À l’ombre du sapin : quels livres offrir en 2022 ?

C’est une tradition propre à la blogosphère de proposer chaque année une liste de livres à mettre sous le sapin. Je m’y plie pour ma part depuis 2019 avec assiduité et c’est aussi l’occasion de revenir sur mes meilleures lectures de l’année même si celle-ci n’est pas totalement terminée. Je précise que dans cette livre, vous ne trouverez pas uniquement des livres publiés durant l’année 2022. Certains sont antérieurs mais je les ai lus durant cette période. Je voulais, comme l’année dernière, me restreindre à un seul titre par format mais je ne parvenais pas à me décider entre plusieurs livres et comme finalement ils n’étaient pas si nombreux que cela à avoir su m’intéresser, j’ai mis tout ce qui m’avait enthousiasmé cette année.

Mon beau sapin de l’imaginaire francophone :

Cinq titres à vous recommander et il y en a pour tous les goûts ! Envie de SF militaire surprenante au world-building de folie ? Opexx est un bon choix, comme souvent dans la collection UHL. Envie d’un roman post-apo dépaysant par sa construction narrative et sa réinterprétation (au sens propre) de nos mythes (fondateurs) ? L’évangile selon Myriam est un indispensable. Des envies de voyage en terre nippone et surtout, dans le monde spirituel aux côtés d’une galerie de personnages attachants ? L’Héritage de l’esprit-roi plaira à tous les publics. Parés pour une folle aventure dans la mer chimique à bord du Player Killer aux côtés de son excentrique capitaine Jonathan ? Envie d’un roman qui s’assume jusqu’au bout dans son propos et sa noirceur teintée d’humour ? Les flibustiers de la mer chimique saura vous séduire. Et enfin, envie d’un texte à la fois romancé et historique, qui mélange la prose au théâtre en racontant la folle histoire (vraie !) de Julie Maupin hantée par nul autre que Méphistophélès ? D’un texte résolument féministe écrit par l’un des plus grands auteurs français du moment ? Cédez à la tentation en offrant Une pour toutes.

Mon beau sapin des traductions :

Quatre titres ont particulièrement retenu mon attention cette année à commencer par l’extraordinaire Axiomatique de Greg Egan qui est une leçon de maîtrise du genre hard sf accessible et invite à la réflexion sur notre société au sens large, présent comme avenir. Brillant. Dans le genre court et chez le même éditeur, on retrouve aussi la trilogie de la Maison des Jeux dont le dernier tome est prévu pour janvier, coup de cœur sur le fond comme sur la forme avec une histoire plus profonde qu’on pourrait le croire, un style musical et maîtrisé. J’attends la fin avec une impatience mâtinée d’angoisse car terminer une série n’est jamais simple… Toujours dans le format court mais cette fois chez l’Atalante, ambiance positivité et cocooning avec Un psaume pour les recyclés sauvages qui propose une belle réflexion sur la culture, la tolérance et notre rapport à l’autre. Enfin, last but not least, un roman que j’attendais depuis longtemps et qui a ravi mon goût pour le genre de cape et d’épée : Le privilège de l’épée de la grande Ellen Kushner, résolument engagé sur un plan féministe avec des personnages marquants et une bonne dose d’intrigue rythmée. Délicieux !

Mon beau sapin graphique…

J’ai lu beaucoup de mangas cette année mais peu ont vraiment marqué mon esprit à l’exception bien entendu de Beastars qui a vu sa conclusion paraître cette année en français. 22 volumes. Ça peut paraître énorme mais aucun n’est à jeter, Paru Itagaki fait montre d’une surprenante maîtrise narrative pour son premier manga qui est une critique sociale d’une rare finesse. J’ai adoré. Je n’ai pas encore écrit sur la saga de manière globale mais je compte la relire en 2023 comme je l’avais fait pour Black Butler et proposer une analyse poussée des arcs narratifs. Autre manga dont la présence sous le sapin de l’ombre ne surprendra personne : Iruma à l’école des démons qui serait probablement le plus merveilleux cadeau à offrir à quelqu’un que vous aimez puisque c’est parfait pour tous les publics, c’est drôle, bien scénarisé, bien dessiné, intelligent et vraiment fort sur un plan émotionnel. Gloire à l’Apprenti Otaku pour me l’avoir fait connaître.

Côté BD, j’ai lu pas mal de bonnes choses mais je conseillerais en premier lieu mon absolu coup de cœur pour les Indes fourbes qui m’a été offert par mon libraire pour mon anniversaire. J’ai adoré me faire balader par le narrateur et me plonger dans les dessins sublimes de Guarnido (dont je recommande aussi Blacksad au passage). Le principe de base est très inspiré, c’est du superbe travail.

L’étoile en haut du sapin :

Vous pensiez vraiment que je pouvais rédiger une liste de recommandation sans parler de Terra Ignota ? La série est désormais complète avec ses cinq volumes qui changeront, je l’espère, votre vie de lecteur·ice comme ce fut le cas pour moi. C’est un cadeau parfait pour une personne avec l’envie de s’investir dans une saga exigeante mais d’une richesse inégalée sur bien des plans. Un monument de la littérature. Lisez Ada Palmer.

D’autres listes chez les blogpotes : Au pays des cave trollsYuyineL’épaule d’OrionMondes de poche – vous ?
Mes anciennes listes : 2021 – 2020 (romansgraphiques) – 2019.

Je vous souhaite à tous·tes de joyeuses fêtes, puissiez vous recevoir plein d’excellents livres ♥

Le Chant des Fenjicks – Luce Basseterre

Le Chant des Fenjicks est ce genre de roman que je commence en me disant que ça ne va pas le faire puis que je finis par lire en entier pour une raison obscure, et en y prenant un certain plaisir en plus quoi que le texte ne soit pas exempt de quelques défauts (à mon goût tout personnel). J’en profite pour remercier ma chère Trollesse du Pays des cave trolls pour ce cadeau ♥

De quoi ça parle ?
La narration de ce roman est ce qu’on appelle une narration chorale c’est-à-dire qu’on découvre l’intrigue via une multitude de points de vue qui sont ici développés sur des chapitres longs de deux ou trois pages à peine. Pendant un bon tiers du livre, on se consacre principalement à Smine Furr et Waü Nak Du. Le premier est le représentant mâle d’une espèce féline appartenant à l’Empire Chalecks. Sur leur planète, le taux de fertilité chute dangereusement si bien que les mâles capables de procréer sont très prisés et même exploités. Cette société semble donner la plus grosse part du pouvoir à ses femelles et celles qu’on rencontre ne sont pas vraiment commodes… Smine n’est pas satisfait de sa vie ni du fait que tout le monde tente de se servir de lui pour ses talents en codage. Quand une occasion se présente pour se tirer de là, il n’hésite pas…

Waü Nak Du est un·e chaleck, une espèce de type saurien. Iel travaille avec les fenjicks ou plutôt, iel les étudie pour essayer de trouver un moyen de les faire se reproduire en captivité car il est de plus en plus difficile de les capturer pour les transformer en cybersquales. Malheureusement pour iel, son projet connaît des contretemps et la menace de la procréation forcée pend au-dessus de sa tête, histoire de rembourser sa dette à l’Empire…

À ce stade, vous avez peut-être déjà décroché devant tous ces mots et concepts inconnus. Pas de panique, on va revenir dessus. Et en premier lieu sur ce qu’est un cybersquale car c’est le cœur même du livre. Un cybersquale est un vaisseau, il peut y en avoir de diverses tailles. Sa particularité ? C’est un vaisseau créé à partir d’un être vivant, un fenjick, qui est une sorte de baleine cosmique (ou en tout cas un cétacé). À l’état sauvage, elles se déplacent en groupe dans l’espace et ont la capacité de « sauter » sur de très longues distances, en plus d’avoir une coque à toute épreuve. Vous commencez à comprendre leur intérêt ? Les chalecks se sont dit que ce serait une super idée de vider l’intérieur (oui, c’est immonde) de ces pauvres bêtes pour profiter de leurs capacités et de les contrôler à l’aide d’une I.A après avoir tout bien réaménagé à leur goût.
Sauf que…
Et si ces cybersquales parvenaient toujours à entendre le chant des fenjicks ? Et s’il restait quelque chose des fenjicks au fond d’eux ? Et si l’un de ces cybersquales reprenait le contrôle de lui-même et demandait l’assistance de planétaires pour libérer le plus possible des siens ?

