Maraud19

May 5, 2017 | Author: Vincent Maxera | Category: N/A
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Short Description

rpg...

Description

#19 E-Zine de jeu de rôle

Chroniques :

Degenesis, ADC 7e édition, Dragon de poche 2, INS/MV,Krystal, Planète hurlante, P.U.N.C.H. Unit, Rushmore, Wulin...

Interview : Inspi :

Tristan Lhomme

Faites entrer l’accusé / Le cinéma m’a tuer / Nouvelles...

Univers :

Elro / INS/MV / Millevaux...

Scénarios :

Shaan Renaissance / Millevaux / Vampire

B

onjour à tous.

L’année 2016 commence par la guéguerre stérile concernant la traduction d’un squelette de jeu où chaque communication décrédibilise les acteurs, où les paliers sont plus ridicules les uns que les autres, où les bonus dépendent de l’heure de souscription et où l’on en profite pour glisser des précommandes sur d’autres produits en même temps ni vu ni connu, type placement de produits. À côté de ça d’autres empruntent une voie qui devient alternative ; des personnes qui partagent leur travail sans demander de leur avancer les frais, sans promettre de venir mener une partie en string dans votre salon ou de vous refourguer des dés à la con. Je parle de ces auteurs (ou maisons d’édition) qui proposent leurs productions à la communauté, bien souvent sous différents formats pour faciliter l’accessibilité à leurs textes. Je pense à ces Thomas Munier, Manuel Bedouet, Fabien Hildwein, John Grümph, Willy Dupont, Romaric Briand et bien d’autres encore. Attention, loin de moi l’idée d’opposer les méchantes maisons d’édition qui ont recours aux précommandes participatives aux gentils indépendants au grand cœur, cela n’a pas de sens, d’autant que dans les deux cas, des jeux de qualité peuvent être produits. Mais dans un milieu où le recours au financement par les consommateurs semble être devenu le moyen principal de financer son projet (en demandant même parfois des sommes ridicules), le choix de maisons d’édition ou d’individus de ne pas y avoir recours est à saluer. Bons jeux à tous, Sempaï

Chroniques ludiques

Degenesis ADC 7e édition – Le Manuel de l’investigateur ADC 7e édition – Le Manuel du Gardien ADC 7e édition – Malleus Monstrorum ADC 7e édition – Le Codex de l’Innomable Dragon de poche 2 Nothingness – Grimoire INS/MV : Génération perdue Krystal Omniscience Planète hurlante Punch Unit Rushmore Stella Nova Technoir Urban Shadows Wulin Yokai

Interview

Interview de Tristan Lhomme

Inspi

Faites entrer l’accusé – L’assassinat de Sam Giancana Le cinéma m’a tuer Romans COPS – Nouvelle d’ambiance : L’outil fait l’artisan BIA – Nouvelle d’ambiance : Le vent

Univers et aides de jeu

Elro les bons tuyaux – Revenir dans le sentier battu Une autopsie de Docteur Dandy Polaris : tragédie chevaleresque au septentrion Aide de jeu Millevaux – Deux nouveaux lieux Aide de jeu INS/MV : Génération perdue Cartes Prouesses

Scénarios

Shaan Renaissance – Le dévoreur Millevaux Sombre – Eux Vampire la Mascarade et le Requiem – The box

Previews

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Rédacteur en chef : Jérôme « Sempaï » Bouscaut Responsable « Chroniques ludiques » : Oliv Vagabond

Responsable « Correcteurs » : Côme Feugereux Auteurs : Abission Dargonis, Guillaume Agostini,

Aurélien « Hartanis » Caffart, Jérémie Coget, Romain Darmon, Genseric Delpâture, Doc Dandy, Romuald « Radek » Finet, Finrod, Steve Jakoubovitch, Thomas Munier, Odillon, Paul, Laurent Sere, Jérôme « Sempaï » Bouscaut

Correcteurs : Côme Feugereux, Jean-Marc Dumartin, Julien Markarian, Laurent Sere Illustration de couverture : Gaétan WELTZER Conception de la maquette : Romuald Calvayrac et Tony Martin

Maquette : Tony Martin Remerciements  : Batro’Games, Chibi, Julien Gobin, Origames, OVNI Éditeur d’autres réalités, Pilule Rouge, Raise Dead Éditions, Sans-Détour Éditions, Studio Gobz’ink, Tristan Lhomme, XI.

Remerciements aux associations et à leurs membres :

Rôle & Games (05), Histoire et Sortilèges (14), Jouons ensemble (14), La Tanière des rêveurs (17), Parties Civiles Lannion (22), Confrérie des Jeteurs de dés (24), In Nomine Ludis (29), Les enfants de R’lyeh (31), ASCPA – Les Griffons (33), Troll Me Tender (33), Drôles de jeux (42), Ares (44), Association des Jeux pour Tous du Loiret (45), Dés, Monstres et Merveilles (51), Tabula rasa (51), La Cage aux Rôles (59), La taverne oubliées (59), L’Ordre de la main d’argent (64), Les forgeurs de merveilles (64), La guilde du Fantastique (66), Au Hasard Du Dé (69), Cluji (69), Mystic Glue (72), CJDRU (73), Vae Victis (82), Ordalie (86), AJA jeux de rôles (89), Guilde des rôlistes de Londres (Londres).

Il y a encore quelques années, il était difficile de trouver un jeu de ce genre. En réalité, il existe de nombreux sous-genres du post-apo, et nous allons brièvement vous les présenter afin d’avoir un peu de recul.

Degenesis Degenesis est un jeu très ambitieux. Le pitch : après la chute apocalyptique de météorites portant des germes extraterrestres, créant mutations et maladies sur la Terre, notre monde n’est plus ce qu’il était. Pourquoi « Degenesis » ? Ce titre, selon les auteurs, évoque la dégénérescence apportée par les mutations et les psychovores (des mutants ayant des pouvoirs mentaux) et la disparition de l’humanité dans ce monde ravagé. Les joueurs incarnent des survivants, les membres de peuples et de cultes bien définis dans ce nouvel âge post-apocalyptique.

Avec ou sans mutations ? Gamma World est sûrement l’ancêtre du jeu de rôle post-apocalyptique, et il est ce qu’on appellera gonzo : les personnages peuvent muter de manière abracadabrante, incarner des plantes intelligentes, bref c’est le délire complet. On citera aussi Mutant Future, Mutant Epoch, Anomalous Subsurface Environment, et plus récemment en France Planète Hurlante (chroniqué dans ce même numéro, page 35). Plus rare, on trouve également un style avant tout fait pour la survie et l’action, disons dans la veine de Fallout et de Mad Max. Citons Bitume ou encore Cendres (une France crépusculaire) ou Vermine (avec des gros insectes).

Créé par un studio de graphistes ayant travaillé dans le milieu du jeu vidéo, le niveau de qualité formelle est impressionnant et rivalise avec les artbooks de luxe publiés justement pour des titres issus de Bioware, Blizzard et autres grosses compagnies de jeux. Plus qu’un JdR, Degenesis nous offre un univers au background riche, cinématographique, et un objet remarquable. Voyons donc ce qu’il a dans le ventre.

Les petites apocalypses

Enfin je peux distinguer aussi le style « construis ta communauté dans les terres dévastées », une composante « Lego » très fréquente dans le post-apocalyptique. Ainsi le vieux The Morrow Project, les récents Mutant Year Zero ou le très old school (et sobre) Other Dust mettent cela en exergue. Degenesis se situe dans la filiation « sobre + horreur surnaturelle + clans » : c’est donc plutôt sérieux, entre guerres tribales, horreurs, ombres et lumières de l’humanité, monstres et redécouverte d’un monde brisé. Qu’apporte-t-il par rapport aux jeux cités ? Je dirais le côté « clans » caractéristique de Vampire et Légendes des 5 Anneaux, qui permet un jeu basé sur des intrigues politiques. Il n’est pas du tout tourné vers la gestion et la création de communautés, par exemple. La deuxième originalité réside dans ses antagonistes : des monstres créés par du pollen extraterrestre, qui lorgnent carrément du côté de Alien. Enfin le souci des détails visuels et la volonté de montrer l’univers, tout autant que de le décrire avec des mots, sont inédits dans le genre des jeux de rôle post-apocalyptiques.

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L’abus de Photoshop nuit à la santé Commençons par l’évidence : 100 euros prix constaté pour deux livres en couleur, abondamment illustrés, couverture rigide, de 330 pages chacun. Un livre du maître, et un livre de créations de personnages. Vous vous inquiétez de savoir si cette somme importante d’entrée, similaire à Donjons & Dragons ou Pathfinder, vaut le coût ? Je le pense. Cela fait 50 euros le livre, sans le coffret fourni avec : c’est le prix actuel des livres de base de cette trempe en France. La direction artistique est remarquable puisqu’elle met en valeur ce qui est au centre du jeu : les personnages. Toutes les tribus, les clans, les organisations sont illustrés avec des archétypes. Toutes les armes sont dessinées, et l’ensemble est extrêmement détaillé. Les auteurs expliquent d’ailleurs qu’ils ont inclus de nombreux détails d’accessoires, de vêtements et de décors pour aider la communauté des joueurs qui jouent Degenesis en grandeur nature. J’ai cependant deux regrets : tout d’abord malgré le nombre impressionnant d’illustrations, il y a finalement peu de paysages et de décors du monde décrit. On a bien quelques villes et paysages présentés, mais cela reste insuffisant pour comprendre à quoi ressemblent vraiment un village typique, une ville typique, etc. Deuxième point, la mise en page. Elle est très claire, principalement sur fond blanc ou noir, et l’on distingue bien le texte ; la police utilisée est classique et très lisible. Le problème vient de certaines distinctions de sections, de règles, qui parfois sont peu visibles au milieu des textes, nombreux, par le meneur en cours de partie. Heureusement l’index est là pour ça, mais l’écran sera à notre avis indispensable.

Un petit point sur les règles Comptez environ deux heures pour créer cinq personnages, ce qui n’est pas grand-chose au regard d’autres jeux existants. L’intérêt principal des personnages réside dans le choix d’un peuple parmi une dizaine, et d’un « culte », c’est-à-dire une organisation politique ou religieuse. Attention : toutes les combinaisons ne sont pas possibles.

En combat, les caractéristiques et compétences sont notées sur 6. Pour réaliser une action, on lance autant de dés à six faces que la somme d’une caractéristique et d’une compétence. Chaque dé qui fait 4,5 ou 6 compte comme un succès. Un 6 augmente également la qualité de réussite de l’action ou octroie un bonus en combat. Le meneur fixe une difficulté en nombre de succès (1 facile, 2 moyen, 3 difficile, etc.). Les cultes, cultures et concepts offrent des bonus de +1 dans différentes compétences et caractéristiques. Le jeu permet de faire des actions combinées, c’est-àdire deux actions à la suite (et donc deux jets à la suite, l’un ajoutant des qualités à l’autre). En combat, chaque combattant lance autant de dés que sa valeur d’attaque et doit faire plus que le nombre de succès de l’adversaire en défense. On peut choisir également de consacrer son tour à une défense active et une potentielle contre-attaque. L’armure soustrait les dégâts. La santé est mesurée selon deux jauges : les fleshwounds, qui représentent la fatigue et les blessures superficielles, et le trauma qui se réduit après que la première soit épuisée. Le trauma représente des blessures graves et met très longtemps à guérir (10 jours pour chaque point). En substance, si vous connaissez les jeux du monde des Ténèbres, Degenesis s’en inspire clairement. Nous sommes donc dans des règles relativement simples, ce qui au test a plu à la table mais qui ne plaira pas aux joueurs férus de simulation, d’optimisation et de détails techniques sur telle ou telle arme. On est plus du côté de Vampire que de Pathfinder, et loin de Shadowrun, par exemple. Les joueurs peuvent détailler leur personnage en choisissant des capacités spéciales, qui rappellent un peu les dons de D&D, et qui peuvent être achetées avec l’expérience. Elles sont réparties par branches et thématiques, et liées aux peuples et aux cultes. Il est intéressant de remarquer que beaucoup d’entre elles offrent des avantages sociaux plus que des compétences de combat par exemple. Le jeu met donc en avant l’aspect politique autant que l’action inhérente au genre post-apocalyptique.

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Les personnages disposent de points d’ego qui représentent leur puissance mentale, et qui permettent divers bonus sur les jets de dés. Ils servent aussi de jauge de santé mentale lorsque des psychovores les ciblent avec leurs pouvoirs mentaux...

L’univers Sept cultures (on y reconnaît des cultures européennes et africaines), plus treize cultes. Quelques exemples marquants : la France est envahie par des insectes géants, les Balkans par un climat glacial, l’Italie par des mers de lave, etc. Les cultes présentent des médecins suisses, des extrémistes religieux, des chercheurs de l’ancien monde, des religieux africains façon Égypte antique, voire des barbares guidés par un mystérieux dieu techno-sauvage ! Autant le dire : c’est assez patchwork ; ne mélangez pas tout et lisez bien le background avant de créer les personnages — cela peut être un gros problème de cohérence dans le groupe, et ça a été l’un des principaux problèmes relevés au playtest par le groupe. On joue en Europe et, du quasi jamais vu, en Afrique. Imaginez que la Méditerranée est asséchée, et qu’un nouvel âge glaciaire a débuté. Et si on vous dit que cinq cratères géants vomissent spores toxiques et mutants psychiques ? Le jeu présente un univers riche, avec des descriptions et des événements assez détaillés pour chaque culture et culte. Tous sont d’un grand intérêt et il est difficile de choisir. Les auteurs donnent pas mal de détails. D’un autre côté il manque des résumés en une ou deux phrases pour que les joueurs comprennent d’un coup d’œil le concept de chaque faction, dommage Ce jeu n’est pas du post-apocalyptique générique. Il a du style et une ambiance spéciale. Le mélange entre

ce focus sur des factions, sur cette apocalypse bizarre qui répand des pollens mutagènes extraterrestres et le côté Europe/Afrique offre un caractère fort à Degenesis. Contrairement à des jeux comme Mutant Year Zero et Gamma World qui focalisent sur l’exploration et la survie, Degenesis met en valeur l’humanité et ses conflits politiques ou militaires à l’heure de la reconstruction, vingt ans après. Les règles ne traitent pas de la survie — ou en tout cas ce n’est pas le cœur du jeu. Corollaire à ce background fouillé : c’est un jeu à tester en campagne, sinon vous passerez à côté de l’intérêt de Degenesis. Vous perdez votre temps et votre argent si vous n’avez pas l’ambition de jouer régulièrement sur au moins une dizaine de séances. Dernière remarque subsidiaire : l’aventure fournie dans le jeu introduit beaucoup de concepts du monde et dévoile une intrigue et des lieux intéressants. C’est donc un excellent scénario, loin d’être fade. Toutefois, et c’est le gros souci du meneur de notre table de test : après cette introduction, on fait quoi avec le background  ? C’est quoi le fil rouge ? Et comment réunir de manière crédible autant de factions disparates ? Eh oui, Degenesis est un univers à l’ancienne, qui mise sur l’ambiance plus que sur l’efficacité ludique. Les meneurs devront bosser pour transformer le background en intrigues.

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Attention donc : Degenesis n’est pas clé en main. Il demande à être lu attentivement, réfléchi, digéré, recadré (pour limiter par exemple les choix de personnages disponibles aux joueurs, et rendre le groupe cohérent) puis retravaillé. Impossible de rendre justice aux nombreuses idées disséminées dans ces 700 pages mais c’est un univers dans lequel on plonge avec facilité et fascination, servi par des textes bien écrits et par des visuels immersifs. Le meneur devra donc disposer de temps et aimer écrire et préparer ses aventures. On notera que le premier supplément prévu en VO est une campagne, ce qui est de bon augure. Toutefois nous aurions préféré qu’elle soit incluse dès le livre de base, quitte à enlever du background.Si vous vous êtes reconnu question goûts ludiques, et si les points soulevés ici ne vous font pas peur, vous serez ravis de votre investissement !

Conclusion Ce post-apo ambitieux a du caractère, il est digne d’une super production hollywoodienne avec son coffret de luxe, illustré et écrit avec goût et souci du détail, parfait pour l’immersion. L’idée des clans plaît beaucoup aux joueurs, les règles sont simples et claires. Côté meneur, on apprécie des monstres cools, entre Alien et des mutants psioniques, et l’univers parle de l’Afrique et des héros africains. D’un autre côté, les dessins abusent des outils numériques, et le style « lisse » qui en découle manque de folie et de la saleté propre au post-apo. On voit aussi que c’est fait par des mecs : il y a des vagins (rasés), mais ça manque de pénis (poilus), par exemple ! Dommage pour la parité, déjà si peu présente dans le milieu du jeu. Signalons que les livres sont lourds et peu pratiques à manipuler en partie. Enfin, et c’est le plus gros point noir pour ce qui est de se lancer dans Degenesis : ce n’est pas un clé en main, mais alors pas du tout. Entre le côté patchwork des clans et l’absence de focus (on joue quoi ? on commence par quoi ? on va où ? c’est quoi un scénario type ?), Degenesis est un jeu en campagne, exigeant, qui demandera beaucoup de préparation et d’écriture de campagne. Cela ne plaira pas à tout le monde. Paul

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Retour historique sur l’Appel de Cthulhu L’Appel de Cthulhu est l’une des gammes de jeu de rôle les plus influentes de l’histoire de ce loisir. Créée au début des années 1980, elle a été le premier jeu de rôle de nombreux joueurs. Elle a d’ailleurs connu un très grand nombre de suppléments, tant d’aventures que de contexte, et cette gamme a été rééditée régulièrement depuis plus de trente ans. À l’occasion d’une campagne de crowdfunding en juin 2013, Chaosium, l’éditeur original de l’Appel de Cthulhu, lançait le projet de publier une septième version de cette référence. Deux ans plus tard, alors que le projet américain n’a toujours pas été livré à ses souscripteurs, l’éditeur français Sans-Détour livre sa traduction de cette septième version (AdC7) aux joueurs francophones. Plusieurs chroniques ludiques du Maraudeur no19 sont ainsi consacrées à cette nouvelle version d’une référence du jeu de rôle. Un retour historique nous a paru pertinent pour mieux introduire ces nouveaux ouvrages et replacer cet événement dans son contexte. La chronique du Manuel de l’investigateur suit ce panorama, la suivante étant consacrée au Manuel du gardien.

Un peu d’histoire Reprenons d’abord quelques éléments historiques. À partir du lancement de la gamme Call of Cthulhu par Chaosium, l’essentiel de la traduction en langue française fut assuré par Descartes, à travers la 2e

édition (au format boîte) puis la 4e et la 5e (livres). Les joueurs n’avaient alors que l’embarras du choix, entre les suppléments de contexte, les recueils de scénarios, les campagnes (et quelques suppléments de règles) ; sans oublier la création française (le supplément sur les années folles de ce côté de l’Atlantique, en particulier) et une présence constante dans la presse spécialisée. Les traductions cessèrent pourtant au tournant du siècle, et pendant une dizaine d’années les joueurs francophones n’eurent plus accès à des publications régulières et officielles. Les stocks disparurent lentement et certains suppléments gonflèrent gentiment les transactions des sites d’enchères en ligne. Pendant cette période transitoire, le site tentacules.net fut pratiquement le seul à continuer à fédérer les joueurs, avec la mise en ligne de documents et le maintien d’un forum d’échanges.

Apparition de Sans-Détour En 2008, SansDétour reprend la licence et frappe un grand coup : la sixième édition (AdC6) dépoussière violemment la vieille maquette de Chaosium, introduit de nouveaux critères de qualité graphique et devient rapidement la nouvelle référence en termes de visuels. De manière similaire au monde du jeu de société, le French Flair fait merveille pour casser les anciens codes qui datent de la période « fanzine / noir et blanc / texte au kilomètre » des années 1980 et mettre en avant tant le travail des auteurs que celui des illustrateurs et des graphistes. Ensuite, Sans-Détour s’attache à publier quasiment tout ce qui existe, des anciennes campagnes mythiques américaines à certaines publications allemandes, des adaptations connues comme Delta Green à de la création francophone originale. Bref, le nouvel entrant impose son style. Les joueurs non seulement peuvent être reconnaissants de la nouvelle disponibilité des ouvrages de l’AdC, mais aussi de la mise à niveau

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visuelle des ouvrages. L’impact est tel que même Chaosium – un inconditionnel de la mise en page minimaliste et déprimante – va s’en inspirer, confier une partie de sa gamme à Sans-Détour et évoluer vers quelque chose de résolument moderne pour sa propre v7. Dernier élément de contexte historique concernant l’AdC6, Christian Grussi, responsable de la refonte du système de la v6 et désormais directeur artistique de la gamme, a introduit plusieurs éléments de règles propres à la version francophone, qui n’existaient et n’existent pas outre-Atlantique. C’est la première fois qu’une telle divergence est introduite entre des gammes contemporaines.

Vers l’infini et la v7 En 2015, Sans-Détour annonce la publication de l’AdC7, avec plusieurs éléments remettant en cause le paysage de la gamme. En premier lieu, les divergences introduites entre la version américaine et la version francophone sont minimisées : l’AdC7 est une pure traduction de la version américaine en français. Les divergences introduites dans l’AdC6 sont toujours présentes, mais limitées à une annexe de seize petites pages. Ensuite, la publication de l’AdC7 va trancher avec le passé de la gamme : au lieu de publier un unique ouvrage destiné au meneur puis de le compléter avec d’autres sources, Sans-Détour et Chaosium proposent immédiatement plusieurs ouvrages, en particulier un Manuel du gardien (destiné exclusivement au meneur) et un Manuel de l’investigateur (destiné à tous). Comme promis nous vous proposons de découvrir nos premières impressions et analyses dans les pages suivantes. Guillaume AGOSTINI

Le Manuel de l’investigateur Le Manuel de l’investigateur s’avère un bel ouvrage de près de trois cents pages, dans la droite lignée des ouvrages de l’AdC6 francophone : de très nombreuses photos d’époque, quelques illustrations originales et une maquette pertinente qui soutient efficacement le contenu. Quel est donc ce contenu ? Après une courte introduction et un exemple de partie, on retrouve la traditionnelle nouvelle de Lovecraft ; il s’agit cette fois-ci de L’Horreur de Dunwich. Et c’est une (première) bonne surprise. La traduction est excellente – ce qui sera d’ailleurs une donnée constante dans cet ouvrage. La traduction et la relecture ont clairement gagné en qualité par rapport aux ouvrages de la gamme de l’AdC6, ce qui est non seulement un confort mais aussi un atout pour appréhender et utiliser le contenu de ce manuel. Le travail de cette équipe (Philippe Auribeau, Olivier Fanton, Vivien Feasson, Franck Florentin, Denis Huneau et Laure Valentin) est à saluer, ils ont réussi un coup de maître en produisant un ouvrage de cette longueur avec un tel niveau de qualité. Par le passé, certaines publications de Sans-Détour ont souffert de traductions et de relectures insuffisantes (en particulier, Terra Cthulhiana) ; le niveau atteint dans ce Manuel est clairement supérieur à ce qui était la norme par le passé et permet d’envisager le futur de la gamme avec un enthousiasme certain. On retrouve ensuite les chapitres habituels (création de l’investigateur, listes et explication des métiers et des compétences), qui nous accompagnent depuis les années 1980, mais dans une version allongée, avec force détails et exemples d’utilisation. Les chapitres suivants sont consacrés à des informations de contexte, avec notamment des exemples d’organisations pour héberger les investigateurs, des informations sur les années 1920 aux États-Unis, des listes de prix pour les transports, les armes, les objets du quotidien, etc.

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• Le Guide de l’afrique du Nord • Voici l’histoire secrète de la guerre en Afrique du Nord, une terre très ancienne baignée de légendes. C’est un chaudron ardent d’intrigues occultes et politiques, où la chaleur est l’ennemie autant que n’importe quel homme armé. Ce vaste territoire est composé d’étendues sauvages formidables où seuls les plus robustes survivront et conserveront leur santé mentale.

Cet ouvrage contient • De nouvelles occupations civiles et militaires : archéologue, membre du LRDG ou de la Légion étrangère française. prix public conseillé :

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• De nouveaux tomes et savoirs interdits.

• Des véhicules et un équipement adaptés au désert, fantastiques et réalistes. • Des armes et artefacts intrigants. • D'anciennes horreurs surgies des profondeurs du désert.

Le vent du changement Revenons un instant sur l’introduction, qui explique les intentions de jeu de l’AdC7. Car ces quelques pages sont en effet pleines de sens. En particulier, on y explique que les investigateurs doivent étudier, combattre et détruire les menaces inhumaines qui seront mises en œuvre dans les aventures. Ces quelques mots sont très révélateurs – et seront confirmés dans le Manuel du gardien. En effet, dans l’histoire de L’Appel de Cthulhu, les différentes éditions ont flirté avec deux approches distinctes des aventures : l’une très pulp, avec des aventuriers audacieux, des sorciers nazis, des mitraillettes Thompson et de la dynamite ; l’autre plus contemplative, avec des personnages intellectuels, des révélations de secrets millénaires et au final bien peu de possibilités de s’opposer aux entités extraterrestres. Deux campagnes incarnaient ces deux approches : Les Masques de Nyarlathotep (avec ses voyages exotiques, ses souterrains infestés de monstres et son complot mondial) et Au-delà des montagnes hallucinées (avec sa lente révélation d’une vérité préhistorique terrible et inéluctable). Ces deux approches – dont bien des meneurs n’ont jamais souhaité pratiquer l’une à l’exclusion de l’autre – ont fait la richesse et l’ambiguïté de L’Appel de Cthulhu (et bien souvent, ont généré des incompréhensions sur les intentions de jeu). Le Manuel de l’investigateur indique une claire évolution en privilégiant une approche (la pulp). L’autre (que l’on pourrait dire purement lovecraftienne) n’est pas explicitement exclue, mais elle est clairement moins encouragée. C’est une évolution notable, qu’il faut souligner, d’autant plus qu’il serait facile de conclure de ce manuel qu’il n’apporte rien de neuf. Ce qui est tout aussi notable, c’est de mettre dans les mains des joueurs un document qui leur est explicitement dédié, un peu comme pour Pathfinder ou Donjons et Dragons, qui proposent depuis longtemps un manuel

destiné aux joueurs, avec les règles de base et tout ce qu’ils sont sensés connaître, et des ouvrages réservés aux meneurs. Cet aspect est renforcé par la publication de ce Manuel de l’investigateur dès le début de la gamme. En effet, dans les versions précédentes, il y a déjà eu des ouvrages dévolus aux joueurs, mais leur publication plus tardive les faisait apparaître comme plus anecdotiques, moins indispensables (peut-être à tort). Est-ce une stratégie marketing pour gagner plus d’argent en vendant plus de livres ? Peut-être. Si c’est le cas, on ne peut pas en vouloir à Chaosium de chercher à assurer sa pérennité en tant qu’entreprise, c’est une évidence. En fait, il faut s’interroger sur l’utilité en jeu et horsjeu de cet ouvrage – et essayer de le faire de manière constructive, pas uniquement en indiquant que puisque L’Appel de Cthulhu a vécu trente ans sans manuel de l’investigateur, ce manuel est de facto inutile.

De l’intérêt du manuel La partie de création des investigateurs est utile – mais on la trouvait presque telle quelle dans les anciennes éditions. Certains ajouts sont même d’une utilité douteuse (par exemple, les tables d’interprétation des valeurs des caractéristiques n’apportent strictement rien). D’autres affichent clairement une filiation avec d’autres jeux dans le monde de Lovecraft, sans qu’il y ait d’utilité directe identifiée (comme les croyances, qui ont un profond intérêt dans le jeu Trail of Cthulhu de Pelgrane Press mais qui sont ici sous-exploitées). Ensuite, il y a environ une centaine de métiers disponibles, du gardien de zoo à la prostituée, de l’alpiniste au cow-boy. En fait, c’est une évolution beaucoup plus descriptive, qui permet de faire presque tout – là où les éditions précédentes se focalisaient sur une petite dizaine d’occupations ciblées et crédibles pour les aventures de L’Appel de Cthulhu. Chaque occupation va vous donner un nombre de compétences recommandées,

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des points à y investir et une recommandation de niveau de vie typique. Bref, on est dans la simulation la plus pure. Le chapitre suivant embraye sur (encore) une centaine de compétences et leur domaine d’application, ainsi que sur les circonstances de redoublement (voir la chronique sur le Manuel du gardien). Une lancinante impression de répétition se dégage de ces cinquante pages de descriptions. Ce sentiment est encore plus présent avec les descriptions des années 1920, du quotidien des personnages, des conseils de guerre (par exemple, équiper son téléphone portable de protection étanche pour les aventures modernes), de biographies de personnalités célèbres (comme celle du nageur et acteur Johnny Weissmuller), etc. Tout ça n’est pas très utile, sauf à vouloir construire une interprétation ultra-réaliste des personnages. Il reste quelques éléments intéressants, mais cela valait-il trois cents pages ? Probablement pas. Quelques conseils pour « mieux » jouer peuvent paraître utile, de même que d’avoir la liste des compétences sous la main et comment s’en servir. C’est une aide utile au cours d’une séance de jeu, notamment pour préparer les scènes suivantes pendant le temps de parole d’un autre joueur. Le reste – en particulier les annexes, avec par exemple des chronologies de quelques événements par année ou des listes de prix de matériel de loisirs – ne paraît pas indispensable, loin de là, que ce soit en jeu ou en préparation d’une partie. En fait, on peut même plutôt penser que cet ouvrage sera, une fois de plus, surtout un achat à recommander au meneur.

Conclusion La question de la pertinence de publier des ouvrages papier relativement coûteux pour y concentrer une grande part de données bibliographiques ou historiques a déjà été soulevée, en particulier lors de la sortie des suppléments historiques (Les Mystères de Lyon ou Byzance an 800, par exemple). Cette question se pose de nouveau pour ce Manuel de l’investigateur. Trop de pages paraissent consacrées à des informations brutes, qui manquent cruellement d’adaptation pour être utiles en jeu ou même entre les séances. Pourtant l’ouvrage est fameux. La traduction, la relecture, la maquette, les illustrations (en fait, tout ce qui relève directement des choix éditoriaux de Sans-Détour) sont unanimement excellentes. Les choix éditoriaux de Chaosium, en revanche, sont discutables. Pourquoi inclure toutes ces données historiques et de contexte dans un manuel, un ouvrage qui devrait servir aux joueurs plusieurs fois par séance ? D’autant plus que Sans-Détour avait bien indiqué une voie alternative, en publiant ainsi un guide des années 1920, ouvrage certes copieux et méticuleux mais qui, de fait, ne s’adressait qu’à ceux qui recherchaient ce type d’informations. Les quelques bonnes idées du Manuel de l’investigateur sont par conséquent desservies dans un ouvrage trop volumineux et à l’utilité marginale. Guillaume AGOSTINI

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edition prestige contient : le Manuel du Gardien • le Manuel de l’investiGateur • aventures effroyables (recueil de scénarios) • ecran de jeu • lithoGraphie loïc Muzy • 90 fiches de créatures • fiches de p.n.j. • 6 Marque-paGes • clef usb avec version pdf des ouvraGes • un porte-Mine en aluMiniuM • set de 9 dés (dont 2d10 bonus/Malus) • posters au forMat 60x40 cM : le planisphère du Mythe, l’euclidosphère, l’atlas du Mythe (7)

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Le Manuel du Gardien

synthétique et plus académique de l’horreur métaphysique de l’AdC6 – beaucoup plus claire et didactique. Suit alors le même chapitre que le Manuel de l’investigateur pour la création des personnages (les investigateurs donc), avec beaucoup moins de métiers disponibles. Ce chapitre se prolonge de même par une très longue description des compétences, leur cas d’utilisation, les conditions de redoublement (voir plus loin), de manière similaire au Manuel de l’investigateur. Le système de jeu, sur lequel nous reviendrons largement plus bas, est ensuite décrit sur une petite vingtaine de pages.

Après avoir conclu de manière douceamère sur le Manuel de l’investigateur, attaquons-nous donc au Manuel du gardien et ses presque cinq cents pages. Cet ouvrage est, comme dans les éditions précédentes, conçu comme étant le seul réellement nécessaire pour jouer des heures à L’Appel de Cthulhu, bien que la publication simultanée du Manuel de l’investigateur, du Malleus Monstrorum et d’autres documents puisse brouiller cette perception. Commençons donc par un survol du contenu avant de se focaliser sur les évolutions et leur intérêt.

Ensuite, on retrouve une suite de chapitres attendus, qui ont tous relativement la même longueur. Les règles pour simuler les combats, celles des courses-poursuites, la Santé mentale, l’utilisation de la magie, les descriptions de livres maudits, de machines bizarres et de monstres horribles, etc., s’étalent ainsi sur une grande partie du manuel.

Tour d’horizon d’un contenu très dense Le Manuel du gardien commence avec les mêmes notes d’intentions que le Manuel de l’investigateur, mais la nouvelle laisse la place à quelques pages explicatives sur la production littéraire de Howard, de Lovecraft, de ses continuateurs et sur l’interprétation du Mythe de Cthulhu, cet ensemble foisonnant d’entités non humaines qui évoluent dans l’immensité de l’espace et dont quelques représentants vivent sur notre planète. Si ce chapitre est très important pour la mise en scène des parties, on regrette la présentation

Ces chapitres sont globalement tous organisés de la même manière : d’abord un ensemble de règles standard, censées être appliquées de manière systématique ; puis un ensemble d’options pour étendre les zones d’application des règles. Ainsi, les règles de combat sont enrichies de la localisation des dégâts, de la gestion des poisons ou de la simulation d’une tentative pour assommer un adversaire. De même, le chapitre consacré à la Santé mentale, c’est-à-dire à la jauge d’équilibre psychique qui va être lentement grignotée par les visions d’horreur et les situations stressantes, est complété avec des indications d’interprétations de folies ou de moyens de combattre des hallucinations.

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Connaissances interdites (aux joueurs)

Cœur de ténèbres

Un peu à part dans ces considérations standard, un intense chapitre rassemble de nombreux conseils au gardien, qui sont généralement de bonne, voire d’excellente facture, et qui recouvrent quasiment tous les aspects du jeu. Ces paragraphes détaillent des recommandations concernant l’interprétation des personnages, la création d’une ligue d’investigateurs, la création de scénarios et de campagnes, la gestion du rythme et bien d’autres éléments encore. Deux scénarios originaux sont proposés dans ce Manuel ; l’un dans une sorte d’ambiance survivaliste en pleine nature, l’autre orienté enquête urbaine. Le premier est probablement le moins convaincant, la menace surnaturelle ayant des motivations bien terre à terre. L’ensemble fait plus penser à « Delivrance avec des monstres » qu’à un scénario d’horreur lovecratienne, malgré la description proposée. Le second scénario paraît plus convaincant et moderne, avec une large galerie de personnages aux motivations variées qui gravitent autour d’un sombre soleil dangereux. Il sera plus délicat à mettre en scène, mais certainement plus valorisant aussi. Reste un peu moins de soixante-dix pages d’annexes diverses et variées : liste de prix, caractéristiques des armes, résumé de règles, les règles spécifiques de l’AdC6 francophone (avec notamment les règles d’Aplomb), et enfin onze pages – anecdotiques mais désormais attendues – avec les noms des souscripteurs de la campagne de crowdfunding francophone et les indispensables feuilles d’investigateur.

Revenons donc sur le système. En apparence, il n’y a pas grand-chose qui a changé depuis les versions antérieures. Les caractéristiques sont directement exprimées en pourcentage, alors qu’elles étaient plus ou moins sur une échelle de 0 à 20. Oui, on a tout multiplié par cinq. Et quand on fait un test, on lance un d100 et si le résultat est inférieur à la valeur de la compétence ou de la caractéristique, c’est une réussite. Auparavant, une difficulté particulière était simulée en appliquant des modificateurs, par exemple en enlevant 20 % à la compétence testée. Ici ce n’est plus le cas, le test se fait sous la compétence en conditions ordinaires, sous la moitié de la compétence en cas de difficulté majeure et sous un cinquième de la compétence en cas de difficulté extrême. Le changement est cosmétique, tout au plus, d’autant que l’AdC6 utilisait déjà ces seuils (moitié et cinquième) pour indiquer des réussites particulièrement efficaces. Ce qui change vraiment, ce sont les conditions de déclenchement d’un jet. Dans toutes les éditions précédentes, on ne jetait les dés que lorsque les conditions étaient particulièrement stressantes, périlleuses ou inhabituelles. L’idée était que les personnages sont censés savoir ce qu’ils font, le plus souvent ; on ne jette les dés que lorsque les conséquences sont incertaines : les dés sont ainsi utilisés pour renforcer la tension à la table de jeu.

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Dans l’AdC7, ce n’est plus le cas. Les dés sont lancés lorsque les joueurs et le gardien ne sont pas d’accord sur le déroulement de la fiction. Par exemple si le gardien et le joueur sont en désaccord pour déterminer si un investigateur arrive à échapper à un adversaire, il y a alors jet de dés. C’est un changement véritablement majeur, qui revient à passer d’un monde où les joueurs explorent un univers étrange et où le système permet d’en tester les limites à un monde où les participants racontent ensemble une histoire et où le système permet de trancher les situations de conflits entre joueurs pour le contrôle de la narration. Autant dire que cette transition extrêmement importante ne va pas se faire sans heurts. Pour une fois, l’expression « changement de paradigme » convient tout à fait pour décrire le passage de l’AdC6 à l’AdC7. Cela va notamment profondément changer le postulat de base de nombreux scénarios, où le gardien devait lentement révéler un secret mythique en répondant aux initiatives des joueurs. Ici, le secret mythique devient pratiquement secondaire par rapport aux envies créatrices de tous les participants. Cela confirme bien les intentions de jeu décrites dans l’introduction : les investigateurs sont là pour s’opposer aux menaces étranges, pas pour découvrir des secrets horrifiques (et devenir fou dans le processus de découverte). De fait, le meneur ne devrait plus s’appeler « gardien » : il n’a plus de secrets à garder…

Quelques autres modifications À l’aune de ce changement majeur, les autres changements paraissent anecdotiques, d’autant qu’ils ont déjà été utilisés dans d’autres jeux de rôle. En effet, les joueurs ont désormais la possibilité de redoubler un test : lorsque l’investigateur échoue une première fois, le joueur peut décider de refuser ce premier résultat, d’indiquer une prise de risque supplémentaire et de relancer les dés. En cas de succès il obtient ce qu’il veut, en cas de nouvel échec il perd beaucoup plus. De même, dans des circonstances favorables, le joueur peut lancer deux dés pour le dé de dizaine de son d100 et conserver le résultat le plus favorable (un système récemment mis en avant dans la cinquième édition de Donjons et Dragons par exemple). Dans des circonstances défavorables, c’est le même principe, mais en conservant le résultat le plus néfaste.

Ainsi, le nombre et la qualité de description des situations sont beaucoup plus importants dans l’AdC7 que dans l’AdC6. Pour mémoire, dans l’AdC6, le gardien disposait d’un corps de règles restreint et d’un nombre impressionnant d’options pour simuler les conditions météorologiques, les interactions sociales, les combats, etc. C’était d’ailleurs encore plus le cas dans les versions précédentes (notamment la quatrième édition, l’AdC4). Dans l’AdC7, comme le système devient un enjeu narratif majeur entre les joueurs, les règles doivent nécessairement couvrir un nombre de situations bien supérieures pour éviter les tergiversations en jeu. Par conséquent, il est logique que les chapitres de combat et de course-poursuite aient ainsi une importance notable, de même que les autres aspects mécaniques (Santé mentale, interactions, magie, etc.). Il est donc normal de percevoir un nombre plus élevé de règles par rapport à l’édition précédente – et encore plus si on compare l’AdC7 aux propositions alternatives comme Trail of Cthulhu de Pelgrane Press ou Nemesis d’Arc Dream. De plus, on revient aussi sur certains aspects majeurs de l’AdC6. Par exemple, cette version proposait de ne plus donner de points de Santé mentale aux Investigateurs à la fin d’un scénario, arguant qu’un bâton de dynamite bien placé n’allait pas vraiment aider les personnages à mieux dormir. Dans l’AdC7, c’est de nouveau le cas : les points de Santé mentale sont une des récompenses majeures à atteindre en fin de partie.

La Chose Nous ne conclurons pas sur cet ouvrage de la même manière que pour le Manuel de l’investigateur. C’est un ouvrage utile, autonome et qui permettra des heures de jeu. En particulier, la présence d’un nombre très important de monstres, de machines bizarres et de sorts permet autant d’amorces de scénario sans avoir besoin d’autres publications – ce qui avait été un manque majeur de la première impression de l’AdC6, corrigée dans la version « 30e anniversaire ». Faisons un petit retour en arrière sur quelques publications antérieures. En 1990, l’AdC4 proposait un ensemble cohérent de règles, d’inspirations en termes de monstres, de sorts, de liste de prix, et d’événements mondiaux dans à peine 192 pages – dont sept scénarios. L’AdC5 passait à 240 pages en 1993, puis à 320 pages en 1999, avec les mêmes quatre scénarios. En 2008, l’AdC6 paraît en 288 pages, avec une campagne

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de trois scénarios, puis en version augmentée en 2011 avec 400 pages et une autre campagne de trois scénarios. En 2015, l’AdC7 atteint 464 pages, soit une multiplication par quasiment 2,5 depuis 1990, avec deux scénarios seulement. Il y a eu une inflation évidente dans le nombre de pages, ce qui est la conséquence prévisible d’une part d’une maquette plus aérée et plus richement illustrée et d’autre part d’une volonté de fournir de plus nombreuses mécaniques de jeu aux gardiens – que cela soit justifié ou non. Dans le cadre de l’AdC7, on a vu que cela était particulièrement justifié puisque le mode de jeu change fondamentalement et requiert une plus grande précision dans le cadre des règles. Néanmoins, il ne faut pas minimiser la difficulté que de nouveaux joueurs et gardiens rencontreront lorsqu’ils vont découvrir ce jeu. L’effort n’est plus aussi minime que les anciens joueurs veulent le croire. Les anciennes éditions (jusqu’à l’AdC5.5) utilisaient le Basic System, un système générique simplissime à base de pourcentages. Ce serait une erreur de croire que l’AdC7 l’utilise encore. En fait, le système de l’AdC7 n’a pratiquement plus rien à voir avec son ancêtre. Prendre en main l’AdC7 ne se fait plus de manière intuitive. Les nombreuses pages de conseils de maîtrise sont particulièrement bienvenues dans ce sens, même si elles ne sont pas assez didactiques pour un débutant complet.

Le Culte Les louanges faites à l’équipe de Sans-Détour dans la chronique sur le Manuel de l’investigateur sont ici encore reconduites, peut-être avec un peu plus de force, au vu de la masse de texte traitée. Les trois admirables traducteurs et les trois valeureux correcteurs doivent ici encore être salués pour la justesse et la qualité de leur travail. L’efficacité de la maquette de cette version francophone et la qualité esthétique de l’ouvrage sont aussi significativement au-dessus des publications comparables (il y aurait d’ailleurs encore beaucoup de choses à dire sur les différences entre l’édition de Sans-Détour et celle de Chaosium). Comme dans l’AdC4, on retrouve plusieurs pages en couleur, qui améliorent encore la qualité de l’ouvrage. Le travail d’édition de l’ouvrage est donc excellent. Au-delà de cet ouvrage, il faut une fois de plus remercier Sans-Détour d’avoir travaillé et propagé une nouvelle idée de la maquette de jeu de rôle, avec une qualité visuelle qui fait aujourd’hui référence.

Puisque nous avons évoqué des chiffres (et pour prolonger les études initiées il y a quelques années dans Di6dent), à titre de comparaison, l’AdC4 coûtait 189 F en 1990, soit une valeur actuelle d’environ 42 € en prenant en compte l’inflation. L’AdC7 est commercialisé à 45 € pour plus du double du nombre de pages (les autres sources de coût sont comparables : couverture cartonnée, insertion d’illustration couleurs pleine page, huit pour l’AdC4, seize pour l’AdC7). Les gains de productivité sont donc excellents et les clients de cette édition bénéficient non seulement d’améliorations technologiques notables mais aussi d’une grande compétence de l’éditeur qui leur permet d’avoir significativement plus pour un coût comparable.

Le Seuil La plupart des critiques ludiques qui ont accompagné la sortie de l’AdC7 ont salué la qualité esthétique du Manuel du gardien, ainsi que des autres publications afférentes. En cela, nous les rejoignons sans réserve, peut-être même en appuyant un peu plus sur la qualité de la traduction et de la relecture, véritablement exceptionnelle ici. Ces mêmes critiques semblaient aussi minimiser les changements induits par cette nouvelle édition, en la réduisant à sa partie cosmétique, en particulier le passage des caractéristiques en pourcentage ou la réapparition de la caractéristique Chance. En cela, nous devons insister sur le fait que cette nouvelle édition rompt résolument avec le passé. Le système est devenu un arbitre sur des conflits de narration, pour décider qui prend la main sur la fiction et sa résolution – avec des mécanismes spécifiques, comme le redoublement, qui impliquent de plus grandes responsabilités partagées sur la narration. De plus, l’approche purement lovecraftienne d’une révélation d’horreurs métaphysiques est presque totalement abandonnée ; ne reste que l’approche aventureuse et pulp où les personnages s’opposent ouvertement à la menace inhumaine. Ces changements ne sont pas anodins, loin de là. Bien entendu, on peut toujours jouer comme on le souhaite et adapter cet AdC7 pour continuer à jouer selon les canons des éditions antérieures. Mais ce n’est pas ce que propose la nouvelle équipe de Chaosium. De même qu’il n’est pas pertinent de minimiser les changements de l’AdC7, il serait inopportun de minimiser les efforts visant à prendre en main ce jeu de rôle. Le Basic

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system n’est plus appliqué dans l’AdC7 et la maîtrise de ses règles n’est plus aussi intuitive qu’elle l’a été il y a trente ans – ou qu’elle l’est dans les autres jeux de rôle d’inspiration lovecraftienne. En revanche, le Manuel du gardien permet de prendre en main une nouvelle série d’aventures, que ce soit les deux scénarios publiés en son sein, de manière concomitante avec sa sortie (comme dans le recueil Aventures effroyables dont nous parlerons dans le Maraudeur no20) ou dans un futur proche (comme la campagne des Cinq supplices prévue en 2016). L’ancêtre n’est pas mort, loin de là, et le jeu de rôle le plus important de tous les temps bouge encore. En outre, il a entamé une mutation inattendue et très importante, preuve qu’il n’est aucune œuvre si sacrée qu’on ne puisse tenter l’aventure de la modifier en profondeur. Guillaume AGOSTINI

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Appel de Cthulhu V7 – Malleus Monstrorum « Il y a des horreurs au-delà des limites de la vie, dont nous n’avons pas idée, et les prières diaboliques d’un homme peuvent en un instant les faire surgir dans notre propre réalité. » Howard Philips Lovecraft, La chose sur le seuil N’existe-t-il pas une forme perverse de contradiction entre l’un des termes remis au goût du jour par le Maître de Providence – l’indicible – et une description exhaustive des entités monstrueuses du mythe dont il est le principal auteur ? Car après tout, donner un nom, une forme, un visage et une liste de statistiques à une créature du Mythe, n’est-ce pas la ravaler au rang de monstre errant comme le premier orque ou cube gélatineux venu ? Peut-être. Mais force est de constater que les éditions de l’Appel de Cthulhu se suivent et se ressemblent de ce point de vue : les catalogues de monstruosités s’alourdissent et leur niveau de détail s’accroît. C’est que les gardiens des arcanes sont friands de variété et qu’ils aiment avoir réponse à toutes leurs questions lorsqu’ils doivent imaginer des histoires à ne pas faire dormir un investigateur moyen. C’est qu’à force, tout le monde s’attend à trouver des profonds dans les grottes proches du rivage et que les Mi-Go, au bout de la quatrième rencontre, ça devient lassant.

Exhaustivité Avec le Malleus Monstrorum de la V7, vous aurez entre les mains le recueil de monstruosités le plus abouti à ce jour – du moins est-ce la promesse de l’édito signé Scott David Aniolowski, l’un des vieux briscards de Chaosium, qui nous révèle avoir parcouru chaque

supplément du jeu, chaque scénario connu, chaque livre publié autour et à propos du Mythe de Cthulhu pour y référencer chaque créature, chaque entité. Ce ne sont donc pas moins de 380 entrées qui attendent de faire joujou avec vos points de santé mentale et les nerfs de vos investigateurs chéris. Mais le Malleus n’est pas qu’un manuel des monstres. On y trouvera des monstres, certes, mais aussi des déités, des créatures légendaires et folkloriques ainsi que des animaux. Car après tout, un chien de berger peut se révéler tout aussi dangereux pour l’enquêteur imprudent qu’une maigre bête de la nuit… L’ouvrage, volumineux (près de 315 pages), se présente sous la forme d’une encyclopédie aux entrées réparties par ordre alphabétique en fonction de la catégorie à laquelle appartient la créature (les créatures du Mythe, les déités du Mythe, les créatures légendaires et folkloriques et les animaux). Certains (dont je suis) apprécieront le fait que toutes ces entités ne soient pas illustrées. Cela permet justement de demeurer dans l’indicible si cher à Lovecraft, dans l’horreur indescriptible plutôt que dans les contours clairs et nets qui – quelque part — rassurent. On aura parfois droit à un bocal à étiquette, à un vase ancien représentant la chose de façon symbolique ou encore à des croquis imprécis. Bien entendu, vous aurez aussi droit à des représentations en bonne et due forme. Chaque créature est en outre accompagnée d’une brève description ou d’un texte d’ambiance, de sa fiche technique et de la liste de ses pouvoirs et spécificités. Il est relativement facile de s’y retrouver, sauf si l’on a du mal à distinguer entre une créature du Mythe et une déité, par exemple – mais si la chose recherchée n’est pas dans une liste, c’est qu’elle est dans l’autre. Les informations sont claires, assez brèves pour être faciles à comprendre mais aussi assez exhaustives pour éviter les malentendus. De nombreux conseils émaillent l’ouvrage pour distinguer les créatures, pour les intégrer à vos aventures ou encore pour en créer

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de nouvelles. Car bien que les férus du Mythe puissent pousser de hauts cris à l’idée d’innovations, il ne faut pas oublier que le Mythe tel que présenté dans les différentes versions du jeu de rôle inspiré des œuvres de Lovecraft puise également dans d’autres œuvres que celles du Maître de Providence.

Monstres errants… Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que le Malleus Monstrorum n’est pas un supplément pour Donjons & Dragons. Ne vous sentez en aucun cas obligé, après l’avoir consulté, d’intégrer toutes ces créatures à votre version du Mythe, ou même d’en tenir compte. En tant que gardien, vous êtes libre d’y puiser ce qui vous semble utile, de vous en inspirer, mais aussi de laisser toutes ces informations de côté. Il n’y aurait rien de pire, autour d’une table de l’Appel de Cthulhu, que des joueurs qui considéreraient ce recueil comme un

tableau de chasse ou une vérité absolue. Le succès d’une bonne partie de l’ancêtre des jeux d’épouvante réside justement dans la surprise que vous réserverez à vos joueurs lorsqu’ils croiront maîtriser la situation. Mais il demeure qu’il est bien pratique d’avoir toutes ces informations à portée de main lorsque vous rédigez votre scénario. Alors, le Malleus Monstrorum, indispensable ? Non. Mais assurément un achat utile pour vous faciliter la vie et pour compliquer celle de vos joueurs ! Genseric

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Appel de Cthulhu V7 – Codex de l’Innommable

avec, parfois, des croquis de déplacement et des mises en situation. Elles sont signées Loïc Muzy, Mariusz Gandzel et Claire Delépée. Le but n’est donc pas de fournir des données directement exploitables en combat (d’ailleurs, faut-il combattre les créatures du Mythe ou leur tourner le dos en courant ?), mais bien de permettre aux investigateurs qui ne tiennent pas trop à leur santé mentale de tenter de les reconnaître comme on distinguerait des champignons en forêt.

– Attends, peux-tu me décrire exactement ce que tu as vu ? – Heu… C’était grand. Plus grand qu’un homme, malgré le fait que ça avançait recroquevillé comme une vieille femme. Et ça émettait un horrible gargouillis. Et c’était rose. – Tu as dû rêver, c’est pas dans le manuel.

Un guide pour le gardien

Le Codex de l’Innommable est la réédition au format de la septième édition de l’Appel de Cthulhu du célèbre guide rédigé par Sandy Petersen (le concepteur de l’Appel) lui-même : les Monstres de Cthulhu (Descartes, 1988 pour la version française). Enfin, c’est un peu plus qu’une réédition, puisque les textes ont été majoritairement réécrits. Disons que c’est une remise au goût du jour doublée d’un autre supplément légendaire : les Créatures des Contrées du rêve (Descartes, 1989 pour la version française). En 130 pages, vous aurez à disposition un guide décrivant et illustrant 53 créatures tirées du mythe de Cthulhu ou des Contrées du rêve pour meubler vos parties. Les anciennes éditions sont toutefois encore parfaitement compatibles (si ce n’est d’un point de vue graphique) puisque ces manuels ne présentent aucune donnée chiffrée (ce ne sont pas des bestiaires). Les monstres sont décrits selon un modèle identique : un bref descriptif, un habitat, une répartition géographique (qui n’est donc pas exactement la même chose), la vie/les habitudes et les signes distinctifs. Il serait bien entendu injuste d’omettre les magnifiques illustrations dont est créditée chacune de ces créatures

Soyons clairs. Si le Codex de l’innommable s’adresse dans sa forme aux investigateurs, nous ne saurions trop vous conseiller de le tenir à l’écart des joueurs (enfin, s’il existe encore une réelle distinction entre gardien des arcanes et investigateurs dans des groupes où l’on occupe alternativement l’un ou l’autre côté de l’écran). Les personnages ne devraient jamais avoir accès à ces informations sous peine de déflorer le mystère. C’est donc bien un guide à l’usage exclusif du gardien et dont il ne doit se servir que pour illustrer une description. Pourtant, on retrouve avec plaisir l’organigramme d’identification de la première édition, sous forme de questions/réponses et de flèches menant vers d’autres questions pour identifier avec certitude une créature, pour la forme ludique de la recherche. Mais cela n’aurait aucun sens en partie. Les monstres décrits sont les mêmes que ceux de la première édition, bien que classés dans un meilleur ordre alphabétique (la Bête lunaire était classée, dans l’édition de 1988, entre Itaqua et la Maigre Bête de la nuit). Bien que ce manuel ne puisse être comparé aux bestiaires chers à des jeux comme Donjons et Dragons, on aurait espéré quelques innovations par rapport aux éditions précédentes et quelques idées tirées de ces bestiaires auraient pu venir enrichir un contenu éculé (pour de vieux routards – mais sans doute assez neuf pour un nouveau public).

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Par exemple, une idée de scénario ou un synopsis mettant en scène chaque créature ou ses méfaits aurait été les bienvenus. Le Codex de l’Innommable vient donc compléter la description des monstres du livre de base et celle du Malleus Monstrorum, tout en ne se substituant à aucun des deux ouvrages. C’est un outil pédagogique destiné aux gardiens des arcanes et dont les illustrations peuvent servir à décrire une créature aux joueurs. Cela reste cependant un fort bel objet aux magnifiques dessins et qui réjouira à coup sûr les collectionneurs – qu’ils possèdent ou pas les anciennes éditions.

Conclusion Codex de l’Innommable ou Malleus Monstrorum ? Les jeux de rôle, ça coûte cher et ça prend de la place. À moins que vous ne comptiez au nombre de ces collectionneurs compulsifs qui achètent tout ce qui passe, devez-vous faire un choix entre ces deux volumes aux pages pleines de monstres ? Les deux ouvrages ne sont en rien redondants et peuvent même être complémentaires. Le Codex est un guide orienté contexte. Vous pouvez vous en servir pour mieux décrire un monstre, mieux l’intégrer à votre scénario ou pour donner des indices à vos investigateurs sur la présence d’une créature donnée dans les parages. Vous n’y trouverez aucune caractéristique chiffrée. À la limite, le Codex s’adresse autant aux lecteurs des nouvelles et romans du mythe qu’aux rôlistes. Le Malleus, lui, est un bestiaire comprenant beaucoup plus de monstres, de déités, de créatures et d’animaux. De ce point de vue, il s’agit plus d’un catalogue destiné aux seuls gardiens des arcanes. Si vous êtes joueur, cet ouvrage ne devrait pas vous intéresser. Mieux encore, vous ne devriez même pas être autorisé à le lire, afin de préserver les secrets si chers aux gardiens et votre propre plaisir de jeu. Genseric

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Dragon de poche 2 Il y a quelque temps, John Grumph, prolifique auteur abonné aux éditions John Doe, se lançait dans la production de jeux au format court, à la distribution « indépendante et alternative » sur le site d’impression à la demande lulu.com. Fort de sa réussite avec ses deux premiers jeux issus respectivement d’une revisite quasi Old school renaissance (OSR) des parties de vos boîtes rouges D&D (Dragon de poche) et d’une revisite du cyberpunk (Nanochrome), l’auteur décida après de nombreux retours de réaliser une seconde édition révisée et augmentée de Dragon de poche. Augmentée, le mot est toutefois un peu faible car on passe d’un petit fascicule d’une quarantaine de feuillets à un mastodonte de presque trois cents pages. Mais qu’est-ce que le Grumph a bien pu mettre dedans pour le faire gonfler autant  ? La grenouille est-elle devenue bœuf ou a-telle explosé en voulant lui ressembler ?

Du côté des joueurs trois D6, dont un sera d’une couleur différente. La somme du résultat de ces trois dés, plus la valeur de la caractéristique testée, doit être égale ou supérieure au seuil de difficulté défini par le MJ. Pour les combats, le dé de dégât (de la couleur différente) est rejetable sur un 6. Une réserve de Chance permet de se dépasser, se tirer d’un mauvais pas (ou jet).

