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Gilly/Isère : Maxence Fermine dans le cerveau de Nordahl Lelandais

Loin de l’écriture soyeuse, douce et poétique qui anime ses fictions, Maxence Fermine sort de sa zone de confort pour enquêter sur le tueur Nordahl Lelandais. Il nous raconte cet exercice inhabituel.

Temps de lecture: 4 min

D’habitude, sa plume caresse la page, glissant dans son sillage une prose délicate et pleine d’humanité. « La neige. Elle est blanche. C’est donc une poésie. Une poésie d’une grande pureté. »

Nordahl. La mort. Elle est noire. C’est donc une monstruosité. Une monstruosité d’une infinie tristesse. Se fondant dans la douleur des familles de Maëlys et Arthur, Maxence Fermine oublie la beauté des mots, abandonne ses formulations malicieuses où danse la langue française. Exit son écriture jouissive et subtile. Il opte pour un récit factuel, les maux, rien que les maux. Les faits divers. L’effet brut. Comme si Lelandais ne méritait pas la poésie. Les chapitres sont courts, concis : « Cette histoire, témoigne Maxence Fermine, me hante, ça fait longtemps que je veux l’écrire. Quand elle a explosé, j’ai été touché par la proximité géographique, j’ai eu l’impression d’être confronté à ces tragédies que l’on lit dans les thrillers américains. Je ne l’aurais certainement jamais écrit si ma fille ne m’avait pas fait découvrir L’Adversaire  d’Emmanuel Carrère. C’est le récit de l’affaire Jean-Claude Roman. »

Pas besoin de détails pour définir l’horreur

L’auteur ne s’en cache pas, il est passionné par les faits divers : «  Dans L’Adversaire, l’écrivain nous plonge immédiatement dans l’horreur, j’ai fait ce choix. » L’horreur de Fermine n’est pas celle du détail. Non, elle est celle d’un homme et des meurtres sordides qu’il a commis : « Extrapoler l’indicible et les non-dits ne m’intéressait pas. Du reste, cela m’a permis de sortir indemne de cette écriture. » L’horreur, c’est juste l’histoire. Ce paradoxe cruel entre le bonheur d’une nuit de mariage et la disparition d’une petite fille de huit ans et demi. Pendant des heures et des heures, Maxence Fermine a disséqué une somme folle de documents, estimant « que faire une enquête de journaliste et aller sur place, ça avait déjà été fait. Mon but, c’était de rendre lisible une histoire complexe. »

« J’étais un zombie, comme si c’était une entité qui s’emparait de moi »

Et il déroule l’histoire, cliniquement, semant subtilement son récit de quelques images puissantes.

Les mots de Lelandais : « Ce n’était pas moi qui conduisait le véhicule. J’étais un zombie. Comme si c’était une entité qui s’emparait de moi. Comme dans un jeu vidéo… J’ai eu l’impression que Maëlys me voulait du mal. J’ai paniqué, comme si j’étais un démon, un diable ! Ce n’est pas moi qui l’ai tuée, ce n’est pas une personne, c’est un monstre. »

Le geste du papa d’Arthur Noyer, une autre victime de Lelandais, à la sortie du procès d’assises : « À la sortie de l’audience, alors que la mère et la demi-sœur de l’accusé étaient présentes, Didier Noyer s’est dirigé vers Christine Lelandais et l’a prise dans ses bras. Il se justifiera ainsi : «C’était plus facile pour moi que pour elle de faire le pas. Aujourd’hui, ce sont deux familles qui sont dans la peine.»  »

La réaction de Joachim de Araujo, le père de la petite victime, ce 14 février 2018 : « C’est la Saint-Valentin et il vient de m’offrir un cadeau. Il vient de me dire qu’il a tué ma fille et il m’a offert un crâne. »

Une fois, une seule, Maxence Fermine reprend sa plume de poète, perd la distance qui est sienne tout au long du documentaire quand il évoque Colleen, la grande sœur de Maëlys, « une magnifique jeune fille » « qui aura toujours une part d’ombre au soleil de son existence. » Elle est l’espoir. À la fois de ce livre et de cette histoire.

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