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Couv1-54.

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Toutes les dimensions de l’imaginaire

Dossier :
L’Apocalypse selon SF
Littérature, BD, cinéma, TV...

Halloween
de Rob
Zombie
interviews
réalisateur,
acteurs

Stardust

Resident
Evil
Extinction

Littérature : chroniques livres - La Terre Creuse épisode 7 + BD chroniques - Marvel la


M 06614 - 54 - F: 6,00 E - RD fin des Héros + DVD + Ciné : 28 Semaines plus tard - 28 Jours plus tard - Resident Evil

3:HIKQQB=YU[UUX:?k@a@p@e@a; Extinction - Stardust - Halloween + News


Science fiction magazine - N° 54 - sept./oct. 2007 - 6 euros - bimestriel
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Mc Dowell et Sessego (à droite)


Malcolm Mac
Dowell
« Halloween »
Une interview carrière fascinante d’un
acteur qui a joué d’innombrables per-
sonnages, tous aussi variés les uns
que les autres, qui sera passé de la
comédie au drame comme on change
de chemise et dont le rôle le plus “fou”
restera très certainement celui d’Alex
d’ Orange Mécanique. Hollywood, je ne peux pas faire ca, ce l’histoire d’un homme et de son voya-
n’est pas possible… En fait il m’a fallu ge à travers la vie. Un innocent qui se
“inventer” ma propre version de ce “fait taper dessus” par tout le monde,
Q : Comment vous préparez vous qui, je pense, était H.G. Wells. Et si mais qui garde tout de même une
pour un rôle ? vous le faites avec assez de confiance sorte d’humanité, c’est vraiment très
R : Je ne travaille vraiment que d’ins- en vous ca marche et les gens l’ac- beau.
tinct. cepteront, surtout l’accent anglais. Q : Quel est le personnage que
Q : Vraiment, que ça ? Q : Qu’est-ce qui vous plaît dans le vous avez adoré jouer ?.
R Oui tout à fait : mon instinct me dira fait d’être comédien ?. R : Ouah ! Dur, dur votre question ! je
si tel ou tel projet est bon ou non et R: Bonne question : Vous savez c’est crois que l’on dit toujours, “c’est le
quand je répète le rôle je suis comme s’habiller et se déguiser quand prochain”, car vous éprouvez une cer-
“dedans”, avec mon personnage. on est enfant. C’est une évasion et en taine attente, une certaine curiosité de
Q : Quel est votre critère de déci- même temps c’est un jeu. Développer ce qui va se passer dans le prochain.
sion finale ? un personnage très complexe, le plus Et vous savez je ne retourne jamais
R : Toujours les gens qui sont sur le complexe possible est le meilleur pour sur le passé. Spécialement quand il y
projet. Rob pour « Halloween » ou, moi. Vous savez vous pouvez vrai- a une rétrospective, ça ne m’intéresse
quand j’ai fait “Heroes”, ils m’ont ment dire beaucoup de choses à un absolument pas.
envoyé un épisode et j’ai trouvé ça public en ne disant rien. Et pour moi Q : Vous ne voyez jamais vos pro-
super, et surtout très bien écrit. Je vais c’est ca qui est génial. pres films ?
vous raconter une anecdote : J’ai eu Q : Vous préférez jouer le gentil ou R : Non ! non ! une fois que je les ai
un jour un conseil de James Mason le méchant ? H.G. Wells de “c’était vus à la première je ne les vois plus.
qui m’a dit : “Malcolm il y a trois demain” ou le colonel Cochrane de Q : Y a-t-il un projet dans votre car-
choses quand je pense à un rôle : il y “Tonnerre de feu” ? rière qui vous a vraiment déçu ?
a le rôle en soi, l’argent et l’endroit. Si R : Je n’ai pas de favori comme ça. Ce R: Beaucoup, beaucoup, mais je ne
je peux avoir deux des trois je le ferai”. sont tous des rôles, tous des person- veux pas citer qui que ce soit car je ne
Et je pense que c’est une très bonne nages. Les gens qui sont soi disant veux pas de faire de mal maintenant,
règle. ? “mauvais” ne sont pas vraiment mau- ça ne servirait vraiment à rien.
Q : Quel est votre genre préféré ? vais, c’est dans leur attitude qu’ils le Q : Quel a été votre metteur en
R : Sincèrement je n’ai pas de genre sont ; ils sont antisociaux. Celui dont scène favori ?
favori mais ce n’est certainement pas vous avez parlé dans “Tonnerre de R : (Sa réponse est du tac au tac)
les films d’horreur, j’adore par exem- feu” est vraiment une enflure, ca c’est Lindsay Anderson ! Il m’a pris dans
ple la comédie, j’adore le drame, et vrai. Il y a un film où je jouais un serial mon premier film, il a été l’homme le
j’aime les choses qui peuvent être killer appelé “Evilenko” (de David plus incroyable que j’ai jamais rencon-
mixées. J’ai adoré faire le film “Time Grieco, 2004, ndlr) et dans ce film je tré, il était un poète, un très grand met-
after Time” (“C’était demain”, 1979 jouais vraiment un vrai psychopathe, teur en scène, un être humain extraor-
ndlr) car ça a été une super expérien- et là c’est vraiment très, très dur. Ça dinaire, très généreux, un ami mer-
ce, c’était romantique, c’était en même c’était un vrai challenge de comédien. veilleux, et je l’adorais et je ne le
temps un thriller et c’était drôle. Quel Q : Y a-t-il un film de toute votre cache pas. Il est décédé depuis 14
film ! C’est un film vraiment mer- carrière qui soit vraiment proche de ans et il me manque chaque jour.
veilleux. Je jouais le personnage his- vous ? Q : Quelle est pour vous l’évolution
torique H.G. Wells et j’ai donc dû faire R : Oui tout à fait, “Oh Lucky man” car d’Hollywood ? Est ce que les
un peu de recherches, et j’ai appelé j’en ai écrit le script original, c’était choses ont beaucoup changé ?
les archives de la BBC pour savoir mon idée, j’ai travaillé sur le script R : Oui ça a changé énormément.
s’ils pouvaient m’envoyer une cas- avec l’écrivain. Je trouve que c’est un Hollywood a toujours été une industrie
sette de Wells ou tout du moins un film fantastique, je pense toujours que pour faire de l’argent, dans les années
enregistrement vocal de sa voix pour c’est un film vraiment brillant, et il sort 20, 30 et 40 Hollywood était l’en-
avoir un peu une idée du genre qu’il en dvd en octobre, et je suis très droit…, les films en couleurs…,
était et j’ai reçu un enregistrement heureux que Warner le sorte enfin. Hollywood était le faiseur de rêves, il
datant de 1920 et (il prend un ton C’est vraiment un super film ! l’est toujours d’ailleurs mais je pense
comique à la voix perçante et très Q : Je vous avoue que je ne l’ai que tout a échappé au contrôle des
aigüe) sa voix était tellement aigüe pas vu. gens. Les films sont trop chers, les
vous ne pouvez pas imaginer ! Je me R Vous n’auriez pas pu, il est très dif- films de studio sont fous, et tout cela
suis dit ca ne marchera jamais à ficile à trouver. Très subversif, c’est va devoir changer. On ne peut pas

Halloween
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de Rob Zombie 2 Malcom Mac Dowell
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faire des films à 200 millions et la certainement beaucoup de rôles que R : Je ne sais pas, j’ai du être possédé
moitie de ca pour le marketing et le j’aurais pu faire brillamment, et j’aurais par un esprit merveilleux, et en plus je
reste. Je pense que tout va changer, peut être pu gagner une demi- savais exactement ce que je faisais, je
ce n’est pas possible autrement. douzaine d’oscars si on me les avait savais que l’on faisait un film et un
Q : Vous avez mentionné offerts. Qui sait ? genre qui n’avait encore, jusque là,
précédemment “C’était demain”, y Q : et voici la question à 10,000 dol- même pas été essayé, et c’était telle-
a-t-il une anecdote sur le film que lars : comment était Kubrick sur ment “grand”, et pourtant tellement
vous pouvez nous raconter ? “Orange Mécanique” ? vrai !
R : Il y a une superbe scène où H.G. R: La réponse à cette question pré- Q : Oui à l’époque “Orange” a cau-
Wells rencontre la fille de la banque et cise va être dure mais essayons tout sé un sacré scandale....
nous allons dans un restaurant qui de même. Kubrick était une force de la R : Oh mon dieu, vous ne pouvez
tourne sur lui-même tout en haut d’un nature, un vrai “maître” et je l’ai eu même pas vous imaginer. Les gens
immeuble : c’est une scène très dans son “âge d’or”, Il avait 47 ans sont devenus cinglés, vraiment com-
romantique, et nous n’avions que quand je l’ai rencontré, il sortait de plètement cinglés. Souvenez-vous
deux heures pour la tourner après le “2001” il voulait prouver aux studios que c’était une période où les gens
restaurant ouvrait… je me rappelle qu’il pouvait faire un film à petit bud- allaient au cinéma, chaque week-end
avoir dit à Mary, juste avant de com- getc. Et ce film c’est “Orange vous alliez au cinéma, car il y avait
mencer à tourner : “Je t’aime” mais Mécanique”. Et c’est un des ses des films pour adultes. Nous sommes
pas en tant que personnage ou ligne grands films. Stanley avait un intellect tous allés au cinéma ! Maintenant
du script. Ça l’a mis dans un de ces incroyable, et c’était une personne nous n’y allons plus car les films visent
états mais rassurez vous un très bon très gentille, que j’ai beaucoup aimé. les gens de 15 à 25 ans et honnête-
état ! Excellent pour la scène surtout si J’ai adoré travailler avec lui et, ment je me rappelle qu’ “Orange” a
vous regardez sa réaction ! sincèrement, je crois que je lui ai causé un “boum” de proportion sis-
Q : Y a-t-il un rôle sujet que vous donné une des meilleures perform- mique. Incroyable !
auriez aimé jouer ? ances de toute ma carrière !
R : Non, vous savez franchement si Q : Vous avez joué tellement de Propos recueillis par Marc Sessego
vous voulez survivre dans ce business rôles, celui D’Alex dans “Orange” le 21 aout 2007. Collaboration
vous avez intérêt à ne pas devenir est incroyable car vous ne vous Andrée Cormier. Très sincères remer-
« envieux » de qui que ce soit, et ne servez souvent que de votre regard ciements à Malcolm pour nous avoir
pas vous occuper de ce qui arrive aux comme dans la séquence d’ouverture accordé cette interview privée, Jill Di
gens autour de vous en ce qui con- dans le bar. Comment avez vous fait Rafelle de “The Weinstein Co” pour l’avoir
organisée et enfin Michel Berstein de
cerne les offres car vous allez vous pour incarner le personnage d’Alex de
Bossa Nova, Paris. Merci à tous.
tuer en moins d’une semaine ! Il y a la manière dont vous l’avez fait ?

recherches que j’ai faites sur les


Rob Zombie enfants qui tuent d’autres enfants, il
n’y a hélas pas d’explication. Et quand
« Halloween » vous le voyez avec Dr Loomis il sem-
ble vraiment être le gosse le plus
sympa et le plus cool dans des condi-
ATTENTION : Il est très, très forte- tions normales.
ment conseillé de ne lire cette inter- Q : Le film est censé se passer en
view qu’après avoir vu le film. En effet quelle année ?
réactions de Michael, le costume, le
le réalisateur nous révèle ses choix, R : Il n’y a pas de données précises à
masque je n’ai rien laissé au hasard.
ses idées et ce avec une franchise ce sujet, je ne voulais pas que ca se
Maintenant il faut que vous donniez
parfois déroutante mais toujours pas- passe dans les années 70 car ça
une explication pour tout. Vous savez
sionnante et sincère et divulgue énor- aurait été trop difficile et compliqué à
on est dans un monde avec ce truc de
mément d’éléments sur la préparation gérer, j’ai donc essayé de donner au
fous qu’est l’Internet et tout le monde
du film, son casting, et ses choix sur la film un air intemporel. Il y a toujours le
veut toujours de plus en plus d’infos.
réalisation. genre de musique que les gens
C’est devenu complètement dingue !
Q : Vous avez vraiment votre opini- écoutent et de cette manière le public
Q : Vous écrivez et mettez en scène. l’acceptera.
on sur les origines de Michael
Comment faites-vous ? Q : Pourquoi avoir basé son
Myers...
R : Je le fais d’une manière spéciale enfance dans une famille pareille ?
R : Michael Myers n’est pas vraiment
mais bon : Je suis sur mon laptop et je R : Il était déjà comme ça à la base.
le fruit de son environnement. Je trou-
scrute en même temps deux télés : De toutes les façons où sont ces
ve que ça aurait été complètement
L’une joue “300” et l’autre un autre film familles mythiques où tout est absolu-
idiot, ridicule et peu crédible s’il avait
et, j’écris en même temps. ment parfait ? ça justement c’est du
vécu dans une maison avec des pa-
Q : Qu’avez vous pensé du fait que cinéma ! Pour moi la plupart des gens
rents “biens”, une “belle maison” et
vous expliquez les origines de que je connais ou que j’ai connu
tout le “tralala”. On peut dire qu’il est
Michael Myers ? étaient le genre de personnes que
né sous une très mauvaise étoile et
R : Vous savez franchement pour moi vous voyez dans le film. Maintenant et
c’est dès le départ que tout foire. Et si
tout semble être en demande de sur- comme je l’ai déjà dit, ce gosse est fou
vous regardez bien le film je ne donne
explications. Je trouve que dans ce à lier et personne ou rien ne pourra le
absolument aucune véritable explica-
script j’ai vraiment tout expliqué, les sauver. Comme la maison des
tion à son comportement. Dans les

Halloween
page
de Rob Zombie 3 Rob Zombie
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Strodes j’ai essayé de montrer la séquence de l’appel au beau milieu Q : Avez-vous parlé à John
quelque chose de réaliste. de la nuit. Après, j’ai du refilmer la per- Carpenter ?
Q : Est ce que votre premier mon- sonne à l’autre bout du fil également R : Oui j’ai parlé à John Carpenter. Je
tage était de presque 3h ? au beau milieu de la nuit mais tout ça l’ai rencontré quand il faisait “Escape
R : Oui près de 3h30 en fait ! Car on y a vraiment, je pense, amélioré le film. from LA”. J’ai vu tous ses films, je me
a absolument tout collé. Vous savez Je crois aussi que l’on avait besoin de suis arrangé pour qu’il sache à propos
couper ne serait ce que 45 minutes retourner la fin, et ça a été un problè- du remake car je ne voulais pas qu’il
d’un film sur un montage comme ca me de logistique plus que d’autre l’apprenne par les journaux, et il m’a
c’est très facile à faire. Le monteur a chose : au sud de Pasadena à 11 h du dit que surtout il fallait que je fasse
juste à assembler toutes les scènes soir la police vient vous voir et elle mon film. Et je lui ai parlé il y environ
(les meilleures de chaque prise), et il vous dit d’arrêter tout ce que l’on fait : une semaine et je lui ai dit que le film
monte tout bout à bout. Le monteur à prêts ou non. Ils s’étaient mis devant était terminé.
la base ne sait pas quoi faire donc les cameras et nous disant littérale- Q : Vous avez repris la musique
c’est plus un grand collage qu’autre ment “les gars c’est fini”. Du coup, je originale...
chose. ne sentais pas que j’avais eu vraiment R : Je n’étais pas sûr que la musique
Q : Vous avez retourné des prises ? la fin que je voulais, et ça aussi c’est de l’original irait sur ma version mais
R : Oui mais pas pour les raisons que un moment du film que je voulais ça a très bien marché. Après les pre-
l’on pense. Retourner des scènes améliorer. mières prises je me suis dit que ça col-
c’est quelque chose qui arrive sur tous Q : Avez-vous une version “NC-17” lait parfaitement.
les films, ça n’a absolument rien d’ex- ou une version différente de ce que Q : Était-ce intentionnel de faire
ceptionnel, j’aurais voulu retourner l’on a vu ? vraiment l’association entre Laurie
des scènes sur “The Devil’ s rejects” R : Ce que l’on vous a projeté hier soir et Michael car quelque part la fin est
mais il n’y avait plus d’argent pour ça. est vraiment “ma” version et je ne vois presque touchante quand tout le
On a fait une projection “test” à New pas comment je pourrais la modifier. Il monde se retrouve dans le sous
York et le film a tellement plu que Bob y a peut être des choses que je vais sol.
Weinstein (producteur exécutif, l’un rajouter mais ce sera uniquement au R : Quand vous prenez les scènes
des anciens patrons de “Miramax niveau des personnages, je peux quand il est jeune et même à l’asile il
Films” et que “Disney” a racheté), qui remonter un peu le film, mais ça ne demande des choses sur sa famille et
l’avait aimé, m’a carrément demandé : sera pas plus violent pour autant. il ne se souvient même pas de les
« As-tu besoin de plus d’argent pour Q : C’est assez amusant car il y a avoir tous tués. Il est tellement cinglé !
fignoler ou retourner des scènes ? Si il beaucoup de mauvaises histoires à Son but est de réunir sa famille dans
y a quelque chose que tu voulais et propos des frères “Weinstein” “sa” maison. Il tue Linda car elle
que tu n’as pas pu avoir dis le me moi R : Je ne sais pas d’où cela vient car représente Judith. La pierre tombale
et on te passera un budget pour mon expérience avec Bob a été excel- représente sa mère, il a le bébé qui
retourner quelques scènes ». lente. Il m’a donne une totale liberté est maintenant Laurie et ils sont tous
Au départ je me suis dit que “non, artistique, il m’a juste dit de le faire “réunis” dans la maison. Dans sa tête
c’était bon”, mais d’un autre côté plus “moi”, plus “Rob Zombie”, faire de fou il a remis sa famille ensemble
quand on vous propose de faire ça mon film à moi et oublier la version de et en plus Laurie ne sait pas qui il est
c’est une opportunité tellement Carpenter. J’aurais pu tout changer, donc quand elle se rebelle contre lui, il
géniale que oui je me suis dis “on y tout le monde s’en foutait car j’avais la devient encore plus fou, complète-
va”. liberté artistique. Je voulais garder le ment fou.
Je voulais refaire des choses concer- look, et le masque, car pour moi et Q : Et pourquoi avoir tué le Dr
nant Danielle Harris (qui est apparu pour toute la planète c’est une icône et Loomis ?
dans les suites précédentes : je devais garder ça. Si je refaisais R : Ah bon, pour vous il est mort ?, je
“Halloween # 4 et # 5). Je voulais Frankenstein il aurait la même tête laisse ça à l’interprétation des gens...
également restructurer des parties que l’original. J’ai donc essayé de Q : Etes-vous prêt pour la suite ?
concernant le Dr Loomis, surtout garder tout ce qui était censé être des R : (sûr de lui) Je peux vous dire qu’il
quand il reçoit l’appel téléphonique “trucs de fans” comme les person- y aura très certainement un #2 mais
l’informant de l’évasion de Michael nages de base et certains aspects ce n’est pas moi qui le ferai. Ah ça non
Myers, et comme je voulais une sorte visuels comme les rues et certains et non !
“d’état d’urgence” dans le film j’ai filmé plans très proches de l’original
Propos recueillis par Marc Sessego le
21 aout 2007. Collaboration Andrée
Cormier. Très sincères remerciements à
Rob pour nous avoir accordé cette inter-
view, Jill Di Rafelle de “The Weinstein Co”
pour l’avoir organisée et enfin Michel
Berstein de Bossa Nova, Paris. Merci à
tous.

Suite du dossier Halloween page 56

page
4 Rob Zombie
edito54.qxd 06/09/2007 17:43 Page 7

Sommaire : Edito
Apocalypse selon SF

La SF a sa conception de l’Apocalypse. Il faut bien admettre que


DOSSIER cette conception est bien souvent inspirée de l’Apocalypse selon
Apocalypse selon SF Saint Jean ! Et même les zombies tirent leur existence littéraire et
cinématographique de certains éléments bibliques.
L’Apocalypse source Si les zombies apocalyptiques sont à l’honneur à l’heure de cette
d’inspiration : p. 14 rentrée cinématographique, n’oublions pas que nous les devons à
Le Léviathan p. 15 George A. Romero et sa trilogie (devenue une quadrilogie) des
morts-vivants : La Nuit des morts-vivants (1968) - Zombie le cré-
Littérature p. 16
puscule des morts-vivants produit par Dario Argento (1978) - Le
JG Ballard p. 24 Jour des morts-vivants (1985) - Le Territoire des morts (2004)
Cinéma p. 27 La Nuit des morts-vivants a fait l’objet d’une remake en couleurs
BD p. 30 avec le même titre, réalisé par Tom Savini, le maquilleur de morts-
vivants pour Romero (1990). L’armée des morts de Zack Snyder
(2004) est un génial remake de Zombie.
Certains cinéastes se sont mis aux imitations, les meilleures étant
Interviews : celles de Lucio Fulci comme L’enfer des zombies (ou Zombi 2) en
A propos du film Halloween : 1979, et Zombi 3 en 1988. Et les parodies avec la trilogie Le Retour
Malcom Mc Dowell p. 2 des morts-vivants, dont les meilleures sont le “1” de Dan O’Bannon
et le “3” de Brian Yuzna.
Rob Zombie p. 3
Je rappelle également que Romero à supervisé le jeu vidéo
Sheri Moon Zombie p. 57 Resident Evil qui fait également l’objet d’une trilogie au cinéma...
Tyler Mane - Daeg Faerch p. 58 Que serait devenue l’Apocalypse zombie sans Romero ?
Scout Taylor Compton p. 59 Amitiés

Cinéma chroniques : Alain Pelosato


28 Semaines plus tard p. 28
28 Jours plus tard p. 28
Directeur de la publication et science fiction magazine
Resident evil extinction p. 29 Sfmag
rédacteur en chef :
Alain Pelosato Numéro 54 - sept 2007
Stardust page 55 ISSN 1286-479X
Rédacteur en chef adjoint :
Halloween : page 56 Nicolas Botti Bimestriel
Cinéma : Alain Pelosato édité par sfm éditions
Avec Stéphane Thiellement, Marc Commission paritaire
DVD : page 45 Sessego, Andrée Cormier, Valérie 0906 K 78296
Dépôt légal sept 2007
Revelut, Fred Pizzoferrato.
The Other - Gost Rider DVD : Stéphane Thiellement Imprimerie Présence graphique
Livres : Emmanuel Collot Avec Distribution NMPP
Serge Perraud, Damien Dhondt, Textes copyright Sfmag
BD : Kriss Madrock, Virginie Liégeon,
Valérie Revelut ... et tous les
Administration, rédaction :
sfmag
Chroniques page 6 membres de la rédaction. 1, place Henri Barbusse
BD : Damien Dhondt Avec Greg 69700 Givors
Marvel : la fin des héros p. 12 Tél/fax 04 72 24 05 22
Covin, Serge Perrau,dNicolas
Sumien...
Publicité :
Littérature : Bibliographie : Alain Sprauel
Sciences : Alain Pelosato Au siège : voir adresse ci-dessus
pelosato@sfmag.org
Correctrice : Sophie Castel
Livres : 13 pages de critiques de Autres membres : tous les
la rédaction ! page 32 auteurs des articles du magazine ABONNEMENTS
sont membres de la rédaction 6 numéros : 30 euros
Suite du feuilleton d’Alain Paris 12 numéros : 55 euros
Correspondant aux USA :
« La Terre Creuse » : page 46 Michael Lohr Chèque à l’ordre de Sfmag
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News page 55 Marc Sessego, Andrée Cormier Vous pouvez également vous abonner
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Valerio Evangelisti, http://www.sfmag.net
Alda Teodorani (Webmaster : Stéphane Lacombe)
Maquette Couverture : (voir notre adresse postale ci-dessus)
Correspondant au Japon :
Philippe Leroux et Alain Pelosato Jean-Michel Abrassart
Maquette :
Pierre Dagon et Greg Covin
Page
5
Red Sonja (VO)
Vacant Shell
Rick Remender
Paul Renaud
Dynamite Ent. - Mai 2007

Tirant sur les lianes qui la


retiennent prisonnière, la
chose attend. Dans l’ombre
d’un vieil arbre. Elle sait que,
bientôt, elle va être
découverte, et que ses
paroles suffiront à asseoir son
pouvoir. Telle est la magie du
Verbe. Mais peut-on dompter
une guerrière sans attache, dont le cœur, noble, cache tout
autant une sauvagerie qui n’attend qu’un mot pour se
libérer ?
S’il faut lire cette histoire, ce n’est sans doute pas pour son
scénario sans éclat, aux rebondissements entendus et pour
ses personnages qui manquent de mordant, mais bel et bien
pour les dessins de Paul Renaud. Ils créent dès le première
regard une ambiance singulière et propice à l’univers de
Robert E. Howard. Le monde est lourd, baigné d’un soleil
cuivré, distillant des ombres à l’intérieur desquelles s’étend
le mal. Magie, folie et destructions. Un plaisir pour les yeux,
bien que l’aventure soit en deçà de ce que l’on aurait pu
espérer… tant le scénario berce dans la facilité.

Grégory Covin

IRS T9
Vrancken - Desberg
Le Lombard – 05/2007

Vatican, or nazi, Larry B.


Max a une fois de plus flairé
de l’argent sale, et part en
quête de ceux qui en
profitent. Scénario classique
pour un dessin qui l’est tout
autant, on se languit
rapidement devant ce loup
qui danse autour du
poulailler sans jamais
montrer les crocs. Donnant
rapidement l’impression que les auteurs attendent le
prochain album pour donner la rage à notre bonhomme et
faire courir tout ce petit monde. D'autant que sa relation
avec sa belle devient de plus en plus anecdotique...

Grégory Covin

PAGE 6 CHRONIQUES BD
Copyrights Red Sonja VS - Paul Renaud/Dynamite
The Agency Naruto T29
Jenkins - Hotz Kishimoti
Editions Bamboo Ed. Kana
Mai 2007 Mai 2007

Jonez Virtuelle se rend Nouvelle saison pour


à son boulot (une prise Naruto : deux ans et demi
d'otages) dans sa plus tard, Naruto, le pire
chenillette blindée. Sur garnement de l’école des
place, et sous la pluie ninjas du village caché de
de balles et de Konoha, retourne au pays
roquettes, elle discute après avoir suivi
tranquillement avec ses l’entraînement du ninja
collègues de l'Agence. légendaire Jiraya. C’est
Sioux l'empathe (une avec plaisir qu’il forme à
fille sympa accro aux nouveau équipe avec
percings) lui fait un Sakura et son sensei
tableau de la situation Kakashi. Mais pas le temps
tactique. Quarter le de larmoyer sur les retrouvailles, Gaara, leur ami du village
négociateur ( son petit défaut est qu'il adore énerver du sable, a été enlevé par l’Akatsuki, organisation secrète
ses interlocuteurs "il doit être Français ou un truc dans qui a déjà affronté Naruto par le passé. Toujours aussi
ce genre") est en train d'escroquer la mairie de passionnant, Naruto reste bien le numéro 1 des shonen
Cleveland une rallonge pour que cesse le massacre. actuel. Même si le début a un petit goût de nostalgie, on se
Une fois la transaction terminée, il ne reste plus qu'à rend vite compte que tout le monde a grandi et a évolué (par
Hendrick le psychopathe d'intervenir. Cela lui permet exemple Sakura a développé de grands pouvoirs).
d'accomplir son travail avec joie. Son talent particulier Rapidement, l’action s’installe. Graphiquement superbe, les
lui permet d'exploser les têtes... et le reste de ses scènes d’action en mettent plein la tronche au lecteur.
adversaires. Dommage que le manga se lise si vite et qu’il faille attendre
Une fois l'affaire conclue, il ne reste plus qu'à Jonez deux mois pour la suite.
de constater le triste état de sa voiture ornée des
cadavres de policiers et de passants. Ce ne sont pas Virginie Liégeon
les corps qui la préoccupent ( ni même le landau criblé
de balles à proximité), mais les impacts de projectiles
sur la carrosserie. Bienvenue dans l'Amérique Freshmen T1
futuriste ! Les 2/3 de la population sont au chômage.
La plupart des habitants sont cyber accros à Internet. Sterbakov - Kirk
La criminalité est officiellement de 101% (avec une Delcourt – Juillet 2007
marge d'erreur de 1%). Ne parlons pas du climat.
Quant aux Cités Etats, elles gèrent tant bien que mal Parce qu’un tiers des
la situation. Le plus souvent, elles sont obligées de étudiants de première année
faire appel à des compagnies de sécurité privées échoue et abandonne, les
comme l'Agence dont les membres vont "là où les responsables de l’université
mercenaires les plus malins n'osent pas se risquer". “ surbookent ” les logements.
Pour l'occasion ce sera Houston où sévit un sérial- C’est ainsi que quatorze
killer. Dans un bar, David Siam, le Profiler, leur nouveaux sont installés dans
explique la situation, pendant qu'Hendrick se défoule deux salles de cours,
sur la population locale. Le suspect, Williams, sérial- transformées en dortoirs
killer et dentiste de son état, est un cas à lui tout seul. dans le bâtiment des
Apparemment, il s'agit d'un empathe capable de sciences. Ils découvrent la
neutraliser psychiquement ses proies, et il y a de vie universitaire et le
fortes chances que les membres de l'agence soient bizutage. Mais, quand
ses prochaines cibles. Très vite Jonez Virtuelle l’étrange machine du Dr Tomlinson explose, huit de ces
devient le seul membre opérationnel de l'Agence. jeunes gens, ainsi que la mascotte de l’établissement, se
Recherchant ses coéquipiers disparus, cette cyborg retrouvent avec des super pouvoirs liés à leurs pensées au
décide de prendre rendez-vous avec le dentiste (après moment de l’accident. Dotés de facultés insolites, voire
un petit emprunt à l'armurerie). absurdes, ils décident de former une nouvelle équipe de
super héros : Les Freshmen.
Paul Jenkins nous décrit des héros amoraux évoluant L’idée de base est originale par la volonté d’autodérision du
dans un monde cauchemardesque avec une forte monde des super héros. L’intrigue est fort bien menée, et
dose d'humour noir (le principal lieu de fantasme l’histoire offre ainsi une gamme d’actions et de péripéties
virtuel se trouve dans le boulevard Bill Clinton). Sur le intéressantes, évoluant dans la seconde partie vers un côté
plan des illustrations, on a parfois l'impression que le plus sombre et profond. En effet, les auteurs abordent,
dessinateur a un peu trop bossé sur des séries toujours avec humour, nombre de questions fondamentales
comme "Carnage" ou "Ghost Rider 2099". En résumé: comme la responsabilité individuelle face à l’utilisation de
Destroy ! ses compétences. Freshmen bénéficie, en outre, d’une
grande lisibilité, d’un dessin et d’un scénario solides qui
Damien Dhondt permettent une réjouissante relecture des codes et des
clichés du genre.

Serge Perraud
Pourquoi ne pas organiser un match de roller-derby pour se
Planetary T3 procurer l'argent des pièces de rechange ? L’événement
attire du monde (sport, baston et filles) et aura lieu sur une
Ellis - Cassaday ancienne piste de courses de moto : un lieu mythique... qui
Panini Comics recevait parfois la visite d'une Impala.
Mai 2007 L'arène est prête, le match commence, l'identité du
conducteur de l'Impala se précise et les différents éléments
Dans son écrin doré, du scénario interfèrent dans un final apocalyptique.
Planetary remanie les
grandes figures de la Damien Dhondt
science-fiction tout en
jouant avec le genre
super héroïque. Le Shrog T2
héros est en guerre
contre les Quatre, Campoy - Paille
aliénation des Quatre Vent d'Ouest
Fantastiques de Avril 2007
l’univers Marvel, et pour
ce faire se doit de Tout objet caché depuis
défaire Dracula épaulé par un Holms fatigué. De la des temps immémoriaux
Terre à la Lune de Jules Vernes devient tangible recèle sa part de mystères
tandis que les dieux se réveillent. En quelques pages, et d’interdits. C’est ce que
on découvre la version toute personnelle de l’auteur vont découvrir Loola, belle
de Tarzan, les propriétés du marteau de Thor et une historienne, et Buck, pilote
quête insensée d’un héros centenaire. Passionnant et mercenaire. A la recherche
superbement mis en pages, voici l’un des comics les des propriétés de la Perle
plus originaux orienté SF de tous les temps. Si vous du Savoir, ils vont faire
aimez le genre, et que vous pouvez mettre la main sur revenir des êtres aux
les deux premiers (édités chez le défunt Semic), ce pouvoirs et à l’avidité aussi
troisième volume est à découvrir. terribles qu’insatiables.
Monstres organiques, trahison et demi-dieux, tout
Grégory Covin s’enchaîne pour déclencher l’Apocalypse.
Si le récit à du mal à débuter, il se rattrape bien vite par la
suite, tout autant de par son action que son humour. Les
dessins, détaillés et expressifs, font rapidement entrer la
La Station Indienne magie au détour des pages, pour nous ensorceler jusqu’à
l’ultime feuillet.
Papazoglakis
Ed. Graton Grégory Covin
Mai 2007

La station-service, Abara T1
près de la réserve
indienne, ne reçoit Tsutomu Nihei
pas beaucoup de Glénat
visiteurs excepté les Avril 2007
adolescents qui
viennent fréquenter Qu’est ce qui vous fait acheter
la banquette arrière un livre ? Personnellement, je
de la Plymouth, en flashe souvent sur les
perpétuelle couvertures. C’est ce qui s’est
réparation. passé pour “Abara” qui offre
Le possesseur de un dessin proche de l’alien de
cette voiture est un Giger. D’ailleurs, le manga en
jeune métis, à la lui-même tient cette
mémoire parfois promesse : un esthétisme
défaillante. Pourtant, certain renforcé par le noir et
il croit bien avoir vu une Impala s'arrêter devant la blanc qu’exige le manga, très
station-service le jour où sa grand-mère est morte. peu de dialogues, un univers
En tout cas, il est certain de l'existence d'un véhicule post apocalyptique… Oui mais toutes ces qualités peuvent
bien réel : un bus agonisant qui crache ses dernières devenir des défauts ! Car le scénario est tellement sombre
vapeurs d'huile avant de rendre l'âme juste devant les et complexe que personnellement je n'y ai rien compris !
pompes. Aussitôt, l'équipe de roller-derby "Chicks on Une organisation secrète se ferait passer pour une usine
wheels" débarque : cinq filles alliant une musculature d’huile mais renfermerait en réalité des êtres hybrides
respectable, des tatouages omniprésents et un qu’elle utiliserait contre des gros monstres ressemblant à
caractère affirmé. des limaces mutantes géantes.
Allez savoir pourquoi, mais depuis qu'elles sont Je ne peux que vous conseiller de lire le livre vous-même,
obligées de demeurer à la station-service, la afin de vous faire votre propre opinion et découvrir par la
banquette arrière de la Plymouth, de même que les même occasion cet ovni du monde manga.
pompes, sont plus fréquentées.
Il reste la question des pièces de rechange du bus, Virginie Liégeon
pendant que l'impala croise la route des protagonistes
(quoiqu'il lui arrive de suivre un corbillard). PAGE 8 CHRONIQUES BD
Et c'est avec ce Death Note qu'il décide de façonner un
Chocolo & Vanilla T1 Japon, et même le monde, à sa façon. S'en suivra la mort
de plusieurs personnes en liberté ou en prison, que Raito
Moyoco Anno juge bon de tuer pour purifier ce monde. La police mondiale
Ed. Kurokawa s'aperçoit de ces mystérieux décès, et ne savant comment
Avril 2007 réagir à la situation, font appel à L, détective reconnu mais
inconnu par son identité, et a pour nouveau but de découvrir
Chocola et Vanilla sont qui est Kira ("Killer = Tueur" Prononcé a la japonaise) terme
deux apprenties du qui désigne Raito tout au long du manga. S'en suit une
monde magique, un bataille sans merci pour découvrir l'identité de son
monde parallèle au adversaire sans dévoiler la sienne, une bataille de deux
nôtre. Les deux élus, un génie contre un génie.
meilleures amies sont
choisies comme Dans ce tome, un second Kira a fait son apparition et veut
prétendantes au trône entrer en contact avec le premier. Il utilise pour ce faire la
pour diriger le pays. télévision. La police est au courant et souhaite coincer ce
Mais avant cela, elles second Kira qu’il suppose moins malin que l’original. Raïto
sont envoyées parmi joue sur les deux tableaux et entre en contact avec l’homme
nous afin de faire leurs mystère, qui s’avère être le superbe mannequin Misa. Mais
armes en “volant” les cette jeune fille aux allures frivoles et insouciantes est bien
cœurs des humains. loin de l’image qu’elle donne. Raïto devra composer avec
Car chaque cœur elle et son shinigami afin de déjouer les pièges de la police
renferme une énergie spécifique selon le sentiment de tout en préservant son anonymat. Le meilleur des tomes à
son possesseur, énergie très prisée dans le monde ce jour à mon avis. La fin laisse présager une suite encore
magique. Alors qu’elles sont parachutées sur Terre plus délectable.
une nuit, Akira les observe par son télescope et croit à
l’arrivée d’extraterrestres. Celles-ci devront composer Virginie Liégeon
avec le nouveau monde où tout est différent : ici les
filles gentilles sont admirées, chose difficile pour
l’impétueuse Chocola, star sur sa planète.
La Fin des Temps T1
Un shojo de magical girl au top où règnent amour,
amitié, mais aussi humour. Le ton est assez léger Samuel Hiti
mais de grandes questions y sont abordées, Humanoïdes Associés
essentiellement dans les domaines des sentiments Juin 2007
envers les amis, les camarades de classe, les
parents… Le manga est adapté en animé sur la Samuel Hiti, né en 1975,
chaîne cablée Canal J mais il ne s’adresse pas qu’aux est un scénariste et
gamines. Les dessins sont sublimes, les planches en dessinateur indépendant
couleur du début sont un véritable régal. Moyoco Anno qui s’auto publie au moyen
réalise ici son meilleur manga, à mon avis. A dévorer de sa propre société : La
d’urgence ! Lux Comics. Outre La Fin
des temps (Tiempos
Virginie Liégeon Finales), il publie Goulash
et Death day. Les
Humanoïdes Associés
entreprennent la
Death Note publication de la présente
T4 série qui comptera neuf
albums. Le livre premier
nous fait découvrir Mario
Ohba & Obata
Roman, chasseur de
Kana– 06/ 2007
démons à San Pablo, et
son univers. Il reçoit, parce que la prime a été payée par les
Ryuuku est un prières d’un habitant, par une puissante entité qui l’active, la
shinigami (déité de la mission d’investir, en l’espace d’une nuit, l’antre de la cible
mort) ordinaire. Son et de détruire le démon qui s’y trouve.
seul et unique
problème actuel est Samuel Hiti nous offre un incroyable album qui ne
qu'il s'ennuie dans son ressemble à rien de ce qu’on a pu lire. Curieux mélange de
monde. Alors, pour se fantastique, de comics et de westerns spaghettis. On
divertir, il va laisser retrouve le souci du détail, le rythme de l’intrigue d’un Sergio
tomber son "Death Leone. Onirique, sombre, l’univers de l’auteur est un
Note", autrement dit mélange subtil de nombre de cultures tant littéraires que
son carnet de la mort, graphiques. Il joue avec les concepts, se plait à brouiller les
dans le monde des humains. Sachant que quiconque cartes et à gommer toute frontière entre le bien et le mal. Il
ramasse le Death Note en devient propriétaire, distille une ambiance déroutante, mais fascinante, renforcée
Ryuuku sait qu'il va s'amuser de cette manière. Le par un dessin aux traits épais, lourds, noirs, comme dans un
nouveau propriétaire du Death Note est Yagami Raïto cauchemar. Un Premier volume remarquable où il faut se
(nommé Light dans la version US et francophone), un laisser mener par le rythme hypnotique du récit.
jeune lycéen de 17 ans. Raïto est un élève plus que
brillant, mais il déteste vivre dans le monde actuel, Serge Perraud
détruit par l'argent et le pouvoir.
PAGE 9 CHRONIQUES BD
Claymore T4
Le Mal T2
Norihiro Yagi
Glénat PY & Houot
Juin 2007 Glénat – 06/ 2007