Que du très classique, mais qui a l’avantage d’être vite pris en main par les joueurs et très facilement assimilable après une première lecture par le meneur de jeu. Pourtant quelques ajustements et modifications cosmétiques – ajouts de races, classes, équipements ou capacités – ont été apportés pour cette seconde version du jeu. Même chose dans sa structure de création narrative (lisez ici : créer des scénarios sur le pouce, avec une trame de base – qui, quoi, où, comment, puis quelques tirages sur des tables aléatoires, et plus tard un canevas apparaît) et sa liste de lieux, personnages, objets... qui permet d’improviser sans perdre le fil de la partie. Mais le cœur du changement n’est pas là. Alors que contiennent ces deux cent cinquante pages supplémentaires ? Eh bien heureusement, pas D R A uniquement de nouvelles illustrations G DE PO O N La mue du (qui au passage, ont complètement été CHE MÉDIÉVA L-FANTA renouvelées tout comme la maquette, STIQUE dragon... Le Grümp h repensée, reconstruite pour toujours plus de lisibilité). Non, ce que contient La mécanique de jeu qui Dragon de poche 2 est ce qui manquait motorise cette seconde version reste somme toute assez proche de l’originale et les premiers lecteurs ne cruellement dans la première version... Le « gras » ! seront pas dépaysés par son contenu. De la création de son aventurier à la gestion des combats et de la Par «  gras  », j’entends toute la substantifique moelle magie, en passant par l’expérience ou les jets de dés, qui fait qu’un jeu reste accessible pour tous. Une petite à un cheveu près, on est quasi raccord (cf. Maraudeur explication sur « ce qu’est le jeu de rôle », quels sont les poncifs qui définissent un univers médiéval fantastique, no12). mais aussi des conseils sur comment improviser, qu’estOn choisit un peuple, une classe, on répartit des ce qu’un mode « bac à sable », ou comment bien créer/ rangs entre six caractéristiques, on sélectionne un organiser collégialement un monde émergeant avec ses inventaire en choisissant l’un des trois ensembles joueurs. d’équipement (voyageur, aventurier, soldat), Car si cela peut être d’un banal affligeant pour de vieux puis cinq compétences et quatre capacités. routards dont font partie bon nombre d’entre nous, cela n’est pas une évidence pour tout le monde. Et ce qui va sans dire, va toujours mieux en le disant.

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Mais Dragon de poche 2 n’est pour autant pas une compilation de textes vides de sens à l’écho redondant, bien au contraire. LG prend le temps et le soin d’apporter « sa vision » des choses et son expérience, acquises autant à sa table de jeu que lors des retours qui lui ont été faits ici et là (le forum CasusNo pour ne pas le nommer). Tout cela en plus de la part non négligeable de son travail sur ses précédents jeux comme Oltréé (éditions John Doe ; cf. Maraudeur no11 pour lire la critique complète du jeu), Le Vastemonde ou Nanochrome. On sent clairement l’influence de toute cette maturation, autant dans les mécaniques proposées (création de cartes avec hexagones, effets de la météo sur le temps du jeu, la gestion d’un voyage et autre péripéties) que dans les conseils pour la structuration de la narration et de l’animation du rythme autour de la table (comment le créer, comment permettre de reprendre son souffle sans temps mort...). La création collaborative du Monde Connu (non générique de l’univers qui servira de décor à Dragon de poche) est l’un des ajouts majeurs du jeu. Les joueurs (PJ et MJ) sont véritablement propriétaires de celuici. Processus largement inspiré d’Oltréé, chaque table créera sa carte. Toutefois, et comparativement à Oltréé, il n’y a pas de découverte ici. C’est un tour de table qui permet à chacun d’apporter des éléments géographiques (reliefs, végétations, urbanisme...) sur les hexagones. Puis, deux ou trois autres tours de table agrémenteront le tout de rumeurs, lieux étranges et exotiques pouvant piquer la curiosité des joueurs comme celle du meneur.

L’avantage de cette création participative est en premier lieu de permettre l’appropriation partagée de l’univers et, par ailleurs, d’offrir d’entrée de jeu de la matière pour créer à partir d’un quasi-néant. Bref, là où Dragon de poche premier du nom n’était qu’une boîte à outils reposant sur une mécanique bien huilée, sa mue se pare des atours d’une production bien plus structurée et mature. Pour autant, les conseils et autres retours d’expérience(s) sont loin d’être les seuls éléments adjoints. Certains aspects des règles ont également subi non pas une profonde mutation mais plutôt un enrichissement. La magie, par exemple, se décompose maintenant en plusieurs voies : une générique accessible à tous et une, spécifique, par classe (Capelan, Chapardeur, Chevalier, Sorcelier, Veneur). Ce qui permet de nettement typer l’apport de chaque personnage comme il se doit dans un jeu à l’influence OSR. L e s créatures, elles aussi, se voient î pourvues, en plus de statistiques génériques, d’une écologie, d’un bestiaire articulé autour des grandes menaces qui règnent sur le Monde Connu (Dragons, Enténébrés, Esprits, NonMorts...). Chacune ayant une attitude, des objectifs et des paternes magiques pour le personnaliser. Ainsi, un Enténébré n’agira pas comme un Dragon et inversement. Cela semble évident mais ces personnalisations apporteront une vraie « patte » à vos antagonistes. Les Cycles, ou dans DDP2 Repos Long (périodes très élastiques qui peuvent aller d’une scène à une séance complète, voire plus), déjà rapidement évoqués sans plus de précisions dans Nanochrome, se voient ici développés dans un corpus de règles définies et complètes.

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Alors qu’auparavant les récupérations se faisaient lors de phases de repos sans conséquence, maintenant le groupe devra y réfléchir à deux fois avant de clore un Repos Long (Cycle). Car si celui-ci permet une récupération plus complète et efficace, et surtout le gain et la dépense possible de 100 XP (équivalent d’un niveau), cela entraîne également une passation de pouvoir à l’antagoniste de l’histoire qui ne fera pas que réagir aux actions des joueurs. Ce sera à son tour d’agir, de mettre en place sa stratégie, de déplacer ses pièces maîtresses sur l’échiquier. Dorénavant, votre table sera moins encline à foncer tête baissée sans se soucier de son état de santé, du niveau de ses réserves de potions de soin et de sa capacité à utiliser la magie. Le système des Repos Long/Cycles apporte une gestion plus fine de l’attrition si chère aux mécaniques OSR, sans pour autant les rendre indigestes.

J’ai déjà mon Dragon de poche, je passe au suivant ou pas ?

Des plans sur la tomette Des plans sur la tomette est une petite surprise comme on en trouve peu. Il s’agit de la compilation d’une quarantaine de plans de lieux médiévaux (auberges, boutiques, palais, ateliers, moulins...) réalisés par LG. Ce panorama vous fournira de quoi éviter les descriptions ou dessins bancals, surtout si vous n’êtes pas l’architecte de la famille. Au-delà de sa proposition pas forcément originale, mais diablement pratique, Des plans sur la tomette est davantage un support de création multi-univers à petit prix (3 € en PDF et 6 € en version papier) qu’un supplément conventionnel. Toutefois, si je vous recommande vivement le format PDF (pas cher, exploitable pour vos parties en ligne, imprimable à loisir et en grand), le format Chibi (poche) papier sera sans doute plus apte à satisfaire vos instincts de collectionneur qu’à garantir une véritable utilisation en cours de partie pour vos joueurs. Mais bon, pour le prix investissez dans les deux, c’est toujours moins cher qu’une place de cinéma.

La réponse est clairement oui ! La mue du grand reptile est nettement une réussite, tant par la beauté de son nouveau contenant, que par les apports enrichissant son contenu. Les lacunes présentes dans la première version, même peu nombreuses, ont été corrigées. LG y a apporté ce qu’il avait fait de mieux dans ses précédentes productions (Oltréé & Nanochrome) sans pour autant faire de cette deuxième mouture un clone ou un fourre-tout sans saveur. L’esprit d’origine a été conservé et amélioré. Les novices y trouveront un jeu simple à prendre en main mais suffisamment complet pour un investissement minime. Ceux ayant un peu plus (voire beaucoup plus) de bouteille trouveront un jeu bien ficelé, tournant comme un coucou suisse, quelques conseils pas toujours éculés sur la gestion du « bac à sable » et suffisamment d’espace pour renouveler l’expérience de leurs débuts avec ce sentiment de liberté totale. Bref, en un mot comme en cent « C’est bien, achetezle ! » dixit un ami grand amateur du jeu.

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Tony Martin

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Nothingness — Grimoire

à la création du personnage. Les Palangons tirent leur puissance du Mithrane, un métal précieux dont ils arrivent à tirer de grands pouvoirs.

Tout d’abord, il est important de préciser que Nothingness est composé de cinq livres, le Codex, le Lectionnaire, l’Encyclopédie, le Grimoire et l’Atlas. Ces livres sont indissociables puisqu’ils font partie d’un ouvrage de plus de mille pages. Ce dernier a été découpé pour cloisonner le bestiaire, la religion, la géographie ou la magie. Nothingness est un jeu médiévalfantastique dans un univers sombre. Son système de jeu est très complexe. Ainsi il demande un temps d’adaptation permettant de profiter d’un des jeux les plus complets existant. Son unique auteur, XI, a travaillé son univers pendant près de vingt ans !

Les magies dites chaotiques : Magie grise : cette magie est liée à la lune et à la lycanthropie, permettant des transformations du corps ; Psycho magie : c’est la magie liée à l’esprit et à l’illusion ; Kabbale : les kabbalistes se lient à un démon par un pacte en échange de pouvoir. Il y a bien sûr un prix à payer, notamment une altération physique du mage qui acquèrera des aspects démoniaques. La haute magie : Magie djinnique : fonctionne sur le principe des souhaits, c’est une magie puissante sans incantation ; Magie unique : une magie rare et complexe qui se rapproche le plus de la magie originelle de la création du monde. Elle n’est accessible qu’au peuple Atlante ; Magie rimique : magie artistique basée sur le rythme et la poésie, aux effets très variés.

La gamme est téléchargeable gratuitement sur le site/forum du jeu, à condition de faire vivre la communauté (quarante messages sur le forum pour le Grimoire). Elle est également disponible en version papier sur le site lulu.com.

Magie créationniste : magie complexe et dangereuse mais très libre. Particularité : le mage n’est pas un fournisseur de magie mais un catalyseur.

Le Grimoire Le Grimoire est un ouvrage de près de deux cent cinquante pages détaillant deux aspects importants du jeu : la magie et son usage par les joueurs, ainsi qu’une liste d’objets magiques (utilisation, effets, création). La section sur la magie détaille onze voies différentes. Les magies dites harmoniques : Magie blanche  : la plus diversifiée. Détection, enchantement, soin, création de sons et pas mal de choses sont ainsi au programme ; Magie verte : elle contrôle la nature, contrôlant les éléments et les animaux ; Magie brune (Palangonie) : cette voie est particulière. Il s’agit d’un don héréditaire apparaissant aléatoirement

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Magie néantique : voie opposée à la magie créationniste, elle apporte la destruction de nombreuses manières. Comme son opposée, elle est puissante dangereuse pour son utilisateur.

Des magies diverses et variées pour tout un chacun Onze voies de magie possibles, chacune avec ses sorts spécifiques pour les neuf niveaux de magie... Au premier abord, cela fait beaucoup. En effet, le maître de jeu devra jongler pour avoir des PNJ crédibles. Mais du point de vue des joueurs, il n’y aura toujours qu’une seule voie à connaître, cela ne compliquera pas le jeu comparé à d’autres système comme Donjons et Dragons par exemple. Au contraire cela permettra de donner du cachet au personnage, en lui permettant

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d’avoir une magie qui se détache des autres. On ne se retrouve pas systématiquement face à un adversaire avec les mêmes sorts. Les affrontements se révéleront ainsi plein de surprises. Il n’y a pas que la liste des sorts qui change puisque l’utilisation même de la magie sera différente d’une voie à l’autre. Ainsi les magies blanche et verte fonctionnent avec le quantum (des points de magie si vous préférez), les kabbalistes réalisent en plus des pactes démoniaques, alors que les créationnistes n’utilisent que des focus. Bref, les joueurs auront tout ce qu’il faut pour rendre leur mage unique.

Weröl et les secrets de son utilisation. En effet, cela ajoute un nouveau niveau de complexité pour le MJ, mais l’important travail pour maîtriser ces subtilités en vaut largement la peine. Mention spéciale pour les pages illustrées, éparpillées dans l’ouvrage. Elles viendront faciliter l’immersion des joueurs dans l’univers, par exemple l’affiche d’un décret royal sur l’utilisation de la magie ou le livre d’un mage décrivant l’utilisation de la magie unique. Un incontournable si on ne veut pas passer à côté d’une grosse partie de Nothingness.

Vous trouverez également en fin d’ouvrage un grand tableau bien pratique pour retrouver rapidement le détail d’un sort (page, niveau, voie). Petit bémol tout de même, on aurait préféré une liste par type de magie et par niveau plutôt que par ordre alphabétique.

Les objets magiques Vingt pour cent du livre sont consacrés à un listing d’objets magiques en tout genre. On y trouve d’abord de nombreuses armes, réparties selon leur type (épées, dagues, haches, etc.). Ensuite viennent les armures, les pendentifs, les anneaux, colliers et tous les autres accessoires utilisables par vos joueurs. Dans Nothingness, les effets que prodiguent ces équipements demandent en effet des points de quantum (par utilisation, par combat ou par jour). La quantité de quantum étant très différente d’un personnage à un autre, les possibilités d’équipement seront très variées. Paradoxalement, ce sont donc les mages qui sont les plus à même d’utiliser plusieurs objets magiques, mais au détriment de leurs capacités magiques. Et des guerriers qui se concentrent uniquement sur l’aspect martial depuis la création de leur personnage pourraient bien se retrouver avec trop peu de quantum pour utiliser l’objet voulu. Cette règle ajoute donc une autre dynamique au combat et à la façon d’interpréter son personnage.

Conclusion La chronique du Grimoire vient clôturer la gamme Nothingness, cinquième ouvrage de ce jeu de rôle certes très complexe mais également très complet. Il apporte toute la lumière nécessaire sur la magie de

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Abission Dargonis

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In Nomine Satanis Magna Veritas Génération perdue Super ce matin j’ai rencontré Dieu* Ihènesse Aimevé ! Un nom qui sonne pour beaucoup de rôlistes comme le symbole d’une époque. À l’heure où les médias s’acharnaient à montrer les rôlistes comme de dangereux psychopathes, la jeunesse de France s’adonnait au plaisir d’incarner des anges fascistes et autres démons pervers, le tout dans une ambiance politiquement incorrecte et, malgré tout, bon enfant. En 2006, après quatre éditions, le mythique Croc décide d’en finir après trop de dérives éditoriales (background devenu indigeste, système de jeu qui n’a jamais vraiment convaincu) et sort le supplément On ferme ! où les anges et démons incarnés assistent à la fermeture du Paradis et de l’Enfer. Évidemment les fans ne pouvaient pas s’en contenter et des rumeurs sur une V5 circulent pendant des années. En 2014 c’est la surprise ! Jeff, collaborateur de la première heure de Siroz, crée sa structure pour ressortir les jeux de la célèbre maison d’édition. Suit alors une campagne de souscription pour le plus célèbre des jeux : INS/MV. La communication agrémentée d’interviews d’un Croc en mode troll donne d’excellents résultats : la campagne rapporte plus de 140 000 €. Quel est le résultat final ? Voyons si Croc et ses disciples apportent la bonne parole.

Armez-vous les uns les autres Le changement est radical. Après le black-out complet des autorités du Paradis et de l’Enfer en 2006, les anges et démons incarnés dans des êtres humains perdent la mémoire. Peu à peu certains recouvrent leurs esprits et se retrouvent à hanter la conscience de leur hôte. Ils n’ont plus de contrôle total et doivent composer avec les changements opérés entre-temps. Une situation qui rappellera des choses aux habitués de Nephilim. En cherchant à retrouver leurs collègues, les incarnés doivent se mettre devant le fait accompli : plus de hiérarchie, pas d’information sur le Paradis ou l’Enfer. Les sous-sols de Notre-Dame sont vides, le bar « Chez Régis » n’est plus accessible, les supérieurs ne répondent plus à l’appel ; tout ce que connaissaient les incarnés a disparu. Que faire ? Continuer le combat du bien contre le mal ? Faire son trou sans contrainte de représailles ? Tout est possible. Les joueurs vont donc choisir d’incarner des anges ou des démons. Le jeu propose un questionnaire destiné à connaître l’orientation du personnage. Est-il violent ? Pacifiste  ? Pervers  ? Progressiste  ? Chaque réponse permettra de connaître son affiliation d’origine parmi huit archanges et huit princes démons. Que sont devenus les Blandine, Jean-Luc et autre Kronos ? Mystère. Les personnages ont cinq caractéristiques comme Volonté, Agilité ou Perception ; le joueur en choisit une à 4 et une à 2, le reste est à 3, le maximum pour un humain. En effet tout personnage ayant un score de 4 ou plus se voit attribuer des pouvoirs liés à la caractéristique. L’ange ou le démon pourra être « coriace », « beau gosse » ou même capable de prouesses physiques exceptionnelles. La Force détermine le nombre de points de vie, la Volonté sert pour les points de pouvoirs. Ensuite il obtient le pouvoir au niveau 1 de son domaine de prédilection (lié à son supérieur d’origine). Chaque domaine possède cinq niveaux avec un pouvoir thématique, comme le domaine « instinct animal » qui va « d’animal fétiche »

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à « appel des animaux » en passant par la rage ou le saut. En théorie un incarné aura accès à tous les domaines, mais la progression dans celui qui est privilégié sera moins coûteuse en points d’expérience. Le joueur choisit enfin deux avantages (contacts, possession, capacité supplémentaire) et tirera aléatoirement un défaut souvent gênant (ailes visibles, phobies, asocial, etc.). Pour commencer plus vite, seize prétirés sont proposés dans le livre. Exemple : Alain Caprice est un dermatologue spécialisé dans les grands brûlés, en bon démon de Bélial. Malgré ses lunettes de premier de la classe (qui lui donnent 2 points de pouvoir supplémentaires), il est très attirant et réussit toujours à convaincre les autres (avantages). Son affiliation lui permet de cracher une langue de feu, mais il est affublé d’un code d’honneur qui l’empêche de tuer de sangfroid (petit défaut bien gênant quand même). Mais il peut compter sur Choupette, son caniche familier (2e avantage), pour s’attaquer à ses ennemis. Pour récupérer des points de pouvoirs, il passe beaucoup de temps près des hauts fourneaux et autres endroits très « chauds ».

Bourré Bourré Ratatam* Comment les personnages vont-ils pouvoir agir ? Premièrement il y a une grande nouveauté dans le jeu avec le concept de plage arrière. Les anges et démons incarnés sont encore en retrait dans l’esprit de leur hôte. Aussi ils restent la majorité du temps « sur la plage arrière » et n’ont pas accès à leurs pouvoirs, bien qu’ils contrôlent ce qu’ils font pour tout le reste. L’accès à leurs pouvoirs est réservé au bon vouloir du meneur, généralement pour les situations de combat. Pour cette raison les fiches de personnages sont recto verso avec une face « sur la plage arrière » et une face « au volant ». Le système de résolution est le même et se révèle très simple : exit le D666 et la table

de résolution, le jeu demande de lancer 3d6 ; chaque score inférieur à la caractéristique choisie est alors un succès. La difficulté est représentée par le nombre de succès à obtenir : un succès pour une action facile, trois pour une action surhumaine. Les classiques événements divins ou sataniques en cas de 111 ou de 666 sont conservés. En combat, l’initiative est prédéterminée en fonction de la nature du personnage (animaux, anges, démons et enfin humains) puis du score d’agilité. À son tour le personnage peut effectuer deux actions comme attaquer, se défendre, se déplacer ou activer un pouvoir. Pour toucher un adversaire il suffit d’un succès sauf si l’adversaire se défend activement. Les dégâts sont fixés en fonction de la nature de l’arme ou du pouvoir utilisés. C’est à peu près tout. Ah si ! Originalité du jeu, les points d’expérience sont répartis en fonction de l’adéquation des actions du personnage joueur avec son archétype (déterminé lors du questionnaire). Ainsi un ange de Laurent ou de Daniel aura tout à gagner à agir avec violence, mais le premier devra aussi se montrer solitaire tandis que le second sera plus « collectif ». Une liste d’adversaires typiques, avec leurs caractéristiques, complète le tout.

Chinatown (nuit coquine, nuit de pine)* Le scénario d’introduction permet de rassembler un groupe d’anges ou de démons hétéroclites sans effort. Les personnages vont se retrouver par hasard dans une conférence sur les anges et les démons. L’intervenant va se montrer très précis sur leur existence et les personnages vont devoir faire face à des spectateurs hauts en couleur et pas tous bienveillants à leur égard. Le scénario brise immédiatement un tabou du jeu en proposant de créer une table mixte anges/démons.

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Les vieux à la poubelle* Le mot qui vient immédiatement à l’esprit est déception. Avec un historique réduit à néant et sans proposition alternative, un système de jeu minimaliste et un manque d’élan tout au long de l’ouvrage, on reste sur sa faim. Les nouvelles, très nombreuses, peinent pour la plupart à donner de l’élan et le scénario, certes bien écrit, cache mal son manque d’inspiration. Saluons tout de même la qualité de l’ouvrage avec une édition soignée malgré une illustration de couverture peu raccord avec l’intérieur. En bref INS/MV Génération perdue est destiné aux vétérans des éditions précédentes qui n’attendaient qu’une occasion et une approche différente pour relancer une partie. Les autres seront bien embêtés devant ce pétard mouillé qui aura pour seul mérite de voir apparaître un nouvel éditeur bien parti pour ressortir tous les anciens jeux de la gamme Siroz. Espérons que le travail de fond soit plus conséquent.

Ferme ta gueule et fais-le !* Un mot sur les Faits divins, quatre suppléments de 60 pages au papier glacé et sortis grâce au succès de la souscription. Pour 15 € chacun vous obtiendrez des aides de jeux et/ou un scénario offrant des accroches pour vos groupes de PJ. Certains se révèlent vite précieux comme le numéro 2 où Brand (Tenga, Guts, etc.) nous propose une idée pour lancer une campagne, ou le 4 qui détaille les menaces que peuvent représenter les humains (médias, police, etc.). Des ouvrages qui comblent les lacunes du livre de base et sont susceptibles de lancer vos joueurs dans des aventures dignes de cette gamme mythique ! Doc Dandy, ange de Christophe * Les Garçons Bouchers, groupe mythique des années 80-90.

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Krystal

Des hérauts et des mutations

Après avoir énormément œuvré pour la gamme Trinités des XII singes, Jérôme Barthas nous propose sa première réalisation originale avec Krystal. Dans ce jeu de rôle, les PJ vont tenter de survivre à une « apocalypse » : survie et espoir vont donc être au cœur du jeu. Deux ans après sa publication, revenons sur sa proposition pour l’explorer et la faire découvrir à ceux qui n’auraient pas osé pénétrer cette nature si particulière.

Intégralement complet Krystal fait partie de la collection Intégrales des XII singes, collection désormais bien connue dans laquelle on a pu découvrir entre autres BIA ou Nécropolice. Le format est toujours le même, à savoir un livret relié de règles/ présentation générale de l’univers, un livret agrafé de secrets/campagne et un écran souple. Aucune surprise donc de ce point de vue là. Cependant, là où Krystal retient notre attention c’est sur le plan de la qualité de ses illustrations. Le travail sur la nature corrompue est vraiment inspirant. Le trait est élaboré et le rendu final correspond bien à l’idée que l’on peut se faire de l’univers dans lequel les personnages vont évoluer lors de leurs aventures. S’il y avait un reproche à faire, ce serait de souligner la réutilisation de certaines illustrations, l’utilisation de zoom sur certaines parties d’images pour donner l’impression d’un nouvel élément visuel. Sans desservir le propos de l’auteur, ce qui se dégage de cet aspect est une impression de contrainte (mais nous y reviendrons plus tard puisque cette impression va au-delà des simples illustrations).

Dans Krystal, l’Europe a été frappée par une catastrophe sans précédent (appelé Clivage) peu après l’émergence du XXIe siècle. Trois cents ans se sont écoulés depuis. La nature est « morte », la faune a été profondément transformée par la pollution et les mutations, les saisons n’existent plus (seule perdure la morte-saison), les villes sont en ruines. Et pour couronner le tout, l’air ambiant est contaminé, condamnant quiconque le respirerait trop longtemps. Toutefois, des enclaves ont été protégées. Ces lieux ont permis à la vie de suivre son cours. Les hommes ont tenté de rétablir un semblant de civilisation (enfin, pour certaines enclaves), malgré le fait d’avoir oublié leur vie d’avant le Clivage, ce qui a conduit à l’obsolescence de nombreux objets « technologiques ». Les joueurs vont incarner des hérauts, des êtres particuliers, capables de voyager d’enclave en enclave sans craindre l’air vicié extérieur aux zones protégées. Leur rôle est de permettre à la nature, la vie, de reprendre ses droits, et de repousser les conséquences du Clivage. De ce fait, Krystal peut être qualifié de feel good game à la manière de Ryuutama. Les personnages sont porteurs d’espoir. Ils ne sont pas de simples spectateurs d’une horreur inévitable ni les souffre-douleur d’un dieu fou, ils vont prêcher « la bonne parole » et faire en sorte de fédérer les hommes pour faire de la Terre un monde meilleur, le tout sans pour autant disposer de nombreuses capacités surnaturelles.

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Le jeu se concentre sur l’Europe avec un accent donné sur Carcassonne, Genève, Londres, Rome et Stockholm. Pour chacune de ces enclaves, vous allez trouver un aperçu global de la ville, les différents groupes constituant la communauté, les lieux remarquables, les personnages importants et les menaces et rumeurs. Ce n’est que dans le livret des secrets que certaines révélations vous sont faites. Sans être révolutionnaires, les communautés sont suffisamment différentes pour faire en sorte qu’à leur arrivée les PJ s’interrogent sur les forces en présence, le quotidien, etc. Pour cela, une bonne idée a été d’intégrer des seuils de difficulté à chaque élément important, facilitant ainsi le travail du MJ. Certaines « traditions » sont même t r è s intéressantes et pourraient bien conduire les PJ à vouloir en savoir plus.

jeu, force est de constater qu’ils ne représentent que 18 pages sur 78, le reste du livret étant consacré à une campagne en cinq épisodes. Je ne vous cacherai pas que les scénarios sont très cadrés, avec une fausse impression donnée de liberté. Toutefois les épisodes sont suffisamment différents pour se laisser prendre par la main et suivre l’histoire ; cela permet aussi au MJ de mieux comprendre vers quoi l’auteur veut aller, quelle ambiance convient au jeu, quelles missions sont possibles, etc.

Système et contraintes Le système de jeu s’appuie sur du connu, utilisé, surexploité : le dK system. Que dire ? Lorsque l’on voit le travail de l’auteur sur son univers de jeu, sur les potentialités en termes d’ambiance, on s’interroge sur les raisons de proposer l’insipide dK system comme

Des secrets un peu légers Krystal est un jeu à secrets, mais grâce à la collection Intégrales, ce qui se cache sous la

surface nous est expliqué. Bien entendu je ne vais pas me permettre de dévoiler la véritable histoire, le pourquoi du comment. Mais là encore, rien d’exceptionnel. Ça respire les bonnes intentions, l’écologie, etc. On adhère ou on n’adhère pas, mais au moins l’auteur a fait un choix, il nous l’explique, c’est clair et « cohérent ». On peut probablement regretter, non pas que la vérité nous soit clairement exposée si rapidement, mais plutôt que la vérité nous soit exposée de manière si succincte. Ce côté « expéditif » se retrouve également dans le bestiaire proposé. Neuf créatures, aucune illustration. Cela est étonnant pour un tel univers, un panel de créatures pouvant jouer un rôle important d’inspiration pour le MJ et d’imprégnation de l’univers pour les joueurs. Même si dans ce livret se trouvent bien les secrets du

mécanique de jeu. Ici rien ne permet de gérer efficacement les différentes relations entre les personnages ou les communautés, ni les émotions (positives comme négatives) ; un système propre aurait constitué un vrai plus pour l’identité de Krystal. Pour en revenir aux contraintes (le système en étant une, vous l’aurez compris), le format même des Intégrales semble avoir été une gêne pour l’auteur. La lecture du livret relié s’avère intéressante avec des bribes d’informations, de situations, mais qui ne sont absolument pas développées et donc se révèlent être au final inutilisables. Est-ce du remplissage  ? Je ne le crois pas, mais la contrainte du format a conduit à faire des choix et à vouloir montrer que l’auteur avait des idées (ce dont on ne doute pas une seule seconde) tout en n’ayant pas la possibilité matérielle de confortablement les développer.

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Conclusion Krystal, par certains côtés, ressemble au jeu Summerland. Toutefois, la différence majeure reste le fait que Jérôme Barthas nous donne une explication de « son » apocalypse (à laquelle on adhère ou on sourit) et cela fait la différence. Ses choix, tout au long du jeu, sont cohérents avec un parti pris assumé de jouer « positif » dans un monde désespéré. On regrettera l’utilisation d’un système de jeu inadapté et peut-être même un format de parution qui n’a sans doute pas permis à l’auteur de développer certaines parties de son univers sans contraintes. Krystal demeure néanmoins vraiment une bonne surprise, à découvrir.

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Sempaï

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Omniscience

Quel est l’état de la Terre après l’invasion ? Existe-t-il des espèces mutantes ? Comment sont organisés les survivants ? Comment vivent les Connectés ?

Présentation Omniscience est le premier jeu de rôle écrit par Christophe « BJ » Breysse et est édité chez Pilule Rouge. Il comporte uniquement un livre de base, de quatre-vingt pages, au format 15 cm x 21 cm (A5), que vous pourrez vous procurer pour dix euros via le site Lulu.com.

Ce n’est qu’après cette phase obligatoire que votre univers de jeu sera défini et que vous pourrez commencer à jouer.

Dans Omniscience, vous serez propulsés dans notre monde au milieu du XXIe siècle. Une race extraterrestre inconnue, aux objectifs tout aussi inconnus, s’est abattue sur la Terre et n’a laissé aucune chance à l’Humanité, grâce à une capacité d’anticipation surnaturelle. C’est donc dans un univers postapocalyptique que les joueurs incarneront leurs personnages. Au milieu des bombardements nucléaires infructueux de l’espèce humaine, certaines villes ont survécu, des groupes se sont formés et la résistance s’est mise en place. Rien ne semblait pouvoir faire pencher la balance en faveur des survivants jusqu’à l’apparition des Connectés, des êtres humains semblant bénéficier du même don d’anticipation que l’ennemi. Les personnages joués seront ces Connectés et c’est à eux qu’incombera la lourde tâche d’aider la résistance et de mener l’humanité à la victoire.

Mise en place de l’univers collective… S’il est difficile d’en dire plus sur la race extraterrestre ayant attaqué la Terre, sur la résistance, sur les villes encore debout ou sur le mode de vie des survivants, c’est parce que tous les détails de cet univers devront être choisis et créés d’abord par le meneur, mais aussi par les joueurs. Une liste de question est ainsi proposée dans le livre, par exemple : Comment la chute de l’humanité s’est-elle produite ?

… Et dans le déroulement des parties On retrouve ce principe « collectif » dans l’essence même d’Omniscience. À l’instar du jeu Bimbo publié chez Sans-Détour, les joueurs interpréteront leur personnage comme un acteur de cinéma interprétera son rôle. Chacun leur tour, ils décriront le déroulement de la scène en plus d’interpréter leur personnage. Il est donc important de séparer les termes de meneur et de narrateur : ce dernier sera en effet interprété à tour de rôle par tous ceux installés à la table de jeu. Les « visions » de l’avenir qu’ont les Connectés sont identifiées dès le début de la partie, encore une fois créées par le meneur ET les joueurs. Ces visions découpent des scènes, ces scènes sont ensuite distribuées entre les joueurs et le meneur. Chacun aura ensuite la charge d’assurer la narration de sa ou ses scènes. Un joueur débutant n’aura qu’une scène, mais au fur et à mesure des parties, il acquerra le contrôle de plus en plus de pans du scénario.

Un système de jeu simple (voire simpliste) Le système de jeu est composé d’un unique principe durant les phases de narration qui peut venir changer la description en cours, il s’agit du « veto ». Il est à la fois le moyen qu’ont les joueurs pour faire valoir leur point de vue en dehors de leur phase de narration et également la seule arme du meneur face à la liberté des joueurs.

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Chaque participant au jeu est en effet prioritaire sur un des aspects de la partie. Pour le meneur il s’agit de tout ce qui touche aux aliens, pour les joueurs il s’agit de tout ce qui touche à leur personnage. Dès que la narration amène à un conflit avec un autre participant, que ce soit un joueur ou le meneur, ce dernier pourra mettre son veto. Dans ce cas, le narrateur peut laisser la scène aux mains de l’opposant ou tenter d’imposer son choix ; on lancera alors un unique d6, sans modificateur, le meilleur résultat donnera raison à l’un des deux camps et l’histoire continuera. C’est également uniquement sur ce d6, lors d’un résultat de 1 et dans une situation logique, que la mort d’un personnage peut survenir. Et c’est alors à ce joueur de décrire sa propre mort, en rendant le moment aussi épique ou tragique qu’il le souhaite.

Comment se faire un avis sur le jeu Pour rapidement savoir si ce genre de jeu vous convient, une bibliographie est présente à la fin de l’ouvrage. L’auteur y donne toutes les sources qui lui ont permis d’écrire Omniscience. Vous trouverez donc des ouvrages traitant du jeu de rôle en général, des jeux narratifs et de conseils sur la création d’une histoire. Une foire aux questions est également présente, elle pourra peut-être rapidement répondre à certaines de vos interrogations. Questions sur l’absence d’équipement, sur une narration jugée incorrecte d’un joueur, sur le déroulement d’un combat ? Cette FAQ vous sera utile.

Conclusion Il serait difficile d’en dire plus sur Omniscience puisque ce sont ses participants, joueurs comme meneur, qui créeront ce jeu. Ce n’est pas un jeu qui s’adresse aux néophytes du jeu de rôle puisque l’interprétation des personnages et d’un univers est un prérequis obligatoire pour garder un ensemble jouable et crédible. Ce type de jeu impose également une connaissance à l’avance du scénario par les joueurs puisqu’ils l’auront en partie écrit. Il y aura donc peu de rebondissements dans la narration. Une expérience à réserver donc aux joueurs les plus aguerris et avertis, qui savent dans quel type de jeu ils se lancent. Les jeux narratifs ont un fonctionnement très spécifique et il faut adhérer au système. Si le groupe de joueurs est uni par une bonne cohésion, la qualité du jeu sera au rendez-vous, mais c’est là le devoir des joueurs et non celui du jeu en propre. Abission Dargonis

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Planète Hurlante Planète Hurlante, édité chez Batro’ Games, a été écrit principalement par trois auteurs : Quentin Bachelet, Batronoban et Éric Nieudan. Sa production a pu se faire grâce à un financement participatif réussi (à plus de 400 %) sur Ulule. Le livre de base contient 186 pages que vous pourrez vous procurer en PDF pour 8 € ou en version papier sur lulu.com pour 27 €.

De nos jours, soit cent ans après la chute de l’Empire de la Salamandre, Cyanide n’a jamais été aussi mal en point. La technologie perdue est considérée comme de la magie, les plaques tectoniques sont en mouvement perpétuel, les radiations, le climat sournois et les populations mutantes finissent de peaufiner le nouveau visage de la planète… Bref, que du bonheur pour un monde parfaitement postapocalyptique.

Des factions et des dieux

Présentation du jeu Planète Hurlante se décrit lui-même comme un jeu médiéval, post-apocalyptique et rock’n’roll. C’est un jeu qui ne se prend pas du tout au sérieux, où l’improvisation est conseillée au meneur, où l’action prime la réflexion et où vous serez plongé dans des situations toujours plus épiques sous couvert d’une bande-son tonitruante ! Alors autant vous prévenir tout de suite, amateurs de Mad Max et autres univers aussi déjantés, il va falloir vous accrocher à vos slips ! Cyanide, du feu, de l’acier, du fun !

Cyanide : une planète en déclin L’essentiel du jeu de Planète Hurlante se passera sur Cyanide, une planète artificielle dans un système lointain, créée par un ancien pirate de l’espace. Au cours de ses 20 000 années de vie, de nombreuses choses s’y sont passées jusqu’à l’apparition des Rois Sorciers qui créèrent un puissant empire il y a mille ans, l’Empire de la Salamandre. Cet empire apporta un niveau technologique très important, créant de puissantes machines et utilisant une magie ancestrale. Neuf cents ans plus tard cet empire s’est effondré, laissant un monde ravagé par les guerres et à la lune brisée.

Dans Planète Hurlante, quatre factions luttent pour la suprématie sur Cyanide ; les joueurs doivent en choisir une, collectivement, à la création de leurs personnages et agiront ensuite pour cette faction (ou pourront aussi la trahir pour une autre, à eux de voir : ils ne jouent pas des saints, loin de là). Les Ingénieurs du Néant, héritiers spirituels des Rois Sorciers, veulent acquérir le plus de savoir technomagique possible. La Terre Mère désire faire revivre Cyanide et créer un nouveau monde

verdoyant. Les Astrologues sont désireux de connaître les secrets de l’espace et de rejoindre ses rois. Les Prophètes sont les servants les Dieux existants, ils recherchent la connaissance ultime et les secrets de la fin des temps. Le plus grand rempart se dressant face aux PJ sera bien sûr constitué des trois autres factions. Mais la planète elle-même leur mettra également des bâtons dans les roues. Sans parler des dieux de l’Ordre, du Chaos ou des dieux neutres, qui n’accordent aucune importance à l’humanité si ce n’est celle d’être utilisable comme un pion dans une guerre cosmique avec les autres dieux. On retrouve ainsi Saarnark et Gaaarglash œuvrant pour le Chaos de l’univers, contre Nivel et « Celui qui ne doit pas être nommé » pour l’Ordre ; chacun ayant ses propres objectifs et méthodes pour y arriver.

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Les Seigneurs des Bêtes et les dieux des six éléments incarnent quant à eux les forces de l’équilibre. Libre aux habitants de Cyanide d’agir seuls ou de puiser dans la puissance de ces dieux, mais bien sûr cela comporte un risque et cela à un prix. Une énorme liberté pour un minimum de préparation

Uniquement un fond de défini Dans Planète Hurlante, vous n’aurez pas d’historique détaillé, pas plus que vous n’aurez de descriptif complet des forces en présence. Pas de carte, pas de description du monde. Tous ces détails sont laissés à l’appréciation du meneur au moment où ces informations seront nécessaires. On vous donne quelques grandes lignes comme l’existence de l’ancien Empire de la Salamandre, la présence d’un temple aux proportions divines sur la lune, les quatre factions ou les dieux existants. Mais c’est ensuite l’imagination débordante du meneur qui fera toute la différence.

Une création de personnage fun et originale Un point étonnant donnant son charme au jeu est la création de personnage, ou plus exactement, la création des personnages, car au lieu de créer un personnage de niveau 1, les joueurs en créeront en moyenne trois de niveau 0. La création d’un personnage de niveau 0 est extrêmement simple et rapide : quelques lancers de d6 pour déterminer les trois caractéristiques dont on a besoin pour jouer et un d100 pour savoir quel est son métier, et la chose est faite. Vos joueurs ne débuteront donc pas avec un personnage  ; c’est avec plusieurs fiches devant eux qu’ils entreront directement dans le vif du sujet, sans plus d’explications que ce qui sera venu à l’esprit du meneur durant les quelques minutes de création des personnages.

L’aventure commencera alors sur les chapeaux de roues et ce n’est qu’à l’issue de cette première partie qu’arrivera vraiment l’étape de choix du personnage, généralement celui qui aura survécu à tout cela, ou qui aura été le plus fun à interpréter pour le joueur. Ce personnage deviendra niveau 1 et pourra alors être étoffé, il gagnera des capacités précises, selon l’envie du joueur, pour qu’il devienne un sorcier, un prêtre, un guerrier ou encore un fou de la route. De même, pas besoin de calculer de l’expérience : vous terminer un scénario, vous gagnez un niveau qui se traduit par des points de vie bonus, un gain de caractéristiques ou une capacité supplémentaire. Le système est simple et accrocheur, il pousse non pas à s’attacher à son personnage, mais à prendre du plaisir avec, car c’est tout ce que cherche ce jeu.

Un système simple et efficace, concentrons-nous sur l’action ! Le système de jeu rend Planète Hurlante très abordable ; trois caractéristiques : Vigueur, Volonté et Réflexes, des points de vie et une armure, c’est tout ce dont vous aurez besoin pour pouvoir jouer. Il est donc très facile de commencer rapidement une partie, même avec des néophytes. Pour le jet d’attaque, 1d20 + votre Vigueur, si vous dépassez la Vigueur de l’ennemi vous touchez, sinon vous ratez. Pour permettre un peu plus de flexibilité dans les actions des joueurs, le meneur peut attribuer un dé bonus ou un dé malus supplémentaire. Dans ce cas le joueur lance 2d20 et prend le meilleur ou le moins bon des deux en fonction du bonus/malus. Le jeu gagne aussi en profondeur avec les points d’adrénaline, servant en quelque sorte de joker sur une action. Cela permet également au meneur de récompenser ses joueurs en milieu de partie pour une action héroïque, fun ou complètement folle. Ce système est très simple mais permet de ne pas tout reposer sur l’aléatoire d’un unique lancer de dé. On peut ainsi se concentrer sur l’action pour vivre des aventures toujours plus épiques.

et de se concentrer sur l’action. Et pour lui permettre tout ça, quoi de mieux que lui enlever toute gestion de lancers de dé  ? Il suffit pour cela de modifier un peu notre façon de penser : quand un ennemi attaque, on ne fait pas de jet pour lui, mais on déporte tout sur le jet de défense du joueur. Les dégâts des monstres et leur valeur d’armure sont des nombres fixes permettant d’aller très vite en combat. Une fois cette partie enlevée, le meneur n’a plus qu’une chose à faire, se concentrer sur le scénario qu’il va improviser pour les joueurs. Et si jamais vous n’êtes pas doué pour cela ou si vous manquez d’idées en cours de partie, le livre est rempli d’un nombre stratosphérique de tables de génération ! Tableaux de création de PNJ ou d’ennemis, générateurs d’aventures et de rencontres, créateurs d’équipements, de pièges, de véhicules, d’artefacts, de drogues… et de nombreux autres. Toutes les armes vous sont données dans ce livre pour combler vos lacunes en improvisation et fluidifier la narration.

Conclusion

Planète Hurlante vous apportera ce qu’il promet : de l’épique et du fun. Jouez sans vous prendre la tête, avec des règles simples pour les joueurs et de nombreuses aides de jeu pour le meneur ; il sera dur de trouver des excuses pour ne pas tester ce jeu. Le livre se veut dans la même ambiance – ton humoristique, illustrations décalées voire politiquement incorrectes, il vous mettra dans une situation mentale parfaite pour vous plonger dans Cyanide. Alors, débranchez votre cerveau, posez-le sur la table en rigolant, envoyez la bande-son de Fury Road, mettez le contact, faites vrombir le moteur et amusezvous ! Planète Hurlante est là pour ça.

Du côté du meneur ce sera la même chose ; le jeu l’incite à ne pas écrire de scénario, à improviser tout ce qui se passe dans la partie pour toujours garder un niveau de pression élevé, d’éclipser les phases de réflexion

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P.U.N.C.H. UNIT Briefing Salut, moi c’est Chahim mais les autres m’appellent simplement le Libanais ou Cash, tu comprendras assez vite pourquoi. Alors c’est moi qui t’accueille à la Polyvalent Undercover Neutral Crisis Handling ou P.U.N.C.H. Unit. Si tu as été admis jusqu’ici comme contractor c’est que tes états de service ont été reconnus. T’as certainement fait ta part dans une unité militaire spéciale, les services secrets ou toute autre organisation où on dégomme des gens pour la (bonne) cause. Alors comme on va encore t’évaluer on a mis au point un petit jeu de simulation. Tu as certainement dû en lire quelques bribes dans ce magazine pirate, le Maraudeur ! Le bouzin a été amélioré et approfondi par les auteurs, Willy Dupont (Dés de sang) et Tony Martin. Certainement des pseudos, mais leur travail est bien connu de nos services (cf. Maraudeur no7). Viens, on va y jeter un œil. Il te faut juste un crayon et une bonne poignée de D6. Des verts surtout, la couleur de l’espoir. T’en auras besoin.

États de services Alors voilà, on va rédiger tes caractéristiques de contractor. C’est relativement simple, on s’attache juste à définir tes états de services. À partir de deux d’entre eux, on va discerner trois Atouts, tes points forts qui t’ont permis de survivre jusque-là. Ils sont primordiaux. Tu vois pas trop  ? Je vais te filer un exemple  ; tiens, regarde mon dossier. Je suis un ancien Moujawkal, un commando aéroporté de l’armée libanaise. T’en as jamais entendu parler ? Normal. Bref, en 2006 les Israéliens attaquent le sud de mon pays. Avec mon équipe on doit guider des Navy Seals cherchant à évacuer des ressortissants américains. Deux des gars évacués étaient des agents de la CIA. Du coup dans mon dossier tu vois deux atouts : « Évacuation » et « Amis à la CIA ».

Là il y a un autre de mes « Hauts faits ». En 2010 j’ai participé au démantèlement d’un trafic d’armes au Sud-Liban. Des caisses d’AK-47 avaient disparu de l’inventaire. Quelque temps plus tard, des rebelles syriens prenaient une ville d’assaut avec des fusils mitrailleurs. Comme tu peux le voir, ma fiche mentionne aussi « Marché noir ». Pour le reste ? Eh bien les contractors savent tout faire. Plus ou moins. Baragouiner en pachtoune, poser des explosifs, démonter un fusil de précision. Les atouts, ce sont les domaines où on est vraiment plus fort que n’importe qui, notre signature en sorte. Mais nous restons des humains de chair et de sang. On a aussi une Petite faiblesse, ce truc qui peut faire foirer une mission ou en tout cas la compliquer sérieusement. C’est sûr, à cause de mon goût pour le pognon, j’ai failli y passer un paquet de fois. Mais si je suis toujours en vie, c’est que je suis un bon, pas vrai ? Il faut que je te parle un peu de la P.U.N.C.H. avant qu’on continue. L’unité est en fait le bras armé d’un consortium privé tenu par un Américain, le sénateur Bolder. Il a monté cette petite entreprise pour se faire de l’argent et financer ses activités politiques. Mais il est possible aussi qu’il rende service à des amis qui auraient besoin d’un coup de main. Qui ? Pourquoi ? Mon pote, tu poses trop de questions. Ici on assure la mission, on atteint les objectifs, et on rentre en vie pour toucher la prime.

Planification Parlons-en de la mission justement ! Ici à la P.U.N.C.H. on peut nous envoyer en opération partout dans le monde et généralement là où ça chauffe. Angola, Pakistan, Irak, mais aussi des coins moins en vue comme Bornéo ou la Colombie. En arrivant sur place, il faut prendre connaissance de la mission et préparer le terrain. Cela se passe en deux phases : le temps mort et le battleground. La première étape représente la plus longue partie de la mission, la deuxième la plus importante. Mais avant tout il faut se préparer durant le temps mort.

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À chaque fois c’est la même chose : le Forefinger nous accueille et nous briefe sur la mission. C’est lui qui est en lien avec le commanditaire et qui va évaluer le succès ou l’échec de l’entreprise. Il y a également Thumb, la personne responsable de la logistique et du matériel. C’est très varié ; on peut aussi bien se contenter de quelques armes et de radios mais souvent la mission exige plus : rations de survies, matériel de surveillance, explosifs. Tout dépend. Littlefinger, lui, nous donne les renseignements, c’est généralement un fonctionnaire du coin qui connaît la cible et/ou les personnes susceptibles de nous aider. Ring est responsable de l’administratif, des papiers, de faire virer l’argent sur nos comptes, etc. Le dernier intervenant, il vaut mieux pas que tu aies affaire à lui. Major Middle est le nettoyeur, celui qui fait place nette et efface nos traces. Mais il faut aussi obtenir des plans, négocier des informations ou surveiller la zone où on doit opérer. Dans ce cas on ne s’embête pas trop avec la technique : on jette un D6. Si l’action est normale on réussit sur 3 ou plus, nous sommes des pros et quand on est à la cool on ne risque pas grand-chose. Bien sûr cela peut être plus compliqué et dans ce cas-là il faut faire 4 ou plus. Six, c’est vraiment héroïque. À noter que nos Atouts nous aident s’ils s’appliquent. Dans ce cas c’est Byzance : deux dés à jeter et on garde le meilleur. Ça roule tranquille. Non, non, rien d’autre. Enfin, si tu veux laisser s’exprimer une Petite faiblesse et compliquer la préparation, tu peux et tu vas gagner quelques dés de planification. Juste après c’est le gros morceau : le Battleground.

C’est la bataille Là on ne joue plus et la technique prend toute sa mesure. Pour se lancer dans la bataille on a un stock de dés verts, les dés de planifications. Selon la taille du battleground, la qualité de la préparation et plein

d’autres paramètres, on dispose de 10 à 40 dés de planification. Ils doivent tous être répartis. Pour cela l’équipe désigne un leader qui va à la fois placer les membres du commando sur le plan d’attaque et distribuer plus ou moins équitablement les dés. Mais on a aussi les dés bonus, qui représentent environ 25 % du total des dés de planification. Ces dés, on va les répartir dans nos Atouts. Évidemment, je ne vais pas investir des dés dans « Marché noir » ou « Amis à la CIA » qui par contre m’auront bien servi durant le temps mort. Reste « Évacuation » mais je ne peux pas tout mettre dedans. Alors je crée des atouts éphémères qui ne sont là que pour exister le temps de la mission. Genre « Tenue de camouflage » ou « Lunettes de vision nocturne ». Ensuite on agit chacun à notre tour sans contrainte jusqu’à ce qu’on se fasse repérer. Quand les types en face sortent les armes, on passe en mode initiative en jetant un dé auquel on ajoute des bonus de circonstances. C’est là que les festivités commencent. Pour réussir à abattre un adversaire ou se mettre à couvert, il suffit de prendre un dé vert et de faire 3 ou plus. Pour nous aider on peut prendre des dés bonus, autant que l’on veut mais ils ne sont pas nombreux. Quand on touche un adversaire celuici doit faire un jet d’encaissement avec une difficulté qui dépend de l’arme utilisée. S’il réussit, il prend une blessure qui dépend aussi de l’arme. Un échec et c’est la sortie de scène, bye bye. Les contractors ont sept niveaux de blessures. Face à la piétaille c’est facile, ils ne jettent qu’un dé et n’ont que trois niveaux de

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blessure. Mais face aux vétérans c’est autre chose, ils lancent toujours deux dés et ont cinq niveaux de blessures. Tu vois bien ici que les contractors sont quand même avantagés, surtout s’ils ont bien préparé leur coup. Sauf que ça, c’est la théorie. À un moment tu vas rater tes jets, prendre des coups et devoir claquer tes dés de planification à vitesse grand V. Et quand sur le terrain les balles fusent, les blessures piquent et l’objectif se barre dans l’autre sens, il faut improviser. La bonne nouvelle c’est qu’il n’y a pas de limite à l’improvisation, on prend un dé rouge qu’on peut utiliser autant de fois que l’on veut. La mauvaise c’est que les chiffres à atteindre montent d’un cran et il faut faire 4 ou plus pour une action standard. Pire ! Si tu fais 1 avec un dé rouge, le battleground gagne un point de complication. Plus ces points sont nombreux, plus la situation sur place devient inextricable. Et quand la mission part en sucette et que tu te traînes comme un sac avec du plomb dans le bide, tu peux tenter le baroud d’honneur. Un contractor qui fait son baroud ignore les effets de ses blessures et va pouvoir s’infliger d’autres niveaux de blessures pour récupérer un dé de planification ET un dé bonus par niveau infligé. On ne compte plus les martyrs qui ont sauvé leurs camarades en se sacrifiant. Parfois il y en a un qui survit, autant te dire qu’il devient vite une légende.

Par contre, si tu veux te faire la main, pas de souci. Les auteurs ont préparé un petit voyage dans la Corne africaine sur trois battlegrounds successifs. Il y a aussi une mission pourrie en Birmanie, genre « à tiroirs » si tu vois ce que je veux dire, un objectif en cachant un autre. Il y a au moins 20 à 25 heures de jeu entre les deux. Du bon temps en perspective.

Évaluation Le manuel de simulation de combat P.U.N.C.H. Unit ne paie pas de mine (antipersonnel). Avec une mécanique simple (-iste ?) et un cadre de campagne minimaliste, l’objet pourra frustrer les plus exigeants. De plus il n’évite pas, bien au contraire, la « problématique » rôliste de la préparation d’un plan. Le jeu compte même dessus pour voir les joueurs établir d’inénarrables « plans qui se déroulent sans accroc ». Mais à bien y regarder le prix, l’élégance des petites mécaniques et le contexte de jeu, il permettra de vivre pleinement des séances trépidantes et musclées. Charge au meneur de préparer un cadre de mission riche et intéressant pour les contractors. Doc Dandy

Rapports de missions Une fois la mission achevée, Forefinger attribue les primes en fonction des objectifs réalisés, du bodycount et de la discrétion de l’opération. Les primes nous font évoluer : on va pouvoir investir et développer des Atouts, les claquer pour réussir la prochaine mission, développer un dé-leader ou simplement mettre en place un dé-partner, fruit d’une amitié entre deux contractors. Mais il y a aussi les primes noires, ça je te le souhaite pas. Généralement, une prime noire arrive quand tu as fait quelque chose de sale pour la mission. Ça marche pareil qu’une prime normale mais celle-ci va te hanter. Les vétérans dans la P.U.N.C.H. développent vite d’autres faiblesses et se transforment en sociopathes. C’est le métier qui veut ça. Ne t’inquiète pas ! Si tu veux préparer ta propre simulation, le bouquin fourmille de conseils pour préparer un bon battleground. En revanche, il ne t’aidera pas beaucoup pour le cadre de la mission. Là il vaut mieux se débrouiller avec l’actualité, Internet – ou Faites entrer l’accusé dans le Maraudeur.

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Rushmore

Des emmerdes à venir

Après nous avoir proposé Outer Space, Yno nous revient avec son second shooter intitulé Rushmore. Pour rappel, un shooter est un angle de jeu et des PJ atypiques dans un contexte concis garni de petites idées et de grandes histoires. Autant la première expérience ne nous avait pas convaincus par son approche, autant celle proposée ici d’incarner une famille « particulière » pourrait bien nous réconcilier avec cette façon de proposer des histoires. Mais ne perdons pas de temps, allons à la rencontre de ces si « charmantes » personnes.

Même si le bled paumé dans lequel vous allez jouer est petit, les PNJ rencontrés ne manquent pas de piquant eux non plus. De plus ils ont aussi leurs petits secrets (j’ai un faible pour celui de Silas, mais je ne vous en dirai pas plus pour ne pas vous gâcher la surprise). Tous sont aussi étranges que dangereux, comme les PJ en quelque sorte. Rushmore vous propose beaucoup de pistes de petites histoires à révéler à vos joueurs qui sont autant de moments de la vie quotidienne de ces bouseux.

Famille je t’aime Plongeons dans le vif du sujet : dans Rushmore les joueurs vont incarner les membres d’une famille de rednecks (bouseux), fossoyeurs de leur état. Pour amplifier le cadre, ils vivent dans un trou perdu et possèdent tous un lourd passif. Autant dire que les PJ vont être amoraux et déjantés à souhait. Ici, point de suggestions de création de scénarios en définissant des antagonistes, des planètes bizarres, etc. On commence l’histoire in media res par la mort de la mère des PJ lors d’un énième accouchement. Je ne voudrais pas en dire plus pour ne pas gâcher la découverte de cette « campagne », mais sachez que la mère était bien une folle tordue et que son décès ne va pas conduire ses enfants (vos joueurs) à être plus tranquilles dans leur vie de tous les jours, loin de là. Chacun des membres de la famille a ses particularités : ancien taulard, chercheur d’emmerdes, entend certaines choses, voit certaines choses. Chacun des pré-tirés proposés est savoureux et aucun ne se ressemble. Peut-être que certaines particularités telles que le fait de « manger ses mots » peuvent être marrantes quand on regarde un film comme Snatch, mais en jeu cela peut vite devenir énervant. On peut dire que cela participe à la couleur du jeu et que l’auteur souhaite proposer une expérience bien précise et conforme à ses inspirations.

Toutefois, vous n’allez pas être lâché au milieu de ces fauves en furie sans quelques aides et guides. En rendant son dernier souffle, la matriarche a laissé ses dernières volontés et on se doit de les respecter. Elles vont vous permettre, MJ, soit d’utiliser chacune d’entre elles pour un scénario, soit de les employer pour réaliser une campagne avec un début et une fin. Ce choix est laissé à votre appréciation (mais il pourrait être dommage de ne pas se lancer dans une petite campagne vu les révélations potentielles). Peut-être que vous vous interrogez encore sur l’ambiance dans ce jeu ? Yno a tout prévu puisqu’il vous propose une bande-son adéquate écoutable ici bit.ly/rushmore2015

Petites faiblesses Rushmore propose un cadre fort, basé sur des révélations, des relations entre personnages au sein d’une même communauté ; cependant le système de jeu ne soutient pas cette proposition. Le Corpus Mechinaca, un système générique, fonctionne lorsque l’on se retrouve dans un scénario d’action, mais beaucoup moins lorsque les interactions sont sociales, du moins cela semble plus factice. Ce système est extrêmement simple ; une action requérant un jet de dé (dont le MJ définit le nombre de réussites nécessaires) >

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conduit le joueur à jeter un nombre de dés égal à l’aptitude testée. Les 1, 2 et 3 sont des échecs, le reste une réussite (avec un 6 qui est relancé). De même, les dernières volontés de la mère sont relativement vagues, et même si une suggestion d’interprétation est formulée, il est probable que le MJ se retrouve à négocier avec ses joueurs concernant la réalisation ou non d’une volonté, ce qui finalement pourrait nuire à l’ambiance à la table.

