Ribofunk – Paul Di Filippo

Le prodigieux tableau d’un futur proche dominé par les biotechnologies

ribofunkPaul Di Filippo est un multi-instrumentiste de la littérature SFFF : cet auteur américain écrit dans des genres aussi différents que le biopunk (je vais y revenir en détails) et le steampunk (et aussi bien des romans que des nouvelles), est un critique de SF reconnu, travaillant pour pléthore de magazines US, rédige des scénarios de comics, ainsi que des essais consacrés à la science-fiction ou son écriture, excusez du peu ! Il a par contre été très peu traduit chez nous.

Le livre que je vous présente aujourd’hui est un fix-up de nouvelles (en anglais) paru en 1996 et qui est considéré comme un des pionniers du Biopunk (voir plus loin). Di Filippo est parti du constat suivant : après avoir écrit du pur Cyberpunk, il a constaté que l’évolution technique rendait de plus en plus probable une prédominance des bio-(ou nano-)technologies sur la cybernétique, la robotique ou l’électronique, ce qui rendait donc le cyber- obsolète. De plus, le -punk lui paraît très limité, car il signifie antihéros, ton noir, cynique et nihiliste, etc. Il forge donc un nouveau concept : non pas cyber-punk, mais ribo-funk. Ribo pour ribosome (la pièce maîtresse de la machinerie cellulaire devant traduire l’information génétique contenue dans l’ADN en protéines de structure ou à fonctions métaboliques) et funk pour un côté moins noir, plus chaleureux. En d’autres termes, un des ruisseaux qui, en en se rejoignant, allaient former le Biopunk. Il faut donc que je vous parle un peu de ce dernier avant de vous parler des nouvelles. Une des ambitions de ce blog est après tout de vous donner une vision plus complète des innombrables sous-genres des littératures de l’imaginaire.

Le Biopunk *

Shock to the system, Billy Idol, 1993 (l’album s’appelle Cyberpunk, ça ne s’invente pas !)

Le biopunk est donc une variante orientée biotechnologies du Cyberpunk. Là où ce dernier se concentre sur des implants électroniques devant augmenter les possibilités humaines (œil bionique, membres artificiels, armes subdermales, puces de personnalité, etc) et sur les technologies de l’information (les réseaux et la réalité virtuelle, en particulier), le biopunk nous parle de manipulations génétiques, de transplants clonés, de drogues ou médicaments de synthèse, de virus artificiels, de variantes de l’humanité, de « robots » biologiques. Certains auteurs écrivent dans les deux genres, quand ils ne mélangent pas allègrement cyber- et bio-technologie, que ce soit en romans ou en BD / Comics / Mangas : je pense par exemple à Masamune Shirow, qui a écrit aussi bien du pur Cyberpunk (Ghost in the shell) que du Biopunk avec une grosse touche Cyber (Appleseed). Un excellent exemple de Biopunk hors-romans est aussi la série Dark Angel, qui mêle post-apocalyptique, dystopie et mise au point par une Corporation de soldats transgéniques de divers types, dont les X-5 dont fait partie l’héroïne (jouée par Jessica Alba).

Le biopunk se trouve à la croisée de deux genres, dont il ne relève pas complètement, ou dont il diverge sur un plan ou un autre : la Hard-SF et la SF orientée biologie. Avec la première, il partage assez souvent un vocabulaire scientifique pas toujours facile à digérer ou comprendre pour le profane : après tout, il emploie des termes relevant de la génétique, de la pharmacologie, de la biologie cellulaire ou moléculaire, de la virologie, de l’immunologie, etc. Personnellement, je n’ai aucun problème avec ça, ayant été formé dans chacun de ces domaines, mais malheureusement, ce ne sera pas le cas de tout le monde. Je préfère donc prévenir : c’est une des variantes les plus ardues de la Hard-SF par moments, si l’auteur ne sait pas se refréner et rester sur le fil du rasoir de l’équilibre réalisme-richesse / accessibilité pour le lecteur.

