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8e édition
Ouvrages parus
Introduction au droit
Droit des personnes – La protection des mineurs et des majeurs
Droit des biens
Droit des obligations
Droit des contrats spéciaux
Droit des sûretés
Droit de la famille
Droit des successions et des libéralités
Droit des régimes matrimoniaux
Autres ouvrages de Philippe Malaurie
Dictionnaire d’un droit humaniste, Université Panthéon-Assas, Paris II,
LGDJ, 2015
Anthologie de la pensée juridique, Cujas, 2e éd., 1996
Droit et littérature, Une anthologie, Cujas, 1997
Avec la collaboration de Philippe Delestre
Droit civil illustré, Defrénois, 2011
SOMMAIRE
PREMIÈRE PARTIE
RESPONSABILITÉS EXTRACONTRACTUELLES
LIVRE I
LIVRE II
« RESPONSABILITÉS » SPÉCIALES
Chapitre I. – Accidents de la circulation
Chapitre II. – Produits défectueux
Chapitre III. – Responsabilités professionnelles
LIVRE III
DEUXIÈME PARTIE
CONTRATS ET QUASI-CONTRATS
LIVRE I
LIVRE II
QUASI-CONTRATS
TITRE I. – GESTION D’AFFAIRES
TITRE II. – RÉPÉTITION DE L’INDU
TITRE III. – ENRICHISSEMENT INJUSTIFIÉ
TROISIÈME PARTIE
RÉGIME GÉNÉRAL
LIVRE I
LIVRE II
OBLIGATIONS COMPLEXES
TITRE I. – OBLIGATIONS PLUS OU MOINS OBLIGATOIRES
Chapitre I. – Modalités de l’obligation
Chapitre II. – Obligation naturelle
TITRE II. – OBLIGATIONS À SUJETS MULTIPLES
Chapitre I. – Indivisibilité
Chapitre II. – Solidarité
Chapitre III. – Obligation in solidum
LIVRE III
CIRCULATION DE L’OBLIGATION
TITRE I. – TRANSFERT DE L’OBLIGATION
Chapitre I. – Subrogation personnelle
Chapitre II. – Cession de créance
Chapitre III. – Cessions simplifiées
Chapitre IV. – Cession de dette
TITRE II. – CRÉATION D’UNE OBLIGATION NOUVELLE
Chapitre I. – Novation par changement de l’une des parties
Chapitre II. – Délégation
Table de correspondance
Juridictions
CA = arrêt de la Court of Appeal (Grande-Bretagne)
CA = arrêt d’une cour d’appel
CAA = arrêt d’une Cour administrative d’appel
Cass. Ass. plén. = arrêt de l’assemblée plénière de la Cour de cassation
Cass. ch. mixte = arrêt d’une chambre mixte de la Cour de cassation
Cass. ch. réunies = arrêt des chambres réunies de la Cour de cassation
Cass. civ. = arrêt d’une chambre civile de la Cour de cassation
Cass. com. = arrêt de la chambre commerciale et financière de la Cour de cassation
Cass. crim. = arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation
Cass. soc. = arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation
CE = arrêt du Conseil d’État
CEDH = arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme
CJCE = arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes
Cons. const. = décision du Conseil constitutionnel
Cons. prud’h. = Conseil des prud’hommes
JAF = décision d’un juge aux affaires familiales
J.d.t. = décision d’un juge des tutelles
J. prox. = décision d’une juridiction de proximité
KB = arrêt du King’s bench (Banc du roi) (Grande-Bretagne)
QB = arrêt du Queen’s Bench (Banc de la reine) (Grande-Bretagne)
Réf. = ordonnance d’un juge des référés
Req. = arrêt de la chambre des requêtes de la Cour de cassation
sent. arb. = sentence arbitrale
sol. impl. = solution implicite
TA = jugement d’un tribunal administratif
T. civ. = jugement d’un tribunal civil
T. com. = jugement d’un Tribunal de commerce
T. confl. = décision du Tribunal des conflits
T. corr. = jugement d’un Tribunal de grande instance, chambre correctionnelle
T.f. = arrêt du Tribunal fédéral (Suisse)
TGI = jugement d’un Tribunal de grande instance
TI = jugement d’un Tribunal d’instance
TPICE = Tribunal de première instance des Communautés européennes
Acronymes
AFNOR = Association française de normalisation
CCI = Chambre de commerce internationale
Ccne = Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé
CEE = Communauté économique européenne
DCFR = Draft Common Frame of Reference (projet von Bar)
DDASS = Direction départementale de l’action sanitaire et sociale
DPU = Droit de préemption urbain
IRPI = Institut de recherche en propriété intellectuelle
OPE = offre publique d’échange de valeurs mobilières
POS = plan d’occupation des sols
PUAM = Presses universitaires de l’Université d’Aix-Marseille
PUF = Presses universitaires de France
SA = société anonyme
SARL = société à responsabilité limitée
SAS = société anonyme simplifiée
SCI = société civile immobilière
SNC = société en nom collectif
Abréviations usuelles
A. = arrêté
Adde = ajouter
Aff. = affaire
al. = alinéa
Ann. = annales
Appr. = approbative (note)
Arg. = argument
Art. = article
Art. cit. = article cité
Av. gal. = avocat général
cbné = combiné
cf. = se reporter à
chron. = chronique
col. = colonne
comp. = comparer
concl. = conclusions
cons. = consorts
Contra = solution contraire
crit. = critique (note)
DIP = Droit international public/Droit international privé
doctr. = doctrine
éd. = édition
eod. v. = eodem verbo = au même mot
Et. = Mélanges
ib. = ibid. = ibidem = au même endroit
infra = ci-dessous
IR = informations rapides
loc. cit. = loco citato = à l’endroit cité
m. n. /déc. /concl. = même note/ décision/ conclusion
n. = note
n.p.B. = non publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (inédit)
op. cit. = opere citato = dans l’ouvrage cité
passim = çà et là
préc. = précité
pub. = publié
rapp. = rapport
Sect. = section
sté = société
somm. = sommaires
supra = ci-dessus
TCF DIP = Travaux du Comité français de DIP
th. = thèse
V. = voyez
v = versus = contre
v. = verbo = mot (vis = verbis = mots)
*et** = décisions particulièrement importantes
Sauf indication contraire, les articles cités se réfèrent au Code civil.
PREMIÈRES VUES SUR LES OBLIGATIONS
§ 1. DÉFINITION
I. — Classifications
Outre une classification selon les sources 5, on peut répartir les
obligations selon leur objet.
II. — Modalités
§ 2. INTÉRÊTS
6. Droit prépondérant. – Le droit des obligations domine l’ensemble du droit, car l’obligation est
le type le plus courant des rapports juridiques pouvant s’établir à l’intérieur d’une société.
1º) Qu’il domine le droit privé est évident : le droit privé a pour objet les relations privées entre
les hommes, dont le mécanisme majeur est l’obligation.
2º) À l’égard du droit public, l’affirmation mérite plus d’explications. Pendant longtemps, le droit
administratif des obligations s’était largement inspiré du droit civil, particulièrement dans les
régimes des contrats administratifs et de la responsabilité de la puissance publique. Puis, à la fin du
XIXe siècle, sous l’influence de Maurice Hauriou, professeur à Toulouse, le droit administratif a
revendiqué son autonomie, soulignant les prérogatives particulières de l’Administration (« un régime
exorbitant du droit commun »). Le droit administratif contemporain, tout en conservant les résultats
acquis par cette méthode, tend à reconnaître aux principes du droit civil un champ d’application plus
large. Par exemple, il existe en droit administratif une renaissance du contrat. Traditionnellement,
l’intervention de l’État dans la vie économique se faisait au moyen d'un acte de puissance publique,
le règlement administratif ; depuis plus de soixante ans, l’économie dirigée devient concertée ; elle
est organisée par des contrats de caractère collectif : le contrat prend souvent la place du règlement,
le droit négocié succède au droit imposé. L’évolution correspond à une transformation de l’autorité,
qui préfère la négociation au commandement : le mal de la contrainte est moins difficilement subi par
celui qui s’est obligé volontairement.
L’influence du droit civil des obligations sur l’ensemble du droit est
plus perceptible dans son régime général que dans ses sources. Les
sources seront examinées avant le régime des obligations, bien que la
distinction entre sources et régime ne soit pas toujours accusée.
§ 3. ÉVOLUTION
8. Stabilité. – Pour les rédacteurs du Code civil, le droit des obligations avait paru immuable, au
moins lorsqu’il s’agissait des obligations conventionnelles. Néanmoins, il est soumis au changement
qui affecte toutes les institutions humaines. Son évolution concerne ses sources comme sa teneur.
1º) À l’égard de ses sources 16, s’opposent les obligations qui résultent d’un délit et celles qui
découlent d’un contrat. Parce qu’elle est la suite d’un libre accord de volontés tendu vers la
réalisation d’une opération économique, l’obligation contractuelle se présente sous des formes
variées, répond aux prévisions des parties et à une finalité pratique. L’obligation résultant d’un délit
est plus rudimentaire ; elle a pour unique objet l’indemnisation de la victime (créancière, dans
l’immense majorité des cas, de dommages-intérêts) et se trouve déterminée par le juge. Le rôle du
juge était, d’ailleurs, traditionnellement plus important en cette matière.
Une réforme du titre III que le Code consacre aux obligations était depuis longtemps souhaitée par
beaucoup d’esprits. La jurisprudence a tellement modifié le sens de certains textes qu’il était devenu
inopportun de les laisser en l’état. De même, des institutions ont été enrichies, des conceptions
nouvelles se sont développées. À l’initiative de Pierre Catala puis de François Terré, deux
commissions d’universitaires ont établi des projets de réforme qui ont conduit à un projet
d’ordonnance (L. 28 janv. 2015), puis à l’ordonnance du 10 février 2016 qui a complètement réécrit
le droit des contrats, le régime de l’obligation et le droit de la preuve. La réforme de la
responsabilité civile suivra sans doute prochainement.
2º) Dans sa teneur, le droit des obligations devient plus complexe, plus divers et plus collectif.
La transformation des obligations délictuelles est profonde et a commencé il y a plus d’une centaine
d’années ; celle du droit des contrats est plus récente et moins visible ; celle du régime des
obligations est plus souterraine parce qu’il paraît plus technique que les autres et que les techniques
juridiques ne se réinventent guère. Cette évolution dépend de nombreux facteurs : historiques,
politiques, sociaux et surtout des incidences économiques ; on est loin, pourtant, d’avoir adopté
l’analyse économique présentée par l’« école de Chicago » 17.
§ 4. THÉORIE GÉNÉRALE
§ 5. SOURCES
10. Acte, fait et statut. – Le Code civil avait distingué cinq sources
d’obligations ; au quadrige romain : contrats, quasi-contrats, délits et
quasi-délits, s’ajoute la loi qui impose des obligations à certaines
personnes : par exemple, les obligations alimentaires s’imposent aux
parents. L’ordonnance du 10 février 2016 regroupe ces sources en trois
catégories : l’acte juridique (essentiellement le contrat), le fait juridique
(quasi-contrat, délit, quasi-délit) et la loi (source mineure) (art. 1100) ;
puis il définit chacune d’elles (art. 1100-1 et 1100-2).
1º) Quand l’obligation est contractuelle, les parties créent elles-mêmes, par leur accord, le lien
obligatoire qui va les unir et le façonnent, dans son objet, son contenu, sa durée et ses modalités, sous
les limites et les compléments que la loi impose. Tandis que lorsque l’obligation naît d’une source
extracontractuelle, ses caractères sont entièrement déterminés par la loi.
2º) L’obligation quasi contractuelle est singulière. Elle n’est pas purement légale, car elle est
attachée à un fait personnel, licite et imputable à l’obligé. Bien que parfois volontaire, elle n’est pas
contractuelle, car les obligations imposées aux parties par leur rapport quasi-contractuel ne découlent
pas d’un accord de leurs volontés : le quasi-contrat n’est pas un acte juridique. Quoique découlant
d’un simple fait juridique, cette obligation n’est pas pour autant délictuelle, car le fait générateur de
l’obligation est licite et profite à autrui. Enfin, la singularité du quasi-contrat apparaît quand on
aperçoit que, découlant d’un fait juridique, son contenu est fixé par la loi sur le modèle du mandat et
du prêt, qui sont des contrats.
3º) Les obligations délictuelles et quasi délictuelles (art. 1240 à 1245-17) se rapportent à la
responsabilité extracontractuelle. Elles naissent d’un fait illicite et dommageable et diffèrent ainsi de
l’obligation purement légale et de l’obligation quasi contractuelle. Elles diffèrent aussi des
obligations contractuelles, car elles ne proviennent pas d’un accord de volontés. Selon que le fait est
ou non intentionnel, il y a délit ou quasi-délit.
4º) Le droit contemporain fait apparaître quelques responsabilités spéciales statutaires, dont la
nature ne change pas, quel que soit le rapport (délit ou contrat) qui est à leur origine : par exemple, la
responsabilité consécutive aux accidents de la circulation, celle des fabricants du fait de leurs
produits défectueux et, plus récemment, celle des médecins du fait des accidents médicaux.
Le Code civil avait construit le régime général des obligations à partir de l’obligation
contractuelle : le titre III du livre III qui lui était consacré (anc. art. 1101 à 1369-11) était intitulé
« Des contrats ou des obligations conventionnelles en général ». Ces règles s’étendaient, avec des
modifications, aux obligations extracontractuelles sur lesquelles le Code a été moins disert (anc.
art. 1370 à 1387).
L’ordonnance du 10 février 2016 a voulu distinguer nettement les sources des obligations (le
contrat, la responsabilité extracontractuelle et les quasi-contrats), auxquelles le titre III est consacré,
du régime général des obligations qui forme l’objet du titre IV, le titre IV bis réglant la preuve des
obligations.
22. Objet. – La responsabilité 19 consiste à répondre de ses actes. Elle est une condition
essentielle de la liberté : un pouvoir irresponsable est tyrannique et décadent, un individu
irresponsable est un facteur de troubles et un être humainement diminué. L’homme libre est celui qui a
conscience des conséquences de ses actes et en répond ; il y va de sa dignité : qui fuit ses
responsabilités et n’assume pas ses décisions est indigne de sa liberté. Nietzsche a pu parler du
« privilège extraordinaire de la responsabilité ».
Elle a des objets divers. Elle peut être morale, avec pour seule sanction la voix intérieure d’une
conscience individuelle. Ou politique : la responsabilité du gouvernement. Ou pénale : la
responsabilité de l’auteur d’une infraction. Enfin, d’une manière plus vague, dans le jargon
contemporain, être responsable est exercer un pouvoir. La responsabilité peut être aussi civile, seule
ici étudiée.
Pour la jurisprudence, « le propre de la responsabilité civile est de rétablir aussi exactement
que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime, aux dépens du
responsable, dans la situation où elle se serait trouvée si l’acte dommageable n’avait pas eu
lieu » 20. La responsabilité civile fonde ainsi un droit à une indemnité dont le créancier est la victime
et dont la détermination suppose une action en justice ou un acquiescement du prétendu responsable
ou de son assureur. Son objet consiste à réparer le dommage dont le défendeur sera jugé
juridiquement responsable. Le fait qu’une personne éprouve un dommage ne lui donne donc pas
toujours droit d’en obtenir réparation : il faut caractériser un « fait générateur de responsabilité »
pour fonder l’obligation de réparation et celle-ci couvrira seulement les dommages jugés imputables
à ce fait. La responsabilité civile n’est pas la sécurité sociale.
La responsabilité extracontractuelle occupe dans la vie contemporaine une place considérable.
Son extension et sa transformation sont la conséquence de la société industrielle, où la vie devient
dangereuse, et la rançon de la société d’abondance, où toute personne qui subit un dommage a, à peu
près systématiquement, l’inclination de le faire supporter par un autre ou une collectivité. Chacun
entend faire peser sur autrui les malheurs qui l’accablent.
§ 1. HISTOIRE SOMMAIRE
24. Cycles. – Selon une vue historique, si sommaire soit-elle, on perçoit trois relations
cycliques : entre la responsabilité civile et la responsabilité pénale, entre la responsabilité objective
et la responsabilité subjective, entre la responsabilité collective et la responsabilité individuelle.
Le droit romain et l’Ancien droit répètent, chacun à leur tour, la même évolution. À l’origine était
la vengeance privée, « la vindicte » : la victime 24 d’un vol ou d’un meurtre se vengeait, par elle-
même ou par les siens, afin d’apaiser le mal qui l’avait frappée, puis, plus tard, pour punir le
coupable. Alors la responsabilité était, tout à la fois, une réparation qui apportait un remède au mal et
une punition. Aucune différence n’était donc faite entre la responsabilité civile et la responsabilité
pénale.
La confusion diminua quand la vengeance se transforma en argent : dans le wehrgeld (le prix du
sang), les lois germaniques énumérèrent les différents délits, chiffrant pour chacun le prix de la
vengeance – c’était le système de la composition pécuniaire – : un homme libre valait plus qu’un
esclave, un évêque plus qu’un homme libre, un Franc plus qu’un Romain. Désormais, la victime ne
frappa plus le coupable, elle obtint de lui une somme : la réparation commença à se distinguer de la
peine.
Vengeance ou wehrgeld, la responsabilité demeurait objective : ce qu’il fallait, c’était apaiser :
les dieux d’abord, puis la victime, non apprécier une conduite morale : il ne s’agissait pas tant
d’atteindre le coupable que de satisfaire la victime et sa famille ; en outre, celui qui répondait du
dommage était l’acteur, celui qui avait matériellement commis le dommage, plutôt que l’auteur, celui
dont la faute était à l’origine du dommage. Enfin, vengeance privée ou wehrgeld, cette responsabilité
était dominée par la solidarité familiale ; elle constituait une responsabilité collective : l’ensemble
du groupe familial répondait du dommage causé par l’un des siens.
Responsabilité civile confondue avec la responsabilité pénale, série de délits spéciaux,
responsabilité objective, responsabilité collective, l’évolution a transformé ces quatre données de
l’origine.
Une étape radicale fut franchie le jour où l’autorité publique assura elle-même le châtiment des
coupables. L’aspect pénal se dissocia de l’aspect civil, la répression de la réparation, la faute pénale
de la faute civile. Une distinction fondamentale fut ainsi posée entre la responsabilité civile, qui
n’apparaissait que s’il existait un préjudice qu’elle avait pour objet de réparer, et la responsabilité
pénale, qui intervenait même s’il n’y avait pas atteinte aux personnes ou aux biens, et avait pour objet
la punition du coupable.
Pendant longtemps, il n’y eut de réparation que dans les seuls cas énumérés par la loi. Ce ne fut
que vers la fin de l’Ancien droit, au XVIIIe siècle, que se dégagea un principe général, obligeant à
réparer tous les dommages qu’une personne avait causés à autrui par sa faute. À côté de ce principe
général, d’autres règles, assez différentes, existaient dans l’Ancien droit : elles énonçaient des cas
spéciaux de responsabilité, plus ou moins indépendants de la faute. Par exemple, même si sa faute
n’avait pas été démontrée, le propriétaire était responsable du dommage causé par ses animaux, ou
par la ruine de son bâtiment due à un vice de construction ou à un défaut d’entretien.
Ce dualisme inégal fut consacré par le Code civil : un principe général de responsabilité fondé
sur la faute (art. 1240, anc. art. 1382, et 1241, anc. art. 1383) coexista avec des règles spéciales,
parfois indépendantes de la faute (art. 1242 à 1244, anc. art. 1384 à 1386).
Pendant la plus grande partie du XIXe siècle l’application de ce corps de règles ne souleva aucune
difficulté. À la fin de ce siècle, un puissant mouvement remit en cause les principes du Code. La
justice commandait de réparer les dommages éprouvés par les victimes de la société industrielle, du
fait des accidents du travail, puis de la circulation, enfin des produits défectueux. Or, la victime avait
du mal à exercer son action en raison de la nécessité de prouver la faute ; afin qu’elle pût obtenir
réparation de son préjudice, il fallait l’en dispenser.
25. Théories du risque et de la garantie. – 1º) Ce qui a conduit à chercher ailleurs que dans la
faute le fondement de la responsabilité : dans le fait objectif du dommage causé. Est alors apparue
une idée nouvelle : chacun doit supporter les risques de son activité. Ce qu’on appela la théorie du
risque. Le droit public a connu la même évolution ; il a, à ce même moment, admis largement une
responsabilité sans faute de l’Administration pour les dommages qu’elle a causés. La théorie apparut
aussi en droit pénal où le rôle croissant de la défense sociale et la crainte de ne juger un homme qu’à
travers ses actes ont entraîné le développement d’infractions non intentionnelles.
2º) Une nouvelle étape fut atteinte lorsqu’a été partiellement substituée à la notion de
responsabilité celle de garantie. S’ajouterait à la responsabilité un principe général et subsidiaire de
« droit à la sécurité » permettant d’indemniser les préjudices anormaux et spéciaux que ne réparent
pas les responsabilités fondées sur la faute et sur le risque 25.
Ainsi, la responsabilité revient à sa position objective initiale. La préoccupation exclusive
devient la réparation, voire une répartition collective du dommage, plus que la réprobation morale et
la culpabilité de l’auteur. Tout et à toute occasion a été remis en question : chaque problème de
responsabilité civile fait apparaître un conflit entre deux tendances, la responsabilité subjective et la
responsabilité objective. En réalité, l’opposition n’est pas aussi tranchée, et on passe souvent par
degrés de la notion de faute à celle de risque. Il y a cependant une évidence, l’extension constante de
la responsabilité.
§ 2. EXTENSION
28. Multiplication des fonds d’indemnisation. – La victime a souvent une créance sur une
collectivité. Par exemple, en cas d’accident de la circulation ou de chasse, si le responsable est
inconnu ou insolvable, la réparation du dommage est à la charge, en tout ou en partie, d’un Fonds de
garantie financé par les cotisations des assureurs et des assurés (C. assur., art. L. 421-1 et s.). De
même, ont été partiellement socialisés les risques de la délinquance : la loi oblige l’État à indemniser
les victimes de dommages corporels résultant de certaines infractions pénales, si le responsable ne
l’a pas déjà fait (C. pr. pén., art. 706-3 à 706-15). Un dispositif similaire existe pour les victimes
d’actes terroristes (C. assur., art. L. 126-1, « Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et
d’autres infractions ») et pour les victimes de transfusion de sang contaminé par le Sida. La
procédure instituée à ce dernier titre (L. 31 déc. 1991, art. 47) était si obscure que la France a été
condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme 27. Ce dispositif a été remplacé (C. santé
publ., art. L. 3122-1). D’autres fonds de garantie, financés par l’ensemble des contribuables,
s’ajoutent régulièrement à la liste, tel le « Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante »
(« FIVA », L. no 2000-1257 du 23 déc. 2000, art. 53.II) ou « l’Office national d’indemnisation des
accidents médicaux » (« ONIAM », C. santé publ., art. L. 1142-22) dont les missions ne cessent de
s’étendre. Existe aussi un fonds sur la pollution pétrolière, le FIPOL, peu efficace 28.
Ainsi, dans une société anxieuse de sécurité physique, toutes les tragédies individuelles doivent
être réparées, au besoin par la solidarité nationale (le terme figure à l’art. L. 1142-1, al. 3, C. santé
publ.). Ceux que la vie a frappés dans leur chair deviennent créanciers de la Nation. Se dessine ainsi
un droit de l’indemnisation des dommages causés par les catastrophes, qui, par leur ampleur et leur
imprévisibilité, ne peuvent être réparés ni par les individus, ni par les entreprises, ni par leur
assureur ; ils sont peu à peu pris en charge par la collectivité nationale, et peut-être demain, avec des
difficultés, internationale 29. Mais la crise financière qui frappe le monde depuis plus de cinq ans
remettra peut-être en cause cette évolution.
Cette transformation maintient ses deux fondements traditionnels à la responsabilité civile.
o
1 ) Une fonction prophylactique et préventive : la perspective d’avoir à payer de l’argent dissuade
d’accomplir des actes antisociaux 30. 2o) Un rôle réparateur, indemnisant les victimes qui le méritent.
La gravité des risques propres au monde moderne, notamment l’éventualité de « dommages de
masse » 31, conduit à renforcer sa vertu préventive par des institutions nouvelles, comme la cessation
de l’illicite ou le « principe de précaution » 32.
29. Action en cessation de l’illicite ? – Le concept de responsabilité a pris une telle ampleur
qu’il peut accueillir des hypothèses où le demandeur réclame, à titre préventif ou curatif, la cessation
du fait illicite qui gêne ses intérêts. Le juge « peut toujours, même en présence d’une contestation
sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit
pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite »
(C. pr. civ., art. 809). Très sollicitée en pratique, une action aussi générale n’est pas sous ce nom
ouverte devant le juge du fond. La responsabilité civile y pourvoit, la cessation du trouble pouvant
s’assimiler à une réparation en nature 33. Un auteur en a pourtant montré le particularisme 34. D’une
part, l’action s’ouvre alors même qu’aucun dommage n’est certain ; il suffit que le demandeur souffre
un trouble 35. D’autre part, elle peut viser toute personne dotée du pouvoir de faire cesser l’illicéité,
pas seulement son auteur 36. En revanche, seul un fait véritablement illicite, violant une prescription
juridique précise ou un droit subjectif effectivement protégé, pourrait en être l’objet. Enfin, le juge
est tenu d’en ordonner la cessation, sauf si la mesure est impossible ou disproportionnée 37, alors que
dans une réparation, il est libre d’allouer des dommages-intérêts plutôt qu’une mesure en nature.
À l’instar du droit allemand (Abwehransprüche) et, dans une certaine mesure, du droit suisse 38,
le droit communautaire promeut ces actions en cessation et les multiplie en droit français. Par
exemple, l’article 11-2 de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales enjoint aux
États membres de permettre leur cessation « même en l’absence de preuve d’une perte ou d’un
préjudice réels, ou d’une intention ou d’une négligence de la part du professionnel » (Dir. CE
05/29 du 11 mai 2005, v. C. consom., art. L. 121-1 et s.). Dans les relations entre professionnels,
l’article L. 442-6, III du Code de commerce institue une action en cessation de nombreuses
« pratiques restrictives de concurrence ». La jurisprudence avait déjà accueilli de telles actions, par
exemple dans la concurrence déloyale, l’atteinte à un droit de la personnalité ou les troubles du
voisinage. La généralisation de l’action en cessation permettra de lutter efficacement contre les
dommages diffus et de rehausser la fonction préventive de la responsabilité. Toutefois, sa sévérité
comme sa puissance d’expansion invitent à la prudence, notamment par une compréhension étroite de
la condition d’illicéité et des personnes ayant qualité à agir.
30. Principe de précaution. – Dans les années 1970, afin de protéger les ressources naturelles,
surtout celles de la mer du Nord, les Allemands ont posé le Versogeprinzip (principe de
prévoyance), mal traduit en anglais par precautionnary principle. Comme les droits d’autres pays
riverains de la mer du Nord, danois, suédois, norvégien et anglais, le droit français l’a intégré, mais
sa portée demeure indécise et limitée. L’article liminaire du Code de l’environnement dispose que
l’action des pouvoirs publics en la matière s’inspire du « principe de précaution, selon lequel
l’absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne
doit pas retarder l’adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de
dommages graves et irréversibles à l’environnement à un coût économiquement acceptable »
(C. env., art. L. 110-1, L. 2 févr. 1995, dite « loi Barnier »). Ce principe est devenu en 2005 une
règle constitutionnelle (art. 5 de la Charte de l’environnement). En généralisant, lorsque le
développement – industriel, agricole, scientifique, technique ou médical – fait redouter un risque,
simplement hypothétique mais scientifiquement débattu et éventuellement dramatique, la
« responsabilité » morale deviendrait juridique ; il devrait y avoir un déplacement de la charge de la
preuve : le doute quant à la réalité même de la menace invoquée profiterait à la victime, ferait
présumer une faute ainsi que le lien de causalité avec les dommages allégués, et justifierait des
mesures de neutralisation du risque éventuel. La jurisprudence, bien que souvent sollicitée,
n’applique le principe que si le risque de dommage est vraisemblable 39.
Dans l’état actuel du droit, ce principe de précaution ne constitue pas une règle et se borne à être
une incitation à la politique législative qui devrait en limiter la portée pour tenir compte de ses
risques économiques et de son coût financier. Hors le domaine de l’environnement, la loi s’en inspire
en droit sanitaire en imposant une « veille » pour la fabrication des produits destinés à l’homme
(L. no 98-535 du 1er juill. 1998 ; v. aussi la L. 13 juill. 1992 sur l’utilisation des OGM). Mais elle l’a
refusé dans la responsabilité des fabricants du fait des produits défectueux 40. La jurisprudence hésite
à l’appliquer en matière médicale, en raison du risque de sclérose : la précaution peut empêcher toute
innovation car, se nourrissant d’un risque imaginaire, elle suscite des peurs proches de
l’obscurantisme. L’angoisse qu’inspirent les ondes émises par les antennes relais de téléphone
mobile l’a illustré 41. L’incertitude scientifique ayant déjà été prise en compte dans la réglementation
concernant ces antennes, la jurisprudence sur la responsabilité qu’elle fait naître a maintenu
l’exigence d’une preuve d’un dommage et d’un lien de causalité 42 ; de même, quant aux lignes à haute
tension 43. L’effectivité du principe est incertaine 44.
31. Maintien de la faute. – La vigueur du rôle de la faute ne se dément pas. Ainsi, le Conseil
constitutionnel a-t-il décidé que l’article 1240 (anc. art. 1382) liant la responsabilité à la faute
traduisait une « exigence constitutionnelle » 45.
En outre, si la responsabilité individuelle recule, la responsabilité pénale se développe afin
d’exercer le rôle prophylactique que remplissait hier la responsabilité civile. La circulation
automobile en est la démonstration quotidienne : puisqu’il est assuré, l’automobiliste ne craint plus
d’avoir à payer des dommages-intérêts ; pour qu’il se tienne tranquille, il faut qu’il ait peur du
gendarme. La société de sécurité se transforme, selon une pente fatale, en une société répressive 46.
§ 3. SOURCES
Seule une personne peut être responsable. Il n’en a pas toujours été
ainsi et l’Ancien droit avait admis la responsabilité des animaux et des
choses 58. Aujourd’hui, la responsabilité ne pèse que sur les personnes,
qu’elles soient morales ou physiques.
I. — Personnes morales
La responsabilité peut être fondée sur la faute, auquel cas elle mérite
toujours d’être qualifiée de « délictuelle » (Section I), ou sur le risque
(Section II).
SECTION I
FAUTE
I. — Cas spéciaux
48. Droit romain. – Au lieu de prévoir de manière générale qu’on est responsable de ses fautes,
comme le fait l’article 1240 (anc. art. 1382), le droit romain énumérait une série de délits spéciaux :
rapina (vol accompagné de violence), furtum (vol simple), damnum injuria datum (dommage
illicite causé aux biens). Ce dernier eut un destin particulier : énoncé par la lex Aquilia 86, il servit de
base à une théorie générale de la faute (in lege Aquilia culpa levissima venit 87 : dans la loi Aquilia,
une faute très légère suffit).
49. Droits anglais et allemand. – Le système actuel de la Common Law d’Angleterre reste fidèle
au droit romain. Les juges ont défini une série de Torts, plus de soixante-dix, qui répondent chacun à
des conditions propres, relatives au type de dommage dont il est demandé réparation et à l’intérêt
violé. Ils sont plus ou moins spéciaux, par exemple le Tort of trespass envisage un cas plus
particulier que le Tort of negligence qui impose la preuve que le défendeur était tenu d’un devoir
particulier de diligence à l’égard de la victime (duty of care). Pour que l’action en indemnisation soit
admise, il faut qu’elle se glisse dans un des Torts ainsi définis ; la victime ne pouvant être indemnisée
que du dommage dont le Tort qui fonde son action envisage la réparation. Le droit allemand fixe les
intérêts dont la loi assure la protection ; le § 823 du BGB vise, par exemple, l’atteinte à la vie, à
l’intégrité corporelle, à la santé, à la liberté, à la propriété ou à un autre droit individuel légalement
protégé erga omnes. La victime doit démontrer que son dommage consiste en la violation d’un intérêt
sélectionné par le législateur, et que l’atteinte est illicite.
Parce qu’ils restreignent la responsabilité à des hypothèses spéciales définies par le juge ou le
législateur en pondérant les intérêts en présence, ces systèmes favorisent la sécurité juridique et la
liberté individuelle, mais avec le risque de la rigidité.
§ 3. PREUVE DE LA FAUTE
SECTION II
RISQUE
Par faveur pour les victimes et pour les dispenser d’avoir à prouver la
faute de l’auteur du dommage, on a aussi fondé la responsabilité sur le
risque (§ 1) ; il en existe diverses espèces 131 (§ 2).
§ 1. NOTION
anodin (art. 1384, al. 1er, auj. numéroté art. 1242, al. 1er), créé « la
responsabilité du fait des choses ». Le législateur, de son côté, a institué
un régime spécial d’indemnisation des accidents de la circulation (loi
5 juill. 1985) et, afin de transposer une directive communautaire,
introduit en 1998 dans le Code civil un régime particulier pour la
responsabilité du fait des produits défectueux (art. 1245 et s., anc.
art. 1386-1 et s.). Dans cette même période, la jurisprudence a étendu la
responsabilité des parents du fait de leurs enfants, en la détachant
complètement de l’idée de faute. Puis, elle a créé une responsabilité
générale du fait d’autrui.
Dans tous ces cas, l’indépendance du risque par rapport à la faute est plus ou moins grande ; elle
comporte des nuances. Par exemple, sous la responsabilité du fait d’une chose inerte gît encore l’idée
de faute, puisque la chose doit avoir été dans une position ou un état anormal pour que son gardien
soit déclaré responsable. Dans d’autres hypothèses, en revanche, aucune idée de faute ne peut
expliquer la responsabilité encourue (accidents de la circulation, par exemple).
Il demeure que le risque n’est pas, en soi, un fondement général de
responsabilité. Il est à l’origine de régimes spéciaux d’indemnisation,
lentement élaborés, mais n’est pas, une source de responsabilité en
dehors d’eux. Autrement dit, pour fonder une responsabilité, le risque a
besoin d’un relais ; ce relais peut être la faute, car exposer autrui à un
risque évident de dommage peut être considéré comme une faute sur le
fondement de l’article 1240 (anc. art. 1382). Le droit pénal en a admis
l’idée en incriminant la mise en danger d’autrui (C. pén., art. 223-1).
§ 2. TYPOLOGIE
SECTION I
CASUISTIQUE
89. Sept exemples. – Ex. no 1 : Celui qui a perdu son chéquier ne répond pas des chèques émis
par le voleur 145. La négligence à l’origine de la perte du chéquier n’est pas considérée comme la
cause de leur émission par le voleur. On entend alors la causalité étroitement.
Ex. no 2. – Un accident provoque la mort d’une mère de cinq enfants. Trois semaines après, le
mari se suicide parce qu’il n’a pas supporté d’être séparé de sa femme. À la demande des orphelins,
une cour d’appel décide que le responsable de l’accident doit réparer non seulement les
conséquences de la mort de la mère, mais aussi celles du suicide du mari 146. La causalité est alors
largement entendue.
Ex. no 3. – Un commerçant surprend un client en flagrant délit de vol et l’humilie de telle manière
que, rentré chez lui, le voleur se suicide. Quoique le procédé humiliant soit jugé fautif, cette faute
n’est pas considérée comme cause de la mort du voleur 147. On entend alors la causalité étroitement.
Ex. no 4. – Un accident provoque le décès d’un emprunteur. Le prêteur a des difficultés pour se
faire rembourser par les héritiers, ce qui lui cause un préjudice ; peut-il s’en faire indemniser par le
responsable de la mort de son débiteur ? Jugé que non 148. On entend alors la causalité étroitement.
Ex. no 5. – Un groupe de jeunes gens s’arme et part chercher querelle à une bande d’un autre
quartier. Dans la rixe, un coup de feu part d’un côté et tue un membre de l’autre. Jugé que chacun des
assaillants était responsable de l’entier dommage, quoique la séquence exacte des faits n’ait pu être
démêlée 149. La causalité est alors largement comprise.
Ex. no 6. – Un médecin ne diagnostique pas la rubéole dont une femme enceinte est atteinte ;
l’enfant qui naît est handicapé. Le médecin est-il responsable ? Oui, avait dit l’arrêt Perruche, bien
que la cause du handicap (la rubéole) fût étrangère à la faute du médecin 150 ; la loi a brisé cette
jurisprudence 151 ; dont la Cour européenne 152, le Conseil constitutionnel 153, et la Cour de
cassation 154 ont condamné la rétroactivité : les enfants nés avant cette loi et leurs parents peuvent
donc se prévaloir de la jurisprudence Perruche. On ne sait pas trop alors en quoi consiste la
causalité.
Ex. no 7. – Peu de temps après avoir été vacciné contre l’hépatite B, un patient a été atteint de la
sclérose en plaques alors qu’il ne présentait aucun antécédent. Sur la responsabilité des divers
intervenants (laboratoire, hôpital, médecins), le contentieux a été abondant, la jurisprudence
évolutive. À défaut de certitude scientifique quant à la nocivité du vaccin, le juge doit examiner si
« les circonstances particulières » à chaque cas peuvent établir « des présomptions graves, précises
et concordantes de nature à établir le caractère défectueux des [...] doses administrées » 155. La
causalité est alors incertaine.
SECTION II
CAUSES DE LA RÉALISATION DU DOMMAGE
SECTION III
SUITES DE LA RÉALISATION DU DOMMAGE
SECTION I
CIRCONSTANCES JUSTIFICATIVES
§ 2. ÉTAT DE NÉCESSITÉ
La règle est maintenant que l’exercice abusif d’un droit constitue une
faute (I) ; ce principe est à l’origine d’une autre règle aujourd’hui
distincte, la responsabilité pour troubles anormaux de voisinage, qui
s’est complètement détachée de la faute (II).
I. — Règle générale
121. Seuil de l’abus. – Dans une première vue, la faute qu’est l’abus
apparaît dans deux hypothèses. Ou bien, l’intention de nuire, ce que
traduit le langage populaire quand il dit : « il y a de l’abus » ; ou bien,
l’excès, ce que traduit aussi le langage populaire quand il dit : « trop
c’est trop » 222. En précisant davantage, on voit que le seuil de cette faute
change selon la matière dans laquelle elle s’applique.
Dans l’abus du droit d’agir en justice ou de résister à une demande ou d’exercer une voie de
recours, il faut une faute intentionnelle ou caractérisée 223, car la liberté d’accès à la justice doit être
ouverte très largement. Dans d’autres cas, la légèreté blâmable suffit (par exemple, la révocation
abusive du mandat). Dans le même esprit, la liberté de la presse et ses abus font l’objet d’une
législation spéciale, prévoyant les conditions très étroites dans lesquelles la diffamation et l’injure
peuvent être sanctionnées (L. 29 juill. 1881, art. 29 et 34). La Cour de cassation décide, renversant
une jurisprudence antérieure, que ces dispositions excluent l’application de l’article 1240 (anc.
art. 1382) 224. Celui-ci conserve cependant un domaine résiduel quand l’abus de la liberté
d’expression ne constitue ni une injure ni une diffamation, notions de nature pénale qui doivent être
étroitement entendues 225. Enfin, il existe des droits qui ne sont pas susceptibles d’abus, les droits
discrétionnaires 226, de moins en moins nombreux ; par exemple, celui qu’ont les parents d’autoriser
ou de refuser le mariage d’un enfant mineur ; ou de défendre sa propriété contre l’intrusion
d’autrui 227, de révoquer un testament 228, voire de refuser de contracter 229. La jurisprudence
contemporaine fait reculer les droits discrétionnaires, en se référant à des notions comme la mauvaise
foi d’un contractant, ses procédés vexatoires ou ses promesses fallacieuses : autant « d’abus par
déloyauté » 230.
122. Sanction. – Quand l’abus ne constitue qu’un comportement fautif, en marge de l’exercice
d’un droit, sa sanction laisse intact le droit exercé : le mal à redresser n’est pas l’exercice du droit
mais la manière dont on l’a exercé. Ainsi, un dirigeant révoqué dans des circonstances vexatoires ne
peut être réintégré, mais peut obtenir réparation du préjudice moral et de réputation subi. C’est aussi
pourquoi, dans la rupture abusive des pourparlers, la perte des gains attendus du contrat n’est pas
réparable 231.
SECTION II
ATTITUDE DE LA VICTIME
§ 1. LÉGITIME DÉFENSE
I. — Acceptation du dommage
131. Volenti non fit injuria. – En droit pénal, sauf exceptions (vol,
viol, séquestration), le consentement de la victime est sans effets sur
l’infraction. Au contraire, en droit civil, le principe est que l’obligation
de réparer disparaît quand la victime a consenti au dommage : volenti
non fit injuria (à celui qui consent, on ne fait pas de tort) 270. Mais la
règle suppose que l’intérêt en jeu soit disponible pour la victime, ce qui
amène à distinguer dommage pécuniaire et dommage corporel.
1º) Lorsqu’il s’agit d’un dommage pécuniaire, la victime perd ses
droits en consentant au dommage, parce que, pouvant renoncer
directement à ses droits, elle peut aussi le faire indirectement, à la
condition bien sûr qu’il y ait eu véritablement consentement, c’est-à-dire
que sa volonté ait été réelle et consciente 271.
2º) Au contraire, s’il s’agit d’un dommage corporel, l’efficacité du
consentement est restreinte et dépend des intérêts en cause. L’atteinte à
l’intégrité corporelle d’une personne n’est justifiée par son
consentement que lorsque s’y ajoute un intérêt particulier (ex. : l’acte
chirurgical) ou général (ex. : la transfusion sanguine). Dans le cas
contraire, le consentement de la victime ne supprime pas la
responsabilité ; par exemple, dans le duel, la participation commune et
volontaire des deux parties ne retire pas à l’acte son caractère fautif ; de
même, le consentement d’une personne à sa propre mort.
L’acceptation du dommage ne doit pas être confondue avec
l’acceptation des risques.
SECTION I
RÈGLE GÉNÉRALE
SECTION II
RESPONSABILITÉ DES PARENTS, ARTISANS ET INSTITUTEURS
Les parents répondent du fait de leurs enfants (§ 1), les artisans des
fautes de leurs apprentis (§ 2) et, dans une certaine mesure, les
instituteurs de leurs élèves (§ 3). Autrefois homogènes, car ils étaient les
reflets d’une charge analogue d’éducation et de surveillance, ces trois
cas de responsabilité se sont tellement transformés qu’ils ne répondent
plus à une logique commune.
150. Fondements. – Jusqu’aux années 1950, le fondement de la responsabilité des parents du fait
de leurs enfants prévue par l’article 1384, alinéa 4 (auj. art. 1242, al. 4), ne suscitait à aucune
incertitude : il était une présomption de faute. Le raisonnement était le suivant. La loi présume que les
parents n’ont pas suffisamment surveillé (culpa in vigilando) ou ont mal éduqué leurs enfants mineurs
qui causent des dommages à autrui. L’idée est devenue peu compatible avec les mœurs de la société
permissive contemporaine qui ont porté un coup sévère à l’autorité des parents sur leurs enfants
adolescents.
Aussi, plusieurs autres justifications ont-elles été suggérées par la doctrine 299. Les unes ont
proposé une distinction. Quand il s’agit de jeunes enfants, êtres dangereux, qui ont une remarquable
aptitude à causer un dommage, les parents devraient être tenus de garantir les victimes, sans pouvoir
démontrer leur absence de faute. Quand il s’agit de grands adolescents, qui, en fait, seraient, dit-on,
indépendants de leurs parents, ceux-ci ne seraient responsables que si leur faute d’éducation ou de
surveillance avait été prouvée. D’autres ont envisagé une solution plus radicale : la responsabilité
des parents devrait être une garantie, fondée sur l’idée de solidarité familiale 300. D’autres, enfin,
souhaitent que la responsabilité parentale soit à l’avenir fondée sur le lien de filiation et non sur
l’autorité 301.
Le Code Napoléon prévoyait que « le père et la mère après le décès du père, sont responsables,
etc. ». La loi du 4 juin 1970 a simplement ajouté que le père et la mère sont solidairement
responsables si, du moins, ils exercent en commun l’autorité parentale (L. 4 mars 2002). Par un arrêt
Bertrand, du 19 février 1997, la jurisprudence a transformé l’économie de cette responsabilité en en
faisant une responsabilité de plein droit, indépendante de toute présomption de faute 302. Par un arrêt
Levert, du 10 mai 2001, elle en a accru la sévérité en précisant que les parents répondaient de tout
fait dommageable de l’enfant, même non fautif 303.