Conclusion Rushmore, en choisissant d’impliquer les joueurs dans une histoire précise tout en les laissant libres de leurs actions, mais en lien-guide avec le « testament » de leur défunte mère, permet de naturellement construire la proposition de jeu. La lecture du livre est aisée, plaisante car directe, et les personnages si typés qu’on n’a qu’une seule envie : les voir se débrouiller dans des situations bien merdiques. Dommage que le système de jeu proposé ne soit pas vraiment à la hauteur pour soutenir la proposition créative. Rushmore est une excellente surprise et l’on espère que le prochain shooter sera réalisé sous ce même angle d’attaque. Sempaï

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Stella Nova Stella Nova est un jeu de space opera français, de Sébastien Perles, qui met en scène des ambiances baroques issues de la Révolution française de 1789 dans un contexte de base spatiale. Grâce à une souscription Ulule, le livre de 300 pages a pu voir le jour en juillet dernier. En premier lieu on peut être séduit par les très belles illustrations de Vincent « Yogh » Devault dont on a pu voir la patte sur la nouvelle gamme Pendragon, mais également sur Deathwatch, Rogue Trader, Dark Heresy ou encore Black Crusade. Stella Nova est un univers très ouvert permettant différents types de maîtrise : enquêtes, action, intrigues, aventures. Qui plus est l’auteur a souhaité que ce cadre reste adaptable pour différents supports de jeux que ce soit en JdR sur table, en murder/GN ou même en JdR sur forum. L’ouvrage, quant à lui, est bien organisé entre background, création de personnages, système de règles et partie réservée au MJ (conseils, secrets et un premier scénario). De nombreuses fois, la mise en page est « piratée » par des encarts (ou des pages entières) de journaux « subversifs » détaillant leur propre vision des choses. Si cet effet de controverse est une bonne idée et donne l’impression qu’il n’existe pas une seule et unique vérité, on peut parfois trouver que ces encarts nuisent à la lisibilité de l’ensemble et hachent le rythme. L’ouvrage est donc dense mais très intéressant, alors préparez-vous citoyens car la Révolution ne s’est pas faite en un jour.

Dénoncer de citoyen

est

un

devoir

Tout ce qui concerne la partie background de l’univers est narré selon la vision des Libriens, les habitants de la station spatiale Liberté. Aussi nous avons dès lors affaire à une présentation de l’univers faite par un

maître de jeu. On sent cet effet avec les indications de musiques d’ambiance précédant les nouvelles et les chapitres pour poser une ambiance à la lecture. Le cadre en question, le voici : face à diverses catastrophes survenues sur le monde d’origine de l’humanité, celle-ci a décidé de partir à la conquête de nouvelles planètes habitables. Treize Vaisseaux-Mondes partirent en exil. Les gigantesques nefs se dispersèrent et errèrent durant quelques décennies. L’une d’entre elles, ne trouvant aucun monde où s’installer, se lança dans la construction d’une gigantesque station-monde : Liberté. On commença à s’inspirer des rares écrits restant de l’ancien monde pour fonder un nouveau gouvernement. Dans ces copies figurait notamment le Contrat social du philosophe Rousseau, mais également des écrits d’un certain Robespierre. Ainsi naquit la première Respublica. La société de Liberté est donc très politisée, mais très vite on comprend qu’elle est aussi très inégalitaire. Vous pourrez vous forger votre propre avis en parcourant les lignes du journal officiel Le Républicain – ou les holodocs illégaux comme L’Anarkhiste déchaîné qui vous offriront une version bien moins idyllique de la vie sur la station. Au sommet de cette société, on retrouve la Convention nationale et quelques puissantes familles respublicaines, dont les membres sont citoyens d’honneur. Puis la société se compose des citoyens normaux et des non-citoyens, les Negentems. Car oui, à Liberté, la citoyenneté n’est pas héréditaire, elle se mérite ; c’est un privilège qui octroie des droits particuliers mais aussi des devoirs. Après une histoire mouvementée, cette société connaît une époque de seconde Respublica, où se

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déroule le jeu. C’est également l’époque où le contact avec d’autres membres exilés de l’humanité survient. L’Empire Amentarii rejette la technologie ; son ennemi le Consortium d’Ambre possède une technologie très poussée et une attitude très belliqueuse et impérialiste ; et les Sayyads ont été opprimés par le Consortium et ont profité de ce contact pour venir s’installer sur Liberté – pour les plus chanceux. Ainsi dans Stella Nova, beaucoup de visions se côtoient et s’affrontent par moments. L’exploration spatiale n’est pas du goût de tout le monde, l’archéologie permet de découvrir des artefacts de civilisations aliens disparues, la religion n’existe plus mais a laissé place à un culte de la Raison et de l’Être suprême, et si la vie dans la station semble éclairée et égalitaire, les holodocs pirates nous apprennent que la corruption est présente et que la criminalité est en hausse. Si la description du système Stella Nova semble succincte, mais s’explique en jeu par le manque d’exploration des Libriens, l’accent mis sur la vie au sein de Liberté permet d’appréhender ce cadre de jeu. Ajoutez à cela quelques secrets sur l’univers et des conseils de maîtrise délivrés dans une dernière partie réservée au MJ : tous les éléments sont présents pour permettre de débuter une partie rapidement. Et quoi de mieux pour cela que d’offrir un scénario complet en fin de volume, détaillé en cinq actes, avec en annexe la description des différents PNJ, mais également des personnages joueurs prétirés aux historiques ficelés. Un atout majeur quand on souhaite se lancer tout de suite dans le bain.

Les décrets de la Convention nationale

Un personnage dans Stella Nova est défini selon une théorie des humeurs revisitée. En effet au lieu d’en avoir quatre à l’équilibre, votre personnage est défini par huit Humeurs au total ; une moitié pour les caractéristiques liées à l’esprit, et l’autre moitié pour représenter celles du corps. Le vécu des personnages, quant à lui, influe sur des tempéraments secondaires, les Habilités (autrement dit les compétences du personnage). Une fois ce concept assimilé il vous reste du chemin pour créer votre personnage. En outre si vous espériez jouer des races différentes, vous êtes plutôt mal tombés. Le jeu tourne essentiellement autour des Libriens, comme l’a si bien montré la partie historique de l’univers de jeu. Pour l’origine de votre personnage vous n’aurez donc guère le choix, il sera librien ou éventuellement amentarii. Cette deuxième possibilité reste cependant très restrictive puisque le personnage sera forcément féminin, avec une carrière associée obligatoire : chasseresse d’ombre. L’auteur rassure les joueurs en ajoutant que bien que restreints et encore mystérieux les Amentarii auront une importance pour l’avenir de la gamme officielle, et que des carrières plus approfondies feront l’objet d’un futur supplément. Peu de choix dans la race, gageons qu’il sera plus important pour les carrières. Au nombre de 23, les carrières se répartissent entre différents groupes au sein de Liberté.

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Les défenseurs sont les partisans de la Respublica, on peut y retrouver les politiciens, les encyclopédistes, les légionnaires et également les juges - police officielle de la station, qui n’est pas sans rappeler un certain Dredd. Les déviants sont eux des opposants à la Respublica et comptent de nombreux empoisonneuses, anarkhistes et autres fauteurs de trouble agissant dans l’ombre et l’intrigue. Et enfin les Affranchis évoluent en marge de cette société et ont des accointances tantôt avec les uns, tantôt avec les autres (astropilotes, chasseurs de trésors, ferrailleurs, etc.). La carrière est donc une sorte de classe de personnage, de métier, mais elle n’est pas unique. On peut en avoir jusqu’à deux. Chacune de ces carrières se décompose en trois niveaux – apprenti, compagnon, maître – et chacun de ces échelons apporte des Habilités spéciales au personnage. Les carrières influent également sur les équipements de départ, dont les listes sont toujours accompagnées de quelques illustrations. Pour finir cette création de personnage, après les quelques conseils pour créer des vétérans vous trouverez un point consacré au caractère du personnage, à son côté plus profond niveau roleplay, et surtout pour le MJ des conseils pour établir sa table (éviter les doublons de personnages et les associations de PJ aux profils incompatibles). Chacun prendra ses conseils comme il le désire, mais il était bon de le signaler, car cela montre qu’au-delà de cette partie des règles, l’auteur ne souhaite pas laisser de côté la dimension de roleplay de son jeu, ce qui est tout à son honneur. Le système de résolution fonctionne sur l’utilisation de plusieurs d8. On différencie de prime abord le « palier de réussite » (le score maximum sur des d8 : 8,16, 24,32, etc.) du « degré de réussite », le score à atteindre pour réussir une tâche : 5 pour une action normale, 8 pour une action difficile, etc. L’Humeur utilisée pour l’action détermine le nombre de dés lancés. Le degré de maîtrise dans l’Habilité, quant à lui, fait fluctuer la difficulté à atteindre. Exemple : pour voler un objet une apprentie voleuse, avec une coordination de 3, lancera 3d8. Elle a une Habilité en rapine de 2. La difficulté fixée par le MJ est de 5, c’est une difficulté normale, mais pour l’apprentie voleuse ici, la

difficulté est réduite de 2, soit un degré de réussite de 3. Les actions et leur difficulté dépendent donc de chaque personnage. Si pour certains le DR serait resté de 5, pour la voleuse il est descendu au vu de son expérience dans le domaine. En fonction du niveau dans la compétence, il est possible ou pas de faire un échec critique, ou de faire exploser une ou plusieurs fois le d8 : sur un résultat de 8 le dé est relancé et l’on ajoute le nouveau résultat obtenu. Lorsque le personnage atteint un certain niveau dans sa compétence, il n’y a plus de limite au nombre de fois où il pourra relancer le dé. Le PJ a également comme possibilité durant les tests d’utiliser deux jauges de réserve. La jauge de combat permet d’utiliser les points en bonus sur un unique test (1 point = 2 dés à rajouter lors d’un affrontement). Quant à la jauge de concentration, elle peut influer sur les tests de dommages et baisser le DR de n’importe quel test d’un niveau. Parlons un peu d’affrontement. Le combat se déroule en plusieurs phases, mais son élément principal est la détermination d’un « pool de combat » (regroupement de dés dans lequel le PJ pourra puiser durant son assaut). Une fois l’initiative déterminée, l’attaquant annonce le nombre de dés qu’il utilise et le défenseur fait ensuite de même pour sa défense. Le pool de combat permet d’envisager plusieurs actions durant un round de combat (attaques, défense, esquives de secours, etc.) et simule le fait de puiser dans ses réserves pour réussir à entreprendre ses actions en un seul tour de jeu. En règle générale le DR pour toucher est de 5, celui qui a le plus de dés dépassant le DR l’emporte sur l’autre (attaque ou défense). Ainsi, il est bon de se munir d’un certain nombre de d8, sans quoi les phases de combat risquent d’être compliquées à simuler. On retrouve en fin d’ouvrage un résumé des règles de base et des règles de combat ce qui, en l’absence d’écran de jeu, ravira plus d’un MJ soucieux de trouver une réponse aux questions techniques de ses joueurs.

La guillotine aura le dernier mot Stella Nova est un jeu de space opera très particulier et unique en son genre. Si l’on déplore a priori le manque de races jouables ou le manque de voyages

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interstellaires, on se retrouve vite avec une ambiance que l’on pourrait qualifier de « pré » space opera. Les premiers contacts avec les autres peuples commencent à peine, entraînant autant de relations diplomatiques que de futurs conflits. De plus cette idée de reprendre les fondamentaux de la Révolution française et de la Terreur donne une touche à la fois sombre et flamboyante. Ce jeu de rôle ouvre la voie à une nouvelle gamme digne d’intérêt qui viendra prochainement se compléter avec suppléments et aides de jeu qui finiront d’enrichir ce nouvel univers. Aurélien « Hartanis » Caffart

Suite à la reprise de ses droits d’auteur (et des stocks), Sébastien Perles, l’auteur de Stella Nova, est en train de créé une maison d’édition spécialisée dans le développement et la publication de Stella Nova : More Utopia. Au moment où nous écrivons, une campagne de souscription pour l’écran de jeu et la campagne est en cours de préparation, avec un lancement prévu courant printemps 2016.

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TECHNOIR, hightech, hardboiled roleplaying

démêlent des intrigues complexes et personnelles. La création de personnage se veut simple avec le choix de trois programmations, des métiers liés au passé du personnage. On trouve ainsi soldat, coursier, docteur et six autres programmations qui incluent chacune trois verbes et trois adjectifs. Voici Abel Gantz, un jeune coursier devenu un détective utilisant ses connaissances et sa discrétion pour fouiner un peu partout. Avec un passé de coursier, il a acquis les verbes « combattre, bouger et roder ». Il a aussi acquis l’un des trois adjectifs attachés à la programmation et a conservé « agile ». Avec deux programmations d’enquêteur il acquiert aussi « détecter », « pirater » et ajoute deux niveaux à roder. Ce dernier verbe, équivalent classique des compétences, monte à quatre car chaque verbe a un niveau minimal de 1. Abel a aussi pris deux des trois adjectifs de la programmation « enquêteur », à savoir « intuitif » et « résistant ». Ces adjectifs fournissent des bonus circonstanciels contre la dépense de dé bonus (cf. système).

Connexion Jeremy Keller n’est pas un nom très connu dans le milieu rôliste. Et pour cause ! Avant Technoir, il n’avait produit que Chronica feudalis, titre encore plus anonyme. Pourtant son nom est associé à beaucoup de jeux qui cartonnent actuellement aux États-Unis comme le dernier Marvel Heroic RPG ou le sensationnel Atomic Robo*. Et c’est bien grâce à Technoir qu’il s’est fait un petit nom dans l’industrie avec le prix du jury aux ENNIES de 2012. Qu’a ce jeu de si remarquable pour qu’il soit reconnu ainsi par la communauté anglophone ? L’analyse est en cours. Le genre Technoir se rapporte à des histoires qui portent les codes du film noir et autres intrigues urbaines dans un contexte futuriste, généralement cyberpunk. Les personnages y sont souvent des personnes chargées d’un passé lourd et luttent contre les forces en présence dans leur environnement urbain. Les exemples les plus parlant sont des films comme Blade Runner, Ghost in The Shell ou Minority Report. Le genre se caractérise par une absence de manichéisme et une vision pessimiste de notre futur. Le terme vient du nom d’un club dans le film Terminator de 1984.

Identifiants Technoir se propose d’être un jeu cyberpunk noir (hardboiled plus exactement) où les personnages évoluent dans un milieu urbain et futuriste et y

P u i s le joueur d’Abel va choisir ses connexions, des liens que son personnage entretient avec l’un des PNJ majeurs de la transmission (l’environnement de jeu, voir plus loin). Pour chacune des trois connections le joueur va choisir quel type de faveur le PNJ lui procure, comme du matériel rare, des informations, mais aussi de l’argent. Pour renforcer le lien, le personnage joueur peut également avoir un adjectif lié à sa relation avec un PNJ. Ainsi Abel pourra connaître Dominic qui lui fournira des informations ou une planque mais aussi partager son lit car Abel a l’adjectif « séduit ». Attention à bien entretenir ces liens sinon le meneur pourra imposer des adjectifs négatifs vis-à-vis d’un allié délaissé. Dominic est susceptible de faire preuve de jalousie. Ensuite, cyberpunk oblige, le personnage va s’équiper avec du matériel. Comme les liens ou les qualités du personnage, celui-ci est composé d’adjectifs. Un katana sera « mortel » et « coupant », un fusil à pompe « puissant » mais « bruyant ».

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Dans la plus grande tradition du cyberpunk, le matériel Nous avions vu que le joueur décharge des dés bonus peut être implanté dans le personnage. Pour avoir plus pour activer les traits. Le résultat d’un dé en opposition de matériel, le PJ peut desDEAL faveurs pour pouvoir est un adjectif imposé au perdant : « tremblant », THEutiliser RAW seÞ´¿¼»­ faire­²¿° implanter le matériel ou pour ±«¬ ±º ¸»® ­§²¬¸»¬·½ ¿®³ò ß²gratuitement ±ª»®½´±½µ»¼ °®±½»­­±® ·²¬»®º¿½»­« blessé » ou « hésitant ». Cependant ces adjectifs contracter une dette auprès d’un contact. Évidemment ne sont pas permanents, ils sont dits «  flottants  ». Si ces faveurs vont faire ¬¸»§Ž®» du PJ²±¬ l’obligé qui fera Abel tire sur un adversaire et utilise des dés bonus, il ³±­¬ ¼¿²¹»®±«­ ©»¿°±²­æ ¿º®¿·¼ ¬±du ¹»¬ contact ¸«®¬ò pression Ø sur lui après cela. Comme le reste, tout ceci est va pouvoir « blesser » son adversaire pour la scène décrit via des adjectifs. On voit ici que les personnages (en dépensant un dé bonus) ou de manière définitive ont²»¨¬ déjà une̱histoire avec un passé et des liens qui les (contre deux dés bonus). Les dés utilisés sont donnés °¿§¼¿§ò ¹»¬ ®»ª»²¹»ò ̱ °®±¬»½¬ ­±³»±²» ¬¸»§ ´±ª»ò définissent avant même la première partie. ­ ¹¿³» ·­ ¿¾±«¬ ¸¿®¼ó²±­»¼ ½¸¿®¿½¬»®­ »²¬®»²½¸»¼ ·² ¬¸» ¹®·¬¬§au meneur et les dés non dépensés sont placés dans la zone de décharge et seront « rechargés » au tour suivant. Hormis pour les adjectifs « mourant » et Système d’exploitation º¿½¬·±²­ ¿¹¿·²­¬ »¿½¸ ±¬¸»®ô ¿²¼ ¬®§ ¬± ½±³» ±«¬ ¿¸»¿¼ò ׬Ž­ ¬¸» ­¸¿¼§ ­¬±®·»­« mort », la mécanique est la même que ce soit un conflit Le jeu ne fait que rarement utiliser les dés car l’auteur social, physique ou un hack informatique. Comme le ¬±³±®®±©ò ne recommande de les jeter qu’en cas de conflits avec meneur n’a pas de dé bonus au début de la séance, les un autre personnage. Au-delà, les joueurs réussissent joueurs sont avantagés mais vont devoir rapidement leurs actions pourvu que ce soit cohérent. Trouver un subir des revers pour progresser dans l’histoire. indice, ouvrir une serrure, tout est réussi si cela va dans le sens de la fiction. Ainsi, il n’y a que si un garde surveille le bâtiment dans lequel s’introduit le personnage que les dés sont lancés. Le joueur choisit alors le verbe qui convient à la situation – dans le cas d’une intrusion, « roder » – et lance autant de dés blancs que son score. S’il le souhaite, le joueur peut ajouter autant de dés bonus (push dice, de couleur noire) en justifiant chacun d’entre eux par un adjectif positif. TECHNOIR Par 4exemple dans le cas de l’intrusion, il peut utiliser « discret » ou « méthodique » et décharger un dé bonus (il en dispose de trois au début de la séance). Le meneur peut imposer un ou plusieurs dés rouges (hurt dice) si le personnage possède des adjectifs négatifs comme « stressé », « surveillé » ou « blessé ». Chaque résultat sur un dé rouge annule un résultat correspondant sur un dé blanc ou noir. Une fois les dés rouges éliminés, on regarde le plus haut dé. La méthode est identique côté meneur. En cas d’égalité, on vérifie si plusieurs dés donnent le résultat le plus haut. Par exemple si je tire deux 5, le score retenu ne sera pas de 5 mais de 5.1, chiffre supérieur si l’opposant a un score de 5.

Transmissions narratives Le jeu rappelle à tous, joueurs inclus, les composantes essentielles du genre noir pour être en phase avec les canons du genre. Il est donc important que les joueurs utilisent leurs contacts, cherchent, provoquent des tensions pour dénicher la vérité et finissent invariablement par prendre des revers pour montrer à quel point ils sont durs avant de rendre coup pour coup. De même, les dettes et faveurs en lien avec les personnages majeurs du cadre vont impliquer naturellement les personnages joueurs. En soit le cadre est déjà existant mais les joueurs vont décider l a manière dont ils sont impliqués dedans. Charge au meneur d’utiliser les outils bac à sable proposés. Les conseils sont simples et directs : cadrer les scènes et préparer la suivante en fonction des réactions des joueurs. Une première scène forte permet de lancer les joueurs dans l’aventure. Pour se lancer le jeu propose des transmissions : des décors prêts à l’emploi contenant

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tables, intrigues et menaces pour créer du jeu. Le livre en contient trois : Kilimandjaro Ring, Singapore Sling et Los Angeles Sprawl. Ces transmissions contiennent des informations sur la ville concernée ainsi que des listes d’intrigues, de lieux, de menaces et d’alliés qui y sont présents. Tous sont inclus dans des tables de générateurs d’intrigues. Le meneur tire trois éléments qu’il relie pour forger une intrigue. Ces différents éléments narratifs sont disposés sur une carte et reliés entre eux. Ainsi les joueurs et les meneurs ont les tenants et les aboutissants des intrigues en ville où ils seront forcément concernés du fait de leurs liens avec les différents contacts. Par exemple dans Los Angeles Sprawl cela peut consister à retrouver Trisko Valdez demandant d’aller récupérer un pistolet expérimental durant l’inauguration d’un nouveau film dans une boîte de nuit à la mode. Malheureusement, les mercenaires de Starlight Watch sont aussi dans le coup et la bête mission de récupération peut tourner au carnage.

dans les explications et le peu de contexte autre que des générateurs de scénarios pour les transmissions, obligeant le meneur à nourrir le squelette qui lui est proposé. Un must néanmoins pour les fans de cyberpunk sombre disposés à improviser sur un canevas solide. Besoin d’en savoir plus ? Le site TechnoirRPG contient transmissions et guide du joueur pour vous aider à y voir plus clair http://www.technoirrpg.com/ technoirdownloads/ *Vous ne connaissez pas Atomic Robo ? Jetez-vous sur le Maraudeur n° 16 pour y remédier.

Mechnoir Un mot sur Mechnoir, seule extension du jeu : il s’agit d’une variante pour la création de personnage avec l’achat de mécha apportant des adjectifs, au même titre que l’équipement standard et trois transmissions tournant autour de colonies martiennes en plein conflit. Si l’ensemble reste intéressant, les options proposées ne semblent pas s’accorder harmonieusement avec le genre Mecha, plus tourné habituellement vers des conflits contre une menace extérieure et du drama entre personnages que des dilemmes moraux dans un cadre fermé.

Rapports d’analyse Au final Technoir est un petit bijou de game design. Le système est simple et élégant, axé sur la narration et donne mécaniquement une ambiance « noir » où les héros cumulent des coups pour mieux rebondir. L’approche rappellera beaucoup de choses aux amateurs de FATE ou de METAL pour les adjectifs très similaires aux aspects qu’ils connaissent. La logique des transmissions qui lancent les PJ dans le contexte permet de créer du jeu immédiatement. L’élégance du jeu se trouve surtout là-dessus car de simples mots vont à la fois générer des enjeux ludiques et nourrir l’histoire au gré des hauts et des bas que vivront les PJ. On regrettera toutefois une organisation qui se perd

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Doc Dandy

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Urban Shadows Quand on arrive en ville Le Monde des ténèbres a marqué de nombreux rôlistes, notamment ceux ayant débuté dans les années 90. Vampire : la Mascarade ou Loup-garou : l’Apocalypse étaient à l’époque quasi incontournables et le succès des éditions anniversaire prouve que l’urban fantasy a encore de beaux jours devant elle. Lorsqu’Apocalypse World est sorti, de nombreuses adaptations ont confirmé ma propre impression ; cette mécanique convient parfaitement pour gérer les conflits urbains entre créatures de la nuit que sont vampires, mages et autres lycanthropes. L’excellent Monsterhearts (en VF, chez La Boîte à Heuhh) l’a démontré une première fois mais l’idée de jouer des adolescents a gêné les rôlistes pour des raisons évidentes. Et voici qu’arrive Urban Shadows, officieusement appelé «  monde des ténèbres motorisé par l’Apocalypse » pour simuler des intrigues urbaines et occultes. Enfilez votre manteau long et n’oubliez pas votre katana, la nuit ne fait que commencer…

Horloge atomique

Tout d’abord un petit rappel sur les spécificités du système Apocalypse World. Si vous le connaissez déjà, vous pouvez passer à la section suivante. Le système « propulsé par l’Apocalypse » a d’original qu’il modifie le paradigme du jeu de rôle traditionnel sans s’en éloigner vraiment. Il y a toujours un meneur (Maître de cérémonie) qui anime la partie, mais beaucoup des choix qu’il fait d’ordinaire sont transposés au(x) joueur(s) et/ ou aux jets de dés. Le système de résolution basé sur 2D6 plus bonus offre trois options selon le résultat. 6 ou moins, l’action du personnage est ratée, le meneur a alors la possibilité de lui infliger une sanction narrative ou mécanique. Pour cela le meneur dispose de listes d’actions à utiliser comme infliger des dommages,

annoncer un malheur ou mettre le personnage dans l’embarras. Sur un 10 ou plus, le personnage réussit son action et le joueur va la décrire normalement ; s’il y a des conséquences mécaniques, elles sont chiffrées. Bien souvent cependant le résultat va être intermédiaire et ce sera un 7 à 9. Dans ce cas précis, l’action est réussie mais a un prix. Le personnage parvient à blesser son adversaire mais subit un contrecoup, arrive à trouver des informations mais devra quelque chose à quelqu’un, etc. Pour cela le joueur dispose de listes pour choisir les conséquences qui lui conviennent le plus et qui collent à la fiction. Ces choix sont prévus dans des actions, chacune typique de l’univers de jeu. Le postulat du système est que c’est le joueur qui choisit les conséquences sur un résultat de 7 à 9 et donc que le meneur doit s’adapter à ce qu’il va se passer. Impossible alors de connaître les événements à l’avance, le meneur découvre avec les joueurs les développements de l’action. Si cela peut être très perturbant pour le meneur, le jeu prévoit comme on l’a vu de nombreux outils pour y faire face. L’autre particularité du jeu, ce sont les archétypes : des « classes » qui permettent au personnage de disposer d’actions spécifiques lui permettant d’interagir avec son environnement. Chaque archétype porte en lui des problématiques qui vont grandement influencer la fiction. Le meneur n’est donc plus qu’un « chef d’orchestre » chargé d’organiser une histoire générée par la seule présence des personnages joueurs. Par exemple, choisir un archétype « Violent » va engendrer des scènes d’action fortes et souvent avec des conséquences funestes pour l’entourage du personnage. À l’inverse, un personnage « Social » aura tendance à générer des situations dramatiques avec beaucoup de discussions, négociations, voire trahisons. Les jeux « propulsés par l’Apocalypse » ont donc tendance à être centrés sur les personnages joueurs qui ont un impact très fort sur la fiction et où le meneur réagit à leurs actions pour donner du rythme.

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Craignez la nuit car elle a les crocs…* Urban Shadows propose de jouer des personnes à la marge dans un monde contemporain et urbain. Vampires, mages, loups-garous ou tueurs de monstres, ce sont tous des freaks vivant dans l’ombre du monde normal. Au passage l’auteur encourage, dans l’introduction, les joueurs à tenter de créer des personnages de couleur, de genre ou d’orientation sexuelle variés. Chaque archétype précise les caractéristiques habituelles et les actions spécifiques des créatures. Pour les représenter, il y a deux séries de quatre scores internes au personnage qui régissent ses forces et ses faiblesses. Le Sang représente la violence, la capacité d’action et la réactivité pour fuir ou avoir les bons réflexes. Le Cœur parle de la compassion, de l’énergie communicative et de la sociabilité. L’Intellect c’est l’esprit, la capacité analytique et la ruse. Enfin, l’Âme est le symbole de la force intérieure et de l’aptitude à utiliser les pouvoirs innés ou acquis. Par exemple Malik, fae d’origine orientale au look androgyne, est un beau parleur (Cœur à +2) – comme tous ceux de sa race – mais pas forcément très malin (Intellect +0), assez faible physiquement (Sang -1) mais doué avec ses pouvoirs de fae (Âme +1). Dans son livret d’archétype, le joueur de Malik a choisi deux actions spécifiques pour tromper les gens avec son Cœur plutôt que son Intellect ou maudire ceux qui brisent une promesse qu’ils lui ont faite. Malik a aussi des pouvoirs de fae et il peut guérir des gens, les tuer ou provoquer des tempêtes mais au prix d’un lourd sacrifice (corruption, dettes, blessures). En plus de leurs capacités, les personnages ont aussi des dettes, des liens avec d’autres personnages (joueurs ou non). Ces dettes sont au cœur de l’aspect politique du jeu car elles permettent d’avoir de l’influence sur d’autres ou au contraire de subir des contraintes quand votre personnage doit quelque chose à un tiers.

Les dettes se créent, s’honorent ou non et souvent les personnages vont se retrouver tiraillés entre plusieurs camps. Et comme si cela ne suffisait pas, leur nature peut aussi les entraîner dans un cercle vicieux avec la Corruption. Elle dépend de chaque archétype mais elle est assez commune : Malik prend de la corruption en brisant une promesse, l’Oracle en effectuant de fausses prophéties, les vampires en buvant le sang de personnes non consentantes. Mais la Corruption gagnée permet de débloquer d’autres capacités qui ellesmêmes sont sources de Corruption. Ces capacités r e n d e n t le personnage plus puissant mais aussi de moins en moins humain. Le loup-garou devient sociopathe, le chasseur psychotique, le vampire écrase les humains sous sa coupe, le fae manipule tout le monde, etc. À force de laisser aller son côté surnaturel, le personnage va devenir une menace pour les autres. Le joueur perd son personnage après une dernière action symbolique mais le meneur, lui, gagne un adversaire intéressant pour son cadre de campagne. Les personnages ont aussi des liens avec la faune de la cité via quatre scores externes les reliant aux diverses factions du monde. La Mortalité est le monde des humains ordinaires, majoritaires et ignorants des intrigues occultes mais aussi des gardiens et autres chasseurs de monstres qui s’opposent aux forces surnaturelles. La Nuit regroupe les humains qui ont subi un changement de physiologie, comme les vampires ou les loups-garous. Le Pouvoir représente les

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possesseurs des connaissances – pour beaucoup des humains ayant acquis des capacités surnaturelles, tels que les mages ou les oracles. Enfin la Nature rassemble des entités anciennes et puissantes tels les fae ou les démons. Chaque personnage du jeu appartient à une faction et des conflits peuvent naître en son sein comme la classique guerre vampires/loups-garous. Ces factions sont importantes car c’est en interagissant avec elles que le personnage gagne de l’expérience. À chaque fois qu’il rencontre une faction, le joueur coche une case. Une fois les quatre cases cochées, son alter ego gagne un avancement (en général une nouvelle action d’archétype ou un bonus de caractéristique).

Marionnettiste en chef Le Maître de cérémonie (MC) va devoir donner corps à tout ceci. Il a plusieurs outils à sa disposition. Tout d’abord des outils d’actions et des conseils pour la mise en scène : rendre la ville crédible, pousser les joueurs à faire des choix, être fans de leurs personnages, rendre tout personnel, rendre tout sale et confus, etc. Comme le MC ne jette jamais aucun dé, il doit réagir aux actions des joueurs en leur infligeant des blessures, en menaçant leurs intérêts ou en leur offrant des compromis. Certaines actions sont spécifiques aux factions : les mortels ont tendance à être nombreux et à découvrir des secrets cachés, les créatures de la Nuit sont agressives mais s’accommodent d’alliances temporaires alors que les détenteurs du Pouvoir privilégient les actions à long terme.

joueurs. Le jeu s’achève sur les différentes manières de créer des actions de joueurs ou de meneurs personnalisées, voire même d’en créer pour la ville ou des lieux spécifiques.

Plan d’urbanisme Urban Shadows remplit le contrat en proposant un ensemble de mécaniques et de conseils pour créer des intrigues dignes des meilleures séries TV qui évoquent les thématiques d’urban fantasy. Malgré son affiliation évidente, il parvient à se détacher de l’influence du Monde des ténèbres avec une importance plus grande donnée aux mortels (le MdT était souvent moqué pour sa surpopulation de créatures surnaturelles et autres mages) et des intrigues pleines de violences et d’alliances/trahisons. Deux bémols néanmoins : sur le côté mécanique de l’avancement, où les joueurs vont se retrouver à aller voir les vampires du coin uniquement pour gagner en expérience, et sur les dettes qui, si elles créent du jeu, vont beaucoup influer sur le comportement des personnages. Du point de vue de la forme on regrettera également une austérité dans l’édition, classique chez les jeux Apocalypse World, avec quelques illustrations en noir et blanc et de rares f*** familiers qui peinent à donner un ton autre que neutre à l’ensemble.

Alban *Sous titre de Vampire City.

Après d’autres conseils supplémentaires notamment sur la mise en place de la première session, le livre décline un outil pour la gestion en campagne avec les Menaces. Les Menaces correspondent aux Fronts d’Apocalypse World : des personnages et/ou des factions avec des desseins qui menacent le statu quo de la ville. Ces menaces peuvent être de différents types comme des révolutions, des jeux de pouvoir ou des intrigues plus personnelles. Classique d’un jeu propulsé par l’Apocalypse, ces Menaces sont gérées avec un modèle d’horloge atomique (plus la Menace est importante plus elle avance sur l’horloge) et avec des listes d’actions du MC typiques. Nouveauté en revanche, le jeu propose de rassembler les menaces autour de cyclones (Storms) qui sont des thèmes comme le devoir, la justice ou la famille et de centrer les intrigues autour d’un « Œil », une menace centrale qui provoquera la tempête dans l’univers des personnages

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Wulin La Chine se réveille – et le monde tremble. Au-delà des nombreuses preuves de ce réveil au niveau industriel, l’Empire du Milieu frémit aussi sur le plan culturel. En particulier, le cinéma et les séries télévisées se déploient avec une envergure et un souffle extraordinaires. Autrefois, ces créations culturelles n’étaient connues qu’au travers du « cinéma de Hong-Kong », qui usait et abusait de sa liberté d’expression pour proposer au monde une expression chinoise de ce que pouvait être une narration cinématographique. Quelques films en dialecte cantonais particulièrement remarqués se sont fait connaître du monde occidental. On pense aux films de Bruce Lee notamment, mais aussi aux films d’épopée parfois fantastique comme Green Snake. Récemment, les films d’épopée antique ou médiévale ne sont plus l’apanage de Hong-Kong, et des films à très grand succès, soutenus par tout le pays cette fois-ci, deviennent des films de référence à l’échelle planétaire : Hero, Les Trois royaumes, Le Secret des poignards volants, L’Empereur et l’Assassin et, bien sûr, celui par qui tout arriva, Tigre et Dragon. Ce n’était qu’une question de temps et de talent avant qu’un jeu de rôle ne s’empare de cette richesse culturelle et propose d’incarner des aventuriers chinois aux prises avec leur destin, ce qui avait déjà été le cas par le de passé avec des jeux comme Qin du 7e Cercle ou Studio Mammouth. C’est aussi la proposition de Wulin, qui s’écarte des canons purement hongkongais pour s’inscrire dans une ligne renouvelée, à la croisée des classiques de la littérature et des films plus récents.

Chevalier des Lacs et des Forêts Wulin est avant tout l’ouvrage d’un auteur passionné, Nicolas Henry, qui propose d’explorer le monde de

la Chine du XIIe siècle : il est titulaire d’un master de chinois, il officie en tant que traducteur de romans et son texte transpire la passion pour le genre littéraire dont il s’inspire. C’est une période troublée, où l’unité de l’Empire a été mise à mal par une invasion de barbares provenant du Nord, où les seigneurs de guerre locaux font parfois régner la terreur et rêvent occasionnellement à la restauration de l’unité du monde – à leur propre bénéfice. C’est aussi une période pendant laquelle les gens du commun souffrent des conflits, des rapines, de la terreur, bref d’actes profondément contraires à l’équilibre du Ciel et de la Terre, à l’harmonie de la société, aux impératifs sociétaux de la Chine confucianiste. En marge de la société, des héros que le Destin a choisis s’efforcent qui de protéger les faibles, qui d’entretenir les valeurs qui font la grandeur de l’Empire céleste, qui de se lever contre le joug des puissants arbitraires. Mendiant, juge itinérant ou plus vraisemblablement guerrier d’une école renommée, ces héros sont les personnages que les joueurs incarneront. Vous trouvez que les phrases de ce paragraphe sont longues et accumulent les allusions, métaphores et images ? Eh bien ce n’est rien à côté du style de l’auteur. Il est prolixe, c’est le moins que l’on puisse dire. Cela pourra en ravir certains et en fatiguer d’autres. De fait, c’est une excellente source de descriptions pour le meneur qui n’y est pas allergique. Les aventuriers seront bien souvent aux prises avec des agents de déstabilisation de l’ordre naturel des choses (gouverneurs avides, guerriers violents, voleurs sans pitié). Lors de leurs aventures, les prouesses physiques dépassent le possible (la référence à avoir en tête, une fois de plus, est Tigre et Dragon). Les personnages ne sont pas fondamentalement bons, ils sont au service des grands principes de la philosophie chinoise. Par exemple, les valeurs confucianistes devront souvent être restaurées par l’action des personnages : respect de la famille, des sages du clan ou de l’obéissance à l’autorité naturelle de l’empereur. Ils pourront aussi être confrontés aux principes taoïstes, souvent de manière

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symbolique, avec l’équilibre et l’alternance permanente du Yin et du Yang. Les aspirations légitimes des individus à la paix, à l’amour et à l’amitié pourront aussi être mises en avant. Autant dire qu’il n’est pas facile de concilier toutes ces dynamiques. Mais il faut être clair tout de suite : il n’est pas aisé de suivre le code moral de la chevalerie classique – et cette difficulté à choisir entre diverses valeurs sera un ressort important des aventures.

détaillés ci-après) ou Le joueur fait la somme que chaque 4 vaut 0, et que le joueur souhaite sur

Classe d’armure ou armure classe La plupart des mécanismes et des termes propres au jeu sont ainsi très profondément marqués par la pensée chinoise. Par exemple, comme le 8 est un chiffre bénéfique et fastueux, le jeu utilise des d8. Cela renforce certains aspects immersifs de Wulin – mais cela rend les premières lectures probablement délicates pour un néophyte. C’est surtout le mélange des termes qui peut d’ailleurs paraître déroutant. Les caractéristiques de Corps et d’Esprit côtoient le Gong-Fu, la ressource de Souffle est complétée par le Neigong, le concept suit le Yuan Fen. Les sinophones seront en revanche ravis. Reprenons encore quelques éléments fondamentaux : si le 8 est un chiffre bénéfique, le 4 est un chiffre néfaste. De plus, la pensée chinoise fait la part belle au juste effort. Ces éléments sont repris quasiment intégralement dans Wulin. Ainsi, lorsqu’un personnage tente une action à l’issue incertaine, il doit atteindre exactement la difficulté décidée par le meneur de jeu : un score inférieur et c’est l’échec, un score supérieur et le personnage perd du Souffle (car il a fourni un effort trop important). Pour cela, il va lancer un certain nombre de d8, en fonction de la nature de l’épreuve, de ses caractéristiques et de plusieurs modificateurs, propres au personnage (comme ses Traits légendaires

spécifiques à la situation. de tous les résultats, sachant que chaque 8 prend la valeur (afin de tomber exactement le seuil de difficulté). Le point de contact entre le système et l’esprit de l’univers simulé est donc étroit. Par exemple, pour atteindre un seuil de 12, en lançant trois dés, si les résultats sont 4, 7 et 8, le résultat sera de… 12 ! Car la somme sera de 0 (le 4 vaut 0) + 7 (le 7 reste 7) + 5 (le 8 peut prendre n’importe quelle valeur, ici, le plus avantageux est de prendre la valeur 5).

Au-delà de cet aspect mécanique central (et de bien d’autres plus périphériques), un autre moyen de combiner thème et système est le principe de Traits légendaires. En effet, il s’agit d’écrire les rumeurs ou la célébrité de certains traits du personnage – tout comme dans les récits classiques, la renommée et les actes de gloire d’un héros ne valent que par le grand nombre de personnes qui les connaissent. Ainsi, un personnage ayant le Trait « On dit que je combats comme le Tigre  » bénéficie d’un petit bonus d’un dé. À mesure que le personnage grandira en renommée, son Trait pourra évoluer vers « Je suis le Tigre de destruction », voire « Tous tremblent de voir le Tigre personnifié dans mes attaques mortelles » qui donneront un plus grand nombre de dés en bonus. Et là aussi, comme dans les films et les romans chinois, ces Traits peuvent se révéler complètement faux ou évoluer d’une manière ou d’une autre. L’évolution des

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personnages permet en effet de changer, d’altérer ou de nier complètement ce qui définissait jusqu’alors le personnage, que ce soit lié à un événement extérieur (le personnage devient infirme par exemple) ou à une décision du joueur (le personnage change d’allégeance par exemple). Si Wulin s’arrêtait là, le jeu serait probablement dans la même catégorie des bijoux de concision qu’Inflorenza de Thomas Munier (voir Maraudeur no15). Malheureusement, Wulin va beaucoup plus loin – en tous cas dans ses aspects mécaniques. Le nombre de caractéristiques, de ressources, de jauges chiffrées ou littéraires est très important. À titre d’illustration, un personnage nouvellement créé aura dix valeurs chiffrées, trois jauges de quatre niveaux chacune, quatre lignes pour décrire ses Traits légendaires et dix autres Traits divers. Sans compter ses styles de combats, qui eux aussi fourmillent d’indications et de précisions, pour un volume à peu près équivalent à la description du personnage. Le système de gain d’expérience, basé sur la réputation et les actes de bravoure exaltée, est par conséquent lui aussi complexe. C’est un manque de simplicité assez surprenant, pour tout dire qui paraît déplacé dans un ouvrage qui sait pourtant mettre en avant les principes d’économies et de juste effort. Cette mauvaise impression est renforcée par certains chapitres qui sont constitués de longues listes arides et difficiles d’utilisation, par exemple de poisons, de technique de combat, etc. On les aurait sans doute plus appréciées dans une annexe qu’au fil de la lecture. Peut-être que l’auteur, passionné par son univers, a laissé parler son amour pour ce monde et a tenu à tout faire rentrer dans un seul ouvrage, quitte à ce que la rivière de son récit déborde de son lit. Découverte d’un monde féroce d’aventures périlleuses La grande force de Wulin, c’est son univers. Sur l’ensemble de l’ouvrage, il y a bien une centaine de pages consacrées au contexte, aux différentes ethnies, aux organisations en concurrence et aux différents types de personnages. Le tout est richement illustré de nombreuses photos, d’illustrations classiques ou modernes (petit bémol, il y a peut-être un peu trop de types d’illustrations différentes ; les photos du Palais d’été s’accordent probablement mal avec certaines illustrations de poitrines particulièrement opulentes).

Une option permet d’ailleurs d’enrichir le merveilleux qui imprègne les récits traditionnels (les guerriers qui sautent de toit en toit, les moines Shaolin qui parent des flèches, les musiciens qui repoussent des brigands en manipulant leurs instruments tels des armes improvisées, etc.) avec le totalement fantastique (monstres morbides et autres revenants popularisés par Histoire de fantômes chinois 3, notamment). Il est pertinent de l’avoir proposé en option, car c’est un aspect plutôt populaire en Occident, même si la rigueur littéraire indique bien qu’il s’agit là de deux genres de fiction distincts. C’est néanmoins le contexte qui met en lumière un des principaux défauts du livre en tant qu’objet, non pas en tant que jeu. L’organisation du livre de base de Wulin paraît inadaptée, voire maladroite. Pour preuve, les éléments de contexte les plus importants – ceux consacrés au Wulin, avec les références cinématographiques citées dans cet article – arrivent très tard dans l’ouvrage. Pire, le premier chapitre de contexte, en introduction du livre, parle de tout l’univers, sauf de l’endroit où se déroule l’essentiel de l’action ! Le lecteur obtient des informations sur les entités politiques extérieures à la Chine, mais presque rien sur la zone géographique où les aventures sont vécues par les personnages ! D’autres maladresses d’organisation rendent la lecture de l’ouvrage plus difficile qu’elle devrait être – et la recherche d’informations encore plus difficile. Ainsi de l’impact de Wulin en tant que jeu ; ses propositions ludiques innovantes, notamment, auraient certainement été mieux soutenues avec une organisation globale de l’ouvrage plus logique, en allant plus systématiquement du général au particulier. Par conséquent, le système lui aussi souffre de cette organisation, avec des exceptions qui entrelardent les principes généraux et des listes à rallonge qu’il aurait été probablement plus judicieux de placer en annexe. Cela ne freinera certainement pas les meneurs les plus âpres à faire voyager leurs joueurs dans la Chine du XIIe siècle, mais cela pourra rendre le trajet plus inconfortable qu’il ne devrait être.

Principes de l’impermanence La solution de facilité lorsqu’on conclut une chronique ludique, c’est de dire qu’un jeu ne plaira pas à tout le monde. Ce qui, en soi, n’avance pas le lecteur – c’est une évidence, aucun jeu ne peut plaire à tout le monde.

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Pour Wulin, ce serait pourtant l’introduction idéale, parce qu’il y a une certaine exigence que l’ouvrage impose aux meneurs et aux joueurs. Le système est touffu, multiforme et très riche. La simplicité et l’économie ne sont pas ses qualités premières. En revanche, sa richesse permet une palette de situations et d’aventures particulièrement étendue, nuancée et subtile. La situation, le contexte sont très riches. Le style d’écriture renforce encore la dimension épique, poétique et dramatique du propos de ce jeu. Quant au contexte, il est de ceux éloignés des contextes immédiatement accessibles au joueur occidental lambda. Pour la plupart des joueurs, c’est un contexte méconnu et – à juste titre – étranger. La gageure de Wulin (et de certains de ses prédécesseurs) est d’accompagner les joueurs sur ce terrain inexploré. Malheureusement, les choix d’organisation de l’ouvrage rendent ce voyage malaisé. Les efforts à fournir pour pleinement bénéficier des propositions de Wulin paraissent donc loin d’être négligeables. Toutefois, c’est un ouvrage extrêmement bien renseigné, l’œuvre passionnée d’un amoureux d’un genre littéraire et cinématographique singulier et enthousiasmant. Qui d’autre pourrait relever le défi de nous convaincre de le suivre sur ces chemins aventureux ? Guillaume AGOSTINI

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pour permettre aux kamis de résoudre les problèmes qui pourraient se dresser sur leur route. Cette idée de système génère une dynamique poétique et très touchante autour de la table, l’émotion des joueurs venant alimenter la magie de leur personnage et tisser un lien entre les kamis et leurs interprètes.

Yokai Yokai ressemble énormément à Prosopopée. Voilà c’est dit ! À l’excellent jeu de Frédéric Sintès (chroniqué dans notre no7), Yokai emprunte son univers – un Japon fantasmé et poétique –, sa thématique – on y incarne des créatures surnaturelles et bienveillantes qui s’immiscent dans les affaires d’un village humain – et une partie de ses mécaniques. La comparaison entre les deux jeux n’est cependant pas complètement à l’avantage de Yokai qui, en complexifiant les mécaniques de son aîné, lui fait en partie perdre de son efficacité.

Un Japon fantasmé mais peu décrit

Un jeu bienveillant Mais certains de nos lecteurs n’ayant lu ni Prosopopée, ni sa critique dans nos colonnes (bouh !), il est sans doute nécessaire de décrire la proposition ludique de Yokai sans procéder par comparaison. À tous les niveaux, Yokai fait le choix d’être un JdR pacifiste. Par ses personnages tout d’abord : les joueurs prennent le rôle de kamis, des divinités mi-humaines mi-animales qui vivent dans de petites communautés humaines et dont l’existence et la survie dépendent de la capacité des humains à s’émerveiller. Cherchant à réenchanter le monde plus qu’à le protéger, les PJ ne seront jamais amenés à se battre et préféreront trouver des solutions basées sur le dialogue, la magie et la créativité. Cette bienveillance se retrouve aussi dans les mécaniques du jeu : fonctionnant sans MJ, Yokai met les joueurs sur un pied d’égalité. Mais c’est surtout de ses mécaniques d’enchantement, décalque parfait des mécaniques d’offrande de Prosopopée, que le jeu tire sa force. Les joueurs sont amenés à se récompenser mutuellement pour leurs descriptions en tendant des dés d’enchantements à un joueur quand ils apprécient les éléments qu’il apporte au récit. Ces dés peuvent alors être utilisés

Le jeu se déroule dans un village japonais contemporain entièrement inventé collectivement par les joueurs en début de partie. Ces derniers sont à la fois invités à décrire le cadre de jeu et à créer ses habitants. Le livre de base de Yokai souffre malheureusement d’un manque de détails et de conseils de création. Le texte du jeu est insuffisamment évocateur, malgré un exemple de partie qui occupe près de la moitié du bouquin, et les illustrations sont à la fois trop rares et trop quelconques pour plonger le lecteur dans son univers. Ce n’est finalement qu’à la fin de sa lecture, en découvrant la liste des inspirations – Mon Voisin Totoro, Les Enfants Loups… – qu’on peut se faire une idée de l’ambiance recherchée. La création collective du village est pourtant un moment crucial de la partie ; elle permet de se plonger calmement dans l’ambiance zen du jeu. Ce sont surtout les habitants, créés en début de partie, qui prennent une grande importance au cours de la séance. Ils sont à la fois générateurs d’intrigues et moyens pour les joueurs d’accumuler des points d’attachement leur permettant de relancer les dés. Les mécaniques de récupération de ces points sont cependant curieuses : elles nécessitent de jouer avec les habitants du village des scènes menant à un changement important des émotions ressenties par les personnages. Cette valorisation du changement vient décourager l’approfondissement d’un sentiment précis et va contre la logique calme et contemplative du jeu.

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Une adaptation qui ne s’assume Conclusion pas complètement En s’inspirant très visiblement d’un jeu préexistant pour écrire Yokai, KcoQuidam s’inscrit dans une longue, et noble, tradition rôliste de création par adaptation. On pourra prendre pour exemple le système Basic Role Playing, créé en 1980 par Chaosium, qui sera utilisé comme système de base pour des jeux aussi différents que L’Appel de Cthulhu, Elric et ElfQuest. Plus récemment le très prolifique mouvement OSR (Old School Renaissance) entreprend de créer des jeux tous compatibles avec la première édition de Donjons et Dragons. Et il n’est guère de numéro du Maraudeur qui ne voie passer la chronique d’un hack d’Apocalypse World, ces jeux créés à partir des mécaniques centrales du jeu de Vincent Baker mais le modifiant souvent substantiellement (par exemple dans le numéro précédent vous pouvez lire la chronique de l’extraordinaire Worlds in Peril par le non moins excellent Doc Dandy).

En parlant des hacks d’Apocalypse World, Vincent Baker écrivait qu’il considérait la création de ces jeux comme étant une conversation entre auteurs de JdR. Reprendre des grandes parties d’un jeu préexistant tout en les modifiant, que cela soit en les transposant dans un autre cadre ou en y rajoutant des mécaniques, est une façon de donner son avis sur le jeu et de donner la possibilité de l’utiliser autrement. Dommage que Yokai n’assume pas plus franchement sa filiation, par exemple en se présentant comme un supplément ou une adaptation de Prosopopée, ce qui aurait pu lui permettre de se focaliser sur un univers ou une façon de jouer différents. En l’état, l’élève n’a pas dépassé le maître et il est difficile de conseiller le jeu, si ce n’est aux amateurs de Prosopopée curieux d’en lire une variation. On peut cependant saluer la démarche consistant à s’inspirer d’un jeu aussi confidentiel, d’autant plus que le PDF du jeu est depuis peu disponible gratuitement, et en licence ouverte, sur son site officiel.

Lire Yokai après avoir joué au jeu dont il s’inspire provoque cependant un sentiment un peu étrange. Si le livre se termine par une publicité pour Prosopopée, montrant que la source d’inspiration est pleinement revendiquée, le texte du jeu réutilise des concepts et des mécaniques similaires en en modifiant très légèrement l’usage et en les nommant différemment (il arrive d’ailleurs que le texte de jeu utilise par erreur des termes issus de Prosopopée).

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Steve Jakoubovitch

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Entretien avec Tristan Lhomme : Des montagnes (de pages) hallucinantes Fort d’un parcours de traducteur, d’auteur, de journaliste, tant dans le domaine du jeu de rôle, du roman que du jeu vidéo, Tristan Lhomme est de ceux dont le nom est associé à une multiplicité de publications qui ont fait date. En 2011, Grégory Molle (l’homme qui a vu Lhomme) l’interviewait longuement dans un entretien de grande qualité. Le Maraudeur marche aujourd’hui modestement sur ses pas pour remonter la piste de celui dont on pourrait résumer l’œuvre en paraphrasant Churchill : « Des idées, de la sueur et des lettres ».

resté un « petit jeune ». Ça a fini par me passer, mais tard, à la fin des années 90. ► Le désir d’écrire semble t’être venu dans la continuité du plaisir de lire. Sais-tu pourquoi le jeu de rôle s’est naturellement imposé comme une porte d’entrée en ce qui te concerne ? Parce que ça s’est trouvé comme ça : je suis tombé sur des rôlistes, j’ai joué, j’ai aimé ça. J’ai mis un pied à Casus, et ensuite, ça s’est fait par le jeu de rencontres ; j’ai découvert que les éditeurs étaient demandeurs de textes, puis qu’ils étaient encore plus demandeurs de traductions... Donc, par le jeu des contacts et des rencontres, je me suis retrouvé à travailler pour un peu tout le monde dans le milieu. En fait, le jeu de rôle n’a pas été une « porte d’entrée » vers grand-chose, sinon vers plus de jeux de rôle, et ce tout au long de ma vie professionnelle. Il a vraiment fallu qu’il se casse la gueule, au début des années 2000, pour que je change de branche. ► Le jeu de rôle t’a cependant notamment permis d’être lu (et manifestement, que tes productions soient appréciées). Est-ce pour toi un objectif en soi ?

► Tristan, tout concourt à te considérer comme inscrit dans le panthéon des figures du panorama rôliste français. Ça fait quoi d’être un Grand Ancien ? Pas grand-chose. De temps en temps, je me retourne, je mets ma bibliographie à jour et je me dis des trucs comme : « Purée, c’est moi qui ai fait tout ça ? » ou « 5 000 pages ? ». Mais sur le moment ça se fait un projet à la fois, une ligne à la fois, et ça ne se sent même pas. Par contre, c’est toujours un peu étrange, quand je vais dans une convention, de croiser des gens qui me disent qu’ils me suivent depuis qu’ils sont ados et qu’ils ont particulièrement aimé tel scénario que j’avais oublié. Et puis, on est toujours le Grand Ancien de quelqu’un. Pour moi, les Grands Anciens, ce sont des gens comme Didier Guiserix, Pierre Rosenthal… les gens qui étaient là au tout début. Je suis arrivé dans le circuit à la fin des années 80, dix ans après eux. Dans ma tête, je suis longtemps

Quand j’ai envoyé mes premiers scénarios à Chroniques d’OutreMonde et Casus, j’avais dix-huit ans et pas d’objectif bien précis. Même après, quand ils ont été publiés, je n’écrivais pas vraiment pour « le public ». J’écrivais parce que j’aimais ça, parce que ça répondait à un besoin… et parce qu’il y avait des gens pour me le demander – et mieux, pour me payer pour ça. Mal, mais quand même, c’est important, parce que ça assigne une valeur à ce que tu fais, au-delà de « la gloire » (qui, c’est bien connu, ne nourrit pas son homme). Si on m’avait posé la question au début des années 90, j’aurais dit un truc du genre : « Bah, j’écris pour apprendre à écrire, et pour ça, j’ai besoin du feedback de Didier, de Pierre et d’Agnès. » Au bout d’un moment,

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tu prends confiance, tu te rends compte que tu sais écrire, mais le lectorat reste quelque chose d’un peu abstrait – de temps en temps, il s’incarne parce que tu croises des gens en convention, ou que tu reçois des lettres de lecteurs, mais c’est toujours quelque chose d’un peu distancié, parce que tu ne peux littéralement pas discuter avec tout le monde…

de me rendre compte que j’avais besoin d’écrire, et que j’avais beau l’avoir enterré… Bref, à un Monde du Jeu, je croise Stéphane Gallot et Tristan Blind, les initiateurs de la nouvelle équipe de Casus – la troisième. Ils me proposent d’écrire un scénario, je le fais en pensant que ça en restera là. Et de fait, leur incarnation de Casus s’arrête juste après.

