L’évolution vue par un botaniste – Jean-Marie Pelt, 2011

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Pelt, Jean-Marie. L’évolution vue par un botaniste. Fayard. 2011. Édition du Kindle.

Jean-Marie Pelt

Né le 24 octobre 1933 à Rodemack en Lorraine, il est pharmacien agrégé, botaniste-écologiste et fondateur de l’Institut européen d’écologie à Metz. Il est mort le 23 décembre 2015 à Metz.

Jean-Marie Pelt enseigne d’abord à la Faculté de pharmacie de Nancy puis en 1972, il fonde l’Institut européen d’écologie à Metz et enseigne la botanique végétale à la Faculté des sciences de l’Université de cette même ville. De nombreux voyages au Maroc, au Togo, en Côte d’Ivoire, en Afghanistan lui permettent de découvrir les remèdes traditionnels de ces pays. Parmi ses nombreuses fonctions, il préside l’Institut européen d’écologie ; il est Président d’honneur de la Société française d’ethnopharmacologie ; président du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le Génie Génétique (CRIIGEM) par intérim ; membre du Comité Scientifique de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse.

Il a écrit de très nombreux ouvrages sur les plantes et sur l’écologie. Excellent conférencier, régulièrement sollicité par les médias notamment par France Inter, il donne son point de vue sur des problématiques environnementales comme les OGM, le changement climatique, la déforestation et transmet avec passion son savoir de botaniste.

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Jean-Marie Pelt

Fiabilité de la source

Jean-Marie Pelt est donc biologiste, et n’en est pas à son premier essai. En effet, en plus de publications scientifiques, ce dernier en est déjà auteur d’une cinquantaine d’essai de vulgarisation sur les thèmes de la biologie, de la botanique, de la zoologie et de l’écologie. Il a de plus co-animé plusieurs émissions télévisées, ainsi que plusieurs chroniques de radio.

Conférencier très engagé dans le domaine de l’écologie, il n’hésite pas à donner son point de vue dans quelques passages du livre, et ainsi nous faire part de son expérience et de son combat dans le domaine de l’environnement.

Le style d’écriture adopté est très didactique. L’objectif est d’ici de vulgariser pour le lecteur le principe de la théorie de l’évolution, ainsi que certaines variantes autour de la théorie de Charles Darwin. Malgré la présence d’un bon nombre de termes assez techniques qui peuvent ralentir la lecture, de nombreux exemples et illustrations sont utilisées afin d’appuyer chaque assertion.

La bibliographie assez conséquente en fin de livre reflète le sérieux de ce livre de vulgarisation. De plus, on retrouve un index du monde animal, du monde végétal, ainsi qu’un index des noms de personnes à la fin du livre.

 

L’évolution vue par un botaniste

Le livre s’articule autour de la problématique suivante : « Existe-t-il dans le monde vivant un principe autre que la sélection naturelle qui pourrait permettre d’expliquer certains aspects du monde végétal ? ».

L’auteur commence par définir sa théorie de l’associativité, à savoir que l’association de plusieurs entités – cela peut aller des atomes, aux éléments de la cellule, ou à certains couples d’espèces – est un avantage évolutif considérable car il permet aux entités de se spécialiser, de dépenser moins d’énergie, de pallier certaines faiblesses, …

Il balaie le chemin allant du Big Bang à la formation de la Terre. A chacune des étapes, il nous montre que des processus d’associativité ont été déterminants, que ce soit de l’addition purement quantitative ou de l’addition permettant l’émergence de nouvelles propriétés. Il s’attarde ensuite sur l’apparition de la vie qui apparaît comme miraculeuse. Le biologiste nous explique que les briques constituant un être vivant sont des ensembles si complexes qu’il apparaît invraisemblable qu’elles se soient assemblées dans un tel ordre uniquement grâce au hasard. Il nous décrit ensuite comment ces briques s’assemblent afin de constituer un être vivant, et comment ces êtres se rassemblent pour former des groupes et développer des comportements sociaux.

Après avoir balayé toutes les échelles de notre monde, le botaniste va ensuite s’attarder sur les cas d’associativité dans le règne végétal. Il va développer l’exemple de la sexualité chez les algues et les mousses afin de développer son exemple des fougères à ovules et des plantes à fleurs. Il explique à quoi servent les différentes tuniques qui se sont développés autour des cellules reproductrices. Pour lui, l’avantage des plantes à fleurs est la possibilité d’enfouissement de la graine dans une cinquième tunique. Ce type de reproduction peut aussi instaurer la fécondation grâce aux animaux, aux insectes ou aux oiseaux. Enfin, il se pose la problématique suivante : « Pourquoi les êtres les mieux équipés n’ont-ils pas éliminé les autres ? ».