Les conditions (I) de cette responsabilité, comme ses effets (II),
montrent qu’elle est désormais la conséquence d’un rapport d’autorité :
celui qui est juridiquement détenteur de l’autorité sur l’enfant en
répond 304.
I. — Conditions
II. — Effets
152. Responsabilité de plein droit. – Lorsque ces conditions sont
réunies, les parents sont responsables du dommage causé par leur
enfant. La loi prévoit même qu’ils sont solidairement responsables,
c’est-à-dire que chacun est responsable pour le tout 316. Cette
responsabilité disparaît s’ils démontrent « qu’ils n’ont pu empêcher le
fait qui donne lieu à cette responsabilité » (art. 1242, al. 7, anc.
art. 1384, al. 7). La jurisprudence interprète restrictivement ce texte ; les
parents sont responsables de plein droit sauf s’ils démontrent la force
majeure ou la faute de victime 317. Ce qui est conforme aux idées de
garantie, fondées sur la solidarité familiale ou, plus largement, sur la
qualité juridique « d’ayant autorité » : curieusement, la responsabilité
des parents du fait de leurs enfants ressemble à celle du gardien du fait
des choses 318, d’autant qu’il n’est même pas nécessaire que le fait de
l’enfant soit fautif ni même générateur d’une responsabilité en sa
personne (garde) 319 : il suffit qu’il soit causal, comme le fait de la chose.
En cas de séparation ou de divorce, le parent qui accueille l’enfant en vertu d’un droit
d’hébergement n’en répond pas de plein droit. Sa responsabilité suppose une faute de sa part, par
exemple un défaut de surveillance 320.
154. Évolution. – L’évolution de la responsabilité du fait des accidents scolaires a connu quatre
étapes législatives ; peut-être une nouvelle va-t-elle apparaître, en raison de l’actuel conflit entre
l’école et les parents.
Selon le Code Napoléon, la responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves était la même
que celles des parents et des artisans : lorsqu’un élève avait causé un dommage, la loi posait une
présomption de faute, qui pouvait être combattue, à l’encontre de l’instituteur qui le surveillait. Cette
responsabilité était lourde. À la suite du suicide de l’instituteur Leblanc, ruiné par la responsabilité
qui pesa sur lui, une loi de 1899 substitua la responsabilité de l’État à celle des membres de
l’instruction publique : la présomption de faute subsistait, mais la victime ne pouvait l’invoquer que
contre l’État. La loi du 5 avril 1937 (C. éduc., art. L. 911-4) a de nouveau modifié le système. Est
visé désormais tout dommage causé par l’élève ou à l’élève ; en outre, la présomption de faute est
supprimée (art. 1242, al. 8, anc. art. 1384, al. 8) ; mais la loi maintient la distinction entre membres
de l’enseignement privé et ceux de l’enseignement public.
1º) Dans les établissements d’enseignement privé n’ayant pas conclu de contrat d’association
avec l’État, leurs membres sont soumis au droit commun, c’est-à-dire la responsabilité du fait
personnel. Ils ne sont alors responsables que de leur faute, que la victime doit prouver. Dans les
établissements privés ayant conclu un contrat d’association avec l’État, la responsabilité du fait des
accidents scolaires a le même régime que dans les établissements publics (Décr. 22 avr. 1960,
art. 10).
2º) Si le dommage est survenu alors que l’élève est dans un établissement public, la victime
devra démontrer la faute de l’instituteur mais ne pourra poursuivre que l’État, l’action étant pourtant
déférée aux tribunaux judiciaires. La responsabilité pécuniaire de l’État est substituée à celle de son
agent, même en cas de faute pénalement qualifiée. L’État peut exercer un recours contre l’instituteur
qui a commis une faute caractérisée (la faute « détachable ») ; en pratique, il ne le fait jamais.
Ce régime est boiteux ; la nécessité de prouver la faute de l’instituteur limite les possibilités
d’indemnisation et contraste avec les autres responsabilités du fait d’un mineur : l’État s’octroie une
protection qu’il refuse aux autres, alors que ces actions en responsabilité sont fréquemment exercées.
La jurisprudence interprète largement ces textes 322 ; spécialement, les notions d’instituteur et de
faute.
SECTION III
RESPONSABILITÉ DES COMMETTANTS
§ 1. FONDEMENT
158. Faute, risque ou garantie ? – 1º) Classiquement, on expliquait jadis cette responsabilité par
une faute du commettant, soit qu’il avait mal choisi son préposé (culpa in eligendo), soit qu’il
l’avait mal surveillé (culpa in vigilando). Cette explication était convenable dans une société moins
nombreuse et moins agitée que la nôtre ; elle est aujourd’hui rejetée, notamment parce que la
présomption de faute est irréfragable, n’exprimant donc pas une règle de preuve mais une règle de
fond.
2º) Aussi, les partisans de la théorie du risque y ont-ils vu une consécration de leurs idées, plus
admissible ici qu’ailleurs puisqu’une faute du préposé est nécessaire pour engager la responsabilité
du commettant : le risque n’intervient pas afin de créer une responsabilité, mais pour désigner un
responsable : le commettant est responsable parce qu’il profite de l’activité du préposé (théorie du
risque-profit), ou qu’il exerce une autorité (théorie du risque-autorité) ; c’est le moyen de mettre à la
charge des entreprises les risques qu’elles créent par les préposés agissant pour leur compte. Pendant
longtemps, ce fondement n’a pas été jugé satisfaisant ; notamment, il n’expliquait pas, entre autres
choses, pourquoi le commettant pouvait exercer un recours contre le préposé ; maintenant que ce
recours est abandonné sauf en cas de faute personnelle 335, l’explication devient raisonnable.
3º) Rattacher la responsabilité du commettant à une obligation de garantie relève d’une
conception plus moderne 336. La loi a voulu offrir à la victime un responsable accessoire au
responsable principal, plus sûrement solvable. C’est l’opinion à laquelle se réfère la Cour de
cassation quand le préposé a commis une infraction 337.
§ 2. CONDITIONS
I. — Définition du commettant
A. DÉFINITION
§ 3. EFFETS
SECTION I
BÂTIMENTS ET ANIMAUX
180. Particularisme. – Les dommages causés par la ruine des bâtiments ont toujours suscité une
règle particulière de responsabilité. Ainsi, le préteur romain avait le pouvoir de faire réparer, aux
frais du propriétaire, les bâtiments menaçant ruine. Cette règle a été abrogée mais l’intervention de
l’autorité publique aboutit à des résultats équivalents (CCH, art. L. 511-3).
Le Code civil a énoncé, dans l’article 1386 (auj. art. 1244), une responsabilité spéciale du fait
des bâtiments dont l’importance a été cyclique. Pendant la plus grande partie du XIXe siècle, ce texte a
été restrictivement interprété, parce qu’on le disait dérogatoire au principe général : 1382 (auj.
art. 1240) cantonnait 1386 (auj. art. 1244). À la fin de ce siècle, on a au contraire remarqué que les
présomptions qu’il énonçait en faisaient une règle secourable aux victimes du machinisme ; aussi a-t-
il été interprété extensivement et appliqué aux immeubles par destination (machines, arbres et
bateaux) : 1386 (auj. art. 1244) refoula 1382 (auj. art. 1240). Au XXe siècle, après avoir découvert un
principe général de responsabilité dans l’article 1384, alinéa 1 (auj. art. 1242, al. 1), l’article 1386
(auj. art. 1244) était devenu moins favorable aux victimes ; aussi fut-il à nouveau interprété
restrictivement, parce qu’il était dérogatoire aux principes généraux : 1384, alinéa 1 (auj. art. 1242,
al. 1), refoula 1386 (auj. art. 1244). Aujourd’hui, la Cour de cassation dénonce l’anachronisme de ce
texte 382 et en réduit l’intérêt. Sur l’articulation des articles 1384, alinéa 1, et 1386 (auj. art. 1242,
al. 1, et 1244) 383.
Avant d’exposer les conditions (II) et les effets de la responsabilité du fait des bâtiments (III), on
en décrira le fondement (I).
I. — Fondements
181. Faute, risque. – Le fondement de l’article 1244 (anc. art. 1386) a été d’abord cherché dans
une présomption de faute, puis dans la théorie du risque.
1º) L’article 1244 (anc. art. 1386), selon l’analyse classique, reposerait sur une présomption de
faute, puisqu’il implique un défaut d’entretien ou un vice de construction, qui paraissent l’un et
l’autre démontrer la faute du propriétaire. Toutefois, la preuve de l’absence de faute est inopérante, la
responsabilité du propriétaire n’est donc pas fondée sur la faute.
2º) Par suite, la théorie du risque, tout naturellement, a présenté la responsabilité prévue par
l’article 1244 (anc. art. 1386) comme un risque de la propriété. Cependant, le risque n’est pas
attaché à toute espèce de propriété, mais seulement à celle des bâtiments, et même, il n’est pas
attaché à la propriété de tous les bâtiments, mais seulement à des bâtiments en ruine, lorsque la ruine
est causée par un défaut d’entretien ou un vice de celle construction. Limitations qui contredisent les
postulats sur lesquels repose la théorie du risque.
II. — Conditions
182. Trois conditions. – Trois conditions doivent être réunies pour que s’applique l’article 1244
(anc. art. 1386). Il faut que l’accident ait été causé par un bâtiment, qu’il résulte de sa ruine et
provienne du défaut d’entretien ou d’un vice de construction.
1º) La notion de bâtiment doit être entendue d’une façon restrictive. Elle n’intéresse pas le
terrain qui glisse 384, le rocher qui dégringole d’une carrière 385, la branche pourrie qui tombe de
l’arbre. La jurisprudence identifie la notion à l’édifice, c’est-à-dire un ouvrage formé d’un
assemblage de matériaux incorporés au sol 386. Ainsi en est-il d’un barrage ; une porte fait partie d’un
bâtiment 387, non une palissade 388.
2º) Ensuite, l’accident ne relève de l’article 1244 (anc. art. 1386) que s’il a pour cause la ruine
du bâtiment ; le dommage doit donc avoir été provoqué par la chute d’éléments du bâtiment. Ce n’est
pas le cas si l’accident résulte d’une autre cause, telle que l’incendie ou l’explosion d’une machine
ou de travaux de construction. Ne relèvent pas non plus de l’article 1244 (anc. art. 1386) les
dommages qui, quoique liés au mauvais état du bâtiment, ne résultent pas de la chute de matériaux 389 ;
la responsabilité du fait de la chose est alors régie par l’article 1242, alinéa 1er (anc. art. 1384,
al. 1er) 390. Même la chute spontanée d’éléments n’est plus considérée comme une « ruine » du
bâtiment 391.
3º) Il appartient à la victime de faire la preuve que l’accident a été causé par le défaut
d’entretien ou par le vice de construction du bâtiment, ce qui la met dans une situation moins
favorable que si le dommage avait été causé par une autre chose 392.
III. — Effets
183. Responsabilité du propriétaire. – Si toutes les conditions précédentes sont réunies,
l’article 1244 (anc. art. 1386) rend responsable le propriétaire du bâtiment, même s’il a loué
l’immeuble 393, même s’il établit son absence de faute ; par exemple, il ne lui servirait à rien de
démontrer que l’obligation d’entretenir le bâtiment pesait sur le locataire. La seule manière pour le
propriétaire d’échapper à la responsabilité est de prouver que le dommage a une cause étrangère 394 :
force majeure ou faute de la victime 395, dans les mêmes conditions que pour la responsabilité
générale du fait des choses.
S’il y a dissociation entre la garde du bâtiment et sa propriété, la victime peut aussi agir contre le
gardien en se fondant sur l’article 1242, alinéa 1 (anc. art. 1384, al. 1) 396. L’article 1244 (anc.
art. 1386) ne s’impose à elle que dans son action contre le propriétaire et dans le domaine spécial du
texte, désormais très limité.
184. Fondements. – La responsabilité du fait des animaux remonte à la nuit des temps, car
l’animal a toujours été un instrument essentiel à l’activité de l’homme : source de profits ou
d’agréments pour les uns, il peut être une cause de dommages pour les autres. Le Code Napoléon l’a
prévue dans l’article 1385 (auj. art. 1243) qui préfigurait le principe général de la responsabilité du
fait des choses inanimées que la jurisprudence allait ultérieurement dégager de l’article 1384,
alinéa 1 (auj. art. 1242, al. 1). Les solutions énoncées par ce texte et celles qu’en a déduites la
jurisprudence ont orienté le corps des règles qui se sont ensuite élaborées autour de l’article 1384,
alinéa 1 (auj. art. 1242, al. 1). Mais l’importance des dommages causés par les animaux est bien
moindre que celle que soulèvent les choses inanimées, et la jurisprudence contemporaine infiniment
moins abondante.
On retrouve le même problème de fondement qui vient d’être agité pour les bâtiments. Une
présomption de faute ? Le fait dommageable ferait présumer que l’animal était mal gardé ; mais le
gardien ne peut s’exonérer en démontrant qu’il n’avait commis aucune faute 397. Le risque ? L’animal
accroît l’activité de l’homme, augmente le profit de l’homme, suscite un danger chez les hommes ;
l’homme a une autorité sur l’animal. Toutes ces explications sont bonnes, car chacune explique les
conditions et les effets de la responsabilité que l’article 1243 (anc. art. 1385) attache à la garde de
l’animal.
I. — Conditions
II. — Effets
SECTION II
RESPONSABILITÉ DU FAIT DES CHOSES INANIMÉES
I. — Historique
187. Trois événements. – Dans l’intention de ses auteurs et l’application qu’il a longtemps reçue,
l’alinéa 1 de l’article 1384 (auj. art. 1242) n’avait aucune valeur normative ; il se bornait à annoncer,
en introduction, les dispositions suivantes, c’est-à-dire les responsabilités du fait d’autrui (les
alinéas suivants de l’art. 1384, auj. art. 1242), du fait des animaux (art. 1385, auj. art. 1243) et du fait
de la ruine des bâtiments (art. 1386, auj. art. 1244). Maintenant, au contraire, le texte constitue une
règle autonome et générale : la responsabilité du fait des choses inanimées.
Comment est-on parvenu à une telle révolution ? En simplifiant beaucoup, elle a été due à la
succession de trois événements : un accident du travail, la propagation d’un incendie et un accident
d’automobile.
1º) Les accidents du travail ont été la première occasion du développement de l’article 1384,
al. 1 (auj. art. 1242, al. 1). Rançon du machinisme, l’accident du travail mettait l’ouvrier qui en était
victime dans les plus grandes difficultés pour démontrer la faute de son employeur. Pourtant, il eût été
profondément injuste de ne pas l’indemniser. On a, pendant quelque temps, songé à la responsabilité
contractuelle qui était en effet applicable, puisqu’il y avait un contrat entre le salarié et l’employeur ;
mais l’obligation de sécurité n’avait pas encore été une notion dégagée, et le procédé s’avéra
insuffisant. En 1896, dans un arrêt de principe (l’arrêt Teffaine), la Cour de cassation admit que
l’article 1384, alinéa 1 (auj. art. 1242, al. 1), était applicable 407. Cette découverte jurisprudentielle
fut sans lendemain, car le législateur intervint aussitôt : la loi du 9 avril 1898, aujourd’hui remplacée
par la législation sur la Sécurité sociale, organisa pour la réparation des accidents du travail un
système de responsabilité automatique et forfaitaire qui sembla retirer son intérêt à la jurisprudence.
2º) Cependant, la Cour de cassation continua à appliquer le principe nouveau à d’autres accidents
causés par des choses variées. Elle le fit avec des réserves, jusqu’à ce qu’elle rendît en 1921 un
nouvel arrêt de principe, provoqué par un incendie 408. Ému par l’aggravation du risque qui en
résultait, le lobby des assurances obtint du législateur que fût soustraite la communication d’incendie
à l’article 1384, alinéa 1er (art. 1384, al. 2 et 3, auj. art. 1242, al. 2 et 3, L. 7 nov. 1922). De nouveau,
une réaction législative avait suivi la hardiesse jurisprudentielle et parut lui retirer son intérêt.
Pourtant, à y regarder de près, elle était, a contrario, devenue la consécration législative d’une règle
jusqu’alors purement prétorienne : si l’alinéa 2 nouveau commence par toutefois, c’est que
l’alinéa 1er énonce une règle générale différente.
3º) Le développement de la circulation automobile donna à la règle un nouvel essor qui, cette
fois, fut considérable et durable. Le troisième grand arrêt de la matière fut l’arrêt Jand’heur rendu
par les Chambres réunies de la Cour de cassation le 13 février 1930 409. Dans cette décision très
étudiée, dont les attendus ont valeur de droit positif, la Cour de cassation décida : « La présomption
de responsabilité 410 établie par l’article 1384, alinéa 1er [auj. art. 1242, al. 1], à l’encontre de
celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite
que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas
imputable ; il ne suffit pas de prouver qu’il n’a commis aucune faute ou que la cause du fait
dommageable est demeurée inconnue ; la loi, pour l’application de la présomption qu’elle édicte,
ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main
de l’homme ; il n’est pas nécessaire qu’elle ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de
causer le dommage, l’article 1384, alinéa 1er, rattachant la responsabilité à la garde de la chose,
non à la chose elle-même ».
Cette nouvelle hardiesse jurisprudentielle n’entraîna pas, cette fois, de réaction législative
immédiate. Au contraire, à l’étranger, des lois spéciales se mirent à régir la responsabilité des
accidents de la circulation routière. Les réactions législatives françaises furent tardives. La première
fut relative à l’assurance, ce qui n’était pas surprenant, puisque cette extension de la responsabilité
n’a été rendue possible qu’avec le développement de l’assurance ; une loi du 27 février 1958
(aujourd’hui C. assur., art. L. 211-1 et s.) a rendu obligatoire l’assurance de la responsabilité du fait
des automobiles. Beaucoup plus importante, la loi Badinter du 5 juillet 1985 a organisé un régime
particulier d’indemnisation pour les accidents de la circulation 411.
Les principes de l’arrêt Jand’heur n’ont pas été limités aux accidents de la circulation ; ils se
sont étendus à toutes espèces de choses dans les circonstances les plus variées.
S’est alors posée l’harmonisation du principe général de responsabilité énoncé par l’article 1384,
al. 1 (auj. art. 1242, al. 1), avec l’autre principe général de responsabilité, énoncé par l’article 1382
(auj. art. 1240). La question est passée par plusieurs cycles successifs. La première étape, dans la
ligne de l’arrêt Jand’heur, a consisté à refouler la faute. Puis dans les années 1940, la marée s’est
retournée : la jurisprudence s’est éloignée de la théorie du risque, ainsi qu’elle l’a montré dans
l’arrêt Franck 412 ; la Cour de cassation a décidé que le propriétaire d’une automobile volée n’en
était pas le gardien responsable.
La Common Law d’Angleterre a connu une évolution comparable, peut-être un peu plus
tourmentée, s’il est possible. En 1868, la Chambre des lords (Rylands v. Fletcher) parut consacrer
une responsabilité du fait des choses indépendante de la faute 413. Ultérieurement, la preuve d’une
negligence a été souvent exigée.
Aujourd’hui, la responsabilité générale du fait des choses trouve moins à s’appliquer car les
régimes spéciaux (accidents du travail, accidents de la circulation automobile, produits défectueux)
l’ont primée. La plupart des besoins qui avaient suscité son élaboration ayant été satisfaits, y a-t-il
lieu de la conserver ? La plupart des droits étrangers n’ont pas une règle de responsabilité objective
aussi générale. Son utilité demeure sensible tant que la responsabilité du fait des immeubles n’aura
pas été réformée et qu’une responsabilité du fait des activités industrielles spécialement dangereuses
n’aura pas été dégagée. Au-delà, sa vocation à couvrir des risques nouveaux justifierait sa
conservation 414.
II. — Méthode
188. Jurisprudence, doctrine et pratique. – 1º) La méthode ayant présidé à l’élaboration du
régime actuel est jurisprudentielle. Comme il a déjà été remarqué 415, ce corps de règles prétoriennes
est infecté de vices congénitaux : droit de techniciens, au cas par cas, solutions complexes et
incertaines, règles techniques qui survivent à la disparition des besoins qui les ont fait naître, carence
des principes qui pourraient les appuyer. Surtout, il soumet à une règle unique des choses aussi
hétérogènes qu’une bouteille d’eau gazeuse, une épingle à cheveux, un ascenseur, un navire, un arbre,
une tringle d’escalier, un ski, un appareil de télévision, etc.
2º) La doctrine a accompli un intense travail, s’essoufflant souvent à courir après les arrêts ; sans
parler de son abstraction, la multiplicité d’opinions, ingénieuses, subtiles et techniques, a dérouté
plus qu’elle n’a dirigé.
3º) Les praticiens suivent attentivement ce mouvement d’idées où ils ne trouvent pas toujours la
construction ferme et sûre dont ils ont besoin. Souvent, ils règlent les questions de responsabilité en
s’éloignant sensiblement des règles jurisprudentielles. Par exemple, avant la loi de 1985, les
assureurs avaient conclu entre eux une convention d’indemnisation des assurés (IDA) prévoyant des
« barèmes » de responsabilité pour les dommages matériels et les petits dommages corporels
résultant des collisions d’automobiles. De même, entre les assureurs et la Sécurité sociale, avait été
conclue une convention simplifiant les paiements qui devaient intervenir entre eux 416 : l’évaluation
du dommage médical était faite au moyen de « barèmes », ce qui était contraire à la jurisprudence 417.
Si complexe que soit le droit jurisprudentiel, on peut, dans une première vue, en fixer les grands
traits.
III. — Portée
Le principe est simple : l’article 1242, alinéa 1er (anc. art. 1384,
al. 1er), est applicable chaque fois qu’une chose a causé un dommage. Ce
qui a soulevé deux grands débats : l’un sur la notion de chose, comprise
de façon extensive (I) ; l’autre sur celle de causalité, comprise de façon
plus étroite (II) ; en outre, la règle est écartée en cas d’incendie (III).
I. — Choses
Bien que le mot soit très vague – le plus vague de la langue française
disait Jean Carbonnier – des tentatives ont été entreprises pour le
préciser afin de cantonner l’article 1242, alinéa 1er (anc. art. 1384,
al. 1er). Le résultat a été mince : échappent au texte les choses régies par
un statut spécial (A), y sont soumises toutes les autres (B).
A. CHOSES SOUMISES À UN STATUT SPÉCIAL
A. PREUVE DE LA CAUSALITÉ
B. ABSENCE DE CAUSALITÉ
III. — Incendie
I. — Pouvoir effectif
205. 2º) Participation commune à la réalisation du risque. – Au cas de collision entre choses, la
victime a créé un risque semblable à celui qu’elle reproche au défendeur. Peut-elle encore invoquer
l’article 1242, alinéa 1er (anc. art. 1384, al. 1er) ?
La question présentait autrefois une grande importance ; depuis que les accidents d’automobiles et
leurs carambolages sont régis par un droit spécial impliquant l'unité d’accident 524, elle est devenue
marginale et limitée aux collisions de bicyclettes et de ski.
Il y a une soixantaine d’années, beaucoup d’auteurs avaient refusé l’application de l’article 1384,
alinéa 1er (auj. art. 1242, al. 1er) aux dommages résultant de collisions en disant qu’il y avait
neutralisation de ce texte : celui qui crée un risque ne peut se plaindre du dommage causé par un
risque semblable. Par conséquent, la victime d’une collision devait prouver la faute du gardien de
l’autre chose afin d’obtenir réparation ; tel est le système que la loi impose aux abordages maritimes
et fluviaux et que la jurisprudence applique aux collisions entre skieurs 525.
La solution est la même pour régler les rapports entre cogardiens d’une même chose. À l’égard de
l’action en indemnisation intentée par la victime étrangère à la garde commune, les cogardiens sont
responsables in solidum, ce qui signifie que la victime pourra demander la réparation intégrale à l’un
quelconque des détenteurs de la garde commune. En revanche, quand la victime est un des
cogardiens, elle ne peut invoquer l’article 1242, alinéa 1er (anc. art. 1384, al. 1er) à l’égard de ses
pairs car elle a comme eux contribué à créer le risque qui l’a frappée : elle peut seulement s’en
prendre à celui (ou ceux) qui, outre qu’il a créé le risque, a, au surplus, commis une faute
personnelle 526.
I. — Personne physique
a) Action successorale
220. Après la mort. – Les héritiers recueillent les droits qui étaient
nés en la personne du défunt, c’est-à-dire qu’ils peuvent demander
réparation du préjudice éprouvé par le défunt entre l’accident et le
décès.
1º) On n’en a jamais douté lorsqu’il s’agissait de préjudice matériel, tenant par exemple au
dommage causé à l’un de ses biens. Certaines difficultés sont apparues pour le dommage tenant à
l’incapacité professionnelle ; ainsi, le de cujus (« celui dont il s’agit », ici le défunt) ne subit de perte
de salaires consécutive à son incapacité professionnelle que dans la mesure et pour la durée où il a
survécu à l’accident.
2º) Le problème a été davantage débattu lorsqu’il s’est agi du
dommage moral éprouvé par le défunt, par exemple les désagréments
et souffrances qu’il a ressentis du fait de l’accident, la privation des
jouissances qu’a entraînée son invalidité, voire la douleur que lui cause
la perspective de l’abrégement de sa vie. Pour mettre fin à la divergence
entre la chambre criminelle et les autres chambres de la Cour de
cassation, une chambre mixte a décidé que les héritiers pouvaient
obtenir réparation du préjudice moral subi par leur auteur 544, et le
Conseil d’État a ultérieurement adopté la même position 545.
Bien que la question paraisse tranchée après un aussi long débat et qu’il soit vain d’escompter un
revirement de jurisprudence, la solution n’est pas bonne. Elle implique que le pretium doloris (le
prix de la douleur) a la même nature que les autres préjudices : il y a, en quelque sorte, une
« pécuniarisation » des affections et une ignorance de la complexité de la souffrance humaine, ce qui
traduit le matérialisme de notre société contemporaine 546.
b) Action personnelle
La mort de la victime constitue aussi un dommage personnel d’état
civil pour ses proches : elle cause un préjudice matériel à ceux qu’elle
faisait vivre et un préjudice moral à ceux qui l’aimaient et souffrent de
sa perte. C’est un préjudice par ricochet qui est, dans son principe,
réparable 547. Il faut examiner maintenant qui peut obtenir réparation (1)
et quelle est la nature de ses droits (2).
1o Personnes pouvant agir
§ 2. EXERCICE DE L’ACTION
A. COMPÉTENCE JUDICIAIRE
B. PROCÉDURE
Ne seront ici retenues que les deux règles de procédure ayant une
incidence sur le fond du droit : la prescription et l’autorité de la chose
jugée.
231. Action civile. – Une faute, au sens du droit civil, peut constituer
une infraction pénale. La victime a alors une option : elle peut porter
son action en réparation du dommage, soit devant les juridictions
civiles, soit devant les juridictions répressives (C. pr. pén., art. 3 et 4,
al. 1). Cette seconde action est ce que l’on appelle l’action civile, qui
déclenche l’action publique si le ministère public ne l’avait pas déjà
mise en mouvement 587.
Cette description, pour brève qu’elle soit, permet de mesurer le
double aspect de l’action civile, à la fois civil et pénal, de réparation et
de répression. Elle a pour objet une réparation ; et elle a pour fin de
déclencher l’action publique, c’est-à-dire qu’elle est inspirée par la
volonté de susciter un châtiment.
1º Parfois, le caractère civil l’emporte : ainsi, la loi du 8 juillet 1983 prévoit que le juge
répressif, saisi de poursuites pour homicide ou blessures involontaires, a la faculté, même en cas de
relaxe, d’accorder, « en application des règles de droit civil, réparation de tous les dommages
résultant des faits qui ont fondé la poursuite » (C. pr. pén., art. 480-1) ; il pourra, par exemple, faire
application de l’article 1242, alinéa 1er (anc. art. 1384, al. 1er).
2º Parfois au contraire, le caractère répressif l’emporte. Ainsi, lorsque la réparation sollicitée est
symbolique (un euro de dommages-intérêts). Ou bien et surtout, dans les cas exceptionnels où la loi
ne permet pas au juge répressif d’accorder de réparation ; on peut alors se constituer partie civile
sans demander de dommages-intérêts à seule fin de provoquer la répression et participer à la
recherche de la vérité.
§ 1. PRÉJUDICE RÉPARABLE
I. — Préjudices économiques
A. RÈGLES GÉNÉRALES
Le préjudice pose surtout des problèmes de fond (a) ; les questions de
preuve ne sont pas indifférentes (b).
a) Règles de fond
b) Règles de preuve
244. Convaincre. – En pratique, les difficultés que pose la certitude du préjudice allégué sont peu
sensibles dans la mesure où elles sont absorbées par le débat probatoire. Est certaine la perte que le
juge estime que la victime aurait évitée s’il n’y avait pas eu de fait dommageable. La charge de la
preuve du préjudice pèse sur la victime, qui peut la faire par tous moyens. La preuve des revenus du
demandeur peut résulter de ses déclarations fiscales (L. proc. fisc., art. L. 143, L. 4 août 1962).
Par ailleurs, la Cour de cassation attache une présomption irréfragable de préjudice à quelques
situations, comme l’atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs 647 ou la concurrence déloyale 648.
Cette politique juridique vise à dissuader de la commission de certains dommages aux suites
difficilement mesurables. Elle sert aussi à exprimer l’effectivité de certains droits subjectifs en
postulant qu’y porter atteinte crée un préjudice : droit de propriété en cas de voie de fait 649, droit à la
vie privée 650, droit à l’information médicale 651.
B. DOMMAGE MATÉRIEL
C. DOMMAGE CORPOREL
247. Refus de soins. – Lorsque la victime refuse les soins qui auraient pu atténuer ou faire
disparaître le dommage, la Cour de cassation a décidé, en se fondant sur l’article 16-3, que « nul ne
peut être contraint, hors les cas prévus par la loi, de subir une intervention chirurgicale » 685, mais
la jurisprudence administrative résiste 686.
§ 2. MODES DE RÉPARATION
I. — En nature ou en argent ?
250. Cessation de l’illicite. – À côté de la réparation en nature, qui ne peut être demandée qu’au
responsable du dommage, existe la cessation de l’illicite. Déjà connue en matière de référés, où le
juge peut « même en présence d’une contestation sérieuse », prendre toute mesure « pour faire
cesser un trouble manifestement illicite » (C. pr. civ., art. 809), la notion se rencontre également au
fond 713.
II. — En argent
A. MODALITÉS
a) Date d’évaluation
La règle est que l’évaluation du préjudice est faite au jour du
jugement ; elle est parfois écartée.
253. Exceptions. – Cette règle est écartée dans deux sortes d’hypothèses : lorsque, dès sa
naissance, le préjudice avait été libellé en argent et, dans certains cas, lorsque la valeur du bien
endommagé a baissé au jour de la décision.
1 D’une part, les obligations libellées en argent ne soulèvent, par définition, aucun problème
d’évaluation puisqu’elles sont liquides dès leur naissance ; par application du nominalisme
monétaire, elles ne doivent pas être réévaluées 717. De même, si avant le jugement condamnant le
responsable, la victime a fait réparer le dommage, c’est, non à la date de la décision judiciaire que le
préjudice doit être apprécié, mais à celle de la réparation 718, parce que le préjudice a désormais une
expression monétaire, fixe et figée.
2 D’autre part, si le bien perdu ou endommagé par le responsable a baissé de valeur entre le jour
du dommage et celui du jugement, le principe est a priori le même : l’évaluation au jour du jugement
suffit à réparer le préjudice. Sauf dans certaines circonstances, par exemple, quand la perte de valeur
aurait pu être évitée par la victime si le dommage n’avait pas eu lieu 719.
L’érosion monétaire a également affecté la modalité selon laquelle est
accordée l’indemnité.
b) Modalités de l’indemnité
Le juge peut, de sa propre autorité, sans être lié par la demande de la
victime, choisir entre un capital ou une rente 720.
B. GARANTIES D’EXÉCUTION
a) Pluralité de responsables
§ 3. CONCOURS DE CRÉANCES
259. Cumul et recours. – Aujourd’hui, une victime dispose souvent de plusieurs droits en cas de
dommage. Voici, par exemple, les orphelins que laisse la victime d’un accident mortel. Ils ont deux
espèces de droits. D’une part, les droits à réparation du préjudice subi, qu’il s’agisse du dommage
souffert par la victime, qu’ils recueillent dans sa succession ou de leur dommage propre, subi par
ricochet 742. D’autre part, ils bénéficient aussi des capitaux et rentes que la victime avait elle-même
constitués en prévision de sa mort : assurance-vie (ou plutôt « assurance-décès »), si elle en avait
souscrit une sécurité sociale (capital-décès) si elle y était affiliée, mutuelle complémentaire
éventuellement, pension versée par son employeur, public ou privé, caisse de retraite. Les premiers
droits sont indemnitaires ; pas les seconds, qui sont l’expression d’un mécanisme de prévoyance
sociale (sécurité sociale) ou contractuelle (assurance, mutuelle).
Le problème est de savoir comment combiner ces deux types de droits, ce qui pose un problème
de cumul et un problème de recours : 1o) L’orphelin peut-il cumuler les droits à indemnité fondés sur
la responsabilité civile avec ceux qui ont été constitués par son auteur sur un autre fondement pour le
cas d’un accident ? 2o) Le tiers qui a versé des sommes à raison de l’accident, notamment pour
permettre la réparation du préjudice (prise en charge des frais médicaux, par exemple) a-t-il un
recours contre le responsable ?
Le principe est que les créances indemnitaires ne peuvent se cumuler
si elles offrent à la victime une réparation qui dépasserait le montant de
son préjudice (I). En outre, si celui qui a versé une somme de nature
indemnitaire n’est pas l’auteur du dommage, il dispose d’un recours
contre le responsable (II).
Le principe a d’abord été posé à propos des indemnités versées par les
assurances ; il s’est étendu à la Sécurité sociale, puis aux pensions.
270. Du projet Tunc à la loi Badinter. – Peu à peu, le grand corps de règles prétoriennes qu’a
longtemps constitué le droit français de la responsabilité extracontractuelle s’est mal adapté aux
dommages de masse. Tôt, le développement des accidents de la circulation l’a révélé. En 1960,
André Tunc avait envisagé une réforme radicale, une sorte de « sécurité routière » comparable à la
Sécurité sociale 754. Après de nombreux atermoiements, a été adoptée une loi « tendant à
l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des
procédures d’indemnisation » (L. 85-677 du 5 juill. 1985, dite « loi Badinter 755 »), qui ne s’inspire
que partiellement du « projet Tunc » et est une loi de compromis.
À l’expérience, le système nouveau a réalisé son objectif principal, l’indemnisation rapide des
victimes. Mais il continue, entre assureurs, à susciter un gros contentieux et, sur plusieurs points, il
demeure incertain.
A. INTÉRÊTS
B. ÉVOLUTION
391. Complexité ; droit européen. – L’évolution du droit des contrats suit l’histoire de
l’ensemble du droit français 881. Son idéologie subit une obscure transformation.
Si l’on s’attache au seul droit des contrats, il existe un risque d’arbitraire à vouloir dégager les
grandes lignes de son histoire. Il est en effet compliqué et son évolution n’a pas la netteté qu’elle
possède dans d’autres branches du droit, notamment dans la responsabilité délictuelle. Chaque auteur
choisit un élément plutôt qu’un autre. L’un souligne que le dirigisme l’emporte sur la liberté
contractuelle, ou que l’esprit collectif, voire le collectivisme, prévaut sur l’individualisme, ou que la
profession des parties détermine le régime du contrat, ou que le droit a plus pour objet d’assurer
l’utile et le juste dans le contrat que de faire respecter la volonté de ses auteurs 882, ou qu’il est
dominé par des objectifs économiques de rendements et de coûts plus que par des données
morales 883, ou qu’il devient de plus en plus soumis au droit européen, ou qu’il est en crise 884, etc.
Pour exactes qu’elles soient, au moins en partie, ces systématisations masquent la diversité des
mouvements contradictoires qui agitent aujourd’hui les contrats.
Ce qui surtout en caractérise l’évolution contemporaine est sa complication croissante, comme
dans toutes les sociétés industrielles. Cinq aspects en marquent l’évolution, dont on retiendra surtout
les trois derniers.
1o) Il y a, à la fois, vitalité et stagnation du contrat. Le développement de l’initiative individuelle
fait apparaître de nouveaux contrats, dus à l’esprit inventif de la pratique. En même temps, et à
l'inverse, les contrats quotidiens sont souvent devenus standardisés et répétitifs.
2o) Un sociologisme croissant. Est de plus en plus prise en compte la qualité du contractant. Déjà,
en 1804, s’opposait le droit des contrats commerciaux à celui des contrats civils, qui faisait
apparaître le particularisme de l’activité des commerçants ; aujourd’hui, se développe une autre
notion, celle de professionnel : l’exercice de son activité soumet le professionnel (par ex. :
transporteur, médecin, notaire, avocat, constructeur) à un certain nombre d’obligations
(connaissances professionnelles, obligations de sécurité et de résultat, devoirs d’information et de
conseil) ; à l’inverse, le consommateur a droit à l’information, à la réflexion et à la sécurité.
3o) Une judiciarisation progressive. En 1804, le juge n’avait aucun rôle actif dans la confection
du contrat. Il se bornait à en ordonner l’application, en sanctionner l’inexécution et annuler celui dont
le consentement était vicié ou contraire à la loi. Aujourd’hui, le juge (ou l’arbitre) est souvent
sollicité, pour atténuer, modérer, inciter à négocier, voire même rééquilibrer l’obligation
contractuelle. Cet interventionnisme judiciaire est facilité par l’essor de standards juridico-moraux :
bonne foi, loyauté, équilibre, abus... 885. Cette évolution est dangereuse, car le juge ne peut se mettre à
la place des parties ; elle a tendance à « infantiliser » les contractants, qui pourront toujours trouver
refuge auprès du juge, ce qui les dispense d’améliorer eux-mêmes le contrat, ou de prendre une
décision.
4o) L’influence du droit communautaire. Beaucoup de directives et de règlements européens ont
des effets directs sur la pratique contractuelle (banques, assurances, instruments financiers, protection
des consommateurs et, naturellement, concurrence...). Surtout, le marché unique conduit à une
harmonisation des règles contractuelles, spécialement à l’égard de la protection du consommateur :
grâce à l’élaboration d’un corps de règles communes. De plus, à la suite d’initiatives privées 886,
certains veulent aller plus loin, estimant qu’il ne pourrait y avoir de marché unique sans un droit
européen des contrats unifié 887 – le contrat est le support des échanges – ; ont été ainsi débattus
divers projets de Code européen des contrats 888, généralement mal accueillis par les universitaires
français et ayant un double objet : la protection du consommateur et le droit de la vente 889. En
réaction, ont été élaborés par des universitaires différents projets de révision 890. La réforme du droit
des contrats par l’ordonnance du 10 février 2016 est directement inspirée de ces avant-projets.
5o) L’influence du commerce international qui, peu à peu, établit des règles uniformes pour les
contrats internationaux 891 ; la mondialisation contemporaine des relations d’affaires explique que la
tendance à l’uniformité des contrats internationaux exerce une influence sur les contrats internes 892.
L’ordonnance du 10 février 2016 tire les conséquences de ces évolutions et réécrit complètement
le titre III du Code civil, consacrant au contrat le sous-titre I (art. 1101 à 1231-7) 893. Les nouvelles
dispositions entrent en vigueur le 1er octobre 2016 et s’appliqueront aux contrats conclus après cette
date 894.
392. Domaine, effets. – Depuis près de soixante-dix ans, le contrat, dans son domaine et ses
effets, est transformé sans que pourtant il y ait une crise du contrat.
1º) Domaine : En 1804, la quasi-totalité des rapports juridiques et sociaux, voire politiques et
économiques, semblait relever du contrat, parce que la volonté des individus paraissait autonome :
tout devait relever d’elle. Par exemple, on qualifiait le régime matrimonial légal de « contrat de
mariage tacite », la succession ab intestat traduisait la volonté probable du défunt. De même, la
Constitution de la nation ou la nationalité étaient l’une et l’autre considérées comme un contrat social.
C’était aussi en faisant reposer l’économie sur le laisser-faire-laisser-passer, que l’on pensait
parvenir à la plus grande justice. Comme l’avait dit au XIXe siècle Fouillée, disciple français
de Kant : « Qui dit contractuel dit juste ». Aussi, le principe était-il la liberté contractuelle ; toute
loi était un mal.
Les choses ont changé. Sauf chez les libertariens américains, l’autonomie de la volonté n’est plus
une notion philosophiquement admise sans nuances ; la référence aux volontés tacites est
progressivement bannie. Sont également rejetées les idées de contrat social, et, à un moindre degré,
de libéralisme. Le contrat est parfois injuste (cf. le mot de Lacordaire, devenu cliché : « c’est la loi
qui libère, la volonté qui opprime ») ; l’intervention de l’État paraît s’imposer, même si elle est de
plus en plus maladroite. Depuis plus de dix ans, cependant, l’État hésite à intervenir de manière
autoritaire et s’abrite souvent derrière l’autorité communautaire (transposition de directives...) ; or,
l’Europe est dominée par l’économie de marché et le souci de la croissance harmonieuse de la
consommation.
2º) Ce qui est vrai du domaine du contrat l’est encore plus de ses effets. En 1804, le contrat était
pleinement obligatoire et ni la loi ni le juge ne pouvaient intervenir pour le réviser. Il ne liait que les
parties contractantes et seulement dans la mesure de leur volonté. Ces traits se sont brouillés. Le
contrat est aujourd’hui souvent dirigé. Dans de nombreux cas, la loi ou le juge suspendent, révisent ou
refont le contrat. Dans de nombreux cas, des obligations sont imposées par la loi ou par le juge aux
parties, qui sont même parfois soumises contre leur gré à des rapports contractuels. De même, dans
de nombreux cas, le contrat profite à des personnes qui ne l’ont pas conclu.
3º) Pour exactes qu’elles soient, ces observations doivent être nuancées. La preuve qu’il n’y a pas
de vraie crise est que le contrat ne recule pas, mais avance. Jamais les rapports contractuels n’ont
été aussi intenses qu’aujourd’hui. Les auteurs contemporains sont moins radicaux qu’il y a soixante-
dix ans et ne parlent plus de crise 895.
Comme il est habituel en droit civil, le droit des contrats évolue lentement. Son particularisme
tient à ce que les changements sont plus lents encore que dans le droit des biens et dans celui de la
responsabilité extracontractuelle, et surtout que dans celui des personnes et de la famille. Plutôt
qu’une crise, le droit des contrats connaît un éclatement par fractionnement, dans ses sources et son
objet.
393. 1º) Sources traditionnelles, pratique, commerce international. – Les sources du droit des
contrats sont devenues hétérogènes. 1º Il y a d’abord les trois sources traditionnelles : les codes –
Code civil surtout, mais aussi Code de commerce et Code de la consommation (compilation de lois
éparses) –, les lois spéciales contemporaines qui n’ont pas été intégrées dans les codes et sont
souvent la transposition de directives européennes 896, et la jurisprudence qui, outre ses méthodes
habituelles, fait maintenant produire un effet croissant, mais incertain, aux formules générales, telles
que l’exigence de la bonne foi dans les contrats (art. 1104, anc. art. 1134, al. 3). 2º Une autre source
contemporaine est constituée par la pratique : la pratique administrative – habitudes, avis,
comportements, circulaires de l’administration 897 – ; la pratique contractuelle – contrats types,
formulaires, usages, habitudes individuelles – qui font parfois apparaître des règles et même des
institutions nouvelles 898 ; la pratique notariale, surtout pour la vente d’immeuble ; la pratique
bancaire, car la banque exerce un rôle central dans les rapports économiques, même entre
particuliers, notamment dans la formation du contrat, avec les effets attachés à la réception des
relevés bancaires... le régime des preuves 899... celui de l’engagement autonome, avec les garanties
bancaires à première demande... celui du paiement, avec le chèque 900... celui de la novation, avec le
compte courant 901... celui de la cession de créance 902 ; ce qui n’est pas sans inconvénients : la
pratique bancaire, plus que les autres, est mal fixée.
3º La pratique du commerce international devient un lent élément d’unification. L’influence que
le droit du commerce international exerce sur les sources internes du droit des contrats est complexe.