Même aujourd’hui, je découvre que j’ai pondus dans ce que je croyais être l’indifférence générale ont marqué des gens, bien plus que je ne l’aurais cru. Et toutes les interactions avec le public ne sont pas positives, non plus. Mes premiers scénarios dans Casus ont généré des lettres d’insultes, que j’ai encore quelque part, qui disaient des choses du genre : « Vous n’avez pas honte de publier des trucs pareils ? ». On se blinde aussi…

Après… eh bien, on va dire que le début des années 2010 a été mouvementé, et que je me suis retrouvé avec des loisirs. L’écriture les a agréablement comblés. Là encore, c’était un besoin dont je n’imaginais pas la profondeur. Casus a connu un nouveau départ en 2011, et Didier m’a proposé d’y participer, mais ça restait quelque chose de relativement modeste. En revanche, en 2012, j’ai voulu écrire un petit scénario Cthulhu pour le mettre sur le site du TOC. J’étais parti pour faire l’équivalent d’un scénario Casus, 25 000 signes. En trois mois, j’ai produit un supplément de 200 pages : Sous un ciel de sang, que j’ai proposé à Sans-Détour. C’est sorti « beyond my control », ça s’écrivait littéralement tout seul... J’ai retenu la leçon : laisser ses vannes ouvertes.

des trucs que

► Début des années 2000, tu te sens appelé vers autre chose. Tu fais une pause et puis la dernière mouture de Casus te voit revenir dans ses colonnes. On retrouve également ton nom associé à plusieurs publications. Qu’est-ce qui t’a décidé à remonter en ligne ? L’avant-dernière mouture de Casus, en fait : j’ai fait un scénario dans le numéro 5 de la troisième formule, sans savoir que ce serait le dernier. Mais j’anticipe. Pour reprendre les choses dans l’ordre : Casus coule, je passe à Multisim, j’y reste un an et demi, Multisim bat de l’aile, me vire, puis coule, dans cet ordre. Après un moment au chômage, j’entre chez Blizzard, où je me charge de la traduction de World of Warcraft, d’abord seul, puis en équipe, puis comme chef d’équipe. Dire que c’est prenant serait un euphémisme. Je n’ai plus le temps de faire autre chose, et je décroche assez largement du jeu de rôle, même si je continue à jouer épisodiquement et à acheter quelques trucs de temps en temps. Mais il reste… quelque chose. Enfoui. Loin. J’ai mis un moment avant

► Entre ton départ de Multisim et aujourd’hui, te sens-tu différent, mieux armé (ou moins quelque chose) face à la page blanche ? Qu’est-ce que ton parcours t’a permis de capitaliser ou de découvrir de toi-même, outre l’expérience, la technique et la confiance  ? En te posant cette question je me demande si je ne fais pas en même temps la réponse ! À la fois « oui » et « absolument pas ». Ça t’aide, hein ? Sérieusement ? J’étais, et je reste, essentiellement un laborieux. Des notes. Des canevas. Du temps d’incubation. Ensuite, un mot à la fois, dans la douleur. Mon passage chez Blizzard m’a appris la valeur des itérations, et comme je suis moins pressé par le temps qu’à l’époque du magazine, je peux me permettre de

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faire plusieurs versions de mes textes avant de les lâcher dans la nature ; alors que dans les années 90, j’étais de l’école « fire & forget » : une version, une relecture rapide et ça va bien. Maintenant, je peaufine davantage. L’autre enseignement est qu’il ne faut avoir peur de rien. Et que même s’il faut rester réaliste sur ce qu’il est possible de faire, il est possible d’en faire énormément. Toujours plus qu’on ne le pense au départ. Sinon, l’écriture romanesque me pose toujours autant de problèmes. Je mets des mois pour accoucher de textes qui me prendraient des jours s’ils étaient du jeu de rôle. ► Tu as cependant fait du chemin depuis Opération Utopie (éditions Mnémos, 2003)… J’ai sorti Revoir Rome fin 2014, au Carnoplaste. Et j’ai écrit divers petits trucs pas publiés, aussi. J’ai mis pas loin de six mois pour venir à bout de Revoir Rome, alors qu’à volume équivalent, il aurait été plié en six semaines si ça avait été du jeu de rôle. C’est très discontinu : Opération Utopie en 2002, Revoir Rome plus de dix ans plus tard… Du coup, c’est plus compliqué de juger une progression. Mais à l’écriture, c’est plus compliqué, ça c’est sûr. ► Mais tu persévères ! Qu’est-ce qui te demande le plus d’effort dans ce type de production ? Je fais partie des gens qui considèrent qu’un scénario de jeu de rôle est une production littéraire, mais pas du tout de la même manière qu’une nouvelle ou qu’un roman. C’est une forme à part entière, bien différente de l’écriture narrative. J’ai passé l’essentiel de ma carrière à la maîtriser, et je peux en tirer à peu près ce que je veux selon les besoins. L’écriture romanesque est un exercice bien différent, d’une part pour des raisons de style et de procédés, mais aussi parce que c’est… une histoire de contrôle. Un scénario de jeu de rôle, c’est une histoire à trois : l’auteur, un lecteur et ses joueurs. On écrit pour le meneur de jeu, en sachant qu’il faut être pratique et lui donner des outils pour restituer votre histoire – qui ne sera plus tout à fait la vôtre de toute façon (et il faut aussi lui donner envie de la lire). Un roman, c’est une histoire à trois, mais pas les mêmes : l’auteur, ses personnages et le lecteur.

J’ai constaté un truc sur Utopie que j’ai retrouvé sur Revoir Rome : il faut absolument laisser les personnages prendre la main et s’autonomiser. Sinon… C’est comme de rouler avec le frein à main serré. Et tout en faisant ça, il faut s’arranger pour que le lecteur suive. ► Que les personnages du roman prennent la main ? Un peu comme le feraient des PJ (les protagonistes) face à un MJ (l’auteur) ? Quand tu relis tes productions romanesques, discernes-tu parfois/souvent les influences du jeu de rôle en filigrane ? Non, pas tout à fait comme les PJ le feraient face au MJ, ce serait trop facile et je saurais mieux le gérer – ils n’ont pas vraiment une volonté consciente, ils restent ta création, mais à un moment, tu commences à te rendre compte que tu les « tiens », qu’ils ont assez de réalité dans ta tête pour agir en fonction de logiques internes qui te semblent « bonnes », mais qui ne sont plus entièrement conscientes, et qui vont parfois à l’encontre de ce que tu avais plus ou moins planifié pour eux. Et là, faut les laisser faire, lâcher prise et avancer avec eux. Pour prendre un exemple : je ne m’attendais pas du tout à la chute de Revoir Rome. Ce n’est pas celle que j’avais en tête. Mais c’était la bonne. Pour les personnages. « Mes productions romanesques » donne l’impression que j’ai des rangées entières de romans derrière moi. C’est loin d’être le cas… Pour Opération Utopie, c’était directement un roman dans l’univers d’un jeu de rôle dont j’étais aussi l’un des concepteurs, mais un parmi cinq. C’était intéressant, d’ailleurs, de voir ce que je prenais de notre univers partagé. Quant à Revoir Rome, c’est une histoire… euh… para cthulhienne, disons, il se rattache donc à un autre univers littéraire… que j’ai aussi pas mal arpenté en jeu de rôle. ► Existe-t-il une méthode Tristan Lhomme pour aborder l’écriture d’un scénario de jeu de rôle ? En gros, quel est ton @!%& de secret !? Pub ! Il y a un long chapitre sur l’écriture de scénario – méthode Tristan Lhomme – dans le premier volume de la collection Sortir de l’auberge, aux éditions du LapinMarteau. C’était intéressant à écrire, parce que ça m’a fait formaliser un tas de petits trucs et de mini-réflexes accumulés au fil des années, dont pas mal dont je n’avais même plus conscience.

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► Une saine lecture en perspective. Un truc à éviter en revanche ? Ce qui pourrait valoir conseil pour ceux qui se sentiraient prêts à adresser un scénario à une rédaction de magazine ou à un éditeur.

leçon de Tim Powers dans Le poids de son regard : un personnage traumatisé, à moitié fou et/ou blessé est dramatiquement beaucoup plus intéressant qu’un cadavre.

Plein ! Le pire : oublier qu’il y a des joueurs dans l’équation, et construire une histoire où tout se joue entre PNJ. Avec des spectateurs qui regardent les PNJ s’expliquer entre eux et suivent vaguement ce qui se passe. Après, il y a beaucoup d’autres pièges : des histoires de logique interne à l’univers, de cohérence narrative, de suivi des faits et gestes des PNJ, d’excès ou de manque d’ambition... Mais ça nécessiterait un article à part entière (il faudra que je le propose à Coralie et Jérôme, tiens !).

► Et en tant que joueur, es-tu autant dans le « oui » ? Je veux dire par là, est-ce que tu aimes incarner un PJ, déjà, et te montres-tu exigeant visà-vis de la proposition formulée par le MJ ? En tant que joueur… eh bien, ce n’est pas glorieux, mais j’ai tendance à m’endormir dans un coin et à ronfler. Ce n’est pas la même adrénaline, et j’ai plus tendance à me laisser gagner par le ronron des conversations… et donc à piquer du nez. Quand je suis conscient, j’essaye d’être facilitant aussi. Pas forcément de la même manière, mais en tout cas, je n’ai jamais vu l’intérêt de s’opposer frontalement au MJ. Si je veux être joueur et conscient – conscient sur une longue durée, avec beaucoup d’adrénalines et de stress – je suis plutôt client pour le GN. Enfin, j’étais, parce que ça fait quelques années que je n’en ai pas fait.

► J’ai lu que tu testais rarement – ou jamais – tes scénarios avant qu’ils soient publiés. Les fais-tu jouer néanmoins ? Oui. Pas systématiquement, mais il m’arrive de faire jouer mes scénarios. Et pour autant que je me souvienne, les faire jouer après publication a toujours validé les choix faits pendant l’écriture. En termes de logiques internes, de déroulements probables, etc.

► Est-ce cette tendance à la somnolence qui a nourri ton intérêt pour Rêve de dragon ?

Je l’ai déjà dit, et souvent : chacun sa technique. Je connais des gens qui ne publient rien qui n’ait pas été testé plusieurs fois. Je ne fonctionne pas comme ça. ► D’ailleurs, quel genre de meneur de jeu es-tu lorsque tu prends place derrière le paravent ? Conciliant, facilitant, oublieux des règles et aussi théâtral que mes talents limités me le permettent. En gros, je suis plus volontiers dans le « oui » que dans le « non ». Sur table, je n’ai jamais sauté le pas du jeu « 100 % sans dés » parce que je considère qu’il faut garder une part de hasard – la noble incertitude du sport, comme disait l’autre. Mais en général, je me contente des bases du système de résolution, je taille sauvagement dans le reste des règles. Après, ça dépend des jeux ! À L’Appel de Cthulhu, j’ai retenu la

J’ai joué à Rêve de Dragon il y a bien longtemps, mais je n’ai jamais travaillé dessus. Denis Gerfaud suffisait à la tâche. Et ces parties de RdD du début des années 90 figurent parmi mes meilleurs souvenirs de joueur. Bon meneur de jeu, chouette groupe et chouettes parties. D’ailleurs c’est quoi un bon meneur de jeu de ton point de vue ? Quelqu’un qui est en phase avec son groupe. Qui n’oublie pas qu’il est au service des joueurs, et pas le contraire. Qui n’oublie pas que tout le monde est là pour passer un bon moment. Qui ne se défoule pas sur les joueurs. Ça me paraît être le minimum vital.

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Pour le formuler un peu autrement : j’ai beaucoup donné, comme joueur et meneur, dans le scénario d’enquête. J’ai vu des meneurs qui partaient du principe que les joueurs devaient impérativement piger les bons indices dans le bon ordre pour avancer, sinon, kaput, scénario fini. Et donc, s’employer à rendre malades de frustration des gens qui étaient là pour s’amuser… et, comble de l’idiotie, ne prendre aucun plaisir à bloquer les joueurs. Sinon, un autre truc, un bon meneur de jeu est quelqu’un qui a une idée à peu près claire du monde extérieur. De ce qui peut arriver ou non. Là, le GN m’a bien aidé. J’y ai régulièrement vu se produire des choses que j’aurais refusées comme MJ, parce « qu’impossibles ». Oui, on peut courir en armure de plates… ou dormir en cotte de mailles, même si c’est inconfortable au possible. ► Et l’histoire dans tout ça ? J’ai personnellement tendance à penser qu’on la construit ensemble, à partir de la proposition du meneur de jeu. D’interview en interview, je répète que les scénarios sont des propositions que l’auteur fait au MJ, qui les remet à sa sauce puis, à son tour, les propose aux joueurs. Il m’arrive de voir en convention des gens qui me félicitent pour des scénarios qu’ils ont joués, qui sont soi-disant des miens, mais où je ne reconnais que le titre, et encore. Leur MJ a mis son grain de sel, voire son marais salant. Et c’est très bien. Après, j’ai aussi tendance à penser que si le scénario est bon, il doit être jouable à peu près tel quel. Pardon, correction. Il « peut » être jouable. Et bien sûr, les joueurs font basculer l’histoire, dans un sens ou dans un autre, audelà de ce que le MJ peut prévoir. Tout ça pour dire qu’on est d’accord sur l’essentiel, même si je n’écarte pas la possibilité que le scénario convienne assez bien au MJ et aux joueurs pour être joué à peu près tel quel. ► Tu joues ou fais jouer à quoi en ce moment ? À rien. Je lis pas mal de jeux – Numenéra, Chill 3e édition, la 7e édition de L’AdC et je viens d’ajouter la VF de FATE à ma pile ; mais ça fait un moment que je n’ai pas joué. C’est l’un des problèmes du temps qui passe : on s’installe en banlieue, les joueurs sont dans la ville d’à côté ou plus loin, chaque partie devient

un casse-tête logistique, l’envie s’émousse et au bout d’un moment, on ne se retrouve plus que pour prendre des nouvelles les uns des autres. Ça reviendra – ça revient toujours – mais pour l’instant, c’est calme. Et ma dernière partie a été du Cthulhu, un peu avant la sortie de Sous un ciel de sang. Pour le coup, c’est un cas où j’ai fait jouer le scénario – Les Ténèbres au cœur de la montagne, celui qui se passe en Auvergne – entre le bouclage et la publication, et où j’ai rajouté un ou deux encadrés suite aux actions des joueurs, tiens. ► Le jeu pour lequel tu aurais aimé produire sans l’avoir fait ? Le train manqué ou la destination pour laquelle tu n’as jamais pris ton billet (pour l’instant) ? Hum. J’ai assez peu de regrets de ce type, en fait, parce que quand j’ai eu un coup de cœur, j’ai presque toujours réussi à faire des choses pour le jeu en question, que ce soit dans Casus ou directement pour l’éditeur. Il y a des jeux pour lesquels j’ai eu l’impression de ne pas faire assez, en revanche, par exemple Hawkmoon – et pourtant, j’en ai fait ! On peut aussi mentionner les jeux du Monde des ténèbres, pour lesquels j’aurais volontiers fait davantage mais qui n’ont jamais marché en France, victimes de sorties aléatoires et de traductions hasardeuses. Lesquels ? Tous et, pour ce qui me concerne, Vampire, Mage et Changeling en tête. Sinon, pour revenir sur les productions hexagonales, il y a Maléfices, bien sûr ! J’ai toujours regretté de ne pas avoir eu la possibilité de faire un livret de scénarios pour ce jeu. ► Justement, on apprend dans ta bio publiée sur le GROG qu’il s’agit d’un de tes jeux de référence. Pourquoi n’as-tu jamais signé quelque chose avec Michel Gaudo ? Ton style, ton goût pour l’intrigue (euh... en qualité d’auteur !) ton rapport à cette période de l’histoire semblent pourtant faire de toi un bon candidat. Ça a failli se faire à un moment, à la fin des années 80, et puis finalement c’est tombé à l’eau, et une fois passée, l’occasion ne s’est pas représentée. J’ai écrit une paire de scénarios dans Casus, mais ça n’a pas épuisé mon envie...

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Ceci dit, les regrets sont une chose, les réalités sont une autre : il n’y a pas si longtemps, j’ai eu l’occasion de faire des choses pour Hawkmoon… et je me suis rendu compte que ça ne m’intéressait tout bonnement plus. À part L’Appel de Cthulhu, il y a peu de jeux qui m’aient duré vingt-cinq ans. Si je reprenais Maléfices aujourd’hui, je ne sais pas ce que je pourrais y apporter d’intéressant ou d’original. ► Auteur de jeux de rôle, de romans, journaliste, un travail dans le domaine des jeux vidéo ; est-ce que tu n’as pas été tenté d’aller prospecter du côté du cinéma ou de la télévision ? Des opportunités de ce côté-là ? Il y a très longtemps, à une époque où on tapait encore à la machine, j’ai envoyé un projet de série télé à un producteur. Jamais eu de réponse ! Ça a été ma seule tentative dans cette direction. Mais bon, il ne faut jamais dire jamais. Qui sait ? ► As-tu un avis ou un regard sur ce formidable vivier que constituent les productions de jeux de rôle et de ce qui n’en est pas fait par l’industrie télévisuelle ou par le cinéma ? En sens inverse, quand on regarde les adaptations qui ont eu lieu, on se dit que ce n’est pas plus mal qu’il n’y en ait pas eu plus. Tu as eu l’occasion de voir des épisodes de Kindred – The Embraced ? Plus sérieusement, c’est compliqué, un jeu de rôle. Un univers fouillé, c’est bien, mais par définition, ça prend du temps à expliquer. Or, le temps, c’est quelque chose qui manque dans le cinéma. L’argent est là, mais pas le temps. Ça s’est plutôt exercé en sens inverse, avec la grande époque des licences – Ghostbusters, Star Wars… Mais bon, si Luc Besson lit cette interview, que le message soit clair : je suis disponible. ► Puisse-t-il s’intéresser aux colonnes du Maraudeur, rien que pour ça ! Quand tu écris, est-ce que tu raisonnes façon story-board ?

Ton scénario pour Cthulhu, dans le numéro 16 de Casus Belli, paraît très cinématographique sous certains aspects. La Danse du bouc ? Oui, c’est exprès. C’est une expérience où, justement, j’ai poussé la logique « cinéma » aussi loin que je le pouvais (mais quelqu’un comme Johan Scipion va beaucoup plus loin que moi). Plus

généralement, comment je raisonne ? Pour moi, la conception d’un scénario ressemble grosso modo à ceci : Phase 1 : des notes. Phase 2 : j’en tire un début, en général la scène d’ouverture et une explication de ce qui se passe en coulisse. Phase 3 : je laisse infuser quelques jours. Phase 4 : je rédige, en tirant les fils logiques, et sans rien m’interdire, même si ça part dans des directions imprévues. Phase 4 bis : je relis tout ça avec l’œil du « Bon, je suis le groupe de joueurs, est-ce que ça s’enchaîne logiquement de leur point de vue ? Que peuvent-ils faire ? » Phase 5 : je rabote pour que ça tienne dans le signage prévu.

► Elle apporte quoi de plus cette « logique cinéma » à ton avis ? Dans le cas précis de La Danse du bouc ? Je voulais faire un film d’horreur. Donc, je me suis coulé dans les codes du genre, qui ne sont pas exactement les mêmes que ceux d’un scénario « normal » de L’Appel de Cthulhu. Le jeu a été pensé pour simuler les nouvelles de Lovecraft et de ses proches successeurs, pas du cinéma. Il fallait donc rendre l’intention aussi explicite que possible, que les Gardiens des arcanes potentiels sachent dans quoi ils mettaient les pieds. Il y aurait un long développement à faire sur les genres dans le jeu de rôle, les attentes des joueurs et la manière de les combler sans leur donner exactement ce qu’ils veulent (sans ça, c’est trop prévisible). Je pars du principe qu’on peut tout faire avec tout, mais le fait

est que quand vous vous installez pour jouer à D&D, vos attentes ne sont pas les mêmes que si vous avez signé pour une partie de Vampire : le Requiem, par exemple.

faut. C’était vers 1984. Les éditions suivantes se sont contentées de changements cosmétiques, du type : « Ciel, la base des compétences universitaires passe de 0 % à 1 % ! »

► As-tu un avis sur ce que l’on met de soi, intimement, lorsqu’on écrit ?

Les règles de la 6e édition de Sans-Détour ont apporté des changements notables et je les ai lues avec intérêt, sans pour autant en adopter toutes les innovations.

Si on est un minimum sincère, toujours un peu plus que ce qu’on voudrait ; mais j’ajoute que l’écriture du jeu de rôle facilite bien plus la dissimulation que l’écriture romanesque. Il est beaucoup plus simple de garder un masque « objectif » dans le jeu de rôle, même si on y puise dans ses souvenirs d’enfance, sa vie présente, et ainsi de suite. ► Un mot sur ton actualité éditoriale ? Des projets qui se concrétisent, des choses dans les cartons qui ne devraient pas tarder à en sortir ? Vient tout juste de sortir : Aventures effroyables, le recueil de scénarios pour la 7e édition de Cthulhu. J’en ai rédigé environ la moitié, quatre des huit scénarios, et j’ai pris soin d’inclure des scénarios différents. Va sortir bientôt : le livre sur la maîtrise de jeu au Lapin-Marteau (Mener une partie de jeu de rôle). Sortira un peu plus tard : un Paris by Night pour Vampire : le Requiem, dans Casus (une grosse aide de jeu). Après, il y a encore des choses, mais c’est plus nébuleux. ► Et si on utilise un télescope pour y voir d’un peu plus près ? On ne voit rien de plus, parce que je ne veux pas faire de promesses de Gascon sur des projets incertains, à discuter avec l’éditeur, pas signés et tutti quanti ! Et puis bon, je suis comme tout le monde, les journées n’ont que vingt-quatre heures, et je sais déjà que certains projets risquent de tomber dans une trappe, pas par ma faute, juste parce que bon, les priorités changent... Le temps manque, et la vie normale prend le dessus. ► Quel est ton regard sur la progression de L’Appel de Cthulhu depuis l’édition de 1981 ? Ton avis sur la septième édition ? Des trucs que l’on y trouve (enfin), des choses qui manquent (encore) ? Ce qui m’étonne toujours, ce n’est pas tant la « progression » du jeu que sa longévité et le foisonnement des suppléments. Dans mes jeunes années, j’ai appris la 3e édition par cœur ou peu s’en

La 7e édition est encore différente. Par rapport à la 6e française, elle est le produit d’un développement parallèle, et c’est très intéressant de voir où elle rejoint certains éléments de la 6e française, où elle apporte des réponses différentes à certaines lacunes des cinq premières éditions… Et puis, j’apprécie que cette édition soit le produit d’années de jeu et de « règles maison », testées sur de nombreux groupes, puis compilées et mises en musique par Paul Fricker et Mike Mason. ► Tu entends Tristan ? L’heure du compte à rebours final a sonné. Ah, c’est ça ce « tic tac » ? Bon, décomptons ensemble alors… ► 5… Ton cinquième élément à toi ? Celui qui transcende tous les autres ? Je vais dire un truc bizarre, mais… l’honnêteté est la première réponse qui me vient. Dans le boulot, déjà – il m’est arrivé d’accepter des projets qui, en définitive, me laissaient « sec » et sans idées. J’ai appris (à la dure) que dans ce cas-là, il valait mieux lâcher l’affaire, quitte à se fâcher avec le commanditaire, plutôt que de s’obstiner à produire des trucs qui, au bout du compte, ne seront pas bons. Et à un autre niveau, dans l’écriture. Si on n’est pas… je ne sais pas quel est le mot qui convient, mais disons « sincère » dans ce que l’on fait, ça se voit toujours. ► 4… La quatrième dimension que tu explores, lorsque tu n’écris pas, ne joues pas ou ne lis pas ? La traduction n’est pas exactement de l’écriture, donc on va dire ça. C’est une gymnastique intellectuelle bien différente de la rédaction, sans doute moins gratifiante, mais infiniment plus simple – même les pires prises de tête terminologiques sont une promenade de santé par rapport à la création pure.

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► 3… Le tiercé de jeux ou de suppléments qui mériteraient une réédition selon toi ? En général, ou les miens ? Si c’est des miens qu’il est question, je serais content de voir une réédition de Selenim, et une autre d’Aventures extraordinaires & Machinations infernales ; le premier à l’identique, parce que je ne vois pas ce que je pourrais y rajouter, et le deuxième… revu, amplifié et mieux centré, parce que dans mon inexpérience j’ai essayé d’écrire deux jeux en un, le premier sur Jules Verne et le second sur le roman-feuilleton. En troisième position, mais sensiblement plus loin, ce que j’ai fait pour Berlin XVIII qui, mine de rien, occupe la deuxième position dans la liste des jeux pour lesquels j’ai le plus écrit. Si c’est en général, c’est plus compliqué. Les Contrées du rêve pour L’Appel de Cthulhu est aux abonnés absent depuis fort longtemps, et mériterait de revenir dans les préoccupations de Chaosium (et de SansDétour). Dans les jeux de Multisim, pour lesquels je conserve une affection toute particulière, la première édition de Guildes m’a beaucoup fait rêver, bien plus que la seconde. Quant au troisième choix… Over the Edge, alias Conspirations en VF, mériterait une nouvelle édition. J’en garde le souvenir d’une sacrée claque créative… ► 2… Les deux romans que tu peinerais à départager si tu devais n’en amener qu’un seul dans tes bagages ? L’île mystérieuse, déjà. Jules Verne a été l’un de mes premiers coups de cœur littéraires – je devais avoir sept ans, et j’y reviens de temps en temps. Pour le deuxième, je piocherais au hasard dans les piles de bouquins qui s’amoncellent sur mon bureau et dans mon grenier, avec la certitude de tomber sur quelque chose que je n’ai pas lu…

En revanche, je n’ai pas rendu à Anne Vétillard l’hommage qu’elle mérite, et les innombrables « mercis » que je lui dois pour tous ces brainstormings au cours desquels elle m’a servi de « script doctor » ; parce que même si j’écris sans tester, ça ne veut pas dire que je ne consulte personne – au contraire, quand je me perds dans une intrigue, j’ai besoin d’en parler, et Anne est généralement de très bon conseil. ► 0… Le truc que tu reprendrais bien du début ? Pour le plaisir ou pour faire différemment. Rien ! J’ai déjà donné il y a deux ans avec Le Musée de Lhomme, je ne rejouerai pas le même sketch sur autre chose. ► Allumage… Une idée – même un peu folle – que tu aimerais vraiment vivre, conduire à destination, dans un futur proche ou lointain ? Des trucs un peu fous, j’en ai plein mon disque dur. La plupart sont périmés – chez moi, une idée à intérêt à être utilisée vite si elle ne veut pas disparaître dans mon dossier « Limbes ». On y trouve des tas de trucs à moitié ébauchés, des idées qui n’ont jamais pris leur envol et des choses inachevées faute de motivation. J’aimerais vraiment avoir le temps de produire quelques gros suppléments pour L’Appel de Cthulhu – j’ai une assez solide ébauche d’une nouvelle époque historique sur mon disque dur qui mériterait d’être développée et accompagnée d’une campagne, mais c’est un boulot quasi à plein temps pendant un an, minimum. J’ai aussi plusieurs canevas de campagnes années 20… Bref. Sinon, écrire un best-seller hors jeu de rôle, mais ce genre de rêve, c’est un peu comme de gagner au loto…

► 1… La personne à laquelle tu songerais spontanément si tu devais adresser une salve de pensées positives et reconnaissantes à quelqu’un qui a compté dans ton parcours d’auteur ? Il y en a eu beaucoup, et j’en ai déjà évoqué par mal dans d’autres interviews : Pierre Lejoyeux, Pierre Zaplotny, Denis Gerfaud et Keith Herber sur lesquels je me suis modelé lorsque j’ai écrit mes premiers scénarios ; Didier Guiserix, Pierre Rosenthal et Agnès Pernelle de Casus, qui m’ont appris à écrire…

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Propos recueillis par Laurent SÉRÉ

Faites entrer l’accusé – L’assassinat de Sam Giancana

Giancana emporta avec lui les secrets d’une vie où on croise, entre autres, Al Capone, Franck Sinatra, JFK et des responsables de la CIA. Son meurtre n’a jamais été résolu.

L’assassinat de Sam Giancana

La figure du mafieux italo-américain est devenue un archétype de la culture populaire qu’on retrouve dans tous les médias, jeux de rôle compris. Mythifié, ce personnage peut être l’antagoniste insaisissable grâce à ses mille alliés, le mal nécessaire avec qui on doit passer des arrangements, un archétype presque cocasse par la façon dont il se met en scène ou un individu tragiquement shakespearien illustrant les méfaits de l’ambition immorale qui propulse aux sommets mais conduit à la déchéance finale, à la solitude au milieu de cadavres de proches ou à la mort. La vie et la mort, bien réelles, de Sam Giancana semblent illustrer presque parfaitement l’ensemble de ces caractéristiques fictionnelles et certaines anecdotes le concernant inspirèrent même Mario Puzo lorsqu’il écrivit son roman Le Parrain. Assassiné en 1975,

Le 19 juin 1975, alors qu’il était tranquillement en train de faire cuire des saucisses sur son barbecue dans sa villa d’Oak Park, dans la banlieue ouest de Chicago, le boss mafieux déchu Sam Giancana est abattu d’une balle tirée à l’arrière de la tête. Son ou ses assassins ne se contentent pas de cette exécution ; ils prennent le temps de retourner vers le cadavre, de le mettre sur le dos et de lui tirer six balles tout autour de la bouche. Cette dernière action peut être vue comme une simple façon de profaner le cadavre d’un ennemi haï mais sonne comme un avertissement. En effet, Giancana avait été convoqué comme témoin devant une commission sénatoriale, la Commission Church, chargée d’examiner l’action des services de renseignement états-uniens suite à divers scandales retentissants. Tirer sur sa bouche post-mortem semblait signifier qu’on voulait même l’empêcher de parler par delà la tombe.

Événement traité :

L’assassinat du mafieux Sam Giancana.

Époques et lieux

Les États-Unis entre la fin de la prohibition et le milieu des années 70.

Personnalités ou La Mafia italo-américaine, la CIA, le clan Kennedy, Franck Sinatra et beaucoup organisations associées à de célébrités des années 40 aux années 70. cette histoire

Inspirations pour

Chroniques mafieuses, jeux d’espionnage, jeux à conspiration.

Principaux jeux pouvant servir à utiliser cette histoire

Jeux contemporains (fantastique ou non) offrant un système de jeux permettant de jouer des criminels sur une longue période, jeux d’espionnage, Hellywood, Luchadores, Delta Green, Night’s Black Agents, les jeux du Monde des Ténèbres.

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Sam Giancana Même si des soupçons ont pesé sur différents tueurs de la Mafia, le ou les exécutants n’ont jamais été formellement identifiés, pas plus que les commanditaires de ce crime ou leurs motivations. Sam Giancana ne manquait pas d’ennemis et il est possible de trouver des mobiles potentiels tout au long de sa tumultueuse existence.

Grandeur et décadence d’un patron mafieux Salvatore Giancana, dit Sam (mais également « Momo », « Mooney », « Sam the Cigar » ou « Sammy ») est né le 15 juin 1908 dans le Little Italy de Chicago, de parents immigrés siciliens. Adolescent pendant la prohibition, Sam Giancana rejoint le Forty-Two Gang, une bande de jeunes délinquants particulièrement brutaux fondée en 1925 et dirigée par Joseph Esposito (1872-1928) qui utilise les membres du gang pour des braquages, différents cambriolages, la sécurité de son trafic d’alcool et des règlements de comptes. Giancana y gagne rapidement une réputation d’excellent conducteur dans les poursuites en voiture avec la police et de tueur vicieux. En 1928, Esposito, qui était en conflit avec Al Capone et le syndicat du crime de l’Illinois (le Chicago Outfit), est assassiné.

Le Forty-Two Gang et Sam Giancana l’ont certainement trahi et sont probablement mêlés à cet assassinat. Dès lors, le Forty-Two Gang devient une sorte de sous-traitant criminel du Chicago Outfit. La bande est considérée comme trop incontrôlable pour être véritablement admise au sein des cercles dirigeants de la pègre mais est utile pour faire le sale boulot. Toutefois, en dépit des défiances que suscite son appartenance à ce gang de criminels trop peu réfléchis, Giancana se fait admettre progressivement, à partir du milieu des années 40, dans le petit cercle des patrons du crime organisé de Chicago qui ont succédé à Al Capone après son arrestation de 1932. Le successeur officiel d’Al Capone est d’abord Frank Nitti (1888-1943) mais les vrais dirigeants semblent être Paul Ricca (1897-1972) et Tony Accardo (1906-1992) qui réorganisent la pègre de Chicago pour l’adapter à la fin de la prohibition. Paul Ricca et Tony Accardo sont également les associés du vrai patron de la pègre aux États-Unis, Lucky Luciano (1897-1962), qui structure la criminalité organisée des États-Unis comme une entreprise ; une organisation qui se maintiendra après l’arrestation de Luciano en 1937 et son exil vers la Sicile en 1946. La progression de Sam Giancana dans l’organisation va passer par un certain nombre de coups d’éclat qui vont lui permettre de passer du statut d’homme de main à celui de lieutenant important dans l’organisation, avant d’en prendre la tête. Ainsi, en 1942, il force le chef d’orchestre de jazz Tommy Dorsey à libérer gratuitement Franck Sinatra de ses obligations contractuelles avec son orchestre afin que la carrière du chanteur en solo puisse prendre un nouvel élan. Cette histoire servira d’inspiration à la fameuse « offre qu’il ne pourra pas refuser » dans Le Parrain. À partir de 1945, Tony Accardo lui confie la gestion de la loterie clandestine dans le quartier afro-américain de Chicago, tenu jusque là par les gangs d’Eddie Jones, Theodore Roe et « Big Jim » Martin. Il force le premier à l’exil hors des États-Unis, fait abattre le second en 1952 et fait tirer deux balles dans la tête du troisième (qui survit à ses blessures) alors que celui-ci se trouvait à Mexico. Sorti vainqueur de la guerre des jeux, Giancana fait gagner des millions de dollars au Chicago Outfit et Tony Accardo finit par lui laisser la place de patron en 1957, se conservant pour lui-même un rôle de consigliere et d’éminence grise influente qu’il conservera jusqu’à sa mort en 1992. À son zénith, Giancana bénéficie aussi de coups de chance. Ainsi, cette même année 1957, il participe à la grande réunion d’Apalachin, qui réunit une

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centaine de mafieux qui doivent discuter de partages de territoires et de certaines de leurs activités. Alertés par les étranges cortèges de voitures, la police locale et le FBI organisent une rafle importante et arrêtent de nombreux criminels. Mais Giancana réussit à s’échapper. Influent dans la pègre et proche d’artistes en vue (c’est un ami personnel de Franck Sinatra et de Dean Martin, et l’amant de nombreuses starlettes), Giancana développe également ses relations politiques, notamment avec les Kennedy, et passe un accord avec le patriarche du clan, Joseph Kennedy. Ce dernier, dont la fortune a explosé pendant la prohibition sans qu’il soit possible de prouver une implication dans le trafic d’alcool, a réalisé de nombreuses escroqueries boursières mais a également été le premier président (entre 1932 et 1935) de la SEC (Securities and Exchange Commission – l’organisme fédéral US de contrôle des marchés financiers), créée par la Maison-Blanche pour encadrer les marchés financiers et éviter des crises comparables à celle de 1929. À ceux qui s’étonnaient de la nomination d’un escroc notoire pour diriger ce nouvel organisme, Franklin D. Roosevelt déclarait « On a besoin d’un escroc pour en attraper un autre ». Joseph Kennedy avait une ambition dévorante, avait rêvé d’être ministre sans y parvenir et avait transféré son désir d’ascension politique sur ses fils. Kennedy senior a recours aux services de Giancana pendant la primaire démocrate à laquelle concourt son fils, John Fitzgerald Kennedy, afin que le mafieux use de son influence dans les syndicats pour que ces derniers soutiennent la candidature de JFK, l’aidant à remporter l’investiture démocrate. À partir de cette date, Giancana partage avec John Fitzgerald Kennedy (également ami de Sinatra) une de ses maîtresses, Judith Campbell, qui passera discrètement des messages entre les deux hommes. JFK élu face à Richard Nixon en novembre 1960, Giancana peut alors légitimement espérer être au fait de sa puissance : il est non seulement devenu un faiseur de roi mais la Mafia italo-américaine est largement associée aux tentatives de la CIA pour éliminer Fidel Castro à Cuba. En effet, la pègre US exerçait un quasicontrôle sur l’île jusqu’à la chute du dictateur Fulgencio Batista ; en 1946, Lucky Luciano, en route pour son exil sicilien, avait organisé la grande réunion de tous les parrains du pays au Nacional Hotel de La Havane, hôtel qu’il avait acheté pour l’occasion. Si l’influence mafieuse avait été grandement réduite avec l’arrivée

des communistes, l’organisation gardait sur place de nombreux contacts et le souhait de récupérer son influence sur «  le bordel de l’Amérique  », comme on surnommait Cuba jusqu’en 1959. Bref, Giancana (dont les contacts avec la CIA ont été prouvés par des documents déclassifiés de l’agence en 2007) pouvait être considéré comme une personnalité à l’influence nationale occulte mais incontournable. Mais rien ne se passera comme prévu.

Giancana, Judith Campbell et JFK

Alors que Giancana pouvait espérer que la justice, dirigée par le nouvel Attorney General, Robert Kennedy, le laisserait en paix, le frère de JFK se lance dans une grande campagne anti-mafieuse. Le clan Kennedy rompt avec ses attaches troubles et coupe les ponts, entre autres, avec des personnalités compromises comme Franck Sinatra. Malgré cette première entaille dans le contrat, la Mafia assiste la CIA dans l’opération de la baie des Cochons – le débarquement le 17 avril 1961 de 1 500 Cubains anticastristes pour renverser le régime castriste après que l’aviation US a bombardé (le 15 avril) les aéroports et aérodromes du pays, détruisant une grande partie des avions au sol (civils et militaires). Dans cette opération, Giancana et le patron mafieux de Floride Santo Trafficante Jr. (qui fut lui-même brièvement emprisonné à Cuba lors de l’arrivée de Castro au pouvoir) ont fourni une importante aide logistique. Mais le plan est un échec complet. Le débarquement a lieu dans une région rurale où les paysans pauvres ont largement profité de la réforme agraire mise en place par les castristes et ne suivent pas les insurgés comme le plan le prévoyait. L’intervention de la milice et des troupes de Fidel Castro, appuyées par la dizaine d’avions militaires cubains encore en état, met l’envahisseur en déroute et les combattants anticastristes se rendent à l’armée cubaine le 19 avril. En outre, contrairement à ce qu’espérait Allen Dulles, le directeur de la CIA, la Maison-Blanche,

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mise devant le fait accompli et à qui il espérait forcer la main, refuse de soutenir les anticastristes par une opération militaire de grande ampleur. L’opération de la baie des Cochons est un fiasco intégral : la révolution cubaine en sort renforcée et se rapproche considérablement de l’URSS (ouvrant la voie à la crise des missiles de 1962). Kennedy lance une purge au sein de la CIA et Allen Dulles doit présenter sa démission en novembre 1961. Ses adjoints liés au désastre sont contraints de faire de même en janvier 1962. Mafieux et barbouzes placardisées ou virées garderont une féroce rancœur envers le clan Kennedy. Le 22 novembre 1963, JFK est assassiné à Dallas. Son assassin présumé, Lee Harvey Oswald, ne fut jamais jugé. En effet, il fut assassiné devant les caméras de télévision filmant sa sortie du commissariat par Jack Ruby, un patron de boîte de strip-tease de Dallas avide de reconnaissance publique mais également connecté à des associés de Santo Trafficante Jr, le parrain de Floride. Certains auteurs prétendront que Ruby a assassiné Oswald sur ordre de la Mafia de Chicago (et donc, en partie, de Giancana) pour empêcher Oswald de parler. Ruby, pour sa part, plaida la folie durant son procès mais fut condamné à mort en 1964. Il fut interrogé en prison par la commission Warren, responsable de l’enquête sur l’assassinat du président, mais son état de santé s’était nettement détérioré durant sa détention et ses propos étaient de plus en plus incohérents. Avant de l’interroger, les membres de la commission Warren avaient plusieurs fois refusé de l’entendre et ne finirent par accepter qu’après que la sœur de Jack Ruby a rendu publiques des lettres de son frère demandant à être auditionné. Le système pénal US n’aura pas le temps d’appliquer la peine capitale : Ruby meurt d’un cancer des poumons en 1967 à Dallas. Giancana ne profite pas de la disparition de JFK. Le Chicago Outfit se lasse de ce personnage fantasque qui s’affiche avec des vedettes, multiplie les aventures voyantes avec des starlettes et se montre bien trop cupide dans la répartition des bénéfices des casinos que la mafia de Chicago possède en Iran et en Amérique centrale. Convoqué pour témoigner devant un grand jury pour une affaire criminelle en 1966, Giancana est contraint par Paul Ricca et Tony Accardo, les deux truands l’ayant placé à la tête du Chicago Outfit, de rester complètement silencieux. Cette attitude lui vaut une condamnation à un an de prison, période durant laquelle il est renversé par Ricca et Accardo qui nomment à sa place Joseph Aiuppa (1907-197).

Jack Ruby s’apprêtant à tirer sur Lee Harvey Oswald

En 1967, Giancana quitte les États-Unis pour le Mexique mais le contentieux avec le Chicago Outfit ne prend pas fin pour autant. Accardo veut une partie des bénéfices des casinos que Giancana contrôle encore. Giancana se cache alors à Cuernavca, au Mexique mais il est arrêté par les autorités fédérales mexicaines en juillet 1974 et extradé vers les États-Unis. Il s’installe à Oak Park, dans l’Illinois ; sa dernière demeure.

Un crime, beaucoup d’ennemis et un contexte politique troublé Au début des années 70, les citoyens états-uniens sont confrontés à une série de révélations sur les actions illégales menées par leurs services de renseignements. En janvier 1970, Christopher Pyle, un ancien capitaine de l’US Army devenu journaliste, révèle que l’armée états-unienne dispose d’un programme illégal d’espionnage des manifestations politiques sur le sol

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national. Le sénateur démocrate Sam Ervin lance une enquête sur ces pratiques qui amènera d’autres révélations sur les usages des services secrets. Des journalistes comme Seymour Hersh révèlent d’autres secrets embarrassants pour le monde du renseignement états-unien et le Pentagone, notamment des crimes de guerre au Vietnam. C’est dans ce contexte qu’éclate le scandale du Watergate qui conduira à la démission de Richard Nixon en 1974 et que, le 6 mars 1975, les Étatsuniens, sous le choc, découvrent pour la première fois à la télévision la vidéo de l’assassinat de JFK tourné par Abraham Zapruder. Les troublants mouvements de tête du défunt président sous l’impact des balles alimentent alors toutes les théories.

Pour d’autres auteurs associant la mort de Giancana à la Commission Church, c’est le boss mafieux de Floride Santo Trafficante Jr. qui aurait commandité cet assassinat, craignant que Giancana n’en dise trop sur ses relations avec la CIA, poussant le Sénat à s’intéresser de trop près à son organisation. Selon cette théorie et compte tenu des règles en vigueur dans la Mafia, Trafficante n’aurait pas pris cette initiative sans avoir, au préalable, l’accord du Chicago Outfit de Tony Accardo et Joseph Aiuppa puisque Giancana était un ancien membre de l’Outfit et qu’il vivait sur leur « territoire ».

La défiance des citoyens envers les institutions gouvernementales est à son paroxysme et le Sénat se saisit de la question du renseignement en créant en 1975 une commission paritaire présidée par le sénateur démocrate Franck Church. Cette commission bénéficie de la collaboration du directeur de la CIA de l’époque, William Colby, qui, dans le cadre d’une guerre interne à l’agence, compte dénoncer les actes illégaux du passé pour faire le ménage et se débarrasser de certains anciens et influents cadres de la CIA. La Commission Church travaille, notamment, sur les assassinats de différents dirigeants étrangers par la CIA mais également sur des tentatives d’assassinat, comme celles contre Fidel Castro. C’est à ce titre que Sam Giancana est convoqué mais, assassiné en juin 1975, il n’eut jamais la possibilité de témoigner. La police, sachant très bien que Giancana était menacé, faisait surveiller sa villa d’Oak Park ; mais le jour de son assassinat, il n’y avait aucune présence policière. La concomitance de son assassinat avec les travaux de la Commission Church et l’étonnante disparition de ses gardes du corps de la police ont poussé certains commentateurs à considérer que les services de renseignement états-uniens avaient joué un rôle dans le meurtre de Sam Giancana. Ils faisaient ainsi taire définitivement un ancien contact devenu encombrant et susceptible de beaucoup trop parler devant les sénateurs. Cette thèse fut toujours dénoncée par le directeur de la CIA de l’époque, William Colby.

Santo Trafficante Jr. On notera qu’environ un an après Giancana, un autre mafieux associé à la CIA dans les tentatives d’assassinat contre Fidel Castro, John Roselli (19051976), et également convoqué par la Commission Church, fut assassiné après avoir témoigné devant les

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sénateurs en septembre 1975. Son corps (découpé et abandonné dans des barils d’essence) fut retrouvé en Floride en août 1976. Santo Trafficante Jr. est généralement considéré comme le donneur d’ordre de cette exécution. Certaines théories entourant la mort de JFK présentent Roselli comme le supposé deuxième tireur lors du meurtre du président assassiné et expliquent son élimination ainsi. Mais on notera que, comme Giancana, il avait des relations tendues avec ses associés à cause de partage de bénéfices de casinos. Les leaders du Chicago Outfit Joseph Aiuppa et Tony Accardo sont fréquemment présentés comme les commanditaires de l’assassinat de Giancana mais pour des motifs n’ayant pas de liens avec la Commission Church : Giancana refusait toujours de verser à l’Outfit la part que ce clan réclamait sur les bénéfices des casinos à l’étranger. Selon William J. Corbitt – un policier de Chicago corrompu qui travaillait pour l’Outfit et qui devint un témoin protégé après une arrestation pour meurtre et une peine réduite en échange de sa collaboration avec la justice – Aiuppa prit le contrôle des casinos étrangers de Giancana peu de temps après son assassinat et, ne commettant pas la même erreur que son prédécesseur, se montra assez égalitaire dans la répartition des bénéfices. Toutefois, même si ce témoignage est vrai, ce n’est pas parce que Joseph Aiuppa profita du décès de Giancana qu’il en fut l’instigateur. Un autre repenti, l’ex-tueur à gages de l’Outfit Nicholas Calabrese, déclara au FBI dans les années 2000 que Tony Accardo avait été, au minimum, codécideur de l’exécution de Giancana et que certains de ses hommes s’étaient chargés de l’organisation. Il ne faut pas totalement exclure que les thèses évoquées ci-dessus soient toutes en partie exactes ou aient toutes contribué à la décision d’exécuter Sam Giancana. Dans l’ouvrage qu’il a consacré à ses années en tant que policier associé à l’Outfit, William J. Corbitt déclare qu’il avait discuté de l’assassinat de Sam Giancana avec un dirigeant de l’organisation et que celui-ci lui avait dit : « Il n’y a jamais seulement une raison unique pour le genre de merdier qu’a connu Sam, il y a toujours des millions de raisons ». Des tas de mobiles différents qui ont poussé certains à tuer Sam Giancana, d’autres à aider à cette exécution, d’autres encore à laisser faire tandis que les derniers n’étaient pas informés mais n’ont pas regretté ce qui lui était arrivé ; sans qu’il soit possible de savoir avec certitude qui placer dans ces différentes catégories.

Lorsque la Commission Church termina ses travaux en 1976, la plupart de ses rapports furent classés confidentiels et restèrent secret-défense jusqu’en 1992. Toutefois, cette commission avait ouvert la voie à un contrôle parlementaire des services de renseignement et à des travaux d’enquête plus larges et, à la suite du Sénat, la Chambre des représentants lança le HSCA (House Select Committee on Assassinations – commission spéciale de la Chambre des représentants sur les assassinats de John F. Kennedy, Bobby Kennedy et Martin Luther King) après les élections de 1976. Cette commission, désormais largement oubliée, travailla de 1976 à 1978 et remit son rapport en 1979. Dans le dossier JFK, elle concluait que Lee Harvey Oswald était le tueur mais qu’il y avait un autre tireur et que JFK avait été assassiné par une conspiration qui n’était ni la Mafia, ni la CIA mais qui avait pu impliquer des membres de ces organisations. Le HSCA recommandait une réouverture de l’enquête par le ministère de la Justice mais cette demande ne fut jamais suivie d’effets. En 2003, Robert Blakey, chef de cabinet de la commission, devenu par la suite un professeur de droit respecté aux États-Unis et spécialiste des législations contre le crime organisé, déclara dans un article sur le HSCA que la CIA (qui n’était plus alors dirigée par William Colby, remplacé en 1975 par le futur président George H. Bush) avait tout fait pour empêcher cette commission de faire son travail et qu’il était certain que jamais la pleine lumière ne serait faite sur les assassinats étudiés, ni sur les liens de la CIA avec la Mafia. On ne saura jamais ce que Sam Giancana aurait pu dire sur le sujet, mais beaucoup extrapolent sur les révélations qu’il aurait pu faire. À sa mort, Sam Giancana était devenu infréquentable et très peu de personnes assistèrent à ses funérailles. Ses anciens amis, et notamment Franck Sinatra, ne se déplacèrent pas.

Que faire de cette affaire en jeu de rôle ? Par sa carrière criminelle et son assassinat, Sam Giancana offre un panorama du crime organisé aux États-Unis de la fin de la prohibition à la moitié des années 70, soit, à peu près, la période couverte par la trilogie Le Parrain. Il est envisageable d’imaginer une

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campagne complète centrée sur l’ascension (puis la chute ?) de PJ qui seraient les bras droits de Giancana (ou de Tony Accardo) en brodant sur des événements allant des années 30 au milieu des années 70. Les scénarios des jeux vidéo Mafia  : The City of Lost Heaven et Mafia II, les films de la trilogie Le Parrain ou Scarface mixés avec les éléments réalistes de la vie de Sam Giancana pourraient servir d’inspiration à un tel projet. Les PJ pourraient alors commencer comme de simples braqueurs ou hommes de main et s’élever dans la hiérarchie en élargissant également les contacts à d’autres milieux (politique, show-biz, renseignement, etc.). N’importe quel système de jeu d’univers contemporain (si possible avec des mécanismes permettant de jauger la déchéance morale d’un personnage) pourrait servir dans une telle campagne de longue haleine.

mondiale contre les espions nazis avec le soutien de syndicats contrôlés par la pègre, surveillance illégale d’opposants « communistes » aux États-Unis, opérations anticastristes ou autres théâtres d’opérations où la Mafia pourrait fournir des couvertures via ses affaires « légales » à l’étranger ou un appui logistique. Dans une telle campagne, Sam Giancana pourrait devenir un PNJ récurrent jusqu’à sa convocation par la Commission Church, offrant aux PJ eux-mêmes un mobile pour l’assassiner. Peu de jeux de rôle ont un background se déroulant dans les années 40-70, les années de gloire de Sam Giancana. Parmi eux, on citera toutefois Hellywood (se déroulant en 1949) où les PJ pourraient, par exemple, avoir à protéger un jeune afro-Américain de Chicago (de la famille d’un de leurs camarades de régiment de la Seconde Guerre mondiale ou leur ayant lui-même sauvé la vie pendant le conflit) poursuivi par Giancana et ses sbires dans le cadre de la guerre des loteries. Ils pourraient alors progressivement découvrir que, loin de devoir seulement protéger un ami contre un petit gang rival, c’est l’Outfit et ses connexions dans tous les milieux qu’ils sont en train de défier. Luchadores, qui se passe dans une île fictive des Caraïbes dans les années 60-70, pourrait permettre de mettre en scène un adversaire construit sur la personnalité de Sam Giancana, ou Sam Giancana luimême. L’Outfit disposait de casinos dans les Caraïbes et pourrait décider que Los Murcielagos est un bon point de repli pour rapatrier les activités perdues à Cuba, servir de tête de pont pour une redite plus ambitieuse de l’offensive de la baie des Cochons ou pour des opérations illégales diverses. Pour ce faire, les mafieux pourraient compter sur l’appui discret de barbouzes et également pactiser avec les créatures de l’Espirale Grande.

Tony Accardo Dans un registre lié à l’espionnage (et en utilisant le système de jeu d’un JdR traitant de ces thèmes), on peut envisager une campagne mettant en scène, également sur une large période, des agents de l’OSS puis de la CIA amenés à traiter régulièrement avec la Mafia pour des opérations illégales – surveillance des docks de la côte Est pendant la Seconde Guerre

Puisqu’on en est à l’implication de Giancana dans des îles des Caraïbes, rappelons que, dans la VF (en VO, c’est une île méditerranéenne), l’île d’Al Amarja, cadre du jeu Conspirations / Over The Edge, s’y trouve et que l’ambiance et les thèmes du jeu se prêtent particulièrement bien à des développements fantaisistes sur l’assassinat de JFK. Et si, souhaitant se mettre au vert, le « deuxième tireur » de Dallas était envoyé par l’Outfit à Al Amarja pour gérer sur place des affaires de la Mafia de Chicago ? Et si, lors de la rupture entre Tony Accardo et Sam Giancana, il avait misé sur ce dernier et que, menacé après la chute ou la mort de son favori, il comptait utiliser ce qu’il sait

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sur le meurtre de JFK pour obtenir une protection ? La rumeur de la diffusion d’informations sensibles serait susceptible de provoquer bien des remous dans l’île et les PJ pourraient s’y trouver mêlés en étant utilisés comme pigeons par le mafieux en fuite pour prendre les risques à sa place ou comme enquêteurs. Le jeu se prête même à l’option d’un Giancana encore en vie et lui-même sur l’île. Il aurait pu simuler sa mort, les tirs autour de la bouche de son « cadavre » ne servant qu’à détruire le visage et les empreintes dentaires de celui qui le remplace à la morgue et il aurait fait jouer ses relations dans la police pour remplacer les empreintes digitales enregistrées dans son dossier par celles de la vraie victime.

événement dramatique de l’histoire états-unienne dans un contexte fantastique ou super-héroïque en posant le fait qu’Oswald n’a pas agi seul et qu’il était manipulé par une conspiration secrète et/ou un criminel aux capacités surhumaines. Mais si on considère que Lee Harvey Oswald avait vocation à être un pigeon endossant seul la responsabilité du crime, alors cela implique une très probable complicité directe ou indirecte de Jack Ruby, l’assassin d’Oswald, un point permettant de faire entrer en scène Sam Giancana.

Une de presse fictive annonçant la survie de JFK

L’assassinat de JFK a également donné lieu à de nombreuses histoires de voyages dans le temps ou d’uchronies se posant la question de ce qui serait advenu (pour le meilleur – développement de la conquête spatiale – ou pour le pire – guerre mondiale Est-Ouest) si le président n’avait pas été abattu à Dallas en 1963. De la série La Quatrième dimension à Stephen King dans 22/11/63, beaucoup d’auteurs et de scénaristes se sont penchés sur le sujet. Si on envisage Sam Giancana comme coresponsable

L’assassinat de JFK a été de nombreuses fois utilisé dans les œuvres de fiction. Dans X-Files, l’homme à la cigarette est le vrai tueur ; dans le film (pas la BD) Watchmen, il s’agit du Comédien ; dans X-men : Days of the Future Past, Magneto y est mêlé ; et dans la version Ultimate de Captain America, l’assassin est Red Skull. Ces exemples illustrent la possibilité d’installer cet

Une preuve des liens entre Jack Ruby et Sam Giancana (par exemple, un ordre de virement de fonds d’une société de l’Outfit vers Jack Ruby ou un membre de sa famille daté de novembre 63, une photo volée de Ruby et Giancana datant de la même époque) pourrait alors devenir un enjeu intéressant beaucoup de monde. Les PJ pourraient alors partir à la recherche de cette preuve ou bien en être les dépositaires sans en comprendre l’importance. Imaginons que les PJ (mercenaires humains, agents d’une organisation secrète, superhéros street level, enquêteurs de l’occulte, policiers, etc.) affrontent un adversaire qui semble bénéficier de sérieuses protections officielles et officieuses. Les PJ finissent par découvrir dans un coffre lui appartenant une photo datée de novembre 1963 où on voit quatre hommes qu’ils n’identifient pas immédiatement mais qui sont Sam Giancana, John Roselli (le supposé deuxième tireur de Dallas selon certaines théories), Jack Ruby et un individu non identifiable (le chef de la conspiration, toujours en activité et protecteur de l’adversaire des PJ à cause de cette photo). Cela pourrait être un bon point d’entrée pour mener des PJ à s’intéresser à une organisation (surnaturelle ou non) qui tire les ficelles depuis, au moins, les années 60 et a des connexions dans la Mafia et la politique (ce qui peut être une bonne introduction pour découvrir une conspiration dans Night’s Black Agents ou initier des personnages débutants de Delta Green à l’affrontement contre Majestic 12, des personnages de Mage à la Technocratie, etc.).

