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Article | 13/10/2021

Les pseudocratères et autres formations volcaniques originales du lac Mývatn (Islande)

13/10/2021

Matthias Schultz

Professeur de SVT, Lycée H. de Chardonnet, Chalon-sur-Saône

Olivier Dequincey

ENS de Lyon / DGESCO

Résumé

Pseudocratères, coulées, lacs et tunnels de laves, fumeroles, paysages remarquables et fissures éruptives aux alentours du lac Myvatn et du Krafla.


Pseudocratères s'étendant dans le lac Mývatn (vus depuis le belvédère d'Höfdi), au Nord-Est de l'Islande

Figure 1. Pseudocratères s'étendant dans le lac Mývatn (vus depuis le belvédère d'Höfdi), au Nord-Est de l'Islande

En fond, sur la rive Ouest du lac, le sommet palagonitique (issu d'un volcanisme sous-glaciaire) Vindbelgjarfjall.


L'Islande est une destination incontournable pour les amateurs de géologie. Elle a d'ailleurs fait l'objet de nombreux articles sur Planet-Terre (voir les Compléments).

Sa position à la rencontre de la dorsale médio-atlantique et d'un point chaud profondément enraciné dans le manteau explique son exceptionnelle activité tectonique, magmatique et géothermique. Des dizaines d'éruptions ont été ainsi documentées au cours des temps historiques (dont celle qui se poursuit depuis quelques mois au moment où j'écris ces lignes en juin 2021 au niveau du Fagradalsfjall, dans la péninsule de Reykjanes, faisant le bonheur des amateurs d'images spectaculaires), et 99,9 % de la surface de l'ile est recouverte par des roches volcaniques variées. Le climat froid de l'Islande, son isolement au milieu de l'Atlantique Nord, sa faible densité de population, en font un paradis volcanologique préservé, d'autant que la végétation y est rare sinon absente (une caractéristique toutefois largement héritée de la dégradation des forêts primitives et des sols par la surexploitation – surpâturage notamment – depuis la colonisation de l'ile par les Vikings).

Par ailleurs, la proximité avec le cercle polaire arctique permet des phénomènes glaciaires d'une ampleur inégalée en Europe, qu'il s'agisse des glaciers actuels (hélas ici comme ailleurs menacés par le réchauffement climatique) ou des traces évidentes laissées par leur extension considérable lors des périodes glaciaires ayant précédé l'Holocène. Ainsi, pour ne citer qu'un exemple, le Vatnajökull, d'une superficie de 8 300 km2 (comparable à la Corse !) est la deuxième plus vaste calotte glaciaire d'Europe après l'Austfonna au Svalbard (anciennement connu sous le nom de Spitzberg) ; et l'ensemble de la région, sur plus de 15 000 km2 (soit 15 % du territoire islandais), est protégé par un parc national, ce qui en fait le plus grand parc national d'Europe.

La dépendance des Islandais à un environnement à la fois rude et fragile a beaucoup fait pour le développement d'une conscience écologique forte dans le pays ; ainsi les paysages et curiosités naturelles sont très bien mises en valeur et protégées. Cela ne va pas cependant sans une certaine tension avec le développement massif du tourisme depuis la fin des années 2000, manne bienvenue après la crise financière de 2008-2010, mais aussi risque pour l'écologie et le mode de vie islandais : la comparaison des 2,2 millions de visiteurs en 2017 par rapport aux 350 000 habitants permanents de l'ile est frappante !

Cadre géologique général du lac Mývatn

En particulier, le secteur du Mývatn, le bien nommé « lac des moucherons », dans le Nord-Est du pays, à proximité du volcan actif Krafla, et à 50 km à l'Est d'Akureyri, la grande ville du Nord du pays, est un concentré de richesses géologiques à ne pas manquer. Troisième étendue d'eau d'Islande par sa superficie (38 km2), mais d'une profondeur moyenne n'atteignant que 3 m, il est parsemé d'iles volcaniques constellées de cratères (ou plutôt, comme nous le verrons plus bas, de pseudocratères, figures 38 à 44). Le lac est alimenté dans sa partie Nord-Est par des sources chaudes à plus de 20°C ; solfatares et sites hydrothermaux sont nombreux dans les environs (et d'ailleurs activement exploités par les thermes Mývatn Nature Baths). Dans le secteur, on trouve aussi une usine de séchage de la diatomite exploitée par pompage au fond du lac, et la centrale géothermique de Krafla édifiée à partir de 1975 (figures 6 à 25). Dans cet univers volcanique, il n'est pas surprenant que le lac ait une chimie assez particulière (forte teneur en minéraux notamment), ce qui permet une productivité primaire élevée (lac eutrophe), surtout à une si haute latitude. Chaleur, nutriments... assurent en effet le développement d'algues, surtout des diatomées, mais aussi des marimo (terme issu du japonais, ayant secondairement donné son nom à un astéroïde) plus originales : colonies souvent sphériques d'algues filamenteuses Aegagropila linnaei, de la famille des Cladophoraceae. Tous ces êtres vivants photosynthétiques alimentent un écosystème riche et original. Son fonctionnement est notamment marqué par la prolifération de moucherons en été ( en islandais, d'où le nom bien mérité de Mývatn, « lac des moucherons  » ; il s'agit plus précisément de Chironomidae) et de crustacés Cladocera. Ces Arthropodes assurent à leur tour l'alimentation de très nombreuses espèces d'oiseaux d'eau douce, européennes comme américaines, dont beaucoup séjournent ici à l'année. D'extraordinaires populations de canards, en particulier, font le bonheur des ornithologues.

Le lac est limité à l'Ouest par des rides de basaltes d'âge pléistocène, à l'Est par des rides de tuf volcanique et des montagnes en table (volcans sous-glaciaires typiques). Il est situé dans le rift médian, représentant le prolongement émergé de la dorsale médio-atlantique dans le Nord de l'Islande. Il n'est donc pas surprenant que l'activité volcanique y soit essentiellement récente, voire actuelle, et principalement caractérisée par des éruptions fissurales (typiques du volcanisme islandais moderne) et quelques cratères d'explosion.

Auparavant, signalons l'émission pendant la glaciation du Würm de volumineuses nappes de rhyolites et coulées d'obsidiennes, ayant largement comblé la caldeira du Krafla, qui n'est plus guère visible dans la topographie actuelle ; et un volcanisme sous-glaciaire ayant laissé pillow-lavas et hyaloclastites (exemple figure 12).