A la suite de cette réflexion, Jean-Marie Pelt va nous faire part des différents comportements évolutionnistes que l’on peut observer dans le règne végétal. Il développe ainsi son principe d’associativité grâce aux hybridations dans le monde des plantes, aux gênes architectes, aux fleurs « composées », aux symbioses, à l’environnement, … Il s’attarde tout particulièrement sur des exemples de relations quasi symbiotiques entre certains insectes et certaines plantes, avec notamment le fait que l’un ne peut pas se reproduire sans l’autre.

La fin du livre est plus une réflexion sur l’évolution en elle-même, et il se demande dans cette ultime partie si l’évolution est réellement Darwinienne – l’évolution est une succession de changements minimes et continus – ou si elle ne serait pas plus Lamarckienne – des « sauts » au cours de l’évolution seraient possibles –  et il apparaît au travers de l’exemple des bactéries que la piste Darwinienne ne soit pas nécessairement à privilégier. Il apporte enfin la pierre manquante à sa théorie : il existe beaucoup de cas où la sélection naturelle ne peut expliquer certains phénomènes et selon lui, seul le principe d’associativité permet de combler ces trous, ce qui montre que l’associativité est un processus réel et qu’il a été nécessaire au moins dans l’histoire du règne végétal.

 

Contextualisation

Le livre L’évolution vue par un botaniste a donc été écrit par Jean-Marie Pelt en 2011 et publié aux éditions Fayard. Malgré la présence à certains passages d’un vocabulaire technique, cette œuvre a vocation de s’adresser à un public non averti : c’est une œuvre de vulgarisation scientifique.

En cela, elle s’inscrit parfaitement à la fois dans son temps et dans la bibliographie de l’auteur : la vulgarisation scientifique est très courante au XXIème siècle. Jean-Marie Pelt en est un des piliers : co-animateur d’émissions de vulgarisation à la radio, invité à des émissions télévisuelles, il a plus de 50 ouvrages de vulgarisation à son actif et cette œuvre s’inscrit dans cette lignée. Il y a malheureusement peu de retour sur cette œuvre et sur ses ventes, signe que l’œuvre n’a peut-être pas eu un impact si significatif.

Mots-clés

Associativité : Pour Pelt, l’associativité a pour racines la solidarité et la coopération. Il la définit comme l’association d’éléments simples qui se mettent ensemble pour donner des éléments plus complexes, aux propriétés nouvelles.

Cellule : Une cellule est l’unité biologique structurelle et fonctionnelle fondamentale de tous les êtres vivants connus. C’est la plus petite unité vivante capable de se reproduire de façon autonome.

Tunique : Membrane fibreuse qui enveloppe certains organes.

Symbiose : Association constante, obligatoire et spécifique entre deux organismes ne pouvant vivre l’un sans l’autre, chacun d’eux tirant un bénéfice de cette association. (La symbiose est fréquente entre les micro-organismes [symbiotes] et des plantes ou des animaux.)

Mitochondrie : Élément du cytoplasme de la cellule animale ou végétale dont le rôle essentiel est d’assurer l’oxydation, la respiration cellulaire, la mise en réserve de l’énergie par la cellule et le stockage de certaines substances.

Chloroplaste : Organite cellulaire des plantes vertes, de structure complexe, contenant la chlorophylle.

Corolle : Ensemble des pétales d’une fleur.

Lamarckisme : Théorie exposée par Lamarck, en 1809, dans sa Philosophie zoologique, comportant l’une des toutes premières formulations du concept d’évolution des espèces (transformisme), avant celle de Darwin, et présentant comme cause de l’évolution (lamarckisme) l’hérédité des caractères acquis.

Darwinisme : Doctrine scientifique exposée pour la première fois (1er juillet 1858) par Charles Darwin, et qui constitue une argumentation du fait de l’évolution biologique et une explication du renouvellement des faunes et des flores au cours des ères géologiques. (Darwin a surtout puisé ses exemples dans le règne animal.)

 

Analyse critique

L’évolution vue par un botaniste est un traité de botanique s’articulant autour du principe d’associativité, qu’il développe tout au long du livre.

