désigné un “« chemin-frontière » ou plutôt [une] « frontière formée par un chemin »”
(Vincent, 1937, 99). Des voies de circulation gauloises ont pu longer la limite entre deux
Etats ; et à certains endroits du parcours, des points de passage ont pu être aménagés
pour accéder d’un territoire à un autre ; ils auraient pris l’appellation de “Lieu-frontière-
du-chemin”. Roger Dion évoque l’existence de ces “repères précis que formaient de loin
en loin, dès avant la période historique, les intersections des limites de peuples et des
grandes voies terrestres” (1947, 34).
Une autre hypothèse est envisagée, qu’on doit mentionner : un modèle *cambo-randa
qui aurait nommé des lieux où la “frontière-fait-coude” (X. Delamarre, 2003, 100).
Certains toponymes de la série correspondent à de tels emplacements (fîg. 10).
Le rapport avec des frontières peut être souvent mis en valeur, mais pas toujours : la
toponymie révèle parfois des limites de territoire que l’archéologie ne peut plus (ou ne
peut pas encore) percevoir. Ainsi en va-t-il de CHAMARANDES-Choignes, en Haute-
Marne, qui ne correspond pas à une frontière connue : juste à l’est de Chaumont, la
localité (nommée Chamarandae en 1 175) est à situer à l’intérieur du périmètre de l’ancien
territoire lingon, apparemment hors de toute démarcation. On doit faire l’hypothèse
d’une très ancienne limite nord du territoire des Lingons, plus méridionale que celle fixée
à l’époque gallo-romaine (entérinée par le diocèse de Langres) ; ou bien d’une limite de
pagus mal connue (à la frontière ouest du Bassigny, pagus Bassiniacensis ) (Marteaux,
1921, 54). A proximité de ( 1 1 AM ARANDES a été repérée une voie de circulation
antique (Thévenard, 19%, 117 et 163).
Fig. 10 - Toponymes issus du gaulois *CAMARANDA (avec tracé en fond de carte des
frontières des anciennes Cités gallo-romaines).
A l’est de l’ancien territoire éduen, en Saône-et-Loire, existe sur la commune
de Royer (près de Tournus) un lieu-dit CHAMERANDE (Vincent, 1937, 99) (noté
Chemarancle sur la carte I.G.N. 3027 O). Ce site voisinait jadis avec “un nœud routier
à la limite des pagi de Mâcon et de Tournus” (Rebourg, 1994, 460) ; on y trouvait en
particulier un chemin reliant Brancion à Chalon (Billy, 2001a, 25). Presque en face, dans
l’Ain, nous repérons, proche de la limite départementale avec la Saône-et-Loire, un autre
CHAMERANDE ( Cameranda , en 995), à Saint-Bénigne, juste sur la rive gauche de la
Saône. Si les Eduens ont contrôlé les deux rives de la Saône, CHAMERANDE aurait pu
marquer un lieu-frontière à l’est de leur territoire, à la limite nord-ouest des Ambarres,
où la frontière faisait une courbe accentuée (Vincent, 1937, 99 ; Goudineau et Peyre,
1993, 152).
Au sud-ouest de l’ancien territoire éduen, un village nommé CHAMÉRANDE est
connu à Trévol (Allier), lieu jadis à la limite avec le territoire biturige, proche aussi des
Arvemes (il sera à la frontière du diocèse d’Autun et de Clermont) (Chambon, 2001,
109) ; la voie antique Nevers-Varennes-sur- Allier passait à Trévol ; elle pouvait en ce
secteur former frontière entre Eduens et Bituriges (Fanaud, 1960, 286 ; Corrocher et
autres, 1989, 27).
Un peu plus au sud-est du même département de l’Ailier, on connaît un hameau de
CHAMARANDE, à Saint-Léon, jadis à l’extrême nord du territoire arverne, proche de
la frontière avec le territoire éduen (ensuite au diocèse de Clermont, près de la limite
de celui d’Autun) (Chambon, 2001, 109). Une voie antique reliant Clermont à Autun
traversait Saint-Léon (Fanaud, 1960, 223, et carte).
Au sud-est du même territoire jadis arverne, nous trouvons un autre toponyme (LA)
CHAMARANDE, dans la Haute-Loire, près de la frontière avec le Puy-de-Dôme (et non
loin du département de la Loire) : “nom d’un ancien chemin de crête reliant Félines à
Saint-Victor-sur- Ariane” (Arsac, 1991, 123) ; il marquait jadis la limite entre le peuple
des Arvernes et le peuple des Vellaves (Boy, 1988, avec carte ; Chambon, 2001, 85-86).
Comme le remarque Bernard Rémy, les lignes de crête ont souvent servi de démarcation
(1970, 197). A une douzaine de kilomètres du CHAMARANDE de Haute-Loire, on
rencontre - de l’autre côté de la limite départementale : dans le Puy-de-Dôme - un lieu-
dit LA CHAMARANDE (sur la commune de Sauvessanges) ; il garde souvenir de la
même limite de territoire entre les Vellaves et les Arvernes, près d’un coude-frontière
(Boy, 1988, avec carte ; Billy, 1998, 158 ; Chambon, 2001, 79-80).
Dans le nord du département de la Loire, existe à Saint-Germain-Lespinasse (10 km
de Roanne) un hameau CHAMARANDE ( Chamaranda , en 1260), jadis proche de
la frontière des Ségusiaves avec les Arvernes, à l’angle nord-est de leur territoire
(Chambon, 2001, 109). On constate aussi que la voie antique Clermont-Lyon traversait
Saint-Germain (Fanaud, 1960, 209).
Enfin, en Haute-Savoie, se rencontre au sud de Frangy, entre Chilly et Mésigny, un
écart nommé CHAMARANDE (carte I.G.N. 3330 OT). Il paraît correspondre à une
frontière, dans le territoire des Allobroges, entre le pagus Dia[ nensis] (qui avait pour
établissement principal Seyssel) et le pagus Apollin[ensis] (formé autour d’Annecy)
(Marteaux, 1921, 53 ; Bertrandy et autres, 1999, 70, et carte, 71).
• Composé *nicoranda
Une série de toponymes du type NÉRONDE paraît appartenir à la même série
(Barrière, 1947, 162, 166) ; on reconstitue à la base un prototype gaulois *nico-randa
(Billy, 1998, 159-160). Sa première partie contiendrait un radical ancien ayant servi à
désigner des rivières (comme le Nekkar , la N ère, le Négron, le Noireau . ..) (même réf. ;
Pokorny, 1959, 761). *Nico-randa signifierait donc : “frontière-de-l’eau” : on aurait
affaire à des limites marquées par des cours d’eau (repères pratiques de fins de territoire).
Les noms de lieux issus de ce modèle se révèlent souvent liés à des confins de territoires
gaulois.
En Charente, au nord-est d’Angoulême, près d’Echallat, le hameau de NIGRONDE
(à 2 km du cours d’eau la Nouère) se trouve à proximité de la limite du Bas-Empire
entre Cité de Saintes et Cité d’Angoulême ; elle-même devait correspondre à une plus
ancienne frontière gauloise entre le peuple des Santons et une autre entité politique mal
identifiée (Vernou, 1993, 25). Selon Camille Jullian (cité par Billy, 1998, 159), “avant
les temps romains. Angoumois et Saintonge vivaient chacun d’une vie propre ; et après
une période de réunion, le démembrement de la civitas de Saintes ne fit que rétablir un
état antérieur” (1918, 233).
Dans le Puy-de Dôme, la petite localité de NÉRONDE (près de Thiers) ( Neyrondes ,
en 1373) est située tout à côté d’un cours d’eau, la Dore. Il a pu marquer la limite entre le
peuple des Arvernes et celui des Ségusiaves (doublé par les hauteurs du massif des Bois
Noirs et des monts du Forez). Dans l’Ailier, on repère deux noms de lieux qui peuvent
provenir du modèle *nicoranda. Au nord-ouest, LES NÉRONDES, lieu-dit à Theneuille
(près d’un affluent de la Bieudre), n’est pas sur une limite connue de peuple gaulois ;
mais on peut en suspecter une ; à 8 km, en effet, se trouve la localité d’YGRANDE,
dont le nom provient d’un toponyme-frontière utilisé en Gaule (voir ce qui est dit plus
bas sur le composé *icoranda/*icuoranda ). Au nord-est du même département, contre
la frontière avec la Saône-et-Loire, existe un autre lieu-dit LES NÉRONDES, sur la
commune de Beaulon (où passe un petit cours d’eau) ; il aurait correspondu à “la limite
des Ambivareti et des Haedui ” (Billy, 1998, 159-160).
Dans la Loire, au nord de Feurs, la commune de NÉRONDE ( Nirundensis , au
IX e siècle), où coule un petit affluent de la Loire, a pu se développer près d’une frontière
de pagus à l’intérieur du territoire des Ségusiaves. Au nord du même département,
près de Roanne, NÉRONDE, lieu-dit à Saint-Forgeux-Lespinasse (sur la Teyssonne),
se reconnaît sur l’ancienne limite entre Ségusiaves, Eduens et Arvemes, aujourd’hui
frontière entre Loire, Saône-et-Loire et Allier (Billy, 1998, 159).
A l’est de l’Ain, on rencontre aussi, à Champfromier, un lieu-dit NÉRONDE ; il
correspondrait à l’ancienne frontière entre les Ambarres et les Helvètes (même réf.). En
Saône-et-Loire, un autre lieu NÉRONDE existe à Marly-sous-Issy, à proximité de la
frontière avec la Nièvre ; il aurait été “à la limite des Haedui et des Boii ’ (même réf.).
Enfin dans le Cher, entre Bourges et Nevers, se trouvent à une vingtaine de
kilomètres de distance l’une de l’autre, du nord au sud, NÉRONDES, chef-lieu de
canton ( Nirundensis , en 855 ; Nerunda, en 880), et NÉRONDE, lieu-dit à Givardon. Ces
toponymes garderaient souvenir des confins du territoire biturige (même réf.).
• Composé *icoranda/*icuoranda
Un autre composé gaulois en -randa a vraisemblablement été formé avec un élément
de sens hydronymique : *ico randa, variantes Hcuoranda, *icuaranda (Dauzat, 1957,
105 ; Soyer, 1934, 222). La graphie imaginée *equoranda nous semble avoir engendré
un faux problème : la forme est-elle attribuable au gaulois, vu la présence du groupe
-qu- ? On comparera avec Sequana, la SEINE, où “le q peut être simplement une graphie
pour c”, et donc ne pas avoir la valeur d’un k labio-vélaire sourde (Mulon, 1 990, 306 ;
Lambert, 2003, 113). Sequana semblant se rapporter à un ancien *sec-u-ana ou sec-o-
ana, ne peut-on substituer à *equoranda un original *icu-o-randa ou ic-o-randa (Jung,
1970, 447 ; Deroy et Mulon, 1992, 440) ? Au demeurant, le plus ancien toponyme
connu de la série est une forme Igoranda (appellation de lieu cité au VII e siècle par un
moine rédacteur de la translation des reliques de saint Léger, qui s’est conservée dans
INGRANDES-sur-Vienne) ; on sait que l’occlusive -c- est passée à la sonore -g- dès le
VI e siècle (Lebel, 1937, 145-146, 150, 176).
Nous pensons qu’il faut reconnaître dans le premier composant de cette formation un
radical ic-, “*eau” (resté dans l’occitan IGA, “ravin creusé par les eaux”) (Billy, 2004,
257). On le rencontre en Gaule dans le nom de déesses des eaux : ICAUNA, priée à
Auxerre, au bord de sa rivière ; ICOVELLAUNA, révérée à Metz, dans un sanctuaire de
source. On le retrouve, aussi, à l’origine du nom de l’EYGUES, affluent du Rhône ; du
nom de la rivière YONNE ; du nom de FOIS ANS (territoire des ICONIENS, installés
tout le long d’un cours d’eau, la Romanche). On pourrait l’identifier, enfin, dans
l’appellation de plusieurs localités de France (se reporter, dans le tome III La Gaule des
dieux , à l’étude sur les “Eaux sacrées” ; voir aussi Lacroix, 1998, 170-171, 182) (l’idée
de rattacher le thème ic- au nom de l’oiseau appelé “pic” ou “pivert” nous apparaît
sémantiquement indéfendable) (Delamarre, 2003, 187).
De nombreux toponymes sont issus du modèle *icoranda , très fécond. Paul Lebel,
dans une étude magistrale, en a recensé 120 exemples (fîg. 11, limitée aux principaux
toponymes), y compris quelques appellations anciennes et quelques noms existant en
Belgique (1937) ; mais les études régionales en ont fait depuis grossir la liste. Claude
Lambert et Jean Rioufreyt relèvent ainsi 49 noms frontière de ce type jalonnant les
limites de territoires des seuls peuples des pays de la Loire (d’après une enquête
toponymique réalisée sous le couvert de la direction des Antiquités historiques des
Pays de la Loire, dans 13 départements de l’Ouest) (1981, 123 et 140-141). Les noms
en Hcoranda (en majorité des localités et des lieux-dits) apparaissent sous des formes
très variées, en de nombreuses régions de France : A1GUERANDE, A1GURANDE,
(LA) DÉL1VRANDE, ÉGARANDE, EURANDE, EYGURANDE, GUIRANDE,
HARANDE, HÉRANDE, HYRONDE, IGUERANDE, INGRANDE(S), INGRANNES,
YGRANDE, YVRANDE(S), etc. (Vincent, 1937, 101-102 ; Lebel, 1937 ; Barrière,
1947 ; Dauzat, 1960, 122-125 ; Nègre, 1990, 195-196). L’origine peut avoir été masquée
par des déformations nées de réinterprétations : cas des toponymes LA RONDERIE,
L ’ HIRONDELLE, HÉRON, GUIRLANDE ...
On ne peut douter du sens de limite territoriale à donner à ce modèle. Plusieurs
lieux dont les appellations en sont issues ont en effet été nommés Fines par les autorités
romaines : par exemple INGRANDES (Indre), Fines dans la Table de Peutinger et
Y Itinéraire d’Antonin ; INGRANDE (Vienne), Fines sur des bornes milliaires antiques ;
INGRANNES (Loiret), Ad Fines dans la Table de Peutinger ; (L)AVORANT (Isère),
Fines dans Y Anonyme de Ravenne... (Lot, 1919, 495-496 ; Barruol, 1975, 77 et 322).
Surtout, sans ambiguïté, nous repérons les toponymes concernés à la frontière des anciens
Etats gaulois (et aux frontières des anciens diocèses qui en ont souvent repris les tracés).
La liste étant beaucoup trop longue, nous nous contenterons de quelques exemples pris
à différents peuples gaulois.
A1GURANDE (Indre) ( Agurandas , en 1214) se trouve sur la limite antique entre les
Bituriges et les Lémoviques ; LA DÉLIVRANDE, au Lude (Sarthe), sur celle entre les
Andécaves et les Cénomans (non loin aussi des Turons) ; ÉGARANDE, à Estivareilles
(Loire) ( Terra Deyguiranda , en 1 324), à la limite des Vellaves avec les Ségusiaves et les
Arvernes (Chambon, 2001, 79) ; LES ÉGUIRANDS, à Jabrun (Cantal) (Les Aguirands,
en 1508), est proche du lieu de séparation entre les Arvernes et les Gabales, non loin
des Rutènes (Berthoud, 1926, 83 ; Chambon, 2001, 92-93) ; EYGURANDE (Corrèze)
(Angurande, en 1294), est à la séparation entre Arvernes et Lémoviques ; GUIRANDE,
à Felzins (Lot) ( Guiranda , en 996-1030), à celle entre Cadurques et Arvernes (non loin
aussi des Rutènes) (Chambon, 2001, 107) ; LES HÉRANDES, à Busson (Haute-Marne)
(. Evaranda , vers 1 123), près de la frontière des Leuques avec les Lingons ; IGUERANDE
(Saône-et-Loire) ( Vuiranda , en 846), au lieu de séparation entre Eduens et Ségusiaves ;
INGRANDES- su r-Loire (Maine-et-Loire) (Ingranda, en 1152), à celui entre les Andes
et les Namnètes ; INGRANDES-sur-Vienne (Vienne) (vicus / agrandisse , en 637 ; viculo
Igorande, à l’époque mérovingienne), à la limite entre Pictons et Turons ; LAVORANT
ou AVORANT, à Livet-et-Gavet (Isère), aux confins des Allobroges et des Iconiens ;
YVRANDES (Orne) ( Yvranda , v. 1200), à la limite des terres des Sagiens avec celles
des Abrincates, etc. (Lebel, 1937)
Le toponyme a pu finir par être appliqué parfois avec le sens de “limite de Cité”
sans son acception hydronymique originelle et habituelle : preuve nous en est donnée
par le nom de la DURANDE ( Guyrandas , en 1470), point culminant de la Haute-Loire
(1299 m), à la limite des anciens diocèses de Saint-Flour et du l'uy, jadis frontière entre
Arvernes et Vellaves, non loin des Gabales (Dauzal, 19 U, 1/8 V/9 ; Fournier, 1931,
Fig. 11 - Toponymes issus du gaulois *IC(U)ORANDA (exemples les plus sûrs, selon Lebel,
Romania, 1937, 175-203), avec tracé en fond de carte des frontières des anciennes Cités
gallo-romaines.
136 ; Lebel, 1937, 193 ; Soutou, 1969, 14-16, avec carte ; Galtier, 1970, 115 ; Arsac,
1991, 123 ; Chambon, 2001, 87). Mais on constate que dans la très grande majorité des
cas le sens de “limite de territoire marquée par l’eau” se vérifie, “de nombreux Iconmdu
s’appliquant] à la fois à un lieu habité et à la rivière qui l’arrose” (Barrière, 1947,
162). Ferdinand Lot a montré que les toponymes en *ic(u)oranda avaient dû désigner,
antérieurement à des noms de localités, des noms de cours d’eau (Lot, 1919 ; Dauzat,
1960, 122).
Encore aujourd’hui, nous conservons toute une série d’hydronymes issus de ce type ;
et nous les repérons le plus souvent aux frontières reconnues des anciens Etats gaulois
(même si nous connaissons encore mal ces limites, et si elles ont pu varier avec le
temps). Citons à titre d’exemples : l’EGRENNE, entre les départements de la Manche
et de l’Ome ( Egrenna , v. 1020), jadis à la limite des Sagiens avec les Abrincates (de
Beaurepaire, 1986, 114) ; l’AIGRONNE, près d’Obterre (Indre) ( Engronne , 1722),
qui devait marquer la séparation des Turons et des Bituriges (Lebel, 1937, 189-190) ;
les EYGUR ANDES, ruisseau qui arrose le hameau des ÉGUIRANDS, sur la commune
de Jabrun (Cantal), à la frontière entre les Gabales et les Rutènes (Chambon, 2001,
92-93) ; le ruisseau des ÉQUILANDES, entre Bourg-Archambaud (Vienne) et Azat-
le-Ris (Haute -Vienne), à la limite entre Lémoviques et Pictons (Lebel, 1937, 189 ;
Desbordes, 1984, 43-44) ; la GUIRANDE, affluent du Lary (Charente-Maritime), à la
frontière des Santons et des Bituriges Vivisques (Billy, 1998, 159) ; la GUIRLANDE
(Deux-Sèvres) (fluvium Equirande, en 980), affluent de la Sèvre mortaise, à quelques
kilomètres de la limite réputée des Santons et des Pictons (Duguet, 1995, 196 ; Billy,
1998, 159) ; le HÉRON, ruisseau (et commune) de Seine-Maritime près de la limite avec
l’Eure, jadis lieu supposé de frontière entre Véliocasses et Bellovaques (Rogeret, 1997,
71) ; l’(H)IRONDELLE (Aqua de Guirandela, en 1277), à Saint-Martin-sous- Vigouroux,
près de Thérondels, à la limite Cantal- Aveyron, jadis à la séparation des Arvemes et des
Rutènes (Lebel, 1937, 193 ; Albenque, 1948, 43 ; Provost et Vallat, 1996, 45) ; aussi le
ruisseau d’HIRONDELLE (autrefois Iron ) (Pas-de-Calais), à la limite des Nerviens et
des Atrébates (Delmaire, 1994, 64) ; également le ruisseau d’INGRANDE, affluent de
l’Ernée, à Saint-Germain-le-Fouilloux, à la frontière des Cénomans avec les Diablintes
(Lebel, 1937, 184), etc.
De nouvelles recherches approfondies sur les toponymes et hydronymes en *ic(u)o-
randa pourront permettre (en liaison avec d’éventuelles découvertes de bornes ou
inscriptions antiques) de mieux préciser les frontières des anciens Etats gaulois. Nous
donnerons en exemple de l’intérêt de cette série le tracé qui se dessine du territoire
des Cénomans, des Turons, des Lémoviques, et aussi des Leuques et Médiomatriques
(fig. 12, 13, 14, 15).
2.1.4. Balisage des territoires par les toponymes frontière
La prise en compte conjuguée des différents types de toponymes frontière d’origine
gauloise que nous venons de passer en revue accroît les possibilités de reconstitution
du tracé des territoires (voir carte des toponymes frontière d’Auvergne, fig. 16) (établie
à partir des travaux de P.-H. Billy, 1998, et de J.-P. Chambon, 2001). On ne devra pas
s’étonner, cependant, dans les différentes recherches menées, de la situation anormale
(intérieure ou extérieure) où l’on trouve parfois certains noms frontaliers. Loin de mettre
en doute la validité des analyses, ils nous montrent que les limites entre les peuples gaulois
ont parfois connu d’importantes variations, voire des bouleversements : conséquences
des rivalités de territoires, essais répétés d’extension, et prises de prééminence, cela
pendant plusieurs siècles qui ont pu voir d’anciens noms de frontières subsister (d’autres
toponymes - ici non relevés - doivent avoir correspondu plutôt à des limites internes de
pagi, dont le tracé nous est souvent inconnu).
La carte des toponymes frontaliers de l’Etat des Ségusiaves (fig. 17) permet de bien
visualiser le pourtour du territoire ; il montre aussi l’existence vraisemblable d’une
partition intérieure en deux pagi (même si les historiens ne la reconnaissent pas encore,
en l’absence de toute trace épigraphique).
Pour l’essentiel, les frontières du peuple éduen d’il y a 2000 ans se reconnaissent
également à nous par le relevé des toponymes frontaliers qui sont restés inscrits dans le
paysage (Goudineau et Peyre, 1993, 143-167, et atlas, planche IX). Tout au nord nous
trouvons, précédemment cité, le lieu-dit LA MEURGE ( Morga , en 864), à Sennevoy
(Yonne), qui a dû marquer jadis la séparation entre les Eduens et les Lingons, à très peu
de distance des Sénons (aujourd’hui limite départementale de l’Yonne, de la Côte-d’Or
et, toute proche, de l’Aube) (Lebel, 1956, 292). Au nord-ouest, nous notons (tous les
deux dans l’Yonne, et tous les deux formés sur le modèle *icoranda ) : Le Petit- ARRAN,
Fig. 12 - Toponymes issus du type *IC(U)ORANDA.
Frontières des CÉNOMANS (d'après Bouvet, 2001, 80).
Huhurant
( Lieu-dit à
Marville, 55)
la Norentes
(ruisseau à
Cléry-le-Petit, 55)
PEurande
(ruisseau à
Nettancourt 55)
Champ-Guérand
(lieu-dit à
Montiers-sur-Saulx, 55)
Les Hérandes
(bois à Leurville, 52)
Les Eurantes
(hameau et ruisseau à
Arra n cy-sur-Crusne, 55)
L'Augronne
(rivière à Plombières, 88) "
Notre-Dame de
Délivrance
(à Turquestin, 57)
Fig. 15 - Toponymes
issus du type *IC(U)0-
RANDA. Frontières
des LEUQUES et des
MÉDIOMATRIQUES
(d'après Burnand et
Demarolle, 1998, 82).
Frontières des Arvernes
Limites départementales
Chamérande '
(à Trévol, 03) \ .Guérande
/(à Toulon-sur-Allier, 03)
Les Margeridons
' “(à Pouzol, 63)
Le Randeix
(à Eygurande, 19)
Eygurande (19)
la Burande
(affluent de la Dore, 63)
Margerides (19)
La Margerie
(à Trizac, 15)
Roc de l'Hirondelle
(à Arches, 15)
Guirande
(à Felzins, 46) ■
Chamarande
(à Saint-Léon, 03)
Guérande
(à Arfeuilles, 03)
Guirande
(aux Salles, 42)
Margerie-Chantagret (42) !
Êgarande (à Estivareilles, 42)
La Chamarande
(à Sauvessanges, 63)
La Chamarande
(à Saint-Victor-sur-Arlanc, 43)
m La Durande (43J
La Margeride
(a Védrines-Saint-Loup, 15)
Les Éguirands (à Jabrun, 15)
Les Eyguirandes (ruisseau à Jabrun, 15)
L'Hirondelle
(à Saint-Martin-
sous-Vigouroux, 15)
Le Puy-d'Hirondet
(à Saint-Urcize, 15)
Bois
de Guirande
(à Lacalm, 12)
Fig. 16 - Toponymes
frontière aux limites
du territoire des
ARVERNES (d'après
Billy, 1998).
il Parly ( Arran , en 1186 ; Herrcm, en 1294), à 4 km à l'ouest de la limite des diocèses
d'Auxerre et de Sens ; et LES GUÉRANDES, à Diges, sur la frontière avec les Sénons
(Lebel, 1937, 200, 190-191). Au sud-ouest, nous repérons la localité d’YGRANDE
(Allier) ( Iquerenda , v. 1095), et, à quelques kilomètres au sud, un cours d’eau : le
MORGON, à Buxières-les-Mines (Allier), sur la triple frontière entre Eduens, Bituriges
cl Arvernes (Lebel, 1937, 180 ; Goudineau et Peyre, 1993, 162). Au sud, nous rencontrons
NÉRONDE, à Saint-Forgeux-Lespinasse (Loire) ; et IGUERANDE ( Vuiranda , en 846)
(Saône-et-Loire, à la limite du département de la Loire et proche de celui de l’Ailier),
jadis lieu de triple séparation des Eduens, des Arvernes et des Ségusiaves (en ces
endroits particuliers, l’importance de la frontière a dû être jugée primordiale ; le nom
s’est d’autant mieux ancré dans la mémoire des lieux) (Lebel, 1937, 178 ; Goudineau
et Peyre, 1993, 162). Au sud-est, nous trouvons une série de toponymes frontières sur
l’ancienne limite entre Eduens, Ségusiaves et Ambarres (aujourd’hui lieu de séparation
entre les départements de la Saône-et-Loire, du Rhône et de l’Ain) : AIGUERANDE
(Rhône), faubourg de Belleville ( Agueranda , en 1 158-1179) ; et à quelques kilomètres à
peine, les villages de MORGON {Morgonico, en 920) et Villié-MORGON (déjà relevés),
à la limite du Rhône et de l’Ain ; CHAMERANDE, sur la commune de Royer (Saône-
et-Loire) ; et à une douzaine de kilomètres, juste en face, CHAMERANDE (Ain), à
Saint-Bénigne ( Cameranda , en 995), points situés sur la frontière ancienne partageant
Ambarres et Eduens (Taverdet, 1986a, 58 ; Lebel, 1937, 182 ; Lebel, 1956, 322 ; Nègre,
1990, 195). Enfin, à l’est, nous relevons BERONDE, à Vincelles (Saône-et-Loire)
(Eweranda, en 951 ?), “limite probable de la Séquanie” ; et la VARAUDE, cours d’eau
à Izeure (Côte-d’Or) ( Varaude , au XVIII e siècle), à la limite de la Lingonie (Taverdet,
1983, 50 ; Lebel, 1937, 191-192) (fig. 18).
De tous les anciens noms gaulois de la frontière qui viennent d’être évoqués,
un double enseignement peut être tiré. D’abord, la permanence des appellations est
remarquable : “La toponymie, comme le souligne Christian Peyre, a fossilisé les vestiges
de cette organisation territoriale méticuleuse” (Goudineau et Peyre, 1993, 162). Ensuite,
les nombreux toponymes relevés nous prouvent que les peuples gaulois ont fait montre
d’un souci aiguisé de la frontière, qui est très révélateur des tensions guerrières ayant dû
s’exprimer : retrouver ces toponymes, c’est retrouver les vieilles limites de territoires
fixées, mais percevoir aussi les oppositions qui ont existé entre les différents peuples,
jaloux de l’intégrité de leur territoire, et entendant bien la garantir ; on imagine que la
préservation de tant de frontières a dû faire naître bien des conflits armés !
Néronde
(à Saint-Forgeux-
Villié-Morgon (69)
La Meurge
Les Guérandes (3 Sennevoy, 89)
Le Petit-Arran { à Diges, 89) (P. Lebei, 1956, p. 292)
(à Parly, 89) ( p - Lebei. 1937 - P- 190-191)
(P. Lebei, 1937, p. 200) / ..... * .
Fig. 18 - Toponymes
frontière aux limites
du territoire des
ÉDUENS (d'après
Goudineau et
Peyre, 1993, atlas,
planche IX).
la Varaude
(ruisseau à Izeure, 21)
(P. Lebei, 1937, p. 191)
Ygrande (03)
(P. Lebei, 1937, p. 180)
le Morgon ■
(à Buxières-les-Mines, 03)
Beronde
(à Vincelles, 71)
(P. Lebei, 1937, p. 191-192)
Chamerande
(à Royer, 71)
(A. Vincent, 1937, p. 99)
Chamerande
(à Saint-Bénigne, 01)
(C. Marteaux, 1921, p. 53)
/Aiguerande
. (à Belleville, 69)
Néronde — ' Villié-Morgon (69) (P. Lebei, 1937, p. 184)
(à Saint-Forgeux-Lespinasse, 42) ( p - Lebei, 1956, p. 322) m |ui omon
(P.-H. Billy, 1998, p. 159) , , . y
le Morgon
(à Villefranche, 69)
<P. Lebei, 1956, p. 322)
Frontières des Eduens
Secteurs sur lesquels les Eduens avaient peut-être étendu leur contrôle
Limites départementales
2.2. Tensions belliqueuses et sources de conflits
2.2.1. L'antagonisme entre les peuples ou les peuplades
Les intentions guerrières des tribus à l’encontre des tribus voisines - chacune
développant ses armes abritée derrière ses frontières - se montraient également dans
le sens des noms de peuples ou de peuplades, que nous retrouvons dans certains de
nos toponymes. Il nous est apparu que les appellations de peuples à sens géographique
existaient en Gaule mais de façon assez limitée. Par contre, les ethnonymes se révèlent
avoir été fréquemment conçus à partir de termes à valeur glorieuse et guerrière : les noms
semblent avoir représenté pour les différents peuples gaulois des signes ostentatoires de
puissance qu’ils se plaisaient à afficher devant les peuples adverses.
• Peuplades en armes
Formations de combat et de migration, les troupes coalisées avaient, en s’installant,
constitué la nation. L’appellation du peuple des SULBANECTES (latinisée en
SILVANECTES) est restée à la ville de SENLIS autour de laquelle ils résidaient : la
seconde syllabe inaccentuée de Silvanectis (attesté en 511) ayant disparu ( *Silnectis ),
il s’est produit une inversion du groupe consonantique -ln->-nl-, d’où Seenlys (attesté
en 1066) et SENLIS (Nègre, 1990, 157 ; Deroy et Mulon, 1992, 440-441). On pourrait
retrouver dans la seconde partie de l’ethnonyme un gaulois *necto-, “lien”, et dans la
première un ancien indo-européen *sol(e)uo-, “entier”, “solide” (Billy, 2001b, 335).
Les SULBANECTES auraient donc été “Ceux-qui-sont-liés-solidement”. Les troupes
restaient l’âme guerrière de la nation : les populations sédentarisées n’oubliaient pas
leurs origines militaires.
Nous avons vu comment certains Etats gaulois avaient conservé une appellation
en corio-, désignant le “peuple en armes” (Delamarre, 2003, 125-126), et comment
cette appellation s’est transmise à nos noms. Les VERTAMOCORES, restés dans le
VERCORS où se situait leur territoire, s’étaient dénommés “Ceux-qui-ont-la-meilleure-
Armée” : les “Combattants-très-supérieurs” (la première partie du composé associant
des éléments bien connus en celtique, à sens superlatif : ver- et tamo(s)) (Fleuriot, 1962,
182-183). De même, les CORIOSOLITES, installés autour de CORSEUL qui a gardé
leur nom, s’étaient surnommés les “Troupes-qui-veillent” (Fleuriot, 1981, 183).
La composition en trois ou quatre bataillons était parfois clairement indiquée dans
l’ethnonyme, comme si l’Etat tendait à souligner la force de leur union et le danger
de leur remobilisation. Citée par Strabon, Tite-Live et Pline, la peuplade des Tricorii :
les “Trois-Troupes-armées”, ou “Ceux-qui-forment-trois-Bataillons”, installée dans la
vallée du Drac, ne semble pas avoir laissé de traces dans nos noms de lieux (d’Arbois
de Jubainville, 1891, 221 ; Guyonvarc’h, 1964b, 429-431 ; Barruol, 1975, 325-330). Par
contre, on sait que les Petrocorii : les “Quatre-Troupes-armées”, ou “Ceux-qui-forment-
quatre-Bataillons”, ont légué leur ethnonyme à PÉRIGUEUX, autour de laquelle ils
étaient établis, comme à la région environnante et à ses habitants, les PÉRIGOURDINS
(d’Arbois de Jubainville, 1891, 221) ; ce type d’appellation est “allusion évidente aux
facultés mobilisatrices des [différents cantons] d’une nation gauloise” (Guyonvarc’h,
1964b, 431). Mais le calme PÉRIGORD aux paysages harmonieux et à l’art de bien vivre
a oublié ses origines belliqueuses, même si les habitants de la ville de PÉRIGUEUX
gardent toujours - fidèles à la langue gauloise - leur nom de PÉTROCORIENS.
• Peuplades et peuples combattants
Plusieurs ethnonymes guerriers ont été formés à partir du nom gaulois du “combat”,
caîu-. Le souvenir des CATUSLOGUES, les “Troupes-de-Combat”, installés le long de la
Bresle (fleuve côtier de la Manche, à la frontière actuelle entre Somme et Seine-Maritime),
pourrait s’être gardé dans l’appellation ancienne du Pays du TALOU (information de
P.-H. Billy à l’auteur). Les CATUVELLAUNES (ou CÀTALAUNES) restent dans les
noms de CHÂLONS -en-Champagne ( Catalauni , au IV e siècle) et du CHÂLONNAIS
(, territuriae Catalauninsis , vers 660), leur lieu d’établissement (d’Arbois de Jubainville,
1891, 25-26; Delamarre, 2003, 311 ; Billy, 2011, 168, 167). Les CATURIGES
expliquent l’appellation de CHORGES ( Caturimago , en 17 av. J.-C. ; Caturrigas, au
III e siècle ap. J.-C.) (Billy, 2011, 189). On a aussi envisagé que le même thème catu -
soit à l’origine du nom des CADURQUES, demeurés dans CAHORS (d’où le nom de
ses habitants : les CADURCIENS) et dans le QUERCY (qu’il faudrait orthographier
*Caercy ; les troubadours occitans emploient du reste encore la forme Caersi ) (Lambert,
2003, 48 ; Deroy et Mulon, 1992, 82) ; mais l’origine de ce dernier ethnonyme est
discutée (-t- n’aurait pas dû évoluer en -d- à date ancienne ; or, Cadurci est attesté dès
César et Hirtius, GG, VII et VIII).
Nous rencontrons aussi certains toponymes qui sont issus d’un nom de peuplade à
thème -vie-, ayant servi à désigner en gaulois des “combattants” (ou des “vainqueurs”) :
racine *weik-, “combattre”, qu’on reconnaît dans le vieil-irlandais fichid, “il combat”
(Pokomy, 1959, 1128 ; Lambert, 2003, 35 ; Delamarre, 2003, 318), et qui renvoie en
indo-européen à l’idée d’une “manifestation de force énergique, plutôt hostile” (Plagne,
1993-1994, 90-91). ÉVREUX et l’ÉVRECIN doivent leur appellation au peuple des
Eburo-vici, qu’on trouvait établi dans cette région (Mathière, 1925). LIMOGES, comme
le LIMOUSIN, gardent le souvenir du peuple des Lemo-vici qui s’y étaient installés (Lot,
1947, 40).
D’autres ethnonymes gaulois, également demeurés dans nos noms de lieux, font
allusion à la force des combattants, à la puissance physique. Ainsi les BOÏENS du Pays
de BUCH (de l’ancienne civitas Boiorum ) étaient sans doute les “Frappeurs” (Lambert,
2003, 46 ; Delamarre, 2003, 82). Les CALÈTES du Pays de CAUX ( Caltivo terreturio ,
au VIII e siècle) étaient les “Durs” (Nègre, 1990, 153 ; Billy, 2011, 162-163). Et
hypothèse personnelle - les DIABLINTES, restés dans JUBLAINS (Mayenne) autour
de laquelle ils étaient établis, paraissent s’être surnommés les “Très-Forts” (se reporter
au chapitre IV pour l’analyse détaillée).
Nous découvrirons (lors de l’étude de “La Guerre d’attaque”) que plusieurs
ethnonymes celtiques qui se sont inscrits dans nos noms de lieux présentent de façon
encore plus nette des peuplades ou des peuples gaulois comme des “Géants”, des
“Héros”, et même des “Hostiles”, des “Furieux” (et “Très-Furieux”), des “Gonflés-de-
Colère”, des “Violents”, des “Ecraseurs”.
Tant d’appellations à sens guerrier prises par tant de peuples ou de peuplades voisines
ne peuvent être le fait du hasard ; elles trahissent les tensions ayant dû s’exprimer entre
les différents territoires et les différentes communautés à l’intérieur de la Gaule.
2 . 2 . 2 . Les causes d'affrontements
Les attaques entre tribus proches devaient souvent se limiter à de simples incursions
(répétées et parfois mutuelles) sur le territoire ennemi : actions militaires brèves,
d’importance restreinte, qui ne mettaient pas ordinairement enjeu l’existence des Cités,
car elles étaient d’abord destinées à faire main basse sur les richesses convoitées de la
peuplade limitrophe (Brunaux et Larnbot, 1987, 64).
Les TECTOSAGES de Toulouse (peuple gaulois du Bas-Languedoc occidental
et du Roussillon) auraient été de par leur ethnonyme “Ceux-qui-sont-en-quête-de-
possessions”, “-de-biens”. On compare avec les mots du vieil-irlandais saigid , “chercher
à atteindre”, et techt, “possession” (Vendryes, 1974, S-9 à 12, et 1978, T-41 et 42 ;
Schmidt, 1957, 277 ; Billy, 1993, 143 ; Delamarre, 2003, 265 et 294). Il faut souligner
que les TECTOSAGES étaient réputés avoir pillé les richesses en or du sanctuaire de
Delphes, trésors qui auraient été cachés dans un lac sacré près de Toulouse (Kmta, 2000,
836). On peut croire que ces guerriers durent se livrer en Gaule à d’autres razzias sur le
territoire de leurs voisins.
Dans les sociétés indo-européennes, “le roi est - doit être - riche [...]. A la guerre,
i! louche une large part de butin” ; mais en même temps, il lui faut être “nourricier”
(Sergent, 1995, 279 et 278). Le roi, le chef gaulois, se devait d’assurer la richesse à
son peuple ; l’action guerrière y pourvoira. Le thème celtique rix qu’on reconnaît dans
le nom de rois et chefs gaulois (dont bien sûr VERCINGETO-RIX) s’est transmis au
germanique, qui l’a redonné ensuite au français riche ; la superposition des sens est
éclairante sur les motivations guerrières des peuples antiques, et en particulier gaulois
(Hamon, 1992, 13 ; Sergent, 1995, 279).
Il apparaît aussi très révélateur qu’un des mots ayant désigné dans la langue gauloise
la “victoire”, boudi-, ait en même temps désigné le “profit”, le “butin”, l’“avantage
en nature”. L’inscription gauloise de Lezoux - qui comporte plusieurs termes de sens
militaire - fait paraître le terme boudi (Fleuriot, 1980, 128, 133-134, 143 ; Lambert,
2003, 148) ; le même thème celtique se retrouve dans l’ancien irlandais buaid,
“victoire” et également “avantage”, “profit” ; le gallois budd, “avantage”, “profit” ; le
vieux-breton bud, “gain”, “profit”, “avantage”, et en outre “victoire” (Fleuriot, 1964,
91 ; Evans, 1967, 156-158 ; Vendryes, 1981, B-107). On remarque qu’emprunté par les
anciens Germains, le terme gaulois a abouti à l’allemand BEUTE, où se conserve le sens
de “rapine”, de “produit d’un pillage” (d’Arbois de Jubainville, 1907 ; Hubert, 1952,
69). La langue française a récupéré le mot qui a fait naître notre butin (comme pour
l’adjectif riche, il y a eu restitution de l’emprunteur germanique au prêteur celtique)
(Guyonvarc’h, 1952a).
Cependant, l’action armée sur le territoire voisin pouvait aller au-delà de la simple
rapine. “L’entreprise guerrière a[yant] pour but principal l’accroissement du patrimoine
de la communauté” (Plagne, 1995, 192), la tribu combattante qui faisait main basse sur
les richesses était parfois tentée de saisir aussi les terres. Le nom des Helvetii (restés
dans la Confédération HELVÉTIQUE) désignerait “Ceux-qui-sont-riches-en-terres” :
*lilv-elii (à quoi “correspondraient exactement les mots irlandais il ‘nombreux’ et iath
‘territoire’”) (Vendryes, 1955, 646 ; Delamarre, 2003, 168, reprenant une analyse de R.
Thurneysen).
L’agrandissement du territoire pourra permettre alors la prise de prééminence sur
les voisins. Plusieurs peuples ou peuplades de la Gaule affichaient clairement dans
leur nom - outre leur ardeur guerrière - cette volonté de domination, de suprématie
sur les autres nations. Nous avons vu que les BÏTURTGES du BERRY se disaient les
“Rois-du-Monde”, appellation au reste plutôt justifiée par leurs ambitions politiques et
leurs visées territoriales hégémoniques : selon Tite-Live, ils auraient jadis exercé leur
souveraineté sur l’ensemble de la Gaule celtique ; et ils restaient encore assez puissants
à l’époque de la guerre des Gaules (Guyonvarc’h, 1961, 137-142). Mais même des
petits peuples purent se proclamer les “Rois”, tels les CATURIGES alpins de la région
de CHORGES (il est vrai fraction d’un peuple ancien plus important) (d’Arbois de
Jubainville, 1891, 20-22 ; Barruol, 1975, 343-344). Les RÈMES, “puissant peuple de
l’acluelle Champagne”, dont l’appellation s’est gardée dans celles de REIMS et du pays
REMOIS, s’affirmaient les “Premiers” (forme ancienne *preimo-, comparable au latin
priants, avec chute du p- initial, propre au celtique) : ceux, précisément, qui entendaient
prendre le pas sur leurs rivaux, dominer les peuples voisins (de peur, peut-être, que
ceux-ci ne tentent de le faire avant eux...) (Pokorny, 1959, 812 ; Guyonvarc’h, 1969,
302-305 ; Lambert, 2003, 33 ; Kruta, 2000, 793 ; Delamarre, 2003, 257). Le VELAY
garde aussi l’appellation des VELLAVES, sans doute “Ceux-qui-dominent” ; et nous
savons que CHÂLONS -en-Champagne contient le nom des CATUVELL AUNES,
semblablement les “Chefs”, “Ceux-qui-commandent” (Delamarre, 2003, 311). Le
VEXIN était jadis le territoire des VÉLIOCASSES, qui paraissent s’être proclamés
dans la première partie de leur nom les “Meilleurs”. De même, le VERCORS garde
souvenir des VERTAMOCORES, qui se prétendaient les “Excellents”, les “Supérieurs”
(Fleuriot, 1962 ; Delamarre, 2003, 317).
“Les expéditions, commentent Jean-Louis Brunaux et Bernard Lambot, n’avaient pas
qu’un côté négatif, elles avaient aussi pour but la recherche de nouvelles alliances. Le
rapport belliqueux entre deux Cités ne servait alors qu’à déterminer laquelle serait cliente
de l’autre” (1987, 57). Cependant, sans que les bouleversements soient comparables
à ceux produits par les mouvements migratoires (d’une tout autre importance), on
doit penser que les intrusions sur des territoires voisins et les déséquilibres de forces
qu’elles firent naître purent entraîner parfois annexions, partitions ou regroupements
(avec fixations de nouvelles frontières). A l’intérieur d’une même nation, des prises
de contrôle d’une tribu sur une autre tribu - dépossédée - durent en particulier se
produire. Peut-être est-ce pourquoi un groupe important des Carnutes de CHARTRES
fut contraint de s’exiler pour aller s’agréger aux Redones de RENNES, chez qui l’on
connaît une circonscription des Carnuteni ( Pagi Carnute, inscription découverte à
Rennes, dans une portion de la muraille, en 1968) (Rouanet-Liesenfelt, 1980, 22-23 ;
Pape, 1995, 31). La trace de son établissement se garde dans le nom - qui paraîtrait
saugrenu sans l’explication migratoire - de la commune de CHARTRES-de-Bretagne,
en Ille-et-Vilaine (Longnon, 1920-1929, 102 ; Nègre, 1990, 153 ; Leroux et Provost,
1990, 28). On s’est demandé semblablement - sans avoir aucune certitude - si le nom
du pays du RAZÈS (pagus Redensis, en 788, littéralement le “ pagus RENNAIS”), qu’on
trouve dans la haute vallée de l’Aude autour de RENNES -les-Bains et de RENNES -
le-Château ( Castellum Redae, en 1002), ne serait pas à relier à l’appellation du peuple
précédemment cité des Redones de RENNES (en Bretagne) : un groupe des RÉDONS,
jadis dépossédé de ses terres, aurait-il été contraint à l’exil (Lizop, 1957, avec carte,
162 ; Nègre, 1990, 156) ? Une fraction des ALBIQUES, installés dans la région de
la Montagne d’ALBION et du Plateau (L’ALBION (au nord d’Apt), autour de Saint-
Christol-d’ ALBION (Vaucluse) et de Revest-du-BION (Alpes-de-Haute-Provence),
a pu partir s’installer chez les Rutènes, dans le secteur d’ALBI (Tarn). La localité est
appelée Albigensium civitas au V e siècle (Billy, 2011, 56), ce qui apparente son nom
à celui des Albici. P.-H. Billy évoque aussi l’ancien nom de Riez (Alpes-de-Haute-
Provence), Alebaece au I er siècle ap. J.-C., et le village proche d’ALBIOSC, où un autre
groupe Albici avait pu s’établir (même réf.).
Peuples conquérants, les Celtes subiront à leur tour sur leur sol la conquête de
peuples et d’armées étrangères : ils devront s’opposer à des envahisseurs non celtes. En
Gaule, ils auront à affronter au cours du II e siècle av. J.-C. les expéditions des Cimbres
et des Teutons (populations germaniques, mais sans doute celtisées, comme leurs noms
aux consonances celtiques nous le donnent à penser) (Hubert, 1989, 111-113). Leurs
incursions répétées ne sont certainement pas étrangères au hérissement de forteresses
qui commenceront à s’installer en Gaule à partir de cette époque (même réf., 118), ce
que les termes en dunum restés dans nos toponymes nous montreront (se reporter au
chapitre III).
La Conquête romaine sera bien sûr le dernier grand engagement guerrier des Celtes
sur leur sol. A leur défaite consommée, les noms de Jules César et d ’ Auguste viendront
s’inscrire dans les noms de lieux de la Gaule, comme les marques du sceau romain
imposé au pays. Certaines de ces empreintes se sont effacées : Angers n’est plus comme
jadis Juliomagus ; Beauvais, Caesaromagus ; Clermont-Ferrand, Augustonemetum ;
Limoges, Augustoritum ; Senlis, Augustomagus ; Tours, Caesarodunum (Nègre, 1990,
195, 159, 197, 194, 174). Mais d’autres dénominations sont demeurées bien vivaces.
LILLEBONNE (Seine-Maritime) reste Juliobona, “Fondation-de-Jules”. Fréjus (Var)
tire encore son nom de son Forum Juli (loponyme attesté au I er siècle av. J.-C.), marché
fondé par César en 49 av. J.-C. Aoste (Isère) et Aouste (Ardennes, Drôme) (comme
Aoste en Italie) doivent toujours leurs appellations à Auguste (même réf., 167, 686, 618 ;
Queirazza et autres, 1990, 32). AUTUN (Saône-et-Loire), AUTHON (Eure-et-Loir,
Loir-et-Cher, et peut-être Essonne) et HOSTUN (Drôme) gardent, seulement déformé
par les ans, le nom latin d’Auguste, mêlé au nom gaulois de la forteresse ou du marché ;
CLION-sur-Indre (Indre), le “Marché-de-Claude” ( Claudiomagus , au IV e siècle),
associe dans son composé l’appellation gauloise du lieu d’échanges économiques au
nom glorieux de l’empereur (qui avait fondé ou rénové l’agglomération placée sous son
patronage ?) (Nègre, 1990, 174, 194 ; Mulon, 1997, 43 ; Coulon et Holmgren, 1992, 35).
Certaines désignations seront en effet, au début de l’ère gallo-romaine, encore hybrides :
à moitié latines, à moitié gauloises ( bona , dunum ou magus restent des éléments
celtiques dans ces composés). Mais les noms latins auront tendance à s’imposer de plus
en plus largement, en maîtres. Comme la domination celte s’était jadis marquée par
l'intrusion massive d’appellatifs celtiques, la mainmise romaine entraînera l’entrée dans
les toponymes de mots du type ciqucie, arcus, castrum, forum, murus, mutatio, pons,
vicus, etc. (Nègre, 1977, 49-76 ; Vial, 1983, 91-169) ; s’ensuivra l’adoption de la langue
latine par tous les habitants de la Gaule. Les noms sont bien l’indice des conquêtes.
L'esprit guerrier des Celtes
Les Celtes se proclamaient
combattants supérieurs; ils se
voulaient guerriers glorieux.
Ils avaient un certain goût pour la
puissance et la gloire.
VERCINGÉTORIX était de par son nom
le "Grand-Roi-des-Guerriers"
(celtique ver-ci ngeto-rix).
Statère d'or à légende
VERCINGETORIXS (BNF).
Bien des appellations de peuples gaulois gardées dans les noms de lieux en France
montrent cette dimension glorieuse et guerrière, cette volonté affichée de domination.
Les déplacements des peuplades
CHAR, CHARIOT, CHARROI sont des
termes français issus de la langue
gauloise.
Un mot est un fait de civilisation.
Le peuple des Redones (gardés dans
RENNES et le pays RENNAIS) se disait
les "Conducteurs-d e-redae" : Ceux qui
se déplacent avec des chars de voyage
"Les Celtes [...] partis des confins
danubiens avec familles, armes
et bagages sur leurs CHARIOTS
CHARPENTÉS et BÂCHÉS (trois mots
celtiques !)"...
Roue de CHARIOT découverte
sur le site de La Tène (Suisse)
(d'après V. Gross, 1887, p. 33).
L'installation des tribus celtes en Gaule
Certains noms de peuples gaulois marquent
l'appropriation territoriale, l'ancrage des populations
sur le nouveau sol.
Les NITIOBROGES du pays d'Agen se dénommaient
"Ceux-qui-ont-leur-propre-pays" : Les Autochtones.
(Semblablement, les ATRÉBATES de l'ARTOIS
s'appelleront les "Maîtres-du-sol", et les Suessiones du
SOISSONNAIS "Ceux-qui-ont-un-territoire-à-eux").
Torque gaulois en or de Mailly-le-Camp (Aube) (I er siècle av. J.-C.), avec graffites Nitiobrogeis
(M. Lejeune, 1985a, 406-412).
L'EQUIPEMENT MILITAIRE
1 - L'HABILLEMENT DES SOLDATS
Un ensemble de pages étant consacré dans le tome II (La Gaule des activités
économiques ) au “Travail des peaux et des tissus” : cuirs, fourrures, textiles, et à l’étude
des différents vêtements “civils” fabriqués par les artisans gaulois, nous n’envisagerons
ici qu’assez rapidement ce qui a trait à la façon de se vêtir des soldats.
1.1. Les galoches
Sur le bas-relief d’un monument funéraire antique découvert au bord de la via Appia
- le “Sarcophage de la vigne Ammendola”, daté du IT siècle av. J.-C., qui représente une
scène de bataille entre Romains et Gaulois (avec la défaite des Barbares) -, sont figurés
plusieurs soldats gaulois ayant “aux pieds une chaussure à semelle épaisse, découpée
sur l’empeigne, les gallicae ” (Reinach, 1889, 61-62 ; Rich, 1873, 297-298). Ce sont ici
des souliers de taille plutôt basse ; d’autres bas-reliefs nous montrent des souliers un peu
plus hauts, aussi à forte semelle, mais à lacets croisés entourant le mollet (P.-M. Duval,
1952, 104). Le terme de gallica est employé par les écrivains latins : Cicéron et Aulu-
Gelle, en particulier (Jullian, II, 1909, 297) ; il est suspecté d’avoir donné naissance au
français GALOCHE (Carcopino, 1961, 238 ; von Wartburg, IV, 1952, 45 ; Rey, 1992,
866). On s’est demandé si l’appellation antique des gallicae ne venait pas de ce que ces
chaussures étaient considérées par les Romains comme spécialement “gauloises” (ce
qui expliquerait le bas-latin galliculae , “petites [chaussures] gauloises”, et dénoterait la
réputation du produit, qui se répandra à Rome après la Conquête) (Gamillscheg, 1969,
465 ; Rich, 1873, 297-298; Dottin, 1915, 171). Mais cette étymologie est peut-être
due à la réinterprétation romaine d’un mot plus ancien, d’origine gauloise. Il aurait été
formé sur le même radical que le terme à la base du français GALET : thème gaulois
*gallos, “pierre plate” (qu’on trouve dans l’ancien français gai ) - cependant le maintien
du groupe ga- n’est pas expliqué -, avec ajout d’un suffixe gaulois - ucia , à comparer
au gaulois *verr-ocia > VAROCHE/VÉROCHE, “aulne vert de montagne” (von
Wartburg, IV, 1952, 44-46 ; et XIV, 1961, 305 ; Walter, 1991, 212 ; Gagny, 1993, 149 ;
Billy, 1997, 297). Le sens originel de la racine gai- justifierait de façon imagée une des
caractéristiques de la chaussure, notée par plusieurs commentateurs : l’épaisseur de la
semelle (les souliers de soldats devaient être assez solides, chose nécessaire pour un
usage militaire) (Bloch et von Wartburg, 1975, 286 ; Walter, même réf.). L’appellation
générique issu de gallicae ayant dû s’appliquer à bien des modèles différents et à bien
des époques, nos GALOCHES - passées du domaine militaire au monde civil - n’ont
pas gardé dans leur sémantisme l’idée précise des anciens souliers gaulois. En moyen
français (XIV e -XV e siècles), les GALOCHES sont ordinairement des “chaussure[s]
couvertefs] d’étoffe, bridée ou bouclée, montée[s] en cuir, avec semelle[s] en liège,
portée[s] le plus souvent par des femmes” (von Wartburg, IV, 1952, 44). Dans le français
moderne, les GALOCHES nomment des sabots à dessus de cuir et semelle de bois portés
à la campagne, ou de grosses chaussures montantes à semelle épaisse (Robert, 1977,
845-846). Malgré le changement de sens, demeure cependant comme une constante
l’idée d’une chaussure à grosse semelle, qu’on trouvait à la “base” de la gallica du soldat
gaulois.
1.2. Les braies
Un gaulois bracae, avec différentes variantes, est attesté chez de nombreux auteurs
antiques (Billy, 1993, 33). 11 est à l’origine du mot de BRAIES, appellation ancienne du
pantalon.
On voit des BRAIES déjà représentées sur un fourreau d’épée du V e siècle av. J.-C.,
que les archéologues ont découvert dans la nécropole celte de Hallstatt en Autriche
(Bertrand et Reinach, 1894, 100 ; Moscati, 1991, 131 et 166, avec représ.). Cependant,
l’emploi du pantalon était loin d’être une tradition générale chez les Celtes (“il [était]
inconnu aux habitants de la Gaule Belgique comme aux anciens Gaëls d’Irlande et
d’Ecosse”) (Dottin, 1915, 167). On pense que, d’abord étranger aux Celtes, ce type de
vêtement aurait été pris d’un peuple de cavaliers (peut-être s’agissait-il de populations
nomades des steppes de l’Asie centrale ; les Perses, par l’intermédiaire des Scythes,
auraient-ils transmis son usage ?) (Werner, 1984, 140). Les troupes celtes pénétrant en
Gaule en étaient sans doute pourvues, l’adoption des BRAIES ayant dû être d’abord le
fait des guerriers. Polybe mentionne des BRAIES portées par les combattants gaulois
dans son récit de la bataille de Télamon, qui eut lieu au IIP siècle av. J.-C. ; c’est la
première mention du pantalon gaulois par les Anciens : “Les Insfujbres et les Boïe[n]s
se mirent en bataille ayant sur eux leurs BRAIES” C Histoires , II, 28, dans Cougny, I,
1986, 259). L’historien souligne l’avantage du vêtement: aisance des mouvements et
protection contre les traits des ennemis (même réf., Il, 30, 261-262). A part l’infanterie,
les forces grandissantes de la cavalerie trouveront des avantages bien évidents à
l’utilisation des BRAIES : l’agilité (connue) des monteurs de chevaux gaulois est peut-
être due en partie à leurs pantalons (Roche-Bernard, 1993, 17). Symbolique de l’ancienne
Gaule des combats, un célèbre petit bronze d’applique (découvert aux lieux du forum
de l’Alésia gallo-romaine, mais sans qu’on puisse oublier que le mont Auxois fut
auparavant le lieu de combats décisifs) nous montre un soldat gaulois allongé, mort ou
mourant, la tête appuyée sur le bras droit, la jambe gauche repliée sur la jambe droite, le
dos nu mais les jambes serrées de BRAIES à plis obliques (Espérandieu, 1906 ; Roche-
Bernard, 1993, 18, avec phot.) : image de la défaite des forces gauloises. Mais “la culotte
gauloise, s’empresse de souligner Henry d’Arbois de Jubainville, [...J a historiquement
triomphé de la toge romaine” (d’Arbois de Jubainville, 1904, 77 ; Delamarre, 2003, 84).
Reconnaissant leur aspect pratique pour la vie militaire, les légions romaines vont finir
par adopter les pantalons gaulois (les légionnaires portent sous Trajan une version courte,
s'arrêtant au mollet ; puis, au Bas-Empire, un modèle descendant jusqu’aux pieds, qui
est représenté sur l’Arc de Constantin) (d’Arbois de Jubainville, 1904, 76-77 ; Roche -
liernnrd, 1993, 19 ; illustr. dans Carcopino, 1961, 237).
L'ancien pantalon gaulois se répandra dans l’habillement civil ; on ne s’étonne donc
pas que le nom des BRAIES du Moyen Age provienne du terme autrefois utilisé en
Gaule. Nous verrons que des traces de ce mot se retrouvent dans les dialectes. L’étude
des “Vêtements gaulois”, dans le tome II, nous montrera aussi que les BRAIES sont à
l’origine de nos modernes BRAGUETTES (le pantalon moderne pouvant être considéré
comme le très lointain descendant du pantalon du soldat gaulois). D’autres mots, que
nous découvrirons dans l’étude de l’habillement, nous gardent le souvenir des bracae
de la Gaule. Le “costume | gaulois] que les Romains ont pu trouver inélégant [...] était
si commode et si utile qu’ils l’adoptèrent eux-mêmes, et que grâce aux Gaulois, il
s’est imposé au monde moderne”, souligne Camille Jullian (II, 1909, 297 ; voir aussi
Carcopino, 1961, 238, 241).
1.3. Les saies
Un autre vêtement caractéristique de la tenue des soldats gaulois était le sagon, sorte
de cape formée d’une pièce d’étoffe, allant ordinairement jusqu’aux genoux, que l’on
portait agrafée sur l’épaule (Roche-Bernard, 1993, 22-23 et 161 ; Kruta, 2000, 810). Le
mot a fait naître l’appellation de la SAIE (1185 saie , “serge de laine”), désignant la cape
du soldat de jadis, ou un manteau court de paysan ou de berger (Quemada, XIV, 1990,
1415 ; Delamarre, 2003, 265).
Selon Ernest Nègre, on pourrait peut-être retrouver le nom gaulois de cette SAIE
dans l’appellation du peuple des Saii (anciennement *Sagii ?), qui a été conservée dans
SÉES (Orne), autour de laquelle les SAGIENS résidaient : ses guerriers se seraient
dénommés les “Hommes-aux-SAIES” (Nègre, 1990, 156) (mais d’autres interprétations
du nom sont possibles). Les écrivains antiques citent assez fréquemment le nom du
sagum gaulois dans un contexte militaire. Virgile, relatant la prise de Rome par les
Gaulois, en 387 av. J.-C., évoque les hommes en armes, montant dans la nuit à l’assaut
du Capitole, armés, et habillés de SAIES rayées à bandes luisantes (“Virgatis lucent
sagulis”) (Enéide, VIII, éd. Cluny, 1993, 388-389). Le vêtement était pratique pour
l’exercice militaire car il n'emprisonnait pas les mouvements. En outre, le soldat gaulois,
le portant quotidiennement, n’hésitera pas à l’utiliser pour tous les usages. On le voit s’en
servir comme couverture pour la nuit (Roche-Bernard, 1993, 22) ; comme protection
contre les traits des ennemis (à la bataille de Télamon, en 231 av. J.-C., Polybe rapporte
que les combattants gaulois avaient enroulé autour d’eux leurs SAIES pour amortir les
coups) (même réf.) ; et même comme récipient pour évacuer la terre d’un fossé creusé
(technique utilisée par les Nerviens lors de l’attaque du camp de Cicéron, en 54 av. J.-C.,
selon ce qu’en rapporte César, qui emploie le terme de sagulum ) ( GG1 , V/42).
Comme ils s’étaient mis à porter des BRAIES, les légionnaires adopteront la
cape militaire gauloise. La forme latinisée SAGUM, que nous utilisons parfois dans
notre langue pour nommer spécialement le manteau du soldat de jadis, est l’indice
de l’adoption romaine. L’ancienne cape gauloise deviendra même un symbole de
l’habillement guerrier : on emploiera à Rome les expressions de ire ad saga, “courir
aux armes”, esse in sagis, “être sous les armes” (attestées chez Cicéron) ; saga ponere,
“déposer les armes” (chez Tite-Live) (Emout et Meillet, 1985, 589 ; Eydoux, 1962, 196).
La mode militaire gauloise a donc laissé des traces indubitables dans le vocabulaire latin,
traces qui se sont transmises au français.
1.4. Les objets de parure
Les guerriers de l’aristocratie gauloise portaient des bijoux au combat. “Tous ceux
qui formaient les premières lignes étaient parés de colliers et de bracelets d’or” (Polybe,
II, 29, dans Cougny, I, 1986, 261). “A leur fougue naturelle, ajoute Strabon, les Gaulois
joignent [...] beaucoup de fanfaronnade, ainsi que la passion de la parure, car ils se
couvrent de bijoux d’or, portent des colliers d’or autour du cou, des anneaux d’or autour
des bras et des poignets” ( Géographie , IV, 4-5, cité par Eluère, 1987, 135).
La partie consacrée au “Travail des métaux”, dans le tome II, nous montrera que
les noms gaulois de ces bijoux ont laissé des traces dans le français. Les bracelets (de
bras et de jambe), appelés en celtique viriae et viriolae (sur une racine *wei-, “courber”.
“tourner”), se retrouvent (entre autres) dans les termes dialectaux de VIRE ou VOUIRE
et dans le nom de VIROLE qui désignent tous des “anneaux” (von Wartburg, XIV, 1961,
505 et517;Rey, 1992, 2263).
Les TORQUES - colliers métalliques rigides en métal précieux - ont été, à partir
du III e siècle av. J.-C., l’attribut des guerriers nobles (Eluère, 1987, 166) : ornements
de puissance et insigne glorieux du combat, aux vertus sans doute jugées protectrices
(dans les représentations sculptées, ils pareront les dieux). Les auteurs gréco-romains
montrent souvent des soldats gaulois portant des TORQUES lors des combats. On a cité
la description de Virgile des guerriers celtes à l’assaut du Capitole, habillés de BRAIES ;
l’auteur évoque aussi “de leurs colliers d’or la parure flottante/qui couvrait de leur cou
la blancheur éclatante” {Enéide, VIII, cité par Eluère, 1987, 165). D’autres écrivains
classiques mentionnent après des batailles contre des barbares la prise de colliers sur les
ennemis vaincus. Ainsi Tite-Live nous apprend qu’à la suite de sa victoire sur les Boïens,
en 191 av. J.-C., Scipion Nasica collecta pour son triomphe pas moins de 147 1 TORQUES
d’or pris à l’ennemi gaulois ( Histoire romaine, XXVI, 40). Le même auteur rapporte
l’histoire légendaire de ce militaire romain glorieux, Titus Manlius (calquant sans doute
des faits gaulois). L’homme avait défié en combat singulier - une coutume davantage
celte que romaine ! - un champion gaulois de haute stature (ne le disait-on pas géant ?).
Le soldat romain, contre toute attente, parvint à tuer son adversaire. “A ce cadavre
renversé, il épargna toute injure, seulement il le dépouilla de son collier qu’il passa, tout
humide de sang, à son cou”. Alors, il reçut le surnom de Torquatus (Tite-Live, Histoire
romaine, VII, 10, cité par Eluère, 1987, 166). L’anecdote est éclairante. On attribue
traditionnellement au mot de TORQUE une origine latine, le rattachant à torque re,
“tordre”, à cause des tiges torsadées que ce genre de collier pouvait montrer. Mais ce
bijou, production si typique des barbares, emblème national des Celtes, aurait-il un nom
à rapporter à la langue des Romains ? Comme la parure prestigieuse dérobée au Gaulois
vaincu (symbole du combat singulier remporté et de la gloire acquise), le mot a pu être
emprunté par les Romains à ces mêmes populations. Il n’est pas douteux - le costume des
soldats nous l’a montré - que les Romains ont été influencés (au moins anciennement :
à l’époque de la gloire militaire de leur ennemi) par les combattants gaulois ; ils ont eu
tendance à en reprendre les insignes et les mots les plus caractéristiques. On pourrait
trouver à la base du nom de TORQUE un thème celtique *torco- ayant désigné ce type
de collier rigide (Campanile, 1992 ; Delamarre, 2003, 299) (pour le détail de l’analyse
linguistique, se reporter à l’étude précitée, dans le “Travail des métaux”).
2 - LES ARMES
2.1. Armes défensives
2.1.1. Les casques
Les casques gaulois ne nous ont pas laissé leur nom spécifique ; ils ont sans doute
été moins répandus qu’on pourrait le croire : “Les armures de tête n’ont [...] jamais
été adoptées chez les Gaulois par la masse des combattants”, écrit Joseph Déchelette
(1914, 1160). Leur emploi à fins protectrices ne semble pas s’être fait avec une grande
cohérence militaire (Jean-Louis Brunaux et Bernard Lambot parlent même d’une
“utilisation extrêmement anarchique”) (1987, 102). Cependant, ils ont pu répondre à
une autre fonction précise, ayant un rôle moins de protection que de reconnaissance
et de prestige : ornement distinctif des guerriers nobles, qui permettait aux soldats “de
repérer leur chef au cours des attaques et des mêlées” (l’usage en perdurera ; on connaît
la recommandation d'Henri IV à ses troupes, avant la bataille d’Ivry : “Ralliez-vous à
mon panache blanc !”) (Vertet, 1990, 8 et 1 1).
A cet effet, les casques gaulois pouvaient jadis être rehaussés par un cimier de métal
prenant la forme de cornes d’animaux ou même figurant un animal. Diodore de Sicile
présente des combattants celtes “se coiff[ant] de casques d’airain avec de grands ornements
de hauteur, lesquels donnent à ceux qui s’en servent une apparence gigantesque”. Et il
ajoute : “A quelques-uns même de ces casques sont fixées des cornes de même nature, et
à d’autres des masques en relief d’oiseaux ou de quadrupèdes” (. Bibliothèque historique,
V, 30, dans Cougny, I, 1986, 408). Au nord-ouest de la Roumanie, dans une nécropole
laténienne, a été découvert en 1960 un casque (du début du III e siècle av. J.-C.) surmonté
d’un oiseau en tôle de bronze à ailes mobiles (Bloch, 1970 ; P.-M. Duval, 1977, 78,
106-107, avec belle phot. ; Moscati, 1991, 382 ; Kruta, 2000, 522 et 548). Une scène du
chaudron de Gundestrup (première moitié du I er siècle av. J.-C.) nous montre aussi un
groupe de cavaliers celtes avançant à cheval ; la tête de l’un d’eux est surmontée d’un
casque couronné d’une figure d’oiseau (Hatt, 1989, 94-95 ; belle représ, dans Le Bihan,
1986, 127). Pline puis Suétone nous informent, concernant la Gaule, qu’une légion de
Gaulois créée par César à la fin de la guerre des Gaules, et qui parcourra l’Empire, était
appelée les ALAUDES ( Alaudae ), c’est-à-dire les “ALOUETTES” (Pline, Histoire
Naturelle, XI, 44 ; Suétone, César, XXIV ; Gilbert, 2007). On peut se demander si les
guerriers gaulois ne portaient pas parfois comme emblème des figures d’ALOUETTE
ou des huppes sur leurs casques. L’étude des “Animaux emblématiques” (dans La Gaule
des dieux ) nous montrera qu’un rôle sacralisant dut être accordé par les peuples gaulois
à ce petit oiseau. Ce n’est pas un hasard si son nom - ici paraissant en rapport avec les
casques guerriers - provient de la langue gauloise.
Diodore de Sicile évoque aussi des casques gaulois où étaient fixées des cornes. On
en retrouve la représentation sur des bas-reliefs antiques, dont l’Arc d’Orange (érigé au
I er siècle apr. J.-C.) et le bas-relief de la Brague (au Musée d’Antibes, provenant d’un
monument contemporain de celui d’Orange) (Déchelette, 1914, 1156-1157, avec illustr. ;
Dottin, 1915, 289). Deux peuples antiques du monde celte paraissent en avoir tiré leur
nom. D’abord, les CARNES (Carni), qu’on trouvait au nord des Vénètes, groupe alpin
follement celtisé, dont l’appellation se retrouve dans celle des Alpes CARNIQUES,
de CARNIA (ville au nord d’Udine) et de Carniutn/KRANJ en Slovénie (au nord de
Ljubljana) (Kruta, 2000, 517 ; et Nègre, 1990, 153 ; Queirazza, 1990, 145 ; Gendron,
1998, 26). Ensuite, les CARNUTES du centre de la Gaule, qui ont laissé leur nom à
CHARTRES (leur oppidum principal) et au Pays CHARTRAIN (Nègre, 1990, 153 ;
Kruta, 2000, 517-518). C’étaient vraisemblablement les “Cornus” (gaulois *carno,
la “corne”, qu’on retrouve, avec changement vocalique, dans le vieil-irlandais cern,
“excroissance”) (Vendryes, 1987, C-73 et 74) : guerriers dont les chefs combattaient
avec l’ornement distinctif de cornes sur leurs casques (Ricolfis, 1985, 115 ; Lambert,
2003, 34; Sergent, 1995, 211 ; Delamarre, 2003, 106-107). Peut-être ces signes de
force sacrée étaient-ils censés jouer d’une influence magique contre les combattants
adverses (Kruta, 1985, 74) (voir à ce propos, dans le tome III, chapitre 2 : “Les Animaux
emblématiques”, la partie 8, “Le Taureau”).
2.1.2. Les cuirasses
Des pièces spéciales d'habillement pouvaient permettre de protéger le corps. Elles
étaient également sans doute peu répandues : réservées aux chefs militaires.
Contrairement à l’Age du Bronze où son emploi était assez courant, la cuirasse de
métal ne semble avoir protégé le torse du guerrier que peu fréquemment. Des armures
métalliques sont mentionnées par Plutarque dans les rangs des Cimbres combattant les
Romains ( Marius , trad. Cougny, II, 1993, 89 ; Deyber, 1986, 339) ; mais en Gaule on
peut penser que les cottes de maille les avaient souvent supplantées : “[Certains guerriers
gaulois] portent en guise de cuirasses des cottes de mailles de fer”, écrit Diodore de Sicile
(J Bibliothèque historique , V, 30, 3, dans Cougny, I, 1986, 408). L’appellation celtique
de la cuirasse {*crupella) a pu rester dans le nom de gladiateurs gaulois qui en étaient
pourvus, les CR UP(P)ELL AIRES (crup(p)ellarii), dont on trouvait à Autun une école
réputée, selon Tacite (. Annales , III, 43). J. Pokorny y voit un radical *kreup-, “recouvrir
d’une croûte”, aussi présent dans l’appellation du Mons Graupius, hauteur d’Ecosse,
lieu d’une bataille entre Romains et Calédoniens (Pokorny, 1959, 623) : les métaphores
du corps ont été productives. Un soldat germain s’appelait Cruptorix (Tacite, IV, 73),
nom dont on a comparé la formation ( crup-to-rix : « muni d’une cuirasse ») à celle de
Gaiso-to-rix (« muni d’une lance »). Une inscription à Bavay mentionne un dénommé
Crupo (Wuilleumier, 1963, 150-151). Un autre nom d’homme surnommé “Cuirasse”,
*Crupel(l)ius, vient expliquer le nom de la localité de CRUP1LLY, dans l’Aisne
( Crupiliacus , en 1138) (Morlet, 1985, 73 ; Malsy, 1999, 333-334).
Plus courantes sans doute furent les protections pectorales en cuir, car plus légères et
pratiques : le développement de la cavalerie légère imposa un allégement de 1 ’ équipement
et de l’armement (Deyber, 1986, 339 ; A. Duval, 1983, 145). Le nom gaulois de ces
cuirasses, *brunia/*bronia, se serait “moulé” sur le nom celtique de la poitrine :
*brunnio-/*bronnio- (à comparer avec le vieil-irlandais bruinne, “poitrine, sein”, et le
vieux-breton bronn, de même sens). On connaît toujours dans le français dialectal de
l’Ouest (Maine) BRONNE, “pis”, BRONNER, “téter” ; et en provençal, BRUNBRUN,
“boire”, dans le langage des enfants (Guyonvarc’h, 1952b ; von Wartburg, I, 1948, 566 ;
Delamarre, 2003, p. 92). La même racine pourrait se retrouver dans des noms de lieux
de France du type BRON (Rhône), BRONNE (Marne), correspondant à des paysages
mamelonnés (Falc’hun, 1979, 7 ; Delamarre, même réf.). Nous gardons indirectement
le nom de l’ancienne protection guerrière des Gaulois : *brunia, emprunté par les
populations germaniques à la langue gauloise, s’est retrouvé dans le gotique brunnjo,
qui a fait naître le vieil haut-allemand brunna et l’allemand BRÜNNE, “cuirasse”. Nous
avons récupéré le terme au Moyen Age sous la forme broigne, ce mot ayant servi à
désigner le justaucorps en cuir garni de pièces de métal utilisé par les hommes d’armes
(Hubert, 1974, 77 ; Fleuriot, 1964, 90 ; Vendryes, 1981, B-104-105) ; on lit dans La
Chanson de Roland : “Sire Olivier a tiré sa bonne épée [... ]./ Il frappe un païen [...]./
Il lui a fendu toute la tête par le milieu, / Tranché le corps et la brogne safrée” (Moignet,
1989, I 14-117, v. 1367-1372).
.11.3. Les boucliers
Pièce principale de l’armement défensif des guerriers gaulois, le bouclier oblong en
bois ou en osier a frappé l’attention des Anciens par sa grande taille fréquente. On le
voit dans la main des soldats investissant Rome (“De longs boucliers protègent leurs
corps”, Virgile, Enéide, VIII, trad. Bellessort, 1965, 287). On le remarque aussi lorsque
Diviciacos, le chef éduen, vient parler devant le Sénat romain et ne s’en sépare pas
(“Invité à s’asseoir, il refusa l’offre qu’on lui faisait et il plaida sa cause appuyé sur son
bouclier”. Panégyriques latins , VIII, 5, 3, 2, cité par Goudineau et Peyre, 1993, 179).
L’appellation gauloise (la plus courante) de cette arme défensive s’est formée sur
un radical celtique tal-, désignant étymologiquement ce qui est “plat”. On trouve à son
origine un thème indo-européen *tel- appliqué à des surfaces planes : sanskrit talam.
“surface”, “paume” ; vieux-slave tilo , “pavé”, “sol” ; lituanien pâ-talos, “lit” ; grec telia ,
“table à jouer” ; latin tellus, “terre”. Cette base est bien représentée dans les langues
celtiques : vieil-irlandais talam, “terre” ; gallois, comique, breton tal, “front” (Pokorny,
1959, 1061 ; Vendryes, 1978, T-22 et 23, T-182 ; Delamarre, 2003, 288-289). Le sens
étymologique du thème gaulois est parfaitement justifié : à la différence des boucliers
grecs et romains, de forme enveloppante, le bouclier celtique se caractérisait par sa
surface quasiment plane ( spina et umbo de métal, qui faisaient saillie, mis à part) :
longue pièce de bois en forme d’ovale allongé (Rapin, 1988, 12-25 ; Reginelli, 1998,
65-72, avec phot., pl. X). Si sa longueur a varié, voire légèrement sa forme (parfois un
peu plus rectangulaire), le bouclier gaulois “est resté fidèle à la surface plane, à l’inverse
du scutum [romain] toujours convexe”, souligne André Rapin, spécialiste de l’armement
antique (1988, 15).
Le gaulois talu-, qu’on reconnaît comme second élément de composition dans
des anthroponymes employés en Gaule, pourrait y avoir plutôt que le sens de “front”
(généralement admis) celui de “bouclier” (l’ancien irlandais tul~/taul -, issu de *laln ,
est lui-même attesté avec la signification de “front” mais aussi de “bouclier” ou “umbo
de bouclier”) (Vendryes, 1978, T- 180 à 182 ; Delamarre, 2003, p. 288). Citons (parmi
d’autres) les noms d’hommes gaulois ou gallo-romains Attalus (“Grand-Bouclier”),
Carrotalus (“Bouclier-pour-le-combat-à-char”, et non “Front semblable à un char” !),
Cassitalos (“B ouclier-d’ airain”, orné d’incrustations), Argiotalus (“Bouclier-d’argent”,
avec ciselures), Dubnotalus (“Bouclier-sombre”), Tigotalus (“Bouclier-de-protection”)
etc. (Birkhan, 1967, 126-128 ; Déchelette, 1914, 1174-1175 ; et pour les attestations,
Schmidt, 1957, 134, 164, 165 ; 199 ; Billy, 1993, 2, 45, 46, 66 ; Delamarre, 2003,
288, 438). Un ensemble de monnaies gauloises à légende Vepotalos figure un guerrier
avec un grand bouclier (Colbert de Beaulieu et Fischer, 1998, 460-461) ; l’accord de la
représentation et du nom à élément -talos n’est peut-être pas l’effet du hasard. Le même
gaulois tal- a produit des dérivés (avec variantes vocaliques - a -, -o-), également
repérables dans des noms de personnes : D. Ellis Evans relève sous l’entrée talo- les
noms propres Talasius (à Lyon), Talicius (à Avignon), Tal(l)onius (au Puy), Talussius
(sur des poteries)... (Evans, 1967, 259-260 ; Billy, 1993, 142 ; Wuilleumier, 1963, 107-
108). 11 peut s’agir d’anciens noms à valeur guerrière, désignant des manieurs d’armes
défensives ; Diodore de Sicile et Posidonios évoquent les servants d’armes gaulois,
porteurs de boucliers qui se tenaient auprès des chefs guerriers sur les lieux de bataille, et
derrière eux lors des repas d’assemblées (Athénée, IV, 36, d’après Posidonios ; Diodore
de Sicile, V, 29, dans Lerat, 1977, 166 et 169). Les noms de certains de ces porteurs de
boucliers, souvent suffixés en -(i)acum, pourraient se retrouver à l’origine d’appellations
de localités : Talasius viendrait expliquer TALAIS, en Gironde (,T alaitz, au XIII e s.) ;
TALAZAC, dans les Hautes-Pyrénées ; TALIZAT, dans le Cantal ( Talaisago , en 963)
(Nègre, 1990, 228, 206, 208). Talus(s)ius serait à l’origine de TALISSIEU, dans l’Ain
( Talussiacus , en 1 144) ; également de TOUZAC, en Charente ( Talziaco , en 991-1018) ;
et de TOUZAC, dans le Lot ( Tozacus , en 1326) (même réf., 216, 207, 206). Tal(l)icius
aurait laissé sa trace dans TALCY, Loir-et-Cher ( Talesi , v. 1272 ; Talceyum , en 1351) ;
dans TELLECEY et THÉNISSEY, en Côte-d’Or ( Tenisseyum , en 1085) (Nègre, 1990,
215 ; Taverdet, 1976, 60). Enfin, Marie-Thérèse Morlet envisage un nom propre Talius
(“dérivé du cognomen Talus , forme latinisée du gaulois Talos, talo"), suffixé en -acum,
à l’origine de TAILLY, dans les Ardennes ( Taillei , en 1219), et de TAILLY, dans la
Somme ( Tailli , en 1206) (1985, 191). D’autres noms de lieux paraissent s’être formés sur
un nom d’homme gaulois *Talo-maros : en Côte-d’Or, TALMAY ( Talamarus , vers 630),
et THOMIREY ( Thoméré , en 1 134) ; dans le Cher, THAUMIERS ( Talmeracensis , en
1020) ; et en Seine-et-Mame, THOMERY (' Tainneriacmn , en 1220) (Dauzat etRostaing,
1978, 668, 673-674; Taverdet, 2001, 84). L’élcmenl gaulois -maros (latinisé en
- marus ), “grand”, est assez courant dans les noms composés gaulois, en seconde position
(Del amarre, 2003, 218) (INDUTIOMARUS cl VIRIDOMARUS sont ainsi des chefs
guerriers gaulois célèbres, cités par César). Le nom propre *Talo-marus pourrait donc
avoir été un surnom signifiant “Grand-Bouclier”.