Celui-ci subit les effets de la mondialisation du commerce. Ce phénomène, dit aussi « globalisation
économique », est le résultat du développement des communications (ex. : Internet) et des transports
qui rétrécit le monde, et d’un parti pris général en faveur du libre-échange 903. Or, le contrat est le
moyen le plus naturel et le plus universel de réaliser librement des échanges. Les États ne veulent pas
rester à l’écart de ce mouvement, qui a pour effet de réduire l’autorité de la loi nationale. Le contrat
pourrait se passer d’un droit national, pourvu que le droit « anational » soit complet – ce à quoi
s’emploient des firmes internationales de lawyers –, et comporte lui-même un mécanisme de
règlement des éventuels litiges (en pratique, l’arbitrage, ou les autres modes alternatifs de résolution
des litiges) 904. Cette évolution affecte d’abord les contrats internationaux, ceux qui influencent le
commerce international 905 : ceux-ci se détachent souvent de tout ordre étatique, pour se référer à une
espèce de jus gentium, des règles communes aux opérateurs du monde entier, constituant une lex
mercatoria, aujourd’hui en partie codifiée par des codifications privées 906. Le droit interne des
contrats en subit le contrecoup, la mondialisation des marchés mettant en cause la distinction même
entre contrats internes et internationaux. L’évolution est surtout sensible à l’égard du commerce des
objets qui se rient des frontières : monnaie, instruments financiers, informations, images, biens
incorporels, marchandises 907. Au contraire, les immeubles restent à l’écart de ce mouvement. Ainsi,
des règles internationales pénètrent lentement l’ordre interne 908 ou influencent les solutions
internes 909, de même que des institutions étrangères pénètrent progressivement le droit français 910.
Cependant, la liberté des échanges appelle en retour une protection des usagers, en particulier les
consommateurs, et pousse au développement d’un ordre public transnational, ayant pour objectif la
défense des intérêts de l’humanité (droits de l’homme, environnement, santé, lutte contre la
corruption...) 911.
Ce mouvement est en marche. Il n’est pas général, mais peut expliquer le lent déclin de la loi
nationale et le développement du rôle du juge, de l’arbitre ou de l’expert (autorités de marché).
La multiplication des sources du droit des contrats soulève le problème de la connaissance du
droit objectif, que devrait favoriser le développement de l’informatique 912 ; on est loin du compte.
394. 2º) Opération économique. – Dans son objet aussi, le droit des
contrats devient hétérogène. Il est difficile de régir de la même manière
les activités les plus humbles et les plus quotidiennes, telles que l’achat
d’une salade, et des actes gigantesques, telles que la vente d’une usine
clefs et services en mains. Il existe des contrats où l’un des contractants
paraît être une chose ; par exemple, l’achat dans un magasin libre-
service ou auprès d’un distributeur automatique 913. À l’opposé, il existe
aussi, surtout entre professionnels, des contrats longuement négociés,
complexes, et par conséquent très individualisés.
Le législateur tend aujourd’hui à parler parfois, plutôt que de contrat, d’« opération
contractuelle », comme le font la doctrine (ex. : opérations à trois personnes) et la jurisprudence (ex :
à propos du crédit-bail), afin de saisir l’unité d’un ensemble contractuel et sa portée économique
(ex. : art. 1186). L’obligation contractuelle est souvent saisie par son effet d’ensemble, plutôt que par
sa source, ce qui traduit un mouvement d’objectivation du contrat, conforme aux impératifs
contemporains du droit économique et social : l’encadrement du contrat dépend du résultat qu’il
produit, plutôt que des dispositions psychologiques de ses auteurs 914. Certains contrats constituent
même des instruments financiers 915.
Sous une notion unique (Chapitre II), existe une grande variété de
contrats, ce qui nécessite des classifications (Chapitre I).
Rationnellement, il conviendrait d’étudier la notion avant les
classifications ; néanmoins, une institution aussi abstraite ne peut être
maîtrisée que si, dans une première vue, on en connaît les applications.
Depuis la réforme de février 2016, les règles du droit des contrats sont
soumises à des principes directeurs (Chapitre III).
CHAPITRE I
CLASSIFICATIONS DES CONTRATS
SECTION I
DISTINCTIONS SELON LE TYPE DE CONTRAT
I. — Idée romaine
406. Action en justice. – À Rome, la dénomination du contrat en commandait la validité, parce
que le droit romain était procédural. Il n’y avait de droit que là où existait une action en justice, et les
actions étaient limitativement énumérées.
À l’époque classique, un contrat n’était obligatoire que s’il faisait partie d’une des catégories de
contrats pour lesquelles une action en justice avait été prévue 921. Non seulement, la validité du
contrat, mais aussi, à plus forte raison, son régime dépendaient de son type, de sa « dénomination ».
Ainsi, une vente était obligatoire parce qu’elle faisait naître une actio empti (pour l’acheteur) et une
actio venditi (pour le vendeur) ; le régime était celui que fixaient les actions prévues par la loi et le
préteur.
Ultérieurement, Justinien (VIe siècle) a achevé l’analyse ; l’action praescriptis verbis a été
accordée pour les contrats innommés : si, dans ces contrats, l’une des parties avait exécuté son
obligation, elle pouvait, au moyen de l'action praescriptis verbis, obliger son cocontractant à
exécuter la sienne. Le nombre de ces contrats étant illimité, on les a classés en quatre catégories : do
ut des : je fournis afin que tu fournisses ; do ut facias : je fournis afin que tu fasses ; facio ut des : je
fais afin que tu fournisses ; facio ut facias : je fais afin que tu fasses.
Ces idées n’ont plus d’intérêt aujourd’hui. D’abord, parce que la conception du droit a changé : il
n’est plus vrai de dire que le droit dépend de l’action : tout droit fait naître une action 922. En
conséquence, 1 tous les contrats sont obligatoires, même s’ils ne correspondent pas à un type prévu et
réglementé par la loi ; 2 les parties peuvent faire toutes sortes de combinaisons entre les types de
contrats spécialement prévus par la loi (ex. : combiner la location et la vente) ; elles peuvent aussi
faire des contrats qui n’entrent dans aucun des types organisés par la loi.
Aussi comprend-on que certains auteurs classiques aient nié l’intérêt de cette classification 923.
408. Sûretés. – Le contrat principal est celui qui, par lui-même, permet d’atteindre le résultat
escompté par les parties ; ainsi en est-il de la vente. Le contrat accessoire suppose un autre rapport
qu’il complète ; ainsi en est-il de la convention conférant une sûreté (par ex. : l’hypothèque) au
créancier ; elle est l’accessoire de l’obligation garantie. La disparition (par ex. en cas de résolution)
de l’obligation principale entraîne la caducité du contrat accessoire qui se trouve privé de l’un de ses
éléments essentiels (art. 1186). Dans le droit contemporain, apparaissent aussi des ensembles
contractuels dits encore « groupes de contrats », dans lesquels plusieurs contrats sont
interdépendants : par exemple, la vente et le prêt destiné à la financer 929. À la différence des contrats
accessoires, les contrats interdépendants ont chacun leur économie propre, mais ils n’ont pas été
conçus pour être exécutés isolément.
SECTION II
CLASSIFICATIONS SELON L’OBJET DES CONTRATS
I. — Principe
II. — Intérêts
A. FOND DU DROIT
B. PREUVE
III. — Nuances
412. Relativité et transformations. – 1º) La distinction entre ces deux types de contrats n’est pas
toujours facile 935, notamment pour distinguer les promesses unilatérales et les promesses
synallagmatiques : la distinction peut être relative.
2º) En outre, l’opposition n’est pas définitive : tout contrat est susceptible de se transformer en un
contrat synallagmatique ou unilatéral.
Un contrat unilatéral peut, en cours d’exécution, se transformer en un contrat synallagmatique, que
l’on appelle synallagmatique imparfait. Par exemple, lorsqu’il est conclu à titre gratuit, le contrat de
dépôt est un contrat unilatéral qui n’impose d’obligations qu’au seul dépositaire : conserver pour
restituer la chose déposée ; le déposant n’a aucune obligation. Sauf, éventuellement, indemniser le
dépositaire qui en cours de contrat a fait des dépenses pour sauver la chose (art. 1947) : ce contrat
unilatéral devient un contrat synallagmatique imparfait, soumis aux règles de fond des contrats
synallagmatiques, non à celles de forme.
Inversement, mais cette opinion est contestée, un contrat synallagmatique lors de sa formation,
peut devenir unilatéral si, par la suite, les obligations d’une partie venaient à s’éteindre 936. Par
exemple, une souscription d’obligations émises par une société commerciale (avant-contrat
synallagmatique d’emprunt obligataire) devient un prêt, contrat unilatéral, lorsque le souscripteur a
remis sa souscription à l’emprunteur.
Souvent, les contrats synallagmatiques sont à titre onéreux, ce qui
mène à une nouvelle distinction.
I. — Critère
413. Onérosité et gratuité. – La distinction entre les contrats à titre onéreux et les contrats à titre
gratuit s’attache à un autre aspect de l’objet du contrat et est différente de la précédente. Le contrat à
titre onéreux peut être ou synallagmatique (ex. : la vente) ou unilatéral (ex. : le prêt à intérêts) ; de
même, un contrat à titre gratuit peut être ou unilatéral (ex. : la donation) ou synallagmatique (ex. : la
donation avec charges).
Lorsque les parties ont voulu une réciprocité d’avantages, le contrat est à titre onéreux (art. 1107).
Ainsi en est-il de la vente : le vendeur n’a pas l’intention d’enrichir l’acheteur, et symétriquement,
l’acheteur n’a pas l’intention d’enrichir le vendeur. Lorsqu’au contraire, un contractant procure
volontairement un avantage à l’autre partie, il y a contrat à titre gratuit. L’exemple le plus
caractéristique en est la donation, contrat où le donateur s’appauvrit volontairement afin que le
donataire s’enrichisse.
Le droit civil voit avec défaveur les actes à titre gratuit, qu’il estime dangereux ; il n’est pas
évangélique. Les actes usuels de la vie économique sont les contrats onéreux, entre lesquels on
distingue les contrats commutatifs et les contrats aléatoires.
A. PRINCIPE
B. INTÉRÊTS
SECTION III
DISTINCTIONS SELON LA QUALITÉ DES CONTRACTANTS
§ 2. QUALITÉ DE CONSOMMATEUR
SECTION IV
DISTINCTIONS SELON LE MODE DE FORMATION DES
CONTRATS
Le contrat 1025 est facile à définir : un accord de volontés destiné à faire naître des obligations, les
modifier, les transmettre ou les éteindre (art. 1101). Cette définition issue de l’ordonnance du
10 février 2016 élargit la finalité du contrat : il ne s’agit plus seulement de donner naissance à des
obligations, comme en 1804 et dans la tradition romaine, mais aussi d’opérer sur une obligation déjà
née. Ainsi défini, le contrat paraît simple. La réalité est plus complexe et la notion marquée de
relativité, qu’explique l’histoire et que manifeste une comparaison avec les droits anglo-américains.
428. 1º) Histoire. – La notion moderne de contrat est le fruit d’une longue histoire inachevée 1026.
La notion romaine est apparue tardivement. Ce fut seulement au début de notre ère que le mot
contractus a été employé pour désigner l’accord de volontés créateur d’obligations, uniquement dans
les cas fixés par le droit et, la plupart du temps, enchâssés dans des formes (paroles, écrits ou remise
de la chose). Seuls, quatre contrats étaient dits « consensuels » ; pour eux, un simple consentement
dénué de formes créait les obligations : vente, louage, mandat et société. De plus, il n’y avait pas de
théorie générale : pour qu'un contrat ait une force obligatoire, la loi devait dire qu’elle conférait une
action en justice, ce qu’elle faisait à l’égard de tel ou tel type de contrat. Le principe selon lequel
l’accord de volontés suffit à créer l’obligation vient du droit canonique (XIIe siècle).
Il existait d’autres sources d’obligations en droit romain, dans lesquelles n’existait aucun
« accord », aucune « convention » au sens moderne ; par exemple, la tutelle et la gestion d’affaires
étaient sanctionnées par des actions en dehors de toute convention créatrice.
Existaient aussi des sources délictuelles, dont il n’y aurait rien à dire ici si le préteur ne leur avait
assimilé des faits qui, dans notre droit, relèvent de la théorie du contrat : les vices du consentement
étaient des délits prétoriens et entraînaient le droit à réparation. Cette origine délictuelle de certains
aspects de notre responsabilité contractuelle préfigurait la part d’incertitude que nous observons
actuellement.
L’apport des canonistes a durablement influencé la conception française du contrat. La volonté de
s’engager en est le cœur, car l’homme répond de l’exercice de sa volonté. Est donc obligatoire ce
que chacune des parties a réellement voulu.
Cette conception subjective ne fait pas l’unanimité des systèmes juridiques ; de plus elle recule
même en droit français.
429. 2º) Droits anglo-américains. – 1o Le droit anglais 1027 envisage le contrat comme un
bargain 1028, un business (une affaire) ; il est dominé par des considérations économiques ; plus qu’un
accord de volontés, qu’il s’agirait de rechercher et de respecter, c’est l’affaire qu’il permet de
réaliser qui compte. Plutôt que la force de la volonté réelle des parties, c’est la confiance (reliance)
qu’elles ont pu susciter chez l’autre qui fonde la force obligatoire. Aussi le droit anglais a-t-il du mal
à admettre qu’il puisse y avoir un contrat là où il n’y a pas échange : donation, acte ou contrat
unilatéral... même s’il y a volonté de s’engager. Mais la théorie des estoppel parvient souvent à des
résultats équivalents.
2o Les auteurs américains contemporains voient aussi dans le contrat avant tout un échange
économique. Ils mettent l’accent sur les caractères plus ou moins « relationnels », temporels
et stables du contrat. Ils en distinguent ainsi deux variétés, le contrat classique et le « contrat
relationnel ». 1º Le contrat classique (parfois dénommé « contrat discret ») relève de la « micro-
économie » ; il n’établit de relations qu’entre les parties, ne comporte pas de négociations préalables
et ses effets sont instantanés 1029 ; à la limite, il constitue une opération qui ne fait pas (ou ne devrait
pas) faire naître d’obligations ; par exemple, l’achat au comptant d’un produit de consommation ;
pour employer le langage de Jean Carbonnier, il relève du non-droit. 2º À l’inverse, le « contrat
relationnel » a une grande portée économique et sociale ; sa conclusion est précédée de longs
pourparlers ; il a des incidences sur un nombre considérable de personnes, est conclu pour une
longue durée et perpétuellement renégociable 1030.
430. 3º) Contrat de fait : droits germaniques ? – Un temps, les droits allemand (de 1941 à
1971) et suisse (vers les années 1980, pour les conséquences de la nullité d’un contrat à exécution
successive 1031) et même italien (le contractant a déclaré vouloir contracter alors qu’il ne le voulait
pas 1032) avaient admis la notion de contrat de fait (en allemand Faktischer Vertrag), opposée au
volontarisme juridique, l’idée étant que certains contrats se forment non par un accord de volontés,
mais par une relation de fait ; notamment les contrats de masse où un utilisateur profite effectivement
de la situation offerte sans exprimer préalablement son acceptation (ex. : le fait de monter dans un
tramway, ce qui, au contraire, en droit français constitue une relation contractuelle). Cette théorie
paraît maintenant abandonnée, au moins en Allemagne 1033.
Cette notion de contrat de fait est généralement ignorée du droit français, alors qu’elle aurait pu
expliquer les relations découlant de la nullité d’un contrat successif (« un contrat putatif », tel qu’un
contrat de travail nul) 1034, le contrat d’adhésion 1035 ou la convention d’assistance 1036, voire les
quasi-conventions résultant d’une loterie 1037.
SECTION I
DIFFÉRENCES AVEC L’ACTE UNILATÉRAL
§ 1. QUESTION
434. Promesse de récompense. – L’exemple sur lequel on raisonne surtout en droit civil, où la
question est ouverte, est la promesse de récompense : une personne publie dans un journal une
annonce par laquelle elle promet une récompense à celui qui lui rapporte un objet perdu. Est-elle
obligée si l’inventeur 1048 le lui rapporte ? Peut-elle révoquer sa promesse ?
Le Code civil allemand (BGB) consacre plusieurs dispositions à la question (§ 657 à 661). Les
deux premières sont les plus importantes : § 657 : « Celui qui promet par annonce publique une
récompense pour procéder à un acte, et notamment pour l’obtention d’un résultat, est tenu de
payer la récompense à celui qui a effectué cet acte, même si ce dernier a agi sans tenir compte de
cette promesse » ; § 658 : « La promesse de récompense peut être révoquée jusqu’à
l’accomplissement de l’acte. La révocation n’a d’effet que si elle est publiée de la même manière
que la promesse de récompense elle-même ou si elle est faite par un avis spécial ».
En apparence, le problème n’a guère de portée pratique ; la promesse de récompense n’est pas un
mécanisme important dans les relations sociales ou économiques ; en outre, la jurisprudence est
pauvre, ce qui laisse penser que l’enjeu est mince, dans la mesure où la jurisprudence serait un reflet
de la vie. Ces apparences sont illusoires ; beaucoup des résultats auxquels tendrait l’effet obligatoire
que l’on attacherait à l’engagement unilatéral sont plus ou moins atteints par d’autres institutions –
contrats, délits, quasi-contrats – dont les mécanismes sont alors faussés pour les besoins de la cause.
Le débat a été vif en doctrine, sans doute parce que sont en jeu les mécanismes essentiels de
l’obligation. L’histoire des idées peut en la matière se diviser en trois étapes : pendant le XIXe siècle,
la notion a été ignorée ; puis l’influence allemande entraîna au début du XXe siècle l’engouement des
auteurs ; aujourd’hui, la quasi-unanimité de la doctrine a une attitude prudente.
§ 2. SOLUTION
435. Contre et pour. – Contre et pour le caractère obligatoire de l’engagement unilatéral, peuvent
être présentés plusieurs arguments.
Il paraît difficile que l’acte unilatéral soit, de manière générale, une source d’obligations.
Politiquement, il est dangereux pour une personne d’être seule au moment où elle s’oblige : ne
risque-t-elle pas de s’engager à la légère ? Le consentement du cocontractant joue le rôle d’un
instrument de contrôle et de justification de l’engagement.
Il y a pourtant de bonnes raisons pour défendre le caractère obligatoire de la promesse de
récompense. Certains auteurs l’admettent, particulièrement en matière commerciale 1049. D’autres
ramènent la promesse de récompense à une autre institution : une offre de contrat ou un quasi-
contrat 1050 ; selon eux, le seul fait d’avoir entrepris les recherches nécessaires constituerait pour le
destinataire de la promesse l’acceptation tacite d’une offre, ce qui entraînerait la conclusion d’un
contrat. L’analyse relève de l’artifice. D’une part, celui qui promet une récompense n’offre nullement
de conclure un contrat de recherche de l’objet perdu : il ne veut qu’une chose, la restitution de son
objet, en contrepartie de laquelle il promet une récompense. D’autre part, comment admettre la
conclusion du prétendu contrat lorsque la promesse n’est connue qu’après la restitution de l’objet
perdu ? Un contrat ne se forme pas après son exécution, mais avant. Il est donc difficile de faire appel
ici à la notion de contrat qui, en outre, ne répond guère aux deux questions concrètes qui se posent.
1º La promesse est-elle révocable ? Non, semble-t-il, si un délai avait été précisé par son auteur ;
oui, dans le cas contraire ; c’est en effet une règle générale que les engagements à durée indéterminée
sont révocables. 2º La promesse oblige-t-elle son auteur ? Oui, certainement, si l’inventeur en avait
eu connaissance et si c’était à cette fin qu’il avait cherché l’objet perdu. Il en serait de même,
semble-t-il, si l’inventeur avait ignoré la promesse : le promettant est tenu de verser la récompense
promise du seul fait qu’un tiers lui a rapporté l’objet perdu ; l’engagement unilatéral est une source
générale d’obligations qui n’implique aucune acceptation de son destinataire, lequel se contente de
l’invoquer. Sa force obligatoire repose sur la volonté du promettant et la confiance légitime qu’il a
suscitée chez son destinataire 1051.
Certains droits étrangers, par exemple le droit américain, parviennent à un résultat comparable
par le biais de l’estoppel, qui protège la confiance légitime. Le droit français faisant reposer
l’obligation sur l’engagement volontaire du débiteur, il n’y a pas de raison de ne pas admettre
l’efficacité d’une telle volonté même lorsqu’elle n’est pas échangée avec celle d’un créancier.
L’article 1100-1 précise d’ailleurs que les actes unilatéraux « obéissent, en tant que de raison, pour
leur validité et leurs effets, aux règles qui gouvernent les contrats ». La principale difficulté est de
distinguer l’acte unilatéral créateur d’obligations de la simple déclaration d’intention. Seule une
manifestation claire de la volonté de s’engager, laquelle exige que la prestation promise soit au moins
déterminable et que son auteur ait voulu l’extérioriser, est de nature à créer une obligation.
SECTION II
CONVENTIONS NON OBLIGATOIRES
I. — Actes de courtoisie
437. Non-droit. – Il est des accords qui ne sont pas des contrats, parce que les parties n’ont eu
aucunement l’intention de se lier, d’entrer d’une manière quelconque dans une relation juridique : leur
accord ne relève que de la courtoisie. On est dans ce que Jean Carbonnier appelait le « non-
droit » 1055. De la même manière, les actes de simple tolérance ne peuvent fonder une usucapion
(art. 2262) ; ce sont des actes qu’une personne exerce sur le fonds d’autrui, en vertu d’une permission
gracieuse, toujours révocable, du propriétaire 1056.
Ainsi en est-il aussi de l’invitation à dîner qui a été acceptée. On voit mal l’inviteur se plaindre
en justice de ce que l’invité n’est pas venu en dépit de son acceptation, ni l’invité de la mauvaise
exécution du repas ; on trouve une situation semblable, bien que la teneur de la volonté soit un peu
plus consistante, dans la promesse familiale de cadeaux, par exemple, celle que fait un père à son fils
s’il réussit un examen : la promesse n’est pas juridiquement obligatoire.
SECTION III
AVANT-CONTRATS
443. Contrats préparatoires. – Les avant-contrats 1085 sont des
engagements qui préparent un contrat définitif. Ils sont divers car ils
n’ont pas tous la même finalité. Comme tout contrat, ils font naître des
obligations ; mais celles-ci sont différentes de celles qui naîtront du
contrat qu’ils préparent, si celui-ci vient à être conclu. Ils sont
obligatoires mais provisoires 1086.
En s’attachant au rapport avec le contrat qu’ils préparent, on peut en
distinguer trois catégories : ou bien les éléments du contrat définitif ne
sont pas totalement convenus ; ou bien ils le sont complètement ; ou
bien on est dans une situation intermédiaire. Cette classification
recoupe, à peu près, celle qui s’attache aux effets de l’avant-contrat.
1o) Parfois, l’accord des volontés se fait sans que soient encore
convenus tous les éléments essentiels du contrat définitif.
Ainsi, on se contente d’à peu près pour le contrat préliminaire à la
vente d’immeuble à construire, aussi appelé « contrat de réservation »,
où il suffit qu’il comporte les « indications essentielles » sur l’immeuble
et un « prix prévisionnel » : c’est une convention par laquelle le
constructeur-vendeur (le réservant) d’un immeuble à construire réserve
un appartement au réservataire, qui pourra ultérieurement décider de
l’acheter (CCH, art. L. 261-15). Ou bien encore le « pacte de
préférence » : une personne s’engage à proposer à une autre en priorité
de traiter avec elle pour le cas où elle déciderait de contracter
(art. 1123) ; l’ordonnance du 10 février 2016 a consacré la force
obligatoire d’une telle promesse acquise depuis longtemps en
jurisprudence, en donnant à son bénéficiaire une action en réparation si
le pacte n’est pas respecté et une action en nullité du contrat conclu avec
un tiers ou en substitution lorsque le tiers connaissait l’existence du
pacte et l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir ; ce que ce tiers
peut vérifier avant de traiter avec le promettant en interpellant le
bénéficiaire (art. 1123, al. 3 et 4) 1087. De même, la clause d’exclusivité
est l’engagement que prend un détaillant de se fournir exclusivement
chez tel grossiste ou tel fabricant ; elle doit être rapprochée de la clause
de monopole, qui est l’inverse, où un fournisseur prend l’engagement de
ne vendre ses produits qu’à un détaillant déterminé, qui bénéficie ainsi
d’un monopole.
Dans tous ces cas, le futur contrat n’est pas certain et ses éléments
essentiels, en particulier le prix, peuvent être indéterminés, ce qui
n’empêche pas l’avant-contrat de créer une obligation, au moins celle de
ne pas contracter avec autrui.
2o) Dans d’autres hypothèses beaucoup plus nombreuses, les
éléments essentiels du contrat que précède l’avant-contrat sont
convenus, mais ce contrat n’est pas encore conclu, pour diverses
raisons : soit la loi empêche sa formation immédiate ; soit les parties
entendent différer sa formation.
1º Dans la vente à domicile, certaines opérations de crédit mobilier et
certains contrats entre professionnels et consommateurs, doit s’écouler
après l’engagement un délai de sept jours pendant lequel le
consommateur peut résilier le contrat (C. consom., art. L. 312-24) ; de
même, l’emprunteur d’une somme destinée à un investissement
immobilier ne peut accepter une offre de crédit que dix jours après
l’avoir reçue (C. consom., art. L. 313-4). Ou bien encore, un essai peut
précéder la conclusion d’un contrat de travail (C. trav., art. L. 1231-1 et
L. 1225-1), ou d’une vente (que le C. civ. qualifie inexactement de vente
conditionnelle, art. 1558) 1088.
2º Plus souvent, la formation du contrat est différée par la volonté des
parties : soit qu’elles fassent dépendre la formation de la survenance
future d’un événement qu’elles jugent essentiel à la réalisation de
l’opération ; soit qu’elles entendent conférer à l’une d’elles, ou même à
chacune, le droit discrétionnaire de conclure ou non à l’expiration d’un
délai, ce que l’on appelle un droit d’option : telles sont la promesse
synallagmatique et la promesse unilatérale (infra).
3o) Enfin, il existe une troisième catégorie d’avant-contrats encore
plus diverse, destinée à régir les conditions dans lesquelles un éventuel
contrat pourra être conclu ; ainsi en est-il des « études préalables », des
« contrats-cadres » et des « accords préliminaires ».
Une étude précède souvent la conclusion d’un contrat ; par exemple un « examen du dossier »
pour une ouverture de crédit ; une « expertise » pour l’achat d’un immeuble ; un échange
d’informations pour un achat d’ordinateurs 1089 ; un « devis » pour un contrat d’entreprise 1090, etc.
Le contrat cadre est généralement conclu entre un fabricant et un détaillant afin de définir les
principales règles auxquelles leurs relations ultérieures, dites « contrats d’exécution » 1091, seront
soumises (art. 1111). Souvent à ce contrat s’ajoutent d’autres conventions – une clause d’exclusivité,
un prêt ou un contrat d’assistance. Selon les cas, il entraîne ou n’entraîne pas d’obligation de
contracter 1092. Le contrat cadre est source d’obligations distinctes de celles qui naîtront des contrats
d’application.
Les accords préliminaires ont pour objet l’engagement... d’assurer... le secret des informations
communiquées... l’exclusivité des études préalables... de déterminer le coût et la durée des
négociations... de ne pas mener de négociations parallèles... de fixer la procédure d’échange des
propositions et contre-propositions. Ces accords destinés à régir les négociations à venir sont
sources d’obligations de comportement (de faire et de ne pas faire), distinctes de celles que créent
les négociations 1093.
Les avant-contrats les plus élaborés sont la promesse unilatérale (§ 1)
et la promesse synallagmatique (§ 2).
I. — Analyse
§ 2. PROMESSE SYNALLAGMATIQUE
§ 3. PROMESSES CROISÉES
447. Deux promesses unilatérales croisées. – La pratique connaît des promesses unilatérales
croisées qui embarrassent la jurisprudence : « je promets de te vendre tel bien pour tel prix si tu
lèves l’option avant telle date » ; « je promets de t’acheter le même bien pour le même prix si tu
lèves l’option avant telle date ». La Cour de cassation y a vu parfois une promesse synallagmatique
valant vente 1110. Ce qui est contestable : il s’agit plutôt de deux promesses unilatérales, caduques si
l’option n’est pas levée à la date convenue 1111.
CHAPITRE III
PRINCIPES DIRECTEURS
SECTION I
LIBERTÉ CONTRACTUELLE
SECTION II
FORCE OBLIGATOIRE DU CONTRAT
§ 1. PRINCIPE
§ 2. ATTÉNUATIONS
453. Loi et juge. – 1º) De la force obligatoire du contrat il résulte que
les contractants sont liés par les obligations qu’ils ont voulues. Mais la
volonté n’a jamais eu en la matière un rôle exclusif. D’une part, ce que
la volonté a décidé n’est pas toujours obligatoire : elle peut se heurter à
l’ordre public ; l’article 1103 l’impose quand il se réfère aux contrats
« légalement » formés. D’autre part, la loi peut ajouter d’autres
obligations à celles qu’avaient voulues les parties, ainsi que le prévoit
l’article 1194 ; en outre, ce que l’on appelle souvent le forçage du
contrat conduit le juge à remplir les contrats d’obligations qui n’ont pas
été voulues par les parties, tantôt directement (tel contrat comporte telle
obligation, par exemple, de sécurité ou de mise en garde), tantôt sous
couvert d’interprétation 1142.
Une autre limite à l’article 1103 tient aux dispositions transitoires d’une loi nouvelle. En principe,
celle-ci ne régit pas les effets futurs d’un contrat conclu sous l’empire de la loi ancienne, par respect
de l’autonomie de la volonté. On constate cependant aujourd’hui qu’un grand nombre de lois
nouvelles se déclarent applicables aux contrats en cours : le respect de la volonté contractuelle vole
en éclats 1143.
2º) Une dernière atteinte à la force obligatoire du contrat et à sa
prévisibilité résulte du pouvoir modérateur du juge qui lui permet de
modifier les stipulations contractuelles excessives ou abusives. Notre
droit ne l’admet jusqu’ici qu’à l’égard des honoraires convenus dans un
contrat de service 1144, des clauses pénales, des délais de grâce et de la
règle contra non valentem 1145. En dehors de ces hypothèses, le juge doit
prêter la main à l’exécution du contrat, quelque déséquilibré qu’il lui
paraisse 1146.
Au contraire, le Code civil néerlandais abandonne le principe de la
force obligatoire du contrat : « Une obligation qui existe entre les
parties contractantes sera inapplicable tant que, dans les circonstances
données, ceci serait inacceptable du point de vue de la raison et de
l’équité » ; ce que la règle gagne en justice, elle le perd en sécurité : le
contrat devient imprévisible (cf. aussi la nouvelle conception américaine
du contrat 1147).
Enfin, l’extension des procédures collectives (redressement et
liquidation judiciaires, redressement judiciaire civil), qui permettent aux
tribunaux de modifier un contrat en cours, ruine directement la force
obligatoire des contrats.
455. Volonté interne ou déclarée ? – Un débat qui fut particulièrement vif à la fin du XIXe siècle,
sous l’influence allemande liée à l’adoption du BGB, opposa la tradition française attachée à la
volonté interne – la seule qui constituerait la substance de l’engagement – à l’apport nouveau de la
doctrine allemande : seule compterait en droit la déclaration de volonté, c’est-à-dire la volonté
extériorisée 1154. Le droit commercial, sensible à la sécurité des actes juridiques, s’attache souvent à
la déclaration de volonté, notamment pour les effets de commerce et le droit des marchés financiers.
Le droit civil y est moins sensible, mais il voit cependant dans le contrat un « acte de langage », ce
qui influence son interprétation. Plus généralement, la volonté déclarée est celle à laquelle peut se
fier le cocontractant : le respect de la confiance suscitée chez autrui, la reliance diraient les juristes
anglais ou américains 1155, explique le développement contemporain de plusieurs institutions.
SECTION III
BONNE FOI
SECTION I
ABSENCE DE NÉGOCIATIONS
SECTION II
NÉGOCIATIONS PRÉALABLES
465. Analyses. – La sociologie américaine contemporaine explique les négociations préalables
par la théorie des jeux ; il existerait dans la suite des propositions et contre-propositions des futurs
contractants une sorte de jeu, ensemble subtil de manœuvres, conscientes et inconscientes, afin de
gagner des assurances ou se prémunir contre des risques. La discussion du souk ou du bazar, telle
qu’elle est pratiquée en Afrique du Nord ou dans le Moyen-Orient, fait aussi apparaître l’aspect
ludique des échanges économiques. La psychologie française classique est plus simple ; elle analyse
en trois étapes la genèse d’un acte volontaire, allant de la conception à la décision en passant par la
délibération. La théorie juridique classique est encore plus dépouillée : elle se borne à distinguer la
discussion de l’engagement ; elle analyse la formation du consentement en une offre, parfois
dénommée pollicitation, suivie d’une acceptation ; la rencontre de l’offre et de l’acceptation constitue
le consentement 1212.
466. Punctation. – Ces deux étapes ne sont pas les seules. Il peut
arriver que le contrat se forme par degrés – point par point – ce qu’on
appelle la théorie de la punctation, d’origine allemande 1213. Pendant la
négociation, avant l’éventuelle conclusion du contrat, des écrits
successifs fixent les points sur lesquels les parties sont dès à présent
d’accord. Les écrits ont, selon la volonté de leurs auteurs, une portée
variable ; certains n’en ont aucune ; il s’agit de ce que l’on appelle
parfois « des documents de secrétariat » 1214. D’autres peuvent avoir des
conséquences juridiques.
D’abord et toujours, obliger les parties à ne pas remettre en cause ces accords « ponctuels ».
Parfois, obliger les parties à continuer à négocier. Parfois, si les accords avaient eu pour objet des
éléments essentiels du contrat, ils permettent de conclure le contrat définitif : le juge complète les
points secondaires. Telle est la conception des droits suisse et autrichien, pas celle du Code civil
allemand 1215. Sur le droit anglo-américain 1216. Selon le droit français, tout est affaire d’intention :
un défaut d’accord sur un élément secondaire, parfois n’empêche pas que le contrat soit
définitivement conclu 1217, parfois l’interdit 1218.
467. Diversité. – Ainsi, le droit contemporain a-t-il nuancé le schéma simple de l’analyse
classique : la conclusion d’un contrat, surtout s’il est complexe, peut prendre du temps. Une invitation
à entrer en pourparlers peut avoir été antérieure à l’offre ; la négociation peut avoir été longue et se
faire par étapes ; le contrat peut avoir été conclu par correspondance (ce que l’on appelle les contrats
entre absents), ou précédé par un avant-contrat. Même ainsi assouplies, les catégories juridiques sont
rigides et rendent mal compte de la diversité des situations de fait, notamment en raison des nuances
dont la volonté est susceptible.
Dans le droit classique, les règles relatives à la formation du contrat sont en général abstraites,
doublement abstraites : elles s’appliquent quelle que soit la nature du contrat en cause ; les qualités
d’offrant ou d’acceptant peuvent être indifféremment tenues par l’un ou l’autre des futurs contractants.
Sauf à l’égard de deux contrats, la donation et le mandat où, selon le Code civil, le donataire et le
mandataire sont les acceptants (art. 894 et 932 et s. ; 1984, al. 2 et 1985, al. 2). De même, la
législation contemporaine protectrice du consommateur confère au professionnel le rôle du pollicitant
et au consommateur celui d’acceptant ; par exemple, c’est le prêteur-professionnel qui « offre » le
crédit, l’emprunteur-consommateur qui « accepte », ce qui détermine, non tellement la partie qui a
l’initiative de l’affaire, mais celle qui en fixe l’économie 1219.
A déjà été exposé ce qu’est l’avant-contrat 1220. Restent les pourparlers
(§ 1), l’offre (§ 2), l’acceptation (§ 3), les contrats entre absents (§ 4) et
enfin les contrats conclus en la forme électronique (§ 5).
§ 1. POURPARLERS
§ 2. OFFRE
470. Droit allemand. – À la différence des droits latins et anglo-américains, l’offre (Angebot) lie,
en droit allemand, son auteur et est irrévocable pendant un certain temps, sauf si elle avait précisé
qu’elle n’était pas obligatoire (ex. : ohne obligo : sans obligation à notre charge : BGB, § 145) 1240.
Il existe de nombreuses espèces d’offres, qu’il est utile de distinguer
(I) afin d’en fixer le régime (II).
I. — Distinctions
Il est sans intérêt d’opposer l’offre tacite à l’offre expresse, alors qu’il
est utile de distinguer celle qui est faite au public ou à personne
déterminée, et surtout celle qui est faite avec ou sans délai.
II. — Régime
§ 3. ACCEPTATION
480. Acceptation partielle. – Dans les opérations de construction qui doivent se réaliser en
plusieurs tranches échelonnées dans le temps, une partie peut autoriser l’autre à commencer une
première tranche sans que pour autant le contrat n’ait été conclu ; l’autorisation partielle constitue un
premier contrat partiel.
§ 4. CONTRATS ENTRE ABSENTS
482. Commerce en ligne et formation du contrat. – Afin d’adapter le droit des contrats au
commerce électronique, la loi du 4 juin 2004 (« loi pour la confiance dans l’économie numérique »
dite loi LCEN I), modifiée par une ordonnance du 16 juin 2005, transposant non sans mal une
directive européenne du 8 juin 2000, a ajouté au Code civil les articles 1369-1 à 1369-3, devenus
depuis l’ordonnance du 10 février 2016 les articles 1125 à 1127-6, qui entendent assurer la sécurité
du commerce électronique et déterminer le particularisme que peut alors avoir la conclusion du
contrat 1292. Le principe est que l’écrit électronique est équivalent à l’écrit papier.
La loi définit le commerce électronique : « l’activité économique par laquelle une personne
propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services » (L.,
art. 14), c’est-à-dire des contrats proposés « en ligne » par un professionnel à ses clients – un autre
professionnel ou un consommateur.
L’offre électronique (art. 1125) doit exposer « les stipulations contractuelles » (bien sûr), puis
un certain nombre de conditions techniques propres à cette forme de communication (art. 1127-1) :
les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat ; les moyens techniques pour connaître et
corriger avant la conclusion du contrat les erreurs de transmission ; la ou les langues utilisées ; les
règles d’archivage ; les règles professionnelles ou commerciales auxquelles l’auteur de l’offre entend
soumettre le contrat.
L’acceptation est soumise au droit commun, plus une disposition particulière à la matière, le
« double clic », confirmation de l’acceptation (art. 1127-2) : le destinataire de l’offre accepte
d’abord la commande, puis après un accusé de réception par le professionnel, confirme sa
commande. Le législateur espère que seront ainsi évitées ou corrigées les erreurs de manipulation.
Enfin, une dernière règle modifie le régime de la formation des contrats à distance, en prévoyant
que « la commande, la confirmation de l’acceptation de l’offre et l’accusé de réception sont
considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès »
(art. 1127-2). Sur le formalisme dans le commerce électronique 1293.
494. Absence de consentement. – Le vice du consentement doit aussi être distingué de l’absence
complète de consentement lorsqu’aucune protection de l’incapable n’a été organisée 1296. Par
exemple, le contrat conclu par... un illettré 1297, ... un mourant qui se trouve dans l’impossibilité
d’avoir ou d’exprimer une volonté..., une personne ayant perdu l’usage de la raison à cause de
l’alcool, de la drogue ou de l’érotomanie, etc. Autrefois, le Code civil n’avait prévu cette situation
qu’à l’égard des libéralités (art. 901) ; néanmoins, les tribunaux avaient toujours décidé que, même à
l’égard des actes à titre onéreux, l’absence de consentement privait le contrat de tout effet.
Aujourd’hui, la question est réglée par l’article 1129 qui applique au contrat l’article 414-1
(L. 3 janv. 1968). « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent
en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte ».
La majorité des auteurs estime qu’il s’agit d’une règle de capacité 1298 parce que l’altération de
ces facultés présente une certaine permanence et l’incapacité a pour nature d’être durable et liée à la
personne. Mais la protection demeure occasionnelle, contrat par contrat ; en outre, la preuve de
l’altération du consentement est faite un peu de la même manière que celle du vice : on est à mi-
chemin entre la théorie des vices du consentement et celle de la capacité. Dès lors que la loi a
déterminé le régime de la nullité (art. 414-1 et 414-2), cette controverse n’a plus qu’un intérêt
académique, sauf en droit international privé où les lois applicables aux vices du consentement et à
la capacité ne sont pas les mêmes 1299.
La théorie des vices du consentement est délicate, parce qu’elle doit
résoudre une antinomie fondamentale. Elle tend à un double but de
justice et de sécurité et il peut y avoir une contradiction entre ces deux
exigences. Un but de justice, car elle se propose de protéger celui des
contractants dont le consentement n’a pas été parfaitement libre dans sa
volonté ni éclairé dans son intelligence. Un but de sécurité des
transactions, afin que n’importe quelle déception d’un contractant ne
ruine pas la stabilité des rapports contractuels ; or la déception est
fréquente, parce que le contrat est une anticipation et que la réalité des
prestations se révèle souvent différente de ce qu’avait imaginé une partie
lorsqu’elle a consenti au contrat.
SECTION I
VICES DU CONSENTEMENT PRÉVUS PAR LE CODE CIVIL
§ 1. ERREUR
497. Difficultés. – L’erreur (art. 1132 à 1136) est, des trois vices du
consentement du Code civil, le vice le plus souvent invoqué. Elle donne
lieu à une jurisprudence abondante, que la doctrine s’efforce
d’interpréter 1301 ; dans sa partie la plus contentieuse, la vente d’objets
d’art, un ouvrage a tenté de clarifier la question, souvent très subtile 1302.
L’état actuel du droit est contradictoire ; à certains égards, l’erreur est largement comprise, ce qui
porte atteinte à la sécurité des transactions ; à d’autres, elle est étroitement entendue, ce qui est
parfois injuste. Dans la vente, l’erreur de l’acheteur est souvent la conséquence d’un vice caché ; une
jurisprudence hésitante décide que la garantie des vices cachés est « l’unique fondement de l’action
exercée pour défaut de la chose vendue » 1303 ; lorsque l’erreur ne porte pas sur une défectuosité
intrinsèque compromettant l’usage de la chose, elle ne donne pas lieu à garantie 1304.
D’une manière générale, l’erreur consiste à se tromper, à croire qu’est
vrai ce qui est faux ou inversement. Utilisant un langage plus juridique,
on peut dire aussi qu’elle est le fait de se représenter inexactement
l’objet d’une obligation, ou bien, plus techniquement encore, qu’elle est
une discordance entre la volonté interne et la volonté déclarée.
498. Droit anglais : mistake et misrepresentation. – Des droits étrangers, le plus différent du
nôtre est le droit anglais, bien qu’il soit aussi imprécis 1305 ; il admet difficilement que l’erreur
permette la critique du contrat.
L’existence de deux corps de règles en la matière le rend particulièrement complexe. 1º) Il existe
une règle de Common Law, surtout sensible aux exigences du commerce, et une autre d’Equity,
surtout sensible à des préoccupations morales. Selon la Common Law, la mistake rend nul (void) le
contrat ; elle est constituée par une erreur-obstacle et ne résulte pas d’une erreur sur les qualités
substantielles, telles que l’authenticité d’un objet d’art. La situation est à peu près la même avec
l’exception non est factum, qui intervient afin de protéger une partie peu faite pour les affaires, qui
donne sa signature en se trompant gravement sur le contenu de l’engagement souscrit ; mistake et non
est factum ont, en pratique, une portée réduite. 2º) La misrepresentation est une notion d’Equity plus
large que la mistake ; elle suppose que le défendeur est responsable de l’erreur commise par son
cocontractant ou a profité d’une supériorité (undue influence) sur lui ; elle rend le contrat annulable
(voidable).
La question est de savoir pour quelles erreurs un contrat peut être
annulé.
Les erreurs indifférentes sont celles qui ne portent pas sur les qualités
essentielles, notamment celles qui sont relatives au motif ou à la valeur.
En outre, l’erreur essentielle est également indifférente pour des raisons
de loyauté du commerce lorsqu’elle est inexcusable ; l’erreur matérielle
entraîne quant à elle non la nullité du contrat, mais sa correction.
§ 2. DOL
508. Délit civil ou vice de consentement ? – Le dol est une manœuvre ayant pour but et résultat
de surprendre le consentement d’une partie (art. 1137 à 1139).