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commettre bien des crimes, devenir les conseillers occultes de Sam Giancana dans son ascension jusqu’en 1963 pour qu’il réalise la vie qu’il aurait dû mener et que le monde redevienne (complètement ? à peu près ?) celui qu’ils ont connu ? Il est bien évidemment possible de transposer Sam Giancana et son histoire dans des univers purement fantastiques. Après tout, les univers fantasy, d’anticipation ou space-op ont régulièrement des organisations criminelles – et des politiciens ambitieux ou des structures paraétatiques qui sont prêts à travailler avec elles. Mais entre la découverte, au fil de leur enquête sur une organisation criminelle, qu’elle a participé à l’assassinat du prince Zoltan IV ou à celui de JFK, qu’est-ce qui a le plus d’effet sur des joueurs ? Odillon PS : Je vous rappelle que vous pouvez me communiquer ce que vous ont inspiré les articles de cette rubrique sur l’adresse [email protected]

John Roselli de cet assassinat et qu’on lui donne un rôle crucial, un voyage dans le temps affectant profondément le destin de l’ancien parrain pourrait avoir le même type de conséquences. On peut imaginer un Lyndon B. Johnson candidat démocrate (prenant Kennedy comme vice-président ?) en 1960 (Giancana n’ayant pas de rôle dans la convention démocrate) et gagnant les élections, mais n’ayant pas la même attitude que Kennedy lors de la crise de la baie des Cochons ou de la crise des missiles de Cuba en 1962. On peut aussi envisager, en partant de l’hypothèse d’un lien entre Giancana et Jack Ruby, que Kennedy est assassiné mais que la tentative d’assassinat d’Oswald échoue, lui permettant ainsi de dénoncer publiquement une conspiration qui crée de grands bouleversements aux États-Unis. Si, par exemple, des PJ voyageant dans le temps pour récupérer un objet appartenant à un parrain mafieux des années 30 en venaient à malmener (ou à humilier) Sam Giancana, brisant son image de dur et l’empêchant par la suite de connaître son ascension, ne reviendraient-ils pas de ce voyage dans un monde profondément bouleversé, voire post-apocalyptique ? Que faudrait-il faire alors pour rétablir la situation ? Ne serait-il pas nécessaire de revenir dans le passé et, quitte à commettre des actes ignobles et à laisser

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400 jours

Au bout de quelques mois, vous commencez à voir poindre des hallucinations, des désirs violents, de la cruauté mentale et tous ces petits plaisirs que génèrent les esprits de personnes confinées pendant de longues durées. Alors quand ils découvrent que les communications sont coupées et que quelqu’un s’est introduit dans l’abri, leurs esprits basculent directement entre déni pur et dur, incrédulité et paranoïa. Histoire de bien gérer le stress, vous leur faites découvrir un monde extérieur ravagé par la destruction de la lune et l’empoisonnement de la terre par les retombées lunaires. Le tout en quatre cents jours. Pour faire bonne mesure, ajoutez des autochtones cannibales et malades mentaux et on arrive à la fin du film avec son incompréhension totale. Et me voilà ! Je ne saurais dire si j’ai aimé mais en tous les cas, j’ai suivi avec plaisir cette histoire passant du survival post-apo au film de confinement en distillant des touches d’ambiances paranoïaques.

Oui mais j’en fais quoi moi ? Bon, là je vais vous parler de mon style de film favori, à savoir les films complètement barrés. Vous savez, ce genre de film à la Southland Tales, ces films où une fois que vous avez fini vous n’êtes pas sûr de ce que vous venez de voir… Attention, pas de l’Usual Suspect ou de l’Arlington Road, non, non, un film où le regarder deux fois n’aidera pas plus à le comprendre différemment. Donc ici, nous attaquons l’histoire d’une simulation. La simulation d’un voyage de quatre cents jours vers Mars. Pour le faire, on prend un couple qui vient juste de se séparer, un gros dur au cœur tendre (mais aux pulsions sexuelles régulières) et un père de famille dont le fils vient de décéder. On enferme donc ce petit monde dans un abri souterrain en simulant les affres du voyage spatial de longue durée. Vous fermez le couvercle et vous attendez que ça bouille tout seul. Ah oui, n’oubliez pas de leur injecter régulièrement des « vaccins », histoire de bien les traiter.

Déjà vous imaginez une fausse histoire. Non, pas l’habituel « en-fait-ce-n’était-qu’une-simulation » mais bel et bien une vraie simulation à réaliser. Parce que sachant que tout ce qu’ils font est faux, il y a de grandes chances que vos joueurs soient délirants avec leurs personnages. Rapidement un sentiment de fausse impunité prendra le groupe et il deviendra plus que facile à manipuler pour aller dans le sens des défis que vous vous apprêtez à lui faire relever. Dans une simulation, on peut exagérer, on peut enfreindre la loi, enfreindre la décence. Rien n’est définitif, rien n’est «  réel  ». Et quand vos joueurs ont bien lâché prise et déliré, ramenez la réalité au centre du jeu. Il n’est pas nécessaire de faire de la SF pour y arriver. Un faux camp d’entraînement avec de faux terroristes peut faire l’affaire. Une expérience de survie, style télé-réalité dans une île sauvage mais parfaitement équipée, peut aussi être envisagée. Ensuite, vous attaquez en tant que méchant MJ. Pour plus d’effet, je vous recommande de pousser vos

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joueurs à la faute. Il s’agit ici de leur faire déclencher une chaîne d’événements plus terribles les uns que les autres. Une mort accidentelle, un «  figurant  » qui se révèle armé et vraiment dangereux, un vrai vol de données sensibles, une contamination virale par « faux virus » interposé… La liste est longue. Le but est clairement de les rendre responsables de la situation et surtout d’en faire les seuls capables de la résoudre. Fini de rire. Maintenant, les balles et les morts sont réels, la prison est aussi une issue possible. Il va falloir se reprendre en main pour réparer les dégâts. En seront-ils seulement capables ?

Air

En gros, des catastrophes chimiques ont provoqué la disparition de notre atmosphère en la remplaçant par un dangereux cocktail irrespirable. Évidemment les gouvernements ont pensé à assurer la survie des personnes aux compétences indispensables – et décidé de laisser crever le reste de la planète. Bon, ça ne s’est pas fait facilement. Pour chaque abri, il faut que deux techniciens soient endormis et réveillés tous les six mois, pour deux heures, juste le temps de faire un peu de maintenance et de s’assurer que les endormis vont bien. Le film retrace l’histoire de deux de ces hommes. Ajoutons les apparitions fantasmées de la femme d’un des deux et vous avez le casting total utile. Trois personnes et un bunker… Ça fait un peu court, ou plutôt ça fait un peu long pour une heure et demie de film. Surtout qu’il n’y a pas de flash-back visuel, juste des discussions et quelques rebondissements. Parce que oui, le caisson d’un des deux va tomber en panne et des choix devront être faits. On découvrira les raisons profondes de la présence de ces deux techniciens. Un des deux est là par amour, l’autre par erreur… Et quand ils se rendent compte que les autres bunkers, dont ils reçoivent des informations à chacun de leur réveil leur indiquant que tout va bien, ne sont que des simulations faites pour qu’ils ne perdent pas espoir même en cas de disparition de tous les autres techniciens, l’ambiance devient lourde, désespérée et encore plus claustrophobique. Si le père Reedus joue bien, les autres acteurs sont juste passables… Trois expressions du visage et ils vous font toute la gamme des sentiments. Dommage. Pas de décors, pas trop d’intrigue, des dialogues interminables… J’ai mal à mon film !

Quand j’ai vu un film dont le scénario était produit par Robert Kirkman (oui, le créateur de The Walking Dead) et l’un des acteurs principaux Norman Reedus (oui, le Daryl de The Walking Dead), j’ai plongé. En plus, c’est un film post-apocalyptique, avec l’histoire de deux préposés à la surveillance de bunkers de cryogénie pour individus indispensables à la résurrection de la race humaine. J’aime un peu les films de fin du monde…

Pour finir, un mega happy end, parce que c’est les USA et qu’ils le valent bien…

Oui mais j’en fais quoi moi ?

Ben déjà on rappelle que c’est du post-apo. Ça, c’est du connu. Ensuite c’est du bunker pour claustrophobe. Ça, c’est mieux. Dans un bunker, inutile de courir ; c’est pas grand et on vous rattrape facilement. Tout devient petit, crade et étouffant. Pas d’intimité, pas d’air, pas de liberté. Une bonne ambiance pour des scénarios, surtout avec un environnement entièrement hostile et

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mortel à l’extérieur. On referme l’univers sur les joueurs, brisant tout espoir de sortie. Mais le meilleur reste le rôle des personnages… Ce ne sont pas des héros, juste des gardiens. Des gens ordinaires qui deviennent le dernier rempart de l’humanité face à l’extinction. Mais attention, ils ne font rien de génial ni d’héroïque. Ils ne font que s’assurer que les futurs sauveurs du monde soient en sécurité. Oh le boulot ingrat !

nombre de techniciens quand une partie des réserves a été gâtée par l’humidité ? Il y a de quoi faire. Ajoutez quelques intrigues personnelles, voire amoureuses, et laissez le tout incuber dans la chaleur moite d’un bunker oublié.

Infini

Ça c’est de l’utilisable et du peu utilisé. Parce qu’il faut bien avouer qu’on a tendance à vouloir jouer les héros reconnus. Là, je vous propose de jouer les héros inconnus, les pauvres gars dont les actions banales sont indispensables, des gens qui, à première vue, n’ont rien de particulier mais dont l’échec signifierait la disparition de l’humanité tout entière. Contrairement à une précédente contribution, ici pas de sacrifice pour le bien des hommes mais juste l’envie de réaliser sa mission. Parce qu’en résumé, il ne s’agit que de dormir, des mois, de vérifier des écrans, quelques heures… et de prendre des décisions qui s’imposent sans que personne ne soit jamais au courant et sans même savoir si cela fera une réelle différence à la fin. C’est cet anonymat du héros qui m’a séduit. Bon, d’accord ça demande de préparer des personnages complexes avec des historiques complets et qui se croisent. Il faut des personnages qui ne sont pas de simples suiveurs mais qui ont des raisons d’agir comme ils le font. Il va falloir entrecroiser les vies, les opinions, les peurs, les espoirs de chacun pour créer un mélange détonant que vos joueurs pourront faire exploser. Ensuite, il va falloir pousser vos joueurs à sortir du carcan du sacrifice individuel pour le plus grand nombre. Ce sont des hommes et des femmes. Des humains, pas des machines. Imaginez comment ils vont réagir en découvrant qu’une des techniciennes est enceinte alors qu’il n’y a pas de place pour un bébé dans le bunker. Comment vont-ils réagir en apprenant que leurs familles, censées avoir été cryogénisées, ont en fait été abandonnées en dehors des bunkers ? Comment accepter de continuer la mission en découvrant que les « personnages indispensables » ne sont qu’un ramassis de politiciens sans autre qualification que leurs relations d’avant la fin du monde ? Comment ne pas décider de réduire le

Avec un nom pareil, on doit s’attendre à une œuvre magistrale de SF spatiale avec des vaisseaux géants entrant fièrement dans des nébuleuses pour aller courageusement « là où personne n’est allé auparavant »… Eh ben non ! Infini, c’est le nom d’une station relais d’exploitation minière perdue au fin fond de l’espace, loin de tout et de tous. Vous l’avez deviné : toute l’action va donc se dérouler dans un espace confiné, à la Alien – ici une base spatiale. Pour tout dire, il n’y a même pas un vaisseau spatial à l’horizon. L’intrigue est assez simple et facilement assimilable. Dans le futur, la pauvreté est telle que les boulots dangereux deviennent intéressants. Donc, on a droit à de belles vues de villes en Dark Future, genre de cités tentaculaires, sales, bétonnées et étouffantes. Les appartements sont exigus et les gens y fleurent bon le désespoir. Bien sûr, il fait gris, un beau gris couleur

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pollution, et une fine pluie sale agrémente le tableau. Heureusement, pour les esprits aventureux, il existe des postes disponibles auprès des SAR (Search And Rescue), unités d’intervention qui se téléportent sur les points chauds de l’espace pour y maintenir l’ordre. Bon, il y a juste un souci : le temps ne s’écoule pas de la même façon sur Terre et dans les stations. En gros, ce qui est une journée de boulot sur Terre peut correspondre à plusieurs semaines d’intervention dans les zones éloignées… On comprend mieux pourquoi c’est bien payé vu le temps « réel » écoulé par mission. Lors de son premier jour, Whit, jeune recrue, va se retrouver piégé par le retour non prévu d’une unité des SAR envoyée sur Infini pour résoudre un problème. Les hommes de retour de la station sont contaminés par un virus inconnu et dans une rage intense, au point d’ouvrir le feu partout dans la base et de déclencher un mécanisme d’épuration totale… Il ne reste à Whit qu’à se faire téléporter en urgence et de façon illégale sur la seule station accessible, Infini elle-même. Ce n’est pas une option sympa, mais bon, c’est ça ou mourir lors de l’épuration. L’histoire va donc suivre l’intervention de la troisième équipe de sauvetage, qui part désarmer une charge utile pointée sur la Terre (et prête à être téléportée) et accessoirement sauver Whit. Je ne vais pas vous spoiler l’histoire mais ça va se faire dans le sang et les larmes, surtout le sang – celui de tous les participants. Il faut juste savoir qu’il y a des organismes que l’humanité ne connaît pas encore et qui sont endormis quelque part dans l’espace. Même s’ils font un carburant exceptionnel, il faut éviter de les réchauffer et de les réveiller… Parce qu’ils peuvent avoir envie de sympathiser, genre en fusionnant avec les humains, surtout avec leur esprit ; mais bon les humains en question ne sont peut-être pas capables de supporter cette symbiose. Heureusement, comme dans toute SF qui se respecte, il y a une morale et un grand message à faire passer à l’humanité pour le jour où elle rencontrera une nouvelle forme de vie intelligente, aussi étrange soit-elle. Parce que c’est ça aussi la SF.

Oui mais j’en fais quoi moi ?

Déjà vous avez là un scénario tout fait ! Oh, ça va... Il vous en faut plus ?

Bon, je récapitule. Un univers de hard science sympa, mélange entre Event Horizon et Alien ; des stations spatiales très éloignées ; des équipes chargées d’enquêter/intervenir en se téléportant ; des virus étranges ; des crises de violence ; des gros flingues… Sérieux ? OK, déjà le téléporteur n’est pas totalement exempt d’anomalies et il est possible que la personne qui revient ne soit pas tout à fait celle qui est partie… Les dés d’humanité, cela vous parle ? L’idée que chaque mission possède des risques aussi sur le chemin du retour. On a tendance à l’oublier mais les soldats allemands de la Seconde Guerre mondiale savaient qu’ils n’étaient en sécurité qu’une fois la frontière allemande passée. Revenir de mission est AUSSI un danger. Combien de fois l’avez-vous oublié pour faire un arc dans vos scénarios en oubliant le long et banal chemin du retour de vos personnages ? Ensuite, une nouvelle forme de vie basée sur une source d’énergie vitale pour l’humanité. C’est pas concept ça ? Depuis l’utilisation de l’énergie de créatures d’autres dimensions dans un épisode de Voyager, je n’avais pas vu ça. C’est dire comme l’idée est peu exploitée. Je ne vous parle pas du côté pratique mais bien éthique. Vous imaginez transformer une espèce intelligente en énergie domestique ? Et vous croyez qu’elle va se laisser faire ? Et vous imaginez ce qu’une corporation serait prête à faire pour cacher cela ? On ajoute aussi le côté old school des technologies, vu que la station est tellement ancienne et à bas coût qu’il faut les connaissances de Whit pour pouvoir désarmer la charge utile. Faire un scénario de SF dont le dénouement ne tient, entre autres, qu’à la connaissance d’une vieille technologie par un des personnages annexes de l’histoire, et dont le sauvetage n’était pas une priorité, ce n’est pas une belle pirouette scénaristique ça ? Et pour finir, spoiler alert, il y a le côté « vous finissez par vous en sortir miraculeusement » qui plaît tellement à nos joueurs. Parce que oui, l’histoire doit être un jeu de massacre pour se charger émotionnellement mais il faut aussi que ça finisse de façon positive pour les joueurs sinon ils ne reviennent pas jouer. Bref, c’est du tout cuit mon gars !

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qui il ne veut pas partager sa vie sordide, poursuivi par une bavure sous l’effet de la drogue et coincé dans un boulot sans avenir, il essaie de rester hors de l’eau, avec beaucoup de difficultés et au prix du bonheur de ses proches. Alors le jour où il découvre un nouveau cadavre de junkie, tué par une drogue qu’il ne parvient pas à identifier, et surtout dont le profil génétique est inconnu des bases de la police (impossible vu que tout le monde y est), il décide d’enquêter, de faire son boulot pour que sa vie ait encore un sens.

Narcopolis

Évidemment son chef et des représentants d’Ambro vont tout faire pour le dissuader, sous prétexte que la zone est déjà rachetée par la société pour y installer ses nouvelles installations et qu’une mort par overdose ferait tache dans l’aventure. En bon flic, Franck va sentir l’arnaque et commencer à creuser là où il ne faut pas. À partir de là, on part dans la SF et les voyages dans le temps, car la drogue inconnue n’est ni plus ni moins qu’une substance permettant de voyager dans le temps et l’espace – et qui ne sera mise au point que 20 ans plus tard par Ambro !

Imaginez un monde où une entreprise a réussi à obtenir le monopole de la vente de drogues récréatives légales. Oui, vous avez bien lu. Quel que soit votre plaisir coupable, la société Ambro a ce qu’il vous faut. Et le directeur de la boîte l’affirme, il consomme ses propres produits et, en cette année 2024, en assure la garantie personnelle sur sa santé. Autant vous dire que le marché est florissant, y compris auprès des enfants avec des produits sur mesure pour les aider à affronter les soucis de l’enfance… Oui, c’est du cyberpunk bien sombre, avec un filtre bleu sinistre et des paysages industriels sans fin. Dans ce monde de plaisirs disponibles auprès de revendeurs agréés présents à tous les coins de rue (et reconnaissables à leurs vêtements au logo d’Ambro), il y a toujours des inconscients qui essayent des produits vendus à la sauvette. Heureusement, la police veille… En fait, surtout les pourris, ces flics à moitié privatisés qui se chargent des cas... pourris : overdoses de produits illégaux, identification des junkies sans abri et autres petits problèmes. Un de ceux-ci, Franck, est le héros de l’histoire. Perdu entre une femme et un enfant avec

Et voilà Franck parti à la recherche de son propre fils revenu du futur pour fuir les sbires d’Ambro, et mourir dans son passé qui est le présent du héros. Donc il ne reste plus à Franck qu’à partir vers le futur pour empêcher la mort de son enfant dans le passé après qu’il a détruit définitivement la formule de la drogue temporelle. Je sais ce n’est pas clair, mais alors pas du tout. Et pour finir, on a même droit à un joli paradoxe temporel où la question de la poule et de l’œuf vous paraîtra bien simple.

Oui mais j’en fais quoi moi ?

Déjà vous vous cassez la gueule sur le thème le plus pourri pour un scénario : le voyage dans le temps. Parce que vous le reconnaîtrez aisément, le voyage dans le temps est le meilleur moyen de planter une histoire en créant des incohérences que vos joueurs n’hésiteront pas à exploiter voire pointer du doigt. Votre crédibilité de MJ en prendra un coup, peut-être fatal. Donc si j’ai un conseil à vous donner, évitez ces sujets mortels… Il vous reste donc la possibilité de vous rabattre sur du hardboiled hard science (en gros une histoire de privés dramatique dans un futur basé sur une technologie réaliste, mais ça fait plus connaisseur de le dire avec des mots de geek).

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Parce qu’avouons-le, un crime est toujours un crime, on s’en fout de la date ou de la technologie. Vous savez gérer une enquête, qu’elle soit en 2024 sur fond de drogue et de mégacorporation ou sur fond de chute de l’Empire romain et de révolte d’esclaves gaulois. La femme fatale est toujours fatale, le flic pourri toujours pourri, le privé porté sur l’alcool toujours alcoolique, l’indic caché dans une ruelle toujours dans sa ruelle, etc. Si vous le savez, vos joueurs aussi et ils se retrouveront facilement dans cette ambiance et dans les classiques du genre. L’avantage de faire du hard science est que vous n’avez pas à gérer un univers SF en entier ; simplement notre monde, mais avec une technologie qui est devenue possible : drogue de voyage temporel, capacités extrasensorielles, prescience… Oui, un peu comme dans la série Fringe. Il vous suffit donc d’un simple élément à gérer et vous pouvez vous justifier, enfin justifier vos décisions de MJ, en vous basant sur de la pseudoscience, comme dans Star Trek. On est quand même plus à l’aise là, non ? Pas de grands discours sur une technologie et des extra-terrestres, mais juste un petit truc en plus. Comme quoi ? Je ne sais pas ; des implants mémoriels (bel objet de convoitise pour des corporations), un désintégrateur (zou, plus de tank), un téléporteur (un coup dans la banque, un coup ailleurs), des explorations du sommeil (et la manipulation mentale qui va avec)… Vous voyez, tous ces sujets de films fantastiques où rien n’est expliqué qui ne soit utile pour l’histoire. Parce que c’est là que résidera la réussite de votre scénario  : ne pas trop en dire, ne pas se justifier. N’oubliez pas : qui se justifie, s’accuse.

Ray Donovan (Saisons 1 à 3) « On ne choisit pas ses parents, on ne choisit pas sa famille. On ne se choisit même pas soi-même. » P. Geluck

Ray Donovan a un problème. En fait, Ray a plein de problèmes… Le métier de Ray est de résoudre les problèmes, mais ne dit-on pas que les cordonniers sont les plus mal chaussés ? Ray est un « fixer » ; un de ces gars qui travaillent avec des cabinets d’avocats limite véreux, dont le métier est de défendre les intérêts de leurs clients en tordant la loi à leur avantage et, si ce n’est pas suffisant, en utilisant les services d’hommes de confiance pour transformer la réalité. Vous vous réveillez en plein « Las Vegas wake up call » (en gros, une prostituée morte à côté de vous dans le lit sans que vous n’ayez aucun souvenir), alors vous les appelez. Vous avez été arrêté en possession de marijuana et en compagnie d’un adolescent qui n’est pas de votre famille, alors vous les appelez. Vous voulez racheter un terrain pour détruire la maison qui vous empêche de voir correctement le coucher de soleil mais le voisin n’est pas vendeur, alors vous les appelez. Vous avez fait une sex tape à votre insu avec un travesti alors que vous êtes l’homme le plus viril d’Hollywood, alors vous les appelez. Bref, quand la loi n’est pas vraiment de votre côté, vous appelez Ray et il connaît un gars qui connaît un gars qui connaît un gars qui peut arranger les choses. On paie en liquide, on ne laisse pas de traces. Ray vit à Los Angeles, pas dans un endroit très coté, mais une banlieue calme. Il a deux enfants et une très belle femme. Ray devrait être heureux. Mais Ray a une

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famille et un passé. Et là, ça coince. Son père, qu’il a envoyé en taule pour aider un client, vient de sortir avant terme en passant un accord avec le FBI pour piéger Ray. Ses frères, traumatisés par le viol d’un des leurs par un prêtre, naviguent entre dépression, alcoolisme, violence et gros soucis de santé. Sa femme rêve de vivre la vie d’une bourgeoise des beaux quartiers, mais reste une fille des quartiers populaires de Boston. Sa fille se rêve ado rebelle entre petit copain gangsta et école privée. Son fils se pose des questions sur sa sexualité et a un goût prononcé pour la violence et les dames de compagnie rémunérées.

extrême d’un problème… et en engendre généralement une poignée d’autres, imprévus.

The Dead 2 : India

Ajoutons à cela que son paternel manipule tout le monde pour faire oublier qu’il a laissé mourir sa femme seule d’un cancer pendant qu’il fréquentait des filles de bar et tentait de réaliser un gros coup ; et qu’au passage, il est un peu responsable du suicide de la sœur de Ray… Une famille modèle, je vous le dis. Donc Ray a du boulot, beaucoup de boulot, et une vie impossible à gérer.

Oui mais j’en fais quoi moi ? Déjà vous commencez par imaginer les possibilités pour des scénarios où le but n’est pas de tuer quelqu’un ou quelque chose, ni même d’utiliser la violence physique. Ray est plus proche des héros de Leverage que de Expendables. Donc, là on va plutôt s’orienter vers des scénarios d’enquêtes, mais la version illégale des enquêtes. On n’est pas dans COPS mais plus dans Shadowrun, le sang en moins. Entre extorsion, manipulation, coups tordus, preuves fabriquées, témoins menacés, politiciens corrompus, juges impressionnables, il y a de quoi faire. Mais histoire de faire bonne figure, pensez à rajouter des fantômes venus du passé des joueurs voire de leur famille. Quel plaisir de découvrir que son frère est de mèche avec le type qu’on doit faire plonger ! Que du bonheur de voir apparaître, en plein deal truqué, un vieil ennemi qu’on croyait en prison ! Vous voyez l’idée. On mélange privé et pro, légal et illégal, moral et immoral, etc., jusqu’à ne plus être capable de savoir qui est qui et si ce qu’on fait est bien ou pas. Des scénarios de type « soupe », mais où la mort n’est que la solution

Dans la série The Dead, je demande l’Inde ! Souscontinent devenu pays, avec une des plus grandes densités de population de la planète, un taux de pauvreté qui ferait rougir les maoïstes, une organisation clanique rigide qui laisse de côté un pan entier de la population, des services publics pour le moins faibles… Je n’en jette plus, vous l’avez compris, c’est un cauchemar en cas d’épidémie zombie. Eh ben, c’est justement le sujet du film ! Et comme vous vous l’imaginez, vu que vous avez sûrement vu l’épisode 1 suite à ma géniale critique (oui, oui, je m’aime), on est encore dans une histoire de road movie où un étranger se retrouve à devoir traverser un pays qu’il ne connaît pas pour sauver sa peau. Ici c’est plutôt la peau de sa petite amie, enceinte, dont le père est pour le moins traditionaliste (et hindouiste). Donc en plus de gérer les zonzons, lents mais super nombreux,

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il va devoir faire face à la justice expéditive de l’armée, au sauvetage d’un orphelin, au « chacun pour-soi et personne pour l’étranger », à l’annonce de sa future paternité et surtout à un beau-papa persuadé que les zonzons sont une étape du karma et de la renaissance. Comme d’hab, il n’y a que peu de baston mais on a vraiment peur pour le héros. La majorité du temps, le film vous plonge dans le pays indien et sa beauté étrange, faite de pauvreté, de frugalité et de pureté. C’est vraiment un voyage initiatique. Le final est de toute beauté car, sans trop en dévoiler, on assiste à la version US du traitement anti-zombie en zone civile. Et tout se termine sur la résurgence d’une ancienne légende parlant d’amour et de rédemption. Comme quoi on peut faire du beau et du poétique durant l’apocalypse des marcheurs !

Découvrir qu’ils sont transformés tous les deux ? Pourquoi ne pas parler d’amour et faire de l’envie de vivre pour quelqu’un d’autre le moteur de l’aventure ? Sauver son fils, c’est aussi louable que de chercher le fameux remède qui va sauver la Terre entière, et c’est surtout bien plus crédible et motivant, non ? Imaginez que votre groupe est en fait un groupe de parents d’élèves dont les enfants sont partis à la campagne lorsque la fin du monde arrive. Vous ne trouvez pas ça suffisamment motivant et tragique  ? On est loin des héros classiques, mais on peut plus facilement s’identifier à ces pauvres parents qui vont tout tenter pour sauver leurs petits, surtout s’ils ont réussi à rejoindre une zone sécurisée pour découvrir que leurs gamins sont toujours quelque part, là où le danger et les zonzons rôdent. Essayez d’y penser, vous verrez ça le fait !

Oui mais j’en fais quoi moi ? Déjà vous commencez par voir une apocalypse zombie en version pseudo-réaliste. Ici, pas de Daryl ou autre Zombieland. On ne plaisante pas avec les morts, surtout quand on est un simple civil qui vit dans un quartier banal et loin des puissants/riches. La fin du monde peut être vraiment dégueulasse et nous laisser sans options.

Falling Skies

Parce que sérieusement, combien d’entre-nous sont capables d’enfoncer et de récupérer une machette dans un crâne humain ? Qui est capable de se servir d’une arme de guerre sans explications ? Qui peut voler une voiture ? Qui peut poser un garrot ou remettre une épaule démise ? Déjà, apprenez l’humilité à vos joueurs. Une fois ça fait, vous pouvez passer à la suite… Le paysage et la poésie  ! Parce que oui, merde à la fin, on peut foutre un max de swag et de low dans un lypsapoca  ! Bordel ! Plus sérieusement, c’est quand la dernière fois que vous avez joué sur la beauté d’un moment pour l’opposer à l’horreur de la situation ? Perso, je ne m’en souviens pas. Pourquoi ne pas décrire une zone verdoyante, bucolique, pour au final signaler les douze cadavres en décomposition qui flottent sur l’étang… surtout quand ils commencent à bouger ? Pourquoi ne pas parler de la façon dont une mère berce son enfant avant de d

Quand le ciel nous tombera sur la tête, on sera bien loin d’Asterix. Ce sera plutôt l’arrivée massive d’une race extraterrestre, les Esphénis, qui auront comme but tranquille de piller la Terre en massacrant sa population adulte pour pouvoir asservir ses enfants via des technologies de bio-ingénierie. Vous savez, le truc sympa qui les liera mentalement au sein d’une grande colonie insectoïde et qui utilisera leur croissance naturelle pour les faire muter en une race arachnoïde totalement soumise. La fête.

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Évidemment, l’utilisation des armes esphenies leur a permis de détruire toutes les grandes concentrations militaires et de détecter l’usage des technologies avancées. En résumé, les armées conventionnelles ont cessé d’exister. Ajoutons une politique d’extermination des grandes concentrations humaines, villes, camps militaires, camps de réfugiés, et on aura complété le tableau d’une débâcle planétaire. On a du mal à y croire, mais on fait semblant ; ça nous connaît ça, nous les rôlistes. Heureusement, il y a des humains qui refusent de se laisser exterminer sans réagir, encore heureux ! Ils se sont rassemblés sous forme de petites milices rapides, capables de faire le coup de force sur les petites unités esphenies. Bon, faut relativiser. On parle de guérilla légère, armée de ce qui a pu être sauvé des stocks militaires et civils avant le nettoyage en règle. En face, il y a des drones méchas, des drones volants, des « rampants » (les fameux mutés) et quelques Overlords (le top des aliens) pour régner sur le tout. Le combat est très inégal et se résume en une série de retraites ponctuée de quelques réussites. Heureusement, une milice américaine, le 2nd Massachussetts, nommée en hommage aux combattants de l’indépendance américaine, veille. Et pour veiller, elle veillera – tout au long des 52 épisodes des cinq saisons. Alors pourquoi regarder un combat perdu d’avance ? Ben pour le dramatique de la situation. Parce que là il y en a, du drame. En vrac, on retrouve… … des enfants exécutés par des aliens sans pitié et aimant faire des exemples. … des résistants qui ont autant d’efficacité que des enfants jetant des cailloux, mais qui y croient malgré les pertes et l’arrivée d’armes plus puissantes et d’alliés extra-terrestres. … des technologies de bio-ingénierie à vomir, utilisant les corps pour créer des monstres de combat et les envoyer sur leurs anciens frères de race. … des embryons de zones protégées qui finissent généralement dans les flammes et les explosions, civils inclus dans le tas. … des capacités de prise de contrôle mental avec l’injection de gentils drones miniatures qui se greffent dans le corps des humains. … des capacités « magiques » à base de mutations inter-espèces et de races hybrides.

… des héros qui finissent par péter un câble à force de regarder tout le monde mourir. … des personnages que rien ne disposait à devenir des résistants et qui, au bout de cinq saisons, ne le sont toujours pas ! … une issue qui finalement se résume à exterminer ou être exterminés. Cinq saisons ça peut paraître long, mais cela donnera largement le temps de s’immerger dans les personnages et de les voir ramer pour juste rester en vie. Falling skies c’est plus que de la SF post-apo, c’est du survivalisme intimiste.

Oui mais j’en fais quoi moi ?

Déjà on vous donne un univers entier avec les explications complètes du pourquoi et du comment des technologies extra-terrestres. Ça ne vous suffit pas  ? Vilains gourmands ! En plus, il y a tellement d’histoires annexes à la principale, généralement représentées par des survivants que nos héros rencontrent au hasard, que vous aurez de quoi faire des scénarios pendant dix ans. Vous pourrez même faire jouer des mutants à vos joueurs ! Bon d’accord, c’est du déjà vu, mais le monde est suffisamment crade et immoral pour que vos joueurs se sentent un peu chez eux, non ? Perso, ce que j’aime le plus c’est les technologies des Esphénis. Elles sont un mélange bizarre de métal et de chair, de la vraie bio-ingénierie. Il y a de quoi innover dans le domaine de la SF : insectes carnivores aux yeux humains, vaisseaux spatiaux formés de muscles, capacités de communiquer via la terre (et non l’air comme nous) ou encore harnais mutagènes. On se retrouve finalement un peu dans Cyberpunk nouvelle édition ou dans Abyss. Attention toutefois à la nuance. Ici les biotechnologies sont invasives, voire mortelles pour les humains. C’est un truc dégueulasse que de faire muter de la chair pour la faire s’interfacer avec des commandes mécaniques, ne l’oubliez pas. Si vous ne devez regarder cette série que pour deux choses, la première serait comment gérer des technologies invasives et l’autre serait de voir ce qu’avoir du mal veut dire quand on est dans la résistance. C’est pas Star Wars, c’est Falling Skies.

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Jurassic world

Inédit, innovation et maintenant drame de la mort qui tue. Oh mon dieu, l’expérience part en sucette quand les proches sont de sortie ! Heureusement, le lanceur d’alerte sait quoi faire et le fait héroïquement  ! Enfin, un héros qui sait quoi faire et se sent toujours à l’aise. Je vais être sympa et m’arrêter là. Vous l’aurez compris, le film est sympathique mais l’histoire pue le réchauffé du lendemain soir. Un peu comme cette boîte de cassoulet premier prix que vous auriez dû finir jeudi dernier au lieu de la garder une semaine au frigo. Bon, d’accord, il y a plein de CGI avec des dinos et un parc qu’il est trop bien de faire semblant de jouer devant, même si finalement on est dans un hangar devant un écran vert. Oui c’est rythmé, oui il y a des courses poursuites et des jeux du chat et de la souris avec des dinos et le grand méchant dino.

Parce qu’à terme, les dinosaures ça n’impressionne plus personne… J’avais déjà parlé de cette sensation étrange liée aux films et séries, cette sensation que la magie s’était évanouie, disparue dans la banalité de la répétition. Les films en Jurassic en étaient la plus pure expression, surtout à partir du 3 ; et voilà qu’on nous sort un 4, gentiment affublé d’un nouveau nom permettant le rajout sans aucune décence de futurs chiffres de la série. Donc on a un nouveau Jurassic. Oh mon dieu, un parc à thème sur le concept des dinosaures, c’est du nouveau ça, de l’inédit et même un visionnaire comme Mark Hammond n’en aurait pas eu l’idée ! Oh mon dieu, c’est la journée choisie par des membres de la famille d’une des responsables pour visiter le parc ! Ben ça, c’est un concept inexploité, non ? Oh mon dieu, un des deux enfants est fan et l’autre n’en a rien à cirer. Innovation, toujours innovation… Oh mon dieu, un des gars du parc est un lanceur d’alerte qui n’apprécie pas la façon cavalière dont on exploite l’ADN de créatures disparues, pour une bonne raison, depuis des millions d’années. Je vous disais que c’était du nouveau, ce film. Oh mon dieu, un scientifique a eu une idée de génie qui tient du délire avec une erreur flagrante que même un enfant de cinq ans aurait vue mais que le méchant « science-sans-conscience » du film n’a pas imaginée.

Oui, il y a une morale façon « la science c’est pas bien quand on joue à Dieu » ou encore « même les dinos ont une âme d’Américain sauveur d’enfants et défenseur de la liberté face à la dictature du T-Rex muté ». Vite consommé, vite oublié, comme les dinosaures…

Oui mais j’en fais quoi moi ? Déjà on évite de revenir sur un vieux scénario en changeant juste le nom des personnages, des lieux et des méchants. On innove. Pour de vrai ! Et non, remplacer une statuette par une pierre magique, ce n’est pas innover, c’est saouler ses joueurs ! Marre de ces scénarios qui se ressemblent tous. Marre de ces campagnes interminables sous prétexte que le MJ n’a pas d’idée pour la suite. Dans le pire des cas, on termine là et on passe à autre chose, le temps pour le MJ de trouver l’inspiration au fond d’un vieux grimoire et pas dans un scénario tout cuit de magazine de jeu de rôle (je me fais des amis, j’aime ça) ! Ensuite on évite de recuire les mêmes intrigues. Y en a assez de ces scénarios avec le commanditaire qui se révèle finalement le véritable méchant de l’histoire, c’est du revu. Je ne supporte plus ces scénarios où on trouve de base un vampire, un zombie ou un magicien démoniaque. Vu leur haute mortalité, comment y en a-t-il encore dans le coin ? Sérieux, il n’y a pas assez de créatures et de vilains différents pour qu’on en revienne toujours à du connu et reconnu ? Innovez !

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Et vous savez quoi ? Si vous n’arrivez plus à innover, c’est le moment de changer d’univers ! Ça fait mal à entendre mais il y a parfois besoin de passer à autre chose, de tenter un truc délirant, comme une partie de Ladies ou de Friday Night Zombies. On passe à un truc tout à fait différent ou alors on aborde une thématique d’un autre point de vue, loufoque si nécessaire. Sérieux, faites un effort…

The Following : saisons 2 et 3

« Quand tu regardes l’abîme, l’abîme regarde aussi en toi »… et parfois ce qu’elle voit lui plaît ! Enfin, ça y est ! Enfin la série se termine. J’avoue que la première saison et ses agents du FBI boy-scouts m’avaient saoulé un maximum, mais là les auteurs ont enfin décidé de changer d’orientation. Ils ont enfin écouté Hannibal Lecter et appris qu’on ne pouvait fréquenter le mal sans qu’il commence à avoir une emprise sur vous. Bon, faut avouer que les héros sont aidés. Si vous avez aimé Joe Carroll et ses suiveurs complètement partis dans leurs délires sanglo-poétiques, vous allez aimer la version 2 de ces mêmes suiveurs. Parce que le père

Joe, il va recruter directement parmi les membres d’une secte pour exécuter sa vision sanglante de la beauté. Tout de suite, quand on fait appel à des types déjà prêts à tuer pour un but supérieur, ils sont largement plus efficaces et cruels. Ensuite, Joe il a une fan, normal pour un artiste… En fait, une autre tueuse en série psychopathe avec un paquet de gentils compagnons, Lily Gray. Cette brave femme est non seulement la mère adoptive de gamins psychopathes, mais également une millionnaire avec des propriétés planquées un peu partout sous des sociétés-écran et surtout un réseau de copains tueurs en série qu’elle a passé une partie de sa vie à rechercher et à approcher pour des collaborations futures. Un peu la mère maquerelle des sociopathes, cette dame ! Évidemment, ça ne va pas bien se passer entre Joe, qui aspire à la paix (mais revient très vite à ses plaisirs coupables, à base de couteaux tranchants), et Lily qui aimerait fonder une belle grande famille des tueurs en série avec Joe dans le rôle de compagnon soumis. Entre deux groupes de psychopathes, les agents du FBI vont pouvoir compter leurs morts, y compris au sein de leurs familles et de leurs proches. Faut pas déconner avec des maniaques bien financés. Emportés par l’ambiance du moment, nos héros vont faire parler la poudre et provoquer des exécutions sommaires de certains méchants. Là le but n’est plus de faire dans le légal mais dans l’efficace. Pour finir, on aura aussi droit au retour du papa spirituel des jeunes talents de la mort pathologique, le docteur Strauss. Ce sympathique médecin est à l’origine de nombreux criminels en série. Son but dans la vie est de découvrir de nouveaux talents et de les aider à exprimer leur potentiel de façon plus pérenne que les bêtes crimes classiques. Avec un peu d’entraînement et un coaching appliqué, il a réussi à créer des monstres intraçables, insaisissables. Donc on est reparti pour une poignée de tueurs en série avec des méthodes et motivations diverses. Encore une fois, ça va se régler dans le sang de tous les côtés et notre Hardy, notre grand héros, replongera dans l’alcool et la violence (et accessoirement la torture). Tout ça pour finir par attirer l’attention d’un réseau un peu spécial dirigé par Liza. Cette élégante jeune femme, qui a visiblement bien connu le docteur Strauss, est responsable de la gestion d’une organisation qui a comme but de faire

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en sorte que les psychopathes qui en ont les moyens puissent assouvir leurs plaisirs sans être inquiétés. Son petit business aurait pu continuer longtemps sans l’arrestation de Strauss et les questions gênantes de Hardy. Notre pauvre héros va se mettre à dos une vraie organisation, avec de vrais moyens et de vraies ressources humaines. Il a réveillé l’intérêt d’un monstre bien mieux implanté que les quelques malades mentaux qu’il avait l’habitude de combattre. Il ne lui reste plus comme solution que de disparaître, se faire passer pour mort, et détruire physiquement le réseau. Ce qui sera pour une saison 4, qui n’est pas prévue… Dommage !

Les joueurs ne devront plus sauver que leur tête, mais aussi leur esprit, des mains des méchants. Chaque criminel tué, chaque scène de crime, chaque confrontation avec le mal humain, fera courir le risque de basculer, un risque de voir votre propre personnage vous échapper. Essayez ça ! Vous verrez, ils en redemanderont !

The Strain : saison 2

Oui mais j’en fais quoi moi ? Déjà vous sortez le carnet des fiches de PNJ et vous faites le plein de tueurs en série. Entre le fana de la mise en boîte – au sens littéral du terme – de corps démembrés mais vivants, le spécialiste de la cybercriminalité qui tue en reportant les soupçons sur un type qui a eu le malheur de fantasmer sur ses projets dans le deep web, le jumeau qui vit la personnalité de son frère défunt, la jeune junkie noceuse qui aime tuer pour passer le temps, et plein d’autres, il y a du choix ! Ensuite vous vous posez des questions sur ce qui fait tenir la psyché de vos personnages. Combien de fois ne vous êtes-vous pas dit que les joueurs sont trop en méta-jeu et se gardent de faire péter les plombs à leurs alter ego virtuels ? Parce que la violence paraît trop relative dans les jeux de rôle. On tue, on regarde la mort, on assiste à des scènes qui feraient basculer n’importe qui. Le souci est que cela n’est géré que dans bien peu de jeux, comme la SAN de L’Appel de Cthulhu (excellente 7e édition au passage, félicitations à Sans Détour). Il serait temps d’intégrer le pétage de plombs aux autres jeux, y compris ceux donnant dans le thème policier et enquêtes. Pourquoi des personnages de COPS ne pourraient pas devenir fous, craquer sous la pression, autrement que par la décision toute puissante du MJ ou de leurs joueurs ? Il y a là une opportunité pour une jauge maison qui poussera les personnages à réagir instinctivement une fois les limites de l’acceptable franchies. Alors là, la tension des situations deviendra vraiment palpable.

La souche se répand pour la seconde saison… Et elle se répand violemment. On retrouve donc nos héros de la saison 1 : le scientifique alcoolique, le vieux survivant de l’Holocauste chasseur de vampires nazis, le dératiseur russe fasciné par les explosifs, la hackeuse sexy et bisexuelle, la petite amie du scientifique qui sert de caution morale et surtout le fils du héros complètement paumé face à la situation. Si la première saison se jouait autour de l’apparition de l’épidémie et de l’incapacité chronique des humains à imaginer le pire, voire la lâcheté et les autres pêchés qui les poussent à accepter de regarder ailleurs, voire de prendre une part active dans l’annihilation de leur propre espèce, (ouf)... la seconde saison sonne le temps de la réaction. Visiblement, les alertes ont fonctionné mais la situation est bien plus problématique que prévu. La maladie et ses vers blancs se sont répandus sur les USA. Même s’il n’y a qu’à New York qu’elle est aussi avancée, les

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autres grandes villes doivent faire face à des cas isolés ou à des zones de contamination. Et devinez quoi ? Pendant que les hommes se terrent la nuit pour éviter de finir chassés par des vampires mutés, les décideurs se battent pour avoir le plus de pouvoir possible, parfois défendre les droits des citoyens ou encore refuser un contrôle militaire. Cette partie est excellente, car elle reflète bien la réalité (probable) et le fait qu’en pareille situation il y aura toujours un type pour défendre le vivre ensemble entre la proie et son prédateur ! Donc nos héros sont repartis à l’attaque, à la recherche d’un moyen, d’une arme capable de détruire le virus. Car oui, le vampirisme est toujours considéré comme un virus et non comme l’origine de la création d’une espèce à part entière. Comme tous les virus, soit on le soigne, soit on se vaccine, soit on le détruit… Je vous laisse deviner ce qui sera la seule solution finalement envisageable. Il y a aussi quelques beaux combats bien violents et tragiques, car, rappelons-le, la moindre blessure faite par les vampires peut être contaminante. Ne vous attachez pas trop aux personnages, il va y avoir du nettoyage cette saison. Par contre, un véritable univers post-apocalyptique se met en scène, ce qui est toujours pour me plaire. Avec lui vient sa cohorte de profiteurs et son cortège de regrets… Pas facile d’être à l’origine de la fin du monde pour découvrir qu’on s’est peut-être un peu fait avoir. Il y a aussi le développement des informations sur les anciens, des vampires très vieux mais qui ont renoncé à se répandre sur la Terre, et un hybride humainvampire, chasseur des deux espèces, qui va jouer un rôle crucial dans la bataille contre « le Maître » – qui est accessoirement son créateur…

Oui mais j’en fais quoi moi ? Déjà vous reprenez la campagne que vous aviez initiée avec la saison 1. Vos joueurs vous attendent ! Ensuite vous intégrez le concept de personnage hybride super puissant et dont les motivations sont bien plus égoïstes que la protection de la race humaine. La vengeance est une motivation supérieure, même pour les « monstres ». Puis il est temps de sortir la carotte de la solution miracle pour sauver l’humanité… Mais bon, c’est une voie étroite et difficile. Le genre de chemin qui va coûter des vies, et pas qu’un peu. Il n’est pas indispensable de trouver la personne immunisée dans les flots des humains menacés mais c’est une option. Une autre serait aussi d’obliger les joueurs à entrer dans le repaire du chef des vampires pour prélever le sang d’une des premières victimes… Toujours fun de faire une expédition en mode ninja dans un endroit où, si on réveille les bestioles, on est certain de finir en dîner express ! Ensuite, il faudra exploiter le remède et le répandre… Bonne chance pour que vos personnages y arrivent seuls. Bien évidemment, il est grand temps de faire entrer en scène les différentes forces locales qui auront chacune leur objectif secret. Pour certains ce sera la fortune, pour d’autre la gloire, pour les derniers la vie éternelle ou n’importe quoi d’autre, mais n’imaginez pas qu’ils vont aider les personnages par altruisme. Quand le masque tombe, le visage est souvent bien plus effrayant que sa caricature en plastique. Vous voilà rassasiés jusqu’à la prochaine saison…

Autre aspect très sympathique de The Strain, les flashbacks historiques qui permettent de découvrir le vampirisme dans l’histoire et qui ajoutent de la profondeur aux personnages. Bref, une bonne saison qui donne envie de savoir si les armes humaines seront efficaces à temps pour contrer la pandémie…

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La Confidence d’Althios

Sans être un véritable OVNI, La Confidence d’Althios est un roman plaisant à lire et l’on sent que ce premier tome n’est que la porte d’entrée vers une histoire plus importante, que l’on espère également plus sombre.

Nouveau venu dans le panorama des éditeurs français, OVNI Éditeur d’autres réalités a pour objectif de publier des textes (romans, JdR, etc.) que l’on pourrait qualifier d’objets non-identifiés dans leur domaine. Pour ce numéro, nous allons vous présenter l’un de leurs deux premiers romans publiés à savoir La Confidence d’Althios par Christophe Rosati. Roman de dark fantasy, dont l’origine est un setting pour JdR dont le monde se nomme Dyved, La Confidence d’Althios se situe dans un monde inspiré du nôtre, avec un royaume type occidental et un autre plus oriental. Suite à une guerre, nous apprenant qu’un multivers existe dans ce monde, l’empire (occidental) des Gwenstone est en déliquescence et économiquement en faillite. Ce roman, au cours de ses vingt chapitres, va nous narrer les histoires croisées de nombreux personnages : Drel, un guerrier légendaire à la retraite ; Sélène, une prostituée qui cache bien des choses ; Glenn, le maître-espion impérial ; Artaud Gwenstone, l’héritier, etc. Ils semblent n’avoir aucun lien entre eux et pour autant vont avoir un rôle à jouer même sans en avoir conscience. Loin d’être désagréable à lire, bien au contraire, La confidence d’Althios en nous présentant tant de protagonistes de la grande histoire à venir (saga potentiellement prévue en quatre ou cinq volumes) conduit immanquablement au fait que l’histoire de ce volume en elle-même n’avance que peu. Certes le premier chapitre est nerveux, rythmé, mais la suite est bien plus orientée complot, manipulations politiques, choix aux conséquences à long terme. Il faut en avoir conscience avant de se lancer dans la lecture de ce premier tome. On peut même en venir, par moment, à regretter que la fameuse guerre qui s’est déroulée avant les événements narrés ici ne nous soit pas contée intégralement, car certaines allusions ne peuvent qu’inspirer et titiller l’imaginaire des rôlistes que nous sommes.

Sempaï

Les 81 frères Les éditions Critic nous proposent, avec ces 81 frères, un roman d’urban fantasy ayant pour cadre Hong Kong. Son auteur, Romain d’Huissier – bien connu des rôlistes – a souhaité, au travers des 300 pages de son nouveau roman, nous plonger dans un Hong Kong mêlant modernité et magie, mafia et lois divines, calme et action effrénée. Nous suivons les pas de Johnny Kwan, un fat si ; autrement dit un exorciste taoïste, qui va se retrouver au milieu d’une affaire bien plus complexe que prévue et dont l’aboutissement pourrait être d’empêcher le retour sur Terre d’un démon antique. Autant dire que l’histoire est assez classique, voire peut-être un peu trop. Même si de nombreux événements s’enchaînent, l’enquête qui est proposée est très linéaire, jusqu’à un dernier chapitre qui donne l’impression de tomber comme un cheveu sur la soupe. De plus, nous avons affaire à un héros romanesque qui se relève toujours, qui a toujours le bon équipement au bon moment et pour lequel finalement on n’a aucune crainte concernant sa survie. Ce « détachement » tout relatif est également lié au fait que le personnage semble manquer de profondeur. Certes il a des liens avec des personnages secondaires, mais qui ne sont pas véritablement travaillés. À propos de ces personnages secondaires, leur traitement est encore plus superficiel et l’auteur nous donne l’impression de les sortir du chapeau au bon moment afin qu’ils servent l’intrigue, alors que certains mériteraient un focus bien plus important. En outre, l’auteur a voulu retranscrire une ambiance à la Tsui Hark, à la John Woo ; or le style d’écriture ne correspond pas. Là où sont attendus des combats échevelés, chorégraphiés, on trouve ici une liste de noms de techniques de combat bien aride et peu inspirante, qui casse le rythme même des scènes.

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Une fois que l’on a dit cela, doit-on en conclure que ce roman ne présente aucun intérêt ? Absolument pas. Tout d’abord, même si le style de l’auteur ne colle pas vraiment à ce qu’on pourrait attendre, les événements s’enchaînent suffisamment bien pour nous donner l’envie de suivre la suite de l’histoire.

En conclusion, Les 81 frères est un roman divertissant, plaisant à lire. On peut espérer que Romain nous proposera un second tome au style moins littéraire, moins dans l’étalage des connaissances et plus agressif, nerveux, car le contexte de l’histoire le permet et la promesse qui vient avec est grande.

Ensuite, le travail sur Hong Kong, la mythologie développée, la présence des esprits au sein même de la ville et leur mode de fonctionnement en parallèle de la société font que l’univers dans lequel évoluent les personnages est intéressant, cohérent et avec un fort potentiel d’intrigues ; la preuve, ce roman n’est que le premier volume d’une trilogie.

Sempaï PS : Dernière minute, les 81 frères fait partie des nominés au prix Imaginales 2016, catégorie roman francophone. Verdict le 28 mai.

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Nouvelle – C.O.P.S. - L’outil fait l’artisan L’outil fait l’artisan ! Il n’y a pas plus vrai comme maxime au monde. Depuis mon plus jeune âge, mon père m’a appris à respecter cette règle, à en faire ma raison de vivre. Comme lui, je suis devenu un artisan, un homme qui vit pour le bel ouvrage, pour la création de pièces uniques destinées à des clients particuliers. Non, jamais je ne produirai en avance. Jamais je ne me lancerai dans la création pour la création. Chacune de mes œuvres doit répondre à un besoin, à une attente. J’en tire l’énergie créative nécessaire pour réaliser l’impossible. Évidemment, cela implique des délais. Je ne bâcle pas le travail, quel que soit le prix payé. Il n’y a donc jamais de commande urgente, et les clients qui ne comprennent pas ce principe ne font pas affaire avec moi. Par contre, si la demande peut être un peu détaillée, je me réserve le choix des outils et du produit final. Le travail sera fait, n’en doutez pas ! Mais il sera fait à ma façon, dans mes délais et selon mes modalités. Je peux comprendre et accepter des exigences de calendrier, mais rien qui puisse me pousser à accélérer l’œuvre et finalement risquer de la bâcler. J’ai connu trop d’artisans qui se sont fourvoyés dans des contrats vite pris, vite remplis mais qui, au final, n’ont fait que pousser leurs clients à commander n’importe quoi à la dernière minute, sous prétexte que l’artisan s’était débrouillé la dernière fois. Combien se sont retrouvés avec du travail mal fini qui a attiré les foudres de leurs clients et une très mauvaise presse à leur égard ? Parfois, certains se sont même blessés durant la réalisation, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas respecté les règles de sécurité les plus élémentaires. Gloire et argent facile en oubliant l’art et ses contraintes. Cette voie est sans issue. Mon propre père a finalement succombé à la tentation de la facilité. L’âge y a sans doute été pour quelque chose. Il est vrai que notre art réclame de bonnes dispositions physiques et mentales, un esprit jeune et vif, une main sûre, un œil affûté. Ce ne sont pas des

occupations pour un homme vieillissant aux capacités diminuées. Mais bon, que voulez-vous, mon père ne supportait pas de se voir relégué au rang de deuxième prénom d’un nom de famille qui signifiait qualité et professionnalisme. Il lui fallait prouver à tous qu’il restait l’homme de sa grande époque. Alors oui, il a accepté un contrat difficile mais, au lieu de bien planifier son œuvre, il s’est lancé dans un règlement rapide… qui a fini sous les balles des C.O.P.S. Assassiner la maire de la cité des anges, c’était déjà un coup audacieux. Mais décider de le faire en public, à coup de stiletto, dans la foule, ça revenait à signer son propre arrêt de mort. Pourtant, je le comprends, mon père. S’il avait réussi, il serait rentré dans la légende de la profession. Personnellement, j’aurais plutôt visé l’utilisation d’un poison lent, peut-être transmis par mon haleine lors d’une séance de poignées de main publique. C’est beaucoup moins spectaculaire, mais diablement efficace. Combien de sportifs ayant oublié leurs engagements auprès de bookmakers, de politiciens ayant tourné le dos à d’anciens supporters infréquentables, ont pu goûter à mon « souffle fatal » ? Petits problèmes nerveux, puis crise cardiaque. Je me suis d’ailleurs spécialisé dans les œuvres cachées du grand public et des autorités. Pour moi, une cible à effacer doit disparaître sans que jamais on ne devine que sa fin fut autre chose qu’un mauvais concours de circonstances. Ne jamais aller au-delà du doute légitime. Un témoin capital dans une affaire de crime économique et écologique qui tombe de son balcon, cela sera toujours suspect. Mais quand il est seul chez lui, surveillé en permanence par un groupe C.O.P.S., il paraît plus vraisemblable qu’il ait craqué sous la pression plutôt qu’il ait été assassiné. C’est vrai que la pression vient peutêtre d’un message de ma part lui indiquant que le choix de la chute évitera à sa famille de brûler vive dans un accident de voiture, mais cela reste un vrai suicide. J’aime aussi particulièrement les tentatives de prise de pouvoir au sein des gangs. C’est fou le nombre de scènes de crime dévastées par leurs propres protagonistes. Un peu de drogue d’un côté, de l’hypnose de l’autre, et vous seriez étonnés de la vitesse à laquelle des criminels peuvent retourner leurs armes contre leur propre chef. Il ne me reste alors plus qu’à achever les survivants puis remettre la scène en état pour la police scientifique.

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Ma prochaine œuvre sera grandiose. Il s’agit de faire disparaître plusieurs membres des C.O.P.S. en une seule fois et surtout en prenant soin de détruire la salle des pièces à conviction au passage. Cette fois, il n’y a pas d’autre solution. Il va falloir que j’élimine un bâtiment en entier. Bon, j’ai déjà fait le coup de l’anomalie structurelle d’un gratte-ciel en construction pour éliminer un promoteur immobilier en pleine visite avec ses investisseurs étrangers, et peu appréciés de mon client de l’époque, mais jamais encore dans un bâtiment aussi sécurisé qu’un central du C.O.P.S. Pourtant, ces lieux ne sont pas si différents. Oui, il y a des mesures de sécurité, mais prendre l’identité d’un vrai C.O.P.S. le temps d’une opération est une routine pour moi. Par contre, c’est trouver l’erreur de conception dans le bâtiment, l’erreur qui pourrait mener à un accident mortel, qui pose le plus de problèmes. En effet, je ne dois pas juste le faire s’effondrer mais bien détruire tout ce qui s’y trouve. Heureusement pour moi, les C.O.P.S. ont récemment mis la main sur un ensemble de contrefaçons d’œuvres d’art qu’ils ont stockées à côté d’une importante quantité de drogue. Malheureusement pour eux, il semblerait qu’un des composés de la peinture des faux vases Ming ait une tendance à enflammer les vapeurs de la drogue de synthèse. Lundi matin, après un week-end à macérer dans un local non ventilé, panne inopinée non détectée de l’aération oblige, il suffira d’un appel d’air pour provoquer une explosion majeure et un incendie dans les réserves du bâtiment, non loin de la réserve d’armes et du parking souterrain. Si l’explosion n’est pas suffisante, je serai sur place, prêt à déclencher une charge active cachée parmi les explosifs des C.O.P.S. Oui, je sais, c’est risqué. Avec les mesures de protection électronique, je dois déclencher la bombe à moins de vingt-cinq mètres. Cela me laissera juste le temps de fermer à clé la porte du local de l’équipe de C.O.P.S. à éliminer, après leur avoir servi un café aromatisé par mes soins, mais avant que l’incendie et les explosions ne les réduisent en poussière. Papa, tu seras fier de moi.