Employé sous une forme simple au sens de “bouclier”, le radical tal- a pu générer
par adjonction de suffixes divers ou second élément de composition d’autres appellations
pour nommer la même arme : le fait qu’elle ait été très répandue viendrait justifier des
variations dans les dénominations. On restitue un gaulois *talapacium ou *talapaceum
comme étant à l’origine du mot TALEYAS (variantes tallevas, talevaz, talvas ou
tal(e)vart) : désignation au Moyen Age du grand bouclier utilisé par les gens de pied
pour se prémunir des flèches des archers ; le mot est employé dans le Roman de Thèbes
(1150) puis dans les œuvres de Chrétien de Troyes (von Wartburg, XIII/1, 1966, 35-36 ;
Gamillscheg, 1969, 836). “L’on usoit encores - dit un texte de 1581 - d’une autre
forme d’escu appelé tallevas [...], lequel tallevas couvroit son homme entièrement,
ayant une pointe a bas, pour le ficher en terre, et qui estoit fort massif, afin de couvrir
ceux qui estaient derrière, volontiers arbalestriers ou archers” (cité par Godefroy, VII,
1892, 633). De talevas sont nés les noms du talvassier ou tal(l)evacier désignant dans
la France médiévale le soldat muni du grand bouclier ou le servant d’armes chargé de le
porter (fonction qui retrouvait celle ayant existé à l’époque gauloise : l’armée du Moyen
Age a gardé des noms d’armes identiques parce qu’elle gardait des habitudes guerrières
sans doute encore assez semblables). Nous conservons dans nos noms de familles des
TALVA, TALVAT, TALVART, anciens surnoms de ces porteurs de boucliers (Morlet,
1991, 916). L’utilisation guerrière s’oubliant, l’ancien *talapacium va servir à nommer
des objets faits à partir d’une planche rectangulaire. Le TALABAS, en Limousin, et le
TALABARD, en Gascogne, ont désigné naguère un “billot ou tronçon de bois qu’on
suspend au cou des bêtes pour les empêcher de trop courir” (Sainéan, II, 1925, 111).
Identiquement, le mot de TALBOT a nommé dans le Poitou jusqu’au siècle dernier la
planchette de bois “que les paysans [. . .] attachaient au cou de leurs chiens, pour les gêner
dans leur marche et les rendre ainsi moins vagabonds et moins dangereux” (Larousse,
XIV, 1875, 1413 ; et Littré, VII, 1967, 714).
A côté de l’appellation du TALEVAS (attestée au XII e siècle), se rencontre aussi
- formé sur le même radical d’origine gauloise - le nom de la TALOCHE (noté à partir
de 1 320). On lit dans la Chronique de Bertrand du Guesclin (écrite par Cuvelier, trouvère
du XIV e s.) : “S’espee avoit au lez qui trenchoit roidement,/ Et une grant taloche qui
au coslé li pent” (cité par Godefroy, VII, 1892, 634). Le mot a également généré des
noms de famille, qui nous sont restés du Moyen Age : TALOCHER, TALOCHEZ,
TALOUCHER, pareillement appliqués jadis à des porteurs d’armes (Morlet, 1991, 916).
Si le TALEVAS a désigné un grand bouclier, la TALOCHE pourrait s’être appliquée
à un bouclier de taille plus petite (Godefroy, VII, 1892, 634; Greimas, 1978, 618 ;
Quemada, XV, 1992, 1331).
Le mot s’est curieusement gardé dans l’“arme” toute pacifique du maçon ou du
plâtrier : la TALOCHE, planchette sur laquelle on dépose le plâtre (ou qui sert à
l’étendre sur les murs ou les plafonds). L’image ancienne de la forme oblongue de bois,
munie d’une poignée - à l’origine du mot gaulois -, est demeurée. Mais les maçons
d’aujourd’hui seraient bien étonnés de se savoir les lointains descendants des guerriers
gaulois. Le terme de taloche, au sens de “claque”, est réputé provenir d’une tout autre
origine : dérivé du verbe taler, “marquer, meurtrir” (Bloch et von Wartburg, 1975, 622 ;
Quemada, XV, 1992, 1331). Nous nous demandons cependant s’il n’y a pas (au moins)
croisement d’étymons : comme la TALOCHE définit un bouclier allongé et plat, ou bien
une planchette droite, la taloche nomme une gifle appliquée sur la figure “avec le plat
de la main” (Quemada, même réf.). Le bouclier, jadis, servait à parer les attaques ; mais
brandi au-devant, il pouvait permettre de porter des coups à l’adversaire. Diodore de
Sicile évoque le Romain repoussant un soldat gaulois de la Roche Tarpéienne : “L’ayant
frappé de son bouclier à la poitrine, [il] le fit rouler en bas” ( Bibliothèque historique,
XIV, 116, dans Cougny, I, 1986, 426). Tite-Live écrit aussi à propos d’un combat : “Le
Gaulois tend son bouclier de la main gauche [...]. Le Romain heurte de son bouclier le
bas du bouclier gaulois et il pénètre de tout son corps sous cet abri.” ( Histoire romaine,
VII, 10, cité par Brunaux et Lambot, 1987, 99). Spécialiste des questions militaires
antiques, Alain Dey ber note : “On s’aidait du bouclier en cognant de la bosse contre
l’adversaire et, quand on était blessé, on s’appuyait dessus pour continuer à se battre”
(dans Reddé, 1996, 75). Or, la taloche est bien un “coup” que l’on assène contre
quelqu’un. L’idée de faire des marques, des meurtrissures (qui relierait taloche à taler )
ne nous paraît pas l’idée essentielle.
Parfois fait en osier, le bouclier gaulois a été fabriqué le plus souvent en bois, h
partir d’essences variées (Brunaux et Lambot, 1987, 97-98 ; Rapin, 1988, 15, 18 et 21 ;
Reginelli, 1998, 69-72). Des noms de guerriers celtes pourraient en témoigner : Drutalus
(anthroponyme gaulois attesté à Brive-la-Gaillarde) serait mot à mot le “Bouclier-de-
Chêne” ; Evotalis (attesté par une marque de potier), littéralement le “Bouclier-d’If ’
(Billy, 1993, 66 ; Schmidt, 1957, 212, pour l’attestation des formes). Si ces noms propres
ne paraissent pas s’être inscrits dans des toponymes, l’appellation d’une troisième
essence : l’aulne, pourrait se révéler à l’origine de l’ethnonyme des ARVERNES, d’ou
vient le nom de la région d’ AUVERGNE.
En Gaule comme dans les pays insulaires, le celtique vern- servait à nommer
l’“aulne” mais aussi, métonymiquement, différents objets de bois pouvant être fabriqués
à partir de cette essence: montants, poteaux, mâts de bateau, gouvernails... (ainsi,
en ancien français, VERNE désigne-t-il parfois un “gouvernail” ou une “proue de
bateau”, ce dernier sens apparaissant dans La Chanson de Roland) (Moignet, 1989,
194-195 ; Lacroix, 2001, 81). Nos dialectes gardent aujourd’hui traces de différentes
acceptions techniques : picard VERGNE, “soutènement des bords d’une rivière” ;
limousin VERNHO, “machine pour élever les fardeaux” ; wallon VIÈNE, “timon
d’une voiture” ; ardennais VERNE, VARNE ou VIÈNE, “charpente”, “panne”, etc.
(von Wartburg, XIV, 1961, 301 ; Tamine, 1992, 150 ; Walter, 1997, 48 ; Lacroix,
2001, 81). L’aulne était courant en Gaule, comme l’attestent les nombreux noms de
lieux issus du thème gaulois vern- qu’on rencontre dans notre toponymie (liste de 230
toponymes dans Walter, 1997, 45-46 - bien sûr, tous ne se rattachent pas à l’époque
gauloise ! ; et carte dans Vial, 1983, 56-57). Les archéologues ont retrouvé dans
diverses régions de France, remontant à l’époque gauloise ou gallo-romaine, fond de
seau, pieux de palissade, élément de pont fabriqués en aulne (Audin, 1986, 52 et 60 ;
Perrier, 1993, 103-105)... La même matière ligneuse a servi aussi à façonner chez les
Celtes des boucliers (Lacroix, 2001, 83-85 ; Deyber, 2009, 292). L’aulne fournissait
un bois assez homogène et solide, mais en même temps assez léger : avantage pour
une arme qui ne devait pas être trop lourde à manier (Reginelli, 1998, 71-72). En
gallois, le mot gwern et en irlandais ancien le mot fern (correspondants du gaulois
*vemos ) ont parfois l’acception de “bouclier” (Lambert, 1993, 379 ; 2003, 203).
Les fouilles archéologiques ont révélé une série de boucliers antiques faits en bois
d’aulne : au Danemark (dans un dépôt d’armes d’inspiration laténienne, témoignage de
l’influence des Celtes sur leurs voisins germaniques) ; en Irlande, dans une tourbière
(Reid, 1976, 18 ; Rapin, 1988, 18 et 21 ; Raflcry, 1992, 63) ; en Suisse - jadis terre
pour une grande part gauloise -, sur le site de La lene (près de Neuchâtel) (Vouga,
1923, 59, et phot. pl. 16 ; Reginelli, 1998, 66-73, et phol., pl. 10). Nous pouvons penser
qu’en Gaule centrale aussi des boucliers J urent parfois fabriqués en bois d’aulne ; les
guerriers ARVERNES en étaient peut-être traditionnellement munis. Aussi leur nom
a pu se modeler sur celui de leur arme, nommée *arevernos, mot à mot l’“aulne-du-
devant” : le devant d’aulne (l’arme défensive se caractérisant comme une plaque de
bois que le guerrier portait au devant de lui pour s’opposer à l’ennemi). On comparera
cet *arevernos à d’autres formations identiques connues dans les langues celtiques
avec le même élément are- : vieil-irlandais air-bruinne, “poitrine” (de *ari-brunnio-,
littéralement “seins en avant”, comme le bouclier était l’arme qu’on avance au devant) ;
air-chor , “trait”, “arme de jet” (“ce qui se lance au devant”) ; et air-inech, attesté au sens
de “façade”, mais aussi de “bouclier” (“face du devant”) ; gallois ar-benn, “chef’ (mot
à mot la “tête du devant”) ; gaulois are-pennis, “extrémité du devant”, d’où le français
ARPENT ; et *are-banno, “pointe du devant”, d’où le dialectal ARVAN, “auvent”
(Vendryes, 1959a, A-39, A-40, A-46 ; 1981, B-104; Delamarre, 2003, 92; Dottin,
1920, 228 ; von Wartburg, XXIV, 1969-1983, 546 ; Lacroix, 2001, 88-89, avec d’autres
exemples celtiques d’emplois d’un élément adverbial en position initiale). Le Glossaire
de Vienne (datant de quelques siècles apr. J.-C.) traduit le gaulois arvernus par les mots
latins “ ante obsta". Ante, “devant”, est la correspondance latine claire d'are. Obsta est
par contre assez mystérieux pour les linguistes, qui rejettent souvent la glose comme
une “erreur manifeste” (Lambert, 2003, 207). Cependant, nous verrons dans cet obsta
un mot de la famille d ’obstare, “faire écran”, “faire obstacle”, “s’opposer” (idées bien
en rapport avec la fonction du bouclier) ; ce pourrait être un doublet d' obstantia, mot
à mot “ce qui fait obstacle” (Gabier, 1970, 117, repris par Sindou, 1995, 277). Obsta
comme obstantia sont certainement à relier au mot latin obstaculum, qu’une glose donne
précisément comme synonyme des mots c(a)etram et scutum, appellations latines du
“bouclier” (glose latine V, 638, 64 : “c(a)etram = ‘ obstaculum ’, 4 scutum ’ ”) (Lacroix,
2001, 89-90). L’appellation des ARVERNES, si elle désigne bien les “Hommes-aux-
boucliers-de- VERNE”, soulignait sans doute que l’aulne était perçu comme ayant un
pouvoir de protection magique au combat. Rappelons-nous que Diviciacos, chef éduen,
était venu parler devant le Sénat romain appuyé sur son bouclier, dont il ne voulait pas se
séparer (l’étude des “Arbres sacralisés” au t. III montrera que bien des essences en Gaule
ont été mises en rapport avec les croyances). Qu’un peuple ait pu se nommer sur un nom
d’arme surprendrait d’autant moins que nous trouvons dans le domaine indo-européen
tout un ensemble de tribus montrant des cas similaires (Sergent, 1995, 208, 210, 214 ;
Lacroix, 2001, 82-83) ; nous allons voir, dans l’étude des armes d’attaque, que plusieurs
peuples gaulois ont tiré leur ethnonyme d’un nom en rapport avec leur armement.
2.2. Armes offensives
2.2.2. Les épées
Les Celtes sont arrivés vers l’ouest de l’Europe (et vers le territoire qui allait devenir
la Gaule) porteurs des techniques de fabrication du fer. Sa maîtrise va leur assurer un
armement de qualité qui leur donnera durant un certain temps, là où ils se battront, la
supériorité guerrière. Jusqu’au IIP siècle av. J.-C., au moins, ils dominent fréquemment
les combats : “Devant ces armes de fer tout cède et tout plie” (Guillerm, 1986, 68).
Le nouveau métal est bien plus résistant que les autres employés auparavant. L’étude
de la “Production des métaux” (dans le chapitre “Arts et techniques” du tome II) nous
montrera que le nom celtique du fer, *isarno-, est resté dans une série de noms de lieux,
sans doute anciens sites gaulois de production (ou de vente) du fer.
L’épée fut l’arme de fer par excellence du combattant noble, à la fois pièce maîtresse
de son armement et signe de son prestige et de sa puissance. On se doute qu’elle a été
l’objet de soins très attentifs dans sa fabrication ; les nombreuses variations qu’elle
connaîtra en Gaule au cours des siècles, pour s’adapter aux évolutions des techniques
de combat (en faisant tour à tour une arme d’estoc, une arme de taille, ou bien une arme
polyvalente), montrent sans conteste son importance (Brunaux et Lambot, 1987, 85-90
et 120 ; Kruta, 2000, 601-602 ; Deyber, 2009, 297-302).
Le terme français de GLAIVE nous a été transmis par le latin gladius ; mais on
trouve à sa base un ancien thème celtique qui nommait l’épée (Weisgerber, 1931, 201 ;
Pokomy, 1959, 546 ; Schmidt, 1967, 155, 159-160, 164, 171, 173 ; Flobert, 1994, 204 ;
Lambert, 2003, 205). Dans les langues insulaires anciennes et modernes existe une série
de mots de la même famille celtique servant à désigner cette arme : vieil-irlandais claideb
et irlandais claoimh, “épée”; moyen-gallois cledyf et cleddyf ou cleddydd ; comique
clethe ; moyen-breton clezejf et breton kleze, tous au sens d’“épée” (Vendryes, 1908 ;
1987, C-110). L’écossais moderne claidheamb employé avec l’adjectif mor, “grand”,
a fait naître l’anglais CLAYMORE (Vendryes, 1908, 315) : c’est la “grande-épée”
d’Ecosse, à lame longue et large, popularisée en France au XIX e siècle pour les besoins
du folklore celte (“La harpe du barde ne se marie qu’au fracas des CLAYMORES et aux
mugissements des tempêtes”, écrit dans un style fort caricatural le romantique Charles
Nodier) (Larousse, IV, 1869, 414). A l’origine de ces différents mots, on trouve une base
celtique *clad-, “frapper”, “battre”, en rapport avec la fonction de l’épée (Henry, 1900,
69 et 71 ; Gamillscheg, 1969, 366).
Tôt emprunté par les Romains, le gaulois *cladios , adapté en gladius dans la langue
latine, fera naître le nom du gladiateur : combattant du cirque qui se sert d’un GLAIVE,
mais aussi le mot de glaïeul : plante ainsi nommée pour la forme longue et pointue de
ses feuilles (au Moyen Age, le mot glaive pourra du reste désigner la “lance” plutôt que
l’“épée”) (Emout et Meillet, 1985, 276 ; Quemada, IX, 1981, 265 et 267). Les latinistes
reconnaissent la filiation du terme latin avec le gaulois *cladios : “ Gladius [...] doit
être un mot venu par les invasions celtiques”, écrivent Alfred Emout et Antoine Meillet
(même réf.). Il peut paraître étonnant que, pour nommer l’épée, un terme celtique ait
été emprunté par la langue latine : le GLAIVE n’est-il pas spécifiquement romain
dans nos imaginaires culturels ? En fait, comme le souligne - sans doute de façon
trop schématique et trop abrupte - Joseph Déchelette, “les Romains, [...] malgré leur
science consommée des choses de la guerre, ne furent jamais qye des armuriers peu
inventifs, empruntant aux barbares leurs différents modèles de GLAIVES” (1913, 550).
L’adoption du terme étranger dénote l’avance technologique ancienne des Gaulois dans
le domaine de l'armement (nous détaillerons, dans le tome II, au chapitre des “Arts et
techniques”, la qualité de leurs forgeages). Tite-Live note qu’au début du IV e siècle av.
J.-C. les armes gauloises frappèrent d’étonnement les habitants de Clusium qui n’en
avaient jamais vu de semblables (“Les Clusiniens furent épouvantés [...] par l’aspect
de cette multitude d’ennemis et [...] par la nature de leurs armes”. Histoire romaine, V,
35, trad. Baillet, 1964, 58). Peu de temps après, les troupes celtes investissaient Rome.
Plutarque écrit que les Romains, sur les conseils de Camille, décidèrent alors de revoir
leur armement et d’en créer un nouveau, en fonction de celui des Gaulois menés par
Brennus (cité par Brunaux et Lambot, 1987, 30). L’épée jetée par le chef gaulois dans
la balance pour alourdir le poids de la rançon romaine à payer (épisode du fameux
Vae victis) (Tite-Live, V, 48) est bien symbolique du rôle vainqueur du GLAIVE gaulois
et de son influence aussi bien militaire que linguistique. Nous ne pouvons en effet croire
que seul le hasard ait laissé pénétrer le terme celtique de *cladios dans la langue latine,
d’où s’en est suivie la création du français GLAIVE. Le fait de civilisation (la qualité
supérieure des épées celtes à un moment de l’Histoire) est clairement resté inscrit dans
un fait de vocabulaire.
2.2.2. Les armes de trait
Si l’épée constituait la pièce d’équipement offensif la plus prestigieuse des guerriers
gaulois, elle n’était pas la plus courante ni la plus utilisée. Les armes de trait furent sans
doute bien davantage répandues parmi la masse des soldats (Brunaux et Lambot, 1987,
91). Ainsi, “le grand nombre de lances et de javelots découverts [à Alise-Sainte-Reine]
montre qu’il s’agit des principales armes avec lesquelles on a combattu devant Alésia”
(Sievers, dans Reddé, 1996, 72). L’usage intensif de ces armes fut certainement très
efficace et très redouté, qu’elles fussent conçues pour la lutte rapprochée et gardées en
main, ou utilisées à distance et donc jetées en l’air vers l’ennemi. La richesse des traces
linguistiques qui nous en sont restées ne doit donc pas étonner.
• Les lances
Elles constituaient “l’arme blanche dont l’effet moral [était] le plus puissant, et dont
les coups [étaient] les plus meurtriers” (Général F. de Brack, cité par Deyber, 1986, 333).
Les Anciens désignaient sous son appellation un engin guerrier qui était originellement
spécifique aux Celtes : “Ils portent, la pointe en avant, des piques qu’ils appellent
langkias , dont le fer d’une coudée de long [45 cm], encore plus grand avec l’appendice
[la douille], n’a guère moins de deux palmes de large [5 à 6 cm] ”, écrit Diodore de Sicile
à propos de l’équipement des soldats gaulois (trad. Cougny, I, 1986, 408-409, revue
par Rapin, 1988, 89). Nonius, grammairien latin, atteste (mais à une date plus tardive)
l’emploi de la même arme en Gaule : Galli materibus ac lanceis [...] perturbant agmen
(cité par Delamarre, 2003, 196). Ce terme particulier ne connaît aucune parenté avec les
autres langues indo-européennes. Il ne se retrouve en particulier, anciennement, ni dans
la langue grecque ni dans la langue latine (Brunaux et Lambot, 1987, 93). Assurément,
“le mot comme la chose sont celtiques” (Wemer, 1984, 168). On trouve du reste un
correspondant vieil-irlandais : verbe do-léicim, “je lance”, fait sur le thème *lank-
(Vendryes, 1959b, 300-301 ; Delamarre, 2003, 196). Les Romains qui ignoraient jadis
cette arme ne la connurent que par l’intermédiaire des Celtes (ce que soulignent Alfred
Ernout et Antoine Meillet : elle “était étrangère aux Romains à l’origine ; c’est après
qu’elle a été adoptée par eux que les dérivés du mot se sont peu à peu créés”) (1985,
339-340). A nouveau, les Celtes - et on peut bien penser que les Gaulois de Cisalpine
avec qui ils furent en contacts guerriers à haute époque y furent pour quelque chose - se
montrèrent les initiateurs des Romains pour le matériel guerrier (mais il faut ajouter que
les Romains les rattraperont et en de nombreux points les dépasseront : “La contribution
des Romains au progrès technique de l’humanité n’[a] souvent pas été autre chose en
fin de compte que de recueillir sur place, puis d’importer chez eux et enfin de diffuser
dans le reste de l’Empire nombre de techniques”, souligne Michel Molin) (1982, 39).
On comprend aisément que les peuples s’étant mis à utiliser l’arme nouvelle aient repris,
à peine adapté à la prononciation de leur langue, le terme celtique qui la nommait : les
Grecs diront langkias et les Latins lancea (Rapin, 1988, 90). Comme pour le GLAIVE,
l’adoption du mot étranger trahit l’adoption des techniques. Le mot français de LANCE
est bien sûr, via la langue latine, le continuateur du terme celtique repris par Athènes et
par Rome (Lambert, 2003, 205 ; Flobert, 1994, 204).
La LANCE gauloise était ordinairement gardée à la main : longue arme d’estoc du
fantassin, au fer piquant et tranchant, destinée au combat rapproché (Brunaux et Lambot,
1987, 92 ; Rapin, 1988, 88). Mais une autre version, mixte, se développa, surtout destinée
à la cavalerie dont les forces prenaient de l’importance. Moins longue, plus légère, on
pouvait la manier comme une pique mais aussi l’expédier en l’air. Sa flamme forgée plus
courte et plus large permettait à l’instrument de bien planer (Brunaux et Lambot, 1987,
93 ; Rapin, même réf.). Ce rôle particulier de la LANCE comme arme nouvelle de jet
se retrouve dans notre verbe LANCER qui contient bien le sémantisme de “manier une
LANCE en la jetant en l’air”.
Comme pour les boucliers, les guerriers nobles se faisaient porter les LANCES par
des servants d’armes (Posidonios parle de “doryphores” au livre XXIII de ses Histoires ;
il leur donne un statut plus enviable que les porteurs de boucliers : “Ceux qui portent
leurs boucliers se tiennent debout derrière eux, mais ceux qui portent leurs lances, assis
en cercle en face de leurs maîtres, participent à leurs festins”) (Posidonios chez Athénée,
IV, 36, dans Lerat, 1977, 166). On a envisagé que leur souvenir se retrouverait dans les
appellations d’ALENÇON (Orne), LANÇON (Ardennes, Bouches-du-Rhône, Haute-
Garonne, Maine-et-Loire, Hautes-Pyrénées, Savoie, Var, Vaucluse), voire LANCÉ
(Loir-et-Cher), LANCHY (Aisne), LANCIÉ (Rhône)..., parvenues par l’intermédiaire
d’un gentilice Lancius ou Lantius : peut-être surnoms d’anciens porteurs ou manieurs
de LANCES (Guyonvarc’h, 1960b, 402-403 ; Delamarre, 2003, 196). L’hypothèse
reste cependant incertaine, même si ce type de surnom guerrier a pu exister (on connaît
- remontant bien sûr à des dates beaucoup plus récentes : à partir du Moyen Age -
des noms de familles (toujours portés) comme LANCE, LANCIER, LANCEARD,
LANÇON, LANCHON, sobriquets donnés à des manieurs de LANCES ou à des
hommes d’humeur batailleuse) (Morlet, 1991, 579-580).
• Les armes de jet
Remplissant parfois encore une fonction mixte d’arme d’estoc et d’arme de jet,
d’autres sortes de traits, plus légers, étaient utilisés par les tribus gauloises en guerre.
Le *gaison
Un mot gaulois latinisé en gaesum nommait une sorte de javeline, présentée comme
originaire de Gaule par les auteurs antiques (en particulier Servius et Nonius) (Schmidt,
1967, 168 ; Delamarre, 2003, 174). Virgile, dans un passage fameux précédemment cité,
en arme la main des Gaulois, tentant de s’emparer du Capitole, en 387 av. J.-C. {Enéide,
VIII, v. 662) ; Properce montre le roi Virdomare jetant ces traits depuis son char, à la
bataille de Clastidium, en 222 av. J.-C. (cité par Blanchet, 1904, 230 ; et Dottin, 1915,
271). Les linguistes ont montré qu’on devait avoir à l’origine une forme gauloise *gaison,
qui trouve correspondance dans les langues celtiques : vieil-irlandais gae , “lance” et
fo-gha, “petit trait, javelot d’appoint” ; ancien gallois guoiu et moyen-gallois gwaew ;
également vieux-cornique guyu ; vieux-breton guugoiuou, “traits”, “javelots”, “fers de
lance”, et moyen-breton goa, “lance” (Guyonvarc’h, 1954, 142 ; Fleuriot, 1964, 204 ;
Delamarre, 2003, 174). Formés sur ce thème, sont attestés des noms d’hommes celtes
(surnoms de guerriers, manieurs de javelots) : GAISORIX (prince breton ; et aussi chef
cimbre, au nom celtisé), GAISATORIX (roi galate du II e siècle av. J.-C.) (Guyonvarc’h,
même réf. ; Hubert, 1989, 112-113 ; Barruol, 1975, 306). Une tribu celtibère se serait
appelée les Gessoriences (pour *Gaesorinses), selon Pline, Histoire Naturelle , III, 23
(Guyonvarc’h, même réf.). En Gaule, des populations celtes, qui s’étaient établies dans la
région Rhône -Alpes, ont été dénommées Gaesati : les GÉSATES. Une grande partie de
ses membres, redevenant troupes de guerriers errants, participeront au côté de différentes
tribus gauloises aux campagnes militaires d'Italie du III e siècle av. J.-C., en tant que
mercenaires (Bosch-Gimpera, 1955, 154). Après Polybe (. Histoires , II, 22), Plutarque
évoque les “Gaulois qui se font soldats pour de l’argent et qu’on appelle GÉSATES”
(. Marcellus , III, dans Cougny, II, 1993, 56). Le nom de ces guerriers était certainement
en rapport avec leurs activités militaires et avec leur arme d’élection : la javeline, propre
aux peuples des Alpes (Cougny, II, 1993, 56 ; Barruol, 1975, 306). Comme Silius
et Nonius, Virgile parle du reste des alpina gaesa : “Chacun [des guerriers gaulois]
brandit, bras haut, ses deux gaesa alpines” (Jullian, I, 1909, 353 ; Emout et Meillet,
1985, 265 ; Enéide , v. 661, trad. Cluny, 1993, 389). Selon le texte de La Guerre des
Gaules, les troupes romaines cantonnées à Martigny (Valais suisse), en 57 av. J.-C., se
firent attaquer par des “Gaulois [...] qui jet[aient] contre le retranchement [romain] des
pierres et des gaesa ” ( GG1 , III/4, 76). Les spécialistes de l’armement antique pensent
qu’il s’agissait d’une arme d’origine italo-celtique, sorte de pilum qui aurait été utilisé
traditionnellement dans les Alpes et en Italie du Nord (depuis des siècles), mais dont
l’usage n’aurait pas connu une grande diffusion ailleurs en Gaule (Rapin, 1988, 88 et
94 ; Sievers, dans Reddé, 1996, 73).
L’ancien mot gaulois qui désignait l’arme, repris par les Romains sous la forme latine
de gaesum, se retrouve dans le français GESE (terme en vérité peu courant, introduit dans
le lexique pour évoquer les réalités de la guerre antique) (Littré, 1967, IV, 69). Ajoutons
que des noms de lieux paraissent issus du thème gaulois gaes-jgais-. Boulogne-sur-Mer
(Pas-de-Calais) s’appelait jadis Gesoriacum ou Gaesoriacum (Desjardins, I, 1876, 368-
372 ; Deroy et Mulon, 1992, 67) ; GISAY, dans l’Eure ( Gysaium , en 1124), GISORS,
dans le même département ( Gisortis , en 968), GIS Y, dans l’Yonne ( Gisei , au IX e s.,
et Gisiacum, en 1142), GIZAY, dans la Vienne ( Gisiaco , en 1097-1100), GIZY, dans
l’Aisne ( Gisiacus , en 1113) remontent peut-être à la même origine. On s’est demandé si
le sens en était militaire : lieux où vivaient “Ceux à la lance”. Mais il pourrait être plutôt
topographique, la pointe de l’arme ayant pu désigner métaphoriquement une avancée de
terre dans l’eau, un cap, un éperon rocheux, voire une île (Poulet, 1997, 31 ; Lepelley,
1999, 18) ; à moins qu’on y trouve un sens théonymique, les toponymes précédents
pouvant se rapporter à un dieu GISACOS ou GÉSACUS, attesté en Gaule (dieu à la
lance ?) (se reporter au chapitre “Les Dieux”, dans le tome III La Gaule des dieux).
La mataris
Autre arme gauloise de jet (pour le combat à distance), la mataris paraît avoir
connu un large emploi, que pourraient peut-être dénoter ses nombreuses variantes
d’appellation, transmises par les écrivains antiques : mataris (Tite-Live), madaris
ou mai ris (Slrabon), materis (Sisenna, dans Nonius), matara (César) (Deyber, 1986,
335 ; Billy, 1993, 102-104). L’auteur de la Rhétorique à Herennius (œuvre attribuée
à Cicéron) parle de la Materis transalpina, “la Materis transalpine”, pour désigner
emblémaliquement les peuples gaulois : ils étaient donc perçus comme des porteurs de
ce type de javelot (IV, 43, trad. Achard, 1989, 183). A la base du mot, il semble y avoir
un radical *met-, “mesurer”, “jalonner”, qu’on retrouve dans le gallois medru, “viser” :
l’étymologie répond à la fonction de l’arme de trait (Pokomy, 1959, 703 ; Degavre,
1998, 298). Strabon définit pour ses lecteurs la madaris comme “une espèce de javeline”
(Géographie, IV, 4, 3, trad. Cougny, I, 1986, 70). Il s’agissait d’un dard pourvu d’une
pointe métallique assez large, qui permettait à l’engin de bien planer (Deyber, 1986,
335 ; Brunaux et Lambot, 1987, 94). Tite-Live, retraçant la bataille du mont Albano en
350 av. J.-C., évoque un consul romain qui a eu “l’épaule gauche presque traversée par
un javelot gaulois” nommé dans le texte latin mataris (Histoire romaine, VII, 7, 24, trad.
Bloch, 1968, 40). César montre la même arme en action aux mains des Helvètes, lors
de la bataille de Bibracte : “Les Barbares [...] accablaient de traits [les nôtres] à mesure
qu’ils approchaient ; plusieurs aussi lançaient [...] des mataras [...] qui blessaient nos
soldats” (GGL 1/26, 20).
Il semble que la guerre soit un perpétuel recommencement : la matciris a transmis
son appellation à l’arme du Moyen Age appelée MATRAS (la forme materas se
trouvant employée dès 1180, dans le Roman d'Alexandre ; on rencontre dans d’autres
œuvres maturas ou matelas) (Godefroy, 1888, 201 ; Greimas, 1978, 399 ; Quemada,
XI, 1985, 512). Ce nom désigne un gros trait conçu pour être tiré par une arbalète (von
Wartburg, VI/1, 1969, 463-465 ; Gamillscheg, 1969, 608). Il était “armé au bout, au lieu
de pointe, d’un fer gros et arrondi qui fracassait le bouclier, la cuirasse et les os de ceux
contre lesquels on le tirait” (on devait en effet pour meurtrir les chairs percer d’abord
les armures) ; l’Histoire a retenu que Louis le Gros, en 1129, fut blessé d’un coup de
MATRAS à la cuisse (Larousse, X, 1873, 1343 ; et Quemada, XI, 1985, 512). Certaines
des machines-arbalètes du Moyen Age pouvant atteindre deux mètres de longueur, on
comprend qu’on ait comparé le carreau d’arbalète à une véritable javeline (d’autant
que les traits gaulois étaient parfois aussi expédiés en l’air par une aide mécanique :
au moyen d’une courroie de propulsion). De l’emploi médiéval des MATRAS sont nés
des noms de familles, au départ surnoms d’arbalétriers, soldats manieurs de ces engins :
MATRAS, MATRAT, MATRAZ, DUMATRAS (Morlet, 1991, 673). Après le Moyen
Age, le mot de MATRAS a continué à vivre en français et s’est ancré dans de nombreux
dialectes, sous différentes variantes. Le sens ancien du terme s’est gardé - cas rare -
dans les patois du Dauphiné, où MATRASA est attesté avec l’acception de “coup de
javelot” ; mais le plus souvent la signification a été changée : MATRAS désigne une
tige de bois, un levier (utilisé pour différents usages techniques), un bâton ou perche,
voire un gros gourdin. De là est né anciennement le verbe MATRASSER, qui veut dire
“frapper avec un MATRAS”, “rouer de coups”, “assommer”, et au sens figuré “mettre
en piteux état”, “maltraiter”, “harasser” (Roquefort, 1808, 153 ; Godefroy, 1888, 203 ;
von Wartburg, VI/1, 1969, 463-465). Cependant, ces mots du lexique - bien que parfois
encore employés dans les dialectes - sont déjà notés comme de “vieux mots” dans la
deuxième moitié du XIX e siècle (Larousse, X, 1873, 1343).
Le javelot
Arme de jet la plus courante, le JAVELOT a été d’utilisation très fréquente pour le
combat à distance (des fantassins légers et des cavaliers). A la bataille d’Allia, ayant
opposé les Sénons aux Romains, vers 390 av. J.-C., “les Celtes [...] lançaient leurs
javelots [. . .] ; leurs traits tombaient en foule” (Diodore de Sicile, Bibliothèque historique ,
XIV, 1 15, trad. Cougny, I, 1986, 423). En 54 av. J.-C., au cours de 4 campagne contre les
Eburons, dans la vallée du Geer, près d’Arwa/«az/Tongres, les cohortes de César seront
surprises des “traits lancés par une si grande multitude”, causant des pertes sévères dans
les rangs des légionnaires ( GG2 , V/35, 109 ; Constans, 1929, 56-57). Ces armes avaient
une hampe nettement plus effilée et moins longue que les LANCES : de 1,5 m à 2 m
(contre près de 2,5 m) ; elles étaient donc plus légères, leur fer possédant une flamme
plus courte, parfois à empennage finement lancéolé, parfois à ailes larges (Brunaux et
Lambot, 1987, 94-95 ; Rapin, 1988, 88 ; Reginelli, 1998, 73-74). Au combat, les soldats
en consommaient certainement des quantités très importantes. Les bois ont disparu, mais
les sites de bataille (Alise-Sainte-Reine, Puy-d’Issolud...) ont révélé de nombreuses
pointes de fer (Sievers, dans A. Duval, 1994, 277).
Notre mot français de JAVELOT se trouve déjà employé en 1 135 dans la chanson de
geste du Couronnement de Louis : A son arçon a pris un javelot,/ Envers Guillelme l’a
lanciési tresfortISi bruitli cols quefoldre qui destort : “A son arçon il a pris un JAVELOT
et l’a lancé très fort sur Guillaume, avec un bruit semblable à celui de la foudre” (v. 950,
Bossuat, 1935, 59-60). JAVELINE, fait sur le même radical, avec substitution de suffixe,
est beaucoup plus tardif : attesté par l’écrit au XV e siècle (Quemada, X, 1983, 675-676).
A l’origine de ces mots, on a restitué un gaulois *gabcilaccos fait sur un thème celtique
gobai -, “fourche”, à comparer avec le vieil-irlandais gabul, “enfourchure”, le gallois
gaflach, “fourche”, “lance”, “lance empennée”, le vieux-breton gabl et le breton gaol,
“fourche”, etc. (Meyer-Lübke, 1935, 309 ; Bloch et von Wartburg, 1975, 350 ; Lambert,
2003, 199 ; et Henry, 1900, 129 ; Delamarre, 2003, 172-173). A la bataille de Verceil, en
101 av. J.-C., Plutarque note l’utilisation par les Cimbres d’un “javelot à deux pointes”
(. Marias , XXV, dans Cougny, 11, 1993, 89) ; cette particularité, qui a dû exister également
chez les Celtes, expliquerait-elle le nom ancien de l’arme ? Pierre-Yves Lambert préfère
partir d’un thème celtique gab-, “prendre”, qui est attesté par plusieurs inscriptions en
langue gauloise, et qu’on retrouve dans le vieil-irlandais gaibim, “je prends”, et gabal,
“prise” ; le vieux -breton gabael, “prise, saisie”, le comique gauel, “prise”, le gallois
gafael, “tenir” (Lambert, 2003, 199 ; et Fleuriot, 1964, 172-173 ; Delamarre, 2003, 173).
Le JAVELOT aurait alors été l’arme que l’on “prend” en main. Le même auteur fait
remarquer que “le javelot comportait généralement une lanière permettant de le lancer
avec plus de force” (Lambert, même réf.). Un JAVELOT retrouvé sur le site de La Tène
comportait encore sur son bois un clou “dont la tête ne s’appuyait pas au bois” : “le
javelot était lancé au moyen d’une ganse en cuir ( amentum ) cloué à la hampe” (Vouga,
cité par Reginelli, 1998, 87-88). On peut aussi considérer - vu la légèreté de l’arme -
que le soldat pouvait “prendre” en main un petit lot de JAVELOTS (Jean-Louis Brunaux
et Bernard Lambot parlent des JAVELOTS comme de “projectiles de bois fabriqués en
séries dont l’utilisateur disposait de bottes entières”) (1987, 94). Le nom du JAVELOT
sera alors comparé avec celui de la JAVELLE (issu du même thème gaulois), “qui
désignait ce qu’on rassemble par tas, par poignée” : la “brassée d’épis” que l’on prend
en main (Bloch et von Wartburg, 1975, 350 ; Lambert, 2003, 199).
Nous avons dit, à propos du nom des ARVERNES, qu’il n’était pas rare que
des peuples antiques se soient dénommés sur les armes qu’ils utilisaient. Plusieurs
ethnonymes ont été formés sur Tappellation d’armes de trait : les grecs Doriens étaient
ainsi “Ceux-de-la-lance”, doru. Le nom de plusieurs peuples celtiques s’explique
pareillement : les Osi ou Osones, peuple au nord-est du coude du Danube, se disaient
“Ceux-du-frêne” (leurs lances ayant été faites dans ce bois très dur) ; les La(i)gin, peuple
irlandais dont le nom s’est gardé dans le Leinster , étaient les troupes armées de “lances
à large pointe” ( laighen , layen ) (Reinach, 1909, 78 ; Sergent, 1995, 208, 210, 214).
Pour la Gaule, a été étudié plus haut le cas des GÉSATES, dont bien des membres ont
formé tics groupes de mercenaires armés de GESES. Nous nous demandons si le nom
d'un peuple gaulois qu’on trouvait établi dans la Celtique ne serait pas issu du thème
gaulois ayant nommé le JAVELOT {gobai-) : les GABALES ( Gabales ou Gabali), qui
ont laissé leur appellation à JAVOLS ( Gabalitani , au V e siècle), et au GEVAUDAN
{Gabalitanus pagus, chez Pline au 1 er siècle). Hermann Grohler relie le nom des Gabali
au thème du vieil-irlandais gabim , “je prends” (1913, 73). Albert Dauzat pense que
lt *gabalos, mot celtique, ancêtre de javelot” “ne peut être séparé du nom de la peuplade
gauloise, les Gabali ” (1918-1919, 258, note 3). Les linguistes ont parfois traduit le nom
des GABALES comme signifiant “Ceux-aux-fourches” (ainsi Nègre, 1977, 41 ; 1990,
154) ; comment comprendre cette appellation ? On a du mal à croire à un surnom de
peuple d’agriculteurs, armés d’instruments pour la fenaison, voire de justiciers dressant
des fourches patibulaires. N’était-ce pas plutôt un surnom guerrier voulant dire les
“Hommes-aux-javelots” ? La localité de GAVAUDUN (Lot-et-Garonne) pourrait tirer
son appellation d’un antique *Gabalo-dunum ; elle aurait été surnommée la “Forteresse-
des-javelots”, nom qui serait approprié à un site de défense militaire (Nègre, 1990, 173 ;
Delamarre, 2003, 173).
Bien des appellations de peuples gaulois se sont révélées guerrières, car la guerre est
restée pendant des centaines d’années la première occupation et motivation des tribus
celtes. Un autre peuple gaulois a laissé dans notre toponymie la trace de l’importance
des armes de trait utilisées dans les combats : les LÉMOVIQUES du LIMOUSIN. Ils
étaient littéralement les “Guerriers-de-Forme” : “Ceux-qui-se-battent-avec-Forme” ou
“qui-vainquent-avec-l’orme” ( Lemo-vices ) (Reinach, 1909, 200 ; Lambert, 2003, 35 et
94). LANCES et JAVELOTS gaulois étaient ordinairement fabriqués avec des hampes
de frêne ou d’orme (dans la langue gauloise lerrio-) (Brunaux et Lambot, 1987, 95) :
Strabon, dans sa Géographie (IV, 6, 7), parle “du bois d’orme dont on fait les hampes
des javelots et les armes pour les exercices” (Cougny, I, 1986, 84). L’étude du “Travail
du bois”, dans le chapitre II du tome II, nous montrera les qualités particulières de l'orme,
bien approprié à l’utilisation d’une arme de trait.
2.2.3. Les arcs
L’art du combat pouvait avoir jadis une relation directe avec l’art de la chasse :
“La chasse [était] l’école de la guerre”, “le chasseur [étant] un guerrier qui s’entraîne”
(Brunaux et Lambot, 1987, 26). L’utilisation de l’arc par les soldats gaulois illustre ce
fait : arme de chasse courante en temps de paix, l’arc a pu devenir arme utilisée dans les
combats (Reinach, 1909, 56-57). Al’époque de la Conquête, nous savons que l’instrument
a dû servir de façon non négligeable, même s’il a pu avoir un “statut inférieur dans la
hiérarchie des armes” (Sergent, 1991b, 223). On lit en effet dans La Guerre des Gaules
que “les archers [...] étaient très nombreux en Gaule” (GG2, VII/31, 159). AGergovie,
les forces gauloises attaquent quotidiennement les troupes adverses “par un combat de
cavalerie entremêlé d’archers” ; “un grand nombre [de soldats romains sont] blessés par
une grêle de flèches” (VII/36 et 41, mêmes réf., 163 et 166). De même, à Alésia, on voit
“les Gaulois [mêlant] à leurs cavaliers de petits paquets d’archers” (VII/80, même réf.,
187). L’archéologie confirme ces dires : des “pointes de flèche à douille, en fer” ont été
découvertes à Merdogne/Gergovie (Provost et Mennessier-Jouannet, 1994, 287) ; et à
Alise-Sainte-Reine, les trouvailles de “pointes de flèche sont [...] exceptionnellement
nombreuses” (A. Duval, 1987, 61). Trois ans après le siège d’Alésia, à l’été 49, Jules
César enrôlera des archers rutènes pour le siège d’Herda (La Guerre Civile , 1/51, 1) ; le
fait, souligne Alain Deyber, “nous conforte dans l’idée de l’excellence de ce corps” en
Gaule (Deyber, 1986, 335 ; et Reinach, 1909, 57).
Les faits de civilisation rejaillissent sur le plan du vocabulaire. Léon Fleuriot pense
que le nom latin de la flèche, sagitta (à l’origine de sagittaire , “archer”, sagittal , sagitté ,
et sagette, par réfection savante), pourrait provenir d’un thème celtique : “ Sagitta
‘flèche’ est peut-être un mot celtique passé en latin” (Fleuriot, dans Lejeune, 1985b, 55 ;
et aussi Hamon, 1992, 12). En effet, chez les Romains, l’arc a joué “un faible rôle dans
[l’]activité militaire” ancienne ; “l’armée romaine utilisa des archers dans des troupes
auxiliaires [...] seulement à partir des guerres Puniques” (Sergent, 1991b, 244 ; Rich,
1873, 49). Le radical sag- est bien attesté dans les langues celtiques : ancien irlandais
saigid, “il recherche”, “il vise”, “il atteint”, et irlandais saigid , “attaque”, “recherche” ;
gallois haeddu, “chercher à atteindre” ; c’est “sans doute à l’origine un vieux terme de
chasseur”, voulant dire : “suivre à la trace”, “poursuivre” (Vendryes, 1974, S-9 à 12 ;
et Pokomy, 1959, 876-877 ; Lambert, dans Lejeune, 1985b, 78). Le texte gaulois du
Plomb du Larzac a révélé le mot sagitiontas, peut-être “qui cherche! ni) à atteindre, qui
recherche(nt)” (Fleuriot, dans Lejeune, 1985b, 54-55; 1991, 15; Lambert, 2003, 64
et 172). On a vu aussi que les Tectosages de Toulouse étaient sans doute “Ceux-qui-
cherchent-des-possessions” (Schmidt, 1957, 277 ; Delamarre, 2003, 265 et 294). La
flèche est précisément un “petit” trait qui “cherche à atteindre” l’ennemi.
ÉVREUX et l’ÉVRECIN - les habitants d’ÉVREUX étant appelés des ÉBROÏCIENS
- gardent le souvenir des Eburovices, sans doute “Ceux-qui-combattent-par-lTF” ou
“Ceux-qui-vainquent-par-lTF” (Reinach, 1909, 200 ; Guyonvarc’h, 1959b ; Delamarre,
2003, 159). La région d’ÉVREUX, et plus largement l’Eure, sont aujourd’hui assez
riches de cette essence (Jacques Brosse en cite plusieurs exemples fameux) (Brosse,
1990, 105-106). Certains spécimens ayant près de 1500 ans - car les IFS vivent très
longtemps -, il est très probable qu’ils ont succédé à une autre génération d’IFS ; on doit
donc penser que la contrée possédait déjà de nombreux arbres de cette espèce à l’époque
gauloise. Jules César parle du reste de “l’if, arbre très répandu en Gaule” ( CC2 , VI/31,
137). Sans doute l’essence était-elle considérée par les ÉBUROVIQUES comme sacrée
(le nom français de l’IF issu d’un gaulois *ivos serait peut-être un souvenir gardé de
ce sentiment religieux) (von Wartburg, IV, 1952, 826 ; se reporter dans le tome III à
l’étude des “Essences sacralisées”). Mais il est vraisemblable que l’ethnonyme faisait
aussi allusion aux arcs et aux flèches, qui ont souvent, dans le passé, été fabriqués
avec ce bois très résistant et élastique (certaines piques et lances purent l’être aussi)
(Brosse, 1990, 108 ; Bourdu, 1997, 74). Nous avons vu déjà plusieurs peuples gaulois,
ayant laissé trace dans notre toponymie, qui tiraient leur appellation d’un nom d’arme
(Ilg. 19). Robert Bourdu souligne les avantages de l’IF : “Aucun bois n’atteint la qualité
de souplesse et d’élasticité du bois d’if’ ; “élasticité pour l’arc, densité, dureté et fermeté
pour les piques [...] sont les propriétés du bois d’if qui en firent l’arme des victoires”
(Bourdu, 1997, 71 et 74). C’est ce que proclamait le nom de “Ceux-qui-vainquent-
par-lTF”. Les flèches fabriquées en bois d’IF purent être elles-mêmes enduites d’une
décoction faite avec son feuillage, ses fruits, son écorce ou sa sève, réputés toxiques
(pratique connue aussi pour la chasse). Strabon parle du suc mortel d’un arbre de Gaule
dont “les habitants imprègnent leurs flèches” ( Géographie , IV/4, 6, dans Cougny, I,
1986, 74; voir aussi Reinach, 1909, 190-191). César nous apprend qu’en 53 av. J.-C.
le chef gaulois Catuvolcus, se voyant vaincu par les Romains, et affaibli par l’âge,
“s’empoisonna avec de l’if” (GG2, VI/31, 137). Il était roi des ÉBURONS (peuple
de la Gaule Belgique, client des Trévires), sans doute, comme les ÉBUROVIQUÉS,
des “Hommes-de-lTF” ( Eburo-nes ) (Bertoldi, 1928, 151-153 ; Tourneur, 1930, 663 ;
Guyonvarc’h, 1959b ; Delamarre, 2003, 159-160). L’IF ayant été lié à l’idée de guerre,
cl de combat victorieux, on pourrait trouver là une explication à l’appellation de ces
“Forlcivsscs-” ou “Citadelles-des-IFS” donnée par les Gaulois à certaines places fortes ;
lieux de défense de la Cité, que l’ennemi devait craindre car, s’il s’y attaquait, il périrait
par son bois sacré. AVROLLES, dans l’Yonne, est étymologiquement “Citadelle-des-
II \S” ( Eburobriga au IV" siècle) ; AVERDON, dans le Loir-et-Cher, est “Forteresse-des-
ILS” ( Everdunensis , au XI e siècle), comme ÉBRÉON, en Charente ( Ebredonus , en 868),
FM BRUN, dans les Hautes-Alpes ( Ebrodounon , au I er siècle), et YVERDON, en Suisse
( Eburodunum , à l’époque romaine) (Dauzat et Rostaing, 1978, 41, 43, 257 ; Jaccard,
1906,531-532).
2.3. La guerre végétale
Outre les arcs, nous avons vu que de nombreuses pièces de l’équipement militaire
étaient en bois ; armes de jet, armes de trait, aussi bien que boucliers. Les noms qui
Fig. 19 - Noms de régions et de localités françaises issus d'un nom de peuple gaulois
paraissant en rapport avec les armes.
nous sont restés attestent que les peuples gaulois ont prêté des vertus presque magiques
à certaines essences réputées pour fabriquer des armes. Si EVREUX et l’ÉVRECIN
gardent souvenir des “Combattants-à-riF”, LIMOGES et le LIMOUSIN ont révélé qu’ils
étaient liés aux “Combattants-de-rorme” ; et l’appellation de l’AUVERGNE pourrait se
rapporter aux combattants pourvus de “bois de VERGNE” : ayant des boucliers d’aulne.
Assez fréquemment dans la mythologie celte, nous trouvons le thème de l’arbre associé
à l’idée de combat, l’engagement armé étant perçu comme une guerre végétale (P. Le
Roux, 1959 ; Le Roux et Guyonvarc’h, 1986, 150-152 ; Guyonvarc’h, 1997, 209-219 ;
Brasseur, 1997, 85-89). “Nous enchanterons les arbres |...|, si bien qu’ils deviendront
une troupe en armes luttant contre [les ennemis | cl qu’ils les mettront en fuite avec
horreur et tourment”, dit un texte mythologique irlandais (Guyonvarc’h, 1980, 55). Un
poème gallois ancien, le Kat Godeu, “Combat des Arbrisseaux”, nous montre une armée
d’arbres, aux essences choisies, qui s’avancent au combat (le thème en sera repris dans
le Macbeth de Shakespeare, qui “emprunte] à la féerie celtique”) (Guyonvarc’h, 1997,
218-219 ; et 1953a, 111-120 ; 1980, 149-151 ; Le Roux et Guyonvarc’h, 1986, 151 ;
Brasseur, 1997, 88-89). Citons quelques vers de ce poème :
“J’ai revêtu de nombreuses formes [...].
J’ai été lance étroite et dorée [...],
J’ai été bouclier de l’affrontement [...].
Je chanterai le combat des Arbrisseaux [...].
Le Seigneur répondit
Par les mots et la magie :
Prenez la forme des principaux arbres,
Mettez-vous en ordre de bataille [...].
Les aulnes, en première ligne.
Formèrent l’avant-garde [...].
Les ifs étaient vers l’avant
Et au centre de la mêlée [...].
Les ormes, très nombreux,
Tenaient ferme.
Ils combattaient vers le centre,
Les flancs et l’arrière [...].”
Les ifs et les ormes pouvaient représenter les lances et les javelots ; et les aulnes
(“avant-garde” “en première ligne”), les boucliers qui protégeaient les fantassins en tête
de troupe. Aides sacrées du combattant gaulois, ces essences allaient vaincre l’ennemi :
la guerre, les annes étaient certainement liées au divin. Karl Ferdinand Werner parle
excellemment d’“une société qui avait fait de la guerre une affaire sacrée” (1984, 160).
Nous allons découvrir bien d’autres traces linguistiques de cette sacralisation martiale.
Le costume des soldats
L'emploi du pantalon à des fins militaires est attesté très anciennement chez les
Celtes. Ce vêtement était pratique pour les fantassins, mais surtout pour les cavaliers.
Fourreau d'épée en bronze gravé, de Hallstatt (Autriche), V e siècle av. J.-C.
Les noms français de BRAIES, de BRAGUES et de BRAGUETTES sont issus du gaulois.
Bronze d'applique d'Alésia (Musée d'Alé^ia, Alise-Sainte-Reine).
Le soldat gaulois portait une grande cape appelée
sagon. De là vient notre nom de SAIE, et peut-être
l'appellation de la ville de SÉES (Orne), autour de laquelle
résidaient les Sa[g]ii (les "hommes-aux-SAIES" ?).
Statuette de bronze de Margerides, Corrèze
(cliché Centre archéologique de Margerides).
Les objets de parure des guerriers
"A ce cadavre renversé,
[le soldat romain] épargna
toute injure, seulement il
le dépouilla de son collier
qu'il passa, tout humide de
sang, à son cou". Alors, il
reçut le nom de Torquatus.
Combat de Titus Manlius
contre un guerrier gaulois.
j'
Comme la parure
prestigieuse prise au
guerrier vaincu, le nom de
TORQUE a peut-être été
emprunté par les Romains
à leurs adversaires
gaulois (thème celtique
*torco-).
Torque de guerrier du
trophée de Ribemont-sur-
Ancre (cliché J.-L. Brunaux).
Les armes défensives : les casques
Pline et Suétone nous
apprennent qu'une légion
de Gaulois recrutés par César
vers l'an 50 (pour participer
à la guerre civile en Italie)
était appelée YAlauda. Ce mot
gaulois est à l'origine de notre
nom d'ALOUETTE.
Cavalier à casque surmonté
d'une figure d'oiseau
(scène du chaudron de
Gundestrup).
CHARTRES et le Pays CHARTRAIN
doivent leur nom aux Carnutes :
littéralement les "Cornus" ; guerriers
dont les chefs combattaient avec des
casques à cornes.
Denier d'argent
représentant un
trophée d'armes
gauloises (BNF).
Bas-relief de La
Brague (Antibes-
Biot) ("Restes
probables d'un
monument [...],
faisant allusion à
une bataille livrée
entre Romains
et indigènes")
(Espérandieu, t. 1,
1907,31).
Les armes défensives : les boucliers
Les noms français de TALEVAS et de TALOCHE
(qui nommaient des boucliers au Moyen Age)
remontent à un thème gaulois tal-, "plat" :
au contraire des boucliers grecs et romains, de forme
enveloppante, le bouclier celtique se caractérisait
par sa surface quasiment plane.
Guerrier de Mondragon
(Vaucluse), avec son grand
bouclier (Espérandieu, I,
1907 , 210 ).
La TALOCHE est aujourd'hui l'arme toute pacifique
du maçon ou du plâtrier : sorte de petit bouclier plat,
que la main tient par la poignée.
Bas-relief
gallo-romain
des fresquistes
(conservé au
musée de Sens),
représentant
une équipe de
décorateurs. Sur
un échafaudage,
un ouvrier lisse
de sa TALOCHE
l'enduit du mur
(H. -P. Eydoux,
1961 , 71 ).
Les armes offensives : les épées et les armes de trait
"Gladius doit être
un mot venu par les
invasions celtiques".
L'épée jetée par le
chef gaulois dans
la balance pour
alourdir le poids de
la rançon à payer
- épisode du fameux
Vae victis - est
bien symbolique
du rôle vainqueur
du GLAIVE gaulois
et de son influence
aussi bien militaire
que linguistique :
le nom celtique de
*dadios sera adopté
dans le latin gladius,
d'où notre français
GLAIVE.
Le soldat gaulois pouvait prendre en main un petit
lot de JAVELOTS.
Le mot français de JAVELOT remonte à un thème
celtique gab-, "prendre" (à comparer au nom de la
JAVELLE, aussi d'origine gauloise, qui désignait ce
qu'on rassemble par poignées).
Dessin d'A. Rapin.
“Notre géographie [qui] parle gaulois” nous a conservé maints termes de l'époque
de la Gaule liés au monde physique (Mulon, 1968, 32). Ils nous montrent l’importance
que les Gaulois attachaient à la présence des forces vives. Il est sûr que les peuples
celtes, longtemps itinérants, puis sédentarisés d’une façon toute rurale - la très grande
majorité des gens vivant dans des petits villages disséminés dans la campagne ou dans
des fermes isolées -, ont été profondément marqués dans leur mode de vie et de pensée
par le contact permanent avec les éléments naturels. On ne peut s’étonner qu’ils les
aient considérés non seulement comme des présences matérielles, économiques ou
sacrées, mais qu’ils les aient aussi employés comme des instruments de tactique militaire
(Clavel-Lévêque, 1989, 159 ; Deyber, 2009, 350-353). Les mots du monde physique
nous renvoient ainsi à d’autres significations que la simple présence naturelle d’eaux,
de forêts, de hauteurs : les incursions de tribus voisines, les intrusions étrangères (celles,
notamment, des Cimbres et des Teutons, ou des troupes d’Arioviste), les attaques des
légions romaines verront les Gaulois utiliser à maintes reprises les ressources offertes
par les sites naturels, dans un but de protection ou de repli stratégique. “La nature même
des lieux, s’exclame César, protégeait les Barbares” ( GG2 , VI/34, 138).
1.1. Les cours d'eau
1.1.1. Etablissements voisins des eaux
Toute concentration d’habitats - il y avait évidemment des agglomérations -
risquait de faire naître des convoitises étrangères et d’attirer des tentatives armées. Les
cours d’eau pourront protéger les localités contre des attaques ennemies soudaines :
ils constituaient des barrières naturelles que des troupes militaires étaient à même de
surveiller en permanence. Le géographe Jules Blache, étudiant les “localités ripuaires”,
a bien montré cette “valeur défensive que les eaux fluviales pouvaient représenter”
(1959, 25 et suiv.). Tout un groupe de nos localités - qui ont par ailleurs livré des
témoignages archéologiques de l’époque gauloise ou gallo-romaine - doivent leur nom
à une appellation gauloise de sens hydronymique : parfois issue d’un thème préceltique,
souvent formée sur un modèle celtique, comme abona, ambe, briva, cambo-, condate,
dubr-, *genu -, isca, ledo, ritu-, etc. (nous ne prenons pas en compte ici les différents
thèmes à valeur sacralisante). Citons, parmi beaucoup d’autres toponymes, AMBERT
(Puy-de-Dôme), AMBIALET (Tarn), AMBOISE (Indre-et-Loire), ANDRÉSY
(Yvelines), AUXERRE (Yonne), AUXONNE (Côte-d’Or), AVORD (Cher), AVOSNES
(Côte-d’Or), BÉDARRIDES (Vaucluse), BORT-les-Orgues (Corrèze), BRIARE
(Loiret), BRIORD (Ain), BRIVE-la-Gaillarde (Corrèze), CANNES-Ecluse (Seine-
et-Mame), CHABRIS (Indre), CHALON (Saône-et-Loire), CHAMBORD (Loir-et-
Cher), CONDÉ-sur-Suippe (Aisne), DOUVRES (Calvados), ESCAUDŒUVRES
(Nord), GENÈVE (Suisse), GISORS (Eure), GIVORS (Rhône), JORT (Calvados),
MÂCON (Saône-et-Loire), MESVES (Nièvre), REDON (Ille-et-Vilaine), SALBRIS
(Loir-et-Cher), THOUARS (Deux-Sèvres), TIL-Châtel (Côte-d’Or)... (Nègre, 1990;
Delamarre, 2003 ; Billy, 2011).
Nous verrons qu’un nombre important de ces noms de localités “ripuaires” est à
relier à des voies de communication fluviales et à des transports marchands remontant
à l’époque gauloise ou gallo-romaine (se reporter au chapitre 3 du tome II). Cependant,
il ne fait pas de doute que beaucoup doivent faire aussi allusion à la protection des eaux
utilisées par les peuples gaulois contre les attaques : à côté des pratiques commerciales
ont existé - souvent conjointement - des pratiques défensives. On devait avoir des
contacts avec l’extérieur pour les échanges, mais en même temps on devait se protéger
de l’extérieur (“S’enfermer, s’abriter est vital pour se défendre mais il faut bien [aussi]
vivre d’échanges”, souligne Paul-Marie Duval, à propos du site de Lutèce) (1993, 17).
La simple ligne large du fleuve ou de la rivière formait déjà une certaine protection, par
la séparation de l’autre rive. MÂCON est peut-être étymologiquement r“Etablissement-
de-la-bonne-eau” (gaulois Mat-isc-o(n), attesté chez César, et Mcitiscone, dans les
itinéraires routiers antiques ; puis, par assimilation, Matascone, au VI e siècle, chez
Venance Fortunat ; et Masconis, en 887) (pour les formes anciennes, Taverdet, 1983,
39 ; Deroy et Mulon, 1992, 290). Le site abritait (au moins depuis l’époque de La
Tène III) un oppidum, installé sur une petite hauteur fortifiée au-dessus de la Saône ;
de là, on pouvait surveiller les mouvements sur l’eau, plus lents que ceux des voies
terrestres (Rebourg, 1994, 300-320).
CHALON ( Cabillonum , au I er siècle av. J.-C., nom gaulois en rapport avec le thème
de l’eau comme nous le verrons) était également un établissement éduen en bordure de
Saône ; selon César, un oppidum [de plaine] (GG, VII/42) (fait confirmé par la dédicace
à la déesse Souconna offerte par les Oppidoni Cabilonnenses : “habitants de l’oppidum
de CHALON”, découverte en 1912, et visible au Musée Denon) (Roy-Chevrier, 1913,
4-5). Mais son implantation précise à l’époque de l’Indépendance est mal connue
(Rebourg, 1994, 124-127).
A l’origine du nom d’AUXERRE ( Autessio duro, sur la Table de Peutinger ; et plus
anciennement Autricum , selon le témoignage du moine Héric), on pourrait retrouver le
thème hydronymique aut- qu’on connaît dans l’appellation ancienne de Chartres et aussi
à l’origine du nom de Y Eure (un nom d’homme *Autessios, non attesté, ne convainc
pas). AUXERRE aurait été dénommée l’“Etablissement-sur-la-Rivière” ; elle posséda
peut-être primitivement un habitat sur la colline au-dessus de l’Yonne, d’où l’on pouvait
surveiller les bateaux et prévenir les attaques (Villette, 1992a, 46-47 ; Taverdet, 1994,
30-3! ; 1996, 17-18 ; Lacroix, 1998, 165-166 ; Thévenot, 1985, 79 ; Deroy et Mulon,
1992, 37 ; Billy, 2011, 92-93).
Le nom d’AMBOISE ( Ambatia , vers 470) se rapporterait à un thème gaulois ambe,
“rivière” : elle aurait été la “Riveraine” (Delamarre, 2003, p. 41). AMBOISE, avant
d’abriter un habitat gallo-romain, fut un oppidum (de type éperon barré, un rempart
à poutres de bois qui a été révélé par les fouilles ayant été daté de La Tène I). Son
promontoire triangulaire d’une cinquantaine d’hectares s’étendait juste au-dessus de la
Loire (le château a été construit à la pointe de cet éperon) (Provost, 1988a, 70-73 ; Colin,
1998, 125-126, avec croquis top. du site ; Billy, 2011, 64-65).
1.1.2. Ponts
“L’agglomération [pouvait] [...] rechercher l’abri des eaux, en levant des ponts
autour d’elle” (Blache, 1959, 25). Lorsqu’ils étaient proches des agglomérations, les
lieux de ponts, qui assuraient la continuité des itinéraires terrestres, donc la mise en
relation de territoires économiques et de centres de vie différents, permettaient aussi
le contrôle des accès aux établissements, la surveillance et la protection militaires
des groupements d’habitats, avec construction de postes fortifiés commandant l’accès
du lieu de franchissement. Ce rôle clé paraît être souligné dans des noms de localités
d’aujourd’hui, composés avec le mot briva et un autre terme gaulois, dunon, “forteresse”.
Le modèle *Brivo-dunum, la “Forteresse-du-Pont”, aurait abouti, selon Ernest Nègre, à
différentes BRION : en particulier, dans l’Ain {de Brione, en 1299-1369), sur l’Oignin ;
dans la Côte-d’Or ( Briun , en 1125-1136), sur l’Ource ; dans la Vienne {Brionensis, en
903), sur la Clouère... (Nègre, 1990, 170). Mais on peut aussi songer à d’anciennes
briga.
1.1.3. Gués
En l’absence de ponts, la traversée des gués, le passage sur des barges, voire la
construction d’ouvrages de franchissement par l’assaillant, pourront se révéler périlleux :
comme le souligne Emile Thévenot, les soldats “redoutaient] les passages de rivière
sous attaque ennemie” (1960, 52). Ainsi, en 52 av. J.-C., devant, pour le franchissement
de ses troupes sur la Loire, faire construire des ponts, César a-t-il conscience de “courir
le risque d’une attaque” ( GG2 , VII/56, 173).
Au même livre VII, on voit les Gaulois de Vercingétorix, lors du siège d’Avaricum,
s’établir sur un camp à proximité des troupes romaines (au nord-est de Bourges). “Ils
tenaient par des postes sûrs tous les gués”, commente le général romain ( GG2 , VII/19,
153). Au livre VIII, Hirtius écrit que, lors de la campagne contre les Bellovaques (dans
la région à l’est de Compiègne), “il ne se pass[ait] pas de jour que des combats n’aient
lieu à la vue des deux camps, aux passages et aux gués” ( GG2 , VIII/13, 200). Des morts
s’y produiront : au livre II, on évoque des troupes gauloises qui passent un des gués
de l’Aisne ; “les nôtres, commente César, ayant surpris les ennemis dans les embarras
du passage, en tuèrent un grand nombre” {GG2, 11/10, 49) ; le livre V nous montre
également le chef gaulois des Trévires, Indutiomare, capturé et tué par des soldats
romains alors qu’il était en train de traverser un gué (GG2, V/58, 121). Il est probable
que des mésaventures de ce type, sur d’autres sites de gués, sont survenues à d’autres
assaillants tentant de s’approcher d’un établissement, et aussi à des légionnaires surpris
par des défenseurs gaulois - César a bien sûr tendance à raconter les exploits de ses
soldats plutôt ceux de l’adversaire.
L’étude des “Voies de communication” (au chapitre 3 du tome II) nous montrera
qu’une cinquantaine de nos localités tirent leur nom du thème ritu- ayant nommé le gué
en gaulois ; les aménagements de ce type étaient donc assez fréquents ; il devait s’en
trouver de nombreux aux abords des agglomérations. Parmi elles, citons GISORS, dans
l’Eure ( Gisortis , en 968, le “Gué-de-la-pointe” ou le “Gué-de-GlSOS”), dont le site
arrosé par deux rivières (l’Epte et la Troësne) aurait abrité une agglomération antique
(Cliquet, 1993, 188) ; également AMBIERLE, dans la Loire ( Amberta , en 949, le “Gué-
de-la-rivière” ?), au bord de la Teyssonne, endroit habité dès l’époque de La Tène C,
et qui a livré un mobilier antique varié (Vurpas et Michel, 1997, 29 ; Lavendhomme,
1997, 37 et 63-67) ; ou bien JORT, dans le Calvados {Jort, en 1049-1058, le “Gué-de-la-
DIVES”), peut-être jadis aussi établissement antique, installé près de sa rivière éponyme
(Delacampagne, 1990, 110).
Les récits épiques de la mythologie celtique font des gués un lieu fréquent de
combats. Ainsi l’épopée irlandaise ancienne de La Razzia des vaches de Cooley montre
à plusieurs reprises le héros irlandais Cuchulainn y livrer des combats. Le motif se
retrouvera dans la littérature médiévale (citons un roman comme Cligès de Chrétien
de Troyes, ou la chanson de geste Girart de Roussillon) : sans doute est-ce - en partie
au moins - un héritage celtique (Louis, 1954). Pourquoi se battre ainsi sur les gués ?
La raison en serait peut-être qu'ils formaient parfois frontière. Selon Pierre-Henri
Billy, plusieurs noms de localités comme BORT-l’Etang (Puy-de-Dôme) ( Boortense ,
en 959, et Boort, en 1150), proche d’un affluent du Litroux ; également BORT-les-
Orgues (Corrèze) (Boort, en 944), sur la Dordogne ; et aussi BOURTH (Eure) (Boort,
en 1131), sur l’Iton, pourraient remonter à un composé formé pour la seconde partie du
celtique ri tu-, “gué”, et pour la première partie d’une racine du gaulois *budina ayant
nommé un “signal de limite”, une “frontière” ; de là le latin médiéval bodina, “borne
frontière”, à l’origine du français BORNE et BORNER, “marquer une limite” (il faut
écarter l’interprétation *Boduo-ritu-, “Gué-de-la-Comeille”, en raison de difficultés
phonétiques). Les localités citées seraient donc d’anciens “Gués-de-la-Frontière”. On
a vu que les cours d’eau ont fréquemment servi en Gaule à marquer des limites de
peuplades. Les gués pouvant permettre le passage d’un territoire à un autre seront des
endroits particulièrement surveillés et protégés militairement. BORT-les-Orgues s’est
développé au lieu d’un gué sur la Dordogne marquant la limite entre les Lémoviques
et les Arvemes (Desbordes, 1984, carte, 38). BORT-l’Etang se trouvait dans la zone de
séparation entre Arvernes et Ségusiaves (près de Néronde-sur-Dore, toponyme frontière)
(Billy, 1998, 160). BOURTH était à 4 km de la limite des diocèses d’Evreux et de
Sées (aujourd’hui limite entre l’Eure-et-Loir et l’Orne). BÉHUARD, Maine-et-Loire
(. Buhardus , v. 1063, à comparer à BOURTH, Bohurth, en 1202), s’est établi au bord
de la Loire ; un gué frontalier a dû y exister (Provost, 1978, 24 et suiv.). BONNARD,
Yonne (Bandritum au IV e siècle, avec métathèse bodn- > *bond-), a révélé un gué
antique (Delor, 2002, 244, 246), à la limite des Cités de Sens et d’Auxerre (Garcia et
Verdin, 2002, 291). BOURET, Pas-de-Calais (Botritium, en 831) (Hôlder, 1, 496), est sur
la Canche, frontière jadis entre Ambiens et Morins. Enfin, BOURAY, Essonne (Bolrei,
au XI e siècle), fut un lieu de gué antique sur la Juine, à la limite Sénons/Parises, près des
Carnutes ; on y a retrouvé des armes et des monnaies (Naudet, 2004, 113).
1.1.4. Rencontres d'eaux
La conjonction de plusieurs eaux a pu servir aussi à la défense de certains sites.
Autricum (nom attesté dans la Géographie de Ptolémée, au II e siècle) désigna d’abord
Chartres. Elle modela son nom gaulois ancien (originellement *Autur-icon) sur celui de
l’Eure (Nègre, 1990, 31) : les bras de la rivière bordaient à l’est l’établissement (tandis
qu’à l’ouest coulait le Couesnon, petit affluent venant rejoindre l’Eure à la pointe nord
de l’éperon, où se concentrait l’habitat) (croquis du site dans Ollagnier et Joly, 1994,
1 16 et 118 ; et dans Villes, 1985, 64). A la fin de l’époque d’indépendance (ou après
la Conquête ?), la protection à l’ouest sera renforcée par la construction d’un rempart
construit en arc de cercle, la rivière à l’est “faisa[nt] office de corde” (Bedon, 1999, 29).
Bourges, jadis A varicum (oppidum principal des Bituriges, installé sur un promontoire
peu élevé), devait sa dénomination première à la rivière qui l’entourait (avec l’ Auron) et
protégeait militairement son site : l’Yèvre (*Avara), appellation adoptée par le gaulois,
mais sans doute préceltique (Dauzat, Deslandes, Rostaing, 1978, 100 ; Nègre, 1990,
29 ; Delabesse et Troadec, dans Moscati, 1991, 120 ; Chevrot et Troadec, 1992, 75-80).
Lors de la guerre des Gaules, en 52 av. J.-C., Vercingétorix voulut brûler Avaricum
pour interdire aux troupes de César de s’emparer de ses richesses. Les Bituriges lui
répondirent qu’“il leur sera[if| facile, vu sa position, de la défendre, car presque de tous
côtés elle [était] entourée par l’eau” (GG1, VII/15, t. 2, 220). On sait que le chef gaulois
se laissera fléchir.
Les lieux de confluence ont été propices à l’installation d’établissements, pour des
raisons économiques (jonction de deux axes de vie et de deux voies de circulation), mais
aussi pour des raisons stratégiques et militaires : assurant ou renforçant la protection des
groupements d’habitats.
ARGENTON-Château, commune des Deux-Sèvres, ( Argentus , en 1069) (Dauzat et
Rostaing, 1978, 26) nous paraît avoir désigné étymologiquement l’“Etablissement-de-
la-Rivière-d’ Argent” : habitat installé au bord de l’ARGENTON {Argent on, en 965)
(Dauzat, Deslandes, Rostaing, 1978, 22), près de l’endroit où vient confluer l’Ouère.
On s’est demandé “si un oppidum n’avait pas précédé le castrum du XI e siècle” dont on
trouve trace sur la localité (Hiemard et Simon-Hiernard, 1996, 105).
La capitale des Redones (qui deviendra RENNES) s’est développée sur un site de
basse colline au confluent de Fille (à l’ouest et au nord-ouest) et de la Vilaine (au sud)
(Rouanet-Liesenfelt, 1980, 81, avec plan d’implantation, 94). De là lui vint son nom
premier de Condate , en gaulois la “Confluence” (cité chez Ptolémée, puis dans la Table
de Peutinger). Ce site a été “souvent qualifié de privilégié par son aspect potentiellement
défensif renforcé par des vallées fluviales inondables sur plusieurs centaines de mètres
de large” (Leroux et Provost, 1990, 178).
Si l’appellation de Condate a été abandonnée au IV e siècle pour celle de son ancien
peuple gaulois qui y résidait, bien d’autres établissements du même nom sont demeurés
dans notre toponymie (une soixantaine de localités sont issues de ce modèle !). Comme
nous l’avons noté plus haut, l’installation sur un site à la rencontre des eaux s’explique
parfois - lorsque ces eaux étaient assez abondantes - pour des raisons liées au commerce
fluvial ; dans certains cas aussi, des motifs sécuritaires ont joué. Les Condate, écrit
Joseph Vendryes, ont pu être “des points de jonction et de passage, des postes de
surveillance ou de défense” (1951, 382).
A CONDÉ-Folie, dans la Somme ( Condatus , en 1090), ont été repérés des habitats
de La Tène III (Agache, 1978, 144-145 ; Buchsenschutz, 1984, 42). “Tous [les] témoins
du passé permettent de conclure à l’existence d’un peuplement celtique assez dense dans
ce secteur du val de Somme” ; on “se trouve juste en face du confluent de la Somme
et de la Nièvre et à 1 km 500 du confluent de la Somme et de l’Airaines, à proximité
de marécages étendus” (Lebègue, 1982, 349-350) : site offrant des protections non
négligeables contre d’éventuelles attaques.
CONDÉ-sur-Iton, dans l’Eure, est nommée Condate dans Y Itinéraire d’Antonin et
la Table de Peutinger (Billy, 1993, 55). Les archéologues y ont découvert lin matériel
antique assez varié (traces de voies de circulation, vestiges de thermes, et autres restes
de constructions, indices de l’existence d’une agglomération secondaire). Elle était
installée - site doublement protecteur - sur un coteau, à la confluence de deux bras de
l’Iton (Mathière, 1925, 281-284 ; Cliquet, 1993, 91-92).
COSNE-Cours-sur-Loire (nommée Condate dans la Géographie de Ptolémée) fut
à l’époque gallo-romaine une agglomération secondaire assez importante ; mais plus
anciennement exista en ce lieu un établissement gaulois (nombreuses découvertes de
mobilier de La Tène par les archéologues). Il s’était développé pour la partie nord du site
dans une zone alluviale basse, et pour la partie sud sur un promontoire rocheux dominant
le confluent Loire/Nohain (Bigeard, 1996, 112-113 ; croquis d’implantation, 41).
Il n’est pas rare que des lieux de confluent (ayant généré un toponyme issu du modèle
Condate ) se montrent liés à des structures défensives : elles devaient servir à renforcer
l’efficacité protectrice des eaux.
A CONDÉ-sur-Aisne, dans le département de l’Aisne, au confluent de l’Aisne et
de la Vesle, a été repéré un petit site fortifié occupé à la Protohistoire (Buchsenschutz,
1984, 44 ; Fichtl, 1994, 158). A CONDÉ-sur-Noireau, dans le Calvados, au-dessus du
confluent du Noireau et de la Druance, avait été installé, à flanc de coteau, un camp
protohistorique de forme ovale, avec fossé et rempart de terre (Delacampagne, 1990, 64).
A CONDÉ-lès-Herpy, dans les Ardennes, non loin du confluent de l’Aisne et du
Saint-Fergeux, a été fouillé un oppidum de 50 hectares, sur le plateau de Nandin ; il a
révélé des traces d’occupation remontant à l’époque de La Tène Finale (Toussaint, 1955,
45-56 ; Fichtl, 1994, 157).
Enfin, à CONDÉ-sur-Suippe, dans l’Aisne, au confluent de l’Aisne et de la Suippe,
était installé, sur un éperon barré (système de remparts et de fossés), un oppidum gaulois
de 150 hectares. L’un des côtés du rempart en V longeait la Suippe, l’Aisne formant
protection entre les deux branches fortifiées (Fichtl, 2000, 37, avec plan, 39). Les fouilles
sur le site ont révélé des traces nettes d’urbanisation (organisation de rues, places,
quartiers). L’occupation de cet oppidum de confluent a été datée des II e et I er siècles
av. J.-C. (Fichtl, 1994, 177-178 ; et 2000, 184 ; Colin, 1998, 149).
1.1.5. Méandres
Le choix d’un site à proximité d’une courbe de rivière pouvait aussi permettre une
bonne protection contre les attaques. A côté des oppida de confluent, ont existé des
oppida de méandre.
NIORT (Deux-Sèvres), Noiordo sur une monnaie mérovingienne, doit son nom à
un gaulois *novio-ritum, le “Nouveau-gué”, justifié par une implantation au bord de la
Sèvre mortaise (Billy, 2011, 402). Ce fut, dès l’époque préromaine, une agglomération
secondaire assez importante, établie à proximité du golfe des Pictons, sur un espace
plat. Or, “pour les sites de plaine, la valeur défensive rest[ait] une priorité” (Hiernard et
Simon-Hiernard, 1996, 56). NIORT représenta une “sorte d 'oppidum de plaine entouré
par le vaste méandre de la Sèvre” (même réf., 56) : lové dans une boucle fluviale
allongée que fermaient au nord les collines de Saint-Hubert (même réf., 56 et 213 ; plan
d’implantation, 215).
Des oppida installés sur des hauteurs ont également profité de la protection d’un
méandre (“Le cours d’eau [pouvait] ceinturer, en partie au moins, la hauteur, et
perfectionner ainsi la position défensive”, souligne Jules Blache) (1959, 26).
BESANÇON fut le site d’un important oppidum, installé sur une colline escarpée
enfermée dans une boucle du Doubs. Son nom antique de Vesontio (d’où vient le
toponyme moderne) est réputé être d’origine préindo-européenne, et lié à l’idée de
hauteur (racine oronymique *ves- ) (Billy, 1981, 45 ; Cherpillod, 1986, 66; Taverdet,
1990, 16 ; Deroy et Mulon, 1992, 57 ; Lassus et Taverdet, 1995, 32). Ne renverrait-il pas
plutôt à l’idée de courbe de rivière ? Le dictionnaire étymologique von Wartburg pose
un thème gaulois *v es -, “courber” (lui-même relié à un indo-européen *weis-, “tourner”,
“courber”) (von Wartburg, XIV, 1961, 340-341 ; Pokorny, 1959, 1133, 1120-1122). A
dû s’associer à ce radical Ves- > Bes- un suffixe gaulois double -ont-ione. BESANÇON,
la séquanaise, s’est développée dans l’abri défensif d’un méandre du Doubs ; César
souligne qu’il “entoure la place presque tout entière d’un cercle qu’on dirait tracé au
compas” (GG2, 1/38, 35). Nous comparerons le nom de Ves-ontio à celui de Ves-onna,
appellation première de Périgueux, cité qui fut elle aussi installée dans une courbe de
rivière : ici l’Isle, affluent de la Dordogne.