Voilà, en gros, le concept sur lequel repose ce roman.

Un texte en inclusif avec un lexique abondant. 
Avant d’aller plus loin, je dois avouer que j’ai failli ne pas terminer ce livre parce que pendant la première vingtaine de pages, j’avais du mal à câbler correctement mon cerveau sur l’inclusif et les pronoms / déterminants neutres. Si vous avez un problème avec iel, li ou la terminaison neutre ae alors passez votre chemin. Moi-même, qui me considère comme une alliée, j’ai du fournir un effort conscient pour me mettre dedans tout simplement parce que je n’ai pas l’habitude de lire un texte en inclusif. Qu’on se comprenne bien : je n’ai aucun problème avec cette façon d’écrire, au contraire. Je trouve importante qu’elle existe car quoi qu’on en dise, notre société civilisée est construite sur le langage et refuser de l’adapter à une réalité, c’est la nier. Moi, je refuse de nier l’existence des personnes non-binaires -entre autres. Mais soyons honnêtes : ce n’est pas quelque chose de très répandu, encore moins en fiction, même si on commence à en croiser davantage et que certaines structures (comme YBY) se spécialise dedans. Ça demande d’accepter de sortir de son petit confort, de sa petite routine, et on n’en a pas tous envie ou on n’en est pas tous capable au moment où on ouvre un tel livre. Alors, si / quand vous vous lance(re)z dans le Chant des Fenjicks, soyez prévenu·es et ne vous laissez pas rebuter par ces éventuelles difficultés. Ce serait dommage !

De même, comme régulièrement en science-fiction ou même en fantasy, le lexique propre à l’univers est assez fourni. Le problème ici est qu’il n’est jamais expliqué dans le texte même s’il y a bien un petit lexique à la fin, qui n’est d’ailleurs ni signalé avant d’y arriver ni même complet. L’autrice part du principe que son lecteur connait déjà tout cela, peut-être parce qu’il s’agit d’une préquelle à un autre de ses romans ? Ou parce que ce sont des termes que tout lecteur de SF connaît ? Ce sont des hypothèses, j’ignore la réponse et je ne suis pas suffisamment érudite en SF pour affirmer ou démonter quoi que ce soit. Toujours est-il que même si je n’aime pas qu’on me prenne par la main, j’apprécie quand même qu’on me fournisse les bases d’un monde. On peut deviner la signification de certains termes au fil de la lecture, grâce aux situations, mais entre ça et les appellations particulières propres aux différents peuples, planètes, les noms particuliers, etc. le lecteur facilement découragé pourrait baisser les bras.

J’admets avoir presque fait partie de cette catégorie.

Un roman choral. 
Si, dans ma présentation, j’évoque deux personnages principaux avec lesquels s’ouvre le Chant des Fenjicks, très vite iels sont rejoints par d’autres, surtout de nombreux cybersquales et c’est un reproche que j’ai souvent vu dans les chroniques consacrées à ce livre : il y a trop de protagonistes, on a parfois du mal à suivre. Hélas, c’est un sentiment que je partage. Parfois, je devais retourner voir qui était qui et pourquoi iel réagissait de cette manière d’autant que seuls Waü et Smirne sortent réellement du lot et sont véritablement caractérisés dans cet enchaînement de narration à la première personne. Les différents cybersquales se ressemblent assez dans leurs réactions, ce qui peut se justifier en partie par leur I.A. et le fait qu’elle soit chaque fois un clone d’elle-même qui tire ses particularités individuelles des expériences vécues. Du coup, quel intérêt d’en avoir autant ? Pourquoi ne pas se concentrer sur un ou deux autres cybersquales et soigner davantage leur psychologie pour qu’on parvienne à les reconnaître tout de suite dans la narration ? C’est le risque d’opter pour la première personne dans un roman choral, d’ailleurs, même si ça renforce la proximité entre le lecteur et les protagonistes.

Toutefois, ce roman choral a aussi le bon goût d’être dynamique grâce notamment à ses chapitres courts (deux ou trois pages maximum) qui permettent des avancées rapides au sein de l’intrigue. Trop rapides par moment, surtout dans les scènes d’affrontement, mais c’est une affaire d’appréciation personnelle.

Des thématiques riches et fortes.
Et c’est bien pour cela que j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir ce roman, malgré ce qui peut sembler une avalanche de points négatifs.

La première et la plus évidente est bien sûr celle de l’exploitation des ressources animales pour le développement d’une civilisation. Impossible de ne pas faire un parallèle avec notre planète ni de ne pas être touché·e par le destin des fenjicks / des cybersquales. Par cette porte d’entrée, Luce Basseterre invite également à réfléchir sur la façon dont la société impose une norme dominante à des individus qui ne s’y identifient pas et les conséquences que cela peut avoir non seulement sur ces individus mais aussi sur la société dans son ensemble. Ce ne sont là que deux exemples (déjà bien représentatifs) de ce qu’on peut trouver au sein de ce texte très riche et moderne qui, en plus, ne se regarde pas le nombril puisqu’il contient beaucoup d’actions, de combats et de rebondissements. Peut-être un peu trop, et peut-être que la fin n’est pas exactement à la hauteur de ce qu’on pourrait attendre mais d’un autre côté, toutes les révolutions ne se terminent pas sur un renversement frontal du système en place.

Pas dans la vraie vie. Et, avec le recul, ça n’en a rendu ma lecture que plus percutante parce que ce choix m’a invité à réfléchir sur tout ce que je venais de lire, à y rester au lieu de juste passer à autre chose.

La conclusion de l’ombre :
Le Chant des Fenjicks est un roman de science-fiction qui se veut inclusif dans son écriture et d’une grande richesse autant dans son univers que dans ses thématiques. Si sa narration chorale à la première personne manque parfois de maîtrise, ce texte rappelle que les auteur·ices francophones ont aussi du talent et sont aussi capables d’écrire de la SF de qualité.

D’autres avis : Les chroniques du ChroniqueurAu pays des cave trollsOutrelivresLa bulle d’EleynaLe chien critiqueFeygirlLectures du panda – vous ?

S4F3 : 14e lecture
Informations éditoriales :
Le Chant des Fenjicks par l’autrice française Luce Basseterre. Éditeur : Mnémos. Illustration de couverture : Wadim Kashin. Graphisme : Atelier octobre rouge. Prix au format papier : 21 euros.

L’Évangile selon Myriam – Ketty Steward

Ketty Steward est une autrice française originaire de Martinique. Autrice (de nouvelles, de poèmes, de romans) et chanteuse, elle a plus d’une corde à son arc et la richesse de son parcours se ressent dans le roman dont il est question ici.

Lors de sa sortie, ce roman a peu tourné sur la blogosphère et je ne savais pas trop quoi en penser. En reprenant les services presses de manière plus active avec, notamment, Mnémos, je me suis dit que c’était l’occasion de me lancer pour me faire mon propre avis sur ce texte qualifié de singulier et je remercie au passage Nathalie pour l’envoi.

L’Évangile selon Myriam est un ouvrage assez surprenant déjà par sa construction. Il prend place dans un monde qui parait post-apocalyptique, au sein d’une communauté où la majorité des gens ont oublié comment lire ou même écrire -sauf Myriam et son père avant elle. Myriam s’occupe du devoir de mémoire, elle consigne par écrit les mythes fondateurs de l’humanité afin de pouvoir les transmettre aux gens de sa communauté.

Et la majorité du texte est justement consacré à ces mythes qui sont une réécriture de ceux que l’on connait. Il y a des histoires bibliques (Lucifer, Samson, Caïn et Abel, etc.) des mythes (comme Œdipe), des contes (Cendrillon, le Petit Poucet) qu’on découvre dans des chapitres courts qui s’alternent avec des passages encore plus bref rédigés ou par Myriam ou par un membre de sa communauté car on comprend rapidement que Myriam a connu un destin funeste.