Il constitue de la part de son auteur une faute ; telle était l’idée que s’en faisait le droit romain, où
les actions nées du dol avaient pour objet de réprimer les actes malhonnêtes. Dans la conception que
le Code civil se fait des vices du consentement, il ne s’agit plus tant de sanctionner un délit civil que
d’apprécier le consentement de la victime du dol afin de savoir s’il a été altéré 1333. Il existe ainsi une
discordance dans le droit positif du dol, ce qui explique certaines des difficultés qu’il continue de
soulever. À quoi s’ajoute l’antinomie habituelle des vices du consentement : afin d’assurer la loyauté
des transactions, le dol devrait être largement compris ; au contraire, pour ne pas compromettre leur
sécurité, un contractant ne devrait être protégé que contre les ruses les plus caractérisées, à la
condition de surcroît que ce soit par son cocontractant qu’elles aient été ourdies.
En raison de cette double antinomie, la loi n’a fait du dol un vice du
consentement que si trois conditions ont été remplies : qu’il ait été
malhonnête (I), déterminant (II) et provienne du cocontractant (III).
Le droit pénal punit les tromperies sur les qualités substantielles de la
marchandise (C. consom., art. L. 441-1 et 454-1) ; à la différence du
droit civil, il est interprété restrictivement.
I. — Malhonnêteté
II. — Déterminant
514. Victime du dol et tiers. – La Cour de cassation a décidé que la victime d’un dol pouvait
invoquer la nullité du contrat vicié contre le tiers qui se prévalait du contrat 1361 s’il y avait eu une
collusion frauduleuse entre le tiers et le cocontractant 1362.
§ 3. VIOLENCE
518. Exploitation de la dépendance. – L’article 1143 introduit dans le Code civil un cas
particulier de violence, qui avait donné lieu à controverse 1370 : l’exploitation abusive de l’état de
dépendance de son cocontractant, ce qui ressemble à l’abus de faiblesse du droit pénal.
La jurisprudence avait admis que l’exploitation abusive d’une dépendance économique constituait
une violence, vice du consentement, si deux conditions étaient réunies : qu’il y ait eu exploitation de
la dépendance économique, afin d’obtenir un avantage indu 1371. De même, les règles sur la liberté de
la concurrence prohibent et annulent toute convention qui entraîne une « exploitation abusive d’une
position dominante » ou « de l’état de dépendance économique » (C. com., art. L. 420-2 et 420-3
codifiant Ord., 1er déc. 1986, art. 8 et 9, souvent modifiée), lorsqu’elle fausse le jeu de la
concurrence. La Cour de cassation avait aussi admis que l’exploitation de la faiblesse mentale
d’autrui constituait un vice du consentement quand elle avait causé une erreur importante 1372.
Le nouveau texte consacre cette jurisprudence en soumettant la nullité
à trois conditions : l’existence d’un état de dépendance, qui peut être
économique, mental, physiologique... ; un abus commis par l’une des
parties – le seul état de dépendance ne constituant pas un vice – se
traduisant par un acte de violence (menace, pression, contrainte...) ; un
avantage manifestement excessif, ce qui donne à cette violence une
tournure objective.
Comme les autres vices du consentement, la violence doit être
déterminante ; l’appréciation en est faite cas par cas, in concreto : tout
dépend des individus 1373 et des circonstances (art. 1130).
Elle doit avoir été l’œuvre d’une personne humaine, ce qui signifie
que la contrainte résultant des événements n’est pas une violence, vice
du consentement 1374. Dans certains cas, la loi a cependant admis la
réduction des engagements excessifs conclus dans un état de nécessité
(ex. : contrat de sauvetage maritime : L. 29 avr. 1916, puis L. 7 juill.
1967, art. 15).
§ 4. LÉSION ET EXCÈS
SECTION II
LÉGISLATION PROTECTRICE DU CONSOMMATEUR
521. Individualisme et société de consommation. – La théorie des
vices du consentement, telle que le Code civil l’a organisée, s’est révélée
d’un médiocre rendement social. Par rapport aux centaines de millions
de contrats annuellement conclus, les quelques vices du consentement
accueillis par les tribunaux sont dérisoires. Sans doute, la portée réelle
de la règle ne doit-elle pas être mesurée à ce chiffre : la simple existence
de la loi exerce un rôle préventif, dissuadant de commettre les dols ou
les violences les plus criants (le rôle prophylactique du droit).
Pourtant, il y a beaucoup de contrats dans lesquels le consentement n’est ni vraiment libre ni
vraiment éclairé et qui ne sont jamais annulés. La raison tient à la conception individualiste que le
Code civil se fait des vices du consentement, qui leur imprime des caractères généraux. D’une part,
ils doivent être invoqués en justice (art. 1178, ancien art. 1117) : sauf accord amiable entre les
parties, la nullité impose la voie contentieuse. D’autre part, ils doivent être prouvés par ceux qui les
allèguent.
Le développement de la société de consommation a incité le
législateur à protéger davantage les consommateurs. La séduction
qu’exerce la consommation, notamment au moyen de la publicité, a pour
conséquence que le consommateur se transforme en acquéreur ou en
emprunteur presque sans s’en rendre compte. Afin d’échapper à un
engagement qui n’aurait pas été pris de façon éclairée et réfléchie,
l’acquéreur ou l’emprunteur ne peut invoquer le dol, puisque la
tromperie commerciale est, sauf manœuvres caractérisées, un dolus
bonus ; pour qu’il y ait violence, il aurait fallu, au moins, qu’il y ait eu
des menaces, ce qui n’est pas le cas dans ce genre d’hypothèses.
Surtout, les conditions d’exercice de l’action en justice sont de nature à
dissuader beaucoup de consommateurs à saisir les tribunaux.
Inspiré par l’idéologie américaine, le législateur pose en postulat que le consommateur est
intelligent et libre lorsqu’il est informé, ce qui permettrait de se dispenser de droit, notamment de
droit pénal. Pourtant, pendant toute l’histoire des hommes, l’information et même l’éducation ne sont
jamais parvenues à supprimer les vices du caractère, de l’intelligence et de la liberté 1386. Sans doute,
avec la nature humaine aucun moyen n’est-il infaillible. Il demeure que l’information est plus efficace
sur les professionnels que sur les profanes : l’instruction ne réussit pas également pour tous. La
controverse n’est pas purement académique ; elle permet de décider si, dans son domaine, la
législation protectrice du consommateur laisse une place à la théorie classique des vices du
consentement.
En France, comme dans tous les pays industriels, le législateur est
intervenu afin de protéger le consommateur ; il l’a fait au coup par coup,
contrat par contrat, utilisant des méthodes apparemment nouvelles qui
retrouvent souvent les techniques juridiques du passé : celles de
l’information ou celles du repentir.
A. MENTIONS OBLIGATOIRES
B. APPARENCE ET TRANSPARENCE
543. Transparence. – Afin de faire respecter la liberté de la concurrence, la loi (Ord., 1er déc.
1986, modifiée, codifiée dans C. com., art. L. 441-2 et s.) impose ce qu’elle appelle la
« transparence », qui se traduit par un nouveau formalisme : le vendeur doit informer... les
consommateurs en publiant ses prix (art. 28) et en leur remettant une facture (art. L. 441-3)... les
revendeurs en leur communiquant ses tarifs et ses ristournes (art. L. 441-6) 1446.
Longtemps encouragée, car elle permit de moraliser le commerce, protéger le consommateur et
développer la concurrence, la transparence depuis un peu plus de dix ans devient un mal quand par
son excès, elle entrave la concurrence : l’échange d’informations entre concurrents peut constituer un
mode sournois d’entente dans un marché oligopolistique, justifiant une condamnation par le Conseil
de la concurrence.
IV. — Enregistrement
§ 2. FONDEMENT ET PORTÉE
545. Intérêt des parties, des tiers ou général ? – Les solennités ont
généralement pour fin la protection d’une partie au contrat, afin de lui
permettre d’exprimer sa volonté de manière libre et éclairée ; à cet égard,
elles se justifient par un intérêt privé. Le plus souvent, c’est pour
protéger les parties contre elles-mêmes. De même, les différentes
mentions obligatoires sont destinées à informer une partie sur ses droits
et obligations. La nécessité d’une solennité peut aussi avoir pour but la
protection des tiers ; ainsi en est-il de la subrogation consentie par le
débiteur, ou de la constitution d’hypothèque : l’intérêt de ces tiers
(autres créanciers) peut être lésé par l’acte, qui donne au subrogé ou au
créancier hypothécaire une préférence ; l’acte (son existence, sa date...)
doit donc être incontestable. Enfin, la solennité peut avoir pour but la
protection de l’intérêt général, par exemple de l’épargne publique.
La solennité peut donc avoir des buts variés, ce qui produit deux
conséquences : l’une sur sa sanction, l’autre sur la désolennisation.
546. Sanction. – Le fondement du formalisme devrait retentir sur la
sanction attachée à son inobservation. Les auteurs sont partagés, et le
droit n’est pas toujours net.
Flour, Aubert et Savaux lient la sanction du formalisme à sa
fonction 1447 : la nullité devrait donc être relative lorsqu’il s’agit d’une
forme protectrice d’une partie, absolue dans les autres cas. En ce sens,
des lois particulières prévoient que l’inobservation de la forme édictée
afin de protéger une partie ne pourra être invoquée que par une personne
déterminée et pendant un délai très court, ce qui est le régime de la
nullité relative (ex. : L. 29 juin 1935, art. 12, al. 2, pour la cession de
fonds de commerce, codifiée dans C. com., art. L. 141-1 ; CCH, art.
L. 261-11, al. 6, pour la vente d’immeuble à construire).
Dans d’autres cas, la loi ne précise pas la nature de la nullité ; par exemple, la loi de 1964 sur le
contrat d’intégration agricole se borne à énoncer que les mentions informatives du contrat sont
requises à peine de nullité sans dire s’il s’agit d’une nullité absolue ou relative. La Cour de cassation
a décidé qu’il s’agissait d’une nullité relative puisqu’il s’agissait de protéger le producteur
agricole 1448.
La solution est indiscutée lorsqu’il s’agit d’une solennité classique
(acte authentique ou écrit) 1449 : informe, le contrat ne peut produire
aucun effet. À l’inverse, dans la législation protectrice du
consommateur, le défaut d’une mention obligatoire destinée à protéger
l’une des parties 1450, ou le fait de verser une somme d’argent pendant le
délai de réflexion 1451, ou la méconnaissance du délai de réflexion imposé
à l’acceptation d’une offre de crédit immobilier 1452, ou la stipulation
d’intérêts usuraires 1453 sont sanctionnés par la nullité relative. La
sanction appropriée ne devrait d’ailleurs pas être la nullité, même
relative, mais la conversion par réduction 1454 ou la possibilité de prouver
facilement un vice du consentement 1455.
547. Désolennisation et promesse de contrat. – 1º) Cette incertitude explique aussi la
« désolennisation » des actes juridiques. La jurisprudence, ancienne et nouvelle, manifeste une
certaine hostilité à l’encontre des solennités, plus grande lorsqu’elles sont fondées sur un intérêt
privé que lorsqu’elles se rattachent à la protection des tiers.
Par exemple, l’article 931, afin de protéger le donateur, prescrit, à peine de nullité, que la
donation soit faite par acte notarié. Néanmoins, la jurisprudence admet depuis longtemps la validité
des donations passées en une autre forme. D’une part, la donation déguisée est généralement valable ;
il s’agit d’une donation où la libéralité prend mensongèrement la forme d’un acte à titre onéreux (ex. :
vente au donataire, où est secrètement stipulé que le prix ne sera pas payé). D’autre part, est
également valable le don manuel ; il s’agit d’une donation où le donateur remet au donataire un
meuble de la main à la main ; (mais les tribunaux annulent la promesse sous signature privée de don
manuel, dont la forme n’assure aucune protection au donateur). Il ne reste pas grand-chose de
l’article 931.
2º) La « désolennisation » atteint aussi les solennités fondées sur la protection des tiers, mais à un
moindre degré. Ainsi, la jurisprudence admet-elle la validité de la promesse d’hypothèque sous
signature privée, mais le refus de s’y conformer ne peut être sanctionné que par des dommages-
intérêts ; il est impossible au tribunal de juger que sa décision vaudra acte constitutif d’hypothèque,
parce que la constitution d’une hypothèque ne peut être faite que par acte notarié (art. 2416) : c’est la
conséquence de son caractère solennel 1456. Au contraire, si le promettant d’une promesse unilatérale
de vente d’un immeuble refuse de tenir son engagement, le juge peut décider que son jugement tiendra
lieu d’acte de vente : la validité de la vente d’immeuble n’est pas subordonnée à son caractère
notarié 1457.
SECTION I
FORMALITÉS
SECTION II
PREUVES
II. — Exceptions
La règle comporte des exceptions. Parfois, l’exception est plus sévère (A). Généralement, elle est
plus indulgente et écarte l’exigence de l’écrit, ce que la jurisprudence a largement compris afin
d’assouplir la légalité des preuves et la primauté de l’écrit (B).
A. SÉVÉRITÉ
562. Toujours un écrit. – De nombreux textes spéciaux limitent plus étroitement les modes de
preuve. Ainsi, l’écrit est nécessaire pour prouver certains contrats, même si leur valeur est inférieure
au chiffre auquel se réfère la loi : par exemple, le bail qui n’a pas reçu exécution (art. 1715) ; pour la
location de locaux à usage d’habitation (lato sensu), la loi du 6 juillet 1989 impose dans tous les cas
un écrit (art. 3). L’exigence est parfois plus minutieuse : ainsi, quand on demande à la Sécurité
sociale le remboursement de médicaments, l’acquisition ne peut en être démontrée aux fins de
remboursement qu’au moyen de vignettes spéciales.
Au contraire de ces exigences paperassières que le droit contemporain
développe fébrilement existe une tendance à la libéralisation des
preuves.
B. INDULGENCE
Les formes de l’acte sous signature privée sont simples (A) ; aussi, sa
force probante est-elle limitée (B).
A. FORMES
572. 2º) Contrats unilatéraux : mention spéciale. – Naguère, pour les contrats unilatéraux
portant sur une somme d’argent ou une « chose appréciable », l’article 1326 ancien exigeait que le
débiteur eût de sa main écrit, ou tout l’acte sous signature privée, ou la mention « Bon pour » suivie
de la somme ou de la quantité en toutes lettres. La règle avait pour but d’empêcher la fraude
d’aigrefins : s’il n’existait qu’un seul original remis au créancier, on pouvait craindre que celui-ci
modifiât le chiffre porté sur l’instrumentum ; l’écriture du débiteur est plus difficile à contrefaire.
Ce régime a été simplifié par les lois du 12 juillet 1980 et du 13 mars
2000 sur la signature électronique : il ne s’applique plus seulement aux
contrats unilatéraux, mais aussi aux engagements unilatéraux. De plus,
il suffit qu’outre la signature, la somme d’argent ou la quantité de biens
fongibles promise soit écrite par le débiteur lui-même en lettres et en
chiffres. En cas de différence entre la lettre et le chiffre, la lettre
l’emporte, comme en matière de chèque 1514 (pourtant, certains se
trompent plus facilement sur une somme en lettres que sur celle en
chiffres) (art. 1376).
Le Code Napoléon prévoyait que l’acte, ou du moins la mention, devait être écrit de la « main »
du débiteur : c’était donc un acte « manuscrit ». Pour permettre de conférer une force probante aux
écrits électroniques, les lois de 1980 et de 2000 n’imposent plus que l’acte soit écrit de la « main du
débiteur » : le formalisme est désormais limité à la mention qu'il doit avoir écrit « par lui-même », et
non plus nécessairement « de sa main ». La règle ne s’applique pas seulement aux écrits
électroniques, mais à tous les actes sous signature privée constatant un contrat unilatéral, par exemple
dactylographiés 1515.
La formalité de la mention ne s’impose que pour les engagements et
contrats unilatéraux ayant pour objet une somme d’argent ou un bien
fongible ; ainsi en est-il du cautionnement et du mandat conféré pour se
porter caution 1516. Elle n’est exigée ni pour les contrats synallagmatiques
ni pour les actes extinctifs tels qu’une renonciation 1517. Comme
l’exigence du double original, celle de la mention écrite constitue une
règle de preuve dont la méconnaissance n’entraîne pas la nullité du
contrat 1518 : l’acte qui en est dépourvu vaut commencement de preuve par
écrit et peut être complété par des éléments extérieurs à l’acte,
matériellement et intellectuellement 1519. Elle est écartée en matière
commerciale (C. com., art. L. 110-4) 1520.
Si l’acte sous signature privée est contresigné par un avocat, l’exigence d’une mention manuscrite
est écartée (L. 31 déc. 1971, art. 66-3-3, issu de la loi du 28 mars 2011) : cela vaut-il pour la
mention spéciale de l’article 1376 ? Certains le pensent. En sens contraire, on peut faire valoir que la
mention prescrite par l’article 1376 n’est plus, depuis la loi du 13 mars 2000, une mention
« manuscrite ». En outre, le contreseing de l’avocat sur l’instrumentum remis au créancier ne peut
empêcher une altération ultérieure de l’acte.
B. FORCE PROBANTE
573. 1º) Origine. – L’origine d’un acte sous signature privée écrit sur
papier ne présente aucune certitude : il est possible que la signature soit
un faux. Aussi ne suffit-il pas de produire ce genre d’acte pour que le
juge soit obligé de le tenir pour signé par celui auquel on l’oppose. Si le
débiteur reconnaît sa signature, il ne peut la mettre en doute (art. 1372).
Au contraire, s’il la dénie ou si ses héritiers déclarent ne pas la
connaître, le créancier doit en démontrer la sincérité par une procédure
particulière, la vérification d’écritures, où le juge apprécie (art. 1373 ;
C. pr. civ., art. 287 et 298) 1521 ; il n’y procède pas s’il trouve dans la
cause des éléments de conviction suffisants 1522.
C’est une faiblesse de l’acte sous signature privée papier qui a, néanmoins, « l’avantage de
substituer à la preuve malaisée d’un droit la preuve plus facile d’une écriture » 1523.
Lorsque l’acte sous signature privée a été établi en la forme électronique, la signature peut avoir
été certifiée selon des formalités précises qui la présument « fiable » (art. 1367) 1524 : l’acte sous
signature électronique certifiée se voit ainsi curieusement reconnaître une plus grande force probante
que l’acte sous signature privée papier 1525.
De même, si l’acte sous signature privée est contresigné par un avocat, les parties ne peuvent se
contenter de dénier leur signature ; si l’une d’elles prétend ne pas être l’auteur de la signature, elle
doit déclencher une procédure de faux « prévue par le Code de procédure civile » (?) (art. 66-3-2,
L. 31 déc. 1971, issu de la L. du 28 mars 2011).
574. 2º) Contenu. – La force probante d’un acte sous signature privée
souffre d’une seconde faiblesse. Il ne fait preuve que jusqu’à
démonstration du contraire : il est permis à une partie de prouver contre
et outre un écrit ; mais il faut un autre écrit (art. 1359) 1526, même s’il
s’agit d’un écrit électronique. Sur la preuve de la simulation 1527.
577. Date certaine, suite et fin : inutilité. – Aujourd’hui, la loi et la jurisprudence écartent
souvent l’exigence d’une date certaine ; ainsi en est-il, et traditionnellement, en matière commerciale
(C. com., art. L. 110-4) 1542. En outre, la loi commerciale, en raison de la bancarisation de nombreux
actes, présume qu’est exacte la date des documents adressés par ou à la banque 1543. La jurisprudence
écarte aussi, de temps à autre, cette exigence à l’égard des quittances 1544.
II. — Acte authentique
580. Acte contresigné par avocat. – En 2010, les avocats avaient, avec vivacité, demandé la
création d’un nouveau type d’acte à la force probante renforcée, l’« acte d’avocat » qui aurait une
force probante spécifique, comparable à celle de l’acte authentique. Le notariat s’y était opposé avec
la même vivacité, faisant valoir plusieurs arguments : seul l’État (et ses officiers publics) peut
conférer une force probante renforcée à un acte juridique ; le notariat est soumis à un contrôle
étatique et à une responsabilité, incompatibles avec l’indépendance revendiquée par les avocats ;
aucun pays ne connaît cet acte d’avocat ; les justiciables risquent de ne pas comprendre la spécificité
de ces actes et leurs différences avec l’acte authentique 1551...
Le législateur est intervenu : la loi du 28 mars 2011, tout en refusant de créer l’acte d’avocat, a
assorti l’acte sous signature privée contresigné par avocat(s) de certains avantages : dispense de la
mention manuscrite, force probante de la signature des parties dont l’origine ne peut être déniée, sauf
incident de faux ; mais cet acte demeure sous signature privée : il n’a pas de date certaine et n’est pas
doté de la force exécutoire (art. 1374) 1552.
SECTION I
LA PRESTATION
§ 1. CERTITUDE
§ 2. DÉTERMINATION
§ 3. LICÉITÉ
601. Tabous. – L’article 1128 ancien disposait qu’« il n’y a que les
choses qui sont dans le commerce qui puissent être l’objet de
conventions ». Bien que l’on dise aujourd’hui souvent le contraire,
aucune société ne peut survivre sans tabous ; certains viennent du fond
des âges et sont constants ; d’autres varient d’une époque à l’autre 1568.
Bien que l’ordonnance n’ait pas repris ce texte, la règle demeure en
vertu de l’article 1128, 3º, et 1162.
Ainsi, le domaine public, les fonctions publiques et les investitures politiques 1569 sont
incessibles, ainsi que le corps humain, en raison de son caractère presque sacré 1570. La règle est en
recul ; ainsi, la loi permet le don du sang ; de même, le prélèvement d’organes humains en vue de
greffes thérapeutiques sur l’être humain, plus facilement admis lorsqu’ils sont pris sur un cadavre
(L. 22 déc. 1976, Décr., 31 mars 1978) ; la loi autorise aussi le don du sperme et d’ovocytes
(C. santé publ., art. L. 1244-1) ; les lois du 29 juillet 1994 sur la bioéthique et leurs révisions
élargissent ces règles et entraînent une « progressive réification » de la personne, notamment de
l’embryon 1571 ; du respect d’antan subsiste l’interdiction de contrepartie pécuniaire ; il ne s’agit donc
plus d’objet illicite, mais de contrat onéreux : la cession d’un organe humain n’est nulle que si elle
est lucrative. Les sépultures sont hors du commerce, mais peuvent faire l’objet de conventions, ce qui
paraît contradictoire 1572. De même, les choses dont l’administration interdit le commerce (L. 18 juill.
1983, art. 2) 1573 ou les marchandises contrefaites 1574. Pendant longtemps, les cessions de clientèle
civile, notamment médicale, avaient aussi été jugées incessibles ; désormais, elles sont licites si la
liberté de choix du patient est sauvegardée 1575.
De même encore, ont un objet illicite les contrats conclus dans
l’exercice illégal d’une profession réglementée (notaires, huissiers,
avocats, architectes...) 1576.
SECTION II
LA CONTREPARTIE
604. Feu la théorie de la cause. – L’un des aspects les plus controversés de la réforme du droit
des contrats est la suppression de la théorie de la cause 1589, particularité française que de nombreux
pays influencés par le droit français avaient adoptée et à laquelle nombre d’auteurs étaient attachés,
bien que chacun la comprît de manière différente. La polysémie du terme « cause », qu’explique son
histoire, avait conduit à en faire un instrument souvent imprévisible de police du contrat entre les
mains du juge. L’ordonnance a supprimé le terme même de « cause », qui avait pris deux sens très
différents, l’un et l’autre eux-mêmes différents de ce que l’on entend par « cause » dans la langue
commune. Par « cause », celle-ci désigne l’origine d’un phénomène ; en ce sens, la cause de
l’obligation contractuelle est l’engagement volontaire du débiteur ; c’est un truisme sans
conséquence. Dans la langue juridique, le terme « cause » avait pris au fil du temps deux autres sens,
qui commandaient deux séries de règles différentes : en premier lieu, le sens de « motif » ou
« mobile » de l’engagement (parfois appelé « cause du contrat »), qui désignait la finalité du contrat
dans l’intention des parties et était retenu par l’ancien article 1133 afin d’éliminer les contrats
destinés à tourner les exigences de l’ordre public et des bonnes mœurs ; en second lieu, celui de
« but » de l’obligation (parfois appelé « cause objective » ou « cause finale » ou « cause de
l’obligation »), qui n’avait pas à être indiqué dans l’engagement (art. 1132 anc.), mais dont
l’existence était une condition de validité de l’obligation, s’ajoutant au consentement (art. 1131
anc.) ; Domat avait beaucoup contribué à l’appauvrissement de la théorie de la cause en ramenant
celle-ci à la contrepartie convenue dans les contrats synallagmatiques. L’ordonnance a d’abord banni
du Code civil un terme aussi ambigu ; dans son premier sens, celui de motif ou mobile de
l’engagement, le terme cause est remplacé par celui de « but » du contrat (art. 1162) 1590 ; dans son
second sens, celui de finalité de l’obligation, le terme cause est remplacé par celui de
« contrepartie » (art. 1169). Puis l’ordonnance a décidé de ne plus faire de l’existence de la cause,
dans ce second sens, une condition de validité de l’engagement, qui serait appréciée distinctement du
consentement. Cette réforme simplifie le droit français, le rapproche de plusieurs droits étrangers, en
particulier allemand, et restaure une certaine sécurité contractuelle.
À moins d’être l’œuvre d’un fou, une obligation implique toujours, en
la personne du débiteur, la considération d’un but : l’engagement du
débiteur est un moyen de l’atteindre. Toute obligation est donc, en
principe, causée par un but. La question est de savoir quelles
conséquences le droit attache à l’existence et à la nature de la cause.
Deux systèmes sont concevables.
1º) Soit l’obligation implique, outre le consentement du débiteur,
l’existence et la licéité d’une cause. Pour s’obliger, il ne suffit pas de
l’avoir voulu, il faut aussi une cause licite, appréciée distinctement du
consentement. Par conséquent, même s’il l’a voulue, le débiteur pourra
se soustraire à l’obligation en opposant au créancier l’absence de cause
ou la cause illicite. Tel était le système du droit français, celui de
l’obligation causée (anciens art. 1108, al. 4 et 1131) jusqu’à la réforme
du 10 février 2016.
2º) Soit l’obligation vaut par le seul consentement du débiteur ; c’est
« la promesse qui fonde par elle-même l’obligation » (BGB, § 780). Le
débiteur est obligé parce qu’il l’a voulu ; il ne peut se dégager en
invoquant l’absence de cause. Tel est le système de l’obligation
abstraite 1591.
Aucun système de droit étranger ne repose entièrement sur l’obligation abstraite. La cause illicite,
d’abord, joue partout un rôle comparable à celui qu’elle avait en droit français. L’obligation
purement abstraite, insusceptible de répétition, n’existe, ensuite, que de façon exceptionnelle, même
en droit anglais et dans les droits germaniques. Mais la question est de savoir si l’on fait de la cause
une condition de naissance de l’engagement aux côtés de la volonté du débiteur, ou si l’on sanctionne
seulement a posteriori l’engagement qui n’a pas de contrepartie. L’ordonnance du 10 février 2016
adopte ce second parti.
Désormais, la cause n’est plus une condition de formation du contrat
(art. 1128). Mais un contrat à titre onéreux est nul si la contrepartie
convenue est « illusoire ou dérisoire » (art. 1169) ; ce qui correspond à
ce que l’on appelait jusqu’à la réforme l’absence de cause.
SECTION III
LE BUT DU CONTRAT
C. PREUVE DE L’ILLICÉITÉ
612. Preuve. – Il appartient à celui qui prétend que le but est illicite
de le démontrer. Par conséquent, c’est sur le débiteur que pèse la charge
de la preuve, car c’est lui qui a intérêt à faire annuler le contrat 1623. La
règle est évidente ; ce qui a été discuté, ce furent les moyens de preuve
qui pouvaient être utilisés afin de le démontrer.
En général, le demandeur peut le faire par tous moyens ; le droit français a abandonné ici le
système de la preuve intrinsèque que la jurisprudence avait un moment admis pour établir l’illicéité
des actes à titre gratuit : il n’est pas nécessaire que les motifs illicites ressortent des termes mêmes
de l’acte. La preuve peut être extrinsèque : la démonstration que la cause est illicite peut être faite
par tous les moyens.
I. — Bonnes mœurs
C. EFFETS
653. 3º) Extension conventionnelle. – Inversement, les contractants peuvent soumettre leur
convention à une loi d’ordre public – de direction ou de protection – qui, autrement, ne leur eût pas
été applicable : il y a extension conventionnelle de l’ordre public 1655. Ainsi, la Cour de cassation a
admis que les parties pouvaient soumettre leur convention à une loi publiée, non entrée en
vigueur 1656. L’irrespect de la loi dont le domaine a été conventionnellement élargi n’est pas
sanctionné par la nullité du contrat, mais par sa résolution ; il s’agit en effet de l’inexécution d’une
obligation contractuelle, non de la violation d’une règle relative à la formation du contrat ; or, en
matière de résolution, le juge a plus de pouvoirs que lorsqu’il prononce une nullité 1657.
667. Comme si. – La résolution d’un contrat synallagmatique pour cause d’inexécution 1666 ou
l’accomplissement de la condition résolutoire 1667 produisent le même effet que la nullité (art. 1178,
al. 2) : le contrat est anéanti, rétroactivement s’il s’agit de la survenance d’une condition résolutoire
(art. 1304-7) ou de la résolution d’un contrat instantané (art. 1229) ; tout doit se passer comme si les
prestations n’avaient pas été exécutées.
La nullité et la résolution ont un fondement différent, voire opposé. La nullité suppose un vice
originaire tenant à la formation du contrat. Au contraire, la résolution intéresse un acte valable ; elle
est la conséquence d’un fait postérieur à la conclusion du contrat : l’inexécution de ses obligations
par une partie. L’accomplissement de la condition résolutoire résulte aussi d’un événement postérieur
à la rencontre des volontés. Les conditions d’exercice de ces critiques d’un contrat sont parfois
différentes ; ainsi, le juge a plus de pouvoirs lorsqu’il s’agit de résolution que pour la nullité. Mais,
dans leurs effets, nullité, résolution et accomplissement de la condition résolutoire anéantissent de la
même manière rétroactive le contrat.
II. — Inopposabilité
III. — Rescision
670. Lésion. – La différence entre la nullité et la rescision tient à une contingence historique
aujourd’hui disparue, ce qui explique qu’elle soit maintenant niée. Dans l’Ancien droit, certaines
nullités étaient prononcées, non par les tribunaux ordinaires (les parlements), mais par la
Chancellerie (sorte de ministère de la Justice) qui délivrait des « lettres de rescision ».
On prononce aujourd’hui le mot de rescision uniquement lorsqu’il s’agit d’une nullité prononcée
pour cause de lésion. Peut-être parce qu’il s’agit d’une nullité exceptionnelle que la loi a admise
« comme à regret » 1681 : non seulement son exercice est soumis à des conditions difficiles
(notamment, le délai de prescription est très bref), mais aussi le bénéficiaire de la lésion peut couvrir
le vice en réparant la lésion (on parle du « rachat de la lésion ») 1682.
IV. — Inexistence
673. Diversité. – Apparemment, la nullité est rationnelle : le contrat, n’ayant pas été
régulièrement conclu, ne devrait produire aucun effet. Il conviendrait de faire comme s’il n’avait
jamais existé, en revenant au statu quo ante.
Cette analyse est insuffisante : la nullité dépend d’une politique législative, à cinq points de vue.
1o Elle est grave ; la loi essaye de la raréfier, notamment en favorisant la consolidation des actes
irréguliers. 2o Elle a pour effet, par sa simple perspective, de décourager de l’accomplissement
d’irrégularités ; si les justiciables savent que le contrat qu’ils envisagent de conclure est destiné à
être annulé, ils en seront dissuadés. 3o La loi doit avoir pour but d’inciter à dénoncer l’illicéité : il
faut que celui qui demande la nullité y trouve un intérêt. 4o L’énergie de la nullité devrait être
variable selon l’importance de la règle violée. 5o Il existe d’autres manières d’assurer l’efficacité
d’une règle impérative que le prononcé de la nullité (conversion par réduction, responsabilité,
sanctions pénales...) 1685.
Le droit français n’a pas tiré toutes les conséquences de cette dernière idée : il n’a pas une
casuistique de la nullité, dont le régime varierait avec chaque loi. Il s’est borné à poser des
catégories simples. La plus classique distingue les nullités relatives et les nullités absolues
(art. 1179). Les plus récentes (art. 1184) distinguent d’une part la nullité totale et la nullité partielle ;
d’autre part, la nullité et la clause réputée non écrite ; elles intéressent les effets de la nullité. Les
efforts entrepris pour assouplir ce cadre ont longtemps échoué, car ils présentaient l’inconvénient de
la complication ; le droit n’est une règle d’action efficace que s’il est simple. Mais ces discussions
théoriques commencent à influencer la jurisprudence.
§ 1. PRINCIPES GÉNÉRAUX
697. 2º) Nullité conventionnelle ? – Il est possible aux parties de se mettre d’accord afin de
constater elles-mêmes la nullité de leur contrat ; il s’agit d’une nullité amiable, dite encore nullité
conventionnelle (art. 1178). Cependant, cette nullité est équivoque (cf. aussi la résolution
amiable) 1689.
La « nullité amiable » ne serait une nullité véritable que si celle-ci existait déjà, en fait, comme
dans le cas de l’inexistence : la convention de nullité amiable tirerait les conséquences d’un état
préexistant, elle la constaterait comme le prévoit l’article 1178. Mais il arrive qu’elle soit en réalité
une nouvelle convention, ayant pour objet de détruire les effets d’un premier contrat parfaitement
valable. Aussi, le droit fiscal traite-t-il d’acte nouveau la nullité amiable (CGI, art. 1961, al. 2) 1690.
De plus, il est douteux, en droit civil, que l’effet rétroactif de la nullité convenue soit opposable aux
tiers intéressés (actes d’administration ou de disposition), en raison de la relativité des conventions
(art. 1199), ce qui priverait la nullité amiable d’une grande partie de son intérêt.
Le plus souvent, la nullité impose un recours au juge dont l’office soulève deux questions : 1 Quel
est son pouvoir d’appréciation ; en d’autres termes, la nullité est-elle une nullité de droit ou une
nullité facultative ? 2 Quel est son pouvoir d’initiative ; en d’autres termes, peut-il soulever d’office
la nullité ou celle-ci doit-elle avoir été demandée ?
699. 4º) Office du juge. – Sauf accord entre les parties, il n’y a
nullité que si le juge l’a prononcée ; le juge ne peut se saisir lui-
même. Lorsqu’il est saisi, on hésitait autrefois à lui permettre de
soulever d’office une nullité, fût-elle d’ordre public, à cause de
l’attachement que l’on portait alors au principe de neutralité du juge.
Désormais le juge peut soulever d’office une nullité, même relative 1693, à
la condition de respecter le principe du contradictoire (C. pr. civ., art. 2
et 16).
Lorsqu’il s’agit du droit de la consommation, la question a longtemps opposé la Cour de
cassation, pour laquelle le juge ne pouvait le soulever d’office 1694 et la CJCE 1695. Depuis la loi du
3 janvier 2008, le droit français s’est conformé au droit communautaire.
I. — Conséquences
B. EXTINCTION
703. Acte ancien, acte nouveau. – 1º) Dans la rigueur des principes,
la confirmation doit être distinguée de la réfection ; la confirmation
consolide un acte ancien, nul par hypothèse, tandis que la réfection
constitue un acte nouveau qui, sans rétroactivité, se substitue à un acte
ancien. La distinction est parfois difficile à appliquer.
2º) Le titulaire de l’action en nullité relative peut confirmer le contrat
nul quand il a connaissance du vice infectant l’acte et que ce vice a
disparu (art. 1182 ; anc. 1338, al. 1). La confirmation peut être tacite et
résulter de l’exécution volontaire de l’acte en connaissance de la cause
de nullité (art. 1182, al. 3) 1707. Elle expurge l’acte de sa nullité
originaire ; ainsi en est-il de l’acheteur qui a commis une erreur et veut
maintenir son contrat lorsqu’il a compris la méprise qu’il avait faite (cet
acte est unilatéral) 1708. La confirmation rend valable l’acte irrégulier ;
l’effet est rétroactif au jour de l’acte entre les parties, non à l’égard des
tiers ou des ayants cause à titre particulier d’une des parties 1709.
On estimait jadis que la confirmation était un moyen de valider le contrat nul en réparant le vice
dont il était infecté. Naguère, une autre analyse a été proposée 1710 : la confirmation serait une
renonciation au droit de critiquer l’acte nul. La confirmation désigne peut-être deux institutions
différentes. La première, qui implique un acte confirmatif, est une réitération de l’acte nul qui
l’expurge de son vice ; par exemple, l’acheteur victime d’un vice du consentement, redonne son
consentement en toute connaissance de cause. La seconde, plus conforme à la conception moderne de
la nullité et que semble avoir adopté l’article 1182, est une renonciation à l’action en nullité, sans que
l’acte vicié soit réparé ; il s’agit alors d’un acte abdicatif, qui dresse un obstacle – une fin de non-
recevoir, comme la prescription – à l’exercice de l’action ; cet obstacle peut résulter du
comportement du titulaire de l’action en nullité, par exemple de l’exécution volontaire du contrat
vicié en connaissance de cause, que vise l’alinéa 3 de l’article 1182 1711 ; à cet égard, la confirmation
évoque l’estoppel des droits anglais et américain : l’acte nul n’est pas réparé, mais le titulaire de
l’action en nullité ne peut plus, en exerçant celle-ci, contredire le comportement qu’il a adopté en
exécutant volontairement l’acte. Ceci suppose qu’il puisse disposer de l’action en nullité, ce qui est
le cas seulement lorsque la règle violée protégeait son intérêt ; c’est-à-dire en cas de nullité relative.
Cette analyse explique aussi qu’une règle d’ordre public de protection puisse faire l’objet d’une
confirmation. Le caractère d’ordre public de la règle ne permettait pas aux parties de l’écarter
volontairement ; l’acte est donc entaché de nullité. Mais postérieurement à l’acte et à la naissance de
l’action en nullité, la personne protégée par la règle impérative violée peut renoncer à critiquer cet
acte, à condition qu’il s’agisse d’un ordre public de protection.
3o) La nullité disparaît aussi en cas de régularisation : après sa
conclusion est apporté à l’acte l’élément qui manquait à sa validité 1712 ;
ainsi en est-il de l’octroi tardif d’une autorisation administrative
nécessaire à la validité d’un acte. La régularisation a un particularisme
lorsqu’elle est l’œuvre d’un tiers ; faite par les parties, il est difficile de
la distinguer de la réfection ou de la confirmation.
4o) On distingue parfois la confirmation de la ratification, par laquelle une personne s’approprie
l’acte fait par une autre au nom de la première sans en avoir reçu le pouvoir ; le Code civil les
assimilait (anc. art. 1338 et 1340) 1713.
704. Nullité absolue ; ordre public de protection ; nullité
temporaire. – Le principe, qui longtemps n’avait pas comporté de
limites, était que la confirmation n’intéressait que les nullités relatives.
Mais la distinction entre les nullités relatives et les nullités absolues ne
s’applique plus maintenant avec rigueur, d’une part parce qu’elle
s’adapte mal à l’ordre public de protection, d’autre part en raison des
développements de la réfaction, de la régularisation et de la nullité
temporaire.
L’essentiel de la règle demeure. 1º Un contrat infecté de nullité
absolue ne peut être confirmé 1714, parce qu’il n’est pas possible de
renoncer à une action en nullité absolue 1715. 2º Seule la nullité relative
est susceptible de disparaître par confirmation.
Cependant, l’interdiction d’accepter une offre de crédit immobilier avant l’expiration du délai
légal de réflexion est sanctionnée par une nullité relative (qualité des personnes pouvant agir), mais
n’est pas susceptible de confirmation 1716. Un acte peut être refait, qu’il soit infecté d’une nullité
relative ou absolue. De même, la régularisation s’applique surtout à certains actes atteints de nullité
absolue 1717. La confirmation est possible si la cause de la nullité est temporaire. Ainsi en est-il de
certaines causes de nullité du mariage 1718 et du licenciement des femmes enceintes (C. trav., art.
L. 1225-4, L. 12 juill. 1978) : le licenciement, pour irrégulier qu’il ait été, produit ses effets s’il est
renouvelé après la période protégée (quelques semaines après l’accouchement).
L’ordonnance du 10 février 2016 a introduit dans le Code civil la
possibilité pour une partie de demander par écrit à celle qui pourrait se
prévaloir de la nullité soit de confirmer la nullité, soit d’exercer l’action
dans le délai de six mois à peine de forclusion (art. 1183). Cette
interpellation, que le rapport au président de la République qualifie
d’« action interrogatoire » alors qu’elle ne s’exerce pas en justice 1719, est
destinée à permettre de purger un contrat de la menace d’une action en
nullité. Elle ne s’applique qu’aux nullités relatives, puisqu’elle peut
déboucher sur une confirmation. Le texte précise que la cause de nullité
doit avoir cessé 1720. Il est probable qu’une telle action, louable dans son
principe, sera peu souvent exercée, car elle comporte des dangers.
b) Prescription
La prescription n’a pas la même durée selon que la nullité est
invoquée par une action : il s’agit d’une demande (1o), ou par une
exception : il s’agit d’une défense (2o).
1o Action
§ 1. ÉTENDUE
719. Discussion. – Les deux premières méthodes ont chacune leurs inconvénients.
Par exemple, l’indexation d’un bail : supposons qu’un bail conclu en 2014 pour 9 ans soit indexé
sur un indice illicite. Il ne paraît pas bon de prononcer la nullité intégrale du contrat ; cette
perspective dissuaderait le locataire de contester l’indexation, ce qui n’est pas de bonne politique. Il
ne paraît pas bon non plus de réputer non écrite la clause d’indexation ; pendant 9 ans, le loyer ne
pourrait être modifié malgré une instabilité monétaire, ce qui n’est pas juste. La théorie classique des
nullités est inadaptée à l’ordre public économique.
Toute nullité partielle aboutit à une modification forcée du contrat. Le critère de l’élément
« déterminant » est souvent artificiel, car dans la volonté des parties, le contrat est un tout. En réalité,
il s’agit de savoir si le contrat peut être exécuté abstraction faite de la clause illicite (critère
objectif), puis, si c’est le cas, de sanctionner le bénéficiaire de la clause en l’en privant, s’il est
l’auteur de l’illicéité ; comme l’avait relevé Philippe Simler, la nullité partielle est souvent une
sanction ; ce que sous-entend le nouvel article 1184 al. 2 : le contrat est maintenu « lorsque les fins
de la règle méconnue exigent son maintien ». Le choix entre nullité partielle et nullité intégrale est
donc dominé par des considérations de politique juridique, plutôt que de logique. Ce qu’accentue
encore le développement contemporain de la clause « réputée non écrite ».
D’autres méthodes existent : la réduction et la substitution.
720. Réduction de l’excès et substitution de clause. – 1º) Une réduction est préférable à la
nullité chaque fois que l’illicéité tient à un excès 1761. Par exemple, le taux d’intérêt usuraire
(L. 28 déc. 1966, art. 5 ; C. consom., art. L. 314-6), le loyer excessif (L. 1er sept. 1948, art. 35), la
durée excessive d’un pacte de réméré (C. civ., art. 1660), la clause de non-concurrence
excessive 1762, la clause de pénalité de retard excessive 1763, la durée excessive d’un louage
d’emplacement publicitaire 1764 ; la durée excessive d’une clause d’exclusivité 1765.
2º) Parfois, il est possible de substituer une clause licite à une clause illicite. Par exemple,
l’indexation du fermage (art. L. 411-11), mais la loi pose des conditions de délai ; la durée minimum
du bail rural (C. rur., art. L. 411-5) ; les clauses illicites dans les contrats de travail 1766 et
d’assurance. De même, si manque la mention du taux effectif global de l’intérêt dans le prêt d’argent,
la nullité de la stipulation du taux d’intérêt a pour conséquence de rendre applicable le taux légal 1767.
C’est surtout à l’égard de l’indexation conventionnelle qu’on s’est demandé si le juge pouvait
substituer une clause licite à une clause illicite 1768. Pendant longtemps, la Cour de cassation l’avait
interdit, sauf si cette substitution était conforme à la volonté des parties ; aujourd’hui, au contraire,
elle décide que la substitution est la règle 1769, sauf volonté contraire manifeste des parties.
