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La pomme, d’hier à aujourd’hui

La pomme, d’hier à aujourd’hui

Depuis que le monde est monde, l'homme a modifié la culture de la pomme. Grâce à des programmes de croisements, la pomme d'aujourd'hui est bien différente de la pomme ancestrale. Et cette évolution n'est pas près de finir.

Texte et photos par Benoît Livernoche

Publié le 17 septembre 2022

Dans la péninsule du Niagara, Art Moyer savoure la pomme tous les jours dans son verger. Il le fait depuis plus de 50 ans. Printemps, été, automne, hiver, je suis dehors. C'est ma passion. Ma femme dit qu'il serait temps de prendre ma retraite. Mais pour faire quoi? Je préfère être dans le verger plutôt qu'être dans une résidence pour personnes âgées, affirme le coloré pomiculteur de Grimsby, à l'est de Hamilton. Nous le rencontrons alors qu'il entretient ses pommiers.

Comme la majorité des pomiculteurs, il cultive des variétés de pommes qui sont dictées par le marché. En 30 ans, nous sommes passés des pommes qui étaient populaires à l'époque, soit la délicieuse, la McIntosh, mais que l'on élimine de plus en plus, car elles ne sont plus très demandées. Mais on a de nouvelles variétés comme la gala, qui provient de la Nouvelle-Zélande et qui gagne en popularité.

Un bac de pommes.
Les pommes d'aujourd'hui sont environ 4 fois plus grosses que leurs ancêtres Photo : Radio-Canada

Le long voyage de la pomme
Le long voyage de la pomme

Toutes les pommes que nous consommons sont le fruit d'une très longue évolution.

Il faut remonter environ 7000 ans en arrière pour découvrir l'ancêtre de la pomme d'aujourd'hui. Cette pomme poussait à l'état sauvage dans les montagnes TianShan, dans la région de ce qui est aujourd'hui le Kazakhstan. Depuis cette époque, les humains ont fait voyager la pomme d'est en ouest, tout le long de la Route de la soie, nous raconte Thomas Davies, un étudiant au doctorat en biologie à l'Université Dalhousie en Nouvelle-Écosse.

Cette migration a engendré un tas de croisements, qui ont donné la pomme que nous consommons de nos jours. Durant des siècles, les croisements ont été faits par les humains, dans un verger, sur un arbre, et plus récemment dans les laboratoires. Mais parfois, les croisements étaient accidentels, grâce aux insectes pollinisateurs. Donc les améliorations et certains de ces traits que nous avons dans les pommes aujourd'hui ont été prévus ou bien ils sont anecdotiques.

Aujourd'hui, il existe plusieurs milliers de variétés de pommes à travers le monde. De ce nombre, seulement une douzaine se taillent une place sur les tablettes des supermarchés. La plupart des variétés qu'on trouve en supermarché sont issues de programmes de sélection qui ont été faits au cours des 200 dernières années. Cela a permis d'améliorer la productivité et le goût des fruits, précise le jeune chercheur.

Un pommier avec un reflet de soleil.
Depuis 200 ans, les croisements ont été faits davantage pour développer des pommes commerciales que les consommateurs veulent acheter. Photo : Radio-Canada

La science des croisements
La science des croisements

Thomas Davies s'intéresse à la composition génétique et à l'ADN des pommes. À l’aide d’une base de données génétiques qui appartient à Agriculture Canada, il a accès à plus de mille variétés de pommes provenant de partout à travers le monde.

Grâce à l'ADN, il fait des analyses sur les possibilités de croisements qui peuvent être faits par d'autres chercheurs ailleurs au Canada. Vous pouvez améliorer une pomme pour qu'elle goûte ou sente meilleur, pour qu'elle se conserve plus longtemps. Mais vous pouvez également améliorer la pomiculture de manière plus large pour qu'elle soit plus durable ou mieux adaptée au climat ou à la sécheresse. Ainsi, les améliorations touchent l'ensemble du système et la façon dont nous mangeons, explique Thomas Davies dans un verger à Kentville, en Nouvelle-Écosse.

Le pomiculteur Art Moyer.
Le pomiculteur Art Moyer, de Grimsby, en Ontario, devant de nouveaux pommiers issus de récents croisements. Photo : Radio-Canada / Benoît Livernoche

Dans son verger, Art Moyer demeure à l'affût des tendances et il participe aux efforts de recherche en pomiculture. Il nous montre de nouveaux pommiers issus de programmes de recherche. On m'a demandé si je voulais planter ces pommiers. Nous sommes 11 pomiculteurs ontariens à participer à la recherche, affirme Art Moyer, qui croit que l'essai de pommiers lui permet de rester en lien avec les exigences du marché.

Ces pommiers proviennent du Centre de recherche et d'innovation de Vineland, en Ontario. C'est l'un des deux seuls centres spécialisés dans la création de nouvelles variétés de pommes au Canada. L'autre centre est à Summerland, dans la vallée de l'Okanagan, en Colombie-Britannique.

Rachael LeBlanc dirige à Vineland les recherches en développement de nouvelles variétés de pommes.

« Tous les pommiers ici sont différents. On essaie de garder une trentaine de fruits par arbre, ce qui est suffisant pour les évaluer. On veut obtenir la pomme parfaite et, pour ça, il faut faire beaucoup, beaucoup d'essais. On a dû créer, jusqu'à maintenant, pas loin de 35 000 variétés différentes. Et c'est ce que ça prend pour trouver les très rares bons spécimens. »

— Une citation de   Rachael LeBlanc
Trois goûteurs professionnels.
Des goûteurs professionnels testent le goût des pommes au Centre de recherche et d'innovation de Vineland. Photo : Radio-Canada / Benoît Livernoche

Une pomme appréciée des consommateurs
Une pomme appréciée des consommateurs

Pour arriver à développer une pomme que les consommateurs voudront acheter, une équipe en laboratoire fait plusieurs analyses sur ces milliers de pommes à l'essai.