L'entrée dans l'Holocène, avec le recul des glaciers, permet le développement d'un volcanisme aérien. Un des événements les plus marquants est la longue coulée de lave appelée Vieille Laxà, émise par le volcan bouclier Ketildyngjà, 25 km au Nord de Mývatn, vers 3 800 a BP, qui forme un barrage entrainant la formation d'un premier lac. Cette coulée atteindra ensuite la mer en suivant la vallée Laxadalur, à l'Ouest du lac (littéralement la « vallée de la rivière aux saumons » – ce n'est pas la seule de ce nom en Islande).

Il y a 2 700 ans environ, le magnifique cône de scories Hverfjall (figures 2 à 5) est construit en une seule éruption (0,5 km3 de blocs sont ainsi éjectés) sur la rive Est du lac.

Puis vers 2 170 a BP débute un peu plus à l'Est une énorme activité fissurale au niveau des volcans linéaires Lùdentsborgir et Þrengslaborgir (figure 65). La volumineuse coulée émise (3 km3 répartis sur une surface de 220 km2, 63 km de long et 17 m d'épaisseur moyenne), appelée Jeune Laxà, se superpose à la coulée Vieille Laxà et atteint presque la mer. C'est sur cette coulée de basalte tholéïtique à olivine que se forment les pseudocratères (figures 39 à 45) des ilots du lac Mývatn, et le site de Dimmuborgir (figures 47 à 58), que nous étudierons plus bas.

Seules quelques petites éruptions sont ensuite recensées vers les années 250, 850 et 1 300 de notre ère.

Un nouveau cycle éruptif démarre le 17 mai 1724 : ce sont les « feux du Mývatn », qui dureront cinq ans. Le cratère d'explosion Viti ou Helviti (littéralement « l'enfer », figure 26) se forme en premier, au Nord-Est du lac, sur la pente Sud du volcan Krafla. Cette violente éruption phréatomagmatique éjecte des ponces siliceuses et des scories basaltiques. Puis tremblements de terre et dépôts de cendre ravagent les abords du Krafla. Divers changements sont observés dans la topographie, le niveau du lac et l'écoulement de la rivière Laxà.

Le 11 janvier 1725, une fissure, Leirhnjúkur, s'ouvre sur le volcan Krafla. Plusieurs coulées s'en échappent, couvrant plus de 35 km2 au total. En août 1729, une coulée plus importante, Eldhraun, atteint le lac (figure 27), rasant le village de Reykjahlíð, mais épargnant de peu son église (sens de l'humour divin, ou plus probablement construction sur une petite proéminence...). L'activité volcanique cesse alors, si on excepte une éruption mineure en 1746.

Enfin, une éruption majeure du Krafla a lieu entre 1975 et 1984, débutant par une reprise du volcanisme au Nord de la fissure Leirhnjúkur le 20 décembre 1975 (précédée par plusieurs mois d'activité sismique). Ce sont les « nouveaux feux du Mývatn ». Dans le mois et demi qui suit, la vaste caldeira du Krafla s'affaisse de 2 m, tandis que la partie centrale du volcan Krafla se bombe à une vitesse de 10 à 15 mm/j pendant plusieurs mois, traduisant l'injection de magma en profondeur dans les fissures du rift, avec des à-coups lorsque des zones de faiblesse cèdent brutalement. Le magma n'atteint la surface qu'en 1975, 1977, 1980, 1981 et 1984, donnant alors des éruptions basaltiques fissurales (figures 35 et 36). La chambre magmatique, vers 3 km de profondeur, se remplit et se vide à plusieurs reprises, à un rythme moyen estimé à 5 m3/s. La vitesse de remontée du magma est connue grâce aux séismes qui l'accompagnent : elle varie ici entre 0,4 et 2,5 m/s. Notons qu'un forage géothermique profond de 1 138 m fait l'objet d'une remontée d'environ 1,2 m3 de lave. Il s'agit de la plus petite éruption connue, et la première de ce style au monde !

L'ensemble de la zone affectée par les « nouveaux feux du Mývatn » s'étend sur 80 km au Nord, jusqu'à l'océan Arctique (Äxarfjördur) et au Sud (Est du lac Mývatn) ; le rift s'est écarté de 9 m pendant ce cycle (rattrapant ainsi le faible écartement des plaques tectoniques dans le secteur depuis plusieurs siècles : en effet, la moyenne d'écartement de 2 cm/a de ce rift reflète mal le caractère discontinu, épisodique de l'expansion de la lithosphère océanique). Près de 250 millions de m3 de lave se sont épandus en surface, mais ce sont sans doute plus de 800 millions de m3 qui ont cristallisé en profondeur dans la croute. Certaines phases éruptives (fontaines de laves de 1984 notamment, figure 36) ont été observées depuis Reykjavík, à 300 km au Sud-Ouest !

Depuis, le volcan est calme, mais de nombreuses sources chaudes et solfatares (figures 6 à 25) traduisent un gradient géothermique toujours exceptionnel dans le secteur du Mývatn.

Le cône de scories Hverfjall, sur la rive Est du lac Mývatn, au Nord-Est de l'Islande

Figure 2. Le cône de scories Hverfjall, sur la rive Est du lac Mývatn, au Nord-Est de l'Islande

L'édifice, daté d'environ 2 700 a BP, atteint 400 m d'altitude, soit 250 m de plus que la surface des champs de lave environnants. Son cratère est profond de presque 200 m, pour un diamètre de 1 200 m. Notez le cône secondaire au sein du cratère principal, par ailleurs parfaitement sec, les scories étant très perméables aux eaux de pluie et de fonte des neiges. Anecdote amusante, le décor lunaire de ce volcan fut utilisé par la NASA pour l'entrainement des astronautes des missions Apollo avant leur départ pour notre satellite en 1969.

La photographie est prise en direction du Nord-Ouest ; on observe quelques fermes puis le lac à l'Ouest, et des sommets enneigés en fond (gauche de l'image) ; au Nord, le village de Reykjahlíð, surmonté par le volcan Krafla (extrême droite de l'image).


Panorama du cône de scories Hverfjall, sur la rive Est du lac Mývatn, au Nord-Est de l'Islande

Figure 3. Panorama du cône de scories Hverfjall, sur la rive Est du lac Mývatn, au Nord-Est de l'Islande

L'édifice, daté d'environ 2 700 a BP, atteint 400 m d'altitude, soit 250 m de plus que la surface des champs de lave environnants. Son cratère est profond de presque 200 m, pour un diamètre de 1 200 m. Notez le cône secondaire au sein du cratère principal, par ailleurs parfaitement sec, les scories étant très perméables aux eaux de pluie et de fonte des neiges. Anecdote amusante, le décor lunaire de ce volcan fut utilisé par la NASA pour l'entrainement des astronautes des missions Apollo avant leur départ pour notre satellite en 1969.