I. — Rétroactivité
II. — Restitutions
A. PRINCIPE
B. TEMPÉRAMENTS
Ces tempéraments sont relatifs aux fruits (a), aux incapables (b) et
aux sûretés (c).
a) Fruits
b) Incapables
c) Sûretés
726. Des contrats réels à l’ensemble des restitutions. – À l’égard des contrats réels tels que le
prêt consenti par un non professionnel, la nullité laisse subsister l’obligation de restituer la chose
prêtée. La nullité du contrat ne peut en effet effacer la remise de la chose et la nécessité de sa
restitution. Elle n’en affecte que les modalités conventionnelles (terme, intérêts...). La Cour de
cassation en avait déduit que les sûretés qui garantissaient le remboursement du prêt demeuraient
après la nullité affectées à la restitution de la somme prêtée 1796.
L’ordonnance du 10 février 2016 a étendu cette règle à l’ensemble des
contrats, comme si l’obligation de restituer se substituait à l’obligation
d’exécuter le contrat. Les sûretés sont « reportées de plein droit » (une
subrogation réelle légale ?), mais la caution conserve le bénéfice du
terme ; elle ne pourra être poursuivie qu’au moment où l’obligation
annulée serait devenue exigible (art. 1352-9).
III. — Responsabilité
728. Dommages-intérêts. – La nullité du contrat peut causer un
préjudice à celui qui avait compté sur lui, par exemple en raison des
frais qu’il avait engagés dans une étude de marché ou du fait qu’il
n’avait pas conclu un autre contrat qui lui eût été profitable. Le
contractant auquel la nullité est imputable doit réparer ce dommage, si
sa faute est démontrée 1806. La faute n’est pas le refus d’exécuter le
contrat irrégulier ni le fait d’en avoir demandé la nullité ; elle remonte
plus loin : elle consiste à avoir contracté en connaissant les vices du
contrat. Le préjudice consiste dans les frais engagés en pure perte et
dans la perte de la chance de conclure un autre contrat valable et
avantageux, si une telle chance existait.
Si seul un contractant ignore ces vices, il sera indemnisé de tout son préjudice 1807. Si les deux
contractants connaissent la cause de la nullité et ont néanmoins contracté, ce qui est le cas du contrat
illicite et immoral, il doit y avoir partage de responsabilité. Cette responsabilité présente un
caractère délictuel 1808.
754. Parties et tiers. – Une fois conclu, le contrat doit être exécuté.
La distinction entre la formation et l’exécution du contrat traduit une
hiérarchie : l’exécution dépend de la formation. Le principe est qu’il
oblige les parties, non les tiers. C’est là une façon rudimentaire
d’exposer la règle ; il faut aussi en expliquer la teneur, la portée et la
sanction et notamment dire qui sont les parties et les tiers. Seront donc
étudiés en deux sous-titres, la force du contrat entre les parties (Sous-
titre I) et son domaine d’efficacité (Sous-titre II).
SOUS-TITRE I
FORCE DU CONTRAT ENTRE LES PARTIES
§ 1. RÉVOCATION
I. — Droit ancien
761. Respect de la volonté des parties. – Parmi les nombreuses analyses « volontaristes »
proposées, seules deux seront retenues : la clause rebus sic stantibus et la théorie de la cause.
1º) L’analyse traditionnelle, d’abord proposée pour les traités
internationaux, est la suivante : le traité serait conclu avec la clause
tacite rebus sic stantibus, tant que les choses resteront en l’état ; si
apparaissent des circonstances imprévues des parties, le traité devrait
être caduc. L’analyse est artificielle ; le contrat est toujours une emprise
sur l’avenir ; il est toujours, plus ou moins, aléatoire ; les contractants se
lient pour l’avenir, parce qu’ils spéculent sur lui (v. toutefois, la clause
hardship 1829). De plus, cette clause sous-entendue abouti à la caducité,
non à la modification, du contrat.
2º) On a alors fait appel à la théorie de la cause ; lorsqu’après la
conclusion du contrat l’équilibre des prestations est rompu, l’une des
prestations n’aurait plus de cause, puisque la contre-prestation ne lui est
plus équivalente. Mais la nécessité de la cause, à supposer qu’elle
s’impose après la formation du contrat, ne signifie pas que la contre-
prestation doive être l’équivalent réel de la prestation ; il suffit qu’elle
soit l’équivalent tel qu’il a été voulu par les contractants. De plus,
l’analyse, ici encore, déboucherait sur la caducité du contrat, et non sur
sa révision judiciaire 1830.
Ces analyses reposent sur le souci de respecter la volonté
contractuelle, cœur de la force obligatoire du contrat. Mais à une
volonté supposée, reconstituée, présumée, on peut faire dire une chose
et son contraire. Premier raisonnement : les parties ont accepté le risque
de l’imprévu, puisqu’elles n’ont rien prévu ; second raisonnement : si
elles n’ont rien dit, c’est qu’elles n’ont pas envisagé un éventuel
changement des circonstances.
Dans trois cas, le contrat peut, depuis toujours, être révisé en cours
d’exécution à la suite du changement des circonstances : soit parce que
les parties l’avaient prévu dans leur contrat, soit parce que la loi
l’imposait, soit parce que les parties avaient le devoir de renégocier le
contrat 1831 en raison de l’obligation de l’exécuter de bonne foi (art. 1104,
anc. art. 1134, al. 3) 1832.
762. 1º) Conventions. – Certaines clauses permettaient la révision, en cours d’exécution du
contrat, des prestations promises. Elles étaient surtout relatives au prix, lorsque son paiement était
différé. Par exemple, dans une vente où le prix n’est pas payé comptant mais à terme ; ou dans un
bail, où le loyer était payable à échéances périodiques.
En combattant le déséquilibre contractuel, ces clauses soulevaient d’autres difficultés 1833. Elles
ne devaient, ni rendre indéterminé l’objet du contrat 1834, ni remplacer un déséquilibre contractuel par
un autre, ni entraîner une instabilité économique généralisée en provoquant une réaction en chaîne.
1º La stipulation la plus courante est une clause à variation
automatique, dite d’échelle mobile ou d’indexation ; le prix varie selon
les fluctuations d’un indice convenu, par exemple le prix du blé ou celui
du pétrole. Sa licéité est soumise à des règles particulières 1835. Le
système est plus simple que celui de la révision judiciaire : il évite le
contentieux, puisque la modification du prix se fait par une règle de
trois.
D’autres clauses de révision sont moins automatiques et obligent les parties à négocier à nouveau
le contrat si, en cours d’exécution, des éléments essentiels à son équilibre viennent à changer (prix
des fournitures et des salaires, charges fiscales, données politiques). Ce genre de clauses montre que
la distinction entre la formation et l’exécution du contrat tend à s’estomper : le contrat doit alors être
refait en cours d’exécution 1836. On considère parfois, notamment aux États-Unis, que les procédures
de renégociation sont devenues essentielles aux contrats à long terme 1837.
2º Ainsi, la clause de sauvegarde (en anglais hardship) 1838 d’origine
américaine, surtout pratiquée dans les contrats internationaux à longue
durée (par ex. : la vente de pétrole ou les ouvertures de crédit en
euromonnaie) ; elle apparaît aussi dans certains contrats internes tels
que les conventions collectives de travail 1839. Les contractants s’obligent
à renégocier le contrat, lorsqu’à la suite de circonstances extérieures –
par exemple une hausse ou une baisse des prix importante sur le marché
mondial –, les prestations contractuelles deviennent profondément
déséquilibrées : c’est, en quelque sorte, une clause rebus sic stantibus
perfectionnée. Cette nouvelle négociation doit être faite de bonne foi 1840.
Les propositions doivent donc être sérieuses et présentées dans des
délais raisonnables (que souvent le contrat précise) à peine d’engager la
responsabilité des parties. La clause fait parfois intervenir un
observateur, un juge ou un organisme professionnel 1841.
763. 2º) Loi et juge. – Dans des hypothèses devenues nombreuses, la loi révise des contrats en
cours d’exécution soit directement, soit en confiant au juge le pouvoir d’y procéder. Elle a surtout
pour objet les contrats de longue durée. Dans l’instabilité générale, le contrat cesse d’être un îlot de
stabilité.
La loi ne s’inspire pas tellement de considérations d’équité, ce qui est
le souci essentiel de la théorie de l’imprévision, mais de contingences
économiques et sociales ; elle assouplit la force obligatoire du contrat
en le soumettant à un dirigisme autoritaire.
Voici deux exemples : la révision des rentes viagères (L. 25 mars
1949, très souvent modifiée), et celle des baux commerciaux (Décr.
30 sept. 1953, lui aussi très souvent modifié) ; la révision du contrat par
la loi suppose une intervention législative incessante.
Dans le premier exemple, la dépréciation monétaire a pour effet de réduire les ressources sur
lesquelles compte le crédirentier ; aussi, presque chaque année, le législateur majore les rentes
viagères selon des taux qui varient avec la date de naissance de la rente. Par exemple, pour les rentes
constituées avant le 1er août 1914, le taux actuel (arrêté du 23 décembre 2014) est de 106 428,20 % ;
pour les rentes constituées en 2013, la majoration est de 0,50 %. On mesure l’énormité de la
dépréciation monétaire depuis 1914 et le retour à la stabilité depuis que la France a adhéré à l’euro
(1998).
La révision des baux commerciaux constitue un autre système, à la fois judiciaire et triennal.
Tous les trois ans, si l’une des parties le demande, le loyer doit suivre les fluctuations de l’indice du
coût de la construction (C. com., art. L. 145-38) ou de la valeur locative fixée par le juge.
Ce système s’applique même si la rente ou le loyer avaient été indexés par les parties.
3º) La fixité du contrat, en dehors de ces hypothèses, demeurait le
principe. Cependant, le juge ou l’arbitre n’était pas sans armes. S’il ne
pouvait directement modifier un contrat devenu déséquilibré, il y
parvenait indirectement en usant soit des ressources de l’interprétation,
soit du principe de bonne foi dans l’exécution du contrat (anc. art. 1134,
al. 3), en jugeant qu’était fautif le contractant qui refusait de renégocier
le contrat. Il est arrivé qu’il condamne les parties à ouvrir une
renégociation 1842. Plusieurs auteurs l’y encourageaient 1843.
L’ordonnance de réforme du droit des contrats consacre ce remède,
auquel elle ajoute la révision judiciaire.
§ 1. NOTION
§ 2. EFFETS
767. Parties et tiers. – L’article 1201 (anc. art. 1321) oppose les
parties contractantes aux tiers. Ne sont donc certainement pas tiers les
parties à la convention ou leurs successeurs universels 1851 : ces
personnes sont liées par la force obligatoire du contrat 1852. Ne sont pas
non plus des tiers au sens de ce texte les personnes complètement
étrangères à la convention, tiers absolus, penitus extranei, auxquels la
simulation est parfaitement indifférente. Reste une catégorie
intermédiaire : ceux auxquels les effets du contrat sont opposables et
qui ont intérêt à en invoquer l’existence et le contenu, soit parce qu’ils
ont acquis de l’une des parties l’objet du contrat : les ayants cause à
titre particulier 1853 ; soit parce que le contrat modifie l’étendue de leur
droit de gage : les créanciers chirographaires 1854.
§ 1. RECHERCHE DE LA VOLONTÉ
§ 2. FORÇAGE DU CONTRAT
780. Preuve. – Pendant longtemps, la règle était que c’était au créancier (la victime) de faire la
preuve que le professionnel n’avait pas exécuté son obligation 1937.
Puis, la Cour de cassation a décidé que c’était au professionnel de
prouver qu’il avait informé son client 1938. Fondée sur l’ancien
article 1315, cette jurisprudence s’applique à tous les débiteurs d’une
obligation particulière d’information. La preuve de l’existence de cette
obligation incombe à la victime 1939, celle de son exécution est à la charge
du débiteur 1940. L’article 1112-1, alinéa 4 consacre cette répartition de la
charge de la preuve. Cette preuve, qui est celle d’un fait, peut être faite
par tous moyens 1941.
La responsabilité du débiteur de l’information ou du conseil n’est
engagée, conformément au droit commun, que si le créancier démontre
l’existence d’un préjudice 1942.
781. Nature. – Des auteurs et la loi (C. consom., art. L 111-1, L. 17, mars 2014) estiment que les
obligations d’information, de conseil et de mise en garde constitueraient des obligations
précontractuelles, donc extracontractuelles. Certes, elles ne sont pas un effet du contrat, identique aux
obligations de délivrance ou de garantie, car elles s’exécutent au moment même de la formation du
contrat. D’autres font une distinction entre l’obligation de renseignements, qui serait précontractuelle
et intéresserait donc la formation du contrat, et le devoir de conseil, qui serait un effet du contrat dont
la méconnaissance entraînerait la résolution 1943. D’autres distinguent entre l’obligation de conseil qui
serait en général précontractuelle et l’obligation de mode d’emploi ou de mise en garde qui serait, au
contraire, relative à l’exécution du contrat. Ces distinctions sont si subtiles qu’elles sont difficilement
applicables.
On mesure à nouveau combien est parfois légère la distinction entre formation et exécution du
contrat. Ainsi, il est des cas où le devoir de conseil est en même temps antérieur et postérieur à la
formation du contrat. D’une manière générale, l’obligation de renseignements relève à la fois de la
formation et de l’exécution. Parfois, sa méconnaissance entraîne la nullité du contrat, par exemple,
dans le cas de la réticence dolosive 1944 ou dans la législation protectrice du consommateur 1945 ; à cet
égard, elle est une règle de formation du contrat. Le plus souvent, son irrespect a pour conséquences
une responsabilité contractuelle 1946 ; à cet égard, elle est un effet du contrat. Parfois même, elle fait
naître une responsabilité extracontractuelle, comme dans le cas du notaire ; à cet égard, elle est
étrangère au contrat. Enfin, le dommage corporel causé par une chose dangereuse relève d’une
responsabilité unifiée, ni contractuelle ni délictuelle, quelle que soit la qualité de la victime, acheteur
ou tiers 1947. Ces subtiles différences n’ont pas beaucoup de conséquences pratiques. La notion
d’obligation légale paraît la mieux adaptée à ce phénomène de « forçage » du contrat.
L’obligation d’information n’est pas toujours une obligation accessoire. Elle peut être l’objet
principal d’un contrat, tel un contrat de conseil, qui fait naître, lui aussi, une obligation de moyens ;
cependant, la faute du professionnel est facilement admise 1948.
788. Res inter alios acta. – Les personnes sur lesquelles le contrat
produit ses effets sont déterminées par le principe de l’effet relatif des
contrats 1949, qu’énonçait, jusqu’à la réforme du 10 février 2016, un texte
célèbre du Code civil, l’ancien article 1165 : « Les conventions n’ont
d’effet qu’entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au
tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l’article 1121 » ;
ce « cas » était la stipulation pour autrui 1950. Texte qui ne faisait que
reprendre un principe énoncé par les commentateurs médiévaux du droit
romain (les glossateurs) : res inter alios acta neque nocere neque
prodesse potest (la chose convenue entre les uns ne profite ni ne nuit
aux autres). Le nouvel article 1199 énonce de manière moins élégante
mais plus précise : « Le contrat ne crée d’obligations qu’entre les
parties. Les tiers ne peuvent ni demander l’exécution du contrat ni se
voir contraints de l’exécuter, sous réserve des dispositions de la
présente section (en pratique, la stipulation pour autrui) et de celles du
chapitre III du titre IV (en pratique, les actions oblique et directe) ». Et
le nouvel article 1200 d’ajouter, ce que ne faisait pas le Code civil avant
cela : « Les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le
contrat. Ils peuvent s’en prévaloir notamment pour apporter la preuve
d’un fait ».
On trouve des règles analogues dans tous les systèmes juridiques. Ainsi, en droit anglais, sous le
nom de privity of contracts : un contrat ne peut ouvrir d’action contre ou au profit d’un tiers. Principe
qui, aujourd’hui, comporte des exceptions aussi nombreuses et relevant d’une casuistique aussi
difficile que chez nous. D’une part, il arrive qu’un contrat confère une action contre un tiers ; ainsi, le
fait d’inciter un débiteur à violer son obligation constitue un acte illicite 1951. D’autre part, il arrive
qu’un contrat confère une action à un tiers 1952.
Le principe a été longtemps considéré comme une vérité d’évidence : chacun s’occupe de ses
affaires, pas de celles des autres 1953 ; ou, en d’autres termes, puisqu’on n’est lié que parce qu’on l’a
voulu, on n’est créancier ou débiteur que si on l’a voulu. Il paraissait donc l’expression d’une
nécessité qui s’imposait rigoureusement ; en réalité, il était dépendant d’une civilisation
individualiste. Plus les rapports sociaux sont devenus imbriqués, plus il a connu des tempéraments
sur lesquels on a tellement insisté pendant l’entre-deux-guerres qu’on avait considéré que n’avait
aucune valeur « le prétendu principe de l’effet relatif des contrats » 1954, ce qui était exagéré.
L’exacte signification du principe énoncé aux articles 1199 (anc.
art. 1165) et 1200 dépend du sens donné à deux mots : celui d’effets des
conventions (§ 1) et celui de tiers (§ 2).
789. Inventaire. – Les contrats produisent des effets variés. Les uns
se limitent aux relations des parties, les autres sont destinés à les
déborder. La conclusion du contrat, son existence même sont d’abord
un fait, qui s’impose à tous 1955. Ensuite le contenu du contrat est varié et
intéresse plus ou moins les tiers : création d’obligations... ; transfert
d’un droit préexistant : vente, donation, échange, cession de créance,
subrogation... ; création d’un droit réel : constitution d’hypothèque ou
de servitude ou d’une fiducie... ; création d’un groupement : contrat de
société ou d’association... ; collation d’un pouvoir de représentation :
mandat ; ... déclaration, confirmation ou modification d’un droit
préexistant : partage ou transaction. Le plus souvent, un contrat associe
plusieurs de ces effets : la vente, par exemple, produit à la fois un effet
translatif et un effet obligatoire (paiement du prix, délivrance,
garantie...) ; le mandat à la fois donne au mandataire un pouvoir de
représentation et crée des obligations, s’imposant à lui et au mandant ;
la transaction, déclarative quant aux droits litigieux, peut aussi être
translative d’autres droits réels ou personnels... Cette combinaison rend
complexe la question. Elle oblige à distinguer entre les différents effets
du contrat.
Trois principes rendent compte des effets du contrat à l’égard des
tiers : la relativité du contrat lui-même, la relativité de ses effets
obligatoires, l’opposabilité des autres effets.
790. 1º) Relativité du contrat. – Quel que soit leur but, les parties
ne peuvent convenir que d’un objet dont elles ont la maîtrise. La
relativité du contrat lui-même est une question de puissance : ainsi, il
est impossible de transférer un droit réel appartenant à autrui ou qu’un
tiers confère un pouvoir de représentation d’une partie, de même qu’il
est impossible de lui imposer une obligation ou de lui opposer un acte
déclaratif 1956.
En voici une application : lorsqu’un contrat est conclu pour autrui par une personne dépourvue du
pouvoir d’agir pour une autre, ou bien celle qu’elle est censée engager ratifie la convention, elle se
transforme alors en partie, ou bien elle ne la ratifie pas, la convention est alors inefficace à son
égard 1957. Sous ce premier aspect, l’article 1199 pose une règle de bon sens et ne comporte aucune
exception, sauf celle des accords collectifs 1958.
§ 2. TIERS
794. 1º) Hétérogénéité. – Si les tiers étaient tous ceux qui n’ont pas
échangé leur consentement, la catégorie se trouverait composée de
personnes aussi différentes que... les penitus extranei, étrangers à la
convention et à l’une ou l’autre partie... les créanciers chirographaires,
qui ont sur le patrimoine des parties un droit de gage général... les
ayants cause universels, à titre universel ou à titre particulier, qui ont
une relation avec elles... les cessionnaires du contrat, qui leur succèdent
dans le rapport contractuel... les représentés par l’un des contractants...
La catégorie serait tellement compréhensive, composée de tant d’éléments hétérogènes, qu’elle ne
servirait à rien. Il serait impossible de dégager une règle générale d’effets des conventions à l’égard
des tiers ainsi conçus.
La seule catégorie nettement délimitée est celle des tiers absolus,
penitus extranei, totalement étrangers à la convention et à l’une ou
l’autre partie. Il est certain que le contrat ne produit aucun effet
obligatoire à leur égard. En réalité, la question ne se pose même pas,
puisque, n’ayant aucun contact avec la convention ou les parties, ils
n’auront jamais ni à souffrir ni à bénéficier de l’obligation contractuelle.
Les autres tiers, en revanche, sont en relation avec l’une des parties.
C’est en raison de ce rapport (d’obligation ou de succession, à titre
particulier ou universel) qu’ils peuvent être au contact de la convention.
A. CRÉANCIERS CHIROGRAPHAIRES
SECTION I
REPRÉSENTATION
802. Histoire et fondement. – Dès que Rome a cessé d’être une petite bourgade rurale et
bourbeuse et a connu une activité commerciale, s’était imposée la nécessité d’intermédiaires pour
conclure des actes juridiques. Le droit romain a eu de grandes difficultés à admettre que le débiteur
fût une autre personne que celle avec laquelle le créancier s’était physiquement engagé, car
l’obligation avait alors un caractère personnel, et l’acte juridique était le plus souvent soumis à un
formalisme rituel. Aussi la représentation n’était-elle réalisée que par des expédients, dont le mandat,
où l’intermédiaire restait tenu de l’opération passée pour le compte d’autrui, ce qu’ultérieurement on
a appelé la représentation imparfaite. Ce fut surtout le commerce maritime qui l’a développée 2004.
L’essor économique de la fin du Moyen Âge et l’activité pontificale exercée par l’intermédiaire
des légats ont entraîné une renaissance de la représentation, essentiellement par le mandat. Ce ne fut
qu’à la fin du XVIIe siècle que fut admise la représentation parfaite, où le mandataire n’était pas lié
s’il avait agi au nom du mandant et dans la limite de ses pouvoirs.
À partir du XIXe siècle, on a essayé, non sans mal, de justifier la représentation. Personne
aujourd’hui ne recourt plus à l’idée de fiction à laquelle le XIXe siècle se référait souvent. On ne
l’explique pas non plus par la volonté du représentant. Quand la représentation est conventionnelle,
on s’attache plutôt à la volonté du représenté. Quand la représentation est légale ou judiciaire, on
s’attache à la volonté de la loi qui prend en compte les intérêts du représenté.
La représentation 2005
est un mécanisme par lequel une personne
conclut un contrat pour le compte d’autrui, en vertu d’un pouvoir que
lui a donné le représenté, la loi ou une décision judiciaire. Elle facilite
le développement de l’activité juridique, car elle permet à une personne
d’accomplir des actes juridiques sans être présente, ce qui lui permet de
démultiplier son activité. Elle permet aussi d’agir pour le compte d’une
personne privée de l’expression de sa volonté. Elle dépasse les
applications qu’en a faites le Code civil : représentation légale des
incapables, représentation judiciaire des absents et des époux (les unes
et les autres sont des représentations familiales) et surtout mandat
conventionnel.
De la représentation d’une personne doit être distinguée l’expression de la volonté d’une
personne morale par son organe : on parle de représentation dans ce cas également car l’organe rend
présente (re-présente) la personne morale ; mais celle-ci n’a pas d’autre moyen d’être présente ;
l’organe participe à la formation même de sa volonté ; l’altérité caractéristique de la représentation
fait ici défaut ; par conséquent, les pouvoirs de l’organe relèvent de la loi et des statuts. Le régime
ordinaire de la représentation ne devrait pas s’appliquer, sauf parfois par analogie, aux relations
entre l’organe et la personne morale. L’organe peut être lui-même représenté suivant les modes
ordinaires de la représentation.
L’ordonnance du 10 février 2016 a édicté un régime général de la
représentation 2006 indifférent à sa source légale, conventionnelle ou
judiciaire (art. 1153 à 1161).
La représentation est parfaite (§ 1) ou imparfaite (§ 2), selon que le
représentant fait ou non connaître celui pour le compte de qui il agit.
Dans la représentation parfaite, les effets de l’acte accompli par le représentant se produisent
directement dans le patrimoine du représenté. Il y a substitution totale d’une personne à une autre,
différente d’autres substitutions ultérieurement étudiées, telles que la cession de créance ou de
contrat : ici, les droits ne sont jamais nés sur la tête du représentant. Au contraire, dans la
représentation imparfaite, les choses ne sont pas si simples, à ce point qu’on a pu douter qu’il
s’agisse véritablement de représentation 2007.
§ 1. REPRÉSENTATION PARFAITE
I. — Conditions
§ 2. REPRÉSENTATION IMPARFAITE
I. — Conditions
II. — Effets
SECTION II
STIPULATION POUR AUTRUI
I. — Histoire
A. GENÈSE
808. Nemo alteri stipulari... – Dans le droit romain primitif, la stipulation pour autrui était
interdite, pour trois raisons. D’abord, un principe fondamental, la personnalité des effets du contrat :
les droits et obligations ne pouvaient exister qu’entre les contractants, ils ne pouvaient avoir aucune
conséquence sur les tiers. Dans l’ancien droit romain, les rapports contractuels se nouaient dans un
milieu fermé, où créancier et débiteur se connaissaient par des relations de famille ou d’amitié : les
qualités personnelles de l’un et de l’autre constituaient donc les éléments déterminants du contrat ; on
ne pouvait concevoir qu’il produisît effet sur un tiers. En second lieu, le contrat était formaliste et ne
pouvait lier que les personnes ayant accompli les formalités rituelles. En troisième lieu, le stipulant
ne paraissait avoir aucun intérêt à ce que le promettant s’engageât envers autrui ; là où il n’y avait pas
d’intérêt, il n’existait pas d’action ; là où il n’y avait pas d’action, il n’existait pas de droit.
Ainsi Rome, qui a eu des difficultés à faire produire des effets à la représentation et encore plus à
admettre la cession des créances et des dettes 2012, pouvait encore moins connaître la stipulation pour
autrui : nemo alteri stipulari potest (on ne peut stipuler pour autrui). La prohibition a subsisté dans
notre Ancien droit, ce qui explique l’ancien article 1119 : « On ne peut, en général, s’engager, ni
stipuler en son propre nom, que pour soi-même ». Mais elle était gênante, Rome lui avait apporté
des palliatifs, ce qui explique l’ancien article 1121 : « On peut pareillement stipuler au profit d'un
tiers lorsque telle est la condition d'une stipulation que l'on fait pour soi-même ou d'une donation
que l'on fait à un autre. Celui qui a fait cette stipulation ne peut plus la révoquer si le tiers a
déclaré vouloir en profiter ». Seuls deux d’entre eux seront étudiés, ceux que le texte a recueillis : la
donation avec charge et l’adjectus solutionis gratia.
1o Le premier fut la donation avec charge, où le donataire s’engageait à exécuter une charge au
profit d’un tiers : le tiers désigné pouvait réclamer directement au promettant (le donataire)
l’exécution de la charge, bien qu’il n’eût pas été partie au contrat de donation. Le donateur avait un
intérêt moral à ce que la charge fût exécutée.
2o La solution fut étendue aux contrats onéreux. En contrepartie d’une prestation que lui avait
faite le stipulant, le promettant s’engageait à exécuter une obligation à la fois au profit d’un tiers et du
stipulant ; les Romains disaient que le tiers était adjectus solutionis gratia 2013. Là aussi le tiers avait
un droit propre et une action directe en exécution contre le promettant. Ce qui est l’effet
caractéristique de la stipulation pour autrui : le tiers, étranger à un contrat, bénéficie du droit qui en
résulte.
B. EXTENSION
C. STAGNATION ?
§ 2. RÉGIME
I. — Conditions
816. Assurance-groupe. – Dans l’assurance-groupe, une banque (ou un employeur) conclut avec
un assureur un contrat permettant de couvrir les risques de décès, de chômage et d’invalidité des
membres du groupe (emprunteurs ou salariés). La Cour de cassation y voit une stipulation pour autrui.
Elle en tire de nombreuses conséquences. Ainsi, lorsque le risque se réalise, l’assureur est substitué
à l’emprunteur, qui est donc libéré et s’il a payé, il a fait un paiement indu qu’il peut répéter 2037. De
même, en appliquant l’irrévocabilité d’une stipulation pour autrui acceptée par le tiers bénéficiaire,
la Cour de cassation a décidé qu’après l’adhésion de l’assuré (l’emprunteur ou le salarié), la
limitation de la garantie par un avenant postérieur lui était inopposable 2038.
La nature juridique de l’assurance-groupe est controversée. La stipulation pour autrui n’explique
pas tout : dans l’assurance-groupe liée à un prêt, c’est le prêteur qui devient seul et unique créancier
de l’assureur ; l’emprunteur, prétendu tiers bénéficiaire, n’a aucun droit contre l’assureur. Dans
l’assurance-groupe souscrite par un employeur ou une association, la prime est due par le tiers
bénéficiaire qui devient ainsi débiteur, ce que n’explique pas la stipulation pour autrui. D’ailleurs, la
jurisprudence n’est pas fidèle à cette analyse 2039. Mieux vaudrait considérer, avec certains auteurs,
que l’assurance-groupe liée à un prêt est un contrat dont les effets ne se produisent qu’entre le
banquier et l’assureur, l’emprunteur étant la tête assurée ; les autres effets de l’opération résulteraient
du contrat de prêt.
II. — Effets
SECTION III
PROMESSE POUR AUTRUI
La promesse pour autrui est prohibée (art. 1203, anc. art. 1119) : « On
ne peut s’engager en son propre nom que pour soi-même » ; on ne peut
engager autrui par un contrat. Ce qui peut être dit en d’autres termes :
nul ne peut devenir débiteur par un contrat s’il n’y a consenti. La règle
n’a pas connu la tourmente de la stipulation pour autrui. Elle comporte
trois exceptions, mais purement apparentes. L’une est la
représentation 2051, l’autre, les ayants cause 2052, la dernière la promesse de
porte-fort.
822. Variétés. – Les accords collectifs 2062 portent une atteinte directe
à la relativité du contrat, puisqu’un certain nombre de personnes
auxquelles ils s’appliquent sont des tiers – ni parties, ni représentées, ni
ayants cause. Aussi leur régime, très dérogatoire au droit commun, est-il
déterminé par la loi 2063, et leur conclusion suppose généralement
l’intervention d’autorités publiques. Il n’en sera fait mention que pour
mémoire, à cause de leur particularisme.
La terminologie est flottante : on parle ou de « convention collective » (droit du travail) ou
d’« accord collectif » (droit du bail) ou de « contrat collectif » (droit agricole) ou de « concordat »
et de « plan » (droit des procédures collectives).
Il existe deux types différents d’accords collectifs. Ou bien, des
accords qui s’imposent à un groupe déterminé, par l’intervention d’un
juge (§ 1). Ou bien, il s’agit d’accords qui s’appliquent à des personnes
qui ne les ont pas conclus, par l’effet de la représentativité (§ 2).
Certains auteurs estiment que les accords de la première catégorie ne
constituent pas de véritables accords collectifs.
SECTION I
ORIGINALITÉ DU SOUS-CONTRAT
§ 3. SOUS-CONTRAT ET COCONTRAT
SECTION II
RÉGIME JURIDIQUE DU SOUS-CONTRAT
845. Distinct par sa source, dépendant par son objet. – Le sous-
contrat est à la fois distinct par sa source et dépendant par son objet du
contrat principal. La question est de savoir si cette dépendance peut
justifier la naissance de relations contractuelles directes entre les
membres du groupe qui n’ont pas été parties au même contrat : entre
bailleur et sous-locataire, maître de l’ouvrage et sous-traitant... En
principe, les extrêmes sont étrangers l’un à l’autre (§ 1), mais ils
peuvent parfois s’atteindre par une action directe (§ 2).
§ 2. ACTIONS DIRECTES
853. 2º) Vrais exemples. – Les cessions de contrat sont variées. Les
unes sont nommées ou même organisées par une loi spéciale (cession du
bail, du contrat de promotion immobilière, de la vente d’immeubles à
construire, échange d’appartements loués, cession d’une vente de
voyage...), les autres relèvent de la liberté contractuelle (cession de
promesse de vente, de marché à livrer ou de contrat de fourniture, de
crédit-bail...) ; les unes sont imposées (cession du bail en cas
d’aliénation de l’immeuble loué, des contrats de travail en cas de
transfert d’entreprise, des contrats d’assurance en cas d’aliénation de
l’objet assuré), les autres relèvent de l’initiative des parties ou d’une
décision du tribunal dans le cas d’une liquidation judiciaire imposée à
une entreprise (C. com., art. L. 642-7) ; les unes sont liées à l’aliénation
d’un bien, les autres sont autonomes.
Quatre exemples illustreront cette diversité : cession d’une promesse
unilatérale de vente, d’un contrat de fourniture, d’un bail ou d’un
contrat de travail.
856. Cession de bail. – La cession d’un bail immobilier est l’une des
plus anciennes cessions de contrat. Elle peut avoir pour objet de
transférer soit la qualité de bailleur en cas de vente de l’immeuble loué
(1), soit celle de locataire (2).
SECTION I
CONDITIONS
SECTION II
EFFETS
§ 1. ANALYSE CLASSIQUE
I. — Retraits
II. — Préemptions
§ 2. CRITIQUES
§ 1. CONDITIONS
I. — Conditions de fond
§ 2. EFFETS
884. Droit comparé. – La résolution pour cause d’inexécution est, sous des noms divers, une
institution aujourd’hui universelle. Mais ses modalités varient d’un pays à l’autre. Notamment, le
droit français s’est longtemps distingué sur ce point de la Common Law d’Angleterre (termination
for breach) 2239 et du droit allemand 2240, particulièrement sensibles aux intérêts du commerce.
Dans ces systèmes de droit, le créancier peut, depuis longtemps, rompre unilatéralement le contrat
si l’obligation n’est pas exécutée à l’échéance. Si le débiteur est mécontent et que la rupture n’est pas
justifiée, il peut faire condamner par le juge le créancier intempestif à des dommages-intérêts.
L’intervention judiciaire est donc un contrôle de la résolution a posteriori ; elle n’a lieu que si elle
est réclamée par le débiteur auquel une rupture du contrat injustifiée a été imposée.
Les systèmes allemand et suisse reposent sur le mécanisme de la Nachfrist (fixation d’un délai) :
après mise en demeure, le créancier fixe ou fait fixer un délai, afin que le débiteur exécute.
L’ordonnance du 10 février 2016 a adopté ces principes. Jusque-là, le Code civil (anc. art. 1184)
posait, au contraire, que l’intervention du juge était nécessaire au prononcé de la résolution.
Différence qui s’expliquait, notamment, par des raisons historiques.
885. Histoire. – 1o) Le droit romain était dominé par l’indépendance des obligations
contractuelles ; aussi ignorait-il la résolution pour inexécution. Le vendeur qui avait livré la chose à
l’acheteur sans avoir été payé, parce que, par exemple, il lui avait consenti un crédit, ne pouvait, si
l’acheteur refusait définitivement de payer, réclamer la restitution ; sa seule ressource était l’action
en exécution ; or, lorsque l’acheteur était insolvable, l’action en paiement était illusoire. Aussi, la
pratique romaine fit peu à peu stipuler dans les ventes une lex commissoria (pacte commissoire) 2241,
c’est-à-dire une clause résolutoire.
2o) Dans l’Ancien droit apparut un double courant. D’une part, les canonistes fondèrent la
résolution sur les mêmes raisons morales qui justifiaient l’exception d’inexécution. D’autre part, à
cette idée, fut ultérieurement mêlée celle d’un pacte commissoire tacitement stipulé dans tous les
contrats synallagmatiques.
Or, entre ces deux idées, existait une contradiction. Le fondement moral que les canonistes
donnaient à la résolution appelait l’intervention du juge pour apprécier la moralité des parties et,
éventuellement, selon la bonne ou mauvaise foi du débiteur, soit lui accorder des délais, soit, à
l’inverse, lui imposer des peines. Au contraire, le pacte commissoire fonctionne automatiquement, du
seul fait qu’il y a eu inexécution ; en outre, dire que la clause est sous-entendue implique que la
résolution pourrait être écartée par les parties, alors que pendant très longtemps on a pensé que la
faculté de résolution était pour le créancier un droit d’ordre public, auquel, par conséquent, il ne
pouvait renoncer par avance.
Ce double héritage antinomique expliquait les contradictions de l’article 1184 : « La condition
résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une
des deux parties ne satisfera point à son engagement (le premier alinéa fondait la résolution sur
l’idée d’un pacte commissoire tacite, qui se rattache aux conceptions romaines). Dans ce cas, le
contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été
exécuté, a le choix [...] d’en demander la résolution avec dommages-intérêts. La résolution doit
être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances »
(les deuxième et troisième alinéas soulignaient le caractère judiciaire de la résolution, qui se rattache
aux conceptions canoniques et s'oppose à l’automaticité attachée à la condition) 2242.
L’ordonnance du 10 février 2016 a généralisé l’institution, qui ne se
trouve plus cantonnée aux contrats synallagmatiques, et réorganisé la
matière. Le Code civil distingue désormais quatre formes de résolution
pour inexécution (§ 1). Elles ont toutes pour effet d’anéantir le contrat
(§ 2).
§ 1. VARIÉTÉS DE RÉSOLUTION
I. — Clause résolutoire
891. Effets. – Si ses conditions d’application sont réunies, la clause entraîne la résolution du
contrat, et même de toutes les conventions conclues entre les parties si la clause l’avait prévu 2268.
Son intérêt apparaît surtout lorsque le débiteur fait l’objet d’une procédure collective, où la loi
(C. com, art. L. 622-21) suspend ou interdit toute action tendant à la résolution du contrat pour défaut
de paiement d’une somme d’argent ; cette règle ne s’applique pas si une clause résolutoire avait été
stipulée et invoquée avant l’ouverture de la procédure collective 2269 ; mais, parfois, afin de protéger
certains débiteurs, la loi subordonne l’exercice de la clause résolutoire à une procédure judiciaire,
ce qui ne lui permet plus d’échapper aux procédures collectives ; ainsi en est-il des baux
commerciaux 2270.
II. — Résolution unilatérale par notification
A. CONDITIONS DE FOND
B. CONDITIONS D’EXERCICE
900. Res perit debitori. – Cette maxime, selon laquelle les risques
pèsent sur le débiteur, en soi ne signifie rien, puisque dans un contrat
synallagmatique chaque partie est à la fois créancier et débiteur. Il faut
préciser que les risques pèsent sur le débiteur de l’obligation qui ne peut
plus être exécutée en raison de la force majeure : celle-ci le libère mais
l’empêche d’obtenir la prestation qu’il espérait.
Par exemple, si la chose louée périt par cas fortuit, les risques pèsent sur le bailleur, débiteur de
l’obligation qui ne peut plus être exécutée (assurer la jouissance du locataire) : le locataire est libéré
de son obligation de payer les loyers ; ce que dit le Code civil pour ce cas particulier : le bail est
résilié de plein droit (art. 1722). D’autres textes donnent pour d’autres contrats des solutions
analogues (ex. : art. 1788 et 1790), dont la doctrine a tiré la règle générale : res perit debitori 2302.
C. EXCEPTIONS
§ 2. EFFET COMMUN
904. Rétroactivité ? – Il est généralement affirmé que la résolution produit le même effet
rétroactif que la nullité : faire « comme si » le contrat n’avait pas existé ; ce qui a des conséquences
dans les rapports des parties et à l’égard des tiers 2311. Mais cette rétroactivité est critiquée : son
fondement est incertain et ses conséquences, désastreuses 2312. Inconnue de nombreux droits étrangers,
en recul dans la jurisprudence contemporaine, l’ordonnance du 10 février 2016 n’en fait plus le
principe : « la résolution met fin au contrat » (art. 1229), ses effets dans le temps variant selon les
situations.
907. Situation des tiers. – C’est à l’égard des tiers que se mesurent surtout les inconvénients de
la rétroactivité, qui les soumet à une grave insécurité. La résolution, à cet égard, produit les mêmes
effets que la nullité : sont anéantis les actes de disposition faits par l’acquéreur dont le titre est
résolu, mais non les actes d’administration 2320.
§ 3. STATUTS PARTICULIERS
I. — Exclusion de la résolution
938. Dommage corporel. – À l’unification des responsabilités par leur fonction on peut opposer
un autre regroupement, mais par nature de dommage, en isolant le dommage corporel des dommages
matériels et moraux. On constate que la distinction entre les deux ordres de responsabilité est
devenue confuse lorsque la jurisprudence a découvert dans certains contrats l’obligation de veiller à
l’intégrité physique du créancier (ancien contrat médical, contrat de transport de voyageurs) : la
réparation du dommage corporel pourrait donc être contractuelle 2368, ce qui a amené les tribunaux à
gommer progressivement les traits originaux de la responsabilité contractuelle, notamment quant à
l’étendue de la réparation 2369.
En fait, le dommage corporel n’est jamais contractuel, même s’il naît de l’inexécution d’un
contrat, car l’obligation de veiller à la sécurité d’autrui est générale 2370 : elle ne résulte pas du
contrat ; son étendue et celle de la réparation ne sont pas affaire de convention. Aujourd’hui, la
réparation du dommage corporel est souvent socialisée 2371. L’indemnisation des victimes corporelles
est un impératif qui devrait échapper au régime de la responsabilité contractuelle. Un avant-projet de
réforme du droit de la responsabilité est en ce sens 2372.
Au contraire, pour le dommage matériel ou immatériel, la distinction des deux ordres de
responsabilité s’impose : car lorsqu’il résulte de l’inexécution d’un contrat, le préjudice est, dans son
principe et son étendue, fonction des avantages attendus du contrat. C’est à propos de l’atteinte à un
intérêt économique que les traits originaux de la responsabilité contractuelle se perçoivent aisément.
On examinera successivement les conditions (Sous-titre I) et les effets
de la responsabilité contractuelle (Sous-titre II), puis les relations entre
les deux responsabilités, extracontractuelle et contractuelle (Sous-
titre III).
SOUS-TITRE I
CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ
CONTRACTUELLE
SECTION I
INEXÉCUTION DU CONTRAT
940. Distinction doctrinale. – En 1928, René Demogue avait écrit que la responsabilité
contractuelle supposait toujours la preuve d’une faute, mais que cette preuve était plus ou moins
facile selon que l’obligation violée était de moyens ou de résultat.
Pour lui, cette distinction n’était pas une summa divisio des obligations contractuelles. Elle l’est
devenue sous l’influence des frères Mazeaud, en des termes différents (obligation de prudence et de
diligence et obligation déterminée 2374) ; puis, une troisième catégorie est venue s’ajouter, si bien que
le dualisme est devenu une trilogie – obligation de moyens, de résultat et de garantie – puis une
tétralogie, eu égard aux obligations de moyens renforcées, également dites obligations de résultat
atténuées. La distinction fut rapidement consacrée par la jurisprudence, qui ne cesse de s’y référer, en
dépit des critiques.
A. OBLIGATIONS DE MOYENS
No 945 réservé.
B. OBLIGATIONS DE RÉSULTAT
C. OBLIGATIONS DE GARANTIE
D. DISCUSSION
§ 3. CAUSES D’EXONÉRATION
I. — Force majeure
952. Raisonnable. – Le débiteur est libéré de ses obligations et
exonéré de toute responsabilité lorsque l’inexécution ne lui est pas
imputable parce qu’elle est causée par la force majeure – aussi
dénommée « cas fortuit » (anc. art. 1148) ; il n’est alors tenu à aucuns
dommages-intérêts. La force majeure constitue une cause exonératoire
de la responsabilité contractuelle, comme de la responsabilité
extracontractuelle.
Longtemps, on a donné à la force majeure en matière contractuelle les mêmes traits qui avaient été
dégagés en matière délictuelle : un événement n’aurait constitué une force majeure que s’il avait réuni
les trois caractères d’irrésistibilité, d’imprévisibilité et d’extériorité. Le fait qu’il s’agisse de
responsabilité contractuelle imprime pourtant une certaine relativité à ces caractères. De même que
la théorie anglaise de la frustration se réfère maintenant à la notion de « personne raisonnable » 2418,
la force majeure tend à se définir en France par l’événement raisonnablement irrésistible,
raisonnablement imprévisible et raisonnablement extérieur ce qui, souvent, oblige à une appréciation
cas par cas 2419. En outre, l’appréciation des trois caractères de la force majeure doit nécessairement
tenir compte des particularités de l’engagement contractuel : l’imprévisibilité de l’événement doit
s’apprécier non au moment où il survient, mais lors de la promesse faite par le débiteur. Car
promettre en sachant que peut survenir tel événement rendant impossible l’exécution, c’est accepter
de ne pas invoquer la force majeure à son égard.
L’ordonnance du 10 février 2016 consacre cette analyse en disposant
qu’« en matière contractuelle », la force majeure était caractérisée
« lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne
pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et
dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées,
empêche l’exécution de son obligation par le débiteur » (art. 1218).