Depuis l’antiquité, les Le récit s’inspire de


hommes vivent et l’épidémie qui, en 1951, à
meurent dévorés par des Pont-Saint-Esprit,
démons. Pour en venir à bouleversa la vie locale et fit
bout, ils ont créé une race réapparaître la croyance en
de guerrières mi ce mal qui, après l’an mil,
humaines mi démones, ravagea l’Europe.
les Claymores. Dans Sonora a hérité d’une ruine
leurs rangs se trouve une située au bas du gros mur
Claymore effrayante de l'église. Il a entrepris des
appelée “Thérèse la travaux de restauration et
souriante”, considérée mis à jour une crypte, alors
comme la plus forte de que la région entre en
toutes. Un jour, elle croise effervescence avec la découverte du symbole moyenâgeux
le chemin de Claire, la de ceux qui ont échappé au “ Mal des Ardents ”. La
Claymore des tomes commune de Saint-Antoine est consignée, les entrées sont
précédents. Sous ses airs durs, Thérèse s’attache vite sévèrement filtrées. La vie économique s’arrête. Sonora
à Claire et grâce à elle, cette dernière retrouve la force pénètre, peu à peu, dans l’histoire et dans les secrets des
de parler. Mais pour sauver sa protégée des mains de habitants de la région. Mais n’est-il pas lui-même piégé par
malfrats, Thérèse doit enfreindre la règle qui stipule un mal au visage angélique ?
qu’une Claymore n’a pas le droit de tuer un être PY, avec son héros, fait une intrusion dans les mentalités
humain. Ainsi, trois autres Claymores sont lancées à quand les croyances, même les plus extravagantes, sont
ses trousses. prêtes à ressurgir. Et il en faut peu pour que les
Un bon shojo, agréable à lire, subtil mélange de superstitions, légendes, mouvements religieux, sectaires, et
fantastique et de fantasy. Il est intéressant de plonger autres fariboles, entraînent les populations dans des
dans le passé de Claire, ce qui nous éclaire sur maelströms de crédulité et d’aberration. Bien que superficiel
certaines de ses réactions durant les premiers tomes. sur les causes chimiques possibles d’un tel dérèglement, PY
Les scènes de combat entre Claymores sont signe un scénario solide et cohérent.
rythmées. Il est juste dommage que le graphisme soit Houot, qui excelle à faire ressentir l’ambiance des bistrots et
aussi répétitif à croquer les trognes des habitués, signe un dessin et une
mise en page très agréables à suivre. Un second volume qui
Virginie Liégeon confirme l’excellente impression laissée par le premier tome
et qui fait attendre la conclusion de cette trilogie avec
impatience.
Les Fils de la Louve T3 Serge Perraud
Pasarin - Weber
Le Lombard - 06/07 Global Frequency T1
Un jeune thésard en Warren Ellis
archéologie se découvre Panini Comics
affilié à la Rome Antique Juin 2007
et son histoire. Voyages
entre passé et présent, La Global Frequency est une
Luca affronte les fils de agence composée de 101
la Louve qui se jouent du membres, qui intervient lors
temps, condamné à d’événements amenant le
trouver le moyen le monde au bord de l’Apocalypse.
ramenant à son époque. Six histoires, six dessinateurs,
Ce troisième volume le six idées brillantes de SF. Si l’on
transporte à la occulte certains récits qui ont
Renaissance, pour une tendance à se conclure un peu
révélation de taille. Les aisément dans le feu et le sang,
dessins méticuleux et et le fait que le mystère qui
expressifs de Pasarin entoure l’agence ne sera jamais
nous entraînent à la suite du jeune héros, afin de révélé, l’histoire fait mouche et
comprendre la raison d’être de ces loups et comment elle sait comment conduire le lecteur jusqu’au dernier
briser le sortilège qui les lie à eux. Leçon d’histoire et feuillet. Il manque toutefois un petit quelque chose, un
de vie par l’intermédiaire du fantastique, qui ne prend hameçon, pour que l’on se sente un peu plus accroché à
jamais le pas sur la réalité des événements, nous l’intrigue… sans doute un fil rouge à l’ensemble de ces
avons là une aventure passionnante qui sait prendre aventures.
son temps pour nous avouer tous ses secrets.
Grégory Covin
Grégory Covin
PAGE 10 CHRONIQUES BD
Go! Go! Heaven T1 Avec son lot de bruits indésirables, de monstres.
D’affrontements. Tel est le prix à payer pour se rapprocher
Obara & Umino de la lumière et aspirer de nouveau à quelque air frais. A la
Kana– 05/ 2007 vie. C’est indéniablement un plaisir pour les yeux, mais
également un plaisir tout court de retrouver ce personnage à
Chaque année au part de l’univers super héroïque, avec le retour également
Japon, plus de 30000 du docteur Donald Blake, son pendant humain. L’idée qui
personnes se donnent vibre sous les possibilités de son retour à la vie, et de ce fait
la mort. Ce nombre est de tous les dieux, est intéressante – bien qu’elle paraisse un
plus élevé que celui des peu facile au départ -, et promet de belles surprises pour la
victimes d’accidents suite. A découvrir en français en 2008.
naturels ou de la route.
Pourtant, il n’attire pas Grégory Covin
l’attention des pouvoirs
publics. Cette passivité
montre bien que nous
évoluons dans une Io Memories
société où chacun vit
pour soi, où la vie Chris Lamquet
d’autrui n’a plus de Kana– 07/ 2007
valeur. C’est ainsi que
débute l’aventure de Les énigmatiques
Aya, jeune standardiste d’un sex shop ayant une Vecteurs nous content une
relation extraconjugale avec son patron ; de Himiko, histoire évoquant deux
superbe jeune femme adepte du sadomasochisme ; et légendes : celle de Dob's
de Michaelle, une jeune femme habillée comme une et de Leen. Deux
poupée gothique qui se complaît dans un mutisme créatures étranges du
total depuis des années. Toutes trois ont rendez vous point de vue des Vecteurs.
dans un café avec Julia, une musicienne, qui leur a Dob's, l'obscur pilote de
proposé via Internet un suicide collectif. Pour ce faire, remorqueurs spatiaux
elles décident de monter un groupe et de affecté par ses hormones,
s’électrocuter sur scène. Mais la vie va en décider et Leen la D-Lone,
autrement… créature femelle
Un sujet sombre et bien réel. Des vies elles aussi biologique, mais
tristement bien réelles dans notre société actuelle. néanmoins artificielle,
Entre rires et larmes, un superbe manga qui vous destinée à la satisfaction
amènera à réfléchir sur le sens de la vie, de la mort, des besoins physiques de la population masculine. Dob's
de l’amitié, des sentiments, le pouvoir de l’argent… voulait célébrer à sa manière ses 200.000 heures
Difficile de décrire avec des mots ce que l’on ressent d'existence en s'offrant un moment de détente avec une D-
en lisant ce livre. Indispensable ! (Attention : pour Lone. C'est ainsi qu'il fit la connaissance de Leen qui, ô
public averti, certaines scènes sont pornographiques). surprise, était pourvue d'une personnalité. Il semblerait que
cette Leen ne soit pas la D-Lone dont il avait passé
Virginie Liégeon commande. Cette impression est renforcée par deux faits :
la présence d'une holomémoire apparaissant dans le
nombril de Leen, et leur prise en chasse par des vectors (ou
missiles spatiaux).
Thor T1 C'est le début d'une saga où les deux héros improbables
(VO) sont pourchassé par les sbires d'Alkhan, commerçant de
produits qui veut à tout prix récupérer cette D-Lone bien
Straczynski & singulière. La narration des "Vecteurs" est une reproduction
Oliver Coipel des événements légendaires. Elle comprend des
Marvel descriptions de vaisseaux spatiaux ambiguës, des scènes
07/ 2007 que l'on pourrait qualifier de scabreuses, de nombreuses
réflexions des androïdes décidément très perplexes devant
les agissements des biologiques, sans oublier diverses
Après Ragnarok et
notes qui reflètent assez bien l'incompréhension culturelle
la fin des Dieux,
des Vecteurs. On peut d’ailleurs s'interroger sur l'identité de
Thor est de retour !
ces derniers. Or à la moitié du récit la narration bascule par
Comment,
une révélation colossale et se poursuit dans une autre
pourquoi ? C’est ce
direction. Ce pseudo-manga était destiné à un éditeur
que nous conte ce
japonais. Après une centaine de pages, les difficultés
premier épisode,
financières firent capoter le projet. Dix ans plus tard, Chris
dont on retiendra
Lamquet reprenait son œuvre, la remaniant et l'achevant
surtout les superbes
pour un public européen. Le space-opéra baroque basculait
dessins d’Olivier
dans les réflexions métaphysiques, avec des allusions
Coipel. Sur un
bibliques et au cycle de Mars d'Edgar Rice Burroughs. Cette
rythme lent, telle
singulière bande dessinée se distingue par son caractère
une mélodie qui
s’anime, on renoue avec un dieu qui croit sa vie hybride, source d'intérêt non négligeable.
terminée, parce que son destin a été écrit ainsi. Mais
le chant et les instruments qui l’accompagnent se font Damien Dhondt
plus vifs, plus violents, alors qu’une porte de sortie se
découvre. PAGE 11 CHRONIQUES BD
Copyrights Civil War 3 - McNiven/Marvel

C’était une petite habitude de savoir qu’un héros avait Leur premier choix sera d’exiler Hulk dans l’espace, afin de
sa nemesis, un ennemi intime, et toute une cour de débarrasser la planète de sa dangerosité, oubliant
vilains de plus ou moins grande envergure qu’il totalement qu’il fait partie des bons et qu’un homme se
affrontait au fil des numéros. Ces derniers temps, aux cache derrière le monstre. L’événement du nom de Planète
éditions Marvel, tout est en train de changer. Les amis Hulk puis World War Hulk, qui débute actuellement aux
font acte de trahison et s’affrontent, non pour le USA (en 2008 en France), a de quoi également intriguer de
meilleur et pour le pire. Juste pour le pire. Tout part la violence morale qu’il exerce sur les personnages.
commence avec l’événement 2006 aux USA (et Parce que l’engin qui a envoyé Hulk sur une autre planète –
actuellement diffusé chez Marvel France) intitulé Civil une sorte de monde arène, dans lequel les habitants se
War. Après une catastrophe qui entraîne la mort de battent, ce qui permettra à Hulk de s’élever au rang de roi et
plusieurs de centaines de civils innocents, le même de rencontrer la reine – explose, annihilant toute vie.
gouvernement décide d’agir et oblige les héros à Hulk organise dès lors son voyage retour afin de se venger,
s’identifier. Ceux qui refusent sont vus comme hors-la- et on le comprend. Bien évidemment, sur Terre, les héros
loi et rangés du même côté que les vilains. Ils sont qui ont fomenté son “renvoi définitif” se préparent au déluge.
pourchassés et emprisonnés. Quand ils ne servent Avec ce sentiment étrange d’avoir raison. On peut
pas d’exemples et se voient privés de leurs pouvoirs. également mentionner le cas Miss Hulk qui s’est vue tout
Deux camps se forment alors et s’affrontent : celui de simplement privée de ses pouvoirs quand elle a décidé,
Tony Stark (Iron Man), Red Richard (Mr Fantastic) et faisant partie du camp gouvernemental, de changer
Spider-man, contre Captain America, Daredevil, et d’équipe.
d’autres héros. Scénarisé par Mark (The Ultimates)
Millar et Steve McNiven, Civil War étonne par le ton Ce qui est également intéressant, est de noter quel genre de
sombre, les morts qui se succèdent, et cette confiance héros érige ces règles ou, tout du moins, obéit au
aveugle en un idéal dicté par la société, dépourvu de gouvernement. Red Richards, Tony Stark, voire Charles
la moindre liberté. La nouvelle identification du bad Xavier, représentent les cerveaux de la planète, les génies
guy n’est ainsi plus corrélée à ses actes physiques humains de l’univers Marvel. Est-ce à dire que la science,
(vols, agressions) mais à son adhésion sociétale, au pour avoir la conscience tranquille et opérer en paix (la
fait qu’il ait à accepter les lois sans chercher à les recherche est utilisée pour parquer les héros devenus vilains
remettre en cause. S’il refuse, il devient un vilain, un dans des camps ultra modernes et déportés dans une zone
déviant, et doit donc être pourchassé et arrêté. extérieure à la Terre), est le bras droit du gouvernement ?
Qu’elle est la première à se ranger et à s’incliner devant les
S’il n’y avait que cet exemple, on pourrait parler lois, y trouvant un profit ? Comme pour toutes les guerres,
d’originalité pour changer les petites habitudes les grandes entreprises apportent finances et technologies,
mentionnées plus haut. Les auteurs cherchent à et ce sont là ce que représentent ces protagonistes : Tony
laisser leurs marques, et Mark Millar sait souvent sur Stark, inventeur de talent, Red Richard, ouvrant des portes à
quels boutons appuyer pour attirer le regard des des dimensions inconnues, pour mieux y placer et
lecteurs et placer ses histoires dans les meilleures emprisonner les fauteurs de troubles, et concevoir des
ventes du moment. Mais en remontant plus avant, on armes inhibant les pouvoirs… Et comme pour toutes les
découvre des prémisses de ces opinions “coups de guerres, tous les moyens sont bons pour remporter la
massue” qui dérogent à la règle. Ainsi, une victoire, même si, pour cela, il faut vendre son âme au
communauté de héros, auto nommée Illuminée, diable ; les héros affiliés au gouvernement vont ainsi décider
réunissant Tony Stark, Red Richard (on les retrouve), d’engager les vilains pour retrouver et suspendre l’activité
Docteur Strange, Flèche Noire, Namor (le prince des des héros illégaux. L'enfant qui sommeille dans tout lecteur
mers) la Panthère Noire (roi du Wakanda) et Charles s'agite dans son sommeil, tant il réalise que l'éveil sera
Xavier (leader des Xmen) se regroupe pour décider du douloureux...
sort du monde.
PAGE 12 Marvel : La Fin des Héros
Ce qui peut paraître au premier abord surprenant, est
que Captain America est l’étendard qui claque au vent
et gifle aux faces de ceux qui bafouent la liberté
individuelle, même si pour cela il doit s’élever contre
son propre pays. Ou du moins les puissants qui le
représentent. En réalité, ce personnage a plus d’une
fois affronté les têtes pensantes et hommes de
l’ombre des Etats-Unis, il ne faut donc pas voir là une
utopie scénaristique de monter une icône à ce point
emblématique envers les USA. Captain est le héros
dans toute sa splendeur, au service du peuple
américain, non de ceux qui le dirigent. Ces derniers
ayant tenté plus d’une fois d’enlever cette carte du jeu
qu’ils manipulent parfois sans grand doigté. Il est le
militaire obligé à prendre les armes pour ne pas se
soumettre. Il est “monsieur tout le monde” qui va dire
non. Au gouvernement. A ses frères d’armes. Et qui
va mobiliser les autres pour le soulèvement.

Qu’en pensent les auteurs ? Quelle est donc leur


réponse à la question qu’ils soumettent, de savoir quel
est le groupe de héros qui a raison ? Ils parlent par le
biais des personnages qu’ils mettent en scène, et de
ce fait le lecteur perçoit les deux facettes de cette
pièce qui tourne sur elle-même, cherchant à tomber
sur la face qui lui fait de l’ombre. Quand on lit la série
Iron Man ou Fantastic Four, nous avons les visions
utopiques des hérauts qui tirent derrière eux l’histoire
et ses rebondissements, bons ou mauvais. Il est aisé
de reconnaître que les deux parties ont des idées qui
se défendent, mais que la psyché tourmentée des
protagonistes servant le gouvernement et sa loi est
celle qui est la plus soumise au déni, même si elle se
sait persuadée d’œuvrer du bon côté du gouffre qui
aspirera ses ennemis. Jamais encore de mémoire de
lecteur des héros s’étaient affrontés avec autant de
ferveur, de manque de pitié et d’écoute. Et il est
évident que les auteurs ne vont pas apporter de On peut bien évidemment se dire que tout ceci n’est rien de
réponse, mais laisser les lecteurs réfléchir et peser le plus que ce que nous prépare Marvel chaque année, à
pour de cette balance qui s'acharne de tout son poids savoir un événement sensé changer la face de son petit
sur son autre partie. Le monde des comics est univers, alors que l’on sait pertinemment qu’il n’en sera rien,
découpé en âges. L’âge d’or correspondant à ou si peu (voir House of M, soit beaucoup de bruits pour
l’époque, il y a quelques décennies de cela, où les pas grand chose). Mais ce qui est déterminant ici, c’est qu’il
morts n’existaient pas dans les comics, où les héros est tout simplement impensable de se dire qu’un tel récit
se battaient à coups de poings et emmenaient à la fin aurait pu être écrit il y a encore dix ans de cela. Il y a
de l’épisode le vilain repenti (du moins pour un toujours eu des auteurs avec assez de tripes (et assez
temps). La morale était sauve, quoi qu’il arrive. chanceux pour accoucher de ses idées apocalyptiques sans
Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une sorte les voir atténuer) pour nous pondre des séries qui remuent,
d’âge sombre, propice sans aucun doute à notre qui dérangent, et qui nous interrogent. Mais Civil War
temps, à une vision du monde faussée voire truquée, apporte une nuance, parce qu’elle va indéniablement au-
dans lequel il est difficile de se repérer et de savoir ce delà de ce qu’elle conte et nous fait lever les yeux vers un
qu’il est bon et en qui il est bon de croire. Du moins horizon qui dépasse son ciel de papier. Beaucoup de
pour tout ce qui concerne ce qui nous dépasse, tels lecteurs français avouent ne pas comprendre pourquoi ces
les hauts pouvoirs, les lois innombrables et les héros s’affrontent au lieu de discuter. Pourquoi tant de
moyens de régler les conflits. Et d’appréhender ce qui haine. Cette saga semble avoir ouvert l’ère Marvel à une
est différent. Les héros doivent faire face à des choix toute autre réalité. Et ce qui est terrible, c’est qu’elle
difficiles, via lesquels ils ne détiendront pas toutes les ressemble à la nôtre. La fiction, par sa guerre acharnée, a
réponses et, surtout, qui ne résoudront pas tous les trouvé la faille vers le réel. Pouvait-il en être autrement ?
problèmes.
Civil War est donc une saga à lire, pour sa simplicité – pas
En étendant ce curieux marasme, par exemple, aux la peine de bien connaître l'univers Marvel pour l'apprécier –
séries TV, Battlestar Galactica est un parfait exemple pour son ton unique et endiablé, et les changements qui
de deux camps qui s’affrontent, hommes versus vont en découler. Le visage de certains héros ne sera plus
machines, pour lesquels il est impossible de parler jamais le même, tout comme la vie de Spider-Man qui a
d’une simple bataille contre des bons et des vilains. révélé son identité au monde... Elle prépare, de plus, via le
Une guerre de volonté, plutôt, pour le pouvoir et la comportement de quelques protagonistes, le retour de Hulk
gloire. Pour savoir qui dirige et qui obéit. Qui a raison, dans World War Hulk, qui devrait être tout aussi explosif.
et qui a tord. Qu’il y ait une véracité réelle dans ce Que du plaisir, je vous dis !
conflit, le gagnant érigera ses propres lois, sa victoire
lui donnant tous les droits. Jusqu’à donner à son
ennemi le nom de vilain. Pour croire qu’il a toujours
agi pour la bonne cause…
PAGE 13 Marvel : La Fin des Héros
ApoEvangile(2).qxd 06/09/2007 13:46 Page 14

I ER ) L’Apocalypse
O SS es source d’inspiration pour la SF
D igin Valérie Revelut
r
(o
L’auteur du livre de l’Apocalypse (mot grec signifiant
révélation) est l’apôtre Jean, alors sur la fin de sa vie. Par
ses autres écrits, on sait que Jean est quelqu’un d’émo-
tionnel, d’empathique. Il transcrit sa pensée en images ou
en émotions, rarement d’une manière cartésienne. De
plus, comme pour tout livre prophétique, il est contraint de
décrire des choses qu’il ne connaît pas et qui peuvent lui
sembler incohérentes. C’est pourquoi ce dernier chapitre
est à la fois difficile à comprendre mais peut aussi avoir un
côté dérangeant car exposant des créatures ou des objets
n’existant pas à l’époque de la transcription ou même de
nos jours.
D’un côté littéraire, son style est direct et agréable. Les
phrases sont courtes, les pensées sont simplement énon-
cées et il transcrit les visions telles qu’il les perçoit, sans
les analyser. Conformément à la tradition de conteur ori-
ental, les événements ne sont pas linéaires mais sont sou-
vent repris à la manière d’une spirale, c’est à dire revenant
en arrière pour ensuite sauter une étape, un peu comme
les points arrières qu’effectue une couturière.

Pourquoi ? le Millénium (1000 ans de paix où le lion dormira à côté de


l’agneau),
Les livres prophétiques de quelque religion qu’ils soient
amènent un intérêt supplémentaire lorsqu’ils annoncent un Signes
événement à venir. Celui de l’Apocalypse parle de la fin
des temps et annonce des bouleversements tels qu’il a été Voici les signes qui permettront de reconnaître la fin des
craint par croyants et incroyants durant des millénaires (au temps. Vous en connaissez bien plus que vous l’imaginez
moins deux !). puisqu’il s’agit d’éléments utilisés dans l’imaginaire popu-
Selon les Chrétiens, la fin des temps permettra le règne de laire mais également dans les films catastrophes
Dieu sur la Terre et dans les Cieux, il s’agit également de d’Hollywood (Constantine, Le jour d’après, la triologie
la fin de Lucifer/Satan qui sera fait prisonnier après le Terminator, 28 jours plus tard, L’armée des 12 singes,
Millénium dans l’étang de feu avec ses disciples. Pour les Evan tout puissant, Le dernier combat, Zombie et ses
Satanistes (ou Lucifériens, membres de la Wicca, etc.), il suites, Mad Max, Fusion, Armageddon, Independance
s’agit bien sûr du contraire, c’est à dire le règne absolu de day, Soleil vert, Total Recall, La Momie I et II, Sunshine, Le
l’ange de lumière déchu. C’est pourquoi beaucoup de films survivant, Godzilla, Warlock 2, Le choc des mondes, et
utilisent l’Apocaplypse comme mobile au déchaînement bien d’autres).
des mouvements sectaires (Rosemary’s Baby, La La tribulation débutera par l’ouverture de 7 sceaux corres-
Malédiction, La Fin des temps, etc.). pondant à des plaies qui seront alors libérées sur la Terre.
Les quatre premiers sceaux sont les cavaliers (blanc :
Chronologie antéchrist - rouge : guerre - noir : famine - bleuâtre : mort).
S’ensuit le persécution et la mise à mort des croyants (5e
sceau) puis de nombreuses catastrophes naturelles s’a-
Pour situer la chronologie acceptée par la plupart des
battront sur la terre (6e sceau). Le septième sceau corre-
théologiens ou croyants, comptez à partir des premiers
spond lui à l’ouverture d’une fenêtre comprenant sept nou-
signes 3,5 ans. Alors la bête se sera levée d’entre les peu-
velles afflictions annoncées à chaque fois par un ange
ples, souillera le temple de Jérusalem alors reconstruit et
soufflant dans une trompette (dans l’ordre : la nature subit
mettra 3,5 ans à convaincre le reste du monde d’exter-
des averses de feu, séismes rendant les océans imprati-
miner Chrétiens sincères (certains pensant que le faux
cables, des météorites tombent et empoisonnent un tiers
prophète sera un pape catholique, il nous faut donc établir
des réserves d’eau douce de la planète, le soleil, la lune et
un différentiel) et Juifs. C’est pourquoi ces derniers
les étoiles perdent un tiers de leur luminosité, éruption vol-
afflueront en masse vers la terre promise. Décidée d’en
canique gigantesque entraînant une pollution importante
finir, l’alliance des peuples derrière l’antéchrist lèvera une
de l’air et invasion d’insectes mortels pour l’Homme,
armée gigantesque et la mènera par la vallée bordée du
extermination d’un tiers de l’humanité, apparition de la
mont Megiddo (en hébreux Armageddon, située actuelle-
Jérusalem Céleste). S’enchaînent des événements égale-
ment au nord de l’état d’Israël) pour l’envahir.
ment connus des néophytes comme la femme qui enfante
C’est à ce moment là que « celui qu’ils ont percé » appa-
un fils tout en étant poursuivie par le dragon, la bête qui
raîtra dans les nuées pour sauver son peuple et mettra un
monte de la mer et celle qui monte de la terre et la chute
terme à la seconde portion des 7 ans. Commencera alors
de la grande Babylone.

L’apocalypse selon SF ...l’Evangile source d’inspiration


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Babylone est le symbole biblique de ce qui se fait de pire d’une des plus grandes religions de l’humanité.
sur cette planète. Cité idolâtre et féroce, elle offre en sacri-
fice à ses dieux des jeunes enfants jetés dans un brasier, Valérie Revelut
le jour de l’actuelle Saint-Jean. La Babylone de
l’Apocalypse est reconnaissable par ses sept montagne A noter : les éléments rapportés en grec dans le nouveau testa-
sur laquelle une prostituée est assise. Certains y voient ment trouvent leur pendant dans l’ancien testament (ou ancienne
Rome où la papauté est posée et que l’on soupçonne alliance) dans les livres d’Esaïe, Ezéchiel, Daniel, mais également
dans l’évangile de Mathieu et la première épître aux
d’avoir vendu ses charmes au plus offrant. De plus, la ville
Thessaloniciens d’une manière suffisamment claire pour écarter
est entourée de suffisamment de collines pour en dénom- les problèmes de compréhension ou d’interprétation.
brer sept. D’autres (notamment les fondamentalistes
américains) y voient New York notamment car c’est un Les 7 sceaux représentent :
port riche et puissant (comme décrit dans le chapitre 18). La bête de la mer : sept têtes et 10 cornes
Ne dit-on pas que c’est la ville la plus influente de la Terre La bête de la terre : comme agneau, parle comme dragon 2 cornes
? Une femme libre, d’ailleurs en garde son entrée. C’est Le faux prophète (bête qui était et qui n'est plus)
Les deux témoins
pourquoi lors des attaques du 11 septembre 2001, de très
La femme
très nombreux observateurs anglo-saxons ont cru les Dragon
derniers jours arriver. L’impensable s’était produit : New 42 semaines = 3,5 ans
York était tombée sous les coups des infidèles. De nom- Marque de la bête (13/17)
breux films catastrophes prennent pour cible la ville phare Le nombre de la bête : 666
du monde occidental avec cette vision en filigrane. 7 anges et 7 plaies (chap 16)
1) ulcères pour ceux qui ont la marque de la bête
2) mer morte comme le sang d'un mort
Conclusion 3) eaux de source inutilisables
4) soleil brûle
La seule conclusion possible est de vous inciter à plonger 5) ténèbres
6) l'Euphrate asséché pour préparer le chemin vers Israel
vous-même dans ce livre, le dernier du canon officiel de la
7) cataclysme - fureur de la colère de Dieu
Bible. La fin du texte est une sommation limpide à La grande prostituée (ch 17) 7 têtes = 7 montagnes : 10 cornes =
quiconque y rajouterait quoi que ce soit et clôt donc d’une 10 hommes ayant la puissance des rois
manière définitive le livre prophétique le plus important

S
R
IE es) Le Léviathan
S th Virginie Liégeon
DO (my
Monstre marin phénicien, le Léviathan est la personnifica- s’éveillera, il provoquera un cataclysme terrifiant qui ra-
tion du Mal. Son nom signifie « monstre colossal ». vagera la planète dans le but d’anéantir le monde.
La créature semble être le symbole des forces agissant Pour les rabbins, Leviathan est également le nom d’un
contre Dieu, le Dragon des Abysses, le Prince des esprit infernal. Celui-ci est l’un des cardinal gouvernant
Tempêtes. En hébreux, son nom signifie approximative- l’une des parties du monde (le Midi dans son cas précis).
ment « ce qui est tiré de nous ». Il est dit qu’il est en Hobbes a donné le titre de Léviathan à un de ses
l’homme et qu’il se gonfle de sa force pour attaquer toutes ouvrages; il désigne par ce nom le pouvoir populaire; l’as-
les religions du monde. Il est dit également que personne similant au serpent de la Bible, monstre dont le prince
n’a jamais pu se rendre maître de cette créature. cherche à écraser la tête. On a également donné ce
Monstre féroce, un simple regard de lui terrasse. Sa surnom au télescope géant construit par Lord Rosse.
grande force est renforcée par une double cuirasse : son Léviathan est ainsi devenu l’incarnation de ce qui entrave,
dos semble composé de boucliers très serrés. Il crache handicape et paralyse : il est l’Egypte retenant prisonniers
des étincelles de feu par sa gueule et fume des naseaux. les Hébreux, le Babylone des exilés, le pouvoir asservis-
Son haleine ardente est capable d’allumer le charbon. Au seur, l’argent qui rend esclave les capitalistes… Il est ainsi
Moyen Age, il est représenté comme une grande gueule notre instinct sauvage, indiscipliné et rebelle envers Dieu.
avalant les âmes des pêcheurs. Il est la bouche des Il s’est infiltré partout : dans les structures sociales, les
enfers. Bien qu’il soit certainement un serpent marin mon- actions humaines, jusqu’au cœur même des hommes. Il
strueux, on ne connaît pas sa forme exacte. Certains par- est l’animalité qu’il faut vaincre, le Mal par excellence qu’il
lent d’un crocodile, d’autres d’une baleine. Et enfin cer- faut surmonter et vaincre. Dans la Bible, au Livre de Job
tains scientifiques de l’école “évolutionnariste” présup- (3:8, 40:25), seul Dieu et ses anges peuvent le terrasser.
posent qu’il aurait pu s’agir d’une variété de dinosaure,
aujourd’hui éteinte.
Un grand nombre de passages de l’ancien testament font
référence à Léviathan ou encore Rahab. Dans la mytholo-
gie phénicienne, il est issu du chaos primitif. Aux origines,
le Créateur l’aurait vaincu. Il s’est alors enfui dans la mer
où il simule de sommeiller. En réalité, il est à l’affût de nou-
velles victimes. Ennemi de Dieu et des hommes, il a été
enchaîné puis relâché. Il sait séduire à la manière de
Satan, dans le but de s’assurer des disciples. Lorsqu’il

L’apocalypse selon SF ...l’Evangile source d’inspiration


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I ER ) L’Apocalypse,
S S re
u
DO érat pendant et après, parcours littéraire
t t Emmanuel Collot
(li
annonce objective des terri-
Les apocalypses sociales bles futurs que nous nous
préparons ? Il est vrai que,
dans un monde informatisé
L’apocalypse est l’anticipation des possibles visages tor-
qui maximise la circulation
turés de notre futur. On pourrait penser sans trop nous
d’une information pas tou-
tromper que les visions folles d’un John Brunner ou d’un
jours réfléchie et méditée,
Harry Harrisson, sont actuellement d’une terrible actualité.
dans un monde où parfois
La science-fiction opère ici comme une banlieue de tous
se voit en action une
les possibles, ces terrains vagues dans lesquels se lovent
monopolisation des pen-
à la fois nos plus grandes espérances, mais aussi et
sées et des corps vers un
surtout, nos pires échecs et erreurs, ces enclaves
idéal de perfection, un
desquelles l’humanité a définitivement déserté.
monde où parfois il est
Le fameux no man’s land, ces banlieues du péril, n’étaient
même interdit de penser de
encore il y a trente ans qu’une fable. C’est aujourd’hui une
façon différente par rapport
réalité qui est venue à bout du “ progrès pour tous “. Le
aux pensées officielles, que
péril social, voilà la première phase vers Mad Max, voilà
ce soit dans la culture ou les
l’un des symptômes les plus parcourus par la fiction des
médias, l’individu doit par-
années 70/80, suivi de près par le péril atomique.
fois se demander si le Big
Brother ne fait pas déjà par-
Aldous Huxley est un auteur significatif pour mettre en
tie de notre réalité.
branle cette histoire des apocalypses, tout simplement
Là où la société devient elle-même déviante et dan-
parce qu’il remplit une première fonction. Dans son
gereuse, c’est bien quand elle ôte le libre arbitre.
Meilleurs des mondes, l’auteur nous dépeint l’une de ces
L’épreuve de 1984 est totale, entière, elle touche au plus
sociétés futures où l’homme est ramené à une fonction pri-
intime, l’amour. Mais en même temps, elle montre com-
maire, le monde s’étant recentré sur un consumérisme
bien une telle société reste improbable. Nous modélisons
tribal et sexuel. Bernard Marx est un homme dit normal, à
une société qui finit par nous échapper, mais ce que
savoir, conditionné dès la naissance à devenir un être
tendrait à nous expliquer l’auteur, c’est que l’utopie n’est
alpha, bêta ou gamma, comme tous ses semblables. Dans
pas et ne sera jamais un modèle de société humaine
cette société, que l’auteur situe en 632 After Ford (en
comme on l’a cru jadis, elle est une hypothétique forme
référence à Henry Ford, créateur de la célèbre marque de
totale dans laquelle nous pourrons retrouver les excès de
voitures), la société nous conditionne chimiquement et
notre propre monde, une sorte de matière brute et noire
hypnotiquement.
qui nous sert de modèle vil pour intimer un chemin à une
Le monde d’After Ford est on ne peut plus monotone,
société en constante évolution.
quand soudain surgit un sauvage, l’homme en total accord
Les personnages d’Orwell obéissent jusqu’à un certain
avec une nature devenue un trop lointain monde pour
point, puis c’est la rupture, puis l’enclenchement de la
avoir encore une signification dans l’esprit de Marx.
mécanique répressive. Il en suffit d’un pour ébranler le
Mais Marx a beau être un individu “ manqué “, comme il en
socle et tout suit, dit-on souvent. Reconnaissons plutôt
arrive dans toute chaîne de sélection, naturelle ou pas, il
que le révolté a une fonction primaire qui est qu’à un
n’aura pas la volonté de se révolter, et son alter ego
moment donné il fait un choix, et donc devient subversif.
sauvage se suicidera. Geste, sain ? Révolte impossible ?
Et en faisant un choix, il nous indique bien que dans tout
Société idéale ou absurde ? Le livre de Huxley n’a pas
marasme idéologique, il y a toujours une place pour la rai-
cessé de faire couler d’encre.
son raisonnante.
En renvoyant le marxisme et la société américaine de
consommation de masse du 20e siècle dos à dos, Huxley
Soleil vert de Harry Harrison se place dans le registre
aboutit à un statu quo amoral. C’est sous les oripeaux de
de la nausée. New-York, année 1999. La ville connaît une
la fameuse menace atomique ainsi que du nationalisme
existence proche de celle de Bombay, suite à la pollution
triomphant et des religions intolérantes, que Huxley fonde
engendrée par des années d’industrialisation sans ver-
son utopie, mais il y substitue une véritable tyrannie tech-
gogne. On y meurt de faim dans les rues, les gens sont en
nologique dans laquelle l’individu n’est plus qu’un électron,
quelque sorte parqués et contenus par un système répres-
dont la fonction est définitivement allouée à engrosser une
sif parfait. Les vieux sont vite évacués, on les oublie, ils
société comme d’une véritable entité, pour ne pas dire un
disparaissent. Puis, quand ce sont les réfractaires qui sont
ver qui grossit et grossit pour ne plus que se suffire à lui-
emportés dans les profondes pelles des tracteurs géants,
même. Condition dernière de l’homme ? Dernière société
on a commencé par se demander ce qu’ils devenaient,
possible ? Idéal d’une société dans laquelle tous les
certains du moins. C’est ce que va se demander ce poli-
désires satisfaits doivent concourir au bien de tous, même
cier, si docile à ses supérieurs auparavant, et avec
dans la mort, réduite à une évacuation d’un déchet ?
quelques autres, il ira jusqu’au bout de l’enfer. La trame
simpliste permet de voir dans le fil de la narration une allu-
Dans 1984, George Orwell met en relief toutes les tares
sion diffuse à la pauvreté cachée de l’Amérique. L’horreur
héritées du nazisme et du communisme. Pamphlet ou

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16 ... littérature
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qu’est devenu le simple fait Shalmaneser, qui baigne dans sa solution d’hélium liquide,
de manger pour survivre, est une sorte d’alter ego à Chad, sauf qu’il est encore plus
et le choix de figurer parmi énigmatique, enfermé qu’il est dans un rôle de pure obser-
les survivants cannibales, vation, un peu à la manière de big brother. Ce monde est
est sans conteste devenu en somme gouverné par deux puissances hégémoniques,
un classique de la littéra- les services secrets occidentaux et General Technics.
ture tout court. Mais ce qui Usant de la même écriture qu’un Burroughs, l’auteur nous
était perçu comme juxta- dévoile dans ce premier roman un aspect singulier de la
position de thèses pour société. La société de Brunner est définitivement une jun-
penser la vie ensemble la gle, faite de bitume, béton armé et autres matériaux com-
plus efficace chez Huxley, posites. L’orbite déchiqueté, qui se déroule en 2014, ira
et ce qui était perçu dans le sens d’une maximisation du marasme que vit la
comme modèle pour société humaine. Les antagonismes se sont exacerbés, la
penser le libre arbitre chez guerre civile est devenue l’affaire de groupements ayant
Orwell, devient avec fait main basse sur l’armement (ici la Gottschalk) , dis-
Harrisson un incroyable tribuant aux noirs à profusion, faisant payer le prix cher à
compte à rebours. Car, si des blancs retranchés dans un racisme et un protection-
la nourriture venait à man- nisme paranoïaque figé. Trois personnages tenteront
quer dans nos assiettes, d’enrayer la machine infernale de la Gottschalk. D’une part
que ferions nous ? Conroy, le sociologue déchu, le journaliste Matthew
Flamen, enfin le psychiatre Mogshack. Il est vrai que la fin
Le cas de John Brunner est tout aussi passionnant, si ce de ce tome 2 peut paraître en rupture avec le ton austère
n’est plus. Sa tétralogie sombre s’organise en quatre et désespérant du tome 1. Mais ce n’est qu’une façon de
volets, quatre visions pour décrire le monde de demain. A faire pour nous inviter à des suites bien plus sombres.
la fin des années 60, quatre romans auront raison des Le troisième volet, Le Troupeau aveugle se recentre sur
dernières illusions enthousiastes de la science-fiction. les signes climatiques touchant l’écosystème humain. La
Avec Brunner, l’apocalypse c’est demain. Nous n’avons vision qui en ressort est de fait plus éclatée, les océans
pas comme avec Orwell ou Huxley des intrigues linéaires, s’assèchent, une pluie acide finit d’achever un New-York
où, du début à la fin, on suit une intrigue unique, une anéanti par une guerre civile sans fin. Et les plaies de
intrigue qui raconte une fable ou met en scène une utopie. l’Egypte s’abattent sur les survivants, avec le cortège
Brunner c’est l’hyperréalisme aux portes de la cité, à tel habituel de microbes, virus et autres terreurs volatiles.
point qu’on y croit presque. La trame de la plupart de ses Austin Train, un philosophe, semble camper un possible
romans est faite d’un chapelet de vies dissociées, de véri- sauveur de l’humanité. Mais il échouera, et fera de la fin
tables histoires dans l’histoire, qui bien mieux qu’un Van lumineuse du tome 2 un effet de scène pour mieux nous
Vogt, pourraient donner lieu à d’autres romans. convier à un déterminisme total. Sur l’onde de choc, qua-
Brunner a fait imploser la fable moraliste d’un Huxley, ou trième volume, met en scène la dernière société, celle du
la vision déliquescente d’un Orwell pour nous donner une tout informatisé qui préfigure en beaucoup de points le
vision éclatée, cauchemardesque, mais dans laquelle tout mouvement cyberpunk. Là, l’homme réduit à une base de
passe par le regard des protagonistes. Brunner remet l’in- donnée tentera encore l’évasion impossible et le retour à
dividu au centre de l’histoire, il ne lui enlève pas son iden- ses origines de chasseur cueilleur. Brunner n’a pas de
tité. Chaque personnage prendra ainsi pied dans une sorte message à donner, ni même de solution, il se fait simple-
d’arrière cour de l’enfer, participant en quelque manière à ment le romancier d’une civilisation bien plus humaine que
sa chute ou luttant inutilement contre l’inéluctable. Les les utopies de Orwell et Huxley. En replaçant l’homme au
situations, les personnages, la multitude de plans et de milieu de toute chose, il n’en fait pas un héros, mais lui
focales permettent de voir sur grand écran un monde qui redonne sa fonction délibérante, ainsi que son libre arbitre.
sera le nôtre, ou du moins qui l’est en puissance. Dans
Tous à Zanzibar, l’auteur nous dévoile un premier niveau Les apocalypses climatiques
de son oeuvre. Nous sommes en l’an 2000, et New-York,
tenue par les déviants, est gouvernée par un homme et les guerres sans lendemains
nommé Chad Mulligan. Sombre mais aussi fascinant
qu’un personnage de cinéma, Chad est également l’auteur De prime abord, nous reconnaîtrons que ce domaine fut
d’un livre de la déliquescence. plus généreux en créations, tant le sujet de la grande
L’un des coups de génie de l’auteur est de mettre en catastrophe, bien plus que le mal social mis en avant
scène une histoire dans l’histoire qui aurait pu donner lieu précédemment, ont su durablement alimenter une filmo-
à de très intéressants prolongements, mais il s’en arrête graphie avide de sensationnel comme d’une production lit-
là, préférant amorcer des pistes possibles pour ensuite téraire enthousiaste et délibérément permissive. La lente
brusquement refermer les portes et nous brandir un miroir entropie de notre monde abreuve à ce point nos incon-
sur notre avenir. Autant dire que ce premier roman, dont scients en images dégénératives (Ballard) qu’il en ressort
l’action se déroule dans une poche de territoire délimitée un incroyable sentiment de satiété, comme si de “l’enfer
entre le Yatakang, qui est un semblant de démocratie c’est les autres” on en était arrivé à la réalisation du fan-
populaire adossée à la Chine rouge encore toute puis- tasme total, nous éveiller sain et sauf à un monde en train
sante, et le Neninia (comparable à certains pays africains de sombrer. Nous commencerons par les climats qui
de nos jours), une nation ayant payé chèrement sa liberté mutent ou brisent les liens sacrés, par la faute des
au prix d’une économie inexistante et une société s’enfer- hommes ou de celle du simple caprice d’un univers
mant dans de multiples enclaves allouées aux bandes soumis aux même règles de dépérissement. L’homme est
armées de tout poil. un gamin fou rongé par le feu démiurgique, et la terre une

