Tempête (Naufrage), 1823
Art,  Français

Turner – le peintre de la lumière – est l’artiste romantique anglais le plus apprécié

Le texte ci-dessous est l’extrait du livre La vie et les chefs-d’œuvre de J.M.W. Turner (ISBN: 9781783108244) écrit par Eric Shanes, publié par Parkstone International.

Lorsque l’on observe l’oeuvre ci-contre, notre regard embrasse un immense lac entouré de hautes montagnes étincelantes. Dans le lointain, une tempête semble s’éloigner, laissant dans son sillage une atmosphère vaporeuse, chargée d’humidité, ce splendide crépuscule. Non loin de là, un groupe de voyageurs, trempés par l’orage alors qu’ils se trouvaient au large, débarque d’un petit ferry, leurs affaires et tout le chargement se trouvant éparpillés sur la plage. Sur la droite, une jeune fille renifle dans un mouchoir, pleurant peut-être en raison du lait répandu à ses pieds mais plus vraisemblablement parce qu’elle a attrapé un rhume suite à son bain dans l’eau glacée. Plus loin, d’autres embarcations approchent, tandis que près de l’extrémité du promontoire, très loin sur la droite, on devine à peine les contours de la chapelle bâtie en 1388 et reconstruite en1638, dédiée à la mémoire du héros suisse, combattant pour la liberté, Guillaume Tell.

Vue méridionale des cloîtres, cathédrale de Salisbury, vers 1802, Turner
Vue méridionale des cloîtres, cathédrale de Salisbury, vers 1802. Aquarelle, 68 x 49,6 cm. Victoria & Albert Museum, Londres, Royaume-Uni. Ceci est une autre vue du recueil sur la cathédrale réalisée pour Sir Richard Colt Hoare.

Telle est donc la perception immédiate que l’on a de cette image et il faudra pardonner au spectateur convaincu qu’il s’agit là d’un tableau réalisé au pied levé, ce qui ne fut certainement pas le cas. Au contraire, cette oeuvre prit forme à partir d’un dessin au crayon très léger, esquissé au bord du lac, auquel vinrent s’amalgamer des souvenirs et des observations qui n’avaient pas été nécessairement recueillis sur place. Par delà toutes les hypothèses, il émane d’une imagination puissante, passionnée et prodigieuse. En effet, personne ne sait exactement quand Joseph Mallord William Turner créa ce Lac de Lucerne, vu du débarcadère de Fluelen, en regardant vers la chapelle de Bauen und Tell, Suisse mais il date probablement de 1810 environ, et par conséquent huit ans après que l’artiste, âgé de vingt-sept ans, eut visité la Suisse.

L’oeuvre fut élaborée à l’aquarelle, un moyen qui, avant son utilisation par Turner, avait habituellement été employé de façon beaucoup moins expressive pour communiquer des informations factuelles sur un lieu et ses habitants. En raison de la grande taille du dessin, de l’ampleur du panorama, de la minutie de ses détails et du vaste éventail des couleurs, un regard superficiel le prendrait aisément pour une peinture à l’huile. Un tel malentendu ne pourrait qu’être accentué par le cadre doré ouvragé qui vint sertir l’image dès le début et qui l’entoure aujourd’hui encore. C’est pourquoi, il n’est pas improbable de penser que Turner avait certainement l’intention de nous abuser dans ce sens.

Messieurs les voyageurs à leur
retour d’Italie (par la diligence) près d’un tas de
neige sur le Mont Tarare – 22 janvier, 1829, Turner
Messieurs les voyageurs à leur retour d’Italie (par la diligence) près d’un tas de neige sur le Mont Tarare – 22 janvier, 1829, RA 1829. Aquarelle, 54,5 x 74,7 cm. The British Museum, Londres, Royaume-Uni.

Serait-ce utile de souligner que Le Lac de Lucerne, vu du débarcadère de Fluelen est une oeuvre d’art ? N’est-il pas, de façon inhérente, ce qui constitue une telle définition ? Au regard de la qualité de l’ouvrage, il ne saurait en effet avoir été réalisé par n’importe qui. Il est évident qu’il aura été produit par un individu exceptionnellement talentueux, possédant de remarquables dons de visionnaire, un degré élevé de compréhension des apparences et du comportement de la nature (ce qui, bien sûr, englobe notre propre espèce), une maîtrise totale du langage visuel, une connaissance absolue du médium choisi pour sa création et, non des moindres, une somme de patience immense à mettre au service des plus minuscules détails de l’image.

A une époque comme la nôtre, où le nivellement culturel, social et politique et le relativisme (sans parler de la lâcheté des critiques) autorisent n’importe quoi, d’un urinoir à une pièce vide, de quelques poils pubiens à un acte d’autodestruction, à s’imposer comme « une oeuvre d’art », il n’en demeure pas moins qu’une aquarelle comme Le Lac de Lucerne, vu du débarcadère de Fluelen prouve qu’une véritable oeuvre d’art possède une dimension surhumaine, exceptionnelle et magique. Pourquoi ces trois choses ? Parce que toute excellente oeuvre théâtrale, musicale, littéraire ou visuelle recourt invariablement à des forces bien supérieures aux nôtres pour nous élever vers un plan plus puissamment créatif, émotionnellement excitant et intellectuellement stimulant que le monde ordinaire et banal que nous habitons quotidiennement. Comme nombre d’autres oeuvres de Turner, Le Lac de Lucerne, vu du débarcadère de Fluelen atteint sans conteste et triomphalement un tel niveau.