THOUARS, dans les Deux-Sèvres, a formé son nom ( Toarecca à l’époque
mérovingienne, d’un gaulois *tocir-icum) sur la rivière du THOUET ( Toarum , en 866,
qui pourrait être un hydronyme d’origine gauloise) (Lebel, 1956, 354-355 ; Dauzat,
Deslandes, Rostaing, 1978, 89 ; Deroy et Mulon, 1992, 477 ; Gauthier, 1996, 37). C’était
un “site d’éperon (facile à « barrer »)”, “promontoire découpé par la vallée du Thouet’’,
qui a creusé des méandres très accentués à cet endroit. En 762, le castellum Toarcis
sera même dit “la forteresse la plus solide de toute l’Aquitaine”. Cependant l’existence,
vraisemblable, d’un oppidum gaulois à l’emplacement du château n’est pas encore
archéologiquement démontrée (Hiemard et Simon-Hiernard, 1996, 332).
AMBIALET, dans le Tarn, est un site touristique curieux, soulignent les guides
de voyage, “vieux village du Moyen Age construit sur une presqu’île formée par un
méandre du Tarn”, avec “sur la crête, s’échelonn[ant], les ruines d’un château, l’église
romane, une tour carrée, et, au sommet, un ancien monastère” (Barbey, 1993, 868). Le
lieu a été occupé plus anciennement, comme le prouvent les découvertes archéologiques
(Cambon et autres, 1995, 70-72). Des mines de fer ont fonctionné à proximité à l’époque
gallo-romaine. Des amphores (de type Dressel 1), trouvées sur le site, laissent supposer
une installation remontant à l’époque gauloise : un établissement a dû exister à La
Tène III sur la hauteur, bien abritée par l’immense méandre du Tarn, qui enserre le
promontoire dans une boucle de 4 km (plan dans Soutou, 1961, 237). Le nom ancien
de la localité ( Ambiledo , en 1070) est rapporté à la langue gauloise, ce qui pourrait
confirmer l’ancienneté de l’occupation. Selon Ernest Nègre, on aurait affaire à un
composé *ambi-ledo-, formé des éléments gaulois ambi, “autour de”, et ledo, “courant
d’eau”, le sens étant : “courant d’eau qui coule autour”, pour désigner le méandre (1972,
18; 1990, 117).
Nous découvrirons dans l’étude des “Forteresses gauloises” d’autres toponymes en
rapport avec les eaux, confluents ou méandres.
1.2. Les marais
1.2.1. Zones de marais dans les campagnes
En dehors des agglomérations, les zones de marécages eurent un rôle utile pour
la défense du territoire de la peuplade. Les peuples de la Gaule Belgique, aidés par la
nature, sauront les utiliser contre les Romains. C’est sans doute une des raisons pour
lesquelles “la « Conquête » s’est révélée beaucoup plus difficile que prévu, surtout
contre les peuples du Nord” (Goudineau, 1997, 26). Les populations civiles pouvaient se
réfugier dans ces zones avec leurs biens et leurs animaux, en cas d’attaque soudaine. En
57 av. J.-C., César ayant décidé une offensive, les Nerviens placent femmes, vieillards
et enfants en un “lieu dont les marais défendaient l’accès à une armée” (à situer au sud-
ouest de Maubeuge, près de la Sambre) ( GG2 , 11/16, 52). En 53, César, à la tête de cinq
légions, marche contre les Ménapes. “Ceux-ci, forts de leur position, ne rassemblent
point de troupes ; ils se réfugient dans leurs forêts et leurs marais et ils y transportent
leurs biens” (lieu à situer dans la région de Tongres, près de la Meuse) ( GG2 , VI/5, 124).
Les hommes en armes cherchaient parfois refuge dans les zones de marais,
décrochant du combat pour s’abriter. Ainsi, une partie des troupes d’Ambiorix (chef des
Eburons), pressée par la cavalerie romaine, “se réfugia [...] dans une région de marais
continus” (entre Liège et Anvers) ( GG2 , VI/31, 136-137). Depuis ces replis, les soldats
gaulois, tapis, pouvaient parfois tenter d’attirer des légionnaires dans le piège des eaux
boueuses, ce que redoutait leur général en chef. Les combattants nerviens s’étant cachés
dans un secteur de marécages (sans doute ceux de la vallée d’Estine, près de Binche, en
Belgique), “César craignfit] de les poursuivre trop loin, à cause des bois et des marais”
(GG2, V/52, 1 17).
Une bande de terres marécageuses pouvait aussi constituer une barrière efficace pour
parer les attaques ennemies, écran dressé entre deux armées : “Un marais peu étendu
[se trouvait] entre notre armée et celle des ennemis. Les ennemis attendaient [...]. Mais
aucun des adversaires ne voulant hasarder le passage, César [...] ramena ses soldats
dans son camp” (site de la vallée marécageuse de la Miette, près de Beaurieux, en
57 av. J.-C., lors de la bataille de l’Aisne) (GG2, II/9, 49). Autre exemple célèbre : pour
barrer l’avance des légions romaines marchant sur Lutèce, le chef gaulois Camulogène
“ayant remarqué qu’il y avait un marais continu qui aboutissait à la Seine et rendait fort
difficile d’accès cette région, s’y établit et entreprit de barrer le passage aux nôtres”
(sans doute la vallée de l’Essonne) ; cette tactique montra son efficacité : Labiénus,
après avoir vainement tenté de mener des travaux pour combler les marais, devra faire
demi-tour avec son armée pour prendre une autre route (GG2, VII/52, 173 ; et 53, 174).
L’importance des zones de marais en Gaule, que le texte césarien nous montre liée à
la stratégie militaire, nous est également perceptible par l’analyse linguistique.
• Lexique des terres marécageuses et des eaux boueuses
Le vocabulaire français des terres détrempées, étonnamment riche de termes issus
du gaulois, nous fournit un indice du développement passé des terres marécageuses.
Citons la BOUE (du celtique *bava, “boue”, “fange”, qu’on retrouve dans le vieil-
irlandais buaidir et gallois budr, “sale”, “malpropre” ; et dans le gallois baw, “boue”,
“fange”) ; la BOURBE et le BOURBIER (du celtique *bon>a), mots ayant sans doute
d’abord désigné une “source boueuse”, à comparer au vieil-irlandais berbaid, “il bout,
bouillonne”) ; BARBOTER (jusqu’au XVI e siècle bourbeter : “patauger dans la boue”) ;
et BARBOUILLER (“souiller avec la boue”), aussi issus de *bon>a. On doit ajouter
la GUENILLE (curieusement issue d’un gaulois *vadana, “eau”, “boue”, qui finit par
désigner des habits mouillés et crottés de boue). Nous trouvons aussi dans les dialectes
toute une série de mots comme la BRAYE, “boue”, “terre grasse dont on fait les murs de
bauge” (gaulois bracus, “marais”) ; la NOUE, “terrain périodiquement inondé”, “prairie
marécageuse” (gaulois *nauda, “terre mouillée”) ; la SAGNE, “tourbière où poussent
des mousses de marais” (gaulois *sagna, “terrain marécageux”) ; la VARENNE,
“délaissé de rivière” (gaulois varenna, “terre gorgée d’eau”) ; la YAVRE ou VAIVRE,
“lieu humide”, “ruisseau caché” (celtique *vobero/*vabero, étymologiquement “ce qui
bouillonne par en dessous”, “terre marécageuse”), etc. Ces termes sont encore vivants
dans les patois et on les retrouve assez fréquemment dans les noms de lieux (il est vrai
souvent formés à l’époque romane à partir des anciens mots gaulois gardés dans le
vocabulaire) (Dottin, 1920 ; von Wartburg, 1922 et suiv. ; Gamillscheg, 1969 ; Bloch et
von Wartburg, 1975 ; Nègre, 1977 ; 1990-1991 ; Imbs, 1971-1979 ; et Quemada, 1980-
1994 ; Fleuriot, 1978 ; Baudot, 1982, 3-7 ; Billy, 1993 ; Lambert, 2003 ; FLobert, 1994 ;
Delamarre, 2003).
• Régions de marais
Sans imaginer une Gaule couverte de marais (image caricaturale autrefois développée,
qu’il faut évidemment dénoncer), nous pouvons croire que les zones marécageuses
étaient quand même relativement nombreuses (on sait quel travail d’assèchement et
d’assainissement sera mené pendant tout le Moyen Age, le XVII e siècle et jusqu’au
XIX e siècle en France). Les marais breton, poitevin, charentais, sont les témoins d'un
lointain passé. César évoque des zones marécageuses dans la Gaule Belgique, dans le
nord et le centre de la Gaule Celtique (actuelles régions du Nord-Pas-de-Calais, de la
Picardie, de l'Ile-de-France et du Centre). On peut penser que des terres détrempées
jouèrent un rôle dans les conflits armés en bien d’autres secteurs. Remarquons que
plusieurs petites régions de France, encore constituées de terres marécageuses ou
parsemées d’étangs, gardent une appellation d’origine gauloise en rapport avec les eaux
stagnantes (et dont l’origine ancienne est bien souvent attestée). Ainsi le Pays de BRAY,
en Normandie ( Brago , en 833, formé sur un gaulois *bracu), secteur “où dans les argiles
et marnes [. . .] abondent les sources et les fonds humides” (Fénié, 2000, 85-86 ; Deroy et
Mulon, 1992, 179 ; Nègre, 1977, 101) ; la BRENNE, le “Pays des mille étangs”, autrefois
très marécageux, région à l’ouest de Châteauroux, qui a pu servir de lieu de refuge aux
Bituriges (gaulois *brenno -, “liquide boueux”, d’origine discutée) (von Wartburg, I,
1948, 514 et 516 ; Taverdet, 1989, t. 1, 177 ; Coulon, 1973, 57 ; Fénié, 2000, 86-87) ;
peut-être la ou les DOMBE(S) (au VIII e siècle, de pago Dumbensi ), “domaine [de
l’Ain] où l’eau est intimement liée à la terre, où la terre est gorgée d’eau” (Fénié, 2000,
140) : “certainement un ancien appellatif d’origine gauloise qui a désigné les terres de
la région, parsemées d’étangs” (Taverdet, 1986a, 75) (nous songerons pour ces eaux
dormantes à un thème *dumb-, forme à nasale infixée du gaulois dubis, “sombre” ; on
trouve un vieil-irlandais dub , “noir”, à l’origine du nom de DUBLIN, étymologiquement
dub-lin, “étang-noir”) (Losique, 1971, 94 ; Deroy et Mulon, 1992, 145-146 ; Delamarrc,
2003, 203). Ajoutons la LIMAGNE (et particulièrement les “mauvaises L1MAGNES”),
bas-pays de la vallée de l’Ailier aux terres humides, jadis sur le territoire des Arvernes
{[ Pagum ] Lemaniam , au V e siècle) (celtique limo-, “marais”) (Deroy et Mulon, 1992,
275 ; Billy, 1993, 95 ; Fénié, 2000, 191-192) ; et la WOËVRE, plaine “aux sols lourds et
humides” de l’ouest de la Lorraine, sillonnée de rivières et parsemée d’étangs, jadis sur
le territoire des Médiomatriques (in pago Vabrensi , au VI e siècle, du celtique *vobero ,
“terre gorgée d’eau”) (Deroy et Mulon, 1992, 517 ; Fénié, 2000, 333-334).
• Noms de petits sites fortifiés en rapport avec les terres boueuses
Non seulement des appellations de régions, mais aussi des noms de lieux ont pu
garder souvenir d’un environnement marécageux utilisé à des fins militaires. A plusieurs
reprises, le texte de La Guerre des Gaules nous montre que des troupes gauloises
choisissent pour établir un camp militaire une hauteur cernée par des marais. Près
d’Avûr/cum/Bourges, “une colline s’élevait en pente douce : un marais difficile et plein
d’obstacles l’entourait presque de toutes parts [...]. C’est sur cette colline que [...] se
tenaient les Gaulois, confiants dans la force de leur position” (GG2, VII/19, 153). De
même près de Compiègne, “l’ennemi se tenait depuis plusieurs jours dans son camp
défendu par les marais et par sa position” (GG2, VIII/11, 199), etc. Une série de tout
petits sites fortifiés de La Tène moyenne et finale a été repérée par les archéologues
(Buchsenschutz, 1984) ; on ne peut vraiment les considérer comme des oppida à cause
de leur taille réduite : “généralement inférieure à 10 ha, mais qui souvent ne dépassent
pas un ou deux hectares”, sans doute s’agit-il de camps protohistoriques dont l’utilisation
a été militaire (repli, surveillance...) (Fichtl, 2000, 138). Or, nous remarquons que
certains se trouvent en des lieux dont le nom dérive d’un nom gaulois du marais. Est-ce
un hasard ? Donnons-en trois exemples.
Le nom de NAIX-aux-Forges, dans la Meuse, ( Nasion , au II e siècle) paraît être
issu d’un thème linguistique en rapport avec l’eau : nasio-, “mare” (Billy, 1993, 111) ;
Jean Degavre le relie au radical indo-européen *sna-, “couler”, “humidité”, à l’origine
du moyen irlandais snau , sno, “cours d’eau” (Pokomy, 1959, 972 ; Vendryes, 1974,
S-145, 146 et S-153 ; Degavre, 1998, 312). Les archéologues ont découvert à NAIX,
sur un promontoire de confluent, une petite fortification (avec talus et porte) de 3,2 ha
(Toussaint, 1946, 40 ; Buchsenschutz, 1984, 74).
A VERNEUIL-en-Halatte, dans l’Oise ( Vernillo , au X e siècle, sur un thème vern-
nommant l’“aulne” et aussi le “lieu humide” où il croît), se trouve un promontoire de
forme triangulaire, dominant de 50 m l’Oise. Il a servi de camp fortifié à l’époque de La
Tène (Lebègue, 1994, 216 ; Woimant, 1995, 491).
Enfin à VESVRES, dans la Côte-d’Or ( Vaverensis , en 748, sur un thème *vobero,
“ruisseau plus ou moins caché”, “terrain humide”, “forêt marécageuse”), on a repéré,
sur un promontoire proche d’un cours d’eau, un petit éperon barré (pierre/talus) (von
Wartburg, XIV, 1961, 92-93 ; Degavre, 1998, 457 ; Taverdet, 2001, 90 ; Buchsenschutz,
1984, 156).
1.2.2. Zones de marais dans on à proximité des agglomérations
Des lieux d’habitats groupés ont aussi tiré leur nom de la présence de terres
détrempées qui les protégeaient d’éventuelles attaques.
Certaines localités qu’on a vues situées à la confluence de cours d’eau ont pu connaître
des secteurs marécageux. Avaricum/Bourgcs, la “Cité des Eaux de l’Yèvre” (enrichies
de celles de l’Auron), était selon les mots de César, “presque de tous côtés entourée par
l’eau courante”, mais entourée aussi, précise-t-il, par “le marais” : palude circumdata
0 GG1 , VII/15, t. 2, 220). Condate/ Rennes, 1’ “Etablissement du confluent”, oppidum créé
au lieu de jonction de l’Ille avec la Vilaine, avait un “aspect potentiellement défensif
renforcé par des vallées fluviales inondables sur plusieurs centaines de mètres de large”
(Leroux et Provost, 1990, 178). Son nom ne s’est pas gardé, mais d’autres CANDE(S),
CONDÉ ou COSNE de France issues du même modèle gaulois ont dû répondre à un
schéma topographique identique. Ainsi, l’oppidum de CONDE-sur-Suippe fut-il protégé
sur un de ses côtés par la rivière Aisne, mais aussi par les zones marécageuses formées
par les méandres de la rivière. On a vu plus haut que CONDE-Folie (Somme) s’était
installée “à proximité de marécages étendus”.
Le gaulois ana, “marais” (connu par ces mots du Glossaire de Vienne : “anam
= « paludem »”), paraît se retrouver dans le nom d’ANET, en Eure-et-Loir ( Anetum ,
en 1034, diminutif bas-latin d’une forme celtique qui put d’abord servir à nommer le
lieu) (Lambert, 2003, p. 206 ; Dauzat et Rostaing, 1978, 18 ; Villette, 1991, 51-52).
La localité, établie dans la vallée marécageuse de l’Eure, est célèbre pour son château
de la Renaissance (qu’on bâtit après avoir asséché des terres) ; mais le site dut voir
bien auparavant un établissement gaulois : on y note les traces d’une nécropole
protohistorique et l’existence de plusieurs voies antiques de circulation (Ollagnier et
Joly, 1994, 55). Il fut implanté à la limite nord du territoire des Carnutes (tribu des
Durocasses), tout contre la frontière avec les Eburoviques d’EVREUX (voir carte, dans
Mathière, 1925, en fin d’ouvrage) ; les marais de l’Eure formaient une protection contre
l’Etat voisin (Paul Lebel a parlé des “zones palustres dont les peuplades pro'tohistoriques
de la Gaule avaient fait des éléments de bornage faciles à défendre”) (1956, 323).
La localité d’ENTRAINS, dans la Nièvre, a révélé des traces gallo-romaines très
riches d’une agglomération secondaire à vocation artisanale et religieuse (Devauges,
1988 ; Bigeard, 1996, 136-169). Un habitat protohistorique s’était anciennement installé
“sur l’éperon au sol ferme au confluent de deux vallées marécageuses du Nohain et du
Trélong”, là où se situe la bourgade actuelle (Devauges, 1988, 270). Le nom même du
NOHAIN est issu du gaulois *nauda, “terrain marécageux” (qui a donné l’appellation
dialectale de NOUE, “terre grasse”, “détrempée”) (Taverdet, 1987, 16 ; Quemada, XII,
1986, 259). Plusieurs lieux-dits de la commune font allusion à des lieux humides :
étang Saint-Cyr , étang du Trélon, quartier des Joncs, lieu-dit du Marais... ENTRAINS,
“entourée d’étangs et de marécages, a dû profiter de sa situation naturelle, au milieu
des eaux, pour se protéger, efficacement, par un labyrinthe de petits chenaux, faciles à
défendre et difficiles d’accès” (Thévenot, 1985, 139). Le nom de la localité correspond
parfaitement à cette position défensive : ENTRAINS provient d’une forme Intarcmum,
connue sur un milliaire d’Autun du II e siècle (Bigeard, 1996, 136). On y retrouve sous
la forme anum le gaulois anam, “marais”, auquel a été adjoint un autre élément gaulois
intar-, “entre” (ultérieurement déformé et latinisé en inter-). La localité était donc
surnommée le “Lieu-entre-les-marais” (Lebel, 1962, 174 ; Taverdet, 1994, 33). Le site
a pu être utilement protégé par ces marais : soulignons, comme pour ANET, la situation
frontalière de l’établissement, ENTRAINS s’étant trouvée “à la limite septentrionale du
territoire éduen”, “à cheval sur la frontière séparant Eduens et Sénons” (Devauges, 1 988,
262 ; se reporter à la carte des toponymes frontière des Eduens, à la fin du chapitre 1 ).
BRIE-Comte-Robert, en Seine-et-Mame (in Bradeia , au HT siècle), pourrait devoir
son appellation au thème gaulois bracus, “boue”, “marais” (avec suffixe -eia, -deia étant
“une graphie précoce de -y a évoluant vers - dya ”) : ce serait la “Boueuse” (Nègre, 1990,
133). On y trouvait une “place forte au milieu des marais à l’époque franque” (Mulon,
1997, 52) ; aurait-elle été précédée par un établissement gaulois ? Des monnaies gallo-
romaines ont été découvertes dans la localité (Toussaint, 1953, 61).
Un autre thème désignant les terres détrempées, *luto-, “boue”, “limon”, était
employé par les Gaulois. Son origine paraît celtique : on compare avec le vieil-irlandais
loth, “boue”, “marais”, et le gaélique loth, “marais” (Delamarre, 2003, 211-212). Il a
des chances de se retrouver dans le nom de LODEVE ( Luteva , au I er siècle, la “[ville]
du Marais”), localité de l’Hérault qu’on trouve à la confluence de la Lergue et de la
Soulondre, zone sans doute anciennement marécageuse (Schneider et Garcia, 1998, 206-
208, avec plan, 214 ; Billy, 2011, 328). L’établissement de la ville paraît gallo-romain
(nombreux vestiges à partir de la première moitié du I er siècle apr. J.-C.). Cependant, l’on
note juste au lieu de confluence des deux rivières la présence d’une éminence calcaire
(i castrum de Montbrun, surnommé Le Castellas). On peut se demander si elle n’aurait
pas, antérieurement au château médiéval, porté un oppidum gaulois (une présence
gauloise étant par ailleurs attestée par des traces archéologiques à la périphérie de la
localité) (Schneider et Garcia, 1998, 206-217).
Le même thème *luto- a surtout donné son appellation à la capitale des Parisii ,
LUTÈCE (nom cinq fois cité par César, sous les formes Lutécia ou Lutetia , selon les
manuscrits transmis ; d’où à côté de l’appellation d 'Arènes de Lutèce le nom de Y Hôtel
Lutetia). Le texte de La Guerre des Gaules parle de LUTÈCE comme d’un “oppidum
[...] établi sur une île de la Seine” (VII/57). Cette “forteresse insulaire naturelle” (P.-M.
Duval, 1993, 13) s’abrita des incursions par son fleuve ; mais elle fut aussi défendue
par ses berges marécageuses et par les marais qu’on trouvait aux ‘alentours, dus à un
ancien bras du fleuve au nord, et à un affluent venant confluer avec la Seine, la Bièvre,
au sud (de Pachtere, 1912, 12-16 ; voir plan dans P.-M. Duval, 1961, 22, avec tracé des
zones de marais ; et dans Périn, 1984, 76). Ce “vaste marais atteignait au nord le pied
de Montmartre, au sud les tourbières s’étendaient presque au bas de la montagne Sainte-
Geneviève ; ces deux zones, redoublant encore la défense de l’île, étaient en grande
partie inondables à la mauvaise saison” (P.-M. Duval, 1961, 111). Un quartier de la
Capitale conserve le souvenir de cet environnement : celui justement appelé le Marais.
Les zones marécageuses gêneront beaucoup les troupes de Labiénus lors de la bataille
de LUTÈCE, au printemps 52 av. J.-C. Après la Conquête, la ville quittant sa position
défensive des bas-fonds ira s’installer sur les pentes de la colline méridionale (même
réf.). On ne songera plus alors à la défendre par les marais.
1.3. Les forêts
Comme les zones de marais, les sites boisés ont pu servir à la guerre de défense.
I. 3.1. Forêts et marais
Il n’était pas rare que les lieux de sylve soient contigus à des lieux de marais, ou même
se trouvent mêlés à des lieux humides (Jacques Harmand parle pour la Gaule du “couple
habituel des bois et des marais”) (1986, 151). Les “Morins et les Ménapes [installés sur
les terres boulonnaises et flamandes] possédaient] un pays où se succédaient] forêts et
marais”, selon le texte de La Guerre des Gaules ; ils “s’y transportèrent corps et biens”
en 56 av. J.-C. afin d’échapper à l’attaque des troupes romaines ( GG2 , III/28, 74). Le
légat Hirtius évoque de son côté la campagne contre les Bellovaques, menée en 51 av.
J. -C. : “Tous les Bellovaques en état de porter les armes s’étaient rassemblés sur un
même point” ; et “avec eux les Ambiens, les Aulerques, les Calètes, les Véliocasses, les
Atrébates avaient choisi pour y camper un lieu élevé dans un bois entouré d’un marais” :
la défense, ainsi, était double ( GG2 , VIII/7, 197). Lors du siège d 'Avarieum, en 52
av. J.-C., le chef de la coalition gauloise agit de même, utilisant comme protection à la
fois le marais et le bois : “Vercingétorix suit César à petites journées, et choisit pour son
camp une position défendue par des marécages et des bois, à seize mille d’Avaricum”
(GG2, VII/16, 151).
Des noms communs et des noms propres issus de la langue gauloise nous montrent
une liaison entre l’idée de forêt et l’idée de marais.
Le celtique *vobero-l*vabero- (d’un indo-européen *upo-bhero, “ce qui sourd par
en dessous”) désigna d’abord un “ruisseau souterrain”, un “lieu marécageux” (sens
perceptible dans le vieil-irlandais fobar , “source”, “ruisseau souterrain” ; le gallois
gofer, “ruisseau sortant d’une source” ; le breton gouer , “ruisseau”, etc.) (Henry, 1900,
138 ; Loth, 1917 ; Degavre, 1998, 457 ; Delamarre, 2003, 325). Le même étymon s’est
ensuite appliqué à un “bois humide”, ou une “forêt” (Dauzat, 1960, 110-115). “Ces
divers sens peuvent remonter au gaulois”, souligne Emest Nègre (1977, 30) ; une rivière
cachée coule parfois sous la sylve. De là, le nom de la WOËVRE (mentionné dès le
VI e siècle sous la forme in pago Vabrense), qu’on a évoquée à propos des marais : région
de plaine de la Lorraine (jadis chez les Médiomatriques, près des Trévires), parsemée
d’étangs mais aussi de bois (Nègre, 1977, 30-31 ; Deroy et Mulon, 1992, 517 ; Billy,
2011, 583). On connaissait dans l’Eure, sur l’ancien territoire des Lexovii , une forêt de
VIEVRE (foresta Guevra, à la fin du XI e siècle), aujourd’hui “réduite à quelques bois
dispersés” ; son nom s’est conservé dans Saint-Georges-du-VIÈVRE (de Wevra, en
1 164) et Saint-Grégoire-du-VIÈVRE (de Beaurepaire, 1981, 171 et 176, avec carte sur
les “traces toponymiques de l’ancienne forêt du Vièvre”, 175). Dans l’ouest de la France,
les dérivés de *vobero - ont le sens de “bois” ou de “terre inculte”, de “broussaille”,
d’où par exemple VOUVRAY (Indre-et-Loire) (par un dérivé *voberetum) (Nègre,
1977, 31 et 43 ; Delamarre, 2003, 325). Les désignations de lieux (particulièrement
dans les campagnes) sont riches de formes en VAIVRE, VAVRE, VÈVRE, VESVRES,
VOIVRE, où jouent tantôt l’une, tantôt l’autre de ces deux significations (von Wartburg,
XIV, 1961, 92-93 ; Nègre, 1990, 278-279). Parmi les toponymes attestés anciennement,
citons le nom de la localité de VESVRES, en Côte-d’Or (en 748, Vaverensis finis), que
Gérard Taverdet traduit comme “la forêt humide” (2001, 90). Marcel Aymé, au début
de son roman régionaliste La Vouivre , montre son héros Arsène arrivant à la vieille
VAIVRE, “pièce de terre [...] découpée dans la forêt à cinq cents mètres de la lisière,
[...] [qui] retenait l'eau pendant la plus grande partie de l’année” (rééd., 1992, 7).
Le gaulois verno-/verna, transmis au roman, est resté dans de nombreux toponymes
du type VER(S), AUVERS, VERN, VERNAY, VERNEUIL, VERNOUX... (Dauzat
et Rostaing, 1978, 693-694 ; Vial, 1983, 56-57 ; Walter, 1997, 45-46) ; de là des noms
d’hommes, comme ceux de l’écrivain Jules VERNE ou du peintre Horace VERNET
(Morlet, 1991, 959-960). Le mot servait anciennement à désigner des lieux humides, des
sites marécageux (le gallois gwem et le breton gwem peuvent nommer un “marais”),
et aussi des cours d’eau : BERNAZOUBRE, dans le Tarn ; VERNOBRE, dans
l’Aveyron ; VERNOUBRE, VERNAZOBRE et VERNAZOUBRE, dans l’Hérault ; ou
VERDOUBLE, dans les Pyrénées-Orientales, de même composition gauloise Verno-
dübrum (Baylon et Fabre, 1982, 107 ; Plonéis, 1989, 148 ; Nègre, 1990, 1 14 ; Delamarre,
2003, 315-316). Mais s’agissait-il d’“Eaux-du-Marais” ou d’“Eaux-bordées-par-les-
Aulnes” ? Verno-lvema nommait en effet en gaulois également l’“aulne”, qui pousse
dans des lieux humides, des marais, d’où le français VERNE, gardé dans les usages
régionaux comme appellation de cette essence (en de très nombreux départements de
la moitié sud de la France) (Dauzat, 1960, 117 ; von Wartburg, XIV, 1961, 299-302 ;
Walter, 1997, 47-48, avec carte, 47).
Ces différentes liaisons - qu’on observe dans la langue romane, mais qui remontent
à l’époque gauloise - sont révélatrices de l’imbrication qui pouvait parfois exister en
Gaule entre forêt et marais. Il est sûr que les Gaulois ont joué de cette combinaison
pour mieux défendre militairement leurs territoires. “Partout où une vallée couverte,
un lieu boisé, un marais inextricable offrait quelque espoir de protection ou de salut,
[l’ennemi] s’était tapi” (GG2, VI/34, 138). Tout le problème de César sera de “le faire
sortir de ses marécages et de ses forêts” (GG/, VII/32, t. 2, 232). Nous sommes habitués
à voir dans les toponymes d’origine gauloise (au travers des dictionnaires de noms
de lieux) des réalités d’abord physiques, géographiques, voire pittoresques. Mais ces
paysages conservés dans nos noms ont aussi revêtu, parfois, une autre importance : en
l’occurrence, stratégique.
1.3.2. Zones boisées et abris défensifs
Nous dénombrons dans le texte de La Guerre des Gaules pas moins de 30 chapitres
différents où César évoque les forêts de la Gaule (1/12, 39 ; 11/18, 19 ; III/28, 29 ; IV/38 ;
V/3, 32, 52 ; VI/5, 8, 29, 30, 31, 34, 36, 37 ; VII/1, 16, 18, 32, 35, 42, 62 ; VIII/7, 12, 18,
19, 20) (nous avons exclu les passages concernant les forêts de Germanie ou de Grande-
Bretagne ; et aussi ceux où César parle des haies des Nerviens, fabriquées à partir de
jeunes arbres courbés). Ces 30 chapitres concernent tous un contexte militaire : c’est dire
le rôle que les forêts ont pu jouer dans les affrontements guerriers. Les noms gardés du
gaulois vont nous montrer cette importance.
• Sur les frontières
Une zone forestière pouvait - parfois complémentairement au marais - protéger
la limite des Etats (Dion, 1947, 13 et suiv. ; Harmand, 1970, 53). A l’extrémité de la
Champagne et de la Lorraine (entre les cours d’eau de l’Aisne et de la Meuse), on trouve
la Forêt d’ARGONNE ( Argunnensis sylvae, en 967, issu du gaulois) (Billy, 2011, 78).
A l’époque gauloise, elle était aux confins du territoire des Rèmes avec les Leuques et
les Médiomatriques ; elle restera zone frontière : “séparation des diocèses de Reims,
Châlons, Toul et Verdun” ; et, après 843, la “ligne de partage entre Francie occidentale
et Royaume de Lothaire, pass[era] par ces futaies profondes” (Fénié, 2000, 39).
Une zone de bois marécageux (au sud-est de Dijon) devait, nous l’avons vu, marquer
la limite entre le territoire des Lingons et celui des Eduens : le Marais de la VOUGE
(Thévenard, 1996, 77, avec carte, 80). Le cours d’eau baignant cette zone (fluviolus
Vooge, au XII e siècle) a pris son appellation gauloise de VOUGE de la région boisée
qu’il traversait (aujourd’hui la forêt de Cîteaux) : le celtique Widubia ou *Viduvia a fini
par s’appliquer ici à l’eau de la “forêt” (celtique vidu-, “arbre”) (Lebel, 1956, 326-327 ;
Taverdet, 1994, 130 ; Delamarre, 2003, 319). Plus à l’ouest, nous trouvons la localité de
VOUGEOT (et le Clos-de-VOUGEOT), à la naissance de la VOUGE ; non loin, près
de Saint-Bemard-lès-Cîteaux, se situait la station routière antique de Vidubia (notée
dans la Table de Peutinger sur l’itinéraire Chalon-sur-Saône-Langres), “ultime escale à
l’intérieur du pays éduen, précédant l’entrée chez les Lingons” (Thévenot, 1969, 262 et
54 ; voir carte dans Gras, 1960, 63).
Enfin, un peu plus au sud-est, le territoire des Séquanes était séparé sur sa partie
occidentale des mêmes Eduens (et aussi des Ambarres) par les terres boisées de la
BRESSE, aujourd’hui à la limite des départements de l’Ain, du Jura et de la Saône-et-
Loire (carte IX dans Goudineau et Peyre, 1993). Le nom est attesté au VIII e siècle sous
la forme Briscia, et au X e siècle sous celle de saltus brexius , “forêt de BRESSE” ; il
pourrait remonter à un gaulois *briscare, “fendre” ou *bricsia , “forêt de hêtres” (Deroy
et Mulon, 1992, 72 ; Billy, 2011, 137).
• Dans les territoires
Comme pour les marécages, on a, dans les aperçus des siècles précédents, eu
tendance à exagérer la présence de la forêt en Gaule : le pays n’était pas couvert par
une sylve continue, seulement entrecoupée de clairières (Harmand, 1949 ; et 1986 ;
Deyber, 1994, 30). Il est sûr cependant que le paysage devait être un peu moins
ouvert qu’ aujourd'hui : “On peut penser avec beaucoup de vraisemblance que la forêt
gauloise était plus étendue à l’époque gallo-romaine qu’aujourd’hui”, souligne Monique
Clavel-Lévêque (1989, 167-168), tenant compte des défrichages du Moyen Age ; or,
la sylve occupe de nos jours encore près de 27 % de la surface totale du pays (il est
vrai très inégalement répartis) (Frémy, 1997, 1965). On peut donc croire que “la forêt
constitu[ait] un des traits déterminants du paysage et une réalité vivante et essentielle de
la vie de la Gaule, dont elle [était] la première des richesses naturelles” (Clavel-Lévêque,
1989, 171). La lecture des Commentaires de César mais aussi le témoignage de quelques
autres auteurs antiques évoquant les forêts de la “Gaule chevelue”, Gallia comata (la
chevelure étant une métaphore de la forêt), nous donnent à penser que “chaque peuple
possédait] pratiquement son bastion forestier” (même réf., 168), très utile en cas de
conflit armé, comme on va le constater. Un ensemble de termes celtiques en rapport
avec des appellations forestières s’est “enraciné” dans des noms de lieux de France,
assez largement répartis sur le territoire, ce qui nous suggère l’existence passée de
zones boisées en de multiples régions ; partout donc la forêt put être en Gaule un allié.
Certes, tous les toponymes concernés ne remontent pas forcément à l’époque gauloise
(l’étymologie celtique ne prouve pas que le toponyme ait été formé obligatoirement à
l’époque gauloise : il a pu être créé ultérieurement) ; mais il est vraisemblable de penser
qu’une partie de ces noms s’est ancrée très anciennement (comme certaines forêts
peuvent exister depuis très longtemps, sans qu’il faille évidemment généraliser).
Les lieux de bois
L’appellation gauloise du “bois”, vidu- (terme celtique à comparer avec le vieil-
irlandais fid, “forêt” ; le gallois gwydd, “arbres” ; le vieux-breton guid, “arbre”, “bois”,
etc.) est à l’origine de noms de localités comme VEUVES, dans le Loir-et-Cher ( Vidua ,
sur une monnaie mérovingienne) ; VOVES, dans l’Eure-et-Loir (Vovae, vers 1250) ;
VOVES, à Dammarie-les-Lys, en Seine-et-Mame (Vozua, en 1096) ; VOYENNE, dans
l’Aisne ( Voienna , en 1136, sur un modèle *vidu-enna) ; VOYENNES, dans la Somme
( Vienna , en 893) ; VEUIL, dans l’Indre ( Vioill, en 1267, ancienne *vidu-icilo, “Clairière -
du-Bois”) ; et VOU, en Indre-et-Loire ( Vodulium , au XI e siècle, sur un modèle supposé
*vidullum). A Mouroux, commune de Seine-et-Marne, on connaît aussi un Bois de
VEUVE {Vovam, en 1 190). S’ajoutent des noms de rivières traversant des zones boisées,
qui tirent leur appellation du même thème (nouvelle illustration du lien entre l’eau
et le bois) : on a évoqué la VOUGE, en Côte-d’Or ( Vooge , au XII e siècle) ; citons la
VEAUNE, dans la Drôme (Veana, en 1344, ancienne *vidu-ana ) ; la VONNE, dans la
Vienne ( Vedauna , en 696, sur un modèle *vid-auna ) ; la VESLE, dans la Marne ( Vidula ,
au X e siècle) ; la VEUVE, aussi dans la Marne {Vidua, en 865) ; et la VEUVE, dans la
Sarthe {Vidua, en 573), coulant près de la forêt de Bersay (Nègre, 1990, 135 et 181 ;
Delamarre, 2003, 319 ; Lebel, 1956, 325-326 ; Dauzat et Rostaing, 1978, 729 ; Dauzat,
Deslandes, Rostaing, 1978, 95).
Un gaulois *perta , “bois [de chênes]”, explique l’appellation de !a forêt de la
PERTHE {Perta, en 1 128), à Plancy-1’ Abbaye, Aube ; du Pays du PERCHE ( Pertensim ,
au VI e siècle), dans l’Ome et l’Eure-et-Loir ; et du Pays du PERTHOIS ( Pertensis , en
831), autour de PERTHES, Haute-Marne, lieux d’anciennes forêts (Billy, 2011, 264-
265, 427).
Les lieux du hêtre
L’appellation gauloise du hêtre, thème bago-, se retrouve dans le nom de l’ancienne
Forêt de la BEINE {bosco de Boyne , en 1223, sur un modèle *bag-ina), qu’on trouvait
en Picardie (sur une zone limitrophe entre Viromanduens, Suessions et Bellovaques) ; il
en reste aujourd’hui des lambeaux, et des localités en gardent la mémoire : Beaumont-
en-BEINE, La Neuville-en-BEINE (Aisne) et BEINE, à Villeselve (Oise).
Une autre forêt, située en Normandie, devait porter autrefois l’appellation de
BAYNES. Nous en conservons trace dans le nom du village de BAYNES, à Cérisy
(Manche), et du hameau de BAYNES, à Balleroy (Calvados) ( Behinis , en 1 164), sur le
domaine de la forêt aujourd’hui appelée Forêt de Cérisy (Nègre, 1987, 19 ; 1990, 135).
Il est intéressant de noter que cette forêt de Cérisy était encore composée à la fin du
XIX e siècle de 59 % de hêtres (Joanne, II, 1892, 780).
Le même *bagina paraît expliquer les noms des localités de BEINE-Nauroy, dans la
Marne ( Baina , v. 850), jadis chez les Rèmes ; de BEINE, dans l’Yonne {Baina, v. 990),
dans une zone très boisée, jadis chez les Sénons ; de BENNES, à Montbouy, dans le
Loiret {Baina, en 919), dans un secteur de forêt, près de Sainte-Geneviève-des-Bois,
jadis non loin de la zone limite entre Sénons et Camutes ; et de BEYNES, localité des
Yvelines {Baina, en 1 124), à proximité de la Forêt de BEYNES {Baina, en 1 124) (Vial,
1983, 52 ; Nègre, 1987, 19, différent de Nègre, 1991, 870, qui a été sans doute rédigé
antérieurement et non corrigé ; Vachey, 1988, 5 ; Taverdet, 1996, 20).
BAVAY, petite ville du département du Nord, et ancienne capitale des Nerviens
{Bagacum, au IV e siècle), associerait dans son nom le gaulois *bag- et un suffixe -acum
marquant la pluralité : ce serait étymologiquement la “Forêt-de-Hêtres” (Hubschmied,
1933, 254 ; Dauzat et Rostaing, 1978, 59 ; Billy, 2011, 107). L’établissement - selon la
légende - aurait été fondé par les Celtes dans une région couverte de forêts et de bois ; on
verra que ce nom donné au lieu a peut-être été lié aussi à des motifs religieux (Sergent,
1990, 249). En Suisse, formé sur le même *bagacum, nous trouvons une Forêt de
BEIACH, à Walperswil (non loin de Bienne, au nord-est de Neuchâtel), sur le territoire
des anciens Helvètes (Hubschmied, 1933, 255).
Les lieux du chêne
Pas moins de trois appellations gauloises du chêne se gardent dans nos noms de
lieux : *cassano -, derv -, tanno- (sans comprendre le thème *ercu-, évoqué plus loin).
La première, *cassano- (que les Gaulois ont pu reprendre de leurs prédécesseurs,
car elle ne trouve pas de correspondance dans les langues celtiques), a fait naître de
nombreuses appellations de lieux (Henriette Walter a établi une liste de 221 toponymes
en cassano-, qu’on retrouve sur 74 départements) (1997, 42-45, avec carte ; voir aussi
Vial, 1983, 53, avec carte). Beaucoup de ces noms paraissent avoir été créés après
l’époque gauloise : ils sont pourvus de suffixes latins ; une bonne partie est de formation
dialectale. Cependant, un groupe de toponymes peut remonter à l’époque d’avant la
Conquête ; on citera parmi eux : sur un modèle *cassan-ate, CHANAS, à Montceau,
Isère ( Cassanate , en 830), dans un site entouré de bois, jadis chez les Allobroges ; et sur
le même territoire antique CHANAZ, Savoie ( Chanassum , en 1259), près des hauteurs
forestières surplombant le lac du Bourget. A partir d’un modèle gaulois *Cassino-ialo,
la “Clairière-des-Chênes”, nous trouvons CASSEUIL, Gironde ( Cassinogilum , au
VIII e siècle), autrefois chez les Bituriges Vivisques, à proximité d’une zone de bois ;
CHASSENEUIL-sur-Bonnieure, Charente ( Chcissagnoles , au XI e siècle), dans l’ancien
Etat des Santons, voisinant la Forêt de CHASSENEUIL ; CHASSENEUIL, Indre
( Chassinolio , en 1226), jadis chez les Bituriges, sur les restes d’une zone forestière
étendue ; CHASSENEUIL-du-Poitou, Vienne ( Casonogilo , en 828), autrefois sur le
territoire des Pictaves, non loin de la forêt de Moulière... (Nègre, 1986, 568-576 ; 1990,
164, 179 et 186).
Une autre appellation gauloise du chêne, derv-, est à rapporter à la langue celtique
(vieil-irlandais dair et daur, vieux-breton daeru et breton deroldervenn, gallois
derw(en), comique dar, “chêne”) (Vendryes, 1996, D-12 ; Delamarre, 2003, 141). De là
vient le nom de la Forêt du DER, située dans le nord-ouest de la Haute-Marne {foresta
Dervus, en 663), jadis sur le territoire des Tricasses. On trouve sur son secteur la localité
de Montier-en-DER, et le hameau du DER, à Eclaron-Braucourt-Sainte-Livière. Les
mêmes Tricasses possédaient une autre forêt à l’est de Troyes, aujourd’hui appelée
Forêt d’Orient ; dans son périmètre se situe le hameau de DER, sur la commune de...
Villeneuve-au-Chêne (“bel exemple de conservation linguistique”, comme le notent
Bénédicte et Jean-Jacques Fénié) (2000, 136) ; et au nord de sa lisière est établi le village
de Pel-et-DER (Derf, en 1201). La présence d’autres zones boisées de chênes à l’époque
gauloise pourrait expliquer les noms des localités de DAROIS, en Côte-d’Or ( Darilla ,
en 801) ; DIROL, dans la Nièvre ( Durellum , en 1287), DREVANT, dans le Cher
( Derventum , en 1217) (mais ici, des raisons sacralisantes ont pu s’ajouter aux raisons
sécuritaires, comme nous le verrons dans l’étude des “Forces révérées”) (Taverdet,
1994, 182 ; 2001, 32 ; Nègre, 1986, 565-568 ; 1990, 135-136).
*Tcinno-, appellation gauloise du chêne vert (à comparer dans le domaine celtique
avec le vieux-comique glastannen, et le breton tannen , “chêne”) (Delamarre, 2003,
289), paraît avoir laissé son appellation à TANNERRE-en-Puisaye (Yonne) ( Tanotra ,
au IX e siècle ; Tannadorum, en 1233 : l’“Etablissement-des-Chênes”) ; la localité, jadis
chez les Sénons, est située dans une zone très forestière. Deux autres noms issus d’une
composition gauloise *tanno-ialo, la “Clairière-des-Chênes”, se repèrent sur l’ancien
territoire des Bituriges : au nord (non loin de la limite avec les Camutes), THÉNIOUX,
dans le Cher (, silvam de villa Tanologio, vers 843), au bord d’une importante zone
forestière (dont la forêt de Vierzon, juste à l’est) ; au sud-est (tout proche de la frontière
avec les Eduens), THENEUILLE, dans l’Ailier ( Tenoilum , en 1327), à quelques
kilomètres de la forêt de Civrais (Dauzat et Rostaing, 1978, 669 ; Nègre, 1990, 176
et 180 ; Gendron, 1998, 43). L’environnement forestier peut avoir connu de grands
changements en deux mille ans (et des zones boisées avoir totalement disparu) ; mais
une certaine permanence du milieu naturel s’observe aussi, et des lambeaux d’anciennes
sylves - voire des parties entières de forêts - peuvent être demeurés jusqu’à aujourd’hui.
Les lieux de Vif
L’if (gaulois eburo- ou ivo-) était au dire de César un “arbre très répandu en Gaule”
(GG2, VI/31, 137). Cependant, l’espèce a été grandement décimée: son bois, fort
apprécié pour sa densité et sa résistance au pourrissement, a été suremployé (dès l’époque
gauloise, où il servait à façonner des armes et des objets, puis au Moyen Age) (Brosse,
1990, 105 et 108 ; Bourdu, 1997, 65-74). Il n’y a plus aujourd’hui de forêts d’ifs ; ne
demeurent que des individus isolés. Aussi ne peut-on associer aux toponymes qui gardent
souvenir de l’arbre l’existence de zones sylvestres : seuls les noms témoignent de la
richesse passée. Citons, entre autres toponymes : IVORS, dans l’Oise ( Ivortio , en 1 185,
sur un modèle *eburetius ) ; AVREUIL, dans l’Aube ( Ybrolium , en 1108) et ÉBREUIL,
dans l’Ailier ( Ebroilensis , en 1 1 15), toutes deux *eburo-ialo : “Clairières-de-l’If” (Nègre,
1990, 136 et 179). L’appellation de l’if se retrouve aussi dans des composés gaulois
nommant des marchés : BRAM, dans l’Aude ( Eburomagi , au II e siècle), ENVERMEU,
en Seine-Maritime ( Evremou , en 875, ancien *Eburo-magos< “Marché-de-l’If’)... ; ou
des forteresses : AVROLLES, dans l’Yonne ( Eburobriga , au IV e siècle, “Citadelle-des-
Ifs”) ; AVERDON, dans le Loir-et-Cher (. Everdunensis , au XI e siècle, ancien *Eburo-
dunon, “Forteresse-des-Ifs”), et aussi EMBRUN, dans les Hautes-Alpes ( Ebrodounon ,
au II e siècle), ÉVRUNES, en Vendée ( Ebredunci , au XIV e siècle)... (Nègre, 1990, 167,
170, 173, 192 ; Le Quellec, 1998, 101). On se demandera cependant si ces derniers noms
n’ont pas été donnés pour des raisons moins topographiques que symboliques.
Quoiqu’ils soient de formation plus tardive, il est intéressant de noter que certains
toponymes créés à partir du thème gaulois eburo-/ivo- se retrouvent dans des noms de
localités de Normandie et de Bretagne où l’on compte aujourd’hui - à l’état diffus - de
très vieux exemplaires de cette espèce : “Les départements normands et bretons sont
incontestablement le fief de très vieux ifs” (Bourdu, 1997, 29) (même remarque de
Brosse, 1990, 105 : “Les plus vieux ifs de France se trouvent en Bretagne [...] et plus
encore en Normandie”). Donnons en exemples les appellations de Notre-Dame-de-
LIVOYE, dans la Manche (de Liveto , en 1206-1233, formé du gaulois ivo-l “if’, avec
ajout d’un suffixe collectif latin -etum : “ensemble d’ifs”) ; LES IFFS à Bouville, en
Seine-Maritime ( les Is, au XII e siècle ; de Tauxis, en 1210) ; LES IFFS, en Ille-et-Vilaine
(Nègre, 1990, 272). Sachant que ces arbres peuvent atteindre 1200 ou 1500 ans d’âge
(Robert Bourdu cite les ifs de Saint-Urcin et de Tessy-sur-Vire, dans la Manche, qui
dépassent les mille ans) (1997, 29), et qu’une génération d’arbres succède le plus souvent
à une autre, on doit penser que les toponymes cités renvoient à des arbres et à des noms
de l’époque gauloise (Brosse, même réf., 106).
On trouve spécialement dans le département de l’Eure de très vieux spécimens
d’ifs, jugés “remarquables” par les botanistes : ifs de Boisney, de Foulbec, de Saint-
Symphorien. A La Haye-de-Routot, près de Bourg-Achard, deux ifs ont “l’un 14, l’autre
15 m de circonférence, ce qui leur donne un âge probable de 1300 et 1500 ans” ; ces
arbres “eurent probablement des prédécesseurs aux mêmes emplacements” (Brosse,
1990, 106 ; voir aussi Bourdu, 1997, 28-28). Nous avons vu au chapitre précédent que
les ÉBUROVIQUES de l’Eure, dont ÉVREUX et l’ÉVRECIN gardent souvenir, avaient
tiré leur ethnonyme de l’appellation de l’if, parce qu’ils employaient sans doute à la
guerre des armes faites dans ce bois : arcs, flèches et lances (peut-être enduits eux-mêmes
d'un poison fourni par ses baies). La matière première nécessaire à leur fabrication était
amplement donnée aux “Combattants-de-If” par les forêts près desquelles ils vivaient,
et qui les défendaient de l’ennemi.
Les lieux de l'orme
L’appellation gauloise de l’orme, lemo-, se retrouve dans une série de noms de lieux,
comme LEMENS, à Chambéry, en Savoie (. Leminco , sur la Table de Peutinger , au
IV e siècle) ; LIMEUIL, en Dordogne (. Lemoialo , au IX e siècle) ; LIMOGES-Fourches,
en Seine-et-Marne ( Limodio , au XI e siècle).
Plusieurs restent associés à des zones boisées : LEYMENT, dans l’Ain ( Lemencium ,
v. 1115), jadis chez les Ambarres, non loin des Allobroges, se trouve tout à côté du
Bois de la Serveîte ; LIMEIL-Brévannes, dans le Val-de-Marne ( Limogilo , en 990, la
“Clairière-des-Ormes”), sur l’ancien territoire des Parises, voisine une grande zone de
bois C Forêt de la Grange , Domaine du Gros Bois , Forêt de Notre-Dame .. .) ; LIMEUX,
dans le Cher ( Lemausus , en 697), autrefois au cœur du territoire des Bituriges, se loge
au nord d’une grande zone forestière, et près du Bois de Font-Moreau ; LIMOURS, dans
l’Essonne ( Lemauso , en 703), proche de l’ancienne limite entre Parises et Camutes, est
situé aussi dans un secteur boisé ( Bois de Chantereine à proximité) (Nègre, 1990, 136,
179, 186).
Les lieux de l'aulne
Nous avons évoqué plus haut le nom gaulois de l’aulne, verno-lverna, car il a servi
aussi à désigner des lieux humides, des zones marécageuses. Henriette Walter a établi
une “liste de 230 toponymes évoquant l’aulne” issus du thème gaulois, qu’on trouve
répartis sur 70 départements, ce qui dénoterait une grande présence de l’arbre en Gaule
(1997, 45-46). Cependant, une grande partie de ces noms a dû être formée tardivement
à partir du terme gaulois vern- passé dans la langue romane. Pour la série de toponymes
remontant sans doute à l’époque de la Gaule, il n’est pas toujours facile d’y différencier
les acceptions “marécage” et “aulne” (Lassus et Taverdet, 1995, 154) ; les deux sens
peuvent avoir souvent coexisté, l’aulne aimant les terrains humides.
Citons VERNOU, en Indre-et-Loire ( Vernao , au VI e siècle, issu d’un modèle
*vern-avus), jadis chez les Tuions ; VERNOU, en Seine-et-Marne ( Verno , en 1203),
anciennement chez les Sénons ; VERNEUSSES, dans l’Eure ( Vernuciis , en 1050, d’un
originel *vern-uccia), autrefois chez les Esuviens, près de la limite des Eburoviques et
des Lexoviens ; VERNUSSE, dans l’Ailier ( Vernucos , au XIII e siècle), autrefois chez
les Bituriges, près des Arvemes (Nègre, 1990, 136). Un composé gaulois peut être
rapporté assez sûrement à la présence d’arbres : *vema-ialo , la “clairière-des-aulnes”.
Il explique : VERNAJOUL, en Ariège, jadis chez les Tectosages ; VERNEJOUL, à
Cornac, dans le Lot ( Vernogelo , en 895), à l’époque gauloise chez les Cadurques ;
et quatre autres localités situées sur l’ancien territoire des Arvernes : VERNEUGE,
à Aydat, dans le Puy-de-Dôme ( Vernogol , en 1326) ; VERNEUGHEUL ( Vemoilo ,
au X e siècle), dans le même département ; VERNEUGES, à Saint- Just-près-Brioude,
en Haute-Loire ( Vernogoe , en 1270) ; et VERNUEJOULS, à Freix-Anglards, dans le
Cantal ( Vernuegol , en 1464) (Nègre, 1990, 188). On note que la plupart de ces localités
se repèrent à la fois le long d’un cours d’eau et dans une zone boisée.
Dans le tome II sera évoquée la trace gauloise d’autres arbres : bouleau, érable,
mélèze, sapin, saule, qui demeurent aussi inscrits dans nos noms. Nous verrons alors
que bien des appellations gauloises d’essences ont laissé leur marque dans notre
lexique. Nous ne pouvons donc douter de la présence en Gaule de nombreuses espèces
I
ni de l’existence de nombreuses zones boisées. Elles ont certainement incité à un
“exploitation de la forêt à des fins militaires” (Clavel-Lévêque, 1989, 169).
On pouvait y abriter - complémentairement aux zones de marais - les population
civiles : “Indutiomare [...] se mit [...] à préparer la guerre, cachant ceux que leur âg
mettait hors d’état de porter les armes dans la forêt” (GG2, V/3, 94). On pouvait y place
en sûreté aussi les biens : les ennemis, “vite avertis par leurs éclaireurs de l’arrivée d
César, cachèrent leurs chars et leurs bagages dans l’épaisseur des forêts” (GG2, VII/18
152). Enfin, les soldats pouvaient s’y réfugier en cas de revers militaire : les Helvètes
attaqués par César au moment où ils traversaient la Saône, “cherchèrent leur salut dan
la fuite et se cachèrent dans les forêts voisines” (GG2, 1/12, 21). Les Trévires utiliseron
l’abri forestier de la même façon : “Mis en déroute au premier contact, ils gagnèrent le
forêts voisines” (GG2, VI/8, 126). Et aussi les troupes de Camulogène, qui se réfugieron
après la bataille de Lutèce, en 52 av. J.-C,, sur les hauteurs boisées des alentours, pou
échapper à la cavalerie des Romains (GG, VII/62).
1.3.3. Résistance forestière
La sylve n’a pas été seulement un lieu de refuge occasionnel pour de petits groupe:
de combattants, se mettant à couvert dans les bois les plus proches en cas de difficulté:
en rase campagne. Elle a pu représenter un véritable instrument tactique, les Gauloi:
étant “passés maîtres incontestés dans l’art d’utiliser la forêt” (Clavel-Lévêque, 1989
159). Des soldats, massés dans les bois, pouvaient fondre brusquement sur l’attaquant (i
l’époque de la Conquête : les colonnes romaines), “pour se réfugier le plus vite possible
sous le couvert, dont ils avaient jailli, dès que l’ennemi s’ [était] ressaisi” (Audouze e
Buchsenschutz, 1989, 212). César évoque ainsi, en 57 av. J.-C., les cavaliers nerviens
qui “se repliaient à l’intérieur des bois, auprès des leurs, puis, ressortant, chargeaieni
contre les nôtres” (GG2, 11/19, 53) ; il parle aussi des “Barbares [Morins et Ménapes
[qui] sortirent de tous les coins de la forêt et fondirent sur les nôtres” (GG2, III/28, 74) :
véritable guérilla forestière. Le milieu couvert servira de base arrière à la résistance
armée. Dans les forêts camutes, les commandants de la lutte se retrouveront pour menei
des conciliabules en secret : “Les chefs de la Gaule s’étalent] fixé[s] des réunions entre
eux en des lieux écartés, au milieu des bois” (GG2, VII/1, 144).
Outre les zones boisées qui parsemaient un paysage ouvert et fournissaiem
une couverture de proximité, il y avait (au moins chez certains peuples) de vastes
étendues forestières, davantage propices à cette résistance guerrière. Nos toponymes
en témoignent : les ARDENNES, l’ARGONNE, le MORVAN, la SAVOIE, régions
éminemment forestières, tirent leur appellation de la langue gauloise (cette dernière
région contenant, on le verra, le nom gaulois du sapin) (Delamarre, 2003, 51-52, 165-
166, 267-268 ; Deroy et Mulon, 1992, 27, 28, 325, 436-437)’. ARDENNES comme
ARGONNE, MORVAN comme SAVOIE ont été pendant les deux dernières guerres des
hauts lieux d’affrontements et de résistance armée. Il semble qu’à l’époque de la Gaule
ces zones aient parfois déjà tenu un rôle guerrier de premier plan.
Le cas de l’ARDENNE est à cet égard exemplaire. Le peuple des Trévires a été
durant la guerre césarienne de Conquête, un de ceux qui ont manifesté la plus forte et ls
plus longue des oppositions aux légions : “résistants de la première heure, ils furent aussi
les derniers à déposer les armes” (Deyber, 1994, 35). Or, nous remarquons que c’esl
sur leur territoire que se tenait (selon le témoignage de César) la forêt de l’ARDENNE
dont le nom nous a été gardé : les pays aux plus grandes étendues forestières auronl
donc offert la plus longue résistance. Le récit de César montre le rôle majeur qu’s
tenu ce bastion sylvestre. Il constituera pour les troupes romaines “le maquis le plus
dur à réduire’’ (Deyber, 1987a, 151). Les soldats en armes et les habitants du pays s’y
cacheront ; les résistants y tendront des embuscades ; Ambiorix y massacrera en 54 av.
J.-C. la légion de Sabinus et Cotta (GG, V/26-37).
Les ennemis - mais particulièrement les Romains - craignaient ces grandes zones
forestières facilitant la défense des populations indigènes. César, impressionné, évoque,
à l’est de la Gaule, la vaste forêt HERCYNIENNE ( Hercynia silva ) : elle est si grande
qu’il faut 60 jours pour la traverser dans sa longueur et 6 dans sa largeur (GG, VI/25).
Apollonios de Rhodes, dès la fin du III e siècle av. J.-C., “considérait [cette forêt] comme
au centre des régions habitées par les Celtes” (Kruta, 2000, 663). Effectivement, son
nom provient du celtique *Ercunia signifiant “Forêt-des-Chênes” (d’un thème *ercu-
ayant désigné en celtique l’arbre-roi des forêts). C’est le même *Ercun[i]a qui est à
l’origine de l’appellation de la Forêt ûTARGONNE, d’une étendue actuelle de 45 000
hectares ( Argunnensis sylvae , en 967, *ercuna étant passé à *arcuna) (Oizon, 1979,
38 ; Delamarre, 2003, 165-166). Le général romain est frappé aussi - en stratège - par
l’importance de la forêt d’ARDENNE, qui “s’étend sur une immense étendue, au milieu
du territoire des Trévires, depuis le Rhin jusqu'aux frontières des Rèmes” (GG2, V/3, 94).
Les légionnaires s’inquiètent face à ce type de grandes zones sylvestres. Ils craignent les
embuscades, et à juste titre : “Les ennemis [éburons] dressèrent une double embuscade,
en un lieu favorable et couvert, [...] et ils y attendirent l’arrivée des Romains ; quand la
plus grosse partie de la colonne se fut engagée dans une grande vallée très profonde, ils se
montrèrent soudain des deux côtés [...], tombèrent sur notre arrière-garde, empêchèrent
notre avant-garde de monter et nous acculèrent au combat dans une position très
défavorable” (GG2, V/32, 108) (même scène d’embuscade en VIII/12). “Ces retraites,
commente César (pour le pays des Eburons, aux forêts contiguës à celles des Trévires),
étaient connues des habitants du voisinage, et une grande diligence était nécessaire”, les
forêts ayant des “sentiers incertains et invisibles” ; “la nature même des lieux protégeait
les barbares, et l’audace ne leur manquait pas pour dresser de secrètes embûches ou
envelopper nos soldats dispersés” (GG2, VI/34, 138). Le souvenir cuisant restait dans les
mémoires de l’embuscade tendue par les Boïens (peuple de Gaule cisalpine) aux troupes
romaines commandées par le général Postumius en 216 av. J.-C. (selon le récit de Tite-
Live, l’armée, bloquée en tête et en queue dans la traversée d’une vaste forêt, désarticulée
par la chute d’abattis, avait été massacrée par les Gaulois) ( Histoire romaine, XXIII, 24,
dans P. Le Roux, 1959, 4-6 ; Guyonvarc’h, 1997, 215-216 ; Deyber, 1994, 29).
Alain Deyber souligne que “les légionnaires étaient mal préparés à cette lutte
forestière : issus d’une civilisation urbaine, ils étaient impuissants face aux Gaulois qui
habitaient ou fréquentaient quotidiennement les bois et les marais” (1987a, 163). Au
contraire, les populations autochtones profitaient de leur connaissance du terrain : “Si
le Romain éprouvait de l’embarras, voire de la crainte envers la forêt, le Gaulois, lui,
s’y sentait parfaitement à l’aise” (Deyber, 1994, 30) : une certaine connivence et même
une certaine communion existait entre l’habitant de la Gaule et son milieu naturel, la
forêt ; elle représentait pour le soldat gaulois une alliée, ce que certains noms ethniques
ont souligné. Nous avons vu que la ville d’ÉVREUX, la ville de LIMOGES et la région
du LIMOUSIN, la région d’AUVERGNE, gardaient vraisemblablement dans leur
appellation le souvenir de peuples gaulois qui s’étaient dénommés sur le nom d’une
essence forestière : if, orme, aulne, utilisés pour fabriquer des armes. Ajoutons le nom
de la localité de VIEUX (dans le Calvados, près de Caen), issu de l’ethnonyme des
VIDUCASSES, Ceux-“du-Bois” (on reconnaît dans la première partie de Tethnonyme
l’élément vidu- étudié plus haut). Dans de nombreux textes mythologiques des Celtes, les
arbres se montrent associés à l’idée de bataille (en dernier lieu, voir Guyonvarc’h, 1997,
209-217). La forêt devait aider ses combattants. De fait, dans la défense de leur territoire,
“les Gaulois surent profiter au mieux d’un milieu qu’ils maîtrisaient” (Deyber, 1994, 31).
D’où “le rôle omniprésent des bois dans les combats de la guerre des Gaules” (Audouze
et Buchsenschutz, 1989, 212).
1.4. Les hauteurs
1.4.1. L'abri des massifs montagneux
Les zones de hauteurs, assez nombreuses en Gaule, ont dû favoriser - bien sûr très
inégalement selon les régions - la guerre de défense : elles représentaient des barrières
naturelles contre les invasions, offraient des sites de refuge où l’on pouvait rester caché
à l’ennemi et permettaient le contrôle étroit des voies de passage.
Comme on a relevé le lien (à la fois topographique et linguistique) qui se manifestait
entre la forêt et les marais, on doit souligner le rapport étroit qui a existé entre la hauteur
et la forêt, le massif montagneux étant souvent aussi un massif forestier. Il est certain
que lorsque les hauteurs étaient couvertes par la sylve, elles devenaient un abri plus sûr
en cas d’attaque.
• Argonne et Ardenne
Nous avons évoqué plus haut la Forêt d’ARGONNE au nom d’origine gauloise.
Bien que ce soit “un massif allongé, d'altitude modeste (dépassant à peine 200 m)”, les
géographes la considèrent comme “constituant [déjà] un obstacle à la circulation par son
caractère compact et l’extension de sa couverture forestière” (Oizon, 1979, 38).
César - qui en fait une région plus étendue que la nôtre - présente l’ ARDENNE
comme une “forêt”, “la plus grande de toute la Gaule”, aux pièges redoutés (GG, VI/29
et aussi V/3). Mais elle constituait bien sûr aussi une hauteur: “massif ancien [...]
relativement élevé”, entre la Belgique, le Luxembourg et la France, avec des hauts de 400
à 500 m (Oizon, 1979, 35 ; Fénié, 2000, 38). Il est certain que la succession des collines
et des vallons n’a pas facilité les avancées des troupes de César (comme on le voit dans
l’embuscade contre les légions réalisée dans la zone voisine des Eburons) (GG, V/32).
L’étymologie révèle le “vrai sens” des mots : le radical celtique d’où provient le nom de
l’ ARDENNE (et de notre département des ARDENNES) désignait originellement ce qui
est “haut”, “élevé” (gaulois ardu-, “pentu”, à comparer au vieil-irlandais ard, “haut” ;
au gallois ardd, “colline” ; au vieux-breton ard/art, “élevé”) (Vendryes, 1959a, A-87 ;
Fleuriot, 1964, 72 ; Delamarre, 2003, 51-52 ; Billy, 2011, 75). Appliqué en bien d’autres
régions de France que F ARDENNE (en particulier dans les Alpes et le Massif central),
le même nom a parfois conservé ce sens premier : ainsi plusieurs* montagnes de Haute-
Loire sont nommées ARDENNE(S) (par exemple à Coubon, à Pradelles), et aussi une
série de hameaux situés sur des hauteurs, comme ARDU Y, près d’Yssingeaux (Haute-
Loire), ou ARDENNE, à Fénols (Tarn). Mais le plus souvent, le toponyme a fini par
s’appliquer à des forêts (Vincent, 1937, 98 ; Rostaing, 1950, 322-323 ; Nègre, 1972, 18 ;
von Wartburg, XXV, 1985, 155 et 158 ; Arsac, 1991, 103-104 ; Delamarre, 2003, 51-52).
• Vosges
De même que l’ARDENNE, les VOSGES désignaient dans l’Antiquité une réalité
plus large qu’aujourd’hui (Jullian, I, 1909, 17 ; Deroy et Mulon, 1992, 512) : englobant
le Palatinat et jusqu’aux hauteurs du Plateau de LANGRES, au cœur des terres des
LINGONS (futur pays gallo-franc de LANGOGNE) ; pour preuve. César parle du
monte Vosego, qui est in finibus Lingonum : “montagne des VOSGES qui sont sur le
territoire des LINGONS” (GG2, IV/10, 78). Le massif des VOSGES formait une barrière
combinant forêts et hauteurs. Il était une défense pour les Leuques, qui “avaient pour
frontière la crête des VOSGES depuis le ballon d’Alsace jusqu’au Donon” (au voisinage
oriental des Rauraques) : ce qu’on appelle les VOSGES méridionales (Jullian, II, 1909,
476) ; et il jouait le même rôle pour les Médiomatriques : couverts des Catalaunes
à l’ouest de leur territoire par l’ARGONNE, et abrités des Triboques à l’est par les
sommets des VOSGES septentrionales et centrales (en particulier le col de Saveme)
(Burnand, 1990, 9 et 10, avec carte). D’origine gauloise, le nom des VOSGES ( monte
Vosego , dans le texte de César, cité plus haut) a pu souligner l’aspect protecteur de la
hauteur : c’était peut-être au sens étymologique la “Double-Force”, la “Grande-Force”
(celtique vo-, “deux”) (Delamarre, 2003, 326), appellation qui était reliée à un théonyme,
attesté dans le Palatinat et en plusieurs lieux des VOSGES (se reporter dans le tome III
La Gaule des dieux au chapitre I “Les Forces révérées”, “Hauteurs sacrées”).
• Jura
Dans La Guerre des Gaules - texte indispensable par la richesse des renseignements
qu’il donne -, César parle dès le début du livre I de “la très haute chaîne du JURA [monte
Iura altissimo ] qui s’élève entre les Séquanfes] et les Helvètes” (GG2, 1/2, 14) ; un peu
plus loin, on trouve une remarque similaire : le “mont JURA [...] sépare les territoires
des Séquan[es] de ceux des Helvètes” (GG2, 1/8, 19). Le massif protecteur s’étirait
sur toute la longueur du territoire séquane, ne permettant un passage aisé qu’au nord
et un autre tout au sud. Le nom propre cité par César provient de la langue gauloise,
et il n’est pas impossible qu’il soit issu du celtique : certains linguistes ont comparé le
thème jur- au moyen-gallois ior , désignant un “chef’ (Degavre, 1998, 262) ; en ce cas,
le JURA aurait été pour les Gaulois la hauteur qui “commande” le paysage, la montagne
“souveraine”. L’appellation moderne de JURA provient directement de la forme latine
employée par César : la forme antique a été réintroduite de façon savante dans la langue
par les géographes, au XVI e siècle (ce qui explique qu’il n’y ait aucun écart entre le mot
latin et le mot français). Elle y a remplacé, pour désigner la grande chaîne de montagnes,
le terme de JOUX (aboutissement phonétique du gaulois juris), qui n’était plus senti
comme une réalité géographique unique : passé dans le langage dialectal, et appliqué
à toutes sortes de hauteurs pour nommer régionalement une forêt en terrain montueux,
une croupe boisée (par exemple dans la région de Pontarlier ; et en Suisse, autour du
lac Léman, où on rencontre la forme JOUR). Le terme de JOUX, encore présent dans
les dialectes, reste surtout dans des noms de lieux, comme LA JOUX et Ménétrux-en-
JOUX, communes du Jura ; MIJOUX, commune du Doubs ; JOUX-la-Ville, commune
de l’Yonne ; la Forêt de JOUX, près de Lons-le-Saunier ; et, en dérivation, le Mont
JOR AT (Ain et Suisse), le JURET (montagne à Ménétrux-en-JOUX), les Grandes et les
Petites JORASSES (en Haute-Savoie), et d’autres sites de hauteurs, qui ont pu tenir jadis
un certain rôle défensif (von Wartburg, V, 1950, 82-83 ; Pégorier, 1963, 234 ; Deroy et
Mulon, 1992, 242 ; Lassus et Taverdet, 1995, 34-35 et 151 ; Colin, 1995, 216 ; Taverdet,
1996, 50 ; Degavre, 1998, 262 ; Billy, 2011, 304-305).
• Morvan
L’association hauteur/forêt se retrouve, à l’extrémité nord-est du Massif central, pour
la région du MORVAN ( Morvennum , nom connu dès le III e siècle) (Moreau, 1983, 171 ;
de Planhol, 1988, 231). Elle est à la fois un ensemble de hautes terres (massif cristallin
de 500 à 600 m, avec un mont culminant à 900 m) et en même temps un vaste espace
forestier. Cette double physionomie a fait de ce pays un “bastion montagneux” apte à
la défense contre l’ennemi. Pendant la dernière guerre, ce fut un haut lieu de résistance.
A l’époque gauloise, le MORVAN se trouvait au cœur du territoire des Eduens, citadelle
naturelle où s’abritait la forteresse de BIBRACTE, telle une “tour sur un donjon” (après
la Conquête, la hauteur finira par être abandonnée pour un site en plaine). Camille Jullian
(auteur de la comparaison précédente) parle de “l’énorme redoute que form[ait] [pour les
Eduens] le massif du Morvan, compacte, sombre et mystérieuse, hérissée de taillis, pleine
d’invisibles recoins” (II, 1909, 535-536). Les étymologistes restent perplexes sur le nom
de MORVAN. Seul, P.-H. Billy propose un modèle gaulois *morv-enno-, “Hauteur-
Sombre” (2011, 389). Nous envisagerons pour notre part une formation (également
gauloise) *maro-vidu-ennum, qui aurait désigné en langue celtique la “Hauteur-de-la-
Grande-Forêt”.
Ce nom pourrait être comparé à celui de MERVENT, bourgade de Vendée
( Marevennus , au XL siècle), au cœur de la grande Forêt de MERVENT -Vouvant, secteur
domanial de 2400 hectares boisés, s’étendant sur un plateau granitique ; ses futaies
sombres et profondes abritaient, dit-on, jadis des loups (Gauthier, 1996, 42 et 174 ; Le
Quellec, 1998, 176-177 ; Michelin, 1976, 88-89, avec plan). On connaît aussi, en terre
celtique insulaire, une montagne d’Ecosse (située dans le comté de Caithness) qui porte
le nom de MORVEN (Deroy et Mulon, 1992, 325).
• Cévennes
A la bordure sud-est du Massif central, la chaîne de montagnes des CÉVENNES
étire sa haute et large muraille. Son nom antique de Cebentia, attesté dans La Guerre des
Gaules, se rencontre aussi chez Pline sous la forme Cebennae, “pluriel s’expliquant]
naturellement par la nature complexe de la chaîne” (Deroy et Mulon, 1992, 99). Le nom
des CÉVENNES est à rapporter à un étymon gaulois : radical *cem-, “dos”, d’origine
celtique (à comparer avec le vieux-gallois cemn, le gallois cefn, “dos”, et le breton kein!
kefn, “dos”, ancien *kebno) (Henry, 1900, 57-58 ; Nègre, 1990, 131 ; Degavre, 1998,
145 ; Fabre, 2000, 51). S’y est ajouté un suffixe gaulois -enna : celui qu’on a rencontré
dans l’appellation de Y Arduenna. Il faut noter que les variantes antiques du nom
( Cebenna , Remmena, Cevenna ...) montrent une alternance m/blv “propre aux langues
celtiques” (Deroy et Mulon, 1992, 99 ; Billy, 1993, 48 et 51). Le thème gaulois *cam- est
affilié à l’indo-européen *(s)kamb-/*(s)kemb-, “courber”, “plier” (Pokomy, 1959, 918) :
on a affaire à une métaphore oronymique, qu’on rencontre aussi en gallois, où cefn,
“dos”, peut être employé au sens de “lignes de crêtes” (Degavre, 1998, 145).
Le dos “courbé” de cette chaîne de montagnes avait pour les peuples gaulois une
fonction bien défensive : César parle des “montagnes des CÉVENNES, qui forment une
barrière entre les Arvemes et les Helviens” ; l’hiver, ses hauteurs étaient “couvertes d’une
neige épaisse” interdisant le passage. Il précise que les Helviens “se croyaient défendus
par les CÉVENNES comme par un mur” (se Cevenna ut muro munitos existimabant)
(GG2, VII/8, 147). Les troupes romaines, au prix de grands efforts (“à force de peine”),
parviendront cependant, en 52 av. J.-C., à franchir cette barrière pour atteindre le pays
des Arvemes, ce qui aura pour effet de stupéfier les Gaulois (même réf.).
1.4.2. La résistance des peuples alpins
Situé sur le territoire des Allobroges, le haut relief de la SAVOIE constituait
une forteresse naturelle pouvant mettre à l’abri des incursions ou au moins gêner les
adversaires. Les épaisses forêts la recouvrant augmentaient ce rôle protecteur. Le nom
de SAVOIE provient du reste d’un antique Sapaudia (attesté au IV e siècle chez Ammien
Marcellin), qui devait désigner étymologiquement dans la langue gauloise le haut pays
de la “Forêt-de-Sapins”, celtique *sapa-vidia (Weisgerber, 1931, 208; Delamarre,
2003, p. 267-268 ; Billy, 2011, 507). Les populations locales s’étaient fait un allié de
cet environnement, ne craignant pas les hauteurs boisées, le relief et ses dangers. “Les
montagnes, qui couvraient presque tout le pays, les avaient élevés dans le courage,
l’audace et l’amour de l’indépendance : ils étaient habitués à mépriser les avalanches et
à repousser les maîtres étrangers”, souligne Camille Jullian (II, 1909, 516) ; aussi, “les
Romains virent [en eux] un peuple de batailleurs” (même réf., 515).
La même remarque peut s’appliquer à bien des petits peuples des Alpes, très
bagarreurs, qui sauront se protéger et se défendre sur leur site naturel. Ce milieu leur
était si familier ! Aujourd’hui, plusieurs pays ou localités ont gardé, attaché à leur nom, le
nom d’une des tribus gauloises qui y vivait. Il semble que la fierté de leur indépendance
se soit gardée dans la fierté d’un nom particulier. Passons-les en revue, du nord au sud.
Le nom des GRAIOCÈLES ( Graioceli ), peuplade installée dans la région du Mont-
Cenis, doit sans doute être associé à l’appellation du Grains Mons (= le Petit-Saint-
Bernard) et des Alpes GRAIES (ou GREES), qui désignaient dans l’Antiquité le secteur
montagneux allant du col du Petit-Saint-Bernard au Mont-Cenis (Prieur, 1968, 67 ;
Barruol, 1975, 318). La tribu liée au nom de la montagne se défendit par elle : César
montre que les GRAIOCÈLES, avec d’autres peuplades, “avaient occupé les positions
dominantes, tent[ant] de barrer la route à son armée” ; il fallut les “repouss[er] en plusieurs
rencontres” (GG2, 1/10, 20). L’ethnique des GRAIOCÈLES les aurait désignés comme
les “Montagnards” ou les “Chefs des Hauteurs” (le thème ocel- nommait en celtique
le “promontoire”, le “sommet”, et au figuré le “chef’) (Rousset, 1988, 91 ; Delamarre,
2003, 237). Selon Paul-Louis Rousset, “à une période encore assez récente, dans le Val
di Viu [de l’autre côté de la frontière, en Italie, sur la partie orientale de l’ancien territoire
des Graioceli ], le terme en usage pour désigner une personne grande et robuste était
Garuser (1988, 91-92). Faut-il y reconnaître l’ancien nom des GRAIOCÈLES ?
De hauts sommets protégeaient le pays des Iconii/Ucenni . Leur souvenir s’est gardé
dans l’appellation de l’OISANS, au sud-est de l’Isère (Dauzat, 1960, 151 ; Barruol, 1975,
319-320 ; Billy, 2011, 409). Le nom de la peuplade se lit sur le Trophée d’Auguste dans
la liste des peuples alpins enfin vaincus et soumis à Rome (Prieur, 1968, 73), preuve
qu’elle résista longtemps aux troupes romaines.
Nous avons évoqué dans le premier chapitre les VERTAMOCORES, “Ceux-qui-ont-
la-meilleure-armée”, la “Troupe-des-Combattants-Supérieurs” ( Ver-tamo-corii ). Leur
nom demeure dans la région du VERCORS, Vercoriis, en 1293 (Billy, 2011, 562). On
sait que ce bastion naturel entouré de hautes falaises et de forêts servit de maquis pendant
la dernière guerre. A nouveau, les lieux de résistance de naguère se révèlent avoir été jadis
des sites de défense : on peut penser qu’à l’époque gauloise le plateau du VERCORS fut
déjà utilisé par les “Combattants supérieurs” pour la guérilla montagnarde, étant propice
aux cachettes et aux embuscades. '
La petite région du QUEYRAS, dans les Hautes-Alpes, doit son appellation à la tribu
gauloise des QUARIATES, montagnards eux aussi difficilement attaquables à cause des
hautes crêtes cernant leur petite région naturelle (Barruol, 1975, 344). Ils surveillaient
les voies d’accès à plusieurs cols, comme beaucoup des peuplades ayant l’emprise sur
les grands passages transalpins. Romains et Carthaginois redouteront la traversée de ces
territoires ; et ils n’attaqueront leurs guerriers qu’avec prudence.
Enfin, CHORGES (à l’est de Gap) conserve le souvenir des CATURIGES, les “Rois-
du-Combat”, installés dans la haute vallée de la Durance (au sud-ouest des QUARIATES)
(Billy, 2011, 189). C’est contre eux et contre les GRAIOCÈLES aidés des CEUTRONS
que César, en 58 av. J.-C., regagnant la Gaule (au plus court par les Alpes) avec cinq
légions, devra batailler. Les Caturiges honoraient leur nom !
La résistance des tribus alpines, intermittente pendant la guerre des Gaules, se
généralisera sous Auguste, qui devra entreprendre “la conquête systématique des zones
montagneuses demeurées indépendantes” (Deyber, 1987a, 165). Mais cette résistance, si
elle bénéficiait d’un terrain escarpé favorable, n’était le plus souvent qu’une lutte séparée
de tribus gauloises, vivant ordinairement de façon assez cloisonnée. Elle ne pouvait
réussir à long terme ; et de fait elle gênera plus qu’elle n’arrêtera les troupes romaines.
La guerre de défense, menée en certaines régions privilégiées à l’abri des massifs
montagneux, s’est bien sûr également exercée en de multiples régions et lieux de
Gaule grâce à la protection des collines et des plateaux. De nombreuses localités de
France gardent un nom remontant à un thème gaulois en rapport avec l’idée d’élévation
(comme acaunus , cilisia, ardu-, *banno-, *barro-, briga , durnus , tullo-, *turno-, uxello -).
Beaucoup de ces sites ont développé, abrité des forteresses à l’époque gauloise. Nous
allons en faire à présent l’étude, dans une partie spéciale.
2 - LES FORTERESSES
2.1. Les anciennes citadelles : type briga
Les sites de hauteur vont, à partir du II e siècle av. J.-C., être largement investis - ou
réinvestis - par les peuples gaulois qui les aménageront en places fortes. Mais on ne doit
pas oublier que dans les premiers temps de l’occupation celte en Gaule, alors qu’une
minorité guerrière devait imposer sa domination, des places fortes avaient déjà été
érigées en haut des collines.
2.1.1. Un très ancien type
Peut-être avait-on donné à ces places fortes gauloises, dès l'époque ancienne, le terme
générique de briga. 11 désignait originellement en celtique un “point élevé”, un “mont”
(Lambert, 2003, 37), sens présent dans le vieil-irlandais bri, “colline”, dans le comique
bry, dans le gallois et le breton bre , de même acception (Henry, 1900, 42 ; Vendryes,
1981, B-87 ; Delamarre, 2003, 87). On trouve à la base un thème indo-européen *bergh,
“haut”, “éminent”, substantivé au sens de “hauteur”, “mont”, “colline” (d’où viendra,
aussi, par le germanique, l’allemand Berg, “montagne”) (Pokorny, 1959, 140-141).