La photographie est prise en direction du Nord ; on observe à l'arrière-plan des champs de lave, le village de Reykjahlíð au Nord-Ouest (gauche de l'image), surmonté par le volcan Krafla ; et des champs hydrothermaux plus à l'Est, marqués par des panaches de vapeur et les teintes ocres des roches altérées.


Pente Ouest du cône de scories Hverfjall, sur la rive Est du lac Mývatn, au Nord-Est de l'Islande

Figure 4. Pente Ouest du cône de scories Hverfjall, sur la rive Est du lac Mývatn, au Nord-Est de l'Islande

Les blocs éjectés sont bien visibles. À droite de l'image on observe la rive Est du lac Mývatn et on devine des ilots occupés par des pseudocratères. Au centre, au pied du volcan, on observe un champ de lave curieusement découpé en rochers noirs, il s'agit du site de Dimmuborgir étudié plus bas. En fond à gauche, c'est-à-dire en direction du Sud, le volcan en table Sellandafjall (morphologie typique des éruptions sous-glaciaires) domine l'horizon.


Les pentes régulières du cône de scories Hverfjall, vu depuis le champ de lave aux rochers noirs torturés bordant à l'Est le lac Mývatn (Islande)

Figure 5. Les pentes régulières du cône de scories Hverfjall, vu depuis le champ de lave aux rochers noirs torturés bordant à l'Est le lac Mývatn (Islande)

L'édifice, mis en place lors d'une éruption strombolienne unique il y a environ 2 700 a BP, atteint 400 m d'altitude, soit 250 m de plus que la surface des coulées de lave environnantes (plus précisément depuis le secteur de Dimmuborgir). Son diamètre est de 1 200 m.


Vue d'ensemble du site hydrothermal appelé Hverir ou Námaskarð, au pied de la crête Námafjall, 150 m plus haute, à l'Est du lac Mývatn et au Sud du volcan Krafla (Islande)

Figure 6. Vue d'ensemble du site hydrothermal appelé Hverir ou Námaskarð, au pied de la crête Námafjall, 150 m plus haute, à l'Est du lac Mývatn et au Sud du volcan Krafla (Islande)

Fumeroles, chaudrons de boue, roches claires vivement colorées par l'altération hydrothermale et les dépôts de minéraux (oxydes, sulfates...), tranchant avec les teintes sombres des basaltes du premier plan, forment le décor de cette zone géothermale très active. Du soufre était activement exploité dans ce secteur aux XVIe et XVIIe siècles.


Vue plus rapprochée du site hydrothermal appelé Hverir ou Námaskarð, au pied de la crête Námafjall, 150 m plus haute que son environnement, à l'Est du lac Mývatn et au Sud du volcan Krafla (Islande)

Figure 7. Vue plus rapprochée du site hydrothermal appelé Hverir ou Námaskarð, au pied de la crête Námafjall, 150 m plus haute que son environnement, à l'Est du lac Mývatn et au Sud du volcan Krafla (Islande)

Fumeroles, chaudrons de boue, roches claires vivement colorées par l'altération hydrothermale et les dépôts de minéraux (oxydes, sulfates...), tranchant avec les teintes sombres des quelques taches de basaltes moins altérés, forment le décor de cette zone géothermale très active. Du soufre était activement exploité dans ce secteur aux XVIe et XVIIe siècles. La végétation peine à s'installer... et est surtout constituée d'espèces inhabituelles en Islande, qui parviennent à profiter de la chaleur locale inhabituelle pour prospérer.


Vue du site hydrothermal appelé Hverir ou Námaskarð, depuis la crête Námafjall, 150 m au dessus, à l'Est du lac Mývatn et au Sud du volcan Krafla (Islande)

Figure 8. Vue du site hydrothermal appelé Hverir ou Námaskarð, depuis la crête Námafjall, 150 m au dessus, à l'Est du lac Mývatn et au Sud du volcan Krafla (Islande)

Fumeroles, chaudrons de boue, roches claires vivement colorées par l'altération hydrothermale et les dépôts de minéraux (oxydes, sulfates...), tranchant avec les teintes sombres des champs de lave à l'arrière-plan, forment le décor de cette zone géothermale très active.

Le parking, les véhicules et les visiteurs donnent l'échelle. À l'horizon, au-delà des champs de lave, vers l'Est et les hautes terres de l'intérieur du pays, on distingue divers édifices volcaniques, dont une montagne tabulaire typique des éruptions sous-glaciaires.


Vue en direction de l'Ouest sur le lac Mývatn depuis la crête Námafjall (Islande)

Figure 9. Vue en direction de l'Ouest sur le lac Mývatn depuis la crête Námafjall (Islande)

Fumeroles, chaudrons de boue, roches claires vivement colorées par l'altération hydrothermale et les dépôts de minéraux (oxydes, sulfates...) du site géothermal tranchent avec les teintes sombres des champs de lave basaltiques qui forment la rive est du lac. On aperçoit le village de Reykjahlíð au centre. En fond, sur la rive Ouest, le sommet palagonitique (issu d'un volcanisme sous-glaciaire) Vindbelgjarfjall domine l'horizon.


Vue en direction de l'Ouest depuis la crête Námafjall (Islande)

Figure 10. Vue en direction de l'Ouest depuis la crête Námafjall (Islande)

Fumeroles, chaudrons de boue, roches claires vivement colorées par l'altération hydrothermale et les dépôts de minéraux (oxydes, sulfates...) du site géothermal tranchent avec les teintes sombres des champs de lave basaltiques en arrière-plan. À l'horizon, au-delà des coulées de lave, on distingue divers édifices volcaniques, dont une montagne tabulaire à droite, typique des éruptions sous-glaciaires.


Vue en direction du Nord depuis la crête Námafjall (Islande)

Figure 11. Vue en direction du Nord depuis la crête Námafjall (Islande)

Fumeroles, chaudrons de boue, roches claires vivement colorées par l'altération hydrothermale et les dépôts de minéraux (oxydes, sulfates...) du site géothermal tranchent avec les teintes sombres des champs de lave basaltiques au-delà de la route circulaire. En arrière plan, le volcan Krafla domine les fumeroles d'autres sites géothermaux.