De prime abord, ce roman peut sembler brouillon et mes explications confuses. Pourtant, il porte en lui une grande richesse et une réflexion brillante sur l’influence que peuvent avoir les histoires / l’Histoire sur notre société, sur nos croyances. C’est certes déconcertant de découvrir davantage ces réécritures que l’histoire de Myriam en elle-même mais son style transparaît pourtant de manière claire dans la façon dont ces récits sont présentés, avec une touche de modernité manifeste accompagnée par des réflexions piquantes et parfois irrévérencieuses.

L’ensemble est délicieux et une véritable réussite. Les références sont nombreuses et ne se limitent pas à la réinterprétation d’histoires : il y a des chansons (beaucoup de Michael Jackson) mais aussi des citations d’autres auteur·ices au début de chaque chapitre. C’est le genre de roman à relire pour en saisir toute la richesse, le genre de texte sur lequel s’arrêter plus longtemps que ne le nécessite sa simple lecture, afin de mener les réflexions auxquelles il invite. Je ne suis pas surprise de voir un roman de ce niveau chez Mnémos et je suis ravie d’avoir découvert la plume de Ketty Steward. Je vais me pencher sur le reste de sa bibliographie !

La conclusion de l’ombre :
L’Évangile selon Myriam est un roman à la croisée des genres ultra référencé sur un plan culturel et d’une redoutable intelligence. En un peu plus de 200 pages, Ketty Steward propose de réfléchir sur la façon dont les histoires du passé influencent la construction de notre société, en réécrivant nos propres mythes et légendes fondateur·ices. Un bijou que je recommande !

D’autres avis : Le nocher des livresLes Chroniques du ChroniqueurLe syndrome QuicksonYuyine – vous ?

S4F3 : 4e lecture.
Informations éditoriales :
L’Évangile selon Myriam par Ketty Steward. Éditeur : Mnémos. Illustration de couverture : non renseigné Langue originale : français. Prix : 18 euros au format papier.

Les Oiseaux du temps – Amal El-Mohtar & Max Gladstone

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Lors de la sortie de ce roman il y a presque un an jour pour jour, j’ai vu fleurir pléthore de chroniques dithyrambique à son sujet, évoquant le récit inventif d’une histoire d’amour lesbienne à travers le temps, une science-fiction novatrice… Et, bien entendu, à la mention d’une histoire d’amour, j’avais déjà tourné les talons bien loin. Lesbien ou pas, je n’accroche que rarement à ce type d’histoire.

Pourtant…

De quoi ça parle ?
Rouge et Bleu combattent chacune dans un camp différent lors d’une guerre d’une ampleur multidimensionnelle qui semble les contraindre à sans arrêt réécrire des morceaux de l’Histoire, afin de la changer d’une dimension à l’autre, d’une possibilité à l’autre. Rouge œuvre pour l’Agence et Bleu, pour le Jardin.

Un récit épistolaire.
Vous pourriez me penser avare de détails mais en réalité, ce conflit n’est qu’une toile de fond permettant une grande variété de décors aux échanges épistolaires des personnages. Le cœur du récit se situe dans ces lettres échangées par Rouge et Bleu qui se connaissent sans se connaître, sont ennemies mais intriguées l’une par l’autre. Ce contact interdit permet la naissance d’une correspondance au sein de laquelle on retrouve des considérations philosophiques et des confessions sur leur nature profonde qui laissent penser qu’aucune d’entre elles n’est vraiment humaine, alors que leurs mots débordent pourtant de cette humanité, de cette faiblesse qui grandit en même temps que leurs sentiments.

L’idée de passer par des lettres et d’en varier les supports est intéressante. Il ne s’agit pas d’utiliser de l’encre et du papier, au contraire ! L’échange s’adapte aux époques et les deux protagonistes rivalisent d’originalité pour trouver la meilleure manière de transmettre leur message sans pour autant être découvertes par leur hiérarchie.

Roméo et Juliette ?
La fameuse pièce de Shakespeare est évoquée à un moment donné du livre et la mention a eu un écho en moi à ce stade de ma lecture puisque cette histoire d’amour entre Bleu et Rouge rappelle évidemment celle des amants maudits de Vérone. Deux clans que tout oppose, deux amoureux qui ne devraient pas l’être, un drame qui se dessine et qui se joue… Jusque dans l’exécution ! Les références ajoutées par les auteur·ices à la fin montrent que je suis d’ailleurs probablement passée à côté de beaucoup de ces clins d’œil et que Les Oiseaux du temps regorge d’une richesse littéraire insoupçonnée qui ravira les passionné·es. Sans surprise, c’est celle du théâtre qui m’a sauté aux yeux…

De la science-fiction ?
Indéniablement, Les Oiseaux du temps se rattache au genre de la science-fiction bien qu’on le remarque surtout dans les détails. Rouge semble être améliorée par des technologies très avancées. Par moment, elle doit intervenir dans des conflits spatiaux. D’autres planètes sont évoquées. J’ai presque parfois eu l’impression que ces fameuses tresses étaient une métaphore à grande échelle et que l’histoire se déroulait dans un programme, que Rouge et Bleu corrigeaient des bugs pour essayer de réécrire l’Histoire comme on l’attendait d’elles, pour que tout fonctionne. Dans quel but ? Mystère. Le concept de victoire est plus d’une fois évoqué sauf qu’on ignore l’idéologie des uns et des autres, on ne peut donc se rapprocher d’aucun camp.

Je l’ai dit, le contexte n’est qu’un prétexte.
Et cela ne m’a pas dérangée en soi. Tout dépendra des goûts de chaque lecteur·ice.

Ce roman que j’aurais du aimer…
En collectant (et lisant avec intérêt) les liens des blogpotes pour cet article, je suis tombée sur cette phrase du Maki qui résume bien ma pensée : « Il y a des livres qu’on aimerait aimer, qui ont tout pour plaire mais qui nous laissent sur le bord du chemin. »
Vous connaissez ma façon de fonctionner. Si je prends le temps d’écrire un billet sur un livre, c’est parce que je lui trouve des qualités. J’ai le recul nécessaire pour constater que les Oiseaux du temps est un roman riche, original dans son exécution, qui met en scène une histoire d’amour importante par les messages transmis. Pourtant, je ne suis pas parvenue à ressentir un investissement émotionnel envers Bleu et Rouge ni à me préoccuper de ce qui pourrait leur arriver.

Je l’ai lu en restant extérieure au texte de la première à la dernière ligne.
Je suis restée sur le bord du chemin.

Et ce n’est pas grave, c’est le jeu. Je n’en suis pas moins contente de l’avoir lu, pour l’expérience. Ni moins contente qu’un livre comme celui-là existe.

La conclusion de l’ombre :
Les Oiseaux du temps est un joli texte dans son exécution et son intention. Son contexte de science-fiction est un prétexte à une romance épistolaire entre deux femmes qui se battent chacune pour un camp différent dans une guerre dont on ne saura rien ou presque. Le propos est ailleurs : il s’agit de se concentrer sur les émotions, sur les différences qui peuvent exister entre deux peuples et rappeler que celles-ci ne sont pas forcément des motifs de séparation. Un message fondamental à rappeler en cette époque passablement… compliquée ?

Je remercie Nathalie et les éditions Mnémos pour ce service presse numérique.

D’autres avis : L’ours inculteLianneLes lectures du MakiAu pays des cave trollsÉcla’tempsLes chroniques du chroniqueurElessarYuyine – vous ?

Informations éditoriales :
Les Oiseaux du temps par Amal El-Mohtar et Max Gladstone. Éditeur : Mnémos, label Mü. Traduction : Julien Bétan. Illustration de couverture : Kévin Deneufchatel. Prix : 19 euros.

#ProjetOmbre : chez quel(s) éditeur(s) lire du format court ?

Logo ProjetOmbre

Il y a quelques jours, je lançais le #ProjetOmbre (saison 2 du #ProjetMaki) qui consiste à lire un maximum de format court, de manière régulière, sur l’année 2021. Je me suis rendue compte, lors de ma première participation au challenge, qu’il n’est pas toujours aisé de savoir vers quel éditeur se tourner pour trouver des textes qui collent autant au challenge qu’à nos goûts et cette liste a pour but de vous aider. Elle est vouée à évoluer tout au long de l’année, non seulement par vos apports (n’hésitez pas à me dire ce que j’ai oublié dans les commentaires !) mais aussi au fil de mes propres découvertes.

