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Kukum, de Michel Jean, étudié dans une école en France

C’est par hasard que Claire Tastet, professeure dans un lycée de Tours, a découvert Kukum en février 2020.

Les jeunes assis et assises à leur pupitre dans une salle de classe montrent le livre de manière à cacher leur visage.

Les élèves de Claire Tastet ont étudié le livre de Michel Jean, publié en France par les éditions Dépaysage.

Photo : Claire Tastet

Le livre de l’auteur innu Michel Jean, qui raconte l’histoire de son arrière-grand-mère, s’est fait une belle place dans une classe de secondaire d’un lycée de Tours, dans l’ouest de la France. Kukum, en lice au Combat national des livres, est tombé dans l'œil d’une professeure qui a présenté son coup de cœur à ses élèves.

Dans ma librairie habituelle, mon œil a été attiré par la couverture du livre et par cette maison d'édition que je ne connaissais pas. D'Innue, je connaissais déjà Naomi Fontaine, que je lis et que j'aime beaucoup. J'ai acheté le livre, j'ai lu, j'ai adoré, explique-t-elle par courriel.

Elle ajoute qu’elle connaissait l'histoire des Autochtones, notamment en ce qui concerne l'assimilation au Canada. Dans Kukum, cette histoire s'incarne dans des personnages dont on suit le parcours individuel qui nous permet d'appréhender comment la confiscation culturelle s’est faite, d'appréhender le territoire, notion nourrit l’essentiel du récit.

Portrait de la femme brune qui sourit en regardant devant elle.

La professeure Claire Tastet a mis le livre de Michel Jean à son programme.

Photo : Claire Tastet

La professeure a aussi aimé le style épuré de Michel Jean.

Pas de pathos, une écriture de l'équilibre, qui travaille l'image et puis le rythme de la narration aussi. Dans une apparente simplicité de la langue, Michel Jean touche à la complexité des questions philosophiques : la relation à l'espace, au temps (cyclique), à la langue, au silence.

Une citation de Claire Tastet

Elle a donc profité de la possibilité d’ajouter un livre aux lectures obligatoires du programme de première (avant-dernière année du secondaire en France, qui correspond à la première année de cégep) pour faire une place à Kukum.

Évidemment, Michel Jean était très heureux et ému de cette initiative dont il a fait part sur sa page Facebook. On me dit souvent que Kukum devrait être étudié à l'école au Québec. En France, il l'est déjà dans certains lycées. [...] Le résultat, que je vous mets en lien ici, me laisse sans mots. C'est beau.

Quand l’engouement vient de la France

En entrevue, l’auteur et chef d’antenne à TVA souligne que ce n’est pas la seule école française à l’avoir contacté pour lui dire que des classes avaient étudié son roman. Quelques lycées en France l’ont mis au programme. Il sera aussi étudié par des universités suédoises dans les programmes d’études françaises, précise-t-il.

Michel Jean en studio tient son plus récent livre.

L'auteur et journaliste Michel Jean présente son dernier ouvrage, Kukum.

Photo : Radio-Canada / Vincent Côté

Par ailleurs, le Centre de services scolaire de la Jonquière au Saguenay-Lac-Saint-Jean va imiter ces lycées français et mettra le livre au programme l’an prochain.

Ce qui fait dire à Michel Jean que la roue se met d’abord à tourner en France, comme Kukum qui a connu une deuxième vie inattendue grâce au prix France-Québec remporté en novembre 2020, puis l'a amené à participer à Tout le monde en parle.

C’est venu de la France. Ça a éclaté en gagnant le prix France-Québec. J’étais content; ici, on me disait que je vendais des livres car je faisais de la télévision. Mais en France, on ne me connaissait pas, donc c’était pour le texte.

Une citation de Michel Jean

Sorti en 2019, le septième livre de Michel Jean avait peu fait parler de lui, mais s’était quand même écoulé à 5000 exemplaires. Il a maintenant dépassé les 70 000 exemplaires vendus et sera défendu par Michèle Audette au Combat national des livres. Publié en France aux éditions Dépaysage début 2020, il sera aussi traduit en allemand et en espagnol.

Les réactions des élèves dans un livre numérique

Pour l’étude du livre de Michel Jean, Claire Tastet a demandé à ses élèves de lire le roman, de placer des marque-pages aux passages qu’ils et elles avaient aimés, puis de choisir leur extrait. Les réactions des jeunes ont été colligées dans un livre numérique. On y trouve des commentaires écrits, des dessins, des photos, des vidéos et même la réaction d’un jeune homme sourd qui s’exprime en langue des signes française (LSF).

Le projet des élèves

C'est ce qu'on appelle une approche sensible de l'œuvre. [...] Il était important que chacun trouve sa place, avec sa sensibilité, ses propres pratiques, ses préférences, son langage. Ma classe accueille deux adolescents sourds, précise la professeure.