Apocalypse selon SF Page


17 ... littérature
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Gaïa ayant si peu d’attention pour ses enfants qu’elle s’en Les apocalypses cosmiques
retourne sur elle-même sans prendre gare de les étouffer.
S’il y a une autre particularité des apocalypses, c’est
Impossible de commencer cette étude sans évoquer une
qu’elles peuvent s’apparenter aux foudres du ciel, justifiant
plume unique et centrale, celle de J.G. Ballard. Ici les
et par la même conspuant les prédicateurs de toute sorte,
apocalypses prennent plusieurs formes : l’eau (Le monde
puisqu’elles s’en prennent toutes aux hommes, sans faire
englouti) , l’air (Le vent de nulle part) , le feu (Sécheresse)
aucune différenciation. Quatre œuvres sortent du lot, Le
, et la dernière, la plus belle (La forêt de cristal) , qui
crépuscule des Biareus de Richard Cowper, Le nuage noir
ensemence d’un monde pétrifié par la grande peste de
et Inferno de Fred Hoyle, et Le jour des fous par Edmund
cristal, conférant aux choses et êtres vivants un soupçon
Cooper.
d’éternité. Ces quatre visions ont largement dépassé toute
horreur pour se figer en une série d’images d’une rare
Des trois auteurs susnommés, celui de Edmund Cooper
poésie (voir l’article sur Ballard dans ce même numéro).
est sans contestation possible le plus violent, le plus
extrême. Un jour, en Angleterre, le soleil se met à émettre
Si Ballard est l’auteur d’apocalypses, terme consacré,
des radiations mortelles, affectant à ce point sa population
John Christopher est l’auteur d’un cycle qu’on pourrait
que seuls les déviants, les simplets, les tueurs fous, les
intituler de “Variations cataclysmiques”. L’optique adoptée
obsédés et les dépravés ont survécu. Dès lors, les sur-
par l’auteur est plus simple et se déroule en trois volets
vivants devront faire face à un monde rendu aux meutes
distincts. Dans Terre brûlée, il nous est raconté comment
de rats et chiens qui ont pris possession des cités, tandis
un virus commence par s’en prendre à notre écosystème,
que les fous errent en solitaires ou en tribus avides d’as-
détruisant toute la végétation. Puis, insensiblement, ce
souvir toutes leurs pulsions primitives dans une Angleterre
sont les animaux qui succomberont pour laisser une pop-
plongée dans un nouvel âge sombre. Le héros est plutôt
ulation dans le désarroi. On suit alors, pas à pas la lente
un antihéros, le langage et le comportement celui des
retombée de l’humanité dans une ère barbare, où de la
Hooligans actuels. On viole comme on jure, on tue comme
peur, puis la terreur, les populations vont peu à peu
on respire, bref c’est l’enfer totalitaire d’un genre nouveau
renouer avec l’âme du sauvage qui demeure en chacun.
qui s’installe. La civilisation se désagrège, le tribal revient,
En quelques dizaines de pages, Christopher nous dresse
et le héros butera sa première petite amie pour s’en trou-
un portrait au vitriol du barbare qui se cache derrière le
ver une autre plus docile à la vie à deux. La fin connaît
grès fragile de la civilisation.
cependant un happy end, typique de la retenue et de la
L’hiver éternel est lui beaucoup plus simple encore. Un
convenance anglaise, après les effusions. On croirait
jour, l’hiver arrive comme chaque année, mais semble
presque que tout ce beau monde reprend son souffle dans
durer pour à jamais devenir l’unique saison d’un monde où
un demi-éden où on commence à refaire des enfants et de
désormais, on, quitte les pays dits civilisés pour émigrer
fait, renouer avec la civilisation et sa nécessaire éducation.
vers les pays d’Afrique, et revivre le génocide millénaire
d’un peuple. L’Angleterre s’oublie dans une mort certaine,
Fred Hoyle, anobli par la reine et brillant vulgarisateur
recouverte d’une épaisse couche de neige, alors que sa
scientifique est l’auteur de deux intéressantes “catastro-
population se lance dans un long exode. Les blancs s’ins-
phes cosmiques” . Dans Le Nuage noir, il ne s’agit pas
tallent dans des ghettos africains qui lentement deviennent
tant de préparer une humanité à la fin de tout mais bien à
leur dernier asile. Encore une fois, le traitement est radical
une confrontation radicale avec une forme de vie qui peut
et sans concession, Christopher nous dépeint avec réa-
s’apparenter à un cataclysme. Ainsi, un nuage de gaz
lisme ces moments de grand basculement où, d’un seul
interstellaire pénètre un beau jour dans l’atmosphère
coup, les rapports s’inversent, et le regard se modifie. Le
terrienne. Aussitôt, l’équilibre entier de notre écosystème
denier volume, The ragged Edge, inédit en France, va
se trouve chamboulé, engendrant cataclysmes, marées et
encore plus loin, car il s’agira de montrer les effets
tremblements de terres sur toute la surface du globe. Mais
titanesques d’un immense tremblement de terre au cœur
comme dans Rendez-vous avec Rama, le ton se com-
de nos civilisations. Quand les cartes géographiques se
plexifie et la seconde thématique du livre mue vite en une
modifient d’elle-même, c’est le paradoxe territorial qui s’in-
rencontre de l’impossible avec une forme de vie en totale
stalle, comme la disparition de la séparation entre
rupture avec nos conceptions sur la vie. Dans Inferno,
l’Angleterre et la France. Le ton est un peu plus ironique à
l’auteur enfoncera le clou, puisque là, une explosion venue
ce niveau, mais sous l’humour, ce n’est ni plus ni moins
du cœur de l’univers ravagera toute la surface de notre
que la véritable question du devenir, et plus, de l’adapta-
monde, plongeant les habitants dans un nouvel obscuran-
tion, qui se pose.
tisme mâtiné de folies sans plus aucune maîtrise. Mais
Trois livres forts pour éprouver un monde qui toujours peut
déjà la résistance s’organise, et des savant s’installeront
basculer, se transformer. La vertu de ces livres est tout
en Ecosse afin de fonder une nouvelle humanité ayant
simplement de nous rappeler aussi que nous sommes
pour pierre d’achoppement la raison toute puissante.
issus d’un même fond ancien et ténébreux, et que toujours
nous est possible de nous adapter aux mutations, même
Le Crépuscule de Briareus de Richard Cowper s’affiche
les plus radicale. Mais notre être social étant ce qu’il est,
comme un récit spiritualiste, bien qu’il s’inscrive dans la
en sommes nous encore capables ? C’est la validité des
mouvance des grandes catastrophes. Briareus est une
espèces à pouvoir survivre dans les conditions les plus
étoile se situant à quelques cent années lumière de la
extrêmes qui fait relief ici, même si la réponse de l’auteur
Terre. Mais, par quelque lien étrange, le jour où celle-ci
est on ne peut plus... fondée, et sans espoir.
devient une supernova, la Terre s’en trouve immédiate-
ment affectée. Progressivement, les hommes sont atteints
d’une stérilité telle que la population entière commence à
décliner. L’Angleterre sombre sous un hiver. Mais c’est

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dans le peu de nais- Le problème principal de ce premier recueil c’est la tem-


sances à venir que va poralité. En effet, on pourrait croire, en se remémorant la
se trouver le remède, période à laquelle il fut écrit (la fin des années 50) que le
sous la forme d’un nou- recueil n’avait peut-être pas assez baigné dans le sillage
veau messianisme. En de Vatican II, et que la catastrophe mise en scène, à
effet, les enfants qui savoir le conflit nucléaire, était quelque peu caduque. Mais
naissent se voient Miller ne s’en tient pas à ça. Ce qui fait saillie dans son
dotés d’incroyables récit ce serait plutôt des thématiques relevant de la
pouvoirs confinant au philosophie de l’histoire. L’histoire qui se répète, l’oubli,
prodige, au miracle. La l’humanité condamnée à toujours recommencer la même
fin de la civilisation se faute, nous sommes là en plein dans le déterminisme
mue en une nouvelle absolu. Tout est perdu, l’entropie est toute puissante,
fondation et l’humanité quelque soit le lieu d’où on la combat, même dans l’es-
trouve un second souf- pace. Avec Miller, la sélection des espèces se ramène à
fle. On sent déjà une sélection pour l’abattoir, les meilleurs surpassant les
poindre chez Cowper plus inaptes humainement ou les plus viles, pour se voir
les thématiques pro- répéter la même tare, ce besoin de conflit. Car, ce que ces
fondes d’un Card, et trois nouvelles fustigent le plus, c’est notre définitif pen-
même si le message chant animal, et notre incapacité à nous absoudre de nos
est plus atténué ici, il instincts tribaux. Les suites, pourtant remarquablement
confine au génie littéraire. achevées par Terry Bison, ne feront que prolonger les
mêmes thématiques, lassant une grande partie du lec-
Les mondes post-apocalyptiques, torat.
la guerre encore ou la paix toujours ? Dans le cycle de Corlay (trois volumes) , Richard
Cowper part d’une thématique plus romantique.
S’il est une fin du monde qui fut bien employée dans le Un jeune scientifique perd connaissance lors d’une
cinéma et la littérature de genre, c’est bien celle mettant expérience de privation sensorielle dans un laboratoire
en cause l’apocalypse nucléaire, accidentelle ou consécu- anglais. Un millénaire plus tard, en l’an 3000, une jeune
tive aux guerres. Ici, nous ne sommes plus dans l’immi- femme du nom de Jane repêche un naufragé un peu
nence ou dans la lutte sociale, mais dans un monde perdu, et par son acte va établir un lien entre deux épo-
d’après la chute, où une humanité grégaire va peu à peu ques. Dans cet an 3000, le culte de l’oiseau blanc, incarné
recommencer à bâtir ou à détruire, c’est selon. Trois ten- par Thomas le joueur de pipeau est en lutte avec une
dances doivent être analysées, les post-apocalyptiques Église intolérante. Le cycle s’achèvera au quatrième millé-
religieux, les post-apocalyptiques humanistes et les post- naire dans un palimpseste de transformations et de
apocalyptiques guerriers. retournements qui confine au chef d’œuvre. Cowper
rajoute deux choses dans cette saga, une histoire liant
Les post-apocalyptiques religieux deux êtres issus d’époques différentes, et une métaphore
de l’Église qui n’est qu’un mot. L’Église que fustige l’auteur
Deux œuvres phares se partagent le haut du pavé, Le peut se retrouver partout dans les diverses sphères
cycle de Leibowitz, par Walter M. Miller, Le cycle de Corlay humaines. On évoque souvent Miller, mais le ton poétique
par Richard Cowper. renvoie aussi au magnifique Le jeune homme, la mort et le
temps de Matheson, par ce lien qui soudain embrase deux
Le cycle de Leibowitz de Walter M. Miller se divise en êtres, puis deux époques. Une oeuvre fondamentale...
trois longues nouvelles. La première figure le moyen âge,
la seconde la Renaissance, et la troisième ce qui pourrait Les post-apocalyptiques
s’apparenter à notre époque contemporaine. Dans le pre-
mier texte, nous nous trouvons à la fin du XXe siècle, le
humanistes
monde a basculé, ravagé par la guerre atomique, et les
survivants, animés d’une haine sans pareille, se mirent Ouvrons les festivités avec un chef-d’oeuvre sans contes-
alors à détruire tout le savoir restant, frappé d’hérésie. tation possible. Même si on peut de prime abord reprocher
C’est Isaac Leibowitz qui sera le fondateur d’un ordre, les au Demain les chiens de Simak, certains détails naïfs,
Contrebandiers du livre, chargés de collecter et de com- typiques des années 50, cette histoire mettant en scène
pacter toute forme de savoir, afin de préparer l’avènement en huit nouvelles une humanité se racontant de vieilles
d’une nouvelle humanité. Six siècles plus tard, frère légendes sur le passé de ses habitants, est une brillante
Francis, tombe sur les reliques du beatus fondateur de illustration d’un paradoxe. Ainsi, ce sont les chiens qui ont
l’ordre. Dès lors, tout est possible, canonisation, recon- gagné la course à l’évolution. Et le soir, au cœur des cités
naissance, gloire... abandonnées, les plus vieux racontent aux chiots quelle
La dernière nouvelle nous entraîne quelques siècles plus drôle d’espèce les aurait précédés, sa folie comme ses
tard où la perspective de la fin de la barbarie se fait jour. merveilles. Par delà la rupture avec l’anthropocentrisme
L’obscurantisme bat de l’aile, mais la guerre est de nou- réconfortant, ces contes qui nous font doucement pleurer
veau aux portes d’un havre de paix. C’est Taddeo, un sur notre destin possible, nous font un peu réfléchir sur
savant éclairé, qui poursuivra la mise à jour des secrets de l’inconstance des choses, à commencer celle des civilisa-
l’abbaye de Saint Leibowitz. Mais la raison semble plus tions, aussi bien installées soient-elles.
intolérante que la religion, et des affrontements nouveaux
verront un nouveau conflit nucléaire. Le Fléau de Stephen King nous démontre une fois de

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plus qu’un roman fantastique peut allègrement voguer sur tion n’est qu’une épreuve pour nous immerger dans un
les plates bandes de la sf sans pour autant s’en réclamer monde qui lentement connaît une nouvelle genèse. L’un
directement. Suite à une mauvais manipulation, un virus des monuments du genre...
commence à se répandre sur terre, provoquant un cata-
clysme qui ravagera toute l’humanité, sauf les fous, les Les post-apocalyptiques guerriers
déviants et les simples d’esprits. Dieu n’a-t-il pas dit que
les simples d’esprit auraient accès au paradis en premier
Ici, les œuvres sont
? Qu’à cela ne tienne, King les fait survivre dans l’enfer sur
nombreuses, trop peut-
terre, et fait passer le livre de Cooper Le jour des fous
être pour susciter une
comme une simple bagatelle. Des groupes se formeront
analyse globale. Tout
pourtant, des îlots de résistance conduit par une mys-
au plus nous nous con-
térieuse femme, alors que le terrifiant Randal Flagg con-
tenterons de faire
tinue d’installer son propre règne. King nous montre
quelques gros plans
encore une fois l’envers du décor de la grande Amérique,
sur des œuvres atypi-
probablement pour nous montrer non pas ce dont elle est
ques et essentielles.
porteuse, mais comment elle devrait se revendiquer. On y
perçoit aussi, dans le fil des lignes, de puissantes remar-
La planète des singes
ques sur la société de consommation, Hollywood, le pou-
de Pierre Boulle et Le
voir, et cet obscur objet du savoir, le sexe, pourtant trans-
Règne du gorille de
formé dans ce récit en une quête timide et hésitante de
Sprague de Camp ont
l’amour. Un récit violent mais qui distille cependant une
ce point commun qui
douceur discrète qui devient une fois le livre refermé, une
est de penser le para-
espérance. Comme quoi, la fonction cathartique du récit,
doxe temporel par le
peu toucher bien des domaines...
truchement d’accident.
Si le premier voit un
Bucolique, naïveté, foi pastorale, le récit de David Brin,
voilier de l’espace
Le Facteur, est là pour nous raconter une Amérique rava-
passer par quelque
gées par le conflit nucléaire, et dont les partisans et les
vortex temporel pour
adversaires dans ce monde de l’après bombe en une
échouer sur une planète terre où les singes ont pris le pou-
espèce de guerre de tranchée. Plusieurs destins se
voir, ceux de Sprague De Camp, ont simplement eu un
nouent et réalisent en petit de grandes choses pour le
accident de bus. Une perte de conscience et voilà qu’ils se
groupe, et de fait pour l’humanité, tel cet homme qui un
retrouvent à la lisière d’une jungle où ils découvriront
jour tombe sur une panoplie de facteur. Se réchauffant et
également un monde totalement étranger au leur, mais qui
lisant de simples lettres devant son feu le soir, il va lui
pourtant leur est quelque part familier.
prendre une idée folle. Demain, il s’improvisera facteur, et
Le roman de Pierre Boulle se montre nettement plus
parcourra le monde, à savoir l’Amérique, pour y distribuer
cynique quoique atténué par cette civilisation de singes si
un courrier en attente depuis trop longtemps. Mais sa folle
attachants dans le fond. Le récit de Sprague De Camp est
entreprise semble bénie des dieux, et malgré les
plus ironique, voir même léger. Mais tous deux nous met-
épreuves, on suit avec passion cette odyssée du lien
tent en scène des civilisations s’étant définitivement
social, où un solitaire va faire se souder à nouveau des
débarrassé des hommes ou du moins, les ayant relégué
communautés éparses sous un nouveau pacte social.
au rang d’animaux. Le renversement des rapports
La communication, telle est la thématique centrale de ce
provoque cependant l’effet inverse, les singes sont comme
récit, un peu trop facilement taxé de léger. L’auteur y
les hommes, aussi prompts à se détruire qu’à chercher
déploiera des trésors d’humanité pour mettre à jour d’un
complots et trahisons, bref, ils sont humains trop humains,
roman sincère et intimiste, dans lequel un homme éveil
eux aussi. La focale est différente pour chacun des roman
une nation en même temps qu’il offre un nouveau sens à
mais les univers décrits, les sociétés et modes de pensées
sa vie de vagabond.
font penser que notre évolution, à nous hommes ou
singes, se passe entre un moyen âge éclairé et une vision
Kim Stanley Robinson se veut plus fondateur dans son
moderne mais grotesque ou nous nous figurons être tou-
roman, Le Rivage oublié, premier d’une série intitulée
jours les derniers et premiers d’une longue chaîne de vie.
Orange county, dont l’influence pastorale est évidente.
Deux lectures fondamentales, humanistes d’un certain
Le comté d’Ornofe est une contrée mythique de Californie.
point de vue, mais qui, au grès des bandes dessinées et
Dans une communauté isolée après l’apocalypse, dans un
des franchises, vont peu à peu engendrer un univers guer-
territoire lui-même isolé du monde, un vieil homme du nom
rier.
de Tom est le porteur de mémoire du groupe. Il est le seul
à se souvenir du grand événement que fut l’introduction en
Terre champs de batailles et Final Blackout de
secret sur le territoire de milliers de bombes atomiques par
Lafayette Ron Hubbard sont des récits forts réussis,
les Russes. Henry est un peu son meilleurs public. Jeune
surtout pour le premier, et les éditeurs ne s’étaient sans
et insouciant, il rêve de redonner à son pays la gloire de
doute pas trompés en les traduisant jadis, même dans des
son passé devenu mythique à présent. Puis, leur commu-
versions tronquées. Le premier, est un récit dans l’esprit
nauté est soudain contactée par la résistance en prove-
d’un Edmond Hamilton ou d’un Burroughs. Les person-
nance de San Diego. Un livre est également amené et
nages sont extrêmement vivants et on s’amuse à suivre
soumis à Tom. Il relate le voyage autour du monde d’un
les déambulations d’un Johnny Goodboy Tyler (un nom à
américain ayant réussi à quitter le pays. Besogneux et
prendre presque au pied de la lettre) contre les Psychlos.
méticuleux au possible, Robinson se lance dans une
Les tribulations de ces prisonniers contre un envahisseur
fresque originale, et dont la lenteur pour installer la situa-

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sanguinaire set notre dépouillement programmé et définitif, jusqu’aux os.


hégémoniques sont De là à dire que Di Rollo a enfanté de la véritable nouvelle
tout de même à sf française, il n’y a qu’un pas qu’on franchirait allègre-
inscrire comme ment, bien que ce soit le mot sf française qui soit trop étroit
quasi classique du pour un tel génie du mot, et mieux, de l’indice...
genre. Bien enten-
du, le problème est Les nouveaux monstres : Maddrax
celui de la
Scientologie. A
Maddrax est la série SF Fantasy actuellement la plus
quel moment faire
vendue en Allemagne
la part des choses
2012: une comète percute la Terre.
entre un pur récit
2512: Matt Drax, apres un saut temporel de 500 ans, se
post-apocalyptique
retrouve dans un monde a redécouvrir et ou des descen-
et un bréviaire sci-
dants de survivants totalement inattendus l’attendent.
entologue du par-
Inspiré quelque peu de Buck Rogers (c’est à peu de
fait comploteur ? Le
choses près la même thématique temporelle), cette écra-
débat reste ouvert.
sante saga sans complexe est une invitation à l’aventure,
Ceci dit, le style est
tout simplement. Dans des décors grandioses et des
plutôt abouti, le
paysages sauvages, Matt Drax fera un peu comme le
sens de l’aventure
Richard Blade de Jeffrey Lord, il arpentera tel un pionnier
entier, et le pit-
dans un Far West imaginaire, un monde revenu à une bar-
toresque assez
barie ancienne, planté de vestiges encore survivants de
exotique pour nous emporter loin de notre quotidien.
l’ancienne civilisation humaine. Une perle du genre et un
Quant au second roman, Final Blackout, il est une sorte de
monument qui se dévore comme un pancake. En renouant
journal de bord tenu par un lieutenant lors d’une guerre
avec le pulp, les Allemands ont sans doute donné là une
universelle, mobilisée par des médias sans scrupules. Le
excellente franchise basée sur l’aventure à tout crin.
ton est plus sarcastique, frôlant le pamphlet pro militaire
parfois, mais il n’en est rien. C’est une oeuvre profondé-
ment humaniste qui mériterait d’être redécouverte pour La fin du monde c’est quand ?
son ton outré et sa galerie de personnages attachants. Il
est nécessaire de rappeler que Hubbard n’était pas tou- Jouer avec la fin, abuser des procédés créatifs pour
jours le tâcheron qu’on l’a accusé d’être, sauf peut-être inscrire a rebours notre légende, voilà ce à quoi nous nous
dans l’interminable et poussif Mission Terre qui eut pour- amusons. Oublier non pas notre peur de la fin de notre
tant autant de succès. SF fast-food ou hommage à l’anti- civilisation, mais aussi et surtout de notre impossibilité
cipation des années 40/50 ? Le fait est qu’on pourra se d’assister à cette fin, notre peur de partir avant que ne
surprendre à éprouver du plaisir à lire Hubbard avec un commence la dernière représentation...
regard moins critique, même si c’est parfois encore trop
patriotique. Mais les Américains ne sont-ils pas parfois des
extraterrestres ? Lire leur fiction n’est-il pas un voyage en Autres visages
soit ?
d’apocalypse
Le cas étrange de Mr Di Rollo par Sandrine M. Lamoureux
S’il y a bien une plume d’exception à signaler dans nos L’apocalypse fait partie de nos pires craintes, et elle se
mornes plaines c’est bien celle de Thierry Di Rollo. En concrétise entre autres avec la possibilité d’une guerre
l’espace de quelques courts romans, cet auteur discret a bactériologique ou chimique, d’un virus destructeur, que
su édifier une espèce d’esthétique de l’entropie, mâtinée beaucoup d’écrivains exploitent dans des récits d’anticipa-
de prodigieuses visions hallucinogènes propres à faire de tion. Dean R. Koontz, par exemple, est un auteur améri-
la sf française quelque chose de définitivement européen cain qui a publié une cinquantaine de romans, dont La
avant la carte. Que ce soit les trois épaves humaines de Peste grise (Pocket 9035, rééd. 1989). Paul Annendale
La Lumière des morts ou la symbiotique vision de vient passer comme à l’habitude ses vacances en famille
l’éléphant dans Meddik, Di Rollo aborde la fin du monde dans une petite bourgade isolée du nom de Black River.
d’une manière tout à fait singulière. A quoi bon s’offusquer Mais l’atmosphère y est soudain pesante. Les gens souf-
des grandes décrépitudes, puisqu’à l’imitation d’un frent d’une mystérieuse grippe, changent, et le héros com-
Brussolo, les personnages de Di Rollo acceptent défini- prend qu’il s’agit d’un terrible complot, au milieu duquel il
tivement leur part de pourriture. On peut même dire qu’ils sera un rouage imprévu et dérangeant. Le roman est
la mettent en avant et l’éprouvent comme faisant partie de construit à partir de courts flash-back successifs, chaque
la vie même, magma tout aussi informe. L’esprit enfin, chapitre éclairant le précédent. Dès le début, on assiste à
autant nourri des drogues d’un Poe que des stances un acte de terrorisme, l’empoisonnement d’une rivière,
rageuses et perverses d’un Baudelaire, n’en sort que plus puis au suicide des auteurs à la suite d’un mystérieux coup
vivifié, non pas transformé mais réconcilié avec son corps de téléphone. En réalité, un milliardaire, un savant et un
morcelé et sa vision définitivement fausse sur le monde, groupe de mercenaires armés se livrent à une expérience
qui du coup devient celle d’un démiurge un peu ivre, ivre grandeur nature sur le cerveau humain : utiliser la persua-
de cette vie qui s’échappe. C’est à une sombre célébration sion subliminale en l’optimisant à l’aide d’une drogue ver-
que nous convie l’auteur, celle de la certitude définitive de sée dans l’eau pour faire des gens des esclaves et devenir

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à terme les maîtres de la planète toute entière. Mais tous Baissera-t-il les bras, ou sera-t-il finalement vaincu ?
n’ont pas été contaminés, et la lutte entre les terroristes et
les rescapés fait rage. Dean R. Koontz cherche à toujours
rester dans le plausible, mais le livre vire assez rapide- L’apocalypse selon
ment au roman de gare, et l’édition française est farcie de
coquilles, ce qui n’est pas forcément du meilleur effet.
Beaucoup plus élaboré, La Mort blanche (Robert Laffont,
Serge Brussolo !
1983) est un roman du célèbre Frank Herbert, l’auteur de Par Serge Perraud
la saga Dune (1965 pour le premier tome). En voyage à
Dublin, le microbiologiste John O’Neill assiste impuissant Bien qu’ayant à ce jour imaginé, dans plus de cent vingt
à la mort de sa femme et de ses deux jumeaux de cinq ans romans, des situations catastrophiques, effroyables pour
dans un attentat à la voiture piégée. Dès lors, il devient Le ses héroïnes et ses héros, Serge Brussolo a peu évoqué
Fou, invente la «peste blanche», une maladie qui ne les conséquences directes d’une apocalypse. Par contre,
frappe que les femmes, les hommes étant porteurs sains, nombre de ses romans évoquent, à terme, la fin d’une
et éradique petit à petit la moitié de la population humaine. communauté, d’une société, d’un monde par la transfor-
Le seul rempart des gouvernements : brûler les zones mation des individus ou leur disparition. En effet, l’auteur
contaminées ou les rayer de la carte à l’aide de bombes privilégie, pour l’élaboration de la situation dramatique, la
atomiques. Le livre présente plusieurs intérêts : l’apoca- mutation, l’évolution naturelle, ou provoquée d’ailleurs, ou
lypse est engendrée par un homme seul, qui crée une la situation de fait. Dans ce cas, les conditions du lieu con-
arme dans un laboratoire de fortune. Nul n’est à l’abri traignent ceux qui veulent rester à chercher toutes les
d’une telle menace bactériologique. De plus, l’auteur s’at- solutions pour y parvenir. C’est, par exemple, une planète
tache à la psychologie de ses personnages : comment de boue, une terre balayée par les vents si violents…
devient-on un terroriste ? Comment réagit-on lorsqu’on L’auteur traite aussi, soit des conditions de vie précaires
doit prendre des déci- qui se dégradent brusquement sous une impulsion
sions radicales au plus extérieure, soit une initiative humaine qui tourne mal
haut degré de l’état ? comme le produit pour tatouage mobile dans Les Semeurs
Comment les sociétés d’abîmes ou les monuments funéraires qui deviennent
s’organisent-elles ? indestructibles dans Ce qui mordait le ciel... Il invente
Comment distinguer le également le virus migratoire dans Ambulance cannibale
Bien du Mal ? Qui est non identifiée. Comment concevoir une société pérenne
humain ? Comme tou- faite de marcheurs sans cesse en mouvement ?
jours, Frank Herbert Mais le plus souvent, l’auteur joue avec les nerfs de ses
dépasse le simple lecteurs par des effets de terreur, d’angoisse, provenant
cadre de la science- d’une confrontation des personnages avec des situations
fiction pour nous pro- « baroquement » inconnues, des intrigues à teneur fan-
poser une véritable tastique. La menace est diffuse, les héros frôlent alors la
réflexion politico paranoïa, mais font face à un danger bien réel.
philosophique sur Cependant, dans deux romans, Rinocérox et Mange-
notre société et son Monde, il examine les conséquences d’un conflit terrible et
mode de pensée. développe une intrigue post-apocalyptique. Celle-ci est
Deux bémols : les cha- conçue avec une rare efficacité pour amener la fin de l’hu-
peaux, en tête de manité.
chapitres, ne sont pas
toujours très explici-
tes ; et la fin du livre
Rinocérox
est décevante.
Une guerre a dévasté la Terre. Presque tous les bel-
Beaucoup plus noir et carrément culte, Je suis une ligérants sont morts, mais les hostilités continuent par le
légende de James Matheson, dont il convient de TOUT biais d’engins de combat entièrement robotisés, des chars
lire (Folio SF, première édition en 1954) dont une nouvelle inusables qui continuent de tout laminer sur leur passage.
adaptation (après celle de 1964) sera sur nos écrans le 14 Les quelques survivants adultes sont terrés dans des
décembre prochain, avec Will Smith dans le rôle titre cratères gigantesques ouverts par des bombes. Ils sur-
(bande annonce et extraits sur : vivent accrochés aux parois pour échapper aux robots
http://cinemaximal.blogspot.com/2007/06/bande-annonce- volants qui les guettent. Ceux-ci, équipés de scanners,
de-je-suis-une-lgende.html). Robert Neville est le seul sur- identifient les êtres humains et sont programmés pour tuer
vivant d’une pandémie qui a transformé le reste de l’hu- toute personne pubère. Ainsi hommes et femmes sont car-
manité en vampires. Mais qu’est-ce qui définit la normalité bonisés par le faisceau lumineux de ces oiseaux. Seuls les
: peut-on se dire homme» lorsqu’on est le seul représen- enfants peuvent vivre à l’extérieur. Mais quand l’adoles-
tant de son espèce ? Chaque nuit est un cauchemar pour cence arrive pour l’un d’entre eux, il doit trouver refuge
le dernier des êtres humains, terré chez lui, assiégé par dans un de ces cratères pour ne pas mourir foudroyé.
des centaines de vampires qui étaient autrefois ses Les enfants déambulent en groupes, prenant garde de ne
voisins, ses amis, ses concitoyens. Chaque journée se pas se faire écraser par les blindés. Le chef d’un de ces
transforme en une longue errance à la recherche d’un petits groupes pense avoir une idée ingénieuse. Il veut
autre survivant, de vampires endormis à détruire, et des faire grimper les enfants sur la carapace de l’un des chars
causes de cette incroyable mutation, le héros étant par et essayer de s’emparer des commandes du Rinocérox
ailleurs biologiste. Combien de temps survivra-t-il ? comme l’appellent les petits. Ils y vivraient à l’abri. Mais

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n’est-ce pas le début d’un voy- où seuls quelques nantis vivent luxueusement pendant
age vers l’enfer ? que le reste de la population survit difficilement avec la
règle des 15/15 : 15 degrés de température et 1500 calo-
Mange-Monde ries par jour.
L’énergie, quelle que soit sa forme, devient l’objet de
toutes les convoitises. Tout est bon pour produire de la
La guerre est finie mais la quan-
chaleur. Les baleines et les phoques, n’ayant plus été
tité astronomique de bombes
chassés, ni massacrés pendant des siècles forment d’im-
sismiques lâchée dans les
menses troupeaux. Leur graisse donne une huile excel-
océans continue d’exploser
lente comme carburant. Les cadavres humains congelés
faisant disparaître des pans de
deviendront également des combustibles recherchés.
territoires dans les mers. Des
Alors que les hommes du chaud survivent péniblement,
pays entiers ont été rayés de la
apparaissent des êtres parfaitement adaptés aux rigueurs
carte. La France s’effondre
climatiques : les Roux. Ceux-ci, placides et pacifiques,
également et le pays se réduit à
sont couverts de poils. Ils vivent nus sur la banquise, indif-
un archipel de terres éparses
férents aux biens matériels. Ces Roux sont considérés,
plus ou moins grandes qui abritent les survivants. Entre
par beaucoup, comme des animaux, au mieux comme des
les différentes îles, les relations sont difficiles. Pour éviter
sauvages. Les hommes du chaud les réduisent en
que les communautés se développent de façon anar-
esclavage, leur imposant contre une maigre pitance, de
chique, que l’identité nationale s’efface, que la notion de
gratter la glace qui envahie les coupoles sous lesquelles
patrie s’oublie, ce qui reste des autorités décident de créer
s’abritent les stations. Ils semblent être apparus avec l’ar-
une nouvelle école de sculpture. Les artistes, formés au
rivée des glaces mais leur origine reste un mystère.
maniement des explosifs, naviguent de terre en terre à
Cependant, quelle est la durée écoulée entre la catastro-
bord d’une canonnière et redonnent à chaque parcelle les
phe et les sociétés renaissantes ? Moins de trois siècles
contours de l’ancien Hexagone. Ainsi, chacun pourra vivre
affirme la doctrine officielle, plus de deux millénaires
dans une France en miniature. Mais, avec Serge Brussolo,
répond, sous le manteau, une rumeur persistante.
rien n’est jamais sans danger…
Lien Rag, un modeste glaciologue s’insurge contre la
déportation et le massacre de populations et se mobilise
G.-J. Arnaud pour retrouver une explication sur l’origine des Roux. Cela
constituera l’essentiel de la quête de cet éternel révolté,
jette un froid ! contestataire de sociétés totalitaires.

Par Serge Perraud Voici le cadre du démarrage de la formidable aventure de


la Compagnie des glaces. Bien sûr, les événements vont
se précipiter, les situations évoluer, les certitudes vaciller,
Dans la catégorie des apocalypses et autres cataclysmes,
les vérités se contredire pour, au fil des pages, des vol-
La Compagnie des glaces est un monument. G.-J. Arnaud,
umes, prendre des directions encore inconnues, aborder
alors que l’heure n’est pas encore à la pensée unique sur
des sujets, des thèmes encore ignorés. (Même de l’au-
le réchauffement climatique, imagine une nouvelle ère
teur).
glaciaire, qu’il place en 2050, c’est-à-dire… demain !
G.-J. Arnaud va, au long des 12 000 pages qui constituent
La lune, transformée en décharge sauvage pour déchets
le premier volet, aborder presque tous les thèmes qui
nucléaires, a explosé. L’immense quantité de poussières
fondent la littérature populaire. Il va aussi faire œuvre de
produite a rapidement enveloppé la Terre, empêchant les
sociologue, d’anthropologue, de politologue, mêlant à l’ac-
rayons du soleil de réchauffer l’atmosphère. Le froid s’in-
tion mille occasions d’évoquer et d’illustrer les maux et les
stalle et amène le gel rapide de la croûte terrestre. Les
remèdes de chaque type de société, les carences et les
populations meurent sur place, les installations sont recou-
insuffisances de tel ou tel choix politiques, stratégiques.
vertes de glace et la civilisation s’éteint. La Terre n’est plus
qu’une boule où la glace peut atteindre plus de trois cents Avec cette saga, c’est le bilan de l’histoire du 20e siècle
mètres d’épaisseur. Les rares survivants, après une pério- qui est présenté sous nos yeux. Il devient zoologue, con-
de de survie primaire, s’adaptent et réorganisent une cevant au fur et à mesure de la construction de son
structure sociale à partir du train. La surface gelée se cou- univers nombre d’animaux, adaptant des races d’aujour-
vre d’un réseau ferré qui se densifie au fil des années. Les d’hui aux contraintes du froid. Il se fait ethnologue, suivant
humains se réfugient sous des dômes et vivent dans des avec intérêt l’évolution de ses groupements humains,
trains. Tout est mobile. scrutant avec passion leurs réactions aux contraintes qu’il
Cinq compagnies se partagent l’essentiel de la planète. invente.
Elles se comportent comme de véritables états. Elles
légifèrent et dans un accord proclament que le seul mode
de déplacement est le rail. Tout autre mode est interdit et
sévèrement réprimé. La devise martelée sans cesse par
les représentants des compagnies devient : « Hors du rail,
point de salut. L’immobilisme, c’est la mort, le rail c’est la
vie ».

