Bélier hydraulique

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Exemple de dispositif opérationnel.

Le bélier hydraulique est une technique qui permet de pomper de l'eau jusqu'à une hauteur plus élevée que la source en utilisant l'énergie d'une chute d'eau de hauteur plus faible, grâce à un dispositif mécanique et hydraulique.

Historique[modifier | modifier le code]

Joseph-Michel Montgolfier[N 1] eut en 1792, avec Aimé Argand, l'idée d'utiliser le phénomène du coup de bélier pour l'appliquer à un mécanisme simple en vue du pompage de l'eau à destination de la papeterie familiale à Vidalon. Il se serait inspiré de la machine de John Whitehurst la « machine à pulsation » inventée en 1772[1].

Ernest-Sylvain Bollée améliore et concrétise son invention et dépose un brevet en 1857. Son fils, Ernest Jules Bollée, invente le bélier à deux eaux[2], breveté en 1888[3]. Cette production mancelle est couronnée d'une médaille d'or à l'exposition universelle de Paris en 1889 et d'un grand prix en 1900 et 1905[4],[5].

Au début du XXIe siècle caractérisé par le souci environnemental et préoccupé par la recherche d'un développement économique durable, cette technique connait un regain d'intérêt. De nouveaux developpements révolutionnent le rendement et la robustesse de ces machines : le fabricant suisse Schlumpf innovations GmbH[6] a mis au point un « bélier à grande vitesse » et une entreprise d'Amérique latine a mis au point des béliers « multi-valves[7] » et des PME en font leur fer de lance[8].

Principe de fonctionnement[modifier | modifier le code]

Principe du bélier – schéma 1.
Principe du bélier – schéma 2.
Principe du bélier – schéma 3.

Coup de bélier[modifier | modifier le code]

Le coup de bélier est un phénomène connu : quand on ferme brusquement un robinet, la canalisation, du fait de l'arrêt de l'écoulement et de l'inertie de la masse d'eau en mouvement, subit un choc qui se traduit souvent par un bruit. Dans les grosses installations, ce phénomène peut provoquer l'éclatement des canalisations du fait de la quantité d'eau en mouvement. Il convient donc de déjouer les forces en présence pour faire en sorte de l'éviter. Un dispositif à ressort ou à membrane, l'antibélier permet d'atténuer ce phénomène et donc de protéger les installations.

Énergie cinétique[modifier | modifier le code]

Le principe utilise l'énergie cinétique d'une colonne d'eau ayant pris une certaine vitesse ; puis, arrêtée brusquement par un clapet, une surpression se fait, ce qui permet de faire monter une colonne d'eau réduite à une certaine hauteur. Le résultat dépend des quantités et des vitesses mises en jeu.

Le phénomène existe dans la nature, notamment sur les côtes garnies de crevasses exposées aux vagues de la mer, l'eau qui s'y engouffre heurte le fond et peut, dans certaines configurations, se trouver violemment expulsée vers le haut ; on appelle cela un geyser maritime ou populairement "souffleur".

Il y a une grande variété de mises en œuvre de ce principe.

Principe de fonctionnement[modifier | modifier le code]

La conduite d'arrivée d'eau (1) contrôlée par une vanne d'arrivée principale (non représentée) doit être alimentée par une eau sous pression (généralement liée à une dénivellation), dont l'énergie cinétique alimentera le dispositif en énergie. De cette énergie dépend la capacité de pompage. La pression d'arrivée est cependant inférieure à la hauteur manométrique du refoulement (3) et nécessite une énergie supplémentaire pour augmenter la pression. Le bélier est constitué d'une conduite d'arrivée (1), d'une soupape primaire (4) à ouverture contrôlée par un ressort (ou parfois par un simple poids), d'une conduite de refoulement (3) avec un clapet anti-retour (5) et une cloche remplie d'air (6).

Au début du fonctionnement (schéma 1), le clapet anti-retour (5) est fermé sous l'effet de la pression statique de la colonne (3) et l'eau arrive par la conduite. L'eau s'échappe à l'extérieur du dispositif en (2) par la soupape primaire (4), mais celle-ci se ferme brusquement quand l'eau atteint une vitesse suffisante.

Schéma 2 : Se produit alors le coup de bélier et le clapet anti-retour (5) ayant une pression amont soudainement plus grande que la pression aval (3 et 6) s'ouvre. L'eau monte alors à la fois dans la cloche (6) – qui sert de tampon pour absorber une partie du choc du coup de bélier et réguler le débit du refoulement – et dans la conduite de refoulement (3).