Le terme briga va servir à nommer chez les Celtes (par effet de métonymie) le fort de
défense guerrière placé sur un lieu élevé (la même évolution se repère en germanique :
allemand Burg, “château”, “citadelle”). ,
Les linguistes ont retrouvé des traces étonnamment riches de ce terme dans la
péninsule Ibérique, dont les Celtes firent la conquête au VII e - VI e siècle av. J.-C. Plus
de trente-cinq noms ont été repérés dans la toponymie ancienne ; et une quinzaine
demeurent dans les noms de lieux modernes (qui se montrent largement répartis, sauf
dans le sud et le sud-est de l’Espagne) (voir liste dans d’Arbois de Jubainville, 1904,
99-104 ; carte schématique dans Rix, 1954, 104 ; et Harmand, 1970, 34). Aujourd’hui,
une ville comme SÉGORBE (en Espagne, non loin de Valence) porte toujours un
nom provenant d’un antique Segobriga ; et COÏMBRA (cité du Portugal, célèbre par
son université) doit toujours son appellation à un antique Conimbriga (d’Arbois de
Jubainville, 1894, II, 263-266 ; 1904, 98-109 ; Dottin, 1916, 205 ; H. Hubert, 1974, 286).
Nous tenons, dans ces toponymes en briga, “le témoignage le plus certain sur la réalité
de l’expansion celte” au cœur des terres ibériques, à des dates fort anciennes, comme
le souligne Jacques Harmand (1970, 34). Une part au moins des toponymes en briga
que nous retrouvons en France pourrait remonter également à cette première occupation
celte. Ils nous garderaient P“appellatif le plus archaïque pour désigner une forteresse”
(Lebel, 1962, 172 ; et Rix, 1954, 105).
2.1.2. Une série toponymique importante
Les toponymistes recensent en France une cinquantaine de localités, communes ou
hameaux, dont les noms proviendraient du terme celtique ; on les trouve en de multiples
régions, particulièrement dans le Centre-Ouest et le Sud-Est (fîg- 20, carte établie sur les
relevés d’E. Nègre, 1990, 149-150 et 167-169).
Briga a pu être employé seul pour créer des toponymes (avec éventuellement un
suffixe) ; et le modèle semble bien se reconnaître (compte tenu de l’effacement du -g-
intervocalique) dans certains noms modernes : BRIE (Charente, Charente-Maritime),
BRION (Indre, Isère, Lozère, Maine-et-Loire, Puy-de-Dôme, Deux-Sèvres, Yonne),
BRIOSNE (Sarthe), BRIOUX (Deux-Sèvres et Vienne) (Nègre, 1990, 149-150, avec
relevé des formes anciennes). Cependant, les attestations anciennes montrent un danger
de confusion : des formes comme bria, briaco, briona, bion(no), breone, broiae...
peuvent renvoyer à des modèles différents de briga : briva , “pont” (paronymie la
plus dangereuse), cl aussi bracu -, “marécage”, broga, “champ”, “pays”, voire beria,
“plaine”..., “Imites ces racines gauloises ayant été confondues par Révolution phonétique
loninnc" (' Tavertlel, 1996, 24 ; et Lambert, 2003, 193). On relève, dans la liste des noms
i apportés au thème briga , des sites qui ne se trouvent pas en relation avec une hauteur ; ils
doivent être regardés avec une grande circonspection (même s’il est possible que l’idée
île forteresse ait parfois fait oublier l’idée d’élévation). Aussi, à quelques exceptions près,
nous n’envisagerons ici que les toponymes liés à des éminences.
Associé à un suffixe -ntio-, briga a créé un modèle Brigantion , “éminence”, “lieu
élevé”, d’où BRÉGANÇON, à Bonnes, dans le Var ( Pergantion chez Etienne de
Byzance, Breganzone, v. 1200) ; le Mont BRIANÇON, à Saint-Arcons, en Haute-Loire
( Brianço , en 1458) ; aussi BRIANÇON, dans les Hautes-Alpes ( Brigantione , au 1 er siècle
av. J.-C., chez Strabon), et BRIANÇON, en Savoie, à Notre-Dame-de-BRIANÇON
(. Brianzone , en 1196); BRIANÇON, à Authon, dans les Alpes-de-Haute-Provence
(Brienzo, en 1190) ; BRIANÇONNET, dans le même département ( Brianzo , en 997-
1027) ; B RIANT, en Saône-et-Loire (in pago Brienensi, en 1031-1060), et BRIANTES,
dans l’Indre ( Briantes , en 1291), aussi en Saône-et-Loire (Nègre, 1990, 149 ; Delamane,
3001, 87). Le même toponyme se reconnaît dans BREGENZ, en Autriche ; et, par la
tonne Brigantia , dans BRAGANCE (Bragança), au Portugal (Delamarre; même réf.).
( )n ne peut douter de la celticité du modèle, qu’on retrouve (avec changement vocalique)
dans le nom de l’antique déesse des Celtes irlandais, Brigit, l’“Eminente”, dont le culte
sera christianisé et prolongé à travers sainte Brigitte (Sterckx, 1998, 53-55 ; Delamarre,
2003, 88). Nous rencontrerons pour la Gaule le nom voisin de BRIGINDO(NA), la
“Haute ”, la “Forte”, théonyme qui pourrait expliquer l’appellation de la localité de
B ROI N DON, en Côte-d’Or (. Brigendonis , en 834), liée à une hauteur (voir, dans le
tome III, l’étude des “Forces révérées”).
Briga se retrouve majoritairement dans des noms de lieux issus de composés. Les
attestations anciennes permettent d’identifier l’élément, toujours à la même place ;
mais il est difficile à reconnaître dans les noms modernes car sa seconde position l’a
altéré. Il a souvent abouti à une forme en -(O)EUVRE(S) et -ÈVRES dans les régions
Fig. 20 - Noms de communes et de hameaux issus du gaulois BRIGA (selon Ernest Nègre,
Toponymie générale de la France).
de langue d’oïl, et en -OBRE(S), -ABRE et -OUBRE dans les régions de langue d’oc :
citons dans la zone d’oïl BENEUVRE (Côte-d’Or), Châtel-de-NEUVRE (Allier), Chéry-
CHARTREUVE (Aisne), CŒUVRES (Aisne), DENEUVRE (Meurthe-et-Moselle),
MOYEUVRE (Moselle), VANDŒUVRE (Meurthe-et-Moselle), VENDEUVRE (Aube,
Calvados, Vienne) et VENDŒUVRES (Indre) ; également LINGÈVRES (Calvados),
SÈVRES (Vienne), SOULIÈVRES (Deux-Sèvres) et SUÈVRES (Loir-et-Cher). Et
dans la zone d’oc : CANTOBRE (Aveyron) ; COULOBRES (Hérault) ; LANOBRE
(Cantal) ; Saint-Pierre-d’ALZOBRE (Aveyron) ; VÉZÉNOBRES (Gard) ; VINSOBRES
(Drôme) ; et aussi ESCOULOUBRE (Aude) (Berthoud et Matruchot, 1901, 47-48 ; Vial,
1983, 62 ; Nègre, 1990, 167-168).
Cette série doit correspondre à un système ; on doit se demander lequel.
2.1.3. Des sites haut perchés
Nous avons vu que l’on avait affaire - du moins originellement et essentiellement - à
des toponymes liés à des éminences. Ce sens est tout à fait explicite dans des oronymes
qui nous demeurent : noms propres donnés à des reliefs.
A l’est de Paris, entre Marne et Seine, la BRIE ( Briegium , 639) doit sans doute son
appellation à un dérivé de briga ayant désigné les hauteurs des Côtes de BRIE, qui
limitent à l’est cette petite région (Nègre, 1990, 131 ; Fénié, 2000, 91 ; Billy, 2011, 142).
A S aint-Arcons-d’ Allier, en Haute-Loire, se trouve un Mont BRIANÇON ( Brianso ,
en 1458) (Dauzat, Deslandes, Rostaing, 1978, 120 ; Nègre, 1990, 149).
Dans l’Yonne, près de Saint-Florentin, s’élève le Mont AVROLLO(T) (ou
AVRELOT) ( Mont Esvrolet, en 1505), “longue butte-témoin, qui culmine au-dessus de
Saint-Florentin et qui vient en s’abaissant légèrement jusqu’au-dessus d’AVROLLES”,
Eburobriga, au IV e siècle) (A. Duval, 1973, 19, et 5-22, avec carte de situation ; Dauzat,
Deslandes, Rostaing, 1978, 110 ; Taverdet, 1996, 18).
Les COËVRONS nomment une chaîne de collines qui s’étend entre les départements
de la Mayenne et de la Sarthe ; leur appellation ancienne ( Coebron , en 989) pourrait faire
remonter à un modèle *Caito-brig-one, “hauteur boisée” ; on comparera avec le nom de
lieu Caito-brix, cité par Ptolémée, aujourd’hui SETUBAL, ville du Portugal (Dauzat,
Deslandes, Rostaing, 1978, 132 ; Delamarre, 2003, 97-98).
Enfin, au-dessus de Castres (Tarn), s’étend le Plateau de SIDOBRE, massif
granitique délimité par l’Agout et un de ses affluents la Durenque ; son nom proviendrait
d’un antique *Setubriga ou *Sedto-briga (Nègre, 1972, 19; Michelin, 1982, 153;
Moreau, 1983, 240 ; Fénié, 2000, 289 ; Billy, 2011, 516).
Certains toponymes en -briga comportaient un premier élément de type descriptif,
qui confirme leur caractère oronymique. Le Plateau de SIDOBRE, qu’on vient
d’évoquer, a peut-être nommé une “hauteur allongée” : gaulois *setu-, “long”, qu’on
retrouve en celtique dans le vieil-irlandais sith, “long” ; le vieux-gallois et vieux-breton
hit, “longueur” (de *situ-) ; le gallois hyd et breton het/hed, “longueur”, etc. (Henry,
1900, 159 ; Vendryes, 1974, S- 120 et 121 ; Degavre, 1998, 377).
La localité de BENEUVRE en Côte-d’Or ( Bennovra , en 1 169) a reçu son appellation
d’un antique *Banno-briga. Comme Gérard Taverdet l’a montré, on doit voir dans
le premier élément, plutôt qu’un nom d’homme, le gaulois *bannom, qui nommait
une “corne” (sens “encore bien présent dans le sud de la France dans BANNE”) ; il
s’esl applique métaphoriquement à une montagne : perçue comme une “pointe”, un
“somme!”; en l’occurrence le Mont Aigu, qui domine les lieux (Taverdet, 1994, 39;
3001, 10-11 ; et Lambert, 2003, 190 ; Delamarre, 2003, 66). '
CANTOBPE, quant à lui, village de l’Aveyron, sur la commune de Nant (déjà
Canfohre, en 1027), est situé sur un éperon rocheux dans la vallée de la Dourbie,
"conlourn(c| de trois côtés par la Dourbie ou son affluent dont le Trévézel” ; d’où peut-
être son nom originel de *Canto-briga : la “Hauteur-circulaire” (à comparer en Espagne
avec le toponyme celtique antique Cento-briga ) (Albenque, 1948, 68 ; Nègre, 1990, 1 67-
168 ; Fabre, 2000, 46 ; Delamarre, 2003, 104).
Même lorsque l’appellatif briga s’est appliqué topographiquement à des éminences
naturelles (mont, plateau), nous pouvons déjà avoir affaire à des sites de défense :
positions stratégiques pour les soldats gaulois, et lieux de refuge pour les populations
locales. La hauteur allongée du Plateau de SIDOBRE “a peut-être désigné [jadis] un
site défensif à la confluence de l’Agout et de la Durenque, à l’emplacement actuel de
Castres” (Fénié, 2000, 289). Le Mont AVROLLOT, où des fouilles ont été menées par
Alain Duval, a abrité jadis un lieu fortifié (A. Duval, 1973, 19 et 21).
2.2.4. Des forteresses
• Lien particulier avec la hauteur
La très grande majorité des noms issus du modèle briga sont des localités. Et la
très grande majorité de ces localités se montrent liées à une éminence qui a pu jadis les
protéger.
L’établissement pouvait être au pied de la hauteur : comme à BRAY, en Saône-
et-Loire ( Brigia , en 930-935), tout proche de la Montagne de la Brosse qui domine la
vallée de la Grosne (Nègre, 1990, 149 ; Rebourg, 1994, 196-197) ; et, dans le même
département, à BRION (de Brione, en 1291), commune sur le territoire de laquelle on
trouve le Mont Jeu et en face le Mont Dru , qui domine de 160 m la plaine de l’Arroux,
et où Jacques-Gabriel Bulliot situait un possible poste de défense (Rebourg, 1994, 335 ;
Billy, 2001a, 25) ; aussi comme à BRIANTES, dans l’Indre ( Briantes , en 1291), village
au pied d’une hauteur qui domine l’Indre (Dauzat et Rostaing, 1978, 115 ; Gendron,
1998, 32-33) ; à COIVREL, dans l’Oise ( Cuiebria , en 1123), village au nord duquel
avait été établi, sur une colline, le site défensif du Catelet ou Châtelet où l’on a présumé
un plus ancien oppidum (Lebègue, 1994, 71 ; Woimant, 1995, 215). On a cité plus haut
BENEUVRE, en Côte-d’Or, surplombé au nord par le Mont Aigu (Bénard et autres, 1994,
125-131, avec plan). La hauteur, en ces cas, pouvait servir de poste militaire de défense,
ou être utilisée comme refuge pour les populations en cas de danger (Lebel, 1962, 172).
VEROSYRES, en Saône-et-Loire (Vorovre, au XIV e siècle), serait étymologiquement un
“Fort-de-Secours”, gaulois *Voreto-briga (Nègre, 1990, 168).
D’autres établissements se sont développés sur l’éminence elle-même : tels
BRIOSNE-lès-Sables, dans la Sarthe ( Briona , en 1330), établi sur la hauteur (Beszard,
1910, 21 ; Nègre, 1990, 150) ; BROYES, dans la Marne ( Brias , en 813), au bord d’un
plateau dominant la plaine (qui fut un site défensif, castrum Breiae en 1049-1060)
(Lebègue, 1994, 57 ; Nègre, 1990, 149) ; CANTOBRE, à Nant, dans l’Aveyron, village
perché sur un éperon rocheux (Albenque, 1948, 68) ; Châtel-de-NEUVRE, dans r Allier
( pagus Donobrensis, à l’époque mérovingienne), sur un coteau dominant la vallée de
I Allier (Corrocher et autres, 1989, 106 ; Nègre, 1990, 168) ; DENEUVRE, en Meurthe-
et-Moselle ( Danubre , en 1076), village installé sur un éperon de grès (Moitrieux, dans
Mussy, 1997, 96, avec plan, 103) ; JŒUVRES, à Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire
(i Juevro , en 1265), établi sur un plateau de 75 hectares, site défensif dominant la Loire
(Tuverdet, 1985a, 51 ; Lavendhomme, 1997, 197-200, avec plan) ; ou VENDŒUVRES,
duns l’Indre ( Vendopera , en 1174), village bâti sur un éperon qui s’allonge sur 1,5 km,
avec des routes d’accès à forte déclivité (Coulon, 1973, 53 ; Nègre, 1990, 167).
Parfois la localité s’est développée à mi-pente : ainsi, BROYES, dans l’Oise ( Broioe ,
en 1 103), logée sur les pentes du Mont Soujflard (Lebègue, 1994, 57) ; BRYON, à
Orury, en Saône-et-Loire, “écart situé à mi-pente d’une hauteur” (Billy, 2001a, 25) ; ou
VOIVRES, dans la Sarthe ( Vodebris , au IX e siècle), “sur le penchant d’un coteau assez
élevé” (Beszard, 1910, 33)...
D’anciennes briga, jadis installées sur la hauteur protectrice, ont pu redescendre vivre
ail pied de leur éminence : le Mont AVROLLOT, dans l’Yonne, a dû être le site primitif
ll'un habitat gaulois de hauteur fortifiée, qui est allé se réinstaller en bas de sa butte,
la puix revenue, développant une agglomération secondaire à l’époque gallo-romaine
(A Duval, 1973, 12). On remarque, enfin, l’existence à BRIANÇON, dans les Hautes-
Alpes ( Brigantione , au I er siècle av. J.-C.), comme à BREGENZ, en Autriche (antique
Brigantiori), d’une ville haute fortifiée (site originel), et d’une ville basse (création
postérieure) (Barbey, 1993, 1010 ; Michelin, 1980a, 55-56 ; Delamarre, 2003, 87).
• Rôle double des sites de défense
l,a protection
l .es lieux du type briga ont été certainement utilisés dans un but de protection : par
les chefferies, par les troupes militaires, et sans doute par les populations civiles qui
pouvaienl s’y réfugier en cas de danger (surtout dans ces temps premiers de la présence
celle en Gaule, où la sécurité était encore mal assurée). Mais on doit penser que ces sites
et que ces noms représentèrent aussi des démonstrations de force, quadrillant, au vu de
tous, les territoires conquis : signaux de puissance adressés aux éventuels agresseurs,
ennemis extérieurs ou intérieurs (Henry d’Arbois de Jubainville expliquait ainsi le
fleurissement des toponymes -briga en Espagne : “Les Gaulois conquérants n’avaient
pas complètement soumis une partie considérable de la population vaincue et, pour tenir
tête à cette population toujours plus ou moins rebelle, il fallait multiplier les forteresses
au milieu d’elle”) (cité par Delamarre, 2001, 10).
A la base de quelques-uns de nos toponymes issus d’un composé en -briga, nous
trouvons l’expression ancienne à la fois de la force supérieure et de la protection
magique. Certains noms recèlent un caractère valorisant : Châtel-de-NEUVRE (Allier)
et DENEUVRE (Meurthe-et-Moselle) sont des “Citadelles-Nobles” ( *Donno-briga ).
Nous verrons au chapitre suivant plusieurs “Citadelles-de-la-Victoire”, qui donnent
au modèle briga un caractère éminemment guerrier et orgueilleux (Nègre, 1990, 167-
168). D’autres noms pourraient enfermer un caractère sacralisant : VENDŒUVRES
(Indre), mais aussi VANDŒUVRE (Meurthe-et-Moselle), VENDEUVRE (Aube,
Calvados et Vienne) sont des “Citadelles-blanches” et virtuellement des “Citadelles-
sacrées” ( Vindo-briga ) (soit par la couleur de la roche ou l’impression lumineuse de leur
éminence, soit par la présence à proximité de la hauteur d’une eau pure jugée divine) ;
ce sens se retrouverait dans JŒUVRES (Loire), la “Citadelle-[de-l’eau-]divine” ( *Divio -
briga ) : hauteur protectrice enserrée par une boucle de la Loire. AVROLLES (Yonne)
( Eburo-briga ), littéralement la “Citadelle-de-l’If ’, comprendrait également une valeur
sacralisante (en même temps que guerrière). Comme si les hommes avaient affirmé dans
les appellations la protection de leurs citadelles par les forces divines.
Lu surveillance
Etablies sur des points de hauteur, les briga jouissaient évidemment d’une vue
elenduc. BRAY (Saône-et-Loire) domine la vallée de la Grosne, comme ÉRTANTES
l'Indre, cl BRION l’Arroux. CANTOBRE plonge sur la vallée de la Dourbie, et Châtel-
de NEUVRE sur la vallée de l’Ailier. DENEUVRE surplombe la vallée de la Meurthe,
etc. Mettons à part, pour le point de vue superbe qu’ils offrent, BRIANÇON, qui domine
de 1 00 m la Durance ; et JŒUVRES, entouré de pentes très abruptes, qui se dresse aussi
à 100 m au-dessus de la Loire (voir photographie dans Lavendhomme, 1997, 198). Il
est évident que de tels sites permettaient une surveillance stricte des déplacements.
SOULIÈVRES (localité des Deux-Sèvres) ( Solobria , en 1095) pourrait être une antique
A 'Su-velo- briga (réduit à so(v)lo-bri(g)à) : “Citadelle-de-la-bonne-vue” ; nous avons nos
Miribel (sur le thème celtique *suli-/soli-, voir en dernier lieu Delamarre, 2003, 243).
Les routes étant étroitement scrutées, les citadelles de hauteur durent se développer
particulièrement aux endroits stratégiques de passage : nous pensons qu’un des
rôles essentiels des briga a été la surveillance et le contrôle des voies de circulation
(préexistantes ou construites pour relier des citadelles entre elles). Au pied du Mont
AVROLLOT (Yonne) passait la voie d’ Alise à Sens et d’Auxerre à Troyes (A. Duval,
1973, 12-13). Sous la hauteur dominant BENEUVRE (Côte-d’Or), un système complexe
de chemins protohistoriques a été révélé par l’archéologie aérienne, et trois itinéraires
différents identifiés ; le “Mont Aigu [...] occup[ait] une position stratégique permettant
le contrôle de la circulation” (Bénard et autres, 1994, 126 et 130-131, avec plan).
BRIANÇON (Hautes-Alpes) assurait un passage stratégique entre quatre vallées, et
permettait le contrôle de la “route oblique entre la vallée de Suse et la Provence” (Barbey,
1993, 1010; Ganet, 1995, 88). A BRION (Saône-et-Loire), on a vu que l’éminence
du Mont Dru dominait la plaine de l’Arroux ; la hauteur était contournée par lu voie
antique d’Autun à Toulon-sur-Arroux (Rebourg, 1994, 335). A BROYE (Suônc-el-Loirc
également) (de Brecis, en 1264), près des pentes du Mont Jeu où s’étendait la localité,
passait la voie Autim-B elle ville (même réf., 336). DENEUVRE (Meurthe-et-Moselle)
occupait une position dominante, étant “le premier resserrement de la vallée de la
Meurthe” ; elle constituait un passage important, et devint un carrefour routier fréquenté
(Moitrieux, dans Massy, 1997, 96-97). SUÈVRES (Loir-et-Cher), dominée par un
coteau, développa une agglomération sur la route d’Orléans à Tours (Provost, 1988b,
76-77 ; et Gendron, 1998, 32), etc.
• Réalité toponymique et réalité archéologique
Pour être tout à fait convaincu que le modèle briga n’a pas seulement nommé des
hauteurs “naturelles” et des établissements jouxtant ces hauteurs (renvoyant à une
réalité seulement géographique), mais bel et bien des forteresses (renvoyant à une
réalité guerrière), nous aurions évidemment besoin de preuves. L’archéologie peut-elle
confirmer ce que nous suggère la linguistique ?
Le passé gaulois semble avoir été souvent effacé ou masqué, des constructions
ultérieures à l’époque de la Gaule ayant été établies aux lieux de fondations plus
anciennes. Nous voyons ainsi les sites du type briga assez fréquemment associés à
des noms ou à des lieux de places fortes médiévales (ou plus récentes). Quelques
exemples révélateurs suffiront à montrer le fait. BROYES (Marne) est cité castrum
Breiae en 1049-1060 (Lebègue, 1994, 57). Sur le site de hauteur de SUÈVRES (Loir-
et-Cher), on repère le lieu-dit Les Châteliers (Provost, 1988b, 76 ; Gendron, 1998, 32).
BRÉGANÇON, à Bonnes (Var), “point stratégique de défense des côtes de Provence
et des îles d’Hyères”, a été fortifié au XVI e siècle (Barbey, 1987a, 297) : aussi parle-
t-on du Fort de BRÉGANÇON (même réf.). La ville haute de BRIANÇON (Hautes-
Alpes) a été entourée d’épais remparts par Vauban, dotée d’une 'Collégiale puis d’une
Citadelle (XIX e siècle), elle-même construite sur l’emplacement d’un ancien château
(même réf., 298-303). BRYON, à Grury (Saône-et-Loire), a vu l’aménagement d’une
fortification médiévale (Billy, 2001a, 25). DENEUVRE (Meurthe-et-Moselle) a subi
également la construction d’un château qui a bouleversé le site : “Il est vraisemblable
que le site celtique se trouvait sur l’éperon qui supporte le village actuel”, souligne
Gérard Moitrieux, qui ajoute : “Il est évident que les modifications de l’habitat depuis la
construction du château rendent difficile le repérage de traces celtiques : ainsi l’extrémité
de l’éperon a été remblayée sur sept mètres d’épaisseur pour construire l’église du
XVIII e siècle” (dans Massy, 1997, 97).
Des preuves - limitées à quelques sites - existent cependant, qui viennent justifier le
sens antique de “citadelle” à donner au toponyme briga.
A AVROLLES (Yonne), la hauteur du Mont AVROLLOT (site primitif de
l’établissement d’ AVROLLES) montre un rempart (“encore haut par endroits de plus de
4 m”), qui, accompagné d’un fossé, coupait le plateau de part en part, délimitant l’espace
d’un éperon barré. Les lieux ont été utilisés pour un camp militaire romain, mais ont dû
être conçus et employés antérieurement (des traces d’occupation gauloise de La Tène III
ayant été révélées sur la hauteur) (A. Duval, 1973, 19, avec plan, 17).
A BENEUVRE (Côte-d’Or), “l’origine indigène du site est certaine”. Des
“forlirications, aujourd’hui disparues mais attestées par la littérature du XIX e siècle,
correspondent à celles d’un camp protohistorique installé sur le Mont Aigu” (Bénard et
autres, 1994, 130-131).
A BRIEY (Meurthe-et-Moselle), on a repéré, au-dessus d’un méandre du Woigot,
une petite enceinte de type éperon barré (Hamm, 2004, 131-132).
A DENEUVRE (Meurthe-et-Moselle), bien que l’antiquité du lieu ait été pour
l’essentiel oblitérée par les constructions médiévales, la hauteur où est juché le village
montre à l’angle de la muraille du château les restes d’un bâtiment gallo-romain, la Tour
de Bacha. Les fouilles ont révélé à sa base un fossé préexistant ; ce “fossé [...] serait
le vestige d’un éperon barré de l’époque celtique” (Moitrieux, dans Massy, 1997, 97).
Enfin - et c’est l’exemple certainement le plus éclatant par les richesses de ses
découvertes -, le plateau de JŒUVRES, à Saint-Jean-Saint-Maurice-sur-Loire (Loire), a
révélé un important oppidum gaulois. Un matériel assez riche y a été trouvé (céramiques,
bijoux, petits bronzes, monnaies...). Et surtout, un système défensif a pu être mis en
évidence : levée de terre et fossé, avec, très vraisemblablement, rempart de type murus
gallicus. L’occupation est datée de La Tène finale (sur une cinquantaine d’hectares) et
de l’époque gallo-romaine ; mais elle pourrait en fait remonter - selon certains indices
archéologiques - au premier âge du Fer (Lavendhomme, 1997, 197-200).
En ce cas, cette *Divio-briga aurait pu être contemporaine des briga de la péninsule
Ibérique : remontant à la première période d’occupation celte. Il est bien sûr impossible
de distinguer parmi tous les noms qui ont été cités lesquels se rapporteraient à cette
époque ancienne, et lesquels - le type ayant été ultérieurement réactivé - seraient plus
récents. On a assez souvent affaire à des localités aujourd’hui modestes (pas de grandes
agglomérations). Serait-ce l’indice d’un système de places fortes très ancien, développé
sur des sites souvent étroits, et qui tendra le plus souvent à tomber en désuétude ? Il avait
trait à une époque où des guerriers s’installant sur le territoire de ce qui allait être la Gaule
entendaient tenir le pays depuis de fières citadelles militaires, utilisées comme fortins ou
comme refuges. Mais dans les siècles suivants, l’emprise des nouvelles populations
celtes et le phénomène d’acculturation produisirent leurs effets : l’habitat se dispersa
de plus en plus dans les campagnes, et beaucoup des anciennes forteresses» durent être
abandonnées ou voir leur rôle très restreint. La “puissance [nouvelle], souligne Fernand
Braudel, créait sans doute la sécurité, une sorte de pax celtica ” (1981 , 54).
2.2. Toponymes issus de diverses appellations de hauteurs-forteresses
En dehors des toponymes relevant du type majeur briga, nous trouvons dans
l’Hexagone toute une série d’appellations de lieux issues de thèmes gaulois en rapport
avec l’idée d’élévation, qui peuvent renvoyer ou qui renvoient explicitement à des
sites défensifs de la Protohistoire. Certaines de ces appellations, provenant de vieux
thèmes préceltiques repris par les Gaulois, correspondraient-elles à des hauteurs-
refuges elles-mêmes très anciennes ? On peut le penser, même s’il est impossible de
dater les occupations pour chaque type de nom (les découvertes archéologiques sont
encore trop réduites, et n’arrivent souvent à mettre en valeur que les derniers niveaux
d’occupation). Un seul point est sûr : la variété des appellations nous montre que toutes
sortes de hauteurs ont été utilisées pour la défense, et ce de façon très intensive : depuis
les hauteurs-refuges (formes parmi les plus anciennes : forteresses de secours utilisées
en cas d’attaque), en passant par les camps militaires de surveillance, les places fortes
conçues pour abriter des habitats permanents, jusqu’aux grands oppida ayant développé
des trames urbaines.
2.2.1. Des anciennes hauteurs-refuges aux places fortifiées
• Type ardu-
Ce modèle a été évoqué plus haut à propos des ARDENNES (dont nous avons dit
qu’elles ne représentaient pas un nom unique mais provenaient d’un appellatif appliqué ù
divers lieux de hauteur). Parmi les toponymes susceptibles d’évoquer des places-refuges,
citons le Mont ARDOU(X) ( Mons de Montardor, en 1269) à Pontailler, en Côte-d’Or
(Taverdet, 1994, 38). Cette colline, dominant de plus de 40 m un bras (aujourd’hui mort)
de la Saône, et un gué, se situait “sur les marges disputées entre Lingons et Séquanes”
(Mangin et Bénard, dans Bénard et autres, 1994, 149). On comprend qu’on ait pu y
installer un poste de surveillance, en même temps site refuge. Un habitat permanent
finit par s’y développer. Les fouilles ont montré que “le groupement installé sur le Mont
ARDOU a dû constituer une agglomération véritable [...], structurée le long d’un axe
principal” (même réf., 149 ; plan, 150).
Aux environs de Gueugnon, en Saône-et-Loire, sur la commune d’Uxeau, on trouve
un Mont DARDON ( Dardant , XIII e -XIV e s.). Pour Gérard Taverdet, ce nom provient
non d’un modèle *are-dunum mais du thème ardu- désignant la hauteur : “Il faut
certainement comprendre le Mont d’ARDON” (1994, 38). Le site (à 506 m) embrasse
une vue spectaculaire sur le Morvan, mais aussi vers la vallée de la Loire et le Massif
central. Des fortifications remontant à l’époque de Hallstatt ont été repérées. Après une
interruption de l’occupation à La Tène II, le lieu a été de nouveau investi pendant les
deux derniers siècles av. J.-C. “La montagne fut ceinturée de trois remparts de terre, mais
seul le plus élevé (environ 495 m, englobant une surface de 6 ha) est visible tout près
du sommet” (Crumley, 1993, et en particulier, 3 ; voir aussi Rebourg, 1994, 261-263).
• Type *cor-ennum
Un ensemble de localités tirent leur nom d’un modèle *cor-ennum (Dauzat, 1960,
193-194). On y reconnaît, avec la présence du suffixe gaulois - ennum , un radical *cor-
qui exprimait une idée de “fermeture”, de “cercle”. Il faut le rapporter au celtique (et
non au préceltique) : sont attestés un moyen-irlandais cor, “cercle*, “tour”, “mouvement
tournant” ; un gallois cor, “enclos”, et cor-went, “tourbillon” ; un vieux-breton -cor-,
“courbure”, “repli” et “cercle” ; un breton cornent, “tourbillon”, “ouragan”, et coroll,
“cercle de danseurs” (Fleuriot, 1964, 118 ; Vendryes, 1987, C-204 à 207). Le texte
gaulois de la Tuile de Châteaubleau, découvert en 1997, a révélé aussi le mot coro-/
core, qui paraît signifier “fermé” (Lambert, 2001, 71, 89, 108 ; Delamarre, 2003, 126).
Ces différents termes remonteraient à une racine indo-européenne *(s)ker-, “tourner”,
“courber” (Pokorny, 1959, 935). Elle a pu servir à nommer ici des “Hauteurs-fermées”,
naturellement fortifiées par un entourage de roches à pic. Citons COREN, dans le Cantal
(Coren, en 1185), sur un piton ; CORENC, en Isère ( Corennum , au VIII e siècle), sur une
hauteur escarpée ; COURENC, hameau à Beaux en Haute-Loire (Coren, en 1179), sur
une haute croupe (Dauzat et Rostaing, 1978, 21 1 ; Astor, 2002, 842).
Le même thème *cor- se retrouve dans le nom de lieux ayant révélé des sites fortifiés
de l’âge du Fer : dans le Var, CORRENS ( Correno , en 920) et CUERS ( Castrum Corius,
en 1032), où sont connus plusieurs habitats perchés antiques munis de remparts (Brun,
1999, 348, 367-370) ; en Dordogne, LA CORADE, à Coulounieix -Charniers, qui portait
un oppidum de 32 ha avec “puissante levée de terre” (Gaillard, 1997, 101-103) ; en
Côte-d’Or, EN CURIOT, lieu-dit à Alise-Sainte-Reine, en bordure de l’oppidum, où
l’on a découvert un murus gallicus (Creuzenet, 2010) ; dans les Vosges, LA CORRE, à
I lousseras, enceinte qui comportait talus et blocs de parement (Michler, 2004, 193-195).
On ajoutera, dans le Puy-de-Dôme, CORENT ( Coren , au X e siècle), où avait été aménagé
un important oppidum des Arvernes, sur le site du Puy de CORENT (formant un plateau
de 50 ha à 200 m au-dessus de la vallée de l’Ailier) (Provost et Mennessier-Jouannet,
1994, 76-82 ; Fichtl, 2000, 15, 33, 172 ; Poux, 2011).
• Type durno-
Un gaulois *durnos, “poing”, transmis dans le latin tardif durnus, “poignée”,
“empan”, explique le vieux -provençal dorn et le vieux-français dor (moyen français
dour) qui désignait une mesure de quatre doigts : la largeur du poing. Dans le parler
d’Aoste, un DORGNO désigne un “durillon” ou une “bosse” (von Wartburg, 111, 1949,
192). Dans le patois lyonnais, un DORGN1 est une meurtrissure de fruit ; la DORGNE
désigne un “coup”, une “bosse” (une joue DORGN1E étant une joue “enflée”) ; le
DORGNON est un “coup de poing” (information de B. Horiot à l’auteur). L’origine du
thème est celtique : vieil-irlandais dorn , “main”, “poing”, “mesure de longueur” ; gallois
dwrn, “main”, et dyrnod, “coup de poing” ; vieux-breton durn, breton dourn, dorn,
“poing”, “main” (Schmidt, 1957, 201 ; Fleuriot, 1964, 153; Vendryes, 1996, D-177
et 178 ; Delamarre, 2003, 130-131). Un chef gaulois, dont le nom se retrouve sur des
monnaies d’argent attribuées aux Bituriges, portait le nom de DURNACOS ; ce devait
être “Celui-qui-a-le-poing[-fort] “(Colbert de Beaulieu et Fischer, 1998, 245-249 ; Kruta,
2000, 589 ; Lambert, 2003, 40).
Des noms de lieux ont été créés à partir de ce thème, avec un emploi métaphorique,
le “poing” venant à désigner une hauteur ; simple éperon naturel, mais parfois fortin (la
forme du poing connotant aussi l’image de la force menaçante). LE DOURN, localité
du Tarn ( del Dorn , en 1261), est situé sur une hauteur dominant un affluent du Tarn.
DOURGNE, dans le même département ( Dornian , v. 1025, sur un modèle *dom-ianus,
avec suffixe latin), jouxte l’ancien oppidum de Saint-Chipoli, dominant la vallée du
Taurou, site d’éperon barré par deux fossés et un talus rehaussé de murs et de moellons.
Des fouilles de sauvetage, effectuées en 1981-1982, ont révélé des traces d’occupation
aux L cl II e âges du Fer (céramique, bijoux) (Cambon et autres, 1995, 120-121, avec
plan). En Haute-Vienne, DOURNAN ( *dorn-anum , avec suffixe latin) doùson nom au
caractère oronymique du site : “Il s’agit d’un éperon de confluence” (Villoutreix, 1981,
56). Sur la commune de DOURNAZAC, dans le même département ( Dornazac , v. 1315,
sur un modèle *durn-atius-acum ?), on repère un plateau (altitude 247 m) qui a été
“fortifié en éperon barré” ; cependant, “les deux levées de terre qui constituent la butte
seraient des tumulus longs néolithiques” (Perrier, 1993, 192).
Il faut remarquer que les différents toponymes concernés montrent le plus souvent,
associé au radical gaulois durn-, un suffixe latin (pour LE DOURN, l’article peut même
suggérer l’idée d’une reprise occitane d’un thème antique) (Nègre, 1990, 248). Ce thème
a dû continuer à être employé après l’époque gauloise (avec une modernisation de la
forme des noms), comme les sites ont pu être réemployés après le temps des Gaulois.
Cependant, qu’ils soient issus d’une ancienne tradition celtique (à la fois guerrière et
linguistique), et qu’ils aient été utilisés d’abord à l’époque de la Gaule, est très probable.
Du reste, on trouve en Allemagne, dans la région de Hesse, un nom de ville composé
avec durtio-, dont l’ancienneté paraît remonter à l’époque gauloise (les toponymes
formés de deux éléments gaulois sont souvent anciens) : DORMAGEN (d’un modèle
*Durno-magos ), sur une terrasse dominant le Rhin (Loth, 1921, 116; Delamarre,
2003, 156). En Belgique, près de Mons, on connaît aussi la localité de BAUDOUR
( Baldumium , en 1010), où l’on repère une colline boisée. Le toponyme est formé avec
un premier élément bal -, qu’on pourrait rapporter au celtique (un gallois bal, “colline”,
“mamelon”, “butte”, étant attesté) (Carnoy, 1948, 48-49 ; Degavre, 1998, 76). La même
formation se reconnaît dans le nom de la commune de BALLORE, en Saône-et-Loire
(. Balodomense , en 979 : “Fortin-sur-la-Butte”) ; “le village est dominé par une hauteur
aujourd’hui nommée La Tondue ” (Billy, 2001a, 24 ; carte I.G.N. 2927 O).
• Type tullo-
Un gaulois tullo-, “enflé”, “gonflé” (qu’on compare au vieil-irlandais telach , tuhivh ,
“colline” et au gallois twlch, “masse ronde”, “colline”) paraît expliquer l’ancien français
tolon, “colline”, “éminence” ; sa trace serait demeurée dans les dialectes : naguère, dans
le Morvan, un TOULON nommait une “éminence plus ou moins élevée”. Au sens figuré,
un TOLLIÂOU désignait en languedocien un “gros joufflu”, un “gros poupard” (enfant
dodu et de beaucoup d’embonpoint) ; de même, dans l’Aveyron, un TOUILLAUD
qualifiait un “gros joufflu” ou un “gros goujat” (von Wartburg, XIII/2, 1967, 402 ;
Degavre, 1998, 426).
Tullo- a créé à l’époque gauloise des noms de lieux (von Wartburg, même réf.,
402-403). TOUL (Meurthe-et-Moselle), TOULX- Sainte-Croix (Creuse), LE THOULT-
Trosnay (Marne), THOU (Cher) et THOU (Loiret), LE THOU (Charente-Maritime),
seraient issus de ce modèle (Nègre, 1990, 131, avec les formes anciennes). Toutes
ces localités se situent sur ou à proximité de hauteurs. On peut penser qu’elles s’y
sont développées jadis parce que cette éminence les protégeait. Peut-être trouva-t-on
d’abord sur ces sites (assez modestes) de simples postes de surveillance, avec des places
permettant d’abriter les populations et leurs biens en cas de dangers. Certaines ont pu
devenir de vraies places fortes.
TOULX-Sainte-Croix, dans la Creuse, est placée sur une hauteur dans une “position
exceptionnelle, d’où l’on découvre un vaste panorama” (Villoutreix, 1995, 22). Elle
est nommée Tullo Castro à l’époque mérovingienne ; un fort militaire y existait donc
encore. Il a pu être précédé d’une occupation gauloise. “La tradition place sur la colline
un oppidum gaulois”. Des vestiges, assez nombreux, ont été découverts sur la hauteur
(mais tous ont depuis disparu î) ; il apparaît cependant qu’ils étaient postérieurs à
la Conquête (Dussot, 1989, 87-89, avec plan du site de “l’oppidum de Toulx”). De
nouvelles fouilles, approfondies, pourraient peut-être révéler des niveaux antérieurs.
En Meurthe-et-Moselle, TOUL (Tul(l)o Loucoru(m), en 40/42 apr. J.-C. ; Tullo, dans
V Itinéraire d’Antonm), sur le territoire gaulois des Leuques, “s’est établie [...] sur le
flanc de deux buttes voisines : le mont Saint-Michel et la Côte Barine” (Bedon, 1999,
152). Les Leuci, vu l’importance stratégique de la place, finiront par faire de TOUL leur
chef-lieu (Deroy et Mulon, 1992, 483). Il est à noter qu’à la différence de nombreuses
autres capitales gauloises, celle-ci conservera son nom et l’imposera au pagus Tullensis :
le TULLOIS (cependant la cité sera supplantée par Grand au IV e siècle) (Jullian, IV,
1914, 529 ; VI, 1920, 470 ; Billy, 201 1 , 537 ; Fénié, 2000, 305-306). TOUL fut oppidum
au temps de la guerre des Gaules. Au Bas-Empire, elle deviendra lieu de castrum ,
développant un rempart de 1 300 m de long, avec 28 tours, englobant 10 à 11 hectares
(Bedon, 1999, 242). Mais le lieu a pu servir de site de défense bien avant la Conquête :
la tradition voit sur la colline, à l’époque gauloise ancienne, une place forte, développée
en agglomération secondaire fortifiée, qui put elle-même succéder à un fortin primitif
(Bedon, 1999, 168). Dans le même département, THÉLOD ( Toullo , en 1127-1169 ;
Telodium, en 1378) doit avoir un nom de même thème. Le village jouxte une éminence
(le mont THÉLOD) où l’on a découvert une enceinte délimitée par un rempart (Hamm,
2004, 356-357).
• Type * tu r no-
Joseph Loth a montré qu’un thème *turno-, apparaissant dans toute une série de
noms de lieux, au lieu d’être rapporté à un nom de personne, Turnus , devait être mis en
relation avec des éminences (1921). On les repère de façon presque systématique dans
les lieux ainsi dénommés, ce qui donne une bonne crédibilité à l’hypothèse. Le thème
est sûrement prélatin ; est-il celtique ? On a tâché d’y relier le breton torn-aot, “falaise”
(mot à mot “hauteur du rivage”) ; mais cette preuve unique nous paraît insuffisante : les
autres langues celtiques n’offrent guère de pistes (Loth, 1921, 115 ; Delamarre, 2003,
304-305). Il peut s’agir d’un très vieux thème préceltique, appliqué anciennement à des
hauteurs (parfois hauteurs-refuges ?) ; les Celtes, s’installant en Gaule, l’auraient adopté,
intégré à leur langue, et ainsi transmis.
Parmi d’assez nombreux toponymes, citons : TOURNON, en Savoie ( Tornone , en
1189), “sur une hauteur de 420 m” ; TOURNON-d’Agenais, dans le Lot-et-Garonne
(sans forme ancienne connue), “sur une hauteur très nettement détachée” ; TOURNON-
Saint-Martin, dans l’Indre ( Tornon , au XIII e siècle), “au pied d’une colline” (mais
“on peut supposer que le noyau de l’agglomération a été d’abord sur la colline”) ;
TOURNON-sur-Rhône, en Ardèche ( Castro Turnone , en 814), “sur un piton rocheux” ;
TOURNAY-sur-Odon, dans le Calvados ( Turnaium , en 1257), “sur une hauteur” ;
TERNAY, dans le Loir-et-Cher ( Turnacensis villa, au VIL siècle), “au pied d’une butte
de 1 37 m” ; TOURNY, dans l’Eure ( Torniaco , en 884), “sur un rebord élevé de plateau” ;
TORNAC, dans le Gard ( Tornagus , en 814), “au sommet d’une éminence isolée”...
Ajoutons pour la Belgique TOURNAI ( Turnacum dans les itinéraires antiques), “au pied
d’une pente sur la vallée de l’Escaut” (Loth, 1921, 112-114 ; Dauzat et Rostaing, 1978,
672 ; Villette, 1992b, 188).
Beaucoup de ces toponymes ne se relient pas à des lieux avérés d’oppida. On pourrait
avoir affaire à des sites ayant développé anciennement des habitats sécurisés par une
hauteur, utilisée comme défense naturelle, sans que de véritables places fortes y aient été
construites à l’cpoque gauloise. TOLTRNAI, d’abord simple fortin dominant l’Escaut,
i l’est devenu casirum ceint de remparts qu’au Bas-Empire (Carnoy, 1954, 7 ; Petit et
Mangin, 1994, 252-253). On exceptera TONNERRE, dans l’Yonne (au nom aussi issu
d’un thème *lurno-, nous le verrons plus loin) : oppidum certain de La Tène finale (site
d’epcmn barré installé sur une colline escarpée dominant l’actuelle cité) (Delor, 2002,
731, 733-734).
• Type uxello-
11 a existé un gaulois uxello-, “élevé”, et son superlatif uxisamo-, “très élevé”, qu’on
rapportera sans conteste au groupe des langues celtiques (vieil-irlandais uasal, “haut”,
“élevé”, issu d’un modèle *ouxelo ; gallois uchel, “haut” ; breton ( u)hel , “élevé”,
“hauteur”) (Henry, 1900, 166-167 ; Billy, 1993, 164 ; Degavre, 1998, 464 ; Delamarre,
2003, 330). Cet uxello- /uxisamo- a pu nommer des établissements liés à des hauteurs
défensives. Citons, entre autres localités, EXMES, dans l'Orne ( Oxma , à l’époque
mérovingienne), sur le bord d’un plateau calcaire ; HUISMES, en Indre-et-Loire ( Oxima ,
en 907), sur un coteau d’une centaine de mètres ; HUISSEAU-en-Beauce, dans le Loir-
et-Cher ( Uissael , v. 1272), au-dessus de la Brisse ; tous ces noms provenant du thème
uxisamo-. Sur le modèle uxello-, on trouve HUSSAULT, en Indre-et-Loire ( Ussiau ,
en 1224), “sur une hauteur rocheuse dominant la Loire” ; OSSELLE, dans le Doubs
O Ossella , en 1130), qui “domine une courbe du Doubs” ; UCEL, en Ardèche (U scella,
en 1275), “au pied de hauteurs” ; USSEL, dans l’Ailier ( Ussellum , en 1327), au penchant
d’un coteau de 400 m ; USSEL, dans le Cantal ( Ucel , en 1293), sur le Plateau de la
Planèze ; USSEL, en Corrèze (Oxxello, sur une monnaie mérovingienne), sur une colline
de 640-670 m ; USSEL, dans le Lot ( Uchello , en 1287), sur une colline de 380 m ;
UXEAU, en Saône-et-Loire ( Uzellis , en 1 164), dans un site de hauteur ; et UXELLES,
à Chapaize, en Saône-et-Loire aussi ( Oscella , en 1079), “en bout d’une crête nommée
Montagne de la Garenne , dominant la vallée de la Grosne” (Joanne, III, 1894 ; et VII,
1905 ; Nègre, 1990, 132 ; Taverdet, 1990, 56 ; Gendron, 1998, 43 ; Billy, 2001a, 27 ;
Astor, 2002, 909 ; Rigault, 2008, 744 ; Billy, 2011, 547).
Nous avons souvent affaire à des lieux d’habitats qui ont pris avec le temps un
certain développement : devenus des communes, certaines de quelque importance.
Plusieurs sites ont révélé des installations défensives, et beaucoup sont susceptibles d’en
livrer. USSEL (Allier) montre les “ruines d’un château fort qui peut avoir remplacé un
castrum romain” (Joanne, VII, 1905) ; lui-même n’aurait-il pas succédé à un fort gaulois
(Corrocher et autres, 1989, 48-49) ? Sur le territoire d’UXEAU (Saône-et-Loire) se situe
le Mont DARDON, dont on a vu qu’il a abrité un haut lieu fortifié. USSEL (Corrèze)
paraît s’être établie à partir du site premier d’un oppidum ; une enceinte de type éperon
barré a été repérée, et du matériel de La Tène III a été découvert (Buchsenschutz, 1984,
141 ; Lintz, 1992, 175 ; Colin, 1998, 104-105).
EXMES (Orne) est le “site certain” d’un oppidum de La Tène finale. Il a été installé
sur l’éperon terminant un plateau calcaire, “défendu par des abrupts naturels”. Cet éperon
a été fermé vers le sud-est par un “important rempart de terre”. Le bourg actuel occupe
l’emplacement de l’ancien site (Bernouis, 1999, 59, 125-128). Ajoutons que la petite
région autour d’EXMES, le HIEMOIS, garde son nom formé sur le thème uxo- ( Pagus
Uxominsis, au VI e siècle) (Billy, 2011, 294).
Nous verrons, dans l’étude qui suit du type dunum , que d’autres noms de lieux,
provenant d’un premier élément *uxello-, correspondent à des sites de forteresses
gauloises révélées par l’archéologie : Puy-d’ISSOLUD (Lot) et ESSALOIS (Loire).
2.2.2. Des places fortifiées aux grands oppida
• Types acauno- et *aginno-
acauno-
Pline nomme acaunomarga une “argile pierreuse” de la Gaule (, Histoire Naturelle ,
XVII, 44) (Billy, 1993, 1). La seconde partie du composé a abouti au français MARNE ;
la première nous donne le nom de la “pierre”, du “rocher”, en gaulois (des gloses latines
traduisent du reste agaunum par “saxum”) (Dottin, 1920, 224 ; Van Berchem, 1982,
181 ; Delamarre, 2003, 30-31). Acauno- proviendrait d’un indo-européen *ak-, “aigu”,
“pointu”, “à arêtes vives” (Pokorny, 1959, 18-20 ; Degavre, 1998, 22), auquel s’est
ajouté un suffixe -auno- de sens peut-être agentif (la roche étant étymologiquement la
matière “coupante”) (Delamarre, 2003, 31). On retrouve ce thème appliqué à des noms
de hauteurs défensives.
Dans le Valais suisse, Saint-Maurice-d’AGAUNE ( Acaun dans des inscriptions
antiques) était jadis la bourgade principale de la tribu des Nantuates. “Gigantesque
verrou naturel”, sa hauteur rocheuse surplombant le Rhône barrait la vallée. Du fait de
cette position stratégique, la place, aménagée en poste fort, commandait et surveillait les
passages ; elle deviendra à l’époque gallo-romaine poste frontière et station douanière
avec péages, sur la route du Grand-Saint-Bernard (Van Berchem, 1982, 75 et 181-182,
avec carte, 173).
Montélimar portait anciennement le nom d’Acunum ( Mansio Acuno, au IV e siècle ;
Aiguno, en 1183 ; puis Aygun et Aygu ) (Nègre, 1990, 128 ; Delamarre, 2003, 30). On
le retrouve dans l’appellation de l’ancien prieuré de Notre-Dame-d’ AYGU, fondé au
Moyen Age, “encore attesté par l’avenue AYGU” au sud de la ville (Moreau, 1972,
303). Acunurn devait être originellement une place forte sur une butte, défendant la
frontière toute proche entre les Ségovellaunes et les Tricastins (à l’emplacement de
l’ancien château dominant le Roubion ?) (Boisse, 1968, 22, 163, et plan, 133).
*aginno-
Un autre type gaulois aginnon a existé à côté du type acaunon/agaunon, qu’on
peut penser parent du précédent (Deroy et Mulon, 1992, 7 ; Astor, 2002, 893) : formé
à partir du même radical ac- servant à désigner une hauteur rocheuse, mais employé
cette fois avec un suffixe gaulois -inno- (Hôlder, II, 1904, col. 46). Plusieurs noms de
localités en sont issus : AYN, en Savoie ( Ainum , en 1142) et AGEN-d’ Aveyron, dans
l’Aveyron (. Agenium , en 1510), à proximité de hauteurs ; LAGUENNE, en Corrèze
( Agenna , v. 932), bordant un éperon de confluence (Nègre, 1990, 53 ; Villoutreix,
2002, 25). On évoquera surtout AGEN, dans le Lot-et-Garonne {Aginnon, au II e siècle,
chez Ptolémée) (Deroy et Mulon, 1992, 7 ; Billy, 1993, 4). Le site mérite pleinement
son appellation. Au nord de la cité actuelle, le Coteau de l’Ermitage dresse ses pentes
raides, dominant de 100 m la vallée de la Garonne. La ville d’AGEN, en contrebas,
n’aurait été fondée que vers 20 av. J.-C. De très riches découvertes (les unes anciennes,
les autres assez récentes) ont établi que ce plateau de 60 hectares avait été l’oppidum
principal des Nitiobroges : P AGEN primitive. Des vestiges du système défensif ont été
retrouvés (fouilles de 1990-1992) : fortifications puissantes qui fermaient le plateau par
un rempart massif de 800 m de longueur, sur plus de 60 m de large, avec fossé, terrasse
et forte levée (surmontée d’une palissade) montant jusqu’à 7 m de hauteur ; elles ont été
datées par les archéologues, pour l’état le plus ancien, du II e siècle av. J.-C., époque à
laquelle l’occupation des oppida a été réactivée en Gaule (mais des vestiges plus anciens
d'occupation remontent jusqu’au IV e siècle av. J.-C.). L’oppidum sera abandonné dans
la seconde moitié du I er siècle. Les fouilles ont révélé des zones liées à l’habitat, à
l'artisanal, aux activités métallurgiques, et aussi des aires religieuses ; un matériel très
riche a clé recueilli. Autant de preuves établissant que cette hauteur n’était pas un simple
cndroil refuge mais bel et bien un lieu de vie organisé sur un site fortifié (Boudet, 1992,
70-73 ; 1994 ; Fages, 1995, 93-108, avec photos et plans révélant bien le site ; Kruta,
2000, 392-393).
• Type alisia
ALISE-Sainte-Reine (à laquelle on doit associer l’appellation du Mont AUXOIS
et du petit Pays de T AUXOIS, in pago Alisiense, v. 590) tire son nom du nom antique
d ’Alesia (Billy, 2011, 59-60, 93). Il est attesté par une inscription Alisiia, de la deuxième
moitié du I er siècle, trouvée sur place, et gardée au Musée municipal d’ALISE (Lejeune,
1988, 147-155 ; Lambert, 2003, 100-103 ; Provost, 2009, 21/1, 408). Le texte de La
Guerre des Gaules cite abondamment le nom d ’Alesia, capitale des Mandubiens. Il
peut être identifié, malgré bien des controverses, avec ALISE-Sainte-Reine (Reddé,
2003). César - qui qualifie quinze fois la place d ’ oppidum - la décrit “au sommet d’une
colline, dans une position très escarpée, si bien qu’elle semblait ne pouvoir être prise
que par un siège en règle” (GG2, VII/69, 179). La plupart des linguistes rapportent le
nom d’ALÉSIA à une racine gauloise *alis-, “roche”, “hauteur rocheuse”, “falaise” (à
comparer dans le domaine indo-européen au latin palatinus , d’où le Mont Palatin , et au
germanique *falisa expliquant l’allemand Fels, “falaise”) (Mulon, 1990, 290 ; Taverdet,
1994, 27 ; Billy, 2011, 59) ; on trouve en irlandais ancien un terme ail , ail désignant un
“rocher”, un “escarpement” (Vendryes, 1959a, A-29 et 30 et A-61). Cette étymologie
semble parfaitement justifiée (“Quiconque a visité le plateau d’ALISE et ses alentours
reconnaîtra que cette appellation convient parfaitement au lieu”) (Vendryes, 1928,
cité par Delamarre, 2003, 39) : le site d’ALISE-Sainte-Reine, proche de la plaine des
Laumes, apparaît bien comme un plateau massif entouré de pentes raides. “Ce qui frappe
tout de suite, souligne Joël Le Gall, c’est la présence, au sommet, d’une falaise calcaire,
haute de 20 m, absolument verticale, entourant complètement le mont” (1987, 21, avec
photo, 22 ; et 1999, 42). Le développement de la végétation a masqué aujourd’hui cette
falaise ; mais sur les vues anciennes, on la repère très nettement (Reddé, 2003, 131-132,
avec phot., et 136, avec dessin de l’époque de Napoléon III). La hauteur étant protégée
naturellement, seules les zones d’éboulis ont dû être barrées par des murs de pierres
sèches, dont subsistent des traces ; et l’entrée a été munie d’un système fortifié. Le
plateau qui s’allonge sur 2 km a enserré un vaste oppidum de plus de 90 hectares (Reddé,
2003, 133 ; 144-147).
Ce nom et ce type de site n’ont pas été uniques : le thème gaulois *alisia s’est
appliqué en Gaule à d’autres lieux de hauteurs rocheuses, qui ont pu servir de défense.
D’où les appellations d’ALAISE, dans le Doubs ( Alasia , au XII e siècle), où l’on trouve
le plateau de Fertans dominant d’une centaine de mètres trois collines environnantes ;
d’ALIÈZE, dans le Jura ( Alisiacum , en 868), “dans un site rocheux” ; d’ALLEX, dans la
Drôme (Ali sium, en 928) ; et peut-être d’ALUZE, en Saône-et-Loire (Alusia, en 1015),
dont “le site permet un rapprochement avec les falaises d’Alésia”. La similitude des
noms donnera lieu à de longues controverses sur le site d ’Alesia, ALAISE, ALIÈZE et
ALUZE étant très sollicitées, et même Alès, dans le Gard (quoique d’origine différente)
(Rabeisen, 1999, avec carte; Taverdet, 1983, 9; 1986c, 13 ; 1990, 10; 1994, 26-27 ;
Lassus et Taverdet, 1995, 35-36 ; Fabre, 2000, 17 ; Reddé, 2003, 109, 201 ; Billy, 201 1
59, 58).
• Type *garg-/ gerg-
Nous avons en France une série de hauteurs portant les appellations comparables
de mont Gargan (Haute-Vienne), pointe de Gargan (Savoie), col Gargas (Isère), col
de la Gargante (Ariège et Aude), sommet de Gargantan (Hautes-Pyrénées), etc. ; bien
d’autres noms semblables se retrouvent à l’étranger, comme les f Gargantas (gorges
rocheuses du haut- Aragon), le monte Gargano (Italie), le mont Gorgen (Arménie)...
(Dauzat, Deslandes, Rostaing 1978, 149-150 ; Dontenville, 1966, 298-299, 323 ;
Astor, 2002, 848-849). Ces appellations proviennent d’une ancienne racine adoptée par
les Gaulois : base oronymique *gar- (variante de *car-, “roche”), élargie en *gar-g-
(Dauzat, Deslandes, Rostaing, même réf. ; Villoutreix, 1981, 65).
Sur certaines de ces hauteurs, des sites de défense ont pu être installés très
anciennement, et à d’autres âges réutilisés. Des localités en ont tiré parfois leur
appellation. GERGY ( Gergiaeo , en 561-592), en Saône-et-Loire, doit peut-être son nom
au radical *gerg - (variante de *garg~), suffixé en -iacum. Gérard Taverdet remarque
que le site présente une élévation (cependant assez modeste) ; “on pourrait penser que
GERGY a été un fortin sur la Saône, destiné à protéger la frontière des Eduens” (1983,
34). On a trouvé sur le territoire de la commune, dans la rivière la Saône, une série
d’objets datés de l’âge du Bronze, du I er et du II e âges du Fer (sans compter l’époque
mérovingienne), en particulier des armes (épées, pointes de lance) (Rebourg, 1994, 482-
483).
Gergovia, évoquée par César, qui y connut une défaite en 52 av. J.-C., était
l’oppidum principal des Arvemes ; elle paraît tirer son appellation du même thème
(Dauzat, Deslandes, Rostaing, 1978, 150). Le site est à identifier à celui du plateau
de Merdogne (sur la commune de La Roche-Blanche, à une dizaine de km au sud de
Clermont-Ferrand), pour des raisons archéologiques (les dernières fouilles de 1995-1996
confirment l’emplacement) (Guichard, 1998), mais aussi pour des raisons linguistiques.
Le nom de GERGOVIE donné au lieu est jugé moderne : c’est Napoléon III qui décida,
en 1865, après le succès des fouilles effectuées, de changer l’appellation - au demeurant
fort peu agréable - du village de Merdogne , situé sur le flanc sud du mont, pour celle
de Gergovie. Mais il faut ajouter qu’un toponyme Girgia ou Girgoia/Gergoia est attesté
depuis le X e siècle sur la pente sud-est du plateau ; “il peut avec vraisemblance dériver
d’une forme antique Gergovia ”. Une autre forme Gergobie est connue pour désigner
le même lieu, à partir du XIII e siècle (Archives de l’abbaye prémontrée de Saint- André
de Clermont). On voit toujours, au pied sud-est de la hauteur, le très ancien domaine
des Prémontrés, propriété agricole qui a transmis l’appellation de Grange, Domaine ou
Ferme de Gergovia (Dauzat, 1960, 197 ; Provost et Mennessier-Jouannet, 1994, 267 ;
Guichard, 1998, 30 ; Rousset et autres, 2001, 13, 14, 128-131, 180).
Du mobilier néolithique, puis hallstattien a été trouvé en abondance sur le site, “la
période la mieux représentée paraissant] recouvrir l’extrême fin de l’âge du Bronze”
(en particulier hache en bronze, et céramiques) (Provost et Mennessier-Jouannet, 1994,
280). L’ancienneté du radical *gerg- répond peut-être à l’ancienneté d’occupation du
lieu : vieille hauteur défensive. Elle développera tardivement un oppidum puissant de
70 hectares ; les archéologues notent “l’absence apparemment totale de vestiges datables
de la partie moyenne de l’âge du Fer, jusqu’à la fin du II e siècle av. J.-C.” (même réf.) :
époque de réoccupation gauloise des sites de défense, pour des raisons sécuritaires
mais aussi économiques. L’oppidum va être alors “densément peuplé” ; la famille de
Vercingétorix, en particulier, y résidera (le suffixe -ovia de Gerg-ovia est à tenir pour
celtique ; on en rapprochera les noms de Seg-ovia et Lux-ovium) (Hôlder, II, 894 ;
Degavre, 1998, 332).
César décrit GERGOVIE comme “située sur une très haute montagne, dont tous les
accès étaient difficiles” ( GG2 , VII/36, 161). Effectivement, le plateau représente une
hauteur (gerg-) très escarpée, avec une “pente impressionnante que les troupes romaines
| tentèrent | sans succès d’affronter”. “On n’a [...] aucune difficulté à comprendre
pourquoi le siège de cette ville [...] a échoué” (Guichard, 1998, 31 et 32).,
Nous évoquerons plus loin le cas de l’oppidum de Bibracte, à l’appellation
particulière.
2.3. Les nouvelles forteresses : type dununt
2.3.1. L'importance du toponyme
L’analyse précédente nous a montré qu’on assiste à partir du II e siècle av. J.-C.
et jusqu’à la fin de l’époque de La Tène à un mouvement très important de retour à
l’occupation des forteresses, d’abord développées lors de l’installation des Celtes en
Gaule. L’habitat dans les siècles suivants s’était de plus en plus disséminé dans les
campagnes, et bien des anciennes citadelles avaient vu leur rôle décroître ou disparaître.
Les historiens expliquent cette vogue nouvelle des habitats fortifiés pour des raisons
en partie économiques (Colin, 1998, 115): le développement des activités rendait
nécessaire le regroupement des forces vives de la nation, par trop dispersées, dans des
lieux fédérateurs (ce qui permettait aussi aux aristocraties montantes de mieux contrôler
les fabrications artisanales, les échanges commerciaux et les richesses dégagées) (sur cet
aspect économique, voir Kruta, 2000, 360). Mais il est sûr que des raisons sécuritaires
ont également joué (comment, sinon, expliquer qu’on ait installé en des lieux assez
incommodes d’accès des activités qui se seraient développées beaucoup plus aisément
sur des sites ouverts de plaine ?) (Fichtl, 2000, 161) (Jacques-Gabriel Bulliot, à propos
de la hauteur fortifiée de Bibracte, parle de “ces voies montueuses où une voiture vide
décourage un cheval”) (cité par Goudineau et Peyre, 1993, 26). Le climat d’insécurité
grandissant, avec des intrusions répétées de bandes armées, de nombreux Etats ont dû
être incités à abriter les biens et les personnes (Colin, 1998, 1 14).
Les Romains utiliseront le mot d 'oppidum pour nommer les agglomérations
fortifiées des Gaulois. Le texte des Commentaires atteste leur importance nouvelle en
Gaule : César emploie le terme pas moins de 133 fois (Buchsenschutz et Ralston, 1986,
386). Différentes appellations gauloises ont servi à désigner ces nouveaux lieux forts.
D’anciens noms en -briga ont pu être réutilisés, leur réemploi marquant peut-être le
mouvement de réinstallation sur des sites anciens. Des types variés, que nous venons
de passer en revue, ont été également employés, laissant des traces nettes dans notre
toponymie. Mais il est indiscutable que le modèle -dunon, latinisé en dunum , a été le
plus prolifique au cours des deux derniers siècles av. J.-C.
Soulignant ce dynamisme de création, on connaît du reste un composé Noviodimum,
“Nouvelle-Forteresse”, qui va fleurir dans le monde celtique continental (on trouve trace
de Noviodunum en Italie, en Slovénie, en Roumanie même) (Guyonvarc’h, 1974b).
César, dans La Guerre des Gaules , en cite trois différentes, indice de la fréquence
de ces toponymes chez les peuples gaulois : la Noviodunum des Suessions (11/13) ; la
Noviodunum des Eduens (VII/55) ; et la Noviodunum des Bituriges (VII/ 12 et 14), cette
dernière étant restée dans le nom de NEUNG-sur-Beuvron (Loir-et-Cher) ( Noodunum ,
en 990). JUBLAINS (Mayenne) s’est appelé jusqu’au III e siècle Noviodunum (nom
attesté chez Ptolémée). Aujourd’hui, nous trouvons également, issu du même composé,
NOUAN-le-Fuzelier (Loir-et-Cher) ( Noonno , en 1369) ; NY ON, à Ourouër (Nièvre)
(Nyo, en 1337), à Balleray (même département), et peut-être NYON, à Saint-Semin-
du-Plain (Saône-et-Loire) ( Nium , en 1225) ; enfin NIEUDAN (Cantal) ( Niodon , en
1297 ; Novodopnum , en 1357) (Guyonvarc’h, 1974b ; Nègre, 1990, 172, 174 ; Rebourg,
1994, 212, et Billy, 2001a, 26 ; Delamarre, 2003, 155). Le mouvement de création de
nouveaux sites fortifiés a pu se prolonger après la Conquête ; la ville de NYON, en
Suisse, dans le canton de Vaud ( Noviodunum , à l’époque romaine), sur une hauteur qui
domine le lac de Genève, a été fondée au tout début de l’époque gallo-romaine (Jaccard,
1906, 312 ; Bedon et autres, 1988, II, 187-188).
L’origine celtique du ternie -dunum est sûre : qu’on compare avec le vieil-irlandais
dun , “fort”, “forteresse” ; le gallois din , “fort” ; le vieux-breton din, “forteresse”
(Vendryes, 1996, D-222). Dunum a pu être employé seul (d’où nos DUN, DUNG), en
dérivation avec un suffixe (DUNEAU, DUNET), mais surtout en composition (la très
grande majorité des appellations ; or, ce type de formation nous garde habituellement
les formes les plus authentiquement gauloises, les plus anciennes). Nous rencontrons
aujourd’hui en France plus de 120 appellations de localités ou de lieux-dits issus de
l’ancien modèle gaulois (Nègre, 1990, 131, 150, 169-174). La très grande majorité de
ces noms se termine soit en -UN soit en -ON, par suite de la réduction du composant
(d)un(um) en position finale : telles DUN, EXOUDUN, LOUDUN, MELUN,
VERDUN. . ou AVERDON, BOUTHÉON, LYON, SION, VERNON. . . On trouve les
toponymes répartis sur une grande partie de la France (dans environ 55 départements)
(fig. 21, pour les noms de communes) ; (voir aussi cartes dans Rix, 1954, 103, et Billy,
1995a, 125). Nous remarquons que ces noms sont cependant très peu présents, voire
absents, en Haute-Normandie et dans le Nord-Pas-de-Calais (qui gardent pourtant bien
d’autres appellations d’origine gauloise). Les Gaulois Belges vivaient dans les régions
citées ; or, on constate que les grands sites fortifiés ont été nettement moins importants
chez eux qu’ailleurs en Gaule, même s’ils ont existé (“En Gaule Belgique, les sites qui
peuvent répondre au nom d’oppidum sont en fait très peu nombreux”) (Fichtl, 1994, 15).
Sauf en ce qui concerne les Suessions et les Bellovaques, bien pourvus de places fortes,
César n’emploie pas le terme d’oppidum pour les Belges ; il précise même explicitement
à propos des Eburons et des Ménapes qu’ils ne possédaient pas d’oppida (même réf.).
2.3.2. Des sites de hauteurs
Comme pour l’ancien type briga, les toponymes en dunum se montrent le plus
souvent liés à des sites de hauteurs : la protection était recherchée par l’élévation.
• Eminences
Des noms de hauteurs en France tirent leur appellation de dunum gaulois ; parmi
ces oronymes, nous trouvons la Montagne de DUN (Saône-et-Loire) et le Mont DONE
(Nièvre) ; également le Mont TOURVÉON (Rhône) et le Mont DONON (Bas-Rhin).
(V ne l urent pas de simples éminences naturelles, mais bel et bien des lieux fortifiés
(même s’ils n’ont pas développé des sites urbains). La Montagne de DUN (708 m), à
La Clayette (Saône-et-Loire), se trouve entourée de localités qui viennent souligner son
rôle central dans le paysage (et sa possible utilisation stratégique, jadis) : La Chapelle-
sous-DUN, Chassigny-sous-DUN, Mussy-sous-DUN, Anglure-sous-DUN et DUN, à
Saint-Racho. Le Mont DONE (513 m), à Luzy (Nièvre), est un site d’éperon ; les fouilles
montrent qu’il “a été barré à l’ouest par une levée de terre, doublée sur sa face extérieure
d’un mur en grand appareil” (Bigeard, 1996, 181). Le Mont DONON (1 009 m), à
Grandfontaine (Bas-Rhin), ancien sommet de refuge, aurait été le “siège d’un habitat
permanent fortifié de La Tène” (Deyber, 1984, 226). Les archéologues ont montré sur
l’éperon l’existence d’une enceinte destinée à protéger le site : rempart avec levée de
terre et blocs de pierres (Mantz et Hatt, 1988, 13-14). Enfin, le Mont TOURVÉON
(953 m), à Chénelette (Rhône), doit son appellation à un antique *Tolvedunum ou
*Tahedunum, composé dont la seconde partie renferme le modèle dunum. Le rôle
prolongé de ce site central de défense expliquerait qu’il ait donné naissance à un pagus
Talvedunensis, ou Tolvedonensis, pays de TOURVÉON, mentionné vers 880 (extrémité
sud-ouest du Maçonnais) (Devaux, 1898, 28 ; Longnon, 1912, 92 et 95 ; 1920-1929, 32 ;
Vurpas et Michel, 1997, 29 ; Fénié, 2000, 313). Au sommet du mont, le touriste peut
voir les ruines du château fort de TURVÉON ou TORVÉON, attribué par la légende à
Ganelon (le chevalier félon de La Chanson de Roland qui trahit son compagnon d’armes
Roland) (Michelin, 1989, 53). On peut penser que plus anciennement le site a abrité un
habitat fortifié gaulois ; pour Anne-Marie Vurpas et Claude Michel, le “TOURVÉON
[...] représente un oppidum disparu” (même réf., 29).
• Composés soulignant le rôle des hauteurs
Le lien à la hauteur des toponymes en dunum se montre évidemment par la relation
avec des sites d’éminences (collines, plateaux, éperons, buttes-témoins...). Elle est
également soulignée dans des appellations dénotant cette caractéristique.
Fig. 21 - 101 noms de communes issus du gaulois *DUNON (d'après Ernest Nègre, Toponymie
générale de la France).
Le nom de MONTVERDUN, commune de la Loire ( Mons Verdunus, en 970)
(Nègre, 1990, 172), associe élément gaulois ancien et élément roman. Sur l’éminence
volcanique de MONTVERDUN, en forme de butte, a été installé au VIII e siècle un
monastère fortifié (“hautes murailles percées de meurtrières, tour crénelée”) ; il a dû
remplacer (et masquer) un site plus ancien de citadelle gauloise, sur le territoire des
Ségusiaves (Michelin, 1989, 128-129).
Dans le Sud-Ouest, trois autres localités montrent un nom en dunum également
hybride: MONTLAUZUN, dans le Lot ( Monte Lauduno, en 1178); (Nègre, 1990,
174) ; MONLEZUN et MONLEZUN-d’ Armagnac, dans le Gers, formées sur le même
modèle ; toutes trois soupçonnables d’avoir clé des places tories, respectivement chez
les Cadurques, chez les Ausques et chez les Elusales. La seconde de ces localités,
MONLEZUN (canton de Marciac), est implantée “sur un site [...J très caractéristique :
le village actuel est au pied d’une haute colline supportant les restes d’un château féodal,
mais cet emplacement était certainement utilise à date très ancienne” (Ravier, 1978,
122).
En Haute-Marne, juste à l’ouest de Chaumont, nous trouvons aussi MONTSAON
(Montion, en 1101 ; Mons Syon, en 1145, ancien *Sego-dunon ) (Taverdet, 1986d, 40).
C’est à 600 m au nord-ouest du village que s’élève la colline de Mont- SAON. Un plateau
la couronne, dénommé Camp de César , en fait très vraisemblablement site d’oppidum,
des “ouvrages de fortification” semblant avoir barré l’extrémité de chaque éperon (levée
de terre et fossé) (Thévenard, 1996, 257-259).
Certains toponymes peuvent également avoir été formés de l’élément dunum et d’un
appellatif gaulois (celtique ou préceltique) désignant une hauteur.
Le thème *bal-, “hauteur”, (préceltique pour certains linguistes, celtique pour
d’autres : gallois bal , “mamelon”) (Degavre, 1998, 76) semble se reconnaître dans
BALAN (Ain) (. Balaon , en 1187) : on a dû avoir “à l’origine un village fortifié” (sur
la colline de Mercour, où ont été trouvées des monnaies) (Vurpas et Michel, 1999,
94 ; Buisson, 1990, 110) ; la même explication peut valoir pour BALAZUC (Ardèche)
( Baladuno , en 1275) (Dauzat et Rostaing, 1978, 48).
Le gaulois *barro-, “sommet”, pourrait être présent dans BARZUN (Pyrénées-
Atlantiques) ( Barzunum , en 1286, “Forteresse-du-Sommet”) (Nègre, 1990, 173) (nous
éliminerons par contre Le Bardon, Loiret (cité par Nègre, 1990, 170) : le site est
entièrement plat).
Il aurait existé - face au latin serra - un thème celtique *serr- désignant une “serpe”
et au sens figuré une “hauteur allongée”, une “crête dentelée” (à rapprocher du vieil -
irlandais serr, “faucille”, “faux”, et du vieux-gallois serr, “faucille”, “serpe”) (Degavre,
1998, 375 ; Delamarre, 2003, 272) ; combiné avec l’élément gaulois dunum, il serait à
l’origine du nom de SERRES (Hautes-Alpes) ( Cerredum , en 988) (Nègre, 1990, 174).
ÉPERNON, localité de l’Eure-et-Loir, a installé ses rues sinueuses sur la pente
d’une colline : site ancien d’éperon rocheux (Michelin, 1979, 79-80). Elle est nommée
Espamonium vers 1120, Sparnone, vers 1200; Ernest Nègre y voit une ancienne
*Spamo-dunum : “Forteresse-de-l’Eperon”. Un gaulois *sparno-, “épine”, attesté dans
des noms de lieux, aurait été employé pour désigner un éperon (1990, 170).
TOURDUN, dans le Gers, pourrait devoir son appellation à un composé *Tumo-
dunum (ou Turro-dunum ?) ayant désigné une “Forteresse-de-la-Hauteur” (prélatin
lu ni o- (ou turro- ?) (Dauzat et Rostaing, 1978, 681) ; on trouve la localité établie “sur
une hauteur dominant la rivière du Boués” (Ravier, 1978, 122).
Enfin, le gaulois uxello-, “élevé”, “hauteur” (qu’on a rencontré précédemment à
l’origine de noms de lieux), s’étant associé à l’élément dunum, est à l’origine d’une série
de toponymes : EXOUDUN, dans les Deux-Sèvres ( Exuldunus , en 872), jadis chez les
Pictaves ; ISSOUDUN, dans l’Indre ( Uxelodunum , en 984), sur l’antique territoire des
Bituriges ; et ISSOUDUN-Létrieix, dans la Creuse (Exolduni, au XII e siècle), autrefois
chez les Lémoviques (Nègre, 1990, 172 ; Lebel, 1962, 180). Elles ont toutes désigné
des “Hautes-Forteresses” : “La tradition protohistorique [...J fait de l’habitat fortifié de
hauteur l’expression naturelle de la puissance du groupe social”, souligne Anne Colin
(1998, 120). Cette puissance s’exprime évidemment par le nom. L’archéologie n’a pas
(encore) révélé dans les localités citées de forteresses gauloises. Pour Puy-d’ISSOLUD,
à Vayrac, dans le Lot ( Uxelloduno , en 935), il en va autrement : ce site de hauteur,
dont les falaises surplombent la vallée de la Dordogne, doit être reconnu comme celui
de l’oppidum cadurque d'Uxellodunum évoqué dans La Guerre des Gaules (VIII/32-
44), lieu du dernier grand affrontement des Gaulois contre les légions (on sait que,
poursuivis par les légions romaines, les chefs gaulois Drappès et Luctérios, suivis d’une
troupe armée de 5 000 hommes, s’enfermèrent dans le refuge de la “Haute-Forteresse”).
Le consul Hirtius évoque cette “place” [ oppidum dans le texte latin] qui “était de tous
côtés défendue par des rochers à pic, dont l’escalade eût été difficile à des hommes
armés, même en l’absence de tout défenseur” (GG2, VIII/33, 209). Le lien linguistique
a été clairement établi : pour Albert Dauzat, “Issolu [...] est, suivant la phonétique
du Quercy, l’aboutissement exact d'Uxellodunum” ; l’auteur reconstitue un schéma
“ Uxello-dunum>*Uisseloü(n)>Issolu (n final tombe en langue d’oc à l’ouest du Rhône).
L’argument toponymique et phonétique est irréfutable” (1949). Mais les atermoiements
continuaient sur l’identification. Les doutes viennent d’être définitivement levés par le
résultat des fouilles de Jean-Pierre Girault. Sur les flancs de la hauteur fortifiée, ont été
retrouvés “plus de 700 flèches, 69 pointes de traits de baliste, d’innombrables pierres de
catapulte, des pointes de javelot, des clous de chaussures de légionnaires, des morceaux
de bois brûlé (datés au carbone 14 des années 50 av. J.-C.), restes probables de la tour
d’assaut romaine incendiée par les défenseurs” gaulois (Giron, 2001 ; Girault, 2002).
Il est très probable qu’ESSALOIS (à Chambles, dans la Loire), site d’un oppidum
gaulois de 21 ha qui surplombait la Loire de 100 m, doive son nom au même modèle
Uxellodunum : le lieu est nommé Essaluyn en 1294 (Dufour, 1946, 309 ; Preynat, 1992 ;
Lavendhomme, 1997, 79-83).
• Absence de hauteurs
Si la plupart des noms en dunum correspondent bien à des lieux de hauteurs, dans
quelques cas, qui doivent retenir notre attention, nous rencontrons des sites de plaine.
MELUN, en Seine-et-Mame - Metlosedum, et Melodunum , Mecledone au I er siècle av.
J.-C. (Nègre, 1990, 173), - était “une place des Sénons [oppidum], située dans une île
de la Seine” (GG2, VII/58, 174) : protégée donc par les bras du fleuve. VERDUN-sur-
le-Doubs, dans la Saône-et-Loire ( Virdnum , au IX e siècle), fut également un oppidum
insulaire, fondation éduenne installée sur Vile du Château, enserrée des deux bras du
Doubs. Un fortin, puis un château féodal succéderont à l’oppidum celtique (Rigault,
2008, 764 ; Joannelle, 1977, 88-89, et carte 3 ; Rebourg, 1994, 488-490, avec plan).
Sur l’ancien territoire gaulois des Helvètes, YVERDON ( Eburodunum , Ebrodunum, à
l’époque romaine) a également été une agglomération de plaine, protégée de plusieurs
façons : par les eaux du lac de Neuchâtel et l’embouchure de la Thièle, par les cordons
littoraux et par les marécages de la plaine d’Orbe (Jaccard, 1906, 5*31 ; Curdy et Kanael,
1991 ; Kruta, 2000, 872-873). Nous passerons sur le cas de Tours /Caesarodunum, fondée
sur un site plat, mais dont la création et le nom datent d’après la Conquête (d’autres
exemples de dunum gaulois de plaine sont donnés par P.-M. Duval, 1989, 91-92).
Ces différents cas nous montrent qu’un environnement particulier pouvait assurer, en
dehors des hauteurs, une défense à un site de type dunum. Il semble donc bien que cet
appellatif - communément mais pas nécessairement lié à une éminence - servit d’abord
à définir une site fortifié avant de désigner une hauteur (Guyonvarc’h, 1963c, 364). Le
Glossaire de Vienne, il est vrai, donne au mot dunum la traduction de hauteur (“Dunum
enim ‘montem’”) (Dottin, 1920, 213). Mais le commentaire, qui date sans doute du
V e - VII e siècle apr. J.-C., peut avoir recueilli un sens tardif du mot : la très grande
majorité des sites fortifiés ayant été implantés sur des éminences, dunum n’aurait-il
pas fini par prendre ce sens ? Paul Lebel pense que le “terme dunum n’a pas signifié
à l’origine “hauteur, montagne” comme le croient encore certains chercheurs” (1962,
173). Pour Christian Guyonvare’h, dunum a subi à basse époque un transport de sens
(1963c, 364) ; il ne fait pas de doute que “le sens de colline est dérivé et secondaire” ;
la signification de base devait être celle de “forteresse”, d’“enceinte fortifiée” : “c’est
le mot qui traduit le latin oppidum ” (Le Roux et Guyonvarc’h, 1986, 384). Pour Xavier
Delamarre aussi, “le Glossaire de Vienne [...] indique bien l’évolution métonymique
d’un sens initial : « zone enclose, citadelle, fort » à « mont, colline, hauteur »” (2003,
155). Nous nous approchons du vrai sens du mot.