Chacune instaure, à l’intérieur de sa concession, un


régime politique différent mais qui aboutit à un mode de
gouvernement dictatorial. Une société de caste émerge,

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I ER James G. Ballard
O SS s) et les quatre couleurs de l’Apocalypse
D ivre
(l Hervé Lagoguey

S’il est un auteur de science-fiction dont le nom est


légitimement associé aux images de l’apocalypse, il s’agit
bien de l’Anglais J.G. Ballard, qui dans ses quatre pre-
miers romans s’est ingénié à détruire non pas la Terre en
soi, mais le monde que les hommes y avaient édifié. Dans
le Livre d’or de la science-fiction que Presses Pocket lui
avait consacré en 1980, Robert Louit avait d’ailleurs intit-
ulé son excellente préface Le chirurgien de l’apocalypse.
Sans que Ballard fasse réellement preuve de préoccupa-
tions écologiques à la manière d’un Andrevon, c’est par la
Nature et par les éléments que survient le désastre dans
ses récits. Dans l’ordre de parution : l’air, l’eau, le feu, et
la terre. Il est de coutume de parler du “quatuor cata-
clysmique” ou du “cycle des éléments” pour se référer à
ces romans catastrophes parus dans les années 60, alors
que Ballard était déjà passé maître dans l’art de nouvelle,
mais chacun d’entre eux peut se lire indépendamment.
Ballard n’est pas un auteur à écrire des séries ou même
des cycles, en dépit des étiquettes que l’on appose à ses
œuvres a posteriori, afin de reconstruire un parcours lit-
téraire, réflexif ou expérimental. En revanche, il est évident
qu’il ne cesse d’écrire sur quelques thèmes obsession-
nels, en l’occurrence la fin du monde ou d’un monde.
englouti (1962) où, suite au réchauffement de la planète,
La fin du monde à la carte la montée des eaux a transformé ce qui reste des terres
émergées en vaste jungle. Dans ce royaume de forêts et
de lagunes, la flore et la faune prennent des proportions
Dans Le Vent de nulle part (1962), un vent d’une puis-
délirantes : la végétation monte à l’assaut des construc-
sance phénoménale balaie toutes les constructions
tions encore debout, alors que reptiles et insectes n’ont
humaines et force les survivants à se réfugier sous terre.
rien à envier à leurs ancêtres préhistoriques. Moustiques
Vous pensez à la « tempête du siècle » de 1999 ? Aux tor-
énormes, chauves-souris géantes, iguanes ou crocodiles
nades de Twister ou du Jour d’après ? De la petite bière
de dix mètres de long évoluent en terrain conquis.
que tout cela, car des quatre fins du monde proposées par
L’atmosphère est moite, la chaleur intense, le temps
Ballard, celle-ci est bien la plus cataclysmique au sens
avance au ralenti, voire à rebours. Et si en surface le
propre. Progressant avec une régularité alarmante, ce
« monde vert » de Ballard est d’une incontestable beauté
vent inexpliqué finit par souffler à près de 800 kilomètres-
visuelle – notamment lorsque le soleil parvient à s’immis-
heure, et arrache littéralement toute la surface de la
cer dans la canopée – il n’en est pas moins profondément
planète. Le thème de la table rase, présent dans les autres
délétère. Lorsqu’une partie de la lagune où vivent les per-
romans, n’est pas mieux illustré que dans celui-ci. Si le ciel
sonnages est vidée de ses eaux, ils découvrent une ville
est crépusculaire, ce n’est pas seulement parce qu’il est
décomposée où la laideur le dispute à la puanteur. Sous
chargé de nuages de mauvais augure, mais parce qu’il est
les eaux stagnantes et la vase, le monde d’avant le désas-
envahi par les débris d’un monde qui vole en éclats. Les
tre n’est plus qu’un vaste égout.
survivants n’ont plus qu’à se terrer comme des rats dans
Prenant le contre-pied de ce récit, Ballard dépeint dans
les stations de métro et autres endroits en sous-sol, car à
Sécheresse (1965) un monde où il n’est pas tombé une
la surface, il n’y a point de salut. L’apocalypse se teinte de
goutte de pluie depuis près de dix ans. Sur cette terre
grisaille et de noirceur, dans un monde en proie au retour
aride transformée en gigantesque désert, c’est le spectre
des ténèbres. Le ciel n’est plus qu’un voile obscur et pous-
du jaune pâle qui prédomine, intense, aride, étouffant. On
siéreux d’où le soleil est banni, la mer une poubelle
l’observe à loisir dans le sable brûlant qui inexorablement
houleuse, la surface un immense conglomérat de terre, de
envahit et recouvre tout, les os des animaux jonchant le
fer et de béton. Si ce premier roman est – injustement – le
sol, les dunes qui grandissent et progressent à l’infini,
plus mal aimé de son auteur et d’une partie de la critique,
effaçant peu à peu les traces de l’homme. Il est aussi
c’est parce qu’il est son livre le plus « facile », moins
présent dans le ciel, avec ce soleil implacable qui écrase
ambitieux que ses œuvres ultérieures. Mais justement,
les volontés dans une atmosphère caniculaire perma-
parce qu’il est d’une facture classique et qu’il est facile à
nente. Les rivières le long desquelles quelques commu-
lire, on recommandera ce court roman à qui découvrirait
nautés s’étaient formées sont asséchées, et le seul espoir
Ballard ou la science-fiction de cette époque.
est de rejoindre la côte. Mais l’improbable terre promise
Quelques mois plus tard, loin de ce tumulte, Ballard nous
n’est qu’un vaste bidonville doublé d’un cimetière de
invite dans l’univers immobile et verdoyant du Monde

L’apocalypse selon SF Page


24 ... J.G Ballard
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voitures, et les pèlerins du désert n’ont droit qu’à un peu d’après (celle qui va se reconstruire), Ballard ne s’embar-
d’eau de mer distillée par l’armée. Privés de leur élément rasse d’explications scientifiques ou pseudo-scientifiques
vital, la terre et ses habitants ne sont plus que les spectres pour expliquer les phénomènes causant la fin du monde.
secs et stériles de ce qu’ils furent en des temps Si l’on peut rationnellement concevoir la fonte des glaces
plus féconds, et finissent leur course dans une vaste éten- du Monde englouti ou la pénurie d’eau de Sécheresse, la
due de sable, de sel et de poussière. monstrueuse tempête du Vent de nulle part ou la mys-
Loin d’être à court d’inspiration, Ballard garde le meilleur térieuse glaciation de La forêt de cristal évoqueraient plus
pour la fin, avec La forêt de cristal (1966). Située en une intervention de nature divine ou surnaturelle, si ce
Afrique, la mystérieuse forêt est le point nodal d’un n’est que Ballard se garde bien de s’aventurer sur ce ter-
phénomène inexpliqué : peu à peu, tous les éléments – rain qui lui est étranger. Loin d’être une marque de laisser-
minéraux, végétaux, organiques – se cristallisent, transfor- aller, ces absences signifient que pour lui l’intérêt de ces
mant l’obscure forêt en un lieu enchanteur digne d’un chroniques de l’apocalypse réside ailleurs.
conte de fée. Les hôtels glacés sont de véritables palais
scintillants, les animaux gelés de magnifiques statues La fascination de la catastrophe (1)
héraldiques, le moindre caillou ou le moindre objet devien-
nent pierre précieuse ou œuvre d’art. Cependant, rien ne
D’un roman à l’autre, la plupart des
laisse deviner ce qui se passe au
personnages de Ballard adoptent à
cœur de la forêt, dont les abords
des degrés divers la même attitude
sont mystérieux, baignés d’une
passive face aux catastrophes.
atmosphère crépusculaire,
Contemplation, attentisme, résigna-
comme la petite ville maussade de
tion, mais aussi fascination sont le lot
Port Matarre. Si la plupart des
commun des victimes du désastre,
habitants fuient cet endroit
dont les plus atteintes sont littérale-
lugubre, ceux qui osent aller plus
ment possédées par les paysages
avant et pénétrer dans la forêt
du cataclysme. Si la passivité est
n’en reviendront pas, fascinés par
quasi générale, c’est parce que pré-
ce monde de blancheur imma-
domine le sentiment que toute tenta-
culée, synonyme de purification.
tive de lutter contre les éléments est
Pour ces victimes consentantes,
condamnée à l’échec. Pendant des
ce monde de lumière et de clarté
siècles, l’homme a façonné le monde
est la solution à tous les maux de
à l’image de ses besoins (logement,
l’entropie : vieillesse, maladie,
confort, loisirs, consommation,
dégradation physique... À tort ou à
déplacement, vitesse), mais son
raison, ils pensent que se conver-
règne s’achève et les éléments
tir au monde prismatique leur
reprennent le contrôle avec l’assu-
apportera non seulement la paix,
rance tranquille mais implacable de
mais aussi l’immortalité. C’est
forces millénaires. C’est l’impression
pourquoi il ne leur viendrait nulle-
qui se dégage des récits de Ballard,
ment à l’idée d’utiliser le terme de
progressant à un rythme lent, répéti-
catastrophe pour désigner cette
tif, parfois à la limite de la monotonie,
métamorphose qui apporte le
mais le procédé est volontaire et par-
renouveau à la Terre, aux corps et
ticipe au sentiment de l’inéluctable.
aux âmes.
L’action étant vaine, elle fait place à
l’inaction, l’attente, la procrastination. La dévastation rugis-
Lignes de convergences sante du Vent de nulle part mise à part, on pourrait aller
jusqu’à parler « d’apocalypse en douceur ». Et si de rares
Même si de par la violence des éléments déchaînés, Le héros ne baissent pas les bras, leurs tentatives de résis-
vent de nulle part se démarque des œuvres suivantes, de tance, aussi courageuses soient-elles, s’avèreront vaines,
nombreuses similitudes se dégagent des quatre romans, à l’image de Hardoon qui, dans Le vent de nulle part, défie
quatre tableaux qui au final donnent une vision précise et la tempête en construisant une pyramide censée lui résis-
cohérente de l’apocalypse selon Ballard. D’abord dans ter. Aux raisons subjectives expliquant l’immobilisme des
leur construction : loin des poncifs des films catastrophes survivants, s’ajoutent donc des raisons objectives : la
auxquels le cinéma ou la télévision nous ont habitués, paralysie des moyens de transport et de communication.
Ballard nous épargne les longues plages d’introduction D’un roman à l’autre, on ne compte plus les images de
d’avant la catastrophe. Dénués de toute sentimentalité, véhicules immobilisés : voitures échouées dans le sable,
ses récits ne nous infligent pas la présentation des hélicoptère et bateaux coincés dans des rivières gelées,
courageuses familles qui vont survivre (et bien sûr de leur avions cloués au sol…
gentil chien !) ou des couples homme/femme,
parents/enfants qui vont se réconcilier face aux épreuves. Les paysages de l’apocalypse (2)
Chaque histoire débute in media res, la catastrophe est
déjà en route, et c’est à son déroulement et aux réactions
Dans un tel contexte, il n’est guère étonnant que les indi-
des personnages évoluant dans des paysages défigurés
vidus se referment sur eux-mêmes, le monde extérieur
que Ballard s’intéresse.
n’offrant ni échappatoire ni refuge digne de ce nom. Si l’ac-
Pas plus qu’il ne s’attarde sur le monde d’avant la catas-
tion est réduite à la portion congrue dans les pages de
trophe (la civilisation qui va disparaître) ou sur celui
Ballard, la description de paysages apocalyptiques y a la

L’apocalypse selon SF Page


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part belle. Alors que Le vent de extérieur, qui n’offre plus aucune
nulle part nous décrit par le menu perspective. À force de s’en
la destruction systématique de imprégner et d’y faire vagabonder
toutes les infrastructures de la leur esprit, certains personnages se
civilisation moderne, les autres ré- convainquent qu’ils trouveront leur
cits s’attardent sur les transforma- salut non pas en partant en quête
tions qui résultent de l’apocalypse d’un hypothétique monde meilleur,
en douceur, le mal ayant déjà été mais en se réfugiant dans leur
fait ou, s’il s’étend encore, on a pris espace intérieur, thème cher à
la mesure des dommages qu’il va Ballard. Alors, bien plus que de sim-
causer. La vision d’ensemble ren- ples reproductions, les tableaux se
voie à l’archétype de la ville fan- révèlent être de mystérieux seuils
tôme : bâtiments détruits, rues entre le dehors et le dedans, des
désertes, véhicules immobilisés, portes ouvrant sur un autre monde
déchets éparpillés, impression où les héros fatigués pourront se
générale de silence et d’immobilité. retrouver, se réinventer. Cet espace
L’auteur multiplie à l’envi les intérieur, nul n’explique comment ils
images de ruines, d’abandon et de y parviendront, et c’est là que la fic-
déliquescence. Dans La forêt de tion de Ballard prend toute sa
cristal, ce sont les corps et les dimension poétique, dans laquelle il
objets gelés, ainsi que les cons- faut accepter de se laisser emporter.
tructions prisonnières des glaces
qui peuplent le paysage. Dans À partir des quatre couleurs de
l’univers tropical du Monde l’apocalypse, J.G. Ballard a créé
englouti, le décor est composé quatre œuvres de maître, des clas-
d’immeubles à moitié immergés, siques hors des genres et des
envahis de vase, pris dans un enchevêtrement d’arbres et modes dont la lecture est recommandée à tout amateur de
de plantes immenses. Quant au paysage de feu de science-fiction ou simplement de littérature. En attendant
Sécheresse, il est envahi de cadavres d’oiseaux et de que les éditeurs fassent leur travail et ressortent ces
poissons, ainsi que d’innombrables véhicules prisonniers romans, allez chez les bouquinistes ou sur internet pour
des sables, témoins d’une civilisation en bout de course. Il vous les procurer, vous ne le regretterez pas.
n’est pas étonnant que l’auteur de Crash ! place Mad Max
2 parmi ses films favoris et le considère comme « un véri-
table film apocalyptique ».
Les images obsédantes décrites par Ballard sont d’autant (1) Pour une analyse plus complète, lire Le lent rythme de la fin du
plus riches que l’écrivain s’est inspiré de la peinture pour monde chez J.G. Ballard sur
créer des univers qui fascinent et effraient à la fois, réac- http://www.sfmag.net/article.php3?id_article=4257
tion contradictoire mais compréhensible suscitée par la
(2) Pour une analyse plus complète, lire Enfermés dehors : les pris-
majorité des récits de cataclysme. Vue de l’extérieur, la onniers des grands espaces surréalistes de James G. Ballard,
forêt de cristal est sombre et inquiétante comme dans L’île Poétiques de l’espace dans les œuvres fantastiques et de science-
des morts du symboliste Böcklin (1880), où le guide fiction, Michel Houdiard éditeur, 2007.
Charon emmène un défunt vers son ultime destination, et
Ballard ne cesse de jouer des contrastes d’ombre et de (3) Les curieux pourront visiter la galerie des couvertures français-
lumière qu’offre le tableau. La jungle mésozoïque du es des livres de JGB sur
http://forums.bdfi.net/viewtopic.php?id=1212 , et sur
Monde englouti et son soleil de fin du monde viennent tout
http://forums.bdfi.net/viewtopic.php?id=1129 pour les images des
droit de La cité entière du surréaliste Max Ernst (1936), qui tableaux dont l’auteur s’est inspiré.
se joue des frontières entre l’animal, le végétal et le
minéral. Les étendues désertiques parsemées d’artefacts
abandonnés de Sécheresse sont le reflet littéraire de Jour
de lenteur de Yves Tanguy (1937), autre surréaliste connu
pour ses improbables paysages lunaires. La notion d’un
temps qui se ralentit, s’étiole et se dilue renvoie aux
Montres molles de Salvador Dali (1931), alors que les
« zones hors du temps » de Ballard font écho à l’atempo-
ralité des paysages surréalistes. Enfin, l’écrivain s’inspire
des tableaux où Paul Delvaux met en scène des
squelettes qui ont toutes les attitudes des vivants, pour
créer une galerie de personnages fantomatiques. Ni tout à
fait en vie ni tout à fait encore dans l’au-delà, ils errent
comme des âmes en peine dans des paysages crépuscu-
laires, et hantent les ruines d’un monde disparu.
Dans Sécheresse et Le monde englouti, romans complex-
es, ces tableaux ont un rôle primordial et paradoxal,
puisqu’ils sont à la fois reflet du paysage dénaturé, objet
de fascination, et porte de sortie. Jour de lenteur et La cité
entière reproduisent les paysages prisons du monde

L’apocalypse selon SF Page


26 ... J.G Ballard
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I ER
SS é)
Apocalypse… After!
O
D cin Fred Pizzoferrato
(
Lorsque, au début des années 80, les Italiens cherchent
un nouveau filon porteur (après avoir épuisé les décalques
des Dents de la Mer, de Zombies, de Conan,
L’Exorciste, Emmanuelle ou de L’Inspecteur Harry), ils
se tournent tout naturellement vers ce genre encore vierge
qu’est le Post Nuke. Ou, pour parler plus clairement, le
“film d’après l’apocalypse nucléaire”. Un genre né du suc-
cès de Mad Max 2, lequel a pratiquement donné nais-
sance à tout ce courant rarement passionnant. Car, mal-
heureusement, les budgets furent rarement à la hauteur
des ambitions et que les interprètes choisis le furent sou-
vent davantage pour leurs biceps que pour leurs talents
d’acteur. Les intrigues, rudimentaires, mangeaient au râte-
lier des superproductions consacrées à l’après-guerre
(nucléaire) et, si les Mad Max de George Miller furent
évidemment l’inspiration principale, on relève aussi de
forts emprunts à New York 1997 de John Carpenter, aux
Guerriers de la nuit de Walter Hill voire parfois à La
Planète des Singes.
Une vingtaine (au moins!) de métrages de ce type sortirent métrage mollason. La pseudo séquelle Les Guerriers du
donc durant la première moitié des eighties. Aujourd’hui Bronx 2 est bien plus distrayante. Largement inspirée de
totalement ringards et dépassés, ils n’en demeurent pas New York 1997, cette suite donne dans le dialogue culte,
moins de sympathiques exemples de science-fiction les répliques involontairement hilarantes, l’action explo-
fauchée et distrayante. Deux cinéastes italiens, ayant une sive et la violence gratuite avec une énergie assez réjouis-
petite réputation dans le bis, livrèrent les meilleurs titres du sante. Sorte de western urbain futuriste et décomplexé,
genre: Sergio Martino et Enzo G. Castellari. Le premier Les Guerriers du Bronx 2 constitue une vraie réussite du
donna 2019, Après la chute de New York et Atomic bis italien, à savourer entre personnes de bonne compa-
Cyborg. Le second livra sa trilogie “culte” comprenant les gnie dans les conditions appropriées. Les Nouveaux
deux Guerriers du Bronx et Les Nouveaux Barbares. Barbares, toujours de Castellari, ne se hisse pas à ce
2019, Après la chute de New York nous emmène donc à niveau, mais l’identité des méchants (des Templiers
New York en 2019 (enfin un titre qui respecte ses homosexuels désireux d’anéantir l’espèce humaine!) con-
promesses!), deux décennies après l’apocalypse fère à ce décalque de Mad Max 2 une personnalité bien Z
nucléaire. Les hommes, devenus stériles, recherchent la encore assez savoureuse. Fred Williamson et George
dernière femme féconde (comme dans le récent Children Eastman sont, évidemment, de la partie!
of Men, quoi… mais en beaucoup moins réussi!) et Après ces quelques réussites (enfin, tout est relatif), pas-
Michael Spokiw va tenter de la trouver, rencontrant au sons rapidement sur le reste de la production, beaucoup
passage des mutants, des hommes singes (qui se sont moins intéressante et encore plus fauchée (si, c’est possi-
probablement trompés de planète) et le maléfique George ble!).
Eastman, toujours fidèle au poste. Bref, un grand moment Les Exterminateurs de l’an 3000 (de Guilian Carnimeo)
de ringardise bien rythmé, assez délirant et, au final, donne une fois de plus dans le Mad Max avec une
éminemment sympathique. Atomic Cyborg, seconde paresse qui épuisera les plus indulgents. Les
contribution de Martino à notre dossier, s’avère un peu Mercenaires du Futur signé Lucio Fulci, alors très
moins réussi, mais en donne cependant au spectateur malade (mais cela n’excuse pas tout), est encore plus
pour son argent lors d’un final explosif. Au départ prévu mauvais et se contente d’offrir de molles poursuites à
comme une simple histoire de routier, le scénario dévie moto. Joe d’Amato fait un peu mieux avec son 2020 Texas
vers un pompage en bonnes et dues formes de Gladiator, une transposition futuriste des codes du wes-
Terminator qui envoie le cyborg du titre à la poursuite d’un tern pleine de scènes d’action rigolotes (les cow-boys se
héros écologiste. Beaucoup d’action, un climat ouverte- défendent contre les indiens…pardon les héros luttent
ment bis et de la violence typiquement italienne (cœur contre les méchants) ponctuées d’une pointe de violence
arraché à mains nues, opération “chirurgicale” saignante) et d’un doigt d’érotisme (mais juste un doigt alors comme
font du film un agréable divertissement. disait les Nuls), deux ingrédients indissociables d’un
Enzo G. Castellari, pour sa part, fait nettement moins bien cinéaste qui nous offrit des joyaux tels Blue Holocaust ou
avec Les Guerriers du Bronx, inspiré des Guerriers de Emanuelle en Amérique. L’ami Joe d’Amato nous donna
la Nuit. Dans ce monumental nanar, Mark Gregory (un également Le Gladiateur du Futur, lequel suit à peu près
compromis entre Rambo et le chanteur de ManOwar) se le même chemin mais réinvente pour sa part le péplum
trouve au cœur d’une guerre des gangs en plein New York avec ses combats de gladiateurs dans une Rome d’après
et tente de sauver la belle blonde Stefania Girolami (la la bombe. Refrain connu et présence inévitable de George
fifille du réalisateur, donc). Vic Morrow, Fred Williamson, Eastman, Gabrielle Tinti et Gordon Mitchell. Tellement Z
Christopher Connely et George Eastman fréquentent ce que ça en devient distrayant!

L’apocalypse selon SF Page


27 ... au cinéma
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Rush de Tonino Ricci descend encore d’un cran dans


l’échelle du fauché et tente de nous faire croire à une En 2002, le britannique Danny Boyle (« Petits meurtres
intrigue post-apocalyptique vaguement écolo sur une terre entre amis », « Trainspotting » et dernièrement le splen-
dévastée. Mais Ricci ne fait pas le moindre effort et sa dide « Sunshine ») avait réveillé le film d’horreur « zom-
paresse est telle qu’il ne cherche même pas à dissimuler biesque » avec « 28 jours plus tard » : un homme se réveil-
les jolis arbres verdoyants en arrière-plan de sa terre lait en plein Londres déserté pas ses habitants et hanté
dévastée. Bref, la misère totale. Le Chevalier du Monde par des hordes de zombies affamés, rapides et hyper-
Perdu de David Worth (ensuite responsable de l’énorme agressifs. Cinq ans plus tard, une séquelle arrive,
Kickboxer avec Van Damme!) envoie Robert Ginty, Fred reprenant une partie du titre avec une histoire se passant
Williamson et Donald Pleasance dans une intrigue typique bien après : la Grande-Bretagne est mise en quarantaine,
prétexte à quelques prudentes cascades. Encore une fois, un virus transformant en un temps record des humains en
rien à sauver. morts-vivants méga-énervés ayant frappé l’île. Don
Terminons ce tour d’horizon avec l’inénarrable Les Rats (Robert Carlyle, un des meilleurs acteurs anglais du
de Manhattan, une pure zéderie du regrettable et à moment) n’a pu sauver sa femme. Se dirigeant vers
présent regretté Bruno Mattei dans lequel les derniers sur- Londres où les forces américaines ont pris place pour
vivants de la fin du monde luttent contre des millions de endiguer le fléau, il y retrouve ses deux enfants.
rats (en fait trois ou quatre rongeurs achetés à l’animalerie Ensemble, ils reprennent espoir. Jusqu’à ce qu’un terrible
du coin) dans un beau déluge de gore et de ringardise qui secret ne leur soit dévoilé, un secret qui va causer encore
marqua les esprits par son twist final fabuleux à rendre plus de morts qu’avant…
jaloux M. Night Shyamalan. Du grand art! Ce coup-ci, Boyle laisse la casquette de réalisateur à l’his-
Le post-nuke n’a donc guère produit d’œuvre marquante, panique Juan Carlos Fresnadillo, connu pour son sures-
tout au plus quelques productions distrayantes et aujour- timé « Intacto ». Et si on ne peut que constater l’excellence
d’hui fort datées. La mode perdura pourtant encore jusqu’à de bonnes idées dans ce film, il faut admettre que la réa-
la fin des années 80, même si ce sont alors les Philippins lisation épileptique de Fresnadillo lasse rapidement.
qui occupèrent le créneau et en particulier Cirio H. D’accord, la caméra à l’épaule, c’est plus réaliste, mais il
Santiago avec des titres comme Raiders of the Sun, faut savoir aussi limiter. Donc, techniquement, « 28
Dune Warriors, Future Hunter, Apocalypse semaines plus tard » est un échec. La simple scène finale
Warriors,…lesquels firent les beaux jours des vidéoclubs dans le métro avec l’attaque des rescapés par les zombies
du temps des cassettes vidéos. Oui, ça ne date pas d’hi- est un tel foutoir qu’on n’arrive jamais à savoir qui meurt et
er… qui reste vivant ! Maintenant, si le film s’en sort et échappe
au ratage total, c’est par le biais d’excellentes idées qui
relancent l’intérêt du film : humains porteurs du virus et de
Actualité de l’antidote, relation entre les protagonistes qui cherchent à
retrouver la cellule familiale, etc. Mais ces quelques élé-
l’Apocalypse ments, couplés à des effets spéciaux plutôt bons sans être
révolutionnaires, ne sauvent pas le film qui se retrouve
souvent gangrené par les délires auteurisants du jeune
au ciné réalisateur espagnol. Certes, il y a cette volonté de bien
montrer la puissance des zombies. Mais ce qui pouvait se
faire une fois avant d’être répété trois-quatre fois, est ici
inlassablement remontré. Et c’est à cause de ça que « 28
semaines plus tard » n’arrive jamais à faire plus fort que
son modèle. C’est violent, parfois gore mais filmer à l’ar-
raché systématiquement se révèle bien plus nuisible qu’-
efficace.

Stéphane Thiellement
A propos du film
“28 jours plus tard”
zombie version 2.0

Le point de départ de 28 jours plus tard, film anglais réa-


lisé avec un petit budget et tourné en numérique par
Danny Boyle en 2003, est on ne peut plus simple. Un
28 semaines plus tard groupe d’activistes se rend dans un laboratoire pour libé-
rer les singes emprisonnés. Ils libèrent ainsi un virus
Réal. : Juan Carlos Fresnadillo dérivé de la rage qui se transmet de façon quasi instanta-
Scénario : Rowan Joffe, Juan Carlos Fresnadillo, E. L. née par la salive et le sang. 28 jours plus tard, on retrouve
Lavigne & Jesus Olmo Jim, un coursier qui se réveille d’un coma dans un hôpital
Avec : Robert Carlyle, Catherine Mc Cormack, Idris Elba. désert situé dans un Londres tout aussi désert. Il va rapi-
Distribué par 20th Century Fox. dement devoir faire face aux zombies, mais aussi des
100 mn. groupes de survivants plus ou moins sympathiques.
Sortie le 19 Septembre 2007. On retrouve une idée chère à Romero, le créateur du
Note : 6/10. cultissime La nuit des morts vivants : certains humains

L’apocalypse selon SF Page


28 ... au cinéma
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sont finalement bien pires que les « créatures » (voir les Sortie nationale le 3 Octobre 2007
images de violence qui ouvrent le film et le comportement Avec : Milla Jovovich, Oded Fehr, Ali Larter, Iain Glen,
des soldats). Mais ce faisant, 28 jours après s’inscrit Ashanti, Mike Epps
également dans la tradition de l’horreur/SF à la sauce
anglaise (ton très noir et misanthrope) : Day of the Triffids, Inspiré du jeu vidéo culte ce film, troisième volet de la trilo-
Survivors et Quatermass (pour ce dernier voir SF Mag gie « RESIDENT EVIL » est sans doute très attendu des
n°53). fans passionnés par les terrifiantes aventures d’Alice (Milla
La réalité n’est pas loin non plus puisqu’on peut voir dans Jovovich).
ce virus baptisé « fureur » un écho aux pandémies qui ont Les laboratoires de la toute puissante compagnie
frappé notre civilisation ces dernière années, du sida à la « Umbrella Corporation », ont mis au point un virus qui a
fièvre aphteuse en passant par la vache folle (voir le docu- contaminé toute la planète.
mentaire alarmiste présent sur l’édition DVD). C’est une population transformée en hordes de zombies
La transformation en créature est ici immédiate, et con- menaçants et avides de chair humaine, qui erre main-
trairement à la tradition, les zombies/contaminés ne sont tenant dans un désert apocalyptique à vous donner des
pas des pantins désarticulés, décervelés et très résistants, frissons.
mais juste des êtres en transe au regard rouge sang. De Fuyant les villes, nos héros survivants ont pris la route.
fait, ils courent vers leurs proies pour les mordre, leur Alice (Milla Jovovich) dont l’ADN mêlé au virus T par
agressivité étant ce qui les rapproche le plus des zombies Umbrella Corporation lui confère une force et une énergie
traditionnels. Ce simple postulat permet d’accélérer surhumaine, a réussi à s’évader du laboratoire où elle a
notablement le rythme du film jusqu’à la frénésie lors des été victime de terribles expériences biogéniques. Elle va
attaques filmées caméra numérique au poing, et montée accompagner dans l’ombre ces quelques survivants.
sur un billot ! Mais le Dr Isaacs (Iain Glen : Richard Coeur de Lion dans
L’autre grande réussite du film, son ambiance apocalyp- le film de Ridley Scott Kingdom of Heaven) a absolument
tique transcendée par les vues d’un Londres déserté ont besoin d’Alice (Milla Jovovich) et est prêt à tout pour met-
ainsi été rendues possibles grâce à la rapidité et la sim- tre au point le remède qui serait l’aboutissement ultime de
plicité du numérique qui a permis de filmer en quelques ses recherches au sein des laboratoires Umbrella
minutes chaque scène et donc de limiter la gêne occa- Corporation.
sionné par un tel tournage dans une capitale : « On a trou- Les survivants doivent donc échapper à la fois aux zom-
vé des images symboliques qui ont fait le travail d’un gros bies et à Umbrella Corporation qui les a repérés et les sur-
budget » se félicite Danny Boyle. veille.
82 millions de dollars de recettes plus tard, et après avoir Un début prometteur : Alice (Milla Jovovich) sur sa moto,
réveillé un genre moribond, le film connaît aujourd’hui une nous faisant découvrir un désert magnifique avec de
suite (voir critique ci-dessus). superbes dunes de sable. L’équipe de tournage n’a pas
hésité à se rendre jusqu’au Mexique pour nous faire
Nicolas Botti découvrir ces paysages de rêve. La vision de Las Vegas
détruite et recouverte par le sable du désert est tout à fait
impressionnante, alors que l’équipe a dû travailler très tôt
le matin ou très tard le soir là où la température pouvait
monter jusqu’à 55°. Le résultat est tout à fait spectaculaire.
Pourquoi alors s’ennuie-t-on l’ombre d’un instant ? Peut-
être à cause d’une baisse de rythme sans doute voulue
par le scénariste Paul W. S. Anderson.
Heureusement, les scènes de combat montrant la puis-
sance des pouvoirs d’Alice et de plusieurs zombies sont
impressionnantes et nous coupent le souffle. Milla
Jovovich a une grande expérience des cascades et est
particulièrement convaincante.
Patrick Tatopoulos et son équipe ont fait un travail remar-
quable dans des conditions difficiles (chaleur intenable)
pour créer des super zombies différents des zombies du
désert. Notons aussi le travail concernant les chiens zom-
bies et les corbeaux zombies, ainsi que d’autres person-
nages, mais je n’en dévoilerai pas plus.
L’histoire de ce film d’action et de science fiction aborde
des sujets qui nous touchent : avancée du désert : sans
eau plus de vie possible, manipulations génétiques. Paul
W. S. Anderson a bien sûr fait un film pour satisfaire les
fans du jeu vidéo, mais aussi pour toucher un plus large
public en abordant des sujets d’ordre écologiques : com-
ment des hommes avides de pouvoirs et d’argent n’hési-
Resident Evil : tent pas à mettre en danger leur planète.
Pour les fans du jeu vidéo, les amateurs de beaux
Extinction paysages ainsi que ceux qui s’interrogent sur l’avenir de
notre planète, il s’agit d’un rendez-vous à ne pas manquer.
de Russel Mulcahy
Françoise Toquet

L’apocalypse selon SF Page


29 ... au cinéma
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L’odyssée de Kamandi,
ER
S SI
) fils de l’apocalypse
DO (BD Hervé Lagoguey
C’est du tremblement de terre provoqué par le départ de
Jack Kirby de chez l’éditeur Marvel pour son grand con-
current DC que naît “Kamandi”. Fin 1971, Carmine
Infantino, alors responsable chez DC, demande à Kirby s’il
peut concevoir une série susceptible de séduire les nom-
breux fans de “La Planète des singes” (sorti en 1968),
sans pour autant attirer dans leur sillage les avocats de la
20th Century Fox. A cette époque, Kirby veut s’éloigner
des histoires de super-héros conventionnels (pour qui ne
le saurait pas, Kirby est le co-créateur de Captain
America, des Fantastic Four, des X-Men, de Hulk… bref
du meilleur de Marvel). Avec son enthousiasme habituel et
une confiance en ses moyens justifiée, il répond
« Sure ! », son éternel cigare au coin des lèvres. Il va
chercher dans ses cartons un projet non abouti qu’il avait
nommé “Kamandi des Cavernes”, et en remanie le matéri-
au pour créer “Kamandi, le dernier garçon de la Terre”, sa
série originale qui aura la plus grande longévité chez l’édi-
teur de Superman. L’histoire de Kamandi est celle du
dernier humain civilisé sur une terre ravagée par le “Grand
désastre”, transformée en un monde hostile dominé par
les animaux, devenus d’intelligents bipèdes humanoïdes
suite à des mutations d’origine inconnue.
Si les talents des maquilleurs de “La planète des singes” liberté.
se sont exercés sur trois catégories de singes, la plume de Pris sous l’aile du sage Dr Canus, Kamandi trouvera le
Kirby va colorer toute une palette d’animaux mutants qui réconfort avec Ben Boxer et ses acolytes, trois humains
ne dépareraient pas dans l’île du Dr Moreau : tigres, intelligents ayant évolué en mutants qui peuvent trans-
léopards, lions, pumas, loups, chiens, chats, rats, ser- former leur structure atomique et devenir quasi invincibles,
pents, dauphins… la liste s’allonge jusqu’aux derniers grâce à une armure argentée qui n’est pas sans rappeler
numéros. Il y a bien sûr aussi des gorilles, mais l’auteur celle du Surfeur d’argent. S’il part à l’aventure avec les
prend soin de ne pas les faire apparaître avant le n°3, his- trois mutants, leurs routes ne cesseront de se séparer et
toire de démarquer son histoire du film dont elle s’inspire se retrouver dans les paysages dévastés de la terre A.D.,
en partie. après le désastre. Au cours de son odyssée, Kamandi
L’histoire croisera maints personnages, amis ou ennemis, mais Ben
Boxer, le chien Canus, ainsi que son ami le tigre Tuftan ou
l’extraterrestre Pyra seront ceux avec qui il fera le plus
Publié en novembre 1972, le premier numéro de
long bout de chemin. Parmi ses belles et brèves rencon-
“Kamandi” affiche pourtant assez clairement sa source
tres, notons celles avec Fleur, très jolie jeune fille abattue
d’inspiration, puisqu’on y voit en couverture le jeune héros
par un puma braconnier, mais qui laissera un tel souvenir
à bord d’un canot de sauvetage, avec à l’arrière plan la
qu’elle « renaîtra » sous les trais de sa sœur Spirit, ou
Statue de la Liberté inclinée et à moitié immergée, image
encore l’insecte Klik Klak, courageuse monture de
reprise dans une magnifique « splash page » (un seul
Kamandi dans des arènes mortelles. Il tombera amoureux
dessin s’étalant sur 2 pages) qui deviendra la marque de
d’une autre jeune femme nommée Arna, mais elle aussi lui
fabrique de Kirby. Choix tout à fait révélateur, cette image
sera arrachée prématurément, victime d’un phénomène
choc est la dernière de “La planète des singes”, dont elle
de vieillissement accéléré. Décidemment, il ne fait pas bon
clôt le récit, alors qu’elle est la première de “Kamandi”. Le
s’attacher dans le monde d’après l’apocalypse…
monument est le point de départ des aventures de l’ado-
lescent, qui lui tourne résolument le dos pour affronter à
bras-le-corps le monde d’après la catastrophe. En effet, D’où vient le désastre
l’odyssée ne fait que commencer pour Kamandi. Après un
raid ennemi mené par des loups, son grand père est tué et Le Grand désastre, cet événement fondateur de la série,
leur abri saccagé. Le cordon familial est coupé, le refuge Kirby l’évoque souvent, sans pour autant apporter beau-
intérieur éventré, il ne lui reste plus qu’à naître à ce coup d’éclaircissements au lecteur. Dans le n°2, on
monde, et quitter “Command-D”, le centre de commande- apprend juste que « Quelque part, à un moment du passé,
ment qui lui a donné son nom. Si, sous le choc, Kamandi une catastrophe naturelle de proportion cataclysmique a
essaie lui aussi de provoquer une nouvelle fin du monde exposé la planète à d’intenses radiations, pendant une
en détruisant la bombe atomique vénérée par les tigres, ce période indéterminée. » C’est à cause de ces radiations
désir de mort ne durera que le temps d’une tentative que les races animales ont évolué jusqu’à être douées de
avortée, et Kamandi n’aura de cesse de se battre pour sa parole et d’intelligence, et adopter la position debout, se

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vêtir, se servir d’armes et de véhicules, comme les “Kamandi” prend une nouvelle orientation, encore plus
hommes quand ils régnaient sur la planète. Quant à ceux- teintée de science-fiction, avec l’apparition d’une extrater-
ci, ils sont retournés à l’état de sauvages à demi nus qui restre nommée Pyra. Mais l’on sent bien que l’enthousi-
s’expriment par grognements, ou un vocabulaire très rudi- asme des débuts s’étiole ; les planches de Kirby sont
mentaire pour les mieux lotis. Là encore “La planète des moins soignées et sentent plus le travail de routine. Le
singes” a servi de modèle. Si le cataclysme a des causes scénariste/dessinateur quittera finalement la série après le
naturelles, d’où viennent ces radiations, à l’origine de tant numéro 40, pour retourner chez Marvel. Le titre poursuiv-
de bouleversements ? Ce n’est qu’au bout de nombreuses ra néanmoins son existence jusqu’au numéro 59 (septem-
aventures (n°35), grâce à des enregistrements découverts bre 1978), sans que le nouveau scénariste Gerry Conway
dans une ancienne station Soyouz, que Kamandi apprend y apporte vraiment quelque chose de neuf, si ce n’est par-
qu’en réalité le cataclysme a été causé par une guerre fois une touche de surréalisme qui sombre dans le ridicule,
entre les hommes, et plus tard encore que des armes par exemple quand Kamandi croise la route de… Karaté
nucléaires pourraient bien avoir été utilisées… Grâce au Kid, venu d’un lointain passé. Quant aux divers dessina-
journal tenu par un scientifique à la veille de la fin du teurs chargés de reprendre le flambeau, ils peineront à
monde des hommes, on apprendra aussi que l’intelligence assumer cette lourde tâche, et ne pourront faire oublier les
est venue aux bêtes grâce à la Cortexine, une substance débuts fracassants du King.
neurochimique qui stimule le cerveau. Quant à la date de En France, les aventures de Kamandi ont été publiées par
l’événement, c’est une donnée qui restera mystérieuse. Artima, d’abord dans sa collection en noir et blanc Comics
Kirby n’en dit pas un mot, et le scénariste qui prend sa suc- Pocket (1975-1978), puis dans deux séries couleurs grand
cession se contente d’évoquer furtivement le 30ème siè- format, “Année Zéro”, et ensuite “Kamandi” (1979-1982).
L’éditeur DC vient de ressortir dans deux volumes de sa
cle. Il est aussi question du 22ème siècle dans une mini
collection de prestige “Archives” les vingt premiers
série publiée en 1993, vite oubliée par ses rares lecteurs,
numéros de la série. Cela tombe bien, ce sont les
tant les dessins sont laids et tant le scénario oublieux des
meilleurs.
données de base de la série originale.