Je précise également qu’Anne-Laure du blog Chut Maman Lit ! a proposé une liste semblable à celle-ci pour le #ProjetMaki donc n’hésitez pas à y jeter un œil.

Quelques précisions :
-La liste n’est pas organisée par ordre alphabétique ou de préférence mais plutôt par ordre de ce qui m’est venu quand je l’ai rédigée. Je sais, ma rigueur laisse à désirer. 
-La liste contient des maisons d’édition qui ont pour habitude de publier régulièrement ou des nouvelles ou des anthologies et / ou qui ont une collection dédiée. Je sais qu’il y a des recueils disponibles ponctuellement chez d’autres éditeurs mais ce serait vraiment compliqué de tout référencer ici sans que l’article ne devienne imbuvable… N’hésitez toutefois pas à les signaler en commentaire pour celles et ceux qui le souhaitent 🙂
-Je vous mets chaque fois le lien direct vers la boutique de l’éditeur pour vous permettre de trouver facilement chaussure à votre pied. Y’a plus qu’à cliquer.

Sans plus attendre, commençons !

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Le Bélial vous permet de lire du format court grâce à sa mythique collection Une Heure Lumière (dont j’ai déjà parlé à plusieurs reprises sur le blog) mais également grâce au Bifrost dont chaque numéro contient entre 2 et 6 nouvelles de SFFF. C’est, à mes yeux et dans mon cœur, vraiment l’éditeur incontournable d’un challenge dédié au format court. Bien évidemment, c’est tout personnel 🙂

téléchargement
Il arrive à AMI de proposer des nouvelles écrites dans l’univers des romans édités en papier. Ces nouvelles sont numériques mais rien ne vous empêche de les découvrir ! Je vous renvoie sur leur site pour trouver ces titres. De plus, au mois de Janvier 2021, va paraître Émissaire des morts qui contient 4 nouvelles en plus d’un roman court et qui permet de valider la première mission du challenge. Notez que la première de ces quatre nouvelles est disponible gratuitement en numérique. La boucle est bouclée !

ActuSF-logo
AMI n’est pas le seul éditeur à proposer des nouvelles dans l’univers de ses romans publiés. ActuSF le fait aussi et depuis plusieurs années, pour plusieurs de ses auteurs francophones. Il n’y en a pas moins de quatorze disponibles sur Emaginaire avec des textes notamment de Jean Laurent Del Socorro, Morgane Caussarieu, Alex Evans ou encore Karim Berrouka ! J’en ai déjà lu une partie et ça a été un régal à chaque fois. Sachez également que l’éditeur propose des recueils de nouvelles, y’a plus qu’a.

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Tous les ans, Livr’S Éditions propose une anthologie thématique. Il n’y en aura pas en 2021 (la pandémie a chamboulé le planning éditorial) mais il en existe déjà cinq avec chaque fois une petite dizaine de textes et presque exclusivement des auteurs et autrices francophones. Ces anthologies existent en papier et en numérique pour certaines et je n’en parle pas parce que j’ai écrit une nouvelle dans l’une d’elle. Au passage, ma préférée est Nouvelles Eres, celle de 2020, qui propose des textes assez chouettes dans le registre de la dystopie et de la science-fiction. De plus, la maison propose aussi des novellas au prix de 10 euros qui, hélas, ne sont pas regroupées dans une collection particulière mais vous pouvez les retrouver sur le site. Il s’agit de La Mélodie, de Kidnapping et de Club 27.

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Maison découverte en 2020 pour moi, elle est spécialisée dans le format court et propose de nombreux textes d’auteurs francophones aussi divers que variés tels que Lionel Davoust, Aurélie Mendonça, Jean Laurent Del Socorro, David Bry, etc. Rendez-vous sur leur site pour découvrir leur sélection !

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Presque tous les ans depuis leur existence, les éditions du Chat Noir propose également des anthologies thématiques. Je vous en a déjà évoqué certaines sur le blog dont l’excellente Montres Enchantées. D’autres ne sont plus disponibles mais je sais que notamment cette année, leur anthologie anniversaire est prévue au programme et elle aura pour thème le chiffre « 9 ». À surveiller donc !

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La maison d’édition Rivière Blanche est connue pour proposer plusieurs anthologies à leur catalogue. Je n’ai pas encore eu l’occasion d’en lire mais voilà une piste sérieuse si vous aimez les antho’ !

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À l’instar de sa voisine du dessus, les éditions Luciférines sont connues dans le milieu de l’imaginaire pour proposer des anthologies thématiques dont celle sur les Démons Japonais qui me fait de l’œil depuis longtemps ou encore la Belle Époque. En plus, les prix sont vraiment abordables en papier comme en numérique.

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Elenya éditions est une maison qui publie des anthologies, souvent liées au Salon Fantastique d’ailleurs mais pas uniquement si je ne me trompe pas. Les thèmes sont multiples, allant de la fantasy au super-héros, en passant par l’horreur fantastique. Franchement, il y a largement de quoi se faire plaisir dans ces anthologies et avec de très beaux noms qui plus est.

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Mnémos est une maison qu’on ne présente plus et qui s’occupe, chaque année, d’éditer l’anthologie thématique du salon des Imaginales. La première remonte à 2009, il y a donc de quoi faire même si, attention, certaines sont en rupture de stock ou uniquement disponibles sur les salons.

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Maison d’édition que je découvre grâce à une recommandation sur Twitter, le passager clandestin propose une collection intitulée Dyschroniques qui se dédie à la nouvelle et, plus spécifiquement, des nouvelles de science-fiction et d’anticipation.

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Autre maison d’édition que je découvre via une recommandation sur Twitter : ArchéoSF, un label de Publie.net qui met à disposition des textes au format court issu de la science-fiction ancienne donc 19e, 20e siècle. On trouve sur leur site des textes courts mais également des feuilletons ! Certains sont en accès libre via l’onglet textes en ligne et je sens que je vais passer du temps sur ce site pour trouver des textes sympas à faire lire à mes étudiants. Bref, merci Zoé pour le tuyau !

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Encore une chouette recommandation via Twitter : les éditions YBY qui propose de la littérature inclusive et met en avant la diversité dans la fiction. Il n’y a pas que du format court chez eux mais ils ont plusieurs collectifs à leur catalogue avec des textes très prometteurs. 

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Nutty Sheep est une maison d’édition déjantée à la folie assumée qui est connue pour ses anthologies thématiques et son fameux logo mouton. Vous aurez largement le choix dans leur catalogue, en format papier comme numérique, pour trouver des textes qui vous intéressent : parodie, science-fiction, fantastique, fantasy, il y en a pour tous les goûts !

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Je n’avais jamais entendu parler auparavant de Nitchevo (une fois de plus, merci à Zoé !) pourtant ils rééditent actuellement toute l’oeuvre de Léa Silhol au sein de laquelle on retrouve énormément de nouvelles et d’anthologies. Ça peut être une très bonne piste si vous souhaitez, en prime, découvrir cette autrice !

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Enfin, dernier et non des moindres… Je sais que j’ai dit au début de l’article que je me concentrais sur les éditeurs qui ont des collections dédiées au format court mais je ne peux pas achever cette liste sans évoquer l’Atalante qui, outre l’excellentissime « Apprendre si par bonheur » de Becky Chambers, traduit également d’autres novellas comme celles de Martha Wells qui font forte impression sur la blogosphère. De plus, les deux derniers « tomes » du Vieil Homme et la Guerre de Scalzi sont aussi construits comme des recueils de nouvelles. 

Vous connaissez d’autres maisons d’édition qui pourraient entrer dans cette liste ? N’hésitez pas à les renseigner en commentaire !

(dernière mise à jour : 07/01/2021
À rajouter : Noir d’absinthe, les saisons de l’étrange, le Grimoire, Malpertuis, les Vagabonds du Rêve, Realm et Short éditions)

BML #26 – août 2020

Bonjour à tous !
Qui dit 1er du mois dit jour de bilan et il y en a des choses à dire sur ce mois d’août, littérairement parlant en tout cas.