On étudie les niveaux de sucre, l'acidité et même les odeurs et les arômes. À l’aide de différentes analyses, on peut déterminer comment l'odeur peut influencer notre perception du sucre. Ainsi, une pomme moins sucrée, mais avec un parfum agréable peut donner l'impression d'être meilleure au goût. Cela peut avoir un impact dans sa capacité de commercialisation.

Ensuite vient le moment de goûter. Chaque semaine, dans une pièce où la lumière est au rouge pour masquer les couleurs de la pomme, des goûteurs professionnels sont les premiers à croquer dans ces nouvelles pommes. Ils analysent la texture, la solidité et, bien sûr, le goût. Vient alors le vote.

Rachael LeBlanc devant des pommiers.
Rachael LeBlanc dirige des recherches et les croisements de pommes au Centre de recherche et d'innovation de Vineland. Photo : Radio-Canada / Benoît Livernoche

Si elles sont choisies par une très grande majorité lors de nos séances de dégustation, on les reproduit dans les vergers, explique Rachael LeBlanc. Les pommiers sont ensuite mis à l'essai chez les producteurs comme Art Moyer.

« Si la pomme est d'un beau rouge vif, les gens l'aimeront. Ce n'est pas nécessairement qu'elle est meilleure qu'une autre, c'est vraiment une question d'apparence. »

— Une citation de   Art Moyer, pomiculteur, Grimsby, Ontario

Tout ce travail de croisements aux centres de recherche de Vineland et de Summerland fait partie des efforts de recherche mondiaux d'amélioration de la pomme. Le travail de sélection des 200 dernières années s'est vraiment concentré sur le goût des consommateurs. On a développé de belles grosses pommes symétriques, colorées et qui se mangent facilement. Elles sont fermes, sucrées et juteuses, précise Thomas Davies.

Le résultat de tous ces croisements est majeur. Les pommes d'aujourd'hui sont presque quatre fois plus grosses que leurs ancêtres. Elles sont en moyenne 40 % moins acides et elles contiennent environ 70 % moins de composés phénoliques. Les phénols sont en partie responsables de l'amertume et du brunissement de la chair. Puisqu'on mange aussi avec les yeux, cet aspect peut en rebuter plus d'un, explique le chercheur Thomas Davies.

Pommes qui brunissent.
Le brunissement des pommes est un phénomène qui provient des taux de phénols dans les pommes. Photo : Shutterstock

Mais la diminution de ces composés phénoliques signifie aussi une baisse de l'effet antioxydant des pommes, un élément important pour notre santé. Vous connaissez sans doute le dicton qu'une pomme par jour éloigne le médecin pour toujours! Eh bien, maintenant, ce serait plutôt deux pommes par jour qui éloignent le médecin pour toujours! résume le chercheur.

« Si vous cherchez un fort taux de phénols, vous vous rendez au Kazakhstan et vous mangez des pommes sauvages. Elles sont souvent acides, amères et tanniques. Je ne suis pas certain que vous les aimerez, mais elles seront bourrées d'antioxydants! »

— Une citation de   Thomas Davies
Affiche pomme McIntosh.
La pomme McIntosh est de moins en moins populaire. Photo : Radio-Canada

Un travail qui demande de la patience
Un travail qui demande de la patience

L'histoire de la sélection végétale n'aura donc jamais de fin, puisque l'humain cherchera toujours à faire mieux. C'est la recherche d'un équilibre entre santé, écologie et bon goût. C'est la quête de développer une pomme plus résistante aux maladies, qui demande beaucoup moins de traitements chimiques, mais que les consommateurs voudront acheter.

Mais tout ça prend du temps. Il faut compter entre 15 et 25 ans, entre le moment du croisement jusqu'à la création des pommiers suffisamment grands. Mais il y a aussi le choix plus rapide de modification génétique.

C'est ce qui a été fait avec la création de l'Arctic Apple. Cette pomme est un organisme génétiquement modifié de la populaire Golden Delicious. La modification génétique empêche la pomme de brunir. Ce choix de cultiver des pommes génétiquement modifiées est encore à l'étape du débat éthique.

Après toutes ces années passées dans son verger, Art Moyer continue de participer à cet effort de recherche par croisement. Pour lui, avec les connaissances d'aujourd'hui, il y a peut-être lieu de retourner voir les anciennes variétés. Peut-être devrions-nous les retravailler avec la génétique. Je crois que ça vaut la peine d'essayer pour voir ce qu'on peut trouver.

Quant à Rachael LeBlanc, au Centre de recherche et d'innovation de Vineland, dans la péninsule du Niagara, le travail de recherche en amélioration de la pomme n'est pas près de finir. C'est formidable de penser que dans 20, 30, 40 ans, ma famille ou mes descendants pourraient manger une variété de pomme issue de la recherche qu'on aura faite ici.

Le reportage de Benoît Livernoche est diffusé à l'émission La semaine verte le samedi à 17 h et le dimanche à 12 h 30 sur ICI TÉLÉ. À ICI RDI, ce sera le dimanche à 20 h.

Un document réalisé par Radio-Canada Info

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