2.3.3. Des sites de défense
• Appellations hybrides
L’aspect défensif des sites appelés dunum se perçoit de façon nette au travers
d’appellatifs qui se sont parfois ajoutés au nom primitif. Ils peuvent confirmer le rôle de
forteresse antique que l’archéologie n’a pu révéler.
Plusieurs formes anciennes des toponymes font paraître un latin castrum , “camp
fortifié”, “fort militaire” (installations d’après Conquête, mais qui ont dû réutiliser des
sites défensifs préexistants) : BÉZAUDUN, à Varages (Var), est dénommé Besalduni
Castro en 1096 ; DUN-sur-Meuse (Meuse), castrum Duni, en 1065 ; VERDUN (Aude),
castrum Verdu, en 1162 ; YSSANDON (Corrèze), Issandone Castro, en 572, etc. (Nègre,
1990, 173, 150, 172 ; Lintz, 1992, 58 et 200).
On remarque aussi sur le terrain une proximité assez fréquente entre les toponymes
issus du modèle gaulois dunum et des appellations romanes du type Le Châtelet, Le(s)
Châtelier(s), Le Châtelard, etc., désignant des sites militaires de défense. Ainsi -
parmi des exemples assez nombreux - trouve-t-on sur la commune d’ARDIN, dans les
Deux-Sèvres ( Areduno , au VII e siècle), un lieu-dit Le Châtelier (Hiernard et Simon-
Hiernard, 1996, 102-103) ; à CERVON, dans la Nièvre ( Cervedunum , au VI e siècle ; et
Cervidunum, en 843), un lieu-dit Le Châtelet (Nègre, 1990, 171 ; Bigeard, 1996, 83) ; et
à RHODON, dans le Loir-et-Cher (Rausidonem, au VI e siècle), une Ferme du Châtelet
(Nègre, 1990, 171 ; Provost, 1988b, 98-99).
Ce n’est pas hasard si de nombreux châteaux forts et villages fortifiés se repèrent
aux lieux d’anciens dunum : les mêmes sites - par leur position privilégiée - serviront
pendant tics siècles à la défense (ce qui rend très difficile la reconnaissance archéologique
des subsbuclions antiques, recouvertes ou détruites). Très révélatrices, donc, sont les
appellations doubles mariant substrat gaulois et strate romane : LE BOURDEIX, en
I Dordogne, est nommé Bore Deu, en 1285 ; et de Burgo Ageduno, en 1299 ; on reconnaît
à côté du gaulois *Agedodunum l’occitan bore, “faubourg fortifié” (Nègre, 1990, 173).
La Bâtie- VERDUN, à Saint-Sauveur, dans la Drôme, est clairement appelée Bastida de
Verduno, en 1294 (Nègre, 1990, 172). CHÂTEAUDUN, en Eure-et-Loir, a combiné
son gaulois dunum à un latin castrum, “camp fortifié” ( Castrodunensi , en 573), puis
à une forme castellum, “village fortifié”, d’où la forme moderne où “le premier terme
traduit le deuxième” (Nègre, 1990, 174). On peut évoquer, de façon voisine, Château-
VERDUN, en Ariège, Castriverduni en 1230, et Castelverdu en 1244 (même réf., 172) ;
et Château-LANDON, en Seine-et-Marne, ancienne *-dunum, appelée au IX e siècle
Castra Nantonense, et Chetiaulandon en 1260 (Mulon, 1997, 39-40). Les dunum ont
bien représenté des sites fortifiés.
• Les emplacements stratégiques des forteresses
Quadrillant les territoires
Excepté en quelques zones (en particulier dans l’ancienne Gaule Belgique), les noms
en dunum qui nous sont demeurés donnent sur la carte l’image d’un tissu assez serré de
places fortes : sur certains secteurs, on semble avoir affaire à un véritable réseau (encore
doit-on penser que bien des noms existant jadis ont été éliminés).
Prenons l’exemple de deux peuples gaulois qui paraissent avoir quadrillé leur
territoire de ces nouvelles places fortes.
Sur l’ancien secteur des Bituriges, nous repérons, autrefois dans l’ouest de leur
Etat, aujourd’hui dans le département de l’Indre : DUN-le-Poëlier ( Duno , aux VI e -
VIP siècles) ; DUNET (Dunensis, à l’époque carolingienne) ; ISSOUDUN ( Uxelodunum ,
en 984) ; MEHUN-sur-Indre ( Muhen , au XIII e siècle). Dans l’est du même territoire,
aujourd’hui département du Cher, nous rencontrons, du nord au sud, MEHUN-sur-
Yèvre ( Maidunus , en 820) ; DUN-sur-Auron ( Dunensi , en 880) ; VESDUN ( Vidunum
ou Vesdunum, vers 1100) (Nègre, 1990, 150, 172-174 ; Chambon et Greub, 2000, 149).
Autant d’indices de puissance armée, et de souci défensif aiguisé.
Un autre grand peuple gaulois, les Eduens, n’était pas en reste. Dans la Nièvre (ouest
de leur ancien territoire), nous trouvons DUN-sur-Grandry {Dunum, en 1287) ; DUN-
les-Places ( Dunus , au XIV e siècle), dont l’oppidum primitif a dû être situé au hameau
de Vieux-DUN (Taverdet, 1987, 16) ; Le Fou-de-VERDUN, à Lavault-de-Frétoy
(Lebel, 1962, 181) ; aussi ACHUN ( Scaduno , en 1130) ; et le Mont DONE (à Luzy)
(Nègre, 1990, 150, 173). Dans la Saône-et-Loire (est de leur ancien territoire), nous
relevons NYON ( Nium , en 1225), à Saint-Semin-du-Plain (Guyonvarc’h, 1974b, 80-81 ;
Rebourg, 1994, 212 ; Billy, 2001a, 26) ; BRANCION, à Martailly {Brancedunense,
en 926) ; VERDUN-sur-le-Doubs {Virdnum castrum, au IX e siècle) ; et VERDIN, à
Montagny-près-Louhans ; SUIN ( Sedunum castellum, en 945) ; et la Montagne de DUN,
à La Clayette ; tout proche, DUN, à Saint-Racho {Dunensi, en 954-960) (Rigault, 2008,
524, 86, 764, 706, 268) ; nous avons éliminé d’autres noms, trop discutés. “Les Eduens,
souligne Camille Jullian, avaient multiplié les places fortes : tout promontoire saillant,
tout mont isolé était devenu dans leur empire un lieu de garde ou de menace” (II, 1909,
536-537). Belle remarque qui vaut sans doute pour bien d’autres territoires d’Etats
gaulois, quadrillés jadis par les noms en dunum des sites fortifiés.
Sur les axes de passage
Rivières
Il n’est pas rare que les noms issus du type dunum se montrent associés à des
voies d’eau. La proximité des rivières a pu être un facteur présidant à l’installation
des forteresses : soit que les eaux aient procuré une défense au site (cas étudié
précédemment), soit que les rivières aient porté des embarcations, et qu’il fallût
contrôler le transport fluvial ; soit que leurs vallées aient mis en communication des axes
différents de peuplement, dont on devait surveiller les mouvements.
L’oppidum de VERDUN (Meuse) {Virodunum, au III e s.) s’est posé sur un
promontoire dominant la vallée de la Meuse (Burnand, 1990, 38). VERDUN et Château-
VERDUN (Ariège) {Castello Virduno , 1182) se sont installés sur des hauteurs proches
de la rivière l’Ariège. La Bâtie- VERDUN (Drôme) {Bastida de Verduno , 1294) a niché
non habitat au-dessus de la Drôme. VERNON (Eure) {Vernum, 1027-1031) se trouve
sur un site en bordure de Seine, comme MEUNG-sur-Loire (Loiret) {Magdunense,
651), en bordure de Loire. “Le lieu de peuplement le plus ancien” d’AHUN (Creuse)
( Acitodunum , IV e s., sur la Table de Peutinger) “se douve au Camp de César, dominant
la rive gauche de la Creuse” ; on y a découvert des fragments d’amphores de type
Dressel IA (Dussot, 1989, 46).
Parfois le toponyme en dunum correspond à un site de confluent. Le lieu-
dit CALEZUN, à Condom (Gers) (ancien * Cala-dunum ), se repère “sur un site
caractéristique, au confluent de deux petites rivières, en un endroit facile à défendre”
(Ravier, 1978, 122). DUN-sur-Auron, dans le Cher ( Dunensi , en 880), aurait possédé
un oppidum de 16 hectares occupant “tout le plateau situé au confluent de l’Auron et du
Taisseau” (Chevrot et Troadec, 1992, 219). TOURDUN, dans le Gers (supposé *Tumo-
dunum ou *Turro-dunum), a été implanté “non loin du point de confluence de la vallée
du Boués [...J et de celle de l’Arros” : au point de jonction de deux axes différents de
vie (Ravier, 1978, 130). Enfin VERDUN-s ur-le-Doubs, en Saône-et-Loire ( Virdnum
castrum, au IX e siècle), a été un oppidum typique de confluence : “remarquable
carrefour de communication”, au lieu de “triple confluent de la Saône, de la Dheune et
du Doubs” (Joannelle, 1977, 88, et carte 3 ; Rebourg, 1994, 488, et carte, 489 ; Billy,
2001a, 27 ; Rigault, 2008, 764).
L’idée de la présence de l’eau - et de son importance stratégique - a pu s’ancrer dans
les appellations : certains toponymes se sont formés à partir d’un nom en dunum lié au
nom du cours d’eau que la place forte dominait. Dans l’Oise, la localité de COUDUN tire
son appellation en -DUN de l’oppidum du mont Ganelon, hauteur voisine et lieu primitif
d’établissement (dont le site, remarquable, attend toujours une fouille scientifique). Sa
“longue et haute butte dominfait] le confluent de l’Oise, de l’Aisne et de l’Aronde”
(Woimant, 1995, 213). Le toponyme pourrait souligner l’importance stratégique de ces
eaux : COUDUN provient d’une forme Cosdunum , attestée en 657 ; on reconnaîtrait
dans le premier élément une “racine hydronymique prélatine *cos- (à l’origine des noms
de rivières du type Couze, Coise, etc., de l’Est et du Centre)” ; “COUDUN pourrait
ainsi représenter ‘la citadelle de la rivière’” (Lebègue, 1994, 74) (Xavier Delamarre y
voit cependant une ancienne *Coslodunum, “Citadelle-du-Noisetier” ; information à
l’auteur).
Routes
Des routes terrestres antiques sont souvent signalées à proximité des sites comportant
un nom issu du modèle dunum (comme aux abords de ceux dont l’appellation remonte
au type briga ), preuve que les forteresses gauloises avaient un rôle de protection et de
surveillance des voies de circulation.
Parmi beaucoup d’exemples, citons : LE BOURDEIX, en Dordogne (de Burgo
Ageduno , en 1 299), qui aurait été traversé par la voie Périgueux-Poitiers (Gaillard, 1997,
79) ; ou MAUZUN, dans le Puy-de-Dôme (Magdunio, en 1207), qui aurait vu passer un
chemin antique au pied de sa butte (Provost et Mennessier-Jouannet, 1994, 1 87). La voie
antique du mont Beuvray à la vallée de la Saône nous montre une même route jalonnée
de forteresses : elle “pass[ait] sur les pentes orientales de l’oppidum du Mont DONE”,
et après Tou lon-sur- Arroux et Charolles, “au-delà de La Clayette, conduisait] à la
Montagne de DUN, authentique oppidum gaulois. Au pied de cette colline passfait] la
voie de Suin [autre dunum ] à Roanne : DUN se trouvait donc à un croisement de pistes”
(Thévenot, 1969, 292).
Le site en dunum pouvait correspondre à un lieu de bifurcation de plusieurs itinéraires.
L’oppidum de MONTSAON, en Haute-Marne (à Semoutiers-MONTSAON), était ainsi
dans une “situation privilégiée” : son plateau du Mont-S AON (Mons Syon, en 1 145)
“dominait et contrôlait un carrefour important de voies romaines : celle de Langres à
Bar-sur- Aube [...] et celle de Blessonville à Soulosse” (Thévenard, 1996, 258). De
même façon, l’oppidum de SUIN, en Saône-et-Loire ( Sedunum ccistellum, en 945), sur
la Montagne de SUIN qui surplombait tous les environs, “était placé à une bifurcation
de voies” : permettant d’aller vers Belleville, Autun, Roanne, Tournus (Rebourg, 1994,
381 ; Thévenot, 1969, 241-243).
Nous trouvons aussi le cas de sites en dunum où se repèrent à la fois des voies fluviales
et des voies routières. CHATEAUDUN (Eure-et-Loir) dominait le Loir et surveillait les
routes venant du Mans, d’ Allâmes et de Meung-sur-Loire (Ollagnier et Joly, 1994, 194).
ÉPERNON, dans le même département, était installé à un lieu de croisement de voies
d’eau (confluent double Drouette, Guesle, Guéville) mais aussi de croisement de voies
terrestres (itinéraire de Chartres à Lutèce ; de Dreux à Corbeil) (même réf., 275 ; Nègre,
1990, 170). VERDUN, au-dessus de la Meuse, contrôlait la voie de Reims à Metz, qui
“contournait sur trois côtés” l'oppidum (Toussaint, 1946, 190). Enfin, VERDUN-sur-le-
Doubs, évoqué plus haut, était un carrefour aussi bien fluvial que routier : rencontre du
Doubs, de la Saône et de la Dheune ; mais aussi de routes terrestres venant de Chalon,
Besançon, Poligny... : voie du Jura, voie du Morvan, voie du Beaunois (Rebourg, 1994,
58-59 ; 488-490).
Dans tous ces cas, il y a eu “la volonté évidente de surveiller les axes de passage”,
une des missions de défense des sites fortifiés (Bertrandy et autres, 1999, 68).
Aux frontières
Plus de 30 % des toponymes issus du modèle dunum se montrent dans des zones
proches des anciennes frontières des Etats gaulois ; voilà qui souligne le caractère
éminemment défensif de ces établissements. Faute de pouvoir citer tous les cas, nous
nous contenterons d’exemples variés pris à travers l’Hexagone.
Dans la partie nord du pays, nous trouvons, proches de la frontière d’anciens peuples
gaulois : AVERDOINGT (Pas-de-Calais), jadis chez les Atrébates, près de la limite des
Morins ; VERNON (Eure), chez les Véliocasses, près de la limite des Eburoviques et
des Camutes ; MÉDAN (Yvelines), chez les Camutes, près de la limite des Véliocasses ;
COUDUN (Oise), à la frontière des Suessions et des Bellovaques ; VERDON (Marne),
à la frontière des Suessions et des Catalaunes, non loin des Tricasses ; DUN-sur-Meuse
(Meuse), à la frontière entre Médiomatriques et Rèmes, près des Trévires ; le Mont
DONON, au point de contact entre Médiomatriques, Triboques et Leuques.
Dans le Centre, nous repérons également DUN, à Saint-Aignan-Grandlieu (Loire-
Atlantique), près de la limite entre Pictaves et Namnètes ; AUTHON (Loir-et-Cher),
près de la limite entre Turons et Camutes, comme Saint-Julien-de-CHÉDON ; LADON
(Loiret), non loin de la limite entre Sénons et Carnutes ; DUNET (Indre), non loin de la
limite entre Bituriges et Lémoviques ; OUDUN, à côté de Joux-la-Ville (Yonne), près
de la séparation entre Sénons et Eduens ; VERDUN-sur-le-Doubs (Saône-et-Loire), sur
la frontière est du territoire éduen, près des Séquanes ; BRANCION (aussi Saône-et-
Loire), à côté du lieu-dit CHAMARANDE, vers la limite sud-est du même territoire,
proche des Ambarres ; la Montagne de DUN (même département), à la limite sud entre
Eduens et Ségusiaves. Aussi BALAN (Ain), chez les Ambarres, proche de la frontière
des Ségusiaves ; et ARDON, à Châtillon-en-Michaille (également dans l’Ain), tout
proche de la frontière entre Allobroges et Séquanes.
Enfin, en allant vers le sud, Puy-d’ISSOLUD, à Vayrac (Lot), au nord du territoire
des Cadurques, non loin de la frontière avec les Lémoviques ; GAVAUDUN (Lot-
et-Garonne), chez les Nitiobroges, près des Pétrocoriens ; VERDUN, à Saint-Préjet-
d’ Allier (Haute-Loire), près de la séparation entre Gabales et Vellaves ; La Bâtie-
VERDUN, à Saint-Sauveur-en-Diois (Drôme), non loin de la limite entre Ségovellaunes
et Voconces. Egalement ARDUS, à Lamothe-Capdeville (Tarn-et-Garonne), près de la
frontière entre Cadurques et Volques Tectosages ; TOURDUN (Gers), non loin de la
frontière entre Ausques et Bigerrions ; et BARZUN (Pyrénées-Atlantiques), non loin de
la séparation entre Vénarnes et Bigerrions, etc. (pour les formes anciennes correspondant
à ces toponymes en dunum, voir Nègre, 1990, 131, 150, 169-174).
Un des rôles des dunum semble donc bien avoir été de concentrer des populations
civiles et militaires au pourtour des Etats. Il ne s’agissait plus, comme dans les
premiers temps de l’installation (anciennes briga ), d’asseoir l’autorité sur un pays tout
en protégeant ses ressortissants celtes ; il fallait maintenant défendre l’intégrité d’un
territoire conquis, sur des frontières officiellement déclarées, et protéger ses richesses
contre les Etats voisins et contre les groupes étrangers.
• Noms suggérant la puissance des forteresses
L’orgueil de certaines appellations est à mettre en rapport, peut-être, avec le rôle
militaire des forteresses. Il semble que la puissance ait voulu s’afficher, s’affirmer, face
à l’adversaire potentiel.
On trouve un ensemble de places fortes surnommées la “Grande-Forteresse”. La
grandeur est ici sans doute moins un caractère physique qu’un trait moral. Magio-,
“grand”, “puissant”, explique MÉDAN (Yvelines) ( Magedon , au IX e siècle), comme
MAGDEN, en Suisse ( Magaduninse , en 804) (Delamarre, 2003, 213 ; Nègre, 1990,
170 ; Kristol, 2005, 560-561).
Ollo-, “grand” (qu’on retrouve dans le vieil-irlandais oll , “grand”, “vaste” ; le moyen-
gallois et gallois holl, le breton holl, “tout”, “grand”, “entièrement”), explique OLENDON
(Calvados) ( Olendun , en 1257) et OUDUN, à Joux-la-Ville (Yonne) ( Uldunum , en 875)
(Degavre, 1998, 327 ; Delamarre, 2003, 241 ; Nègre, 1990, 170 et 174).
Ver(-o)-, préfixe à valeur intensive, méliorative (présent dans le nom de
VERCINGÉTORIX, le “Grand-Chef-des-Guerriers”), paraît à l’origine du modèle
Vero-dunum, “Super-Forteresse” (Billy, 2011, 563); on ne peut accepter un nom
d’homme *Vero, qui se retrouverait étrangement dans toute une série de localités sises
sur des hauteurs fortifiées (explication de Dauzat et Rostaing, 1978, 706 ; Billy, 1981,
303), ni un composé signifiant bizarrement le “Fort-des-Hommes” (selon Lambert,
2003, 184). Que VERDUN, Meuse ( Virodunum , au III e siècle), fort militaire de la
Première Guerre mondiale, ait déjà été à l’époque gauloise une place forte (oppidum des
Médiomatriques), étonne, bien sûr (sur ce lieu, voir Toussaint, 1946, 190-205 ; Burnand,
1990, 38) ; mais cela prouve finalement la pérennité des sites militaires stratégiques,
pour beaucoup déjà repérés et utilisés à l’époque gauloise (“Les Gaulois ont fait preuve
d’une élude intelligente de leur contrée, d’un emploi judicieux de ses ressources
mililaires”, souligne Camille Jullian) (II, 1909, 217). L’appellation générique de Vero-
diminn s’étant appliquée à bien d’autres forteresses, on trouve en France toute une
série de VERDUN (autre sujet d’étonnement) : dans l’Ariège (VERDUN et Château-
VERDUN) ; dans l’Aude ; dans l’Aveyron (à Quins) ; dans la Dordogne (à Périgueux) ;
dans la Drôme (La Bâtie- VERDUN, à Saint-Sauveur-en-Diois) ; dans le Doubs (non
situé) (Longnon, 1920-1929, 29) ; dans l’Eure (à Guernanville, et à La Vacherie) ; aussi
dans l’Hérault (à Saint-Guilhem-le-Désert) ; dans l’Isère (à L’Albenc) ; dans la Haute-
Loire (à Saint-Préjet-d’Allier) ; dans la Saône-et-Loire ; dans la Savoie (à St-Thibaud, à
Cruet, à Aigueblanche) ; dans la Seine-Maritime (au Héron) ; dans le Tam-et-Garonne
(Nègre, 1990, 172; de Beaurepaire, 1979, 5). On peut y ajouter MONTVERDUN
(Loire) ; Le Fou-de-VERDUN (Nièvre, à Lavault-de-Frétoy) où a été repéré un éperon
barré ; VERDON (Marne) et VERDIN (Saône-et-Loire, à Montagny-près-Louhans) ;
et peut-être LIVERDUN (Meurthe-et-Moselle) ( Liberdunum , en 894, issu d’un modèle
*Lugu-vero-dunum ?), lieu d’un possible oppidum dominant la Moselle (Longnon,
1920-1929, 29-30 ; Nègre, 1990, 172 et 169, avec formes anciennes ; Gros, 1935, 491 ;
Joannelle, 1977, 88 ; Lebel, 1962, 181) (Fig. 22).
Nous trouvons aussi dans les dunum gauloises des “Bonnes-” ou ‘T)ignes-
Forteresses” : *Visu-dunum, d’où VÉZÉZOUX (Haute-Loire) ( Vesedoni , au XI e siècle)
(Nègre, 1990, 170). LADON (Loiret) serait selon Ernest Nègre une “Forteresse-des-
Héros” : *Lati-duiium ( Ladun , en 1131-1138) (même réf., 170). On verra, au chapitre
suivant, plusieurs exemples de “Citadelles-Fortes” ou “Victorieuses” : BOUTHEON
(Loire), SUIN (Saône-et-Loire), SION (Haute-Savoie)... “ Les oppida manifestaient]
de façon toujours plus ostentatoire leur puissance” (Colin, 1998, 120) ; les noms que
nous avons gardés en témoignent encore.
Enfin, l’aspect guerrier des forteresses a pu être souligné par des noms d’armes
qu’on paraît reconnaître dans certains composés en dunum. GAVAUDUN, dans le
Lot-et-Garonne, semble issu d’un modèle *Gabalo-dunum, où nous verrons un “Fort-
du-Javelot” (plutôt qu’un “Fort-du-Gibet”) (Nègre, 1990, 173 ; Delamarre, 2003,
173). Le Mont TOURVÉON doit son nom à un antique *Talvedunum (une vicaria
Talvedunensis [ou Tolvedonensis ] étant attestée au X e siècle) (Longnon, 1920-1929,
32 ; 1912, 92) ; nous serions tenté de mettre la première partie du toponyme en relation
avec l’appellation gauloise du bouclier (thème talu-l*talapacium évoqué au chapitre
précédent) - simple hypothèse. L’étude des armes nous a montré aussi que certaines
essences de bois, par leurs qualités spécifiques, étaient fréquemment employées dans les
fabrications de matériel militaire. L’aulne servait à faire les boucliers ; ainsi pourraient
s’expliquer les noms de VERNON (Eure) {de Vernum, en 1027-1031) et VERNON
(Vienne) ( Varnon , en 1274), supposées être d’anciennes *Verno-dunum (Nègre, 1990,
171) ; la première a révélé un site important d’oppidum de type éperon barré (Fichtl,
2000, 184). L’if était très souvent utilisé pour façonner les arcs et les lances ; d’où, peut-
être, ces Eburodunum, “Forteresses-de-l’If”, que l’on rencontre à l’origine de noms de
lieux issus d’un thème en dunum : AVERDOINGT (Pas-de-Calais) ( Averdun , en 1142) ;
AVERDON (Loir-et-Cher) ( Everdunensis , en 865) ; ÉBRÉON (Charente) ( Ebredonus ,
en 868) ; EMBRUN (Hautes-Alpes) ( Ebrodounon , au II e siècle) ; et aussi YVERDON,
en Suisse ( Eburodunum , Ebrodunum , à l’époque romaine) (Nègre, 1990, 170, 171,
173 ; Billy, 2011, 563 ; Jaccard, 1906, 531). On retrouve le même modèle ailleurs dans
le monde celtique continental ; ainsi BRNO, en République tchèque, tire-t-elle son
appellation d’un antique Eburodunum (Delamarre, 2003, 155, 159-160) : “Le bois d’if a
été utilisé dans toute l’Europe ancienne pour fabriquer des arcs” (même réf., 159). Il est
possible, pour tous ces noms, qu’un symbolisme religieux (lié à l’idée de mort) se soit
ajouté au sens guerrier, comme on le verra dans le tome III.
2.3.4. Des sites fortifiés en voie d'urbanisation ?
Les noms en dunum qui sont restés ancrés dans nos toponymes peuvent correspondre
à d’anciennes forteresses de taille très modeste, dont l’occupation sera temporaire
ou strictement militaire. Ainsi CHAUDON (Eure-et-Loir) a montré, aux Chatelées ,
l’existence d’un camp fortifié de quelques centaines de mètres carrés (Ollagnier et
Joly, 1994, 282) ; et l’oppidum protohistorique de LIOZUN (à Olloix, Puy-de-Dôme)
était installé sur un éperon barré de seulement 200 m sur 100 m de large (Provost et
Menncssier-Jouannet, 1994, 208). Cependant, d’autres noms issus du type dunum
se montrent en rapport avec des sites anciens ayant eu une importance certaine.
(’HÂTEAUDUN (Eure-et-Loir) a porté un oppidum de 25 à 30 hectares; Le Fou-
de-VERDUN (Nièvre), un oppidum de 29 hectares ; LION-devant-DUN (Meuse), un
oppidum de 18 hectares; YSSANDON (Corrèze), un oppidum de 25 hectares. Des
dimensions beaucoup plus importantes existent : Puy-d’ISSOLUD (Lot) était une place
forte de 80 hectares ; et VERNON (Eure), également ; à DUN-les-Places (Nièvre), le site
d’éperon barré du Vieux-DUN représenta un oppidum de plus de 250 hectares (Olivier,
1983, 234-235 ; Bigeard, 1996, 135) ; c’est la taille que le Paris de Philippe Auguste
avait en 1210 (Audouze et Buchsenschutz, 1989, 308).
Il est vrai, certains sites de forteresses gauloises - même aux dimensions respectables
- n’ont parfois reçu que des aménagements sommaires (et sur une partie seulement
de l’espace). Ainsi la Montagne de DUN, dans le Beaujolais, doit être regardée, selon
plusieurs auteurs, comme un lieu qui n’a jamais rien eu d’urbain. Mais d’autres oppida
paraissent ne pas avoir représenté seulement des places militaires, toutes concentrées
sur la défense. Certains sites fortifiés ont développé des habitats permanents, et ont
pu constituer de petits bourgs organisés. Sur l’oppidum du Puy-d’ISSOLUD (Lot),
des habitats ont été repérés (Labrousse et Mercadier, 1990, 133). Sur le site de SION
(Meurthe-et-Moselle), d’une dizaine d’hectares, une riche occupation de La Tène
finale a été révélée (avec un “important habitat”) (Legendre, dans Massy, 1997, 369-
370). Beaucoup d’autres places fortes connurent un développement de ce type ; il faut
regretter - comme pour les autres noms de forteresses gauloises - que trop peu de sites
aient été sérieusement explorés : “Les connaissances [archéologiques] que nous avons
des oppida restent lacunaires” (Fichtl, 2000, 8) ; “Les sites d’oppida présumés restent à
fouiller” (Provost, 1988d, 28).
Des indices, cependant, nous montrent que certains noms de lieux en dunum ont
pu désigner tout autre chose que des forteresses à fonction strictement militaire : des
centres économiques et politiques non négligeables. Le thème magos , “marché”, se
trouve parfois accolé à l’appellation de dunum, ce qui paraît très révélateur du rôle
des nouveaux oppida, devenus places de commerce. Ce composé *Magodunum, la
“Forteresse-du-Marché”, expliquerait les appellations de MEHUN-sur-Yèvre, dans le
Cher ( Maidunus , en 820) ; MEHUN-sur-Indre, à Villedieu, dans l’Indre ( Muhen , au XIII e
siècle) ; et MEUNG-sur-Loire, dans le Loiret {. Magdunense , en 651) (Nègre, 1990, 173).
La fortification permettait d’assurer la sécurité des échanges (Pierre -Roland Giot parle
des “Marchés, dont la richesse nécessitait une protection”) (dans Le Bihan, 1986, 24).
Cette même garantie sécuritaire a pu compter pour la sacralisation des lieux et des
rassemblements religieux. Les dunum ont parfois abrité des activités liées aux cultes,
drainant vers eux les populations environnantes. Le Mont DONON (Bas-Rhin), jadis
site fortifié sur le territoire des Leuques, fut un lieu de culte celtique. A l’époque
gallo-romaine, un sanctuaire dédié à Mercure y sera installé, “dont le rayonnement fut
considérable en Gaule du Nord-Est” ; les vestiges de plusieurs temples, des dédicaces, des
sculptures religieuses d’inspiration celte (stèles votives, bas-reliefs, groupes représentés
dans la pierre) ont été retrouvés sur la hauteur (Mantz et Hatt, 1988). La colline de SION
(en Meurthe-et-Moselle) dut abriter aussi “un sanctuaire d’une certaine importance”,
bien abrité dans sa citadelle. Des inscriptions à Mercure, à Rosmerta, à Sirona, ont été
découvertes sur le site (Olivier, 2002). On sait que cette hauteur, christianisée, restera
lieu de culte au Moyen Age et jusqu’à nos jours (avec des pèlerinages réputés à Notre-
Dame de SION, priée pour la défense du territoire, preuve que l’endroit fut depuis
toujours considéré comme un bastion militaire) (Michelin, 1980b, 59). L’étude de La
Gaule des dieux nous montrera, enfin, qu’une série de localités semblent tirer leur
appellation d’un modèle Lugudunum, désignant la “Forteresse-du-dieu-LUG”, divinité
suprême du panthéon celtique : LAON (Aisne), LAONS (Eure-et-Loir), LAUDUN
(Gard), LAUZUN (Lot-et-Garonne), LOUDUN (Vienne), LOUIN (Deux-Sèvres),
LYON (Rhône)..., sont des sites d’anciennes hauteurs fortifiées qui auraient porté des
sanctuaires dédiés à ce dieu.
Si une partie des noms que nous gardons issus du type dunum correspond à de
petites localités ou à de simples lieux-dits (comme NIEUDAN, dans le Cantal ; ou
LE BÉZU, à Saint-Just-et-LE-BÉZU, dans l’Aude) (Nègre, 1990, 174), on remarque
également dans la liste nombre de grosses bourgades et de villes parfois importantes (au
contraire du modèle briga demeuré le plus souvent dans de toutes petites localités) : tels
CHÂTEAUDUN, chef-lieu d’arrondissement d’Eure-et-Loir ; DUN-sur-Auron, chef-
lieu de canton du Cher ; DUN-le-Palestel, chef-lieu de canton de la Creuse ; EMBRUN,
chef-lieu de canton des Hautes-Alpes ; ISSOUDUN, chef-lieu d’arrondissement de
l’Indre ; LAON, chef-lieu du département de l’Aisne ; LOUDUN, chef-lieu de canton de
la Vienne ; LYON, chef-lieu de la région Rhône-Alpes ; MEHUN-sur-Yèvre, chef-lieu
de canton du Cher ; MELUN, chef-lieu du département de Seine-et-Marne ; MEUDON,
chef-lieu de canton des Hauts-de-Seine ; MEUNG-sur-Loire, chef-lieu de canton du
Loiret ; MUSSIDAN, chef-lieu de canton de la Dordogne ; NEUNG-sur-Beuvron, chef-
lieu de canton du Loir-et-Cher ; VERDUN, chef-lieu d’arrondissement de la Meuse ;
VERNON, chef-lieu de canton de l’Eure, etc. Est-ce hasard ? On peut se demander si
certains de ces oppida n’ont pas développé dans le dernier siècle précédant la Conquête
le germe pré-urbain d’où allaient naître des villes (on sait que, contrairement à l’idée
reçue, les sites gaulois de places fortes n’ont pas été forcément abandonnés après la
Conquête, ou qu’une agglomération a pu grandir à proximité immédiate de l’ancienne
place forte) (Bedon, 1999, 122-129 ; Fichtl, 2000, 156-158).
2.4. Une appellation complémentaire de forteresse : type duro- ?
Faut-il comprendre parmi les noms utilisés en Gaule pour désigner des places
fortes le gaulois duro- ? Beaucoup de linguistes ont dans le passé traduit le mot comme
signifiant “fort”, “forteresse”, “place forte” (Dottin, 1920, 76; Vincent, 1937, 92;
Dauzat, 1957, 30 et 102-103 ; Nègre, 1977, 38 ; et 1990, 150, 175-177 ; Vial, 1983,
65-66 ; Billy, 1993, 68, etc.). Cependant, d’autres lui ont donné ou lui donnent le sens
d’“établissement”, “village”, “marché”, “forum”, “bourg” (Soyer, 1933, 128 ; Rostaing,
1945, 39 ; Lebel, 1962, 175 ; Lambert, 2003, 37 et 97 ; Delamarre, 2003, 156-157).
L’examen de la liste des quelque quarante toponymes qui sont issus de ce modèle
(Nègre, 1990, 150 et 176-177) nous montre que la très grande majorité des noms
renvoient indiscutablement à des vici artisanaux, commerciaux, routiers (comme
AUGERS, BRIDORÉ, CHILLEURS, ISSOIRE, IZERNORE, JEURRE, JOUARS,
MANDEURE, YZEURE..., du reste souvent dénommés vicus dans les attestations
anciennes) (se reporter dans le volume II à la fin du chapitre 3 “Voies de communication
et centres de commerce”). Aucune trace de fortification ni même le plus souvent
aucun lieu favorable d’établissement d’une forteresse n’apparaît sur ces sites. Ce sont
vraisemblablement des “Bourgs”.
Duro- paraît avoir été employé par les peuples gaulois, aux alentours de notre ère,
“pour calquer le latin /orwm” (Lambert, même réf.) : terme qui désignait anciennement
l’enclos entourant la maison, puis la place de marché, et le centre des affaires (Ernout
et Meillet, 1985, 250). Augustodurum (ancien nom de Bayeux) aurait été le “Forum-
d’ Auguste”, comme Fréjus était le Forum Julii, “Marché-de-Jules[-César]” (Lambert,
2003, 97 ; Delamarre, 2003, 156).
Certains toponymes issus du type -duro- peuvent, il est vrai, montrer une relation
linguistique ou archéologique avec un site fortifié, ce qui a incité à la traduction de
“forteresse”. Mais on doit penser qu’un lieu de marché a pu se développer au pied d’une
ancienne hauteur défensive.
METZ (Moselle), qui a pris tardivement l’appellation de son peuple les
MÉDIOMATR1QUES, était dénommé au I er siècle Divodurum (nom attesté chez Tacite) :
le “Bourg-des-Eaux-divines”. L’oppidum originel avait été installé sur la Colline de
Sainte-Croix (dominant le confluent de la Moselle et de la Seille). Des fouilles menées
durant l’année 1987 ont permis de découvrir sur la hauteur les restes de la fortification
celte ceignant la citadelle ; des bois entrant dans la composition du rempart ont été datés
des années 114-112 av. J.-C. (avec réaménagements ultérieurs) (Fichtl, 2000, 157, avec
plan, 158, montrant l’emplacement des vestiges de rempart découverts). Cependant
l’habitat finira par déborder de la forteresse primitive, de nouveaux quartiers suscitant
des lieux de commerce (Burnand, 1990, 40). “Au lendemain de la Conquête de la
Gaule, souligne Maurice Toussaint, la population de l’oppidum messin, sans délaisser
le Haut de Sainte-Croix, se massa le long des deux grandes routes de Lyon à Trêves et
de Reims à Strasbourg, qui se croisent au pied de la colline” (1948, 156). Stephan Fichtl
note pareillement que “la ville romaine ne s’est pas implantée sur le site lui-même [de
la forteresse], sa trame urbaine s’est déployée sur le versant et au pied de la colline,
n’englobant qu’une partie de l’ancien oppidum” (2000, 156). Le nom de “Bourg-des-
Eaux-divines[-du-Confluent]” doit correspondre à cette nouvelle situation.
TONNERRE, dans l’Yonne ( Ternoderum , au IV e siècle ; Ternodorense, au VI e siècle)
fut sans doute une antique *Tumo-duron. A juste raison, Gérard Taverdet voit dans le
premier composant, plutôt qu’un nom d’homme, l’ancienne racine prélatine *turn-
désignant une “hauteur” (qu’on a évoquée précédemment) (Loth, 1921, 112 ; Taverdet,
1994, 40 ; et 1996, 85). L’oppidum celtique fut installé sur le plateau d’une colline
escarpée (site du Vieux-Château ) (Thévenot et autres, 1985, 212-213 ; Barbey, 1987b,
669). Mais en contrebas, vers la rivière l’Armançon, se développera un nouvel habitat,
avec un marché (Delor, 2002, 733), justifiant l’appellation donnée à la localité de
“Bourg-de-la-Hauteur” ou “Marché-de-la-Hauteur”.
AUXERRE, V “Etablissement-”, le “Bourg-de-1’ Yonne” (d’abord nommé Autricum,
puis Autessioduro ) (Villette, 1992a, 46 ; Billy, 2011, 92-93), connut sans doute une
évolution semblable, passant d’une vocation défensive à une fonction commerciale.
L’agglomération du Haut-Empire s’étendra en dehors de la hauteur dominant l’Yonne,
dans la dépression du ru de Vallan (et de ses branches) et du ru de Rantheaume (Delor,
2002, 171), créant des marchés qui se transformeront en foires médiévales (Lombard-
Jourdan, 1972-1974, 54-56 ; Mitterauer, 1973, 716).
NANTERRE est un antique *Nemetoduro-, “Bourg-du-Sanctuaire” (Nègre, 1990,
176 ; Billy, 2011, 393, pour les formes anciennes). A la limite ouest des Parises, sur
la frontière avec les Camutes, elle représenta d’abord un site de défense, sans doute
installé sur la colline du Mont-Valérien, butte aux pentes très marquées dominant la
vallée de la Seine, zone idéale pour la surveillance (Ajot et autres, 1994). Le lieu est
devenu un fort militaire dans les années 1 840 : comme pour VERDUN, dans la Meuse,
l’utilisation guerrière récente a recouvert une très ancienne destination militaire (mal
connue car masquée par les installations actuelles). Au cours des deux derniers siècles
avant notre ère, s’est développée dans la boucle de Gennevilliers, en bordure de Seine
et jusqu’au pied du mont, une importante agglomération gauloise (sans fortifications),
dont les fouilles archéologiques récentes ont montré le développement (20 à 25 hectares
au minimum, avec tracé de mes, quartiers spécialisés) et souligné la spécificité : lieu
d’habitat, d’artisanat et d’échanges, avec aménagement d’un port fluvial (Viand, 2008).
La vocation de l’établissement avait donc changé : l’ancienne place forte tournée vers la
défense était devenue site urbain, centre d’activités commerciales (nommé au VI e siècle
Vico Nemptudoro).
2.5. Les remparts des places fortes
Tous les types de citadelles, forteresses, forts et fortins. . ., tous les types d’oppida qui
ont existé - et dont nous avons passé en revue les différentes appellations, anciennes et
nouvelles - se caractérisaient comme des lieux de défense protégés par des fortifications.
Les Gaulois utilisèrent bien sûr les protections offertes par le site : ils avaient été choisis
en fonction de leurs avantages naturels (Bedon, 1999, 36 ; Kruta, 2000, 345). Mais des
aménagements furent aussi réalisés pour améliorer l’efficacité du dispositif, selon la
topographie des lieux (Kruta, même réf.). La construction d’un rempart était essentielle.
Il représente du reste aux yeux des archéologues l’élément majeur sur lequel se fonder
pour donner la qualification d’oppidum à un site (“Ce qui distingue ces catégories
d’habitat, c’est d’abord la présence d’une fortification”) (Colin, 1998, 17). Repérable par
l’archéologie, cette construction est-elle également perceptible par les mots ?
2.5.1. Remparts courants
La protection la plus simple (et sans doute la plus utilisée) fut la levée de terre
(doublée d’un fossé) : grand TALUS de terre dressé (Fichtl, 2000, 47). Le mot français
de TALUS vient de la langue gauloise : modèle *taluton (forme latinisée talutium
attestée chez Pline), lui-même issu de talu-, “front” : forte inclinaison de terrain (von
Wartburg, XIII/1, 1966, 68-70 ; Bloch et von Wartburg, 1975, 622 ; Rey, 1992, 2078 ;
Quemada, XV, 1992, 1335). On comparera avec le vieil-irlandais taul, “bosse”, et talam,
“terre” ; le moyen-irlandais tel/tul, “front” ; le gallois, le comique et le breton tal , “front”
(Vendryes, 1978, T-22, 23, et T-182 ; Delamarre, 2003, 288-289).
C’est ce type de rempart simple que l’on a repéré à EXMES (Orne), la “Très-Haute”
forteresse, dont l’éperon fut barré par un fort TALUS de terre. La photographie aérienne
du site (Bernouis, 1999, 125) montre la masse lourde du rempart recouverte par l’herbe.
Au Mont DARDON, autre citadelle ancienne de “Hauteur”, on observe également,
englobant une surface de 6 ha, un rempart de terre datant de la fin de La Tène, visible
près du haut du plateau (Crumley, 1993, 3 ; Rebourg, 1994, 262). A Sancey-le-Grand
(Doubs), l’éperon barré du Belvédère du DARD était protégé au sud par un vallum (Joan,
2003, 414-415). A GERGOVIE, site de l’oppidum de la “Hauteur-Rocheuse”, le visiteur
reconnaît fort bien la fortification : “talus recouvert de végétation, dont le tracé peut
être suivi tout le long des bordures sud et ouest du plateau” ; “au sud-est [...] l’herbe
qui recouvre le talus est un indice d’ancienneté, puisque les murets issus de l’épierrage
moderne sont totalement dépourvus de végétation” (le TALUS de terre a pu recevoir en
plus un parement externe, mur de pierre de 2 m d’épaisseur) (Provost et Mennessier-
Jouannet, 1994, 273, avec croquis, 271 et 275, et phot., 265 ; Rousset, 2001, 32-33).
Sur l’éperon de MONTSAON (Haute-Marne), également ancien dunum, surnommé
la “Citadelle-Forte”, la terre rejetée d’un fossé formait un “tertre d’au moins 8 m de
hauteur”, “couplant] l’éperon dans toute sa largeur et le protégeant de toute surprise” ;
l’ouvrage était encore observable au début du XIX e siècle ; mais le terrain fut ensuite
nivelé (Thévenard, 1996, 257). Enfin, au Puy-d’ISSOLUD, antique Uxellodunum, on a
découvert “des murailles de terre et de pierre” d’un développement de 4 500 m, larges
de 15 ni, hautes de 3,20 m à 5,60 m, avec parement externe (Labrousse et Mercadier,
1990, 133).
La notion de rempart répondrait au sens originel du mot dunon : il est rapporté par le
linguiste C. Watkins à la racine *dheuh 2 -, “finir”, “clore”, “former cercle” (Delamarre,
2003, 154-156) ; le dunon était une zone enclose, enceinte fortifiée et fermée.
De ce terme (emprunté par les anciens Germains) naîtra l’allemand Zaun, “clôture”,
“palissade”, “haie”. La levée de terre put être rehaussée d’une palissade de bois (Hubert,
1952, 66 ; Kruta, 2000, 345).
L’extrémité du plateau situé à Montaigut-le-Blanc, dans le Puy-de-Dôme, se montre
“barrée par un vallum et un fossé” antiques (Provost et Mennessier-Jouannet, 1994,
191). Comme l’a indiqué Pierre-Henri Billy (1996, 164-165), cette hauteur, nommée
Montagne de GOURDON, doit tirer son appellation du gaulois *gorto-, “enclos” (à
l’origine du français GOURD, désignant des rangs de perches utilisés pour la pêche ;
on connaît aussi, par le dérivé *gortia, les GORCES limousines : haies séparant deux
champs) (von Wartburg, IV, 1952, 200-201 ; Quemada, IX, 1981, 335). Le thème a été
sans doute appliqué par les peuples gaulois à une enceinte, à une palissade défensive
surmontant une levée de terre (Billy, 1996, 164-165).
Jules César évoque dans La Guerre des Gaules (VII/9) l’oppidum de Gortona (le
nom Gorgobina , parfois transcrit, paraît une erreur ancienne de copiste), place forte des
Boïens, groupe celte installé sur le flanc occidental des Eduens, à l’ouest de la Loire. Il
correspond au site de la ville de Sancerre, établie de façon saisissante sur un “mamelon
abrupt”, “complètement isolé”, butte du haut de laquelle s’offre un vaste panorama. On
trouvait autrefois, à Sancerre, un lieu nommé Château-Gordon ( Gordonicum castrum,
en 1012-1104, Gordone Castro , en 1103), qui gardait souvenir de la Gortona antique
(Thévenot, 1960, 46-56). L’oppidum tirait vraisemblablement son nom du fait qu’il était
couronné d’un rempart palissadé.
D’autres sites de défense fortifiés au nom également en gorto- nous sont peut-être
demeurés. GOURZON, en Haute-Marne (de Gurgione, en 1060-1061), tirerait son
appellation, selon Albert Dauzat et Charles Rostaing, d’un nom d’homme Gordius
(1978, 326) ; nous pensons y voir plutôt le thème *gort-, avec suffixe -ione. Sur
la localité de GOURZON, on trouve le Coteau du Châtelet , plateau de 22 hectares
dominant la vallée de la Marne, qui a porté jadis un oppidum de frontière (aux confins
du territoire des Catalaunes et des Leuques). Son occupation est attestée à l’époque de
La Tène ; un casque militaire gaulois de La Tène ancienne a du reste été trouvé sur le
site. A l’époque gallo-romaine, une véritable agglomération se développera (du I er au
IV e siècle), avec centre monumental (temple, thermes publics, maisons groupées par
îlots, quartiers artisanaux) (Thévenard, 1996, 84 et 217-224 ; Fichtl, 2000, 175).
Le nom de GOURDON, en Saône-et-Loire ( Gurthonense , au VIL siècle, sur un
modèle *Gorto+one ?) peut s’expliquer par la présence jadis d’un ancien site fortifié
gaulois et d’une ancienne palissade défensive (Billy, 2001a, 26). La localité est bâtie au
sommet d’une éminence. Elle n’a pas encore révélé l’existence de fortifications, livrant
seulement des vestiges de la Préhistoire et de l’époque gallo-romaine (Rebourg, 1994,
357-358). Mais, pour Emile Thévenot, il n’y a pas de doute : elle “constitue un site
d’oppidum caractérisé” (1960, 56).
GOURGÉ, dans les Deux-Sèvres ( Gurgiacum , en 889, comparable au Gurgione de
GOURZON), tirerait également son nom d’un ancien *Gortiacum. A l’époque gallo-
romaine, elle a développé un vicus de 30 hectares, s’étageant sur un flanc de colline,
proche du Thouet (Hiemard et Simon-Hiemard, 1996, 178-179) ; un site de défense
pourvu d’un rempart put y exister plus anciennement.
Nous rapporterons enfin le nom célèbre de GOURNAY-sur-Aronde au même thème
gorto-, “enclos défensif’ (la forme Gornacensis, attestée en 1090, poiivant provenir d’un
ancien radical Gort-). Le site est connu pour son sanctuaire bellovaque ; mais on ne
doit pas oublier qu’il a révélé un camp fortifié de La Tène pourvu de remparts (système
défensif de “multivallation”, constitué d’une série de talus, fossés, et mûri gallicï)
(Brunaux, 1984, avec plans, 208 et 210 ; Woimant, 1995, 260-261, avec plan).
2.5.2. Remparts complexes et enceintes développées
• Les mûri gallici
Des murs de défense plus élaborés vont être construits par les peuples gaulois. On
connaît particulièrement les remparts appelés par César mûri gallici, “murs gaulois”,
car ils étaient spécifiques à la Gaule (les Romains ne disposaient dans leur langue
d’aucun terme spécifique pour traduire celte réalité). Aujourd’hui, les archéologues
emploient couramment l’expression de murus gallicus dans leurs recherches. 11 s’agit
d’un rempart haut de quatre ou cinq mètres et large de trois à quatre mètres, formé par
l’ossature de poutres entrecroisées et clouées, remplie de terre, de cailloux et parée
de pierres. L’armature de bois permettait au mur de se déformer sans éclater sous les
efforts ennemis de brèche ou de sape (Goudineau et Peyre, 1993, 19-28). César voit cet
assemblage à Avaricum/ Bourges (oppidum devant lequel ses légions mettent le siège,
en mars 52 av. J.-C.). La place forte est protégée sur deux de ses côtés par les cours
d’eau et les marécages ; le troisième côté est barré par un murus gallicus. En stratège
militaire, le général romain apprécie : “Ce genre d’ouvrage, avec l’alternance de ses
poutres et de ses pierres, offre un aspect dont la variété n’est pas désagréable à l’œil ; il
a surtout de grands avantages pratiques pour la défense des villes car la pierre le défend
du feu, et le bois, des ravages du bélier, qui ne peut ni briser ni disjoindre une charpente
dont les poutres, attachées au dedans l’une à l’autre, ont d’ordinaire quarante pieds d’un
seul tenant” (GG2, Vll/33, 155). Le mot français (d’origine gauloise) CHARPENTE,
désignant un assemblage complexe de bois (bâti réalisé par le charron comme par
le charpentier), garde souvenir de l’excellence technique des Gaulois dans le travail
de ce matériau. On compte que 600 m de rempart ont nécessité l’emploi d’environ
15 000 poutres (Fichtl, 2000, 54).
Les poutres entrecroisées étaient fixées entre elles par de très grands clous, sortes de
fiches de fer d’une trentaine de centimètres. A l’emplacement des remparts gaulois de ce
type, des dizaines, parfois des centaines de ces grands clous forgés ont été retrouvés ; et
ils ont équipé par milliers ces assemblages (entre 20 000 et 60 000 clous, selon les places
fortes) (Fichtl, 2000, 42-54, avec tableau chiffré, 53). Dans des gloses médiévales latines
nous en trouvons le nom gaulois : tarincae (“Taringae ou tarincae = « sudes ferreae »” :
“fiches de fer”) (Dottin, 1920, 291 ; Whatmough, 1970, 729). On connaît un vieil-
irlandais taimge, “clou en fer, pointe” (Vendryes, 1978, T-14). Le radical celtique
*tar-, “percer”, “traverser”, a servi à forger plusieurs mots français. Nous en avons tiré
le nom de notre TARIÈRE, outil qui sert à percer (gaulois latinisé taratrum ) (Dottin,
1920, 290 ; Quemada, XV, 1992, 1389). Tarinca, “fiche de fer”, est lui-même demeuré
dans un nom du lexique, devenu rare il est vrai : la TARANCHE, qui désignait jadis une
“grosse cheville de fer” et a fini par s’appliquer - techniquement ou régionalement - à
une grande pièce de fer : barre servant à tourner la vis d’un pressoir, ou levier permettant
de déplacer des cloches (TARENCE, dans le Calvados) (von Wartburg, XIII/ 1, 1966,
121 ; Lambert, 2003, 202 ; Delamarre, 2003, 291). Ce mot gaulois de l’ancien temps
restait donc - vieille mémoire d’un savoir antique - encore accroché à la langue. Comme
les noms de lieux, les mots du vocabulaire gardent des attaches - souvent invisibles -
qui les relient au temps de la Gaule. La fiche de fer est le témoin archéologique ; le mot
TARANCHE est le témoin linguistique.
Plusieurs sites, dont les noms se sont révélés issus de termes gaulois désignant
une place de défense, ont montré aux archéologues de tels murs empoutrés avec
des TARANCHES. Parmi les dunon, l’oppidum du Vieux-DUN, à DUN-les-Places
(Nièvre), était “défendu par un rempart et un fossé encore visible sur 170 m”, au lieu-dit
La Barre (mot roman qui doit rappeler l’existence d’un amas de terre) (von Wartburg,
I, 1948, 259) ; Lucien Olivier qui a fait des sondages à cet endroit “a reconnu un murus
gallicus ” (Bigeard, 1996, 135 ; Olivier, 1983, 234). La localité de VERNON (Eure),
autre dunon , doit son nom à un éperon barré de 80 hectares ; la reprise de l’étude de ce
site protohistorique, en 1992, a révélé “l’existence d’un parement externe [du rempart] et
sans doute d’un murus gallicus (attesté par la présence de nombreux clous et d’un orifice
témoin d’un passage de poutre dans le parement” (Cliquet, 1993, 252).
Nous citerons aussi les noms différents de deux autres sites importants d’oppidum,
qui ont révélé des équipements en murs à poutrage interne avec T AR ANCHES.
Sur la forteresse du “Rocher”, AGEN, à l’abrupt méridional du plateau, auraient été
découvertes, vers 1872, “dans les couches du talus supérieur, [...] un grand nombre
de chevilles de fer placées à une certaine distance les unes des autres. Par leur forme,
par leur dimension, elles paraissent rappeler celles qui ont été trouvées dans plusieurs
oppida, où elles servaient à relier entre elles les poutres croisées et combinées avec des
terrassements”. Comme l’inventeur de l’époque que l’on a cité, on songe à un rnurus
gallicus (Fages, 1995, 98). Enfin, sur la “Falaise rocheuse” d’ALÉSIA/ALISE-Saintc-
Reine, au lieu-dit La Croix-Saint-Charles , Emile Espérandieu, en 1911, “dégagea un
murus gallicus du type Avaricum doté d’un retour” ; en 1923, fut découvert un second
munis gallicus, de même type (Mangin, dans Cahen-Delhaye et autres, 1984, 243-245,
avec belles photographies de 1911 du murus gallicus, et dessins). De nouvelles fouilles
menées en 1994 ont révélé l’existence d’un autre rempart à poutrage interne sur le lieu-
dit EN CURIOT, nom, on l’a vu, peut-être issu du thème gaulois *cor-, “fermé” (Reddé,
2002, 144-147, avec phot. ; Creuzenet, 2010).
Les noms de lieux d’origine gauloise désignant des lieux fortifiés, que nous
conservons dans notre toponymie, se relient ainsi aux réalités du terrain : toponymie et
archéologie vont de pair.
• Les enceintes de contour
Au mont BEUVRAY (site de l’antique oppidum de Bibracte, qui explique le nom
moderne), des recherches ont permis de détecter une trentaine de fiches de fer entre 1985
et 1995 (Buchsenschutz et autres, 1999, 293-298). Des constructions de mûri gallici ont
été repérées dès 1867-1868, grâce aux fouilles de Jacques-Gabriel Bulliot : rempart haut
de 4 à 5 m (sans le couronnement) et de même épaisseur (Goudineau et Peyre, 1993,
21-26, avec dessins et photographies du mur) ; une portion de murus gallicus a même
été reconstituée pour les visiteurs (mêmes réf., phot., 24-25). Mais plusieurs systèmes
et niveaux de remparts se sont succédé sur cette place forte, capitale des Eduens (voir
grand plan dans Buchsenschutz et autres, 1999, joint au livre). Deux lignes principales
de fortifications sont connues ; la plus large a enserré jusqu’à 200 hectares, soit 7 km
de remparts : deux fois Saint-Malo, vingt fois Carcassonne (Goudineau et Peyre, 1993,
19 et 27; Buchsenschutz et autres, 1999, 7 et 263). BIBRACTE, souligne Christian
Goudineau, “représente la surface de Paris au XV e siècle” : petite ville, organisée en
quartiers, avec des grandes demeures (1997, 22). Le système de fortification (défense
guerrière mais aussi symbole de puissance, propre à impressionner l’ennemi) devait se
voir à plusieurs lieues de distance : les murailles se détachaient sur une hauteur alors
assez largement déboisée (Colardelle et autres, 1995, 26). Selon Joseph Vendryes,
l’appellation de BIBRACTE (à comparer avec celle de Bibrax, place forte des Rèmes,
citée dans La Guerre des Gaules, II/6) pourrait avoir été faite à partir d’un celtique
*bractos, “entouré”, “fortifié” (Vendryes, 1905 ; Lebel, 1962, 171-172 ; Nègre, 1990,
131 ; Billy, 2011, 372) : BIBRACTE était désignée comme le “Lieu de la Fortification”.
“C’est le rempart, soulignent Françoise Audouze et Olivier Buchsenschutz, qui exprime
la puissance du groupe social” (1989, 308) ; le nom aura été chargé de la souligner.
Sur de nombreux sites de places fortes, la fortification n’a été que partielle. Ainsi,
pour les oppida d’éperons barrés (très fréquents), un seul côté devait être défendu par
un rempart : cas qu’on a repéré à AVROLLES, la “Citadelle-de-lTf ’, à DOURGNE,
le “Poing” (Tarn), ou à CHÂTEAUDUN, la “Forteresse” (Eure-et-Loir). Parfois,
l’existence d’une falaise ou d’un cours d’eau a entraîné la construction (plus importante)
d’un rempart venant s’appuyer contre ces éléments naturels, comme à EXMES, la
“Très-Haute” (Orne). Sur une butte, détachée de la plaine, on a pu se contenter de la
construction de murs partiels, aux endroits mal défendus par le rocher : cas d’ALÉSIA,
la “Hauteur-Rocheuse” (Reddé, 2002, 144, 146) (sur ces remparts de barrage, voir
Fichtl, 2000, 35-36, avec croquis).
BIBRACTE, comme GERGOVIE, ou Puy-d’ISSOLUD, nous donnent l’exemple
différent de remparts de contour : ayant englobé totalement la surface de l’oppidum.
Albert Camoy, dans un article sur la “Toponymie gallo-romaine du fortin”, a attiré
l’attention sur l’existence probable d’un appellatif gaulois de la forteresse, jusque-là
passé inaperçu : le type *vertra (de fait, beaucoup moins courant que le modèle dunon),
que l’auteur relie au gallois gwerthyr , “fortin”. Il serait à l’origine de noms de localités
comme BERTRE (Tarn) ( *Vertrinu ) et BERTRY (Nord) (Be rte ries, 1172). L’auteur
cite aussi en Belgique BERTRÉE ( Bertreis , en 1139) (entre Liège et Bruxelles, près
de Waremme), et BERTRIX ( Bertries , en 1264), à 30 km au nord-est de Sedan, issues
d’un modèle *Vertriacum (Carnoy, 1954, 1 ; Nègre, 1972, 19). *Vertra devait désigner
d’abord un “rempart” ; le mot signifierait étymologiquement “ce qui contient”, “retient”,
“enclôt” : racine indo-européenne *wer-, forme élargie *wer-t-, “tourner”, “courber” ;
on trouve dans la même famille le sanskrit vartra, “digue”, “retranchement” ; le démon
Vritra de la mythologie indienne est connu comme l’“Enveloppeur”, l’“Obstructeur” ;
citons aussi le latin vertere, “tourner” (Guirand, 1937, 304 ; Grandsaignes d’Hauterive,
1949, 238-340; Carnoy, 1954, 1 ; Pokorny, 1959, 1156-1158). Le celtique viria,
“bracelet”, le gaulois viriola, “petit bracelet”, à l’origine du français VIROLE (“bague”)
et peut-être du verbe VIRER (“imprimer un mouvement circulaire”), désignaient au sens
premier “ce qui tourne” ( *wer -) : la VIROLE est un cercle de métal (Degavre, 1998,
451). La citadelle gauloise (*ver-t-ra) était alors l’espace totalement fermé par une
enceinte (“encerclant” le site), afin de se protéger de l’ennemi.
Parallèlement au modèle *vertra, le thème *ver-t- pourrait s’être appliqué, muni
d’autres suffixes, à des sites de forteresses entourées d’un rempart.
VERTAULT, en Côte-d’Or (vicani Vertillenses, à l’époque romaine ; vertellum, en
1076-1098), est aujourd’hui un village installé dans la vallée, au pied d’une hauteur. Elle
fut jadis site d’oppidum, sur le plateau surplombant la vallée de la Laignes, installé à
la limite des Lingons, des Mandubiens, des Sénons et des Tricasses. Un habitat fortifié
y est attesté pour les époques de La Tène II et de La Tène III. Il prendra peu à peu un
caractère urbain, accentué à l’époque gallo-romaine (quartiers organisés avec voirie,
édifices publics, activités artisanales et commerciales) (Bénard et autres, 1994, 90-105,
avec plans). L’oppidum fut pourvu d’une “enceinte de type murus gallicus ”, repérée par
les archéologues ; “elle enserrjait] les 25 hectares de l’oppidum” (même réf., 91 et 93).
I /appellation - supposée - de forteresse “Encerclée” (vert-) par un rempart répondrait
Ibrl bien à la situation décrite.
VERTAIZON (dans le Puy-de-Dôme, à Test de Clermont-Ferrand) ( Vertasione ,
en 997) pourrait peut-être tirer son nom du site de l’oppidum voisin du Puy de Mur
(à 2 km). A l’extrémité d’un plateau basaltique, où l’on trouve les traces d’un ancien
château médiéval, a été repéré un site d’oppidum, entouré par un rempart protohistorique
d’ 1 ,5 km ; du mobilier de l’âge du Fer a été découvert (Provost et Mennessier-Jouannet,
1994, 89).
D’autres sites à radical ver(t)- sont-ils à prendre en compte ? Parmi plusieurs noms
de localités (comme VERTEUIL, VERTILLY, VERTOUT, VERTUZEY ; peut-être
aussi VERGY, VERZÉ, BERZÉ, VARZY, VERZY...), nous distinguerons celui de
VIERZON (dans le Cher), qui reste mystérieux. On se demandera s’il n’appartiendrait
pas à la même série. Des monnaies du VI C -V1P siècle donnent au lieu l’appellation
Virisone et Virisione (Chambon et Greub, 2000, 151) ; on retrouve en 926 Virisio. Au
radical gaulois *vir- (présent dans vir-ia ou vir-iola ) se serait adjoint un suffixe - ision ,
celui qu’on reconnaît dans le gaulois Ham-ision (à l’origine de notre TAMIS). La
localité est citée en 843 sous le nom de Virsionis oppidum. Le site de la vieille ville,
installée sur une butte au-dessus de l’Yèvre venant confluer avec le Cher, pourrait avoir
été celui de l'ancienne place forte, surveillant les mouvements de la navigation derrière
son enceinte (Chevrot et Troadec, 1992, 33 et 326). Mais toute preuve archéologique fait
encore défaut ; nous n’avançons qu’une hypothèse !
2.6. Force et faiblesses des places gauloises de défense
2.6.1. Une image de puissance
Si nous récapitulons toutes les appellations de forteresses qu’il nous a été donné
d’évoquer au travers des toponymes qui nous demeurent, il est bien évident que se
dégagent des sémantismes étudiés une impression de force.
Les noms liant les forteresses à des hauteurs, à des eaux, à des marais, soulignaient la
protection dont elles bénéficiaient par leur emplacement. Les appellations faisant allusion
aux ouvrages de fortification mettaient en avant une notion de robustesse, de sécurité.
Enfin, et surtout, une impression de puissance se dégageait des appellations nobles,
laudatives et superlatives : places fortes dites “Grandes” ou “Nobles” ; dénommées
“Super-Forteresses”, ainsi qu’on l’a vu dans la série des VERDUN. Une qualification
sacralisante ajoutait parfois l’idée d’une protection divine : cas des *Devo-briga, des
Eburo-dunum ou Eburo-briga, des Lugu-dunum, *Verno-dunum, Vindo-briga... qui ont
été retrouvés à l’origine de certains de nos toponymes.
Le nombre important de noms de lieux que nous gardons issus des séries en
briga (une cinquantaine), et dunum (à peu près cent vingt), mais aussi la variété
d’ aub e s appellations complémentaires (conservées dans au moins une cinquantaine de
toponymes) - donc en tout près de 220 noms de localités -, montrent sans conteste que
les places fortes étaient très nombreuses en Gaule. Comme les noms quadrillent encore
notre pays, les forteresses jadis quadrillaient fièrement le territoire de nombreux peuples,
offrant par leurs appellations un sentiment de protection, de force, de combativité.
2.6.2. Un pouvoir de résistance
On peut penser que les places fortes gauloises furent, en bien des occasions, utiles
pour résister aux incursions (des tribus voisines, ou de petits groupes armés étrangers),
que leur rôle, bien des fois, se montra déterminant dans la sauvegarde des populations
civiles, dans la protection des richesses produites par le peuple. La puissance ostentatoire
des citadelles et le prestige de leurs noms permirent certainement de décourager des
attaques.
Parfois l’effet recherché sera contraire : les places fortes pourront être chargées,
paradoxalement, d’attirer l’ennemi. Lors de la Conquête, elles joueront à ce titre un
rôle majeur dans le combat de défense. Si la guerre des Gaules fut une guerre de
mouvements, elle se joua tout autant dans une guerre de siège. L’importance des
toponymes gardés correspond bien à l’importance que tinrent ces places fortes dans
les engagements guerriers. César cite une vingtaine de noms gaulois d’oppida (dont
Alesia , Avaricum , Bibracte, Cavillonum, Gergovia, Gortona , Lutetia , Noviodunum,
Uxellodunum, Vesontio) ; il emploie surtout, comme nous l’avons souligné, à 133
reprises le terme d'oppidum dans ses Commentaires , ce qui met le mot au huitième
rang des plus employés de toute l’œuvre (Buchsenschulz cl Ralston, 1986, 385-386).
Lieux tentants, les citadelles gauloises seront utilisées par les commandants et stratèges
gaulois - et en premier lieu par Vercingétorix comme des pièges pour les troupes
romaines. “La manœuvre, commente Christian (îoudineau, consistait à bloquer l’armée
romaine, occupée à faire un siège, puis à la prendre à revers”, et à venir en briser les
forces dans une tenaille offensive (1997, 26). Ce sera la méthode recherchée à Bourges,
à Gergovie, à Alésia. Christian Goudineau ajoute : “Vercingétorix est désavoué parce
qu’il a perdu, mais sa stratégie (qu’on appellerait aujourd’hui “par abcès de fixation”)
était intelligente” (même réf.).
Les sièges montreront les capacités de résistance de bon nombre de places fortes. On
a vu que les Gaulois développèrent des techniques poussées de fortification ( mûri gallici
évoqués par César). Ils furent aussi spécialistes dans la réalisation de travaux de sape,
destinés à ruiner des positions ennemies à proximité d’une citadelle. En 56 av. J.-C., en
Aquitaine, les gaulois SOTIATES - peuple du Lot-et-Garonne dont l’appellation (non
éclaircie) comporte un suffixe celtique : à comparer avec celle des Nantu-ates ou des
Atreb-ates - furent assiégés par les troupes de Crassus dans leur place forte principale :
SOS, qui a gardé le nom de l’ethnique (Nègre, 1990, 157). Le site montre un éperon
barré, aux falaises abruptes, de 16 hectares de superficie, dominant une boucle de rivière
(la Gélise) et sa vallée (Boudet et autres, 1992, 84-85). Ces SOTIATES “pratiquèrent]
des mines vers le terrassement et les mantelets [des Romains]”, étant “fort habiles à
ces ouvrages” ( GG2 , III/21, 71). De même façon, pendant le siège d’Avaricum, en
52 av. J.-C., les soldats bituriges firent “écrouler [le] terrassement [des romains] en
creusant des sapes, d’autant plus savants dans cet art qu’il y a chez eux de grandes
mines de fer et qu’ils connaissent et emploient tous les genres de galeries souterraines”
( GG1 , VII/22, t. 2, 225). On les verra aussi mettre le feu à une terrasse construite par
les soldats de la légion, grâce à un travail d’approche souterraine (même réf., VII/24).
Cette compétence, également exercée dans l’industrie civile, paraît se lire encore dans
notre vocabulaire : c’est du celtique que pourrait être issu notre nom de MINE ( *meina )
et notre verbe MINER (attesté dès 1200 avec le sens de “creuser par-dessous un terrain,
un mur, pour provoquer un effondrement”, dans la chanson de geste Aiol ) (Vendryes,
1960, M-29 ; von Wartburg, VI/1, 1969, 641-645 ; Gamillscheg, 1969, 622 ; Bloch et
von Wartburg, 1975, 410 ; Quemada, XI, 1985, 842-843). MINER signifie toujours
“creuser une galerie sous une fortification ennemie”. Aux MINES, jadis simples sapes
destinées à écrouler ou incendier un ouvrage de l’adversaire, s’est seulement ajoutée une
charge pour le faire sauter. Enfin, le terme a désigné l’engin explosif lui-même caché
dans le sol. Il est étonnant de constater que la guerre reprend les mêmes mots à vingt
siècles d’intervalle.
2.6.3. Faiblesses des forteresses gauloises
Malgré des points de force indiscutables, et des moyens de protection mis en œuvre
intelligemment, les forteresses gauloises, qui purent jouer un rôle salvateur important
pour les conflits entre peuples voisins et pour certaines attaques de bandes étrangères,
vont montrer, face aux légions romaines, des faiblesses majeures dans le dispositif
défensif.
• L'art romain du siège
Devant la résistance des places fortes, César fit employer des machines et appareils
de sièges que les Gaulois ne connaissaient pas : tours, terrasses, mantelets, balistes,
catapultes, onagres, scorpions..., dont les noms modernes sont bien sûr issus de la
langue latine (parfois empruntés au grec, car les Romains furent initiés aux machines de
guerre par la science hellénistique). On en chercherait vainement les correspondants dans
le vocabulaire gaulois : ils font totalement défaut, ce qui est bien révélateur (l’absence
des mots pouvant être aussi significative que leur présence). D’abord les combattants
gaulois furent “étonnés de la grandeur de ces travaux qu’ils n’avaient encore jamais vus,
dont ils n’avaient jamais ouï parler” ( GG2 , 11/12, 50). Voyant les Romains pousser des
mantelets, élever un terrassement, construire une tour, “ils se mirent à en rire du haut
de leur mur et à [...] couvrir [les Romains] de sarcasmes” (même réf., 11/30, 58). C’est
trop tardivement et sporadiquement qu’imitant leurs ennemis ils en viendront à utiliser
pour leur défense certains de ces moyens, d’une redoutable efficacité : César leur doit
sans doute une partie de sa victoire en Gaule. A Alésia, “si les ouvrages des légionnaires
avaient été moins performants, commente Christian Goudineau (une double enceinte
dirigée contre les assiégés et l’année de secours de 16 et 21 kilomètres de longueur
avec tours, fortins et fossés, le tout réalisé en un mois !), si l’armée de secours (250 000
hommes d’après César) avait pu gagner quelques jours, le sort des armes aurait pu en
être changé” (1997, 26).
• Le danger des places centralisées
Le défaut majeur des places fortes a résidé dans la concentration dangereuse de
forces vives et de richesses. Dans les temps anciens, on l’a vu, souvent simples camps
militaires de surveillance ou lieux de refuges provisoires, les forteresses gauloises ont
tendu à devenir de plus en plus le siège d’habitats permanents ; certaines se sont muées
en sites semi-urbains, chefs-lieux de tribus ou de peuples, aux appellations glorieuses.
Les richesses de la nation : or, monnaies, blé, productions guerrières et artisanales, s’y
trouvaient rassemblées. Les noms des oppida se repèrent bien sur la carte ; les sites
des oppida concentreront bien les attaques. Ils vont offrir des cibles de choix, contre
lesquelles l’ennemi romain utilisera des moyens puissants. “L’annexion de ce vaste
pays, souligne à juste titre Venceslas Kruta, fut rendue possible par l’existence de cités
organisées autour d’un réseau d’oppida” (2000, 365). Sous la force des appellations
fières se révélera la faiblesse des sites centralisés. En effet, désarmer l’oppidum principal
équivaudra souvent pour César à désarmer la résistance de tout un peuple, qui doit
capituler (même réf., 360). “La Conquête, soulignent Françoise Audouze et Olivier
Buchsenschutz, n’a pu être finalement menée à bien que lorsque César eut contrôlé ces
agglomérations” (1989, 316).
Les abris de nature des eaux, des marais, de la forêt, fournirent des moyens de défense
finalement souvent plus efficaces : difficile d’atteindre des ennemis dispersés dans les
différents maquis (“L’armée romaine n’avait [...] aucune prise sur une population
disséminée sur un très vaste territoire.”) (même réf., 318). Monique Clavel-Lévêque va
jusqu’à écrire - ce qui paraît quand même exagéré - que “la forêt apparaît d’un bout à
l’autre de la guerre des Gaules, comme un facteur décisif de la tactique à la fois offensive
et défensive des Celtes. C’en est fait d’eux, lorsqu’ils abandonnent la protection des bois
pour des villes fortifiées” (1989, 161). On a ici une “conclusion un peu provocatrice”,
mais elle “pose en fait le vrai problème de la Gaule à la veille de la Conquête. Il est
exact que les Celtes se sont fait battre finalement dans une guerre de siège [...]. Il est vrai
aussi que les pays les plus boisés, dans lesquels les oppida étaient encore rares ou petits
et éparpillés [...] ont résisté plus longtemps” (Audouze et Buchsenschutz, 1989, 212).
Sans trancher dans un débat d’extrêmes, constatons que les deux pôles majeurs de la
guerre de défense : sites de nature et sites de forteresses, ont laissé tous deux des traces
riches dans nos noms.
Les oppida (1) : occupations anciennes de sites de hauteur
TYPE BRIGA
JŒUVRES (Loire), oppidum de 50 ha occupé au Premier âge du Fer et à La Tène finale
(place forte ségusiave).
Nom issu du gaulois *Divio-briga, la "Citadelle-[de-l'eau-]divine".
A 100 m au-dessus d'un méandre de la Loire.
Vue
aérienne de
l'oppidum
de CORENT
(Cliché
Camerani).
TYPE *CORENNUM
CORENT (Puy-de-Dôme), oppidum arverne de 50 ha, dominant de 200 m la vallée de
l'Ailier, occupé à l'époque de Hallstatt puis à La Tène.
Nom issu du celtique *cor-ennum, "hauteur-fermée" : ceinte d'un rempart.
Les oppida (2)
Vue prise* du camp attaque sur les pentes du Mont lira,
_L.
TYPE ALISIA
Oppidum d'ALÉSIA, de plus de 90 ha.
ALISE-Sainte-Reine, le Mont AUXOIS et le petit pays de l'AUXOlS tirent leur nom du
gaulois A/es/a (racine *alis-, "hauteur rocheuse", "falaise").
"Ce qui frappe tout de suite, c'est la présence, au sommet, d'une falaise calcaire, haute
de 20 m, absolument verticale, entourant le mont".
Les sites majeurs de la guerre des Gaules (GERGOVIE, ALI SE -Sainte- Reine, Puy-d'ISSOLUD)
gardent un nom issu de la langue gauloise.
Les oppida (3) : la défense des sites
Vue du Puv d issolu prise du colt* du tmdi
La hauteur du Puy-d'ISSOLUD à l'époque de Napoléon III.
TYPE DUNON
Puy-d'ISSOLUD (à Vayrac, Lot) doit son nom au gaulois Uxellodunum,
la "Haute-Forteresse".
On y trouvait un oppidum de 80 ha, "de tous côtés défendu par des rochers à pic, dont
l'escalade eût été difficile à des hommes armés, même en l'absence de tout défenseur"
[La Guerre des Gaules, VI 11/33).
La protection des eaux
La proximité des
eaux a pu servir à
la défense militaire
des sites. Le nom de
CONDÉ-sur-Suippe
(Aisne) provient du
gaulois condate,
"confluence".
Au cçnfluent de
l'Aisne et de la
Suippe, se trouvait
un oppidum gaulois
de 150 ha, protégé
par un rempart en V
- dont un des bras
longeait la Suippe -,
et défendu par les
eaux de l'Aisne.
(S. Fichtl, 2000, 39).
Les mûri gallici
Entre 20 000 et 60 000
clous ont équipé le
rempart d'une place
forte gauloise.
Le celtique tarinca,
"fiche de fer", a créé le
français (technique ou
régional) TARANCHE,
"barre de fer".
La fiche de fer est le
témoin archéologique ;
le mot est le témoin
linguistique.
TARANCHES du murus gallicus de Vertault (Musée archéologique de Dijon).
Les conflits se montrant fréquents, pour bien des nations de Gaule l’engagement
guerrier a dû être parmi les principales préoccupations et activités de la communauté :
“Beaucoup de peuples gaulois vivaient en un état de guerre quasi permanent” (Brunaux
et Lambot, 1987, 49).
Malgré la diversité des actions guerrières et des types de combats, certaines
constantes paraissent se dégager dans les comportements guerriers, observables à travers
des noms qui nous demeurent.
1 - AVANT LA BATAILLE
1.1. Le rassemblement religieux des guerriers
L’entrée en guerre se marquait certainement par des cérémonies sacrées : “Le fait
dominant dans la société celtique, souligne Karl Werner, [était] la force du facteur
religieux” ; on ne peut donc s’étonner si cette société “avait fait de la guerre une affaire
sacrée” (1984, 158 et 160). Il faut croire que “la conduite du guerrier [était] ritualisée à
l’extrême” à partir du moment où la guerre venait d’être décidée (Brunaux, 1995, 147).
Les troupes militaires (parfois seulement leurs représentants) devaient être
solennellement réunies avant le combat pour invoquer les divinités.
1.1.1. Les appels aux dieux
Les chefs religieux avaient donné l’accord ultime pour la guerre, selon l’interprétation
des signes divins. Les maîtres de sagesse (les DRUIDES) et les maîtres de parole (les
GUTUATERS) allaient diriger les invocations, adressant les promesses solennelles de
butin aux divinités (“La guerre décidée, ils promettent [au dieu guerrier] le butin qu’ils
feront”, GG, VI/17) ; et ils allaient organiser la lustration des troupes et le déroulement
des sacrifices (Brunaux, 1995, 147). On peut penser qu’avec les DRUIDES, au moment
où la nation engageait son avenir, les chefs du peuple - guides et protecteurs terrestres -,
et derrière eux les chefs militaires, jouaient également le rôle d’intercesseurs des guerriers
auprès des dieux. Les premières prières se tournaient sans doute vers le dieu “national” de
la teuta, bienfaiteur du peuple en temps de paix, et surtout chef guerrier suprême en temps
de guerre : le “féroce TEUTATÈS” (ou TOUTATIS), que cite Lucain (P.-M. Duval, 1958,
42 ; 1976, 29) : il était le “dieu protecteur d’une communauté dont l’unité se manifestait]
avant tout sous les armes” ; à l’époque gallo-romaine, il sera du reste invoqué sous
l’appellation de Mars Toutatis (Kruta, 2000, 839). L’Histoire nous a conservé le souvenir
de deux rois gaulois appelés TEUTOMATE : le premier, roi des Salyens, au II e siècle av.
J.-C. ; le second, roi des Nitiobroges, à l’époque de la guerre des Gaules (ayant pris part
à la bataille de Gergovie) (Kruta, 2000, 840). Leur nom signifiait : “Celui-qui-est-bon-
pour-la-Tribu” (Evans, 1967, 117-11 8). Celui qui sait appeler, aussi, le dieu de la tribu.
La divinité de la nation a pu être invoquée sous des appellations “particularisantes” :
propres à chaque communauté, donc parfois plus mobilisatrices encore. Une identité
profonde et très ancienne s’était formée entre le peuple et son protecteur divin. C’est
pourquoi le nom de ce dieu se montre parfois identique au nom que le territoire de la
nation ou de la tribu a laissé dans nos loponymes. Mars ALBIORIX était révéré par
les Albici: les ALBIQUES du pays et du plateau d’ALBION ; ARVERNORIX et
ARVERNUS avaient pour dévots les Arverni de l’ AUVERGNE ; Mars BUDÉNICUS
était appelé par les Budenicenses de la région de BEZOUCE (ou de BOUZENE) ; Mars
CATUR1X était peut-être prié par les CATURIGES de la région de CHORGES comme
il l’était en pays helvète ; Mars RUDIANOS était invoqué par la peuplade gauloise
installée au sud de l’Isère, qui a laissé son nom au ROY ANS... (Lambrechts, 1942, 131-
132 ; Thévenot, 1955, 88, 104 et 162 ; Benoît, 1959, 53, 61 et 161 ; Barruol, 1963, 356,
et 1975, 205). On verra que plusieurs de ces théonymes affichaient un caractère guerrier
indéniable (le dieu pouvant être surnommé le “Roi-du-Monde”, “Celui -de-la-Troupe”,
le “Roi-du-Combat” ...).