Le biopunk est aussi une variante de la SF orientée biologie, mais tout livre relevant de cette dernière ne relève évidemment pas du Biopunk. Après tout, l’île du Docteur Moreau ou Frankenstein relèvent de la bio-SF, mais certainement pas du Biopunk. Ce dernier se déroule dans le futur proche, avec une emphase mise sur les conséquences sociales, voire civilisationnelles ou évolutives des technologies émergentes, et est généralement (mais pas toujours) noir, cynique, nihiliste et dystopique (c’est un peu moins le cas dans Ribofunk). Bref, rien à voir, par exemple, avec les deux romans cités plus haut (rétrofuturistes).

Les nouvelles *

Slang, Def Leppard, 1996.

Je vais vous donner un court résumé de chaque nouvelle (chacune faisant une grosse vingtaine de pages), ainsi que mes impressions. Mais avant ça, je préfère vous prévenir tout de suite, c’est une lecture très exigeante : non seulement il faut un niveau d’anglais solide, car l’auteur emploie tout un tas d’expressions argotiques ou en anglais de tous les jours plutôt que « littéraire », mais en plus il y a beaucoup de termes scientifiques et de néologismes. Bref, ne vous lancez pas là-dedans à la légère…

Les nouvelles se déroulent toutes dans le même univers, certaines se révélant être la suite directe de certaines autres, réemployer certains personnages ou faire référence à des événements survenus dans une autre nouvelle. Avant la parution du recueil, elles avaient toutes été publiées auparavant dans divers magazines de SF américains.

One night in Television City

Dans cette nouvelle, on suit un adolescent, qui a eu la mauvaise idée de laisser entendre à un copain qu’il avait une relation avec la petite amie du chef de file d’une coterie locale, orientée dépassement des possibilités naturelles du corps humain. Le copain en question en parle un peu trop fort, et le chef de bande s’intéresse de très près à son pauvre ami. Il va exercer sur lui une vengeance très… particulière (mais quelque part très drôle, clairement plus funk que punk).

L’intrigue est déjà sympa (surtout avec cette utilisation du slang -argot des rues- typique des bons livres cyberpunk), mais le monde brossé à grands coups de pinceau dans cette courte nouvelle l’est presque encore plus. Ou comment changer la vie quotidienne de façon radicale à coups d’alicaments, de greffons ADN, de neurotransmetteurs ou neuromodulateurs de synthèse, ou encore via l’utilisation de la biologie synthétique pour créer de nouveaux types de vêtements ou de matériaux de construction. Un modèle du genre. Par contre, pour un français, c’est clairement la plus difficile à lire de toutes les nouvelles du recueil, bref ne vous découragez surtout pas si vous avez du mal, d’une part c’est normal, et d’autre part les autres textes sont plus faciles.

Little worker

Petite Travailleuse est en quelque sorte l’assistante personnelle d’un politicien très important. On s’aperçoit dès la première page qu’elle est d’une nature très particulière : elle est en fait issue de la biologie synthétique (la création de formes de vies artificielles n’existant pas dans la nature, conçues par ordinateur, et codées à partir de l’assemblage de gènes de diverses origines, naturels et / ou synthétiques). Conditionnée dès sa naissance, elle appliquera ses directives d’une façon particulièrement… radicale.

C’est un excellent texte, et ce sur deux plans : la description de ces formes de vie artificielles (« Splices », un terme qu’on pourrait traduire très grossièrement par « Transgéniques »), d’une part, et d’autre part la discordance entre le ton très enfantin employé par Petite Travailleuse et la nature (et les conséquences !) des événements qu’elle décrit. La fin n’est que partiellement prévisible, et plutôt réussie.