Schéma 3 : Quand la pression dans la conduite d'arrivée d'eau (1) redescend en dessous de la pression du circuit de refoulement (3 et 6), le clapet anti-retour (5) se referme alors que la soupape primaire (4) se rouvre sous l'action de son ressort. La pression de l'air de la cloche (6), et donc également son niveau d'eau, redescendent au fur et à mesure que l'eau est refoulée par (3). Le cycle peut alors recommencer.

Utilisation[modifier | modifier le code]

Ce dispositif, utilisé pour acheminer de l'eau dans des lieux surélevés, convient particulièrement en montagne (bergeries par exemple) et dans les pays en voie de développement puisque de surcroit, il est peu coûteux en énergie et pratiquement sans entretien.

À noter qu'il convient de maintenir de l'air dans la cloche (l'air disparaissant par dissolution dans l'eau) à l'aide d'une pompe, manuelle ou automatique, sous peine d'interrompre le fonctionnement de l'installation.

Il existe des variantes au bélier de base :

  • le bélier à deux eaux[2]: qui comprend deux circuits séparés pour, par exemple, remonter de l'eau d'une source à faible débit en utilisant l'eau d'un ruisseau non potable ;
  • le bélier siphoïde[9] ou siphon élévateur[10]: qui peut se trouver plus haut que la prise d'eau pour autant que le rejet soit plus bas que la prise d'eau.

Vestiges[modifier | modifier le code]

Petite construction couverte en laves abritant le système de pompage hydraulique pour alimenter le village de Saint-Germain-le-Rocheux en 1893.

Nombre de grands domaines fonciers ont été équipés de bélier hydraulique au XIXe siècle[4].

  • La duchesse de Dino, nièce de Talleyrand, serait une des premières châtelaines françaises à faire venir d'Angleterre des béliers hydrauliques pour son domaine de Rochecotte à Saint-Patrice (Indre-et-Loire), devenu un hôtel-restaurant de luxe.
  • À Montrésor également en Indre-et-Loire, au bord de l'Indrois, une petite tourelle au toit conique abrite un bélier hydraulique installé à la fin du XIXe siècle par le comte Branicki. Celui-ci permettait d'alimenter en eaux le château et deux de ses fermes en surplomb
  • Le bélier hydraulique du parc du château de "La Ménardière" à Mazières-en-Gâtine (Deux-Sèvres), datant des années 1880 et devenu maison de retraite, a été restauré vers 2000 avec l'appui technique de la maison Walton[11] (Gironde).
  • Un autre dispositif, abrité également dans une petite tour ronde coiffée d'ardoises en écailles se trouvait dans un vallon dépendant du domaine du Fontenioux à Vernoux-en-Gâtine (Deux-Sèvres), dont le château du XIXe siècle a été démoli vers 1950.
  • En Belgique, les ateliers W. GARVENS à Anvers en ont produit. Le collège Saint-Roch à Theux en était équipé jusqu'en 1940. Une paire de béliers étaient installés au château d'Envoz [1] à Couthuin.
  • En Belgique au château de Bonne-Espérance à Tihange, une pompe W. GARVENS est toujours en place dans son puits d'origine de même que le captage d'eau ainsi que le réservoir situé dans une tour de style néo-mosan construite début du XXe siècle à cet effet.
  • À Gonfreville-l'Orcher (Seine-Maritime), au château d'Orcher en bordure de Seine, un bélier hydraulique permettait jusqu'en 1940 d'alimenter un réservoir d'eau situé en haut de la tour principale. Ce bélier était alimenté par une source située à mi-hauteur de la falaise située en dessous du château.
  • Dans le pavillon de Manse, construit pour assurer l'alimentation en eau du château de Chantilly, on peut voir en fonctionnement un modèle réduit de bélier hydraulique[12],[13].
  • En Sologne, dans le parc du château de La Ferté-Imbault à proximité de la Sauldre, une construction en brique abrite deux anciens béliers hydraulique Bollée installés en 1884, et qui ne fonctionnent plus actuellement. Ces béliers étaient vraisemblablement alimentés par l'eau des moulins situés en dessous du château[14].
  • Dans l'Hérault, on voit encore deux béliers hydrauliques de marque Douglas[15],[16] dans le parc départemental de Restinclières[17]. L'un dans une petite construction[18], l'autre à moitié enterré à proximité du Lez.