Le livre est découpé en quatre parties :

  • Première partie : Un principe constructeur : l’associativité
  • Deuxième partie : L’associativité dans le règne végétal
  • Troisième partie : Pistes évolutives propres aux plantes à fleurs
  • Quatrième partie : Réflexions sur l’évolution

Dans la première partie du livre, Jean-Marie Pelt commence par développer son concept d’associativité. Il le développe en en donnant plusieurs exemples, à différentes échelles successives, de manière quasi chronologique : il commence par le monde du non vivant : des atomes à la formation des planètes, puis continue sur l’origine de la vie avant de finir sur l’associativité dans l’évolution de la vie, allant des cellules jusqu’aux sociétés animales, voire humaines.

Cette partie, qui est le premier contact du lecteur avec sa théorie – l’introduction étant principalement un récit de son parcours – me laisse un peu perplexe. Son principe d’associativité reposant principalement sur le fait que « Le tout est plus que la somme des parties » (Aristote), il me semble assez délicat d’ériger un principe qui serait applicable à toute échelle, ainsi qu’à tout domaine dans l’univers.

Il développe dans son livre le principe d’associativité dans le monde végétal, et élever à priori ce principe à un autre domaine – notamment au monde atomique et cosmologique – sans démonstrations autres que celles des plantes me parait assez hasardeux. En revanche, il propose en fin de première partie un recul sur sa théorie, en citant les limites de l’associativité, et notamment des contres exemples dans la nature. Le fait qu’il nous explique les limites de sa théorie est assez rassurant car cela montre que l’auteur a du recul par rapport à la théorie qu’il développe.

Après avoir balayé toutes les échelles auxquelles le principe qu’il décrit s’appliquerait, il va ensuite s’attarder sur son application dans le règne végétal, en prenant exemple sur la sexualité chez les algues et les mousses. C’est dans cette partie qu’il va s’attaquer à l’évolution de l’anatomie de la cellule reproductrice chez les plantes.

Les deux dernières parties se concentrent plus sur la théorie de l’évolution, et l’associativité est ici plus décrite au travers des interactions entre plantes, ou entre insectes et plantes, plutôt que comme une association de cellules. Ces parties sont beaucoup plus faciles à appréhender en termes de vulgarisation que les deux autres, et les exemples évolutifs cités sont très pertinents.

Ce livre est un ouvrage scientifique, il est bien construit, repose sur des arguments, des exemples, des expériences, et l’auteur est conscient des limites du modèle qu’il y développe.

Choix d’un extrait

J’ai choisi l’extrait ci-dessous pour les raisons suivantes :

  • Ce passage illustre assez bien une des facettes du principe d’associativité développé dans ce livre.
  • L’exemple pris ici est connu de tous (une marguerite) et peu de vocabulaire technique est employé.
  • Jean-Marie Pelt aborde les notions de tendance vers le gigantisme ou la miniaturisation au cours de l’évolution.
  • Cet extrait illustre parfaitement les notions de spécialisation et de distribution de la charge de travail au sein du règne végétal.

« Cette piste évolutive mettant en scène des processus de miniaturisation et de réduction est une tendance perceptible dans les deux règnes, végétal et animal ; c’est une tendance que contrarient des évolutions en sens inverse, vers le gigantisme : la loi de Dollo, qui s’applique à l’extinction des dinosaures, veut qu’une espèce soit d’autant plus fragile que sa taille augmente davantage. Dans le monde des Angiospermes, les tendances évolutives des fleurs illustrent cette thèse et favorisent en général la miniaturisation.

De tels processus s’accompagnent de phénomènes d’addition des éléments ainsi réduits et miniaturisés. Car la nature n’oublie pas le principe d’associativité ! Lorsqu’elles se regroupent entre elles, les petites fleurs forment des ensembles nouveaux qualifiés, on l’a vu, d’inflorescences. Plus les petites fleurs de l’inflorescence se rapprochent par réduction de leurs pédoncules, plus elles tendent vers une organisation collective, autre grand axe de l’évolution végétale. Les fleurs les plus externes de l’inflorescence augmentent la taille de leurs corolles ; les autres, celles du centre, tendent au contraire à la réduire. On assiste ainsi à une redistribution du travail entre les fleurs, chacune se spécialisant comme se spécialise chacun des organes d’une fleur simple. Les fleurs externes simulent une corolle et n’ont d’autre fonction que d’attirer les insectes pollinisateurs ; leurs organes de reproduction ont plus ou moins avorté, et elles sont souvent stériles. Les fleurs centrales de l’inflorescence négligent le développement de leur corolle au seul profit des étamines et des pistils fonctionnels : elles assument par priorité les fonctions de reproduction.