USA
C’est sans surprise dans ce que furent les Etats-Unis que
se déroule “Kamandi”. Parti d’une New York envahie par
les eaux, l’adolescent poursuivra sa route à Las Vegas,
Washington, Chicago… puis vers la frontière Canadienne,
séparée des USA par une barrière de radiations, pour
redescendre plus tard vers l’Amérique du Sud. Kirby nous
fournit une carte de son monde post apocalyptique (n°1 et
Le cas de Killraven
28), où l’on trouve le traditionnel découpage féodal situant Lorsqu’en 1973 commença à paraître aux USA la série
les domaines des espèces dominantes qui comme par “Killraven“, les jeunes lecteurs d’alors furent assez surpris
hasard sont les plus belliqueuses : lions, tigres et gorilles de l’histoire en elle-même. Ils découvrirent dans les
dans les terres, et baleines tueuses dans les mers. Y figu- comics bd en noir et blanc une curieuse histoire. Dans un
rent également les réserves naturelles d’humains, ainsi monde assujetti aux martiens et la population humaine
que de mystérieuses régions telles que « La région des réduite à l’esclavage, un jour naît un homme qui marquera
flammes », ou « Le pays des cratères », dont on n’ap- le commencement d’une révolte. Physique à la conan,
prendra rien de plus. Des chaînes montagneuses se sont accompagné d’une femme mutante aussi belle que dan-
soulevées, des terres ont été immergées, et les plaques gereuse, d’un mutant et de quelques compagnons de
tectoniques se sont déplacées. Le bouleversement le plus couleurs, Killraven se lancera dans une furieuse quête
spectaculaire est cette grande bande de terre, ce pont qui vengeresse contre les tortionnaires de ses parents et de
relie à présent l’Amérique et l’Europe. Hélas Kamandi n’ira sa race. Empruntant la thématique de l’invasion par les
jamais se frotter aux mystérieux Brittaneks, Germaneks ou martiens à Wells mais en la magnifiant par des apports
autres Napoleoneks (sic) qui peuplent ce continent. propres aux comics. Paysages dantesques, mutants et
monstres, cités en ruines et anciennes civilisation
Conclusion secrètes, firent de cette franchise l’une des plus appréciée
du moment. En France, quelques numéros rehaussé de
couvertures sublimes parurent dans la série Les Fils de
Dans “Kamandi”, le cataclysme sert avant tout de prétexte
Satan, chez Comics Arédit. Mais comme souvent en
aux métamorphoses subies par les êtres vivants, et de
France, il n’y eut pas de suivi dans la publication, malgré
toile de fond aux aventures de l’adolescent. Ballotté entre
le succès, et nous fûmes privés d’une grand moment de
de multiples guerres tribales, trop occupé à se battre pour
bande dessinée.
sa survie et sa liberté, le dernier garçon de la terre n’a pas
Plus de trente ans plus tard, les dessins, même ayant
de quête précise. Kirby ne propose pas de réel fil directeur
accusé un peu le coup, sont toujours aussi agréable à voir.
à cette série, contrairement à ce qu’il avait fait avec l’am-
Décidément, vivement hier...
bitieux “New Gods”. Une fois que “Kamandi” est sur ses
A noter que récemment, une édition intégrale était parue
rails, l’auteur puise son inspiration un peu partout : dans le
aux USA, sous la férule de Marvel Comics, un pur bon-
cinéma (King Kong, L’exorciste, Le jour du dauphin, Ben
heur...
Hur), l’histoire (le Baron Rouge, la prohibition, le
Watergate, le programme Soyouz), l’univers de DC
Emmanuel Collot
(épisode hommage à Superman). Après le n°30,

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Chroniques livres : les choix de la rédaction


naître la vie intelligente. Mais que les
La Possibilité non créationnistes se rassurent,
Susskind n’en est pas arrivé à la
d’une île conclusion philosophique d’un grand
architecte de l’univers… Il répond
Michel Houellebecq simplement que face au nombre
incroyable d’univers du multivers, il
est facile de trouver une improbable
probabilité que notre univers existe…
Voici une citation. Le cosmologiste de
Princeton Paul Steinhardt questionne
ainsi Susskind :
« (…) Pourquoi faudrait-il supposer
qu’il existe une infinité d’univers
Voici enfin un livre abordable sur la dotés de toutes sortes de propriétés
fameuse « théorie des cordes ». différentes, juste pour expliquer les
De quoi s’agit-il ? D’une théorie nôtres ? »
mathématique qui unifie les deux La réponse de Susskind :
Ce livre de Houellebecq se grandes théories de la physique du « Il ne s’agit pas d’une supposition.
consomme comme un plat très épicé. 20e siècle : la mécanique quantique C’est la conséquence inévitable des
Il faut retrouver le vrai goût du met et la relativité générale… Une principes traditionnels et éprouvés de
succulent au-delà de l’âpreté de tentative d’unifier les quatre forces la relativité générale et de la
l’épice. Un traité sur le sexe comme fondamentales, d’une part les trois mécanique quantique. »
personne encore n’en a jamais écrit, forces de la mécanique quantique : Au risque de décevoir les amateurs
sur le sexe et ses relations avec la électromagnétisme, forces nucléaire de science fiction que nous sommes
religion... sur le sexe essence même faible et forte et celle de la relativité ces univers ne sont pas des
de la vie, car sans lui, que serions- générale : la gravité. « univers parallèles »… En effet, les
nous ? Rien ! Et cela n’est pas anodin : « les « bulles » d’univers du multivers sont
L’immortalité reçue grâce au clonage théories cohérentes associant la des univers qui ont des
aboutira à la négation même de la vie mécanique quantique et la relativité caractéristiques si différentes qu’il est
puisque si éternité il y a, la nécessité générale sont une denrée rare… » impossible qu’un autre que le nôtre
du sexe ne se fera plus sentir. Cela (page 409) soit « anthropique », c’est-à-dire apte
est d’autant plus contradictoire que Cette théorie des cordes débouche à la vie intelligente. Les univers
l’éternité viendra de la découverte du sur une nouvelle cosmologie. Notre parallèles (ou plutôt orthogonaux)
clonage humain par une secte qui univers ne serait pas unique mais il sont des hypothèses provenant de la
commencera par l’éloge et la ferait partie d’un ensemble d’autres mécanique quantique : à chaque
déification du sexe pour, ensuite, lors univers pour former ensemble le moment où l’observateur constate
d’une longue marche de prosélytisme « multivers ». Combien y en a-t-il de une des deux hypothèses de la
qui en fera une religion, en possibles ? Beaucoup. La théorie des complémentarité de Bohr (par
condamnera définitivement la
pratique grâce à l’éternité. cordes prévoit 10500 possibilités de exemple le fait que le neutron dans la
sortes de « vides », donc un chiffre si boîte du chat de Schrödinger mute…)
Ce livre part du nihilisme nietzschéen eh bien, un autre univers se crée :
au nihilisme heideggérien, nihilisme énorme qu’il est impossible d’en avoir
même une idée… (Le « vide » n’est celui où l’observateur a constaté
de l’être lui-même… l’autre hypothèse… Ainsi notre
C’est un livre superbe même s’il est pas le néant, il comporte une énergie
et une fluctuation quantique… Selon univers ne serait qu’une ramification
difficile à lire, surtout la première d’autres univers « correspondant à
moitié truffée de scènes de sexe leur nature l’univers est différent…)
Les différentes propriétés de chacun toutes les éventualités possibles »
répétitives. Mais pour ceux qui (pages 346 à 350). Mais, je le répète,
aiment cela, c’est d’autant mieux… des ces univers composent un
« paysage » aux millions de vallées, cette hypothèse proposée en 1950
montagnes et plateaux. par un étudiant en troisième cycle
Alain Pelosato Hugh Everett III, et qui a fait le régal
C’est ici que je choisis de vous parler
de l’idée de départ de Susskind (qui de nombreux écrivains de SF, n’est
La Possibilité d’une île - Michel pas du tout du même domaine que
Houellebecq - Le Livre de Poche est l’un des « inventeurs » de la
théorie des cordes et des celui des multivers de Susskind.
(réédition de chez Fayard) – 474 Enfin, pour terminer, la question
pages. multivers…) : le principe anthropique.
Ce dernier stipule que notre univers angoissante pour le théoricien de la
physique reste posée : la théorie des
Le Paysage pour exister tel qu’il est accumule un
tel nombre incroyable de
coïncidences, dont la moindre n’est
cordes sera-t-elle un jour vérifiée par
l’expérience ? Cela sera-t-il
possible ?
cosmique pas une constante cosmologique
toute petite (zéro virgule suivie de
119 autres zéros avant d’arriver à un
Ce livre est à lire absolument, il ouvre
des voies de réflexions incroyables à
Notre univers en cacherait-il des autre chiffre !!!) qu’il ne peut avoir été notre esprit assoiffé de
millions d’autres ? « construit » que pour pouvoir y voir connaissances de la nature. Celle-ci
Leonard Susskind
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32 Chroniques livres
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s’avère bien plus étrange que notre se montre d’une très grande d’escort-girls qu’il traite comme de la
ancienne rationalité le supposait… érudition : l’auteur a réalisé de viande, au propre comme au figuré.
nombreuses recherches qui donnent Si Ellis nous assomme de détails sur
Alain Pelosato à son récit une authenticité les vêtements et les accessoires de
incroyable. luxe de Bateman et ses collègues,
Le Paysage cosmique (Notre univers Ceux qui aiment la Fantasy, ses c’est que ces personnages sont
en cacherait-il des millions d’autres ?) chevaliers et ses batailles sanglantes creux, l’obsession de l’apparence
- Leonard Susskind – traduction Bella seront ravis, autant que les amateurs l’emportant sur toute autre
Arman – Robert Laffond – 442 pages d’histoire du Moyen Âge. considération. Les hommes se
– 24 euros. Un livre à lire donc mais sans résument à des costumes et des
Ce livre comprend un glossaire s’énerver contre les tirades bavardes coupes de cheveux, les filles faciles
(indispensable), index des noms de l’auteur qui commence qu’ils draguent à des paires de
propres, index des thèmes et notions systématiquement ses chapitres par fesses et de seins. Interchangeables
et une note sur la terminologie. de longues descriptions inutiles… comme des poupées qu’on achète,
Susskind y explique qu’il choisit plutôt qu’on casse et qu’on jette, ces “êtres
« mégavers » pour parler de « la Alain Pelosato sans ombre” n’arrêtent pas de
nouvelle immensité remplaçant le confondre l’identité des uns et des
vieux concept d’univers », bien que le Labyrinthe - Kate Mosse – traduction autres. En cela, “American Psycho”
mot « multivers » convienne aussi Gérard Marcantonio – Le Livre de est une éclatante parodie des anées
parfaitement… poche – 832 pages (!) 80, règne vaniteux du look, du chic et
du fric.

Labyrinthe American Si les amateurs de littérature dite de


genre ne sont pas sensibles à cet
aspect du roman, ils apprécieront
Kate Mosse Psycho plus les moments où Bateman
bascule de façon indicible vers le
meurtre et la folie. Il leur faudra
Breat Easton Ellis cependant attendre avant que le
roman bascule dans l’horreur la plus
crue, mais leur patience sera
récompensée. Hache, couteau,
cintre, arme à feu, pistolet à clous,
acide… tout est prétexte à humilier,
torturer, tuer, transformer ce qui fut
des êtres vivants en conglomérats
informes et sanglants qui n’ont plus
rien d’humain. A force d’admirer la
Cette (très longue) histoire raconte la séance culte de “Body Double” et sa
quête du Graal. Ce dernier n’est pas scène de tueur à la perceuse,
ce que Chrétien de Troyes a exposé Bateman n’a de cesse de faire mieux,
dans ses « romans ». Le livre ne Toute opinion n’engageant que celui si l’on peut dire…
nous dira pas non plus c’est qu’est qui l’émet, je rangerai sans hésiter au Les séances de sexe les plus hard
réellement le Graal, sauf un grand rang de chef d’œuvre moderne ce possibles sont alors suivies de
but dans la vie des héros. Le récit lie roman fascinant et inclassable que scènes de meurtre qui basculent
le sort d’une jeune femme Alaïs au certaines féministes ont voué aux dans des excès dignes d’un
treizième siècle lors de la croisade gémonies lors de sa sortie, et que le Masterton au meilleur de sa forme.
dite des Albigeois qui consista à fan de SF ou de Fantastique pourrait Cependant, la distanciation de la
éradiquer une religion « hérétique » s’étonner de retrouver ici, et narration et l’indifférence générale
selon l’Eglise catholique, celle des pourtant… Et pourtant, si vous aimez des personnages font voler en éclats
« Bons Homes », plus tard appelés les histoires de serial-killer bien les conventions du genre. Des
les Cathares (allez savoir pourquoi, senties, matinées du portrait au vitriol victimes disparaissent, mais
en tout cas le livre ne le dit pas….) et d’un monde décadent, laissez tomber personne ne s’inquiète de leur
celui d’une autre jeune fille, Dean Koontz, Peter Straub et absence. Les preuves s’étalent au
contemporaine, qui s’avèrera la consorts, et précipitez-vous sur ce grand jour – Bateman apporte à son
descendante de la première. roman culte de Bret Easton Ellis. teinturier des draps tachés de sang –
Alors que la lecture des événements L’histoire est celle de Patrick sans que cela ait la moindre
de la croisade et du siège de Bateman, Golden boy dans toute son incidence. Bateman fait part de ses
Carcassonne subjuguent le lecteur, le écœurante splendeur qui semble pulsions meurtrières et avoue ses
récit des aventures « policières » passer bien plus de temps dans les crimes les yeux dans les yeux à ses
d’Alice est plus qu’ennuyeux. boites et restaurants branchés de amis (“Tu es une immonde salope et
D’une manière générale ce livre est New York qu’à son bureau. Quand il je voudrais te crever la peau et
trop long et trop bavard. Il semble ne flambe pas en société, ses m’amuser avec ton sang.”), mais
que cela soit le défaut des écrivains occupations favorites consistent à ceux-ci ne l’entendent ni ne le
anglo-saxons. regarder des vidéos pornos ou comprennent, parce qu’ils sont trop
La partie consacrée aux aventures d’horreur, entretenir son corps de saouls, trop shootés, ou trop
d’Alaïs au début du treizième siècle bellâtre bronzé et louer les services renfermés sur eux-mêmes pour

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33 Chroniques livres
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endosser le poids d’une telle chaise roulante, un véritable dans ce roman publié en 1982, le
confession. Et plus que la violence cauchemar pour cette sportive héros subissait la transformation
extrême du roman, ce qui dérange émérite amoureuse de sensations incontrôlée d’un corps qui devient
les “âmes sensibles” est sûrement fortes. étranger, le menant au bord d’une
cette double absence : absence Il lui reste cependant un espoir, si folie sourde et moite. Cette nouvelle
d’empathie pour les victimes et elle accepte de se soumettre au variation est agrémentée d’un zeste
absence de némésis pour le tueur. traitement d’un organisme secret que d’alibi scientifique – composants
Lui-même incapable d’expliquer ses le hasard ou le destin a placé sur sa nanotechnologiques protecteurs et
actes, Bateman est définitivement un route, un de ses agents étant soigné réparateurs – mais elle tourne vite à
monstre venu d’ailleurs, un tueur dans le même hôpital que Peggy. Cet l’excès, et parfois au ridicule, par
pervers digne de poser aux côtés des organisme, c’est le D.E.S.T.R.O.Y., exemple quand Yumiko lutte pour ne
figures incontournables du genre, de Département d’Etude, de pas se transformer en… vache
Jack l’éventreur à Hannibal Lecter en Surveillance Tactique et de laitière. C’est ce que reprocheront les
passant par Norman Bates, à ceci Recherches Opérationnelles Y détracteurs de Brussolo, mais la
près que dans cette galerie hors (Brussolo était visiblement à cours rengaine est connue, l’auteur faisant
norme, Bateman semble encore d’inspiration pour le Y, on aurait pu preuve des mêmes défauts et
anormal tant son indescriptible folie lui suggérer “Y a qu’à ! “). La qualités au fil de chaque livre. Cela
n’a aucune limite et ne répond à spécificité de cette agence, c’est de étant, une fois le contrat de lecture
aucune règle. “American Psycho”, de créer les super espions du 21ème accepté, ce premier opus d’une
par son ton froid et décalé, son siècle, « capables d’endurer des nouvelle série se laisse lire avec
absence de morale, son traitement souffrances atroces, des blessures plaisir, et plus d’un lecteur se
iconoclaste du thème du tueur en mortelles, mais de n’y prêter aucune surprendra à attendre la suite des
série et son mélange des genres est attention et de poursuivre la mission aventures des deux rivales. La
une œuvre inclassable, un classique sans s’arrêter à ces détails ». Sa preuve que, une fois de plus,
moderne à lire absolument. formule miracle, ce sont des Brussolo a réussi son coup.
nanoparticules révolutionnaires
Hervé Lagoguey capables de réparer le corps des Hervé Lagoguey
agents à chaque agression, mais
American Psycho, de Bret Easton aussi de modifier leur ADN en Serge Brussolo, D.E.S.T.R.O.Y. 1,
Ellis, 1991, traduit de l’américain par fonction des dangers de L’homme de la banquise
Alain Defossé, 10/18 Domaine l’environnement. Véritables D.E.S.T.R.O.Y., Vauvenargues 2007,
étranger, 2005, format poche, 526 caméléons, ils peuvent se couvrir de format poche, inédit, 260 pages, 6,99
pages, 9,50 euros pelage en cas de froid, ou d’écailles euros
pour se protéger du feu. Les
D.E.S.T.R.O.Y. 1
L’homme de la banquise
possibilités sont infinies, et comme à
l’accoutumée, Brussolo laissera libre De feu et
cours à son imagination débridée.
Serge Brussolo Entre un corps de grabataire et un
corps amélioré capable de de sang
performances dignes des super-
héros, Peggy n’hésitera pas Melvin Burgess
longtemps, mais cette résurrection a
un prix. Non seulement Peggy devra
se transformer en tueur implacable
au service de l’agence, mais elle
devra aussi faire face à l’inimitié et au
désir de vengeance de Yumiko
Yoshitzune, l’espionne jugée trop
usée dont elle prend la place. Elle
devra aussi prendre garde à ne pas
Peggy Meetchum, l’intrépide héroïne subir le même sort que Yumiko, qui Dans cette ère technoscientifique,
des Enfants du crépuscule, de doit se battre comme une damnée Sigurd fils de roi, âgé de quinze ans
Baignade accompagnée et Iceberg pour contrôler des nanoparticules de est le dernier des Volson. Lui seul à
LTD est de retour. Sans le sou, elle moins en moins fiables au cours du le pouvoir de tuer le dragon Fafnir et
accepte une mission des plus temps, faisant subir à son corps les de restaurer la paix et l’unité du
périlleuses : récupérer dans les transformations les plus saugrenues. royaume d’Angleterre. Il avait été
montagnes glacées de Falling Rocks conçu, programmé et élevé pour
La 4ème de couverture un brin
la preuve – un corps, ou à défaut, devenir un héros.
racoleuse parle de D.E.S.T.R.O.Y.
une tête – que le richissime homme Alors le voilà parti sur son cheval
comme d’un croisement entre ALIAS
d’affaires Faron Carpenter est bien Pantoufle : un authentique ciborg.
et Kill Bill, mais si Brussolo est un
mort, afin que ses descendants Mais soudain, seul dans la nuit, il
grand recycleur devant l’éternel, c’est
puissent hériter de sa fortune. était conscient qu’il n’était pas encore
d’abord et surtout de ses propres
Mission à moitié couronnée de prêt à relever ce défi.
récits. En effet, combien de fois a-t-il
succès, puisqu’à son terme Sigurd trouvera-t-il le courage de
écrit le même roman depuis Traque
l’aventurière se retrouve en miettes mener à bien sa mission ? Mission
la mort ? Dix, vingt, trente ? Déjà,
sur un lit d’hôpital, condamnée à la qui l’entraînera en enfer dans les

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profondeurs de la terre où il géante. C’est là que commence un séminaire pour goûter à une liberté
rencontrera Bryony. incroyable aventure car le père est qui le grise. Sa curiosité maladive le
Tissant sa trame à partir d’un monde avalé par l’araignée et les deux pousse en permanence dans des
apocalyptique ou la guerre pour le enfants doivent fuir. intrigues dont il ne peut se séparer
pouvoir fait rage, l’auteur introduit Dans ce monde hétéroclite, quoi de sans les avoir résolues. C’est
sans tabou dans un langage assez plus naturel que d’habiter une maison pourquoi, au fil de l’eau, il s’est acquit
cru un thème qui lui est cher, celui de navire en orbite au nord de la Lune, de solides amitiés et une bonne
l’adolescence et de la découverte de ou de prendre un éther-navire pour réputation. Alors qu’il devait rentrer
la sexualité, de la découverte du voyager sur Mars, Uranus ou avant la Saint-Patrick dans ses
corps et du plaisir, mais aussi de Jupiter ? pénates, il s’égare et arrive dans un
l’homosexualité. Comme le dit le C’est dans ce monde que nous petit bourg, où, bien sûr, un mystère
héros lui-même : « Le sexe c’est si emmène Philip Reeve. Avec un reste irrésolu. Hébergé par de gentes
humain, non ? ». Alors pourquoi faire langage clair et agréable, nous dames en deuil de leur jeune
la guerre quand il y a tant d’amour à accompagnons Myrtle et son frère parente, Eris Lilywithe, il leur promet
partager ? Arthur dans leurs aventures inter de tenter de faire la lumière sur sa
Le style narratif particulier de Melvin planétaires saupoudrées d’un humour disparition avant de repartir pour tenir
Burgess crée une grande proximité très british où même un exemplaire une promesse faite à sa femme.
entre le personnage et le lecteur. du Times peut servir de défense à L’écriture de Kate Sedley se bonifie
Bien souvent, l’auteur s’efface une jeune fille en danger, même si comme il se doit et nous offre un livre
derrière ses personnages pour les cela n’est pas du meilleur effet ! sans aucun temps mort. L’action
laisser s’exprimer. Ainsi la plupart du L’esprit patriotique des deux jeunes évolue dans un petit village isolé qui
temps le récit est conduit par les est présenté de façon très plaisante. n’est pas sans rappeler un autre
personnages eux-mêmes qui Nous suivons donc les deux Village mis en scène par M. Night
racontent de leur propre voix ce qu’ils personnages principaux avec plaisir Shyamalan. En effet, bien que la très
ressentent ou ont à dire. Cette car le texte est vivant, très bien catholique Angleterre a éradiqué ses
particularité a le pouvoir de pousser rythmé et plein d’humour. Le tout précédents cultes, Roger est
le lecteur à s’identifier au héros en mêlé de la présence d’un pirate et de confronté à une ambiance païenne
adhérant à sa vision du monde. quelques étranges créatures nous qui l’effraye. Face à des autels
A lire à partir de 14/15 ans. tiennent en émoi jusqu’à la fin du improvisés en l’honneur des arbres,
récit. Les illustrations intérieures très des sources ou pour appeler un
Eunice Martins représentatives, ainsi que le format sacrifice humain, son intelligence et
du livre et la couverture en sa connaissance des textes sacrés
De feu et de sang,- Melvin Burgess - 3dimensions ne peuvent que séduire ne lui sont d’aucune utilité. La peur
Gallimard, 334 pages, 15 euros le jeune lecteur. induite par ces coutumes revêt le
récit d’une aura particulière.

Planète Eunice Martins

Planète Larklight,- Philip Reeve -


Néanmoins, la qualité première de ce
policier historique est la capacité de
l’auteur à nous faire vivre au XVe

Larklight Gallimard jeunesse, 444 pages, 18


Euros.
siècle sans pour autant nous perdre
dans des locutions anciennes. Le
récit se lit facilement et avec plaisir et
Philip Reeve La Danse garde son intérêt jusqu’au bout. Le
dénouement est toujours un peu
faible, mais, au fond, ce n’est pas le
des neuf plus important.

Valérie Revelut
Kate Sedley
La Danse des neuf, Kate Sedley,
Traduction : Corinne Derblum,
Arthur et sa sœur aînée Myrtle éditions 10/18, collection Grands
habitent avec leur père, le savant détectives, 285 pages, 7,30 euros
Edward Mumby à Larklight, une
maison-vaisseau volante qui voyage
dans l’espace. Le père étudie les
Piste sanglante
ichtyomorphes et depuis la mort de
sa femme, il se concentre
Tanya Huff
essentiellement à son travail. Alors
quand arrive une lettre de l’Institut
royal de xénologie annonçant la
venue de Mr Webster, toute la Roger Chapman est colporteur, il part
maison est en ébullition. de longs mois loin de sa famille pour
Oui mais voilà, Mr Webster arrive arpenter villes et villages en offrant
plus tôt que prévu et à la grande aux habitants des colifichets, articles
surprise de la famille Mumby, ils de couture, tissus, etc. Il a choisi
découvrent horrifiés une araignée cette vie abandonnant même le

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Tanya Huff nous a surpris avec son Retrouvez trois mille cent mots dans emménage chez Rush, elle doit
premier roman édité en France par ce dictionnaire regroupant des cohabiter avec l’actuel colocataire de
sa qualité d’écriture, de concision et thèmes de science fiction, son minable appartement, Sol, un
sa manière de mener le déroulement mythologie, mysticisme, vieillard qui a vu le monde sous un
de son récit. Le deuxième opus des démonologie, théologie et autre jour meilleur, il y a bien longtemps,
aventures de Vicki Nelson annonce la ésotérisme. D’Abaddon (un des fils quand chacun avait de quoi se nourrir
couleur dès le début : après les de Lucofer) à Zozo (démon picard). et se loger, du moins dans cette
démons et les vampires, l’auteur Sont aussi bien indiquées dans le grande nation qu’est l’Amérique…
s’attaque aux Loups-garous. Et elle dictionnaire des espèces (ex. les L’histoire de cette enquête et de ces
fait bien ! On a le sentiment qu’elle farfadets), que des personnes destins croisés n’est évidemment pas
n’a même pas eu besoin de se célèbres, des espèces, des le plus important dans Soleil vert. Ce
demander si elle allait dépoussiérer techniques ésotériques. Utile pour les qui a fait en son temps l’intérêt de ce
la légende, mais a élaboré d’une néophytes comme pour les roman, et qui en fait à présent un
manière intelligente et rationnelle (ce passionnés. classique, c’est le portrait d’une
qui est un comble pour un mythe !) Jacques Mazeau, consultant en société future absolument
une race hybride, ni homme, ni communication, est l’auteur de cauchemardesque. C’est à cela que
animal avec ses codes et coutumes nombreux ouvrages dont deux ressemblera notre futur, nous dit-on
sans avoir à puiser dans les romans, Le Pont de l’aigle et L’Or des en préambule, si les autorités, les
précédents écrits publiés sur le sujet. Maures, qui se situent aux frontières politiques, les industriels, les citoyens
L’intrigue est bien menée, et si du réel. Aurélien Le Blé, auteur - bref, l’ensemble des
comme dans son premier livre, la d’ouvrages sur le paranormal, a consommateurs - ne font rien pour
découverte du meurtrier n’est pas le traqué le mystère et l’étrange préserver la terre et les richesses
point d’orgue du récit, sa traque et le pendant de nombreuses années dans dont ils ont hérité.
dénouement tragique donnent toute de longs travaux d’investigation. Pour Sol, favorable à une politique
leur force à l’histoire. Aujourd’hui, il partage son temps rigoureuse du contrôle des
Parallèlement, on assiste à la montée entre l’écriture et la communication. naissances, tous les problèmes
du désir entre Vicki et le vampire Dommage qu’il n’y ait pas viennent du fait que nous sommes
Henry Fitzroy qui l’accompagne dans d’illustrations, mais c’est un bel trop nombreux sur terre, ce qui a
sa recherche. L’arrivée de Mike ouvrage, écrit dans un style clair. Un mené à l’épuisement de toutes les
Celluci (l’ex-partenaire de Vicki du travail énorme qu’il faut saluer. ressources naturelles en un siècle.
temps où elle faisait partie de la Le titre original du roman se traduit
police), venu mettre en garde sa Virginie Liégeon par Faites de la place ! et renvoie à
collègue des trous qu’il a dénichés ces problèmes de surpopulation dont
dans le curriculum vitae de son ami Dictionnaire de l’étrange- Jacques le New York de Harrison offre le pire
qu’il soupçonne de faire partie de la Mazeau et Aurélien Le Blé- Editions exemple. Brossant le portrait d’une
Mafia (sic !), augmente la tension à Le pré au clerc- avril 2007– 484 ville au bord de la ruine où
souhait. Ce pauvre flic de Toronto pages –26 euros s’entassent 35 millions de crève-la-
lâché dans la campagne canadienne faim, l’auteur lance un cri d’alarme en
entouré d’êtres surnaturels va devoir
déciller ses yeux rapidement pour
Soleil Vert forme de tableau catastrophe.
Lors de l’été, caniculaire, les gens
survivre. Harry Harrison sont vautrés dans la poussière, à
Les promesses du premier ouvrage l’affût du moindre coin d’ombre, dans
sont tenues et ne font qu’exciter notre des odeurs de sueur et d’ordure que
attente. Quelle légende revue et pas un souffle d’air ne vient chasser.
corrigée Tanya Huff va bien pouvoir Quand l’hiver arrive, glacial, il n’y a
nous offrir dans son prochain plus de médicaments et
ouvrage ? d’antibiotiques pour soigner les
malades. En toute saison, les gens
Valérie Relevut dorment et crèvent dans la rue,
comme des chiens. Ils peuvent aussi
Piste sanglante (une aventure de mourir de faim ou de soif, quand les
Vicki Nelson tome 2) de Tanya Huff, points d’eau sont coupés parce que
traduction : Patricia Ranvoi,- éditeur : En surface, Soleil vert pourrait se les réservoirs sont vides, quand le
J’ai Lu, collection : Mondes résumer à quelques données. Le rationnement est de plus en plus
mystérieux, 312 pages, prix : 6,50 lieu : New York. L’époque : le futur drastique, même pour fournir l’infâme
euros proche. L’histoire : une enquête purée de céréales ou la nourriture à
policière. Mike O’Brien, caïd de la base de plancton nommée ENER-J.
Dictionnaire de pègre locale, est tué accidentellement Ils peuvent encore mourir lors des
l’étrange par Billy Chung, un jeune qui comme
tant d’autres se débrouille pour
émeutes consécutives à ces
rationnements, ou se faire tuer pour
Jacques survivre dans la mégapole, entre vols un bidon d’eau…
et petits boulots. Andrew Rush, flic Le monde du trop et du trop
Mazeau et consciencieux et intègre, est chargé peu décrit par Harrison sert tout à fait
Aurélien Le de l’enquête. Incidemment, il se lie son propos : trop de monde, trop peu
avec Shirl, l’ex-petite amie du caïd, et de place pour les loger, pas assez de
Blé finit par sortir avec elle. Lorsqu’elle produits pour les nourrir. Les riches,

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36 Chroniques livres
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uniquement représentés par des Dans ce roman qui date de 1972,


personnages interlopes, peuvent Simak aborde le thème de
encore s’offrir le luxe d’un bain, d’un l’Apocalypse et du jour « d’après »,
steak ou d’un whisky. Les masses d’une manière très originale. Ici pas
grises et crasseuses se contenteront de déferlement de violence, ni de
de la bouillie servie à la populace, de planète à feu et à sang, mais
croûtes et d’épluchures, ou d’un bon simplement quelques hommes qui se
gros rat ou d’une patte de chien pour sont un jour réveillés sur une planète
manger de la « vraie » viande. Les quasiment vidée de sa population .
plus chanceux, ceux qui ont un La poignée d’humains restante via ces derniers que la terreur prend
logement parce qu’ils travaillent 14 constate, sans aucune explication ses aises, nous faisant croire qu’il
heures par jour comme Rush, apparente ni logique, qu’à part eux, la existe bien une faille quelque part et
risquent de voir débarquer dans leur Terre n’abrite plus que quelques que, de ce fait, le navire de notre
appartement des parasites munis indiens et des robots. Les traintrain ordinaire peut couler. C’est
d’un ordre de réquisition leur donnant « survivants » sont alors obligés de ce que va découvrir Ruth, une
en toute légalité le droit de s’installer se lancer dans une partie de cartes, conservatrice de musée répertoriant
chez eux. dont les règles ont totalement des œuvres d’art volées par les
Bienvenue dans ce monde de changé. Du fait de leur petit nombre nazis. Un tableau, tout ce qu’il y a de
solidarité, bienvenue dans ce monde dans un premier temps, mais plus banal, va déclencher une lutte
de… demain. volontairement par la suite, ils entre une vieille femme, Lydia, et un
Loin du climax et de la morbide s’écartent progressivement de toute allemand, qui convoitent tous deux
révélation du film qu’en a tiré Richard technologie. Ce dépouillement l’objet. Pourquoi les nazis ont-ils
Fleischer (voir l’interview de Harrison s’accompagne de cherché à posséder cette œuvre, et
dans ce numéro de SF Mag), ce qui l’apparition d’une longévité de ce fait que désir vraiment Lydia ?
est le plus glaçant dans Soleil vert exceptionnelle ainsi que de capacités Leçons de peinture, visite
est ce sentiment d’inéluctable et de insoupçonnées qui modifient d’Amsterdam, on prend rapidement
résignation qui ne cesse de croître au totalement leur rapport au monde. Le plaisir à suivre les quelques
fil des chapitres. Même Rush, le retour annoncé des « Autres », ceux protagonistes du récit, cherchant, tout
personnage le plus actif et le plus qui ont été enlevés permettra de comme elles, à décrypter le passé de
positif, plie l’échine dans un système comprendre la raison de cette ce tableau. Récit fluide, malgré
qu’il sait ne pouvoir changer d’un Apocalypse « douce ». quelques cassures de rythme, la
iota, et poursuit sa route toute tracée D’une façon prémonitoire, Simak peinture devient progressivement
comme si la seule option dans cet pose des questions qui sont d’une vivante au fil des pages, soufflant ses
univers délétère était de survivre, ou actualité brûlante. L’espèce humaine secrets au compte-gouttes. Attirant le
disparaître. Quand la perspective est-elle condamnée à la course en lecteur jusqu’au coup de pinceau
d’un monde meilleur n’existe pas, il avant du tout technologie ou existe-t- final.
n’y a pas de place pour la rébellion. il une autre voie ? Quel est le prix à
Harrison avait situé l’action de son payer pour chacune de ces options ? Grégory Covin
roman en 1999, mais il importe peu A côté du thème écologique, ce livre
que cette date soit dépassée, comme propose également une réflexion Le Tableau de l’Apothicaire (The
pour beaucoup d’œuvres de SF de philosophique qui amène le lecteur à Apothecary’s House) – Adrian
l’époque – écrit à la même époque réfléchir sur le concept de la Matheuws - Traduit de l’anglais par
(le Blade Runner de Dick se projetait Création. Michèle Garène– Points – Juin 2007
ainsi en 1992). Aujourd’hui, dans les En un peu plus de deux cents pages, – 602 pages – 7,80 euros
bidonvilles du tiers monde et des sans dialectique mais sans facilité,
pays industrialisés, démocratiques ou Simak nous met face à tous les défis Les Ames de la Grande Machine T1
non, ce livre ne relève plus de la que notre planète va devoir affronter
science-fiction. Le pire est annoncé, dans les années à venir. Quand le Le Calculateur
le pire est déjà là. mot anticipation prend tout son
sens...
Sean McMullen
Hervé Lagoguey
Dominique Simon
Harry Harrison, Soleil Vert (Make
Room ! Make Room ! 1966), traduit A Chacun ses dieux (A Choice of
de l’américain par E. de Morati, 1ère Gods - 1972) de Clifford D.Simak
publication en France aux Presses de Traduit par Jacques-Daniel Vernon
la Cité, 1974, dernière édition en 1973 – Editions Denoël – Collection
date, Presses Pocket, 1988. Présence du futur n°169 – 217 pages

A Chacun ses dieux Le Tableau de


(A Choice of Gods)
Clifford D.
l’Apothicaire Nous avons tout perdu après le
Adrian Matheuws Grand Hiver. Technologies, savoirs. Il
Simak n’en reste que quelques bribes.
La vie chavire toujours de par des Zarvora Cyberline est persuadée
objets ordinaires, et c’est en général qu’une catastrophe d’une même
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ampleur est sur le point de survenir magazine Khimaira, se lance à amicaux avec les quelques amis lui
de nouveau, et que la fin du monde présent dans l’édition de romans, et restant. Mais c’est là que se produit
est proche. Elle décide ainsi de non des moindres, puisqu’il s’agit de un drame. Alors qu’il range ses
construire la Grande Machine pour la franchise romanesque héritée de la courses dans le coffre de sa voiture,
confirmer ses dires mais, faute de plus terrifiante saga de science-fiction il est alerté par une violente
matériel, porte son attention sur les de tous les temps, Alien. Que dire de échauffourée dans laquelle il sera
aptitudes de l’être humain pour la ce qu’il en ressort ? Une traduction pris à partie avec une grande
faire fonctionner… parfaite faisant honneur au texte violence. Poussé à bout, Robert
Récit original mais ardu, on se bat originale, aucune coupe, une devra défendre chèrement sa peau
pour arriver jusqu’au dernier feuillet, maquette irréprochable (de l’excellent face à des individus rendus fous par
tant il est parfois complexe de s’y Stephen Youll), et un récit qui délite un mal inexplicable les obligeant à
retrouver dans cette uchronie un suspense allant selon un faire acte d’une hyper-violence
fascinante et sans pitié. crescendo des plus aboutis, font de généralisée. Accompagné par une
ce premier opus d’une longue série institutrice qu’il a pu sauver d’un viol
Grégory Covin une belle réussite éditoriale. collectif ainsi que du jeune Billy,
Alors, que ceux qui ne savent pas Robert ira jusqu’au bout de cet enfer
Les Ames de la Grande Machine T1 quoi faire cet été, et qui en ont marre que son esprit s’obstinera à
– Le Calculateur (Souls in the Great des romans poussifs d’une SF rationaliser, alors que la vérité est
Machine) – Sean McMullen - Traduit mièvre, se jettent sur cette belle autre...
de l’anglais (australien) par Raphaële surprise. Ils pourront être très surpris Le recueil Zombie Blues est
Provost – Le Livre de Poche – Mars par les qualités de l’écriture et de la abondant en nouvelles toutes plus
2007 – 412 pages – 6,95 euros traduction. De plus, pour les intéressantes les unes que les
nostalgiques du mythe, ce pourra une autres. Dans Trois vœux, c’est le
Aliens très passionnante façon d’y faire un
retour. En attendant un possible Alien
vieux thème faustien de la tentation
de vendre son âme au diable qui est
Péché originel 5... mis en scène. Mais le ton est
nettement ironique, l’auteur se
Michael Jan Friedman Emmanuel Collot plaisant à tordre les idées par trop
rigides sur ce sujet. La punition est
Aliens, Péché originel, Michael Jan cependant plus sournoise, elle se
Friedman, couverture par Stephen modernise avec le temps, et le Diable
Youl, traduit de l’américain par Eric n’est pas avare pour faire endurer
Blufkens, éditions Outworld, 279 l’enfer sur terre durant... une éternité.
pages, 8, 50 euros Crépuscule est également une
nouvelle très maîtrisée par un art
Amok d’amener les événements de façon
presque magique. Un ancien
séminariste est pris en stoppe par
Gilles Bergal une nonne qui va se révéler être un
Il y a trois longs siècles de cela, spectre. La fin est d’une ironie
l’officier Ellen Ripley fut à l’origine de dévorante, fatale même. Comme
la destruction totale d’un très quoi, les voies du seigneur sont bien
important navire Nostromo de la impénétrables.
compagnie Weyland-Yutani. Le livre dans son ensemble montre
Répondant à un soudain appel de un réel sens de récit. L’auteur, de
détresse, l’équipage s’était rendu sur son vrai nom, Gilbert Gallerne,
la planète Acheron. Ils y découvrirent parvient à renouer avec cette frange
un enfer absolu et une race qui d’un fantastique plus radical et
s’avérera avec le temps être la plus immédiat, établissant des
dangereuse menace pour l’homme, Gilles Bergal est un auteur assez correspondances avec le cinéma de
et pour toute forme de vie. Le temps connu, mais que les caprices Carpenter ou de Romero. Son style,
est passé, et le clone d’Ellen Ripley éditoriaux de maisons d’édition peu incisif et d’une redoutable efficacité,
va découvrir combien les monstres enclines à un fantastique par trop ravira les fans d’un fantastique plus
des contes de fée ont une existence violent, ont confiné peu à peu dans proche d’un Stephen King. De plus,
réelle. Accompagnée par l’androïde un certain anonymat. C’est avec un chaque petite introduction préludant
Call, le mécanicien paraplégique immense plaisir qu’on découvre un chaque nouvelle, a la particularité
Vriess, ainsi que par une brute de recueil assez conséquent, composé d’introduire l’histoire avec assez de
mercenaire du nom de Johner, elle d’un court roman, Amok, ainsi que subtilité pour susciter un réel intérêt.
ira jusqu’au bout du rêve de sa d’un recueil de nouvelles, Zombie On pense furieusement aux belles
génitrice, pour se confronter à Blues. introductions d’un Rod Sterling avant
l’horreur absolue où les monstres ne Robert Ackerman est un ancien GI chaque épisode de la quatrième
meurent jamais vraiment... qui n’a peur de rien mais vit une dimension. C’est cet aspect de séries
Nouvelle et jeune maison d’édition, existence tranquille de reclus, ses de sketchs horrifiques qui font que ce
les éditions Outworld, (auxquelles on sorties uniques se résumant à livre ne ressemble à nul autre si ce
doit le très injustement mal traité descendre en ville faire des courses n’est à l’ère des pulps, jadis aux
cycle de Mythworld), parrainée par le ou d’organiser des rendez-vous Etats-Unis. Une réussite aux

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dimensions américaines... point réussi. Dans la première Espérons que l’avenir soit plus
A noter encore une fois que les histoire, nous suivions la sorcière de fleurissant en traduction...
éditions Rivière blanche montrent un troisième classe des Nightwatch,
sens esthétique remarquable. Avoir Alissa Donnikova, petite amie Emmanuel Collot
choisi une couverture de Yoz pour occasionnelle du chef des Daywatch
illustrer ce recueil fut un choix de Moscou, Zebulon. Après s’être Daywatch2 Les sentinelles du jour,
judicieux. Le jeune artiste fait confrontée à Anton, le héros du tome Serguei Loukianenko, Albin Michel,
merveille et ce livre est encore plus 1, celle-ci a vu son énergie magique traduit du Russe par Christine
agréable à lire... si malmenée qu’elle fut obligée de Zeytounian-Beloüs, 453 pages, 18,50
rallier une colonie d’enfants afin d’y euros
Emmanuel Collot retrouver de sa puissance de jadis.