953. Facultatif. – Les règles relatives à la force majeure n’ont pas un caractère d’ordre public :
le contrat peut les modifier, puisqu’il peut librement délimiter le contenu de l’obligation 2420. Ou bien,
le débiteur prend conventionnellement la charge de la force majeure : c’est une clause de
garantie 2421. Ou bien, à l’inverse, il est convenu que le débiteur sera exonéré pour d’autres causes
que la force majeure, spécialement énumérées par le contrat. De même, le contrat peut donner de la
force majeure une définition plus large que celle que retiennent habituellement les tribunaux. Ces
clauses sont valables si elles ne touchent pas à l’essence du contrat 2422 et ne confèrent pas au
débiteur la faculté discrétionnaire de ne pas exécuter : elles constitueraient alors une condition
potestative prohibée 2423.
La force majeure doit présenter, en l’absence de convention
particulière, trois caractères : irrésistibilité, imprévisibilité et extériorité.
954. 1º) Irrésistible : à l’impossible, nul n’est tenu. – L’événement
doit être irrésistible dans ses effets ; c’est la condition principale ; s’il
pouvait être surmonté, bien que l’exécution eût été difficile et onéreuse,
le débiteur serait responsable de n’avoir pas exécuté 2424. Si l’événement
est insurmontable, le débiteur est exonéré de toute responsabilité, car à
l’impossible nul n’est tenu. Ce qui revient à apprécier l’attitude du
débiteur : a-t-il pris les précautions qui auraient permis d’éviter la
réalisation du dommage ? S’il existait des « mesures appropriées » à cet
effet, il n’y aurait plus force majeure.
Le principe est clair, mais son application est hésitante. La question difficile est de savoir à partir
de quel moment il y a irrésistibilité. Il est évident que le droit n’est pas l’absolu, il ne demande pas
au débiteur d’être un surhomme, Tarzan, Astérix, Tintin, Superman, Rambo ou le Comte de Monte-
Cristo ; il ne doit pas accepter non plus qu’il soit un sous-homme dépourvu du sens de l’effort. Tout
est, ici, nécessairement relatif. En réalité, la question se pose un peu différemment : l’irrésistibilité
doit-elle être appréciée in abstracto ou in concreto ? Il existe des arrêts dans les deux sens. Tantôt,
ce qui est le cas général, les tribunaux parlent d’événement « normalement irrésistible », c’est-à-dire
que l’appréciation de l’irrésistible se fait par rapport à l’individu ordinaire, normalement
diligent 2425. Tantôt, mais plus rarement, les tribunaux sont plus indulgents et font état de faiblesses
personnelles au débiteur afin de juger l’événement. La Cour de cassation demande aux juges du fond
d’expliquer pourquoi un événement est irrésistible 2426.
Un arrêt de la Cour de cassation avait semblé décider que le chômage était un cas de force
majeure suspendant l’obligation de payer une somme d’argent prise par le débiteur 2427. La règle a été
reprise par les lois Scrivener dans le cas de la vente à crédit, en disposant qu’un délai de grâce
(art. 1343-5, anc. art. 1244-1) pouvait être accordé au débiteur, « notamment en cas de
licenciement » (C. consom., art. L. 314-20, al. 1). Ce qui invite à un socialisme de souris ; il est juste
que le risque de chômage ne pèse pas sur le débiteur ; mais il est injuste de le faire supporter par le
créancier. En droit commun, la Cour de cassation a confirmé qu’il n’existait pas de force majeure à
l’égard des obligations de sommes d’argent 2428 car le débiteur peut fournir une somme d’argent en
prélevant sur ses biens, et l’insolvabilité n’est pas libératoire.
Si l’irrésistibilité n’est que temporaire, elle emporte simplement suspension de l’obligation 2429,
sauf si le retard est, ou devient, de nature à justifier la résolution (art. 1218, al. 2).
La force majeure suppose, en outre, qu’en dépit de l’imprévisibilité de l’événement, les effets
préjudiciables de celui-ci soient inévitables ; ce qui revient à apprécier l’attitude du débiteur : a-t-il
pris les précautions nécessaires pour éviter la réalisation du dommage ?
SECTION II
DOMMAGE
961. Nécessité et nature du dommage contractuel. – Comme
l’exprime le titre de la section qui lui est consacrée depuis l’ordonnance
du 10 février 2016, la responsabilité contractuelle consiste en « la
réparation du préjudice résultant de l’inexécution ». Le créancier doit
donc définir et prouver les chefs de préjudice dont il réclame
indemnisation, lesquels sont, « en général », constitués « de la perte
qu’il a faite et du gain dont il a été privé » (art. 1231-2, anc. art. 1149).
Le préjudice ne consiste pas tant dans la privation de la prestation
attendue, à laquelle visent à répondre les différentes sanctions réglant le
sort de l’obligation inexécutée 2455, que dans les conséquences de cette
privation pour le créancier, au plan économique comme moral.
Antérieurement à l’ordonnance du 10 février 2016, il était délicat de savoir si le créancier
pouvait se contenter de montrer que la prestation attendue ne lui avait pas été fournie, ou s’il fallait,
en outre, qu’il démontre que cette privation lui avait causé un préjudice. La question intéressait
particulièrement la violation d’un engagement de ne pas faire, par exemple une obligation de non-
concurrence, parce que l’article 1145 semblait lui faire un sort particulier : les dommages-intérêts
étaient dus « par le seul fait de la contravention ». La place de ce texte conduisait à y voir une règle
relative à l’exécution forcée, et non à la réparation. Traditionnellement, on y lisait surtout une
dispense de mise en demeure. Mais les arrêts paraissaient contradictoires : les plus récents
condamnaient le débiteur à payer des dommages-intérêts sans exiger la démonstration d’un
préjudice 2456 ; les autres exigeaient du créancier cette démonstration 2457. La conciliation de ces deux
solutions pouvait être trouvée dans la distinction entre les dommages-intérêts visant à rééquilibrer le
contrat et ceux visant la réparation du préjudice 2458. L’ordonnance du 10 février 2016 n’a pas repris
le texte de l’article 1145 car, au travers de la « réduction du prix » en cas d’exécution imparfaite
(art. 1223), elle a admis un rééquilibrage du contrat sous forme monétaire, sans plus qualifier ces
sommes de « dommages-intérêts ». Est ainsi consacrée la distinction des fonds alloués pour régler le
sort du contrat (réduction, remplacement, destruction, restitutions en valeur, etc.) et des dommages-
intérêts compensatoires. Seuls ceux-ci relèvent de la responsabilité contractuelle.
Le principe de réparation intégrale du dommage réparable s’applique
en matière contractuelle, mais la détermination du dommage réparable
présente des particularités ; si la plupart de ses caractères sont communs
avec le dommage délictuel (I) ; il doit en outre avoir été prévisible (II).
Les obligations de sommes d’argent font l’objet de règles spéciales (III).
966. Limite : dol du débiteur. – Le débiteur doit réparer l’intégralité du dommage s’il a commis
une faute dolosive, c’est-à-dire lorsqu’il a manqué à exécuter de propos délibéré, même sans
intention de nuire, ou une faute lourde, c’est-à-dire lorsque son comportement dans l’exécution révèle
son inaptitude à s’acquitter de la mission dont il s’est chargé 2482. Mais il ne suffit pas que la faute du
débiteur coïncide avec une faute délictuelle, sauf s’il s’agit d’une infraction pénale 2483.
967. réservé.
I. — Responsabilité extracontractuelle ?
§ 1. RÈGLES LÉGALES
§ 2. AMÉNAGEMENTS CONVENTIONNELS
A. RÉGIME JURIDIQUE
a) Validité
b) Efficacité
986. Bail. – La question s’est surtout posée pour le bail. Le bail est
nul, faute d’engagement certain, si le bailleur s’exonère de toute
obligation 2566. Mais le bailleur peut licitement s’exonérer de certaines
obligations, sauf dans de nombreux baux immobiliers réglementés (baux
d’habitation et professionnels relevant de la loi du 6 juillet 1989, art. 2).
La question est donc de savoir quelles obligations sont essentielles à un
bail. La jurisprudence est à cet égard devenue de plus en plus
indulgente ; des exemples peuvent en être donnés, soit pour des baux
mobiliers complexes, soit surtout pour les baux immobiliers.
1º) Le transport en wagons réfrigérants emploie parfois la technique juridique du bail mobilier :
le propriétaire d’un wagon réfrigérant le loue et stipule que c’est à l’expéditeur qu’il appartient de
fournir et de charger la glace. Les tribunaux ont déduit de cette clause que le bailleur n’avait pas à
maintenir le wagon loué en état de froid permanent et n’était donc pas responsable des avaries
causées aux marchandises transportées par une isothermie insuffisante 2567. Surtout, la Cour de
cassation précise que l’irresponsabilité du bailleur disparaît en cas de dol ou de faute lourde ;
pourtant, cette clause limite l’obligation, non la responsabilité.
2º) Le contentieux le plus nourri est relatif aux baux d’immeubles, où souvent une clause
dispense le bailleur de son obligation d’entretien et de réparations ; il est généralement prévu que le
preneur en a la charge. Bien que la tendance actuelle soit de reconnaître une efficacité à cette clause,
qui peut traduire un équilibre entre les prestations, des points d’arrêt subsistent. Ils obligent à des
distinctions, parfois subtiles.
Le problème peut être posé de deux manières car le bailleur est tenu de deux types d’obligations.
1º D’une part, il doit délivrer la chose louée, l’entretenir et en faire jouir paisiblement le preneur
(art. 1719). 2º D’autre part, il doit garantir le preneur contre les vices cachés de la chose (art. 1721).
Il faut donc distinguer, d’une part, la clause limitant l’obligation du bailleur, ce qui pose
essentiellement un problème de licéité ; d’autre part, la clause limitant la garantie du bailleur, ce qui
pose encore un problème de licéité, mais aussi d’interprétation.
3º Quant à l’obligation d’entretien et de réparation, sauf à l’égard des baux soumis à la loi du
6 juillet 1989 relative aux baux d’habitation, la jurisprudence admet la licéité des clauses dispensant
le bailleur d’entretenir la chose et en chargeant le preneur 2568, même s’il s’agit de grosses
réparations 2569. Pour les baux ruraux 2570.
4º Quant aux restrictions conventionnelles à la garantie du bailleur 2571, la Cour de cassation a,
parfois, annulé ce genre de clause pour le motif qu’elle était illicite, parce qu’elle retirait sa cause au
contrat 2572 ; d’autres arrêts, au contraire, plus nombreux, décident qu’elle est valable 2573.
Souvent, le débat est placé sur le terrain de l’interprétation ; tantôt, les tribunaux décident que la
clause dispensant le bailleur de son obligation d’entretien l’exonère de toute responsabilité,
notamment de la garantie des vices cachés 2574 ; tantôt, au contraire, ils jugent que ce genre de clause
n’exonère pas le bailleur de son obligation de garantie parce qu’elle doit être interprétée
restrictivement 2575 : le fait que le locataire doive réparer l’immeuble ne l’oblige pas à apprécier les
conditions dans lesquelles la construction a été faite, et, par conséquent, il n’est pas responsable des
vices de construction.
Une distinction comparable est faite par d’autres systèmes de droit. Ainsi, pendant longtemps, en
Common Law d’Angleterre 2576, la jurisprudence avait admis qu’une clause limitative ou exonératoire
de responsabilité était inefficace en cas de fundamental breach of the contract : la clause ne pouvait
produire d’effet lorsqu’elle couvrait une inexécution portant atteinte à la « racine du contrat » 2577 ; il
avait même été décidé qu’il ne fallait pas tellement tenir compte de l’importance de la clause que de
la gravité des conséquences résultant de l’inexécution 2578. En 1966 et en 1980, la Chambre des Lords
a estimé que cette atteinte à la force obligatoire du contrat était injustifiée et dangereuse. Mais en
1977, la loi (Unfair contracts terms act) a substitué un autre critère : la clause est nulle si
l’inexécution cause un préjudice corporel, ou si elle est déraisonnable, ce qui aboutit souvent à un
résultat sensiblement équivalent à celui qu’aurait produit la règle de la fundamental breach 2579.
2o Clauses relatives à la responsabilité
B. RELATIVITÉ DE LA DISTINCTION
988. Controverse. – Un auteur estime que la différence entre les clauses relatives à la
responsabilité et celles qui allègent l’obligation n’a plus l’importance qu’elle avait naguère. Elles
seraient, les unes et les autres, valables dans la mesure où elles ne seraient contraires ni à la loi, ni à
l’ordre public, ni à l’essence du contrat ; elles produiraient, les unes et les autres, leurs effets dans la
mesure où elles ne seraient pas contraires à la bonne foi contractuelle 2591. Mais la notion de bonne
foi contractuelle est aussi évanescente qu’est malaisée à appliquer la distinction entre les obligations
essentielles et accessoires.
L’intérêt de la distinction recule devant le développement des régimes légaux de responsabilité ;
la jurisprudence tend à unifier les deux catégories.
Lorsque la loi détermine les obligations respectives des parties, elle interdit généralement toute
clause contraire. Les interventions législatives de ce type se multiplient, souvent afin de protéger le
contractant supposé faible 2592, parfois même en l’absence de tout déséquilibre supposé 2593. Les
clauses délimitant les obligations respectives sont alors inefficaces, comme les clauses limitatives ou
exonératoires de réparation. La distinction devient inutile 2594.
La jurisprudence rapproche parfois le régime des deux clauses afin de les rendre inefficaces
lorsque leur application ne paraît pas raisonnable. Il lui arrive d’utiliser la faute lourde pour écarter
une clause délimitant l’obligation 2595 et de faire au contraire appel à la notion d’obligation
essentielle pour priver d’effets une clause exonératoire de réparation 2596. Ce « brouillage » crée une
insécurité juridique : une chose est de savoir à quoi s’oblige le débiteur ; autre, le principe et la
mesure de la réparation.
C. CLAUSES ABUSIVES
La clause pénale a une triple nature (A). Cette ambiguïté explique son
évolution (B). Dans certains cas, elle est soumise à un statut spécial (C).
A. NATURE
B. ÉVOLUTION
C. STATUTS SPÉCIAUX
994. Protection. – Dans certains contrats, la clause pénale est soumise à un statut légal spécial,
qui s’applique cumulativement avec le droit commun ; la règle la plus contraignante s’applique alors.
Ainsi, dans le contrat de travail, sur certains points précis, elle est interdite (C. trav., art. L. 1321-5).
Enfin, dans les contrats de crédit mobilier et immobilier, elle ne doit pas être supérieure à un certain
taux (C. consom., art. L. 312-21, 312-29, 331-31) : c’est le système du plafond.
995. réservé.
SOUS-TITRE III
RELATIONS ENTRE LES RESPONSABILITÉS
CIVILES
§ 1. DIFFÉRENCES DE RÉGIME
§ 2. DÉLIMITATION DU DOMAINE
I. — Pas d’option
1017. 2º) Crise au début du XXe siècle. – Au début du XXe siècle, la critique du quasi-contrat fut
vive. Comme pour la cause, elle a eu une signification politique. Planiol fut à l’origine de la
critique 2712 et Vizioz 2713 lui reprocha d’être historiquement fausse, rationnellement inexacte et
pratiquement inutile. Sur l’histoire et ses contresens, ne revenons pas. Sur la logique, l’absurdité est
manifeste : la notion de quasi-contrat ne veut rien dire ; on ne peut ni parler de « quasi-
consentement » ni de « quasi-volonté ». Il y a une volonté, ou il n’y en a pas. L’alternative est
évidente ou bien l’obligation est consentie, et elle est volontaire, ou bien elle est imposée, et elle est
légale. Enfin, la notion est inutile : le régime des quasi-contrats (capacité, preuve) relèverait plus du
droit des délits que de celui des contrats.
Plutôt que de parler de quasi-contrats, la mode a été naguère de se référer à une autre source
générale de l’obligation, l’enrichissement sans cause, l’avantage reçu d’autrui ; tel était le nom que
Jean Carbonnier donnait à cette source d’obligations 2714, bien que l’enrichissement sans cause cadrât
mal avec certains quasi-contrats. Par exemple, le gérant d’affaires peut réclamer au maître la
restitution de toutes ses dépenses, alors que dans l’enrichissement sans cause, la restitution a un
double plafond : elle ne doit dépasser ni l’enrichissement d’une partie, ni l’appauvrissement de
l’autre. Il n’en reste pas moins que, dans son sens traditionnel, le quasi-contrat répond toujours à une
idée de restitution, au service de l’équité.
1018. 3º) Renaissance du quasi-contrat. – La critique de Planiol était liée à une conception
libérale de l’obligation maintenant révolue : elle reposait sur une distinction simple. L’obligation
était, ou contractuelle, ou légale. Aujourd’hui, avec le recul du libéralisme et l’immixtion croissante
de l’État dans les rapports économiques, il existe de plus en plus d’obligations ayant une source
légale, mais dont le régime est analogue à celui des obligations contractuelles.
Ainsi en est-il des locataires auxquels la loi confère un droit au maintien dans les lieux.
L’article 4 de la loi du 1er septembre 1948 précise : « les occupants de bonne foi [...] bénéficient
[...] du maintien dans les lieux loués, aux clauses et conditions du contrat primitif ». Les rapports
entre propriétaire et occupants ne sont pas volontaires : tout au contraire, ils sont imposés ; mais les
obligations qui en découlent sont comme s’il y avait eu un contrat. De même, la législation des baux
commerciaux (Décr. 30 sept. 1953) donne aux locataires un droit au renouvellement du bail, sauf le
pouvoir du juge de modifier le loyer : tout (ou presque) se passe comme s’il y avait eu un contrat 2715.
On peut aussi prendre pour exemple le cahier des charges 2716 dont il est souvent jugé qu’il a un
caractère contractuel 2717, bien qu’il ne soit pas toujours l’œuvre des parties ; ainsi, en cas de vente
sur saisie immobilière, il est rédigé par le créancier saisissant, non par le saisi, pourtant le
propriétaire de l’immeuble. On a aussi rapproché du quasi-contrat, le mandat apparent, où un pseudo-
mandataire est lié à un prétendu mandant parce qu’il y a l’apparence d’un mandat 2718.
Pour expliquer ces situations, on a parlé de « contrainte légale dans la formation du
contrat 2719 », de « contrat imposé 2720 », ou de « contrat forcé », expressions viciées par des
contradictions internes, car le contrat reste un acte essentiellement volontaire. Plutôt que de découvrir
des contrats partout en en faussant les termes, il paraît plus exact de voir ici des formes nouvelles de
quasi-contrats 2721.
Peut-être aussi pourrait-on expliquer de la même manière les relations qui découlent d’un contrat
nul 2722. Ou, à l’inverse, certaines situations (para-contractuelles, presque contractuelles 2723, des
sortes de contrats ?), comme le transport bénévole ou l’acte de dévouement, souvent appelé
convention d’assistance 2724, qui sont des actes volontaires non destinés à produire des obligations.
Mais ces relations n’ont pas pour objet une restitution, contrairement au rôle traditionnel du quasi-
contrat.
La liste des quasi-contrats « classiques » semblait close ; deux étaient
prévus par le Code civil : la gestion d’affaires et le paiement de l’indu ;
un troisième, l’enrichissement sans cause, avait été créé par la
jurisprudence à la fin du XIXe siècle. Au commencement du XXIe siècle,
les choses ont changé.
No 1020 réservé.
TITRE I
GESTION D’AFFAIRES
§ 1. CONDITIONS
I. — Maître
II. — Gérant
1029. Spontanéité. – Pour qu’il y ait gestion d’affaires, il faut que l’immixtion dans les affaires
d’autrui ait été faite « sciemment » (art. 1301 ; l’ancien article 1372 disait « volontairement »), c’est-
à-dire qu’elle ait été spontanée. Ce qui implique qu’elle n’ait été imposée ni par une obligation
contractuelle, ni par la loi 2750.
§ 2. EFFETS
I. — Obligations du gérant
SECTION I
FONDEMENTS
1041. Quasi-contrat, absence de cause, enrichissement sans cause. – Trois fondements ont été
successivement envisagés afin d’expliquer la répétition 2762 de l’indu : le quasi-contrat, l’absence de
cause et l’enrichissement sans cause.
1o) C’est dans les règles du paiement (art. 1342 à 1342-10, anc. art. 1235 à 1248) que le Code
civil a posé le principe de la répétition de l’indu. Mais c’est dans les quasi-contrats (art. 1302 à
1302-3, anc. art. 1376 à 1381) qu’il en énonce le régime, parce qu’il conçoit la restitution de l’indu
comme si elle était le remboursement d’un prêt, « un quasi-prêt ». L’accipiens (celui qui a reçu le
paiement indu) est comme un emprunteur ; le solvens (celui qui a payé l’indu), comme un prêteur.
L’article 1302-1 (anc. art. 1376) reprend le principe énoncé par l’article 1302, alinéa 1 (anc.
art. 1235), en le précisant : « celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit
le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu » ; l’article 1302-2 (anc. art. 1377, al. 1) ajoute :
« celui qui par erreur ou sous la contrainte a acquitté la dette d’autrui peut agir en restitution
contre le créancier ».
2o) Le discrédit qu’a connu au début du XXe siècle la notion de quasi-contrat avait amené une
partie de la doctrine à présenter autrement l’analyse, ce qui peut avoir des conséquences pratiques.
La répétition de l’indu aurait appliqué la théorie de la cause, ce que l’on peut exposer sous forme
de syllogisme. Majeure : la cause est un élément essentiel à la validité des actes juridiques ; son
absence entraîne la nullité de l’acte. Mineure : le paiement est un acte juridique 2763 qui a pour cause
la dette. Conclusion : le paiement de l’indu constitue un paiement sans cause qui doit être annulé ; la
répétition de l’indu s’étendrait ainsi aux restitutions consécutives à une nullité ou à une résolution
d’un contrat qui a été exécuté, où, là aussi, un paiement a été fait sans cause.
Bien que plusieurs auteurs aient partagé cette analyse 2764, elle n’est pas convaincante ; les
restitutions consécutives à une nullité ou à une résolution ne relèvent pas de la répétition de l’indu,
mais seulement des règles de la nullité ou de la résolution. Pour deux raisons : 1 Pour qu’en ce cas, la
restitution ait lieu, il n’est pas nécessaire qu’une erreur ait été commise par le solvens, erreur qui a
été longtemps exigée dans la répétition de l’indu. 2 La nullité et la résolution ont des effets réels,
c’est-à-dire qu’elles se répercutent sur les droits des tiers : le sous-acquéreur d’un acquéreur dont le
titre est annulé ou résolu est tenu de restituer, alors que la répétition de l’indu est une action purement
personnelle qui ne peut atteindre les tiers ; elle établit uniquement une relation entre le solvens et
l’accipiens, non avec un tiers. Aujourd’hui, depuis l’ordonnance du 10 février 2016, la cause n’est
plus une condition de validité du contrat.
3o) Plutôt que de chercher le fondement de la répétition de l’indu dans
la théorie de la cause, d’autres auteurs ont fait appel à l’idée générale de
l’enrichissement injustifié. Selon eux, le paiement n’est pas seulement
un acte juridique volontaire ; il consiste aussi dans le fait matériel de
l’exécution, la remise de la prestation au créancier. Le paiement de
l’indu est un déplacement matériel de valeurs du patrimoine du solvens
vers celui de l’accipiens, appauvrissant l’un et enrichissant l’autre,
lorsqu’il est injustifié. La jurisprudence qualifie parfois d’action de in
rem verso ce qui est en réalité une répétition de l’indu, exercée contre le
véritable débiteur, et non l’accipiens 2765.
L’analyse est approximative, notamment parce qu’il ne peut être fait abstraction de la volonté du
solvens. Elle ne peut donc s’appliquer qu’en cas d’erreur du solvens sur l’existence de sa propre
dette. S’il avait eu la volonté de payer l’indu (par ex. : en faisant une libéralité à l’accipiens), le
paiement eût été valable et la répétition écartée.
Bien que le quasi-contrat, l’absence de cause et l’enrichissement
injustifié remplissent des fonctions assez voisines, un choix est utile
lorsqu’il s’agit de préciser le régime de la répétition, notamment ses
conditions.
SECTION II
RÉGIME
I. — Conditions
A. CONDITIONS DE FOND
B. CONDITIONS D’EXERCICE
II. — Effets
PRÉAMBULE
I. — Premières vues
1059. Marginaux. – L’action conserve cependant une certaine vitalité. Dans la pratique
judiciaire, elle intéresse généralement une catégorie particulière de justiciables, ceux qui ont une
communauté d’intérêts plus ou moins en marge du droit : concubins 2798, époux séparés de biens (la
séparation de biens a longtemps été un régime matrimonial marginal) ; conjoint d’un descendant d’un
exploitant agricole qui a travaillé à l’exploitation sans recevoir de salaire 2799, enfant assistant un
parent âgé 2800, indivisaires (avant la loi du 31 décembre 1976), voisins occupant le bien d’autrui,
ceux qui sont liés par un contrat nul ou un avant-contrat.
Les marginaux du droit... Il n’y a pas qu’eux à bénéficier d’enrichissement injustifié, dans le sens
habituel du mot. S’il fallait obliger tous ceux qui se sont enrichis sans travail à restituer, ce serait une
belle révolution (pas belle du tout).
II. — Fondements
1061. 2º) Responsabilité délictuelle. – Les auteurs ont ultérieurement fait appel à la
responsabilité délictuelle afin d’expliquer l’action de in rem verso.
Planiol s’était référé à l’idée de faute : l’enrichissement sans cause serait une faute causant un
dommage, l’appauvrissement, ce qui justifierait une réparation. Pourtant, ni les conditions, ni les
effets de la responsabilité fondée sur la faute ne sont ceux de l’action de in rem verso. La faute ? Il
arrive souvent que l’enrichi l’ait été sans n’avoir rien fait ni voulu. La réparation ? Dans le droit de
la responsabilité, elle doit être intégrale, alors qu’avec l’action de in rem verso, elle peut être
inférieure à l’appauvrissement si celui-ci est supérieur à l’enrichissement (règle du double plafond).
Au début du siècle dernier, Georges Ripert avait d’abord affiné l’analyse en faisant appel à l’idée
de risque ; dans l’étude de la responsabilité délictuelle, on a vu que beaucoup fondaient la
responsabilité sur le risque-profit : celui qui profite d’une activité devrait en supporter les risques
dommageables. Appliquant l’idée aux enrichissements, et non plus seulement aux dommages, Ripert,
en démarquant l’ancien article 1382 (devenu art. 1240), avait écrit : « Tout fait quelconque de
l’homme qui procure à autrui un enrichissement donne droit à celui par le fait duquel il a été
procuré à le répéter. » Ce qui pourrait être dit plus simplement : chacun doit restituer les profits que
lui a procurés autrui.
Mais on ne peut imputer à une activité tous les risques et les profits qu’elle comporte, à peine de
détruire l’indépendance et l’autonomie des individus, comme le montre le droit de la responsabilité
civile.
1062. 3º) Règle morale. – Aussi, ultérieurement, en 1930 2802, Ripert abandonna-t-il ses idées de
jeunesse et mit l’accent sur le caractère injuste de l’enrichissement, ce qui fonda l’action sur des
considérations morales ; elle est l’ultime remède de l’appauvrissement qui a injustement causé un
enrichissement.
Ce qui laisse entrevoir qu’il existe dans l’action de in rem verso deux
aspects, l’un est matériel (Section. I) et l’autre juridique (Section II).
L’aspect matériel intéresse aussi bien une condition de l’action, le
déplacement de valeur, que son effet, le montant de la restitution.
L’aspect juridique souligne la nécessité d’une absence de cause et le
caractère subsidiaire de l’action.
SECTION I
ASPECT MATÉRIEL
§ 1. DÉPLACEMENT DE VALEUR
Pour que l’on puisse dire qu’une valeur s’est déplacée d’un
patrimoine à un autre, il faut trois conditions : l’enrichissement de l’un,
l’appauvrissement de l’autre et un rapport de causalité entre
l’enrichissement et l’appauvrissement.
§ 2. MONTANT DE LA RESTITUTION
SECTION II
ASPECTS JURIDIQUES
§ 1. INJUSTICE DE L’ENRICHISSEMENT
§ 1. CONDITIONS
I. — Parties
A. SOLVENS
B. ACCIPIENS
II. — Objet
A. RÈGLES GÉNÉRALES
III. — Circonstances
§ 2. PREUVE
§ 3. INCIDENTS
1092. Nature juridique de la monnaie. – À la différence des théories classiques qui définissent
la monnaie en s’attachant aux fonctions économiques qu’elle exerce, un auteur en a recherché la
nature 2909. Il estime qu’elle a une double nature : d’une part, une valeur, permettant de comparer
toutes les valeurs ; d’autre part, un paiement, permettant d’éteindre les obligations libellées en argent.
L’ancienne France distinguait la monnaie de compte, qui servait à mesurer la dette (ex. : la livre)
et la monnaie de paiement (ex. : l’écu, le louis d’or) qui servait au paiement ; le louis valait
20 livres ; il y avait des écus de 3 livres (les petits écus) et des écus de 6 livres ; initialement, les
monnaies de compte avaient été des monnaies de paiement, ayant longtemps circulé, puis étaient
tombées en déshérence et n’étaient plus frappées 2910. Aujourd’hui, l’euro, comme l’était le franc, est
à la fois une monnaie de compte et une monnaie de paiement.
Ce qui a longtemps caractérisé dans les temps récents la dette de
sommes d’argent a été sa dépendance à l’égard de la dépréciation
monétaire qui, en altérant les fonctions de la monnaie (§ 1), a diversifié
le régime de l’obligation monétaire (§ 2).
§ 1. FONCTIONS DE LA MONNAIE
I. — Nominalisme
A. EFFETS
1098. 1º) Cours légal et cours forcé. – Le cours légal oblige les
créanciers de sommes d’argent à recevoir en paiement les instruments
monétaires désignés par la loi : naguère, les billets de la Banque
de France 2918, aujourd’hui, ceux de la Banque centrale européenne, émis
par la Banque de France 2919. Le cours légal n’intéresse que la monnaie
de paiement, en imposant au créancier de recevoir en paiement les
instruments monétaires légaux. Il n’intéresse pas la monnaie de compte
qui a pour objet de fixer le montant et l’étendue de la dette 2920 ; or le
problème du caractère impératif ou facultatif du nominalisme a
essentiellement trait à la monnaie de compte.
Pas davantage le cours forcé ne peut justifier le nominalisme : il se borne à dispenser la Banque
de France de rembourser en or les billets qu’elle a émis ; il est imposé par la loi du 1er octobre 1936.
Il n’existe aucun rapport visible entre le cours forcé et le nominalisme monétaire.
1101. La clause d’indexation peut encadrer les variations de l’indice. Par exemple, fixer un
plafond et un plancher. Toutefois, est nulle la clause qui ne permet des variations du prix qu’à la
hausse 2930.
A. DROIT COMMUN
B. STATUTS SPÉCIAUX
1106. Liberté, obligation, révision. – Les statuts spéciaux sont nombreux et se diversifient selon
une mosaïque composite.
Tantôt, la loi autorise l’indexation sans restriction pour certains contrats ; l’indexation sur le
SMIC ou sur le niveau général des prix ou des salaires est ainsi permise dans les constitutions de
rentes viagères ou les promesses d’aliments (C. mon. fin., art. L. 112-2).
Tantôt, elle impose certaines indexations ; ainsi, le fermage d’un bail rural doit être indexé sur le
prix de certaines denrées agricoles (C. rur., art. L. 411-11).
Tantôt, elle délègue au juge le pouvoir de réviser les obligations indexées, comme dans le bail
commercial (C. com., art. L. 145-39). Or, l’indexation est une révision, mais toute révision n’est pas
une indexation. L’indexation est une espèce particulière de révision ; elle suppose qu’à l’avance ait
été fixée une proportionnalité automatique entre une dette et un indice ; il n’y a pas indexation si la
variation n’est pas proportionnelle et automatique.
1108. Intérêts. – Puisque la dette de valeur est un capital variable, qui se modifie entre le moment
de sa naissance et celui de son règlement, on a hésité pour savoir quel était le capital sur lequel
étaient calculés les intérêts légaux. Était-ce le capital initial ou le capital final ?
La loi du 23 décembre 1985 sur les régimes matrimoniaux a prévu que tant qu’une
« récompense » (qui est une dette de valeur) n’était pas liquidée, elle ne produisait pas d’intérêts
(art. 1473, al. 2), règle qui a été généralisée 2945 : une dette de valeur ne produit d’intérêts qu’à
compter de sa liquidation, sauf exceptions légales, ce qui est le cas du rachat de la lésion en cas de
rescision d’une vente d’immeuble pour cause de lésion (art. 1682, al. 2) 2946.
SECTION I
OBSTACLES À L’EXÉCUTION FORCÉE
1126. Surendettement des particuliers. – Signe des temps, un « droit des pauvres » est apparu
en France depuis la loi Neiertz du 31 décembre 1989 sur le surendettement, qui tend à permettre à un
particulier d’obtenir un aménagement judiciaire de son passif non-professionnel, pour mieux pouvoir
y faire face (C. consom., art. L. 711-1 et s.). Malgré l’influence du modèle de l’ancienne faillite
commerciale, les règles nouvelles tiennent plus du délai de grâce que de la procédure collective : il
ne s’agit pas de liquider le patrimoine du débiteur, ni de le dessaisir, encore moins de soumettre les
créanciers à une discipline collective, mais plutôt de permettre au consommateur de bénéficier d’un
plan de désendettement progressif réaménageant certaines de ses dettes non-professionnelles.
Actuellement, il y a une explosion des surendettements. Depuis 2004, environ 200 000 demandes
nouvelles sont déposées chaque année.
Le bénéfice de la procédure est subordonné à plusieurs conditions. Ratione personae, en sont
exclues les personnes physiques et morales qui relèvent du droit des entreprises en difficulté
(C. consom., art. L. 711-3) ; en pratique, seuls les inactifs et les salariés peuvent invoquer la loi.
Deux autres conditions doivent être réunies. La première est objective : un état de surendettement,
que la loi définit comme « l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non
professionnelles exigibles et à échoir » (C. consom., art. L. 711-1) ; qui suppose d’isoler ces dettes,
puis d’en comparer le total à l’actif dont dispose le débiteur. Ce n’est ni la cessation des paiements,
puisque le passif non encore exigible est pris en considération ; ni l’insolvabilité, car le débiteur peut
avoir un actif non liquide important (un immeuble, par exemple). La seconde est psychologique : le
débiteur doit être de bonne foi. Celle-ci est présumée et son absence est appréciée souverainement
par les juges du fond.
Si le débiteur est éligible à la procédure, la commission départementale de surendettement des
particuliers (art. L. 712-1) tentera d’établir un plan conventionnel de redressement invitant les
créanciers à accorder divers délais et remises (art. L. 732-1 et s.). Pour stabiliser entre-temps la
situation du débiteur, la recevabilité de la saisine emporte suspension des procédures d’exécution à
son encontre (art. L. 722-2). À défaut d’accord avec les principaux créanciers, la commission peut
« imposer » diverses mesures d’étalement des dettes et de réduction des intérêts (art. L. 733-1), qui
peuvent concerner jusqu’aux dettes professionnelles. Elle peut aussi « recommander », dans un cas
assez particulier, une réduction du capital restant dû au titre d’un éventuel crédit immobilier (art.
L. 733-7). Le juge donnera force exécutoire à cette recommandation (art. L. 733-10). Le plan de
redressement s’imposera aux créanciers qu’il concerne. L’exécution de celui-ci doit en permanence
laisser au débiteur un « minimum vital » (le « reste à vivre »), qui est fixé à l’art. R. 331-15-1
C. consom. et ne peut être inférieur au RSA (art. L. 731-2).
L’établissement comme l’exécution du plan suppose donc que le débiteur ait encore des
ressources disponibles. Si elles sont insuffisantes ou, plus généralement, « lorsque le débiteur se
trouve dans une situation irrémédiablement compromise caractérisée par l’impossibilité manifeste
de mettre en œuvre des mesures de traitement », il peut bénéficier d’une procédure de
« rétablissement, personnel » c’est-à-dire d’une faillite civile.
Le problème de l’exécution forcée des obligations doit être correctement posé 2964 ; il s’agit ici de
l’exécution en nature de l’obligation elle-même. Question différente de celle de savoir si la
réparation peut être faite en nature, lorsqu’un dommage résulte de l’exécution défectueuse d’un
contrat 2965 ou d’un fait générateur de responsabilité. L’exécution tend au paiement de la créance, la
responsabilité tend à la réparation du préjudice résultant de l’impayé ou de la mauvaise exécution. En
nature ou en argent, la réparation peut s’ajouter à l’exécution, si le créancier a souffert un préjudice
du retard dans l’exécution, ou en former l’alternative quand le créancier ne peut ou ne veut
poursuivre l’exécution.
L’obligation en nature (donner, faire ou ne pas faire) est, en général,
susceptible d’exécution forcée. Devant les difficultés à obtenir une
exécution directe (I), le droit français a imaginé divers procédés de
contrainte indirecte, dont le seul survivant est l’astreinte (II).
I. — Exécution directe
No 1131 réservé.
II. — Astreinte
1135. Effets. – Pendant longtemps (du début du XIXe siècle, qui l’a vu apparaître, jusqu’à la loi de
1972, qui l’a réformée), l’astreinte avait, de sa naissance à son exécution, une nature changeante ;
d’abord mesure de contrainte, elle devenait des dommages-intérêts. Elle était divisée en deux phases
successives, le prononcé et la liquidation. Quand le juge prononçait l’astreinte, il la calculait, non sur
le préjudice éprouvé par le créancier, mais arbitrairement, d’après la force de résistance qu’il
supputait chez le débiteur ; pendant cette phase, l’astreinte était une mesure de contrainte. Dans la
seconde phase, lorsqu’il fallait apporter à la situation un règlement définitif, le juge liquidait
l’astreinte (il la chiffrait de manière définitive), et devait la mesurer sur le préjudice réellement
éprouvé par le créancier en révisant l’évaluation antérieure : elle avait alors une nature de
dommages-intérêts. Si bien que l’astreinte paraissait une mesure assez vaine ; une menace qui n’était
pas effectivement exécutée et restait purement verbale, toute méditerranéenne : « Ah, ah, que je t’ai
fait peur ! » 2981. Elle avait pourtant une certaine efficacité, car le juge a un pouvoir souverain pour
évaluer le préjudice : elle était la menace d’apprécier sévèrement les dommages-intérêts.
Pour conférer plus d’énergie à l’astreinte, les lois de 1972 et 1991,
désormais codifiées dans le Code des procédures civiles d’exécution,
ont distingué deux types d’astreinte, l’astreinte provisoire et l’astreinte
définitive.
1º) Le principe 2982 est l’astreinte provisoire, qui a conservé ses traits
traditionnels : elle est comminatoire, c’est-à-dire qu’elle n’est qu’une
menace, pouvant être révisée par le juge. Elle est liquidée par le juge de
l’exécution ou celui qui l’avait ordonnée (s’il est encore saisi et s’en
était réservé le pouvoir 2983). Lors de sa liquidation, le débiteur peut
demander sa diminution ou même sa suppression ; mais lorsqu’elle a été
liquidée, elle est devenue définitive 2984. En liquidant l’astreinte, le juge
n’est plus obligé de la calquer sur le préjudice, et il tient compte du
comportement du débiteur (C. proc. ex., art. L. 131-4, al. 1) ; mais le
créancier doit prouver quelle a été la durée pendant laquelle l’obligation
soumise à astreinte a été inexécutée 2985 et, tout en ayant un pouvoir
souverain, le juge doit motiver la liquidation 2986.
2º) Le juge peut aussi décider, après avoir prononcé une astreinte
provisoire qui s’est révélée vaine, de prononcer une astreinte
définitive ; elle ne peut plus être modifiée lors de sa liquidation quelle
qu’ait été la bonne volonté du débiteur ; elle peut considérablement
enrichir le créancier : elle devient une véritable peine privée. Elle peut
cependant être supprimée si l’inexécution ou le retard à exécuter
l’injonction du juge provient d’une cause étrangère (C. proc. ex., art.
L. 131-4, al. 3).
Provisoire ou définitive, l’astreinte est caractérisée par deux traits, l’arbitraire 2987 et la peine
privée : elle est distincte des dommages-intérêts 2988 et a pour objet de briser la résistance à la
condamnation judiciaire, une sorte de contempt of Court. Ce que ne suffit peut-être pas à justifier le
souci d’efficacité. En outre, ce système n’est pas très cohérent avec la tendance actuelle de notre
droit développant le pouvoir modérateur du juge ; notamment avec la loi du 9 juillet 1975 relative
aux clauses pénales, lesquelles jouent un rôle comminatoire comparable à celui de l’astreinte.
La loi du 16 juillet 1980 a admis qu’une astreinte pouvait être prononcée contre une personne
morale de droit public, mais n’a pas réglé toutes les difficultés qui pouvaient apparaître.
SECTION I
DROIT DE GAGE GÉNÉRAL
1140. Garantie sur une universalité. – Lorsqu’un créancier ne bénéficie pas de sûretés réelles, il
est chirographaire 2995. L’article 2285 énonce qu’il a un « droit de gage général » sur tous les biens
du débiteur. Le mot de gage est inexact : le gage est une sûreté sur un meuble dont le débiteur se
trouve dépossédé. Or, le débiteur a la possession des éléments de son patrimoine, et le créancier peut
saisir aussi bien les immeubles que les meubles : le droit du créancier chirographaire n’est donc pas
celui d’un créancier gagiste.
Si défectueux qu’il soit, le langage de l’article 2285 est doublement
suggestif. Il signifie : 1) que le droit du créancier est et n’est qu’une
garantie ; 2) qu’il est un droit universel.
1º) Le créancier a pour garantie, mais pour garantie seulement, le
patrimoine du débiteur ; ce qui veut dire qu’il n’a aucun droit direct sur
lui, tant qu’il n’a pas exercé de saisie. Le maître du patrimoine, c’est le
débiteur, dont les actes, aliénations et acquisitions de biens et les
créations de dettes nouvelles sont opposables aux créanciers
chirographaires. En d’autres termes, afin d’apprécier la consistance de
cette garantie, il faut se placer au moment de la saisie, non lors de la
naissance de l’obligation. Ce qui produit trois conséquences :
a) le créancier chirographaire peut exercer son droit sur les biens
figurant dans le patrimoine du débiteur après la naissance de son droit,
et sur n’importe lequel (art. 2284) 2996 ;
b) le créancier chirographaire ne peut exercer son droit sur les biens
sortis du patrimoine du débiteur après la naissance de son droit : il n’a
pas de droit de suite. Tant que sa créance n’est pas exigible, il ne peut
exercer une saisie. Il dispose cependant de deux protections : se faire
autoriser en justice à pratiquer une mesure conservatoire (saisie
conservatoire ou sûreté judiciaire) qui rendra un bien indisponible ou
donnera au créancier un droit de suite (C. proc. ex., art. L. 511-1,
L. 521-1, L. 532-1), à condition de justifier de « circonstances
susceptibles de menacer le recouvrement » de sa créance ; ou exercer
une action paulienne, si l’aliénation est frauduleuse 2997 ;
c) tous les créanciers chirographaires d’un même débiteur ont le
même droit sur son patrimoine, quelle que soit la date de naissance de
leur créance : les plus anciens n’ont pas de droit de préférence par
rapport aux plus récents ; il y a, en principe, égalité entre les créanciers,
sauf au profit de ceux qui bénéficient de « causes légitimes de
préférence », c’est-à-dire de sûretés réelles ; mais la prolifération
contemporaine de ces sûretés retire beaucoup de son sens au principe de
l’égalité entre les créanciers 2998.
2º) L’article 2285 souligne aussi que les droits du créancier portent
sur une universalité. Tous les biens du débiteur garantissent chacune de
ses dettes et, inversement, toutes ses dettes pèsent sur chacun de ses
biens ; ainsi, le fonds de commerce peut être saisi aussi bien par les
créanciers civils que par les créanciers commerciaux du commerçant.
C’est sans doute garantir les créanciers et développer le crédit que leur
donner un droit sur tous les biens. Mais le créancier préfère souvent
avoir un pouvoir sur certains biens spécialement affectés à sa créance et
ne pas subir sur eux le concours des autres créanciers ; le phénomène est
particulièrement accusé lorsqu’il y a une relation entre la créance et le
bien : c’est une des clefs de l’évolution contemporaine du crédit.