Le phénomène s’amorce dans diverses familles dont celle des Crucifères (Brassicacées), ainsi nommées parce que leurs pétales, au nombre de quatre, sont disposés en croix. Il apparaît chez une petite fleur semée en bordure dans les jardins : Iberis amara, très proche des corbeilles-d’argent. Sur les fleurs périphériques de l’inflorescence, les deux pétales tournés vers l’extérieur sont plus grands que les deux autres. Ce phénomène s’accuse chez les Ombellifères (Apiacées) où les fleurs du pourtour de l’ombelle, plus grandes que celles du centre, présentent la même dissymétrie : on l’observe chez les inflorescences de la grande berce, Heracleum spondylium. Même organisation chez Viburnum opulus, une Caprifoliacée sauvage, ancêtre de la boule-de-neige : les fleurs externes arborent de beaux pétales, celles du centre de l’inflorescence, des pétales avortés. »

Source :  Emplacements du Kindle : 1484 – 1505 ; Chapitre 8 Evolutions cycliques chez les fleurs ; Partie III : Pistes évolutives propres aux plantes à fleurs

 

Réflexion sur notre futur professionnel

Ce livre est intéressant car, en plus du travail de vulgarisation scientifique, il permet de mettre en lumière certains problèmes présents à la fois dans le monde végétal ou même animal, qui peuvent aussi être mis en parallèle avec les problèmes que peut rencontrer un ingénieur. Ces problématiques représentent des enjeux cruciaux à l’échelle mondiale et elles doivent être prises en compte afin de penser et mettre en place les transitions nécessaires pour aboutir à un monde plus écologique et solidaire.

La théorie d’associativité qu’a développé Jean-Marie Pelt au cours de son livre permet de faire un lien direct avec le travail en équipe. Pour reprendre l’exemple des fleurs composées, toutes les fleurs travaillent en commun dans un seul et unique but : survivre et se reproduire. Pour cela, on a vu que les fleurs au centre se spécialisent dans la reproduction, en négligeant le développement de leur corolle, et inversement les fleurs situées en périphérie développent leurs corolles et sont quasiment stériles. Ce genre de spécialisation n’est pas sans rappeler l’organisation d’un projet !

On a pu voir dans ce livre des associations uniques entre différentes espèces de plantes et d’insectes : la plante prend une forme particulière que seul un insecte ayant développé un organe bien particulier peut épouser. D’autres couples reposent sur une relation de protecteur – fécondateur. Certaines entreprises peuvent fonctionner de la même manière : l’une fabrique des pièces pour l’autre et on assiste ainsi à une relation d’interdépendance basé sur une certaine forme de confiance.

La raréfaction des ressources est aussi un point rapidement abordé dans ce livre. Les stratégies d’optimisation, de symbioses ont été mises à l’œuvre dans le monde du vivant afin de palier ces problèmes. Dans un contexte de transition écologique nécessaire, il est important de repenser nos modes de consommations, et peut-être de plus en plus réaliser des dépenses de groupe, afin de réduire l’impact écologique de chacune de nos actions.

Enfin, et c’est sûrement une des leçons les plus importantes à retenir de ce livre : il faut s’inspirer du règne végétal pour sortir de la loi du plus fort ! Un autre mode de survie est possible et ce dernier passe par l’association entre individus ou groupes d’individus. Cet enjeu est majeur si l’on veut pouvoir réellement effectuer la mise en place d’une transition vers un monde plus écologique et solidaire.

Références associées

Botineau Michel, Botanique systématique et appliquée des plantes à fleurs, Cachan, Lavoisier, « Tec & Doc », 2010.

Pelt Jean-Marie, Évolution et sexualité des plantes, Horizon France, 1970 ; 2e édition, 1975.

Chaline Jean et al., Les Cycles de l’évolution, Paris, Hachette, 2000.

Darwin Charles, L’Origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la Lutte pour l’existence dans la nature, Paris, La Découverte, 1989.

 

Sources 

https://www.franceinter.fr/personnes/jean-marie-pelt

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Marie_Pelt

www.larousse.fr

www.herberie.info

www.wikipedia.org

 

Par Jean-François CAILLEAU, le 14.01.2018

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