1.1.2. Les lieux de rassemblement
Certaines cérémonies d’entrée en guerre purent avoir lieu près de sites sacrés à
l’intérieur des oppida. Le nom de VERMENTON serait issu, si l’on en croit Ernest
Nègre, d’un composé celtique désignant la “Citadelle-du-Sanctuaire” (1990, 171). Dans
l’oppidum de BESANÇON, les guerriers séquanes se rassemblèrent peut-être pour
invoquer le dieu Mars VESONTIUS (Thévenot, 1955, 56) (car “des groupes sociaux
de moindre importance se rangeaient] sous la protection de Mars, ainsi des villes, des
localités éponymes”) (même réf., 142). Sur l’oppidum de Bibracte, des soldats éduens,
avant de partir au combat, appelèrent peut-être l’aide de la déesse éponyme BIBRACTE
(en gaulois dea Bibractis ), la divinité du haut lieu “Fortifié” (Lejeune, 1990). Près du
sanctuaire, au sommet de l’éminence du BEUVRAY, une grande surface libre d’un
hectare (bordée par un talus), sur la site de la Terrasse , a intrigué les chercheurs (camp
romain ? espace cultuel ?). Elle pourrait avoir correspondu à un lieu utilisé pour les
rassemblements sacralisés, et en particulier pour les réunions solennelles des guerriers
(Brunaux, 1996, 91).
Les hostilités opposaient souvent deux Etats voisins ou en coalisaient au contraire
deux contre un troisième. Aussi les zones limites de territoires prirent une grande
importance, stratégique et symbolique. Nous avons vu au chapitre précédent que plus
de 30 % des toponymes issus du modèle -dunon se repéraient à proximité des frontières
des anciens peuples gaulois. Dans ces “Super-Forteresses”, “Forteresses-de-lTf”, ou
“Forteresses-des-Héros” et autres “Forteresses-Victorieuses”, des cérémonies purent se
dérouler avant le départ pour la guerre. On songe aussi aux Lugudunum, “Forteresses-
de-LUG”, dont le nom paraît être à l’origine d’une vingtaine de nos localités et lieux-
dits (LAON, LAUDUN, LOUDUN, LYON...). La plupart des toponymes concernés se
remarquent près d’anciennes limites de territoires gaulois (se reporter dans le tome III
au chapitre 3 “Les Dieux”, partie 2.1.4.). LUG, décrit dans les récits celtes anciens
comme un jeune dieu guerrier, fort et combatif, armé d’une lance invincible, pouvait être
invoqué par les combattants se préparant à affronter la fortune des armes.
Pour la cérémonie de lustration des troupes, et de promesses aux dieux, on songe
à des lieux sacralisés de forteresses, mais aussi (et peut-être surtout) à des lieux de
sanctuaires : davantage aptes à solenniser l’entrée sacrée en guerre, et à élever dans
l’esprit des soldats l’âme du combat.
De nombreux lieux cultuels avaient été aménagés aux frontières, points symboliques
soulignant l’intégrité du territoire : Paul Lebel parle du “caractère sacré que les
peuples [...] attribuaient aux frontières territoriales” (1954-1955, 352) ; Jean-Louis
Brunaux évoque semblablement ces sanctuaires de frontières, “marque intangible
de l’appropriation d’un territoire” (dans Moscati, 1991, 364-365). L’étude des
“Cultes” (chapitre 4 du tome III) nous montrera que le nom gaulois le plus courant
du sanctuaire, nemeton, a été gardé dans une quinzaine de noms de lieux qu’on repère
systématiquement aux anciens endroits de frontières de tribus ou d’Etats. Que les sites
de sanctuaires frontaliers aient pu voir se dérouler des cérémonies guerrières commence
à être bien perçu par l’archéologie (l’exemple de GOURNAY (Oise) est devenu
célèbre) : des trophées d’armes, des restes humains donnent à ces enceintes cultuelles
une “signification guerrière” maintenant “évidente” (Brunaux, dans Moscati, 1991,
364-365). Certaines cérémonies, limitées aux chefs et aux représentants des guerriers,
purent avoir lieu dans le sanctuaire lui-même. Mais la réunion en masse des soldats
n’était pas possible dans ce lieu trop exigu (et d’accès très fermé) ; elle dut avoir lieu
à proximité immédiate, sur un terrain assez grand. Les archéologues repèrent (comme
à Bibracte) de vastes aires, qui peuvent jouxter les enclos sacrés, et se montrent vides
de toute construction et de tout mobilier (ils les nomment parfois Viereckschanzen )
(Buchsenschutz, 1991 ; Kruta, 2000, 860). “L’association entre certains groupes de
Viereckschanzen et les fanum [gallo-]romains semble une piste intéressante, et évoque
immanquablement l’enclos de Gournay-sur-Aronde et ses temples successifs”, souligne
Olivier Buchsenschutz (même réf., 111). Autour du sanctuaire de GOURNAY, chez
les Bellovaques, “15 000 guerriers [...] devaient pouvoir se rassembler. L’enceinte
d’une dizaine d’hectares, qui entoure le sanctuaire et où ne fut trouvé aucun vestige
d’habitation, avait peut-être ce rôle” (Brunaux, 1995, 148-149).
Nous nous demanderons s’il ne faudrait pas relier ces faits, à base archéologique, à
d’autres faits, de nature linguistique. Une trentaine de localités de France doivent leur
appellation moderne à un ancien composé gaulois Mediolanon. Ce nom pourrait signifier
“Terre-plein-du-Centre”, “Espace-plat-du-Milieu”, “Aire-sacrée-de-rassemblement”
{lano-, au sens de “plan”, se reliant alors à la même famille indo-européenne que le latin
planus , “plat”, “uni”, “plan” ; et medio- étant chargé d’une signification sacralisante)
(Guyonvarc’h, 1960c) ; à moins, comme certains linguistes (qui rapprochent lano- du
vieil-irlandais lan, gallois llawn, et breton leun, “plein”), de pencher pour un sens
davantage mystique et de traduire “Plein-Centre”, “Centre-sacré” (Emout et Meillet,
1985, 512-513 ; Delamarre, 1999, 34-35 ; 2003, 221-222) (on rejettera par contre
“Plaine-du-Milieu” ou “Centre-de-la-Plaine”, qui ne correspond à rien : se reporter, dans
le tome III, à l’étude des “Lieux de cultes”). Ces Mediolanon, centres investis d’une
certaine charge sacrée, ont pu être conçus anciennement comme des lieux d’esplanade
pour les assemblées guerrières - mais aussi servir aux réunions politiques et judiciaires
solennelles, et à des rassemblements à caractère religieux.
C’est juste au pied du plateau sur le versant duquel était installé le sanctuaire guerrièr
de GOURNAY qu’on trouve le village de MOYENNEVILLE. Le nom latinisé en
Mediana villa (forme notée en 1070) remonte à un ancien gaulois Mediolanus in pago
Belvacensi, attesté en 673 (Lambert, 1982, 381-382 ; Brunaux, 1984, 212 ; Dauzat et
Rostaing, 1978, 424). Ce lieu de “Terre-plein-du-Centre” ou de “Plein-Centre” n’aurait-
il pas servi aux rassemblements des guerriers bellovaques ? On remarque qu’il était
situé à la triple limite des Bellovaques, des Ambiens et des Viromanduens, endroit bien
en relation avec des intentions guerrières. “Le sanctuaire fai[sait] figure de sentinelle
veillant sur la frontière” (Brunaux, 1996, 69).
Si quelques Mediolanon ont pu être situés au cœur d’un territoire d’Etat gaulois
(mais peut-être à la jointure de différents pagi !), la très grande majorité des Mediolanon
se repère dans des zones d’anciennes frontières de peuples (se reporter au ch. 4 du
tome III, avec carte générale, et exemples complémentaires). MÂLAIN (Côte-d’Or)
( Meilano , en 1131) correspond à la limite antique entre les Lingons, les Eduens et
les Mandubiens (le site a révélé l’existence de trois temples gaulois) (Roussel, 1994,
64-65 et 77-78). MAULAN (Meuse) (Malo Anna , en 1402, réinterprétation d’un ancien
*Mediolano ) était à la frontière des Leuques, des Catalaunes et des Médiomatriques ;
LES MIOLANDS, hameau d’Hurigny (Saône-et-Loire) ( Miolano , en 1031-1062 ;
Mediolano, en 1074-1096), se situait sans doute près de la jonction des territoires des
Eduens et des Ambarres, non loin des Ségusiaves ; MOLAIN (Aisne) ( Moylains , en
1220) se trouvait à la séparation entre Nerviens, Viromanduens et Rèmes ; MOËLAN
(Finistère), à la limite des Osismes et des Vénètes. On remarque - les frontières
modernes ayant pu calquer les anciennes - que les toponymes issus du type mediolanon
se repèrent parfois à la séparation de deux ou trois de nos départements : ainsi MESLAN
est à la limite du Morbihan et du Finistère ; MESLAND, juste entre le Loir-et-Cher
et l’Indre-et-Loire ; MOËSLATNS, exactement entre la Haute-Marne, la Meuse et la
Marne ; MOLAIN, à la séparation des départements de l’Aisne et du Nord ; MOLIENS,
au point extrême entre l’Oise, la Seine-Maritime et la Somme, etc. (fig. 23).
Quelques-uns de ces Mediolanon pourront développer par la suite des sites d’habitats
groupés, tels MÂLAIN, en Côte-d’Or ; CHÂTEAUME1LLANT, dans le Cher ; ou
MAULAIN, en Haute-Marne. Et certains deviendront des agglomérations importantes,
placées au centre du territoire, telles Evreux ou Saintes, anciennes Mediolan(i)on, et
MILAN (cas extrême). Mais dans la plupart des cas, on a affaire aujourd’hui à de toutes
petites localités (souvent simples villages ou lieux-dits), assez éloignées des grands
centres (Guyonvarc’h, 1961, 156). Voyons-y la marque de l’installation fréquente des
antiques aires de rassemblement sur des terres périphériques, à l’écart des grandes
concentrations. Réunis en armes sur les confins sacrés de leur Etat, face aux territoires
de peuples voisins, les guerriers gaulois s’apprêtaient rituellement à partir vers la bataille
et la mort héroïque, pour leurs dieux et pour leur nation.
1.2. Les troupes guerrières
2.2.2. Différents corps armés
L’armée gauloise prête au combat devait souvent paraître une foule hétéroclite de
petites troupes, unités militaires émanant des différentes tribus ou fractions : “L’armée
gauloise, comme bien des armées protohistoriques, ne fut jamais, sinon au dernier
temps de l’Indépendance, une armée au sens propre du terme. Elle était plutôt un
groupement de bataillons” (Brunaux et Lambot, 1987, 52) (on trouve déjà dans le Grand
Dictionnaire universel du XIX e siècle : Les Gaulois, “dans leurs expéditions, formaient
tic grands rassemblements armés plutôt que des armées proprement dites”) '(Larousse, I,
1866, 652). Le fait que plusieurs mots restés dans nos noms propres nous les évoquent
encore aujourd’hui est peut-être assez révélateur de leur mosaïque passée.
Un autel antique découvert à Collias (Gard) a livré une dédicace au Marti Budenico
( C./.L . , XII, 2973) ; et un autre, trouvé au même lieu, a révélé ses probables dédicants : les
Budenicenses ( C./.L. , XII, 2972) ; c’étaient sans doute le “Mars de la Troupe guerrière”,
et les “Gens-de-la-Troupe”. L’appellation de cette communauté paraît s’être gardée dans
le nom du hameau de BOUZÈNE, à Tornac (Gard) (on a songé aussi à BEZOUCE, et
à BEZUT, sur la commune de Baron, dans le même département) (Allmer, 1878, 132-
134; 1887, 284-285; Mowat, 1885, 197; 1886, 400-401 ; Whatmough, 1970, 178;
Fleuriot, 1982, 121 ; Billy, 1993, 36). *Budina devait nommer en gaulois la “troupe
guerrière” : on connaît un vieil-irlandais buiden, un gallois byddin et un vieux-breton
MOLAIN
MESLAN ET MOËLAN
Fig. 23 - Anciens MEDIOLANON et frontières d'aujourd'hui.
bodin, tous trois au sens de “troupe”, d '“année”. On a fait l’hypothèse que de ce gaulois
*budina serait issu le bas-latin badina , al lesté au I X e siècle au sens de “borne frontière” :
*budina aurait spécialement désigné une “troupe montant la garde à la frontière” (les
Budenicenses s’étant dénommés “Ccux-qui-montent-la-garde”, “Ceux-qui-défendent-la-
Frontière”). Du sens de “corps de garde marquant la frontière” serait née l’acception de
“borne frontière”, d’où notre mot de BORNE (ancien français bodne, v. 1.121 ; forme
moderne borne, dès 1180-1190, issue du picard, où - dn - aboutit à - rn -) et notre verbe
ABONNER (“fixer une limite”, en 1268) (Fleuriot, 1964, 87 ; Vendryes, 1981, B - 1 14 ;
Delamarre, 2003, 93 ; et Bloch et von Wartburg, 1975, 78 ; Imbs, IV, 1975, 707 ; Rey,
1992, 249).
Une autre appellation gauloise du groupe armé, *drungos, peut être rapprochée
du vieil-irlandais drong, “groupe”, “bande”, “troupe”, et du vieux-breton drogn,
“rassemblement”, “troupe” (Fleuriot, 1964, 152 ; Vendryes, 1996, D-201 ; Delamarre,
2003, 150-151). Elle se retrouve dans le gaulois latinisé drungus, attesté chez Végèce
(Ernout et Meillet, 1985, 185 ; Lambert, 2003, 205). L’histoire militaire nomme
DRONGE (ou DRUNGE) un bataillon de la milice du Bas-Empire, et le DRUNGAIRE
le chef de ce type de bataillon (Larousse, VI, 1870, 1303) ; mais ce n’est que la
francisation savante d’un terme antique.
Un troisième terme gaulois, * slougo -, a servi à désigner la “troupe”, l’“armée”, le
“groupe” ; il est à relier au vieil-irlandais slog, sluag, “troupe”, “armée”, “assemblée” ;
au moyen-gallois et gallois llu, “troupe” ; au breton -lu (connu dans des noms de lieux)
(Fleuriot, 1964, 247 ; Vendryes, 1974, S-136 et 137). On le trouve peut-être à l’origine
du nom des CATUSLOGUES ( Catuslugi ), peuplade belge citée par Pline, dans son
Histoire Naturelle (IV, 106) (Schmidt, 1957, 168 et 269). Ils étaient la “Troupe-du-
Combat”. Une inscription découverte en 1965 à Bois-l’Abbé (commune d’Eu, Seine-
Maritime) a montré la présence de cette peuplade le long de la vallée de la Bresle, au
sud-ouest d’Abbeville (Agache et Bréart, 1981, 53 ; Fichtl, 1994, 132 ; Rogeret, 1997,
252). On peut penser qu’ils occupaient le territoire, au nord de la Seine-Maritime (peut-
être entre les rivières de la Bresle et de la Scie) (Chastagnol, 1998), correspondant au
Pays du TALOU. Leur ethnonyme serait justement à l’origine de ce nom. L’évolution
phonétique suivante peut être reconstituée : Catuslougo aurait d’abord évolué en
*Catolugu, par réduction de -si- à ; puis serait devenu *Telougu, par aphérèse de ca-
et affaiblissement de la prétonique -o- en -e- ; et enfin *Telou/*Telau, la forme in pago
Tellau étant attestée à l’époque carolingienne (informations de P. -H. Billy à l’auteur).
Les chapitres précédents nous ont permis d’évoquer un quatrième terme nommant
le groupe militaire, qui devait être très courant, car il a laissé des marques assez
importantes dans notre toponymie : corio-, “troupe”, “armée” (fîg. 24). Il est bien
d’origine celtique : on connaît un vieil-irlandais cuire , un gallois cordd* et un vieux-
breton cor ayant eu le sens de “troupe” (Fleuriot, 1964, 118 ; Vendryes, 1987, C-275).
L’étude des “Mouvements des peuplades” (au chapitre I) nous a montré que le mot a dû
désigner chez les Indo-Européens un groupe avec des guerriers en armes, se déplaçant
à la recherche d’un lieu d’établissement (le vieux-perse kara peut désigner selon
les contextes le “peuple” ou l’“armée” ; le gallois cordd signifie “tribu”, “clan”, ou
“troupe”) (Benveniste, 1969, 111 ; Vendryes, même réf. ; Delamarre, 2003, 125-126).
Après installation sur un territoire, le corio- pourra à tout instant remobiliser ses troupes.
Les CORIOSOLITES, peuple installé entre Redones et Venetes, ont laissé leur nom
à CORSEUL (Côtes-d’Armor) ( Corsult , v. 869) ; ils étaient littéralement les “Troupes-
qui-veillent” (- soli - renvoyant en celtique au fait de “regarder”, de “faire attention”)
(Fleuriot, 1981, 182-183 ; Delamarre, 2003, 287 ; Billy, 2011, 213).
Fig. 24 - Toponymes issus du celtique CORIO-.
Cherbourg, un peu plus à l’est, chez les Unelli, s’appelait jadis *Coriovallum
(comme Heerlem, aux Pays-Bas), peut-être le “Camp-fortifié-de-la-Troupe” (Delamarre,
2003, 125). On trouve Coriallo dans la Table de Peutinger. Et en 747-753 est attesté le
pago Coriovallinse, qui a donné naissance au pays du CORLOIS (autour de Cherbourg,
Saint-Vaast, Valognes) (de Beaurepaire, 1986, 100-101 ; Fénié, 2000, 124).
Très loin de cette région, entre les cours d’eau de l’Isère et de la Drôme, la
même appellation était utilisée : les VERTAMOCORES (la “Troupe-des-Combattants-
Supérieurs”) ont laissé leur ethnonyme au VERCORS ( Vercoriis , en 1293). Notons que
les habitants de cette petite région sont aujourd’hui appelés les VERTACOMIRIENS,
nom très proche de celui de la peuplade antique (Fleuriot, 1962, 182-184; Deroy et
Mulon, 1992, 504 ; Delamarre, 2003, 3 17 ; Biliy, 201 1, 562).
Plusieurs corps armés s’agrégeant souvent pour former une nation, les differentes
composantes d’un même peuple pourront avoir en cas de guerre à fournir chacune
un contingent d’hommes en armes. Rappelons que les Tricorii , les “Trois-Troupes”
- émigrés celtes de Grande-Bretagne -, ont laissé leur ethnique à Tréguier et au Trégor
(ou Trégorrois) (Fleuriot, 1980, 131 ; Deroy et Mulon, 1992, 486). On trouvait aussi,
dans la région des Alpes, une peuplade des TRICORES, établie dans le bassin du
Drac ; son nom, cité par Tite-Live, Strabon et Pline, ne semble pas être passé dans
notre toponymie. Par contre, nous savons que les Petrocorii , les “Quatre-Troupes”,
se retrouvent dans le PÉRIGORD ( Petrogoricum , en 575-594) et dans PÉRIGUEUX
( Petrocoris , en 575-594), dont les habitants sont toujours dénommés PÉTROCORIENS
(Fleuriot, 1980, 131 ; Billy, 2011, 428-429).
I. 2.2. Enseignes et emblèmes de la guerre
Les différentes troupes armées allaient combattre ensemble, mais chacune commandée
par un chef et arborant ses tenues personnelles et ses étendards propres (Jullian, II, 1 909,
16).
En 52 av. J.-C., le rassemblement de chefs de la Gaule en un lieu retiré de forêt scelle
l’union guerrière contre Rome ; les Carnutes, initiateurs de la réunion, “demandent
qu’on jure solennellement sur les étendards militaires réunis en faisceau (cérémonie
usitée chez eux pour nouer les liens les plus sacrés) [...] ; tous ceux qui étaient présents
prêtent le serment” (GG2, VII/2, 145). Les TONGRES ( Tungri , cités par Pline) étaient
un peuple gallo-romain regroupant les fragments de plusieurs anciennes peuplades
belges. Etablis dans le bassin moyen et inférieur de la Meuse (en Belgique), ils ont
laissé leur appellation à la ville de TONGRES ( Aduaga Tungrorum , dans Y Itinéraire
d’Antonin) (Moreau, 1972, 269-270 ; 1983, 253). Ils étaient surnommés “Ceux-qui-sont-
liés-par-serment” (radical tong- à rapprocher du vieil-irlandais tongu, “je jure”, toinge,
“fait de jurer” ; et du gallois tung, “serment”) (Tourneur, 1944, 53 ; Camoy, 1949, 673 ;
Guyonvarc’h, 1965, 386 ; Michel, 1981, 138 ; Deroy et Mulon, 1992, 482 ; et Vendryes,
1978, T-97 et T-106, 107).
Le gaulois corio - a pu prendre le sens particulier de “bannière”, d’“étendard”. Des
calques latins qui copient à l’époque gallo-romaine les ethnonymes gaulois des Tricorii
ou des Petrocorii paraissent le montrer : les Quattor-signani, désignant les quatre tribus
des Tarbelles, étaient mot à mot les “Quatre-enseignes” ; de même les Sex-signani, les
six tribus des Cocosates, étaient littéralement les “Six-enseignes” (Whatmough, 1970,
249 et 402 ; Fleuriot, 1980, 131 ; P.-M. Duval, 1989, 725). On peut donc penser que les
PFTROCORES du PÉRIGORD se disaient aussi bien les “Gens-aux-quatre-étendards”
que “Ceux -des-quatre-troupes” (chaque corps d’armée tribal portant son emblème
particulier). »
Il nous faut imaginer des dizaines d’enseignes brandies sur le champ de bataille (à
Alésia, après le combat du Réa, où les troupes gauloises sont mises en fuite, pas moins
de “soixante-quatorze enseignes militaires sont rapportées à César”) (GG2, VII/88, 191 ).
Au bout des enseignes, les soldats avaient fixé des figures de métal (ou de bois), le plus
souvent des représentations animales : symboles guerriers et religieux (les combattants
d’élite ont été fréquemment associés chez les Celtes à des figures d’animaux) (Jullian,
II, 1909, 198-199 ; Deyber, 1987b ; Plagne, 1995, 159-163).
CAHORS et le QUERCY nous conservent l’appellation des CADURQUES. Selon
Pierre-Yves Lambert, ils auraient été peut-être les *Catu-turci (contracté en Caturci ) :
les “Sangliers-du-Combat” (Lambert, 2003, 48 ; Delamarre, 2003, 304). Mais des doutes
existent : le passage phonétiquement anormal de Caturci à Cadurci pourrait amener à
rejeter l'hypothèse. Pour l’auteur de La Langue gauloise, cependant, “la graphie avec
-d- semblerait indiquer que les Romains ont compris la sourde du gaulois (sans doute
simple, et douce) comme équivalant à leur sonore” (Lambert, 2003, 48). On pourrait
aussi songer à une dissimilation *Catuturci>*Catudurci, réduit ensuite à Cadurci. Le
sanglier figurait la classe sacerdotale (aspect sacré du combat) ; il donnait également
l’image de l’ardeur des guerriers : “Cet animal, célèbre par ses fureurs spectaculaires,
peut se montrer extrêmement agressif ; ses assauts, redoutables et souvent meurtriers,
font de ses qualités de force et de courage un véritable symbole guerrier” (Plagne, 1995,
161) ; il “communiqu[erait] sa force et sa puissance à ceux qui se groupaient autour de
lui” (Jullian, II, 1909, 199). Chez de nombreux peuples, la représentation du sanglier
dut orner des hampes d’étendards, comme les monnaies gauloises le montrent (Deyber,
1987b), et aussi la découverte exceptionnelle d'enseignes de métal à forme de sanglier
(telle P enseigne-sanglier de Soulac, en Gironde) (Boudet et autres, 1992, 26-27, avec
phot.). Si leur nom se reliait effectivement au nom du sanglier, on peut penser que les
CADURQUES utilisèrent le même emblème.
Le taureau, symbole de force royale et en même temps image de force guerrière, a
sûrement servi d’enseigne à plusieurs peuples ou peuplades (Deyber, 1987b). On a fait
l’hypothèse que les TARBELLES (dont l’ancien chef-lieu, TARBES, Tarvam vicum ,
en 587-590, a un nom “peut-être apparenté à celui de la tribu gauloise”) devraient leur
appellation au gaulois tarvos , “taureau” (Deroy et Mulon, 1992, 133 et 469). On verra
(dans le chapitre sur “Les Animaux emblématiques”, au tome III) que des chefs guerriers
ont eu leur nom calqué sur le nom celtique du taureau.
Le faucon (en celtique, volco-) a pu être également un emblème du combat (“Cet
animal est un oiseau de proie qui, à l’échelle des oiseaux, joue le même rôle de
prédateur que le guerrier à l’échelle humaine”) (Plagne, 1995, 160). CATUVOLCUS,
signalé par César comme chef gaulois des Eburons en 54 av. notre ère (La Guerre des
Gaules, V, 24, 26), était mot à mot le “Faucon-du-Combat”. Un groupe de peuples
celtiques, très mobiles et dispersés sur plusieurs territoires, en tiraient leur appellation :
les VOLQUES. En Gaule s’étaient installés les VOLQUES Tectosages, autour de
Toulouse (Bas-Languedoc occidental et Roussillon), et les VOLQUES Arécomiques,
autour de Nîmes (Languedoc oriental). Il est possible que leurs étendards aient porté
des images de faucon. Le destin de cet ethnonyme est curieux. Une forte composante
des VOLQUES se trouvant établie en Europe centrale, l’appellation Vole-, déformée en
Walh-, va servir aux anciens Germains à désigner les populations étrangères avec qui ils
étaient en contact (groupes celtes, puis de langue romane), une connotation péjorative
s’y attachant. D'où une série de noms de peuples : Wallons, Valaques, Gallois (welsh :
brittons d’origine celtique, face aux Anglo-saxons, envahisseurs de souche germanique),
qui furent tous traités de Volcae : les faucons se sont multipliés (Robert, 1988, 21 1-212 ;
Deroy et Mulon, 1992, 187, 497, 513).
D’autres figures d’oiseaux ont pu être brandies sur des enseignes militaires. Les
Aulerques BRANNOVIQUES, petit peuple client des Eduens (cités par César), tiraient
leur ethnonyme du nom gaulois du corbeau, bramio- ; c’étaient les “Guerriers-au-
Corbeau” : “Ceux-qui-combattent” ou “Ceux-qui-vainquent-par-le-Corbeau” (Schmidt,
1957, 155 ; Sergent, 1991a, 10 ; 1995, 204). Dans les légendes celtiques, ces oiseaux
montrent un rôle actif auprès des combattants (se reporter, dans le tome III, au chapitre 2,
“Les Animaux Emblématiques”, partie 4.3. “Corbeaux et Corneilles”). On a supposé, les
Brannovices ayant été peut-être établis dans l’actuelle Saône-et-Loire, que BRANDON
(localité au sud de ce département) aurait été une de leurs places fortes. Le château de
BRANDON, du XII e siècle, “semble avoir été bâti sur un site antique” ; il “occupe, sur
une hauteur rocheuse, une situation de surveillance sur tout le pays voisin” (Rebourg,
1994, 211). Selon H. d’Arbois de Jubainville, le lieu aurait été nommé Brandono
dans une charte de l’an 1000 ou environ ; il renverrait à un modèle *Brannodunum,
“Forteresse-du-Corbeau” : on connaît un Branodunum en Grande-Bretagne, aujourd’hui
BRANCASTER (d’Arbois de Jubainville, 1 890, 400 ; Jeanton, 1926a, 56 ; Dauzat et
Rostaing, 1978, 109; Nègre, 1990, 170; Delamarre, 2003, 85); mais l’identification
du *Brannodunum gaulois comme son interprétation ont été discutées (Taverdet, 1997,
223-224 ; Billy, 2001a, 25).
Le nom français de l’ ALOUETTE provient d’un gaulois alauda (ancien français aloe
et aloe(e)te) (Imbs, II, 1973, 609). Il a été rappelé au chapitre II qu’une légion de Gaulois
nommée Alaudae : “les ALAUDES”, avait existé. Ses guerriers ont pu porter des petites
figures d’alouettes ou des aigrettes sur leurs casques, et arborer sur leurs enseignes la
représentation d’un de ces oiseaux, allié du combattant (Gilbert, 2007, 10-15, 20). Dans
les dialectes du Centre, on rencontre le mot ALOUETTÉ au sens de “vif, dégourdi,
alerte” (Depecker, 1992, 30). Ces qualités propres à l’oiseau auraient-elles été associées
au guerrier ? Des raisons sacralisantes ont pu jouer aussi.
1.2.3. Tumidte gaulois
Aux scintillements des enseignes levées s’ajoutait le cliquetis des armes : LANCES,
GLAIVES et TALEVAS entrechoqués par des centaines de guerriers (“Le tintamarre, le
tumulte, le tapage, le bourdonnement et le grondement, le hourvari et le vacarme qu’il a
entendus, c’était le bruit des boucliers, le cliquetis des piques, le martèlement des épées,
le fracas des casques, le son dur des cuirasses, le frottement des armes [. . .] des guerriers
en marche vers nous”, lit-on dans le récit irlandais d’un avant-combat) (La Razzia
des vaches de Cooley, Deniel, 1991, 269). Il y avait aussi le vacarme des CHARS,
CHARIOTS et CHARROIS qui suivaient fréquemment les guerriers vers les lieux de
bataille (“Car les Gaulois, même dans les moindres expéditions, trament toujours après
eux une foule de chariots”) (GG2, VIII/14, 200).
Le tumultus gallicus était également provoqué par les trompes gauloises : les
CARNYX. La survie du nom, exhumé par les historiens, est purement savante :
l’instrument était si particulier que son appellation s’était depuis longtemps oubliée
comme l’usage. La graphie grecque du mot s’explique par le fait que c’est un
grammairien de langue grecque (lexicographe byzantin) qui nous l’a fait connaître (“La
[ trompette] galate [...] possède un pavillon (cloche) en forme d’animal, c’est un genre
de tuyau de plomb dans lequel soufflent les trompettistes, elle a un son aigu (perçant) et
elle s’appelle chez les Celtes carnyx ”) (Eustathe de Thessalonique, Scolies sur l’Iliade
d'Homère, 1 139, 50-52, dans Vendries, 1999, 368 ; et 1993, 28). Les représentations sur
les sculptures et les monnaies (sans oublier une plaque d’argent au repoussé du chaudron
de Gundestrup) nous montrent un aérophone à long corps vertical avec un pavillon en
forme de gueule monstrueuse (Vendries, 1993 et 1999, avec phot. ; Le Bihan, 1986,
127). Des sons stridents et discordants en sortaient, selon les auteurs antiques. Diodore
de Sicile atteste son emploi par les guerriers gaulois : “Ils ont des trompettes d’une
nature particulière et bien faites pour des barbares : ils soufflent dans ces trompettes et
en font sortir un son rude qui convient bien au tumulte de la guerre” (Diodore de Sicile,
V, 30, trad. Cougny, I, 1986, 408). Des CARNYX furent peut-être utilisés lors du siège
d’Alésia ; on lit en effet dans La Guerre des Gaules : “Vercingétorix donne le signal aux
siens avec la trompette et les conduit hors de la place” (GG2, VII/8 1 , 1 88) : le CARNYX
pouvait servir de signe de ralliement, comme l’enseigne.
Les clameurs des gueniers ajoutaient au tohu-bohu. Le nom gaulois du cri n’est pas
passé dans le français. Mais son correspondant celtique insulaire (vieil-irlandais gairm,
gallois et comique garni, “cri”) se retrouve dans un composé gaélique, transmis à notre
langue ; il mérite d’être cité même s’il sort du cadre strictement gaulois, car il nous
restitue un souvenir vivant des anciennes traditions propres à tous les Celtes : sluagh-
ghairm, “cri de guerre de la troupe armée” (composé où l’on reconnaît l’élément *sloug-,
vu dans le nom des CATUSLOGUES). Il a donné naissance à notre moderne SLOGAN
(Walter, 1991, 319; Quemada, XV, 1992, 561-562) : cri de guerre... de la publicité,
formule -choc qui veut imposer sa force de vérité, comme le guerrier celte de jadis qui
criait des mots face à son adversaire. “Alors [...] le héros victorieux, le champion à
l’épée rouge, monta dans son char, et alentour hurlèrent les bocanaig, les bananaig
[= les démons, les lutins] et les follets de la vallée ; car les Tûatha Dê Danann poussaient
toujours leur cri de guerre autour de lui pour que fussent à leur comble l’horreur, la
crainte et la frayeur”, lit-on dans le texte irlandais de La Razzia des vaches de Cooley
(Deniel, 1991, 242-243). Les récits historiques concordent avec les récits d’épopées : les
écrivains latins évoquent aussi les clameurs des armées celtes sur les champs de bataille
d’Italie (Brunaux et Lambot, 1987, 113). César, pour la Gaule, note : “Ce qui contribue
beaucoup à effrayer nos soldats, ce sont les cris [des Gaulois] qui s’élèvent derrière eux”
0 GGl , VII/84, t. 2, 274-275).
On sait que les BELLOVAQUES (peuple dont César souligne qu’il était “réputé
parmi les peuples gaulois pour le plus valeureux”) ont laissé leur ethnonyme à
BEAUVAIS et au BEAUVAISIS {GGl, Wlï/59, t. 2, 253 ; Nègre, 1990, 152 ; Fénié,
2000, 66). L’origine de leur nom (gaulois Bellovacï) est réputée obscure par les linguistes
(Deroy et Mulon, 1992, 52 ; Lambert, 2003, 34). Nous relierons le premier élément du
composé à un gaulois *bello-, “hurler” : indo-européen *bhelH-, “résonner”, “parler”,
“rugir”, “aboyer”, que l’on trouve attesté dans le sanskrit bhasâ-h, “aboyant”, le vieux-
haut-allemand bellan, “aboyer”, et le vieil-anglais bellan, “hurler” (d’où l’anglais bell,
“cloche”, mais aussi bell, “bramement du cerf”) (Pokomy, 1959, 123-124; Michel,
1981, 128 ; Degavre, 1998, 85). Les BELLOVAQUES auraient donc été des “hurleurs
probablement par rapport à leur cri de bataille” (Maurits Gysseling, cité par Michel,
1981, 128). Pour le second élément du composé, on écartera le rapprochement de
-vaci avec une racine liée au latin vaccilare, qui amènerait à traduire les “Vacillants”,
les “Chancelants”, les “Courbés” (ce qui ne fait aucun sens pour un nom de peuple)
(Delamarre, 2003, 305). J. Loth rapproche l’élément gaulois vac- de l’irlandais fochain!
fachain, “disputant”, “luttant”, et du gaélique fachail, “lutter”, “quereller” (Evans, 1967,
475-476 ; Delamarre, 2003, 305). Le nom des Bello-vaces pourrait donc avoir désigné
“Ceux-qui-luttent-en-criant” ou “Ceux-qui-querellent-en-hurlant”.
Le nom des maîtres du chant et de la célébration, les ÉARDES, se relie
étymologiquement au pouvoir de la voix : gaulois bardos remontant à un indo-européen
*gwer-, “élever la voix”, “louer”, “célébrer”, ou “invectiver” (Pokorny, 1959, 478 ; Le
Roux et Guyonvarc’h, 1986, 432-437) ; ils pouvaient diriger avant le combat, devant
les troupes gauloises rassemblées sur le champ de bataille, des chants et des formules
d’incantation magique. Polybe évoque ainsi les Gaulois à la bataille de Télamon, en 225
av. J.-C. : “La quantité des buccins et des fanfares était incalculable, et s’y ajoutait une
si vaste et si forte clameur de toute cette aimée poussant en chœur son chant de guerre
que non seulement les instruments et les soldats, mais encore les lieux environnants qui
en répercutaient l’écho paraissaient donner de la voix” {Histoires, II, 29, trad. Pédech,
1970, 72). Ce chant guerrier dirigé par les BARDES devait être nommé barditos, terme
(clairement dérivé du nom celtique du BARDE) qu'on retrouve attesté chez les anciens
Germains qui en avaient repris la coutume : “Ils ont aussi des chants qu’ils entonnent
- c’est ce qu’ils appellent le BARDIT - pour enflammer leur courage”, écrit Tacite
( Germania , III, cité par Le Roux et Guyonvarc’h, 1986, 437). Chateaubriand fera
l’évocation épique de ce BARDIT dans Les Martyrs (au livre VI).
Enfin, toujours avant la bataille, les soldats de certaines tribus pouvaient exécuter
des danses de rituel guerrier, brandissant LANCE ou GLAIVE, faisant mimiques,
contorsions et sauts. Le récit épique de La Razzia des vaches de Cooley montre le héros
guerrier Cuchulainn effectuer contorsions sur un seul pied et sauts divers (bond du
saumon, saut dans l’espace, saut sur l’épée) (Deniel, 1991 et 1997 ; Guyonvarc’h, 1994).
Dans un autre texte irlandais ancien, La seconde Bataille de Mag Tured, on voit Lug,
dieu-chef des Tuatha, faire avant le combat le tour du champ de bataille, en sautant sur
une seule jambe (tout en chantant et en gardant un œil fermé) : pratique magique destinée
à circonvenir les forces de l’adversaire (Guyonvarc’h, 1980, 56 ; Brasseur, 1997, 90). Le
consul Cnaeus Manlius Vulso, haranguant ses troupes en 189 av. J.-C., évoque au sujet
des ennemis celtes “leurs chants, leurs hurlements et leurs danses sauvages quand ils
commencent le combat” (Tite-Live, Histoire Romaine, XXXVIII, 17, trad. Adam, 1982,
28). L’appellation du peuple gaulois des LINGONS (gaulois Lingones), accentuée sur
l’antépénultième, s’est conservée dans LANGRES et le plateau de LANGRES ( ling -
devenant lang-, comme lingua aboutissant à langue ; et le second -n- se transformant en
-r- par dissimilation, au VIT siècle) (Deroy et Mulon, 1992, 264). L’ethnonyme paraît
bien provenir d’un radical celtique ling-, “sauter”, dont on retrouve correspondance
dans le vieil-irlandais lingid, “il saute”, et leimm, “saut” ; le gallois moyen llam, “saut”,
“bond” ; le vieux-breton lammam, “je saute”, et le breton lamm, “saut” (Henry, 1900,
178 ; Fleuriot, 1964, 236). La racine (de l’indo-européen *legwh-, “léger”) n’a aucune
correspondance étymologique ou sémantique avec un des noms celtiques du cheval
(Guyonvarc’h, 1959a, 38). On ne peut donc faire des Lingones des hommes “habiles à
sauter à cheval” (comme le fait E. Nègre, 1990, 155). C’étaient plutôt les “Bondissants”,
les “Sauteurs”, les “Danseurs” : ceux qui se faisaient fierté à défier l’adversaire avant
l’affrontement en mimant des performances guerrières, comme le champion irlandais
Cuchulainn aimait à le faire (Guyonvarc’h, 1959a; Sergent, 1995, 206; Delamarre,
2003, 203). “La tradition celtique parle du, ou plutôt des sauts des guerriers : il est donc
logique qu’une tribu gauloise se soit appelée Tes Sauteurs’” (Sergent, 1995, 214). On
songera aujourd’hui à certaines démonstrations des rugbymen australiens ( Wallabies )
avant d’affronter leurs adversaires.
Tout cet arsenal magico-religieux - développé avant le combat, mais qui pourra
être utilisé aussi pendant l’affrontement - visait bien sûr à impressionner l’adversaire, à
l’effrayer. “L’aspect de l’armée gauloise et le bruit qui s’y faisait glaçaient d’épouvante
|nos soldats]”, souligne Polybe ( Histoires , II, 29, trad. Pédech, 1970) ; et Tite-Live de
conclure : “Tout chez eux [était] organisé à dessein pour susciter la terreur” {Histoire
Romaine, XXXVIII, 17, trad. Adam, 1982, 28). La force des mots gaulois a modelé
certains de nos mots. Le verbe français CRAINDRE (qu’on trouve à la fin du XL siècle
dans la Chanson de Roland : crendreie, v. 257 ; crendrez, v. 791) remonte à un thème
gaulois *crit-/*crin-, “trembler”, “avoir peur” (Moignet, 1989 ; Lambert, 2003, 196 ;
Bloch et von Wartburg, 1975, 166) ; on connaît un vieil-irlandais crith, “tremblement” ;
un vieux-gallois crit et un gallois crydd, “tremblement”, “fièvre” ; un vieux-breton crit,
“tremblement”, “crainte”. Avec nasale infixée, on a aussi un gallois crynu, “trembler” ;
un comique crenne ; un vieux-breton -criniatet breton krena, “trembler” (Fleuriot, 1964,
123 ; Vendryes, 1987, C-239 et 240 ; Lambert, 2003, 196 ; Delamarre, 2003, 129-130).
*Crit-, qui a produit CRAINDRE, a également fait naître le français dialectal CRÉTIR,
“trembler”, encore signalé dans plusieurs régions (Guyonvarc’h, 1953b). René Lepelley
relève dans le Calvados, la Manche, la Seine -Maritime un adjectif CRÉTI, “transi
de froid”. Plutôt que de le rattacher au néerlandais kerte, “entaille” (Lepelley, 1994,
51), nous songerons à le rapporter au celtique *crit-, qui paraît sémantiquement plus
vraisemblable.
Ce thème avait servi à créer à l’époque gauloise ou gallo-romaine des noms
d’hommes : Crito, Critobulus, Critonius, Ecrito..., attestés par des inscriptions (Billy,
1993, 59, 70 ; Delamarre, 2007, 78, 93, 218). Le nom d ’Egritomarus est cité par Cicéron
dans son In Caecilium Divinatio (XX, 67) (Billy, 1993, 70 ). César, dans La Guerre des
Gaules (VII/77-78), évoque aussi le chef guerrier arverne CRITOGNATUS (variante
Ecritognatus ) qui s’enferma avec Vercingétorix dans Alésia. On a parfois interprété
ces anthroponymes comme signifiant “Celui-qui-tremble”, “Celui-qui-a-peur”, sens qui
semble difficilement concevable (CRITOGNATOS serait le “Fils-de-la-Peur”). Nous
croyons, comme Léon Fleuriot, qu’il faut voir dans ces noms un sens actif et non subi :
“non pas “qui tremble”, mais “qui fait trembler” [les adversaires]” (1964, 123). Crit-
renvoyant à l’idée de “tremblement”, de “peur”, de “terreur”, Crito , CRITOGNATUS
ou Egritomarus serait un surnom signifiant “la Terreur”, “la Grande Terreur”, “le Fils
de la Terreur”, un guerrier très fort pouvant devenir la “terreur” des ennemis (on dit
encore aujourd’hui d’un individu dangereux ou impressionnant qu’il est “une terreur” ;
et l’argot a produit entre le XIX e et le XX e siècle des surnoms du type “La Teneur de
Montparnasse” pour parler d’un bandit redoutable) (Augé, VI, 1933, 650 ; Quemada,
XVI, 1994, 134). Le texte irlandais de La Razzia des vaches de Cooley évoque ainsi la
peur suscitée par le héros, aidé des dieux : “[Cuchulainn] secoua son bouclier, brandit
ses lances, fit mugir son épée, et il poussa de sa gorge le cri du héros, si bien que [...]
les esprits de la vallée et les démons de l’air répondirent devant l’horreur du cri qu’il
poussa. La Nemain, c’est-à-dire la Bodb [la déesse de la guerre], jeta alors le trouble
dans l’armée. Les quatre provinces d’Irlande furent en agitation d’armes, [...] si bien
que cent guerriers moururent de frayeur mortelle et de tremblement du cœur au milieu
de la forteresse et du campement cette nuit-là” (Guyonvarc’h, 1994, 143). Nous sommes
ici au plus près du sens guerrier et magique très ancien à l’origine de notre verbe
CRAINDRE et du nom de la CRAINTE.
2.1. Les noms du combat et du combattant
i
2.1.1. Thème bat-
Le bas-latin battuere d’où est né le français BATTRE et COMBATTRE est très
probablement issu d’un thème gaulois bat- (Guyonvarc’h, 1963a, 114-115 ; Schmidt,
1967, 161-163 ; Flobert, 1990, 75-76). Le plat de Lezoux, découvert en 1970, a révélé
le mot gaulois batoron, génitif pluriel de *batoros (Fleuriot, 1980, 128, 140, 143),
littéralement le “batteur” : on peut comprendre sans doute le “combattant”, le “guerrier”
(Lambert, 2002, 178). Car d’autres mots de ce plat (qui désignent la “troupe”, la “force”,
la “victoire”) paraissent avoir eu un sens guerrier (McCone, 1996 ; Lambert, 1996 ;
2003, 148-149). Le thème bat- se retrouve du reste employé avec une signification
martiale dans le composé andabata , employé par Cicéron ( Correspondance , VII, 10,
2) et Varron ( Satires Ménippées) pour nommer une catégorie de gladiateurs gaulois qui
combattaient avec un casque sans ouverture (gaulois anda -, “aveugle”, indo-européen
*andho- ) (Pokorny, 1959, 41 ; Guyonvarc’h, 1963a, 107-109). Enfin, l’on connaît un
chef militaire celte nommé BATHANATTOS [le “Fils-du-Combat” ?], dont Athénée
précise qu’il était un des anciens chefs de l’armée de Brennus, partie attaquer Delphes
vers 280 av. J.-C. (Athénée, Les Deipnosophistes, VI, 25 ; Hôlder, I, 359). Le terme
gaulois à l’origine de battuere et du français BATTRE et COMBATTRE est donc à relier,
selon toute probabilité, au vocabulaire de la guerre. Il est comparé à l’ancien irlandais
ben(a)id, “il frappe” (avec nasale infixée) ; aussi au moyen-irlandais bath, “mort”, et
à l’adjectif bathach, “mourant” (Pokorny, 1959, 117 ; Guyonvarc’h, 1963a, 112) ; on
lit dans La Razzia des vaches de Cooley : Corubaitis Coin Culaind, “Et ils frappaient
Cuchulainn [par derrière]” ; mais aussi bithus, “Il le tuera” (Vendryes, 1981, B-32).
On ne peut exclure que bat- ait eu en gaulois la double signification de “frapper” et de
“tuer”, ce qui se concevrait pour des gladiateurs et pour des soldats. Mais l’acception
essentielle paraît bien être celle de “donner des coups” : frapper, principalement avec
le GLAIVE ou la LANCE. Outre cet emploi militaire, battere (forme populaire de
battuere ) pourra développer (plus tardivement) les sens de “BATTRE le blé” (attesté
au IV e s.), “BATTRE le métal” et “BATTRE la monnaie” (connus au VII e -VIII e s.),
qui se transmettront aux langues romanes ; on y garde la même idée de coups frappés
(et assénés de façon répétée) qu’on trouvait dans le sens guerrier originel (Rey, 1992,
195-192).
2.7.2. Thème vie-
il ne inscription antique découverte à Rennes fait mention d’un Mars VICINNUS
(C.I.L., XIII, 3150) (Rouanet-Liescnfelt, 1980, 22-23). Le théonyme est formé sur
un radical vie- lié à l’idée de combat (vieil-irlandais fichid, “il combat” ; et irlandais
fie h, “combat” ; racine ancienne *weik-, “être violemment actif’) (Dottin, 1920, 299 ;
Bachellery, 1970-1971, 734 ; Vendryes, 1996, D-140 ; Degavre, 1998, 447). Il s’agissait
peut-être d’un dieu combattant, appellation qui conviendrait bien à Mars (Fleuriot,
1981, 185). La forme féminine de ce nom, *VICINONA (déesse guerrière, parèdre de
VICINNUS ?), serait à l’origine du nom de la VILAINE ( Vicinonia , chez Grégoire de
Tours ; Visnonia , en 834, devenu Vilaine par dissimilation de n-n) ; ses eaux étaient
jugées combatives, turbulentes (la VILAINE ayant des “crues d’hiver très violentes”)
(Corby, 1963, 101-102 ; Dauzat, Deslandes, Rostaing, 1978, 97 ; Deroy et Mulon, 1992,
508 ; Delamarre, information à l’auteur). Cet emploi a une valeur métaphorique. Mais
dans d’autres noms qui nous demeurent, le thème vie- désigne directement des guerriers
ou leurs chefs.
OLLOVICO, cité dans La Guerre des Gaules (VII/31), est connu comme un notable
du pays des Nitiobroges, père du roi Teutomatus. Son nom comporte dans la seconde
partie le thème vie-. S’y est adjoint l’élément ollo- signifiant “grand” (qu’on retrouve
dans le comique hol, le vieil-irlandais, le gallois, et le breton olï) (Henry, 1900, 214 ;
Delamarre, 2003, 241). OLLOVICO était donc le “Grand- Combattant”.
Est également évoqué par César (GG, III/17-19) le chef gaulois du pays des Unelles,
placé militairement à la tête des forces de sa nation et de celles des Aulerques Eburoviques
et des Lexoviens, en 56 av. J.-C., pour combattre l’armée romaine : VIRIDOVIX. -Vix
équivaut à -vies ; Virido - serait issu de viro-, “juste”, “vrai”, “loyal” (Delamarre, 2003,
321-322). On avait donc peut-être affaire au “Combattant-Juste”, “Loyal”.
La forme -vict- serait une variante de la forme -vie- (le vieil-irlandais /èc/îf, “combat”,
et le gallois gwaith sont attestés au sens de “bataille”, “combat”) (Evans, 1967, 282 ;
Delamarre, 2003, 309). Le nom de CONVICTOLITAVIS, magistrat suprême des
Eduens élu en 52 av. J.-C., signifierait en ce cas “Celui-qui-participe-de-tous-côtés-aux-
combats” (Schmidt, 1957, 64 ; Evans, 1967, 77).
Nous avons rencontré le même radical - vie - dans la seconde partie d’ethnonymes
gaulois. Certains linguistes ont pensé que l’appellation des BRANNOVIQUES serait
à relier au nom de BRANDON, commune de Saône-et-Loire (d’Arbois de Jubainville,
1890, 399 ; Delamarre, 2003, 85). ÉVREUX et l’ÉVRECIN, LIMOGES et le LIMOUSIN
gardent plus sûrement souvenir de leur ancien peuple “combattant” : ÉBUROVIQUES
et LÉMOVIQUES. On a souligné (au chapitre 1) que les différentes nations gauloises
s’étaient formées par une lutte armée de conquérants ; c’est par la lutte armée aussi
que leur intégrité et leur identité devront être préservées. Notons que dans ces trois cas
de noms de peuples, le premier élément du composé dit le moyen par lequel le peuple
espérait mener un combat victorieux : les Branno-vices étaient “Ceux-qui-combattent-
par-le-Corbeau” (l’oiseau des champs de bataille pouvant aider le guerrier dans sa lutte) ;
les Eburo-vices étaient “Ceux-qui-combattent-par-lTf” (on l’a vu, sans doute allusion
au bois dont les armes étaient fabriquées) ; et les Lemo-vices se proclamaient de façon
voisine “Ceux-qui-combattent-par-l’Orme” (Nègre, 1990, 154 ; Sergent, 1991a, 10) (de
même, chez les Celtes insulaires, les Ordo-vices du nord du Pays de Galles se disaient
“Ceux-qui-combattent-par-la-Massue”, “-la-Masse-d’arme”) (Vendryes, 1960, 0-29 ;
Sergent, 1995, 208 ; Delamarre, 2003, 243-244). La guerre était liée à des forces sacrées ;
des moyens magiques, que les dieux donnaient, pouvaient aider à la victoire.
2.1.3. Thème catu-
Nous rencontrons le mot principal ayant désigné le combat en gaulois, catu-, dans le
nom de plusieurs personnages historiques (ou légendaires) dont le souvenir a été gardé.
AMBIGATUS (pour *Ambicatus, l’alternance c/g étant connue en celtique), dénommé
Celui “Qui-combat-[partout-]alentour” : le “Grand-Combattant”, est présenté par Tite-
Live ( Histoire Romaine , V, 34) comme un ancien souverain (mythique) des Biturigcs,
au VI e siècle av. J.-C. (Hôlder, I, 1896, 848; Guyonvarc’h, 1960a; 1974a, 350).
CATUMANDOS, le “Cheval-du-Combat”, était le roi gaulois qui assiégea Marseille à
la fin du IV e siècle av. J.-C. (Justin, XLIII, 5) (Rruta, 2000, 526 ; Delamarre, 2003, III).
CATUGNATOS, dit le “Fils-du-Combat”, dirigea comme chef de sa nation la révolte des
Allobroges contre les Romains en 62-61 av. J.-C. (Dion Cassius, XXXVII, 47) (Cougny,
II, 1993, 306-307 ; Pelletier et autres, 1994, 36). Par le texte de La Guerre des Gaules ,
nous savons que CATU VOLCUS, le “Faucon-du-Combat”, avait la fonction de chef des
Fburons en 54 av. J.-C. (V/24 et 26 ; VI/31). Le roi, le chef étaient “indispensable[s] à
la guerre victorieuse” (Le Roux et Guyonvarc’h, 1986, 415). Il est tout à fait normal que
leurs noms aient pu se modeler parfois sur le nom du combat.
Signe de sociétés très militarisées, l’élément catu- se retrouve dans bien d’autres
anlhroponymes celtiques, du type Catus , Catuos, Catuenus, Catumaros, Catusius...,
surnommés le “Combattant” ; en Gaule, on trouve spécialement Cathirig[ius ], Catovalos,
I C jatuoppus, Igocatus , Vercatus, attestés par les inscriptions antiques (Evans, 1967,
171-175 ; Delamarre, 2003, 1 11 ; et 2007 ; Billy, 1993, 1, 47, 89, 155).
N’a-t-on affaire qu’à des branches mortes du passé ? L’âme guerrière a tellement
imprégné les noms gaulois que le souvenir s’en est inscrit dans des toponymes qui
se formèrent sur les noms de combattants anciens. Nous en gardons trace dans nos
localités (fîg. 25). CADOURS, dans l’Aveyron ( Cador , en 1510), et CADOURS, en
Haute-Garonne, à l’origine du nom de famille CADOURS, proviennent d’un nom
propre Caturus (Dottin, 1920, 1 13 ; Nègre, 1990, 225 ; Morlet, 1991, 156). Le même
aulhroponyme explique le nom de deux communes de Haute-Loire : CHADRAC (en
1215, Chatrac) et CHADRON (au XI" siècle, Cadron), la première avec suffixe -acos,
la seconde avec suffixe -onem (Taverdet, 1985b, 20; Nègre, 1990, 200 et 222). On
peut ajouter peut-être CHADIRAC, hameau à Saint-Aulaye, en Dordogne (ancienne
*Caturiacum ?) (Astor, 2002, 954). Un autre nom propre, Catucius, se retrouve dans
l’appellation de CHÉU, petite commune de l’Yonne ( Cadugius , en 680) (Taverdet, 1996,
31) ; et dans le nom de CHAOURSE, village de l’Aisne, à Rozoy- sur-Serre (ancienne
*Catuciacum, mais on peut aussi envisager un anthroponyme *Catussius à l’origine
d’une *villa Catussa , une forme Cadussa, non suffixée, étant connue au IX e siècle)
(Nègre, 1990, 621 ; Chaurand et Lebègue, 2000, 50 et 63). Enfin, l’appellation de
CATUS, chef-lieu de canton du Lot ( Cadurcio , au IX e siècle), a été créée à partir d’un
nom propre gaulois Caturicius (Whatmough, 1970, 640 ; Nègre, 1990, 646). Celles de
CAOURS, dans la Somme ( Cadordensis ecclesia, en 856), de CHAOURCE, village de
l’Aube ( Cadusia , en 878), et de CAORCHES-Saint-Nicolas, dans l’Eure ( Katorcias ,
Fig. 25 - Toponymes issus du gaulois CATU-.
v. l’an 1000), pourraient également en provenir (Nègre, 1990, 621 ; de Beaurepaire,
1981, 83).
Il a été dit que les CATUSLOGUES, tribu installée à l’ouest des Ambiant (sur le
territoire des Caletes ?), avaient pu laisser leur appellation au Pays du TALOU ; et que
les CADURQUES gardés dans CAHORS devaient peut-être leur nom au nom gaulois
du combat (mais ces étymologies sont incertaines !). CHORGES et CHÂLONS-en-
Champagne se relient certainement au thème catu- par les noms de leurs anciens peuples
guerriers, Catu-riges et Cata-launi. Ce dernier ethnonyme nous explique au passage
l’appellation des Champs CATALAUNIQUES, lieu de défaite d’Attila (une bataille
pouvant en cacher d’autres !) : c’est sur le territoire des anciens CATALAUNES qu’eut
lieu, en 451, l’affrontement entre les troupes d’Aetius et les Huns (Deroy et Mulon,
1992, 100). On n’exclura pas, enfin, que le nom des ABRINCATES (, Abrincatui , chez
Pline et Ptolémée ; Abrincates, dans la Notifia Galliarum), peuplade qui a donné son
appellation à AVRANCHES (Manche), puisse se rapporter par l’élément -catui au même
thème gaulois du combat (mais d’autres interpréations ont été proposées : Guyonvarc’h,
1968 ; Deroy et Mulon, 1992, 38-39). Si c’était le cas, le premier élément serait peut-
être un dérivé du celtique *abro-, “fort”, “violent”, “puissant” (un anthroponyme gaulois
Abro[s] est connu à Uzès) (Vendryes, 1959a, A-6 et 7 ; Evans, 1967, 430-431 ; Lejeune,
1985a, 307).
D’autres traces de l’élément gaulois catu- se retrouvent dans nos toponymes :
CAEN, dans le Calvados ( Cadumus , en 1025 ; Cahem, en 1095), sans doute CAHAN,
dans l’Orne (malgré l’absence de formes anciennes connues), CAHON, dans la Somme
0 Cathon , en 921), et QUÉANT, dans le Pas-de-Calais ( Chaun , en 1083 ; Chaum, en
1 104), paraissent devoir toutes quatre leur nom à un gaulois *Catu-magos (Dauzat et
Rostaing, 1978, 129 et 551 ; Nègre, 1990, 192-193 ; Lepelley, 1996, 83 ; Billy, 2011,
147). Jean-Claude Malsy a montré récemment que CHAMPS, dans l’Aisne ( Cadamo , en
858-871), au lieu de relever du latin campus , remontait certainement à la même origine
(1999, XIII, 216-218). On ajoutera aussi CHAON, dans le Loir-et-Cher ( Cadonnus , en
877, à comparer au Cadumus de CAEN, de 1025 ; et Chaonnio, en 1369, à comparer
au Chaon de CHAMPS, en 1169) (Nègre, 1990, 647 ; Villette, 1992b, 143). Ce modèle
gaulois nommait littéralement un “Champ-de-Bataille” : magos, avant de désigner le
“lieu de foire”, de “marché”, avait en celtique le sens originel de “grand terrain plat”, de
“champ”, voire de “plaine” ; on comparera avec le vieil-irlandais mag, “plaine”, “terrain
découvert”, “champ”; et le gallois maes, “champ” (Longnon, 1920-1929, 43-44;
Vincent, 1937, 96 ; Vendryes, 1960, M-8 ; Lambert, 2003, 37 ; Delamarre, 2003, 214).
Le composé qu’on repère ici nous fait connaître la dénomination générique du lieu de
combat en rase campagne chez les peuples gaulois. Mais on se demandera si dans les
toponymes relevés il est fait allusion à d’anciens sites d’affrontements guerriers. Un cas
ou deux le feraient croire ; leur nombre plus important rend moins vraisemblable cette
hypothèse. On songera plutôt au souvenir de camps d’entraînement, de places d’armes :
sortes de champs de Mars (René Lepelley envisage avec vraisemblance des “champs
de manœuvres”, des “terrains d’exercice”) (1996, 83 ; 1999, 14). L’auteur des Noms de
Lieu du département de V Aisne remarque avec justesse le caractère frontalier de certains
des établissements concernés (Malsy, 1999, 217). On peut l’étendre à tous : chacun de
ces lieux se trouvait à une limite de territoire gaulois, lieu frontière à surveiller près d’un
peuple rival (Lacroix, 2003).
2.2. La conception gauloise de Lhéroïsme
2.2.1. La force supérieure
Un ensemble de termes gaulois qui ont laissé des traces dans notre lexique et dans
notre onomastique nous évoquent les qualités du combattant : force physique, valeur
combative.
Le thème gaulois *acu-, “rapide”, (issu d’un indo-européen *oku - ) paraît se retrouver
dans l’hydronyme gaulois Atax (attesté chez Pline), d’où viendront *Adaze, Adze, et le
nom moderne de l’AUDE (fleuve côtier puis département) (pour les formes anciennes,
Nègre, 1990, 31 ; Deroy et Mulon, 1992, 35). On aurait au départ une formation gauloise
*At-acco-s , “Très-rapide” : le cours pyrénéen de l’AUDE, torrentiel, connaît des crues
brutales (Delamarre, 2003, 144 ; Oizon, 1979, 50). La commune d’AXAT, dans l’Aude,
( Ataciaco vico, au VI e s. ; Adesate, en 954) a une appellation de même origine : elle
s’est développée au bord de l’AUDE (Dauzat et Rostaing, 1978, 43). D’autres localités
ou hameaux tirent peut-être leur nom du même thème *acu-, tels ACON, dans l’Eure
( Acun , au XII e siècle) ou ANCONVILLE, à Gorze, en Moselle (Aconiaca villa, en
745) ; également ACON1N, à Noyant-et-ACONlN, dans l’Aisne ( Aconium , en 1143),
et AOUGNY (Marne) ( Augnei , en 1153), par un dérivé Aconius (Morlet, 1985, 14 ; et
Dauzat et Rostaing, 1978, 3). Mais ces toponymes paraissent provenir d’anthroponymes
qui auraient désigné des hommes “Rapides”, “Fougueux”. Le nom propre Aco, Acco,
Acu, Accu est bien attesté en Gaule (Whatmough, 1970, 422, 528, 699 ; Marichal, 1988,
174 ; Delamarre, 2007, 10). Son sémantisme justifie qu’il ait pu s’appliquer parfois à
des guerriers. ACCO est le nom célèbre d’un chef sénon, figure historique qui appela à
la résistance contre les Romains, et que César fit arrêter et mettre à mort, en 53 av. J.-C.
(lié à un poteau, il fut battu de verges et décapité) (GG, Vl/4 et 44 ; Vll/1).
Un gaulois *circios, “impétueux”, “rapide”, pourrait être à rapporter au celtique (on
connaît en effet un gallois cyrch, “course”). 11 serait peut-être à l’origine du nom antique
du mistral : circius, qui s’est conservé dans l’espagnol cierzo, le catalan et le provençal
CERS (Dottin, 1920, 246 ; Whatmough, 1970, 164 ; Degavre, 1998, 152 ; Delamarre,
2003, 117). *Circius avait donné naissance à l’époque antique à des anthroponymes,
tel Circos, nom de potier attesté à la Graufesenque (Evans, 1967, 440 ; Marichal, 1988,
194). Un tel anthroponyme a pu être employé parfois avec une acception guerrière :
qualificatif de combattant fort et fougueux. On paraît le retrouver dans des appellations
de localités : CERS, dans l’Hérault ( Circio , en 955) ; peut-être CERCY-la-Tour, dans
la Nièvre ( Cerciacum , en 1238) ; CERSAY, dans les Deux-Sèvres ( Cerceio , en 1122) ;
S ER RU ELLES, dans le Cher ( Cersolium , en 1209) (Clavel, 1970, 368 et 545 ; Taverdet,
1987, 8 ; Dauzat et Rostaing, 1978, 161, 655 ; Nègre, 1990, 185 et 646).
Le Pays de CAUX, en Normandie, sur la Manche, entre Seine et Bresle, a généré des
noms de familles (gens originaires de la région) : CAUX et DECAUX (Morlet, 1991,
183 et 291). Ces noms de lieu et de personnes gardent le souvenir ancien du peuple
gaulois des CALÈTES. C’étaient étymologiquement les “Durs”, les “Vaillants” : gaulois
*caleto-, “dur”, à comparer avec le vieil-irlandais calad, “dur”, “fort”, “cruel” ; le gallois
caled, le moyen-breton calet et le breton kaled, “dur” (sur une base *cal- désignant la
dureté) (Lambert, 2003, 34 ; Delamarre, 2003, 98 ; et Vendryes, 1987, C-25 et 26).
Bien sûr, l’essentiel des termes liés au combat dont nous gardons souvenir se centrent
sur l’idée principale de force. La fierté attachée au statut de combattant a dû souvent
s’afficher dans des appellatifs de ce type.
Il existait un gaulois brigo-, “force”, “puissance”, “vigueur” (avec un fl/ long, donc
différent de brig-, “hauteur”), correspondant de l’ancien irlandais brig, “pouvoir”,
“puissance”, “force”, “valeur”, et du gallois bri, “valeur” (Vendryes, 1981, B-90). Il
était passé dans l’ancien provençal briu, “valeur”, “mérite”. L’italien l’adopta (forme
brio , attestée au XVI e siècle, au sens de “vitalité”, “énergie”). Le français a tardivement
réemprunté ce mot brio , ainsi revenu sur ses terres d’origine ; mais la vigueur guerrière
s’est muée pacifiquement en vivacité musicale (Imbs, IV, 1975, 973 ; Rey, 1992,
293). Les anciens anthroponymes celtiques en brigo- se reliaient indiscutablement
aux combats (ainsi Brigomarus, “Grande-Force” ; Brigovicis, “Puissant-Combattant”)
(Delamarre, 2003, 88). Un nom propre gaulois BrigolBrigius , le “Fort”, le “Puissant”,
a pu faire naître des noms de localités comme BRAGEAC, dans le Cantal ( Bregiacus ,
en 1373) ; BRÉGY, dans l’Oise ( Brigiaco , en 1208) ; BRIEC, dans le Finistère ( Briaco ,
en 642) ; BRIEL-sur-Barse, dans l’Aube ( Brieium , en 1101, avec ajout d’un suffixe
diminutif -el), etc. (Dauzat et Rostaing, 1978, 112 ; Morlet, 1985, 42 ; Nègre, 1990, 203,
204, 210 ; Lebègue, 1994, 55).
Distinct du gaulois druto-, “rapide” (avec /ü/ court), il existait (avec /ü/ long) un
thème druto -, “fort”, “vigoureux”. Il est attesté dans une série de noms propres : Druto ,
Druta, Drutedo, Trutiknos [= “Fils-de-Drwtof ’] , relevés sur des inscriptions antiques
découvertes en France, en Suisse, en Italie (Whatmough, 1970, 1163 et 1273 ; Evans,
1967, 446-447 ; Lejeune, 1988, 41-52 ; Billy, 1993, 66 ; Delamarre, 2003, 151 ; 2007,
90, 186). Le terme doit être d’origine celtique : on connaît un gallois drud, “vaillant”,
“brave”, “furieux” ; et le vieil-irlandais offre un terme parallèle dron, “ferme”, “solide”,
“vigoureux”, issu de *drud-no- (Vendryes, 1996, D-205 et D-201). Etymologiquement,
dru-to- a pu signifier “solide, résistant, robuste tel un arbre” : la racine ancienne serait
de même famille qu’un des noms celtiques du chêne, derua (de *d(e)rullia), qui a
généré dans les dialectes les formes DRILLE, DROUILLE, DROUILLARD, etc. (von
Wartburg, III, 1949, 50). Le guerrier Druto- aurait donc été l’homme “Fort-comme-un-
chêne” (Bader, 1967, 25-26 ; même analyse de Lambert, dans Vendryes, 1996, D-206
et 201 ; avis différent de Delamarre, 2003, 151). L’anthroponyme Druto- (avec ajout
d’un suffixe -acos, pour former des noms de lieux) se retrouverait, selon Emest Nègre,
à l’origine de l’appellation de deux localités de France : DURDAT-Larequille, dans
l’Ailier ( Drudacus , en 1351), et DROUÉ, dans le Loir-et-Cher ( Druacum , en 1177 ;
Drué, au XIII e siècle), toutes deux ancien “Domaine-de-Drwfo”, le “Fort” (Nègre,
1990, 202 et 203). Druto- est surtout resté en français dans l’adjectif DRU (“épais”,
“dense”, “vigoureux”). Comme pour d’autres mots rencontrés, constatons que la force
et la vigueur guerrières se montrent à nouveau pacifiées : appliquées à présent à la
pousse des végétaux. DRU, employé pour une personne, se rencontre encore dans les
parlers dialectaux avec le sens de “robuste”, “vigoureux”, “vif’ (mais aussi “gaillard”,
“égrillard”, “lascif’ : ancien et moyen français dru , “amant” ; druto- a pu développer dès
l’époque antique l’idée de vigueur amoureuse : en vieil-irlandais druth montre le sens de
“lascif”, “luxurieux”) (von Wartburg, III, 1949, 164-165 ; Vendryes, 1996, D-205). Issus
du même druto -, nous trouvons aussi aujourd’hui bien des noms propres (de création plus
récente) comme DRU, DRUT (forme méridionale), LEDRU, DRUATON (Morlet, 1991,
350). Ce sont de très lointains héritiers des qualités du combattant gaulois : surnoms
d’hommes forts, robustes (à moins qu’on ait voulu signaler leur vigueur amoureuse).
Un autre terme gaulois, nerto-, servait à désigner la “puissance”, la “force”, la
“vigueur” (avec l’adjectif correspondant *nertos, “fort”, “vigoureux”, “puissant”) ; on
retrouve en irlandais ancien nert , “force”, “vigueur”, “puissance”, “vertu” ; en gallois
et comique nerth , “force” ; en breton nerz, “force” (Vendryes, 1960, N-10 et 11). Des
inscriptions en Gaule attestent l’existence de nombreux noms de personnes faits sur ce
thème : Nertus , Nertacus , Nertecomarfos /, Nerlinus , Nertomarus (“Grande-Force”),
Nertovalus (“Prince-de-la-Force”), Cobnertus (“Force-Victorieuse”), etc. (Evans, 1967,
237 ; Billy, 1993, 1 13 et 54 ; Delamarre, 2003, 235 ; 2007, 140, 68-69). La force du
guerrier se marquait aussi par la force du nom. L’anthroponyme Nertus ou Nertius
pourrait se retrouver à l’origine de noms de localités, comme NERS, dans le Gard ( Ners ,
en 1121 ; Nercium, en 1247), fait directement sur le nom Nertus. Ernest Nègre songe
aussi, avec ajout d’un suffixe -acos, à NERS AC, en Charente ( Narciaco , en 1328),
NARCY, dans la Nièvre ( Narciacus , au IX e siècle), et NARCY, en Haute-Marne ( Narci ,
en 1216) (Nègre, 1990, 207, 213, 227) (mais ces derniers noms ont été rattachés par
certains linguistes à une racine prélatine *nartia, supposée, qui aurait désigné un “lieu
humide”, un “marécage”) (Sindou, 1982 ; Taverdet, 1986d, 41 ; 1987, 28 ; 1994, 141).
A l’origine du celtique nert-, on trouve une racine indo-européenne *ner- désignant
la force, la virilité : servant à nommer le “mâle”, le “héros” (Vendryes, 1960, N- 11 ;
Delamarre, 2003, 235). Pour Bernard Sergent, il s’agit bien d’une “caractérisation
guerrière : ces “hommes”-là le sont au sens viril, ce sont des guerriers” (1995, 215).
NERA est le nom d’un héros de la mythologie celte irlandaise (Sergent, 1992, 5 et 7 ;
Coghlan, 1994, 72). Les NERYIENS étaient un peuple puissant que César présente
comme “les plus farouches des Belges”, “hommes rudes et d’une grande valeur
guerrière” ( GG1 , 1/4 et 11/15, t. 1, 51 et 58). NERVIEUX, dans la Loire, remonte à un
ancien Nerviaco (attesté au XL siècle). On pense y reconnaître (employé avec le suffixe
- iacum ) un nom d’homme gaulois Nervius, originaire du pays des NERVIENS ou
guerrier émérite (Dauzat et Rostaing, 1978, 492).
Les DIABLINTES ( Diablintes chez César, GG, III/9 ; Diablinti chez Pline, IV,
107) désignaient une peuplade, composante des Aulerques, qui s’était établie au nord
de l’actuelle Mayenne. Son nom ayant supplanté au IV e siècle le nom premier de la
localité principale : Noviodunum, le souvenir des DIABLINTES reste aujourd’hui dans
JUBLAINS (, Jublenz. , en 1280), localité de la Mayenne (“di- devant voyelle est devenu
comme diurnus aboutissant à jour) (Lot, 1947, 45 ; Billy, 201 1, 304). On a interprété
l’ethnonyme comme signifiant les “Sans-Force” (B. Sergent, 1995, 207). Mais pas un
instant nous ne pouvons imaginer une nation gauloise portant un nom pareillement
dévalorisant (les peuples gaulois nous ont montré des appellations très fréquemment
glorieuses et guerrières, parfois sacrées, ou topographiques, jamais dénigrantes). La
signification du radical a été bien perçue : *ablo- indique en celtique l’idée de “force”
(déjà présente dans l’indo-européen *apelo -, “force”) (Pokorny, 1959, 52 ; Degavre,
1998, 21). Mais la valeur de l’élément initial aura été mal interprétée. Di-, en celtique,
peut être un préfixe de sens négatif, privatif (vieil-irlandais dichairdech , “sans ami” ;
dicenn , dicend, “sans chef’ ; dichéill, “dépourvu de bon sens” ; dithracht,*“sans force”,
etc.) (Vendryes, 1996, D-72 et 102). Mais di- peut être aussi préfixe de sens intensif
(Delamarre, 2003, 143) (vieil-irlandais dicenn, homonyme du précédent, “haute limite” ;
dichuma, “grand chagrin” ; dimor, “très grand” ; dindba, “grandes richesses”, etc.)
(Vendryes, 1996, D-72, 76, 90, 91). C’est certainement ce di - qui était présent dans le
nom des DIABLINTES de JUBLAINS : ils auront été les “Très-Forts”.
2.2.2. La colère guerrière
Tite-Live évoque la “furie gauloise” qui se manifestait au combat (. Histoire Romaine,
XXXVIÏI, 17, trad. Adam, 1982, 29). Les auteurs antiques sont nombreux à souligner
la fureur guerrière des attaquants celtes (ce que les Romains appellent furor, “de furo,
« être fou », apparenté à l’avestique dvaraiti, « il se précipite », en parlant des démons”) :
“état de transe inspirée par le divin”, “dépass[ant] l’homme qui n’en est plus maître”
(Sergent, 1995, 297-298 ; et Dumézil, 1942, 11-33). “Fureur où il entre de la colère,
mais surtout qui transporte l’homme au-dessus de lui-même, le met au niveau d’exploits
qui, normalement, le dépasseraient. Voilà le germe précieux des grandes victoires”,
commente Georges Dumézil (1942, 23). Les rituels précédant la bataille avaient eu
pour effet de placer les guerriers dans un état second. Ils se lançaient dans la bataille
enflammés par la fureur guerrière.
• Chaleur guerrière
La colère guerrière était vécue comme une effervescence, comme un bouillonnement
intérieur.
Notre mot GAILLARD, lié à la vigueur, à la vaillance, est issu d’un terme gaulois
*galia , “force”, “bravoure” (Dottin, 1920, 258 ; Quemada, IX, 1981, 22) (à comparer
au comique gallos , “puissance” ; au gallois gallu , “pouvoir” ; au breton galloud ,
“pouvoir”, “puissance”) (Henry, 1900, 128 ; Fleuriot, 1964, 173). Bien plus tard naîtront
de ce mot des noms de famille comme GAILLARD, GALLARD, GAILLARDET,
GAILLAT, GAILLET, GAILLOT, GAILLOU, etc., distinguant, comme jadis, des
hommes “‘vigoureux’, ‘plein[s] d’entrain’, ‘vif[s]’” (Morlet, 1991, 438). Le nom des
Galli - demeuré dans l’appellation des GAULOIS (Billy, 2011, 274) - pourrait avoir
désigné anciennement les “Vaillants” : ceux qui sont “braves” au combat. *Galia
provient d’une racine celtique *gal-, “force”, qu’on retrouve dans le vieil-irlandais gai,
“vaillance”, “bravoure”, mais aussi “vapeur”, “bouillonnement”, “fureur” (Sjoestedt,
1940, 80 ; Lambert, 2003, 197, 198 ; Vendryes, 1996, D-80). La force guerrière était donc
apparemment liée à l’idée de chaleur, de bouillonnement : ne dit-on pas que la colère fait
bouillir ? Indice révélateur, le même radical gaulois *gal-, à l’origine de GAILLARD, a
produit le verbe JAILLIR (qui peut signifier “s’élancer impétueusement”, “se lancer avec
force”) ; il est rapporté par le Franzôsisches Etymologisches Wôrterbuch à un gaulois
*gali-, “bouillir”, “bouillonner”, “être en ébullition” (von Wartburg, IV, 1952, 31-32 ;
Quemada, X, 1983, 630-631) ; la vaillance au combat était bien une effervescence. Le
héros était l’être “possédé de sa propre énergie tumultueuse et brûlante” (Sjoestedt, 1940,
81). Tite-Live écrit du reste des guerriers gaulois : “Ils mènent [le premier assaut] avec
une détermination bouillante et une rage aveugle” {Histoire Romaine , XXXVIII, 17, trad.
Adam, 1982, 28) : les GAILLARDS JAILLISSAIENT ! La fureur guerrière du héros
irlandais Cuchulainn était telle qu’elle faisait fondre la neige alentour (“Il était nu, et la
neige fondait à trente pieds autour de lui, à cause de l’ardeur brûlante et du feu embrasé
que répandait le corps du héros”) {La Razzia des vaches de Cooley, citée par Brasseur,
1997, 60) ; il lui fallait après l’affrontement trois cuves d’eau froide pour refroidir cette
ardeur (“« Craignons cependant, dit Loeg, que l’homme [Cuchulainn] ne tourne contre
nous son massacre, n’ayant pas [eu] assez du combat qu’il a trouvé. Qu’on aille préparer
trois cuves d’eau froide pour apaiser sa fureur ». Dans la première cuve où il va, l’eau
bout par dessus [bord] ; dans la deuxième cuve, personne ne supporte la chaleur ; dans la
troisième la chaleur est supportable”) (Guyonvarc’h, 1958, 302).
A ces images en rapport avec la chaleur guerrière, on associera le nom des EDUENS,
resté connu de tous, même s’il n’est pas passé dans un toponyme. Installés entre Saône
et Loire, ils étaient un des peuples les plus puissants de la Gaule, renforcés d’un réseau
de clients et d’alliés : Emile Thévenot parle de l’ÉDUIE (par exemple, 1969, 132). Leur
ethnonyme provient d’un thème celtique *aidu-, “feu”, “ardeur”, qu’on retrouve dans le
vieil-irlandais aed, “feu”. Ils étaient donc “Ceux-qui-ont-le-Feu-en-eux” : comprenons
les “Ardents” au combat (Vendryes, 1959a, A-19 ; Goudineau et Peyre, 1993, 171 ;
Delamarre, 2003, 35-36). La poésie irlandaise ancienne chante le prince guerrier AED,
qui “a de la flamme l’éclat” (d’Arbois de Jubainville, 1883, 78-80).
Un autre thème celtique de sens voisin a cxislé : 'tcno-, “chaleur”, “feu”. Il est attesté
dans l’ancien irlandais ten(e), “feu” (d’où feu I idc, “brûlant”, “enflammé”), aussi dans
le vieux-comique et le vieux-breton tan, “foyer” (Fleuriot, 1964, 310 ; Vendryes, 1978,
T-49 et 50 ; Delamarre, 2003, 294-295). On l’identifie à la base de noms d’hommes
gaulois : At-tienus (à Windisch), Eci-tenus (à Vienne), Seno-teno (à Trêves), Tenatius (à
Bourges), Vo-tienus (à Narbonne)... (Delamarre, 2007, 32, 92, 165-166, 180, 205, 234).
Le premier de ces noms expliquerait (après aphérèse du A-) des appellations de localités
comme TENAY, Vienne ( Tinnaium , v. 1130), THENAY, Ain ( Tenayum , en 1351),
THÉNAC et THENON, Dordogne ( Atenac , en 1109 ; Teno, en 1197) (Nègre, 1990,
444). Le thème *teno-, employé avec un préfixe intensif ro-/ru-, a créé le vieil-irlandais
ruthen, “grand feu”, employé dans un texte mythologique ancien (Vendryes, 1978, T-50).
La même formation paraît à l’origine du nom des RUTÈNES, peuple du centre de la
Gaule, gardés dans RODEZ ( Rotenus , en 51 1) et dans le ROUERGUE (in pago Rutenico,
en 640-647) (Billy, 2011, 468-469 et 471, pour les formes anciennes) ; notons que les
habitants de l’ancienne capitale des RUTÈNES continuent à s’appeler les RUTHÉNOIS.
L’ethnique Ru-teni doit avoir nommé les “Très-Ardents”, “Ceux-qui-sont-pleins-de-Feu”
(désignation qu’on peut penser guerrière : la colère du combattant se manifestait par une
chaleur ardente). Ce peuple s’est illustré aux côtés des Arvernes dans sa lutte contre les
Romains ; puis dans son envoi d’un contingent fort de 12000 hommes pour venir au
secours de Vercingétorix retranché dans Alésia.
• Enflure guerrière
Ensemble de peuples celtiques venus s’installer en Gaule du Nord (entre Seine et
Marne, et dans Factuelle BELGIQUE à qui ils ont laissé leur nom), les BELGES ( Belgae )
montrent leur appellation liée à la notion de force guerrière supérieure.
Le nom d’homme Belgius est attesté sous la variante Bolgios : on connaît un chef celte
BELGIUS aussi appelé BOLGIOS, dont les troupes firent face aux Macédoniens en 282
av. notre ère (Justin, XXIV, 5 et XXV, 2 ; Pausanias, X, 19) (Michel, 1981, 127). Selon
Ernest Nègre, Belgius/Bolgios devrait se retrouver dans des noms de localités, sans doute
jadis domaines d’anciens BELGES qui s’y étaient installés : BEAUGIES, dans l’Oise
(Bulgiacum, en 982) ; BOUGEY, en Haute-Saône (Bugiaco, en 1127) ; BOUGY, dans
le Calvados ( Bolgeium , Bolgi, en 1086) ; BOUGY, dans l’Eure (Bulgeium, en 1136) ; et
BOUGY, dans le Loiret (Belgiaco, en 1080) (Dottin, 1920, 357 ; Nègre, 1990, 210-212).