Par ailleurs :

  • Un bélier hydraulique permettait de monter l'eau au domaine Loumaing à Lahosse. Il était installé au fond d'une petite construction qui subsiste de nos jours dans un champ cultivé, en bordure du ruisseau dont l'eau était captée en amont.
  • Un bélier hydraulique permettait, au XIXe siècle, de remonter l'eau depuis la rivière de la grotte d'Orchaise jusqu'au village d'Orchaise (Loir-et-Cher) situé au-dessus.

Autre dispositif homonyme[modifier | modifier le code]

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On appelle également bélier hydraulique le vérin hydraulique permettant de manœuvrer une vanne secteur dans un réseau d'assainissement.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Celui-là même qui avec son frère, Jacques-Étienne, construisit la première montgolfière en 1782.

Références[modifier | modifier le code]

  1. (en) John Whitehurst, « Account of a Machine for Raising Water, Executed at Oulton, in Cheshire, in 1772 », Philosophical Transactions (1683-1775), vol. 65,‎ , p. 277–279 (DOI 10.1098/rstl.1775.0026, JSTOR 106195?).
  2. a et b « Quelques modèles de béliers et description du bélier pompe à deux eaux - BELIER HYDRAULIQUE », sur www.belier-inox.fr (consulté le ).
  3. « Bon de commande catalogue Bollée », sur archives de la Sarthe (consulté le ).
  4. a et b « Construction spéciale de béliers-hydrauliques, brevets d'invention S.G.D.G », sur Conservatoire national des arts et métiers (consulté le ).
  5. Ernest Jules Bollée déclare en 1914 avoir produit 1 800 béliers « Histoire », sur Fonderie Bollée (consulté le ). Le site du CNAM cité en référence décrit les deux types de machine (simple et à deux eaux) et liste la localisation de nombreuses installations de béliers Bollée classée par département.
  6. Silent champion suisse, voir la page correspondante du site de l'entreprise (en Allemand) http://www.schlumpf.ch/hp/hw/hw_franz_1.htm.
  7. Ou multi-clapet selon le jargon français.
  8. Exemple www.belier-inox.fr.
  9. Didier Nébréda, « Le bélier siphoïde en détail », (consulté le ).
  10. « Siphon elevateur Lemichel », sur www.saint-pons-la-calm.fr (consulté le ).
  11. voir sur le site http://www.walton.fr/hydraulic-RAM/French/le-belier.html.
  12. Fédération Patrimoine Environnement : Le pavillon de Manse.
  13. Pavillon de Manse : Le bélier hydraulique.
  14. « Numéro 9 », Bulletin de l'Association de Sauvegarde des Moulins à Eau de Loir-et-Cher et départements limitrophes,‎ , p. 12 (lire en ligne).
  15. « Bélier Douglas au Musée - Pompe Bélier Hydraulique » (consulté le )
  16. « Audioguide du parcours n°2 du Domaine départemental de Restinclières (Hérault, France). » (consulté le )
  17. « Le paragraphe "Le réseau hydraulique" dans la page "Les circuits de randonnées et balades" » (consulté le )
  18. « Les points d’intérêts pédagogiques du Domaine de Restinclières » (consulté le )

Annexes[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Joseph-Michel Montgolfier, « Note sur le bélier hydraulique et sur la manière d'en calculer les effets », Journal des Mines, vol. 13, no 73,‎ (lire en ligne : tiré à part, Paris, Gillé fils, an XI - février 1803).
  • Joseph-Michel Montgolfier, De l'utilité du bélier hydraulique, Paris, Gillé fils, an xiii - 1805 (lire en ligne).
  • Jean Nicolas Pierre Hachette, Bélier hydraulique, dans Traité élémentaire des machines, Paris, veuve Courcier, Paris, 1819, p. 107-116 (lire en ligne).
  • Johann Albrecht Eytelwein, Observations sur les effets et l'application avantageuse du bélier hydraulique, Paris, Firmin Didot, Paris, 1822 (lire en ligne) (publié à Berlin en novembre 1804).
  • Albert Goupil, « Recherches et observations récentes sur le bélier hydraulique », dans Annales des ponts et chaussées. 1re partie. Mémoires et documents relatifs à l'art des constructions et au service de l'ingénieur, janvier-février 1909, p. 121-138 (lire en ligne).
  • F. Brausch et G. Ledant, « Une pompe étonnante: le Bélier hydraulique », Tropicultura, vol. 2, no 3,‎ , p. 91-94 (lire en ligne Accès libre [PDF]).

Liens externes[modifier | modifier le code]