En bas à droite, le parking et les véhicules donnent l'échelle.


Détail des roches de la crête Námafjall (Islande)

Figure 12. Détail des roches de la crête Námafjall (Islande)

Il s'agit de palagonites typiques des éruptions sous-glaciaires (brèches de verre volcanique formées par le contact du magma chaud avec l'eau), particulièrement altérées ici par l'activité hydrothermale et les dépôts fumerolliens.


Vue en direction du Sud-Ouest depuis la crête Námafjall (Islande)

Figure 13. Vue en direction du Sud-Ouest depuis la crête Námafjall (Islande)

Des zones vivement colorées par les dépôts fumerolliens sont visibles en plusieurs points. Le visiteur protégé des moucherons () par un filet donne l'échelle. Au fond à gauche, une montagne tabulaire typique d'un volcan sous-glaciaire nommée Blafjall ; au fond à droite, le lac Mývatn, ses ilots à pseudocratères ; et au pied de Námafjall, les thermes Mývatn Nature Baths qui exploitent des sources chaudes, fortement minéralisées, proches du lac.



Fumerole active au pied de la crête Námafjall (Islande)


Vue rapprochée d'une fumerole active au pied de la crête Námafjall (Islande)

Figure 17. Vue rapprochée d'une fumerole active au pied de la crête Námafjall (Islande)

Les blocs de basaltes vacuolaires sont peu à peu recouverts de dépôts jaunes de soufre natif. Ce soufre peut avoir 2 origines : soit il s'agit de soufre vapeur sortant directement sous cette forme et se condensant en arrivant à l'extérieur du fait de la faible température, soit il s'agit d'émanation d'hydrogène sulfurée (H2S) s'oxydant au contact du dioxygène atmosphérique (2 H2S + O2S2 + 2 H2O).


Marmites de boues temporairement presque à sec au pied de la crête Námafjall (Islande)

Figure 18. Marmites de boues temporairement presque à sec au pied de la crête Námafjall (Islande)

Les argiles d'altération portent de belles fentes de dessiccation et des traces de divers minéraux colorés.


Marmites de boues actives, Islande

Figure 19. Marmites de boues actives, Islande

Certaines dépassent les 100°C ou encore expulsent périodiquement des gaz volcaniques, formant de petits geysers. Divers minéraux colorés sont visibles en plus des argiles d'altération grisâtres. Le visiteur à gauche donne l'échelle.


Marmites de boues actives, Islande

Figure 20. Marmites de boues actives, Islande

Certaines dépassent les 100°C ou encore expulsent périodiquement des gaz volcaniques, formant de petits geysers. Divers minéraux colorés (gypse blanc, oxydes divers...) sont visibles en plus des argiles d'altération. Certains constituent une croute en surface de l'eau. Des fentes de dessiccation se forment dans les argiles.

Les visiteurs à gauche donnent l'échelle. En fond, la route circulaire franchit la crête Námafjall en direction du lac Mývatn.


Marmites de boues actives, Islande

Figure 21. Marmites de boues actives, Islande

Certaines dépassent les 100°C ou encore expulsent périodiquement des gaz volcaniques, formant de petits geysers. Divers minéraux colorés sont visibles en plus des argiles d'altération grisâtres (gypse blanc, oxydes divers...).

En fond, la route circulaire franchit la crête Námafjall.


Forages, conduites forcées, tours de refroidissement et bâtiments rouges vifs de la centrale géothermique du Krafla (Islande), prise depuis les pentes Sud du volcan

Figure 22. Forages, conduites forcées, tours de refroidissement et bâtiments rouges vifs de la centrale géothermique du Krafla (Islande), prise depuis les pentes Sud du volcan

Après des forages exploratoires en 1974, sa construction avait démarré en 1975 quand l'éruption du Krafla (« nouveaux feux du Mývatn ») vint perturber la mise en service. Son fonctionnement fut ralenti pendant toute la période éruptive, les champs géothermaux se déplaçant alors rapidement, et la centrale fut même directement menacée lors de certaines phases. Outre cette centrale, dans l'Est du Mývatn, l'énergie géothermique extraite par forages sert aussi à alimenter, en périphérie de Reykjahlíð, une usine de séchage des boues à diatomées extraites au fond du lac (les capacités d'abrasion et d'absorption des frustules siliceux des diatomées servent en effet dans de nombreux domaines : insecticide non toxique, filtration agro-alimentaire, abrasif, etc., cf. Des volcans du Massif Central aux prix Nobel et à la bière, une roche peu connue aux usages insoupçonnés : la diatomite), et plus modestement chauffe les thermes Mývatn Nature Baths.

En arrière-plan à droite (en direction du Sud), on distingue la couleur ocre de la crête Námafjall, puis plusieurs volcans tabulaires à l'horizon (notamment Blafjall au centre, et Sellandafjall à droite).


Fissure d'extension tectonique Grjótagjá dans les champs de lave de la rive Est du lac Mývatn, non loin du Hverfjall (Islande)

Figure 23. Fissure d'extension tectonique Grjótagjá dans les champs de lave de la rive Est du lac Mývatn, non loin du Hverfjall (Islande)

Cette fissure assez récente, d'axe Nord-Sud, découpe une coulée pahoehoe plus ancienne. Elle est remplie d'eau et abrite une petite grotte. Il était traditionnel de se baigner dans cette source chaude souterraine pour les habitants de la région. Mais suite aux éruptions de 1975, sa température est passée de 40°C à plus de 60°C, compliquant la baignade ! Aujourd'hui, l'eau est revenue à une température d'environ 42°C, mais le tourisme de masse est incompatible avec la taille de cette piscine naturelle, et le propriétaire terrien a interdit la baignade. Le site a par ailleurs gagné en renommée suite à son utilisation comme décor dans la série Game of Thrones


Fissure d'extension tectonique Grjótagjá dans les champs de lave de la rive Est du lac Mývatn, non loin du Hverfjall (Islande)

Figure 24. Fissure d'extension tectonique Grjótagjá dans les champs de lave de la rive Est du lac Mývatn, non loin du Hverfjall (Islande)

Cette fissure assez récente, d'axe Nord-Sud, découpe une coulée pahoehoe plus ancienne. Elle est remplie d'eau et abrite une petite grotte. Il était traditionnel de se baigner dans cette source chaude souterraine pour les habitants de la région. Mais suite aux éruptions de 1975, sa température est passée de 40°C à plus de 60°C, compliquant la baignade ! Aujourd'hui, l'eau est revenue à une température d'environ 42°C, mais le tourisme de masse est incompatible avec la taille de cette piscine naturelle, et le propriétaire terrien a interdit la baignade. Le site a par ailleurs gagné en renommée suite à son utilisation comme décor dans la série Game of Thrones


Détail de la fissure d'extension tectonique Grjótagjá (Islande), au niveau de la grotte abritant la source chaude

Figure 25. Détail de la fissure d'extension tectonique Grjótagjá (Islande), au niveau de la grotte abritant la source chaude

Notez la prismation frustre de la coulée. Le tourisme de masse est incompatible avec la taille de cette piscine naturelle, et le propriétaire terrien a interdit la baignade.