De Belgius/Bolgios il faut rapprocher, curieusement, le gaulois bulga qui désignait
un petit sac de cuir de forme gonflée (terme attesté en ce sens par le grammairien
Fc s lu. s, au IL siècle) : de là viennent nos mots de BOUGETTE et de BUDGET (via
la langue anglaise), mais aussi l’appellation du BOUGE, partie renflée d’un tonneau,
cl de la BOGUE, enveloppe arrondie du marron (Vendryes, 1981, B-66 et 67 ; Imbs,
IV, 1975, 771-772 ; Fleuriot, 1978, 82). On trouve dans le celtique insulaire des mots
correspondants : ainsi le vieil-irlandais bolg, “sac”, “soufflet”, “ventre” ; le moyen-gallois
boly, “ventre” ; le breton bolc’h, “cosse de lin” (Vendryes, 1981, B-67). A la base de ces
différents tennes celtiques, comme à la base du nom des BELGES, il y aurait une racine
*belg-/*bolg-, issue d’un indo-européen *bhelgh-, “gonfler” (peut-être à valeur très
anciennement onomatopéique, marquée par le gonflement de la bouche) (Pokorny, 1959,
125-126; Michel, 1981, 128 ; Degavre, 1998, 119 et 84). Les BELGES auraient donc
été les “Gonflés”. On peut comprendre : “Ceux qui sont gonflés” de force guerrière ; des
hommes, en somme, “qui ne se dégonflent pas quand vient le danger” (Prat, 1992, 514) ;
des hommes “qui ont de l’estomac” (Michel, 1981, 128) : il y a ici “connexion [...] entre
la notion de “gonflement” et celles de force et d’ardeur guerrière” (Sjoestedt, 1940, 81).
Jules César souligne que “les plus braves de tous ces peuples [de Gaule] sont les Belges”,
ajoutant : “Ils sont les plus voisins des Germains qui habitent au-delà du Rhin et avec qui
ils sont continuellement en guerre” ( GG2 , 1/1, 13). Mais on peut aussi interpréter le nom
des BELGES comme signifiant “Ceux qui se gonflent de colère guerrière”, les “Furieux”,
ce que beaucoup de linguistes envisagent (en particulier Losique, 1971, 60 ; Deroy et
Mulon, 1992, 53). Le vieux-haut allemand belgen signifie en effet “être en courroux” ;
l’ancien anglais belgan , “être en colère” ; et le néerlandais verbolgen veut dire également
“en colère”) (Losique, même réf. ; Morlet, 1985, 35). La colère guerrière est un thème
bien attesté chez les Celtes, à la fois du point de vue mythologique, historique et du point
de vue linguistique. La Razzia des vaches de Cooley nous montre le héros Cuchulainn,
dans la fureur du combat, qui “s’enfle et se gonfle comme une vessie remplie d’air” (cité
par Sjoestedt, 1940, 81). C’est exactement le sens du nom des Belgae et le sens du mot
bulga (vieil-irlandais bolg, “sac”, de même famille indo-européenne que le gotique balgs ,
“outre”, le vieil-islandais belgr, “outre”) (Yendryes, 1981, B-67).
Il se pourrait que l’ethnonyme des TURONS, qui est demeuré dans TOURS et
la TOURAINE, soit de sens à peu près identique : formé sur le thème *turo-, “fort”,
“enflé”, “gonflé”, à partir d’une base indo-européenne *teu-/*tu- ayant subi différents
élargissements, en particulier en -r- et en -/- (nous avons évoqué au chapitre précédent
le gaulois tullo-, appliqué à des collines, des éminences, d’où des noms de lieux comme
TOUL, TOULX, TOULON) (Pokomy, 1959, 1080-1083). Les Turones auraient été
par conséquent “Ceux-qui-se-gonflent[-de-force-guenière]” ou “[-de-colère]” (Sergent,
1995, 205).
On pourrait associer au nom des Turones celui des Tritolli, qui doit avoir donné
naissance à l’appellation de TRETS, chef-lieu de canton des Bouches-du-Rhône ( Tritis ,
en 993-1032 ; Tredz, en 1010 ; Treit, en 1169) (pour les formes anciennes. Nègre, 1990,
57). Cette peuplade, citée par Pline (III, 34), avait un territoire qui “s’étendait de la
Durance et de la chaîne Lure-Ventoux à l’Isère” (Barruol, 1975, 210 ; Billy, 1993, 148).
Son nom de *Tri-tulli en ferait mot à mot des “Très-Gonflés”. On note un dieu Mars
TRITULLUS attesté en Lozère, sur un autel votif, près de Florac (C./.L., XIII, 1561) ;
son épithète aurait bien convenu à un dieu guerrier (Jufer et Luginbühl, 2001 , 67 ; Fabrié,
1989, 68 ; Billy, 1993, 148).
• Fureur guerrière
L’idée de fureur guerrière se montre spécialement dans l’appellation de quelques Etats
et tribus dont nous gardons le souvenir linguistique.
POITIERS et le POITOU conservent en leur nom l’ethnique des Pictavi (ou Pictones ).
Ils se seraient dénommés les “Furieux”, “Ceux-qui-expriment-leur-colère [au combat]”
(racine indo-européenne *peik-, forme adjectivale *pik-to-, “hostile”, “furieux”) (Camoy,
1955, 140 ; Pokomy, 1959, 795) ; on peut traduire aussi les “Défnons”, car cette
appellation doit avoir eu “une connotation infernale” : on en rapproche le lituanien piktul ,
“diable” (Sergent, 1995, 205).
Plusieurs peuples gaulois : AMBARRES (de l’Ain), AMBIBARÈTES (de l’Ailier),
AMBIBARES (de la Manche et de l’Ille-et-Vilaine) montrent leur nom fomié à partir d’un
thème gaulois *bar- ( Ambarri , Ambibareti , Ambibariï). Il doit avoir désigné la “colère”,
la “fureur” : comparons dans le domaine celtique avec le vieil-irlandais barae, “colère”,
“fureur”, et bara , “colère”, “hostilité”, “combat” ; le gallois bar , “colère”, “fureur”,
“ardeur violente” ; le vieux-breton bara, “fureur”, “colère” (Fleuriot, 1964, 79 ; Vendryes,
1981, B-17). S’y est adjoint un élément amb(i)-, signifiant d’abord “des alentours”, et qui
a dû prendre en gaulois une valeur superlative ou intensive (“grand”, “très”) (Degavre,
1998, 39). Ces ethnonymes auraient donc désigné les “Très-Furieux” : ceux qui savent
se lancer au combat remplis de fureur guerrière (Sergent, 1995, 205 ; Degavre, 1998,
77 ; Delamarre, 2003, 67-68). Des noms d’hommes ainsi formés ont pu se transmettre
à des établissements : AMBERRE, dans la Vienne (Amberrci, en 1051) ; AMBÉRAC,
en Charente (Ambairiaco, en 1100) ; AMBEYRAC, en Aveyron (. Ambariaco , au XII e
siècle) ; AMBRIEF, dans l’Aisne ( Ambreium , en 1 163) ; EMBRY, dans le Pas-de-Calais
( Embriaco , en 826), qui paraissent garder souvenir d’un dénommé Ambarrius , le “Très-
Furieux” (Dauzat et Rostaing, 1978, 13 ; Nègre, 1990, 212).
Il faut mettre à part le cas d’AMBÉRIEU-en-Bugey (Ain), AMBÉRIEÜX-en-Dombe
(Ain) et AMBERIEUX (Rhône). Ces trois toponymes se repèrent sur l’ancien territoire
des AMBARRES, qui étaient installés dans la partie ouest de l’actuel département de
l’Ain, arrosée par le Rhône, la Saône et l’Ain. AMBÉRIEUX et AMBÉRIEUX-en-
Dombe se situaient à l’ouest de ce territoire (près des Ségusiaves) ; et AMBÉRIEU-en-
Bugey à l’extrémité orientale (près de la limite des Séquanes) (Buisson, 1999, avec carte
du territoire des Ambarres). On ne peut croire à un hasard dans la présence de trois noms
de lieux différents, issus du thème Ambarr-, sur le territoire antique d’un peuple de même
appellation ; aussi verrons-nous dans ces toponymes le souvenir antique de la nation des
“Très-furieux”, les AMBARRES.
A ces noms de peuples ou peuplades, on ajoutera des noms de personnes. Les
anthroponymes Condarus, Condarillus, Vercondaridubnus sont attestés en Gaule (Evans,
1967, 434-435 ; Whatmough, 1970, 697 ; Billy, 1993, 155). Ils se sont formés sur un
thème celtique dari(o)-, “agitation”, “tumulte”, “rage”, qu’on retrouve dans le gallois
dar, “tumulte”, terig, “ardent”, “violent”, “en rut”, et dans le vieux-breton cunnaret,
“rage bestiale” (Fleuriot, 1964, 125, 129 ; Delamarre, 2003, 136). Le nom propre gaulois
*Darius, le “Furieux” (à distinguer d’un nom latin homonyme), pourrait s’être gardé
dans DIERRE, en Indre-et-Loire {Daria viens , au VIT siècle), et dans DHÉRÉ ( Darie ,
en 1310), hameau à Langeron, dans la Nièvre (Morlet, 1985, 79 ; Delamarre, 2003, 136 ;
Nègre, 1990, 623, pour les formes anciennes).
2.2.3. La férocité, le sang, la mort
• Combattants féroces
Le guerrier devait se montrer justicier terrible, combattant sans pitié.
Divicus, Divicius, Diuccius, Divicianus..., noms propres relevés sur des inscriptions
de Gaule (et aussi sur des légendes monétaires), auraient désigné, selon Xavier Delamarre,
des “Vengeurs”, Toutodivicis et Toutodivicus étant surnommés les “Vengeurs-de-la-
Tribu” (Delamarre, 2003, 145-146 ; Billy, 1993, 63-64 et 145-146 ; Colbert de Beaulieu et
Fischer, 1998, 226-229). A la base de ces anthroponymes, on a supposé un thème gaulois
'V livic-, “venger”, “punir”, qui serait à relier au vieil-irlandais di-fich, “venger”, “punir” :
do-jïch, “il venge”, “il punit” (Vendryes, 1996, D-140 ; Delamarre, même réf.). Nous
gardons mémoire de trois personnages historiques, ayant vécu à l’époque de la guerre des
Gaules, dont le nom a été mis en rapport avec ce thème (Evans, 1967, 81-83) : DIVICO,
notable helvète, chef militaire dans la guerre contre Cassius (GG, 1/13, 14) ; DIVICIACUS,
roi des Suessions (GG, II/4) ; et son homonyme DIVICIACUS, célèbre druide et chef
éduen (GG, I, 3 ; I, 5 ; VI, 1 2 ; VII, 39), venu parler devant le Sénat romain, appuyé sur
son bouclier (Le Roux et Guyonvarc’h, 1986, 103-106). Cependant, l’incertitude demeure
sur le sens de ces noms, qui n’ont peut-être rien à voir avec un contexte guerrier : ils
pourraient être à rattacher à un radical *dev- ayant servi à désigner chez les Celtes des
“eaux divines”, et dont des traces sont demeurées dans de très nombreux anthroponymes,
théonymes et toponymes gaulois (Lacroix, 2011).
Le thème anthroponymique *Gargo-, “féroce”, “sauvage” (qu’on retrouve dans
le vieil-irlandais garg-, “féroce”, “sauvage”), explique les noms propres Gargenus
(nom d’un prince boïen) et Gargorix (nom d’un roi mythique celte du sud-ouest de
l’Espagne) (Delamarre, 2003, 175 ; Kruta, 2000, 634). En Gaule, le nom propre Garg-,
parfois combiné à un autre élément, est suspecté d’être à l’origine des appellations de
plusieurs localités : GARGANVILLAR, dans le Tam-et-Garonne ( Garganvillario , en
1146) ; GARGENVILLE, dans les Yvelines ( Gargenvilla , en 1164) ; GERGUEIL, en
Côte-d’Or ( Gergullium , au XII e siècle) ; JARGEAU, dans le Loiret ( Gargogilensis , en
938) ; Saint- Jean-de-GARGUIER, dans les Bouches-du-Rhône : anciennes terres du
“Féroce” (Dauzat et Rostaing, 1978, 311 et 317 ; Morlet, 1985, 94 ; Taverdet, 2001, 41 ;
Delamarre, 2003, 175).
Les BOÏENS laissent une double trace dans la toponymie : majeure, avec la
BOHÊME, où une branche importante du peuple était installée ; mineure, avec le petit
Pays de BUCH, en Gironde, où un rameau des BOÏENS était venu s’établir (Kruta,
2000, 475-478 ; Nègre, 1990, 152). C’étaient vraisemblablement les “Frappeurs” ou les
“Coupeurs”, nom issu d’une racine *bhei-/*bhi-, “couper”, “frapper” (Pokorny, 1959,
1 17 ; Degavre, 1998, 100 ; Delamarre, 2003, 82). Le nom gaulois d ' Andecombogios (ou
Andocombogius) est attesté sur une stèle à Briona (Italie du Nord) et sur des monnaies ;
on le retrouve surtout cité dans La Guerre des Gaules : ANDOCOMBOGIOS (dit
aussi Andocumborios), présenté comme chef gaulois du pays des Rèmes (II/3) ; ce nom
signifiait le “Grand-Frappeur” (Lejeune, 1988, 20 ; Colbert de Beaulieu et Fischer, 1998,
75-76 et 546 ; Kruta, 2000, 414 ; Delamarre, 2003, 45). Peut-être que COMMIOS,
chef des Atrébates, également cité par César, se dénommait le “Frappeur” ( *Com-bios )
(Delamarre, 2003, 75). D’autres hommes au nom de Boius, le “Frappeur”, ont pu s’ancrer
dans des appellations d’établissements (suffixées en - acum ) : BOYER, dans la Loire
( Boiaci , en 1388) ; BOYEUX, dans l’Ain ( Boyeu , en 1299-1369) ; et une série de BOUY :
BOUY-Luxembourg, dans l’Aube ( Boeium , v. 1150) ; et BOUY-sur-Orvin, dans le même
département (. Boi , en 1152-1180) ; BOUY, dans le Cher, à Berry-BOUY ( Boiago , en
990) ; BOUY, dans la Marne (Boeium, en 1116) ; BOUY, en Seine-et-Marne, à Soisy
(Boiacum, en 1194) (Morlet, 1985, 39-40 ; Nègre, 1990, 209, 212, 216).
• Combattants sanguinaires
Le guerrier devait se montrer féroce et cruel.
Un gaulois *c?'odio-l*croudio-, “dur”, “cruel”, “mauvais”, a certainement existé à côté
du vieil-irlandais cruaid attesté au sens de “dur”, “rude”, “cruel” (Vendryes, 1987, C-250,
251). Ce terme explique l’ancien français croi, “méchant”, “mauvais”. On le retrouvait
dans les anciens parlers poitevin, bourguignon, lyonnais, dauphinois, provençal, auvergnat
et limousin : type dialectal croi, “dur”, “cruel”, “méchant”, “mauvais”. Il demeure dans
le catalan CROI, “dur”, “cruel”, et dans des dialectes modernes, essentiellement du
Centre et du Centre-Est (carte dans Billy, 1995a, 104). Relevons, en Franche-Comté,
CROILLE, “laid”, “vilain”, issu du patois CROUIO, “méchant”, “vaurien”, “mauvais” ;
dans le Haut-Jura, CROUILLE, “de mauvaise apparence”, “mauvais”, “méchant” ; dans le
Queyras, CROÏ, “mauvais”, “dur”, “rude” ; à Mar seille, CROILLE, “arrogance”, “culot”,
“effronterie” (d’autres sens ont pu se développer dans tous ces mots, que nous ne retenons
pas ici). En Suisse romande, l’adjectif CROUILLE, pouvant signifier (entre autres)
“mauvais”, “vaurien”, “canaille”, “crapule”, reste très employé (on entend par exemple :
“Ces gens-là, il faut s’en méfier, ce sont souvent des crouilles ”) (von Wartburg, II, 1946,
1358 ; Colin, 1995, 116-1 17 ; Robez-Ferraris, 1995, 145 ; Thibault, 1997, 286-287).
Les sémantismes, bien sûr, se sont modifiés avec les siècles, et (comme bien souvent)
affaiblis. Le gaulois *crodio- était issu d’un indo-européen kreu-, “viande crue”, “sang
épais”, “chair saignante”, ce qui correspond au sens du moyen-irlandais crû, “sang
répandu”, et au gallois cran, également “sang répandu” (Pokomy, 1959, 621 ; Degavre,
1998, 174 ; Delamarre, 2003, 131). Le “cruel” était donc perçu jadis comme “celui qui
fait couler le sang”, voire “celui qui aime le sang”. Ce sens fort pourrait se retrouver
en Gaule dans un anthroponyme *Cru-meros, “[Qui a la] Folie-du-Sang”, que Xavier
Delamarre pense être à l’origine du nom de CROSMIÈRES, localité de la Sarthe (de
Cromeriis, v. 1090) (Delamarre, 2009, 77). Un autre nom d’homme gaulois, *Crodios,
aurait fait naître les appellations de CREIL, dans l’Oise ( Criolium , en 636) ; CRIEL-
sur-Mer, en Seine-Maritime ( Criolium , en 1059) ; Saint-Germain-du-CRIOULT, dans le
Calvados ( Crioil , en 1198) ; CROUAY, dans le Calvados ( Croey , en 1032) ; CROUY,
dans l’Aisne ( Croiacus , en 870) ; aussi dans la Seine-et-Marne ( Croyacum , en 1226) ; et
dans la Somme (Cray, en 1066) (Dauzat et Rostaing, 1978, 232 ; Morlet, 1985, 72-73 ;
Nègre, 1990, 182 ; Mulon, 1997, 60 ; Billy, 2001b, 335) (on exclura cependant certains
noms de lieux comme CRUAS, en Ardèche, et CRUÉJOULS, en Aveyron, qui peuvent
avoir désigné plutôt des terres mauvaises, dures) (Dauzat et Rostaing, même réf., 232 ;
Nègre, même réf., 188 ; Delamarre, 2003, 131, avec interprétation différente).
• Combattants porteurs de mort
ORGÉTORIX, chef gaulois du pays des Helvètes à l’époque de la Conquête (GG,
1/2, 3, 4, 9, 26), se dénommait le “Roi-des-Tueurs” (d’Arbois de Jubainville, 1891, 72 ;
Evans, 1967, 240 ; Delamarre, 2003, 244). Une glose latine atteste l’existence d’un
gaulois orge ayant signifié “tue” (“cccicfc”) (Billy, 1993, 116). La racine verbale org-,
“tuer”, “détruire”, “ravager” (faite peut-être à partir d’un ancien radical indo-européen
*perg-, “frapper”), est bien connue en irlandais ancien : orgaid, “il tue” ; orcun,
“massacre” ; orn (< *orgno- ), “meurtre” ; -oircnid, “tueur”. Un vieux-breton orgiat était
aussi employé au sens de “frappeur”, “tueur” (Vendryes, 1960, 0-30 et 31 ; Fleuriot,
1964, 277 ; Delamarre, 2003, 244).
Repéré dans le nom d’ORGETORIX, le thème gaulois org -, “tuer”, est présent dans
d’autres anthroponymes de Gaule attestés par l’épigraphie ou les légendes monétaires :
Orcitirix , Orgetirix, Orgius , Orgotus... (Duval, 1957, 353; Evans, 1967, 239-240;
Billy, 1993, 116 ; Delamarre, 2007, 146). Il se retrouverait peut-être dans le nom de
l'OGRE : ancienne figure de géant effrayant et tueur (Vendryes, 1928, 388 ; Villette,
1980, 328). Les linguistes avaient tenté de rattacher ce terme au nom des Hongrois
(;iux incursions dévastatrices) (encore dans Meyer-Lübke, 1935, 496) ; mais pour des
problèmes de phonétique (la disparition de la nasale ne s’expliquant pas), la solution a
dû être abandonnée (Vendryes, 1928, 387 ; Gougenheim, III, 1975, 14 ; Villette, 1980,
327-328). On a songé alors à relier le nom de l’OGRE au latin Orcus (dieu des morts),
assez proche par le sens. Cependant, comme le souligne Joseph Vendryes, “la difficulté
phonétique est plus grave encore” : Orcus aurait dû aboutir normalement en français
à *orc (comme porcus donnant porc ) et non à Ogre (Vendryes, 1928, 388). L’abbé
Villette pense qu’on peut réduire la difficulté en recourant à un gaulois *orgos : *orgu[s]
aurait simplement abouti à *ogru[s] par interversion des phonèmes [r]/[g] (comme
dans formage /fromage) (Villette, 1980, 328). Le nom de l’OGRE se rencontre pour la
première fois à la fin du XII e siècle dans le Perceval de Chrétien de Troyes, avec le sens
de “païen féroce” (Huet, 1908, 304; von Wartburg, VII, 1955, 394; Quemada, XII,
1986, 454). Dans Lancelot, ORGENS est le nom d’un souverain ravisseur ; dans La Folie
Tristan, URGEN (ou URGAN) est un géant contre qui combat Tristan ; dans le Conte de
la Charrette , le pays des OGRES désigne l’Enfer dont “nul ne retourne” (Flutre, 1962,
148 et 183 ; Vendryes, 1928, 388).
Il est possible que le même thème org-, en rapport avec l’idée de “tuer”, ait généré
anciennement des appellations de lieux : ORGAN, dans les Hautes-Pyrénées ( *Org-
anum supposé); et ORGON, dans les Bouches-du-Rhône ( Orgono , en 1114), site
d’un ancien oppidum gaulois (Dauzat et Rostaing, 1978, 510; Sterckx, 1998, 115).
On pouvait trouver à la base un anthroponyme antique (nom de guerrier) ; ou un nom
commun gaulois *organon, “meurtre”, “massacre” (Delamarre, 2003, 437). Nous notons
qu’à 10 km au sud de la localité d’ ORGON (à Eyguières) a été découverte, sur une
tablette de plomb, une inscription en langue gauloise portant P anthroponyme Orgitoribc
(Lejeune, 1985a, 35) : est-ce un hasard ?
Nous évoquerons plus loin le rite gaulois des têtes coupées, et le souvenir linguistique
qu’il nous laisse peut-être.
2.3. Les corps d'armées et l'art du combat
2.3.1. Les chefs militaires et les combattants de la noblesse
Les anciens chefs militaires celtes étaient désignés traditionnellement par le terme
de brennos. On a autrefois pensé que ce mot était un nom propre : les historiens nous
rapportent en effet que le siège de Rome, mené par différentes tribus celtes vers 390 av.
J.-C., fut conduit par un chef sénon BRENNUS. Mais cent ans plus tard (vers 280 av.
J.-C.), on retrouve le même nom illustre mêlé à une nouvelle expédition guerrière des
Celtes : un autre BRENNUS tente avec ses troupes de s’emparer de Delphes. S’agit-il
d’une homonymie fortuite ? On doit plutôt penser que brennos (latinisé en brennus ), s’il
pouvait s’appliquer comme surnom à une personne, était un terme générique par lequel
les Celtes désignaient à date ancienne leurs commandants d’armées. Le mythe du chef
gaulois ayant été popularisé par l’idéologie politique au XIX e siècle (Simon, 1989), on
emploiera alors volontiers le mot francisé de BRENN : “J’ai été nommé BRENN de
ma tribu, qui est la tribu de Kamak”, écrit Eugène Sue, confondant époque celtique et
préceltique (Larousse, II, 1867, 1229). Les toponymistes ont pensé retrouver le nom de
Brennus, fixé comme anthroponyme gaulois puis gallo-romain, dans l’appellation d’une
vingtaine de communes de France. Citons parmi elles BERNAC, en Charente ( Brenaco ,
en 1110), dans les Hautes-Pyrénées, dans le Tarn ( Bernacum , en 1235, avec métathèse
- courante - ayant fait passer Bren- à Bern-) ; BERNAY, en Charente-Maritime, dans
l’Eure ( Brennaco , en 690-691), dans la Sarthe ( Breniacum , fin XI e siècle), dans la
Seine-et-Marne ( Berniaco , en 1088), dans la Somme (. Berniacum , en 843) ; BERNY,
dans l’Aisne (. Brennacum , au VI e siècle), et dans la Somme ; BRENAC, dans l’Aude
(Bernacum, en 870) ; BRENAS, dans l’Hérault ( Brenante , en 806 ; Brenatio, en 1174) ;
BRENAT, dans le Puy-de-Dôme ( Branacus , en 912) ; BRENY, dans l’Aisne (Birniaco,
en 1098), etc. (Dauzat et Rostaing, 1978, 54 ; Morlet, 1985, 41 ; Nègre, 1990, 164, 200-
202, 218, 221 ; Chaurand et Lebègue, 2000, 48 et 57). Mais une part des toponymes
concernés pourrait renvoyer plutôt à un thème en rapport avec l’humidité des sols (racine
gauloise homonymique *bren-, “boue”, passée en roman) (von Wartburg, I, 1948, 489).
Ainsi, peut-être, BERNAY-en-Brie, dans la Seine-et-Marne, implantée sur un site très
humide (Taverdet, 1989, 4 ; Mulon, 1997, 71). Il est difficile de trancher avec certitude
pour chaque cas.
Une autre appellation a pu désigner le “chef”, le “commandant” (mais peut-être aussi
celui qui “règne”, qui “gouverne”) : vellauno -. Le mol est formé de la racine verbale
*veln-, “diriger”, “commander”, à laquelle s’est adjoint un suffixe d’agent -unos ; il devait
désigner étymologiquement “Celui-qui-exerce-le-commandement”, “Celui-qui -assure -
la-direction” (on compare avec le vieil-irlandais *follomon-, “chef’, “commandant” :
follaimnigid, “il gouverne, commande”) (Lambert, 2003, 172 ; Delamarre, 2003, 311).
Deux noms de personnes formés sur ce thème sont restés célèbres. CASS1VELLAUNOS
fut un roi celte de Grande-Bretagne, un des chefs de la résistance à César (GG, V/ 11, 18,
19, 21, 22). Dans la tradition, le roi celte était le commandant militaire suprême, garant
de la victoire militaire ; il dirigeait la guerre, même si dans les temps anciens il ne prenait
pas part aux combats. Pour la Gaule, nous connaissons VERCASSIVELLAUNUS,
notable arverne, un des commandants de l’armée de secours dépêchée à Alésia
(GG, VI1/76, 83, 85, 88). Une place forte des Sénons tirait son appellation du même
terme gaulois: Vellaunodunum (GG, VII/11, 14), sans doute la “Forteresse-du-
Commandement” (Delamarre, 2003, 311). Nous pensons que son site correspond à
celui de Château-LANDON, mais aussi que l’appellation antique explique le nom
moderne, malgré l’éloignement apparent des formes médiévale et moderne {Castrum
Landonense, en 1026) : il a pu se produire, par l’effacement de l’élément initial Uel-,
une évolution *Laun(o)-don > LANDON. Deux peuples ou peuplades de la Gaule
affichaient également le terme vellauno - : les SEGOVELL AUNES du pays de Valence,
cités par Pline {Histoire Naturelle, 111, 34), qui auraient été les “Chefs-de-la-Victoire”
(mais l’ethnonyme ne paraît pas s’être inscrit dans un toponyme) ; et les CATALAUNES
de Champagne {civitas Catuellaunorum ou Catalaunorum, dans la Notifia Galliarum),
à l’origine de CHÂLONS -en-Champagne, qui se seraient dénommés les “Chefs-de-
guerre” (Moreau, 1983, 68 et 235 ; Delamarre, 2003, 311).
Le gaulois magalo- aurait désigné un “prince”, un “chef’ (racine *mag-, “grand” ;
on connaît en vieil-irlandais mal, issu de *maglos, “prince”, “chef’, “roi” : mal na slog,
“chef des armées” ; et dans le vieux-breton des anthroponymes comme Tigernomaglus )
(Pokorny, 1959, 709 ; Vendryes, 1960, M-13 ; Fleuriot, 1964, 250). MAGALOS était
le nom d’un roi des Boïens de Cisalpine, au IIP siècle av. J.-C. (Kruta, 2000, 715).
L’appel latif resterait dans Villeneuve-lès-MAGUELONNE, Hérault {Magalonensium,
v. 400), MAGALAS {Magalas, en 1065), même département ; et dans MOULONS,
Charente-Maritime (ancienne *Magalonnum ) (Nègre, 1990, 125 et 164 ; Delamarre,
2003, 213).
I a* nom de brennus nous a évoqué le chef gaulois sous un aspect uniquement militaire,
exaltant dans la tradition guerrière de l’expansion celte la vaillance des conquérants. Mais
clans les nations gauloises établies, le pouvoir militaire sera de plus en plus exercé par une
élite aristocratique, les chefs de guerre se recrutant parmi les membres les plus puissants
de la noblesse (riches propriétaires terriens, grands négociants, qui redevenaient en cas
de conflit des chefs d’armées). Le terme celtique de tigemo- (reconnaissable dans le
vieil-irlandais tigern, le vieux-gallois tegyrned, le vieux-breton Tiarn) a pu désigner ces
nouveaux “seigneurs” (Vendryes, 1940 ; 1978, T-62 et 63 ; Whatmough, 1970, 729). On
en retrouve l’appellation curieusement dans le nom de la ville de THIERS, dans le Puy-
de-Dôme (Grégoire de Tours, au VI e siècle, désigne le lieu sous la forme ad Thigernum
castrum ), et peut-être dans l’appellation de TH1ERNU, localité de l’Aisne {Ternuth, en
1 125, sur un modèle supposé *tigern-utum) (Deroy et Mulon, 1992, 477 ; Nègre, 1990,
125 et 180 ; Malsy, 2001, 561-562).
Les guerriers d’élite étaient constitués des membres de la noblesse qui devaient
pourvoir (jusqu’à la fin du II e siècle av. J.-C.) à leur équipement militaire, et entretenir
des servants d’armes les accompagnant au combat (Brunaux, 1995, 145-146). Le mot
donno- (terme celtique, à comparer au vieil-irlandais donn, “noble”, “élevé”) désignait
en gaulois un “noble”. On le retrouve dans une série d’anthroponymes : Donno, Donnus ,
Donnius, Matidonnus, Senodon[nus] . . . (attestés par des inscriptions en Gaule), et dans le
nom de DONNOTAURUS, chef gaulois du pays des Helviens à l’époque de la Conquête
(GG, VII/65) (Evans, 1967, 194-195 ; Billy, 1993, 64, 104, 136 ; Vendryes, 1996, D-171
et 172 ; Delamarre, 2003, 147 ; 2007, 220). Il est aussi à l’origine de noms de lieux :
DENEUILLE, dans l’Ailier ( Denolium , en 1351, sur un modèle *Donno-ialo~) ; Châtel-
de-NEUVRE, également dans l’Ailier (pagus Donobrensis, à l’époque mérovingienne,
sur un modèle *Donno-briga) ; DENEUVRE, en Meurthe-et-Moselle (. Donobrii , en
1120, sur le même modèle) ; DONNAY, dans le Calvados (Douai, v. 1000, sur un
modèle *Donnacos) (Nègre, 1990, 182, 168, 201 ; Delamarre, 2003, 147).
2.3.2. Les champions
A la guerre, les Gaulois ont développé un goût de l’exploit individuel ils aimaient
exalter les champions à la stature exceptionnelle. Anciennement et traditionnellement,
l’affrontement contre l’ennemi était conçu moins comme un engagement collectif
tactique que comme une suite de combats individuels dans lesquels le champion trouvait
“l’occasion de prouver sa démesure” (Le Roux, 1965, 182 ; et Dumézil, 1942, 16-17)
(bien sûr, cela est moins vrai pour les deux derniers siècles précédant la Conquête,
où les armées se sont engagées plus collectivement, plus méthodiquement) (Brunaux
et Lambot, 1987, 52) (alors “la tactique changea et le combat singulier devint bientôt
obsolète. Le combat général constitua la norme des engagements”) (Cunliffe, 2001,
113). Les écrivains antiques évoquent des duels provoqués par des champions gaulois,
les plus fameux restant ceux contre Titus Manlius “Torquatus” et contre Marcus Valerius
“Corvinnus”. Indices de l’importance accordée à ces combattants solitaires, guerriers
d’exploits, quatre termes gaulois qui désignaient le “champion”, le “héros”, le “lutteur”,
ont laissé des traces dans nos noms.
LUCTÉRIUS était un chef gaulois du pays des Cadurques, connu pour avoir cherché
à soulever les Rutènes puis participé à la résistance d’ Uxellodunum (GG, VIII/30, 32, 34,
35, 39). Son nom paraît avoir signifié le “lutteur” (Delamarre, 2003, 210). On suppose
qu’un autre homme nommé Lucterius serait à l’origine de l’appellation de LUITRE, en
Ille-et-Vilaine (Dauzat et Rostaing, 1978, 417 ; Nègre, 1990, 209).
L’Histoire nous a transmis les noms de CAVARINUS, roi des Sénons (GG, V/54, et
VI/5) ; de CAVARILLOS, chef de l’infanterie éduenne, en 52 av. J.-C., fait prisonnier
par les troupes de César lors de la bataille de Dijon (même réf., VJI/67) ; et aussi du
peuple gaulois des C AVARES, qui étaient installés le long du Rhône entre la Durance et
le Tricastin (Kruta, 2000, 527). C’étaient les “Géants”, les “Héros” (noms à rapprocher
du vieil-irlandais cnar, “héros”, “guerrier” ; du gallois cawr et comique caur , “géant”)
(Evans, 1967, 331-332 ; Vendryes, 1987, C-262 et 263 ; Delamarre, 2003, 112). Les
auteurs antiques décrivent les champions gaulois (et plus largement celtes) comme des
hommes de très haute stature, presque des géants : pour une part, lieu commun littéraire
des Grecs et des Romains (Sergent, 1988, 349) ; mais aussi vision celte du héros. Le
champion opposé à Titus Manlius (au IV e siècle av. J.-C.) était ainsi un “Gaulois d’une
taille extraordinaire” (Tite-Live, Histoire Romaine, VII, 7/9, trad. Bloch, 1968, 15).
On se demandera - sans montrer aucune certitude - si le nom des Andecaves, resté
dans ANGERS et l’ANJOU, ne serait pas à rapporter au même radical (*cavos pouvant
avoir existé à côté de cavaros), l’ethnonyme ayant alors désigné les “Grands-Héros” :
ande- a parfois joué en celtique le rôle d’un préfixe de sens intensif (Lambert, 2003,
99). Plusieurs anthroponymes gaulois C avaria, Cavarianus, Cavarillus , Cavarinus sont
attestés (Billy, 1993, 48 ; Delamarre, 2007, 62, 216) ; un nom d’homme *Cavarius s’étant
attaché à un domaine serait resté dans des noms de localités (avec suffixe toponymique
- acos ) : CAVEIRAC, dans le Gard ( Cavariaco , en 893) ; CHAVÉRIA, dans le Jura ; et
CHAVEYRIAT, dans l’Ain ( Cavariaco , en 933-937) (Dauzat et Rostaing, 1978, 158 ;
Taverdet, 1986a, 29 ; 1986c, 28 ; Nègre, 1990, 204 et 215).
Le gaulois camulus a pu désigner un “champion”, un combattant “puissant” ; on relie
le terme au vieil-irlandais cumall, “champion” (Vendryes, 1987, C-287 ; Flobert, 1995,
264 ; Delamarre, 2003, 101). Finn mac CUMALL nomme dans les anciennes légendes
celtes insulaires le chef des Fianna, guerrier redoutable (Le Roux et Guyonvarc’h,
1986, 390). Un Mars CAMULUS est connu à Reims : surnom d’un dieu guerrier
(Wuilleumier, 1963, 145). De nombreux anthroponymes gaulois se montrent formés sur
le même thème valorisant ( Camulus , Camulius, Camulatus, Andecamulos, etc.) (Billy,
1993, 11, 40-41 ; Delamarre, 2007, 215). On garde souvenir de CAMULOGÉNUS,
“Celui-de-la-lignée-des-champions” (ou le “Fils-du-Dieu-champion” ?), chef chargé
de la défense de Lutèce (GG, VII/57, 59, 62). Des dénommés Camulius pourraient
être à l’origine des noms des localités de CHAMOUILLE, dans l’Aisne ( Camolia , en
1151) ; CHAMOUILLAC, en Charente-Maritime ; CHAMOUILLEY, en Haute-Marne
( Chamolleium , en 1148) (Dauzat et Rostaing, 1978, 169); Camulus expliquerait les
appellations de CHAMBLAY, dans le Jura ; CHAMBLET, dans l’Ailier ; CHAMBLEY,
en Meurthe-et-Moselle ( Chambleis , en 1208) ; et Camulixus , le nom de COMBLESSAC,
en Ille-et-Vilaine ( Camliciago , en 852) (Nègre, 1990, 201, 203, 206).
Dans une série de noms propres gaulois, on retrouve, enfin, l’élément -latis, “héros”
(correspondant du vieil-irlandais laith, “héros”, “guerrier”) : ainsi Andolatius (“Grand-
héros”), Anextlatus (“Héros-protecteur”), Escengolatis (“Héros-des-Guerriers”),
Segolatius (“Héros-de-la-Victoire”)... (Evans, 1967, 216; Billy, 1993, 12, 72, 134;
Delamarre, 2003, 197). Un autre anthroponyme formé sur un composé à élément -latis,
*Sentolatis, ayant désigné le “Héros-du-Chemin[-de-la-Guerre]”, pourrait avoir fait
naître l’appellation de SATOLAS, localité de l’Isère ( Sentolatis , en 830) (Delamarre,
2003, 271).
On était bien dans une société qui magnifiait le héros.
2.3.3. Les guerriers-serviteurs
Nous avons évoqué précédemment le petit peuple des CATUSLOGUES, établis le
long de la vallée de la Bresle, dans factuelle Seine-Maritime. La seconde composante
de leur nom : -slogi (thème celtique sloug-, “troupe”, qu’on a retrouvée dans notre
vSLOGAN) aurait désigné originellement “l’ensemble de ceux qui servent un chef’
(dans d’autres langues indo-européennes, le même thème montre une idée de service,
d’assistance, d’aide : lituanien slauga, “fait de servir”, vieux-slave sluga, “serviteur”)
(Vendryes, 1974, S-137 ; Plagne, 1995, 189).
Les nobles, on l’a souligné, entretenaient des hommes d’armes à leurs frais. La
puissance se comptait pour eux au nombre des serviteurs qui les entouraient. Jules César,
notant qu’en cas de conflit tous les “chevaliers” ( équités ) prennent part à la guerre,
souligne : “Chacun d’eux, selon sa naissance et l’ampleur de ses ressources, a autour de
lui un plus ou moins grand nombre d’ambacts et de clients. C’est le seul signe de crédit et
de puissance qu’ils connaissent” (GG2, VI/15, 130). Polybe, un siècle auparavant, disait
déjà des Celtes de Cisalpine : “Le soin de leur clientèle était leur plus grand souci parce
que l’on paraît chez eux d’autant plus redoutable et puissant que l’on semble posséder
un plus grand nombre de serviteurs et de clients” (. Histoires , II, 17, trad. dans Grenier,
1945, 180).
Le mot de VASSAL ( vassallus , dans le latin médiéval du VIII e siècle) et son dérivé
VALET (“petit vassal”, *vasscilittus ) sont issus du gaulois *vasso-, “serviteur” (le
terme est attesté dans les lois franques sous la forme vassus) (von Wartburg, XIV,
1961, 201-202 ; Whatmough, 1970, 914 et 475 ; Lambert, 2003, 203). *Vasso- trouve
des équivalents dans le vieil-irlandais foss, “serviteur” ; le vieux-gallois gwasawl ,
“servant” ; le moyen-gallois gwas , “jeune homme”, “serviteur” ; le vieux-breton -uuas/-
guas , “vassal”, “serviteur”, élément final de noms propres ; le breton gwaz, “homme”,
“serviteur” (Degavre, 1998, 431 ; Delamarre, 2003, 307-308). Tandis que les noms du
brennos et du tigerno- se reliaient étymologiquement à l’idée de hauteur : indo-européen
*brendh-, “gonfler”, celtique *tig-r -, “extrémité”, “pointe”, “enflure” (Pokomy, 1959,
167 et 1016 ; Vendryes, 1940, 684), le vasso- gaulois était originellement celui “qui-se-
tient-au-dessous” : le sou[s-]mis (celtique *vo-sto-, à relier à la racine indo-européenne
*upo-sth-o-, “mettre sous”) (Pokomy, 1959, 1 106 ; Lambert, 2003, 203 ; Degavre, 1998,
431 ; Delamarre, 2003, 307).
Le Moyen Age connaissant à son tour un système social fondé sur des liens personnels
de dépendance (entre l’homme libre et son roi, l’homme libre et son seigneur, avec pacte
d’assistance), l’idée du vasso- gaulois va perdurer. D’où le nom du VASSAL (attesté
à partir de 1080 : “homme lié à un seigneur”, qu’il suit à la guerre, ou bien “homme
vaillant”) ; d’où aussi le nom du VAVASSEUR (1150, vavassour ; 1229, vavasseur, issu
d’un bas-latin vassus vassorum , “vassal des vassaux” : petit VASSAL) ; et également le
nom du VALET (v. 1138, vallet : “serviteur”, jeune noble attaché comme page ou écuyer
à un chevalier) (Rey, 1992, 2211, 2218 ; Quemada, XVI, 1994, 896-898, 938, 944). Ils
feront naître à leur tour des noms propres comme VASSAL, VASSARD, VASSEUR,
LEVASSEUR, LEVASSOR, etc. (Morlet, 1991, 952-953). L’idée de structures sociales
conçues sur des liens spéciaux de dépendance, qu’on trouve à la base des différents mots
évoqués, a des fondements remontant à l’époque gauloise et à son aristocratie guerrière.
C’est bien à l’ancienne langue que cette famille doit son existence : les premiers
VALETS ont été gaulois.
A l’intérieur de chaque troupe armée, le guerrier noble pouvait combattre presque
isolément dans la cellule qu’il formait avec ses propres hommes d’armes. Des clients
d’un rang plus important que les simples VALETS, bénéficiant d’un statut militaire
particulier, étaient spécialement dénommés ambactes, terme cité par les auteurs anciens
et employé entre autres par César (“quisque [...] plurimos circum se ambactos [...]
habet” : en Gaule, chaque chevalier “a autour de lui un plus ou moins grand nombre
d’AMBACTS”) (GG2, VI/15, 130). Porteurs du TALEVAS et de la LANCE, gardes du
corps, secondant leur chef dans la difficulté, guerroyant à ses côtés, ils agissaient dans la
sphère immédiate du maître comme des “entoureurs” (Daubigney, 1979). C’était le sens
même de leur nom (déjà glosé par Festus “circumactus” : “lingua gallica servus appellatur
[...] ambactus, id est “circumactus” dicitur”) (Sterckx, 1969, 731). Etymologiquement,
le gaulois ambactos se montre formé du préfixe ambi-, “autour”, “alentour”, “des
deux côtés”, et d’un thème -actos ayant dû désigner celui qui agit : l’AMBACT était
donc “Celui-qui-agit-autour” [de son maître], “Celui-qui-circule-alentour” (d’Arbois
de Jubainville, 1894, 338-339 ; Delamarre, 2003, 40-41). On comparera avec le vieil-
irlandais immaig, “envoyé”, “serviteur” ; le gallois amaeth, “agriculteur” ; le vieux-
breton ambaith, “agriculteur” (?), construits semblablement (Sterckx, 1969, 731 ;
Degavre, 1998, 38 ; Delamarre, 2003, 40). La fraternité d’armes faisait des AMBACTS
des compagnons de guerre, dévoués à leur chef, parfois jusqu’au sacrifice (Jules César
dit de certains entoureurs militaires : “Si leur chef péril de mort violente, ils partagent le
même sort en même temps que lui”) (GG2, 111/22, 7 I ).
La fortune de l’ancien mot gaulois ambactos va cire tout à fait extraordinaire :
transmis aux anciennes populations germaniques (chez qui dut se mettre en place un
système voisin d’assistance), il créera les noms allemands AMT (“service”, “fonction”)
et BEAMTER (“fonctionnaire”, “employé d’un service public”) (Hubert, 1952, 69),
l’allemand transmettant à son tour le thème dans le flamand ambacht, “métier”,
“circonscription”, et le finnois ammati, “métier”. Ambactos était passé lui-même dans
l’ancien français ambassee, embasce , embasee, au sens de “mission officielle auprès
d’un haut personnage”, “message officiel destiné à un haut personnage”, d’où sera
tiré l’anglais EMBASSY. Connu en ancien provençal (sous la forme ambayssada,
“message”), le mot sera adopté dans l’italien AMBASCIATA, “mission diplomatique”
(attesté au XIII e siècle). Enfin le français le récupérera au XIV e siècle pour créer
l’AMBASSADE et l’AMBASSADEUR (von Wartburg, I, 1948, 83 ; Sterckx, 1969 ;
Imbs, II, 1973, 687 ; Delamarre, 2003, 40). Si le sens moderne est différent, l’idée
ancienne de service est demeurée. L’AMBASSADEUR est l’envoyé personnel qui a tous
pouvoirs pour agir selon le mandat de son dirigeant, comme l’AMBACT gaulois devait
remplir toutes les missions de combat confiées par son maître. André Martinet souligne
les “connotations favorables” qui sont restées attachées à tous ces termes, continuateurs
du mot celtique (1986, 115) ; on y retrouve à chaque fois l’idée de dévouement et de
fidélité qui formaient les qualités premières de l’AMBACT.
2.3.4. La charrerie
Jusqu’à la fin du II e siècle av. J.-C., les guerriers de la noblesse utilisèrent à la guerre
des véhicules légers à deux roues, conduits par leurs fidèles AMBACTS. Ces petits chars
de combat étaient apparus dès l’époque ancienne de La Tène (Brunaux et Lambot, 1987,
116). Plus de 250 tombes gauloises dites “à char” ont été fouillées ou repérées par les
archéologues en Champagne, datant de La Tène I (475 à 250 av. J.-C.) : on avait coutume
d’enterrer les combattants nobles, en armes, sur leur char de combat (A. Duval, 1985,
10-14 ; 1989, 36 ; Chossenot et autres, 1985).
Ces petits véhicules de guerre n’avaient pas pour fonction principale de mener les
guerriers sur le lieu du champ de bataille (ce à quoi ils servaient en Grèce à l’époque
homérique). Conçus comme moyens offensifs, ils étaient appelés à jouer un rôle actif
dans le combat pour harceler les troupes ennemies, pour rompre les rangs de leur
infanterie (Kruta, 2000, 537 ; Deyber, 2009, 323-324).
Etant très utilisés, leurs types furent sans doute variés, ainsi que les appellations
servant à les désigner. Elles se retrouvent dans la langue latine, l’objet comme le nom
ayant été repris par les Romains (indice de la spécificité gauloise ancienne et des qualités
techniques de ces engins).
Le carpentum (forme latinisée du gaulois *carbantori) désignait un de ces petits
chars, sans doute fabriqué avec des montants en osier, pour plus de légèreté et de vitesse
(d’où son nom, issu d’un thème indo-européen signifiant “tresser”, qui serait aussi à
la base du latin corbis, “panier en osier”) (voir dessin et photo de reconstitution dans
A. Duval, 1989, 34-35). Le terme était de famille celtique, on en retrouve l’équivalence
dans les langues sœurs : gallois cerbyd, “char”, “voiture”, “voiturette” ; vieux-breton
cerpit, “véhicule” ; et surtout vieil-irlandais carpat , “char de guerre”, terme couramment
employé dans les récits épiques, où l’on voit des combats avec des engins de ce type
(Pokorny, 1959, 948 ; Vendryes, 1987, C-40 et 41 ; Degavre, 1998, 138). Selon Tite-
Live ( Histoire Romaine , X, 30), mille de ces véhicules (“mille carpentorum”) auraient
été utilisés par la coalition des Gallo-Samnites à la bataille de Sentinum, en 295 av.
J.-C. Florus évoque en 121 av. J.-C., à la bataille de Vindilium (situé en Ardèche, près
de Toumon), le roi des Arvemes Bituit qui combattit sur un semblable char recouvert de
plaques d’argent (“argenteo carpento”) ( Œuvres , I, 37, trad. Jal, 1967, 86). Le souvenir
du carpentum s’est gardé à la fois dans l’onomastique et dans le lexique : il expliquerait
le nom de la ville de CARPENTRAS, dans le Vaucluse ( Carbantorate , au I er siècle,
T“Etablissement-des-Chars”) (Nègre, 1990, 196 ; Billy, 2011, 158) ; et il doit être aussi
à l’origine du nom de la CHARPENTE, car, comme nous le verrons (dans l’étude des
“Véhicules à roues’’, au chapitre II sur “Les Arts et Techniques” du tome II), la structure
d’un tel char était constituée par une ossature de pièces de bois assemblées.
Attesté chez de nombreux auteurs antiques, le nom de Y essedon/essedum a été
adapté à la langue française - mais de façon toute savante - en ESSEDE (“char de
guerre dont les Romains avaient emprunté l’usage aux Gaulois”), d’où l’ESSÉDAIRE
(“soldat qui combattait monté sur un ESSÈDE”) (Larousse, VII, 1870, 948). C’était
étymologiquement la voiture “à siège” ( *en-sed-on ) (Lambert, 2003, 206) : l’AMBACT
pouvait s’y tenir assis pour diriger les chevaux, pendant que le guerrier expédiait depuis
le véhicule JAVELOTS ou LANCE (voir maquette dans Cahen-Delhaye, 1985, 16 ;
et dessin dans Haffner, 1985, 28-29, ou Brunaux et Lambot, 1987, 115). Des localités
pourraient tirer leur nom du nom de Vessedum : ESSAY, ESSE, ESSIA... (se reporter
dans le tome II, chapitre II/2, à l’étude des “Véhicules à roues”). Nous distinguerons
la commune d’ESSOYES, dans l’Aube (Yssoia, en 1084), située dans la région de
Champagne, particulièrement riche en tombes à char de l’époque gauloise (Taverdet,
1986b, 18).
D’autres appellations ont sans doute servi. La reda (qu’on retrouve dans le nom
des Redones demeurés dans RENNES) a peut-être nommé anciennement un véhicule
de combat à deux roues (mais elle s’est surtout fait connaître comme une voiture à
quatre roues : les véhicules gaulois ont pu montrer différentes versions sous une même
appellation) (Le Roux, 1956b, 377).
Ces chars légers de combat devaient être tirés par des petits chevaux de trait, en
gaulois mandus. Mandu-essedum, le “Char-au-Poney”, expliquerait le nom de la localité
de MANCETTER en Grande-Bretagne, non loin de Birmingham (Delamarre, 2003,
215). On va voir que l’appellation du petit cheval pourrait se retrouver également dans
des noms de peuples gaulois.
2.3.5. La cavalerie
Les anciens Celtes avaient installé leur domination par les armes mais aussi par leurs
montures. L’abandon des chars de guerre (pour des raisons de souplesse de mouvements
et de rapidité de combat) allait renforcer le développement de la cavalerie traditionnelle.
Les chiffres des historiens l’attestent : 15 000 cavaliers seront mobilisés par Vercingétorix
en 52 av. J.-C. (GG, VH/64). Mais les mots aussi nous le donnent à voir.
Une série de noms servaient à désigner les chevaux dans la langue gauloise : caballos ,
cassica , epo-, mandu-, marca , veredus (Loth, 1925a). La multiplicité des appellations
montre à l’évidence l’importance que cet animal avait prise en Gaule. César parle des
“chevaux, qui sont la grande passion des Gaulois” ( GG1 , IV/2, t. 1, 98). Cependant
les appellations différentes doivent renvoyer à des types d’animaux et à des usages
différents, et tous ne concernaient pas la guerre. Cassica désignait ainsi une “jument”
(l’appellatif serait à l’origine du nom de lieu LE CHASSIS, à Neuvy-en-Sullias, dans
le Loiret) (Soyer, 1920). Le bas-latin caballus (qui supplantera le latin classique equus )
paraît provenir d’un terme gaulois *caballos (les anthroponymes Caballos et Rocabalus,
“Grand-Cheval”, étant attestés en Gaule) (Schmidt, 1957, 261 ; Billy, 1993, 38) ; il fera
naître notre nom français de CHEVAL (Gougenheim, I, 1962, 70 ; Schmidt, 1967, 161 ;
Ernout et Meillet, 1985, 80 ; Hamon, 1992, 11 ; Rey, 1992, 407 ; Flobert, 1994, 204 ;
Delamarre, 2003, 96). Mais *caballos désignait sans doute plus un animal de trait qu’un
cheval de monte : le terme capall, correspondant vieil-irlandais du nom gaulois, a le sens
de “cheval de trait” ; et le latin caballus montre également cette signification au IL siècle
av. J.-C. (chez Lucilius, Satires , 111, 78) (Vendryes, 1987, C-33 ; Flutre, 1957, 315).
Le gaulois manda- nommait spécialement un petit cheval (le latin mannus, attesté au
sens de “poney”, “petit cheval de trait”, ayant sans doute été emprunté au mot gaulois)
(Delamarre, 2003, 215). Les analyses des “archéozoologues” (spécialistes de l’étude
archéologique des restes animaux) ont établi que les montures gauloises - sauf celles qui
faisaient l’objet d’importations -, si elles étaient robustes et bien charpentées, avaient
une taille très modeste : environ 130 cm au garrot (contre 1 ,70 m actuellement) (Méniel,
1987, 34-37 ; Arbogast et autres, 1987, 33). Ce n’était pas forcément un inconvénient :
monter et descendre de cheval se faisait plus facilement ; la célérité, la mobilité s’en
trouvaient augmentées, avantage important dans un affrontement (Brun, 2001, 61). Le
terme mandu- a bien été lié à une utilisation guerrière : nous avons rencontré le nom
propre CATUMANDOS (roi gaulois de la fin du ÏW° siècle av. J.-C., selon Justin)
(Kruta, 2000, 526) : il était dénommé le “Cheval-du-Combat”. Les MANDUBIENS,
peuplade du centre-est de la Gaule, célèbre pour leur place-forte d’Alesia, et aussi les
VIROMANDUENS, établis dans la haute vallée de la Somme, qui ont laissé leur nom
au VERMANDOIS et à VERMAND, en auraient tiré leur appellation : marque, sans
doute, de la “prééminence des cavaliers” dans les sociétés celtiques (Gruel, 1989, 90).
Les Mandu-bii pourraient avoir été “Ceux-qui-sont-vif-à-Cheval”, si l’élément -bii
provient du celtique *biio-, “actif’, “vif’ (racine *gwi-, “vivre”, qu’on retrouve, entre
autres, dans l’ancien irlandais beo, “vivant”, et beodae, “actif’, “vif’, “vivant”, “alerte”)
(Pokomy, 1959, 468 ; Vendryes, 1981, B-37 ; Degavre, 1998, 92 ; Lambert, 2003, 16).
Les Viro-mandui se seraient dénommés les “Hommes-Chevaux” (même réf., 215) :
ceux qui ne font qu’un avec leur monture. Tout un ensemble de monnaies gauloises
armoricaines représentent un cheval à tête humaine (“androcéphale”) (P.-M. Duval,
1987, 38-40, 44-46, 66, 68, avec représ. ; Gruel, 1989, 90, 93). Ce thème sacralisé est
très ancré chez les Celtes, et très ancien : la statuette de bronze du couvercle de la cruche
à vin de Reinheim, représentant un petit cheval à tête d’homme barbu, remonte au
V' siècle av. J.-C. (Moscati, 1991, 500, 502-503, avec phot.). Il peut donc être à l’origine
d’clhnonymes (on renoncera à expliquer ces noms de peuples par un gaulois mant-,
“chemin”, car -t- ne devrait pas en principe avoir évolué en -d- à l’époque antique).
Ma rca était, selon Pausanias, un autre “nom du cheval chez les Celtes” (Delamarre,
2003, 217). On avait sans doute aussi affaire à une monture utilisée pour la guerre : le
même auteur évoque la trimarcisia , “groupement de trois cavaliers” chez les Galates,
formé d’un guerrier noble entouré de deux serviteurs prêts à le soutenir ou à le remplacer
dans le combat (Dottin, 1915, 67 et 262; Delamarre, même réf.). Le terme est de
famille celtique : on connaît un vieil-irlandais marc, “cheval” ; un moyen-cornique, un
gallois, un moyen-breton march (breton moderne marc’h ), “cheval” (Vendryes, 1960,
M-19 et 20 ; Plonéis, 1993, 129-132). Sur l’ancien territoire gaulois, en Rhénanie, on
trouvait le toponyme Marcodurwn (l’“Etablissement-aux-Chevaux”), devenu DÜREN,
et le toponyme Marcomagus (le “Marché-aux-Chevaux”), aujourd’hui MARMAGEN
(Delamarre, 2003, 217).
Les Gaulois employaient aussi le mot de *voredos pour désigner le cheval (dont le
gallois gowydd est l’équivalent insulaire). C’était littéralement un “coursier”, le radical
red- signifiant en langue celtique “courir”, “aller à cheval”. De là naîtra l’allemand
REITEN, “aller à cheval”, “chevaucher”, et aussi BEREITEN, “parcourir à cheval” :
on sait que le vocabulaire des Germains a été influencé - comme leur civilisation - par
leurs voisins celtes (Le Roux, 1956b). *V oredos va être repris par les Romains pour
désigner un cheval de poste (ou de chasse), dès le I er siècle (forme latine veredus )
(Emout et Meillet, 1985, 723). Le même veredus associé à un préfixe grec para-, “à
côté”, “auprès de”, nommera un cheval de renfort, puis un cheval de poste (le mot est
attesté dans le latin de basse époque). De là viennent l’allemand PFERD, “cheval”, mais
aussi le français PALEFROI : au Moyen Age, cheval de voyage, qu’on échangeait avant
de combattre contre un destrier, donc cheval de renfort (Le Roux, 1956b, 369-372 ;
Gougenheim, I, 1962, 71 ; Lambert, 2003, 200).
Le nom gaulois le plus courant du cheval de combat fut sans conteste epo-. En
témoignent de nombreux anthroponymes gaulois et gallo-romains, connus par les
inscriptions et les légendes monétaires : Epos, Epasus, Epato, Epenos, Eppius, Epillus,
Epponus, Epomeduos, etc. (d’Arbois de Jubainville, 1891, 106-144 ; Schmidt, 1957, 208-
210 ; Evans, 1967, 88-92 et 197-200 ; Billy, 1993, 71-72 ; Colbert de Beaulieu et Fischer,
1998, 552 ; Delamarre, 2007, 96-97, 221). Les chevaux étaient l’apanage des puissants et
de leurs hommes d’armes. “Les Celtes [...] sont très forts pour combattre à cheval, et ils
ont la prétention d’exceller sur ce point”, souligne Plutarque (Vies Parallèles, Marcellus,
VI, autre trad. dans Cougny, II, 1993, 59). A l’époque gallo-romaine, bien des cavaliers
gaulois seront engagés dans les armées impériales ; ils maintiendront par leur agilité et
leur vaillance la réputation des écuyers celtes anciens. Strabon écrit (soixante ans après
la guerre des Gaules) : “Les Gaulois n’en sont pas moins tous naturellement doués
pour le combat, et [...] la meilleure cavalerie de l’armée romaine se recrute chez eux”
(Strabon, IV, 4, 2, trad. Deyber, 1986, 331). Cette fierté d’appartenir à une élite militaire
s’est affichée dans les noms. Plusieurs personnages passés dans l’Histoire peuvent être
cités : ATÉPOMAROS (le “Très-grand-Cavalier”), chef gaulois ayant participé au siège
de Rome, selon Plutarque (Cougny, II, 1993, 188-189) ; et un autre ATÉPOMAROS,
personnage légendaire cofondateur de Lugdunuml Lyon ; ÉPASNACTUS (sens du
nom, à radical ep-, inconnu), grand noble de l’Etat des Arvernes (GG, VIII/44) ;
ÉPORÉDORIX (le “Roi-des-Cavaliers”), chef éduen, qui dirigea la guerre contre les
Séquanes (GG, VII/67) ; aussi ÉPORÉDORIX, autre chef éduen, un des commandants
de l’armée de secours expédiée à Alésia (GG, VII/38-40, 54-55, 63-64, 76) (Kruta, 2000,
438, 603-604 ; Delamarre, 2003, 163-164).
Le sens du thème gaulois epo-redo-, “conducteur de cheval”, “cavalier”, qu’on
retrouve dans le nom d’ÉPORÉDORIX, est confirmé par la glose de Pline “ Eporedias Galli
« bonos equorum domitores » vocant” (Histoire Naturelle, III, 21, 123) : “Les Gaulois
nomment eporediae les « bons dresseurs de chevaux »” (Dottin, 1915, 66 ; Delamarre,
2003, 164). On reconnaît ce thème à l'origine du nom d ’Eporedia, établissement au
débouché du Val d’Aoste, fondé en 100 av. J.-C., sur un ancien territoire des Gaulois
cisalpins (tribu des Salasses) ; c’était sans doute la “Localité-des-Gens-de -Chevaux” :
lieu d’une garnison, mais aussi étape de marché sur les axes de circulation (Chevallier,
1983, 101 ; Kruta, 2000, 603 et 805-806) : aujourd’hui ville d’IVRÉE (en italien Ivrea),
qu’on trouve à une cinquantaine de kilomètres de Turin (Queirazza et autres, 1990, 335).
Nous verrons dans le tome II que le gaulois epo- paraît être à l’origine de nombreux
toponymes (plus d’une soixantaine) en rapport avec les chevaux gaulois : APPENAI,
APPEUGNY, APPILLY, AMPILLY, AMPOIGNÉ, APPOIGNY, APPONAY,
ÉPAGNE, ÉPANNES, ÉPAGNY, ÉPEUGNY, EPFIG, ÉPOIGNY, ÉPY, HIPSHEIM,
MANDEURE, UPAIX, VÉZAPONIN... Sa trace s’est donc conservée dans le français,
à la mesure de l’importance que les équidés avaient en Gaule. Cependant, le thème
guerrier ancien (qui s’est cristallisé avec son sens martial dans des anthroponymes de
chefs gaulois) se montre ici totalement pacifié : ce ne sont plus des noms guerriers mais
des noms “routiers” de la vie civile, liés à la circulation des chevaux et des voitures à
chevaux, auxquels on a affaire (se reporter, dans le tome II, au chapitre 3, partie 3.5.1.,
“Toponymes à formes ep-”).
2.3.6. Les fantassins
Malgré les qualités attestées de leurs monteurs de chevaux, les peuples gaulois ne
pourront arracher la victoire contre César. La stratégie de combat, la coordination de
multiples groupes indépendants firent trop défaut. Il est sûr, aussi, que la valeur des
troupes de simples fantassins n’eut rien de comparable à celles de la cavalerie et de la
charrerie ancienne (Strabon note bien que les Gaulois “valent mieux comme cavaliers
que comme fantassins”) ( Géographie , IV, 4, 2, trad. Cougny, I, 1986, 69).
On trouve, certes, quelques appellations élogieuses concernant les combattants à
pied. Ce ne sont pas ces “fantassins aux pas pesants, aux pieds boueux” évoqués par
Apollinaire (Robert, 1977, 758) ; mais des champions, des héros qu’on voit s’avancer
seuls vers l’adversaire, en combat singulier. Nous avons dit plus haut que l’anthroponyme
*Sentolatis avait sans doute désigné le “Héros-du-chemin[-de-la-guerre]”, d’où le nom
de SATOLAS, commune de l’Isère ( Sentolatis , en 830). Appellation certainement
laudative et figurée, évoquant une avancée glorieuse.
L’idée de combat se montre liée à la notion de marche dans d’autres anthroponymes,
qui se rapprochent de la réalité guerrière des combattants à pied.
Le nom de VERCINGÉTORIX, le “Grand-Chef-des-Guerriers”, mais aussi celui
de CINGÉTORIX, chef trévire à l’époque de la Conquête ( GG , V/3, 4, 56, 57 ; VI/8),
gardent en eux l’appellation générique des fantassins gaulois : cingeto- (à comparer
à l’irlandais ancien cing , “guerrier”, “héros”) (d’Arbois de Jubainville, 1891, 41-49 ;
Schmidt, 1957, 171-172; Evans, 1967, 177-179; Vendryes, 1987, C-102 ; Delamarre,
2003, 116). On trouve à la base le radical cing -, “aller”, “avancer”, “marcher à pas
comptés” (en irlandais ancien, cingid signifie “il marche”, “il avance”) (Evans, 1967,
177 ; Vendryes, 1987, C-102 et 103). Nous reconnaissons le même thème dans la
notation sonnocingos du Calendrier de Coligny, désignant la “marche du soleil” (Duval
cl Pinault, 1986, 426). Le guerrier était donc perçu comme celui qui marche droit en
avant sur l’ennemi (la LANCE à la main) : c’était l’assaillant.
A côté des noms propres simples Cinge, Cinges, attestés par l’épigraphie, sont
également connus (formés sur le même radical cing-) les anthroponymes Excingus,
Excingillus , Escengolatis , Excingomarus, Excingorix : ils surnommaient “Celui-qui-
part-pour-attaquer” (Schmidt, 1957, 212 ; Evans, 1967, 177 ; Delamarre, 2003, 49). Ce
nom d’homme fut assez fréquent dans les Alpes (Prieur, 1968, 164 ; Barruol, 1975, 332) ;
le même thème, comme appellatif, a dû donner naissance au toponyme Excingomagus/
Scingomagus (cité dans la Géographie de Strabon, IV, 1,3), qui semble avoir désigné
le “Marché-des-Guerriers” (Prieur, 1968, 60). La localité était implantée, selon les
auteurs antiques, en haute Doire, près de la limite entre la Gaule et l’Italie ; on pouvait
y trouver une garnison de soldats protégeant la frontière. Le nom antique est à l’origine
de l’appellation d’EXILLES, localité du Piémont ( Exillas , en 1050 7-1061), à 6 km à vol
d’oiseau de la frontière franco-italienne, entre Oulx et Suse (à une quarantaine de km au
nord-est de Briançon) (d’Arbois de Jubainville, 1891, 45-46 ; Evans, 1967, 178 ; Prieur,
1968, 97 et 105 ; Barruol, 1975, 331-332 et 340).
L’étude des “Différents corps d’armées” nous a montré qu’une des appellations
gauloises de la “troupe”, *drungos, était passée dans le latin drungus, bataillon de la
milice au Bas-Empire, traduit dans le français DRONGE. Le terme *drungos avait
le sens originel de groupe de “fantassins” : on compare au vieil-irlandais dringid, “il
marche”. A nouveau se montre ainsi le “lien entre l’idée de “marche” et celle de troupe,
[de] guerrier” (Fleuriot, 1964, 152).
Ces fantassins, aux approches de la Conquête, étaient sans doute souvent une piétaille
assez mal formée, assez mal entraînée, et inégalement équipée. Leur engagement dans
la bataille ne devait pas être toujours d’une grande efficacité. Les termes liés dans le
composé VERCINGÉTORIX marquent que le petit peuple constituant l’infanterie de
base se trouvait pris en nombre par les grands dans des liens de dépendance. Mais il
n’avait pas la qualité ni le statut des AMBACTS ou même des VALETS de guerre de
jadis (“La cavalerie gauloise, constituée de membres de la noblesse, représentait le fer
de lance de cette armée. En revanche, l’infanterie était formée de paysans, clients de
la noblesse, levés pour les besoins de la campagne. Quel que soit leur courage, leur
valeur militaire était médiocre”, souligne Michel Reddé) (1996, 45). Des enrôlements
massifs avaient dû être pratiqués à la fin du II e siècle et au début du I er siècle, en raison
des incursions répétées d’armées étrangères. Les anciens serviteurs étaient devenus des
“guerriers à part entière” (Brunaux, 1995, 146) ; les fantassins de base se recrutaient
à présent sans discernement. C’étaient assez souvent de simples travailleurs des
campagnes (sans aucune expérience militaire) qui quittaient les champs pour guerroyer
et y retournaient dès la fin de l’engagement guerrier (Goudineau, 1990, 269). C’étaient
aussi des gens très démunis, et parfois vils. César prétend que la troupe enrôlée dans
les campagnes environnantes par VERCINGÉTORIX pour lever la révolte contre les
sénateurs de Gergovie était composée “des gens dénués de tout et perdus de crimes”
(GG2, VII/4, 145). Hirtius affirme de son côté que Drappès, le chef sénon, “au début
de la révolte de la Gaule, avait rassemblé une foule d’hommes perdus [...], d’exilés
pris dans tous les états, de brigands” (GG2, VIII/30, 208). Bien sûr, le discours vise
par la propagande à noircir l’ennemi de Rome. Mais n’a-t-il pas, quand même, par-delà
l’exagération, un certain fond de vérité ? Trou go-, dans le langage des Gaulois, devait
signifier “malheureux”, “misérable”. On retrouve ce thème dans des noms celtiques
de personnes (Evans, 1967, 382 ; Delamarre, 2003, 303 ; 2007, 185) ; il peut être
mis en relation avec le vieil-irlandais truag, “malheureux”, “misérable”, “triste” ; le
moyen-gallois et le moyen-breton îrii, “malheureux”, “pitoyable” (Fleuriot, 1964, 324 ;
Vendryes, 1978, T-153 et 154 ; Delamarre, 2003, 303). La forme gauloise *truganto-,
“mendiant”, “gueux”, “homme de rien”, devrait expliquer notre français TRUAND
(ancien français truant, “homme de rien”) (von Wartburg, XIII/2, 1967, 331-332 ;
Lambert, 2003, 202 ; Quemada, XVI, 1994, 708). On voit par quelle logique l’évolution
de sens (latente dès l’origine) a pu se faire : le miséreux devient parfois par la force des
choses un misérable, un homme voué à un mauvais destin.
Les mots nous ont souvent montré des points forts de la Gaule guerrière. Mais on est
frappé par l’absence quasi totale de termes majeurs qui auraient concerné l’organisation
de l’infanterie (qu’il s’agisse de noms passés dans notre langue, transmis au latin, ou
seulement cités par les auteurs anciens) : la carence des mots paraît trahir la carence
d’organisation des forces militaires. Particulièrement révélatrice semble le vide complet
de noms indiquant une quelconque hiérarchie guerrière (au contraire du vocabulaire
romain très développé en ce domaine : une quinzaine de désignations de grades
intermédiaires existaient entre le soldat de base et le centurion, qui ont laissé des traces
affirmées dans la langue latine). La structuration, l’encadrement des troupes gauloises
ordinaires d’infanterie étaient manifestement insuffisants. Elles montraient leur utilité
en cas de conflits entre Etats, et pouvaient utilement mener une guerre d’escarmouches,
s’aidant des pièges offerts par la nature. Mais elles étaient insuffisamment préparées
pour affronter dans de grandes batailles de plaine des armées solidement organisées
et soudées. La supériorité numérique n’y fera rien : “Face aux quasi-“professionnels”
de l’armée romaine, les troupes gauloises partaient avec un lourd handicap” ; “Quelles
que fussent leur vaillance et leurs qualités physiques, ces fantassins sans entraînement
périodique ne pouvaient rivaliser avec une armée régulière” (Goudineau, 1990, 262 et
270).
2.3.7. Les convois militaires
Les Gaulois avaient l’habitude d’utiliser à la guerre toutes sortes de chariots, pour
l’acheminement des bagages de l’armée, le ravitaillement, le convoyage du butin,
parfois le transport des hommes (Deyber, 2009, 388). Hirtius, commentant la campagne
militaire contre les Bellovaques de 51 av. J.-C., où les ennemis avaient utilisé en nombre
des voitures de transport, souligne ce fait : “Les Gaulois, même dans les moindres
expéditions, traînent toujours après eux une foule de chariots” (GG2, VIII/14, 200). Les
mots nous confirment ces faits.
Nous avons vu que certains noms gaulois de véhicules lourds (à quatre roues) ont été
semblables à des appellations de chars de guerre (à deux roues), une production ayant
pu se décliner dans toute une série de modèles. Le carpentum, qu’on a décrit comme un
char de combat, a désigné aussi une voiture à quatre roues : munie d’une plus grosse
CHARPENTE (encore pourvue de montants en osier ?). Tite-Live évoque à la bataille de
Crémone (en 200 av. J.-C.) “plus de deux cents chariots gaulois bondés de butin”, que les
Romains prirent à l’ennemi (“carpentis gallicis [...] plus ducentis”) (. Histoire Romaine,
XXXI, 21, trad. Hus, 1990, 28).
La reda, peut-être anciennement petit véhicule de combat, est surtout connue
comme une solide voiture de voyage à quatre roues, utilisée parfois dans les campagnes
militaires. Ambiorix, chef des Eburons, fut surpris par les Romains dans son lieu de
résidence, en 53 av. J.-C., et dut partir précipitamment à cheval ; il perdit dans sa fuite
la totalité de son attirail militaire, et en particulier ses redae et ses chevaux (GG, VI/30).
(’e type de véhicule put servir dans les longues expéditions militaires pour le transport
des bagages et des populations non combattantes (femmes, enfants, personnes âgées).
I .es REDONS, peuple dont RENNES garde souvenir, en tireraient peut-être leur nom :
ils auraient été les “Gens-aux-Chars” (Lambert, 2003, 34 et 44 ; 1997, 399), “Ceux-qui-
se-déplacent-avec-des-Chars-de-voyage” : instrument des campagnes armées, et aussi
des migrations (nous l’avons vu au ch. I).
Un autre véhicule à quatre roues, d’allure plus robuste, fut couramment utilisé pour
les mêmes services : le *carros, gaulois latinisé carrus, terme d’origine celtique (trouvant
des correspondants dans les autres langues celtiques) (Fleuriot, 1964, 97 ; Vendryes,
1987, C-41 et 42 ; Delamarre, 2003, 107-108). Il est à l’origine de nos mots de CHAR,
CHARIOT et autres CHARROIS (Bloch et von Wartburg, 1975, 122). Alfred Emout
et Antoine Meillet, à l’article carrus, soulignent que “les Romains, peuple sédentaire
de propriétaires cultivant leur terre, n’avaient pas les grands chars à quatre roues où les
groupes de conquérants gaulois transportaient leurs bagages et qui, la nuit, leur servaient
à entourer leur camp” (1985, 102). Effectivement, les Helvètes, quittant leurs terres pour
émigrer vers le sud-ouest de la Gaule, étaient pourvus de tels carri, qu’ils avaient achetés
en quantité (GG, 1/3, 6, 24, 26) ; on devait en compter plusieurs milliers (César avance
le nombre de 263 000 Helvètes quittant leur territoire, soit avec les peuplades alliées un
total de 368 000 individus) (GG, 1/29). Les émigrants se serviront à l’occasion de leurs
véhicules comme d’instruments de combat : formant une barricade de CHARIOTS (vallo
carros ) pour contrecarrer une attaque romaine, et lançant depuis cet abri leurs javelots
(on pense à certaines images de westerns !) (GG, 1/26).
Indispensables pour les migrations, on se doute que ces convois militaires, longues
cohortes de CHARIOTS, gêneront en cas d’engagement armé les troupes d’infanterie
et la cavalerie. Elles alourdiront la marche des troupes et provoqueront les attaques
ennemies (Deyber, 2009, 390-391). Ainsi, en 51 av. J.-C., douze mille hommes de
l’armée du chef gaulois Dumnacus se feront massacrer, “s’embarrassant dans la colonne
des bagages” (GG2, VIII/29, 207).
3 » L'ISSUE DU COMBAT
3.1. La défaite
Le combat ayant été placé par les guerriers sous le signe des dieux, son issue
dépendait pour eux de la volonté de ces dieux : le sort de la bataille ou de la guerre était
regardé comme un jugement souverain de la divinité.
3.1.1. La mort
Le soldat ne redoutait pas le trépas dans le combat (ce que les auteurs antiques
soulignent) : il offrait sa vie aux dieux et à la nation. La mort par les armes était glorieuse.
C’était “« la belle mort », celle que l’on recherche frénétiquement, au risque ou au mépris
de la défaite. Elle n’a[vait] évidemment rien de malheureux parce qu’elle [était] l’accès
à l’éden des héros” (Brunaux et Lambot, 1987, 46).
Un gaulois *marvo- devait nommer la “mort”. On le restitue d’après le vieil-irlandais
marb, “mort” ; le gallois marw, et composé marwnad, “chant funèbre” ; le comique
marow ; le moyen-breton maru/marf, et le breton maro, “mort” (Henry, 1900, 196;
Vendryes, 1960, M-19). Ce terme gaulois a donné naissance à des ternies dialectaux,
qu’on trouve essentiellement dans la moitié sud de la France (voir carte dans Billy,
1995a, 172), et également en Suisse. Mais la signification originelle se montre changée :
du sens de “mort” on est passé à celui d “‘engourdissement par le froid”. Victor Hugo
évoque, parmi les soldats de l’Empereur appelés à la mort, les “clairons à leur poste
gelés,/ Restés debout, en selle et muets, blancs de givre,/ Collant leur bouche en pierre
aux trompettes de cuivre” (“L’Expiation”, Les Châtiments, rééd., 1972, 204) : la mort
est associée à l’idée de rigidité et de glaciation (de même façon, le français transir a le
sens ancien de “passer de vie à trépas”) (Bloch et von Wartburg, 1975, 645). Citons,
issus de *marvo-, MARFLE, “dormir en hiver (en parlant des marmottes)” ; MARFEL,
“raide”, “transi de froid” (patois valaisan) ; AMARV et MARV, “transi de froid”,
mots qu’on rencontre en Suisse. En France, on trouve MARFE, “engourdi par le froid”
(Centre) (on dira : “Ce matin, j’ai les mains MARFES”) ; MARFI(E), “engourdissement
des mains” (Limousin) ; MARFIÉ, “qui a l’onglée” (Auvergne) ; MARFI, “pâleur
causée par le froid” ou “engourdissement des membres” (Cantal) ; aussi MALFRÉ,
“onglée” (Corrèze) ; MARFIO, “anthrax” (Périgord) ; MALFIE, “qui a froid aux mains”
(Gascogne) ; MOURPHI, “se faner”, “se flétrir” (Provence) etc. (Jud, 1920, 465-468 ;
von Wartburg, VI/1, 1969, 423). Ajoutons qu’on trouve aussi des ruisseaux intermittents,
souterrains, qui ont tiré leur nom de l’ancien thème gaulois : dans l’Aube, la MAR VE et
les MARVOTTES, “sources temporaires qui affluent à la Marne” (Lebel, 1956, 49 ; et
von Wartburg, même réf.). La nature a repris ses droits : on est bien loin de la mort des
guerriers gaulois !
3.1.2. L'état de prisonnier
Si la mort au combat pouvait être jugée glorieuse, et représenter une fin enviée, la
capture était par contre la pire peine rencontrée : “La mort [ j [était J délivrance, elle
évit[ait] les deux pires calamités qui puissent arriver au guerrier, la perte de sa liberté ou
d’une partie de ses capacités physiques” (Brunaux et Lambot, 1987, 46).
Le soldat gaulois craignait d’être réduit par la défaite à la captivité et à l’esclavage.
Le français CHÉTIF ne peut être normalement expliqué par le seul latin captivas. La
transformation du groupe lpt1 à Ictl ne trouve pas d’explication sans une action du
substrat gaulois (Lambert, 2003, 49). Il a donc dû se produire un croisement entre le latin
captivas et un mot gaulois *cactos désignant le “prisonnier de guerre” (déduit de l’ancien
irlandais cacht, “esclave” ; cacht, “servitude”, “prison” ; cachtaid, “il fait prisonnier”,
“il soumet” ; du gallois caeth , “esclave” ; du moyen-cornique caid, “prisonnier” ; et du
breton kaez, “esclave”, “captif’, “malheureux”) (Henry, 1900, 57 ; von Wartburg, II/l,
1949, 332 ; Vendryes, 1987, C-3). Sans doute la réalité redoutée de l’esclavage était-elle
si présente à l’esprit des populations gauloises que leur mot s’incrusta dans le terme latin
et le transforma.
CHÉTIF (écrit d’abord chaitif) aura jusqu’au XV e siècle la signification de
“prisonnier” ( captif \ d’origine savante, le suppléera alors dans cette acception) (Bloch
et von Wartburg, 1975, 126). Le sens de “faible”, “très maigre”, “en mauvaise santé”,
“maladif’, qui va s’imposer, était en germe dans le sémantisme ancien : le captif est
un malheureux qu’on doit plaindre car sa détention use la force de son corps et de son
esprit. Le sénon Drappès, fait prisonnier par les Romains, se laisse mourir de faim
(GG, VIII/44) (en irlandais ancien cachtach signifie “abstinent”, et troscadh nomme le
“jeûne”) (Vendryes, 1987, C-3). Vercingétorix s’offre vivant à César dans l’espoir que
son sacrifice sauvera ses troupes. Enchaîné dans les geôles romaines pendant plusieurs
années de dépérissement, il finit par être tué dans sa cellule une fois qu’il a participé
au triomphe de son vainqueur (Jullian, 1977, 286-287 ; Goudineau, 2001, 221 ; Reddé,
2003, 55, 206). Mais César fit également des prisonniers par milliers dans les troupes
de base et dans la population. En 57 av. J.-C., après la défaite militaire des Atuatuques
(peuple de Belgique installé sur les rives de la Moselle et de la Sambre), “César fit tout
vendre à l’encan en un seul lot [par “tout”, comprenons toute la population composant
le peuple |. Il apprit des acheteurs que le nombre des têtes était de cinquante-trois mille”
(GG2, 11/33, 60). Après la reddition de Vercingétorix, le général romain, mettant de côté
les prisonniers éduens et arvernes, “distribua] les autres à l’armée entière, à titre de butin
à raison d’un par tête” ( GG1 , VII/89, t. 2, 278). Les légionnaires étaient 50 000. CHÉTIF
garde l’empreinte de la langue gauloise. Un mot est aussi un fait de civilisation.
3.2. La victoire
Si le sort de la bataille était favorable, c’est que les dieux avaient résolu de donner
l’avantage à la juste cause des guerriers. Le BARDE, dont on a vu qu’il est originellement
le “Louangeur”, chanterait la geste du héros, vantant son prestige et sa gloire (d’Arbois
de Jubainville, 1883, 78-8 1 ; Verdier, 1981, 49).