Cockfight

On suit cette fois Lew, un « nettoyeur ». Non, non, pas comme Victor (les initiés comprendront !), mais plutôt le membre d’une équipe qui répare les dommages écologiques du siècle précédent : catastrophes nucléaires, accidents dans les usines chimiques, pollutions délibérées, déséquilibres dans certains écosystèmes, acidification des lacs, boues toxiques pleines de métaux lourds, etc. Pour ça, son organisme est doté d’un système « immunitaire » parallèle basé sur la nanotechnologie et qui le répare aussi vite qu’il est endommagé par les radiations et autres contaminants.

Alors que son équipe entame la dépollution d’un ancien accélérateur de particules dans la banlieue de Dallas (un boulot facile, radiations faibles et juste de l’hydrogène en tant que matériau exotique, bref des vacances par rapport aux vraies saloperies, celles dont, de toute façon, des sociétés privées comme la sienne ne s’occupent pas, comme la nanotech devenue sauvage, par exemple), les gars décident de descendre en ville. Go, go, cap sur la boite de strip. Et c’est là que les ennuis vont commencer…

C’est encore une fois un très bon texte, qui explore l’aspect nanotech et écologique / environnemental de l’univers, en plus des modifications corporelles que tout-un-chacun peut s’offrir. A vrai dire, même s’il y a une histoire, elle est plus une excuse pour décrire les thématiques que je viens de citer et enrichir l’univers commun de ces nouvelles. On commence aussi à se rendre compte que l’auteur a un redoutable sens de l’humour : par exemple, lorsque la police investit un site de combats clandestins, elle pulvérise du… Fear-o-moan, jeu de mot très bien trouvé (fear = peur, moan = gémir) basé sur le terme phéromone. L’hommage au personnage de Scarecrow de DC Comics n’est également pas loin.

Big Eater

Dans ce texte, on suit une sorte de soigneur dont la tâche est de donner les compléments alimentaires qui leur permettent de survivre (dans le même esprit que Jurassic Park) à des Splices aquatiques, des dépollueurs devant protéger Chicago de tout bio-terrorisme environnemental. C’est l’occasion d’explorer le volet eco-terrorisme / hacking neurologique de l’univers (un grand classique du Biopunk / cyberpunk, respectivement), ainsi que la résurrection d’espèces disparues (on mange du steak de mammouth et on a des trilobites dans son aquarium !) et surtout les bio-modifications : la soeur du protagoniste a des antennes et des pattes de cafard parce qu’elle appartient au Mouvement du même nom, qui prône la supériorité de ces insectes sur l’éphémère humanité.

C’est un texte prodigieux : du hack de cerveaux qui conduit les individus à s’exprimer en faisant des rimes dans le plus pur style Gangsta Rap (avec le style à l’avenant pour les dialogues !) à l’humour ravageur de l’auteur, qui cette fois tire en rafales (la maman des protagonistes, qui n’a que peu de modifications, pourrait, selon sa fille, concourir pour le titre de « Baseline Betty » ; une opération militaire occidentale au Proche-Orient qui s’appelle « Rock the casbah »), en passant par tous les thèmes brassés, on passe vraiment un formidable moment. Même si, là encore, l’intrigue est plus un prétexte pour dévoiler de nouveaux pans de l’univers qu’autre chose (sans compter la conclusion vraiment très rapide).

The boot

On suit cette fois l’enquête d’un Privé, chargé de retrouver le mari d’une riche propriétaire de Corporation allemande. Ce dernier s’est enfui avec les doses (et la formule, codée dans son système sanguin) d’un nootropique (médicament augmentant ou modulant les capacités cognitives) très particulier, une drogue permettant de démêler le chaos, autorisant au cerveau humain le calcul stochastique.