Panorama du cratère Viti ou Helviti (« l'enfer ») sur la pente Sud du volcan Krafla (Islande)

Figure 26. Panorama du cratère Viti ou Helviti (« l'enfer ») sur la pente Sud du volcan Krafla (Islande)

Formé par une éruption phréatomagmatique lors des « feux du Mývatn » en 1724, il a 320 m de diamètre et est occupé par un lac de 35 m de profondeur aux eaux d'un bleu saisissant (sans doute dû aux minéraux dissouts : silice colloïdale, par exemple). Il s'agit d'un maar typique ayant expulsé des scories basaltiques (avec quelques enclaves de granophyre – microgranite à texture micropegmatitique), des ponces rhyolitiques, et de nombreux fragments arrachés à l'encaissant local.


Extrémité de la coulée Eldhraun d'aout 1729 dans le lac Mývatn au pied du volcan Krafla (Islande)

Figure 27. Extrémité de la coulée Eldhraun d'aout 1729 dans le lac Mývatn au pied du volcan Krafla (Islande)

Issue de la fissure Leirhnjúkur lors des « feux du Mývatn », cette coulée a rasé une large part du village de Reykjahlíð, épargnant de peu son église visible à gauche de l'image. Quelques bâtiments et un camping ont été reconstruits depuis aux alentours. On distingue au loin des ilots à pseudocratères sur le lac, et deux volcans tabulaires à l'horizon : Blafjall et Sellandafjall.


Le secteur de Leirhnjúkur sur le volcan Krafla, Islande

Figure 28. Le secteur de Leirhnjúkur sur le volcan Krafla, Islande

Actif lors des deux épisodes de « feux du Mývatn », en 1724-1729 et 1975-1984, il est aujourd'hui encore animé de nombreux chaudrons de boue, solfatares et fumeroles.


Coulées basaltiques émises en direction du Nord par le volcan Krafla (Islande) lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984

Figure 29. Coulées basaltiques émises en direction du Nord par le volcan Krafla (Islande) lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984

Les roches sombres, très peu colonisées par la végétation, ressortent bien dans le paysage malgré une météo hostile ce jour de juillet 2020.


Scories et surface d'une coulée basaltique émises par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Figure 30. Scories et surface d'une coulée basaltique émises par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Les roches sombres, très peu colonisées par la végétation, ressortent bien dans le paysage malgré une météo hostile ce jour de juillet 2020. Notez les lobes et les figures d'écoulement (coulée de type pahoehoe). À l'arrière-plan, des zones de couleur ocre signent une activité géothermale récente.


Surface d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Figure 31. Surface d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Les roches sombres, très peu colonisées par la végétation, ressortent bien dans le paysage malgré une météo hostile ce jour de juillet 2020. Notez les figures d'écoulement (coulée de type pahoehoe). Au second plan deux anciennes fontaines de lave / hornitos forment des protubérances.


Détails d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Figure 32. Détails d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Les roches sombres sont à peine colonisées par quelques mousses et lichens. Des petits tubes de lave effondrés sont visibles.


Détails d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Figure 33. Détails d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Les roches sombres sont à peine colonisées par quelques mousses et lichens. Des petits tubes de lave effondrés sont visibles.


Détails d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Figure 34. Détails d'une coulée basaltique émise par le volcan Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn », en 1975-1984, Islande

Les roches sombres, sont à peine colonisées par quelques mousses et lichens. Un tube de lave partiellement effondré est visible. Des scories sont accumulées sur la coulée : type intermédiaire entre aa et pahoehoe ? Ou saupoudrage tardif d'éjectas par des fontaines de lave voisines ?


Installation géologico-artistico-humoristique à proximité de la centrale géothermique du Krafla (Islande)

Figure 38. Installation géologico-artistico-humoristique à proximité de la centrale géothermique du Krafla (Islande)

Un forage alimente directement une douche et un lavabo en eau de source naturellement chaude.


Les pseudocratères du lac Mývatn

Intéressons nous à présent plus spécifiquement aux pseudocratères sur de nombreux ilots du lac Mývatn (figures 39 à 45). Ils se sont formés en nombre (plus de 2 500 recensés dans la région !), répartis sans orientation préférentielle, à la surface de la coulée Jeune Laxà, longue de 63 km, issue des fissures Lùdentsborgir et Þrengslaborgir (figure 67) vers 2 170 a BP. Ces édifices ressemblent à priori à des cratères stromboliens classiques (cônes de scories projetées par une fontaine de lave), quoique de petite taille (entre 1 et 100 m de diamètre, et quelques dizaines de mètres de haut au maximum). Ils s'en distinguent cependant par l'absence de cheminée d'alimentation en profondeur. Ces pseudocratères sont appelé rootless cone en anglais. Aucune racine n'ayant ici amené le magma en surface depuis la chambre magmatique, l'origine des pseudocratères est à rechercher dans la coulée elle-même, dont ils sont un épiphénomène.

L'interprétation classique de tels pseudocratères est une rencontre entre une coulée de type pahoehoe, donc chaude (entre 1 100 et 1 200 °C) et très fluide (viscosité de 300 à 600 Pa.s), et une zone humide : lac, marécage ou tourbière…, liquide l'été mais pouvant être gelée l'hiver. L'eau vaporisée par le contact avec la lave se fraye un chemin à travers la coulée, provoquant des centaines de petites explosions phréatomagmatiques générant autant de pseudocratères. On peut donc également parler de cratères phréatiques. La présence du paléolac Mývatn (et de ses boues à diatomées très riches en eau) lors de l'arrivée de la coulée Jeune Laxà est attestée, et appuie ce scénario.