Côté romans :

L’Imparfé #1 – Johan Heliot (Gulf Stream – SP)
Sept Redditions – Ada Palmer (Le Bélial – ♥)
Les derniers des branleurs – Vincent Mondiot (Actes Sud Jr – ♥)
Nixi Turner #5 – Fabien Clavel (Chat Noir)
La dernière colonie – John Scalzi (L’Atalante – SP)
L’hypothèse du lézard – Alan Moore & Cindy Canévet (ActuSF)
Zoé – John Scalzi (L’Atalante – SP)
Vaisseau d’Arcane #1 – Adrien Tomas (Mnémos – SP)
Quitter les Monts d’Automne – Émilie Querbalec (Albin Michel Imaginaire – SP)
Bénies soient vos entrailles – Marianne Stern (Chat Noir – SP)
Apprendre, si par bonheur – Becky Chambers (L’Atalante – SP – chronique à venir)

C’est donc 11 romans que j’ai découvert au mois d’août et pour la plupart, ce furent plutôt de bonnes lectures avec des valeurs sûres : Scalzi, Palmer, Mondiot, Tomas, difficile d’être déçue par ces auteurices. Il y a quand même eu quelques titres moins enthousiasmants mais dans l’ensemble, je suis assez contente de ce que j’ai pu lire avec deux coups de coeur dont un inattendu. Ça fait du bien, vu les derniers bilans mensuels !

Côté mangas :

Gewalt (trilogie)
Sun Ken Rock #1
Sayonara Miniskirt #1
GTO Paradise Lost #12

Niveau manga, par contre, le bilan n’est pas terrible. Si je vous prépare un article très enthousiaste sur Sayonara Miniskirt, je garde un sentiment mitigé à propos de Gewalt (sympa mais sans plus). De plus, j’ai détesté ma prise de contact avec Sun Ken Rock. J’attendais totalement autre chose de ce manga encensé par tous. J’ai presque cru à une mauvaise blague collective ^^’ Enfin, ça arrive ! J’ai également continué ma lecture de GTO Paradise Lost et je dois avouer avoir ressenti une certaine lassitude couplée à un désintérêt pour l’histoire. Déjà, les tomes mettent énormément de temps à sortir donc j’ai oublié une bonne partie de l’intrigue. Ensuite, j’ai détesté (mais genre, vraiment détesté) le dernier chapitre qui présente le nouveau prof « Animal Joe ». Ce personnage me donne envie de vomir et je ne vois pas du tout l’intérêt de la scène course poursuite en voiture avec sa maîtresse en chaleur au téléphone (je vous passe les détails pour les plus jeunes et j’en profite pour m’excuser du terme crû « en chaleur » sauf qu’il n’y a vraiment aucune autre expression pour la décrire, on se croyait dans un hentaï presque). C’est beauf, vulgaire, bref ça m’a saoulée. Pourtant je sais que dans un GTO on a toujours une dose de vulgarité mais là, Onizuka craignait dans ses réactions et ce nouveau personnage aussi. Je pense m’arrêter là pour ce titre et j’en suis la première déçue.

Ce qui fait 6 mangas en tout.

Côté « autre »
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J’ai entamé la lecture du nouveau livre de Max Bird ! Il est vraiment très sympa, bourré d’humour et d’informations intéressantes. Je ne sais pas encore si je vais lui consacrer un article une fois à la fin (je lis par petits bouts) mais je le recommande vivement.

Petit bonheur du mois :
Les petits bonheurs du mois est un rendez-vous initié par le blog Aux Petits Bonheurs qui consiste à mettre en avant les moments positifs de la vie. Sauf que j’avoue, ce mois-ci… C’est plutôt compliqué hormis concernant le début des précommandes pour mon nouveau roman : Clément Coudpel contre les spectres de Samain (toujours en cours jusqu’au 10 septembre). C’est une nouvelle aventure littéraire qui commence pour moi et je regrette qu’elle se lance dans une période si compliquée pour le milieu culturel. Toutefois, j’ai été très agréablement surprise du soutien et du suivi de ma communauté de lecteurs que j’en profite pour remercier ici ♥

Et voilà, ce bilan arrive déjà à son terme ! J’espère que votre mois d’août a été agréable et je vous souhaite une belle rentrée 🙂

Vaisseau d’arcane #1 Les Hurleuses – Adrien Tomas

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Les Hurleuses
est le premier tome du diptyque Vaisseau d’arcane écrit par l’auteur français Adrien Tomas. Publié chez Mnémos pour la rentrée littéraire 2020, vous trouverez ce roman partout en librairie à partir du 28 août au prix de 21 euros.

De quoi ça parle ?
Sof est une infirmière sans histoire jusqu’au jour où son frère est frappé par un éclair d’arcane, devenant un Touché. Pour le soustraire aux autorités de la cité, la jeune femme décide de s’enfuir et va provoquer dans son sillage une série de catastrophes. En parallèle, Nym est un Opérateur (et non un vulgaire assassin comme il se plait à le préciser) qui se lance à leur poursuite pour de mystérieuses raisons. Quant à Gabba Do, ambassadeur des Abysses, il doit prendre la place de son prédécesseur à la Surface, prédécesseur qui vient juste d’être assassiné. Il va découvrir sur le terrain toutes les subtilités de la société humaine et tomber, bien évidemment, dans ses pièges.

Adrien Tomas, créateur d’univers.
Il n’est plus à démontrer qu’Adrien Tomas est un fantastique créateur d’univers. Peu importe le roman, son world-building est toujours remarquable et Vaisseau d’arcane ne fait pas exception. Ce texte se place dans le même univers que son roman jeunesse Engrenages et sortilèges mais peut se lire de manière complètement indépendante. La preuve : je n’ai pas lu Engrenages et sortilèges, ce qui ne m’a pas du tout empêché de comprendre l’univers, les enjeux ou les personnages.

L’action commence dans la ville de Mithrisias où Solal, éditorialiste génial et agitateur politique bien connu est soudain frappé par un éclair d’arcane, le transformant en un Touché. Un Touché est une personne remplie par une forme de magie qui détruit leur personnalité pour les transformer en réservoir de puissance inépuisable. Dans l’Édilat du Grimmark, ces personnes sont étudiées par des chaoticiens et utilisées ensuite pour alimenter des armes, des trains, bref toute la technologie développée autour de l’arcane.

L’arcane est l’énergie clé de ce monde en pleine révolution industrielle, que ce soit au Grimmark ou chez ses voisins. Chacun y consacre un usage qui lui est propre. Cette énergie n’est pas la seule originalité du roman puisque non content de dépeindre une société humaine, Adrien Tomas propose aussi des autres races intéressantes. D’une part, les Poissons-crânes qui sont des créatures aquatiques dotées d’une plus grande longévité par rapport aux humains. Plusieurs chapitres sont consacrés à Gabba Do, leur nouvel ambassadeur au Grimmark, ce qui est vraiment intéressant et offre un aperçu de leur technologie (comme ces scaphandres qui leur permettent de se déplacer à la surface) ainsi que de leur société. D’autre par, des orcs imprégnés par la nature au point de saigner vert et exploiter le bois comme d’autres le métal. Cette dernière société est davantage décrite puisque nos héros y font une halte prolongée.

Ces races apportent une dose de dépaysement bienvenu. Si on a l’habitude de croiser des orcs en fantasy, ceux-ci ne sont pas tout à fait ceux auxquels on s’attend et j’ai pris beaucoup de plaisir à découvrir tout ce qui concerne ces deux sociétés. Notez que je ne dépeins ici qu’une petite fraction de ce que l’auteur invente dans son roman, loin de moi l’envie de divulgâcher un contenu aussi intéressant.

Une fantasy steampunk ?
Je me dois tout de même de consacrer un paragraphe au sujet du classement de cette œuvre puisqu’on parle de steampunk sur la quatrième de couverture. Stricto sensu, ce n’est pas le cas. Sur base de mes quelques connaissances et sauf erreur de ma part, le steampunk en littérature implique une société du XIXe siècle dans notre univers ainsi qu’une technologie basée sur la vapeur et le charbon (d’où le nom, vapeur en anglais = steam). Dans Vaisseau d’arcane, la technologie est essentiellement basée sur l’arcane, justement. En tout cas je n’ai pas eu le sentiment de croiser autre chose et on parle même à un moment d’un équivalent à l’électricité (sans mentionner ce terme, c’est moi qui le comprend comme ça). Du coup, si on veut chipoter et je le précise pour les puristes : non, ce roman n’est pas un texte steampunk même si je comprends qu’on parle de ce genre littéraire pour créer un parallèle avec une forme d’esthétique plus visuelle. Par contre, oui, c’est de la fantasy en pleine révolution industrielle ce qui n’est pas sans rappeler le très bon Olangar de Clément Bouhélier.