Cette nouvelle mêle à parts égales une intrigue complète (début / milieu / fin, bien que cette dernière soit encore une fois un peu abrupte) et de nouveaux jalons dans la description de l’univers créé par l’auteur (co-processeurs de pensée à la Accelerando, nano-catastrophe à base de Gelée Grise -nanotech auto-réplicatrice sans contraintes- au MIT, etc, et bien sûr Corporations, là encore un passage obligé pour tout roman Cyber / Bio / Nano punk). Elle nous permet aussi de situer l’époque exacte dans laquelle le recueil est censé se dérouler : 2069. Globalement, c’est un texte agréable, mais à mon avis en-dessous des précédents. La fin peut paraître un peu abrupte, mais en fait l’histoire se poursuit d’une certaine façon dans la nouvelle suivante.

Blankie

Nous retrouvons le protagoniste de The boot qui, après avoir subi un traumatisme psychologique et être tombé dans une forme d’addiction, s’en est sorti après un petit passage par la case rehab (comme disent les stars anglo-saxonnes). Désormais, il bosse pour le gouvernement, dans l’unité qu’on surnomme la Protein Police. En clair, sur tous les crimes impliquant des êtres issus de l’ingénierie génétique (intelligents -les Splices / transgéniques / Réplicants / Bioroïdes, appelez-les comme vous voulez selon vos références- ou non).

L’histoire implique un oiseau génétiquement modifié qui injecte un « poison » (le mot est bien faible) dans un « Blankie », une sorte de couche vivante pour nourrisson, qui du coup zigouille le petit (ce qui fait un peu désordre sur les bords). Mais à qui profite le crime ? Telle est la question…

L’histoire mêle encore une fois modifications de l’humain de base (dont Rowena la Frazettatoïde !), créatures issues de l’ingénierie génétique et corporations, avec une pincée de sexe et de perversion. C’est une très bonne nouvelle, une fois de plus. On a encore une fois un aperçu de l’humour ravageur (sans être loufoque) de l’auteur : par exemple, la compagne d’un suspect de l’enquête est qualifiée de « partenaire résident érotofiscal », et on trouve dans ce texte l’hilarant passage suivant :

« Kitchener rit à la manière d’un homme pris la main dans son pantalon lors du piquenique d’une église Amish »

The bad splice

Ce n’est pas une nouvelle, c’est un festival : Intelligence artificielle (avec le sens de l’humour !), réalité virtuelle (et sexe en RV), mouvements de libération des Transgéniques, et surtout modifications corporelles, voici le cyber / bio-punk à son zénith.

Nous retrouvons le protagoniste des deux textes précédents, qui se retrouve avec un nouveau partenaire, une IA dans un châssis robotique. Ses patrons lui imposent aussi un petit ravalement de façade, afin d’être mieux à même de contrer les menaces transgéniques : peau blindée, système immunitaire, artères, os, poumons et cœur renforcés, sens plus efficaces, hyperflexibilité, ainsi que des glandes exocrines capables de projeter des cytokines (des modulateurs des fonctions cellulaires) antipersonnelles.

Ses nouvelles possibilités lui sont bien utiles lorsqu’on le lance sur la piste de Krazy Kat, le terroriste voulant libérer ses frères transgéniques du joug humain que nous avions déjà croisé dans la nouvelle Big Eater. Au passage, nous en apprenons plus sur les origines de ce dernier.

C’est un excellent texte, avec un bon équilibre poursuite de l’édification de l’univers / histoire auto-contenue dans la nouvelle. La chute est excellente, bien qu’un poil prévisible.

McGregor

Dans ce texte, on suit un Transgénique qui a réussi à s’enfuir et à rejoindre le mouvement de Krazy Kat. Deux ans plus tard, il revient dans le parc d’attractions où il était utilisé, et où ses camarades Cultivars sont toujours sous le joug d’un humain sadique. Il veut les libérer, leur faire rejoindre la Cause.

C’est un texte à l’ambiance étrange, à mi-chemin entre le conte, le cartoon et une grande profondeur de thématiques (discrimination, esclavage, etc), le tout avec pas mal d’onirisme (et d’atavisme génétique).