Toutefois, des pseudocratères peuvent également se former au sommet des coulées pahoehoe sans apport extérieur d'eau : si des petits lacs de lave s'individualisent au cœur de tunnels au sein de la coulée, et se vidangent de manière cyclique en crevant la croute solidifiée de la coulée (du fait de phénomènes de surpression liés au régime d'écoulement), sur une durée allant de quelques jours à quelques semaines, ils génèrent aussi des pseudocratères sans cheminée d'alimentation. Un épanchement rapide (de 3 à 50 km/h) sur des surfaces à faible pente (≤ 3,5 %) favoriserait le phénomène.

La cristallisation fractionnée du magma au sein d'une vaste coulée tend par ailleurs à concentrer les éléments volatils dans le liquide résiduel, facilitant aussi des phénomènes de dégazage brutaux. La limite entre pseudocratères, hornitos, fontaines de lave, tumulus, anneaux éclatés... devient alors poreuse, tous ces phénomènes en surface de la coulée pouvant avoir une origine commune : des variations d'écoulement interne et de teneurs en volatils.

Dans le cas présent, la disponibilité extérieure en eau serait le facteur principal ayant permis l'édification des pseudocratères, et leur distribution sur la coulée Jeune Laxà reflèterait l'emplacement du paléolac Mývatn (ailleurs, seuls de petits hornitos seraient mis en place, cf. article de F. Boreham [a3] dans les Compléments).

Précisons pour finir que des pseudocratères sont connus ailleurs en Islande (par exemple sur le lac Þingvallavatn dans le graben de Þingvellir, au Sud-Ouest du pays), ainsi qu'à Hawaï, aux Galápagos, et dans les basaltes de la Columbia River ; des analogues existeraient sur Mars, ce qui ne manque pas d'intérêt quant à l'existence d'eau liquide (ou gelée) à (ou près de) la surface de cette planète dans un passé plus ou moins lointain.

Chapelet de pseudocratères à Skútustaðir, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 39. Chapelet de pseudocratères à Skútustaðir, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Leur diamètre ne dépasse pas quelques dizaines de mètres, leur hauteur quelques mètres. La surface de la coulée au niveau de cette presqu'ile est assez fertile, fauchée et pâturée par les inévitables moutons islandais.


Chapelet de pseudocratères à Skútustaðir, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 40. Chapelet de pseudocratères à Skútustaðir, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Leur diamètre ne dépasse pas quelques dizaines de mètres, leur hauteur quelques mètres. La surface de la coulée au niveau de cette presqu'ile est assez fertile, fauchée et pâturée par les inévitables moutons islandais.


Chapelet de pseudocratères à Höfdi, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 41. Chapelet de pseudocratères à Höfdi, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Leur diamètre et leur hauteur ne dépassent pas quelques dizaines de mètres.


Pseudocratères d'un peu plus grande taille, sur un des nombreux ilots du lac Mývatn (Islande), vus depuis Skútustaðir

Figure 42. Pseudocratères d'un peu plus grande taille, sur un des nombreux ilots du lac Mývatn (Islande), vus depuis Skútustaðir

Leur diamètre et leur hauteur ne dépassent pas quelques dizaines de mètres.


Panorama du lac Mývatn (Islande) depuis le belvédère d'Höfdi, sur sa rive Est

Figure 43. Panorama du lac Mývatn (Islande) depuis le belvédère d'Höfdi, sur sa rive Est

La surface de la coulée Jeune Laxà parsemée de pseudocratères formant de nombreux ilots sur le lac est partout observable. Leur diamètre et leur hauteur ne dépassent pas quelques dizaines de mètres. Sur la droite, au niveau de la rive, des rochers noirs aux formes torturées sont observables ; nous y reviendrons. On devine aussi en fond au centre, sur la rive Ouest, le sommet palagonitique (issu d'un volcanisme sous-glaciaire) Vindbelgjarfjall ; en fond à droite (horizon Nord) le volcan Krafla qui domine le lac, ainsi que les nuages de vapeur des sites géothermiques et le cône régulier du Hverfjall.



Plan des pseudocratères du site de Skútustaðir, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 45. Plan des pseudocratères du site de Skútustaðir, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

De nombreux autres pseudocratères (plus de 2 500 !) existent le long de la coulée Jeune Laxà (l'exploration dans Google Earth permet d'en voir un grande nombre : voir le fichier repérant les sites aux alentours du lac Mývatn).



Le site de Dimmuborgir

Un autre site exceptionnel de la rive Est du lac Mývatn est le secteur de Dimmuborgir (littéralement « les châteaux sombres », nom repris par un groupe de black metal symphonique norvégien). Selon la légende, ce serait une résidence de Grýla, géante dévorant les méchants enfants (des versions édulcorées en faisant la mère des lutins de Noël apparaitront au XVIIe siècle).

Dimmuborgir est caractérisé par des rochers basaltiques noirs aux formes torturées, ruiniformes et lugubres, constituant des colonnes étranges de 15 à 20 m de haut. L'ensemble du site forme une dépression elliptique d'environ 1,5 km de rayon, dont le fond a une altitude environ 15-20 m sous la surface environnante de la coulée Jeune Laxà (les colonnes atteignent ainsi le niveau de la surface de coulée environnante). Des scories et des fragments écroulés de carapaces de coulées de type pahoehoe constituent le plancher actuel de Dimmuborgir.

Sa formation serait due à la stagnation d'un lac de lave derrière un barrage naturel temporaire. Le magma, émis rapidement par les fissures Lùdentsborgir et Þrengslaborgir, à une altitude plus élevée de 30 à 60 m que Dimmuborgir, aurait emprunté des tunnels de lave et constitué une lentille de liquide sous pression, car ne pouvant s'évacuer aussi vite qu'il était apporté. Ce phénomène aurait fait gonfler la croute supérieure solidifiée du lac de lave, lui donnant une topographie bombée en bouclier. De telles accumulations temporaires bombées ont pu être observées directement, par exemple sur le volcan Kilauea, à Hawaï, lors d'une éruption en 2007-2008.