Une narration chorale.
Autre habitude de l’auteur : la narration chorale. Adrien Tomas commence d’abord par introduire Sof, Solal et Nym avant de diversifier les points de vue pour amener Gabba Do, les membres du Conclave et l’un ou l’autre personnage secondaire qui permettra d’en apprendre plus à un moment clé de l’intrigue pour que les pièces du puzzle se mettent en place. Le risque avec ce choix c’est que, forcément, certains personnages sont plus intéressants à suivre que d’autres et l’intrigue s’éparpille avant de trouver une cohérence sur les derniers chapitres. Jusque là, le lecteur moyen (catégorie où je me place volontiers) froncera plus d’une fois les sourcils, surtout si le lecteur en question n’a pas l’habitude de lire un roman d’Adrien Tomas.

Évoquons en quelques mots ces personnages « principaux ». Sof choisit de se dresser contre les autorités de sa ville pour sauver son frère dont elle est persuadée qu’il a conservé sa conscience. C’est une jeune femme déterminée, débrouillarde, qui a parfois des réactions plutôt agaçantes toutefois elle est intéressante en tant que personnage féminin nuancé. Solal, son frère, a également droit à des chapitres que je vais qualifier de mystérieux faute d’un meilleur terme. Il faut attendre l’épilogue de ce premier tome pour entrevoir un début d’explication sur l’intérêt de ces chapitres en question. Quant à Nym, il poursuit une mission dont on ne sait pas grand chose pour le compte d’un commanditaire inconnu, se déclarant au service du peuple et non du gouvernement. Sa situation s’éclaircit également lors des derniers chapitres du roman et je dois avouer que ça a été, pour moi, une très agréable surprise. J’appréciais déjà ce personnage et mon sentiment s’est renforcé. Quant à Gabba Do, il essaie de se dépêtrer des exigences de sa fonction bien que son gouvernement ne l’ait placé là que comme un pantin manipulable après la mort de son prédécesseur. Évidemment, sa jeunesse et son inexpérience vont faire que, malgré son intelligence affutée, il va devenir le jouet de certains et ce avec des conséquences dramatiques. J’ai adoré ses chapitres et j’espère le retrouver dans la suite, ce protagoniste a un vrai potentiel !

Une intrigue pourtant classique.
On ne va pas se mentir, l’ensemble de l’intrigue reste assez classique. La construction de l’univers est suffisamment impressionnante pour qu’on l’oublie mais même s’il se passe plein de choses, j’ai par moment eu le sentiment que l’action n’avançait pas vraiment. De plus, Sof a trop tendance à l’introspection et comme je n’apprécie pas spécialement le personnage, ça m’a clairement gonflée à certains moments de ma lecture. Je ne dis pas que c’est inutile ni ne remets en cause les choix de l’auteur. Simplement, à mon goût, c’était un peu trop.

Toutefois, je l’ai déjà dit à plusieurs reprises sur le blog, classique n’est pas synonyme de mauvais ou d’ennuyeux. Le roman se lit tout seul avec fluidité et va crescendo jusqu’à un final surprenant que je n’avais pas anticipé. Il ouvre une série de possibles enthousiasmants et donne envie d’enchaîner sur le tome suivant. Hélas, il faudra attendre encore un peu pour cela puisque ce premier tome va paraître à la rentrée littéraire 2020.

La conclusion de l’ombre :
Avec le premier tome de ce diptyque fantasy en pleine révolution industrielle, Adrien Tomas pose les bases d’un univers riche, démontrant une fois de plus son talent de constructeur de mondes. À l’aide d’une narration chorale, l’auteur nous embarque entre différents personnages, différents peuples, voués à s’affronter dans une intrigue au déroulement classique, certes, mais qui ne manque pas d’intérêt. Pour moi, Les Hurleuses est une réussite et je suis impatiente de découvrir la suite de cette histoire.

D’autres avis : CélinedanaeFantasy à la carteBookenstock (Dup) – Le Bibliocosme (Boudicca) – Les chroniques du chroniqueurLe culte d’Apophis – vous ?

#TAG – mes 9 incontournables (récents) en SFFF

incontournablesSFFF
Tout a commencé un jour d’été…
Enfin, plus ou moins. Tout a commencé par une prise de conscience de Nevertwhere. Souvent, au début des périodes type « vacances » on voit fleurir bon nombre de listes, des conseils sur les romans incontournables… Mais si, tu la connais, cette liste où on te dit que tu dois lire Tolkien et Asimov et Martin et machin et ainsi de suite des fois que tu vives dans une grotte et que tu n’aies jamais entendu parler des classiques SFFF. Sauf que, spoiler alert, il existe d’excellents romans récents qu’on peut également classer parmi les incontournables de la SFFF. Par récent, on entend tout ce qui a été publié au 21e siècle donc après 2000. La date de publication en VO fait foi mais j’ai noté celle en VF parce que bah… Je lis en français donc voilà. J’ai vérifié quand même, les neuf titres respectent la règle !

Comme plusieurs blogpotes, je réponds donc présente à cet appel et je génère ma propre liste qui compte neuf romans. Croyez moi, ça n’a pas été simple de les choisir… J’ai fixé ma bibliothèque en me demandant pourquoi ce roman-là plutôt que celui d’à côté, raison pour laquelle je publie trois plombes après tout le monde. J’ai finalement opté pour des textes qui -selon moi- sont innovants, différents, qui apportent vraiment quelque chose au genre qu’ils représentent pour une raison ou une autre que je vais évidemment détailler au lieu de « juste » prendre les romans que j’ai aimé lire. Si vous cliquez sur le titre, vous retrouverez chaque fois le lien de ma chronique complète qui vous apportera un complément non négligeable d’informations.

Je songe d’ailleurs à adapter ce tag pour les mangas dans un futur plus ou moins proche mais on aura l’occasion d’en reparler. N’hésitez pas à me donner votre avis sur cette idée !

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Terra Ignota #1 Trop semblable à l’éclair – Ada Palmer (Le Bélial en 2016)
Immense surprise que de trouver ce roman dans cette liste, n’est-ce pas (non.) ? À ce jour il compte parmi les plus grosses claques littéraires que j’ai pu prendre dans ma vie et je vous détaille pour quelle raison dans ma chronique. Ce roman n’est pas accessible à tous, je pense qu’il est nécessaire de préparer en amont sa lecture pour en profiter correctement toutefois c’est très clairement un énorme chef-d’œuvre incontournable.

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Les poisons de Katharz – Audrey Alwett (ActuSF en 2016)
Un one-shot brillant bourré d’humour noir qui prend place dans un univers medieval fantasy. L’autrice prend le contrepied des codes du genre et s’éclate avec, ça se sent. Tout est parfait dans ce texte, ça a été un coup de coeur magistral que je recommande à ceux qui d’une part aiment ce genre mais aussi qui ont une petite affinité avec la parodie à la Pratchett / Lang.

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Je suis ton ombre – Morgane Caussarieu (Mnémos – 2014)
Grosse surprise aussi pour celui-là, pas vrai (non, encore.) ? Si vous trainez un peu sur le blog, vous savez à quel point je vénère Morgane Caussarieu en tant qu’autrice. Pour moi, elle est la reine du genre vampirique et elle atteint sa quintessence dans ce roman aussi cruel que décadent. Un must read.

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Redshirts – John Scalzi (L’atalante – 2013)
Il s’agit du premier Scalzi que j’ai lu et je garde une affection toute particulière pour lui parce que ça a été une grosse claque ainsi que la découverte d’un de mes auteurs devenu préféré. Dans Redshirts, on se retrouve dans un univers qui rappelle les séries à la Star Trek où les personnages sans grade ont tendance à mourir alors que leurs supérieurs survivent toujours. Étrange… On va donc suivre l’un de ces sans grade qui va essayer de comprendre pourquoi les siens meurent et comment y échapper. C’est aussi drôle qu’intelligent, un équilibre parfait comme seul Scalzi peut en trouver. Franchement, si vous ne devez en lire qu’un seul dans votre vie, choisissez celui-ci.