Sévère pour le débiteur, la règle a fait l’objet d’aménagements
progressifs en vue de permettre à une personne physique d’affecter
prioritairement voire exclusivement ses biens professionnels au
paiement de ses dettes professionnelles.
Une loi destinée à favoriser le développement des entreprises individuelles (loi Madelin, du
11 février 1994), a introduit un germe de division dans le patrimoine des entrepreneurs individuels :
les créanciers dont le droit est issu d’un contrat et a sa cause dans l’activité professionnelle du
débiteur peuvent se voir contraints d’exercer leurs poursuites d’abord sur les biens professionnels de
celui-ci, si l’entrepreneur-débiteur établit qu’ils sont d’une valeur suffisante pour garantir le
paiement de la créance. Pour échapper à ce cantonnement, le créancier doit établir qu’il met en péril
le recouvrement de sa créance (art. 47-III, C. proc. ex., art. L. 161-1). C’est une espèce de bénéfice
de discussion (cf. pour la caution, art. 2300) allégé, sans véritables patrimoines séparés ; qui annonce
le patrimoine d’affectation qu’organisera la loi du 10 juin 2010 avec l’EIRL.
Une étape supplémentaire a été franchie en 2003 puis en 2005 avec l’introduction aux
articles L. 526-1 et suivants du Code de commerce, du droit pour toute personne physique
immatriculée à un registre professionnel ou exerçant une activité agricole ou indépendante, de rendre
insaisissable pour ses créanciers professionnels, par simple déclaration, tout immeuble qu’elle
n’affecte pas à son activité, notamment sa résidence principale 2999 : une entaille dans l’article 2285.
La fiducie en a créé une autre 3000.
Finalement, par exception à l’article 2285, une loi du 15 juin 2010 a créé le statut de
« l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée » (EIRL), d’après lequel « tout entrepreneur
individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine
personnel, sans création d’une personne morale » (C. com., art. L. 526-6). Sur simple déclaration
publiée sur un registre ad hoc, un entrepreneur individuel peut répartir ses biens en deux masses
distinctes, dont l’une comprend les biens « nécessaires à l’exercice de son activité professionnelle »
ainsi que ceux qu’il lui affecte. Il dispose alors de deux patrimoines, l’un réservé à sa profession,
l’autre à sa vie extra-professionnelle. Les titulaires d’une créance nées pour les besoins de
l’exploitation professionnelle se payent sur le patrimoine professionnel, les autres créanciers sur
l’autre patrimoine (C. com., art. L. 526-12) 3001.
À s’en tenir au créancier chirographaire, le principe est qu’il supporte
les effets de tous les actes passés par le débiteur. La loi a cependant pris
deux mesures pour le protéger contre la fraude et la négligence de son
débiteur : elle lui a accordé l’action paulienne et parfois l’exercice des
droits de son débiteur, afin de reconstituer le patrimoine de celui-ci, en
vue d’exercer une saisie.
SECTION II
ACTION PAULIENNE
§ 1. CONDITIONS
Pour qu’un acte puisse être attaqué par voie paulienne, deux sortes de
conditions doivent être réunies, relatives les unes à la créance du
créancier (I), les autres à l’acte du débiteur (II).
I. — Créance
Pour qu’un acte du débiteur puisse être critiqué par voie paulienne, il
doit présenter certains caractères (A), causer frauduleusement un
préjudice au créancier (B) avec la complicité d’un tiers (C).
A. ACTES ATTAQUABLES
PAIEMENTS FAITS PAR UN DÉBITEUR INSOLVABLE (DROIT COMMUN) OU EN ÉTAT DE CESSATION DE PAIEMENTS
(PROCÉDURES COLLECTIVES)
Du fait de sa complexité, le partage ne peut non plus être critiqué, bien qu’il puisse être
préjudiciable aux créanciers, en mettant dans le lot du débiteur des biens faciles à dissimuler et, par
conséquent, difficiles à saisir. La loi organise alors un système de protection préventif : l’opposition
(art. 882). Néanmoins, la jurisprudence admet que l’action paulienne peut être exercée en l’absence
d’opposition lorsque le partage a été si hâtif que les créanciers n’ont pu faire opposition en temps
utile, ou si fictif qu’il n’est pas un vrai partage.
B. PRÉJUDICE FRAUDULEUX
C. COMPLICITÉ DU TIERS
§ 2. EFFETS
§ 1. ACTION OBLIQUE
I. — Conditions
II. — Effets
1152. Substitution au débiteur. – L’article 1341-1 confère au créancier le pouvoir d’exercer les
« droits et actions » du débiteur 3061. Droits et actions étant liés, la répétition des termes a pour but de
montrer que le droit peut être exercé même sous forme d’une action et c’est d’ailleurs sous cette
forme qu’il l’est le plus fréquemment. Les effets de l’action oblique sont dominés par l’idée que le
créancier s’est substitué au débiteur dans l’exercice de ses droits ; aussi produit-elle les mêmes effets
que si l’action avait été exercée par le débiteur. Ce qui a trois conséquences : sur le régime des
exceptions ; sur l’étendue des droits du créancier ; sur l’objet des droits du créancier.
1o) Le tiers que poursuit le créancier peut lui opposer toutes les exceptions qu’il aurait pu
invoquer contre le débiteur ; par exemple, de renonciation 3062... de nullité 3063... de compensation
même née après l’introduction de l’action 3064... de liquidation judiciaire 3065. De même, le créancier
d’un indivisaire ne peut demander le partage qu’autant que son débiteur aurait pu le faire 3066.
2o) Le montant de la condamnation à laquelle aboutit l’action oblique est celui du droit du
débiteur contre le sous-débiteur 3067 : on ne le limite pas à la créance de celui qui exerce l’action.
C’est donc le droit du débiteur contre le sous-débiteur qui est pris en considération, non celui du
créancier contre le débiteur. En fait, pourtant, cette règle est toujours éludée, car le sous-débiteur peut
faire tomber l’action oblique en désintéressant le créancier, c’est-à-dire en ne le payant que jusqu’à
concurrence de sa créance.
3o) Contrairement à la solution donnée pour l’action paulienne, le créancier qui agit par voie
oblique n’a pas de droit exclusif sur les biens du débiteur qu’il recouvre. En effet, il les a fait
tomber dans le patrimoine du débiteur où ils deviennent le gage de tous les autres créanciers : il a tiré
les marrons du feu.
On mesure ainsi les inconvénients de l’action oblique pour celui qui l’exerce. Il peut se voir
opposer toutes les exceptions nées du chef du débiteur 3068. S’il réussit dans son action, il risque de
devoir en partager le bénéfice avec les autres créanciers même s’il avait demandé l’attribution de ce
qui lui était dû 3069 ; il risque d’avoir ainsi travaillé pour les autres et engagé des frais en pure perte.
Ces deux inconvénients tiennent au fait que le créancier exerce l’action du débiteur par le patrimoine
duquel transite le profit de l’action.
On comprend qu’on ait parfois protégé plus efficacement le créancier
en lui accordant une action directe dont le produit ne passe pas par le
patrimoine du débiteur.
§ 2. ACTIONS DIRECTES
1155. Effets communs. – Toutes les actions directes ont pour effet de
simplifier les paiements, au prix d’une exception à l’article 1199 (anc.
art. 1165) : le demandeur à l’action directe (créancier) est un tiers à
l’égard du défendeur (sous-débiteur). En principe, il devrait agir contre
son propre débiteur, qui agirait à son tour contre le sous-débiteur ; par
exemple, le bailleur devrait agir contre le locataire, qui pourrait ensuite
agir contre le sous-locataire ; ou bien la victime agit contre le
responsable, qui pourrait appeler en garantie son assureur... Le créancier
pourrait aussi agir par la voie oblique : exiger du sous-débiteur qu’il
s’exécute entre les mains du débiteur principal.
L’action directe établit un lien d’obligation entre ces deux tiers, respectivement liés à la même
personne, le débiteur principal. L’établissement de ce lien est possible, parce que la créance du
demandeur et la dette du défendeur ont le même objet, une somme d’argent : l’action directe est un
mode de paiement simplifié.
L’action directe, dans son exercice, est doublement limitée : d’une
part, son titulaire ne peut l’exercer que si et dans la mesure où il est
créancier du débiteur principal ; d’autre part, le sous-débiteur n’est
obligé envers le créancier que si et dans la mesure où il est débiteur du
débiteur principal. Le moment d’appréciation de la créance de l’un et de
la dette de l’autre est variable d’une action à l’autre, mais le sous-
débiteur peut toujours opposer au créancier une double série
d’exceptions 3075.
La jurisprudence tend à admettre que le maître de l’ouvrage qui exerce contre le fabricant une
action contractuelle directe, fondée sur le contrat conclu entre ce fabricant et le contractant
intermédiaire (vendeur ou entrepreneur) peut se voir opposer la clause régissant les obligations
découlant de ce dernier contrat 3076.
1156. 1º) Actions directes en garantie. – Les actions directes produisent d’autres effets, plus ou
moins énergiques. On peut les classer en deux catégories.
Les unes se bornent à permettre à des tiers d’invoquer l’un contre l’autre un droit et une dette
issus d’un contrat auquel ils sont parties sans être liés entre eux. Ce sont les actions directes en
garantie, dans les groupes de contrats et les sous-contrats. Leur avantage est de respecter la nature
contractuelle du droit de l’un et de l’obligation de l’autre 3077.
1173. Effets. – Puisqu’elle est une convention, la remise de dette ne produit d’effets qu’entre les
parties. S’il existe plusieurs débiteurs tenus conjointement, seuls sont libérés ceux qui ont accepté la
remise de dette 3093. Si les codébiteurs sont solidaires, la remise de dette faite à l’un ne libère les
autres qu’à hauteur de sa part (art. 1350-1, al. 1) 3094. Avant l’ordonnance du 10 février 2016, la règle
était inverse (anc. art. 1285).
SECTION I
DATION EN PAIEMENT
SECTION II
NOVATION
§ 1. CONDITIONS
I. — Obligation ancienne
§ 2. EFFETS
SECTION III
COMPENSATION
§ 1. COMPENSATION LÉGALE
I. — Conditions
A. CONDITIONS POSITIVES
B. CONDITIONS NÉGATIVES
II. — Effets
I. — Compensation conventionnelle
1194. Date d’effet – Avant l’ordonnance du 10 février 2016, on hésitait sur la date à laquelle la
compensation judiciaire opérait. L’ordonnance a réglé la question : la compensation produit ses effets
à la date de la décision qui la prononce, et liquide par là même la créance, « à moins qu’il n’en soit
décidé autrement » (art. 1348).
En revanche, lorsque les dettes réciproques sont connexes, la compensation est une garantie 3158,
ce qui lui donne un aspect plus vigoureux : non seulement le juge est tenu de la prononcer mais
l’extinction des dettes et des créances se produit aussi au jour où la première dette est devenue
exigible (art. 1348-1). Ainsi s’explique la rétroactivité de l’extinction 3159.
SECTION IV
CONFUSION
1200. Quieta non movere. – La prescription 3175 est liée au temps. Par
lui-même, l’écoulement du temps n’a aucun effet juridique : il n’entraîne
l’acquisition ou la perte d’un droit que si un autre élément s’y ajoute. Il
entraîne l’acquisition d’un droit s’il existe à la fois inaction du titulaire
du droit et possession de celui qui veut prescrire : il y a alors
prescription acquisitive. Il produit la perte d’un droit s’il y a inaction
prolongée du créancier : il y a alors prescription extinctive, dite encore,
plus exactement, prescription libératoire.
La prescription libératoire éteint l’action en justice du créancier. Elle
doit être distinguée d’autres délais affectant l’existence d’un droit,
spécialement la durée d’une garantie, les délais d’épreuve 3176 et les délais
butoir. La prescription extinctive est souvent combinée avec eux : la
cause de cette action devant survenir pendant une certaine période (ex.,
l’apparition d’un vice caché), et l’action devant être exercée dans un
autre délai (celui de la prescription).
La prescription extinctive soulève trois grands problèmes : de
principe, d’effets et de délai.
1o) Elle pose d’abord un problème de principe : est-il juste que l’inaction du créancier prolongée
pendant une certaine durée le prive de son droit, sans qu’il ait été payé ? On en a donné plusieurs
raisons, dont ne sont ici retenues que les plus importantes. 1- L’exercice tardif d’un droit troublerait
sans raison l’ordre public ; c’est précisément pour cette raison que toutes les prescriptions,
acquisitives ou extinctives, consolident les situations de fait éprouvées par le temps. 2- De toutes les
règles juridiques, elle est la plus nécessaire à la paix sociale : quieta non movere : il ne faut pas
troubler ce que le temps a consolidé (il ne faut pas réveiller le chat qui dort). 3- Une probabilité de
paiement ; cette idée est spéciale aux prescriptions libératoires. 4- Un souci de libérer le débiteur qui
serait écrasé par l’accumulation de dettes anciennes ; cette idée est particulièrement importante pour
les dettes périodiques. 5- Et enfin, une sanction à l’encontre du créancier négligent.
La CEDH a rappelé que la prescription, notamment par l’effet d’un délai butoir, ne devrait pas
priver un droit de sa substance, notamment lorsque la demande tend à la réparation du préjudice
corporel 3177. Ce qui impose un équilibre difficile entre la nécessité de la prescription et sa juste
mesure. La Cour se réfère à l’obscur principe de « proportionnalité » et implique donc que soit
laissée aux États une « marge d’appréciation ».
Il y a pluralité de fondements parce qu’il y a pluralité de prescriptions libératoires. Ainsi,
apparaît la marque du droit contemporain en la matière : il n’existe pas une seule prescription
libératoire, mais plusieurs, passablement différentes dans leur régime.
2o) Le deuxième problème que soulève la prescription libératoire est celui de son effet. On dit
souvent qu’elle éteint l’obligation, ce qui est contesté ; on s’est demandé si c’était bien l’obligation
que la prescription éteignait ou si ce n’était pas plutôt l’action en justice 3178. Comme autrefois Rome,
la Common Law d’Angleterre voit dans la prescription une institution de procédure, qui laisse
subsister l’obligation et se borne à mettre un obstacle à l’exercice de l’action. Le choix entre les deux
conceptions a des conséquences en droit international privé 3179. En général, les droits continentaux
estiment que la prescription touche au fond du droit. Cependant, la prescription laisse subsister une
obligation naturelle, ce qui relève plutôt de l’analyse procédurale de la Common Law.
3o) Le problème caractéristique de la prescription libératoire, est celui du délai.
SECTION I
DURÉE DU DÉLAI
1202. Loi, juge ou convention ? – Dans l’Ancien droit, le juge avait souvent un pouvoir d’équité
lui permettant de modifier cas par cas les délais de prescription pour tenir compte de l’impression
que lui donnaient le créancier et le débiteur : il appréciait s’il était juste de libérer le débiteur
compte tenu de l’ancienneté de sa dette et de la bonne foi des parties. Par réaction contre l’incertitude
et l’arbitraire qui en résultaient, le Code civil avait rigoureusement chiffré les délais de prescription
(art. 2262) : l’arbitraire de la loi lui avait paru préférable à celui du juge. Il n’y avait qu’un seul cas
où le Code n’avait pas déterminé la durée de la prescription extinctive, celui de l’action rédhibitoire
pour vice caché, qui devait être exercée dans un « bref délai » (art. 1648 anc.). Devant l’abondant
contentieux résultant de cette indétermination, il a été fixé à deux ans (Ord. no 2005-136, 17 févr.
2005).
Mais, dans l’ensemble, la jurisprudence avait restitué au juge une partie des pouvoirs que lui
avait donnés l’Ancien droit.
La loi de 2008 a maintenu le chiffrage par la loi qu’avait imposé le Code civil pour rompre avec
l’Ancien droit, mais en termes moins fermes : la passion révolutionnaire est oubliée : il suffit de
comparer les deux textes fixant le délai de droit commun : « toutes les actions, tant réelles que
personnelles... » (art. 2262 anc.), « les actions personnelles ou mobilières... » (art. 2224 nouv.) :
« toutes » a disparu, car le délai quinquennal du droit commun nouveau est beaucoup moins
significatif et symbolique que ne l’était le vieux délai trentenaire de 1804. Les pouvoirs du juge ont
été élargis, par exemple, en fixant le point de départ du délai « du jour où le titulaire d’un droit a
connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (art. 2224 nouv.), ou bien en
retardant le point de départ ou en élargissant les causes de suspension « par suite d’un empêchement
résultant [...] de la force majeure » (art. 2234). En plus, la liberté contractuelle a été fortement
élargie (art. 2254 nouv.). La prescription a cessé d’être une institution dépendant exclusivement de la
loi, qui désormais se borne à l’encadrer, le juge et la convention pouvant l’assouplir ou l’aménager.
1205. Autrefois trente ans. – Remontant à un très lointain passé, l’art. 2262 anc., abrogé en
2008, faisait de la prescription trentenaire la prescription de droit commun, délai qui était un
maximum, car il n’existait pas d’obligations imprescriptibles ou perpétuelles (mais l’action en
revendication était, comme elle l’est encore, imprescriptible). Elle s’appliquait à toutes les dettes
pour lesquelles une prescription n’avait pas été prévue par un texte spécial, prescriptions dites
« exceptionnelles », mais qui, dans les faits, comme en 2008, avait un champ d’application beaucoup
plus vaste que le droit commun.
1206. Anciennes courtes prescriptions. – Les seules prescriptions spéciales que la loi de 2008
ait abrogées sont les courtes prescriptions prévues par les articles 2271 et 2272 anciens, fondées sur
une présomption de paiement : deux ans (ex. les médecins pour leurs visites, les pharmaciens pour
leurs médicaments), un an (ex. : les « maîtres de pensions, pour le prix de pensions de leurs
élèves ») ou six mois (ex. : les hôteliers et traiteurs à raison du logement ou de la nourriture qu’ils
fournissent).
1207. Ancienne interversion. – Un autre particularisme distinguait les courtes prescriptions des
autres, l’interversion, c’est-à-dire la substitution de la prescription trentenaire – alors le droit
commun – aux courtes prescriptions lorsque le débiteur avait reconnu l’existence de la dette. Ayant
fondé cette interversion sur une novation de la dette primitive, la jurisprudence l’avait étendue aux
autres courtes prescriptions, même non fondées sur une présomption de paiement, mais sur des usages
commerciaux ou des besoins de célérité, comme par exemple la prescription annale éteignant l’action
résultant d’un contrat de transport de marchandises (C. com., art. L. 133-6) 3185.
La loi de 2008 a supprimé toutes les interversions fondées ou non sur
une présomption de paiement : art. 2231, 2e phr. : « Elle (l’interruption)
fait courir un nouveau délai de même durée que l’ancien ».
L’interversion a été supprimée, sans doute parce qu’elle avait perdu
beaucoup de son intérêt, la prescription de droit commun étant passée
de trente à cinq ans.
SECTION II
FONCTIONNEMENT DE LA PRESCRIPTION
1215. Délai butoir : un butoir troué. – Le délai butoir éteint par son
écoulement la créance à compter du jour de sa naissance, quels qu’aient
été le point de départ de la prescription, ses suspensions et ses
interruptions. Recherchant la sécurité, et s’inspirant du droit allemand,
des principes européens du droit des contrats et de l’avant-projet de
réforme du droit des obligations et de la prescription, brisant la
jurisprudence de la Cour de cassation 3196, l’article 2232 établit ce délai
butoir de vingt ans « à compter du jour de la naissance du droit ».
À la différence du droit allemand, ce délai est un maximum, qui ne
peut ni être suspendu, ni interrompu, ni modifié par la convention et
peut, semble-t-il, être soulevé d’office par le juge.
Mais la loi l’écarte souvent : le délai butoir ne s’applique ni aux
actions en réparation d’un dommage corporel ou causé par des actes de
barbarie ou des actes de violence ou des agressions sexuelles contre les
mineurs, ni aux actions réelles immobilières, ni aux actions d’état ou
entre époux ou entre pacsés, ni aux actions exercées contre les
professionnels de la santé, ni aux actions en garantie d’éviction, ni
lorsqu’il y a eu demande en justice ou acte d’exécution forcée, ni aux
créances résultant d’un titre judiciaire ou assimilé, ni à la réparation
d’une discrimination. Autant des droits qui pourront être
imprescriptibles parce que le délai glissant de la prescription devient
sans butoir. On retrouve ici un défaut récurrent de la loi, le cas par cas.
Le délai butoir est un butoir troué.
La Cour de cassation s’était demandé si cette disposition ne serait pas contraire à l’article 6 de la
Convention européenne des droits de l’homme (exigence d’un « procès équitable ») en privant une
personne diligente de son droit d’action 3197.
II. — Interruption
III. — Suspension
À la différence de l’interruption, la suspension n’efface pas le délai
déjà couru : elle en arrête le cours, qui recommence à courir lorsque la
cause de la suspension a disparu.
SECTION I
TERME
Les effets du terme seront décrits (§ 2) après que la notion en aura été
exposée (§ 1) (art. 1305 à 1305-5, anc. art. 1185 à 1188).
§ 1. NOTION
1295. 4º) Qui a intérêt au terme ? – Il est important de savoir dans l’intérêt de qui le terme,
spécialement le terme suspensif, est stipulé. S’il l’est uniquement dans celui de l’une des parties,
celle-ci peut y renoncer (art. 1305-3, al. 2) : s’il l’est dans celui du seul créancier, par exemple parce
qu’il n’était pas en mesure de recevoir le paiement dans l’immédiat, celui-ci peut réclamer
l’exécution à l’avance 3228 ; s’il l’est dans celui du seul débiteur, celui-ci peut faire un paiement
anticipé. Au contraire, s’il l’est dans l’intérêt commun des deux parties, leur accord est nécessaire
pour y renoncer.
En général, la loi présume que le terme a été stipulé en faveur du débiteur (art. 1305-3, anc.
art. 1187) ; celui-ci peut donc, sauf si la présomption est renversée, y renoncer et devancer
l’échéance. Dans certains contrats, la présomption est que le terme est stipulé dans l’intérêt des deux
parties ; ainsi en est-il du prêt à intérêts. Le créancier peut alors refuser un paiement anticipé.
§ 2. EFFETS
SECTION II
CONDITION
I. — Modalité
Parce que les articles 1304 à 1304-7 (anc. art. 1168 à 1183)
l’envisagent comme une modalité, c’est-à-dire un aménagement
adventice de l’obligation, la condition ne peut être un fait imposé par la
loi pour la formation d’une obligation. Ne peut donc être une modalité
de l’obligation un élément nécessaire à sa naissance, ou constituant son
effet essentiel (par ex., le consentement ne peut être une « condition »
de l’obligation au sens de l’art. 1304). La condition a généralement une
origine volontaire et modifie les effets que le contrat eût produits sans
elle. Ce qui la distingue des éléments essentiels du contrat et des
exigences que la loi impose parfois pour qu’il produise ses effets,
notamment une autorisation administrative bien que, souvent, la
pratique les qualifie de « conditions ».
A. FUTUR ET INCERTAIN
1309. Expectative. – Pour constituer une condition, l’événement doit être futur. Celui qui est déjà
survenu ne peut être une condition, même s’il était inconnu des parties 3247. C’était pourtant ce
qu’énonçait (incorrectement) l’article 1181, alinéa 1 en disant que peut constituer une condition un
« événement actuellement arrivé, mais encore inconnu des parties ». En l’occurrence, l’événement
étant par hypothèse déjà arrivé, l’obligation existait déjà : elle était pure et simple même si les
parties ne s’en doutaient pas, ce que l’article 1181, alinéa 2 précisait.
L’événement doit être incertain dans son existence même ; s’il n’était incertain que par sa date, il
constituerait un terme 3248. Le délai à l’intérieur duquel joue la condition peut ne pas être fixé, sans
pour autant imposer une obligation perpétuelle 3249. À défaut de convention expresse, le délai
d’accomplissement de l’événement futur doit pouvoir être fixé par le juge qui peut soit découvrir un
terme tacite à ce délai (arg. art. 1305-1, al. 1), soit en fixer un « en considération de la nature de
l’obligation et de la situation des parties » (arg. art. 1305-1, al. 2) 3250.
B. NON POTESTATIF
1310. Anciennes distinctions. – L’incertitude de l’événement mis en condition peut tenir à
diverses causes. Le Code Napoléon, inspiré par le droit romain, distinguait les conditions casuelle,
mixte et potestative (art. 1169 à 1171).
Le premier élément de la distinction est demeuré incontesté. Une condition est casuelle 3251 quand
sa réalisation dépend exclusivement d’événements sur lesquels la volonté humaine ne peut rien (anc.
art. 1169) 3252. Les parties peuvent parfaitement recourir à une condition de ce type.
L’évolution s’est accomplie sur le second et surtout le troisième élément de la distinction. Une
condition est mixte quand elle dépend à la fois de la volonté d’une partie et de celle d’un tiers
déterminé (anc. art. 1171) 3253. Une condition est potestative quand sa réalisation dépend de la
volonté d’une partie (anc. art. 1170) 3254. La condition potestative n’est pas prohibée en soi ; mais elle
soulève des difficultés quand l’événement formant la condition est au seul pouvoir du débiteur, ce
qu’exprimait avec vigueur l’ancien article 1174 : « Toute obligation est nulle lorsqu’elle a été
contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s’oblige ».
1311. Analyses du XIXe siècle. – À ces distinctions fondamentales, la doctrine du XIXe siècle avait
ajouté des sous-distinctions d’une grande technicité ; hormis la première, elles avaient peu à peu
perdu beaucoup de leur intérêt.
1o Elle avait distingué entre les conditions purement potestatives, qui dépendent exclusivement
de la volonté du débiteur, et celles qui sont simplement potestatives, qui dépendent à la fois de la
volonté du débiteur et d’éléments extérieurs à sa volonté. La distinction exprime qu’il est des degrés
dans la potestativité, ce dont le droit tient compte ; elle est pourtant insuffisante à déterminer le
domaine d’application de l’article 1174 car il ne suffit pas qu’un quelconque élément extérieur à la
volonté du débiteur doive intervenir dans la survenance de l’événement formant la condition pour
qu’échappe à la nullité l’obligation contractée sous cette condition.
2o Elle opposait les actes gratuits aux actes à titre onéreux. À l’égard des actes à titre gratuit,
la prohibition de la potestativité était sévèrement comprise, par l’effet de la règle « donner et retenir
ne vaut » ; devait donc être annulée toute condition potestative de la part du donateur, même
simplement potestative (art. 944). À l’égard des actes à titre onéreux, la prohibition était davantage
cantonnée, restreinte au seul cas où la condition était purement potestative, car l’obligation était alors
dépourvue de tout caractère obligatoire et conférait au créancier un droit illusoire ; au contraire, était
valable l’obligation dont la condition était simplement potestative, car il existait un engagement qui
ne dépendait pas du seul caprice du débiteur.
3o La prohibition n’était appliquée, ni aux conditions résolutoires, ni aux contrats
synallagmatiques.
1315. 3º) Condition potestative et contrat synallagmatique. – Selon une analyse ancienne,
reprise par quelques auteurs contemporains 3270, la condition potestative ne serait pas prohibée quand
elle est stipulée dans un contrat synallagmatique. Certaines décisions de la Cour de cassation ont été
en ce sens 3271. La raison habituellement donnée était que, chaque partie étant ici à la fois créancier et
débiteur, celui qui anéantirait sa dette en faisant défaillir la condition abandonnée à son pouvoir
subirait, par contrecoup, la perte de l’avantage dont il était réciproquement créancier : je vous vends
ma maison « si je veux » ; mais si je ne veux plus, la vente disparaît et ma créance de prix avec ;
l’engagement demeure donc sérieux, car ma volonté subit une contrainte extérieure à ma seule
fantaisie.
La Cour de cassation a condamné cette analyse 3272. Selon Jean-Jacques Taisne 3273, l’obligation
contractée sous condition potestative est nulle dans un contrat synallagmatique si elle confère au
débiteur le pouvoir arbitraire de ne pas exécuter sa prestation ; elle est valable si le pouvoir du
débiteur ne dépend pas entièrement de lui, ou lui impose un sacrifice conséquent 3274. Le contrat
synallagmatique ne présente donc pas de particularisme à l’égard de la condition potestative. Un
créancier peut demander la nullité de l’obligation du débiteur (et, par suite, de la sienne propre pour
défaut de contrepartie) pour potestativité si l’existence de sa créance dépend entièrement de la
volonté de son débiteur. Dans tous ces cas, la règle est la même : la condition potestative annule ou
non l’obligation selon que le débiteur tient ou non le créancier à sa merci.
C. NI IMPOSSIBLE NI ILLICITE
§ 2. EFFETS
I. — Condition suspensive
Les effets de la condition suspensive sont différents selon qu’on se
place à l’époque où la condition est pendante, c’est-à-dire alors qu’on
ne sait si elle se réalisera, ou une fois que l’incertitude a cessé, après sa
défaillance ou sa réalisation.
§ 1. NOTION
§ 2. RÉGIME
I. — Domaine
II. — Effets
I. — Causes
II. — Effets
SECTION I
SOLIDARITÉ ACTIVE
SECTION II
SOLIDARITÉ PASSIVE
§ 1. SOURCES
§ 2. EFFETS
I. — Effets principaux
a) Unité d’objet
A. FONDEMENTS
B. ÉTENDUE
Précisément, ce sont trois effets de cet ordre que le Code civil attache
à la solidarité : il suffit au créancier d’agir contre un codébiteur pour
qu’à l’égard de tous, la prescription soit interrompue, que les intérêts
courent et que la mise en demeure soit faite. La jurisprudence a poussé
encore plus loin les effets attachés à la représentation mutuelle des
codébiteurs ; elle l’étend à la procédure, en effaçant, plus ou moins, la
relativité de la chose jugée, des voies de recours et de la transaction.
SECTION I
DOMAINE
SECTION II
RÉGIME
1389. Chassé-croisé des institutions. – Ainsi, la cession de créance était conçue par le Code
civil de 1804 comme une vente, dans le titre de laquelle il la situait. Mais on admettait qu’une
donation puisse être réalisée par voie de cession de créance. La cession de créance pouvait même
être un mode d’extinction d’une obligation (cession de créance-paiement) ou de constitution d’une
sûreté (cession fiduciaire). L’ordonnance du 10 février 2016 a consacré cette polyvalence de la
cession de créance, en détachant celle-ci du droit de la vente. Pareillement, la délégation a d’abord
été, et pendant longtemps, un procédé d’extinction des obligations. Le Code civil la conçoit comme
une novation, elle-même mode d’extinction. Aujourd’hui, elle remplit d’autres rôles : un procédé de
reprise de dette ; ou une garantie 3448. La subrogation personnelle a d’abord été, et pendant longtemps,
un procédé lié à l’extinction des obligations : le Code civil la lie au paiement dans la section duquel
il la situe ; aujourd’hui, elle peut être aussi un procédé de transfert.
On assiste à un chassé-croisé entre les fonctions traditionnelles des opérations à trois personnes.
Ces élargissements entraînent une confusion croissante entre les institutions qui conservent pourtant
des régimes juridiques différents. Ils provoquent aussi leur dénaturation progressive : toute extension
est source de crise.
§ 1. CONDITIONS
II. — Loi
1399. Exclusions. – 1º) D’une part, celui qui est étranger à la dette
ne bénéficiait pas de la subrogation légale ; s’il a payé sans être tenu, ce
peut être, d’abord, par bienveillance : pourquoi lui accorder la
subrogation ? Ce peut être aussi spéculation ; s’étant spontanément
immiscé dans les affaires d’autrui, il n’avait qu’à se protéger lui-même
en demandant la subrogation conventionnelle. Ce peut être, enfin, par
une autre forme de calcul ou par erreur ; même en ces cas, la
jurisprudence décidait, après avoir hésité, qu’il n’avait pas de recours
subrogatoire automatique contre le débiteur 3481, sauf les cas spéciaux
précisément prévus par la loi (anc. art. 1251, 1o, anc. art. 1251, 4o).
Dans l’optique de l’ancien article 1251, il n’était pas nécessaire que la dette du solvens soit
certaine et exigible au moment où il payait : une dette virtuelle suffisait à fonder la subrogation
légale 3482. Ainsi, quand la dette du solvens était fondée sur une idée de garantie, la subrogation
jouait-elle pleinement son rôle social d’auxiliaire : elle incitait à payer le créancier, par exemple la
victime d’un dommage, sans attendre d’y être contraint, en permettant au solvens d’agir ensuite contre
le responsable final. L’intérêt du solvens au paiement remplaçait la condition d’existence d’une dette,
évolution qu’a achevée l’ordonnance du 10 février 2016.
2º) D’autre part, aucun recours, et par conséquent, aucune
subrogation, n’est accordé à celui qui paye ce qui lui incombe à titre
exclusif et définitif. Ainsi en est-il si le codébiteur solvens s’est engagé
envers les autres codébiteurs à supporter définitivement la charge de la
dette 3483 ou s’il est naturellement le débiteur devant supporter
définitivement le poids de la dette 3484 : à ce titre également, la
subrogation est un mécanisme général de garantie.
Ainsi, la jurisprudence décide que le propriétaire, tenu par application des articles 1240 à 1244
(anc. art. 1382 à 1386) d’indemniser les tiers en raison des dommages causés par les vices de son
immeuble, a un recours en responsabilité extracontractuelle, contre l’architecte ou l’entrepreneur 3485,
implicitement fondé sur la subrogation personnelle (l’action exercée étant celle du tiers victime, elle
est extracontractuelle, et non contractuelle), alors que le propriétaire a payé sa propre dette. Il est
parfois difficile de savoir si le poids d’une dette doit ou non être réparti entre les codébiteurs. La
question se pose notamment pour les codébiteurs alimentaires 3486.
De même, l’article 1251, 2o accordait la subrogation à un débiteur qui payait pourtant sa propre
dette : l’acquéreur d’un immeuble hypothéqué, qui employait le prix d’acquisition au paiement des
créanciers hypothécaires. L’octroi de la subrogation, admis depuis longtemps, a paru opportun 3487.
B. L’ARTICLE 1346
§ 2. EFFETS
I. — Transmission de la créance
A. QUALITÉS
B. VICES
B. PAS DE QUITTANCE
§ 3. APPLICATIONS
II. — Garantie
La cession de créance (art. 1321 à 1326, anc. 1689 à 1701) est une
convention par laquelle un créancier, appelé cédant (A), transfère sa
créance à un contractant, appelé cessionnaire (C) ; le débiteur est
désigné sous le nom de cédé (B).
1408. Historique. – Dans le droit romain primitif, l’obligation était essentiellement un lien
personnel et formaliste, par conséquent intransmissible aussi bien dans son aspect actif (la créance)
que passif (la dette). Cette intransmissibilité a été écartée par étapes. D’abord, pour la transmission à
cause de mort : la continuation de la personne du défunt a été l’idée qui a justifié la transmission à
l’héritier des obligations du défunt, actives et passives, sauf si elles étaient viagères.
Pendant longtemps, ce fut en utilisant et en déformant d’autres institutions déjà connues que
s’accomplît la transmission de la créance entre vifs : novation par changement de créancier,
procuratio in rem suam (mandat dans l’intérêt du mandataire, qui se fait payer par le débiteur du
mandant, sans rendre de comptes). Ces procédés se sont perfectionnés lorsque Justinien a rendu
irrévocable la cession qui avait été signifiée au débiteur cédé.
Le droit français a recueilli la cession de créance en cet état ; mais il a modifié le rôle de la
signification au débiteur cédé.
La cession de créance a longtemps connu un vif succès. Cependant, le lent et discret
développement de la cession de contrat lui a retiré progressivement son importance. D’autant que la
rapide croissance des cessions commerciales de créance, spécialement de la cession dite
« Dailly » 3525, a contribué au dépérissement de la cession de créance selon les formes du Code civil.
L’ordonnance du 10 février 2016 a simplifié la cession régie par le Code civil3525a. Elle a allégé
le formalisme d’opposabilité qui freinait jusque-là son emploi. Elle a aussi déplacé la matière du
droit de la vente vers le régime général des obligations, ce qui convient mieux à la variété des
fonctions que la pratique lui assigne.
§ 1. CONDITIONS
I. — Objet
II. — Formalités
A. FORMALITÉS ANCIENNES
1411. Article 1690. – Jusqu’à la réforme opérée par l’ordonnance du 10 février 2016, la cession
de créance ne connaissait pas de formalités ad validitatem, mais était sujette à un formalisme
d’opposabilité fondé sur l’article 1690 : « Le cessionnaire n’est saisi à l’égard des tiers que par la
signification du transport faite au débiteur. Néanmoins, le cessionnaire peut être également saisi
par l’acceptation du transport faite par le débiteur dans un acte authentique ». Inchangé depuis
1804, ce texte prévoyait deux formalités entre lesquelles les parties pouvaient choisir pour rendre la
cession opposable aux tiers, c’est-à-dire, dit le texte, pour « saisir » le cessionnaire à leur égard :
signification au débiteur ou « acceptation » de celui-ci dans un acte authentique (en fait, un simple
acquiescement). La signification est un exploit d’huissier informant le débiteur de la cession ; elle a
donc un coût. L’« acceptation » par acte authentique, théoriquement plus coûteuse encore que la
signification, n’était employée, en fait, que si la cession elle-même avait lieu par acte authentique, le
débiteur étant invité à y adhérer.
L’article 1690 n’a plus vocation à s’appliquer à compter de l’entrée en vigueur de l’ordonnance
du 10 février 2016, c’est-à-dire à compter du 1er octobre 2016. En effet, la cession de créance étant
un contrat, les cessions postérieures à cette date seront régies par les dispositions résultant de
l’ordonnance quand bien même la créance cédée serait née antérieurement.
Ce texte mérite néanmoins d’être expliqué, non seulement parce qu’il continue de régir les
cessions antérieures au 1er octobre 2016, mais aussi parce qu’il est caractéristique des enjeux du
formalisme d’opposabilité et des techniques employées au fil du temps pour y faire face. Dans
l’article 1690, deux mots doivent être expliqués : « saisir » et « tiers ».
1412. « Saisir » le cessionnaire : trois procédés. – La raison pour laquelle ces formalités étaient
imposées par la loi tenait à ce que la cession de créance n’a pas pour objet un bien quelconque, mais
une créance. Aussi comporte-t-elle deux éléments fondamentaux. D’une part, un contrat entre le
cédant et le cessionnaire, contrat qui est exempté de toute formalité, mais qui, en vertu de l’effet
relatif des conventions (art. 1199, anc. art. 1165), ne lie que le cédant et le cessionnaire et ne peut ni
profiter ni nuire aux tiers. D’autre part, un transfert de droit personnel qui se réalise par
l’établissement d’un lien entre le débiteur cédé, non partie à la cession, et le cessionnaire.
Afin de lier le débiteur au cessionnaire, il existe trois procédés que notre droit a, dans son
histoire, successivement connus : le consentement du débiteur, sa saisine et enfin son information.
1o) Pour que le débiteur cédé soit lié au cessionnaire par la cession de créance, on peut tout
d’abord exiger son consentement, à côté de ceux du cédant et du cessionnaire. Tel fut le système du
droit romain primitif : la novation par changement de créancier, qui exige l’acceptation du débiteur.
Cependant, la cession de créance n’est pas une novation, puisqu’il n’y a pas changement de créance,
mais seulement changement de créancier ; en d’autres termes, il n’y a pas création d’une créance du
cessionnaire contre le cédé, mais transfert au cessionnaire de la créance du cédant contre le cédé.
2o) Le second procédé consiste à investir le cessionnaire du droit qu’avait le cédant contre le
débiteur cédé. Tel était le système de l’Ancien droit, qui était en harmonie avec le régime auquel
étaient alors soumis tous les transferts de droits.
En effet, un transfert de droits résultant d’une vente ne pouvait alors avoir lieu que par une
investiture de l’acquéreur : comme à Rome, la vente ne produisait pas transfert de propriété par le
seul effet du consentement. Il fallait en outre que l’acquéreur fût « ensaisiné », c’est-à-dire se vît
conférer le pouvoir d’appréhender la possession de la chose vendue. Cette règle était applicable à
toutes les ventes, et notamment à la cession de créance : le consentement du cédant et du cessionnaire
était impuissant à investir celui-ci de la créance contre le cédé. Il fallait que fût aussi accomplie une
formalité, destinée à conférer au cessionnaire la maîtrise de la créance : elle était constituée par la
signification au cédé qui avait pour objet d’établir un lien de droit entre cessionnaire et cédé.
Le système explique au moins la langue de l’article 1690 : « le cessionnaire est saisi »...
3o) Le troisième procédé se préoccupe seulement d’informer de la cession le débiteur cédé. Il est
celui qu’avait adopté le droit romain impérial avec Justinien.
La justification et le sens de la règle deviennent différents de ceux auxquels aboutissaient les
analyses antérieures. Par elle-même, la convention entre cédant et cessionnaire suffit à transférer la
créance ; mais elle est inopposable aux personnes autres que le cédant et le cessionnaire. Le débiteur,
tout d’abord ; s’il n’est pas averti, il risque de payer le cédant qui n’est pourtant plus créancier : il
serait donc exposé à payer deux fois si la cession lui était opposable sans formalités. Puis les tiers :
les créanciers du cédant, et d’autres cessionnaires de la créance, si le cédant a cédé la même créance
à plusieurs personnes.
On a donc prévu une formalité : la signification de la cession au débiteur cédé, ou son
« acceptation » dans un acte authentique.
Dans le droit contemporain, l’article 1690 s’expliquait par le dernier
système. « L’acceptation » du débiteur par acte authentique n’était pas
un engagement qu’il aurait pris à nouveau ; la cession de créance n’est
pas une novation : le débiteur, même s’il acceptait la cession, pouvait
opposer au cessionnaire à peu près toutes les exceptions qu’il aurait pu
opposer au cédant. Encore moins, la signification était-elle un
ensaisinement, devenu inutile depuis 1804 pour assurer le transfert de
propriété ; son rôle n’était plus d’investir le cessionnaire. Elle avait pour
objet d’informer solennellement le débiteur du changement de créancier
et de le charger d’en prévenir les tiers.
Malgré les assouplissements que la jurisprudence leur avait apportés, les formalités de
l’article 1690 demeuraient inchangées. Des auteurs contemporains en demandaient la suppression,
sauf à hésiter sur les modes par lesquels le débiteur pourrait être informé de la cession, pour
l’empêcher de se prévaloir de l’article 1240 (auj. art. 1342-3), qui déclare valable le paiement fait
de bonne foi au possesseur de la créance 3552.
1413. « Tiers ». – Le mot « tiers », qu’employait l’article 1690, visait particulièrement les ayants
cause à titre particulier du cédant et le débiteur cédé lui-même.
1o) Les premiers sont ceux qui ont acquis un droit sur la créance, concurrent de celui du
cessionnaire : autres cessionnaires (le cédant a cédé la créance plusieurs fois successivement),
créanciers saisissants (saisie-attribution, l’ancienne saisie-arrêt), ensemble des créanciers en cas de
procédure collective à laquelle serait soumis le cédant. La cession de la créance leur fait grief car, si
elle leur est opposable, elle a pour effet que les droits du cessionnaire deviennent préférables aux
leurs 3553.
2o) Quant au cédé, l’opposabilité de la cession de créance lui permet de connaître le créancier
qu’il doit payer afin d’être libéré ; elle ne fait naître aucun droit supplémentaire contre lui.
Exceptionnellement, l’opposabilité peut avoir pour effet de nuire à ses intérêts : toutes les fois qu’il
aurait eu intérêt à demeurer créancier du cédant, par exemple parce qu’il aurait été en position
d’invoquer la compensation.
Il y a donc plusieurs catégories de tiers susceptibles de pâtir de l’opposabilité de la cession.
C’est seulement à leur égard que les formalités d’opposabilité présentent un intérêt. Ce que résume la
Cour de cassation : « ne sont tiers, au sens de ce texte [art. 1690], que ceux qui, n’ayant pas été
parties à l’acte de cession, ont intérêt à ce que le cédant soit encore créancier » 3554.
Ces formalités n’ont aucun effet dans les rapports entre les parties (a) ; elles en produisent
davantage à l’égard du débiteur cédé qui est tiers à la cession, mais partie à l’obligation cédée (b) ;
elles ont un rôle déterminant à l’égard des personnes qui sont tiers à la cession sans être parties à
l’obligation cédée (c).
1417. Prévention de l’antidate. – Si l’article 1690 avait simplement visé à permettre au débiteur
de jouer ce rôle d’informateur, il aurait suffi d’exiger qu’il ait eu connaissance de la cession sous une
forme quelconque. Comment justifier l’exigence des solennités auxquelles s’attachait le texte ? Il faut
penser au risque de fraude. Le cédant et un cessionnaire peuvent s’entendre afin d’antidater une
cession en vue de la rendre opposable au créancier saisissant ou au véritable cessionnaire.