Dans le même temps, au contact de zones tourbeuses ou marécageuses à la base du lac de lave, des phénomènes phréatomagmatiques, comme ceux ayant donné les pseudocratères du lac Mývatn quelques centaines de mètres plus loin, auraient refroidi localement le magma le long des conduits empruntés par la vapeur d'eau s'évacuant en surface. Ces conduits solidifiés seraient restés, formant les étranges colonnes encore visibles aujourd'hui, atteignant la hauteur de l'ancienne surface de coulée. Le lac de lave lui-même aurait fini par se vidanger vers l'aval (vers le Nord, l'Ouest et le lac Mývatn essentiellement) suite à une rupture du barrage temporaire, ne laissant donc que les conduits figés aux formes torturées (et quelques éléments de la carapace supérieure, déposés sur le plancher du site), au milieu d'une dépression circulaire correspondant à l'emplacement de l'ancienne lentille de magma. Les scientifiques ont pu estimer la durée de l'ensemble du processus de remplissage à quelques semaines, et la vidange de la lentille de lave à quelques jours seulement ; plusieurs épisodes similaires ont pu se succéder.

En ce sens, Dimmuborgir illustrerait la base, invisible aujourd'hui, des pseudocratères présents aux environs : pseudo-racines phréatomagmatiques au sein de la coulée de lave alimentant les cônes d'éjectas à sa surface. Notons toutefois qu'il existe dans la littérature scientifique d'autres théories pour expliquer l'existence des piliers au sein de la lentille de magma (cf. l'article de A. Skelton [a2] dans les Compléments).

Par ailleurs, d'autres indices de tunnels de lave anastomosés sont visibles dans les environs de Dimmuborgir, toujours au sein de la coulée Jeune Laxà, sans qu'ils fassent nécessairement intervenir de phréatomagmatisme ; c'est le cas par exemple du site d'Höfdi, qui comporte des piliers aux formes complexes et des arches de lave en plus d'un beau point de vue sur le lac et les pseudocratères. Ce site a par ailleurs servi de décor à certaines scènes de la série Game of Thrones.

Un rocher noir du site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 47. Un rocher noir du site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire. Notez les tubes visibles dans ce pinacle, comportant des spéléothèmes de basalte.


Un rocher noir du site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 48. Un rocher noir du site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire. Notez les tubes visibles dans ce pinacle basaltique.


Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 49. Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire. Notez les tubes visibles dans certains pinacles basaltiques.

Le site est bien aménagé pour la visite, avec de nombreux sentiers empruntant le fond de l'ancien lac de lave (fond recouvert en certains points de fragments de la carapace du lac de lave déposés au sol lors de son drainage). Le lieu prend un aspect particulièrement lugubre en cette journée pluvieuse de juillet 2020.


Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive est du lac Mývatn (Islande)

Figure 50. Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire. Notez les tubes visibles dans certains pinacles basaltiques.

Le site prend un aspect particulièrement lugubre en cette journée pluvieuse de juillet 2020.


Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 51. Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire. Notez les restes de tunnels de lave visibles dans certains pinacles basaltiques.

Le site prend un aspect particulièrement lugubre en cette journée pluvieuse de juillet 2020.


Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 52. Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire.

Le site est bien aménagé pour la visite ; les touristes donnent l'échelle de l'arche (tunnel de lave effondré).


Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 53. Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire.

Le site prend un aspect particulièrement lugubre en cette journée pluvieuse de juillet 2020.


Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 54. Le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Les colonnes torturées seraient les restes d'un lac de lave temporaire traversé par des conduits phréatomagmatiques. Les conduits figés par le contact avec la vapeur d'eau plus froide seraient seuls demeurés après drainage du lac de lave temporaire. Notez les tubes visibles dans certains pinacles basaltiques.

Le site prend un aspect particulièrement lugubre en cette journée pluvieuse de juillet 2020.


Détail de plusieurs tunnels de lave effondrés sur le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 55. Détail de plusieurs tunnels de lave effondrés sur le site de Dimmuborgir (« les châteaux sombres »), non loin de la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Le lieu prend un aspect particulièrement lugubre en cette journée pluvieuse de juillet 2020.


Détail d'une grotte de lave (tunnel de lave effondré) sur le site de Dimmuborgir, Islande

Figure 56. Détail d'une grotte de lave (tunnel de lave effondré) sur le site de Dimmuborgir, Islande

La surface horizontale intermédiaire pourrait correspondre à un niveau de remplissage intermédiaire atteint par la lave lors du drainage du tunnel.



Panorama du site de Dimmuborgir depuis un point en surplomb (sommet de la coulée Jeune Laxà, non drainée à cet endroit, 15 m au-dessus du fond de l'ancien lac de lave), Islande

Figure 58. Panorama du site de Dimmuborgir depuis un point en surplomb (sommet de la coulée Jeune Laxà, non drainée à cet endroit, 15 m au-dessus du fond de l'ancien lac de lave), Islande

Les sentiers bien aménagés sont visibles, surmontés par les piliers atteignant l'ancienne surface de la coulée. On devine aussi la forme bombée dessinée par l'ancienne surface de la lentille de lave de Dimmuborgir avant son drainage, soulignée en pointillés par les sommets des pinacles restés debout.

Au fond à gauche, le cône de scories du Hverfjall domine le paysage.


Vue du site de Dimmuborgir depuis un point en surplomb (sommet de la coulée Jeune Laxà, non drainée à cet endroit), Islande

Figure 59. Vue du site de Dimmuborgir depuis un point en surplomb (sommet de la coulée Jeune Laxà, non drainée à cet endroit), Islande

Les sentiers bien aménagés au fond de l'ancien lac de lave, 15 m sous la surface de la coulée, sont visibles.

Les visiteurs donnent l'échelle.


Les rochers noirs torturés (colonnes complexes) du site d'Höfdi, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 60. Les rochers noirs torturés (colonnes complexes) du site d'Höfdi, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Des tunnels de lave effondrés sont bien visibles au premier plan. En fond, des pseudocratères sont présents. D'autres édifices volcaniques constituent la ligne d'horizon.


Détails d'arches basaltiques sur le site d'Höfdi, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)


Détails d'arches basaltiques sur le site d'Höfdi, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Figure 63. Détails d'arches basaltiques sur le site d'Höfdi, sur la rive Est du lac Mývatn (Islande)

Il s'agit vraisemblablement de tunnels de lave effondrés. Les planchers intermédiaires pourraient correspondre à des niveaux successifs de vidange du tunnel.


Panorama de la coulée Jeune Laxà, dans l'Est du lac Mývatn, vu depuis le cône de scories Hverfjall (Islande)

Figure 64. Panorama de la coulée Jeune Laxà, dans l'Est du lac Mývatn, vu depuis le cône de scories Hverfjall (Islande)

À gauche de l'image, on devine les rochers torturés de Dimmuborgir sur la rive, en amont des ilots à pseudocratères qui s'avancent dans le lac. En fond, sur la rive Ouest, le sommet palagonitique (issu d'un volcanisme sous-glaciaire) Vindbelgjarfjall domine l'horizon.