Amok, Gilles Bergal, couverture par


C’est là qu’elle connaîtra une
nouvelle idylle aux côtés d’un certain
GeMs Livre II
Yoz, Editions Rivière Blanche, 346 Igor, des Daywatch. Un amour naît Paradis artificiels
pages, 25 euros entre eux, une haine se réveillera
aussi. Corinne Guitteaud
Daywatch 2 Dans la seconde histoire de ce
recueil, on suivra le destin singulier
Isabelle Wenta
Les sentinelles du jour d’un certain Vittali Rogoza, un
énième Sombre, mystérieux et
Serguei Loukianenko porteur d’un pouvoir grandissant.
Trimbalant sur son chemin une valise
pleine d’argent, il s’attirera les
foudres du contrôle de la nuit. Mais le
plus troublant pour lui est le fait qu’il
est porteur d’un pouvoir dont la force La Terre conjuguée au futur. La
exponentielle semble être liée au vol montée des eaux a dévasté la
d’un artefact ancien. Ce dernier serait presque totalité du globe, et les
porteur d’un savoir oublié que survivants subissent les
beaucoup convoitent. Pour Vittali, la rayonnements solaires que la couche
vie devient une jungle dans laquelle il d’ozone ne parvient plus à contenir.
erre un peu perdu, surtout quand on Les survivants ont cherché refuge
Voici enfin le second volet de cette parle des agissements d’une certaine dans l’intérieur des terres, aux portes
remarquable fantasy urbaine d’origine inquisition. de cités de riches protégées par
russe, qui installe une très belle Dans L’autre force, enfin, troisième d’immenses dômes. C’est là
correspondance avec des auteurs partie de l’ouvrage, qui est une qu’émergent de nouveaux pouvoir
relevant du même genre mais au manière de conclure les aventures comme Prospectives, un vaste
moyen d’approches différentes. Il des sentinelles, on découvrira les consortium martien. Au cœur des
n’est qu’à citer l’œuvre monumentale tribulations d’un certain Edgar. Celui- cités des dômes, on a inventé de
de Charles de Lint (jamais traduit en ci, est mandaté par Zébulon pour se nouveaux esclaves, des
France hormis quelques nouvelles rendre à Prague, afin de défendre les génétiquement modifiés, des GeMs,
chez les très regrettées éditions vues des Sombres dans un procès qui se nomment eux-mêmes des
Oxymore) pour nous rendre compte intenté par l’inquisition. Anton, qui est Inédits. Dehors, là où règne la famine
combien les Russes sont en avance également mage de seconde classe, et l’ultra violence, c’est EDo qui a pris
sur la fiction française, sauf peut-être mais du côté des blancs, sera convié le pouvoir et gère les colonies de
l’excellent Jérôme Noirez dont le au même procès, et un hasard les laissés pour compte, le rebut
cycle entamé avec Féerie pour les forcera à se rencontrer. Les intrigues classique des grandes catastrophes.
ténèbres marque un tournant dans le se complexifient et les lecteurs Mais la communauté d’Eden traverse
genre. sortiront de la lecture de ce second de nouvelles épreuves à présent.
Après avoir suivi avec délectation la périple complètement conquis par Natasha Hélénus, sa fondatrice, est
première aventure centrée autour de une plume au verbe clair et léger, morte. Pendant ce temps, PPV
ceux qui contrôlent la nuit, voici que profond et furieux, qui sait faire usage fomente de nouveaux troubles, grâce
l’auteur nous invite à nous intéresser de tout un vocabulaire magique sans en grande partie à la création de
aux Autres, les Sentinelles du jour. sombrer dans la préciosité ou la monstres comme Giansar, alors
Jadis, un pacte de non agression fut tactique jeux de rôle. qu’une délégation d’Allemands rentre
signé entre les Daywatch et les L’ambition est réellement littéraire et en jeu dans un monde toujours plus
Nightwatch, instaurant un contrôle promet beaucoup pour l’avenir de la menacé par la sédition. De rixes en
par le biais d’une police magique en fiction Russe qui s’élève sans aucun confrontations sauvages, de quêtes
cas d’ingérence et de dépassement complexe au niveau des Américains. stériles dans un monde sans issue à
des prérogatives. Le pacte a été Un auteur à suivre de très près, et des questionnements multiples, les
rompu et dès lors, une nouvelle qui rappelle la plume fameuse d’un protagonistes de ce monde post-
guerre commence à poindre au fil Brian Lumley, interdit par une apocalyptique semblent ne jamais
des intrigues. inquisition qui sévit un peu trop voir l’aurore glorieuse promise dans
Trois parties forment un tout concis souvent dans le milieu éditorial, et qui toute histoire.
dans cet ouvrage, les deux premières fait que le genre fantastique en est Le couple Guitteaud et Wenta
se résolvant dans un final en tout presque au point zéro en France. poursuit son petit bonhomme de

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chemin dans cette saga intéressante Cet ancien psychiatre, considéré sens où il évalue tout à partir de son
mais quelque peu encombrée par aussi comme un original, un révolté propre système de valeurs. Dès lors,
une série de termes trop techniques, et un furieux dans son pays, est une il pourra sauver comme tuer, piller
des formes nominales trop sommité du genre aux States, alors comme donner,...
complexes pour pouvoir remporter que chez nous, c’est un parfait Dans le second court roman La
tous les suffrages. L’autre problème inconnu. La différence n’est chose croisade des ténèbres, l’auteur nous
de ce cycle, c’est parfois le manque pas toujours acceptée, même là où raconte comment un barbare, en
de profondeur des personnages. on s’y attend le moins. Oui mais, prenant fait et cause pour un
Ainsi, quand Giansar se fait régler Wagner n’est pas n’importe qui, il est prophète au charisme irrésistible que
son compte, on est presque choqué le père d’un archétype littéraire à lui suit tout un peuple, encourt de perdre
que cela se fasse aussi aisément, tout seul, le mot est lancé. Car, la un bien plus grand. Car, il est dit
alors qu’il est tout de même plus grande particularité que possède qu’on ne peut pas servir dieu et
considéré comme un personnage à ce géant est celle d’avoir su créer un Mamôn en même temps. Là, nous
part possédant des facultés étranges personnage aussi essentiel que le avons une question éthique qui se
et supérieures. La fin est aussi Elric de Moorcock ou le Conan de dégage de cette histoire, mais en
décevante, conçue comme un pied Howard. Wagner, tout en ayant même temps l’affirmation de la vie,
de nez pour faire rebondir l’histoire, assumé brillamment une fonction des conséquences des choix aussi.
ou une accroche pour nous entraîner d’éditeur, a mené une carrière Kane campe définitivement un
sur le tome 3, alors qu’en fin de d’écrivain riche et féconde. Que ce archétype littéraire, dans le sens qu’il
compte, elle ne parvient qu’à nous soit en fantastique, en fantasy ou émane de son personnage une aura
laisser sur notre faim. comme anthologiste, l’auteur fut de mythique et que sa figure exerce une
Ceci dit, l’univers décrit reste tous les combats. Parus aux Etats- fascination entière.
intéressant. On y sent l’imaginaire Unis dans le milieu des années 70, L’auteur a voulu inscrire son histoire
florissant de Corinne Guitteaud, bien ses textes mettant en scène Kane, dans un biblisme négatif. Ainsi, en se
qu’il déçoive au regard des hormis une ou deux courtes basant sur une même source
promesses du premier tome. Avec nouvelles, n’avaient jamais connu originaire, l’histoire de la chute du
plus de réflexion, ce second opus une traduction en France. Gilles paradis, Wagner valide un monde
aurait pu donner une œuvre Dumay a enfin mis fin à cette entièrement alloué au mal, aux
essentielle. Les qualités sont pourtant malédiction. ténèbres, un monde dont est absente
là, une écriture riche et fertile, des Dans la première longue nouvelle (La toute rédemption. Dès lors, et cela se
galeries de personnages assez pierre de sang), en fait un court voit dans les énoncés même des
nombreuses, une intrigue. Mais la roman foisonnant de situations et titres de ses textes, on peut faire
force dramatique retombe, certains péripéties, de paysages et de n’importe quelle croisade et adorer
épisodes coupent le rythme de sauvagerie, nous découvrons un n’importe quel dieu qui nous
l’histoire, et on est bien en mal de aspect premier de ce personnage. dévorera, tellement l’humanité se
suivre l’aventure jusqu’au bout. Le Kane, hormis un barbare bardé de trouve définitivement encrée dans les
cycle de GeMs est cependant une muscles, est également un fin ténèbres.
œuvre attachante. C’est tout à stratège. Ici, il se retrouve entre deux C’est cette chiquenaude nécessaire
l’honneur de leurs auteurs de s’être peuples en guerre. Et au lieu de qui fait de tout son univers une des
intéressées à une histoire aussi trancher, et de choisir son camp, que plus remarquables créations
périlleuse pour tout écrivain. va-t-il faire ? littéraires, au même titre que l’âge
Manquait le petit détail, la prouesse Il prendra la tête des armées de l’un Hyborien de Howard ou la
pour élever cette saga au statut de tout en servant d’espion à l’autre Melnibonée de Moorcock. Si Leiber
chef d’œuvre attendu... peuple. Le ton est tranché, peut-être se surajoute aux comparaisons c’est
Corinne Guitteaud nous avait fait plus proche ici d’un Moorcock, sauf dans cette absurdité apparente qui
rêver avec Aquatica, on attend donc peut-être qu’il est également un parsème les textes, comme si le fait
avec impatience la suite de GeMs ... homme dépourvu de scrupules. Mais de se savoir tous à jamais perdus,
là où on aurait pu s’attendre à une nous donnait l’excuse arrogante de
Emmanuel Collot simple vanité d’homme affairiste, on nous en amuser. Wagner ne fait
découvrira en fait que le barbare aucune apologie du biblisme, il le
GeMs, Livre II : Paradis artificiels, rouquin poursuit en fait un but plus prend au pied de la lettre, et montre
Corinne Guitteaud & Isabelle Wenta, élevé, si on veut. Une ancienne aux lecteurs ce que cela voudrait
Couverture de Gess, L’Atalante, 416 magie demeure dans la pierre de vraiment dire, si c’était avéré vrai.
pages, 19.50 euros sang, et Kane ne vit que pour cela Fiction sur fiction, l’auteur est
dans ce récit âpre, juste assez pour parvenu à inventer un univers ayant
Kane confiner au chef d’oeuvre.
C’est que le Kane de Wagner, en
la même cohérence que la nôtre. On
peut y tuer des enfants, car même
L’intégrale plus d’être un colosse dépassant les enfants peuvent nous tuer. Plus
allègrement les cent kilos en de repère, plus d’espoir, Wagner fait
Karle Edward Wagner muscles, est aussi un initié aux arts de la punition divine une réalité
obscurs. Il constitue en cela une paroxystique, pour valider son
fascinante combinaison entre Elric et incroyable fresque qui en emmènera
Conan, une ironie qui parfois pêche plus d’un au bout de tout. De la lettre
par cynisme en plus. Ce qui du coup divine à celle de la fiction, il nous est
interdit toute autre comparaison, montré une fois de plus que c’est en
puisque Kane n’a plus de morale au imprimant une torsion sur le contenu

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premier (la chute) qu’émergent des Mais décrire notre propre monde à deux puissances extraterrestres. Mais
splendeurs et terreurs aussi réelles partir d’un tel univers tenant sur le après le pillage et la destruction de
que les choses de notre vie. Encore dos d’une tortue, ne sera pas sans plusieurs planètes par de
un bel exemple de réalisme magique engendrer d’innombrables paradoxes mystérieuses bandes pirates, le siège
à l’œuvre, et une preuve de plus de plus hilarants les uns que les autres. de la couronne décide de réagir, car
la fécondité de la fiction, dès lors Terry Pratchett s’est ici allié à de la paix est fragilisée. C’est
qu’on la laisse en paix dans ses brillants vulgarisateurs scientifiques curieusement en la personne d’une
mondes de chimères et de rêves, comme Ian Stewart et Jack Cohen. femme, le capitaine Alicia DeVries,
sans y allouer des vérités ou des Le lecteur devra quand même membre des commandos de choc du
desseins... renoncer à une lecture linéaire (il Cadre Impérial, que l’Empire va
Karl Edward Wagner nous a quitté en devra faire souvent des allers retours trouver une issue pour le moins
1994, et tout comme Gemmell, il va d’un bout à l’autre du livre). détonante. En effet, celle-ci, ayant
beaucoup manquer au genre. Cette merveille de concision et échappé à l’un des raids pirates qui a
d’érudition pleine d’humour, vu son monde natal détruit et toute
Emmanuel Collot permettra aux lecteurs de jauger leur sa famille massacrée, s’est vue
propre savoir à l’aune d’une pensée soudainement épaulée par un
Kane, L’intégrale, Karl Edward magique prenant notre univers mystérieux pouvoir, celui de deux
Wagner, traduit de l’américain par logique pour une hérésie. Une bien entités féminines. Renouant avec la
Patrick Marcel, Denoël, Lunes belle perspective. On les envierait légende des nuées, ce trio pour le
d’Encre, 29 euros presque, ces mages, tellement on moins atypique parviendra-t-il à
s’amuserait bien de temps en temps sauver l’Empire de sa chute
La Science du à considérer notre vie comme un programmée ? Et qui sont ces
paysage fait de prodiges. Mais ne pirates, une autre puissance tutélaire
disque-monde suffirait-il pas de s’amuser un peu à
changer de regard, à modifier notre
? Une épopée digne des gestes
Grecques commence à faire entonner
Terry Pratchett, Yan perspective ? Peut-être est-ce cela dans la galaxie le fracas de ses
que la clef de l’énigme, voir le monde armes et le chant de ses... Furies.
Stewart & Jack Cohen de façon plus large, plus magique et Reprenant à son compte la légende
secrète, sans pour autant décoller de grecque des furies, David Weber met
notre sol ? en scène une remarquable
Le regard de ces mages a quelque mécanique romanesque. Aussi à
chose de communicatif. On se dit l’aise dans les combats spatiaux
qu’on aimerait apprendre de cette qu’au sol, sous les pires conditions
manière. On aimerait, nous aussi, climatiques, David Weber nous
être des mages un peu déjantés, donne là une leçon d’écriture et une
s’étonnant de la logique apparente du intrigue des plus remarquables.
monde. Ces mages tordus mais Science-fiction guerrière, oui, mais
géniaux semblent nous enseigner rehaussée de remarquables mises en
l’étonnement. Une réflexion qui scènes et un sens du dépaysement
Pratchett nous offre un nouveau livre résonne longtemps dans l’esprit, une total, font des œuvres de Weber une
dédié à son célèbre disque-monde fois le livre refermé... enclave particulière au genre de la
mais aussi et surtout, profite de science-fiction. On aime ou on
l’aspect récréatif de celui-ci pour Emmanuel Collot déteste. Mais dans les deux cas, il
nous offrir un renversement des axes faut lui reconnaître une prose
traditionnels du savoir, ou du moins La science du Disque-Monde, Terry concise, un vocabulaire fouillé et des
de ceux qui sont supposés le diffuser. Pratchett, Ian Stewart & Jack Cohen, portraits de personnages en tout
Et si des mages un peu déjantés, et traduit de l’anglais par Patrick Couton point réussis.
issus d’un univers différent du nôtre, et Lionel Davoust, L’Atalante, 544
s’amusaient à dresser l’historique de pages, 21 euros Emmanuel Collot
nos connaissances scientifiques ?
Réunis dans leur célèbre université
invisible, les magiciens du disque-
La Voie des La voie des furies, David Weber,
couverture de Didier Florentz, traduit
monde se livrent à une expérience
dont le dérapage impromptu les force
furies de l’anglais par Frank Reichert,
L’Atalante, 512 pages, 20 euros
à invoquer une autre entreprise folle David Weber
mais salutaire. En convertissant leur
entreprise ils posent les bases d’un
Les Brigades
univers terriblement... logique.
Blasphème des blasphèmes, ce
fantômes
monde en réduction va les obliger John Scalzi
alors à penser un écosystème
adéquat et adapté, au moyen d’une
histoire scientifique qui sera d’une Plusieurs siècles de paix ont vu
très grande... loufoquerie. Car, ne l’Empire se partager un règne
l’oublions pas, nous sommes dans le tranquille auprès d’autres puissances
monde du disque-monde. humaines (Les Dissidents) ainsi que

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Cette suite du premier volume Le vieil qu’il développe insuffisamment ces comme Howard, devraient être
homme et la guerre, nous invite à thématiques au bénéfice d’une action comblés par Holdstock. Il est toujours
nous attarder sur un des aspects les forte, alors que la problèmique du amusant de voir des critiques fustiger
plus fascinants de cette saga, les suicide décidé aurait pu donner lieu à des haches à double tranchant,
fameuses Brigades fantômes. Ces de fort pertinentes remarques sur la quand 99 % de la production
forces spéciales, formant un corps à fonction du soldat, du guerrier. éditoriale en France est occupée par
part au sein des forces coloniales de Certainement une heureuse surprise des écritures nombrilistes ou des
défense, sont composées de soldats pour le genre, mais pas du niveau interminables bandes façon Tolkien
d’élites pour le moins étonnants d’un Haldeman ou Heinlein... ou Harry Potter qui ne servent que le
quant à leur sélection. En effet, ces commerce au détriment d’une
derniers sont issus d’une technique Emmanuel Collot littérature plus recherchée. Critiquer
révolutionnaire de clonage, alliant de Gemmell pour mettre en avant
l’ADN de soldats déjà décédés à de Les Brigades fantômes, John Scalzi, Holdstock n’a pas beaucoup de sens,
l’ADN d’extraterrestres. Il ressort de traduit de l’anglais par Bernadette tout simplement parce que ces deux
cette gigantesque entreprise des Emerich, L’Atalante, 407 pages, styles appartiennent à des registres
êtres dotés de facultés physiques 17,10 euros épiques et des exigences différentes,
surhumaines et dont l’unique but est ce qui n’invalide en rien l’un par
de sauvegarder l’humanité. Les Royaumes rapport à l’autre.
Dans ce second opus, l’auteur nous
présente les nuances de cette
brisés Holdtsock est un auteur qui n’a plus
rien à prouver, que ce soit dans
section particulière, de sa sélection et Le Codex de Merlin 3 l’excellente fantasy du cycle de
sa création à la production. Ils Robert Holdstock Raven (dont la suite semble reléguée
naissent avec une conscience déjà aux oubliettes, et on peut se
constituée, subissent un demander pourquoi, ah si, c’est trop
entraînement record pour se voir barbare), ou dans le monument
propulsés dans les missions les plus insurpassable qu’est La forêt des
secrètes et les plus périlleuses. Tout Mythagos. Holdstock a toujours fait
au long de ce vaste roman, montre, non seulement de
foisonnant de péripéties à travers tout profondeur, mais encore d’un goût
l’univers, le lecteur sera mis en certain pour le “ sense of wonder “,
présence du quotidien de ces chose que, décidément, les auteurs
hommes sans mesure, mais qui peu français ont du mal à intégrer en
à peu, pour certains du moins, vont Fantasy. Car, en France, on ne
développer un début de conscience Après l’inutile quête vers Delphes, et comprend toujours pas Howard,
humaine,... la victoire sur les avancées des morts qu’on assimile trop facilement aux
Dans un même style concis mais surgis du Pays de l’ombre, les pires tares de la fantasy dite barbare,
développant une intrigue riche, Scalzi contrées d’Alba reprennent un peu de alors que c’est un genre sous
nous montre qu’il est autant à l’aise leurs couleurs et leurs habitants un représenté, mal traduit et peu suivi.
dans les batailles de l’espace que sur repos mérité. Si Jason est reparti Dumay a heureusement réparé
le terrain, au cœur du combat. vers Argo, amer de ses retrouvailles l’erreur, si on peut dire, en publiant
Surfant sur des classiques comme La avec ses deux fils, il reste pour Merlin une intégrale de Karl Edward
guerre éternelle ou le célèbre Etoiles, à accomplir un dernier acte, avant de Wagner, quelque trente ans plus tard
garde à vous ! (starship troopers) de reprendre le chemin. Merlin devra sa publications aux States. C’est que
Heinlein, l’auteur nous livre une rejoindre la Crète, sur les vestiges tout est à ce point noyé dans la high-
intrigue riche en péripéties qu’on des anciennes batailles qui virent les fantasy que des critiques parfois mal
aurait cependant mieux appréciées conflits de jadis entre le mystérieux intentionnés ou peu connaisseurs,
sans des séquences assez Façonneur et la maîtresse des assimilent et confondent les haches
rébarbatives, donnant un peu trop la créatures sauvages. Car l’étrange de Gemmell aux petits elfes toujours
part belle à un langage faisant très Façonneur vient de renaître de ses gentils de la “ best sellers fantasy
campus américain où les dits soldats cendres, pour soulever une nouvelle production “. C’est une chose qui a
d’élites se comportent comme de fois les héros du pays de l’ombre. fait braire assez longtemps certaines
véritables adolescents gonflés aux Ainsi, tout ne fait que recommencer, mauvaises langues sur un genre mal
hormones, et qui du coup, se faisant des héros les éternelles compris, pour qu’il soit nécessaire d’y
montrent aussi stupides que de victimes expiatoires d’un monde où le revenir.
simples hommes en partance pour la tragique Grecque rejoint la poésie
castagne, sans plus de cervelle. des cimes d’un Celtisme sage et Emmanuel Collot
Ceci dit, l’intrigue est prenante et furieux à la fois.
l’action est savamment menée, Ceux qui se lassaient des Les royaumes brisés, le Codex de
même si elle baisse parfois en fin de interminables Tolkinneries, et autres Merlin 3, Robert Holdstock, traduit de
chapitre. L’auteur cependant fantasy asphyxiantes, faites de sorts l’anglais par Thierry Arson, Le Près
redresse la barre avec intelligence en et de groupes de copains qui sauvent aux Clercs, 465 pages, 19,90 euros
lançant au fil de son analyse de très régulièrement un monde saturé
intéressantes réflexions sur le libre d’orcs, elfes et autres archétypes
arbitre, la conscience, et la difficile archi rabattus, ceux qui regardaient
question de donner une définition à en arrière pour regretter des auteurs
l’humanité. Là où le bas blesse, c’est plus profonds ou plus originaux

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Predator Quatre chemins du


pardon
morceaux ou interdites, des voies
possibles vers une libération. Que ce
Minuit à jamais soit le groupe ou l’individu, l’auteur
John Shirley Ursula K. Le Guin les met sur un pied d’égalité en en
faisant des entités interdépendantes
et légiférantes vis-à-vis de leur
possible liberté - nous disons bien
possible, car rien dans cet univers
proche du carcéral n’est gagné
d’avance.
Une œuvre qui sous l’excuse de
l’aventure ethnologique nous invite à
Situés dans l’univers de l’Eukumen, de puissantes interrogations sur le
En 2217, cela fait bien longtemps ce recueil de quatre nouvelles est fond tribal et obscur de nos sociétés,
qu’on n’entend plus parler de la race marqué par de nouvelles même les plus occidentalisées, sur
des Predator. L’humanité a su tiré préoccupations humanistes. Deux l’égalité hommes/femmes, et aussi
d’un vaisseau alien la technologie mondes sont ici ciblés sur la vaste sur la nécessité de préserver ou de
nécessaire pour essaimer dans les carte de l’univers de Le Guin, Werel sauver l’enfance. C’est à la
étoiles et faire un bond technologique et Yeowe. maturation de la société que tente
conséquent. Or, sur Minuit, une Si Werel est une planète tenue par nous amener les nouvelles de ce
planète tropicale arrosée par la des rapports maîtres-esclaves où il recueil...
lumière constante d’un soleil furieux, est trop rare de s’affranchir de sa
les colons bâtisseurs vont bientôt être condition, Yeowe, quand à elle, fut Emmanuel Collot
confrontés à l’innommable. Cela engendrée trois siècles auparavant
commence par un vaisseau humain par les puissantes corporations. Cet Quatre chemins du pardon, Ursula Le
attaqué, puis ce seront des morts état de fait, plus une récente Guin, traduit de l’anglais par Marie
suspectes qui s’accumuleront pour ne révolution, font qu’elle commence Surgers, L’Atalante, 320 pages, 15.20
plus s’arrêter. Ignorant que la planète peu à peu à s’éveiller à une certaine euros
est le repère de chasse des fameux conscience, et le mot liberté y a cour.
Predator, qui y emmènent les captifs Charybde et Scylla d’un univers aux
multiples castes et rites, ces deux
L’héritage de
désignés pour servir d’animaux de
proie, ils vont devoir vite abandonner planètes se verront visitées par des
envoyés de l’Ekumen.
Traquemort
radicalement leurs illusions de
fondateur pour commencer une lutte On suivra alors une multitude de Simon R. Green
longue et âpre. Au bout, ce sera le personnages perdus dans un
hasard qui déterminera une nouvelle écheveau d’intrigues complexes,
fois qui d’eux ou des terribles maîtres comme Rakam, esclave de Werel,
d’armes survivra à cette terre soudain Hahzhiva et Solly, des envoyés
devenue trop petite pour leurs deux Hainien, ou Yoss, une vieille
races. enseignante native de Yeowe.
Non contents de lancer la franchise Les quatre nouvelles suivent un
Alien sur le marché du livre populaire, canevas simple autour de quelques
avec les qualités requises, ce nouvel questionnements fondamentaux :
éditeur s’intéresse à celle de - la survie dans des mondes où les Deux cents ans se sont écoulés
Predator. La même qualité est au cultures ne se comprennent pas depuis que Traquemort s’est sacrifié
rendez-vous, traduction réussie pour toujours et que Lionnepierre a disparu.
une intrigue longue et claire. La - la toute puissance des médias, et L’empire connaît alors sont âge d’or
plume experte de John Shirley fait leur dictature. et tout l’univers semble répondre à un
des merveilles. Le prologue est en - Comment lutter contre l’état d’esprit même désir de vie en communauté. Il
cela d’une grande originalité, puisqu’il misogyne poussé à la perversité appartient à présent à Douglas
plante l’action en 1804, pour inventer absolue des propriétaires de Werel, Campbell de ceindre son front de la
une sorte de mythe de la revanche, surtout quand on est une femme ? La couronne des rois mais dans l’ombre
et donner ainsi l’impulsion nécessaire dernière interrogation est encore plus agit un puissant sectateur dont le but
à cette saga pour enchanter de prégnante, parce que l’on vit dans un est de détruire tout l’empire. Le roi
longues heures de lectures. Le monde de violence où des maîtres se trop jeune et peu enclin à la lutte est
résultat est on ne peut plus croient tout permis par principe et désarmé, sans parler du descendant
satisfaisant. tradition. Comment donc pardonner d’Owen, Lewis Traquemort, lui aussi
aux autres, et surtout à soi-même, victime d’une cabale dont il ne perçoit
Emmanuel Collot quand on a du endurer les pires pas tout le réseau patiemment tissé
injustices et atteintes à son intégrité autour de lui. Mais voilà qu’on rêve
Predator, Minuit à jamais, John physique et morale ? d’Owen Traquemort, or il est mort et
Shirley, couverture par Stephen Youl, Le Guin ne nous apporte pas ne reviendra jamais. Déjà les serres
traduit de l’américain par Benjamin vraiment de solution ou de recette, du mal insigne se referment,
Rivière, éditons Outworld, 309 pages, elle nous met en rapport avec des plongeant peu à peu un empire vers
8.50 euros êtres en lutte, des êtres qui vont son déclin définitif. Apprendre,
s’essayer à faire de leur vies en acquérir, tel est le destin d’un jeune

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Traquemort. Mais comment faire


sans un guide, sans une main pour
subir les tortures les plus
innommables de la part de leur
Le Voyageur
lui ouvrir la voie vers la renommé?
Après une brillante première saga,
tortionnaire. Or, en cette Europe
centrale du XV è siècle, c’est à un
imprudent
voilà que Green se lance dans un Vlad Tapes avide de découvrir le René Barjavel
nouveau cycle, peut-être encore plus secret de l’immortalité auquel ils ont
ambitieux que le premier. Par le biais affaire. Leur destin prendra alors un
d’une plume alerte, ménageant de chemin différent, et les noirceurs de
beaux moments d’onirisme et de ce monde voué à la mort leur ouvrira
belles pages épiques, nous assistons les portes secrètes d’une existence
aux débuts d’un nouveau mystérieuses, celles des immortels,
Traquemort, et nous découvrons une et le début réel d’une incroyable saga
galerie de nouveaux personnages se déroulant sur plusieurs siècles...
hauts en couleurs. Poursuivant la traduction de la plus
Comme toujours Green emprunte aux célèbre saga de celui qu’on nomme
diverses cultures. Il se plaît le Stephen King allemand, les
également à accorder une véritable éditions Atalante nous donnent un
existence à diverses races du peuple second tome encore plus sombre que
des ténèbres et de la lumière (loups- le premier. Etablissant un lien direct Le Voyageur imprudent est le premier
garous, etc...), dans un contexte avec le mythe de Dracula, l’auteur livre audio publié par Libellus, jeune
hésitant entre space-opera et nous conte sa saga avec la même maison d’édition qui a tenté le pari
science-fantasy. La geste reprend aisance, la même passion entière. Il audacieux de se lancer sur le marché
donc et le lecteur ne sera pas déçu, nous offre là encore un remarquable des livres audio SF. La qualité de
tellement l’auteur sait rebondir afin de exemple de romanesque. Fantasy réalisation est exemplaire. Le coffret
donner un savant dosage entre folie historique mâtinée d’un arrière fond de 5 CDs est très beau et joliment
communicative, moments de pure fantastique lugubre, la saga des illustré, et surtout le texte est lu avec
action et une poésie douce amère, immortels nous démontre que les talent par l’acteur Philippe Bertin.
sans jamais tomber dans la allemands ont tout compris de la Le texte choisi pour ouvrir la collection
répétition. littérature dite populaire. Roman est judicieux. René Barjavel est un
Une très belle saga dont on attend feuilleton fleuve, morceau de auteur classique de la SF française, et
avec grande impatience les suites bravoure flirtant avec les ruelles le texte en question, paru pendant
prévues (Le retour et La Coda). terrifiantes du mal, la saga des l’occupation, est un classique
immortels est probablement l’une des indémodable sur le thème du voyage
Emmanuel Collot plus fascinantes séries épico- à remonter dans le temps.
fantastiques de ces vingt dernières À noter que les éditions Libellus
Traquemort-L’héritage, Simon Green, années. Il existe de nombreux cycles montrent une belle diversité dans le
traduit de l’anglais par Arnaud encore inédits de l’auteur, comme choix de leurs publications. Ils
Mousnier-Lompré, couverture de des sagas de fantasy barbare. viennent de faire paraître Le Monde
Olivier Vayine, L’Atalante, 576 pages, Espérons qu’un jour, un éditeur avisé oublié de Conan Doyle et sortent en
23 euros s’y intéresse de plus près... octobre un classique de l’humour
anglais H2G2, le guide du voyageur
Le Vampyre Emmanuel Collot galactique par Douglas Adams.
Espérons que Libellus aidera à sortir
( La chronique des immortels II) Le Vampyre, La chronique des le livre audio de la niche dans laquelle
il est enfermé en France.
Wolfgang Hohlbein immortels II, Wolfgang Hohlbein,
couverture par Amandine Labarre,
traduit de l’allemand par Pascale Nicolas Botti
Hervieux, L’Atalante, 288 pages,
Le voyageur imprudent, René
13.40 euros
Barjavel, lu par Philippe Bertin ,
Libellus, coffret 5 CDs, 5h32, 35
euros

Le jeune Frederic et son protecteur,


l’immortel Andrej Delânt sont sur le
point de rejoindre les marchands
d’esclaves conduits par le terrible
Abou Doun, quand tous sont
brusquement faits prisonniers par un
guerrier de l’ordre du dragon rouge.
Bientôt, ils se retrouvent aux fers
dans le fief même d’une légende
vivante, et la terreur des Turcs, Vlad
Tapes, dit l’Empaleur. La quête pour
libérer les membres de leur famille
ayant échouée, ils s’apprêtent alors à

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DVD par Stéphane Thiellement

The Ghost
Other Rider
De Robert Mulligan De Mark Steven Johnson
Avec Diana Muldaur, Uta Avec Nicolas Cage,
Hagen, Chris & Martin Sam Elliott, Peter Fonda, .
Udvarnoky M6 Vidéo
MK2 Vidéo
Et une nouvelle adaptation d’un
super-héros Marvel, une ! Du
niveau de « Spiderman », « X-
Un des chefs-d’œuvre du cinéma Fantastique, adapté d’un Men », « Blade » ? Non.
roman de l’acteur-écrivain Tom Tryon (on lui doit aussi Largement en dessous, et tout en étant différent, c’est du
« La moisson », et en acteur, il joua dans « Johnny s’en va niveau des « Quatre Fantastiques ». Et quant à ceux qui
t’en guerre »), réalisé par Robert Mulligan, connu pour son dénigraient le précédent film de Johnson, à savoir
célèbre « Un été 42 ». Datant d’il y a plus de trente ans, le « Daredevil », il faut dire qu’à côté de « Ghost rider »,
film n’a rien perdu de sa puissance, loin de là, où la subtil- « Daredevil » est plus qu’excellent ! Bon, personnellement,
ité se révèle bien plus puissante que tout effet spectacu- j’aime plus que bien « Daredevil » et même « Elektra » sur
laire. Maintenant, l’histoire s’articulant autour de deux certains points (l’esthétisme du film, entre autres mais rien
jumeaux aux jeux secrets au sein d’une quiétude familiale sur Jennifer Garner, totale erreur de casting !). Bon,
qui va plonger dans la peur suite à une succession d’acci- revenons à « Ghost Rider », version modernisée du mythe
dents mortels, rappelle tous ces autres chefs-d’œuvre liés de Faust où le jeune Johnny Blaze vend son âme au
à l’enfance, période d’innocence et de corruption, de joies Diable pour sauver son père du cancer. Ce qui se passe
et de peurs, de rêves et d’angoisses, le tout nimbé d’une sauf que quelques heures après, il meurt dans une de ses
ambiance étrange comme « Les innocents », « Picnic à cascades. Une dizaine d’années après, Blaze (Nicolas
Hanging Rock », « Burnt Offerings », « Ne vous retournez Cage, en totale perte de vitesse, qui fait vraiment n’importe
pas ». On pourrait aussi rajouter, même si il n’est pas du quoi en ce moment ! Où est l’acteur de « Kiss of death »,
tout fantastique, le superbe « Le Messager » de Losey « Volte/Face », « Red rock west », « Leaving Las Vegas »
avec là aussi une magnifique histoire dramatique liée à (qui lui valut l’Oscar), « Windtalkers » et même « Les ailes
l’enfance innocente ignorant tout du monde secret de cer- de l’enfer » ? …Ici, il est mauvais comme un cochon !)
tains adultes. « L’autre » est assurément un chef-d’œuvre reprend le flambeau patriarcal de la cascade en moto,
tant son travail d’écriture, pas évident de prime abord, trou- poussant les limites et s’en sortant toujours. Pourtant, un
ve en la mise en scène feutrée, subtile et sensible de jour, le Diable revient lui demander son dû et transformant
Mulligan, un écho qui va transcender l’histoire vers une Blaze en motard-spectre à tête de feu, le « Ghost Rider »…
œuvre en tous points admirable et terrifiante. Inutile de pré- L’histoire ne vaut pas tripette, et si le film s’en sort un tant
ciser que dans de telles circonstances, on a peur, d’une soit peu, c’est grâce au look du Ghost Rider, assez
peur aujourd’hui peu retrouvée au cinéma, qui vous impressionnant et réussi, il faut l’admettre. Autrement,
empêche de vous soustraire à la vision du film tout en mise en scène repiquant en pire les défauts de
réveillant ce qu’il y a de plus enfoui en soi en tant que ter- « Daredevil » (qu’est-ce que c’est bien à côté, je sais que
reurs enfantines. Maintenant, on attendait un DVD à la je l’ai déjà dit, et alors !), adaptation littérale du comics,
hauteur, pas une édition comme celle de « Monster pourtant pas un des meilleurs, au lieu d’en extraire le
squad » par exemple. Hé bien, on l’a, car techniquement, meilleur qui aurait été plus sérieux, noir, maudit, etc. Ça se
c’est ce qu’il est, la copie étant absolument splendide (hé, traîne en plus, le scénario rappelle des ratages tels que
trente ans quand même !), et en bonus, une étude faite par « Spawn » avec ses démons de pacotille, bref c’est limite
un « spécialiste », toujours un peu redondant au final. la catastrophe. Le DVD propose une édition Collector avec
Qu’importe, vous avez entre les mains un trésor du un making-of des plus promotionnels (en gros, c’est le
Fantastique doublé d’une superbe édition DVD pour comics qu’il rêvaient de faire !), le commentaire audio qu’il
(re)voir ce pur petit chef-d’œuvre. faut écouter un peu pour comprendre qu’ils sont tous très
contents du résultat, mais heureusement, il contient aussi
Note film : 10/10 (copie magnifique, format d’origine un intéressant documentaire sur les dessinateurs d’origine.
1.85, image 16/9ème compatible 4/3) C’est ce qu’il y a de mieux. On apprend aussi que Johnson
Bonus : 6/10 : Préface de Pierre Berthomieu, spécial- est un fan de moto et qu’après le tournage, il est parti en
iste du cinéma américain – étude sur le film en virée. Ah bon. Mark, je suis sincère, « Daredevil » est ton
plusieurs parties (scénario, mise en scène, photo, etc.) seul meilleur film.
et sur la musique – bandes-annonces.éphane
Thiellement Note film : 3/10 (copie excellente, format d’origine
2.35, image 16/9ème compatible 4/3).
Bonus : 6/10 : disc 1 : making-of - commentaires audio
du réalisateur et du producteur – bande-annonce. Disc
2 : making-of rallongé – documentaire : du comic-book
à l’écran – story-board animé.