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Royaume de vent et de colères – Jean-Laurent Del Socorro (ActuSF – 2018)
J’ai lu ce texte récemment et je l’ai trouvé parfait. Certes il s’agit davantage d’un roman historique avec une pointe de magie toutefois il appartient au genre SFFF et mérite d’être lu. Avec Fabien Cerutti, je trouve que cet auteur fait autorité dans le genre historico-magique (bien que les deux soient très différents dans leur approche) et moi qui adore l’Histoire, forcément… Pour ne rien gâcher, Jean-Laurent Del Socorro maîtrise très bien la psychologie de ses personnages et ce à un remarquable degré. N’hésitez pas ! J’ai opté pour ce roman parce que c’est celui que j’ai préféré dans la bibliographie de l’auteur mais sachez que chacun de ses textes est tout à fait recommandable.

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La fille qui tressait les nuages – Céline Chevet (Chat Noir – 2018)
Proposer un roman surréaliste en 2018, fallait déjà l’oser. Le placer au Japon ? Encore plus. Pourtant, ce texte n’arrête pas de surprendre, de vivre, de décrocher des prix aussi. Je le comprends aisément. Tout qui possède une petite sensibilité avec la culture et l’ambiance nippone ne peut qu’adhérer à ce thriller fantastique maîtrisé de bout en bout et porteur d’une délicieuse touche de cruauté. Franchement ça a été une énorme claque pour moi et la découverte d’une autrice talentueuse à suivre assurément.

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L’homme qui mit fin à l’histoire – Ken Liu (Le Bélial – 2016)
Cette novella reste à ce jour et selon moi le meilleur UHL publié par le Bélial. En une centaine de pages et avec une narration originale sous forme de documentaire, Ken Liu interroge, révèle, dérange avec une maîtrise stupéfiante. J’ai rarement lu un texte qui m’a autant fait me questionner. En plus, on est dans la SF, oui, mais avec un fort bagage historique sur des évènements de la seconde guerre mondiale qu’on connaît assez peu.

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Le Bâtard de Kosigan – Fabien Cerutti (Mnémos – 2014)
Outre le fait qu’il s’agit du premier Mnémos que j’ai lu dans ma vie -ce qui lui donne une saveur particulière- je trouve cette saga incontournable dans le paysage de la fantasy moderne, même s’il s’agit de fantasy historique. Fabien Cerutti est passionné par l’Histoire avec un grand H et s’amuse à exploiter ses failles en proposant un folklore et un concept vraiment novateur. Et si les légendes avaient existé ? Et si quelqu’un avait effacé leur présence des archives humaines? Et si…
Outre un solide background, l’auteur créé aussi des personnages intéressants et une intrigue où on ne s’ennuie jamais.

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Les Seigneurs de Bohen – Estelle Faye (Critic – 2017)
Je ne vais pas dire que je gardais le meilleur pour la fin… Mais pas loin. Pour moi Estelle Faye est à la tête d’une nouvelle vague en fantasy francophone qui met l’accent sur la représentation et la diversité dans ses textes, sans sacrifier à son intrigue et sans tomber dans le manichéisme. L’univers de Bohen est passionnant et on y est vite accro grâce à ses personnages riches. Il existe une suite, les Révoltés de Bohen, que je trouve encore meilleure (c’est dire !) donc je recommande bien entendu la lecture de l’ensemble.

Comme je l’ai signalé au début de ce billet, la liste a été difficile à établir pour moi et c’est en lisant celle des blogpotes que d’autres idées me sont venues. Je vous invite donc à vraiment découvrir chacune des listes ci-dessous afin de vous en inspirer au maximum pour vos prochaines lectures 🙂

D’autres listes : LorkhanLes notes d’AnouchkaChut… Maman lit !l’ours incultele chien critiqueL’épaule d’OrionAu pays des cave trollsLa bibliothèque d’AelinelLes chroniques d’AcherontiaXapur – Lianne de livres en livres (fantasySF) – vous ?

Vous aussi, fournissez votre propre liste et partagez la avec le #incontournablesSFFF !

BML #24 – juin 2020

Bonjour à tous !
J’espère que vous allez bien et que votre mois de juin a été riche en lectures agréables. Nous nous retrouvons (déjà !) pour le bilan mensuel et vous allez le voir, il y a eu quelques abandons, quelques déceptions, mais pas que car même dans l’ombre, on garde le moral 😀

Côté romans :

Les brigades fantômes – John Scalzi (SP – l’Atalante)
Thunder #1 – David S. Khara (SP – ActuSF)
Les secrets du premier coffre – Fabien Cerutti (SP – Mnémos)
La guerre des trois rois – Jean-Laurent Del Socorro (ActuSF Graphic)
Yardam – Aurélie Wellenstein (Scrineo)
Les anges oubliés – Graham Masterton (Livr’S – lecture en cours)

J’ai terminé seulement six romans et j’en ai abandonné deux. D’abord Rocaille dont j’attendais beaucoup hélas le texte m’a rapidement lassée avec sa romance inutile et son protagoniste principal qui n’est pas vraiment celui qu’on croit -et que je n’ai pas apprécié. Ensuite j’ai tenté le Tour Décrou au Chat Noir (comme quoi vous voyez y’a aussi des Chat Noir auxquels je n’accroche pas :P) mais là c’est le style d’écriture et le choix narratif qui n’a pas su me convaincre, j’ai préféré le mettre de côté pour le reprendre à un moment plus propice. Le truc c’est que ces deux textes, surtout Rocaille, m’ont pris pas mal de temps parce que je repoussais sans arrêt le moment de les abandonner. Pour ne rien arranger, les autres romans lus (à l’exception des valeurs sûres : Fabien Cerutti et Jean-Laurent Del Socorro) ne m’ont pas plus emballée que ça. C’était sympa, divertissant, pas transcendant du coup j’ai eu un goût de trop peu sur mon mois. Même le Scalzi, je l’ai trouvé en-dessous des qualités habituelles de l’auteur donc je suis restée sur ma faim. Espérons que la tendance s’améliorera avec le mois de juillet !

Côté mangas :

Chobits #2 (Pika)
Otaku Otaku #4 -> #7 (Kana)
Noragami #12 -> #18 (Pika)
Beastars #6 (Ki-oon)
Assistant Assassin #1 (Omaké)
Anonyme ! #1 (Soleil)

Heureusement les mangas ont bien rattrapé les déceptions littéraires. J’ai continué avec plaisir la saga Noragami à laquelle je suis accro. Je vous en ai d’ailleurs parlé dans un article spécial d’À l’ombre du Japon, tout comme Otaku Otaku qui a eu droit à son focus. Enfin, j’ai testé une nouvelle formule thématique en chroniquant deux mangas qui usent du même archétype en donnant pourtant un résultat totalement différent. Il reste également Chobits que j’ai pris plaisir à découvrir (je dois écrire dessus d’ailleurs) ainsi que Beastars dont je continue la découverte, en papier cette fois ! Un article à ce sujet viendra bientôt une fois que j’aurais pu récupérer les tomes suivants.

Petit bonheur du mois :
Les petits bonheurs du mois est un rendez-vous initié par le blog Aux Petits Bonheurs qui consiste à mettre en avant les moments positifs de la vie. Ce mois-ci a été un peu compliqué, pas très heureux dans l’ensemble (rien de dramatique rassurez-vous 😉 ) mais en creusant j’ai réussi à trouver quelques éléments positifs. Déjà, j’ai pu retourner à l’éducation canine avec Loki ce qui nous fait beaucoup de bien à tous les deux. Ensuite, le challenge S4F3 a commencé et c’est probablement mon défi littéraire préféré de tous les temps ♥

Et voilà, ce bilan se termine déjà. J’espère que vous passerez de bonnes vacances d’été et un beau mois de juillet ! 😀

Les Secrets du Premier coffre – Fabien Cerutti

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Le secret du premier coffre
est un recueil de nouvelles issues de l’univers du Bâtard de Kosigan, une saga écrite par l’auteur français Fabien Cerutti. Publié chez Mnémos, vous trouverez ce beau-livre au prix de 23 euros partout en librairie.
Je remercie Estelle, Nathalie et les éditions Mnémos pour ce service presse !