Le site de Dimmuborgir, dans l'Est du lac Mývatn, vu depuis le cône de scories Hverfjall (Islande)

Figure 65. Le site de Dimmuborgir, dans l'Est du lac Mývatn, vu depuis le cône de scories Hverfjall (Islande)

Le creux correspondant à l'ancien lac de lave, ne laissant en surplomb que les conduits phréatiques figés, est bien visible par rapport à la surface lisse de la coulée (de type pahoehoe) autour de Dimmuborgir. On note aussi la forme bombée dessinée par l'ancienne surface de la lentille de lave de Dimmuborgir avant son drainage.

L'horizon Sud est dominé par le volcan en table sous-glaciaire Sellandafjall.


Le site de Dimmuborgir, dans l'Est du lac Mývatn, vu depuis le cône de scories Hverfjall (Islande)

Figure 66. Le site de Dimmuborgir, dans l'Est du lac Mývatn, vu depuis le cône de scories Hverfjall (Islande)

Le creux correspondant à l'ancien lac de lave, ne laissant en surplomb que les conduits phréatiques figés, est bien visible par rapport à la surface lisse de la coulée (de type pahoehoe) autour de Dimmuborgir. On note aussi la forme bombée dessinée par l'ancienne surface de la lentille de lave de Dimmuborgir avant son drainage. La lave s'est ensuite épanchée vers l'Ouest et le lac, formant les pseudocratères et les ilots visibles à l'arrière-plan.


Les fissures éruptives Lùdentsborgir et Þrengslaborgir, origine de la coulée Jeune Laxà

Pour conclure cet article, observons les fissures éruptives Lùdentsborgir (2,5 km de long) et Þrengslaborgir (4 km de long) d'où sont sorties il y a 2 170±38 a BP (selon une datation de 2012) les coulées Jeune Laxà à l'origine des sites à pseudocratères (figures 39 à 45) et de Dimmuborgir (figures 47 à 59). Toutes deux de direction Nord-Sud, situées à l'Est du lac Mývatn, elles sont peu accessibles sans véhicule tout terrain, nous nous contenterons donc d'un aperçu de loin. Notons au passage que les éruptions fissurales, loin de l'image d'Épinal du volcan en cône strombolien, sont les plus caractéristiques observées en Islande de nos jours (il suffit par exemple d'évoquer la célèbre éruption du Laki en 1784, ou encore celles du Krafla lors des « nouveaux feux du Mývatn » en 1975-1984).

On peut décrire leur activité ainsi :

  1. ouverture de la fissure, des explosions la vident et l'élargissent, projetant essentiellement des blocs de laves anciennes arrachés au substratum ;
  2. de grandes quantités de lave fluide, assez riche en gaz, s'échappent de la fissure ;
  3. des projections de scories par des fontaines de lave édifient une rangée de petits cônes alignés le long de la fracture ;
  4. la lave très chaude et fluide, en partie dégazée, continue de s'épancher depuis la fissure ou à partir des cônes nouvellement formés (éventrant alors les cratères), et constitue une coulée de type pahoehoe qui s'étale vers le lac, puis en direction de la mer, formant au passage les sites de Dimmuborgir et les pseudocratères étudiés précédemment ;
  5. le magma cesse de monter dans la fissure, l'éruption s'achève par une activité fumerollienne.
La fissure éruptive Lùdentsborgir, à l'Est du lac Mývatn (Islande), vu depuis le cône de scories Hverfjall

Figure 67. La fissure éruptive Lùdentsborgir, à l'Est du lac Mývatn (Islande), vu depuis le cône de scories Hverfjall

L'alignement de petits cônes de scories selon un axe Nord-Sud sur 2,5 km est bien visible. Au-delà, l'horizon est barré par des massifs volcaniques plus anciens (dont le volcan en table Blafjall tout à droite de l'image). La lave émise par cette fissure éruptive s'est épanchée vers l'Ouest et le lac, formant ici une surface lisse (coulée de type pahoehoe) en pente douce vers la droite de l'image (c'est-à-dire vers l'Ouest, ici). Plus loin en aval, la coulée a formé le site de Dimmuborgir, les pseudocratères, et a poursuivi par la vallée de la Laxà presque jusqu'à l'océan Arctique. Quelques autres fissures parallèles, sans activité volcanique visible, sont observables à la surface du champ de lave, montrant le travail régulier de la tectonique extensive dans ce graben.


Carte simplifiée du secteur du lac Mývatn (Islande)

Figure 68. Carte simplifiée du secteur du lac Mývatn (Islande)

Voir aussi le fichier de localisation des sites aux alentours du lac Mývatn.


A. Compléments

Vocabulaire géologique islandais

Borgir : châteaux (souvent, mais pas exclusivement, correspondant à des formations associées à des fissures éruptives)

Dalur : vallée

Fjall : montagne

Hraun : coulée de lave

Vatn : lac

Localisation du lac Mývatn dans le Nord de l'Islande

La localisation des lieux étudiés peut être retrouvée grâce à un fichier kmz recensant les sites aux alentours du lac Mývatn.

Bibliographie et sitographie

Un article très complet, en français et en accès libre, de Michel Detay et Björn Hróarsson sur la Mise en place des pāhoehoe par tubes et tunnels de lave : concept et signatures volcano-géomorphologiques.

L'article de A. Skelton, Dimmuborgir: a rootless shield complex in northern Iceland, publié en 2016 dans le Bulletin of Volcanology, décrit bien la mise en place du site de Dimmuborgir, sans faire intervenir le phréatomagmatisme dans la genèse des colonnes.

L'article de F. Boreham, Linking lava flow morphology, water availability and rootless cone formation on the Younger Laxà Lava, NE Iceland (accès libre), publié en 2018 dans le Journal of Volcanology and Geothermal Research, décrit la mise en place des pseudocratères le long de la coulée Jeune Laxà.

Une carte géologique du secteur du lac Mývatn, un peu ancienne mais détaillée.

On trouve sur Planet-Terre d'assez nombreux articles sur l'Islande, destination incontournable des amateurs de géologie, traitant de divers aspects.

Le Guide des volcans d'Europe et des Canaries, de Maurice Krafft et François-Dominique de Larousière, bien qu'un peu daté (la dernière édition remonte à 1999), reste une précieuse source d'informations.