L’exigence des formes solennelles empêchait ces fraudes parce qu’elles imposaient l’intervention
d’un officier ministériel (huissier, notaire). Seule la date certaine de la signification ou de
l’acceptation dans un acte authentique permettait de trancher le conflit entre le cessionnaire et les
autres ayants cause à titre particulier du cédant.
C’est sur ce point que l’ordonnance du 10 février 2016 est intervenue : en supprimant tout
formalisme d’opposabilité aux tiers, elle a pris le risque de la fraude à leurs droits par antidate de la
cession.
B. FORMALITÉS ACTUELLES
§ 2. DOMAINE
1428. Titrisation des créances. – Une loi du 23 décembre 1988 (art. 34-41) a créé un nouvel
instrument destiné à permettre aux banques de financer certains prêts par appel à l’épargne : le fonds
commun de créances (C. mon. fin., art. L. 214-43). Son domaine a été élargi par la loi no 93-6 du
4 janv. 1993. Le fonds, organisme qui n’a pas la personnalité morale 3626, acquiert des créances au
moyen d’un simple bordereau dont les énonciations sont fixées par un décret (C. mon. fin., art. R 214-
109, anciennement Décr., 9 mars 1989, art. 2), analogue à celui qu’institué la loi de 1981 et dont le
formalisme est strictement sanctionné 3627. Le débiteur est informé par lettre simple. Mais le
recouvrement de la créance continue à être assuré par l’établissement de crédit cédant, sauf
convention particulière, qu’il doit accepter par écrit.
Une fois encore, l’entremise d’une banque permet de simplifier la cession de créance.
§ 1. DIFFICULTÉS TECHNIQUES
Directement influencés par les travaux d’élaboration du Code civil allemand, entré en vigueur le
1 janvier 1900, des auteurs 3636 ont démontré qu’en droit français, il était possible d’admettre une
er
institution comparable à la reprise de dette du droit allemand 3637. Ils empruntent à celui-ci ses
classifications et mettent en évidence l’insuffisance des institutions françaises voisines.
§ 2. OBSTACLE FONDAMENTAL ?
Il est possible de charger un tiers de sa propre dette au moyen de l’un des cinq procédés énumérés
ci-dessus ; la stipulation pour autrui et surtout la délégation sont particulièrement adaptées. Il était
impossible, en revanche, de réaliser une véritable cession de dette, c’est-à-dire un transfert non
seulement économique, mais juridique, de l’obligation d’un débiteur à un tiers.
1444. Droits français et germaniques. – En droit français comme dans les droits germaniques
(BGB et CO), la reprise de dette n’a longtemps pu consister que dans la création d’une obligation
nouvelle ou dans une cession de contrat 3647.
Cela tient au fait qu’à la différence de la créance, la dette est inséparable de sa cause (anc.
art. 1108 et 1131). Un débiteur s’engage en considération d’un but, et ce but fait partie intégrante de
son obligation, au même titre que l’objet.
Par conséquent :
1º) Ou bien, le nouveau débiteur reprend une dette qui est la contrepartie du droit qu’il
recueille 3648 : il s’agit d’une cession de contrat, qui maintient l’unité et l’identité du rapport
contractuel 3649.
2º) Ou bien, le nouveau débiteur reprend la dette de son auteur afin de le payer 3650. Il s’agit d’une
dette nouvelle (par sa cause, sa raison d’être), qui nécessite en droit français comme dans les droits
germaniques, un échange des consentements entre le nouveau débiteur et le créancier, et ne comporte
pas les exceptions qu’aurait pu opposer le débiteur originaire 3651.
3º) Enfin, s’il s’agit seulement de donner à l’engagement du nouveau débiteur le même objet que
celui de la dette originaire et s’il faut maintenir les sûretés garantissant la dette originaire, nul besoin
d’une cession de dette : la délégation, en France comme à Rome 3652, le permet.
Ainsi, sauf en cas de cession de contrat 3653, la dette ne peut faire l’objet d’une cession par le
même procédé que la créance. Cela tient au fait que la dette n’est jamais, pour le débiteur, une valeur
en elle-même, mais demeure indissociable de sa cause.
De même, le poids économique de la dette peut être reporté sur un tiers par divers procédés ;
spécialement au moyen de la délégation ou de la stipulation pour autrui, il s’agit toujours d’une
obligation nouvelle pour le nouveau débiteur ; ce qui lui interdit notamment d’invoquer les exceptions
inhérentes au rapport juridique (résiliation, résolution, exception d’inexécution...) d’où est issue la
dette originaire.
Le régime actuel de la délégation ou de la stipulation pour autrui
paraît satisfaire, pour l’essentiel, les besoins de la pratique.
Malgré cette absence de nécessité pratique et ces objections
théoriques, le législateur a souhaité consacrer, par l’ordonnance du
10 février 2016, un mécanisme de cession de dette.
§ 3. CONSÉCRATION
1447. Formalisme d’opposabilité. – Quand bien même le créancier aurait donné son accord à la
cession par anticipation ou par intervention à l’acte, il ne peut se prévaloir des effets de la cession
pour agir contre le nouveau débiteur et on ne peut pas non plus la lui opposer, tant qu’une formalité
complémentaire n’a pas été accomplie (art. 1327-1). Cette formalité consiste en une notification ou
en une prise d’acte.
Une cession peut donc être valablement formée et demeurer durablement sans effets à l’égard du
créancier. Cela se comprend si, l’ayant autorisée par anticipation, elle a été convenue en dehors de
lui. Si le créancier est intervenu à l’acte de cession, ce différé se comprend moins. Il est probable
que l’article 1327-1 comporte une erreur matérielle de rédaction sur ce point 3655. L’accomplissement
d’une formalité d’opposabilité ne serait alors nécessaire que dans l’hypothèse où le créancier a
donné son accord à la cession de manière anticipée. C’est en ce cas qu’il peut avoir ignoré sa
formation ultérieure et qu’il devient utile de la lui notifier ou qu’il en prenne acte.
§ 2. ORIGINALITÉ DE LA DÉLÉGATION
1471. Délégation et indication de paiement. – L’indication de
paiement faite par le débiteur (art. 1340, anc. art. 1277, al. 1) 3706
ressemble à la délégation, et peut permettre, comme elle, d’opérer un
paiement simplifié 3707. Elle s’en distingue par un trait essentiel : le
débiteur indiqué ne devient pas personnellement débiteur du créancier ;
il ne prend à son égard aucun engagement 3708 ; le créancier ne dispose
pas contre lui d’un droit propre ; il ne peut le poursuivre en paiement ;
si le débiteur indiqué paie le créancier, il le fait en qualité de
représentant du débiteur initial. Au contraire, le délégué doit
personnellement accepter la délégation ; cependant, son consentement
peut être tacite 3709.
Une indication de paiement se transforme en délégation, si le débiteur indiqué prend l’engagement
de payer et si le créancier accepte cet engagement.
1253 1342-10
1254 1343-1
1255
1256 1342-10
1257 1345, 1345-1
1258
1260 1345-3
1261 1345-1
1262 1345-1
1263
1264 1345-1
1271 1329
1272
1273 1330
1274 1332
1275 1337, 1338
1276 1337
1277 1340
1278 1334
1279 1334
1280 1334
1281 1335
1282 1342-9
1283 1342-9
1284 1342-9
1285 1350-1
1286
1287 1350-2
1288 1350-2
1289 1347
1290 1347
1291 1347-1
1292 1347-3
1293 1347-2
1294 1347-6
1295 1347-5
1296
1297 1347-4
1298 1347-7
1299 1347-7
1300 1349
1301 1349-1
1216
1216-1
1216-2
1216-3
1217
1218 1148
1219
1220
1221 1142
1222 1143, 1144
1223
1224 1184
1225
1226
1227 1184
1228
1229
1230
1231 1146
1231-1 1147
1231-2 1149
1231-3 1150
1231-4 1151
1231-5 1152, 1230, 1231
1231-6 1153
1231-7 1153-1
1240 1382
1241 1383
1242 1384
1243 1385
1244 1386
1245 1386-1
1245-1 1386-2
1245-2 1386-3
1245-3 1386-4
1245-4 1386-5
1245-5 1386-6
1245-6 1386-7
1245-7 1386-8
1245-8 1386-9
1245-9 1386-10
1245-10 1386-11
1245-11 1386-12
1245-12 1386-13
1245-13 1386-14
1245-14 1386-15
1245-15 1386-16
1245-16 1386-17
1245-17 1386-18
1300 1371
1301 1372
1301-1 1373, 1374
1301-2 1375
1301-3
1301-4
1301-5
1302 1235
1302-1 1376
1302-2 1377
1302-3
1303
1303-1
1303-2
1303-3
1303-4
1304 1168, 1181, 1183
1304-1 1172
1304-2 1170, 1171, 1174
1304-3 1178
1304-4
1304-5 1180
1304-6 1179, 1182
1304-7 1179
1305 1185
1305-1
1305-2 1186
1305-3 1187
1305-4 1188
1305-5
1306
1307 1189
1307-1 1190
1307-2
1307-3 1193
1307-4 1194
1307-5 1195, 1196
1308
1309 1217, 1218, 1219, 1220
1310 1202
1311 1197, 1198
1312 1199
1313 1200, 1203, 1204
1314 1207
1315 1208
1316 1210, 1211
1317 1213, 1214, 1215
1318 1216
1319 1205
1320 1222, 1223, 1224
1321 1692
1322
1323 1689, 1690, 1691
1324 1295
1325
1326 1693, 1694, 1695
1327
1327-1
1327-2
1328
1328-1
1329 1271
1330 1273
1331
1332 1274
1333
1334 1278, 1279, 1280
1335 1281
1336 1275
1337 1275, 1276
1338
1339
1340 1277
1341
1341-1 1166
1341-2 1167
1341-3
1342
1342-1 1236, 1327
1342-2 1239, 1241
1342-3 1240
1342-4 1243, 1244
1342-5 1245
1342-6 1247
1342-7 1248
1342-8
1342-9 1282, 1283, 1284
1342-10 1253, 1255, 1256
1343
1343-1 1254
1343-2 1154
1343-3
1343-4 1247
1343-5 1244-1, 1244-2, 1244-3
1344 1139
1344-1 1153
1344-2 1302
1345 1257
1345-1 1261, 1262, 1264
1345-2
1345-3 1260
1346 1251
1346-1 1250
1346-2 1250
1346-3 1252
1346-4
1346-5
1347 1289, 1290
1347-1 1291
1347-2 1293
1347-3 1292
1347-4 1297
1347-5 1295
1347-6 1294
1347-7 1298
1348
1348-1
1348-2
1349 1300
1349-1 1301
1350
1350-1 1198, 1285
1350-2 1287, 1288
1351 1148
1351-1 1302, 1303
1352 1379
1352-1
1352-2 1380
1352-3
1352-4 1312
1352-5 1381
1352-6
1352-7 1378
1352-8
1352-9
1353 1315
1354 1349, 1350, 1352
1355 1351
1356 1352
1357
1358 1348
1341, 1342, 1343, 1344,
1359
1345
1360 1348
1361 1347, 1355
1362 1336, 1347
1363
1364
1365 1316
1366 1316-1, 1316-3
1367 1316-4
1368 1316-2
1369 1317, 1317-1
1370 1318
1371 1319
1372 1322
1373 1323, 1324
1374
1375 1325
1376 1326
1377 1328
1378 1329, 1330
1378-1 1331
1378-2 1332
1379 1334, 1335, 1348
1380 1337
1381
1382 1353
1383 1354
1383-1 1355
1383-2 1356
1384 1357
1385 1358, 1360
1385-1 1359, 1362
1385-2 1361
1385-3 1363, 1364
1385-4 1365
1386 1366
1386-1 1367
INDEX DES ADAGES3731A
a) Index alphabétique
Air France (aff. de l'aéoroport d'Orly), Cass. civ. 2e, 26 nov. 1980, 1377
** Andret, Cass. Ass. plén., 13 juill. 2001, 90, 92, 242
Arpin, Cass. civ. 2e, 28 juin 1989, 277
Athalin Laurent, Cr., 8 déc. 1906, 231
Assur. groupe popul., cie, Cass. civ. 1re, 27 janv. 1993, 444
Énergie électrique du littoral méditerranéen, sté, Req. 1er juin 1932, 241
** Eternit, Cass. soc. 28 févr. 2002, 58
G
Gabillet, Cass. Ass. plén., 9 mai 1984, 42, 200
Gaden, épx, Cass. com., 22 oct. 1991, 791
** Galopin, dame, Cass. Ass. plén., 29 oct. 2004, 611, 647
Gare de Bordeaux, Cass. civ., 30 nov. 1920, 187
Gaz de Bordeaux, C.E., 20 mars 1916, 758
Gerbaud, cons., Cass. civ. 2e, 10 févr. 1966, 342
Gourlain cons., Cass. civ. 2e, 20 nov. 2003, 423, 777
Graindorge, Cass. com., 11 févr. 1997, 991
Gueffier, Cass. civ. 2e, 2 juill. 1969, 94, 1379
Guilloux, Cass. civ., 25 mai 1870, 475
** Oxygène liquide (aff. de l'), Cass. civ. 2e, 10 juin 1960, 203
b) Index chronologique
c) Index thématique
Accidents du travail
— ** Cass. soc., 28 févr. 2002, Eternit, 58
Faute par omission
— ** Cass. civ., 27 févr. 1951, Branly, 61
Lien de causalité
— ** Cass. Ass. plén., 17 nov. 2000, Perruche, 89
Causalité partielle, Cass. civ. 2e, 2 juill. 1969, Gueffier, 94
Abus des droits
— ** Req., 3 août 1915, Clément-Bayard, 120
— Cass. com., 26 nov. 2003, sté Alain Manoukian, 122
Troubles de voisinage
— Cass. civ. 1re, 5 nov. 1963, Bacot, 126
Un principe général ?
— ** Cass. Ass. plén., 29 mars 1991, Blieck, 149
— Cass. civ. 2e, 12 déc. 2002, Majorettes, 149
Responsabilité des parents ; preuve contraire
— Cass. civ. 2e, 19 févr. 1997, dame Bertrand, 150
Responsabilité des parents ; fait causal
— Cass. civ. 2e, 10 mai 2001, Levert, 150, 151
Rattachement du fait dommageable au rapport de préposition
— ** Cass. Ass. plén., 17 juin 1983, commune de Chignin et autres, 163
Resp. du préposé
— Cass. Ass. plén., 25 févr. 2000, Costedoat, 166
— Cass. Ass. plén., 14 déc. 2001, Cousin, 166
Implication
— Cass. civ. 2e, 12 juin 1996, S.A.R.L. B. et S. International France, 274
Faute inexcusable
— Cass. Ass. plén., 10 nov. 1995, cons., Lahrer, 276
Action récursoire
— Cass. civ. 2e, 28 juin 1989, Arpin, 277
Relations entre la responsabilité des parents du fait de leurs enfants et celle du fait des choses
— Cass. civ. 2e, 10 févr. 1966, Gerbaud, cons., 342
Acte d'assistance
— Cass. civ. 1re, 27 janv. 1993, Cie d'assur. gpe popul., 444
Bonne foi
— Cass. com., 10 juill. 2007, Sté Les Maréchaux, 459
Indétermination du prix
— ** Cass. Ass. plén., 1er déc. 1995, le Montparnasse, 600
Chapitre I. – La prestation
Clause abusive
— Cass. civ. 1re, 6 janv. 1994, Diac, 603
Bonnes mœurs
— ** Cass. Ass. plén., 29 oct. 2004, dame Galopin, 647
Ordre public extra legem
— ** Cass. civ., 4 déc. 1929, dr. Croisé, 648
Théorie de l'imprévision
— ** Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne, 759
— C.E., 30 mars 1916, Gaz de Bordeaux, 759
Nullité de la contre-lettre
— Cass. ch. mix., 12 juin 1981, Lussier, 769
Consentement du cédé
— Cass. com., 6 mai 1997, sté Rougeot, 862
Paiement à autrui
— Req., 27 janv. 1862, caisse de dépôts et consignations, 1078
Dation en paiement
— Cass. Ass. plén., 22 avr. 1974, Pin, 1180
Obligation naturelle
— Cass. civ. 1re, 10 oct. 1995, Frata, 1337
Obligation in solidum
— Cass. civ., 4 déc. 1939, Boghos Nouroglou, 1377
— Cass. civ. 2e, 26 nov. 1980, Air France (aff. de l'aéroport d'Orly), 1377
— Cass. civ. 2e, 2 juill. 1969, Gueffier, 1379
Bail
— accord collectif, 824
— acte d'administration, 722, 907
— action directe, 1154, 1155
— but
– illicite, 609
— cession, 856 à 858, 1410
– formalités, 1416
– fraude, 1414
— clause
– exonérant bailleur, 986
– indexation, 610, 720, 1100
– recette, 1100
– résolutoire, 889
— commercial (révision), 763
— condition potestative, 1315
— congé, 434
— date certaine, 575
— délai de grâce, 1124
— erreur invincible, 722
— exception d'inexécution, 874, 876
— faute lourde, 987
— indexation, 610, 720, 1100
— interprétation, 772, 986
— intuitus personae, 472
— mentions informatives, 522, 540
— nourriture à
– conversion, 1183
– révision, 763
— novation, 1183
— obligation essentielle, 986
— offre, 472
— preuve
– date, 562
— reconduction, 419
— résiliation, 905
– abus du droit, 418
– cl. résolutoire, 887, 890
– condition potestative, 1315
– mise en demeure, 974
– renonciation, 897
– unilatérale, 892 à 894
— révision, 763, 1107
— risques, 899, 900
— silence, 482
— sous-location, 837, 842, 846
— tacite reconduction, 419
Bancarisation, 393
— acte abstrait, 604
— cession de créance, 1427, 1428
— chèque,
– monnaie scripturale, 1091
– novation, 1184
– paiement, 1079, 1091
— crédit, 575
— date certaine, 577
— monnaie électronique, 565
— prélèvement d'office, 1075, 1088
— preuve (copies qualifiées), 567
— solidarité active, 1355
– virement, 1091
— titrisation créances, 1428
Bang, bruit, responsabilité, 192
Banque
— obligation d'information, 781
— resp. (chéquier volé), 89
Barème, évaluat. du dommage, 245, 246
Bâtiments (resp. du fait des), 180 à 183
Billet
— à ordre, 608, 1079
— non causé, 608, 1425
— preuve, 608
Bioéthique, 601
Blanc-seing, 570
Bon pour
— action de in rem verso, 1069
— contrats unilatéraux, 572
— formalisme inutile, 571
Bonne foi, 458 à 464
— apparence, 722, 1078
— clause abusive, 989
— clause de hardship, 762
— clause d'irresponsabilité, 987
— clause résolutoire, 890
— clause de sauvegarde, 762
— contrats, 764
— date certaine, 575
— dédit, 919
— délai de grâce, 1124
— délégation, 1469
— dommage imprévisible, 964
— exception d'inexécution, 872 et s.
— exécution, 759
— « faillite », 1125
— formation du contrat, 460, 776
— fruits, 1047
— loi Neiertz, 423, 1126
— négociations contract., 462, 776
— obligat. information, 776
— paiement, 1078
– de l'indu, 1047
— preuve de la date d'un acte, 575
— redressement judiciaire civil, 1126
— renseignements, obligation de, 776
— répétition de l'indu, 1047
— résolution, 459, 890
— responsabilité contractuelle, 966
— responsabilité du commettant, 164
— simulation, 771
— subrogation, 1401
— surendettement, 1126
— V. aussi Mauvaise foi.
Bonnes mœurs, 647, 727
Bordereau Dailly, 577, 1427
Brevet d'invention (cession)
— chose future, 599
— contrat aléatoire, 414, 415
Bruit
— avions, 190, 1377
– bang, 192
— troubles de voisinage, 123
Fabricant (resp.)
— légale (produits défect.), 300 à 304
Factoring, 1406
Facture
— concurrence, droit de la, 543
Facultative (obligation), 1085
« Faillite », 1125
— civile, 1126, 1127
— clause résolutoire, 891
— compensation
– conventionnelle, 1192
– judiciaire, 1195
– légale, 1187, 1190
— concordat (ancien), 823
— dation en paiement, 1180
— déchéance du terme, 1304
— déconfiture, 1127
— dessaisissement du débiteur, 219
— imputation des paiements, 1086
— offre (de contrat), caducité, 475
— paiement volontaire, 1078, 1125, 1144
— plan, 823
— redressement judiciaire, 1125
— réserve de propriété, 901
— surendettement, 1126
— terme, déchéance du, 1304
Fait de la chose, resp. délict.
— causalité, 191
— rôle passif, 192, 193
Fait ou faute de la victime, 108, 128 à 130, 194
— oblig. in solidum, 256
— resp. contract., 958
— resp. délict., 108, 128 à 130
– accidents de la circulation, 276
– animaux, 186
– bâtiments, 183
– choses, 194
– personnelle, 130
– ricochet, par, 223
– troubles de voisinage, 125
Fait du prince, 959
Fait du tiers, 959
Fait juridique, preuve, 558
Fausse cause, 499, 607
Faute, 48 à 62
— abstention, par, 61
— acte illicite, 52
— caractérisée, 59
— collective, 210
— conducteur, du, accid. circulat., 276
— contractuelle, 939 à 951
— définition, 48 à 61
— délibérée, 987
— disciplinaire, 60
— dolosive, 951, 967, 1007
– resp. délict., 57
— enfant, d'un, 54
— enrichissement sans cause, 1069
— fait illicite, 52
— fou, d'un, 54
— grave, 59, 892, 951
— grève, 957
— hiérarchie, des, 56 à 60, 951
— in abstracto, 53
— inexcusable, 58, 951, 987
– accidents de la circulation, 276
— infraction pénale
– resp. contract., 966, 1008
– resp. délict., 231 à 234
— intentionnelle, 987, 1007
– accident de la circul., 276
– assurance, 56
- resp. contract., 987, 1007
- resp. délict., 57, 58
— légère, 951
— lourde
– resp.
- contract., 951
- cl. limitative, 980 à 988
- contr. de travail, 951
- cumul des resp., 1007
– délict., 57
– dommage prévisible, dépassement, 967
— médicale, 322
— omission, par, 61
— pénale, 967, 1008
– faute civile et faute pénale, 231 à 234
— personnelle
– préposé, 166
— relativité aquilienne, 48, 52, 1000
— répétition de l'indu, 1045
– salarié, 951
— sport, 132
— victime, 108, 128 à 130
– v. aussi Fait de la victime.
– accidents de la circulation, 276
– dommage par ricochet, 224
– obligation de sécurité, 950
— virtuelle, 62
– instituteur, 156
Fiducie (cession de créance), 1416
Fisc
— condition résolutoire, 1324
— enregistrement, 544
— preuve du préjudice, resp. délict., 244
— simulation, 769
Fonds de commerce, cession
— mentions informatives, 540
— nullité, 546, 698
Fonds de garantie, 28, 258
Forçage du contrat, 774 à 780
Force majeure
— resp. contract., 195, 952 à 957
– chômage, 954
– force majeure momentanée, 960
– grève, 957
– maladie, 956
– résolution des c., 896, 898 à 901
- clause résolutoire, 888
— resp. délict., 195
– accidents de la circulation, 276
Force obligatoire du contrat, 451 à 455, 755 à 764
Forclusion, délai de, 1223
Formalisme, 536 à 581
— acceptation, 477
— consommateur, mentions obligatoires, 540, 541
— contractuel, 457, 536
— informatif, 540, 541, 650
— mise en demeure, 973
— mutuus dissensus, 757
— novation, 1184
— offre, 467
— renonciation, 652
— subrogation imposée par le débiteur, 1398
Formalités, 556
— cession de créance, 1411 à 1415
Formation (contrat), 463 à 525
— punctation, 466
Fraude
— action paulienne, 1141 à 1148
— à la loi, 654
— cession de créance, 1414
— date certaine, à la –, 575
— délégation, 1469
— fiscale, 769
— preuve, 770
— preuve libre, 568, 575
— promesse de vente, 444
— quae temporalia..., 706
— simulation, déclaration de –, 765, 770
– preuve, 770
— solidarité, 1369
Fruits
— répétition indu, 1047
— restitution, 724, 1047
Fundamental breach, 986
Gage,
— gage général des créanciers, 1140
Garagistes (obligation des)
— conseil, 777
— renseignements, 776
— responsabilité, 984
Garantie
— cession de créance, 1419 à 1421
— clause
– accroissement, d', 948, 979
– exonération, d', 980 à 987
— fonds de (resp. délict.), 258
— obligation de, 947, 979
— resp. contract., 948
— vente, 947, 980
Garde
— commun (en), 202, 210
— personne morale, 198
— préposé, 200
— resp. du fait des choses
– contract., 1006
– délict., 187 à 205
– exonération, 130, 193 à 196
– structure, de et comportement, de, 203
— resp. du fait des enfants, 151
Gentleman's agreement, 444
Gestion d'affaires, 1021 à 1033
— enrichis. sans cause, 1024, 1060
— stipulat. pour autrui, 813, 1023
— utilité de la gestion, 1030
Grabataire, resp. delict., 246
Grâce (délai de), 1087, 1124
— compensation, 1188
— échelonnement dettes, 1079
Grève
— force majeure (resp. contract.), 957
— refus exécution jugements, 1123
— suspension du contrat, 960
— vice du consentement, 517
Grosse (a. notarié), 581
Groupes de contrats, 801, 838 à 848, 1001
— actions directes, 846 à 848, 1001, 1156, 1157
— condition, 1305
— option entre resp. contract. et délict., 1001
— responsabilité, 801, 848, 1001
— sous-contrat, 838, 840 à 848
Gueth, 1134
Haftung, 1386
Hardship (clause de), 762, 1101
Héritiers de la victime, 220, 224
Hiérarchie
— fautes, des, 56 à 61, 951
— preuves, des, 569
Historien, resp., 61
Honneur (engagement d'), 440
Hôpital public, resp., 326
Hôtelier
— arrhes, 1083
Illicéité, 52
— v. aussi Objet, Cause, Cessation de l'–
Implication, accid. circulation, 273
Impossibilité préconst. preuve, 564
Imprévision, théorie de l', 758 à 763
Imputabilité,
— intellectuelle, 41, 42
— matérielle, 89 à 96
Imputation
— dommage à l'accident (accid. circul.), 273, 274
— paiements, des, 1086
Incapable
— nullité c., restitut., 725
— resp. délict., 41, 42
Incendie (communication d')
— chose jugée, 234
— resp., 187, 197
— troubles de voisinage, 123
Indemnité d'immobilisation, 445, 919
— révision, 993
Indétermination de l'objet, 600
Indexation conventionnelle, 1100 à 1107
— caducité, 668, 1105
— clause, de
– hardship, 762, 1101
– recette, 1100
— compensation, 1188
— contrat successif, 416
— intérêts moratoires, 968
— nullité, 717 à 721
– substitution, 720
— révision rentes viagères, 763
Indication de paiement
— par créancier, 1457
— par débiteur, 1440
— délégation, 1471
Indignité, exception d', 727
Indivisibilité
— entre contrats, 838 à 848
— nullité, de la, 716 à 719
— obligation, de l', 1351, 1360
— paiements, des –, 1079
Indu, paiement de l', 1041 à 1047
— v. aussi Répétition de l'indu.
Inexécution, contrat, 872 à 920
— exception d', 873 à 881
— faute lourde, 987
— résolution, 884 à 909
– judiciaire, 896, 897
– unilatérale, 892 à 895
— resp. contrat, 933 à 1011
Inexistence, 546, 671, 672
Infans (resp. de l'), 41, 42
Inflation (monétaire), 1093
Information (obligation d'), 776 à 781
— cession de créance, 1411
— consommateurs, protection des, 522
— débiteur cédé, 1422, 1425
— dol, 510
— environnement, 35
— erreur (obl. de l'acheteur), 504
— médecin, 322, 324, 778
— mentions informatives, 522, 540, 541
— obligation d'information, 522, 776 à 780
— preuve, 779
– médecin, 322
— publicité inexacte, v. ce mot.
— resp. délict., 61
— réticence, v. ce mot.
Information, (théorie de l'acceptation d'un contrat), 481
Informatique
— ordinateurs
– avant-contrat, 447
– obligation de renseignements, 777
— paiement, 565, 567
— preuve, 559, 565
— publicité, 556
— signature, 570
Infraction pénale
— resp. contract., 967, 1008
— resp. délict., 231 à 234
– faute de la victime, 128
Injonction
— astreinte, 1132 à 1135
Inopposabilité du contrat, 791 à 793
— date, 575
— fraude paulienne, 1148
— des exceptions, v. ce mot.
— nullité, et, 669
Insanité d'esprit, 494
Inscription de faux, 579
Instituteurs (resp.), 154 à 156
Instrument du dommage, chose, resp. délict., 192
Intégration agricole (contrat d'), 407
— contrat collectif, 824
— mentions informatives, 540
— nullité
– restitutions, 723
Interdépendance,
— entre clauses, 404
— entre contrats, 838 à 847
Intérêts
— anatocisme, 972
— consommateurs, c. de crédit, 541
— conventionnels, 971
– imputation des paiements, 1086
— dette de valeur, 1108
— dette de responsabilité, 235, 254
— légaux, 969, 970
— moratoires, 235, 253, 969
— nullité, 724, 969 à 971
— paiement de l'indu, 1047
— prescription, 1203
— responsab. contract., 969
— restitutions, 724, 969, 970
— solidarité passive, 1368
Interposition de personnes
— simulation, 766
Interprétation des contrats, 772 à 781
— arrhes, 1080 à 1082
— bail, 986
— clause abusive, 602, 772
— clause de dédit, 919, 1081
— clause d'irresponsabilité, 987
— clause pénale, 991
— clause résolutoire, 889
— contrat d'adhésion, 427, 460, 772
— effet utile, 772
— incendie, 197
— nominalisme monétaire, 1097
— preuve, 561
Interruption (prescription), 1216 à 1219, 1223
Interversion (prescription), 1207
Intuitus
— personae, 421
– astreinte, 1134
– cession de contrat, 861
– exécution forcée, 1129
– mandat, 421
– obligation de faire, 1130
– offre, 472
– paiement, 1077, 1078
— rei, 800
Invitation à entrer en pourparlers, 408, 468, 469
Jeu
— oblig. naturelle, 1336
— sports, resp., 132, 133
Juge, office du –, pouvoir modérateur du, v. ces mots.
Joint venture, 1356
Jus commune, 7, 393
Nachfrist, 973
Naturelle (obligation), 1042, 1227, 1334 à 1337
— engagement d'honneur, 440
Nécessité (état de), v. ce mot.
— resp. délict., 118
— violence, 518
Négociation
— clause de hardship, 762
— documents précontractuels, 442
— formation du contrat, 464, 465
Nominalisme monétaire, 1097 à 1099
Non-concurrence (obligation de)
— ayant cause à titre particulier, 800
— cession de créance, 800
— cession de dette, 1435
— clause de –, 650
— indivisibilité, 1351
— ordre public, 649, 650
— proportionnalité, principe de, 520
— relativité du contrat, 800
— transmission, 800, 1435
Non-cumul resp. contract. et délict., 998, 1007 à 1011
Non-renouvellement (contrat), 915
Notaires (obligations)
— devoir de conseil, 777
– preuve, 779
— mandat, paiement, 1078
— obligation d'information, 777, 779
— respons., 777, 779
— solidarité, 1358
— subrogation personnelle, 1395, 1400
Note de couverture, 447
Novation, 1181 à 1185
— changement de,
– cause, 1183
– créancier, 1456
– débiteur, 1441, 1455, 1458
- acompte, 1082
– forme, 1183
– objet, 1184
– parties, 1183
— délégation, 1474
— obligation,
– ancienne, 1183
– naturelle, 1337
– nouvelle, 1227
— reprise de dette, 1441
— solidarité, 1360
Nullité, 666 à 728
— absolue, 702, 704
— amiable, 697
— clause non écrite, 606, 717 à 721
— confirmation, 703, 704
— contrat de travail, 723
— contre-lettre, 769
— conventionnelle, 697
— défaut de pouvoirs, 701
— dommages-intérêts, 728
— effets, 715 à 728
— exception, de, 700, 706
– rétroactivité, 722
— facultative, 698
— formalisme, cause de la –, 541, 546
— inexistence, 546, 671, 672
— inopposabilité, 669
— intégrale, 716
— obligation naturelle, 1337
— office du juge, 423, 699, 754
— partielle, 716 à 721
— prescription, 705, 706
— prêt, du, 426
— quasi-contrat, 1018
— réduction, 519, 720, 882, 883
— régularisation, 703
— relative, 701, 705
– formalisme, 546
— renonciation, 703, 704
— responsabilité, 720, 1002
— restitutions, 723 à 727
– intérêts, 970
— rétroactivité, 722
— risques, théorie des, 899
— substitution d'une cl. à une autre, 720
— temporaire, 704
— textuelle, 696
— virtuelle, 696
Ratification
— confirmation, 703
— gestion d'affaires, 1026
Rapport Dinthilac, 240
Rebus sic stantibus, 761
Réception, théorie de la (formation du c.), 481
Recette, clause, 1100
Recommandations, commission cl. abusives, 603
Reconduction d'un contrat, 419, 475
Reconnaissance de dette, 608
— engagement unilatéral, 435
— interruption prescription, 1218
Recours
— accidents de la circulation, 277
— assurance, 260
– v. aussi Tiers-payeurs.
— commettant, c. préposé, 165
— débiteur
– in solidum, 256, 1381
– responsabilité
- contract., 1005, 1009
- délict., 165, 166, 256, 259, 263, 1381
– solidaire, 1364, 1365
— sécurité sociale, 261
Redressement judiciaire, v. Faillite.
Réduction
— clause excessive, 520, 721
— clause pénale, 991 à 994
— honoraires excessifs, 415
— prix, du, 435, 882, 883
Rééchelonnement des dettes, 423, 1079, 1126, 1171
Réfaction, contrats, 882
— erreur matérielle, 507
Réfection, contrats
— nullité, 704
Réfléchi (dommage), 102
Réflexion (délai de), v. Repentir.
Réforme du droit des contrats, 391
Refus
— soins, de (resp. dél.), 247
Règle du jeu, sports, resp., 132
Règlement amiable,
— surendettement, 1126
Règlement judiciaire, 1125
— v. aussi Faillite.
Régularisation (nullité), 703
Réification
— personne, de la, 601
Relativité aquilienne, 48, 52
Relativité du contrat, 790 à 801
— sous-contrat, 845
— tiers victime inexécution, 1000
Remise de dette, 1170 à 1173
— obligation in solidum, 1381
— solidarité, 1173, 1360, 1362
Remplacement (vente), 892
Renégociation d'un contrat, 764
Renonciation
— acceptation des risques, resp. dél., 132, 133
— acceptation du dommage, resp. dél., 131
— action oblique, 1152
— clause résolutoire, 888
— compensation, 1191, 1418
— condition suspensive, 1321
— confirmation, 703, 704
— formalisme, 652
— nullité, 703, 704
— ordre public, 652
— prescription, 1201, 1225
— résolution,
– clause résolutoire, 888
– résolution judiciaire, 897
– résolution unilatérale, 895
— remise de dette, 1170 à 1173
— resp. délict., 132, 133
— terme, 1301
Renouvellement d'un contrat, 419, 475
Renseignements, oblig. de, 520, 776 à 781
— médecin, 323, 325
— réticence, 510, 780
Rente viagère
— aléa, 414
— « flottante », 255
— indemnité, 255
— reprise de, 852
— révision, 255
Réparation,
— en argent, 249 à 258, 976
– évaluation, 252
— en nature, 249, 976
– resp. contract, 975
– resp. délict., 249
– resp. délictueux, 238 à 263
Repentir (droit de)
— arrhes, 1081
— droit de la consommation, 523
— dédit, 919, 1081
Répétition de l'indu, 1040 à 1048
— faute du solvens, 1045
— nullité, cause de la, 723, 1042
— obligation naturelle, 1042
— paiement de l'indu, 1042
– dette prescrite, 1042, 1336
– dette à terme, 1303
– prescription, 1047
Réponse, droit de (presse), 127
Représentation, 802 à 806
— dol, 513
— gestion d'affaires, 1022, 1032, 1033
— imparfaite, 805, 806
— obligation in solidum, 1382
— parfaite, 803, 804
— solidarité, 1366
Représentativité (accords collectifs), 824
Reprise de dette, 1435, 1444
Res derelictae (resp.), 190
Res nullius (resp.), 190
Rescision,
— lésion, pour, 519, 670, 1108
– condition suspens, délai, 1319
– confusion, 1196
– dation en paiement, 1180
Réservation (contrat de), 443
— arrhes, 1081
Réserve de propriété (clause de), 901
— subrogation, 1402
Réserves, offres réelles, 1089
Résiliation, 417, 905
— abusive, 418
— amiable, 757, 973
— rétroactivité, 904
— unilatérale, 417, 885, 892
Résolution, 884 à 909
— bonne foi, 459, 890
— clause résolutoire, 876, 887 à 891
— condition résolutoire, 1324
— force majeure, 898 à 900
— judiciaire, 896, 897
— renonciation,
– clause résolutoire, 888
– résolution judiciaire, 897
– résolution unilatérale, 895
— rétroactivité, 904
— subrogation personnelle, 1402
— unilatérale, 892 à 895
Responsabilité
— accidents de chasse, 210, 257
— accidents de la circulation, 270 à 279
— avocat, de l', 777, 779
— bruit, du fait du, 123, 126
– avions, 190, 192, 1377
— collective, 210, 211
— contractuelle, 933 à 1011
– clause pénale, 990 à 994
– convention relative à, 978 à 994
– cumul avec resp. délict., 997 à 1011
– droit pénal, 1008
– du fait d'autrui, 1005
– du fait des choses, 1006
– équipe médicale, de l', 844
– exonération, v. ce mot.
– fabricants, v. ce mot.
– généralités, 933 à 938
– inéxécut. d'une oblig. contract., 1003 à 1006
– in solidum, 256, 1378
– médicale, 321 à 326
— délictuelle du fait de
– aliénés, 41 à 42
– animaux, 184 à 186
– apprentis, 153
– autrui, 149 à 167
– bâtiments, 180 à 183
– choses inanimées, 179 à 205
– collisions, 205, 273
– contrats, 1001 à 1006
– élèves, 154 à 156
– enfants, 41 à 42, 150 à 152
– « fabricants », v. ce mot.
– in solidum, 1377
– journal, 121
– magasin, 1006
– médecin, 321 à 325, 844
- du fait des choses, 1006
- infection nosocomiale, 95, 323
– précontractuelle, 780, 1002
– presse, 121
– professionnels, des, 320
– trouble mental, 42
— médicale, 321 à 326
– du fait des choses, 1006
— notariale, 320, 777, 779
— produits défectueux, 300 à 304
Restauration (c. de, nourriture), 949
Restitutions
— comptes
– nullité, 723, 724
– résolution, 905, 906
— dette de valeur, 1107, 1108
— enrichissement sans cause, 1066 à 1068
— fruits, 724, 1047
– anatocisme, 972
— nullité, causées par la, 723 à 727, 1047
– intérêts, 969 à 972
— paiement de l'indu, 1040 à 1047
— réserve de propriété, 901
— résolution, 905, 906
Retard dans l'exécution, 973
— somme d'argent, 968 à 972
Réticence dolosive, 510, 780
Retirement, défaut de, 892
Rétractation,
— offre, d'une, 474
– faite à un consommateur, 523
– promesse de vente, 1130
Retraits, 867, 868
Rétroactivité
— compensation,
– judiciaire, 1194
— condition, 1319
— nullité, 722
— résolution, 904
Révision du contrat
— clause pénale, 991, 993
— imprévision, 758 à 763
— indexation, 1100 à 1107
— réduction du prix, 435, 882
Révocation
— offre, 474
— stipulation pour autrui, 815
Ricochet, dommage par, 102
— v. aussi Dommage.
Risque
— théo. du, resp. dél., 63 à 70
Risques
— acceptation des, resp. dél., 132, 133
— théo. des, contrats, 410, 898, 899
— paiement de l'indu, 1047
Risques et périls, contrat aux, 414
— enrichissement sans cause, 1069
Rôle passif de la chose, 193
Rupture
— amiable, 757
– nature de la resp., 240
– qualification, v. Abus
— brutale, 418
— contrat, d'un, v. Résolution.
— pourparlers, des, 468
— promesse de contrat, d'une, 445
— unilatérale d'un c., 892 à 895
Tabagisme, 424
Tacite reconduction, 419, 915
Télécopie, preuve, 567
Téléphone
— abonnement, 885
Témoins de Jéhovah (refus de soins),
— refus de transfusion, 247
Terme, 1300 à 1304
— déchéance du, 1304
— durée des contrats, 417
– v. aussi ces mots.
— grâce, v. Délai de.
Terrorisme, 28
Théorie
— de l'économie du contrat, 606
— de l'imprévision, 758 à 763
— du risque, 63 à 70
Tiers au contrat
— bénéficiaire (st. p. autr.), 814 à 816, 818, 820
— cession de créance, 1412
— complice viol. d'un cont., 793, 1000, 1005, 1011
— cumul resp. contract. et délict., 1007 à 1009
— date certaine (acte sous signature privée), 575
— dol, 514
— fait d'un, 959
— nullité absolue, 702
— preuve par écrit, 568
— relativité du contrat, 794 à 801
— simulation, 767 à 771
— stipulation pour autrui, 814 à 816, 818
— victime de l'inexécut. d'un c., 794, 801, 1000
Tiers-payeurs, 260 à 263
Titres négociables, 1425
Titrisation, 1428
Transaction
— obligation in solidum, 1382
Transfert de la garde, 201
Transfusion sanguine
— stipulation pour autrui, 810
— témoins de Jéhovah, 247
Transmissibilité de l'action en réparation, 220
Transparence, concurrence, formalisme, 543
Transport
— bénévole, 204, 438
— contrat réel, 426
— de marchandises
– clause limitat. de resp., 982
– fait de l'expéditeur, exonérat. de resp., 959
– limitat. de resp., 965, 987
– resp. contract. fait d'autrui, 811, 1005
— de voyageurs, 223, 949
– bénévole, 204, 438
– resp., 222, 949
– stip. pour autrui, 775, 811
— ferroviaire,
– force majeure, 954
— maritime, 987
Travail (contrat de),
— cession de –, 859
— changement, 1183
— clause pénale, 994
— convention collective, 824
— durée, 417, 915
— grève, v. ce mot.
— intérimaire
– préposé, 160
— licenciement, 417, 909
— nullité (effets), 723
— préposé, 160
– action récursoire, 165, 166
— résiliation, 417
— responsabilité, 165, 166
— tacite reconduction, 419
Trouble mental, resp. délict., 42
Troubles, voisinage du, 123 à 126
T.V.A. (réparat. dommage), 245
Valeur
— dette de, 723, 1107, 1108
— fruits, 724
— remplacement, de, resp. délict., 245
— vénale, resp. délict., 235, 251
Véhicule terrestre à moteur (accid. de circulat.), 270 à 279
Vente
— aléatoire, 415
— chose future, d'une, 599
— contrat consensuel, 425
— domicile, à, 523, 540
— essai, à l', 443
— garantie, 947, 979
— immeuble à construire
– acte authentique, 537
– arrhes, 1081
– contrat préliminaire, 443, 1081
– mentions informatives, 540
— inexistence, 671
— nullité (effets), 722 à 724
— obligation essentielle, 985
— opposabilité, 791
— prix (détermination), 600
— rente viagère, v. ce mot.
— risques, théorie des, 899
— risques et périls, aux, 414
— vileté du prix, 671
Vérification d'écriture, 573
Viagère, rente, v. Intuitus personae.
Vices du consentement, 494 à 518
Vices cachés, garantie des –, 414
— erreur, 497
Victime, resp.
— accid. de circul., faute de la, 276
— coma, 246
— consentement, 131 à 133
— fait ou faute, 128 à 130, 223
– v. aussi Fait.
— héritiers, 220, 221
— par ricochet, 102, 221 à 223
— prédispositions, 107
Violence, 515 à 518
Virement, paiement, 1091
Voies d'exécution, 1122 à 1136
Voisinage (troubles de), 123 à 126
Vol
— automobile, 187, 199
— chéquier, 89
Volonté, autonomie de la, 454
Voyageurs, transport de, 223, 949
— v. aussi Transport.