Je pleurais quand je regardais ça, surtout le garçon qui s’exprimait en langage des signes. J’ai eu un coup de cœur pour ce groupe, a dit Michel Jean.

Évidemment, l’auteur est heureux de voir qu’un tel livre a une résonance en France.

Oui, les Français aiment la nature, mais souvent c’est le côté politique et la manière dont les Autochtones ont été traités qui les interpellent. J’ai eu beaucoup de témoignages de la France.

Une citation de Michel Jean

Une première pour le lycée

Comment est-ce que les élèves ont accueilli cette œuvre? La très grande majorité des élèves l’a appréciée. Beaucoup ont d'ailleurs choisi de la présenter à l'oral de français du baccalauréat [examen final des études secondaires].

Par ailleurs, c’était la première fois que ces jeunes lisaient un livre d’une plume québécoise. L'idée de pouvoir rencontrer en visio Michel Jean, qui se rend très disponible et doit être remercié pour cela, a ajouté un intérêt supplémentaire à l'œuvre, déclare Claire Tastet.

Des jeunes assis à leur pupitre montrent le livre qui cache leur visage.

Des élèves de la classe de Claire Tastet ont apprécié le livre de Michel Jean, « Kukum ».

Photo : Claire Tastet

Elle précise que la réalité des Autochtones du Canada était inégalement connue par les jeunes, même parfois pas du tout. Néanmoins, quelques élèves connaissaient cette problématique pour le Canada anglophone, l'ayant approchée dans le cadre des cours d'anglais.

Le résultat est que Kukum fera désormais partie des livres étudiés par les élèves de Claire Tastet. Les 35 exemplaires ont été achetés par le lycée, qui a bénéficié d'une aide financière de l'association Touraine-Québec, branche locale de France-Québec. Je voulais rendre possible l'accès au roman pour tous les élèves de la classe et ne pas mettre certaines familles en difficulté devant le coût du livre. Par ailleurs, les livres étant propriété du lycée, cela va permettre de continuer l'étude du roman pour les prochaines générations d'élèves.

Des lectures canadiennes

Ce n’est pas la première fois que Claire Tastet lit des écrivaines et écrivains canadiens. Mais elle ne connaissait pas Michel Jean avant de découvrir Kukum. Je n'ai compris que par la suite qu'il était un journaliste connu dans son pays et qu'il avait déjà à son actif une solide bibliographie, explique-t-elle.

Elle ajoute qu’elle lit depuis quelques années Naomi Fontaine, Gaëtan Soucy, Anne Hébert et Gabrielle Roy. J'ai découvert plus récemment Joséphine Bacon, David Goudreault et Mireille Gagnère.

La professeure indique qu’elle a découvert la littérature canadienne lorsqu’elle était à l’université. J'ai suivi un enseignement de littérature francophone. L'enseignant avait mis au programme Yves Beauchemin, Michel Tremblay et deux auteurs antillais.

Par la suite, Claire Tastet a continué à s’intéresser à la littérature francophone (Afrique, Canada, Antilles), donc elle a toujours fouillé dans les bibliothèques et suivi les nouvelles sorties de livres. Cela fait partie aussi de mon métier bien sûr : s'informer de la création littéraire en français, affirme-t-elle.

Toutefois, le fait que les autrices et auteurs canadiens étaient moins présents en France ne lui a pas facilité la tâche. Elle a quand même trouvé le moyen de se procurer des livres.

Des amis français vivant au Québec m'ont offert des livres à chacun de leur retour en France, mais ces dernières années, ce sont surtout deux maisons d'édition particulièrement bien diffusées et de grande qualité sur le plan des œuvres éditées qui m'ont permis de découvrir des autrices et des auteurs vivants. Il s'agit de Mémoire d'encrier (Joséphine Bacon, Laure Morali, Jean Sioui et tant d'autres) et de La Peuplade.

Une citation de Claire Tastet

Par ailleurs, elle a noté que de petites maisons d'édition françaises proposent aussi de plus en plus de littérature francophone provenant de l'extérieur de l'Hexagone, comme les éditions Dépaysage. Ainsi Le Nouvel Attila a édité le récit Chienne, de Marie-Pier Lafontaine. Puis l'édition numérique a changé les choses; j'ai pu lire Le vent en parle encore, de Michel Jean, par exemple.

Évidemment, avec un intérêt aussi flagrant pour le Canada, on ne peut que demander à Claire Tastet si elle a déjà voyagé au pays. Hélas non, même si des amis m'y attendent depuis plusieurs années. Le voyage prévu l'été dernier est tombé à l'eau pour cause de pandémie.

Combat national des livres 2020

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