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La Terre
Creuse
par Alain Paris

EPISODE 7
13
Obersalzberg.
Hiver 801 / 802 du Reich.
- Monsieur le Reichsminister ? souffla une voix
Des stalactites de glace pendaient au dessus de la derrière lui.
fenêtre de sa chambre, encadrant les cimes enneigées du - Oui ? grommela Lothar.
Hockhalter et de la Reiteralpe qu'on apercevait dans le Maître Ambrosius avait été son astrologue à Warsaw et
lointain. Debout devant la vitre aux carreaux sertis de plomb, demeurait à ses côtés sur l'Obersalzberg avec les mêmes
Lothar fixait sans le voir le puits placé dans la cour intérieure fonctions auxquelles s'ajoutaient celles de secrétaire
du Platterhof. L'ancien Reichsprotekteur d'Ukraine portait le particulier.
grand uniforme d'apparat de Reichsminister, charge qu'il - Il y a là un officier envoyé par l'Ober
occupait depuis la destitution de son prédécesseur, von Skiringssal, commandant de la Wachkompanie de
Theiss. Ce dernier avait été exilé dans la lointaine Scanie l'Obersalzberg. A ce que j'ai cru comprendre, vous êtes
avec le titre ronflant de " conseiller aux questions convié à vous rendre au Berghof où vous attendent
économiques de la province ", fonction purement hono- l'Empereur, les seigneurs Birka, Leinster et Maître Abogard,
rifique et dépourvue de réel pouvoir. Hedda von Theiss, ainsi que l'ambassadeur de l'Empire Andin.
épouse de l'ex-ministre et elle-même ex-maîtresse de Lothar hocha la tête et vérifia la bonne tenue de son
l'empereur, avait refusé d'accompagner le disgracié et se uniforme dans un miroir.
morfondait depuis lors dans ses terres de Bourgogne. - Dois-je vous accompagner ? demanda
Un trälar se glissa derrière Lothar et entreprit de Ambrosius.
ranimer le feu dans la cheminée. Le ministre se retourna et - Ce ne sera pas nécessaire, répondit le Reichs-
considéra l'esclave d'un air agacé. Il s'agissait d'un Ukrainien minister en ajustant son ceinturon et l'épée de parade.
autrefois ramené de Kiev, un rustre sans manières comme la Il passa dans le couloir où attendait effectivement un jeune
plupart de ses compatriotes. Depuis quelques temps, Lothar officier de la WK.
envisageait de vendre toute sa domesticité pour acquérir des - Standarten Eck. J'ai mission de vous escorter
Lombards, la crème des serviteurs à ce qu'on prétendait. jusqu'au Berghof, Monsieur le Ministre. Si vous voulez bien
- Disparais de ma vue, grogna-t-il. me suivre !
Le trälar obéit. Lothar soupira et se replongea Ils quittèrent ensemble le Platterhof, traversant les
dans sa contemplation morose. pièces au mobilier de chêne massif, foulant les épais tapis
Le Reichsminister avait l'esprit préoccupé. Sur un qui couvraient les dalles de marbre. Un carrosse arborant les
plan personnel, ses fonctions le satisfaisaient, mais emblèmes impériaux stationnait dans la cour, encadré par un
l'atmosphère de la cour commençait sérieusement à lui peser peloton de cuirassiers de la WK sanglés dans leurs corselets
sur les nerfs. Ses rivaux - et ils étaient légion depuis qu'il vernis de noir. Eck désigna la voiture dont un serviteur
avait accédé à ce poste, ne se privaient pas pour essayer de maintenait la portière ouverte. Lothar grimpa à l'intérieur et
le discréditer aux yeux de l'empereur. On lui reprochait les Eck sauta en selle d'une monture qu'un de ses hommes
évènements survenus sur la frontière orientale, la déroute des retenait par la bride.
armées du Reich, la mort du maréchal Hon. L'intimité qui " L'an passé, les réunions de ce genre se tenaient
existait entre sa nièce Irène et Manfred attisait les jalousies, au Kehlsteinhaus ", songea Lothar. Mais Irène avait pris le
et on murmurait que la politique de l'empereur était nid d'aigle en aversion et préférait désormais résider au
directement inspirée sur l'oreiller par la belle Irène et, à chalet… et ce que femme veut… Manfred s'était incliné, trop
travers elle, par son oncle Lothar. " Rien que des mensonges content de satisfaire le caprice de sa maîtresse. Peut-être lui-
! s'emporta mentalement Lothar, mon rôle auprès de même était-il las de son perchoir enneigé et aspirait-il à un
l'empereur se réduit à approuver les décisions dictées par les peu plus d'animation. " Irène a bien changé depuis le jour où
trois véritables éminences grises du pouvoir : Hunfried je l'ai introduite à la cour ", réfléchit Lothar tandis que le
Birka, chef de la Sainte-Vehme, Abogard, maître-astrologue carrosse s'éloignait du Platterhof, " la femme-enfant a cédé
de la cour et Supérieur du Vril, et Blodeu von Leinster, la place à une créature calculatrice et ambitieuse… "
commandeur suprême de la Fraternité runique ". En fait, elle lui avait récemment avoué que son plus cher

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souhait était d'épouser l'Empereur et d'engendrer une rapprochement, en totale contradiction avec l'attitude des
véritable lignée, de substituer une dynastie héréditaire et Andins concernant la colonie germanique d'Argentine. Mais
transmissible à un trône jusqu'alors électif ! Une ambition de présentement, les intérêts des deux empires, de part et d'autre
taille à décourager les plus résolus, mais Irène n'était pas du de l'Atlantique, étaient liés dans leur commune lutte contre
genre à reculer devant les difficultés. les Nippons.
" Elle m'inquiète ", admit le Reichsminister, " je - Prenez place, invita Manfred en indiquant des
ne retrouve plus rien en elle de la fillette qui galopait pieds sièges autour de la table.
nus et les cheveux dénoués dans notre palais de Warsaw… Il appela Anton, son serviteur particulier, qui apporta
plus rien de l'adolescente autrefois promise en fiançailles à boissons et bretzels saupoudrés de cumin et de sel. Ces
Arno von Hagen… " biscuits n'étaient pas trop du goût de l'Andin qui se contenta
Lothar von Vargo exhala un profond soupir. Le de boire quelques gorgées de bière brune. Manfred, lui,
tragique incident qui avait entraîné la mort d'Ulrich et la engloutit coup sur coup une demi-douzaine de bretzels.
disgrâce d'Arno von Hagen le troublait plus qu'il ne voulait L'empereur, constata Lothar, avait grossi - et même bouffi.
l'avouer. Sur le moment, reconnaissait-il parfois, il avait été Sa minceur avait cédé la place à un empâtement malsain. Il
dominé par la peur d'être désigné comme responsable de ce perdait ses cheveux et se peignait de manière à dissimuler ce
complot perpétré dans sa propre province. Et voilà début de calvitie.
qu'aujourd'hui, l'Ukraine menaçait de tomber entre les mains - Commençons sans plus tarder, dit Manfred en se
des Nippons ! tournant vers Kiel.
" Des hommes de la trempe de Hagen, Eiternach, - Après la bataille sur l'Iénisséi, dit le ministre en
Marbach ou Knarr auraient été bien utiles dans la présente étalant une carte sur la table, les Nippons ont déferlé sur la
situation ", songea-t-il amèrement. partie occidentale du Protektorat d'Ukraine, sans rencontrer
Le carrosse ralentit et Lothar écarta le volet. La de véritable résistance. En ce moment, ils regroupent leurs
voiture franchissait un poste de garde, guérite au toit forces en vue d'un assaut massif sur Kiev. Sur la foi des
chapeauté d'une épaisse couche de neige. Les sabots des rapports les plus récents, on peut évaluer leurs forces à
chevaux de l'escorte soulevaient des tourbillons poudreux. soixante mille hommes dont…
Par la fenêtre, Lothar distingua la masse imposante du - Soixante mille ? s'exclama Manfred. C'est
Berghof. Selon la légende, il s'agissait à l'origine d'une beaucoup ! Etes-vous sûr que ce rapport n'est pas exagéré ?
simple fermette que le Premier louait à ses propriétaires. Par - Ce chiffre a été confirmé, rétorqua le ministre en
la suite et toujours selon la légende, le Premier avait acheté hochant la tête. N'oubliez pas, Sire, que l'Empire du Soleil
la demeure, l'avait fait agrandir et aménager selon ses goûts Levant dispose de réserves en hommes presque inépuisables,
jusqu'à obtenir cet ensemble grandiose. avec sa province de Chine qu'on assure peuplée de plus de
Le carrosse s'immobilisa devant le grand escalier cent millions d'individus ! Je poursuis, si vous le voulez bien
et Eck ouvrit la portière. Lothar salua et grimpa les marches : soixante mille hommes dont quatorze mille cavaliers, trois
entre deux haies d'honneur de la WK. Sur le perron attendait cents bouches à feu, deux cent cinquante chars de guerre,
le Reichsminister Kiel qui vint à sa rencontre en souriant. quinze aéronefs. L'armée nippone est commandée par
Les deux hommes se saluèrent courtoisement puis Kiel Imamura Eiji, le vainqueur des Andamans.
précéda son collègue jusqu'au salon de réception. - Vous l'avez peut-être déjà rencontré ? susurra
Le regard de Lothar s'attarda sur chacune des Manfred en s'adressant directement à Tepetzalan.
personnes présentes qu'il salua selon les règles de l'étiquette. Les traits de l'Andin se crispèrent.
Autour de l'empereur se tenaient Hunfried Birka, Blodeu von - Effectivement, admit-il. J'ai combattu Imamura
Leinster, Maître Abogard et le prince Tepetzalan, Eiji sur le continent austral il y a de cela quelques années.
ambassadeur de l'Empire Andin et demi-frère de l'Inca Manfred hocha la tête en souriant. Ce n'était un secret pour
Cuaucthemoc VII. Le Reichsminister nota l'absence de sa personne que les galères andines avaient essuyé une
nièce. " Une heure un peu trop matinale pour mon Irène ", cinglante défaite dans leur ridicule tentative de
songea-t-il. Après la réception de la veille, celle-ci devait se débarquement aux antipodes. Leur flotte, décimée, avait dû
prélasser entre des draps de soie ou goûter le plaisir d'un bain se replier en toute hâte.
chaud et parfumé. - Les lignes de communication nippones sont
- Prince Tepetzalan, vous connaissez Lothar von effroyablement distendues, intervint Lothar von Vargo.
Vargo, dit Manfred en repoussant une mèche qui s'obstinait Visiblement, le Soleil Levant ne s'attendait pas à un succès
à tomber sur son front. d'une telle ampleur. Après avoir balayé nos forces de
L'Amérindien acquiesça avec un léger l'Iénisséi, les Nippons ont avancé trop rapidement, sans se
mouvement du buste. C'était un colosse au teint de brique, soucier de leur soutien logistique, et maintenant ils sont en
aux yeux sombres profondément enfoncés dans les orbites, difficulté. Malgré le pont aérien établi par leurs dirigeables,
au nez long et recourbé d'oiseau de proie. La frange de ils manquent de munitions, de poudre, de naphte, de
pourpre ceignait son front, rappelant son lien de parenté avec médicaments et de matériel chirurgical. Leurs réserves se
le dieu vivant. Exceptionnellement, il ne portait pas le réduisent de jour en jour et notre tactique de la terre brûlée
manteau d'alpaga mais un superbe manteau en plumes commence à porter ses fruits. Ils se retrouvent complètement
d'aigles jeté par dessus sa tenue à l'européenne : gambison dépourvus de vivres et de fourrage, face à notre seconde
matelassé, culotte de cuir et bottes fourrées. Une large épée ligne de défense.
à lame d'obsidienne pendait le long de sa cuisse. - Mais que tombe le verrou de Kiev, ajouta
A son tour, Lothar s'inclina. Tepetzalan, chevalier-aigle, Hunfried Birka, et les portes de l'Ukraine leur seront
menait auprès de l'empereur Manfred une politique de largement ouvertes… alors ils trouveront en abondance de

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quoi subsister. - C'était à prévoir, souligna Kiel. Depuis plus de trente ans,
- Effectivement, accorda Lothar. Et c'est pourquoi cette histoire de colonie argentine empoisonne nos relations.
le Reich ne peut se permettre de temporiser davantage. - Que chacun exprime le fond de sa pensée, invita Manfred.
Il regretta aussitôt ses paroles. Depuis des semaines, Maître Abogard se pencha en avant.
l'Empereur hésitait à envoyer des renforts. Manfred fronça - En acceptant la proposition de l'Inca, nous avons
les sourcils et Lothar ajouta vivement : relativement peu à perdre mais beaucoup à gagner.
- A présent que le Reich a avalé l'armée ennemie, Considérons les termes du marché : on nous somme
il lui reste à la digérer. d'abandonner un lambeau de terre situé au delà de l'océan…
Kiel hasarda un rire, bientôt repris en écho par les autres. d'accord, il s'agit d'une colonie presque millénaire, mais
Manfred s'esclaffa encore plus fort et essuya ses yeux hormis son utilité pour quelques navires marchands qui y
humides. font escale et le maigre bénéfice retiré de mines aux trois-
- Quelles sont vos propositions, mon cher quarts épuisées, nous sommes en mesure d'obtenir une
Lothar ? puissante alliance à moindres frais. Etudions les avantages.
- En tout premier lieu, des levées massives en Un : les Andins sont capables de créer des difficultés aux
Ukraine. Encadrés par les junkers, nos paysans devraient Nippons et de nous soulager dans notre guerre contre le
être capables de s'opposer aux Nippons… en attendant Soleil Levant. Deux : dans notre course pour l'exploration
l'arrivée de troupes plus expérimentées. des terres d'Amérique du Nord, nous aurons besoin de
- Cinq divisions sont déjà en route, quarante mille l'assistance matérielle des Andins qui sont favorisés par la
hommes en provenance des provinces de Scanie, de proximité géographique. Trois, et là je traite d'un problème
Bourgogne, de Lombardie et de Frankie, rappela Manfred, qui intéresse tout particulièrement le Vril : une implantation
mais il leur faudra du temps pour rejoindre le front. sur le sol nord-américain favorisera notre recherche du
- Sans oublier, Sire, déclara Blodeu von Leinster, Passage vers les autres sphères. Nos échecs ne doivent pas
la contribution offerte par la Fraternité runique. J'ai promis à nous décourager : ce passage existe.
Votre Majesté cinq mille hommes et surtout quatre - Sur quels critères vous basez-vous pour
dirigeables qui s'ajouteront à la douzaine que possède déjà l'affirmer ? coupa Birka. Il faudra plus que les divagations
l'armée du Reich. d'individus sont les ossements sont depuis bien longtemps
- J'avais oublié, s'excusa l'Empereur. Vous voyez, retournés à la poussière pour nous convaincre. Jusqu'à
mon cher Lothar, que nous ne sommes pas si démunis, après présent, nous avons supporté ces élucubrations, mais le
tout… moment est venu de se pencher sur des faits concrets… et
Il se tourna vers l'ambassadeur. l'invasion de l'Ukraine par les Nippons est un fait concret !
- Ainsi que peut le constater votre Excellence, nos Maître Abogard se redressa, le poil hérissé.
problèmes ne sont pas minces, et c'est là que vous Prenant à témoin l'empereur, il éructa :
intervenez. L'Empire Andin tient l'occasion de prendre une - Voilà des paroles bien imprudentes de la part
belle revanche sur le Soleil Levant. Tandis que nous d'un homme dont la mission est de traquer les hérésies ! La
combattons sur ce front, il me paraît essentiel que vous vous théorie de la terre creuse et des sphères successives fut
engagiez dans le Pacifique. Go-Ninjo n'est pas fou : il sait prononcée voici huit siècles par le fondateur du Vril Karl
qu'il ne pourra soutenir longtemps une épreuve de force sur Haushofer, et le Premier lui-même souscrivit à cette
deux fronts totalement opposés... d'autant que les Indo- théorie… insinuez-vous, seigneur Birka, que le Premier
iraniens profiteront de la circonstance pour faire pression en élucubrait, lui aussi, que son esprit battait la campagne ?
Asie du sud-est. Devons-nous comprendre cela ?
- Voici les paroles mêmes de l'Inca, voici la - Bien sûr que non ! Mais je voulais rappeler que
pensée du Fils du Soleil, dit froidement Tepetzalan. Tout dans la situation actuelle, il existe des urgences et que
service rendu réclame contrepartie. Si vous voulez conserver l'invasion de l'Ukraine en est une… alors que la recherche de
vos territoires nationaux de l'Est, il faudra signer un traité votre passage peut encore attendre… elle a attendu huit cents
concernant votre colonie argentine. L'Empire Andin ne peut ans… quelques années de plus ou de moins ne changeront
tolérer plus longtemps cette enclave européenne sur un sol pas grand chose.
qui lui appartient de droit. Nous ne vous demandons pas Mais Maître Abogard ne paraissait pas décidé à
d'évacuer vingt mille ressortissants du jour au lendemain , lâcher aussi facilement le morceau.
nous ne vous demandons pas d'abandonner vos comptoirs - D'ici deux cents ans, le Premier sera de retour
maritimes dans l'immédiat… mais dans un premier temps parmi nous - je suppose que vous avez au moins foi en ce
l'Inca exige l'autorisation pour nos navires de mouiller dans concept, n'est-ce pas ? Eh bien, à ce moment-là, comment
vos ports. Il exige un tribut annuel équivalent à cent mille réagira-t-il lorsqu'il s'apercevra que pendant son absence on
chocolatl. Il exige enfin l'exploitation commune de vos s'est contenté de vivre sur des acquis ? Les frontières du
mines d'argent. Selon votre réponse, nos flottes de guerre Reich sont restées les mêmes depuis huit cents ans, la
appareilleront ou non. A vous de décider. population a chuté de plus des neuf dixièmes site à la Mort
Sur ces mots, l'ambassadeur se leva et s'inclina pour prendre Silencieuse, à la dénatalité, aux épidémies… l'échéance
congé. Manfred acquiesça d'un signe de tête et l'Andin se approche et qu'avons-nous à offrir au Premier ? Rien ! La
retira, menton en avant et mâchoires contractées, vivante recherche du Passage est une urgence pour le moins aussi
image de l'orgueil. La porte se referma. Hunfried Birka grande que la guerre contre le Soleil Levant.
rompit le silence. Le maître astrologue se tourna vers Manfred,
- Au moins, nous savons à quoi nous en tenir sur quêtant son approbation. Fort ennuyé par la tournure de la
l'attitude à venir de nos " amis " andins… conversation, Manfred esquissa une moue. Prendre Birka à

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partie ne l'enchantait pas - il ne voulait pas s'attirer la - Qui comptez-vous désigner pour accompagner
rancune du haut-dignitaire de la Sainte-Vehme. D'un autre mes équipages ? demanda le Commandeur à Birka.
côté, négliger les arguments d'Abogard revenait à traiter bien - J'ai pensé à Félix Nepomuk - vous le connaissez
légèrement les théories du Premier. Effectivement, le peut-être : les excellents résultats obtenus en Ukraine l'an
fondateur du Reich s'était autrefois investi corps et âme dans passé l'ont fait promouvoir à un poste de responsabilité ici-
la doctrine cosmogonique énoncée par la société du Vril, et même, sur l'Obersalzberg.
d'innombrables écrits, pieusement conservés dans la Blodeu acquiesça d'un hochement de tête. Il avait entendu
bibliothèque de l'Obersalzberg, témoignaient de son intérêt parler de l'individu.
pour ces recherches. " Horsa na Boinne et les autres sauront s'en arranger ",
- Maître Abogard et le seigneur Birka, dit pensa-t-il en descendant l'escalier du Berghof.
lentement Manfred, ont laissé parler leur passion pour le
Reich et je crois que nous devons effectivement concilier
leurs points de vue. Dans l'immédiat, nous offrirons notre 14
colonie argentine à l'Inca, et ensuite nous ferons en sorte que
ce sacrifice entraîne des compensations - nous profiterons de Vu du ciel, le spectacle offert par
l'occasion pour accélérer les recherches du Passage. l'Obersalzberg était grandiose. Un instant, les hommes
- Nous donnerons donc une réponse affirmative présents dans la nacelle de commandement interrompirent
au seigneur Tepetzalan, dit le ministre Kiel. leur travail et se penchèrent, le souffle coupé, sur le
- Je ne vois pas d'autre solution, rétorqua Berchtesgadener Land. Horsa na Boinne parut saisi d'une
Manfred. intense émotion : il contempla sans dire mot les géants au
- Tout cela est fort joli, intervint pour la première front enneigé, se pénétrant de leur solennité. Une même
fois Blodeu von Leinster, mais il se passera des semaines, émotion s'empara d'Arno, mais pour des raisons différentes.
voire des mois avant l'intervention des Andins dans le Il songea qu'il était déjà venu en ces lieux un an et demi
conflit, et en attendant, les Nippons préparent leur assaut auparavant, et qu'il en était reparti enchaîné à des esclaves.
contre Kiev… le verrou nord-est du Reich. Les dirigeables Les êtres qu'il haïssait le plus en ce monde vivaient,
de la Fraternité seront là d'ici quinze à vingt heures tout au respiraient, mangeaient, dormaient et jouissaient d'une
plus : il conviendra de les équiper pour le combat aérien et existence dorée dans le périmètre de la forteresse alpine. Les
de les envoyer au plus vite sur le front ukrainien. vents qui soufflaient entre les montagnes avaient depuis
- Pour quel type d'action ? demanda Manfred, à longtemps dispersé les cendres de son père et de sa petite
quoi pensez-vous au juste, Commandeur ? soeur. Il chercha des yeux les bâtiments du Platterhof et de "
Blodeu von Leinster attira à lui une carte étalée sur la table Zum Turken " mais, à cette altitude, il ne distingua rien de
par le ministre Kiel. particulier. La sinistre construction abritant les tortionnaires
- Il était question tout à l'heure de convois aériens de la Sainte-Vehme était enfouie sous la neige et, à l'instar
d'approvisionnement. Si nous parvenions à détruire ces d'une bête féroce tapie dans sa tanière jonchée d'ossements,
convois nippons, leur armée d'invasion serait coupée de ses rien ne trahissait sa présence.
arrières… et cela nous donnerait la possibilité de lancer une - Regagnez vos postes, ordonna l'instructeur
contre-attaque dans les meilleures conditions possibles. Hetzer.
Manfred se caressa le menton. Horsa dicta une série de manœuvres préliminaires
- L'idée n'est pas mauvaise… mais vos équipages par l'entremise du tube acoustique. Arno vérifia l'assiette de
ont-ils une expérience suffisante de la guerre aérienne pour l'appareil, et le barreur de direction entama son changement
mener à bien pareille mission ? de cap. L'énorme engin volant glissait silencieusement dans
- Les équipages de la Fraternité runique se un ciel dégagé. L'altitude tomba de 2800 à 2000 mètres. On
montreront à la hauteur de leur tâche. Depuis huit siècles, remonta la nacelle d'observation au moyen du treuil et Karn
nous servons le Reich et jamais aucun de nos frères n'a failli fit sa réapparition dans la nacelle de commandement, se
à son devoir. débarrassant des couches de vêtements destinées à le
- Je trouve l'idée du Commandeur excellente, protéger du froid, pareil à un oignon dont on aurait épluché
intervint Birka. La Sainte-Vehme considèrerait comme un les peaux l'une après l'autre. Le mécanicien Orso descendit
honneur et un privilège que la Fraternité accepte de la coque et sourit à Arno.
d'embarquer un observateur à bord de sa flotte. - Tout le monde paré aux manœuvres d'atter-
Blodeu tourna un regard froid vers Hunfried Birka. " Un rissage ! ordonna Horsa.
observateur ? Plutôt un espion chargé d'observer le Arno repéra le Kehlsteinhaus bâti à 1700m
comportement de mes officiers et de leurs équipages " d'altitude, à flanc de montagne. Mais l'appareil se poserait en
songea-t-il. Mais plaquant un sourire sur son visage, il contrebas, sur une aire aménagée non loin du Platterhof.
répondit : " Une première fois je suis venu ici porté par
- Pourquoi pas ? Vous aurez votre observateur, l'ambition et la fierté… et j'en suis reparti dans la honte et le
seigneur Birka, je vous en fais la promesse. déshonneur, la colère et le chagrin. A présent, je reviens, le
- Excellent, se réjouit Manfred. J'aime voir mes cœur empli de haine et de soif de vengeance… "
conseillers travailler ensemble. Messieurs, je vous remercie. Il ne craignait pas d'être reconnu. Les épreuves
Il ne nous reste plus qu'à informer l'ambassadeur andin de avaient émacié son visage et, depuis quelques semaines, ses
notre décision, et à attendre l'arrivée de cette flotte aérienne joues et son menton s'ornaient d'une moustache et d'une
annoncée par notre ami Blodeu. barbe blonde suffisamment fournies pour dissimuler ses
Les assistants se levèrent et saluèrent l'empereur. traits. Par contre, il ne pouvait pas modifier son regard

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vairon ni effacer sa cicatrice… mais il avait trouvé une - A présent, que comptes-tu faire ? chuchota Orso.
solution provisoire en laissant pousser une épaisse frange qui La nuit était tombée et après une centaine d'heures
recouvrait son front. Sa tenue d'aérostier contribuait de voyage et de tension nerveuse, les hommes d'équipage
également à assurer son anonymat : il ne se séparait pour s'étaient affalés sur leurs châlits et dormaient comme des
ainsi dire plus du bonnet fourré à oreilles et à mentonnière. souches. Mais Orso, conscient du trouble qui agitait son
La rigueur du froid enduré en altitude l'imposait, ce qui compagnon, se rongeait d'inquiétude à la pensée qu'Arno
arrangeait à merveille le jeune homme. Oui, il faudrait un puisse commettre une folie.
observateur bien attentif pour reconnaître le fils du graf - " Zum Turken " n'est qu'à quelques centaines de
Ulrich von Hagen ! mètres… il serait facile de me glisser jusqu'à la bâtisse…
A mesure qu'approchait le moment de - Tu n'aurais aucune chance d'y pénétrer sans te
l'atterrissage, la fièvre gagnait le dirigeable. Les hommes faire repérer. Le quartier général de la Sainte-Vehme est
postés au sommet de la coque, sur les plates-formes de tir, aussi bien protégé que le Berghof ou le Kehlsteinhaus.
redescendirent dans les nacelles inférieures. Les - Je sais, dit Arno. " Et plus encore " ajouta-t-il
mécaniciens, après avoir procédé aux ultimes réglages, firent mentalement. Il se souvenait des longues heures de réclusion
de même. Le barreur de direction en avait terminé avec son et de souffrances endurées dans les cachots de l'ancienne
travail et tout reposait maintenant entre les mains d'Arno, le auberge, et de l'épouvantable séance au cours de laquelle le
barreur de profondeur. graf Ulrich avait enduré sans faiblir les pires tortures. " Tous
Sous le regard attentif de l'instructeur, Arno mes ennemis sont là… Lothar et Irène, Birka et Népomuk…
accomplit sa tâche avec la sûreté d'un vétéran. Le dirigeable et Asbod… et l'Empereur… ils sont tous là et je suis
finit par se stabiliser cinquante mètres au dessus de l'aire du impuissant à me venger ".
Platterhof. Deux ou trois centaines de trälars recueillirent les - Demain, chuchota-t-il, nous travaillerons à
cordages en forme d'araignées jetées du haut des nacelles, et équiper le dirigeable, et ensuite nous partirons pour le front
l'aéronef entama sa descente. Une heure plus tard, il était ukrainien. Jamais plus pareille occasion ne se représentera…
solidement arrimé au sol et l'équipage posait pied à terre. - Si tu tentes quoi que ce soit, ils t'arrêteront et
cette fois rien ne te sauvera, répondit Orso. Tu seras mis à
Ils se tenaient alignés sur deux rangs, le seigneur mort et tout aura été inutile. Pourquoi ne pas attendre ? Un
Horsa et l'instructeur Hetzer quelques pas en avant, tandis jour viendra ou tu profiteras de circonstances encore plus
que les personnalités officielles découvraient avec curiosité favorables…
l'appareil. Blodeu von Leinster présenta Horsa à l'empereur. " Savoir mes ennemis à portée de ma main, et
- Comment s'est déroulé le voyage ? demanda devoir renoncer à me venger ! "
Manfred. Il se tourna bruyamment sur son châlit. Irène von
- Parfaitement, Votre Majesté, s'inclina Horsa. Vargo. Il avait entendu les conversations des autres membres
- Correct en tous points, renchérit Hetzer avec un de l'équipage, il avait appris l'intimité existant entre la jeune
sourire à l'adresse de son élève. femme et l'empereur… comme il avait appris sans réelle
Horsa rayonnait de joie, et le commandeur hocha surprise les promotions obtenues par Lothar et Félix
la tête. La suite de l'empereur piétinait la neige, bavardant et Népomuk, sans oublier Asbod, la chienne de Voroniklovo.
montrant du doigt les éléments du dirigeable. De déception et de rage, il mordit ses poings au
- Le Heinrich l'Oiseleur, fit une voix féminine. Un sang.
nom fort bien trouvé pour un si bel appareil.
Arno sentit son souffle lui manquer lorsqu'il Le lendemain dès l'aube, l'équipage se rendit sur
reconnut la jeune femme vêtue de fourrures argentées. Irène l'aire et donna la main aux techniciens et aux hommes de la
! Irène von Vargo ! WK désignés pour s'occuper du dirigeable. C'est alors
Il n'éprouvait plus aucune affection pour elle, qu'Arno apprit la nouvelle, de la bouche d'Horsa : l'appareil
mais une vague nostalgie l'étreignit. Placé au second rang de emporterait un passager supplémentaire en la personne de
l'équipage, Arno ne risquait pas grand chose, pourtant il Félix Népomuk. Horsa tenait lui-même l'information du
baissa la tête tout en continuant à jeter des regards vers le commandeur :
groupe des personnalités. Il entrevit Lothar von Vargo et - Un ver rampant aux bottes du seigneur Birka,
Hunfried Birka, et son sang bouillonna dans ses veines. Puis une vermine dont les exploits avaient autrefois pour cadre
il identifia Félix Népomuk. La femme qui l'accompagnait… l'Ukraine, mais il semble qu'il a fait son chemin depuis. Il a
n'était-ce pas Asbod ? Asbod en personne, dont les paraît-il épousé l'ancienne maîtresse du junker qu'il avait fait
mensonges avaient attiré la ruine et la mort sur les Hagen et condamner, et il coule maintenant des jours fastes à " Zum
tant d'autres familles ! Turken ". Il sera l'œil et l'oreille de la Sainte-Vehme, Horsa,
Arno se força à rester immobile, mais ses mains mais cela ne doit pas influencer vos décisions. Vous êtes seul
jointes derrière son dos se crispaient convulsivement, et un maître à bord du Heinrich l'Oiseleur. Nos autres unités
tic nerveux tordait sa lèvre supérieure. Un bref instant, il arrivent aujourd'hui et l'escadre reprendra l'air demain soir,
ferma les paupières, et des larmes de rage roulèrent sur ses après-demain au plus tard. Vous disposez de l'appareil le plus
joues, se perdant dans les boucles de sa barbe. récent et d'un excellent équipage, vous êtes donc tout
Toutes les personnalités s'éloignèrent, et Horsa désigné pour commander en chef cette escadre. Voici votre
commanda de rompre les rangs et de gagner les itinéraire : vous gagnerez directement l'Ukraine et Kiev
cantonnements mis à la disposition de l'équipage. Orso et avant de faire route vers la Volga. Puis vous survolerez la
Arno rejoignirent leur baraquement. région et vous intercepterez le premier convoi nippon qui se
présentera. Quatre aéronefs seulement opposés à une bonne

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dizaine, sans doute, mais vos adversaires seront lourdement femme mais il lui parut délicat de refuser sa requête. Il devait
chargés et lents à manœuvrer. Ne tentez pas l'abordage, se conformer aux recommandations de Leinster et faire
détruisez-les en vol. Ne prenez pas de risque… harcelez-les, preuve de courtoisie, même s'il lui en coûtait. Il opina donc
attaquez au moment le plus propice puis rompez avant et entraîna le couple vers l'échelle accédant à la nacelle
d'attaquer à nouveau… principale située dans le prolongement direct de la quille.
- L'armée possède huit appareils, dit Horsa. Celle-ci allait de la proue à la poupe et était aménagée de
Pourquoi ne sont-ils pas déjà engagés ? manière à servir à la fois de couloir et de soutes.
- Onze, rectifia Leinster. Le programme de Arno suivit des yeux les visiteurs. Revoir Asbod
construction s'est accéléré au cours des derniers mois. Il y en lui avait fait l'effet d'un coup de poignard en plein cœur - une
avait même quatorze mais trois ont été abattus au dessus de fraction de seconde, un flot d'images avait surgi dans sa
l'Iénisséi, et les autres patrouillent dans le secteur de Kiev… mémoire : Voroniklovo, Ulrich et la petite Sigrid, le burg
au cas où les Nippons lanceraient une nouvelle offensive. dressé à l'orée de la forêt de bouleaux et de pins…
Horsa rapporta ces informations au canton- Tout cela n'était plus. " Parce qu'une nuit, j'ai
nement, et c'est ainsi qu'Arno apprit la prochaine présence de refusé de céder au caprice de cette putain… "
Népomuk à bord. Il n'avait pas oublié l'homme au béret et au Tout frissonnant, il leva les yeux vers le soleil qui
costume noirs, il le reconnaîtrait aisément. La réciproque commençait à décliner sur l'Obersalzberg. Une brume dense
serait-elle possible ? " Non ", songea Arno, " pas si je prends grimpait à l'assaut des montagnes.
soin de dissimuler ma cicatrice ".
Toute la journée, les hommes s'employèrent à Dans la longue pièce aux murs tendus de velours
hisser des fauconneaux, des pierriers et des lance-fusées sur noir, d'étranges chandelles dispensaient une clarté fumeuse,
les plates-formes de tir, à entreposer des vivres, à vérifier irréelle. Ces chandelles étaient en fait des mains de gloire,
point par point l'état de l'appareil. Des curieux venaient des bras humains tranchés au dessus du poignet et plantés sur
parfois et restaient à contempler le géant des airs, le des supports métalliques. Chaque doigt avait été enduit de
comparant à d'autres entrevus ou visités auparavant. cire et brûlait avec des pétillements caractéristiques. L'effet
Arno et Orso vérifiaient au sol le gonflage des de ces mains enflammées était saisissant, même pour un
bouées protégeant la nacelle et la dérive inférieure de chocs garçon d'un caractère aussi ferme qu'Urien.
éventuels, lorsque le jeune frank attira l'attention de son ami Autour d'une table ovale était rassemblée une
d'un coup de coude. Trois personnes grimpaient le chemin trentaine de personnes, l'effectif au grand complet de la Loge
enneigé reliant le Platterhof à l'aire d'amarrage : Horsa na lumineuse de l'Obersalzberg. Urien connaissait au moins de
Boinne précédait Asbod et Félix Népomuk. vue chaque participant parmi lesquels Maître Abogard et
- Combien d'hommes d'équipage ? demanda le Thegan. Sur la table s'amoncelaient mappemondes et
représentant de la Sainte-Vehme. planisphères, portulans datant de plusieurs siècles et
- Vingt-six en temps ordinaire, mais compte tenu ouvrages volumineux traitant de diverses sciences.
des circonstances, nous embarquerons dix hommes de plus - J'ai donc eu confirmation de la bouche même de
qui complèteront le personnel d'entretien et les équipes l'Empereur, qu'aussitôt cette crise d'Ukraine résolue, les
placées sur les plates-formes de tir. Cela supposera un poids recherches aériennes en vue de découvrir le passage
supplémentaire, sans parler des vivres nécessaires pour un commenceront, déclara Abogard.
raid sans escale de trois ou quatre semaines, mais l'appareil " Les sphères intérieures ", ricana Urien en lui-
devrait bien se comporter. Le seul inconvénient sera l'espace même, " voilà toute l'obsession de ce vieil imbécile ! "
très restreint accordé à chaque homme pendant les périodes - Je comprends où vous voulez en venir, Maître
de repos. Abogard, approuva Thegan. Là ou des expéditions par voie
Tout en poursuivant son travail, Arno considéra le terrestre ont échoué, vous supposez qu'une expédition
couple : Asbod portait son opulente chevelure noire aérienne pourrait réussir…
ramassée en un chignon, conformément à la mode lancée par - En effet : un raid préparé avec soin, une mission
Irène von Vargo. Népomuk avait engraissé et arpentait le au dessus du Pôle, un dirigeable emportant un groupe
terrain avec morgue. Le fonctionnaire de Warsaw était scientifique exclusivement composé de membres de notre
devenu un petit seigneur bouffi d'orgueil qui paradait dans société du Vril.
son manteau de loup et ses bottes cavalières. Il avait troqué Les assistants opinèrent avec enthousiasme.
le béret de velours contre la toque de fourrure ornée du sigle - Pourtant, souligna Thegan, vous oubliez que le
d'argent, et sa main droite jouait ostensiblement avec la Vril ne possède aucun appareil et que même s'il en possédait
poignée ciselée de son poignard d'apparat. un, nous ne disposons d'aucun personnel suffisamment
- Très impressionnant, laissa-t-il tomber avec qualifié pour le manœuvrer.
affectation. - C'est bien le but de cette réunion. Ecoutez ceci :
Il se tourna vers Asbod comme s'il s'apprêtait à le dirigeable Heinrich l'Oiseleur de la Fraternité, doit
prendre lui-même le commandement de l'appareil. emporter dix hommes supplémentaires, et j'ai obtenu du
- Ma chère, il est infiniment regrettable que vous commandeur Leinster la permission de désigner deux d'entre
n'ayiez point été autorisée à m'accompagner dans ma nous pour servir à bord de cet appareil.
mission, mais je suppose que le seigneur Horsa ne verra - Qui seront les deux heureux bénéficiaires de
aucun inconvénient à vous faire visiter l'intérieur de cette mesure ? demanda une voix.
l'aéronef. Ainsi, vous aurez une idée des conditions Abogard interrogea Thegan.
d'existence que nous autres, combattants, allons endurer. - Qu'en pensez-vous, cher ami ?
Horsa hésita. Il n'aimait ni cet homme ni cette - Thegan hocha la tête en souriant.

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- Pourquoi pas moi ? Mais qui m'accompagnera ? Arno termina son quart, confia la barre au titulaire
- Avez-vous un nom à suggérer ? en second, et gravit l’échelle menant à la coursive centrale.
- Thegan se tourna vers le jeune Urien. Une douzaine d’hommes dormaient profondément dans
- Serais-tu prêt à venir ? leurs hamacs. Il repéra un filet libre et se l’appropria. il se
- Bien sûr, répondit Urien sans hésiter. débarrassa de son casque, de ses gants, de sa combinaison et
- Maître Abogard, vous avez vos deux hommes, dit Thegan. de ses chaussures fourrées, mais garda son épais linge de
corps en laine.
Il s’allongea avec un soupir d’aise et s’étira. Le
15 roulis de l’aéronef aux prises avec les courants aériens ne
l’affectait pas. Il aimait entendre les grincements et les
A 2500 mètres d’altitude, l’escadre craquements de l’armature, le sifflement du vent dans les
glissait silencieusement au dessus de la couche nuageuse. poutrelles, le ronflement de l’huile dans les canalisations.
L’œil fixé sur son compas magnétique, Horsa maintenait Soudain, quelque chose l’alerta, le sentiment
rigoureusement le cap, lançant de temps à autre un ordre bref qu’on l’observait, qu’un regard était fixé sur lui. Il ouvrit les
dans le tube acoustique. La liaison de l’appareil amiral avec yeux et tourna la tête. Dans la pénombre, il ne distingua que
les trois autres dirigeables s’effectuait par le truchement de des hommes endormis dont les hamacs se balançaient
signaux optiques manipulés à partir de la nacelle de mollement au gré du roulis…
commandement. Il avisa son plus proche voisin, un recrue
L’Heinrich l’Oiseleur occupait la pointe la plus embarquée la veille au soir. Il n’avait pas eu le temps de faire
avancée de la formation en losange. « Il se comporte connaissance avec les nouveaux…
magnifiquement » songea Horsa avec un véritable sentiment - Arno von Hagen ? murmura l’inconnu.
de fierté. Le seigneur des Runes avait l’impression de faire Arno tressaillit.
corps avec son aéronef, d’en être une pièce indispensable - Arno von Hagen… je vous ai aperçu lors de
comme la quille, la cheminée d’évacuation des gaz ou un l’embarquement, mais je n’étais pas certain…
gouvernail. - Urien !
- Est-nord-est, dit le barreur de direction. - J’ai plaisir à vous retrouver en vie et
- Maintenez, ordonna Horsa. apparemment en bonne forme !
- Assiette 4°, énonça à son tour Arno, à la barre de Arno n’avait jamais imaginé revoir un jour le
profondeur. jeune aspirant-astrologue. Népomuk d’abord… et puis
- Ramenez à 3. Urien. Le passé ressurgissait pour l’envelopper dans ses ailes
- Assiette 3°, annonça Arno un instant plus tard. noires.
« Un excellent appareil et un excellent équipage », - Comment se fait-il que tu sois à bord de ce
se reprit à penser Horsa na Boinne. Tout aurait été pour le dirigeable ? demanda-t-il à voix basse.
mieux s’il n’avait pas fallu supporter la présence de ce Félix - La société du Vril a délégué deux de ses
Népomuk, cet imbécile bouffi de suffisance, toujours dans membres : Maître Thegan et moi-même avons été incorporés
les jambes de l’équipage, se plaignant continuellement, à l’équipage.
incapable s’assurer la moindre tâche. Le dirigeable avait pris Le Vril ? De quoi s’agissait-il déjà ? Arno se
son envol une douzaine d’heures auparavant, et le souvint vaguement que Tassilon avait évoqué un jour
fonctionnaire n’avait guère tardé à dévoiler son véritable l’existence de cette société… mais il n’y avait guère prêté
caractère, celui d’un geignard n’aspirant qu’à retrouver la attention sur le moment. « Je me renseignerai plus tard à ce
terre ferme. Présentement, il se tenait penché au dessus de la sujet ».
rambarde de protection qui entourait la nacelle, et jetait des - Mais vous ? questionna Urien.
regards curieux par dessus bord. Il avait rabattu les protège- En quelques mots, Arno raconta les péripéties
oreilles de son casque, et la partie inférieure de son visage survenues après son départ de l’Obersalzberg.
disparaissait sous un épais cache-nez de laine. - Vous vous en êtes sorti… et j’en suis très
Orso apparut dans la nacelle de commandement. heureux, dit Urien qui paraissait sincère. Je me suis souvent
- Seigneur Horsa, selon vos instructions, j’ai demandé ce qu’étaient devenus les autres habitants de
vérifié le fonctionnement des groupes propulseurs. Il semble Voroniklovo.
que l’un d’entre eux se grippait, ce qui explique notre légère - Maître Tassilon est quelque part en Grande-
tendance à dériver. J’ai procédé à de nouveaux réglages. Bretagne, mais Orso sert également la Fraternité runique à
- Bien. La poupe signale un début d’assèchement bord de cet appareil.
de plusieurs radiateurs. - C’est donc bien lui que j’avais cru aussi
- C’est le froid, seigneur Horsa. Je m’en occupe. reconnaître. Je suppose que vous ne tenez pas à ce que
Orso quitta la nacelle après un regard furtif vers Népomuk apprenne qui vous êtes ?
Népomuk. De son côté, Arno se concentrait sur son travail et - J’aimerais autant, avoua Arno.
semblait ne prêter aucune attention à l’homme de la Sainte- - Je comprends… ne vous inquiétez pas.
Vehme, mais en réalité il ne le quittait pas de l’œil tout en Les deux jeunes gens observèrent un silence, puis
ruminant de sombres pensées. « Une petite poussée, rien Arno dit :
qu’une petite poussée et c’en serait fini de ce misérable… » - Dans cet appareil, j’ai eu l’occasion d’observer
Le jeune homme joua un moment avec cette idée, ces étoiles dont tu me parlais autrefois : Mizar, Rigel et
puis il la chassa pour se concentrer tout entier sur sa tâche. Bételgeuse, et l’Etoile Polaire dans la Petite Ourse. J’ai bien
Plusieurs heures s’écoulèrent. retenu la leçon, n’est-ce pas ?

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- Vous vous en êtes souvenu ? dirigeable et de ses occupants.