Brain wars

Changement complet d’atmosphère avec ce nouveau texte, qui, d’après ce que j’ai pu en déduire, se déroule quelques années avant les autres. La narration prend la forme d’une série de messages (partiellement censurés) envoyés par un militaire à sa « mère » (il semblerait qu’il soit issu de plusieurs donneurs / donneuses génétiques, un peu comme chez James S.A. Corey). Infecté par un agent nanotech révolutionnaire lors d’une attaque, il va décrire à sa correspondante les terribles (et multiples) effets que ses camarades et lui subissent. L’effet de l’agent, dans son caractère « à étages multiples » et ses effets principalement neurologiques, rappelle le syndrome d’Haden dans Les Enfermés de John Scalzi.

Un bon texte, sans plus, sur un plan littéraire, mais qui a l’avantage de nous donner un aperçu des nouvelles techniques militaires dans ce futur proche (armes à catalyseurs de lyse qui dissolvent littéralement vos cellules, agents nanotech de combat employés comme des armes chimiques / bactériologiques de très haut niveau, utilisation de Transgéniques et de robots pilotés par IA en plus de soldats humains, etc).

Streetlife

Le pauvre Coney est un Transgénique au service d’un poète, génie incompris auto-proclamé qui, pour payer les factures des services de réalité virtuelle, est obligé de s’abaisser à faire des performances de… hum… art érotique. Un de ses fans lui a confié une dose d’un nootropique expérimental supposé donner de fabuleux orgasmes. Il charge donc Coney d’aller porter la drogue à sa cliente, vu que lui-même déteste le monde réel. Seul problème, il refuse de lui donner de l’argent pour les transports en commun, et la seule alternative qu’il lui laisse (parce qu’en plus il est pressé…) consiste à passer par un secteur interdit et abandonné de la ville, contrôlé par des Transgéniques renégats…

Ce texte constitue une histoire sympathique (avec une chute assez jouissive) mais ne fait pas spécialement avancer le tableau général de la description de l’univers commun à toutes les nouvelles. Son principal intérêt est d’être un gros hommage aux comics Marvel et à un écrivain natif du même Comté que l’auteur (je vous donne un indice : c’est dans l’Etat de Rhode Island ; je ramasse les copies en commentaires).

Afterschool special

Dans cette nouvelle, on suit Arnie et jinx, deux enfants, qui suite à un défi lancé par une camarade fortunée (et au prêt de sa carte de crédit), vont se retrouver affublés de modifications corporelles assez… voyantes.

C’est un texte assez moyen, prétexte à découvrir le système éducatif (en réalité virtuelle) de cette époque, les changements dans le mode de vie des enfants, et surtout de nouvelles formes de conception / gestation ou de para-humanité (adaptée à la micro-gravité). Les parents et la nature d’Arnie sont très… singuliers.

Up the lazy river

Dos Santos est un Maître de rivière : il est en charge de l’administration des grands fleuves transformés via la nanotechnologie pour mieux servir les intérêts humains. Alors qu’il est à Lagos, il reçoit une alerte : le débit de l’une d’elles a énormément baissé. Lorsqu’il s’y rend avec son appareil volant personnel, celui-ci subit les conséquences d’un sabotage et réussit un atterrissage semi-contrôlé près de la rivière. Dos Santos va alors enquêter pour connaître la cause et les effets de ces divers événements.

C’est un bon texte, au carrefour entre la nouvelle Paille au vent de Greg Egan (pour la modification bio / nanotech de l’environnement) et l’univers des Xeelees de Stephen Baxter (pour les formes de vie autocatalytiques). Il se déroule dans le futur par rapport aux autres textes, puisqu’on nous parle d’IA de niveau Turing 8 (dans une autre nouvelle, il est clairement mentionné que les plus avancées atteignent seulement le niveau 6).