Nouvelle – B.I.A. Le vent J’aime quand souffle le vent car il a toujours été là pour moi. J’aime quand souffle le vent car depuis mon enfance il est mon confident. J’aime quand souffle le vent car il emporte avec lui les bruits du désert. J’aime quand souffle le vent car je sais que c’est en lui que croyaient mes ancêtres. J’aime quand souffle le vent car il est le guide de notre peuple. J’aime quand souffle le vent car il a toujours existé. J’aime quand souffle le vent car il nous a toujours aimés. J’aime quand souffle le vent car il nous a apporté la Voix. J’aime quand souffle le vent car avec lui viennent les paroles de mes ancêtres. J’aime quand souffle le vent car de leurs mots naît la vérité de mon cœur. J’aime quand souffle le vent car il m’a révélé la Vérité que les Blancs veulent nous cacher. J’aime quand souffle le vent car il m’a dénoncé les démons cachés dans le cœur des hommes. J’aime quand souffle le vent car il m’a désigné les démons qui se font passer pour des hommes. J’aime quand souffle le vent car il m’a dit comment les faire disparaître. J’aime quand souffle le vent car il a été la seule personne à qui je pouvais me confier. J’aime quand souffle le vent car il a su apaiser mes craintes. J’aime quand souffle le vent car il a balayé mes doutes. J’aime quand souffle le vent car il a donné de la force à mon bras. J’aime quand souffle le vent car il a accompagné mes pas. J’aime quand souffle le vent car il a fait disparaître les mots de ceux qui ne me comprenaient pas. J’aime quand souffle le vent car il m’a prévenu que les Blancs en avaient après moi. J’aime quand souffle le vent car il m’a dit où me cacher. J’aime quand souffle le vent car il m’a permis de survivre dans le désert. J’aime quand souffle le vent car il m’a annoncé que je pouvais à nouveau frapper. J’aime quand souffle le vent car il m’a donné un nouvel objectif. J’aime quand souffle le vent car je suis devenu la Voix. J’aime quand Document retrouvé dans un campement de fortune de Monument Valley ; certaines sources du BIA le lient à la série de meurtres rituels perpétrés de janvier 2013 à juillet 2014 dans et autour de la réserve de Navajo.

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, Envie de lire “different” ? , Envie d’un monde ludique pulp et depaysant ? N’attendez plus, et entrez dans la dimension OVNI ! ,, , , Romans, Jeux de Role... Bienvenue aux lisieres du reel !

- We Want to Believe -

éditeur d’autres Réalités www.ovni-editeur.com

Elro les bons Tuyaux : Revenir dans le sentier battu Aujourd’hui, je vais tenter de vous apprendre à ne plus vous en faire (… mais pas forcément à aimer la bombe, comme disait l’autre) : comment résoudre une bonne fois pour toutes le problème des PJ qui débordent du cadre prévu par votre scénario ; ou au moins, apprendre à en profiter et à ne pas vous en faire pour autant !

Liberté créatrive

deux manœuvres plus ou moins subtiles… notamment en ne leur présentant rien d’autre. Mais, parfois, les joueurs sont chagrins, en attendent trop d’un MJ et disent : « Il n’y a pas d’autres annonces pour aventuriers à l’auberge ? » C’est vrai que ça fait pauvre quand l’accroche est faible, mais enfin ce n’est qu’un prétexte. Les joueurs, coopératifs, savent qu’on est tous là pour s’amuser et saisissent de bonne grâce la perche qu’on leur tend, n’est-ce pas ? Eh bien non, en fait. Les joueurs ont le droit d’être mal lunés, ou exigeants. Je suis d’ailleurs d’avis que de bons joueurs méritent mieux, et qu’un bon scénario mérite un bon début. Une accroche, une introduction, ça doit vendre du rêve pour le reste du scénario.

Mémorable ! Une bonne façon pour cela, et mon premier conseil, c’est d’être mémorable et vivant.

Premier point : Les joueurs vont où ils veulent... et ils ont raison ! Mettons les choses au point tout de suite : vous n’empêcherez jamais les joueurs de sortir des rails que vous leur fixez, de partir dans le décor, ou de faire exactement ce qu’ils veulent. C’est tout simplement ce que font les joueurs… D’ailleurs, s’ils ne le faisaient pas, tout le côté « histoire collaborative » du jeu de rôle en pâtirait, puisque vous, le MJ, seriez le seul à décider du début, du déroulement et de la fin de l’histoire. Cependant, le simple fait de croiser les doigts en priant pour qu’ils reviennent d’eux-mêmes à la conclusion prévue ne résout rien, et ne mène qu’à la panique du MJ et à la confusion générale. Le MJ peut prendre des mesures variées, des plus simples aux plus complexes, pour y remédier. Voici quelques conseils pour mieux gérer ces instants de « hors-piste » et empêcher qu’ils ne détruisent votre scénario, votre jeu, votre envie de maîtriser, ou pire… vos relations avec vos amis ! Si vous avez de la chance, vos joueurs ne font pas exprès de partir partout dans le décor de la partie – ils cherchent simplement la chose la plus intéressante à faire, ou cherchent le début du scénario. Vous pouvez leur indiquer l’accroche, si elle n’est pas évidente, par une ou

Invitez-les avec de belles descriptions (qui ne manqueront pas cependant d’être percutantes et courtes, pour ne pas lasser). Donnez des voix ou des accents bien distincts à vos PNJ, de façon à ce que les PJ sachent instantanément à qui ils parlent. Donnez dans le cliché détourné, soyez pittoresque, romanesque, voire picaresque… Bref, soyez vivant lorsque vous décrivez le monde et vos joueurs iront naturellement vers ce que vous décrivez. Et ça les poussera à jouer leur rôle, en plus. Faites varier le thème (sans toutefois changer complètement le cadre). Ajoutez par exemple un peu d’horreur à votre campagne qui n’en comportait pas jusque-là, ou encore un peu de sentiment ou de romance. Si vous êtes efficace, vos joueurs seront surpris, parfois un peu déstabilisés, mais au moins ils seront captivés par votre scénario et ils le suivront plutôt que de baguenauder ailleurs. À ce propos, vous pouvez vous-même les balader : téléportez-les, faites-leur prendre le bateau, changer de ville, fuir une accusation (à tort ou à raison)…

Voyage, voyage

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Comme on dit, changement d’herbage réjouit les veaux ! Le changement de pays, de partie du monde, leur fera du bien. Vous aurez l’occasion de décrire de nouvelles choses étranges que vos PJ n’ont jamais vues, et ils ne se trouveront pas dans un cadre assez familier et confortable pour partir explorer ailleurs. Ce besoin d’aller autre part vient parfois du fait que le cadre est trop familier et que vos joueurs cherchent simplement autre chose à faire. La meilleure chose à mettre en œuvre pour voir vos joueurs revenir et en redemander reste bien sûr d’être  constamment mémorable, c’est-àdire de leur proposer des défis variés aux solutions peu évidentes, où ils devront faire preuve de créativité et pas seulement battre de gros monstres… Mais c’est dur. Ceci est le défi continu du maître de jeu, mais le dire ne résout en rien le problème de la perte d’intérêt des joueurs ni celui des joueurs explorateurs qui se mettent à fouiller n’importe où ! Si tout cela ne les empêchera pas toujours de partir dans le décor (surtout si ledit décor est aussi bien décrit que le reste et qu’il donne envie d’y partir, ça arrive !) au moins n’y aura-t-il pas de distractions ni de bâillements à la table. Nous l’avons dit, déjà, et plusieurs fois, dans d’autres articles : il faut rendre votre monde vivant. Il est important de mettre les personnages (et les joueurs) en face des conséquences de leurs actions. S’ils se fichent des missions qu’on leur donne, leur employeur ne les emploiera pas longtemps et, selon le jeu et le contexte, pourra même embaucher des gens pour éliminer les PJ qui le défient. Les PJ tuent quelqu’un ? Embêtez-les avec une enquête de police efficace qui les gênera dans tout ce qu’ils feront. Faitesles condamner, surtout s’ils ne jouent pas le jeu. Cela ne sera que justice, après tout !

Pas si bête… Deuxième conseil, peut-être plus pragmatique : soyez prêt à ce qu’ils ne mordent pas à votre hameçon. Sachant bien que les PJ ont de bonnes chances d’ignorer tout ou partie de votre intrigue, préparez ce qui arriverait s’ils passaient plus ou moins consciemment à côté de l’histoire. Par exemple, imaginez simplement ce qui se passerait si les PJ n’allaient pas nettoyer le donjon du nécromancien. Peut-être que l’armée du nécromant grandirait et finirait par conquérir le pays, ou que sa malédiction s’étendrait sur la région et que les récoltes ne donneraient plus rien ! On en revient au problème des conséquences. Voyez-vous, si RIEN ne se passe lorsque les PJ ignorent les signes premiers que quelque chose cloche, si les ennemis potentiels ne font qu’attendre que les PJ veuillent bien s’occuper d’eux, alors les joueurs tomberont dans la paresse et l’autosatisfaction. Tant que le cadre, le monde qu’ils aiment et qui leur est familier, change peu, ils n’ont aucune raison de voler à son secours (ou de s’y intéresser). Ils ne se soucieront pas de votre scénario, puisque finir celui-ci ne changerait rien par rapport à l’alternative. Montrez aux PJ qu’ils sont les héros en leur montrant que leurs actions comptent… et leur inaction aussi ! Préparez donc une liste chronologique d’événements qui se produiront les uns après les autres si les PJ ignorent telle ou telle chose, s’ils ne font rien. De préférence, ces événements devraient se produire à intervalles réguliers et être de plus en plus marquants, de plus en plus difficiles à ignorer, voire changer complètement le monde, pour toujours !

Classique ? Prenons en exemple un scénario au prémisse «bateau»... Les PJ refusent d’aller retrouver la fille d’un riche marchand. Le marchand emploie des mercenaires pour la retrouver. Les kidnappeurs, des brigands, tuent

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les mercenaires, éliminant toute opposition et prenant de meilleures armes. Ils s’enhardissent à attaquer les caravanes qui approvisionnent la ville, et se préparent à sacrifier la fille à une entité démoniaque (le plan de départ du chef des bandits). Le rituel déséquilibre le climat local pendant la cérémonie. La combinaison du climat perturbé et du manque d’approvisionnement fait que les habitants quittent la ville en masse, affamés. Les bandits finissent par invoquer un démon majeur, à force de sacrifices humains. En fin de compte, les bandits conquièrent et occupent la ville, et la transforment en un État cruel et totalitaire où nul n’ose désobéir de peur d’être emmené directement aux enfers par les démons qui pactisent avec les dirigeants !  Et ainsi de suite. Il peut être plus simple pour certains de se constituer une chronologie raisonnée, et pour d’autres de se constituer un répertoire de PNJ « clés » avec chacun leurs plans, tels qu’ils se dérouleront sans les PJ. Selon ce que les PJ font réellement, certains PNJ agiront et d’autres pas, ce qui changera potentiellement la chronologie exacte des événements. Point n’est besoin de trop détailler, cependant il est toujours bon d’avoir au moins une idée générale du comportement de ses PNJ ! La plupart des PJ normalement constitués devraient réagir dès le début, ou au moins lorsque les caravanes de la ville sont attaquées, ou que le climat est perturbé. Mais sait-on jamais ? Il y a des joueurs têtus. Ils devraient savoir que quelque chose se passe, et qu’ils peuvent l’empêcher, voire qu’ils sont les seuls à pouvoir le faire. S’ils ne le font pas d’entrée de jeu, laissez-leur une chance de le faire à un moment ultérieur.

La pression Le troisième conseil précieux, complémentaire du deuxième, est de créer un sentiment d’urgence. Si vos joueurs pensent qu’ils ont tout le temps du monde pour accomplir leur mission, ils feront l’école

buissonnière. Ils traîneront en route, tentant d’accomplir des sous-quêtes, voire d’en trouver là où il n’y en a pas : le meilleur moyen de vous prendre en défaut, ou de vous faire improviser à tort et à travers ! Une histoire improvisée entièrement, cela peut être très bien (si on sait bien le faire), mais la muse est capricieuse : pour une soirée géniale, il y en a dix pour lesquelles vous auriez aimé être préparé… Engendrez donc un sentiment d’urgence chez vos héros pour qu’ils souhaitent rejoindre l’intrigue dès que possible ! Le plus classique reste la fameuse « conjonction astrale » : le méchant doit atteindre son but avant une certaine date aisément identifiable, et le fera à coup sûr si on ne l’empêche pas à temps. Point n’est besoin de s’en tenir à l’astrologie ni à la précision d’une horloge. Un méchant peut vouloir éliminer un héritier potentiel avant la mort du vieux roi, quelle qu’en soit la date. Autres idées : l’invocation du démon ne peut s’effectuer que lors de l’éclipse solaire ; un meurtrier doit être appréhendé avant qu’il ne commette d’autres assassinats ; la vérité doit être révélée avant que la campagne présidentielle ne s’achève ; il faut que le village soit en sécurité avant un mois, sans quoi on ne pourra pas faire la récolte avant l’hiver ; l’ingrédient rare d’un antidote doit être trouvé avant qu’un PNJ important ne meure à cause d’un poison lent… Si les PJ retrouvent la hache du grand chef Blorg avant que l’armée barbare n’arrive, le roi pourra la brandir et éviter la guerre en soumettant les tribus ; la malédiction de la fée noire doit être brisée avant la naissance du premier enfant du couple royal ; l’apocalypse est pour demain, sauf si les PJ arrivent à changer le cours de l’histoire ; les dettes d’un ami le rattraperont (et la mafia aussi) s’il ne trouve pas très vite une grosse somme d’argent… Veillez aussi à ce que les PJ comprennent bien qu’il y a urgence, en les informant de ladite date ou de l’événement en question. Pour reprendre l’exemple des bandits qui invoquent un démon, faites que les perturbations climatiques annonciatrices de la cérémonie impie soient de plus en plus rapprochées avant la grande conjonction, et faites que le blason des bandits rappelle l’alignement des planètes en question. Faites faire des jets aux personnages érudits, et ça ira !

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Échanger ! Poursuivant ce raisonnement, rendez vos éléments d’intrigue interactifs. Pour chaque élément de votre histoire, prévoyez de nombreuses possibilités d’interactions avec les PJ, même en dehors du fil de l’intrigue. N’isolez pas votre intrigue du reste de votre monde ! Si les PJ vont « dans le décor », vous pourrez ainsi ramener des éléments de votre intrigue au centre de l’action. Cela vous aidera à reconduire les PJ dans les clous, mais aussi cela vous permettra d’improviser sur des bases solides plutôt que « dans le vide ». Quand je dis « éléments », je ne veux pas forcément dire « PNJ », mais aussi « lieu », « faction », « groupe », ou toute autre unité. Ainsi, dans notre exemple principal, nous avons les éléments suivants : le riche marchand, sa fille, les bandits et leur chef (un sorcier), la cachette des bandits, le bourgmestre de la ville, les caravaniers et marchands de celle-ci, le démon, et même le climat qui change… Et sans doute d’autres. Si les joueurs refusent l’offre initiale du marchand, celui-ci fera appel à des mercenaires. Les mercenaires se feront tuer, aussi le marchand fera probablement appel aux PJ de nouveau pour protéger ses caravanes. Selon le comportement des PJ, il peut aussi ne plus les contacter, et pourrir leur réputation en ville, bien entendu, ce qui ne facilitera pas les relations avec le bourgmestre et les autres marchands ! La  fille du marchand n’interagit pas beaucoup avec les PJ s’ils refusent de la sauver. Cependant, une fois morte, il se pourrait que son fantôme hante les lieux de son décès. Elle peut aussi s’en prendre à tous ceux qui ont refusé la mission de son sauvetage, les derniers n’étant autres que les PJ… C’est aussi un moyen de montrer aux joueurs les conséquences de leurs actions, ou de leur inaction ! Les  brigands et leur chef, disait-on plus haut, vont s’attaquer à des cibles de plus en plus importantes. C’est

à ce moment-là que les caravaniers de la ville la plus proche pourraient embaucher les PJ pour les défendre. Il est possible, même, que le bourgmestre fasse appel à eux (puisque les mercenaires du coin ont été tués). Enfin, peut-être que les bandits s’attaquent directement aux PJ alors que nos héros traversent le pays… D’ailleurs, on peut imaginer que les brigands ont des  espions, puisqu’ils ont pour projet de prendre la ville… Ceux-ci rejoindront les rangs de la garde de la ville et des caravanes de marchands afin de semer la discorde, et de ramener de précieuses informations sur les défenses de la ville et les convois prévus. Ils tenteront aussi de suivre (voire d’assassiner) les gens aux postes « clé », et tous ceux qui semblent pouvoir empêcher leurs plans… donc les PJ. Le chef sorcier aura peut-être besoin d’autres ingrédients rares pour son rituel. Il peut faire appel aux PJ pour les lui trouver (peut-être en utilisant un intermédiaire). Il faudra pour cela les récolter ou les voler… Voilà une alternative intéressante pour impliquer les PJ, qui découvriront qu’ils travaillent pour le « mauvais » côté ! Les PJ pourraient aussi posséder un objet ou une denrée qui intéresse le mage pour son rituel. Il cherchera à l’acquérir, d’abord légitimement, puis par la force… Si les PJ ne font vraiment rien, faites jouer le climat qui change brutalement à cause du rituel… Un blizzard en plein été peut forcer des PJ qui traversent le pays à s’abriter dans le lieu de votre choix. Et quel est le lieu en pleine campagne le plus approprié pour camper ? Un vieux donjon qui n’est autre que la cachette des brigands, pardi ! Il peut s’agir d’une cachette secondaire, d’ailleurs, où les PJ rencontreront des espions et des marchands corrompus par les brigands. Peut-être que des légendes locales parlent du démon emprisonné dans le vieux donjon, une cible tentante pour les PJ… Quant au démon, eh bien, il ne souhaite qu’être invoqué pour semer la mort dans toute la contrée ! Ce qui ne l’arrange pas c’est que le rituel, à son paroxysme, le liera au mage qui l’invoque : il sera forcé d’exécuter ses ordres. Il peut venir parler en rêve

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aux PJ et leur promettre monts et merveilles s’ils tuent le mage une fois qu’il est invoqué, mais avant qu’il ne soit lié. On le voit, tout ceci est dans la même veine que le fait de prévoir les plans individuels de vos PNJ, mais il s’agit là de voir ce qu’ils feraient avec les PJ, pas sans.

L’appropriation Le conseil suivant est important : faites en sorte que le scénario soit le leur. On l’a dit et on le redit, le jeu de rôle reste un loisir intéressant parce que le déroulement exact de l’histoire est incertain. Ce n’est pas le MJ qui écrit l’histoire, mais tout le groupe, ensemble. Et les joueurs ont l’avantage, puisqu’ils sont supposés être les héros du drame qui se joue ! Aussi, il est normal que si votre scénario, ou tout au moins son accroche, traite majoritairement d’autres gens, d’autres pays, d’autres familles ou d’autres peuples que ceux des PJ, ils ne se décarcassent pas beaucoup. Ce qu’ils ont écrit sur la fiche, leurs capacités, le type de personnage qu’ils ont choisi d’incarner, cela vous en dira plus sur le genre de scénario qu’ils aiment. Proposez-leur un scénario avec, en accroche, la suggestion d’opportunités d’utiliser leurs capacités, ou un défi particulier qui en appelle à leur type de personnage : les ennemis jurés du rôdeur, des livres pour le mage, des morts-vivants à renvoyer dans l’audelà pour le clerc, une enquête pour le personnage discret, du « social » pour le diplomate, etc.

Motivations et rêves Et ne négligez pas l’attraction que peut représenter le confort pour le PJ moyen... Jean Yanne choisissait ainsi ses rôles : « Je lis un scénario qui commence comme ça : le port de Dunkerque sous la pluie en février. Un homme

famélique, grelottant, en haillons, marche sur les quais. Il fouille dans sa poche. Il y trouve une pomme déjà entamée. Il la croque avidement... Je lis l’autre scénario : les Caraïbes. Une plage blanche sous les palmiers. Un superbe quinquagénaire en costume de soie blanche et panama, une main sur un sein, l’autre sur un verre de punch... Tu choisis de tourner quoi, toi ? » Je vous laisse décider de la meilleure accroche pour vos héros... même si par la suite le scénario peut tout à fait être identique et offrir des dangers tout aussi mortels aux PJ ! Mais pas seulement. Faites aussi en fonction de ce que le personnage voudrait, selon son concept de base, ses motivations. Si le rêve de l’un des personnages est d’explorer l’Égypte ou de travailler avec tel ou tel éminent spécialiste, intégrez-le au scénario... Si l’un d’eux souhaite retrouver sa fille disparue, n’hésitez pas à attirer les PJ dans le scénario grâce à une telle piste, vraie ou fausse. De la même manière, même si votre univers de campagne « maison » est hyper détaillé, il ne passionnera jamais vos joueurs… Ou en tout cas jamais autant que ce qu’ils ont pu inventer pour leurs propres personnages. Sachez donc toucher les personnages en exploitant les backgrounds que les joueurs ont écrits. Remémorezvous ce qui motive chaque personnage (argent, amour, aventure, retrouver X ou Y…) et placez l’épée de Damoclès sur leur tête plutôt que sur celle d’un autre. Pour créer, comme plus haut, le sentiment d’urgence, faites que ce soit l’un des PJ qui soit empoisonné et doive chercher l’antidote. Faites que la malédiction s’abatte  sur la famille d’un PJ, ou que tout espoir de récompense soit perdu si les PJ arrivent trop tard, etc. Et, toujours, appuyez-vous sur leur fiche de personnage et leur background pour voir comment tel personnage réagira à telle situation. Nous avons déjà abordé ce sujet plus d’une fois d’ailleurs ! Sans même aller jusqu’à l’urgence absolue, si l’un des joueurs a écrit sur sa fiche que son personnage est à

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la recherche du meurtrier de sa femme, saisissez cette opportunité pour faire dudit meurtrier un méchant mineur ou majeur qui raccrochera ce personnage à la trame de votre campagne… De même, si un personnage a une famille, sans aller jusqu’à la faire enlever ou massacrer par le méchant, vous pouvez simplement en faire des PNJ pourvoyeur de mission, ou des intermédiaires pour ceux-ci. Même s’ils ne mordent pas tout de suite à l’hameçon, vous aurez toute légitimité de leur dire, alors, qu’ils jouent mal leur personnage… Mais pour certains, cela ne suffit pas.

tests pour tirer à l’arc, résister à l’alcool, séduire une donzelle, raconter une histoire au coin du feu, et ainsi de suite). Une fois qu’ils appellent certains membres du village par leur petit nom, ils sont investis… Motivez-les en menaçant lesdits villageois ! Un autre grand classique est l’enfant égaré que les PJ trouvent et doivent raccompagner chez lui : même le pire barbare n’ignore pas un enfant. Et je refuse personnellement de jouer avec quelqu’un qui, dans une partie « classique », laisserait mourir (ou tuerait) un gosse dès la première scène de jeu. Orphelins, veuves… des clichés, certes, mais dans des jeux comme Donjons & Dragons ou Pathfinder, ça fonctionne très bien.

Master of puppets

Vous pouvez aussi leur donner quelqu’un à détester. Dès les premiers scénarios, voire dès l’introduction, présentez les choses de manière à ce qu’ils contrarient par inadvertance un PNJ méchant, bête, prétentieux, ou haïssable d’une manière ou d’une autre, mais qu’ils ne pourront pas tuer tout de suite ou sans raison (peut-être un shérif ou un noble local). S’il les agace régulièrement, ils ne manqueront pas d’essayer de lui nuire !

Il faut les investir par la manipulation. Eh oui, être retors est parfois le seul moyen. En effet, il y a des PJ avec très peu de background, des parents morts, un comportement assez proche du psychopathe (dont nous avons déjà parlé dans un précédent article) et dont le passé est trop lisse pour pouvoir être exploité de la façon qui précède. Ou alors il faut s’y prendre à l’avance, et cela ne vous dit pas comment remédier à une situation qui vous occupe sans doute déjà depuis le dernier scénario. Comme il est de la plus haute importance que vos personnages (et vos joueurs) s’investissent dans votre scénario, connectez-les au présent, pas simplement au passé. Par exemple, commencez une campagne en leur faisant découvrir un village non pas par une description, mais parce qu’ils y sont arrivés un jour de festival. Toute la première partie de la séance de jeu a été consacrée aux compétitions, jeux d’adresse, danse, concours de boisson, flirt avec la fille de l’aubergiste… Ces événements ne sauraient simplement être décrits, ils doivent être joués (et, soit dit en passant, c’est aussi un bon moyen de familiariser les joueurs avec un nouveau système de jeu : faites-leur faire des

Quelle joie pour les PJ de découvrir un jour que le personnage qu’ils détestent est de mèche avec le Grand Méchant, voire que c’était lui depuis le début ! Ils vous mangeront dans la main et courront aussitôt dans la direction indiquée. Et qu’importe, au fond, si vous avez totalement improvisé ce lien a posteriori parce que vous avez constaté que les PJ haïssaient ce PNJ particulier, n’est-ce pas ? Et si une meilleure histoire que celle que vous aviez en tête émerge, n’hésitez pas à la développer… J’ai par exemple créé pour mes joueurs de Vampire un PNJ doté d’un fort statut dans leur ville, et que l’un d’entre eux a énervé dès le début. Il s’est un peu vengé, les PJ se sont vengés par dessus, les choses ont vite (v) empiré… Maintenant, il me suffit de brandir sa menace pour que mes joueurs enragent, prêts à l’assaillir. Ils sont même relativement proactifs contre lui ! Certes, je l’avais conçu dés le départ comme un PNJ haïssable et un ennemi potentiel, mais Vampire est un jeu d’intrigue.

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Vous pouvez bien entendu cumuler les PNJ sympathiques et antipathiques dans le même scénario. Et si rien ne marche, menacez : les vertus d’un début in media res ne sont plus à vanter. Un combat d’entrée de jeu forcera les PJ à fuir ou à se battre, et les impliquera du même coup. Ils souhaiteront savoir qui les a ciblés et pourquoi, sauver les autres victimes d’une telle attaque, voire se venger, toute autre affaire cessante…

Lâchez prise Et puis si rien d’autre ne marche… Laissez-les faire. L’important, c’est que tout le monde s’amuse. Tant que vous vous amusez aussi, continuez d’improviser ! Pourquoi pas ? Temporisez avec des PNJ et des morceaux choisis issus d’autres scénarios. Pas la peine de vous lancer dans des combats importants ou dans une autre intrigue, une bagarre de taverne et une quête mineure avec un de ces donjons instantanés en cinq pièces trouvés sur Internet suffiront amplement. Vous n’êtes pas aussi prêt que possible, mais vous n’êtes pas sans ressources !

Roll for Shoes, le jeu de rôles le plus « light » du monde, est un excellent entraînement pour ce genre de choses. Cela ne veut pas dire que votre scénario est gâché, juste retardé. Mais il est vrai que ça peut être frustrant. Si tel est le cas, ne soyez pas rageur et punitif ! N’ayez pas de honte à dire « Bons, les mecs, vous allez dans des directions que je n’ai pas du tout anticipées, donc si ça ne vous dérange pas on fait une séance plus courte aujourd’hui, ça ira mieux la semaine prochaine », ou quelque chose du même genre. Ce n’est pas un aveu de faiblesse, c’est confesser que vous voulez qu’ils s’amusent. Et ils s’amuseront mieux avec un MJ qui sait quoi faire (même si vous n’avez jeté que quelques idées sur le papier en dix minutes, c’est toujours ça) qu’en faisant peiner un MJ qui n’en peut plus ! Ce sont vos amis, ils comprendront. Et s’ils ne comprennent pas et préfèrent vous frustrer, vous avez un problème de joueurs et non un problème de scénario : le comportement du pervers qui aime faire souffrir les autres n’a pas sa place à une table de jeu de rôle, ni entre amis. Indiquez à tous ces malfaisants la porte de sortie, vous ne vous en porterez que mieux, et votre groupe aussi.

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Polaris de Ben Lehman Polaris : tragédie chevaleresque au septentrion est un jeu de rôle écrit par Ben Lehman en 2004. Le jeu a notamment connu le succès avec un Indie RPG Award du meilleur jeu en 2005. Bien que cela n’arrive que tardivement, il vient de connaître une traduction chez 50 Nuances de geek fin 2015. Avec Dogs in the Vineyard et Sorcerer, le jeu fait partie des œuvres fondatrices de l’école forgienne et, encore aujourd’hui, déroute par son approche résolument novatrice. Mais que contient vraiment cet ouvrage de deux cents et quelques pages qui lui vaut d’être tant cité par les auteurs Il était une foi Là vivait le plus, aussi loin au nord qu e le nord peut ici même indépendants ? La Nous ne pouv s grand peu être. ple quréponse e ce mo mais nous po ons les voir comme ils éta nde ne connaîtra jamais uvons com t, sous vos yeux ébahis (ou pas !).. prendre comme ien fondant com me un flo nt ils mo “Horreur de toute beauté, emphase sur Putain que c’es la beauté, emp t bon.” hase sur l’ho

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Il était une fois, aussi loin au nord que le nord peut être. Là vivait le plus grand peuple que ce monde ne connaîtra jamais. Nous ne pouvons les voir comme ils étaient, mais nous pouvons comprendre comment ils moururent, fondant comme un flocon de neige au soleil. Ce n’est plus de l’histoire ; ce n’est WWW.500 nuance sdeGeek .fr histoire. C’est tout pas encore une ce qui subsiste. Le reste est ce que vous en faites.

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Le jeu propose de jouer des chevaliers dont le destin tragique va conduire à la trahison ou la mort. Dans un pays oublié, à une époque dont personne ne se souvient, vivaient le roi Polaris avec sa reine des glaces ainsi que son champion Algol et les chevaliers de l’Ordre des Étoiles. Sans que l’on sache exactement pourquoi, ils ont sombré alors que le soleil apparaissait en même temps que la Méprise (Mistake) et ses démons, les mépris. Aujourd’hui il ne reste que quatre fragments de l’ancien royaume. Le Guet du Sud, la Garde du Sud, Haute Étoile et la Marche du Sud. Les chevaliers sont les derniers remparts contre la Méprise. Cette dernière a engendré des démons qui émergent au printemps, faits de chair et d’os et aux formes multiples.

Les plus terribles sont le chevalier Solaris et la demoiselle des glaces, que beaucoup prennent pour Algol et la Reine, déchus pour avoir péché. Mais avant tout ils représentent le destin des chevaliers, condamnés à mourir ou à tomber sous l’emprise de la Méprise. L’ouvrage décrit avec poésie les saisons et leur influence sur les survivants du royaume de Polaris, ou le mythe des royaumes du sud, magique et mystérieux. On est tout de suite happé par la poésie du texte. Lehman y sert ici un contexte mystérieux qui rappelle les légendes nordiques et poétiques tant appréciées par Tolkien. Les illustrations et certains thèmes évoquent l’imagerie médiévale, notamment la geste arthurienne. L’aspect tragédie inéluctable vient également du mythe des chevaliers de la Table ronde mais aussi d’éléments modernes comme le Trône de fer. Contrairement à l’habitude dans les jeux de rôle, le cadre de jeu n’est pas complet. Il est juste au Septentrion esquissé, comme une peinture impressionniste, floue et évocatrice. Un parti-pris qui peut inspirer les plus poètes d’entre nous mais aussi effrayer ceux qui ne se sentiraient pas à la hauteur du lyrisme proposé. En cela, Polaris pourra paraître élitiste.

Chevaliers de la table… Chaque joueur va créer un protagoniste. Ceux-ci sont les héros de l’histoire, bons, méchants, ambigus, peu importe. La création va s’effectuer sur une série de traits libres. En effet chaque protagoniste porte un Conduite (une motivation), un Cosmos, des Valeurs et des Thèmes. Le cosmos est l’univers autour du protagoniste : on remplit un cercle coupé en quatre parties où l’on va indiquer les informations sur le protagoniste et ses relations indiquées dans les parties Cœur, Méprise, Pleine lune et Nouvelle lune. Le Cœur contient toutes les informations propres au personnage, sa force, ses faiblesses, ses possessions. Les Lunes représentent

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les éléments extérieurs et neutres comme la famille, les amis ou la hiérarchie. Enfin la Méprise représente le danger pour le personnage, un ennemi, une menace ou même un ami Méprise. Une fois le monde du protagoniste établi, il faut déterminer son lien avec celuici. Cela passe par les valeurs et les différentes menaces. La Glace est la force du lien du personnage avec son environnement. Plus la valeur de Glace est forte, plus il est épaulé dans sa lutte pour préserver son monde. La Lumière est la force intérieure du protagoniste. Avec un haut score il sera en mesure de résister seul et pour lui-même aux oppositions. Les deux valeurs débutent à 1. Le Zèle, lui, mesure la volonté du chevalier à en découdre, sa motivation. Elle démarre à 4 et est destinée à diminuer, marquant l’évolution du jeune personnage gagnant en cynisme avec l’Expérience. Avec le temps, le personnage va perdre du Zèle et gagner en Glace et en Lumière, montrant comment il s’endurcit ou développe un lien fort avec son environnement pour mieux le protéger. Mais une fois le Zèle envolé, arrive l’accablement, la lassitude du vétéran. Cet état de fait tend à limiter la variété des personnages  ; chaque protagoniste a finalement les mêmes caractéristiques techniques, seuls les thèmes changent. Oui, car, le jeu étant sans réel meneur de jeu, il convient de pouvoir utiliser des éléments de fiction qui rendront l’histoire du protagoniste intéressante. C’est là qu’interviennent les thèmes comme l’office, la fonction du personnage dans la société. Tous les protagonistes ont comme office « chevalier de l’Ordre de l’Étoile » mais ils peuvent en avoir d’autres comme « ambassadeur du Duc » ou « protecteur de la Tour ». Les chevaliers ont aussi un destin, des éléments extérieurs qui vont marquer la vie du protagoniste. Ce sont des idées, des événements ou des relations. Les protagonistes doivent partager au moins un destin. Pour faire face à la Méprise, les protagonistes ont aussi des bénédictions comme un lien avec un compagnon, un artefact ou de l’équipement. Ils disposent aussi d’une capacité, généralement un savoir-faire ou une compétence spécifique. Tout ceci crée un mini-univers propre au personnage qui servira dans l’histoire.

Mais l’espoir n’était pas perdu… Polaris propose de nombreuses innovations dès sa mise en place. Pour amorcer la séance, l’un des joueurs déclame « Il y a longtemps, des gens mourraient à la fin des temps. » Même si ce n’est pas obligatoire, les joueurs peuvent poser une bougie au milieu de la table et la faire brûler jusqu’à la fin de la partie. Cet acte rituel permet de se focaliser sur le jeu et de privilégier la concentration de l’assemblée vers l’ambiance poétique et tragique inhérente au jeu. Je ne parle pas ici d’immersion dans l’interprétation – car les pauses et les discussions sont encouragées entre les scènes – mais plutôt d’implication. Ensuite, l’un des joueurs va lancer la partie. Pour commencer une scène, le joueur choisit son protagoniste ou le protagoniste dont il est le Méprise. Oui, car chaque joueur joue un rôle vis-à-vis du personnage. Le Cœur dirige le protagoniste et fait parler ses sentiments, agit pour lui. C’est donc le personnage-joueur tel que nous le concevons habituellement mais avec un peu plus de pouvoir qu’à l’ordinaire vu que le Cœur a un droit de veto sur tout ce qui touche au protagoniste. À la droite et à la gauche du Cœur se trouvent les Lunes. La Pleine lune dirige les personnages mineurs mâles et les relations professionnelles, la famille et l’ensemble des PNJ anonymes. La Nouvelle lune interprète l’intime du protagoniste, ses amours, ses proches intimes et tous les personnages mineurs féminins. Bien qu’elles ne puissent pas commencer une scène pour le protagoniste, les lunes peuvent faire des suggestions. Mais le rôle majeur des lunes reste l’arbitrage des conflits, généralement entre le Cœur et la Méprise. Face îí au Cœur, la Méprise représente l’adversité, les rivaux et tout ce qui viendra contrarier la vie du protagoniste. La partie se déroule en « jeu libre » c’est-à-dire que les joueurs sont encouragés à produire des événements en totale liberté, chacun jouant sa part pour amener de manière collaborative à une histoire intéressante. En cas de conflit narratif (prévisible entre le Cœur et la Méprise) on passe au système de résolution. Avant tout, Polaris incite les joueurs à s’impliquer pour que

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l’histoire soit intéressante, ce qui nécessite un minimum de confiance entre eux. Comment se résout un conflit narratif  ? Là encore Lehman innove avec un système basé sur des phrasesclés. Quand un joueur propose un événement qui pose problème à son opposant, celui-ci peut l’accepter si et seulement si sa propre proposition est acceptée. L’autre peut répondre à nouveau par une autre condition (« si et seulement si »), ajouter un élément supplémentaire (« et par ailleurs… ») ou tout accepter (« c’est ainsi que cela s’est passé… »). Bien évidemment, tout ne peut pas être fluide et un joueur peut en demander trop. Dans ce cas, l’autre spécifie soit que « cela ne doit pas passer » ou que le joueur « en demande trop ». En dernier recours, le joueur utilise un thème (qui ne sera plus disponible pour la séance) et lance les dés. Les Lunes arbitrent la chose et décident ensemble s’il faut lancer le dé. Le Cœur ajoute le score de Lumière ou de Glace au Zèle si le Méprise est dans une situation désavantageuse. Dans le cas où il serait en position de force, le Cœur doit soustraire à son score son niveau d’accablement (s’il en a). Il doit alors faire moins que le total sur un D6. S’il réussit, il est triomphant et déjoue les pièges de la Méprise. S’il perd, le Méprise a gagné et les conséquences sont terribles. Si le Cœur décide de se montrer cynique, égoïste ou tout autre sentiment lié à la Méprise, le Méprise peut exiger une Expérience. Dans ce cas le joueur jette un dé pour savoir s’il progresse. S’il est inférieur à son score de zèle ou d’accablement, le protagoniste gagne un point en glace ou en lumière mais perd un point de zèle ou gagne un point d’accablement. S’il est supérieur, le protagoniste rafraîchit ses thèmes. À la fin d’une scène, on passe à un autre joueur, généralement une Lune, pour faire intervenir un autre protagoniste. Ces conflits à base de phrases-clés renforcent le côté narratif de Polaris et, bien que demandant une certaine habitude, génèrent des parties fluides et centrées sur la poésie du jeu. Pour finir la séance un des joueurs doit dire, en accord avec les autres, « mais tout cela s’est passé il y a fort longtemps et plus personne ne s’en souvient ».

À l’image des jeux forgiens, le jeu est sobre, peu illustré, relativement court et didactique. À ce titre, Lehman s’en sort mieux que ses confrères sur la question.

Mais tout ceci s’est passé il y a fort longtemps… Polaris propose un jeu très intéressant sur la forme via la déconstruction du rôle traditionnel du meneur, pour le répartir entre les différents joueurs. C’est notamment parlant avec les Lunes qui jouent la neutralité et arbitrent les conflits. Dans un jeu traditionnel, le meneur est à la fois juge et partie ce qui pose problème quand il n’a pas assez de recul sur les choix à faire. Ce n’est pas le cas ici. Le destin du protagoniste est le seul point problématique. Sur le fond, le résultat est toujours le même : le héros court à sa perte. La seule différence est l’aspect cosmétique, libre et laissé à l’appréciation de la table. La mécanique porte très bien ce propos mais enlève toute forme de libre arbitre aux joueurs. Une sorte d’expérience garantie là où Dogs in the Vineyard et Sorcerer laissaient beaucoup plus de liberté. Un choix fort qui se conçoit et qui, en tout cas, a fortement influencé la production indépendante qui a suivi comme S/lay W/ íé me, Monostatos ou même Fiasco. En cela, Polaris est réellement l’icône de ce qui fait la joie des adeptes des jeux forgiens, mais aussi l’irritation de leurs détracteurs. Alban

Un mot sur la VF sortie au moment où j’écris ces lignes. Polaris: tragédie chevaleresque au septentrion a bénéficié d’un financement participatif modeste mais réussi qui sert bien le propos du livre. Vis-à-vis de l’original, le livre a gagné une maquette professionnelle et des illustrations dédiées dans le ton (celles de la VO provenaient d’un livre qui a inspiré l’ouvrage mais qui n’étaient pas toujours « raccords »). La traduction, qui n’a pas été une partie de plaisir, est très correcte mais on retrouve toujours quelques coquilles par endroits. Rien de bien grave.

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Deux lieux d’aventures pour Millevaux Cet article décrit deux lieux particuliers des Millevaux. Ceux-ci peuvent être exploités avec les différents jeux qui utilisent cet univers à l’ambiance particulière. Millevaux est une création de Thomas Munier.

Lahg Le marais de Lahg se trouve près de la mer, dans l’ancienne province de Normandie (c’est là que les eaux du fleuve Seigne viennent se perdre). C’est un territoire maudit où personne ne se rend volontairement. Les personnages vont devoir le traverser, soit parce qu’ils vont s’y égarer, soit parce qu’ils réalisent une mission (comme rechercher une personne disparue ou poursuivre des fugitifs).

d’autres sont recouverts de fourrure ou de mousse, d’autres encore ressemblent à des humains tout à fait normaux, à part le fait qu’ils logent dans une cavité de leur ventre une colonie d’insectes qui se nourrissent de leur sang et filtrent les éléments radioactifs, ce qui permet à leurs hôtes de rester – relativement – en bonne santé. Les méthodes de chasse préférées des habitants du marais sont l’embuscade et l’utilisation de flèches empoisonnées. Par chance, les héros seront sauvés d’une mort certaine par l’intervention d’une tribu de chasseurs habitués à faire quelques échanges avec les étrangers. Ceux-ci leur offriront l’hospitalité dans leur village lacustre et ils leur donneront des informations utiles. Ils savent que les personnes (ou les objets) qu’ils recherchent se trouvent dans la grande maison de pierre des anciens (oui, il s’agit bien de la centrale). Les chasseurs vont leur montrer un chemin qui leur permettra de s’en approcher sans être vus, mais ils vont aussi les mettre en garde : cet endroit sert de tanière à un dragon particulièrement grand et féroce. Décidez par vous-même quelle est la véritable nature de cette créature. Un simple reptile de la taille d’un autobus ou bien une entité intelligente avec laquelle les héros devront négocier leur passage ? Ce gardien peut aussi être sous le contrôle d’une secte de fanatiques encapuchonnés (sans doute des adorateurs du Grand Bouc) qui utilisent la centrale nucléaire comme un lieu de culte. Quel que soit leur objectif (que vous devrez aussi définir, si cela vous semble utile), les cultistes ne vont pas accueillir les personnages avec des colliers de fleurs. Décidez aussi si ces sinistres individus représentent une réelle menace pour les héros et s’ils possèdent de véritables pouvoirs magiques ou s’ils ne sont que des égarés dirigés par un habile illusionniste.

La présence d’une centrale nucléaire a profondément influencé la faune et la flore locales. Alors qu’ils avancent vers le centre du marais, les héros vont découvrir des arbres aux formes étranges (ils sont recouverts par un lichen phosphorescent). Les créatures qui vivent dans le marais ont aussi été affectées par les radiations. Les personnages vont y découvrir des poissons carnassiers, des oiseaux charognards à l’aspect reptilien, des pseudo-crocodiles de grande taille et des plantes carnivores. La région est également habitée par des humanoïdes bien adaptés au milieu aquatique dont les ancêtres étaient (peut-être) des humains. Quelquesuns vont s’approcher d’eux (avec des intentions plus ou moins pacifiques).

Biarz

Décrivez à vos joueurs une étonnante galerie d’êtres à l’aspect étrange : certains ont une peau écailleuse,

Les ruines de l’antique cité de Biarz se trouvent près d’une chaîne de montagnes, au sud-ouest des

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Millevaux, dans une région où la forêt est remplacée par une savane désertique. À cet endroit, une brèche est ouverte dans le mur qui isole l’Europe et les eaux de l’océan Atlantique ont envahi la ville. Un ancien port de commerce situé au nord de Biarz a été utilisé comme zone de débarquement par l’armée américaine au moment de la construction du mur. Les installations qu’elle y a laissées (des quais en béton, des entrepôts et des baraquements protégés par une grille électrifiée) sont abandonnées depuis longtemps. La rareté des sources d’eau dans cette région fait que cette cité lacustre est restée inhabitée depuis des siècles (enfin, pas tout à fait) et laissée sans surveillance par la marine américaine (en fait, pas tout à fait non plus). Pour respecter la règle qui veut que les héros soient toujours au mauvais endroit au mauvais moment, les personnages vont arriver à Biarz lors d’une situation de crise. Vous devrez choisir la raison de leur présence dans cette région désertique (personne ne s’y rend par hasard). Le plus simple est de leur confier une nouvelle mission (la recherche d’un objet ou d’une personne fera l’affaire). Notez que la façon dont l’aventure va évoluer dépendra en grande partie non pas des actions des personnages (des événements désagréables vont se produire, quoi qu’ils fassent) mais de leur détermination. La situation finale sera en effet très différente en fonction des choix moraux qu’ils vont faire. Quand les personnages vont arriver aux abords de la ville, ils vont remarquer (s’ils prennent le temps d’observer l’endroit depuis un point de vue en hauteur) que plusieurs groupes d’individus se sont installés dans les ruines. Le premier groupe est constitué d’une centaine de personnes (des familles avec quelques enfants) qui sont venues à Biarz en suivant un guide religieux du nom de Dylan d’Orne. Celui-ci les a rassemblées en regroupant les communautés qu’il a rencontrées sur sa route. Cet homme assez âgé (il a plus de trente ans) est très charismatique. Il a convaincu ses fidèles en leur promettant qu’il allait les conduire vers une vie meilleure. La croyance qu’il professe est simple : son dieu (le seul authentique, évidemment) lui est un jour apparu

et il lui a ordonné de guider tous ceux qui seraient volontaires pour le suivre vers l’antique cité. De là, un navire viendrait les chercher pour les emporter loin des Millevaux, vers la Terre promise. Décidez librement si ce fanatique est un simple illuminé, ou si les événements qui vont se produire dans les jours qui vont suivre l’arrivée des personnages ne vont pas étrangement conforter ses prédictions. Il peut aussi posséder un véritable pouvoir de divination, ou même d’autres capacités – bien plus dangereuses – qu’il n’hésitera pas à utiliser quand les mercenaires (et les personnages) essayeront de le capturer. La plupart des pèlerins sont persuadés que la rencontre avec leur divinité ne pourra se faire que s’ils prouvent leur conviction en se lançant par eux-mêmes sur l’océan. Ils ont donc commencé à rassembler des matériaux qu’ils ont trouvés dans les immeubles à demi effondrés de la ville (des plaques de tôle, des containers en plastique, des fils électriques...) pour construire un radeau. Quelques fidèles de Dylan d’Orne vont paniquer et le mettre à l’eau pour tenter de s’enfuir quand la situation va devenir tendue, mais l’esquif n’est pas consolidé et il va couler à quelques centaines de mètres de la côte. Le second groupe est bien moins nombreux (il comprend entre cinq et vingt personnes suivant l’importance que vous voulez lui donner). Il ne compte que des hommes, tous biens armés et vêtus d’armures. Leurs visages sont tatoués de lignes bleues et les dessins faits à la peinture rouge sur leurs capes indiquent que ce sont des pillards ou des mercenaires. Ils se cachent dans les ruines pour observer la communauté religieuse. Leur intention est de lancer une attaque sur le camp des pèlerins après la tombée de la nuit. Vous devrez définir quel est leur objectif : ils peuvent avoir suivi les fanatiques uniquement dans le but de les dépouiller de leurs maigres biens, ils peuvent aussi être à la recherche de Dylan d’Orne (celui-ci a commis quelques actes criminels dans les contrées du nord avant de trouver sa voie et sa tête est mise à prix). Les membres de ce groupe vont tenir les rôles de grands méchants de l’histoire – et leurs agissements vont en faire la démonstration : violence gratuite, menaces, tortures, viols et meurtres. Mais face à un ennemi supérieur en force et en nombre, ils n’hésiteront pas à chercher à sauver leurs vies par tous les moyens : ils vont fuir les combats, prendre des otages – et même

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proposer une alliance de circonstance aux héros le temps de sortir des ruines de la cité. Les mercenaires sont installés depuis deux jours et ils sont relativement bien dissimulés. Si les personnages ne sont pas attentifs ils ne vont pas les remarquer (jusqu’au moment où ceux-ci vont leur tendre une embuscade). Un troisième groupe va faire son apparition dans les heures qui vont suivre l’entrée des héros dans la ville : un satellite de surveillance militaire a noté la présence de mouvements inhabituels sur la frontière et une patrouille d’intervention de la marine américaine va rapidement être envoyée à Biarz. Au crépuscule, un petit sous-marin va accoster sur un des quais qui se trouvent au nord de la ville. Une douzaine de soldats vont en descendre et se déployer dans les ruines. Leur mission est évidemment de nettoyer la zone, en utilisant une force proportionnée. Leur progression se fera d’une façon assez prudente car le chef de la section, le major Slinger, est un homme qui préfère la discussion à l’affrontement.

C’est à cet instant que l’apparition d’un quatrième groupe va ajouter un niveau supplémentaire de confusion à la situation : un peuple de mutants humanoïdes adaptés à la vie aquatique vit dans la partie immergée de Biarz depuis des siècles. La présence d’un grand nombre d’humains dans le niveau supérieur des ruines est une nouveauté pour eux et ils vont rester cachés dans les plus bas niveaux de leur territoire pendant plusieurs jours avant de passer à l’action. Après de longues palabres, les amphibiens ont décidé de chasser les intrus de leur territoire. Ils vont sortir de l’eau et encercler les trois factions humaines (qui seront assez proches les unes des autres à ce moment-là). Ils utilisent comme armes des couteaux en os, des lances aux pointes taillées dans du verre et des massues faites d’un assemblage de barres d’acier inoxydable et de boulons. La façon dont les événements vont évoluer va dépendre des décisions que vont prendre les personnages.

Quand il va constater que les fidèles de Dylan d’Orne ne sont pas armés, il va essayer de les raisonner plutôt que de leur tirer une balle dans la tête (mais il se montrera beaucoup plus brutal avec les personnes armées, c’est-à-dire les mercenaires et les personnages, si ceux-ci refusent d’obéir à ses ordres). Une fois que les héros auront commencé à négocier avec le prophète et ses fidèles (ils sont sans doute venus pour ramener Dylan d’Orne vivant à leur employeur), ils devront prendre des décisions et agir vite. Les bandits et les marines vont en effet se diriger vers le camp des pèlerins au même moment, quelques minutes après la tombée de la nuit (et leur rencontre va faire des étincelles).

bataille.

S’ils sont partisans des méthodes violentes, la suite du scénario se résumera à une succession de combat (contre les mercenaires, puis les soldats américains, puis les mutants). Les disciples de Dylan d’Orne seront pratiquement tous exterminés pendant cette

S’ils préfèrent s’essayer à une voie plus diplomatique, les héros vont assister à un événement imprévu : alors que les hommes-poissons vont passer à l’attaque (et que les militaires se mettent en position pour tirer), un des mutants va pousser des cris et inciter ses congénères à baisser leurs armes. Il va s’avancer seul et commencer une étrange discussion faite de gestes, de danses et de dessins écrits sur le sable. Le message que veut faire passer l’humanoïde est assez clair : son peuple est la victime d’une créature carnassière qui les harcèle depuis plusieurs mois. La force de ce prédateur est colossale et les mutants

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n’arrivent pas à l’affronter seuls. L’homme-poisson va donc proposer que les humains unissent leur force à la leur pour se débarrasser de cet envahisseur. En échange, le peuple aquatique pourra remonter à la surface des objets qui se trouvent dans la partie inondée de la ville. En effet, des caissons étanches se trouvent dans les cales des navires qui ont sombré dans le port de Biarz. Ils contiennent des objets sans utilité pour les mutants mais qui auront beaucoup de valeur pour les humains, comme des armes, des véhicules aériens (des aérodynes) ou des médicaments. La créature qui rôde dans les profondeurs de la cité lacustre est un poulpe mutant d’une taille gigantesque. Choisissez le moment et la façon dont il va intervenir dans l’aventure. Le monstre marin a été alerté par le bruit des combats dans les ruines et il peut sentir dans l’eau l’odeur du sang et de la peur. En réaction à cette situation stressante, il peut soit décider de fuir et il ira se cacher dans une caverne (il faudra alors organiser une expédition de chasse sous-marine pour le débusquer), soit, au contraire, se rapprocher de la surface et attaquer toutes les créatures qui vont passer à portée de ses tentacules. Les héros vont constater la présence du monstre en voyant un tentacule de vingt mètres de long sortir soudain hors de l’eau et se saisir d’un pèlerin ou d’un soldat américain juste devant eux. Décidez si le monstre aquatique va aussi s’en prendre au groupe de PJ ou s’il restera une simple menace potentielle. Notez que si les personnages ont été vigilants, ils éviteront de s’approcher trop près des endroits où l’eau est la plus profonde. Préparez quelques indices que vous pourrez donner aux joueurs s’ils posent les bonnes questions ou qu’ils précisent que leurs héros se montrent particulièrement attentifs à leur environnement. Ils pourront être alertés du fait que la ville n’est pas tout à fait déserte en remarquant quelques détails particuliers alors qu’ils vont progresser entre les immeubles à la recherche des

fanatiques. Ils peuvent voir des ombres (trop grosses pour être de simples poissons) passer dans les rues en partie submergées de la ville, se sentir observés, ou bien découvrir à l’extrémité d’un quai recouvert d’ossements divers une sorte de statue faite d’un assemblage de pierres et de morceaux de béton dont la forme évoque grossièrement celle d’un énorme crapaud (il s’agit du lieu de culte des hommes-poissons). Après l’élimination du poulpe géant, les personnages vont devoir entamer une nouvelle négociation. Ils sont en effet en concurrence avec les mercenaires pour la capture de Dylan d’Orne (dans la mesure où celui-ci est encore vivant), et ceux-ci ne veulent pas lâcher leur proie (mais le fait qu’ils ont été vaincus par les soldats va les rendre plus ouverts aux négociations). De leur côté, les Américains ne vont pas vouloir laisser repartir des témoins qui ont vu trop de choses. Le major Slinger va suivre la procédure et demander à ses supérieurs de lui envoyer un navire de transport, où il va embarquer de force toutes les personnes présentes (pour une destination inconnue). Les personnages devront donc préparer un plan qui leur permettra de leur échapper et de quitter rapidement la cité s’ils ne veulent pas être capturés puis enfermés dans un camp de prisonniers pendant une période indéterminée. Deux semaines plus tard, la marine américaine va occuper à nouveau la base de Biarz. Les militaires vont établir des relations amicales avec les mutants (tant que ceux-ci pourront leur offrir des objets de valeur en échange de leur tranquillité). Mais après quelques années, les Américains vont installer sur leur base un laboratoire de recherche et les hommes-poissons feront alors la connaissance de scientifiques en blouses blanches dont la mission sera de les étudier plus en détail.

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Finrod

INS-MV : Génération Perdue

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C

ela a la couleur du Goodie, mais ce n’est pas du Goodie ; ce sont les cartes prouesses. Ces petites choses en carton viennent prolonger le simple gain de de Points de Réussite lié à la réussite du scénario/mission. Elles sont là pour marquer le coup des attitudes de vos joueurs durant la partie, récompensant les bonnes idées/bons réflexes… ou au contraire leurs erreurs, de manière parfois utile… ou totalement gratuite. Obtenir une carte prouesse c’est en tout cas une preuve qu’on a fait quelque chose de notable, positive ou négative, durant la partie. Et cela aura des répercussions dans les parties à venir. Désormais, quand dans la vie réelle, chaque action de vos personnages à ces conséquences. Voici un échantillon de cartes prouesses (un peu dévoyées car génériques) que vous pourrez utiliser pour vos scénarios personnels. Il ne tient qu’à vous de motiver un peu l’obtention de celles-ci face à vos joueurs, en fonction de l’intrigue et de leurs actions durant la partie.

Déchirez cette carte après utilisation.

CARTES PROUESSE INS/MV (c’est cadeau, merci qui ?)

Ange uniquement

Cette carte marche comme l’avantage « éclair de lucidité ». Vous devez alors chanter « We are the champions » de Queen.

Les situations complexes, ça vous connait. Sans vous, les autres joueurs ont du mal à faire la différence entre une chanson de maître Gims et un passage de la Bible. Allez, on vous offre des vacances.

Une seule utilisation

Cette prouesse a été gagnée par :

Démon uniquement

Déchirez cette carte après utilisation.

La prochaine fois que vous effectuez une action à plusieurs personnages-joueurs de manière simultanée, vous pouvez relancer tout ou partie des dés de tous les joueurs. Vous devez alors chanter tous en cœur « Allez les verts ».

Vous avez compris que le travail d’équipe, ça se fait à plusieurs. Nul n’est stratège en son équipe, hélas. Allez, c’est la mi-temps de l’individualisme !

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ON FAIT LA TENAILLE !

Donnez cette carte au maître de jeu. Déchirez-la après la 3e utilisation.

Donnez cette carte au maître de jeu. Déchirez-la après le dernier jet de dés.

Démon uniquement

Les 3 prochaines fois que vous utilisez un pouvoir de manière voyante, il a 1 chance sur 6 d’attirer l’attention d’un ange ou d’un contact angélique. Si c’est le cas, vous devez chanter « je suis un homme » de Polnareff.

