En 1965 dans Wieman dem Toten Hasen die Bilder Erklärt (Comment expliquer les tableaux à un lièvre mort), Beuys se verse du miel sur la tête – afin de faire sortir son intellect de sa léthargie – et colle de la poudre d’or dessus, il berce dans ses bras un lièvre – symbole de la reviviscence et de la renaissance – mort en faisant le tour de la galerie Alfred Schmela. Il lui parle, lui présente les œuvres, enjambe un sapin desséché, le tout avec tendresse et recueillement.
« Au miel qui recouvre sa tête Beuys confère plusieurs sens qui se conjuguent. D’abord le miel est le produit d’une série de transferts entre différents ordres, du végétal à l’animal et de l’animal à la matière inanimée, de la matière inanimée à l’homme qui en fait sa nourriture. Le miel représente ensuite le portrait d’une société dont la structure est un modèle absolu d’organisation, enfin le miel est extrait de plans alvéolés qui représentent la perfection formelle, et l’étroite relation complémentaire entre matière et forme. » (Lamarche-Vadel) « La poudre d’or remarque aussi l’intérêt soutenu de Beuys pour l’identité dans la transubtanciation, l’or comme d’autres métaux gardant leur spécificité dans les différents états de leur transformation, de l’état brut à l’état liquide jusqu’à la poudre ou sa formalisation dans une effigie. En outre l’or représente dans la civilisation le concept de valeur. Déposé en poudre sur la tête du sculpteur, l’or prend la valeur d’un casque, isolant et protégeant le siège de la pensée. » (Lamarche-Vadel)
Le lièvre était apparu dans Sibirische Symphonie (Symphonie sibérienne) (1963) puis dans Der Chef (Le Chef) en 1964, encore dans les différentes versions de Hasengrab (Tombeau du Lièvre) à partir de 1962. Le lièvre est pour Beuys un animal qui saute les frontières, qui peut effectuer d’importants déplacements, un habitant de l’Eurasie évoluant à la fois en Occident et en Orient.
Beuys a pu réaliser le projet de 7000 Eichen (7000 chênes) à la Documenta de Kassel en 1982 grâce à la réalisation d’une sculpture, un lièvre, à partir d’une copie en or et pierres précieuses de la couronne impériale d’Ivan le Terrible fondue puis moulée. Le collectionneur Joseph W. Froehlich a acheté le lièvre à Beuys pour 770.000 marks (397.000 euros) et l’a laissé à la Staatsgalerie de Stuttgart en tant que prêt permanent.