3.2.1. Les noms de la victoire
On restitue un thème gaulois *trexso-/*trexo-, “le plus fort”, “le vainqueur”, par
comparaison avec le vieil-irlandais treisse, “le plus fort” ; le gallois trech (< *trekso-),
“plus fort” ; le vieux-breton trech, “supériorité”, “victoire”, “fait d’être plus fort” ; et le
breton treac’h, “supérieur”, “vainqueur”. Il a pu être à l’origine d’anthroponymes, qui
auraient eux-mêmes créé des noms de localités : on songe à TRÉCHY, à Saint-Germain-
Laval, en Seine-et-Mame ( Trissiaco , en 1159) ; TRESSÉ, en Ille-et-Vilaine ( Tressé , fin
XIV e siècle) ; TRESSIN, dans le Nord ( Tressin , en 1146-1149) (Delamarre, 2003, 301 ;
et Henry, 1900, 269 ; Fleuriot, 1964, 318 ; Vendryes, 1978, T-135 et 136) (cependant, un
gentilice Tertius ou Tritius serait aussi envisageable).
Certaines appellations liées au combat ont eu un sens en rapport avec la victoire : une
issue heureuse semblait promise à l’engagement du guerrier.
Le gaulois -vie- nommait, nous l’avons vu, le “combattant” ; mais des connotations
attachaient certainement ce radical à l’idée de “victoire”. La racine indo-européenne
*weik -, d’où provient le thème gaulois, a également produit le latin vinco (qui “indique
le terme d’un procès”, d’où le sens de “vaincre”) ; le vieux-haut-allemand ubar-wehan ,
“vaincre” ; le lituanien apveikiù, “je triomphe de” (Pokomy, 1959, 1128-1 129 ; Ernout
et Meillet, 1985, 736-737 ; Delamarre, 2003, 318). Si bien que les LÉMOVIQUES
du LIMOUSIN, les BRANNOVIQUES de BRANDON (?), les ÉBUROVIQUES
de l’ÉVRECIN étaient aussi bien “Ceux-qui-vainquent” que “Ceux-qui-combattent”
“-par-l’Orme”, “-par-le -Corbeau”, “-par-l’If” (Lambert, 2003, 35 ; Degavre, 1998,
447). Dans cette perspective, les noms d’OLLOVICO (chef des Nitiobroges), de
CONVICTOLITAVIS (chef des Eduens) et de VIRIDOVIX (chef des Unelles) auraient
désigné le “Grand- Vainqueur”, “Celui-qui-est-associé-aux-larges-Victoires” et le “Juste-
Victorieux” (aussi bien que le “Grand-Combattant”, “Celui-qui-participe-à-de-grands-
Combats” et le “Combattant-Juste”).
Le thème sego- présentait aussi un double sens : il pouvait désigner la “force” ou
la “victoire”. La première ne promettait-elle pas la seconde ? La comparaison indo-
européenne est à nouveau éclairante : *segh-, “tenir ferme”, “dominer”, “vaincre”, a
produit le vieil-irlandais seg, “force”, “vigueur” ; le gallois hy, “hardi”, “audacieux” ;
mais également le sanskrit sahas-, “puissance”, “victoire” ; l’avestique hazo, “puissance”,
“victoire” ; le germanique *segez -, “triomphe”, “victoire” (attesté dans des noms propres
comme Sigismundus , Sigisbergo , Sigisvaldus. . .) ; le gotique sigis, “victoire” ; l’allemand
Sieg, “victoire”, etc. (Pokorny, 1959, 888 ; Vendryes, 1974, S-68 ; Lambert, 2003, 32 ;
Delamarre, 2003, 269-270).
Des noms de peuples gaulois se sont formés à partir de cet élément : SÉGOBRIGES
des environs de Marseille ; SÉGOVELLAUNES du Pays de Valence ; SÉGUSIAVES
du Forez et du Lyonnais ; SÉGOVIENS des Alpes Cottiennes (mal situés) - mais ces
différents ethnonymes ne semblent pas avoir laissé de traces dans des noms de lieux.
Plaçons à part les SÉGUSINI, peuple alpin des confins de la Gaule et de lTtalie, au
débouché du Mont-Cenis et du Mont-Genèvre, dont le nom montrait un thème identique
à celui de leur capitale Segusio, devenue SUSE ( Segusia , en 739 ; Secusia , en 888) : la
cité “Forte”, “Victorieuse” (Moreau, 1972, 174, 250, 251 ; Prieur, 1968, 77 ; Barruol,
1975, 331, 333, 334; Queirazza et autres, 1990, 642).
Sur le même thème, des noms de personnes nous ont été transmis (Billy, 1993,
133-134 ; Delamarre, 2007, 231). SÉGOVÈSE est cité par Tite-Live comme le neveu
d’Ambigat, souverain (légendaire) des Bituriges ( Histoire Romaine , V, 34). Il était
le chef “Digne-de-la- Victoire” ou “Celui-qui-sait-vaincre” ( *Sego-vesos ) (Le Roux,
1970, 816). C’est lui qui serait allé conquérir des terres à l’est de la Gaule, vers la forêt
hercynienne et vers l’Illyrie.
Enfin, des lieux d’établissements - dont certains furent certainement des oppida -
formèrent leur appellation sur le radical seg-. Sego-nt- (“qui-donne-la-victoire”) se
reconnaît en Espagne dans l’antique Segontia (devenue SIGÜENZA). Il est aussi à
l’origine d’une série de localités de France : *Segontia explique SIGONCE, dans les
Alpes-de-Haute-Provence ( Segoncia , en 1206). *Segontiacus (où l’on retrouverait
un nom propre *Segontius soulignant des qualités guerrières) a sans doute abouti à
SEGONZAC, situé à Vabres, dans l’Aveyron ( Segunciaco , en 935) ; à SEGONZAC,
en Charente ( Secundiarum , en 1097) ; à SEGONZAC, en Corrèze (déjà Segonzac, vers
1315) ; à SEGONZAC, en Dordogne ( Seguonzac , en 1122) ; à SEGONZAC, sur la
commune de Loubressac, dans le Lot ( Segunzag , vers 1 140) ; et à SONZAY, en Indre-
et-Loire ( Segunciacus , au IX e siècle) (pour les formes anciennes, Nègre, 1990, 231, 206,
207 ; Delamarre, 2003, 269).
Un composé *Sego-stero- semblant signifier “Fort- Victorieux” (ou “Citadelle-
Forte”) serait à l’origine de l’appellation de SISTERON, dans les Alpes-de-Haute-
Provence {Segusterone, en 17 av. J.-C.) (Delamarre, 2003, 269 et 282 ; pour les formes
anciennes, Billy, 2011, 517). Gérard Taverdet repère, en Côte-d’Or, sur la commune
de Saint-Martin-du-Mont, un hameau de CESTRE(S) (peut-être lieu d’une ancienne
forteresse), qui est connu vers 830 sous la forme Sigestrense (1994, 37 ; 2001, 74) ; ce
nom pourrait se rapporter au même modèle Sego-ster-.
Un modèle Sego-dunum, désignant également une “Forteresse-Victorieuse” (ou
“Citadelle-Forte”), avait donné son appellation première à Rodez, en Aveyron (avant que
l’ancien peuple des Rutènes lui transmette son nouveau nom) : Segodounon, attesté au
II e siècle dans la Géographie de Ptolémée (Billy, 2011, 468). Le même composé doit se
retrouver à la base de plusieurs toponymes (Delamarre, 2003, 155) : SION, en Meurthe-
et-Moselle (, Sointense , au VI e siècle, ancien oppidum des Leuques, installé sur une colline
dominant la vallée de 200 m) (pour les formes anciennes, Nègre, 1991, 860 ; Legendre,
dans Massy, 1997, 369-372) ; également le Mont SION, en Haute-Savoie, près de Viry et
Présilly (Bertrandy et autres, 1999, 97 et 360) ; MONTS AON, en Haute-Marne, ancien
site fortifié sur la colline du Mont- S AON ( Mons Syon, en 1145) (Taverdet, 1986d, 40) ;
SUIN, en Saône-et-Loire ( Seudonense , en 917 ; Sedunum castellum, en 945) (oppidum
placé sur une montagne arrondie) (Billy, 2001a, 27 ; Rebourg, 1994, 381-382) ; on a
songé aussi à SION, en Suisse ( Sedunum , au IX e siècle, à comparer au Seduno, 980, de
SUIN) (Lambert, 2003, 34) ; mais le toponyme peut être issu du nom de son peuple, les
Sednni (Longnon, 1920-1929, 105 ; Kristol, 2005, 836). A l’impression de puissance
émanant de ces forteresses haut placées et bien défendues, les peuples gaulois ont
vraisemblablement voulu lier, par l’emploi du terme sego , l’idée de victoire : la force
supérieure donnée par les dieux protégerait victorieusement ces sites et leurs populations
contre d’éventuels assaillants.
Le nom des SÉNONS restés dans SENS et le SÉNONAIS (peut-être aussi dans
quelques autres établissements sénons de jadis, ainsi qu’on l’a vu au chapitre I) a souvent
été compris comme signifiant les “Anciens”, les “Vénérables” (Schmidt, 1957, 266 ;
Fleuriot, 1991, 15). Selon l’hypothèse de Pierre-Yves Lambert, il pourrait se relier en fait
au thème de la victoire : l’ethnonyme se serait formé sur un radical celtique *sen-(H)~,
“gagner”, “vaincre” (Lambert, 2003, 34 ; Sergent, 1995, 207). A la base, on trouverait un
radical indo-européen *sen-, “atteindre”, “gagner”, qu’on connaît dans le sanskrit sanoti,
“gagner”, “obtenir” (Pokorny, 1959, 906 ; Delamarre, 1984, 280). Ce nom correspondrait
bien à l’image de puissance que voulait afficher ce grand peuple (“Les Sénons, un des
premiers Etats gaulois pour la force et le grand crédit dont il jouit parmi les autres”, écrit
César) (GG2, V/54, 119).
Un autre peuple paraît avoir formé son nom sur une appellation de sens voisine : les
Bituriges Cubi de BOURGES (nom attesté chez Pline, Histoire Naturelle, IV, 109). Un
gaulois *cobo- doit avoir existé à côté du vieil -irlandais cob, “victoire”, “avantage” (et
une forme *cubo- est envisageable à côté de *cobo-, comme curmi voisine en gaulois
avec cortna) (Billy, 1993, 57 et 60). On aurait à la base une racine indo-européenne
*kob-, “réussir” (et *kobo-m, “succès”), également attestée dans le vieil-islandais happ ,
“chance” (d’où l’anglais happy , “heureux”) (Pokorny, 1959, 610; Vendryes, 1987,
C-135 et 136). Le gaulois *cobo- a pu générer des noms de lieux : COUVIN, en Belgique
(à 15 km au nord de Rocroi, dans les Ardennes), proviendrait d’un ancien *Cobino-,
l’“Etablissement-de-la- Victoire” ( Cubinium , en 872) (Carnoy, 1948, 151 ; Degavre,
1998, 157). ŒUVRES, dans l’Aisne ( Cova , en 1159, altération supposée de *Covriu ,
Ceuvre , en 1590), et COIVREL, dans l’Oise ( Cuiebria , en 1 123 ; Cuioverel , en 1 190,
avec adjonction d’un suffixe diminutif -el), seraient selon Ernest Nègre d'anciennes
*Cob-o-briga, “Citadelles-de-la- Victoire” (Nègre, 1990, 168).
3.2.2. Les rites de la victoire
• Les têtes coupées
Le rite ancien des têtes coupées, prélevées sur les ennemis morts au combat, au
I lieu du champ de bataille, est bien connu et attesté en Gaule (comme dans les autres
pays celtes), à la fois par les représentations des monnaies gauloises, les découvertes
archéologiques et les témoignages des auteurs antiques (A. Reinach, 1913 ; Brunaux,
1996, 151-155 ; Roman, 1997, 215-216). “Aux ennemis tombés ils enlèvent la tête
qu’ils attachent au cou de leurs chevaux; puis [...] ils emportent ces trophées, en
entonnant le péan et en chantant un hymne de victoire, et ils clouent à leurs maisons
ces prémisses de butin”, écrit Diodore de Sicile (Bibliothèque historique, V, 29, trad.
Cougny, I, 1986, 406-407). Jean-Louis Brunaux souligne que sur le sanctuaire guerrier
de Ribemont-sur- Ancre, “sur près d’un millier de cadavres dont la plupart provenaient
des champs de bataille un seul crâne a été découvert” (1996, 154 ; voir aussi 86-88) ;
“de nombreuses vertèbres cervicales montrent qu’on a procédé à la décollation” (2000,
137). Ce fut un acte guerrier, accompli en signe de victoire : “La tête de l’ennemi [était]
la preuve unique et irremplaçable du courage guerrier [...]. La prise du crâne garde [. . .]
le souvenir des temps anciens [...] où la bataille n’était qu’une multiplication de duels,
entre des guerriers à la figure héroïque” (Brunaux, 1996, 153-154). Mais ce dut être
aussi, originellement, une pratique à but magique et sacré : elle aurait visé à s’emparer
du potentiel d’énergie qui était contenu dans les têtes (peut-être espérait-on en gardant
précieusement ces “réservoirs de vie” bénéficier d’une fertilisation générale pour la
I communauté) (Sterckx, 1985-1986).
Notre verbe TRANCHER pourrait être un témoin de cette pratique ancienne.
L’origine celtique du mot a été suggérée par l’historien André Piganiol (1920). Jusque-
là, on faisait venir le verbe TRANCHER d’un hypothétique latin populaire *trinicare ,
“couper en trois parts”, dont Pierre Guiraud a dénoncé le sémantisme discutable (1982,
509). Le Trésor de la Langue française - au sérieux reconnu - envisage à présent
l’étymologie gauloise de TRANCHER, en ancien français trenchier, en ancien provençal
trencar, trincar ; “[Ils] pourraient être issus du gaulois *trincare ” (Quemada, XVI, 1994,
492). André Piganiol a fait le rapprochement entre le mot TRANCHER et la désignation
d’une catégorie de gladiateurs du II e siècle, les Trinci (auxquels deux inscriptions de
Sardes et de Séville font allusion). Ils auraient combattu dans l’arène selon la vieille
tradition des Celtes : TRANCHANT la tête de leurs adversaires vaincus, d’où leur nom.
L’auteur restitue un celtique *trincare, “couper | la lêle |’\ en rapport avec le lituanien
trenku , “heurter”, trinka, “billot” (Piganiol, 1920, 289-290 ; Guyonvarc’h, 1964c ; von
Wartburg, XIII/2, 1967, 285 ; Whatmough, 1970, 172). Le verbe français est attesté pour
la première fois dans La Chanson de Roland, avec un sens guerrier : “Trenchet la teste
pur la cervele espandre” (“Il lui TRANCHE la tête, de sorte que la cervelle se répand”)
(CCLXII, v. 3617, Moignet, 1989, 254-255). En toponymie, on retrouve le même thème,
métaphorisé, dans le nom occitan du TRINCOU, cours d’eau de Dordogne “qui traverse
des gouffres” : la force victorieuse du courant a “tranché” les rochers (Dauzat, Deslandes,
Rostaing, 1978, 90).
• Le butin
Un gaulois boudi est attesté dans l’inscription gauloise du Plat de Lezoux (Fleuriot,
1980, 133 ; Lambert, 2002, 178). On le retrouve dans des anthroponymes comme
Boudia, Boudilatis , Boudillus, Boudus... (Billy, 1993, 32 ; Delamarre, 2007, 46-47, 214).
Ce thème a dû désigner en celtique l’“avantage”, le “profit”, mais aussi la “victoire” :
on connaît un irlandais ancien buaid, “victoire”, “avantage”, “profit” ; un gallois budd,
“avantage”, “profit” ; un vieux-breton bud, “gain”, “profit”, “victoire” (Fleuriot, 1964,
91 ; Vendryes, 1981, B-107). La reine bretonne BOUDICCA, qui conduisit en 61 apr.
J.-C. la révolte contre l’occupation romaine de son pays, était sans doute surnommée
la “Victorieuse” (Kruta, 2000, 486 ; Lambert, 2003, 94 ; Delamarre, 2003, 83). Les
anthroponymes gaulois qu’on vient de citer devaient avoir le même sens de “Victorieux”.
Par contre, l’allemand Beute, vraisemblablement issu du terme gaulois, a gardé la
signification de “butin” (Hubert, 1 952, 69). La coexistence des deux sens montre bien
comment l’idée de sort favorable du combat était associée dans l’esprit des guerriers à la
prise des biens du vaincu (ce que nous avons souligné au chapitre 1).
Il est possible - mais non assuré - que les BODIONTIQUES, établis dans la région
de Digne (Alpes-de-Haute-Provence), aient formé leur ethnonyme sur le thème gaulois
*boudi- : ce peuple se serait dénommé les “Victorieux” ou les “Faiseurs-de-Butin” ; il en
irait peut-être de même pour les BODIOCASSES, dont B A YEUX et le BESSIN gardent
souvenir (hypothèse retenue, parmi d’autres, par Evans, 1967, 158 : bud-/bod- serait
une variante de boud- ; mais on a envisagé aussi, avec R. Thurneysen, un thème Bodio-
casses, “Ceux-aux-Cheveux-blonds”) (Delamarre, 2003, 63 et 109).
Des appellations de localités proviennent du thème boudi-. Le nom de SEVEUX,
commune de Haute-Saône, est issu d’un antique Segobodium (attesté au IV e siècle), où se
reconnaissent associés les thèmes sego- et bodi- : on doit y voir le lieu de la “Puissante-
Vicloire” (Nègre, 1990, 150 ; Delamarre, 2003, 84). Près de Trêves (Rhénanie-Palatinat),
sur l’ancien territoire des Trévires, la ville de BOPPART tire son appellation d’un gaulois
Hotidobriga/Baudobriga (qu’on relève sur Y Itinéraire d’Antonin) ; c’était la “Citadelle-
dc la-Victoire” (Moreau, 1972, 273, 315 ; 1983, 45 ; Evans, 1967, 158 ; Delamarre,
2003, 84). Aussi en Allemagne, BÜDERICH proviendrait d’un antique Boudoris , cité
par Ptolémée (2, 11, 14) (Whatmough, 1970, 921, 1211).
Les prises de guerre ne reviendront pas en propre aux soldats. Elles seront offertes
en trophées aux dieux guerriers. On entassera dans les sanctuaires armes et dépouilles en
monceaux de dépôts sacrés (Brunaux, 1986, 110 et 126-128 ; Brunaux et Lambot, 1987,
41-42 et 56; Brunaux, 2000, 135). Un vieil-irlandais mell/mul, mellach/mullach est
attesté au sens de “rotondité”, “bosse”, “colline”, “sommet”, “tas conique” ; et également
un breton mell, “colline”, “bosse” ; tous deux issus d’une racine indo-européenne
*mel-, “fait d’apparaître”, “hauteur” (Vendryes, 1960, M-33 et M-74 ; Plonéis, 1989,
91 ; Degavre, 1998, 303 ; et Pokomy, 1959, 721). Cette racine celtique se retrouve
dans le gaulois *metlo-/*melIo -, à l’origine de noms de localités comme MELLE,
Deux-Sèvres ( Metolo , ép. mérovingienne) ; MELUN, Seine-et-Mame ( Mellodunum ,
au I er s. av. J.-C.) ; MEULAN, Yvelines ( Mellent , en 918) ; LONGJUMEAU, Essonne
( Nongemellum , au XI e s.), toutes en rapport avec des éminences (Lacroix, 2005,
121-122 ; Billy, 2011, 359, 360, 364). Le même thème a été suspecté par Christian
Guyonvarc’h d’être à l’origine du français MEULE, “tas”, “amas” (1960d, 456). Il
pourrait expliquer aussi le théonyme gaulois de Mars MULLO, attesté par une série
d’inscriptions dans l’ouest de la France (à Allonnes, Craon, Nantes, Rennes) (Jufer et
Luginbühl, 2001, 54). Le dieu aurait été surnommé “Celui-aux-Monticules”, “Celui-
aux-Tas[-de-Butin]” (Guyonvarc’h, 1960d). On lit dans César (GG, VI/17), à propos
des Gaulois : “Mars [...] est le dieu de la guerre ; avant la bataille, c’est à lui qu’on
promet d’offrir le butin. Ceux à qui il a donné la victoire lui offrent en sacrifice toutes
les captures vivantes avant d’entasser [en un seul endroit] le reste du butin. C’est ainsi
que, dans de nombreuses cités et dans des lieux sacrés, on rencontre de véritables tertres
constitués des objets les plus divers. Il est très rare qu’au mépris de la loi divine on ose
emporter ou toucher les prises de guerre ainsi offertes aux dieux” (trad. Pilet, 1991,
193). Bien sûr. César évoque les dieux gaulois de la guerre par le nom du Mars romain
(auquel ils seront du reste assimilés à l’époque gallo-romaine). Il nous faut remettre des
noms gaulois à ces dieux preneurs de butin : outre MULLO, aux “Tertres” guerriers,
peut-être BUDÉNICUS, protecteur de la “troupe guerrière” (des BUDÉN1C1ENS de
BOUZÈNE) ; CAMULUS, le “Champion” (thème d’où paraissent provenir différents
CHAMBLAY, CHAMBLET, CHAMBLEY) ; CATURIX, le “Roi-du-Combat” (des
CATURIGES de CHORGES ?) ; SÉGOMO, le “Victorieux” ; TEUTATÈS, le dieu de
la teuta ; VICINNUS, le “Combatif’ ou le “Vainqueur” (et sa parèdre *VICINONA,
dont la VILAINE paraît conserver le souvenir). On ajoutera des déesses de la “Victoire”
ou “du Butin” : BOUDIGA (à Bordeaux), BOUDINA et les Mères BOUDUNNEAE (à
Cologne) (Delamarre, 2007, 50, 55, 61, 164, 46, 47 ; Thévenot, 1955, 86-89).
En gaulois “paix” devait se dire tanco -, terme qui se retrouve dans quelques
anthroponymes ( Tancius , Tanconus , Tancolatis, Tanconisius) (Delamarre, 2007, 177).
Nous rencontrons en celtique insulaire l’équivalent du mot gaulois : vieux-gallois tanc,
“paix” ; vieil-irlandais tec-, “geler”, “se solidifier”, techta , “gelé” et “pacifié” (on
considérait donc que la paix “gelait” l’état fluide de la guerre) (Delamarre, 2003, 289).
De façon assez révélatrice, ce thème celtique ne semble guère avoir laissé de traces dans
nos noms (une seule trace toponymique : le dénommé Tanconius aurait donné son nom à
TANCOIGNÉ, localité du Maine-et-Loire) (Nègre, 1990, 209). De nombreux souvenirs
des mots gaulois du combat se sont pourtant révélés à nous : anthroponymes antiques,
mots du lexique, noms de lieux. Emile Benveniste souligne avec raison que “le rapport
entre l’état de paix et l’état de guerre est, d’autrefois à aujourd’hui, exactement inverse.
La paix est pour nous l’état normal, que vient briser une guerre ; pour les anciens, l’état
normal [était] l’état de guerre, auquel [venait] mettre fin [provisoirement !] une paix”
(1969, 368).
Le combat
Les Tungri, qui ont
laissé leur nom à
TONGRES (Belgique),
étaient surnommés
"Ceux-qui-sont-liés-par-
serment".
Les Petrocorii, gardés
dans l'appellation du
PÉRIGORD, se disaient
"Ceux-aux-quatre-
étendards-d'armées" ou
les "Quatre-troupes".
Les Carnutes "demandent qu'on jure solennellement sur les étendards militaires réunis
en faisceau" (César, La Guerre des Gaules, VII/2).
On trouve dans l'inscription gauloise du Plat de Lezoux (découverte en 1970) le mot
batoron, "combattants", d'un thème celtique bat-. Transmis par le bas-latin battuere, il
doit expliquer le français BATTRE.
Noms de chefs militaires gaulois à sens guerrier,
à l'époque de la guerre des Gaules
COMMIOS,
peut-être le "Frappeur" ( *com-bios ).
Chef des Atrébates.
LVXTIIRIOS, le "Lutteur".
Chef gaulois des Cadurques.
VERCA.
Monnaie attribuée à
VERCASSIVELLAUNOS,
le "Grand-Commandant".
Commandant arverne de l'armée de
secours dépêchée à Alésia.
DUBNORE[l]X, le "Roi-du-Monde-d'En-Bas"
ou "du-Monde-des-Ténèbres”.
DUMNORIX était un chef des Eduens, qui
s'opposa à César et que ce dernier fit tuer.
[OR]GETIRIX, le "Roi-des-tueurs".
ORGÉTORIX était un chef gaulois des
Helvètes.
(J.-B. Colbert de Beaulieu et B. Fischer, 1998, 180, 239, 258, 325, 462).
Ui
V v ' ' 'r' :
HL"'.
&
Monnaie d'or des Parisii (I er siècle av. J.-C.)
Le cheval, allié du combattant
Les Mandubii d'Alésia auraient été étymologiquement "Ceux-qui-sont-vifs-à-cheval" ; et
les Viromandui (demeurés dans VERMAND et le VERMANDOIS) se seraient dénommés les
"Hommes-chevaux". Sculptures et monnaies celtiques représentent des chevaux à tête
humaine.
Couvercle de la cruche à vin en
bronze de la tombe princière de
Reinheim (Sarre, V e siècle av. J.-C.)
(cliché J.-C. Kanny).
Un des noms gaulois du cheval,
vo redos, le "coursier", a donné
naissance à l'allemand REITEN et
BEREITEN, "chevaucher".
Un composé para-veredus explique
aussi l'allemand PFERD, "cheval",
et le français PALEFROI.
Les serviteurs des guerriers nobles
En Gaule, chaque "chevalier"
"a autour de lui un plus ou moins
grand nombre d'AMBACTS"
(César, La Guerre des Gaules, VI, 15).
Le terme ambactos désignait en
gaulois "Celui-qui-agit-autour"
(amb-actos) : serviteur remplissant
toutes les missions de combat que
le guerrier noble lui confiait.
De là est né le nom français de
l'AMBASSADEUR.
(dessins d'A. Rapin)
L'issue du combat
La défaite
Le français CHÉTIF est issu
du croisement entre le latin
captivus et un terme gaulois
*cactos, "prisonnier de guerre".
La détention use la force de
corps et d'esprit du captif.
Les chefs DRAPPÈS et
VERCINGÉTORIX sont faits
prisonniers par les Romains. Le
premier se laisse mourir de
faim ; le second finit par
être tué dans sa cellule,
après plusieurs années de
dépérissement.
Monnaie romaine en argent
représentant le triomphe de César
sur la Gaule, avec des captifs
gaulois.
La victoire
Le rite des têtes coupées,
prélevées sur les ennemis
morts au combat, a pu faire
naître le verbe TRANCHER
(celtique *trincarë).
"Aux ennemis tombés,
ils enlèvent la tête qu'ils
attachent aux cous de
leurs chevaux; puis [...] ils
emportent ces trophées, [...]
chantant un hymne de victoire,
et ils clouent à leurs maisons
ces prémisses de butin"
(Diodore de Sicile, V, 29).
Crâne encloué découvert dans la
Saône.
au tome I
De cet examen du substrat guerrier gaulois se dégagent plusieurs conclusions.
La première, c’est tout simplement que la vie des anciennes populations gauloises
nous est encore perceptible : si éloignée dans le temps, si différente dans ses conceptions,
dans sa civilisation, la Gaule reste malgré tout présente.
La deuxième conclusion, c’est que les noms peuvent nous aider à rétablir ce contact,
à mieux percevoir certains aspects de civilisation : ce sont des passerelles entre notre
époque et l’époque antique.
Un troisième enseignement est à tirer : même si on ne doit pas exagérer l’empreinte
de la langue gauloise dans le français - certainement assez restreinte -, force est
de constater que les traces du substrat guerrier se révèlent non négligeables. Les
préoccupations martiales des Gaulois nous ont été évoquées par tout un ensemble de
faits lexicaux et onomastiques concordants qui sont restés ancrés dans notre langue :
termes du vocabulaire, noms de localités, appellations de régions ou de pays, qui se sont
montrés liés au domaine des combats, de façon directe ou indirecte, nous éclairant sur les
conceptions des peuples protohistoriques de la Gaule. Il n’est pas banal, en particulier,
que des désignations gauloises d’armes comme le TALEVAS et la TALOCHE, le
GLAIVE, la LANCE, ou le JAVELOT soient passées dans le français. Que près de 250
toponymes se soient formés sur les noms qui servaient à désigner des places fortes dans
la langue gauloise ; et qu’un nombre aussi important de noms de lieux, symptômes du
morcellement des territoires, conserve les appellations antiques de la frontière en gaulois.
Des toponymes, et quelques noms, aussi, ont gardé souvenir des troupes guerrières,
des appellations des combattants, des combats, de la victoire ; de la conception des
affrontements, et des pratiques guerrières, faisant parfois allusion à la force et à la fureur
des peuples combattants. Enfin, le terme guerrier par excellence, le verbe se BATTRE,
provient, via le latin, d’un thème sans doute issu de la langue gauloise.
Bien sûr, il ne faudrait pas croire que la totalité du substrat gaulois se réfère aux
combats, et voir la guerre partout. De nombreux mots et noms concernent des domaines
différents de cette civilisation, qui seront examinés dans les tomes II et III (agriculture,
élevage, artisanats, transports, commerce, religion) : bien d’autres valeurs que martiales
ont existé ! Cependant, nous gardons des traces riches d’une Gaule guerrière. Les
histoires de la langue doivent prendre en compte cette dimension qu’elles ignorent : le
substrat gaulois, s’il est relativement limité, n’a pas laissé qu’une poignée de mots ayant
trait à la vie des campagnes, des choses de la terre... ; l’observation du vocabulaire et
le recours à la toponymie - souvent négligée et pourtant essentielle - nous l’ont montré.
On ne doit pas s’étonner de l’importance de ces souvenirs guerriers (voire s’en
offusquer ou nier leur réalité en trouvant le thème surévalué) : les sociétés antiques
reposaient sur des valeurs en grande partie martiales. La guerre est évidemment restée
pendant des siècles la première occupation et préoccupation des tribus celtes, sans cesse
en tension, sans cesse combattant pour leur devenir.
FERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
(ouvrages et articles cités)
AAN : L'Archéologue/Archéologie nouvelle
AB : Annales de Bourgogne
ABDO : Association Bourguignonne de
Dialectologie et d’Onomastique
ABELL : Association Bourguignonne d’Etudes
Linguistiques et Littéraires
AIBL : Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
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Mo-Myx (6/3, 1969), N-Pas (7, 1955), Pat-Pix
(8, 1958), Pla-Pyx (9, 1959), R (10, 1962), S-Si
(11, 1964), Sk-Sy (12, 1966), T-Ti (13/1, 1966),
To-Ty (13/2, 1967), U-Z (14, 1961); Eléments
germaniques (15, 1969; 16, 1959; 17, 1966);
Matériaux inconnus ou d’origine incertaine (21,
1965-1969 ; 22/1, 1976, et 22/2, 1973 ; 23, 1967-
1970) ; Refonte du tome 1 er : A-aorte (24, 1969-
1983), Apa-Atrium (25, 1970-1992).
WEISGERBER Léo, “Die Sprache der
Festlandkelten”, Bericht der Rômisch-
Germanischen Kommission, 20, 1930, Frankfurt,
J.Baer, 1931, p. 147-226.
WERNER Karl Ferdinand, Les Origines, dans :
FAVIER Jean (sous la dir. de). Histoire de France,
1, Fayard, Paris, 1984.
WHATMOUGH Joshua, The Dialects of ancient
Gaul, Prolegomena and records of the
Dialects, Harvard Univcrsity Press, Cambridge,
Massachusetts, 1970.
WOIMANT Georges-Pierre, CAG, L’Oise, AIBL,
Paris, 1995.
WUILLEUMIER Pierre, Inscriptions latines des
Trois Gaules, Gallia, C.N.R.S., Paris, 1963.
Souvenirs antiques - 1 , Noms de peuples gaulois (p. 225) ; 2, Noms de personnages gaulois (p. 226) ; 3,
Noms de dieux gaulois (p. 226).
Souvenirs actuels - 4, Noms de régions, pays, communes, hameaux et lieux-dits de France d’origine
gauloise (p. 227) ; 5, Noms de cours d’eau, de sources, de bois et forêts, et de hauteurs de France d’origine
gauloise (p. 234) ; 6, Noms de lieux étrangers d’origine celtique (p. 235) ; 7, Mots français d’origine gauloise
(p. 236) ; 8, Noms de personnes en France issus de thèmes gaulois (p. 237).
Abrincates
19,171
Albiques
28, 57, 156
Allobroges
21,22, 29
Ambarres
28, 177, 178
Ambibarètes
177
Ambibares
28, 177
Ambiens
15, 19, 26, 28
Andécaves
15, 19, 183
Arvernes
15, 69, 70
Atrébates
19, 26, 27, 29
Aulerques
21
Baiocasses
19
Belges
26, 27, 176, 177
Bellovaques
15, 19, 26, 165
Bituriges
15, 19,21,24, 56
Bodiocasses
198
Bodiontiques
198
Boïates
19
Boïens
19, 25, 55, 179
Brannoviques
163, 169, 195
Brigianiens
28
Budéniciens
158, 199
Cadurques
15, 19,54, 55, 162, 163, 171
Calètes
26, 55, 172
Carnutes
15, 19, 57, 65
Catalaunes
15, 19, 27, 54, 171, 182
Caturigcs
19, 25, 54,56, 110, 156, 199
Catuslogues
54, 160, 171
Catuvellaunes
27, 54, 56
Cavares
183
Cénomans
15, 19, 22
Coriosolites
19, 22, 54, 160
C-ubi (Bituriges)
24, 197
Diablintes
15, 19, 55, 174
Duroeasses
19
Eburons
78
Hburoviques
19, 55, 78, 103, 169, 195
Eduens
21, 175
Eleutètes
19
Gabales
19, 76
Gésates
73, 74
Graiocèles
110
Helvètes
25, 56
Iconiens
28, 45, 110
Lémoviques
15, 19, 55, 77, 169, 195
Lexoviens
19
Lingons
19, 107, 166
Mandubiens
188
Médiomatriques
15, 19, 27, MO
Médulles
25, 26
Meldes
19
Morins
27
Namnètes
15, 19
Nantuates
28
Nerviens
174
Nitiobroges
29
Parises
19, 27
Pétrocores
15, 19, 22, ?7, 54, 162
Pictaves/Pictons
15, 19, 177
Quariates
110
Rauraques
26
Rédons
15, 19, 23, 57, 187, 192
Rèmes
19, 26, 56
Rutènes
15, 19, 176
S agi en s
19,63
Santons
15, 19, 22, 25
Sédunes
29
Ségobriges
195
Ségovellauncs
182, 195
Ségoviens
195
Ségusiaves
195
Tricnros
27, 54, 162
Ségusini
J 95
Trifoliés
19, 177
Sénons
19,21,23,24, 196
lurons
15, 19, 177
Séquanes
26
Silvancctes
19, 54
Vcliocasscs
26, 56
Sotiates
148
Vcl laves
56
Suessions
19, 26, 29
Vénèles
15, 19
Sulbanectes
54
Vergunnes
19
Vertamocores
22, 54, 56, 110, 161
Tarbelles
163
Viducasses
19, 106
Tectosages
55, 78
Viromanduens
19, 26, 188
Tricasses
15, 19, 27
Vivisqucs (Blturiges)
24, 26
Tricastins
19, 27
Volques
163
Acco
172
Donnotaurus
183
Ambigatus
169
Dumnorix
21
Ambiorix
21
Dumacos
120
Andocombogios
179
Alépomaros
189
Epasnactus
189
Eporédorix
189
Bituitos
21
Brennus
181
Indutiomarus
68
Camulogénus
21, 184
Luctérius
183
Calugnatos
169
Calumandos
169, 188
Ollovlco
21, 168, 195
Catuvolcus
163, 169
Orgétorix
180
Cavarillos
183
Cavarinus
183
Ségovèse
195
Cingétorix
190
Commios
179
Teutomate
155
Conviclolitavis
168, 195
Critognatos
167
Vercassivellaunus
182
Vercingétorix
21,55, 190, 191
Diviciacus
66, 178
Viridomarus
68
Divico
178
Viridovix
168, 195
NOMS DE DIEUX GAULOIS
A II >n n i\
156
Lug
156
AlWIlinlIV
156
Ai \ ci nu:.
156
Matra
* 27
Matres Senonum
23, 24
Hihiat le
156
Matrona
27
Hoiidiga
199
Mullo
199
lloudma
199
lioiidiimicae
199
Randosas, Randosatis
39
Iti igindo(na)
112
Rudianos
156
Budénicus
156, 158, 199
Scgomo
199
Cumulus
21, 184, 199
Séquana
26
Calurix
156, 199
Teutatès, Toutatis
155, 199
Gcsacus, Gisacos
74
Tritullus
177
I canna
45
Vésonlius
156
Icovellauna
45
Vicinnus
168, 199
NOMS DE REGIONS, PAYS, COMMUNES, HAMEAUX
ET LIEUX-DITS DE FRANCE D'ORIGINE GAULOISE
Achun
129, 133
Argonne
16, 105
Acon
172
Arles
14, 20
Aconin
172
Armorique
16, 28
Agen
14, 15, 20, 124, 145
An*as
14, 18, 19, 20, 26, 27, 29
Agenais
16
Arthun
129
Ahiin
129, 133
Artois
16, 26, 29
Aiglun
129
Arzenc-de-Randon
41
Aigronnière (L’)
49
Arzon
129
Aiguerande
46, 47, 52, 53
Augers-en-Brie
140
Aigurande
46, 47, 50
Authon
58, 129, 135
Aime
20
Autun
58, 129
Alaise
125
Auvergne
15, 16,69, 79
Albi
20, 57
Auvers
99
Albion (Pays d’)
28, 156
Auxerre
15, 20, 87, 88, 141
Albiosc
57
Auxerrois
16
Alençon
20, 73
Auxois
16, 124
Alièze
125
Auxonne
87
Alise-Saintc-Reine
124, 125, 145, 146
Avallon
15, 20
Allex
125
Avallonnais
16
Aluze
125
Averdoingt
129, 135, 138
Ambérac
178
Averdon
78, 103, 128, 129, 138
Ambérieu-en-Bugey
20, 178
Avignon
14, 20
Ambérieux
178
Avorant
46
Ambér ieu x -en -Dom be
178
Avord
87
Amberrc
178
Avosnes
87
Ambert
20, 87
Avranches
18, 19, 20, 171
Ambeyrac
178
Avranchin
16
Ambialet
87, 93
Avreuil
103
Ambierle
89
Avrolles 78, 103, 113, 114, 116, 118, 145
Am boise
20, 87, 88
Axai
172
Ambrief
178
Aygu (Avenue)
124
Amiénois
16, 26
Ayn
124
Amiens
14, 18, 19, 20, 26
Ayron
129
Ampilly
190
Azois
l()
Ampoigné
190
Balan
129, 130, 1 15
Anconville
172
Balazuc
129, 1 10
Andrésy
87
Ballore
121
Anet
96
Bar-le-Duc
15, 20
Angers
15, 18, 19, 20, 183
Barrois
16
Anglure-sous-Dun
128
Barzun
129, 130, 136
Angoulême
20
Bade- Verdun (La)
132, 133, 136, 137
Anjou
13, 16, 183
Bauges
16
Annecy
20
Bavay
20, 101
Aougny
172
Bayeux
18, 19, 20, 198
Appenai
189
Baynes
’ 101
Appeugny
190
Beauce
13, 16
Appilly
190
Beaugies
176
Appoigny
190
Beaumont-en-Beine
101
Apponay
190
Beaune
15,20
Arandas
40,41
Beaunois
16
Arandon
40,41
Beauvais
15, 18, 19, 20, 26, 165
Ardcnne
107
Beauvaisis
16, 26, 165
Ardennes
13, 16, 105, 107
Bédarrides
87
Ardin
129, 132
Béhuard
90
Ardon
129, 135
Beine
101
Ardus
136
Beine-Nauroy
1.01
Arduy
107
Beneuvre
113, 114, 115, 117, 118
Argentan
15,20
Bennes
101
Argcnlon-Château
91
Bernac
181
Argenton-sur-Crcuse
20
Bemay
181
Bernay-en-Brie
181
Brianlin
17
Berny
181
Brime
20, 87
Beronde
52, 53
Bridoré
140
Berry
13, 16, 21, 24, 56
Brie 13,16,17,112,113,114
Berry-Bouy
179
Brie-Comlc-Robert
97
Bertre
146
Brice
173
Bertry
146
Briel-sur-Barse
173
Berzé
146
Bricy
113, 118
Besançon
20,92, 156
Brignon
113
Bessin
13, 16, 198
Brigue (La)
113
Beynes
101
Brion 89, 112,
113, 115, 116, 117, 129
Bézaudun
129, 132
Brionnais
16
Bezouce
156, 158
Briord
87
Bézu (Le)
139
Briosne-lès-Sables
112, 113, 115
Bézut
158
Brioude
20
Bibracte
voir Beuvray
Brioux
112, 113
Bièvre
16
Brive-la-Gaillarde
14, 20, 87
Blaye
20
Broindon
112
Bonnard
90
Bron
66
BortTEtang
90
Bronne
66
Bort-Ies-Orgues
87,90
Broyé
113, 117
Bougey
176
Broyés
113, 115, 117
Bougy
176
Brumath
20
Bou logne-sur-Mer
15,20
Bryon
113, 115, 117
Boulonnais
16, 17
Buch (Pays de)
16, 17, 25,55, 179
Bouray
90
Cadours
169, 170
Bourbon-L’ Archambault
20
Caen
14, 15, 20, 170, 171
Bourbonnais
16, 17
Cahan
170, 171
Bourbonne-les-Bains
20
Cahon
170, 171
Bourdeix (Le)
129, 132, 134
Cahors 14, 15,
18, 19, 20, 54, 162, 171
Bouret
90
Calezun
134
Bourg-la-Guirande
47
Campbon
129
Bourges
15, 18, 19, 20,21,24
Cannes-Ecluse
87
Bourth
90
Cantobre
113, 114, 115, 116
Bouthéon
128, 129, 137
Caorches-Saint-Nicolas
170
Bouy
179
Caours
170
B ouy-Luxembourg
179
Carentan
20
Bouy-sur-Orvin
179
Carpentras
20, 187
Bouzène
156, 158, 199
Casseuil
102
Boyer
179
Catus
170
Boyeux
179
Caux (Pays de)
13, 16, 17, 26, 55, 172
Brageac
173
Cavaillon
20
B ram
20, 103
Caveirac
184
Brandon
133, 135
Cercy-la-Tour
172
Brandon
129, 163, 169, 195
Cers
172
B ray
113, 115, 116
Cersay
172
B ray (Pays rie)
16, 95
Cervon
129, 132
Bur
113
Cestre(s)
196
Bivgançon
112, 113, 117
Cévennes
13, 16, 109
B IV)- y
173
Chabris
* 87
Brenac
181
Chadirac
170
B renas
181
Chadrac
169, 170
B rénal
181
Chadron
170
B renne
16, 95
Chaillouvres
113
Breny
181
Chalon-sur-Saône
15, 20, 87, 88
Bresdon
129
Chalonnais
16
Bresse
13, 16, 31, 100
Châlonnais, Chalonges
16, 17, 54, 170
Bressuire
20
Châlons
129
Brest
20
Châlons-en-Champagne
15, 18, 19, 20, 27, 54,
Briançais
16, 17
56, 170, 171, 182
Briançon 20, 28, 112, 113, 115, 1 16, 117
Chamarande
42, 43,44,51,52,135
Briançonnais
16, 17, 28
Chamarande (La)
43,44, 51, 52
Briançonnct
112, 113
Chamarandes-Choignes
42, 43
Briant
112, 113
Chambéon
129
B ri an tes
112, 113, 115, 116
Chambéry
20
Chamblay
184, 199
Chamblet
184, 199
Chambley
184, 199
Chambord
15, 20, 87
Chamerande
42, 43, 52, 53
Chamérande
42, 43, 5 1
Chamouillac
184
Chamouille
184
Chamouilley
184
Champ-Guérand
50
Champdor
113
Champéon
129
Champs
170, 171
Chanas
102
Chanaz
102
Chanteix
129
Chaon
170, 171
Chaource
170
Chaourse
170
Chapelle-sous-Dun (La)
128
Chartèves
113
Chartrain (Pays)
16,
17, 65, 79
Chartres 15, 18,
19,
20, 65, 79
Chartres-de-Bretagne
57
Chartreuve
113
Chasseneuil
102
Chasseneuil-sur-B onnieure
102
Chasseneuil -du-Poitou
102
Chassigny-sous-Dun
128
Châssis (Le)
187
Château-Landon
132, 182
Château-Verdun 129, 132,
133
1, 136, 137
Châteaudun 129, 132,
135,
138, 139, 145
Châteaumeillant
158
Châteauneuf-de-Randon
40, 41
Châtel-de-Neuvre
113,
115
i, 116, 183
Chaudon
129, 138
Chaudun
129
Chaumont
129
Chavéria
184
Chaveyriat
184
Chéry-Chartreuve
113
Chéu
170
Chilleurs-aux-Bois
140
Chorges 18, 19,25,54,56, 110,
156, 170, 171, 199
Cirande
49
Clion-sur-Indre
58
Clos-de-Vougeot
100
Cœuvres
113, 197
Coivrel
113
1, 115, 197
Comblessac
184
Condé-sur-Aisne
92
Condé-sur-l’Escaut
20
Condé-Folie
91,96
Condé-lès-Herpy
92
Condé-sur-Iton
91
Condé-sur-Noireau
92
Condé-sur-Suippe
87, 92, 96
Condom
20
Corade (La)
120
Coren
119
Corenc
119
Corent
120
Corlois (Pays de)
161
Corre (La)
120
Correns
120
Corseul
18, 19, 22, 54, 160, 161
Cosne-Cours-sur-Loire
20, 91
Coudun
129, 134, 135
Coulobres
113
Courenc
119
Courouvre
113
Courson
129
Coutouvre
113
Creil
180
Criel-sur-Mer
180
Crosmières
180
Crouay
180
Crouy
180
Cruas
180
Cruéjouls
180
Crupilly
66
Cuers
120
Curiot (En)
120, 145
Daiois
102
Decize
20
Délivrance (Notre-Dame de) 50
Délivrande (La)
46, 49
Deneuille
183
Deneuvre 1
13, 115, 116, 117, 118, 183
Der
102
Der (Pays du)
16
Dhéré
178
Dierre
178
Digoin
20
Dijon
14, 15, 20
Dijonnais
16
Dinan
20
Dirol
102
Di vonne-les-B ai ns
20
Dole
20
Dom
129
Dombe(s)
16, 17, 95
Donnay
183
Douai
20
Dourgne
120, 145
Doum (Le)
120
Douman
120
Doumazac
120
Douvres-la- Del ivrande
47,87
Dreugésin
17
Dreux
18, 19
Drevant
102
Drouais
16, 17
Droué
173
Duesmois
16, 17
Dun
127, 128, 129, 133, 135
Dun-sur-Auron
20, 129, 133, 134, 139
Dun-sur-Grandry
129, 133
Dun-sur-Meuse
129, 132, 135
Dun-le-Palestel
20, 129, 139
Dun-les-Places
129, 133, 138, 144
Dun-le-Poëlier
129, 133
Duneau
127, 129
Dunet
127, 129, 133, 135
Dung
127, 129
Dunois
16, 17
Durande (La)
40, 47,51
Durdat-Larequille
173
Ebréon
78, 129, 138
Ebreuil
103
Egarande
46, 47, 51, 52
Eguirande
40
Eguirands (Les)
46,51
Embrun
20, 78, 103, 129, 138, 139
Embrunais
16, 17
Embry
178
Enguyrande
50
Entrains
96, 97
Envermeu
20, 103
Epagne
190
Epagny
190
Epannes
190
Epernay
20
Epernon
129, 130, 135
Epeugny
190
Epfig
190
Epoigny
190
Epy
190
Equilandes (Les)
50
Erv antes (Les)
50
Escaudœuvres
87
Escouloubre
113
Essalois
123, 131
Essay
187
Esse
187
Essia
187
Essoyes
187
Eurande
46
Eurantes (Les)
47, 50
Evran
20
Evrecin 16, 17, 55, 78, 79, 103, 169, 195
Evreux 18, 19, 20, 55, 78, 79, 103, 169
Evron
20
Evrunes
103
Evry
20
Exmes
122, 123, 142, 146
Exoudun
128, 129, 130
Eygurande
39, 46, 47, 50, 51
Fou-dc-Verdun (Le)
133, 137, 138
Garganvillar
179
tïargenville
179
( iavaudim
77, 129, 135, 138
( iergovie
126, 142
< i(‘l JMK'I 1
179
< ii’ipv
125
< icv-’iiidnii
13, 16, 17,76, 79
( iii 4 h
20
< ir.av la < oiulir
74
< il', OIS
15, 20, 87, 89
( il sv
74
( «1 VOIS
74, 87
( ii/.uy
74
( ii/.y
74
Glandon
129
Goirandic (La)
50
Gourdon
143
Gourgé
143
Gournay-sur-Aronde
143
Gourzon
143
Gravon
129
Guérande
49,51,52
Guérandes (Les)
51,53
( iiiiiaiulc
46, 47,51,52
( luirniule (La)
47
Guirandes (Les)
47
Guirlande
46
1 lénmde
46
llérandes (Les)
46, 47
I léron
46,49
Hiémois (Le)
123
Hipsheim
190
Hirondelle (L’)
46, 47,51
Hostun
58, 129
Huhurant
50
Huismes
122
Huisseau-en-Beauce
122
Hussault
123
Hyronde
46
Iffs (Les)
103
Iguerande
46, 47,51,52, 53
Ingrande
46, 47, 49
In grande (L’)
47
Ingrandes
46, 47, 49
Ingrandes-sur-Loire
46
Ingrandes-sur-Vienne
45, 46, 49
Tngrannes
46, 47
Ingronnière (L’)
49
issoire
20, 140
Tssoudun
20, 129, 130, 133, 139
Issoudun-Létrieix
129, 130
Ivors
103
Izernore
140
Jandun
129
Jargeau
179
Javols
18, 19, 76, 79
Jeurre
140
J œuvres
113, 115, 116, 118
Jort
87, 89
Jouars-Ponlchartrain
140
Joux (La)
108
Joux-la-Ville
108
Jublains
18, 19, 55, 174
Jura
13, 16, 108
Ladon
129, 135, 137
Laguemie
124
Lancé
73
Lanchy
73
Lancié
73
Lançon
73
Langogne
20
Langogne (Pays de)
17, 107
Langon
20
Langres
18, 19, 20, 166
Langres (Plateau de)
13, 16, 17, 107, 166
Lanobre
113
Laon
15, 20, 129, 139, 156
Laonnois
16, 17
Laons
139
Laudun
129, 139, 156
Lauzun
129, 139
Lavaur
20
Lavorant
46
Lectoure
20
Lemens
104
Leyment
104
Lieutadès
18, 19
Lieuvin
16, 17
Meulan
199
Lillebonne
57
Meung-sur-Loire
20, 129, 133, 139, 140
Limagne
16, 17, 95
Meurge (La.)
33, 35, 48, 53
Limeil-Brévannes
104
Meylan
20
Limeuil
104
Mijoux
108
Limeux
104
Miolands (Les)
158
Limoges
14, 15, 18, 19, 20, 55,79, 169
Mions
129
Limoges-Fourches
104
Moëlan
158, 159
Limours
104
Moëslains
158, 159
Limousin
16, 17, 55,77, 79, 169, 195
Moirans
33, 34, 35
Lingèvres
113
Molain
158, 159
Lion
129
Moliens
158, 159
Lion-devant-Dun
138
Monceaux
129
Liozun
138
Monlezun
129, 130
Lisieux
18, 19, 20
Monlezun-d’ Armagnac
129
Liverdun
129, 137
Montbard
20
Lodève
20, 97
Montier-en-Der
102
Lodévois (Lodévais)
16, 17
Montlauzun
129
Longjumeau
199
Montsaon
130, 134, 142, 196
Lonrai
38
Montverdun
129, 136, 137
Lons-le-Saunier
15, 20, 129
Morge
33, 34, 35, 36
Loudun
128, 129, 139, 156
Morgemoulin
35
Louin
139
Morgeot
33, 35
Luitré
183
Morges
33, 35
Lure
20
Morges (Les)
35
Luxeuil-les-Bains
20
Morgon
33, 34, 35, 52, 53
Lyon
14, 15, 20, 128, 129, 139, 156
Morvan
13, 16, 105, 108, 109
Lyonnais
16. 17
Moulons
182
Lyronde
36
Moyenneville
157
Mâcon
20, 88
Moyeuvre
113
Mâconnais
16, 17
Mulcien, Multien
16, 17
Magalas
182
Mussidan
140
Maine
16, 17, 22
Mussy-sous-Dun
128
Mâlain
158
Naix-aux-Forges
95
Mandeure
20, 140, 190
Nancy
20
Mans (Le)
15, 18, 19, 20, 22
Nantais (Pays)
16, 17
Margeride (La)
33, 37, 38,51
Nanterre
15, 20, 141
Margerides
33, 37, 51
Nantes
14, 15, 18, 19, 20
Margeridons (Les)
51
Nantua
20
Margerie (La)
51
Narcy
174
Margerie-Chantagret
33,38,51,52
Nemours
20
Margerie-Hancourt
33,38
Nérac
15, 20
Margueray
33, 38
Néronde
39, 44, 45,51,52,53
Margueron
33, 37
Nérondes
45
Marvejols
20
Nérondes (Les)
45
Maulain
158
Ners
174
Maulan
158
Nersac
174
Mauzun
129, 134
Nervieux
174
Mayenne
20
Neung-sur-Beuvron
127, 129, 140
Meaux
18, 19
Neuville-en-Beine (La)
, 101
Médan
129, 135, 136
Nieudan
127, 129, 139
Médoc
13. 16, 17, 25, 26
Nigronde
44
Mehun-sur-Indre
133, 139
Nîmes
14, 15, 20
Mehun-sur- Y èvre
129, 133, 139
Niort
15, 20, 92
Melle
20, 199
Noeux-les-Mines
20
Melun 15, 20, 128, 129, 131, 140, 199
Nogent-le-Rotrou
15, 20
Melunais
16, 17
Nogent-sur-Seine
20
Mende
20
Notre-Dame-d’Aygu
124
Ménétrux-en-Joux
108
Notre-Dame-de-Briançon
112, 113
Mervent
109
Notre-Dame-de-Livoye
103
Meslan
158, 159
Nouan-le-Fuzelier
127, 129
Mesland
158
Nouvion
20
Messin (Pays)
16, 17,27
Noyan t-et- Aconin
172
Mesves
88
Noyon
20
Metz
14, 15, 18, 19,20,27, 140
Nyon
127, 133
Meudon
129, 140
Nyons
20
13, 16, 28, 45,
129,
135,
13, 14, 18, 19,20.
16
Oisans
Olendon
Orange
Organ
Orgon
Osselle
Oudun
Paris
Parisis
Pel-et-Der
Perche
Périgord
Périgueux
Perthes
Perthois
Petit-Arran (Le)
Pierre-Héron
Poitiers
Poitou
Puy-d’Hirondet (Le)
Puy-d’Issolud 123, 130, 131, 135, 138, 139,
16, 17,
13, 16, 17, 22, 27, 54, 161,
14, 15, 18, 19,20, 22, 27,54, 161,
48.
15, 18, 19, 20,
13, 14, 15, 16, 17,
170,
13, 16, 17,54,
16, 17,
39
36.
39, 40.
40.
40, 41
40,
40.
39
Quéant
Quercy
Queyras
Rai (s)
Randal
Randan
Randanne
Randeix (Le)
Randens
Randol (Abbaye Notre-Dame de)
Randon
Randon (Le)
Randonnai
Ranville-B reuillard
Ray
Razès (Pays du)
Ré
Redon
Reims
Rémois (Pays)
Rennais (Pays)
Rennes 14, 15, 18, 19, 20, 23, 91, 187,
Rennes-les-Bains
Rennes-le-Château
Relz (Pays de)
Revest du Pion
kliodnn
kieiilorl de Randon
Riom
Riom es- Montagnes
Roc de -PI ti rondelle
Rodez
Ronderie (La)
Roquedur
Rouen
Rouergue
Roumois
Royans
Royonnais
Saint-Chris tol-d’ Albion
Saint-Georges-du-Vièvre
Saint-Germain-du-Crioult
Saint-Grégoire-du-Vièvre
15, 20.
14, 18, 19, 20, 26.
16.
129,
14, 15, 18, 19, 20,
14, 15
13, 16, 17,
16
16, 17,
110
136
20
181
181
123
136
i, 27
s 17
102
101
162
162
101
101
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49
177
177
51
142
171
162
110
38
40
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40
',51
', 41.
40
,52
42
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38
57
38
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56
23
192
57
57
17
57
132
41
20
20
51
176
46
129
,20
176
17
156
17
57
98
180
98
Sninl-Jeau-de-Garguicr
179
Sainl-.) ulien-de-Chédon
129, 135
Sainl-lust-et-lc-Bézu
139
Sainl-Paul-Trois-Châteaux
18, 19, 27
Sainl-Picrre-d’Alzobre
113
Saint-Picrre-de-Sénos
23
Sainte-Marguerite
38, 39
Sainte-Marguerite-de-Carrouges 38
Saintc-Marguerite-d 'Elle
38
Sainte-Marguerite-des-Loges
38
Saintes
18, 19, 20, 22
Saintonge
15, 16, 17, 22, 25
Salbris
88
Satolas
184, 190
Saverdun
129
Savoie
13, 16, 105, 109, 110
Sées
18, 19, 63
Segonzac
196
Semoutiers-Montsaon
134
Seneuil
23
Séneujols
23
Senlis
18, 19, 20, 54
Senon
23,24
Sénonais
16, 17,21, 196
Senonches
23,24
Senoncourt
23,24
Senones
20, 23, 24
Senonges
23, 24
Senonnes
23,24
Senonville
23,24
Sens 18,
19,20,21,23,24, 196
Sérandon
129
Serres
129, 130
Serruelles
172
Seveux
198
Sèvres
113
Sigonce
196
Sion
128, 137, 139, 196
Sisteron
20, 196
Soissonnais
16, 17,26, 29
Soissons
18, 19,20, 26, 29
Sonzay
196
Sos
148
Soulièvres
113, 116
Suèvres
113, 117
Suin 129, 133, 135, 137, 196
Tailly
67
Talais
67
Talazac
67
Talcy
67
Talissieu
67
Talizat
67
Talmay
67
Talou (Pays du)
54, 160, 170, 171
Tancoigné
199
Tannerre-en-Puisaye
102
Tarbes
163
Tardenois
16, 17
Tellecey
67
Tenay
176
Ternay
122
Ternois
16, 17
Teste-de-Buch (La)
18, 19, 25
Thaumiers
67
Thélod
122
Thénac
176
Thenay
176
Theneuille
102
Thénioux
102
Thénissey
67
Thenon
176
Thiemu
182
Thiers
20, 182
Thomery
68
Thomirey
67
Thou
121
Thou (Le)
121
Thouars
20, 88, 92
Thoult-Trosnay (Le)
121
Til-Châtel
88
Tonnerre
20. 122, 141
Tonnerrois
16, 17
Tomac
122
Torvéon
128
Toul
20, 121, 177
Toulon
20, 177
T oulx-S ainte-Croi x
121, 177
Touraine
13, 15, 16, 17, 177
Tourdun
129, 130, 134, 136
Toumay-sur-Odon
122
Toumon-d’Agenais
122
Tournon-Saint-Martin
122
Toumon-sur-Rhône
20, 122
Toumy
122
Tours
14, 15, 18, 19,20, 177
Touzac
67
Tréchy
195
Tressé
195
Tressin
195
Trets
18, 19, 177
Tricastin
13, 16, 17
Troyes
14, 15, 18, 19, 27
Tullois
121
Turvéon
128
Ucel
123
Upaix
190
Ussel
15, 20, 123
Uxeau
123
Uxelles
123
Vaivre, Vaîvre
98
Vandœuvre-lès-Nancy
113, 116
Vannes
15, 18, 19, 20
Vannetais
16, 17
Varzy
146
Vavre
98
Velay
13, 16, 17, 56
Velgesin
17
Venaissin (Comtat)
16, 17
Vendeuvre
113, 116
V endeuvre-du-Poitou
113, 116
Vendœuvres
113, 115, 116
Vendôme
20
Vendômois
16, 17
Ver
99
Vercors 13,
16, 17, 22,54, 56, 110, 161
Verdin
133, 137
Verdon
129, 135, 137
Verdun
15, 20, 128, 129, 132, 133
135, 136, 137, 140
Verdun-sur-le-Doubs 129, 131. 133, 134, 135, 137
Verdunois
16, 17
Vergons
18, 19
Vergy
146
Vermand
18, 19, 26, 188
Vermandois
16, 17, 26, 188
Vermenton
129, 156
Vem
99
Vemajoul
104
Vemay
99
Vemejoul
104
Vemeuge
104
Vemeuges
104
Vemeugheul
104
Vemeuil
99
V emeuil-en-Halatte
96
Vemeusses
104
Vemon 128, 129, 133,
135, 138, 140, 144
Vemou
104
Vemoux
99
Vemuejouls
104
Vemusse
104
Verosvres
113, 115
Vers
99
Vertaizon
146
Vertault
146
Verteuil
146
Vertilly
146
Vertout
146
Vertuzey
146
Vervins
20
Verzé
146
Verzy
146
Vesdun
129, 133
Vesvres
96, 98
Veuil
101
Veuves
100
Vèvre
98
Vexin
13, 16, 17,26,56
Vézaponin
190
Vézénobres
113
Vézézoux
129, 137
Vienne
20
Vierzon
146, 147
Vieux
18, 19, 106
Vieux-Dun (Le)
133, 138, 144
Villeneuve-lès-Maguelonne
182
Villié-Morgon
52, 53
Vinsobres
113
Voivre *
98
Voivres
113, 115
Vosges
13, 16, 107, 108
Vou
101
Vougeot
100
Vouvray
98
Voves
100
Voyenne
100
Voyennes
100
Woëvre
16, 17, 95, 98
Ygrande
45. 46,47,51, 53
Yronde
36
Yssandon
129, 132, 138
Yvrande
46
Yvrandes
46, 47
Yzeure
20, 140
ET DE HAUTEURS DE FRANCE! D'OR IC! NE GAULOISE
Aigronne
47
I /angles (Plateau de)
13
Albion (Montagne d’)
57
Albion (Plateau d’)
57, 156
Margéria/, (Mont)
38
Ardenne(s)
105, 106, 107
Margeride (Forêt de la)
37
Ardou(x) (Mont)
119
Marguerite
33, 37
Argenton
91
Marne
27
Argonne (Forêt d’)
31, 99, 105, 106, 107
Marve
194
Armoricain (Massif)
13, 16
Marvottes
194
Aude
172
Mervenl-Vouvant (Forêt de)
109
Augronne
50
Moder
27
Auxois (Mont)
124
Mont-Saon
130, 134, 196
Avrelot, Avrollo(t) (Mont)
114, 115, 117, 118
Morge
33, 34, 35, 36, 37
Morges
35
Baynes (Forêt de)
101
Morges (Aiguille de)
36
Beine (Forêt de la)
31, 101
Morgins (Pas de)
35
Bernazoubre
99
Morgon
33,34,51,52, 53
Beuvray (Mont)
145, 156
Morgon (Crête de. Pas de. Pic de)
36
Beynes (Forêt de)
101
Morvan
13, 105, 108, 109
Briançon (Mont)
112, 114
Brie (Côtes de)
114
Nohain
96
Burande
51
Norentes
50
Cévennes
109
Oisans
110
Chasseneuil (Forêt de)
102
Coëvrons (Les)
114
Perthe (Forêt de la)
101
Corent (Puy de)
120
Queyras
110
Dard (Belvédère du)
142
Dardon (Mont)
119, 142
Randanne
40
Der (Forêt du)
102
Randon (Signal de. Truc de)
41
Done (Mont)
128, 133, 134
Donon (Mont)
128, 135, 139
Saône
31
Dun (Montagne de) 128, 133, 134, 135, 138
Savoie
105, 109, 110
Durande (Montagne de la)
36, 46,51
Seine
26, 45
Sidobre (Plateau de)
114
Egrenne
47
Sion (Mont)
196
Equilandes
48, 50
Suin (Montagne de)
135
Eurande
47, 50
Eurantes
50
Thélod (Mont)
122
Eygues
45
Thouet
92
Eyguirandes
51
Tourvéon (Mont)
128, 138
Ey gu randes
48
Trincou
198
( liroiule
49
Varaude
52, 53
(■ourdou (Monlagne de)
142
Veaune
101
( liaies ou ( lives (Alpes)
110
Vercors
22, 54, 56, 110
( limande
48
Verdouble
99
< limande (Fois de)
51
Vernazobre
99
( Iiiii lande
37,48
Vemazoubre
99
( dm onde
49
Vernobre
99
Vernoubre
99
1 leiandes ( Bois des)
50
Vesle
101
1 leron
48
Veuve
101
1 li rondelle
48
Veuve (Bois de)
101
Ingrande
48, 49
Vièvre (Forêt de)
98
1 rondelle
48
Vilaine
168, 199
Vonne
101
Jorasses (Grandes et Petites)
108
Vosges
13, 108
Jorat (Mont)
108
Vouge
31,99, 100
Joux (Forêt de)
108
Jura
13, 108
Yonne
45
J u net
108
Yvron
49
Aberdeen
13, 14
Baudour
121
Beiach (Forêt de)
101
Belgique
13, 176
Bergame
14
Berne
13, 14
Bertrée
146
Bertrix
146
Beverley
13
Bienne
14
Binche
13
Bohême
25, 179
Bologne
13, 14
Bonn
13, 14
Boppart
198
Braga
13, 14
Bragance
14, 112
Brancaster
164
Bregenz
13, 14, 112, 116
Brescia
13, 14
Brno
13, 14, 138
Biiderich
198
Carlisle
13, 14
Carnia
65
Carniques (Alpes)
65
Coimbra
13, 14, 111
Coire
14
Côme
13
Corogne (La)
14
Couvin
197
Crémone
13, 14
Di nant
13, 14
Dormagen
121
Douvres
13, 14
Dublin
13, 14, 95
Dundee
13, 14
Diiren
14, 188
Hvora
13, 14
Fxilles
190
Genève
13, 14, 87
Glasgow
13, 14
Gloucesler
13, 14
1 lehrend
47
1 lelvétique (Confédération)
25, 56
1 jurande
47
1 lcron
47
Ivrée
189
Jorat (Mont)
108
Kempten
14
Kranj
65
Lausanne
13, 14
Linz
13, 14
Londres
13, 14
Magden
136
Mancetter
187
Mantoue
13, 14
Marmagen
188
Mayence
13, 14
Milan
13, 14, 158
Morge
34
Morgins
36
Morgins (Val de)
36
Morven
109
Namur
13, 14
Nimègue
13, 14
Novare
14
Nyon
13, 127
Ratisbonne
14
Ruhr
26
Saint-Maurice-d’Agaune
123
Ségorbe
13, 14, 1 1 1
Ségovie
13, 14
Setubal
14, 1 14
Sigüenza
14, 196
Sion
13, 29, 196
Soleure
13
S use
195
Tongres
162
Tournai
122
Trêves
13, 14
Trévise
14
Vérone
13, 14
Vevey
24, 26
Vienne
13, 14
Villach
14
Wintcrthur
13, 14
Worms
13, 14
York
13, 14
Ypres
13, 14
Yverdon
13, 78, 131, 138
Zurich
13, 14
Les mots rares et dialectaux sont en italique.
Abonner
160
Dronge
160, 191
Alouette
65, 164
Drouillard, drouille
173
Alouetté
164
Dru
173
Ambact
185, 186
Druide
155
Ambassade
186
Drungaire
160
Ambassadeur
186
Drunge
160
Aranda, arande, arandon
41
Arpent
70
Essédaire
187
Arvan
70
Essède
187
Bâche
23
Gaillard
175
Banne
114
Galet
61
Barboter
94
Galoche
61
Barbouiller
94
Gèse
74
Barde
165, 194
Glaive
71,72
Bardit
166
Gorce
142
Battre
167, 168
Gourd
142
Bogue
176
Guenille
94
Borne
90, 160
Gutuater
155
Borner
90
Boue
94
If
78
Bouge
176
Iga
45
Bougette
176
Bourbe
94
Jaillir
175
Bourbier
94
Javeline
76
Braguette
62
Javelot
75,76
Braies
62
Javelle
76
Braye
94
J aux, jour
108
Brenn
181
Bronne(s), bronner
66
Lance
72, 73
Brunbrun
66
Lancer
73
Budget
176
Malfie, marfe, marfié
193
Ca ni v.\
164
Malfré, marfi(e), marfio
193
('ers
172
Marne
123
Char
23, 192
Matras, matrasa
75
( ’liai iol
23, 192, 193
Matrasser
75
( 'liaipcnle 23,
144, 187, 192
Meule
199
< 'banni
192
Meurger
32
( 'haimiincrie
22
Mine «
148
< iiiumn
42
Miner
148
< 1 ici il
194
Morgier
32
< '(levai
188
Mourphi
193
( omballiv
167, 168
Murgée, murger
32
( Vaiiulre
166, 167
C Vainle
167
Noue
94, 96
Créti, c ré tir
166, 167
Croi, croï., croille, crouille, crouio
179
Ogre
180, 181
Crup(p)ellaire
66
Palefroi
189
Dorgne
120
Dorgni
120
Rand, randa, randal, rande, randisso,
Dorgno
120
rando, randon, randuro
39
Dorgnon
120
Rendan
39
Drille
173
Rondisso
39
Sagne
94
Truand
191
Sagutn
63
Saie
63
Valet
185
Varenne
94
Talabard, talabas
68
Varne
69
Talbot
68
Varoche
61
Talevas
68
Vassal
185
Taloche
68,69
Vavasseur
185
Talus
142
Va(i)vre
94
Tamis
147
Vergne, vente
69, 99
Taranche, tarence
144, 145
Vernho
69
Tarière
144
Véroche
61
Tolliâou
121
Viène
69
Torque
64
Vire
64
Touillaud
121
Virer
146
Toulon
121
Virole
64, 146
Trancher
197, 198
Vouire
64
Cadours
169
Lançon
73
Caux
172
Ledru
173
Levasseur
185
Decaux
172
Levassor
185
Dru
173
Drut
173
Matras
75
Druaton
173
Matrat
75
Dumatras
75
Matraz
75
Gaillard
175
Talocher
68
Gaillardet
175
Talochez
68
Gaillat
175
Taloucher
68
Gaillet
175
Talva
68
Gaillot
175
Talvart
68
G aillou
175
Talvat
68
Gallard
175
Vassal
185
Lance
73
Vassard
185
Lanceard
73
Vasseur
185
Lancbon
73
Verne
, 99
Lancier
73
Vernet
99
Fig. 1 - Quelques villes d’Europe tirant leur nom du celtique 14
Fig. 2 - Principaux pays, régions, provinces de France dont le nom est issu
de la langue gauloise 16
Fig. 3 - Principaux pays et provinces de France dont les appellations modernes dérivent
d’un nom de territoire ( civitas ou pagus ) issu de la langue gauloise 16-17
Fig. 4 - Communes de France tirant leur nom d’un nom celtique de peuplade gauloise 18
Fig. 5 - Peuplades et peuples gaulois de nom celtique ayant laissé leur nom dans un nom de
localité française 19
Fig. 6 - 140 villes de France (parmi d’autres) tirant leur nom du gaulois 20
Fig. 7 - Sur les traces des Sénons ? 24
Fig. 8 - Exemples de toponymes issus du gaulois MORG- 33
Fig. 9 - Toponymes issus du type *RANDA 40
Fig. 10 - Toponymes issus du gaulois *CAMARANDA 43
Fig. 11 - Toponymes issus du gaulois *IC(U)ORANDA 47
Fig. 12 - Toponymes du type *IC(U)ORANDA. Frontières des Cénomans 49
Fig. 13 - Toponymes du type *IC(U)ORANDA. Frontières des Turons 49
Fig. 14 - Toponymes du type *IC(U)ORANDA. Frontières des Lémoviques 50
Fig. 15 - Toponymes du type *IC(U)ORANDA. Frontières des Leuques et
des Médiomatriques 50
Fig. 16 - Toponymes frontière aux limites du territoire des Arvemes 51
Fig. 17 - Toponymes frontière aux limites du territoire des Ségusiaves 52
Fig. 18 - Toponymes frontière aux limites du territoire des Eduens 53
Fig. 19 - Noms de régions et de localités françaises issus d’un nom
de peuple gaulois paraissant en rapport avec les armes 79
Fig. 20 - Noms de communes et de hameaux issus du gaulois BRIGA 1 13
Fig. 21 - 101 noms de communes issus du gaulois *DUNON 129
Fig. 22 - Les “super-forteresses” de France. Gaulois *VERODUNON 137
Fig. 23 Anciens MEDIOLANON et frontières d’aujourd’hui 159
Fig, 3 1 Toponymes issus du celtique CORIO- 161
Fig,. 3 S Toponymes issus du gaulois CATU- 170
3
SOMMAIRE
PRÉFACE de V. Kruta 5
INTRODUCTION GÉNÉRALE 7
INTRODUCTION AU TOME I - La Gaule des Combats 1 1
CHAPITRE I - LES RAISONS DES COMBATS 1 3
I - Les mouvements des peuplades 1 3
1.1. La dynamique celte (13). 1.2. L’esprit de conquête (20). 1.3. Les peuples migrants (21). 1.4.
Le mode de déplacement des peuplades (22). 1 .5. Des traces du déplacement des peuples ? (23).
1.6. Les mouvements migratoires et les scissions à l’intérieur des peuples (24). 1.7. La recherche
forcée de nouveaux territoires (25). 1.8. La stabilisation des peuplades (27). 1.8.1. Ethnonymes à
sens géographique (27). 1.8.2. Ethnonymes marquant la sédentarisation (29). 1.8.3. Enracinement
lexical (29).
2 - Les conflits entre peuples voisins 30
2.1. Le souci de la frontière (30). 2.1.1. La frontière-désert (30). 2.1.2. Le type *morga (32).
• Hydronymes (33). • Noms de localités (34). • Autres MORGE possibles (35). • *Morgarita (37).
2.1.3. Le type *randa (38). • *Randa sous une forme dérivée (39). Peuple des Santons. Peuple des
Lémoviques. Peuple des Arvernes. Peuple des Gabales. Peuple des Vellaves. Peuple des Médulles.
Peuple des Allobroges et des Séquanes. Peuple des Ambarres. Peuple des Lingons. Peuple des
Esuviens. • Composé *ccimaranda/*cam.boranda (42). • Composé *nicoranda (44). • Composé
'Hcorandal'Hcuoranda (45). 2.1.4. Balisage des territoires par les toponymes frontière (48).
2.2. Tensions belliqueuses et sources de conflits (53). 2.2.1. L’antagonisme entre les peuples ou
les peuplades (53). • Peuplades en armes (54). • Peuplades et peuples combattants (54). 2.2.2. Les
causes d’affrontements (55).
CHAPITRE II - L’ÉQUIPEMENT MILITAIRE 61
1 - L’habillement des soldats 6 1
1.1. Les galoches (61). 1.2. Les braies (62). 1.3. Les saies (63). 1.4. Les objets de parure (63).
2 - Les armes 64
2.1. Armes défensives (64). 2.1.1. Les casques (64). 2.1.2. Les cuirasses (65). 2.1.3. Les boucliers
(66). 2.2. Armes offensives (70). 2.2.1. Les épées (70). 2.2.2. Les armes de trait (72). • Les lances
(72). • Les armes de jet (73). Le *gaison (73). La mataris (74). Le javelot (75). 2.2.3. Les arcs
(77). 2.3. La guerre végétale (78).
CHAPITRE III - LA GUERRE DE DÉFENSE 87
1 - Le rôle des sites de nature 87
1.1. Les cours d’eau (87). 1.1.1. Etablissements voisins des eaux (87). 1.1.2. Ponts (88). 1.1.3.
Gués (89). 1.1.4. Rencontres d’eaux (90). 1.1.5. Méandres (92).
1.2. Les marais (93). 1.2.1. Zones de marais dans les campagnes (93). • Lexique des terres
marécageuses et des eaux boueuses (94). • Régions de marais (94). • Noms de petits sites
fortifiés en rapport avec les terres boueuses (95). 1.2.2. Zones de marais dans ou à proximité des
agglomérations (96).
1 .3. Les forêts (98). 1 .3.1. Forêts et marais (98). 1.3.2. Zones boisées et abris défensifs (99). • Sur
les frontières (99). • Dans les territoires (100). Les lieux de bois (100). Les lieux du hêtre (101).
Les lieux du chêne (102). Les lieux de l’if (103). Les lieux de Tonne (104). Les lieux de l’aulne
( 104). 1 .3.3. Résistance forestière (105).
1 .4. Les hauteurs (107). 1.4.1. L’abri des massifs montagneux (107). • Argonne et Ardenne (107).
• Vosges (107). • Jura (108). • Morvan (108). • Cévennes (109). 1.4.2. La résistance des peuples
alpins (109).
2 - Les forteresses 1 1 1
2.1. Les anciennes citadelles : type briga (1 1 1). 2.1 .1 . Un très ancien type (1 1 1). 2.1 .2. Une série
toponymique importante (1 12). 2.1.3. Des sites haut perchés (l 14). 2.1.4. Des forteresses (115).
• Lien particulier avec la hauteur (115). • Rôle double des sites de défense (1 16). La protection
(116). La surveillance (116). • Réalité toponymique et réalité archéologique (117).
2.2. Toponymes issus de diverses appellations de hauteurs-forteresses (118). 2.2.1 . Des anciennes
hauteurs-refuges aux places fortifiées (119). • Type ardu- (119). • Type *cor-ennum (1 19). • Type
durno- (120). • Type tullo- (121). • Type *tumo- (122). • Type uxello- (122). 2.2.2. Des places
fortifiées aux grands oppida (123). • Type acauno- et *aginno- (123). • Type alisia (124). • Type
*garg-/gerg- (125).
2.3. Les nouvelles forteresses : type dunum (126). 2.3.1. L’importance du toponyme (126). 2.3.2.
Des sites de hauteurs (128). • Eminences (128). • Composés soulignant le rôle des hauteurs (128).
• Absence de hauteurs (131). 2.3.3. Des sites de défense (132). • Appellations hybrides (132).
• Les emplacements stratégiques des forteresses (133). Quadrillant les territoires (133). Sur les
axes de passage (133). Rivières. Routes. Aux frontières. • Noms suggérant la puissance des
forteresses (136). 2.3.4. Des sites fortifiés en voie d’urbanisation ? (138).
2.4. Une appellation complémentaire de forteresse : type duro- ? (140)
2.5. Les remparts des places fortes (141). 2.5.1. Remparts courants (142). 2.5.2. Remparts
complexes et enceintes développées (143). • Les mûri gallici (143). • Les enceintes de contour
(145).
2.6. Force et faiblesses des places gauloises de défense (147). 2.6.1. Une image de puissance
(147). 2.6.2. Un pouvoir de résistance (147). 2.6.3. Faiblesses des forteresses gauloises (148).
• L’art romain du siège (148). ■ Le danger des places centralisées (149).
CHAPITRE IV - LA GUERRE D’ATTAQUE 155
1 - Avant la bataille 155
1.1. Le rassemblement religieux des guerriers (155). 1.1.1. Les appels aux dieux (155). 1.1.2. Les
lieux de rassemblement (156).
1.2. Les troupes guerrières (158). 1.2.1. Différents corps armés (158). 1.2.2. Enseignes et
emblèmes de la guerre (162). 1.2.3. Tumulte gaulois (164).
2 - La bataille 167
2.1. Les noms du combat et du combattant (167). 2.1.1. Thème bat- (167). 2.1.2. Thème vie- (168).
2.1.3. Thème catu- (169).
2.2. La conception gauloise de l’héroïsme (172). 2.2.1. La force supérieure (172). 2.2.2. La colère
guerrière (174). • Chaleur guerrière (175). • Enflure guerrière (176). • Fureur guerrière (177).
2.2.3. La férocité, le sang, la mort (178). • Combattants féroces (178). • Combattants sanguinaires
(179). • Combattants porteurs de mort (180).
2.3. Les corps d’armées et l’art du combat (181). 2.3.1. Les chefs militaires et les combattants
de la noblesse (181). 2.3.2. Les champions (183). 2.3.3. Les guerriers-serviteurs (184). 2.3.4. La
charrerie (186). 2.3.5. La cavalerie (187). 2.3.6. Les fantassins (190). 2.3.7. Les convois militaires
(192).
3 - L’issue du combat 193
3. 1 . La défaite (193). 3.1.1. La mort (193). 3.1.2. L’état de prisonnier (194).
3.2. La victoire (194). 3.2.1. Les noms de la victoire (195). 3.2.2. Les rites de la victoire (197).
• Les (êtes coupées (197). • Le butin (198).
CONCLUSION AU TOME I - La Gaule des combats 205
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 207
INDEX des mots et noms analysés dans l’étude 225
Noms de peuples gaulois (225). Noms de personnages gaulois (226). Noms de dieux gaulois
(226) . Noms de régions, pays, communes, hameaux et lieux-dits de France d’origine gauloise
(227) . Noms de cours d’eau, de sources, de bois et forêts, et de hauteurs de France d’origine
gauloise (234). Noms de lieux étrangers d’origine celtique (235). Mots français d’origine gauloise
(236). Noms de personnes en France issus de thèmes gaulois (237).
TABLE DES CARTES ET TABLEAUX 238
TABLE DES MATIÈRES 239