De quoi ça parle?
Dans l’ombre du pouvoir, premier tome des aventures du Bâtard de Kosigan, Kergaël (le descendant du Bâtard) trouve une bibliothèque secrète pleine de textes anciens surprenants. Hélas, un incendie criminel réduit tout en cendres à l’exception de trois coffres qui contiennent des documents aussi divers que variés. Avec ce premier recueil, le lecteur en découvre six tous très différents les uns des autres qui sont entrecoupés par de courts commentaires rédigés par Élisabeth Hardy, des commentaires internes à la diégèse donc, qui ont pour objectif de présenter chaque texte.

Légende du premier monde
Ce texte est tiré de l’anthologie des Imaginales de 2018 dont le thème était Créatures. Un personnage de la saga principale raconte l’histoire de son grand-père Dwerkin, un orphelin au caractère peu agréable qui fâchera les mauvaises personnes. Exilé, son don avec la nature attirera l’attention de l’ancien Grand Maître des créatures impériales qui va le prendre à son service pour travailler sur son projet. Il souhaite créer une iëlfelanin, femme végétale dont la durée de vie ne dépasse pas quelques semaines. Dwerkin va devoir identifier le problème et le régler.

J’ai été déboussolée par cette nouvelle pour deux raisons. Déjà, le choix narratif. Dans ce texte, tout est relaté, expliqué, il y a peu de dialogues et c’est quelque chose qui me rebute sur un plan personnel. Paradoxalement, j’en ai pris plein les yeux puisque même si je n’ai pas adhéré à la narration, l’atmosphère dépeinte par l’auteur fonctionne à merveille. On ne sait plus où regarder, ça brille de partout, on a des créatures extraordinaires qui sont fabriquées par des savants afin de plaire aux puissants et d’intégrer une sorte d’écurie impériale, ça a un côté terrible et poétique à la fois vu la manière dont ça se termine. Selon moi, la matière de cette nouvelle aurait largement pu donner un roman de grande qualité donc je suis un peu restée sur ma faim.

Ineffabilis amor
Cette nouvelle assez longue qui tient du roman court raconte comment le pape Innocent III a lancé les inquisitions noires dont on parle dans le Bâtard et qui a mené à une diminution drastique de la population magique, voir à l’extinction de certaines races. Nous le rencontrons quand il n’est encore que Lotario, jeune moine de 19 ans à peine fasciné par une faune qu’il rencontre par hasard. Cette attirance va le pousser à se porter volontaire pour assainir les relations entre son monastère et cette race, puis vers un dessein de pacification bien plus grand.

À nouveau, Fabien Cerutti opte pour une narration externe. On a le sentiment qu’un conteur nous narre cette histoire avec quelques biais narratifs qui permettent au texte de gagner en richesse. Je le lisais avec une espèce de fascination en me demandant où tout ceci allait mener et en même temps je ressentais un agacement croissant sur la manière dont le personnage féminin, faune et créature donc, se retrouvait mise en scène. Je n’aurais pas du douter de l’auteur qui offre une conclusion intelligente et nuancée à cette histoire tragique. C’est à partir de la dernière page de cette nouvelle que j’ai commencé à vraiment m’enthousiasmer pour le contenu de ce recueil.

Le crépuscule et l’aube
Encore une nouvelle tirée et retouchée d’une anthologie des Imaginales mais cette fois-ci celle de 2016, Fées et automates. L’action se déroule en 1263 en Bourgogne. Au début de la nouvelle, le peuple fay est acculé pendant les croisades noires. Leur espoir de survie repose sur les épaules d’une des leurs (Nelisse) et d’un inventeur humain (Falco Matteoti). Leur collaboration permettra peut-être d’empêcher l’extinction des fays… Hélas, pour créer son automate, Falco a contracté des dettes si bien que la pègre se retrouve mêlée à tout cela ainsi qu’un dangereux utilisateur de la Source.

Cette nouvelle est écrite sur base de points de vue multiple, chaque protagoniste donne sa voix au texte pour permettre une pluralité bienvenue. On comprend aisément les enjeux et j’ai personnellement été enthousiasmée par l’aspect poétique, doux et mélancolique qui se dégage de ce texte. Je me suis sentie immédiatement concernée par l’histoire, emportée, bref un coup de maître pour cet auteur aux multiples talents !

Fille-de-joute
Cette fois on retrouve le Bâtard (enfin !) au début de sa vie de mercenaire. Le narrateur est Kerth, un membre de la compagnie qui utilise un langage, disons, très fleuri mais aussi extrêmement immersif. Dans ces conditions, l’aspect transmissif ne me gêne pas puisqu’on se retrouve du point de vue d’un observateur extérieur au Bâtard, certes, mais au cœur de l’action tout de même. Après avoir survécu un peu par hasard à une bataille sanglante, Kosigan et ses deux compagnons découvrent le cadavre d’un chevalier italien mort probablement d’une crise cardiaque. Ils volent son armure et son identité pour participer à des tournois mineurs afin de se refaire une fortune mais surtout de traverser les lignes ennemies sans être inquiétés. Bien entendu, tout ne va pas se passer comme prévu, encore moins quand leur route va croiser celle du poète Dante… Oui, ce Dante là.

Dans cette nouvelle, j’ai retrouvé tout ce que j’adore dans les romans de Fabien Cerutti : des bons mots, de l’action, du suspens, des rebondissements et une ambiance un peu gouaille. C’est la nouvelle que j’ai préféré lire et qui m’a le moins déboussolée dans son style puisqu’elle ressemble, au fond, à ce que j’ai pu découvrir dans les romans. L’aspect agréable du connu.

Le livre des merveilles du monde
Un texte extraordinaire par son ambition qui raconte comment Jehan de Mandeville a initié un voyage de plusieurs années sous demande de la princesse elfe Cathern an Aëlenwil. Cette dernière lui confie un message à porter à ses cousins d’Orient, message dont on apprend très tardivement le contenu et qui apporte une grosse claque dans son mélange des genres.

Avec cette nouvelle issue de l’anthologie Destinations des Imaginales (parue en 2017), Fabien Cerutti use de tout son talent pour nous en mettre plein les yeux. Ce récit de voyage assez descriptif est entrecoupé par des passages tirés des mémoires de Jehan ce qui permet d’avoir par moment une narration à la première personne très immersive. Avec ce texte, j’ai vraiment voyagé avec le sentiment d’y être, sans m’ennuyer une seconde. Sur une grosse soixantaine de pages, les rebondissements s’enchaînent sans sacrifier à l’ambiance. Un coup de maître !

Les jeux de la cour et du hasard
Peut-être le savez-vous mais je suis passionnée par le théâtre et j’en ai longtemps pratiqué (sans trop savoir pourquoi j’ai mis ce loisir sur pause d’ailleurs). Du coup, quand j’ai appris qu’une pièce se trouvait dans ce recueil, je ne tenais plus en place. Celle-ci est construite en trois actes et rappelle le vaudeville par son ambiance et son rythme. On y retrouve le Bâtard de Kosigan à la cour d’Angleterre. La Baronne Penwortham l’engage pour essayer de récupérer l’homme qui allait l’épouser et qui a été ensorcelé par nulle autre que la princesse Myrgraine ! Magie, intrigues politiques, coups retors, Kosigan dans toute sa splendeur. Certains s’étonneront peut-être de l’absence des prénoms des personnages devant chaque réplique. Les protagonistes sont signalés au début de chaque scène et très honnêtement, tout est compréhensible, je n’ai pas été perdue une seule seconde. J’espère que l’auteur s’adonnera à nouveau à cet exercice parce qu’il le maîtrise très bien et ça a été un vrai régal à découvrir.

La conclusion de l’ombre :
Sans grande surprise, les Secrets du Premier coffre est une nouvelle réussite à ajouter au palmarès de Fabien Cerutti. Les cinq nouvelles et la pièce de théâtre forment un bel ensemble qui permet non seulement au lecteur novice de toucher du doigt l’univers du Bâtard mais également aux fans de s’y replonger avec plaisir. L’auteur mélange les genres, les thèmes et les styles narratifs avec le talent qu’on lui connait pour offrir un recueil magistral à découvrir de toute urgence.

D’autres avis : CélinedanaeDionysosLe monde d’ElhyandraLa Bibliothèque d’AelinelBoudicca – vous ?

Maki