Vos 3 prochains jets de dés liés à la recherche d’informations ou d’indices s’effectueront avec 2 dés au lieu de 3. Si vous échouez, vous devez chanter « Quand on est con » de Georges Brassens.

LE FIL VERT SUR LE BOUTON VERT, LE FIL ROUGE SUR LE BOUTON ROUGE.

Ange uniquement

Vous avez voulu vous la péter en utilisant vos pouvoirs. Et ça s’est vu.

Une seule utilisation

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COMMENT ON DEVIENT CHEF, CHEF ?

Être maladroit ça arrive. Être con, ça se travaille. Attention à ne pas faire trop d’heures supp.

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J’AI GLISSÉ CHEF !

C

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Livret de découverte 10 € Livre de base 54,95€ Kit du meneur 34,95€ DÉJÀ DISPONIBLES

INTRODUCTION

LE DÉVOREUR Un scénario pour Shaan Renaissance par Yvonig Le Corre. Illustrations : Claire Wendling, Denis Bajram, Matthieu Rebuffat, Swal, Igor Polouchine, Sébastien Lamirand Ici point de complot nécrosien à déjouer, ni d’intrigues de castes ou de familles, non. Il s’agira uniquement pour le Shaani de survivre à un événement climatique très rare, et d’apporter son aide aux populations locales. Cette aventure conviendra à un groupe de 3 à 6 joueurs débutants. Les joueurs doivent voyager à pied. S’ils ont des montures, prévoyez de vous en débarrasser lors du premier acte. S’ils possèdent un engin motorisé, il doit être en panne sans le matériel ou le temps nécessaire pour le réparer. Cet épisode peut être intégré dans votre campagne lors d’un voyage dans une vaste zone sans cité d’importance, de type Hautes Herbes. Il aura lieu de préférence pendant la Saison du Feu. Les joueurs seront confrontés à un feu de brousse qui, comme beaucoup de phénomènes naturels en Héossie, prendra des proportions dantesques. Pour vous mettre dans l’ambiance, consultez les articles Wikipédia sur les tempêtes de feu, les embrasements généralisés éclair (EGE) et les tourbillons de poussière (section tourbillon de feu). La vitesse de propagation d’un feu de brousse est de 3 à 8 % de la vitesse du vent. Avec un vent de 150 km/h, cela donne de 4.5 km/h à 12 km/h. Pour rappel, un Héossien marche à 5 km/h en moyenne. Les meilleurs marathoniens (humains) maintiennent une vitesse de 20 km/h pendant 2 h. La vitesse du phénomène qui nous intéresse sera de 7 km/h, ce qui mettra une pression importante sur le groupe. CARACTÉRISTIQUES DU SCÉNARIO Difficulté : facile — Durée : 3 heures TECHNIQUE 2 – SAVOIR 3 – SOCIAL 5 – ARTS 3 – SHAAN 5 – MAGIE 1 – RITUELS 6 – SURVIE 8 – COMBAT 5 – NÉCROSE 3

«  Le vent souffle depuis des jours sur les plaines herbues de Nömia. Vous avez pu ce soir vous abriter en deçà d’un accident de terrain, et apprécier ainsi le fruit de votre chasse du jour. Il vous reste au moins encore une semaine de route jusqu’à votre prochaine destination, et économiser vos rations fait partie de vos préoccupations actuelles. L’eau pourrait venir à manquer également, une sécheresse intense ayant sévi en cette Saison du Feu (page 261 du Manuel d’Itinérance). Vous supposez néanmoins que des points d’eau permanents existent, car des traces d’animaux sont encore visibles çà et là pendant vos déplacements. Il serait bon d’en trouver un demain pour refaire vos réserves. Le ciel est clair et les lunes hautes apportent une clarté blanche aux plaines ondoyantes. La nuit devrait être tranquille si vous arrivez à faire abstraction du vent. » Profitez-en pour recenser le matériel de survie du Shaani, faire un point sur les besoins alimentaires de chaque race présente et demander quelles sont leurs précautions dans cet environnement (rituels, tours de garde, pièges, etc.).

Le feu aux fesses Alors que les premières lueurs de l’aube apparaissent, demandez au joueur de faction d’effectuer un Test de SURVIE + Vigilance Difficulté 0 (les joueurs endormis peuvent effectuer un Test de SHAAN + Intuition ou Rêve Difficulté 3). Situation : Un invité au petit-déjeuner Un féroce prédateur vient de bondir au milieu du bivouac ! La créature féline possède six pattes, un pelage sombre et sa tête est aussi grosse que celle d’un Shadrag. Un Test de SAVOIR + Zoologie Difficulté 0 permet de reconnaître un Gargan (voir le Manuel d’Itinérance p. 269). Les joueurs ayant réussi le Test de SURVIE ou SHAAN pourront réagir lors du premier tour de jeu ; ceux qui ont échoué pourront agir à partir du deuxième tour.

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La première action du Gargan consistera à intimider ceux qui lui font face, ou à répliquer par un coup de griffes si les personnages éveillés ont tenté une action belliqueuse contre lui. Un Test de SHAAN + Empathie animale ou SAVOIR + Zoologie Difficulté 1 permet de comprendre que le comportement du prédateur est anormal. Avec une Réussite de 2, un personnage comprend que l’animal a peur, et avec une Réussite de 4, que la menace que fuit le Gargan vient du nord. Si la créature n’est pas attaquée, qu’elle subit une blessure grave ou qu’elle se retrouve à moins de 4 points de Trihns, elle reprendra sa fuite vers le Sud. Caractéristiques du Gargan Corps 10 – Âme 3 – Esprit 2 SURVIE 8 – COMBAT 8 – Spécialisations liées à +3 Initiative : 1D10 + 5 Profitez de cette rencontre pour faire fuir les montures des joueurs s’ils en ont : paniquées par l’odeur du fauve, elles ont rompu leurs liens... D’autres animaux seront alors visibles, courant de part et d’autre du campement (Tawa, Hergons, Mulfs, Winak, etc.). Faire jouer alors SURVIE + Vie sauvage ou Navigation Difficulté 0. Sur une réussite, les itinérants se rendent compte que la lueur vient du nord et n’est donc pas celle du soleil. Laissez-les en conclure qu’il s’agit d’un feu de brousse, devant lequel fuit la faune des environs. Des joueurs aguerris comprendront que le feu progresse vers eux — faire jouer sinon SURVIE + Vie sauvage ou SHAAN + Empathie animale Difficulté 1 pour être alerté du danger. Laissez planer le doute quant à la vitesse de propagation du phénomène. Le feu avance à un petit trot. Les marcheurs seront donc rattrapés, les sprinters prendront de l’avance (mais se fatigueront plus vite). La largeur et la hauteur du phénomène sont colossales : 70 km de large (une journée de marche environ), et des flammes montant à plusieurs dizaines de mètres, sans compter la fumée noire et âcre. Si les personnages ont des longues vues ou équivalents, ils

pourront se rendre compte du danger, sinon, laissez encore planer le doute. Au moment de leur réveil, les flammes sont encore à 5  km de leur position, ils ont donc moins d’une heure d’avance (ils peuvent estimer cela plus précisément avec une bonne Réussite sur leur Test précédent, mais restez dans le flou). Les itinérants devraient alors lever le camp et s’éloigner du phénomène. Notez ce que les joueurs emportent et ce qu’ils laissent derrière eux. S’ils sont trop encombrés, n’hésitez pas à leur appliquer une difficulté augmentée aux Tests de fuite qui suivront. Combattre le feu par le feu Des joueurs ingénieux pourraient avoir l’idée de démarrer leur propre feu de brousse, qui progressera donc logiquement vers le sud, leur permettant ensuite de marcher sur le terrain déjà brûlé, et de voir le feu de brousse passer de part et d’autre de la zone qu’ils auront déjà embrasée. Cela peut sembler une bonne idée sur le papier, mais les vents violents, les tornades de feu et les fumées âcres les forceront tout de même à courir pour ne pas succomber, en ayant perdu un temps précieux. Doublez les pertes de Corps dans l’Épreuve pour atteindre la forêt... qui sera déjà en flammes. Situation : La fuite en avant Leur course commence à la 9e heure de la nuit. La distance à parcourir jusqu’à la prochaine forêt est de 30 km. Courir pour fuir le feu de brousse jusqu’à la forêt est une Épreuve de SURVIE + Éducation physique + Corps actuel Difficulté 30. Un Test par heure. Perte de 1 point de Corps par Test. La forêt commence à être visible à partir d’une Réserve de 10. Lorsque chaque membre du groupe a dépassé la Difficulté de 30, passez à l’Acte 2. Une alternative à la course peut être d’attraper un animal qui fuit pour s’en servir de monture. L’Épreuve devient SURVIE + Monture + Corps actuel de l’animal.

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Le Feu part avec un Score égal à -5, auquel on ajoute 7 par heure (il avance à 7 km/h). Il mettra donc cinq heures à atteindre l’orée de la forêt. Si, à la fin de n’importe quelle heure, son Score est supérieur ou égal à celui d’un personnage, rendez-vous dans l’encart intitulé « Rattrapés ! » Toutes les heures vous pouvez indiquer aux joueurs s’ils s’éloignent de la ligne de feu ou non. Les Scores peuvent être répartis au sein du groupe afin d’harmoniser les vitesses. Il est possible de se reposer pendant la fuite : la distance parcourue sera alors de 0 pour cette heure, et l’écart sera réduit de 7. Un jet de Régénération peut alors être lancé pour le Corps uniquement. Rattrapés ! Au bout du rouleau, ou surpris par la rapidité du phénomène, les personnages ne sont plus qu’à une centaine de mètres de la ligne de feu. Ils bénéficient d’un regain d’adrénaline au vu du danger immédiat : ils peuvent convertir autant de points d’Âme et/ou d’Esprit en points de Corps qu’ils le souhaitent, sans toutefois dépasser leur valeur maximum de Corps bien sûr. Chaque point dépensé en Esprit ou en Âme leur permet de récupérer 1 point de Corps. Si un membre tombe malgré cela inconscient, il devra être porté par les autres : porter un compagnon double les pertes de Corps infligées chaque heure de course. Si tout le groupe est rattrapé par le mur de Feu, l’avenir du Shaani sera bien compromis... Le feu leur inflige une Attaque de Corps de 5 à chaque tour de jeu. Cette attaque est mise en Réserve à chaque tour et se cumule jusqu’à dépasser la Défense de Corps de chaque personnage. Si une solution miraculeuse ne se manifeste pas, ils seront des victimes supplémentaires du Dévoreur. Héos est un monde plein de dangers...

La forêt de Souloudes « Le soleil est haut dans le ciel lorsque les plaines chaotiques laissent place à une végétation tout à coup luxuriante. La zone devient forestière, avec une orée nette, mais sans limite visible (en faire le tour serait donc très hasardeux). Composée de fougères basses et touffues, de lichens bleus et de longs arbres souples

aux ramures tombantes, cette forêt semble être une anomalie végétale au sein de la grande plaine. Vous vous y engouffrez, sentant immédiatement la température descendre de quelques degrés et l’humidité remonter. Vous entendez des oiseaux se héler dans les frondaisons, et surprenez des reptiles en combat territorial, qui fuient à votre approche. Le calme et la fraîcheur de la forêt semblent faire oublier la menace du feu. La paix et la sérénité règnent en maîtres dans cette forêt... » Concrètement, il est plus facile de récupérer de la fatigue de la course dans cette forêt. Un Test de Soin pourra être effectué en un quart d’heure, au lieu de l’heure nécessaire habituellement. La progression est un peu plus difficile, à cause des reliefs et de la végétation. Quelques heures ont peut-être été prises sur le phénomène, mais il reste encore visible à l’entrée de la forêt par une ligne noire qui souligne l’horizon. Laissez les personnages prendre un peu de repos s’ils le veulent. Ils peuvent monter à un arbre pour tenter de se repérer, signalez-leur alors la présence, au sudouest, de barres rocheuses. Les habitants des Souloudes Végétaux : un Test de SAVOIR + Botanique Difficulté 3 permettra d’identifier les fougères-rasoir, le lichen phosphorescent (toxique, sauf pour le Blombol [p. 267] qui en tire ses couleurs servant aux rites nuptiaux), et les Souloudes, ces arbres aux ramures courbes. Animaux  : un Test de SAVOIR + Zoologie Difficulté 3 permet de reconnaître que les trilles sont celles d’Yadyao (p. 158), les reptiles sont des Rodens (Sombre-coulants), constricteurs mais inoffensifs pour les Héossiens. Lorsque le groupe reprendra leur chemin, passez à la suite. « Le terrain est accidenté et traître, et vous redoublez de prudence pendant votre progression, pour éviter les racines ou les fougères coupantes. La pente descendante devenant brutalement très prononcée, vous vous accrochez par réflexe à la végétation à portée. Las ! Les branches réagissent et fouettent l’air, vous déséquilibrant ! Vous glissez alors dans la pente, vous entraînant les uns les autres sur plusieurs dizaines de mètres, et après une galipette,

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atterrissez enfin dans une mare de boue. De la terre et des feuilles suivent votre chute en cascadant sur vos têtes. Un cri retentit alors à quelques mètres de vous lorsque vous reprenez vos esprits : quatre jeunes Woons, qui semblaient jouer près de la rivière presque à sec dans laquelle vous êtes tombés, hurlent en vous désignant et prennent la fuite. “ Dulawas ! Dulawas ! “ Ils ont pour vêture un pagne végétal et pas d’arme apparente. Les Woons s’enfuient immédiatement en se servant de la souplesse des ramures des grands arbres. » Un Test de SOCIAL + Langage primal ou Langues exotiques Difficulté 3 permet aux personnages de savoir que Dulawas signifie Nécrosiens dans leur dialecte woon. Un échec les met sur la mauvaise piste (Dulawa = viande par exemple). Les personnages sont arrivés près d’une rivière presque asséchée à cause de la Saison du Feu. Le lit fait au plus une dizaine de mètres de large en temps normal. Actuellement il n’en reste qu’un ruisseau avec de l’eau à mi-mollet au maximum. Les joueurs peuvent penser que le lit arrêtera le feu : un jet de SURVIE ou SAVOIR Difficculté 3 leur révélera que non, du fait de la végétation et des particules volantes. Si les personnages n’arrivent pas à rattraper ou ne suivent pas les jeunes Woons, ceux-ci alerteront les adultes, qui enverront une patrouille à la rencontre des étrangers, composée de Wahar et de quatre Chasseurs. Les Souloudes

impromptue. Les Chasseurs entameront donc une parade d’intimidation pour faire fuir la menace. La communication sera d’autant plus compliquée qu’ils ne parlent que leur idiome. Atterrissant à quinze mètres du groupe, les cinq Chasseurs, vêtus de pagnes, aux poils tressés et arborant des masses lourdes, frappent le sol, leur poitrine, hurlent et grognent en émettant beaucoup d’odeurs âcres. L’un d’eux porte une tête de Gargan en guise de couvre-chef. Si les personnages tentent malgré tout de nouer le contact, Wahar, le plus puissant des Chasseurs, analysera mieux la situation et s’apercevra qu’ils ne sont pas des Nécrosiens. Cependant, pour les accepter dans la tribu et leur faire bénéficier de leur hospitalité, il voudra mettre à l’épreuve leur courage. Par gestes, il désignera donc l’un des Chasseurs, puis proposera au personnage à l’aspect le plus puissant du groupe de faire de même dans sa troupe. Il délimitera une zone en y arrachant quelques plantes, puis s’en retirera, alors que son chasseur y entrera en lançant quelques transes préparatoires, puis attendra qu’un personnage fasse de même. Mowo lancera une Transe d’Armure élémentaire du Végétal et utilisera la Symbiose Coup de chance pour relancer un échec. Si plusieurs personnages souhaitent participer à cette confrontation, Wahar désignera plusieurs chasseurs pour effectuer un combat à plusieurs. Wahar leur opposera autant de Chasseurs woons que de personnages prêts à en découdre. À la première blessure grave subie, le combattant est éjecté du cercle ou abandonne le combat.

Ce sont des sortes de rhizomes émanant d’énormes blettes — au goût infect — en tiges serrées, robustes à la base et souples ensuite, de couleur bleu-vert, montant à une trentaine de mètres et retombant à la manière des feuilles de palmier. Leurs tubercules font de très bons explosifs. Ils sont exploités pour leur huile (pharmacie, cosmétique, ingénierie kelwin). L’huile dégage une odeur un peu piquante en concentration élevée, puis de cannelle quand diluée. Les Mum-idir s’en servent pour lisser leurs tresses.

Les Chasseurs féliciteront vainqueurs comme vaincus pour avoir montré leur détermination. Ils inviteront alors les personnages à les suivre et les présenteront à la tribu. Pour se faire comprendre, utiliser Langues exotiques ou Langage primal.

Situation : Les Chasseurs woons Les Chasseurs penseront avoir à faire à des Nécrosiens (Dulawas). En effet, les enfants ont été trompés par l’apparence sale des personnages, et par leur arrivée

Tehenïï, Élémentaliste du Végétal, spécialiste des soins et de sa forêt, mais encore jeune et provocante.

Figures locales Wahar, héros de la tribu, immense Woon aux tresses lui couvrant les bras, excellent Chasseur, a tué un Gargan à mains nues.

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Pyrrha et Lemnos, couple de Kelwins des Terres Brûlées, respectivement Novateur et Érudit, venus étudier et perfectionner des techniques de raffinage. Ils sont présents depuis deux ans. Ils ne font pas partie officiellement de la tribu, mais seront protégés comme des membres à part entière en cas de problème. Une jeune Woon (Yuki) apprend d’ailleurs le métier de Novateur auprès de Pyrrha. Lemnos peut aider le Shaani en utilisant son Secret de Soin mineur physique (+2 points de Corps). La tribu reçoit actuellement la visite d’un voyageur particulier, un Shaaniste humain d’une cinquantaine d’années, qui prodigue ses enseignements et amuse les enfants avec ses airs de flûte. Il se fait nommer Voyageur. Utilisez-le comme élément perturbateur pour vos joueurs : que fait-il là, est-il un espion, a-til des informations sur la situation rencontrée ? Il n’a en fait rien à cacher, mais parle par énigmes comme aiment le faire les Shaanistes. La seule information d’importance qui sera délivrée est le fait qu’il a visité une autre communauté, de Boréals semi-nomades, quelques jours plus tôt. Elle se trouve à quelques heures de marche. Yuki, Kuni et Yapuka, jeunes célibataires, seront ravies de voir arriver un athlète s’il y en a un parmi les personnages. Les Mum-Idir Mum-Idir signifie « les beaux fils » dans l’idiome local. Ce peuple de Woons vit au sol, les Souloudes n’étant pas assez gros et robustes pour accueillir des installations aériennes pérennes. Ils utilisent les Souloudes pour leurs déplacements, des jeux acrobatiques, et en exploitant leur huile. Les familles habitent souvent au pied d’un de ces arbres, tirant les branches hautes vers le bas, les fixant et les entrelaçant pour produire un abri naturel. Ils recouvrent ensuite cette armature de peaux, de larges feuilles et de tissus. Les membres de la tribu (une centaine d’individus, enfants et vieillards compris) se plaisent à s’occuper de leur apparence, fourrure huilée et tresses rituelles. Celles-ci ne sont pas qu’ornementales mais indiquent également le rang social de l’individu. Ainsi, Mawa, le chef des Mum-Idir, arbore plus d’une centaine de tresses dans son pelage tirant sur le gris. Le peuple est

neutre vis-à-vis des étrangers, commerçant avec les Kelwins et les Mélodiens contre des biens que la forêt ne peut leur fournir. Ils élèvent également des Molaïs (p. 154) mais n’en font pas commerce (sorte de tamarin moustachu de couleur vert pomme). Esprit 13 — Âme 6 — Corps 6 TECHNIQUE 5 – SAVOIR 8 – SOCIAL 6 – ARTS 3 – SHAAN 2 – MAGIE 4 – RITUELS 6 – SURVIE 6 – COMBAT 6 – NÉCROSE 1 Pouvoirs : Résistance Woon : Défense de Corps +2 Transe d’Armure élémentaire végétale : Défense de Corps +2 Transe de Soin mineur élémentaire  : (Test de RITUELS)/3 points de Trihn au choix Symbiose Coup de Chance Acquis : Massues : Armes de mêlée +3 Tresses tribales : Défense d’Âme +2 Situation : plan d’évacuation Des soins, nourriture, boissons et repos seront apportés aux personnages, mais il faudra avant tout convaincre la tribu du danger imminent. Des Chasseurs peuvent aller vérifier les dires des PJ pendant que l’on se prépare. Tests de SOCIAL en Coopération Difficulté 5 pour s’intégrer dans la communauté. Utilisation de la MAGIE avec le sort Illusion pour imager le récit. Rester dans la forêt serait du suicide, à cause des explosions de tubercules qui seront provoquées par l’échauffement et l’embrasement de l’huile contenue dans les arbres. Celle-ci s’évaporera et provoquera des explosions, faisant progresser rapidement le brasier. Des explosions sourdes seront entendues après quelques heures, en fonction de l’avance qu’avaient les personnages (il a fallu cinq heures au phénomène pour arriver dans la forêt). Ces bruits font penser à des armes humaines, mais gardez le secret sur le phénomène. Un Érudit ou Lemnos pourront le comprendre et l’expliquer. La tribu, pour se protéger, pourra migrer vers le grand plateau de pierre au sud-ouest, puis rejoindra une autre

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forêt quand le feu sera parti. Voyageur et les Kelwins les accompagneront. Si les personnages veulent les accompagner, Voyageur intervient : « Votre chemin n’est pas celui-là, votre destinée est tout autre : le peuple des Wosha a besoin de votre aide. » Wahar et ses chasseurs les porteront alors à l’orée au sud-est en utilisant les Souloudes, alors que la forêt se fait dévorer. Les personnages peuvent assister à l’embrasement généralisé éclair d’un arbre loin sur leur gauche (les Souloudes soulèvent les Woons à une trentaine de mètres parfois). À l’orée, les Chasseurs leur font des signes de fraternité puis s’en retournent protéger leur peuple.

Le lac Nawar En cette fin de journée, le Dévoreur adopte un nouveau mode de propagation. Les accidents de terrain limitent sa propagation en plaine (4 km/h) alors que la forêt est détruite en deux heures à peine. Mais les vents violents provoquent l’apparition de tornades d’altitude. « Vous reprenez votre course à travers les plaines de Nomia, en direction du lac Nawar, nettement positionné sur une carte de la région. Ön amorce sa descente, mais la température ambiante est toujours élevée. Sur votre gauche, le front de flammes forme un trait continu qui dévore tout sur son passage, mais sa propagation vous paraît plus lente. C’est alors qu’un trait de flamme tournoyant zèbre lentement le ciel au-dessus de vos têtes, suivi de plusieurs autres. Ces doigts de feu parcourent encore quelques milliers de pas avant de retomber vers le sol au sud. Vous crapahutez encore une quarantaine de kilomètres jusqu’au lac, puis passant une crête, vous découvrez une étendue scintillante : le lac Nawar. Sur sa rive la plus proche, un campement de tentes triangulaires est visible. Mais alors que les flammes peuvent être aperçues, passant dans le ciel, et démarrant des feux à moins d’un kilomètre, aucune activité ne semble agiter le campement. »

escarpée est située à 1 km de la berge. Un Test de SOCIAL + Langage primal permet de comprendre que c’est un lieu tabou pour les Woshas. Un Golem d’Eau a élu domicile autour de l’île et attaque quiconque vient perturber son repos. Golem d’Eau : Corps 9 – Esprit 7 – Âme 7 Les Woshas sont amicaux, et parlent l’Héossien courant. Dans le campement, ils vaquent à leurs occupations, trayant les chèvres, faisant de la poterie, ou réparant un tipi. Près de la rive, un attroupement psalmodie sur des airs de tambours et de guitares boréales. L’air est lancinant. Un Test de SHAAN + Empathie anthéenne, Arts + Musique, ou SURVIE + Culture héossienne Difficulté 3 permet d’associer ces rythmes à la mort. Sur un Score de 6 ou plus, ce sont plus précisément des chants destinés à accompagner quelqu’un vers le trépas. Et en effet, la cheffe de clan et Grande Doyenne Alaya se meurt. Elle est veillée dans le grand tipi par ses enfants (presque des vieillards eux-mêmes). Les Woshas ne parleront pas aux personnages, mais les guideront vers la doyenne pour la présentation habituelle des étrangers à la tribu. Celle-ci, dans un souffle à peine audible, les accueillera : « Soyez dans ce camp comme dans votre demeure, étrangers. Prenez repos et soyez libre de faire du troc avec nos négociants. Souffrez que je ne me lève pas pour vous accueillir comme il se doit : mes ans pèsent lourd sur mon Corps et bientôt, le Dévoreur viendra me chercher ; alors je ne serai plus une charge pour mon clan. » « Doyenne Alaya, vous n’êtes pas une charge mais un exemple pour nous, mais reposez-vous maintenant. » Le vieux Boréal remonte une couverture en peau de Yazehl sur la doyenne et vous invite à sortir avec lui. « Vous arrivez à un bien triste moment étrangers, le clan des Woshas va disparaître avec la plaine qui l’a nourri pendant bien des générations. »

Le lac aux tabous

Un des vieux boréals, qui se nomme Ossilias, répondra aux questions du Shaani :

Le lac Nawar est un lac aux eaux profondes, parsemé de larges nénuphars, et peuplé de poissons variés ainsi que de sangsues géantes. Une île rocheuse

Pourquoi restez-vous là alors que le danger vous entoure ?

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« Nous ne pouvons partir en abandonnant notre doyenne, et d’ailleurs les flammes sont partout dans la plaine, où irions-nous ? » Pourquoi ne pas rejoindre l’île rocheuse ? « Non ! L’île est Nawar, interdite, mauvaise ! Notre doyenne nous a formellement interdit d’y poser les pieds ! » Qu’est-ce que le Dévoreur ? « C’est une légende de ces plaines, transmise à chaque génération : quand les temps verront leur fin, le Dévoreur viendra et mangera Woshas et Yazehls dans ses crocs de flammes et son haleine ardente, puis il brûlera leurs âmes et consumera leurs esprits, puis devenu immense il repartira vers Ön pour le dévorer à son tour et prendre sa place. » Un Test de SHAAN + Empathie anthéenne ou SOCIAL + Psychologie permet de comprendre que l’île est devenue taboue assez récemment (trois ans), et que ceci est lié à la Nécrose. La tribu semble donc être résignée et en effet, alors qu’encerclés par les flammes qui resserrent leur étau de plus en plus (dans une ou deux heures, il n’y aura plus d’endroit où aller), ils refuseront de se réfugier sur l’île. Une passerelle de bois, sans parapet, rejoignait l’île (à l’opposé du camp, donc non visible). Quant à rester dans l’eau des heures durant, beaucoup mourront noyés... Les personnages peuvent tenter : de conclure un marché avec Ossilias : s’ils parviennent à montrer qu’il n’y a pas de danger sur l’île et à les prévenir (drapeau blanc agité en haut de la falaise ?), ils pourront essayer de convaincre la matriarche et la tribu que le Dévoreur pourra bien attendre. d’accélérer le décès de la matriarche : c’est peu glorieux (et pas du tout Shaan), mais ça peut marcher ; le patriarche suivant lèvera de suite le tabou sur l’île, et les Boréals les accompagneront sur l’île (mais pas dans le bâtiment) : +2 PX en NÉCROSE de transporter la doyenne : bouger la doyenne pour que les Woshas la suivent est très risqué pour elle car elle est très fragile, mais si c’est la seule solution que trouve le Shaani, vous pouvez leur accorder quelques Tests de Soin pour maintenir la doyenne en vie de sauver leur peau avant tout : ils en seront quittes pour 5 PX en Nécrose.

Les Woshas Paisibles Boréals nomades et éleveurs. Pendant la Saison du Feu, ils établissent un campement semipermanent sur les rives du lac Nawar. Ils en profitent pour réaliser des poteries avec l’argile du lac pendant cette période. Leur peau est d’un bleu myrtille. Ils élèvent une sorte de chèvre aux longues cornes torsadées, des Yazehls (qui signifie « question forte » en langue héossienne, car elles semblent toujours poser des questions de façon bruyante avec leur bêlement). Leurs tipis sont réalisés avec un assemblage de ces cornes, des peaux et des tendons. Les Woshas manient l’arc, le boomerang et le couteau. Ils ont un instinct familial et clanique extrêmement développé et sont d’un naturel superstitieux. Esprit 8 — Âme 7 — Corps 10 TECHNIQUE 6 – SAVOIR 2 – SOCIAL 6 – ARTS 6 – SHAAN 4 – MAGIE 1 – RITUELS 4 – SURVIE 7 – COMBAT 3 – NÉCROSE 4 Maintenir à température Pendant cette phase finale du scénario, vous devez faire ressentir aux joueurs la pression du Dévoreur qui envahit la plaine autour de leurs personnages. Lorsqu’ils parviennent sur l’île, la berge en face d’eux est déjà en flammes ; le temps est compté. Le ciel est traversé par des flèches de feu, qui passent loin audessus de l’île. Si les joueurs tardent trop à résoudre le scénario, les flammes et la fumée vont commencer à causer des dégâts physiques à leurs organismes : attaque régulière de Corps de 5 avec mise en Réserve. Situation : l’île maudite Le ponton qui mène à l’île a été détruit par les nomades trois ans plus tôt (ils ont aussi jeté le panneau indicateur qui était situé au début du ponton, mais les joueurs n’auront pas la possibilité de le savoir). Il faudra donc traverser à la nage ou par tout autre moyen à leur disposition : de gigantesques nénuphars affleurent. En rejoindre un à la nage et couper sa tige nécessite un Test de SURVIE + Éducation physique Difficulté 1. Les Boréals les laisseront faire.

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Sur place il faudra escalader un peu la paroi (SURVIE + Éducation physique Difficulté 4), sauf si les joueurs pensent à faire le tour dans l’eau. Ils découvriront de l’autre côté le ponton détruit, et un bâtiment en béton, à flanc de rochers, d’environ 500  m², surmonté d’une antenne parabolique. Le ponton y menait tout droit. La bâtisse est fermée (mais non verrouillée), sur la porte est apposé un symbole non héossien. Sur un Test de SAVOIR + Culture humaine Difficulté 1 réussi, il s’agit du symbole d’une Grande Famille. Avec une Réussite de 3 ou plus, c’est même le symbole de la Famille Garald, spécialisée dans Arpège. L’intérieur semble désert, plongé dans le noir. C’est une salle avec des sièges, des écrans, des coursives et, au bout, une lumière ténue venant d’une pièce. Les joueurs verront alors ce qui semble être un Anthéen, debout face à eux à quelques mètres, dont la silhouette se découpe à peine à la faible lumière de quelques écrans. Il fait des mouvements brusques, semblant frapper le vide, ouvrant et fermant les mains de façon sporadique. Demander alors aux joueurs ce qu’ils font immédiatement. Au tour suivant l’humain lance : « Il est trop tard pour vous, prenez ça ! ». Et il ouvre grand les bras et les mains (sans effet notable, comme nous le verrons). Au tour d’après, et toujours si on le laisse faire, il laissera retomber ses bras et déclarera : « Attendez les gars, je rame... Hein ? Ouais, c’est ça... (rires) ». Si les personnages font un peu de lumière (un interrupteur est situé à leur gauche en entrant), voient dans le noir, utilisent un flash, etc., ils verront un humain coiffé d’un casque Arpège, doté de gants d’interfaçage, debout devant des consoles Arpège dernier cri. Si les joueurs interprètent mal la situation (on les comprendrait) et blessent ou tuent le jeune homme, ils comprendront trop tard leur méprise. Trihns de Korb : Corps 4 — Âme 3 — Esprit 8 Dans l’optique où celui-ci est vivant, il sera confus de ne pas les avoir accueillis correctement, et leur demande quel service il peut leur rendre, sachant que les dix premières minutes d’Arpège sont gratuites (sourire). Mis au courant de la situation, et voyant le feu envahissant la plaine, il sera abasourdi, mais n’oubliera pas d’envoyer un message pour faire envoyer de l’aide. La réponse arrivera une minute plus tard : une opération

pour prévenir les populations locales et combattre le feu va être menée, commandée par le Conseil des Castes. La petite histoire Korb Haden est une jeune recrue de la Grande Famille Garald, qui a la charge d’un relais Arpège, et qui doit également servir de cyber-échoppe pour les populations locales. C’est le résultat d’un investissement coûteux, mais pas forcément pertinent quant à sa localisation, pour apporter le rézo aux Héossiens. Arrivé il y a trois ans avec le bâtiment, il n’a jamais eu de clients, a signalé la destruction du ponton, mais les fonds manquent pour venir le remplacer (lourdeurs administratives), il s’occupe donc à jouer en rézo avec un groupe d’amis rencontrés sur Arpège, vivant des rations lyophilisées fournies par les Garalds. Il n’est pas trop malheureux, mais serait vraiment ravi d’avoir des clients.

Dès lors les personnages peuvent avertir les Boréals qu’aucun danger (ou presque) ne menace leur Âme sur cette île. Des rubans de fumées seront visibles sur le lac, dont les berges semblent bouillonner. Montant en haut de l’éminence, les personnages verront entre les bancs de fumée que toutes les berges sont maintenant la proie des flammes, et que les tentes des nomades brûlent. Si la tribu n’est pas encore avec eux, leur faire encaisser une attaque d’Âme de 10. « Mais alors qu’une rafale balaie le lac, vous apercevez un, puis trois, puis une dizaine de nénuphars supportant le poids des Boréals et de leurs Yazehls, guidés par Ossilias. Vous les guidez alors vers la rive nord-est. Ils s’assurent qu’il n’y a pas de danger avant de poser pied à terre, mais Korb Haden balaie leurs doutes. » Une fois tout le monde au sec Ossilias explique que la matriarche Ayala a fait une attaque peu après leur départ (il lui a glissé à l’oreille que des étrangers allaient briser le tabou, elle l’a visiblement mal pris, c’est un roublard cet Ossilias...). Situation : Cérémonie mortuaire Tout le monde monte sur le plateau rocheux pour assister à la fin de la plaine. Le brasier est immense, des doigts de feu tombent dans l’eau, mais l’île est préservée et assez loin pour ne pas être trop enfumée.

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Les membres de la tribu encerclent alors les personnages tandis que leur guide, Ossilias, pose une main sur l’épaule d’un personnage. Puis un membre de la tribu fait de même sur un autre personnage, tandis que derrière lui un de ses frères vient faire le même geste, suivi par la tribu entière. « Vous nous avez montré le courage. Vous nous avez montré la voie. Sans vous, le Dévoreur nous aurait pris. Nous disons merci. » Et chacun, baissant la tête, une main sur la poitrine, l’autre sur l’épaule de son voisin, participe à ce rituel. L’effet en sera une Défense d’Âme de +2 pendant 3 mois (confiance en soi).

Épilogue Le lendemain, la plaine n’est plus que cendres, le spectacle est d’une totale désolation. Mais à midi une coque volante venant de Nöm apporte de l’aide aux réfugiés (nourriture et tentes). Les Boréals aident Korb à reconstruire le ponton, et promettent de devenir des clients réguliers. Les pilotes de la coque repartent une fois leur déchargement effectué, mais accepteront de déposer les personnages en chemin ou à leur destination.

Si vous voulez donner une explication « élémentaire » à ce phénomène, vous pouvez faire voir aux personnages des enfants de Feu géants en train de jouer au milieu des flammes en se lançant des boules de feu, dévastant tout sur leur passage. Une cérémonie mortuaire est organisée pour rendre la Doyenne Alaya au Dévoreur : son corps est allongé sur un nénuphar et envoyé à la dérive au milieu du lac. Une boule de feu jaillit alors des flammes alentour pour atterrir pile sur le nénuphar de la doyenne et embraser son corps.

OBJECTIFS du scénario +1 à +3 PX par séance de jeu selon son intensité Comprendre que le Gargan avait juste peur du feu sans le blesser : +1 PX Atteindre la forêt avant le feu : +1 PX Vaincre les Chasseurs Woons pour leur prouver sa valeur : +1 PX Convaincre les Mum-Idir de fuir le feu : +1 PX Mettre les Woshas à l’abri du feu : +2 PX +2 PP PX : point d’expérience — PP : point de Prestige

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EUX Un scénario pour Millevaux Sombre par Thomas Munier. + Descriptif : One shot, escape room survivaliste, puzzle logique, 1 à 6 PJ, 1 à 2 heures. Millevaux, Angleterre. + Prérequis : Si la connaissance du jeu de rôle Sombre est nécessaire, la lecture de Millevaux Sombre : Livre Source est facultative. + Références : La Colline a des yeux de Wes Craven, Cube de Vicenzo Natali. La Nuit des morts-vivants de George A. Romero.

L’égrégore fait alors revenir tous ces morts à la vie. Ils réduisent les catholiques en esclavage, les forcent à défiler enchaînés, à embrasser des cadavres nus. Quand ils sont las de ces jeux, ils les exécutent. Eux, ce sont les fantômes des protestants. Des morts-vivants mutilés, blêmes et muets. Dans le cairn qui fait face à l’arbre d’opprobre, Eux ont fait prisonnier le prêtre catholique à l’origine de tout. L’égrégore a écartelé le prêtre en quatre personnes : le fou, la nonne, la sorcière et le malade. Quand Eux capturent les PJ, ils les poussent à l’intérieur du cairn, à la rencontre de ces quatre étranges prisonniers. Si les PJ ne parviennent pas à quitter cet endroit maudit dans les minutes qui suivent, l’égrégore des lieux, plus intense que jamais, va les faire sombrer dans la folie ! + Sonorisation : GAVIN BRYARS / Jesus’ Blood Never Failed Me Yet (néoclassique avec chant de clochard en boucle). BROKEN / Terminal Static (dubstep tueur de cervicales). EARTH / Special Low Frequency Version (drone primal). À passer en même temps que du bagad breton. OPETH / My Arms, Your Hearse (prog doom metal pour quand la folie extatique l’emporte). SHINJUKU THIEF / Witch Hammer (dark ambient archétypal pour intro progressive).

+ Le Pitch : Un court scénario de survie dans l’Angleterre glauque de Millevaux, au cœur d’un territoire maudit de la forêt. Dans le village d’Hexperth, en Angleterre, protestants et catholiques vivent en bonne entente. Le village se termine à flanc de falaise par un cairn aligné avec un arbre d’opprobre et l’église des catholiques, ce qui forme une concentration d’égrégore hors-norme. Un jour, le prêtre catholique accuse un protestant de blasphème. Très rapidement, c’est l’escalade. Une bagarre éclate, puis la guerre civile. Les catholiques massacrent les protestants. Les derniers survivants se réfugient dans l’église des catholiques, mais cela ne suffit pas à attirer leur clémence. Pour couper toute retraite aux protestants, les catholiques enfument les tunnels secrets qui relient la crypte de l’église à l’extérieur du village. Puis ils incendient leur propre église. Les derniers protestants finissent brûlés vifs. Cet événement terrible vient encore alimenter l’égrégore du village.

+ Remerciements : Merci à Valentin Crépeau pour le principe du cochage progressif d’Esprit, qui est une très belle idée pour Sombre. + Relecteurs : Valentin Crépeau, Tony Martin, Fabrice Pouillot, Ai Yundi.

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Encyclopédie minuscule (informations connues du meneur et des joueurs)

D 1. L’enclos + L’enclos dessine une petite place de terre battue autour de l’arbre d’opprobre.

Égrégore : L’égrégore est la rémanence d’émotions psychiquement très chargées. Elle influence la forme même de Millevaux. L’égrégore participe à la formation des Horlas et dicte les codes de la sorcellerie. Horla : Dans la superstition de Millevaux, désigne tous les monstres et les démons qui hantent la forêt et menacent chaque jour l’humanité d’extinction. Langue putride : Langue composée de grognements et de borborygmes. Elle peut être parlée aussi bien par les humains, la plupart des animaux et les Horlas. C’est la mère de toutes les langues, la langue des rituels de sorcellerie. Mur de la Honte : Cette muraille gigantesque est réputée infranchissable. Elle entoure Millevaux. Certains prétendent qu’il existe un monde au-delà. L’Extérieur. Sorcellerie : La sorcellerie est l’art de manipuler l’égrégore. Elle se pratique instinctivement ou au terme d’un apprentissage. Un sorcier n’est jamais complètement maître des effets de sa magie. L’égrégore le manipule en retour, altérant aussi bien son corps que son esprit.

Décor Au bord de la côte sauvage, une pointe rocheuse perchée au-dessus de l’océan. En montant sur cette pointe, on traverse le village d’Hexperth, une cinquantaine de maisons de bois. Eux peuplent désormais le village. Quelques catholiques sont enchaînés ou enfermés dans des petits enclos. Eux les forcent à  défiler en procession, à embrasser des cadavres nus. À l’extrémité du village, on trouve un cairn juste à flanc de falaise, aligné avec l’arbre d’opprobre et l’église catholique. Cf. plan en annexe.

+ Il est fait de rondins de bois de 70 cm de diamètre. Ils font 3 mètres de haut, dont 1 mètre enfoncé sous la terre pour les faire tenir debout. + Le sommet des rondins est taillé en pointe et très affûté. Certaines sommités sont maculées de sang. + Il y a un interstice de quelques centimètres entre chaque rondin. Ils ne sont pas liés entre eux. + L’enclos s’interrompt à plusieurs endroits : il s’adosse au cairn et à l’église. + Sur la face sud, il est interrompu par un portail de même hauteur. Il est fait d’un seul tenant et s’ouvre vers le village. Il est fermé à l’extérieur avec une simple barre coulissante en bois. Un système analogue existait à l’intérieur, mais il a été détruit. + À l’intérieur, l’égrégore trouble l’air comme s’il y avait un incendie.

D 2. L’arbre d’opprobre + Un arbre d’opprobre est un arbre mort sur lequel les gens déchargent leurs griefs. Ils gravent des dénonciations dans l’écorce et suspendent des objets qui symbolisent leur honte ou celle des autres. Celui-ci est particulièrement gros et chargé. + Ces arbres se chargent naturellement d’égrégore. Les sorciers les utilisent en secret pour leurs rituels. + Son écorce est riche de reliefs. Elle donne l’impression de respirer, d’être vivante. + Son tronc est creux. Un petit creux recourbé. On ne peut pas en voir le fond. D’après la coutume, les enfants y cachaient des objets plaisants ou immondes. Ils se défiaient entre eux de mettre la main dans le creux pour prendre l’objet en question. D’après une autre coutume, ce serait un arbre à souhaits. + Les racines saillent hors de la terre, nombreuses et tordues. + Le ruisseau coule juste entre les racines. Comme si l’arbre écartait les jambes sur son passage. + Ses branches sont toutes en hauteur. Des objets d’opprobre y sont suspendus. Une collection de casseroles cabossées, une lampe à pétrole de naufrageur, une culotte souillée de sang, un sac à sapin, un trophée de cornes de chevreuil symbolisant le cocufiage, un couteau ayant servi à un crime passionnel, un sapin désodorisant.

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+ À cause de l’égrégore, les branches portent aussi des fruits monstrueux. Cœurs palpitants, horloges, stérilets. + Quatre pendus sont suspendus aux branches de l’arbre. Deux hommes et deux femmes. Difficile de leur donner un âge à cause de leur état de putréfaction. Une femme est tournée vers l’église, l’autre vers le cairn. Un homme fait face à la porte de l’enclos, l’autre à l’opposé. Les pendus mâles ont été castrés post-mortem. Le vent fait tourner les pendus comme des girouettes morbides.

D 3. Le ruisseau + Le ruisseau fait un mètre de large et 50 cm de profondeur. + Il coule du sud vers le nord. De chaque côté, les rondins de l’enclos ont été troués pour le laisser couler. Le ruisseau coule aussi entre les racines de l’arbre. + On distingue le côté du ruisseau en amont de l’arbre et le côté en aval de l’arbre. + L’eau du côté sud est potable. + Le côté nord est contaminé par l’égrégore que produit l’arbre. L’eau reste potable mais l’égrégore qu’elle contient est nocive pour le mental.

D 4. L’église brûlée + C’est une église catholique en bois. Elle est entièrement calcinée et menace de s’effondrer. + Le clocher surplombe l’enclos, comme s’il regardait la mer. + L’église comporte une crypte en sous-sol, reliée au cairn par un tunnel de terre. Les catholiques ont aménagé d’autres tunnels qui partent de la crypte et conduisent hors du village.

D 5. Le cairn + Érigé il y a des milliers d’années par un peuple préceltique, le cairn est une chambre funéraire surmontée d’une énorme dalle de pierre et recouverte d’un monticule de pierres. + Le monticule est recouvert d’herbe. En surface, les pierres sont instables. + Le cairn est au bord de la falaise. Aucune prise ne permet d’y descendre sans matériel. + Un couloir très étroit permet d’accéder à la chambre funéraire depuis l’enclos. Pavant ses cloisons, des dalles verticales portent des motifs gravés en spirale.

+ La chambre funéraire est une salle carrée de 1 m 50 de haut et de 3 mètres de large. Même en plein jour, la lumière y pénètre à peine. + La cloison du fond comporte une entrée avec un tunnel de terre qui descend verticalement sur 2 mètres, puis oblique en angle droit en direction de l’arbre. + L’entrée du tunnel est cachée par une grosse dalle de pierre ronde. + Quatre prisonniers sont appuyés contre cette dalle. Une chaîne en fer est entourée autour de la dalle ronde et des prisonniers. La chaîne comporte un crochet à son extrémité, ce crochet est fixé dans la cloison de la chambre, entre deux parois de pierre.

D 6. La falaise + La falaise est penchée au-dessus de la mer. On ne peut pas l’escalader. + Il n’y a pas de récif à la verticale du monticule. + La falaise est trop élevée pour qu’on puisse envisager de sauter dans l’eau depuis son sommet. + La mer est froide, furieuse. Il paraît périlleux d’y nager, mais pas tout à fait mortel. + De minuscules îles font face au cairn et de nombreuses criques de la côte sauvage sont accessibles à la nage.

D 7. Le tunnel + Il fait 50 cm de diamètre. + C’est un tunnel de terre, sans aucun matériau de renfort. Il est très humide, boueux. + Des racines, des vers et des scolopendres gênent la traversée. + Le tunnel part de la chambre funéraire, à la verticale sur deux mètres. Puis il fait un coude. + Il part ensuite à l’horizontale jusqu’à la crypte de l’église. + Il passe entre les racines de l’arbre. Celles-ci sont en mouvement, rapide. Elles semblent vouloir attaquer toute personne qui chercherait à traverser. + Une fois passées les racines de l’arbre, on progresse sur quelques mètres avant d’accéder à un puits de pierre.

D 8. Le puits + Le tunnel aboutit sur la margelle du puits. Au-dessus de la margelle, il y a suffisamment de hauteur pour se tenir debout. + Le puits fait 2 m 50 de diamètre.

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+ À l’autre extrémité du puits, un couloir surmonté d’une voûte de pierre mène à la crypte. + Le puits fait 8 mètres de profondeur, dont 3 mètres sont inondés d’eau croupie. + Depuis le tunnel, des échelons rouillés descendent tout le long du puits. Il n’y en a pas du côté opposé. + Au fond du puits flotte un cadavre gonflé.

D 9. Le village + Le village est constitué de cabanes en bois, rectangulaires ou carrées. + Eux sont répartis dans tout le village. Mais la plupart sont agglutinés autour de l’enclos. + Le village n’est pas entouré de palissade. On peut donc le quitter par n’importe quel endroit. + Un chemin de terre battue part de l’enclos jusqu’à l’entrée principale du village. Eux ont exhibé des cadavres suppliciés de catholiques. Certains catholiques vivants sont enchaînés au bord de ce chemin, ou tenus en laisse par Eux, ou parqués dans des enclos. Ils sont souvent nus, dans un état de malnutrition extrême.

Les PJ

Avec les joueurs, je procède à une création collective des PJ. Un seul PJ peut être originaire d’Hexperth ou connaître la région. Ce dernier sait alors que le prêtre catholique d’Hexperth a provoqué une guerre civile en accusant un protestant de blasphème. En revanche, il ne sait pas quelle issue a connue cette guerre. Libre à lui de communiquer ces informations lors de la création ou en jeu. Il ne sait pas pour Eux. Les autres PJ savent juste qu’il y a eu une guerre de religion dans la région. Les joueurs doivent trouver une raison commune de se rendre au village ou dans la forêt d’Hexperth, qui constituera l’objectif du groupe. Parmi les objectifs choisis lors des playtests, j’ai rencontré les suivants : + Les PJ sont des aventuriers qui cherchent un artefact extérieur caché dans cette région. Cet artefact permettrait de désactiver la barrière électromagnétique du Mur de la Honte. La clé pour s’échapper de Millevaux. + L’un des PJ est une femme enceinte originaire d’Hexperth. Sur le point d’accoucher, elle veut que son enfant naisse dans son village natal. Elle embauche les autres PJ pour l’y conduire.

+ Un seigneur local veut s’arroger le contrôle de la région d’Hexperth. Avant d’y installer ses troupes, il envoie les PJ vérifier s’il reste des forces en présence suite à la guerre civile. Et couvrir les charniers de terre pour éviter les infections. + Les PJ sont de la famille du prêtre. Ils ignorent le rôle qu’il a joué dans cette guerre. Ils viennent voir s’il a survécu et s’il va bien.

Les PNJ

PNJ 1. Faction : Eux Eux Apparence Femmes, hommes, enfants, vieillards. Yeux laiteux. Leurs corps portent les stigmates d’une mort atroce, injuste. Leur meneur est un homme qui avait brûlé vif dans l’église. Il est nu et sa peau n’est que cloques. Une femme enceinte avec une hache plantée dans le ventre. Un pasteur au crâne défoncé par des chevaux. Des enfants qui tiennent leurs viscères et semblent demander pourquoi. Ils sont dans l’état de décomposition qu’ils avaient au moment de s’éveiller, cet état ne progresse plus. Certains sont presque intacts, comme ces petites filles mortes dans la crypte, asphyxiées par les gaz de l’incendie. Background Parce qu’ils étaient protestants, les catholiques d’Hexperth les ont tous exécutés. Les derniers survivants ont brûlé vifs dans l’église. Ce massacre a engendré une quantité colossale d’égrégore. À peine les dernières flammes se sont éteintes dans l’église que les premiers corps ont repris vie. Tout est allé si vite. Il y avait de nombreux cadavres entassés dans les rues et les maisons. Tous les protestants morts sont revenus à la vie. Invincibles, ils ont capturé les catholiques un par un, les ont humiliés, les ont torturés et les ont suppliciés. L’un des prisonniers subit un traitement spécial : le prêtre catholique. Ils ont besoin qu’il souffre le martyre à voir ce qu’ils font subir à son peuple en représailles. Maintenant qu’ils sont venus à bout des catholiques d’Hexperth, ils recherchent de nouvelles victimes. C’est inutile puisque le prêtre est depuis longtemps devenu fou et parce qu’à présent ils font du mal à des innocents. Mais ils ne s’en rendent

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pas compte. Ce sont des automates de chair figés dans un éternel schéma de vengeance. Roleplay Eux sont muets. Ils peuvent émettre quelques borborygmes mais rien d’intelligible. Ils ne pensent et ne communiquent pas. Ils n’ont aucune agressivité à l’égard des animaux. Ils les ignorent complètement. Eux ont des gestes coordonnés mais lents. Ils peuvent faire des manutentions simples. Ils ne courent jamais. Objectif Eux forment une entité collective qui capture les vivants, les entrepose dans l’enclos un instant pour que le prêtre les contemple, puis les en ressort pour les humilier, les torturer et enfin les supplicier. Eux font cela pour se venger des catholiques en général et du prêtre en particulier. À leurs yeux, tout humain vivant est un catholique. Équipement Eux se constituent en corps de compétence. Les captureurs confectionnent cages de bois et pièges à filets. Les gardes ouvrent et ferment les portes et surveillent les enclos d’humains. Les rabatteurs manipulent des lances pour orienter les humains. Les bourreaux manipulent chaînes, outils de torture, cordes et haches. Eux Protestants morts ou vifs Groupe Inflige 3 Blessures par Tour. Concentré Ne poursuit pas les fuyards tant qu’il reste une victime dans l’enclos. PNJ 2. Faction : Les prisonniers Les quatre prisonniers enchaînés à la dalle ronde dans la chambre funéraire du cairn sont deux hommes et deux femmes de soixante-dix ans. Ils ressemblent à des jumeaux qui auraient connu des hygiènes de vie très différentes. S’il y a un PJ originaire d’Hexperth, il réalise que le fou et le malade sont des sosies du prêtre catholique. Ils portent tous sur le front la marque d’une croix chrétienne gravée au fer rouge, une boursouflure de chair qui comporte exactement les mêmes reliefs.

Les quatre prisonniers n’ont pas de souvenir d’avant l’époque où ils étaient dans le cairn. Si on les interroge, ils peuvent dire qu’ils sont là depuis l’apparition d’Eux, qui les ont jetés ici. Ils peuvent dire ce qu’Eux font aux autres prisonniers. Ils ont souvenir qu’il y a eu un prêtre. Mais chacun a des souvenirs différents à son sujet. Le fou Apparence Cheveux blancs courts, visage aux rides dures. Yeux bleus mi-clos. Un accent très britannique. Maigre et vêtu de loques, pieds nus. D’un simple coup d’œil on comprend qu’il a perdu la raison. Background Le fou est en réalité le prêtre catholique. Il était également sorcier et a provoqué la guerre civile dans le but secret de générer encore plus d’égrégore dans ce focus qu’est l’alignement cairn / arbre d’opprobre / église. Les choses lui ont complètement échappé quand Eux sont revenus et l’ont fait prisonnier. Enchaîné au fond de la chambre funéraire du cairn, il a vu Eux capturer tous ses fidèles, les entreposer à sa vue puis les supplicier. Ce spectacle et l’égrégore des lieux ont anéanti sa raison. Il a vu l’égrégore provoquer des phénomènes atroces. L’arbre d’opprobre a pris vie. Le pendu dans l’arbre s’est divisé en quatre pendus. Puis le prêtre luimême s’est divisé en quatre personnes. Son esprit a été écartelé dans quatre corps – le fou, le malade, la nonne et la sorcière. Roleplay Le fou est incapable de formuler des phrases cohérentes. Son discours n’est que logorrhées, chansonnettes, malédictions. Son comportement est erratique. Il a très envie de boire de l’eau dans le ruisseau en aval de l’arbre. Si on l’interroge sur le prêtre, il dira que ce dernier est toujours dans le village mais qu’il a beaucoup changé. Objectif Rester dans la zone de jeu en délirant. Commettre des actes allant du révoltant à l’incompréhensible.

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Équipement

La nonne

Aucun.

Apparence

Le Fou Incarnation de la folie du prêtre PNJ 10 Ultraviolent Peut causer des dommages à mains nues. Lien de malédiction Si le Fou meurt, le malade, la nonne et la sorcière meurent au même instant.

Une religieuse catholique en robe noire et blanche, la tête surmontée d’une coiffe. Ses joues sont couperosées et ses lèvres plissées. Elle semble avoir employé sa vie à des travaux de force car elle est de corpulence athlétique. Les épaules larges, les membres solides. Background

Le malade Apparence Cheveux filasse longs, visage blafard. Yeux jaunis. Il parle avec difficulté, par râles. Il crache du sang. Ne se tient debout que si nécessaire. Il est affalé, appuyé contre les autres prisonniers. Background Il est au stade terminal d’une maladie mortelle. C’est une maladie métaphorique. Le malade représente ce qu’il restait de raison et d’humanité au prêtre, qui achève de mourir. Roleplay Le malade ne parle que pour se plaindre. Alors qu’il est aux portes de la mort, il veut tout faire pour pouvoir sortir d’ici. Il va quémander l’aide des PJ. Si ceux-ci ne sont pas coopératifs, il les considérera comme des ennemis. Il ne réalise pas qu’il n’a pas les moyens de cultiver un rapport de force, ni même de sortir d’ici en vie. Si on l’interroge sur le prêtre, il dira que ce dernier a perdu la raison. Objectif Quitter l’enclos à tout prix pour mourir ailleurs que dans cet enfer. Équipement Aucun.

Elle représente le métier et la foi du prêtre. Si ce dernier ne s’intéressait à la religion que pour l’égrégore qu’elle engendrait, la foi de la nonne est sincère. Roleplay Tout autour d’elle est diablerie et la révulse. La sorcière, Eux, l’arbre d’opprobre. Elle veut procéder à des exorcismes et à des malédictions. Mais ses prières ne sont pas suivies d’effet. Elle n’a aucune compassion ou confiance pour les autres prisonniers. Elle cherchera à savoir si les PJ sont de bons croyants ou de potentiels alliés. Et réalisera qu’ils sont aussi impies que les autres et méritent de mourir pour conclure cette épreuve divine. Elle rêve de mourir en martyre de la main d’Eux. Si on l’interroge sur le prêtre, elle répond que ce dernier est un saint homme et qu’Eux lui ont déclaré la guerre. Elle ne sait pas où il est mais elle le suivrait jusqu’en enfer. Objectif Empêcher quiconque de sortir de l’enclos pour se dérober à la punition divine. Équipement Elle porte en sautoir autour du cou un lourd crucifix de bronze, qu’elle cache sous sa robe. Il faut la fouiller pour le trouver. Elle envisage d’utiliser ce crucifix pour pratiquer un exorcisme ou pour se défendre contre les pécheurs. La nonne Incarnation de la foi du prêtre PNJ 10

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La sorcière

Équipement

Apparence

La bourse à sa ceinture contient les organes génitaux des deux pendus mâles.