Distributed mind

Greenlaw, qui, dans sa jeunesse, était si pauvre qu’il était obligé, chaque jour, de mettre à disposition dans un pool en ligne durant une certaine tranche horaire une partie des cycles de computation de son cerveau (une version biotech de tout programme @home), est désormais un cadre de haut niveau dans une société spécialisée dans la lutte contre les essaims de nanotechnologie renégate. Alors qu’il est en déplacement, sa région est frappée par un tel nanoclysme, et tout, sa femme y compris, est transformé en silicrobes. Femme qui n’a, hélas, jamais accepté de faire réaliser une copie de ses schémas mentaux.

C’est un excellent texte, à la fin assez imprévisible, et en tout cas vertigineuse.

En conclusion

Ce fix-up de nouvelles offre un panorama absolument prodigieux de ce que pourrait être un futur (à l’échelle de quelques décennies) dominé par les bio- et nano-technologies. Il faut toutefois remarquer que si les conséquences sociales et évolutives sont bien évidemment abordées, elles le sont avec moins de profondeur et de vertige, la plupart du temps, que dans les nouvelles orientées biologie de Greg Egan par exemple. De même, si chaque nouvelle offre une intrigue, celle-ci n’est assez souvent qu’un prétexte pour dévoiler un pan inédit de l’univers.

Il faut signaler qu’entre le slang (argot des rues), l’anglais de tous les jours utilisé, les termes scientifiques (ou les allusions à de grands savants) et les néologismes, ce recueil se révèle ardu à lire. Niveau solide d’anglais et / ou de connaissances en biologie indispensables. Ça reste du biotech avec un niveau de vocabulaire très nettement Hard-SF.

Malgré tout, Ribofunk reste un ouvrage fondamental en matière de Biopunk (variante biotech du Cyberpunk), un indispensable dans sa niche décrivant un aspect particulier du futur proche, au même titre que l’Age de Diamant de Neal Stephenson pour la nanotech, que Rainbow’s End de Vernor Vinge pour la Réalité Augmentée ou que Accelerando de Charles Stross pour la Singularité informatique.

Si vous êtes un adepte de GURPS, vous comprendrez tout de suite d’où certains éléments de Biotech ou Transhuman Space sont venus à la lecture de ce recueil, d’ailleurs cité dans leur bibliographie.

J’ai personnellement décidé, en 2016-2017, d’explorer encore plus avant le genre, aussi attendez-vous à pas mal de lectures Biopunk et / ou SF biologique dans les 18 mois à venir.

13 réflexions sur “Ribofunk – Paul Di Filippo

  1. Ton orientation de lecture Biopunk et SF bio me convient parfaitement! C’est d’ailleurs une voie que j’imagine très bien pour notre futur et très propice à de nombreux vertiges… J’ai beaucoup aimé la trilogie de Peter Watts sur ce thème là. ( Et un peu – à la marge ou à l’arrachée – Vision aveugle).
    Pour ce qui concerne ce recueil, il faut dire que tu y va avec beaucoup de conviction, c’est difficile à écarter de la liste des envies. Ta mise en garde sur le niveau anglais – même si j’ai pas à me plaindre- dès que cela devient un peu hard-SF, la lecture devient un peu laborieuse… Je vais donc espèrer que cela sorte en VF…. Des nouvelles de ce côté là ?

    Merci beaucoup pour cette belle critique qui confirme le potentiel du « bio SF »!

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    • Merci 🙂

      Pour la VF, je pense qu’il ne faut pas y compter, Ribofunk date de 1996, donc s’il avait du être traduit ce serait fait depuis longtemps, à mon avis. En plus, l’auteur a été très peu traduit en général (quelque chose comme un dixième de son oeuvre), ce qui pourrait indiquer que ce qui l’a été n’a pas forcément été très rentable. Dernier point, est-ce qu’il y a un public significatif pour du Biopunk tendance Hard-SF en cette ère de dystopique Young Adult et de Bit-/ chick-lit ? Vaste question.

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