- Des poussières, des grains de lumière flottant au « Grimper et grimper encore », décida Horsa.
dessus de nos têtes… la thèse officielle, disais-tu, l’univers- « Sortir de cet orage, grimper à 12000, 13000 pieds, plus
ombre stagnant au centre de la terre. Peut-être un jour haut encore s’il le faut ! »
monterons-nous assez haut pour les approcher de plus Il donna ses ordres. Trois manoeuvres s’imposaient :
près… profiter au maximum des courants aériens ascendants, faire
- J’en doute, ricana, Urien. marcher les moteurs à pleine puissance, et surtout alléger
- Je sais. l’appareil en jetant par dessus bord tous les objets superflus
Vous savez… quoi ? tels que vêtements, outils et bidons. Une frénésie s’empara
- Je t’ai toujours soupçonné d’hérésie. Tes paroles te de l’équipage, et ce fut à qui débarrasserait au plus vite
trahissaient… des paroles bien imprudentes… tu n’admets l’appareil de tout poids inutile.
toujours pas le dogme officiel, n’est-ce pas ? Le dirigeable obéissait aux manœuvres. Avec une
- Non. Nous dissimulons tous les deux un secret : assiette maintenue tant bien que mal à 14° et s’élevant à la
vous celui de vos origines, et moi celui de mes convictions folle allure de 300 m par minute, il atteignit 3500 m.
scientifiques. Les mêmes dangers nous guettent l’un et Une migraine atroce s’empara des hommes.
l’autre, et c’est pourquoi nous devons nous accorder Certains furent pris de vertiges, tous pressaient les mains sur
mutuellement confiance… si vous acceptez mon amitié, leurs oreilles bourdonnantes.
ajouta Urien en tendant la main. - Nous allons mourir, bredouillait Népomuk prostré
- Cesse donc de me vouvoyer, proposa Arno en dans un angle de la nacelle, nous allons mourir.
serrant la main offerte. Je ne suis qu’un simple sergent au A 5000 mètres, les pouls et les respirations
service de la Fraternité… s’accélérèrent et les maux de tête devinrent intolérables. Les
« Lui aussi redoute la Sainte-Vehme, songea-t-il, lui hommes se tordaient de douleur, ravagés par la nausée.
aussi a besoin d’alliés dans son combat solitaire. Mais alors Horsa lui-même se pencha pour vomir. Cramponné à sa
que la vengeance seule occupe mes pensées, lui, que barre, Arno cracha un flot de bile.
recherche-t-il ? » Coincé dans la minuscule nacelle d’observation,
Il tourna et retourna un long moment ces pensées huit cents mètres sous l’aéronef, l’observateur Karn sentait
dans sa tête, mais ne trouva aucune réponse satisfaisante. l’ankylose le gagner. Depuis un moment, il essayait bien de
Puis, vaincu par la fatigue, il s’endormit. hurler dans le tube acoustique qui le reliait à la nacelle de
commandement, mais ses lèvres gelées parvenaient tout
- Tout le monde à son poste ! hurlait une voix par juste à émettre un bredouillement inaudible.
dessus le grondement de la pluie qui tambourinait sur la A présent, le moindre effort physique exténuait les
coque, tout le monde à son poste ! aérostiers. Une forme rampa aux pieds d’Arno qui reconnut
Encore engourdi de sommeil, Arno se laissa tomber l’homme de la Sainte-Vehme. Népomuk geignait
de son hamac et s’habilla en hâte. La plupart des filets lamentablement. Arno détourna son regard et le reporta vers
voisins étaient vides. L’ennemi était-il déjà en vue ? Peu Horsa. Campé sur ses jambes écartées, le seigneur des Runes
probable car l’appareil survolait seulement la partie ressemblait à une figure de proue s’enfonçant dans les eaux
méridionale de l’Ukraine. Puis Arno comprit de quoi il déchaînées. Malgré la gravité de la situation, il conservait
s’agissait. Un orage ! Le dirigeable était engagé dans un toujours un fragile espoir.
zone de turbulences. La carcasse de l’aéronef tremblait Ils grimpèrent jusqu’à 6000 mètres et,
comme si elle menaçait à tout moment de se désintégrer. miraculeusement, l’appareil tint bon. Mais la température
Il remonta en courant la coursive et dégringola une extérieure était tombée à –40°. Gelé, le compas magnétique
succession d’échelles avant d’arriver dans la nacelle de avait cessé de fonctionner. Les lubrifiants se figèrent, les
pilotage et de commandement. La proue de l’appareil câbles de gouvernails sortirent des poulies, plusieurs
plongeait dans une soupe brune striée d’éclairs gigantesques, canalisations d’huiles crevèrent. Deux aérostiers restés au
et des flammèches d’électricité statique crépitaient sur les sommet de l’enveloppe pour détecter la présence
éléments métalliques externes de la nacelle. Le compas d’éventuelles flammèches perdirent l’usage de leurs mains et
magnétique paraissait pris de folie et tournait comme une hurlèrent dans les courants glacés.
toupie, tandis que le dirigeable roulait sur lui-même comme Karn mourut, congelé dans sa nacelle suspendue au
un navire malmené par les lames sur un océan déchaîné. bout du filin d’acier, mais le treuil grippé refusa de remonter
Arno écarta sans ménagement le barreur auxiliaire et son cadavre.
constata une assiette de 8° qu’il tenta aussitôt de compenser. Deux mille pieds au dessous de l’aéronef meurtri,
Mais la barre résistait à ses efforts comme si elle était douée l’orage continuait à se déchaîner, et durant six heures, ils
de volonté, comme si l’orage cherchait à attirer sa proie au survolèrent la zone de perturbations. A l’aube, jugeant tout
centre d’un maëlstrom de fureur destructrice. danger écarté, Horsa ordonna d’entamer les manœuvres de
Arno tourna les yeux vers le commandant. Regard descente et l’appareil perdit de l’altitude, pour se stabiliser à
fixe, visage sombre, Horsa écoutait les pannes de la carcasse 2000 mètres. Mais il avait perdu le cap et dérivait dans un
trembler et craquer. Chaque fibre nerveuse de son corps ciel désespérément vide. Le reste de la formation avait
enregistrait les à-coups des moteurs qui calaient puis disparu.
redémarraient, et il savait que ces soubresauts
s’accompagnaient de projections de flammes. Fatalement, - Deux hommes devront être amputés des deux
une de ces projections finirait par toucher ou simplement mains, signala l’aérostier Olav qui faisait office d’infirmier.
frôler un élément d’une cellule à gaz, et ce serait la fin du Beaucoup de membres de l’équipage souffrent de gelures au

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visage : le nez surtout, parfois les oreilles. l’équipage de l’aéronef amiral. Horsa avait promis un thaler
- L’état général de l’appareil ? questionna Horsa. d’or au premier qui découvrirait un convoi ennemi, et
- Les groupes propulseurs fonctionnent à nouveau chacun scrutait les cieux dans l’espoir de s’attribuer la
correctement, répondit Orso. Les gouvernails sont réparés et récompense. L’eau et la nourriture étaient rationnées et les
les canalisations d’huile dégelées. Mais nous avons dû nous groupes propulseurs fonctionnaient en alternance afin
délester d’une bonne partie de la réserve d’eau contenue d’économiser le carburant et l’huile. Malgré ces
dans les ballasts. inconvénients, le moral était excellent et tous reprenaient
- Le compas magnétique remarche, dit Horsa. C’est confiance.
le plus important. Je viens de faire le point : l’orage nous a
écartés de notre cap et nous nous trouvons actuellement au - Maître Thegan, je vous présente Arno, le barreur
delà de Kiev , au dessus du plateau central. Nous survolons de profondeur, dit Urien.
le Don. - J’ai entendu parler de vous… Urien m’a fait part
- Dans ce cas, le plus raisonnable serait de rejoindre de vos démêlés avec la Sainte-Vehme.
Kiev, suggéra Népomuk. Vous ne comptez pas poursuivre - Maître Thegan est un ami et un conseiller de maître
cette expédition avec un seul aéronef éprouvé par la tempête Abogard, l’astrologue de la cour impériale, souligna Urien.
et un équipage diminué… Arno s’inclina et considéra avec attention son
- J’ai reçu pour mission d’intercepter les convois interlocuteur.
nippons en route pour le front ukrainien. L’Heinrich - Vous avez fait du bon travail sur ce dirigeable,
l’Oiseleur est toujours en état de combattre… constata Thegan.
- Je vous ordonne de faire demi-tour et de nous - Je vous remercie.
emmener à Kiev ! - Avant longtemps, la société du Vril aura besoin de
- Vous n’avez rien à ordonner, gronda Horsa. Votre garçons de votre trempe.
présence à bord de ce dirigeable est une injure au courage - J’appartiens déjà à la Fraternité, et je ne peux pas
des membres de son équipage… considérez que vous êtes servir deux maîtres à la fois.
aux arrêts ! Orso, accompagnez le seigneur Népomuk - Le Vril et la Fraternité ont toujours entretenu
jusqu’aux quartiers et veillez à ce qu’il y reste. d’excellentes relations, fit Thegan, mais nous en reparlerons
- La Sainte-Vehme saura punir cet affront , soyez-en plus tard, si vous le voulez bien…
sûr ! Vous serez traduit devant la Chambre d’Airain ! - Avec plaisir.
- Emmenez-le, répéta Horsa en se détournant. « J’ignore de quelle manière je puis être utile à
Son regard rencontra celui de Thegan. Thegan, à Abogard et au Vril, pensa Arno, mais il sera sans
- Quelque chose à ajouter, Maître Thegan ? doute intéressant d’écouter leurs propositions ».
- Non, répondit l’homme du Vril, sinon que la
Sainte-Vehme n’est pas du genre à pardonner une offense Ils étaient sortis de l’orage depuis un peu plus de
faîte à un de ses membres. Vous prenez un grand risque. soixante heures lorsqu’ils rencontrèrent enfin un convoi
Il allait poursuivre lorsqu’un cri retentit dans le tube ennemi.
acoustique.
- Vigie à commandant ! Vigie à commandant !
- Oui, vigie ? interrogea Horsa en s’adressant à A suivre...
l’homme posté au sommet de l’enveloppe.
- Deux appareils non identifiés derrière nous !
L’équipage se rua aux postes de combat.
- Vigie à commandant : ce sont les nôtres, l’Albrecht
l’Ours et le Goetz von Berlinchingen !
Une ovation s’éleva de tous les postes de l’aéronef.
Dans les minutes qui suivirent, les dirigeables échangèrent
des signaux optiques :
« Qu’est devenu le Niebelungen ? »
« Niebelungen détruit par orage. Appareil brisé en
deux, nacelles détachées de la coque, pas de survivants ».
« Quels sont les dégâts constatés chez vous ? »
Apparemment, les deux aéronefs n’avaient pas trop
souffert de la perturbation. Leurs observateurs, remontés à
temps, étaient indemnes, et ils ne signalaient aucun cas de
gelure. Tandis que s’échangeaient les messages, les trois
dirigeables voguaient à présent de concert dans un ciel sans
nuage.
« Quels sont vos ordres ? » demanda le Goetz von
Berlinchingen.
« Route au nord-est » fit répondre Horsa.

A mesure qu’ils s’enfonçaient dans l’espace aérien


contrôlé par le Soleil Levant, la fièvre s’empara de

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Chronique ciné

Stardust News
Basé sur les quatre comics-
book écrits en 1997 par Neil
La bibliothèque Marsienne
Gaiman, « Stardust » est un de la mission « Phénix »
conte de fées pour adultes
qui nous rappelle « Les
Le 4 août, la NASA a lancé la mission « Phénix » (site
Frères Grimm » ou
officiel: http://phoenix.lpl.arizona.edu/) en direction de
« Princesse Bride ». C’est un Mars: si tout se déroule comme prévu, elle devrait
univers de Fantaisie dans atterrir en mai 2008 dans la région du Pôle Nord. En
lequel on embarque, un premier lieu, il s’agit bien évidemment d’une mission
univers rempli de magie et scientifique: l’objectif est d’en apprendre plus à propos
de surprises. C’est de l’histoire de l’eau sur Mars. Cependant, la mission
exactement l’histoire « Phénix » emporte aussi avec elle un mini-CD,
qu’enfant on aimait écouter nommé Vision of Mars: A message to the future. Ce
avant de nous endormir et… rêver ! mini-CD est un projet de la Planetary Society
Le plot bien qu’imaginatif se suit parfaitement bien. Tristan (www.planetary.org) et il contient une collection de
(Charlie Cox) vit avec son père (Nathaniel Parker) dans le romans et de nouvelles de SF à propos de la planète
petit village anglais de Wall, ainsi nommé car un mur Rouge. Il s’agit donc de la première bibliothèque
l’entoure complètement pour empêcher humains et Marsienne de l’histoire! De cette façon, si pour une
animaux de sortir à l’extérieur. Ce mur est en fait le raison ou une autre (une troisième guerre mondiale
nucléaire par exemple), l’humanité devait perdre une
passage pour le royaume magique de Stormhold, un
partie de son patrimoine culturel du XXIème siècle, les
royaume de pirates, sorcières, licornes, bateau volant et
futurs habitants de Mars pourraient retrouver ces
princesses. romans et nouvelles de SF sur ce mini-CD. Dans cette
Amoureux de Victoria (Sienna Miller), il lui promet de lui première bibliothèque Marsienne se trouve par
ramener un morceau de la superbe étoile filante qui vient exemple La guerre des mondes de H. G. Wells, ainsi
de s’écraser de l’autre coté du mur et découvre que l’étoile que la version audio diffusée par Orson Welles en
s’est transformée en une magnifique jeune fille Yvaine 1938. D’autres auteurs sont: E.R. Burroughs, Isaac
(Claire Dane) dont le cœur a la propriété d’apporter le Asimov, Ray Bradbury, Arthur Clarke et d’autres
Pouvoir, la beauté et la vie éternelle. encore. Il y a aussi un message audio destiné aux
Poursuivis par les sinistres forces qui sont à la recherche futurs martiens de Carl Sagan (vous pouvez l’écouter
d’Yvaine : Le fils du Roi de Stormhold (Peter O’Toole), j’ai là:
nommé le prince Septimus (Mark Strong) assassins de www.planetary.org/programs/projects/messages/Greeti
ses frères (Jason Flemyng, Rupert Everett, Mark Heap, ngSagan.mp3), ainsi qu’un autre d’Arthur C. Clarke. Ce
Julian Rhind-Tutt, Adam Buxton et David Williams) et mini-CD a été réalisé par Jon Lomberg
surtout Lamia, la machiavélique sorcière (Michelle Pfeiffer) (www.jonlomberg.com). Ce projet a donc une valeur
symbolique extrêmement forte, et prouve à quel point
et ses deux sœurs, Aide leur sera apportée par le Pirate
la Science-fiction a été un moteur de l’exploration
du ciel Shakespeare (Robert De Niro) et Tristan découvrira
spatiale.
que l’amour parfois prend de biens étranges chemins… JMA
Deux magnifiques performances sont à noter : celle de
Michelle Pfeiffer en sorcière Lamia : Quel dommage qu’on
ne lui ait pas proposé plus souvent des rôles de Star Trek 11
« vilaine » , elle est sublime et on ne peut ici que saluer
son interprétation ; elle fait peur en horrible et hideuse Il a été confirmé à la Comic-Con de San Diego que
sorcière mais elle fait également peur même au sommet le prochain film Star Trek (n° 11) serait bel et bien
de sa beauté. une histoire impliquant une version jeune de Kirk et
La seconde est celle de Robert De Niro dans une scène de Spock. Le directeur J. J. Abrams a présenté
désopilante en… travesti ! Le rose lui va si bien !!! l’acteur qui interpréterait le jeune Spock: Zachary
Claire Dane, par contre, face à De Niro ou Pfeiffer m’a Quinto (connu pour ses rôles dans diverses séries
semblé quelque peu « fade » on s’attend à plus de TV, dont récemment « Heroes »). Leonard Nimoy a
consistance…. fait une apparition, confirmant par là qu’il
Charlie Cox est un très bon Tristan et bien sûr Peter apparaitrait certainement en star invitée dans le film
O’Toole est si … royal… mais enfin c’est O’Toole on ne en tant que vieux Spock. La dernière fois que
peut que saluer c’est tout ! Nimoy est apparu en tant que Spock dans Star Trek
Les dialogues sont simples, les décors sont bien filmés, fut un épisode de « La Nouvelle Génération »
effets spéciaux et CGI nous transportent sans difficulté datant de 1991, ce qui rendrait ce retour
dans ce monde imaginaire. Quant au Directeur Peter particulièrement émouvant... Un nouveau poster a
Vaughn, dont c’est le deuxième film, le premier étant Layer été présenté, reprenant le logo classique de la
Cake, nous pouvons dire que c’est un excellent début et Série d’Origine, mais avec des caractères étoilés
qu’il nous promet ici d’autres merveilleux films. sur un fond blanc.
A voir JMA

Andrée Cormier

chronique ciné
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halloween.qxd 05/09/2007 13:31 Page 56

Halloween étaient absentes du premier volet (Les costume, le


masque, le fameux couteau). A noter un casting infernal :
Une pléiade d’acteurs à l’immense talent, Malcolm Mac
De Dowell en tête, Dee Wallace Stone (une habituée du
genre, mère du garçon dans ET, ndlr) en passant par Brad
Rob Zombie Douriff, Daryl Sabara, Udo Kier. Etc. ... le tout en ciné-
mascope et 6 pistes dolby. Notons également la prestation
du jeune Daeg Faerch en jeune Michael Myers, véritable
découverte de Rob Zombie.

On pourrait reprocher toutefois au


“Halloween” la saga réalisateur d’avoir peut-être
dépeint des personnages assez,
A quelques mois près, la naissance d’un voire trop extrêmes, alors que le
genre particulier du cinéma d’horreur aura film de Carpenter ne montrait que
bientôt trente ans. Le « slasher » tel qu’on le très brièvement une famille, pas
connaît, avec un « psycho-killer » trucidant du tout “dérangée” et, de ce fait,
d’innocentes victimes de façon la plus on ne comprenait jamais vraiment
abominable possible au travers de plus pourquoi Myers avant commis de
d’une centaine de films, est né avec le se- telles atrocités et c’est peut être là
Remake très attendu des fans, cond long-métrage d’un jeune cinéaste cali- que résidait tout l’aspect original
voici donc la version du film de fornien, John Carpenter. Un scénario et effrayant du métrage de
John Carpenter revu et corrigé par basique qui se vit progressivement Carpenter : le mystère de la nais-
Rob Zombie dont les premiers amélioré, un titre initial de « The baby- sitter sance d’un monstre. Qu’est ce qui
essais dans le genre ont montré murders » changé par le producteur en un poussait Myers à faire ce qu’il fai-
un goût particulier pour l’horreur et magnifique « Halloween » (qui sera titré sait ? Dans “Halloween H 20”, on
la folie avec “House of a 1000 chez nous plutôt intelligemment « La nuit avait au générique l’explication
Corpses” et “The Devil’s des masques »), et surtout une mise en par le Dr Loomis, qui disait tout
Rejects”. “Halloween” version scène stylisée et carrée accompagnée d’un simplement que le regard de
2007 ? Verdict... leitmotiv musical inoubliable feront le reste. Myers était “le regard du diable”.
« Halloween » et Michael Myers, psy- Rob Zombie a su créer une atmo-
Dès le premier plan, Halloween se chopathe sans conscience, ni raison, por- sphère, une histoire effrayante et
présente comme une scène de tant un masque blanc, devint un des plus totalement cauchemardesque, il a
“Devil’s rejects”, avec une con- énormes succès du cinéma. Des suites également respecté ses propres
frontation verbale et violente entre virent le jour, dont un « Halloween 3 : le idées et visions car il ne fait pas
la mère de Michael Myers (Sheri sang du sorcier » complètement à part. dans la dentelle. On retrouve tout
Moon Zombie) et son copain Mais on retrouvera Michael Myers dans six ce qui fait un film d’horreur, entre
(William Forsythe). Aucune suites directes dont les meilleures sont violence et sexe, et c’est une
musique, mais une tension qui « Halloween 4 » où il traque une autre petite excellente chose que de ne pas
grimpe d’image en image. On sœur, et « Halloween H20 » (soit le sep- avoir cédé aux contestations des
s’aperçoit avec horreur de la tième) où vingt ans plus tard, sa sœur studios. Reste maintenant que les
manière dont le jeune Myers Laurie (Jamie Lee Curtis, rappelons-le, qui fans de l’original, dont je suis,
évolue dans cet univers où le mot débuta sa carrière avec le film de préfèreront sans doute l’original
famille n’existe pas. Le réalisateur Carpenter), voit de nouveau son mons- pour tout le talent et l’originalité
ne prend pas de gants et instaure trueux frangin sévir autour d’elle. Le que Carpenter y avait apportés,
le ton, le sujet, bref on est au huitième opus la verra « enfin » mourir, mais avec, surtout ce générique
début dans un cauchemar psy- le film plongera ensuite dans le n’importe d’époque et sa musique glaciale,
chologique très malsain. Jusqu’à quoi. Mais Michael Myers n’est toujours pas effrayante, d’une monstrueuse
la première altercation entre le mort car, aujourd’hui, le remake écrit et réa- efficacité et qui, presque trente
jeune Myers et un de ses cama- lisé par Rob Zombie (fan absolu du film de après, n’a pas pris une ride.
rades d’école qui tourne au Carpenter) arrive enfin, renouant avec une Rob Zombie s’en tire tout de
cauchemar et au meurtre. L’on vraie terreur, aussi forte que celle qui frappa même haut la main, et ceux qui
assiste à la montée de la folie chez en 1978, c’est plus que certain. découvriront “Halloween” pour la
le jeune garçon qui attend l’élève toute première fois passeront un
et tout ce processus est en St. Thiellement délicieux moment de frayeur et de
quelque sorte un hommage à terreur. Cris et sursauts en salles
Carpenter. Zombie reprend la garantis.
musique de l’original et on se
retrouve presque dans l’original de Marc Sessego
78. Ce début de métrage un peu Collaboration Andrée Cormier
déconcertant est, peut être, un jeu et Alain Pelosato
de la part du réalisateur car cer-
tains plans sont presque calqués
sur l’original. On suit ici toute
l’aventure de Michal Myers et nous
obtenons toutes les réponses qui

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56
Couleurs-Halloween2(3).qxd 06/09/2007 20:30 Page 57

Sheri Moon
Zombie
Mère de
“Michael Myers”
“Halloween”
Q : Comment vous êtes vous pré-
parée pour le rôle ?
R : Quand Rob a écrit le script on en a
parlé, de ses attentes et de ses volon-
tés, on a vraiment tout discuté, de son
langage au costume, même son
maquillage et sa coiffure
Q ; Est-ce que Rob a écrit le rôle
avec vous en tête ou était-ce
après ? R : Je suis super fière de Rob, c’est comme question
R : Il l’a écrit avec moi en tête tellement dur de faire un film, il y a Q : Est-ce que vous regardez ce
Q : Pouvez-vous nous parler de la tellement d’éléments et comme je dis qu’écrit Rob et y participez-vous ?
scène du night club ? tellement de “cuistots dans la cuisine”, R : Il veut surtout que je corrige la
R : je n’ai jamais été une danseuse mais il a vraiment fait le film dont il grammaire c’est à peu près tout. Rob
jusqu’à ce que j’ai commencé à avait l’intention. Les personnages sont est un peu dyslexique alors...
danser pour les concerts de Rob, très bien fouillés et quelque part Q : Comment était-ce de travailler
quand nous étions en tournée. J’étais Michael Myers devient presque un avec je jeune Daeg ?
sur la scène à accompagner le spec- personnage humain, on voit dans R : Cet enfant est extra, frais, jeune,
tacle en dansant. cette version au-delà du masque. un peu naïf, et jouer est vraiment son
Q : Comment cela était d’avoir son Dans l’ancienne version il n’y avait truc donc pour un enfant comme lui
propre mari qui vous dirige pour un pas tout ça. c’est parfait. Je crois que Rob a vrai-
striptease ? Q : Est-ce que vous affectionnez ce ment découvert un petit génie en tant
R : Je ne l’aurais fait que pour lui, je lui genre ? qu’acteur et je pense qu’il ira très loin.
fais confiance à 150%, c’est vraiment .R : J’ai bien sur vu des films d’hor- Q : Qu’est-ce que vous faites au
la scène la plus difficile que j’aie reur, je vais toujours les voir mais je moment d’Halloween ?
jamais faite car ce film fait vraiment ne les regarde pas toute seule. R : Nous nous déguisons chaque
peur. Il se sentait mal pour moi car il Q : Quel est votre favori ? année, on donne les bonbons aux
savait que j’étais très nerveuse, et R : J’ai toujours adoré “The Shining”, enfants, et on ira chez notre voisin qui
c’est très intimidant d’aller sur la scène et je l’ai probablement vu 25 fois mais fait une grande fête chaque année.
et de faire ça, nous avons fait cette je ne le regarderai toujours pas toute Q : Un autre projet ?
scène pendant une journée et ça s’est seule il me fout vraiment la trouille. R : Oui je fais la voix de la bande
finalement très bien passé. Après les Q : Auriez vous été plus mal à l’aise dessinée tournée en dessin animé de
deux premières prises ça allait beau- si le rôle avait déjà existé dans l’ori- la base de Rob “El Superbisto” ; C’est
coup mieux. ginal ? très sexy et pas du tout pour les
Q : Vous avez dû tourner pas mal de R : J’aurais probablement senti une enfants. Ca sort en 2008. Je me suis
choses qui ont été coupées ? certaine pression, afin d’être à la hau- éclatée à le faire et je referai un dessin
R : Oui pas mal, il faut dire que le tout teur d’un personnage déjà existant, animé immédiatement.
premier montage faisait presque qua- mais je pense que c’est encore plus Q : Est ce que le plateau
tre heures. difficile de créer soi-même un person- d’Halloween était différent des
Q : Que pensez vous de la relation nage, car vous n’avez aucune autres ?
avec Michael et du fait qu’elle n’ar- référence. R : Chaque projet est différent ; il aime
rive pas à le sauver ? Q : Avez-vous parlé à Rob de la rai- apporter des gens de son équipe et
R : Rob a vraiment bien écrit le script son pour laquelle elle est avec ce travailler avec certains de ses acteurs.
et développé ses personnages surtout type ?
durant le premier tiers du film. Je R : Il y a tellement de femmes dans ce Propos recueillis par Marc Sessego le
pense que Michael est “le mauvais”, si cas c’est incroyable. 21 août 2007. Collaboration Andrée
je puis dire, donc même sa mère n’au- Q : Et vous n’avez jamais pensé à Cormier. Très sincères remer-
rait rien pu faire pour le sauver. Il y a mentionner qui est vraiment le père ciements à Sheri pour nous avoir
certainement des facteurs qui con- de Michael ? accordé cette interview, Jill Di Rafelle
tribuent à ce que tout “foire”, par R : Non le sujet n’a jamais été abordé, de “The Weinstein Co” pour l’avoir
exemple son enfance n’est pas des car je n’ai jamais vraiment su qui est le organisée et enfin Michel Berstein de
meilleures et même sa vie extérieure père de Michael, Bossa Nova, Paris. Merci à tous.
est un désastre, mais je pense qu’il Q : Donc vous ne savez même pas
est mauvais à la base. si le père de Michael est le père de
Q : Quelle fut votre première réac- tous ?
tion quand vous avez vu le film ? R : Ça n’a jamais été approché

Halloween
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de Rob Zombie 57
Sheri Moon Zombie
Couleurs-Halloween2(3).qxd 06/09/2007 20:31 Page 58

Tyler Mane
(Michael Myers adulte)
Daeg Faerch
(Michael Myers jeune)
ndlr) à coup de batte
de baseball
Q : Comment avez-vous fait pour
(Tyler) : Quand j’ob-
coordonner vos personnages ?
tiens tout l’attirail qui
R : (Tyler) Pratiquement tout le film a
devient le costume
été filmé en progression logique.
mythique de Michael Q : Quelles ont été les scènes
Ensuite j’ai étudié la manière dont
Myers : ça c’était très fort. retournées ?
Daeg tuait les gens pour que l’on
Q : Comment était-ce de travailler R : On a un peu changé la fin, on a tué
retrouve à peu près la même chose
avec Rob ? un peu plus de gens (il rit), car le nom-
car je dois dire qu’il s’est vraiment très
R : (Daeg) : La première fois que j’ai bre de tués n’était pas suffisant au
bien mis dans la peau du personnage
compris que j’allais travailler avec Rob départ ; il fallait un plus grand carnage
et j’ai donc suivi ses traces.
Zombie je me suis dit que ça allait être donc on a “remonté” le niveau.
Q : Comment avez-vous obtenu le
très difficile, car Rob est un rocker à la Q : Est ce que vous allez revenir à
rôle ?
base, mais quand je suis arrivé et votre rôle de “Sabertooth” dans “X-
R : (Daeg) J’ai soumis ma candida-
qu’on a commencé il était vraiment Men” ?
ture, j’ai auditionné et puis plus rien.
simple et je ne m’attendais pas à ça. Il R : J’aimerais beaucoup le faire mais
Pas d’appel, rien…et juste quelques
a d’ailleurs été ouvert à tout un tas je n’ai aucune idée de ce qui va se
temps avant de démarrer, on m’a dit
d’idées. passer.
que j’avais obtenu le rôle....
(Tyler) : Il est vraiment un mec très Q : Comment est-ce de porter ce
Q : Et c’est ton tout premier rôle ?
simple et il y a eu un moment où des fichu masque ?
R : Oui le tout premier.
gars sur le plateau ont joué un des ses R : Très bizarre, comme un gros truc
Q : Et si j’ai bien compris ta mère ne
“clips”, et c’était vraiment amusant de en latex sur la tête et pas toujours très
t’a laissé lire que tes scènes spéci-
voir la différence de personnalité entre agréable. La première fois que vous
fiques et non tout le script ?
le gars sur le plateau et ce type sur la mettez ce masque vous repensez à
R : Oui je n’avais pas la possibilité de
scène dans la vidéo, complètement toute l’histoire des films de la série, et
lire tout le script. Je n’ai pas vu le film
pris dans son délire. Ça c’était un surtout le personnage de Michael
et je ne le verrai pas. Juste les pre-
moment assez spécial et très fun. Myers, et c’était un peu étrange de
mières dix ou quinze minutes.
Q : Daeg, Vas-tu à l’école ? voir ce nouveau masque qui a été un
R :(Tyler) (plaisantant et riant) Tu ver-
R : Oui comme un gosse normal, et si peu peaufiné et de l’amener au niveau
ras la suite dans 10 ans !
on m’emmerde je rejouerai le rôle et supérieur si je puis dire et surtout,
Q : Est-ce que le fait d’avoir votre
ils ne vont pas apprécier. (Il rit) lorsque vous l’enfilez, de vous dire
visage caché pendant la quasi tota-
Q : Est-ce qu’à un certain point tu qu’on en attend beaucoup de vous.
lité du film vous a dérangé ?
t’es senti bizarre car il y a des Mais très vite vous ressentez le plas-
R : Non pour moi j’ai vu cela en tant
scènes très intenses ? tic, le latex et quand on vous donne le
que l’acteur qui doit jouer un rôle
R : il y a un moment où je me suis couteau vous êtes prêt pour l’action.
physique sans dialogue il n’y a pas
senti vraiment bizarre et j’en ai même (Il rit)
plus dur que ça. Avec ce rôle, la seule
eu des frissons dans le dos. Nous (Daeg) : Au début très serré et après,
chose que j’avais était le mouvement
étions dans la maison de Michael en fait, assez cool. Après la première
de mon corps et de mes yeux. C’est
Myers, qui était en plus très proche de prise, quand je devenais transpirant
un sacré challenge même si ça ne le
la “vraie” maison où a été tourné le de sueur, là c’était beaucoup moins
parait pas au premier coup d’œil. J’ai
film original et il y avait cette scène où “marrant’”
commencé par décomposer le script
je suis tout seul… entre les prises, je Q ; Tu avais combien de prises pour
en plusieurs parties et j’ai essayé de
suis seul, j’ai un couteau dans la main, les meurtres ?
voir ce qu’il faisait comme, par exem-
il y a du sang partout, et franchement R : Par exemple pour la scène où j’é-
ple, bouger la tête très légèrement. Je
ça devenait un peu angoissant. clate le gars avec la batte de baseball,
voulais surtout que l’on puisse voir la
Q : (Tyler) Comment vous préparez- 10 prises pour chaque angle, excellent
différence lorsque je suis avec Laurie
vous pour un rôle ? sport d’ailleurs je ne vous dis que ça !
et lorsque je suis sur le point de tuer
R : Vous vous préparez à chaque fois Q : Vous aimiez les films d’horreur
quelqu’un. Que l’on puisse voir une
d’une manière totalement différente. étant jeune ?
nette différence dans le comporte-
En plus, ici, c’est la première fois que R : Franchement j’avais la trouille et je
ment.
je joue un psycho-killer donc tout ce ne m’en cache pas, mais je suis le
Q : Il est assez bizarre de voir la
que vous pensez et préparez est com- genre de gars qui va regarder “les
relation entre vous et Laurie dans
plètement différent, de “X-Men”(il joue dents de la mer” et qui a la trouille
ce film....
“Sabretooth”) ou “Troy” (Il joue “Ajax”) après de prendre un bain. A la base
R : si l’on prend le sujet même c’est
ce sont tous des rôles aux antipodes j’étais un jeune, de grande taille, mai-
vraiment la reconnexion d’une famille.
les uns des autres. J’ai surtout essayé gre, avec des lunettes et un appareil
Q : Quelle est votre scène préfé-
avec Michael Myers d’apporter un dentaire et un jour j’ai décidé de
rée ?
“quelque chose” de nouveau pour le changer tout ça. Donc je comprends
(Daeg) : Quand je tue le gars (Daryl
public. un peu Michael bien que je trouve qu’il
Sabara, l’enfant de “Spy Kids”, 2001

Halloween
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de Rob Zombie 58 Tyler Mane - Daeg Faerch
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aille un peu trop loin. (il éclate de rire). m’a vraiment épaulée jusqu’au bout. être un peu différentes.
R :(Daeg) : Oui, mon favori c’est Q : Aviez-vous vu le film original ? Q : Vous faites aussi beaucoup de
“Entretien avec un vampire”, j’ai adoré R : Oui je dois dire que ma mère aime télé : Que préférez-vous ?
celui là, et j’adore les comédies. les films d’horreur et tout ce qui fait R : le cinéma sans aucune hésitation.
Q : Est-il effectif que tu as écrit ton peur donc j’ai commencé très tôt avec Je me sens très bizarre en alternant la
propre script et que tu l’as tourné ? “Halloween” et “The exorcist”, et avant télé et le cinéma, j’adore aller sur dif-
R : Oui il fait 15 minutes et c’est à pro- l’audition j’ai du regarder le premier au férents plateaux et retrouver cette
pos de vampires et pirates. moins 10 fois. Et on m’a appelée 6 ambiance très familiale qu’il y a sur un
Q : Donc tu es déterminé à te lancer fois, et après il y a eu deux niveaux : plateau. Mais je ne veux pas être
dans le “show biz” ?; J’ai d’abord rencontré Rob et nous coincée sur une série et jouer le
R : Absolument sommes restés pendant 5 heures même personnage pendant des
Q : Vous avez d’autres projets ? dans celle pièce et il m’a dit qu’à la fin années, ce serait infernal. J’adore
R :(Daeg) Oui un film de super héros il fallait que je laisse de côté Jamie maintenant passer d’un film à l’autre
avec Will Smith, “Hancok”, le film sor- Lee Curtis (héroïne du premier film en et créer tous ces personnages.
tira le 2 juillet 2008. 1978, ndlr), car c’est toi dans le rôle, il Q : Qu’est-ce que cela fait de con-
(Tyler) : Je vais voir ce que Rob a ne faut pas imiter et répliquer ce que naître très jeune la célébrité ?
dans la tête et s’il me veut dans un Jamie Lee a fait. C’était vraiment bien R : on m’a beaucoup parlé de cela et
nouveau rôle je suis bien évidemment que Rob ait une telle confiance en moi la phrase qu’on me répétait constam-
partant donc on verra... Q : Quelle est selon vous la dif- ment était : « Evite la cocaïne ». Tout
Q : Vous ne faites plus de catch férence entre les 2 « Laurie », en le monde pense que j’ai fait ou que je
n’est ce pas ? voyez vous une ?. vais faire l’andouille. .De ce point de
R : Non ça c’est fini, et ce qui m’a le R : J’ai essayé d’en faire un person- vue, je pense avoir beaucoup de
plus amusé c’est voir que beaucoup nage comme votre voisin : mademoi- chances d’avoir été élevée dans une
plus de gens que ce que je pensais selle tout le monde ! Elle a peut être super famille dans une petite ville. Je
ont suivi ma carrière de catcheur et plus d’attitudes, et on la voit beaucoup suis sérieuse dans ce que je fais et je
ont suivi ce que j’ai fait au cinéma et je plus en interaction directe avec ses ne veux surtout rien gâcher. Je ne sais
ne pensais pas que c’a aurait été à ce parents. Je crois qu’elle est complète- pas à quoi les autres jeunes actrices
point. J’ai surtout fait de l’action/hor- ment différente et qu’on la voit évoluer pensent quand elles font les
reur et pas de comédies mais les durant tout le film et, à la fin, elle andouilles ! (en liaison directe avec ce
choses peuvent changer. devient presque une combattante. qui s’est passé avec Lindsay Lohan,
Q : Avez-vous joué avec “The Q : Est-ce que vous avez signé pour ndlr). Je pense qu’elles vont
Rock” ? une suite ? s’apercevoir très rapidement qu’elles
R : J’ai fait du catch avec son père, 15 A ; Je vais vous surprendre mais, non. ont « merdé ». Je ne suis pas du style
ans avant ses débuts à lui. Croyez- Je sais que Malcom et Tyler ont signé. bars et night clubs, je suis plutôt très
moi, faire du catch n’est pas aussi Si je peux faire un # 2 je le ferai sans timide de ce point de vue là.
facile que l’on pense car vous êtes sur hésitation. Q : Avez-vous une anecdote amu-
une scène à quatre côtés, et c’est un Q : Etes-vous prête au grand début sante sur le film ?
nouveau spectacle chaque soir dans de votre carrière avec ce film ? R : Oui il y eut cette fois où nous
une nouvelle ville, c’est très dur. R : A la fin de la première journée de avions trois heures à tuer et avec
Q : Avez-vous ramené des affaires tournage Rob m’a dit très sincèrement Tyler on a regardé “Orange
ou accessoires du tournage ? que j’allais très certainement en pren- mécanique”. Après, je suis retournée
R : (Daeg) Tout mon déguisement de dre “plein la poire” par tout le monde et sur le plateau et j’ai dit à Malcolm que
clown du début avec le masque il m’a demandé si j’étais vraiment je l’avais vu dans un film très spécial
R : (Tyler) : Tout le costume y compris prête pour ce “ côté “ là. faisant des choses très bizarres et on
le masque, ça c’est super cool. Q : Et vous avez d’autres projets a ri !
Q : Avez-vous signé pour une dans le même style ? Q : N’avez-vous pas peur d’être
suite ? R : Oui “April’ s fool Day”, je le com- engluée dans le genre horreur ?
R : (Daeg) : Non mence très bientôt en Caroline du R : J’espère que non, j’espère pouvoir
R(Tyler), oui j’ai signé pour une suite... nord pour deux mois et demi. faire un peu de tout.
éventuelle ! (il rit) Q : Avez-vous l’original ? Q : Avez-vous eu l’occasion de par-
ler avec Jamie Lee Curtis ?
R : J’aurais vraiment voulu avoir l’oc-
Scout Taylor casion. Qu’elle me voit dans le film et
qu’elle me dise ce qu’elle en pense.
Compton
Propos recueillis par Marc Sessego le
“Laurie Strode” 21 aout 2007. Collaboration Andrée
Cormier. Très sincères remer-
Q : Vous ne pensez pas que l’on va ciements à Scott pour nous avoir
vous appeler la nouvelle “scream accordé cette interview, Jill Di Rafelle
queen” (“La reine du cri”, ndlr) ? de “The Weinstein Co” pour l’avoir
R : En toute franchise je n’étais même organisée et enfin Michel Berstein de
pas au courant de ce concept, et Bossa Nova, Paris. Merci à tous.
maintenant on va me juger sur mon cri R : Je crois que je ne vais même pas
et ça fait très bizarre. Mais Rob m’a essayer de le regarder, je n’ai pas le
vraiment aidée, il a été à mes côtés et rôle principal donc les choses vont

Halloween
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de Rob Zombie 59 Scout Taylor Compton
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