Bateaux hollandais dans la tempête : pêcheurs s’efforçant de remonter leurs poissons à bord (« The Bridgewater Seapiece »), RA 1801, Turner
Bateaux hollandais dans la tempête : pêcheurs s’efforçant de remonter leurs poissons à bord (« The Bridgewater Seapiece »), RA 1801. Huile sur toile, 162,5 x 222 cm. Collection privée, en dépôt à la National Gallery, Londres, Royaume-Uni.

Ce sont des aquarelles aux qualités aussi exceptionnelles qui valurent pour la première fois la reconnaissance du public à Turner au début des années 1790, avant même que le peintre n’eût atteint l’âge de vingt ans. Et, le temps passant, tandis qu’il développait des talents exceptionnels pour la peinture à l’huile, le dessin et la gravure et aussi l’aquarelle, parallèlement croissait la reconnaissance de ses oeuvres, au point que, en 1815, l’année même où Le Lac de Lucerne, vu du débarcadère de Fluelen fut rendu public pour la première fois, un auteur anonyme qualifia l’artiste de « premier génie de l’époque ». Dans une période où fleurissaient des géants de la création tels que Beethoven, Schubert, Goethe, Byron, Keats, Delacroix etc., c’était plutôt un compliment…

Il ne s’agissait certainement pas d’un honneur immérité, car Turner n’a pas à rougir en telle compagnie. En outre, sa popularité a rarement faibli, même si ses prix aux enchères ont eu tendance à baisser légèrement entre les années 1920 et les années 1960. Cependant, depuis lors ils ont plus que rebondi, au point qu’aujourd’hui ses oeuvres atteignent régulièrement des prix faramineux aux enchères (ainsi que l’atteste Le Lac de Lucerne, vu du débarcadère de Fluelen, dont le montant dépassa les deux millions de livres lorsqu’il fut vendu à Londres en juillet 2005).

Abbaye de Bolton, Yorkshire, 1809
Abbaye de Bolton, Yorkshire, 1809. Aquarelle sur papier blanc, 27,8 x 39,5 cm. The British Museum, Londres, Royaume-Uni.

En dehors du marché, il existe un vaste nombre d’amoureux de l’art dont l’admiration pour Turner n’a de cesse de croître et qui ne se lasseront jamais de lui. En 2000-2001, l’auteur de ces lignes organisa une exposition réunissant une sélection des plus belles aquarelles de Turner à la Royal Academy of Arts de Londres afin de commémorer le 150e anniversaire de la mort du peintre en 1851. Près de 200 000 personnes visitèrent l’exposition durant les onze semaines qu’elle dura ; lors de certains pics d’affluence, les visiteurs devaient attendre patiemment jusqu’à quatre heures pour pouvoir entrer. Une manifestation encore plus frappante de la popularité de Turner nous fut offerte au début de l’année 2007, lorsque la Tate Britain lança un appel pour une levée de fonds publics afin d’acquérir une aquarelle datant de 1842 Le Rigi bleu : lac de Lucerne, à l’aube qui est reproduite ici en page 226. Sur les 4 900 000 livres dont le musée avait besoin pour procéder à l’acquisition, 300 000 livres provenaient directement du public.

En l’espace d’à peine cinq semaines, les admirateurs de Turner, à l’intérieur comme à l’extérieur des frontières britanniques, avaient fait parvenir près du double de la somme, manifestant ainsi, de façon tonitruante, la nécessité qu’une importante collection publique se porte acquéreur d’un tel dessin. Visiblement, il y a encore bien des gens capables de reconnaître une merveilleuse oeuvre d’art quand ils en voient une, et de ressentir que c’est à eux qu’elle appartient, plutôt qu’à un riche collectionneur privé…

Quelques-uns des chefs-d’œuvre présentés :

La Grande Chute de Reichenbach, dans la vallée de Hasle, Suisse, 1804, Turner
La Grande Chute de Reichenbach, dans la vallée de Hasle, Suisse, 1804. Aquarelle, 102,2 x 68,9 cm. Cecil Higgins Art Gallery, Bedford, Royaume-Uni.
Tempête (Naufrage), 1823
Tempête (Naufrage), 1823. Aquarelle, 43,4 x 63,2 cm. The British Museum, Londres, Royaume-Uni.
Ulysse raillant Polyphème - L’Odyssée d’Homère, RA 1829
Ulysse raillant Polyphème – L’Odyssée d’Homère, RA 1829. Huile sur toile, 132,5 x 203 cm. Legs Turner, The National Gallery, Londres, Royaume-Uni.

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