Longs cheveux gris, peau tannée. Yeux injectés de sang. Verrues poilues sur le nez et le menton, oreilles pendantes, bouche dégarnie, joues flasques. Elle souffre d’un sérieux embonpoint. Elle porte une robe noire rapiécée à une dizaine d’endroits, maintenue par une corde qui sert de ceinture. Une bourse est fixée à cette ceinture. Background Elle représente le penchant du prêtre pour la sorcellerie. C’est une activité qui nécessite du calme et du matériel, deux choses qui lui ont manqué en captivité. Elle sait qu’elle pourrait pratiquer un sort avec son talisman de pouvoir si elle avait les mains libres. Elle a aussi eu le temps de réaliser que l’arbre d’opprobre est devenu un être vivant et maléfique. Elle a imaginé une prière en langue putride pour l’apaiser et pour apaiser Eux. Elle sait que ça ne marchera qu’une fois et dans un laps de temps très court, elle attend donc la meilleure opportunité pour le faire. Quand les PJ arrivent, elle croit cette opportunité arrivée. Elle pense que les PJ la libéreront et estime que si Eux ont davantage de prisonniers à gérer, il leur sera plus difficile de contrer une évasion. Roleplay Lors de l’amorce, la sorcière entame sa prière. Elle sait que l’arbre sera apaisé pendant quelques minutes, Eux à peine plus. Elle ne peut pas inverser l’effet de la prière, mais tâchera de faire croire le contraire aux PJ pour éviter de se faire dépouiller, blesser ou tuer. Elle ne se privera pas de rappeler aux PJ que l’arbre et Eux pourraient les tuer sans sa prière. Elle exige qu’ils l’aident à s’enfuir. Si jamais on tente de lui voler sa bourse, elle leur interdira de voler son « talisman de pouvoir ». Si on attente à sa vie, elle annoncera des représailles de l’arbre. En résumé, elle leur promet mille tourments s’ils tentent de la doubler. Objectif Quitter l’enclos à tout prix. La vie des autres n’a aucune importance.

La sorcière Incarnation de la sorcellerie du prêtre PNJ 10 Prière Si la sorcière est tuée, l’arbre d’opprobre devient un antagoniste et Eux envahissent l’intérieur de l’enclos. Talisman de pouvoir Si la sorcière est libre de ses mouvements, elle peut détruire son talisman de pouvoir pour donner l’ordre à un personnage de faire une action précise pendant ce Tour (si c’est un PJ, il peut faire un jet d’Esprit pour résister). PNJ 3. Faction : L’arbre d’opprobre Apparence Quand on y regarde de près, l’écorce de l’Arbre respire. Son creux remue comme une bouche. Background Si l’arbre d’opprobre a jadis été un simple végétal, l’égrégore en a progressivement fait un monstre, un instrument de haine. Depuis l’avènement d’Eux, l’arbre a soif de sang. Roleplay Ses racines, d’abord immobiles, s’agitent et fouillent le sol. Au niveau du tunnel, elles fouaillent l’air comme des tentacules affamés. Les branches semblent d’abord se balancer au gré du vent. Elles vont se mouvoir de plus en vite, frappant et meurtrissant tout ce qui passe à portée. Si la sorcière meurt, la prière d’apaisement n’a plus d’effet. L’arbre attaque alors, perçant les corps avec ses branches et ses racines. Objectif Tuer. Dès que l’effet de la prière aura pris fin. Équipement L’arbre n’a aucun usage des objets suspendus dans ses branches.

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L’arbre d’opprobre Horla végétal PNJ X X = nombre de Tours écoulés Enraciné L’arbre ne peut pas se déplacer. Ses racines attaquent automatiquement tout personnage qui passe à leur niveau dans le tunnel. Ses branches et ses racines attaquent automatiquement tout personnage situé à portée (voir cercle en pointillés sur le plan). L’arbre peut attaquer plusieurs personnages durant le même Tour. Résistant L’arbre n’est vulnérable qu’au feu.

Briefing J’annonce que le scénario n’est pas centré sur les personnages. C’est-à-dire que les PJ ne sont pas liés à l’intrigue. Ils sont juste au mauvais endroit au mauvais moment. Le scénario comporte suffisamment d’adversité pour qu’ils s’appliquent à constituer un groupe coopératif. À eux de définir l’objectif de leur groupe. Leur objectif individuel sera de survivre. Aux joueurs débutants, je précise que la seule façon de survivre est de fuir la zone de jeu. J’insiste sur la durée courte du scénario. Je précise que pendant l’amorce, il sera possible d’élaborer une stratégie. Mais la suite du scénario sera une situation de stress extrême. Autrement dit, une action de parole utile prendra un Tour. Ce sera difficile de se coordonner. Je précise enfin que je propose des choix informés. Les joueurs peuvent me poser des questions sur les actions qu’ils veulent entreprendre, je leur annonce si un jet de dé est nécessaire, quelles sont les conséquences des réussites et quelles sont les conséquences des échecs. Je rappelle que les échecs et les réussites sont durables à Sombre. Par exemple, pour grimper dans l’arbre, il faut réussir un jet de Corps. S’il est réussi, on peut monter et descendre de l’arbre tout le temps sans refaire de jet de Corps. S’il est raté, on ne peut plus tenter de monter dans l’arbre. Le PJ en est simplement incapable. Peut-être est-il handicapé, a-t-il le vertige, a-t-il peur de l’arbre…

Il y a beaucoup de façons de se faire mal dans ce scénario, et je le gère par la procédure d’accident. Je rappelle qu’un petit accident provoque 1 à 3 Blessures. S’il est gros, l’accidenté lance 1 à 3d6. Le résultat le plus élevé indique le nombre de Blessures. Un très gros accident tue sur le coup. De même, il y a beaucoup d’armes improvisées disponibles. Elles infligent toutes des dommages fixes. Il y a toute une liste d’actions possibles dans le scénario. Mais je ne vais pas les lire à haute voix. Ce sont aux joueurs d’être malins et de poser les bonnes questions, comme dans un jeu vidéo point and click. Et s’ils proposent des combinaisons qui n’étaient pas prévues, je me base sur les règles pour leur expliquer si un jet de dé est nécessaire, et ce qui se passera en cas de réussite ou en cas d’échec.

Amorce Je préviens les joueurs que cette amorce est une cinématique. Leurs PJ seront trop entravés pour faire autre chose que parler. Alors que les PJ sont dans la forêt d’Hexperth, ils tombent dans un piège. Le sol se dérobe sous leurs pieds, ils se retrouvent au fond d’un trou, empêtrés dans un filet rudimentaire. Eux finissent par remonter le filet. Tenant les PJ en respect avec leurs lances, ils les dépouillent de leurs habits et de leur équipement, les laissant en sous-vêtements. Ils les portent pieds et poings liés sur des rondins et les emmènent à Hexperth. Tout se passe sans qu’Eux émettent le moindre son articulé. Ils les font traverser le village. Eux s’agglutinent autour du cortège des PJ ligotés. Ils les conduisent jusqu’à l’intérieur de l’Enclos. Je révèle le plan principal mais pas le plan du tunnel. Les PJ peuvent ressentir l’égrégore des lieux. Ils sont pris de violents maux de tête. L’endroit est maudit. J’explique que les PJ ont conscience que l’endroit est maudit. S’ils restent là, ils vont perdre la raison très rapidement. Je décris chaque élément du décor que peuvent voir les PJ, je réponds aux questions des joueurs. Eux délient les PJ et les poussent avec leurs lances à l’intérieur du cairn. Eux quittent ensuite

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l’enclos et referment le portail. On ne les voit plus. Je décris ensuite les prisonniers enchaînés à la dalle. La sorcière est en train de marmonner sa prière en langue putride. Le fou chantonne en boucle : « Chacun veut sa part de bonheur ». Puis la sorcière s’exclame : « J’ai imploré la clémence de l’arbre. Cela va fonctionner quelques minutes. Libérez-nous et fuyons ! Ni l’arbre ni Eux ne patienteront très longtemps avant de nous mettre en pièces ! ».

dans la même section ou dans une section adjacente. Déclarer une attaque à distance permet d’attaquer une cible dans la même section, dans une section adjacente ou à deux sections de distance.

SI 3. Chronologie du comportement des PNJ

Au terme de 12 Tours, tous les PJ encore présents dans la zone de jeu seront donc à Esprit 0. Certains y arriveront plus vite s’ils subissent des séquelles par ailleurs. L’égrégore est donc un compte à rebours qui va inciter les joueurs à organiser une évasion le plus rapidement possible.

+ Durant les 4 premiers Tours, les quatre prisonniers ne sont pas agressifs. En revanche, ils se comportent comme des boulets, gênent les PJ dans tout ce qu’ils entreprennent et sont incapables de fournir quelque aide que ce soit. Hormis le fou qui n’a pas besoin d’arme, les prisonniers vont faire de leur mieux pour s’équiper. Si un PJ attaque un prisonnier, celui-ci devient un antagoniste dès le Tour suivant. + À partir du 5e Tour, les quatre prisonniers deviennent des antagonistes. Avec ou sans raison apparente, ils en veulent maintenant à mort aux PJ et ne déclarent plus que des attaques contre eux. + Si le fou est tué, les autres prisonniers meurent à la fin du Tour, des mêmes blessures. + Si la sorcière meurt ou quitte la zone de jeu, dès le Tour suivant, l’arbre d’opprobre, jusqu’à présent immobile, devient également un antagoniste. Encore un Tour plus tard, Eux ouvrent le portail et envahissent la place. + Pendant les 12 premiers Tours, sauf si la sorcière meurt, Eux sont agglutinés autour de l’enclos. Ils regardent à l’intérieur par l’espace entre les rondins. Si quelqu’un sort de l’enclos, ils l’attaquent mais ne le poursuivent pas. + À partir du 13e Tour ou 2 Tours après la mort de la sorcière, Eux entrent dans la place. Ils attaquent et poursuivent les survivants. Ils occupent d’abord toute la place en plus du village. Au Tour suivant, ils occupent en plus la chambre funéraire et le rez-de-chaussée de l’église.





Je donne cinq minutes chrono aux joueurs pour poser des questions supplémentaires et échanger avec les PNJ. Ensuite on passera à la scène intermédiaire qui sera une situation de stress extrême. Si les PJ commencent à faire autre chose que parler avant la fin des cinq minutes, je passe aussitôt à la scène intermédiaire.

Scène intermédiaire

SI 1. Égrégore et compte à rebours

À cause de l’égrégore, la pression augmente dans le crâne des PJ. Leur vision se brouille, leur raison flanche. Il faut vraiment quitter cet endroit au plus vite. J’explique que les PJ vont cocher un cercle d’Esprit à la fin de chaque Tour. Je tiens le compte des Tours (=X) sur la carte de PNJ de l’arbre. La seule façon de se soustraire à ce cochage automatique est d’avoir fui la zone de jeu qui correspond au plan.

SI 2. Déplacements et portée des attaques

+ La zone de jeu est divisée en sections : gauche de l’arbre, droite de l’arbre, tronc de l’arbre, branches de l’arbre, ruisseau en amont de l’arbre, ruisseau en aval de l’arbre, clocher, toit de l’église, rez-de-chaussée de l’église, crypte, chambre funéraire, section verticale du tunnel, sommet du cairn, océan, tunnel à gauche des racines, tunnel à droite des racines, margelle du puits, échelons, fond du puits, village nord, village sud. + Déclarer une action de déplacement permet de se déplacer d’une section à la section adjacente. Déclarer une attaque rapprochée permet d’attaquer une cible

SI 4. L’enclos

+ La place est divisée en deux sections : gauche de l’arbre, droite de l’arbre. + Quand on arrive dans la place, on ne voit ni n’entend Eux. + Inspecter les rondins : cumulable avec une autre action. Le PJ réalise qu’Eux sont répartis tout le long de l’enclos et épient à travers les interstices entre les rondins. + Escalader les rondins : jet de Corps. S’il est raté, le PJ s’embroche sur le sommet affûté d’un rondin. C’est un accident à 1d6 Blessures. Au Tour suivant, il peut

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descendre d’un côté ou de l’autre de l’enclos. + Trouver une pierre par terre qui puisse servir d’arme : une action. Une seule pierre est disponible. SI 5. L’arbre d’opprobre + Deux sections : tronc, branches. + Plonger la main dans le creux de l’arbre : une action. Exceptionnellement, je n’annonce pas les conséquences à l’avance. Si le joueur insiste pour le faire en dépit de l’absence d’information, le stress lié à cette action entraîne le cochage d’un cercle d’Esprit. Le creux contient un objet dont le PJ a justement besoin. Ceci fonctionne comme l’Avantage Objet. + Plonger la main dans le creux de l’arbre une deuxième fois : une action. Je n’annonce pas non plus les conséquences à l’avance. L’arbre mord le PJ, lui inflige une Blessure, arrache sa main et l’engloutit. L’arbre devient un antagoniste si ce n’était pas encore le cas. + Grimper dans l’arbre : un jet de Corps. + Récupérer un objet dans les branches : une action. Prérequis : être grimpé dans l’arbre. Objets disponibles : casseroles, lampe à pétrole, culotte, sac à sapin, trophée de cornes de chevreuil, couteau, sapin désodorisant. + Utiliser la chaîne ou le grappin pour faire tomber un objet des branches : une action. + La lampe à pétrole peut servir à : éclairer le tunnel, mettre le feu à du bois (usage unique), mettre le feu à un adversaire (usage unique). + Le trophée de cornes de chevreuil peut servir d’arme improvisée ou d’amarre pour fabriquer un grappin avec les cordes des pendus. + Le couteau est une arme. + Inspecter les pendus : cumulable avec une autre action. À y regarder de près, les pendus ont beaucoup de traits en commun. Comme s’ils étaient de faux jumeaux qui avaient connu des hygiènes de vie très différentes… Ce constat entraîne un cochage d’Esprit. J’explique au joueur en aparté que l’égrégore sépare les gens en quatre au bout d’un moment. Son PJ vient de le comprendre. Il se sent lui-même tiraillé entre ses multiples personnalités.

+ Décrocher les pendus : une action. Entraîne le cochage d’un cercle d’Esprit. Prérequis : Être grimpé dans l’arbre. Chaque corde peut être ajoutée à l’inventaire et constitue une arme improvisée. + Lier les quatre cordes avec le trophée pour constituer un grappin : une action. + Depuis la cime de l’arbre, lancer la chaîne ou le grappin sur le clocher de l’église : un jet de Corps. + Depuis la cime de l’arbre, à l’aide de la chaîne ou du grappin, se hisser sur le clocher, le toit d’une maison ou le monticule du cairn : un jet de Corps. En cas d’échec, le PJ chute dans la partie droite de la place. C’est un accident à 2d6. + Pousser son adversaire contre l’arbre après qu’il soit devenu un antagoniste : un jet de Corps. L’arbre attaque aussitôt la cible.

SI 6. Le ruisseau

+ Deux sections : ruisseau en amont de l’arbre, ruisseau en aval de l’arbre. + S’immerger dans le ruisseau : un jet de Corps. S’il est raté, l’asphyxie entraîne un cochage de trois cercles de Corps et le PJ doit aussitôt remonter à la surface, sans avoir pu se déplacer. S’il est réussi, le PJ peut se déplacer et s’immerger dans le même Tour. Le ruisseau en aval de l’arbre est contaminé par l’égrégore que produit l’arbre. Si un PJ s’immerge dans cette section du ruisseau, il coche un cercle d’Esprit. + Passer sous les racines de l’arbre : une action. Prérequis : être immergé dans le ruisseau. + Traverser la clôture : une action. Prérequis : être immergé dans le ruisseau. Le PJ arrive de l’autre côté de la clôture, il choisit s’il finit son Tour dans le ruisseau ou sur la terre ferme. Dans les deux cas, Eux l’attaqueront au Tour suivant. + Boire de l’eau dans le ruisseau : une action. Le ruisseau en aval de l’arbre est contaminé par l’égrégore que produit l’arbre. L’eau reste potable mais est chargée d’égrégore. Si un PJ boit de cette eau, il coche un cercle d’Esprit. + Plonger la tête d’un adversaire dans le ruisseau : un jet de Corps. La cible encaisse 3 Blessures d’asphyxie. S’il s’agit du ruisseau en aval de l’arbre, la cible coche aussi un cercle d’Esprit.

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+ Les cochages d’Esprit liés au fait de boire de l’eau ou de plonger dans l’eau du ruisseau en aval sont cumulatifs. Un cochage à la fin de chaque Tour passé dans le ruisseau.

Je peux alors ordonner à un personnage non mortvivant de faire une action précise pendant ce Tour. Je ne peux pas lui ordonner de se suicider mais je peux lui faire accomplir une action dangereuse.





SI 7. L’église brûlée

+ Quatre sections : clocher, toit, rez-de-chaussée, crypte. + Marcher sur le toit : une action et un jet d’Esprit (chance). Si le jet de chance est raté, le PJ passe au travers du toit. + Sauter depuis le toit ou le clocher vers le village ou l’enclos : un jet de Corps. S’il est raté, le PJ chute. + Pousser son adversaire du haut du toit : un jet de Corps. La cible chute. + Chuter du toit ou du clocher, passer au travers du toit. C’est un accident à 2d6. + Descendre depuis le toit ou le clocher avec du matériel (chaîne, grappin) : un jet de Corps. S’il est raté, le PJ lâche son matériel et tombe. C’est un accident à 1d6 Blessures. + L’église est entourée par Eux. Une fois au pied de l’église, on subit une attaque du groupe. Pour quitter la zone de jeu, il faut réussir une fuite. Un jet de Corps est nécessaire pour échapper au groupe que forment Eux. + Une fois dans la crypte, il suffit d’annoncer une action de fuite pour quitter la zone de jeu.

SI 8. Le cairn

+ Deux sections : la chambre funéraire, la section verticale du tunnel. + Libérer les prisonniers : une action. Celui qui libère les prisonniers décroche la chaîne et l’ajoute à son inventaire. La chaîne est une arme. + Faire rouler la dalle du fond pour révéler l’entrée du tunnel : une action. Prérequis : la chaîne doit être enlevée et donc les prisonniers libérés. + Descendre la partie verticale du tunnel : une action. + Pousser le crâne d’un adversaire contre une dalle de pierre : un jet de Corps. La cible reçoit 3 Blessures. + Chercher une pierre par terre : une action. Une seule pierre est de taille suffisante pour servir d’arme. + Découvrir le contenu de la bourse : un cochage d’Esprit. Je révèle au joueur ce que lui permet le talisman de pouvoir. Talisman de pouvoir Si je détruis ce talisman, par exemple en le piétinant, en le crevant, en le brûlant, je coche un cercle d’Esprit.

SI 9. La falaise

+ Deux sections : le sommet du cairn, l’océan. + Escalader le cairn : un jet de Corps. + Sauter du haut du cairn dans l’océan sans matériel : une action. Cause la mort du PJ. + Pousser quelqu’un du haut du cairn dans l’océan : un jet de Corps. Entraîne la mort de la cible. + Se suspendre du cairn en haut de l’océan avec du matériel (chaîne, grappin improvisé) : un jet de Corps. S’il est raté, mort du PJ. + Une fois suspendu au bout de sa chaîne, sauter dans l’océan : une action. C’est un accident à 3d6. Le résultat le plus élevé indique le nombre de Blessures. + Nager dans l’océan pour quitter la zone de jeu : un jet de Corps. Si raté, mort par noyade.

SI 10. Le tunnel

+ Deux sections : gauche des racines, droite des racines. + Si aucun personnage localisé dans le tunnel n’a la lampe à pétrole, il y règne une obscurité totale. Je cache le plan du tunnel derrière un écran et je ne révèle pas la position des personnages sur le plan. Tous les jets de Corps des PJ échouent automatiquement et tous les jets des PNJ réussissent automatiquement, sauf leurs attaques qui nécessitent quand même un jet de Niveau. + Le tunnel est si étroit qu’on ne peut y progresser qu’en rampant. Deux personnages ne peuvent pas se céder le passage. Les seuls personnages par-dessus lesquels on peut passer sont les personnages morts. + Se déplacer entre les sections à gauche et à droite des racines : une action. On reçoit une attaque de l’arbre si celui-ci est devenu un antagoniste. + Pousser quelqu’un dans les racines : un jet de Corps. S’il est réussi, la cible subit une attaque de l’arbre.

SI 11. Le puits

+ Trois sections : margelle du puits, échelons, fond du puits. + Ramper de la section « tunnel à droite des racines » à la section « margelle du puits » si le tunnel n’est pas éclairé par la lampe à pétrole : une action. Le PJ tombe dans le puits.

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+ Même action, mais en tâtonnant devant soi : une action, un jet de chance. Si le jet de chance est réussi, le PJ sent le vide devant lui et s’arrête à temps. + Passer du tunnel à la crypte sans matériel : un jet de Corps. Le PJ saute au-dessus de la margelle. En cas d’échec, il tombe dans le puits. + Descendre ou monter aux échelons : une action, un jet de chance. Si le jet de chance est raté, les échelons rompent, le PJ tombe dans le puits. + Pousser quelqu’un dans le puits : une action. La cible tombe dans le puits. + Tomber dans le puits. C’est un accident à 2d6. Le résultat le plus élevé indique le nombre de Blessures. + Être dans la section « fond du puits ». Cochage d’un cercle d’Esprit à cause du cadavre gonflé.

+ Chuter du haut du clocher : 2d6. + S’asphyxier en s’immergeant dans le ruisseau : 3. + Passer à travers le toit de l’église : 2d6. + Lâcher son matériel en descendant de l’église en rappel : accident 1d6. + Sauter du haut du cairn dans l’océan sans matériel : mort du PJ. + Une fois suspendu au bord de la falaise, sauter dans l’océan : 3d6. + Se noyer dans l’océan : mort du PJ. + Tomber dans le puits : 2d6.

+ Les armes improvisées infligent des dommages fixes. + Le crucifix dissimulé sous la tunique de la nonne. + Le talisman de pouvoir de la sorcière (usage unique, en l’utilisant comme l’Avantage Artefact). + La chaîne terminée par un crochet. + Une grosse pierre dans la chambre funéraire. + La lampe à pétrole (usage unique). + Le trophée de cornes de chevreuil (arme improvisée). + Une des quatre cordes de pendu (arme improvisée). + Le couteau dans l’arbre.

SI 12. Le village

+ Deux sections : village nord, village sud. + Eux sont un groupe qui couvre l’ensemble de ces deux sections. + Quitter la zone de jeu depuis le village : une action de fuite, nécessite un jet de Corps du fait qu’Eux est un groupe. SI 13. Rappel des éléments induisant un cochage d’Esprit + Tuer un PJ ou un prisonnier. + Découvrir le contenu de la bourse de la sorcière. + Plonger la main dans le creux de l’arbre.   + Inspecter les pendus et découvrir que l’égrégore a séparé un seul pendu en quatre. + Décrocher les pendus. + Boire de l’eau dans le ruisseau en aval de l’arbre (cumulatif). + S’immerger dans le ruisseau en aval de l’arbre (cumulatif). + Être dans la section « fond du puits » aux côtés du cadavre gonflé. SI 14. Rappel des accidents possibles et Blessures provoquées + S’embrocher sur les rondins : 1d6. + Plonger une deuxième fois la main dans le creux de l’arbre : 1 & amputation de la main.

SI 15. Liste des armes disponibles

SI 16. Liste des attaques exotiques + Toutes ces attaques requièrent un jet de Corps. + Plonger la tête de son adversaire dans le ruisseau : 3 Blessures. + Frapper la tête de son adversaire contre une dalle dans la chambre funéraire : 3 Blessures. + Pousser son adversaire du haut du cairn dans l’océan : mort de la cible. + Pousser son adversaire contre l’arbre : attaque automatique par l’arbre. + Pousser son adversaire dans le puits : accident à 2d6. + Pousser son adversaire du haut du toit de l’église : accident à 2d6. Fin

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C’est la scène intermédiaire qui concentre tout le jeu et toute l’intensité de ce scénario. La fin correspond à la retombée de la tension horrifique. Je félicite les joueurs pour leur rage de vaincre, je décris la fuite éperdue des PJ survivants hors du village, je m’appesantis sur Eux qui s’approchent des corps des PJ morts pour les profaner, je donne les révélations qui n’ont pu être amenées en jeu, j’évalue s’il est possible d’improviser une suite avec les PJ survivants. Quitter la forêt qu’Eux ont truffée de pièges peut tenir lieu de séquelle au scénario.

Feedback

F 1. Pitch

+ Pitch alternatif : Des réfugiés humains de Mars se crashent à  Millevaux. Ils fuyaient la persécution par les Néandertal. Ils trouvent une communauté humaine sur place, mais il n’y a pas assez de ressources pour tout le monde. Les martiens en viennent à  massacrer les autochtones pour s’emparer de leur village. Mais les morts reviennent.

Elle est redondante avec les Désavantages. + Quelques exemples de bangs : « Je suis enceinte et je peux accoucher à tout moment. », « Je reconnais mon conjoint parmi les pendus. », « Quelqu’un refuse de m’aider. », « Mon chien se meurt. ». + Si lors de la création collective, les joueurs se sont fixé un objectif de groupe lié à un objet (par exemple, trouver à Hexperth une balise qui désactiverait la barrière électromagnétique du Mur de la Honte), cet objet est dans le creux de l’arbre. Il constituera assurément une pomme de la discorde.

F 2. Décor

F 4. Les PNJ

Si je veux faciliter la compréhension, je précise que quelqu’un a gravé avec ses doigts sur la dalle ronde : « La foi la magie la raison ». Et si on y regarde de plus près, le Fou a les doigts meurtris jusqu’à l’os...

pour faire mal et relancer l’histoire. Sans exiger un riche background, je demandais à chaque joueur de rédiger un bang pour son PJ, soit lors de la création collective, soit entre l’amorce et la scène intermédiaire. + J’ai essayé plusieurs méthodes pour déclencher ces bangs. Soit je les notais et les déclenchais au moment opportun. Soit je les déclenchais tous au cinquième Tour. Soit je déclenchais le bang d’un PJ quand il passait à proximité de l’arbre. Soit je confiais à chaque joueur un post-it « Bang » ; le joueur pouvait l’utiliser pour annuler une fois une Séquelle en déclenchant le bang d’un autre PJ de son choix. Je n’ai pas maintenu cette mécanique.

F 3. Les PJ

+ Lors de la création collective, je peux suggérer à un joueur d’incarner un lazaréen, c’est-à-dire un hérétique qui ressuscite les morts au nom de Dieu. Je lui annonce discrètement que c’est lui qui a ramené Eux à la vie. Il regrette son geste mais n’ose le révéler car le PJ originaire d’Hexperth le tuerait sûrement s’il apprenait la vérité. Si ce PJ meurt, le lazaréen se sentira libre d’avouer son forfait. Je donne au PJ lazaréen l’Avantage Exorciste. Il permet de neutraliser Eux pendant un Tour à condition de dire la prière « Moi qui vous ai ramené à la vie, je vous ordonne de vous endormir ». Et je lui donne aussi le Désavantage Ennemi mortel. Il implique que le PJ originaire d’Hexperth cherchera à tuer le lazaréen à tout prix s’il apprend qu’il a ramené Eux à la vie. + J’ai longtemps proposé pour ce scénario une mécanique de « bang ». Un bang est un problème dans l’historique du personnage que le MJ peut réactiver

+ Si un PJ meurt au milieu du scénario, je confie au joueur l’un des PNJ prisonniers comme PJ de rechange. De préférence, un PNJ en état de nuire. Le malade n’est pas très intéressant à jouer… + Si j’ai beaucoup de joueurs ou que je veux me ménager un joker, je rajoute un PNJ qu’on peut apercevoir pendant l’amorce. À l’arrivée au village, on voit dans une cage roulante un homme massif avec une grande croix tatouée sur le visage et des colliers garnis de croix. C’est un catholique qui achète sa rédemption auprès d’Eux en affrontant d’autres catholiques récalcitrants. Quand ils en ont le besoin ou l’envie, Eux libèrent l’Homme aux Croix. Ils lui confient un crucifix géant et l’envoient écraser la tête de quelques prisonniers. Au quatrième Tour, j’annonce aux joueurs que l’Homme aux Croix est libéré. Au cinquième Tour, le portail s’ouvre et il entre dans la place. L’Homme aux Croix Fanatique de la rédemption PNJ 12

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F 5. Amorce



Si je veux renforcer l’aspect tactique, je reste très évasif pendant la cinématique. Une fois que les PJ sont arrivés dans la chambre funéraire, j’annonce une pause de 5 minutes. Puis un chrono de 25 minutes où je réponds à toutes les questions sur ce que les PJ ont vu sur le trajet. Ensuite, je permets 5 minutes de dialogue avec les prisonniers, puis j’annonce une nouvelle pause de 5 minutes. Enfin, j’enchaîne sur la scène intermédiaire. Tony Martin m’a fait la suggestion d’un format long pour ce scénario. Je le cite en entier parce que ses remarques suffisent à broder une séance de plusieurs heures : « Pour autant, il y a un petit truc qui moi me gène et qui est le rythme du scénario. Je m’explique : tu annonces que c’est un one shot d’une a deux heures, OK pas de problème, faut que ce soit dynamique et ça l’est. Toutefois, je regrette que l’on ne donne pas plus d’importance aux relations entre les PNJ prisonniers et les joueurs. En effet, cette partie-là est assez vite balayée pour rentrer dans le vif du sujet – c’est-à-dire la fuite de l’enclos et du village. Alors je suis parfaitement conscient de l’aspect survivaliste, qu’Eux sont muets et qu’il faut garder une pression constante. Ça n’est pas propice à la discussion. Mais moi j’aurais bien vu un scénario un peu plus long, avec une ou deux scènes du genre les prisonniers (peut-être un ou deux de plus) sont retirés un à un pour qu’ils soient torturés, que l’on n’entend que leurs cris étouffés, voire qu’Eux improvisent un combat dans l’enclos contre l’Homme à la Croix. De même, je leur aurais bien fait passer une nuit assez difficile (avec une ou deux Séquelles pour les faire changer de psychologie), quelques confidences pour apporter quelques réponses sur la situation, une attente incertaine – sont-ils les suivants ou pas... Tout ça pour créer un peu plus d’interactions entre les joueurs et les PNJ et surtout créer une ambiance lourde et pesante. Enfin, j’aurais bien créé une occasion de fuir, comme le moment où un ou deux Eux viennent chercher un prisonnier. Lors de cette occasion, quelle arme utiliser, quelle stratégie adopter, qui abandonner, et surtout par où fuir ? Bref, j’aurais mis de côté le chrono, sauf si l’un des avatars du prêtre venait à mourir, pour me concentrer sur l’utilisation du background du scénario. La raison de la situation, la division de l’esprit du prêtre... ».

F 6. Scène intermédiaire

+ Dans ce scénario, la jauge d’Esprit est une ressource encore plus malmenée que le Corps. Eux proposent aux joueurs de gérer finement la pénurie d’Esprit, de Corps, de matériel (les PJ démarrent sans rien) et de mémoire (les joueurs n’ont aucune information sur la guerre civile à moins d’interroger les PNJ). + Si un PJ parvient à quitter la zone de jeu dans les tout premiers Tours, je lui confie un PNJ prisonnier à jouer, en prenant soin de lui dire tout ce qu’il y a savoir à son sujet. En playtest, ça n’est jamais arrivé. + Si je suis en forme et que j’ai bien révisé le terrain de jeu, je change la façon de compter l’égrégore. Au lieu d’augmenter X de 1 à chaque Tour, j’augmente X de 1 toutes les 5 minutes. Pour que les joueurs sursautent à chaque fois que l’égrégore augmente, j’utilise un timer avec une sonnerie stridente. Un minuteur de cuisine reste le nec plus ultra. + Pour augmenter le stress des joueurs, il m’est aussi arrivé de modifier la façon de gérer les actions et les Tours. Je plaçais au milieu de la table un objet facile à empoigner (comme le totem d’un célèbre jeu de société). Si un PJ voulait faire une action, son joueur devait saisir l’objet. Il faisait ensuite son action et j’avais le droit de faire agir un PNJ en réaction. Ensuite, il reposait l’objet au milieu de la table et n’avait plus le droit de s’en saisir tant que personne d’autre ne l’avait fait. Cela avait pour effet de stresser les joueurs aux réflexes les moins affûtés. Ils se faisaient griller leur tour par les plus rapides qui s’emparaient de l’objet avant eux. Cela faisait aussi stresser les joueurs les plus actifs (ils devaient attendre entre deux actions qu’un autre joueur ait fait une action). Dans ce mode de jeu, la parole n’est plus considérée comme une action. Tout le monde peut parler autant qu’il veut. Je ne conseille cette méthode que si le scénario est bien assimilé et si les joueurs valident ce facteur de stress supplémentaire. Cela impose de compter l’égrégore au timer et non par Tour. + Au lieu de tenir le compte de l’égrégore sur la carte de PNJ de l’arbre d’opprobre, j’utilise parfois des jetons que je jette dans une coupelle au centre de la table, un jeton par point d’égrégore accumulé. Ou encore, je demande à chaque joueur de jeter un jeton dans la coupelle quand il coche un cercle d’Esprit. Chaque tintement de jeton dans la coupelle fait monter la pression. À la fin, la coupelle est tellement remplie qu’elle déborde. C’est une technique inspirée du jeu de rôle Innommable de Christoph Boeckle.

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+ Pour renforcer le côté glauque du scénario, je ne lésine pas sur les descriptions gore lors des combats. Un personnage enfonce le crochet dans le corps d’un autre, qui vomit et meurt sous le choc. Un crâne éclate comme un fruit trop mûr sur la dalle de pierre. Les racines de l’arbre profanent les entrailles de ceux qui passent à côté. Je ne scripte pas trop le comportement des PNJ car je préfère les faire réagir aux actions des PJ. Voici néanmoins quelques exemples de comportements étranges déjà testés : + Les PJ avaient libéré les prisonniers puis étaient partis explorer la place. L’un d’eux revient dans la chambre funéraire, il surprend alors le fou en train de déshabiller le malade. Voulait-il le soigner ou abuser de lui ? Le PJ a opté pour la deuxième hypothèse et lui a planté le crochet de la chaîne en pleine figure. + Un PJ passe sous la clôture par le ruisseau. Le malade cherche à le suivre mais se noie dans le ruisseau. Le PJ encaisse une séquelle… Et tombe à 0 d’Esprit. + La nonne se met à agresser la sorcière « impie ». Sachant qu’Eux vont rentrer dans l’enclos si la sorcière meurt, les PJ sont obligés de gêner la nonne ou de la tuer. + Passant en premier dans le tunnel, le fou annonce qu’il a peur des racines et n’avancera plus d’un millimètre… Mais il ne recule pas non plus. Un PJ est obligé de le tuer dans l’étroitesse du tunnel pour passer.

+ L’arbre d’opprobre, avant le cinquième Tour, est déjà conscient. Il peut même accéder à certaines suppliques des PJ. Souvent avec une certaine ironie. Lors d’un playtest, un PJ était une femme enceinte. Comprenant que l’arbre était vivant, elle l’a caressé et a imploré son aide. Elle a demandé à l’arbre de la cacher. L’arbre a écarté ses racines pour indiquer le ruisseau qui passe sous lui. La femme a plongé dans le ruisseau mais a raté un jet de Corps, encaissant 3 Blessures d’asphyxie. Et causant la mort de son enfant. Ce qui a entraîné 3 cochages d’Esprit.

F 7. Comptes-rendus de partie

Retrouvez les comptes-rendus des playtests d’Eux, ou postez vos propres comptes-rendus sur le forum de www.terresetranges.net, section Millevaux, fil Scénarios Millevaux.

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premier supplément

Vous trouverez dans cette boite : Un livret couleur Arcanes de 80 pages, la campagne Arcanes funestes de 72 pages, un fascicule de 24 pages, 16 fiches aides de jeu, 80 cartes d’escrime, 30 cartes d’épées et 5 posters originaux.

PRIX PUBLIC CONSEILLÉ : 49€

Paris, 1644

Vous incarnez les nouvelles Lames du Cardinal, dans un XVIIe siècle où aventuriers et espions d’élite du Royaume de France luttent contre les Dragons de la mystérieuse loge des Arcanes. Dans cette première extension, découvrez la magie des Arcanes, l’art de l’escrime et percez les secrets de la divination. Mais surtout, lancez-vous dans une folle chevauchée à travers une grande campagne inédite dans l’univers des romans de Pierre Pevel ! Disponible

Quelques compétences sont différentes dans les deux systèmes, l’exemple le plus notable étant les jets de Perception + Vigilance qui s’effectuent avec Astuce + Calme dans Requiem.

The Box Scénario pour Vampire la Mascarade et le Requiem de Jérémie Coget.

L'Histoire

Présentation Ce scénario peut être utilisé comme un intermède jouable en une séance à intégrer dans votre campagne, ou en plusieurs épisodes à intercaler entre les scénarios de votre chronique. Les événements peuvent se dérouler dans n’importe quelle ville du monde des Ténèbres, à La NouvelleOrléans si vous jouez à Requiem et à Paris ou Chicago pour la Mascarade. Il peut aussi très bien s’intégrer dans « L’eldorado de sang et de cendres », le décor de chronique Vampire la Mascarade publié dans le Maraudeur N13. Pour ce scénario les personnages devront idéalement être les propriétaires d’une boîte de nuit ; ou bien être les protecteurs ou les gérants d’un tel lieu pour le compte d’un Ancien ou d’un allié. Tout autre lieu de perdition nocturne pouvant tenir lieu de Domaine ou de terrain de chasse – cinéma, restaurant, bar, salle de théâtre ou de concert – convient aussi. Dans le cas contraire, un de leurs alliés charge les PJ de l’enquête avec la promesse de leur confier en récompense la gérance de la boîte de nuit dont ils vont devoir assurer la protection. Les données techniques sont proposées pour Vampire la Mascarade mais sont aisément adaptables à Requiem, en gardant à l’esprit que pour ce dernier système tous les jets s’effectuent avec un seuil de 8. N’hésitez pas à adapter cette difficulté à la puissance de votre groupe de personnages.

Elle est des plus simples et banales et ne met en scène pour une fois aucun être surnaturel. Vincent Norwick, promoteur immobilier cupide et cynique, est prêt à tout pour gagner énormément d’argent. Voilà deux ans qu’il travaille, corrompt et distribue des pots-de-vin pour réaliser un projet ambitieux : ouvrir le plus grand établissement d’accueil et de divertissement de la ville. Le complexe, « The Box », comprendra une immense boîte de nuit constituée de plusieurs pistes à thèmes, deux salles de spectacle, une dizaine de salles de cinéma, un complexe hôtelier, une galerie marchande et une multitude de restaurants et de bars. L’objectif est de proposer l’offre la plus large pour drainer le maximum de noctambules vers l’établissement. Pour accroître les chances de succès de ce projet pharaonique, Norwick se lance parallèlement dans une politique de déstabilisation des autres boîtes de nuit de la ville. Pour cela il utilise ses contacts dans la pègre locale et engage des petites frappes pour créer le désordre chez la concurrence. Une fois que la violence et l’agitation ravageront les établissements ciblés, le promoteur n’aura alors plus qu’à axer la campagne de communication autour de « The Box » sur l’éventail de son offre et surtout sur la sécurité et les mesures drastiques mises en œuvre pour que chacun puisse venir dépenser son argent en toute tranquillité… Seulement, l’arriviste ne se doute pas que la nuit est parcourue par des prédateurs aux dents bien plus longues que les siennes et que ses manigances, en apeurant le troupeau humain des vampires de la ville, vont attirer leur attention sur lui.

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Les vampires étant extrêmement paranoïaques, ils vont dans un premier temps se suspecter entre eux, se monter les uns contre les autres, avant que les PJ ne démêlent la vérité et ne découvrent que l’instigateur du problème est « non surnaturel ».

Lyon (pour le décor publié dans le Maraudeur no13) : l’Eden Rock Café, Le Voile, Le Marais, DV1, le Transbordeur, Aperiklub, Les Péniches, le Nikasi Kao... À vous de voir quels sont les vampires de la chronique qui les ont pris comme domaine.

The Box

Déroulement

Celle-ci est en construction, quasiment achevée, à la périphérie sud de la ville. Elle ouvrira ses portes le 31 mars, après une semaine de tapage publicitaire insistant sur le grand nombre de choix de salles de musique, le grand parking gardé, et aussi (problème d’actualité) sur l’excellent système de sécurité (électronique, videurs à l’intérieur et vigiles à l’extérieur) : « un lieu de fête pour tous et en toute sécurité ».

Nous vous présentons ici le fil des événements tel que prévus par Vincent Norwick (ainsi que quelques fausses pistes) ; bien entendu il ne prévoit pas toutes les actions des PJ. À vous de vous appuyer dessus afin de mener le scénario mais tout en laissant libre court aux actions des PJ.

La journée de nombreux corps de métiers y travaillent (électriciens, maçons, paysagistes, décorateurs…) ; la nuit le chantier est fermé et plusieurs vigiles parcourent le site – Norwick n’a pas lésiné sur la sécurité !

Les dates peuvent être modifiées à votre convenance.

Les différentes boîtes Ci-dessous vous trouverez différentes boîtes de nuit pour La Nouvelle-Orléans, Chicago, Paris et Lyon. Dans le scénario, à chaque fois qu’un night-club est concerné on ne mentionne pas un nom mais un numéro, pour vous laisser le choix ; quand le même numéro revient c’est que c’est la même boîte de nuit qui est concernée. Nouvelle Orléans : The Midnight Club, La Cabane (en français dans le texte), L’Alligator, le Sasparilla Club, Jazz Night, Au Jeune Carré… Paris : Le U-Bahn Club du Toréador Cassandre, Le Meltdown, L’Alcove de la Sétite Rafaella, The Green, Le Manoir de Vlad, La Péniche… Chicago : Le Succubus Club du Ventrue Brennon Thornhill, Le Blue Velvet, Le Ponytail Club de Bret Stryker, Le Flambeau (à Gary), Le Tout-Paris (boîte-bar qui attire surtout des francophones ; le Brujah Levesque n’est pas le propriétaire mais c’est une de ses goules), La Caverne, The Flashdance, la boîte où la toréador Sophia a l’habitude de danser régulièrement (et se nourrir) et qu’elle considère comme son domaine...

Vendredi 5 mars

Comme tous les vendredis la boîte des PJ (N°1) ou celle qu’ils ont l’habitude de fréquenter est pleine comme une huître : tous les camionneurs du coin sont de retour après une semaine de route et viennent se défouler (remplacez les camionneurs par des étudiants ou autres selon la boîte). Il est quasiment impossible de voir à l’autre bout de la boîte tellement celle-ci est bondée et enfumée. Alors que les PJ sont chacun de leur côté en train de se nourrir, une bagarre éclate au bar. C’est aux PJ de calmer les esprits ; le propriétaire de la boîte peut leur demander de l’aide comme un service étant donné qu’ils se nourrissent dans sa boîte. Les joueurs doivent prendre ça pour une entrée en matière dans le scénario, pas du tout comme le début du scénario. Une fois les protagonistes de la bagarre mis hors d’état de nuire l’ambiance reste très tendue, explosive. Dans le même temps, une autre boîte (N°2) est elle aussi le lieu d’une bagarre, mais en l’absence du propriétaire ; il y a un blessé grave parmi les clients, il a été poignardé. Enfin dans une troisième boîte (N°3) un incendie a éclaté dans une ruelle adjacente, mais en quelques secondes les employés de la boîte sont intervenus pour l’éteindre. Le propriétaire arrivait en fait à sa boîte ce qui lui a permis de voir le feu qui venait à peine de se déclarer, néanmoins il n’a vu personne. N’hésitez pas à rajouter une quatrième boîte pour amplifier le phénomène.

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Si les PJ restent à leur boîte toute la nuit afin d’éviter d’autres problèmes, ils peuvent apprendre l’altercation de la première boîte dans le journal de la nuit ; un de leur serviteurs pourra le leur faire remarquer si les PJ restent au bar ou sur la piste. Donc deux boîtes, au moins, ont été le lieu d’une bagarre. Pour le moment ce n’est pas encore louche, disons juste que c’est une coïncidence pour un vendredi soir agité. Si les PJ vont à l’Elysium ils pourront entendre des rumeurs, parmi d’autres, concernant la boîte N°2, mais personne ne pense encore qu’il s’agit d’un coup monté. Les PJ peuvent aller voir les différents vampires concernés, afin de les « interroger », mais n’oubliez pas d’adapter le ton de la discussion en fonction de la position des PJ (s’ils sont proAnarchs ou pro-Anciens, membres de la même ligue ou d’une autre) et aussi si les PJ parlent ou pas de ce qu’il s’est produit à leur boîte.

Les PJ peuvent là aussi aller voir les différents vampires concernés, afin de les «  interroger  », mais n’oubliez pas d’adapter le ton de la discussion en fonction de la position des PJ (pro-Anarchs ou pro-Anciens) et aussi si les PJ parlent ou pas de ce qu’il s’est produit à leur boîte. Durant la nuit trois boîtes supplémentaires vont subir différentes pressions. À la N°4 (une grosse boîte), une violente bagarre éclate et un client trouve la mort ; les autres s’enfuient avant que le service d’ordre ou le propriétaire lui-même n’ait le temps d’intervenir. Malgré tout le coup ne sera pas marqué car le propriétaire n’appelle pas la police, fait disparaître le corps et utilise ses différents contacts pour éviter que la bagarre ne s’ébruite dans les médias. Un incendie s’est déclenché dans les toilettes du N°5, celui-ci a été maîtrisé mais on n’a pas pu éviter l’évacuation de la boîte et celle-ci sera fermée pendant trois jours pour les réparations.

Samedi 6 mars Les PJ apprennent, soit en allant à l’Elysium, soit par l’intermédiaire d’un de leurs contacts, qu’en plus du N°2, le vampire propriétaire du N°3 a lui aussi été victime d’agitation sur son domaine. Ils apprennent aussi, de vive voix ou par une tierce personne, que des rumeurs accusent les Anciens d’être à l’origine de ces agressions. Les PJ pourront soit confirmer (s’ils sont Anarchs) soit infirmer (s’ils sont plutôt pro-Anciens) les dires des jeunes vampires. Les propriétaires font bien comprendre que cela ne se reproduira pas : ils vont monter la garde et toute nouvelle tentative de déstabilisation sera suivie de représailles !

Un homme a été écrasé par un chauffard devant la N°6. Le propriétaire ne pourra pas dire grand-chose, il était à l’intérieur lorsque cela c’est produit. Les médias puritains (donc pas tous, une grande partie n’en parleront pas ou peu, lui aussi utilise ses contacts) insistent sur le fait que l’homme sortait d’une boîte de nuit où la violence, à cause de l’excitation et de l’alcool, est fréquente et proposent la thèse d’un chauffard voulant se venger d’une humiliation subie dans la boîte. Thèse que rien ne semble prouver, puisque le propriétaire n’a rien vu à l’intérieur, pas même une altercation verbale.

Il s’installe donc une ambiance de suspicion et de paranoïa, quoique cela soit une ambiance normale pour tout vampire vivant dans la ville. De nombreux vampires possesseurs d’une boîte ont décidé de passer la soirée dans leur domaine. Vous pouvez si cela vous semble trop rapide (même si trois boîtes dans la même nuit c’est plus qu’une coïncidence) reporter cette suspicion au lendemain soir.

Il est à noter que les médias s’empareront de ces affaires et monteront plusieurs articles ou reportages télé sur l’insécurité dans les clubs et boîtes de nuit. Ce qui aura plusieurs conséquences désagréables pour les vampires : une baisse de la fréquentation et une méfiance renforcée des clients, entraînant de ce fait des difficultés pour se nourrir en ces lieux ;

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un renforcement des patrouilles des forces de l’ordre aux abords des boîtes et même plusieurs descentes de police. Les autorités vampiriques, bien que contrôlant partiellement la police, ne pourront que diminuer les descentes et seront sur les dents, accentuant la pression sur leurs enquêteurs (les PJ et/ou des PNJ).

Le racket Les PJ (ou le propriétaire de la boîte qu’ils fréquentent) reçoivent la visite d’un homme à leur boîte de nuit (si ceux-ci ne sont pas à la boîte, ils recevront un message leur indiquant la présence d’un homme désirant les rencontrer). Il se présente comme étant un « envoyé », il ne dit pas de qui – « on m’envoie pour vous transmettre un message » – et ne précise non plus son nom. Il sera direct : « vous avez reçu l’avertissement d’hier, donc si vous voulez que cela ne se reproduise plus il faut payer l’assurance accident ». Il demande 5 000 € tout de suite (remplacez les € par des $ aux États-Unis), puis 100 €, seulement, par semaine. Il insistera sur le fait que 100 € ce n’est rien (« dans une boîte comme celle-là vous vous les faites en un rien de temps »). Une Domination (Majesté pour Requiem) ou un jet d’Augure permettra aux PJ de découvrir qui est ce personnage et pour qui il travaille. En fait, il s’appelle Christophe Webber et travaille tout seul, c’est un escroc qui tente de prendre de l’argent en faisant croire qu’il est responsable des « attentats » à l’encontre des boîtes de nuit. Il était là la nuit dernière et a tout de suite compris que la bagarre n’était pas normale. Il pense donc en profiter, puis aller dans une autre ville voir s’il n’y a pas d’autres personnes à escroquer. Même si les PJ utilisent une de leurs disciplines sur le racketteur il faut essayer de jouer sur le quiproquo : selon les questions des PJ essayez de tourner les réponses afin d’alimenter le doute. Les PJ doivent mettre le plus de temps possible avant de comprendre la vérité. Si les PJ payent, demandent un délai ou refusent de payer et suivent discrètement le racketteur, celui-ci se rendra dans d’autres boîtes de nuit déjà « agressées » et dont la presse a parlé. Il ira voir, pour ce jour, le propriétaire du N°2 (il n’ira voir les autres boîtes que le lendemain). Ce dernier réagira assez violemment à l’encontre de Webber. Il l’invitera dans son bureau pour le payer et là l’agressera verbalement et le

menacera afin de connaître son patron. Webber, pas excessivement courageux, déballera rapidement la vraie histoire, et en sera quitte pour une belle frayeur. Le propriétaire le laissera partir, sans trop de violence (expulsion par la porte de derrière), ce qui pourra empêcher que les PJ le voient se faire jeter (sauf s’ils précisent qu’ils surveillent la bonne sortie), puisqu’ils le verront réapparaître sans blessure apparente. Webber décide que la nuit a été suffisamment agitée et rentre se coucher dans sa chambre d’hôtel miteuse. Il n’ira voir personne que les PJ pourraient prendre pour son patron. Le lendemain il recommencera la tournée des boîtes avec le même objectif et des résultats aussi mauvais, avant de décider qu’il vaut mieux pour lui qu’il quitte la ville...

Dimanche 7 mars L’indice

À un moment donné les PJ vont tomber sur un indice, soit en attrapant un fauteur de trouble soit en apprenant que parmi les autres « attaques » de la nuit un des agresseurs a été tué. Les PJ vont pouvoir enquêter sur cette personne. Il s’agit de Paul Adar, un homme d’une trentaine d’années, déjà incarcéré pour attaque à main armée, en liberté provisoire ; son agent de probation s’appelle Alfred Dumark, il avait sur lui une boîte d’allumettes du club N°5 avec un numéro de téléphone (celui d’une agence d’intérim). Les PJ peuvent donc apprendre de deux façons qu’il travaille pour une agence d’intérim : soit en contactant l’agent de probation, soit en obtenant la boîte d’allumettes. Mais il ne faut pas oublier que c’est la nuit et que les PJ doivent expliquer comment ils font pour se renseigner sur le mort, pour pénétrer dans la morgue ou la police...

L’agence d’intérim Power-M C’est une agence minuscule, assez mal placée, dans une rue peu fréquentée, et dirigée par un seul homme, Thomas Brandu. Celui-ci utilise en fait cette agence comme couverture pour payer des malfrats « à vendre ou à louer ». Ses fichiers de personnels à louer, sous de faux métiers équivoques (dératiseur, pilote privé, acteur…), contiennent de nombreuses personnes connues des services de police. Dans son fichier d’employeur les PJ peuvent trouver des références à

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de gros bonnets de la pègre (peut-être des références à un vampire…) et d’autres personnes qui semblent « propres ». Parmi ces noms l’un d’eux, le dernier en date, a employé le mort. Il s’agit du promoteur immobilier Vincent Norwick. Pour compliquer la chose vous pouvez toujours donner deux ou trois noms, aux PJ d’aller tous les vérifier… Si les PJ arrivent à l’agence d’intérim avant une heure du matin, Thomas Brandu sera là, avec un de ces « employés » spéciaux. Il sera assez circonspect envers tout visiteur et pourra facilement en venir à la violence (au corps à corps ou avec arme à feu). Il pourra alors indiquer aux PJ (après avoir été dominé, menacé ou violenté, s’il est encore en vie) qui a employé Paul Adar en dernier. Thomas Brandu est un homme blond d’une quarantaine d’années, c’est un ancien gangster qui s’est « rangé » en ouvrant cette agence d’intérim employant des repentis. Si les PJ arrivent après une heure du matin, il n’y a plus personne. Il faut forcer la porte (Sécurité 6, puis 7 pour neutraliser l’alarme) ; les dossiers intéressants se trouvent dans l’ordinateur (Informatique 7 pour atteindre les dossiers protégés). Si les PJ ne sont pas compétents en informatique, faire en sorte qu’une carte de visite brûlée reste dans le cendrier (Psychométrie ou Augure 8, pour voir le nom inscrit). Si tout cela ne marche pas, il leur reste la possibilité de rendre visite à Thomas Brandu à son domicile, un appartement à quelques rues de l’agence. L’adresse de Vincent Norwick connue par Thomas Brandu est celle des bureaux de son agence immobilière.

Les bureaux de Norwick Les bureaux sont déserts et se trouvent dans un bel immeuble du centre-ville. L’accès à l’immeuble est difficile mais pas impossible ; chaque étage appartient à des sociétés différentes.

Là les PJ pourront trouver enfin les raisons des attaques, puisqu’ils découvriront une splendide maquette de « The Box ». S’ils fouillent dans le coffre (jets de Sécurité 9 ou de Force 8 avec 5 succès nécessaires) les PJ pourront trouver aussi plusieurs noms d’entreprises travaillant ou ayant travaillé avec Norwick. Dans la liste un nom peut être connu des PJ, celui d’un Ventrue affairiste. Il a travaillé avec Norwick mais n’est pour rien dans son projet de boîte de nuit, néanmoins il peut l’avoir financé, après tout une bonne affaire c’est une bonne affaire. Ce détail est une option mais il peut être intéressant d’impliquer indirectement un vampire : la réaction des PJ peut provoquer des remous et des rebondissements dans votre chronique (un ennemi de plus s’il est accusé par les PJ).

Chez Norwick Il

possède une magnifique demeure, à la lisière de la ville. Elle est extrêmement bien protégée, cinq ou six gardes du corps, vidéo surveillance, chiens de garde... Norwick est un homme d’une cinquantaine d’années, très sûr de lui mais aussi très terre à terre ; il ne comprendra pas trop ce qu’est un vampire, mais il sera prêt à accepter toute chose lui permettant de survivre.

Du lundi 8 au vendredi 19 mars Si les PJ ne sont pas intervenus auprès de Vincent Norwick les « attaques » de boîtes continuent mais elles sont un peu plus prudentes et préparées, étant donné les mesures de sécurités prises par les divers propriétaires.

Mercredi 24 mars Début des publicités concernant l’ouverture prochaine de « The Box ». Vincent Norwick triple son service de protection.

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Bien entendu les PJ auront le choix entre arrêter les déstabilisations ou les continuer (ce qui est très risqué). Dans le premier cas, ils ont aussi le choix de se vanter ou pas de leur intervention dans l’arrêt des déstabilisations.

Mercredi 31 mars « The Box » ouvre.

Dénouements possibles Les PJ trouvent le promoteur immobilier avant l’ouverture de la boîte et l’éliminent ou le livrent au Prince – qui le fera éliminer sous la pression d’autres vampires propriétaires de club craignant la concurrence. Le projet « The Box » tombe dans l’oubli et celle-ci, pourtant quasiment terminée, devient une ruine de plus utilisée par les gangs comme lieu de rencontre. Les PJ trouvent Vincent Norwick avant l’ouverture de la boîte, mais ne l’éliminent pas et ne le livrent pas au Prince. C’est le choix le plus intelligent : les PJ peuvent décider de le garder comme un servant fidèle (goule, domination ou menace) et « The Box » devient alors leur domaine. Celle-ci, sans devenir la plus prestigieuse de la ville, n’en demeure pas moins une boîte fréquemment bondée et bénéficiaire. Cela représente un moyen intéressant pour augmenter son Statut, ses Ressources et son Terrain de Chasse. En outre, « The Box » est suffisamment grande pour permettre à plusieurs vampires de s’y nourrir, ce qui laisse la possibilité aux PJ d’accueillir d’autres vampires, qui leur devront une faveur ou du moins les respecteront.

Les PJ ne trouvent pas le promoteur immobilier avant l’ouverture de « The Box », ou plutôt avant la vague de publicité de la semaine précédente. Tous les vampires concernés se mettront alors en chasse. Vincent Norwick se croit intouchable, il a recruté des gardes du corps supplémentaires, mais il ne pourra pas se défendre face à un vampire. Là c’est à vous de décider si vos PJ peuvent arriver avant les autres ou non, si on l’a éliminé ou si un autre vampire l’a dominé pour posséder « The Box »...

Galerie de portraits Employez les caractéristiques de l’Inspecteur de police (p.190 du manuel Vampire la Mascarade) et celles de l’Officier de police (p.209 du livre le Monde des Ténèbres pour Vampire le Requiem). Mettez-leur des armes en fonction de vos PJ et de la résistance souhaitée pour les gangsters (pistolet ou Uzi).

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