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"Elle se montre comme une grande flamme, vue de loin, produite par un violent incendie ; de cette fumée semblent s'élancer en l'air pointes aiguës de hauteurs inégales"

Extrait du Miroir du Roi

Du Moyen-Âge à la Renaissance

En Europe, au Moyen-Âge, les aurores polaires de couleur rouge étaient associées au sang et à la guerre, elles étaient censées annoncer les catastrophes (certaines interprétations les voyaient mêmes comme un moyen pour les guerriers du Ciel de raconter leurs combats). Elles étaient donc vues comme des moyens de communication entre le Ciel et les hommes. Les aurores polaires étaient alors observées, en grande majorité, par les navigateurs, qui s’approchaient plus facilement des pôles.

 

Pendant cette période, des scientifiques ou même des ecclésiastiques tentèrent de se pencher sur la question, en essayant de comprendre le phénomène. Par exemple, Grégoire de Tours (538-594, évêque de Tours), auteur de l'Histoire des Francs (livre considéré comme la première histoire de France), fît le constat dans son livre de certains événements que l'on peut considérer comme des aurores boréales. Il fut également le premier à utiliser le terme d'aurore pour les décrire en 584 (il compara une aurore boréale avec « l’aurore matinale Â»). Il les décrit de la façon suivante : « Nous vîmes pendant deux nuits de suite des signes dans le ciel, c'est à dire des rayons de lumière qui s'élevaient de côté de l'Aquilon, ainsi qu'il arrive souvent. Une grande clarté s'empare d'une partie du ciel et sembla le parcourir... Il y avait au milieu du ciel un nuage très lumineux auquel tous les rayons allaient se réunir sous la forme d'une tente dont les bandes, beaucoup plus larges vers le pied, montaient en se rétrécissant jusqu'à son sommet, où elles se réunissaient souvent en une espèce de capuchon ».

 

Il faudra ensuite attendre 1250, dans le livre Le miroir du Roi, écrit par un auteur anonyme (que de nombreuses recherches assimilent à un savant scandinave), pour retrouver la première tentative de description objective et méthodique des aurores, ainsi que la synthèse des différentes théories qui avaient déjà été émises par le passé. On y trouve notamment l'extrait suivant : « Elle se montre comme une grande flamme, vue de loin, produite par un violent incendie ; de cette fumée semblent s'élancer en l'air pointes aiguës de hauteurs inégales Â». Il est aussi écrit « Il arrive parfois semble en jaillir de grosses étincelles, comme un fer rouge qui sort de la forge ». Et enfin « Quelques personnes prétendent que cette lumière est un reflet du feu qui entoure les mers au Nord et au Sud ; d'autres disent que c'est le reflet du soleil quand il est au-dessus de l’horizon ; je pense quant à moi qu'elle est produite par la glace qui rayonne pendant la nuit la lumière qu'elle a absorbée pendant le jour ».

 

Durant la Renaissance, les premières études scientifiques sur les aurores polaires sont réalisées. Les travaux concernant les aurores boréales sont surtout réalisés par des scientifiques européens, ces travaux sont très souvent accompagnés d'excursions (notamment en Scandinavie) à partir du XIIIème siècle pour étudier ces phénomènes dits "magiques". Les scientifiques dépêchés pour les étudier firent des découvertes qu'ils ne purent pas interpréter. Il faut donc attendre encore quelques siècles pour comprendre les aurores.

 

Certains travaux sont cependant menés depuis l'Europe avec notamment Peter Creutzer qui rédige en 1527 un texte qui raconte l'observation d'aurores polaires. Cet écrit est accompagné de gravures sur bois dont celle-ci-contre. Cette gravure nous permet de constater le fait que les aurores étaient toujours associées à un phénomène mystique à l'époque puisqu’on y voit un bras tenant une épée ainsi que des visages d’hommes. Cela laisse suggérer le fait que Peter Creutzer voyait dans les aurores une intervention divine.

 

Mais la première description où ne figure pas des explications ou des observations mystiques fut rédigée par Conrad Gesner (1516-1565) après son observation du phénomène le 6 janvier 1561.

Tycho Brahé (1546-1601), astronome danois, qui avait un intérêt particulier pour les aurores, réalisa un suivi d'une formidable précision du ciel et plus spécifiquement des aurores boréales. Ces observations furent très appréciées par les chercheurs puisqu'elles leur permirent de construire un historique des aurores. Ce recensement permit de définir les cycles, les fréquences du phénomène.

 

Le 14 avril 1561, un phénomène céleste qui resta sans explications durant des siècles se déroula à Nuremberg. Divers chercheurs s’accordèrent pour dire que ce phénomène était simplement une aurore boréale. Cet événement fût notamment rapporté par Hans Glaser dans un prospectus : Flugblatt. On retrouve dans celui-ci une description et une illustration qui reflètent toutes deux les croyances de l’époque selon lesquelles les aurores seraient une intervention divine.

 

On peut notamment souligner cette description : « En l'an 1561 le 14 avril au matin, est apparu sur le soleil alors qu'il se levait une vision effrayante. D'abord sont apparus avec le soleil deux arcs rouge sang comme la lune dans son dernier quartier, en haut et en bas scintillant comme le soleil, et des couleurs de sang de chaque côté. Tout autour du soleil on voyait de nombreuses sphères, de couleur bleuâtre ou ferreuse ou noire. D'autres couleur de sang étaient formées en cercle de chaque côté du soleil […] Mais ce que tous ces signes signifient, Dieu seul le sait. Mais comme nous avons vu se succéder ces derniers temps dans le ciel tant de signes différents que Dieu tout-puissant a fait apparaître — comme s'il voulait nous faire faire pénitence pour notre vie de péchés — nous sommes si ingrats que nous négligeons de tels signes et prodiges, et que nous plaisantons sur le sujet et en faisons fi. Il est à craindre que Dieu nous inflige une terrible punition pour notre ingratitude ».

 

 

Nous pouvons constater l’épouvante de l’auteur suite à ce phénomène qu’il ne peut expliquer autrement que par une intervention divine. Nous notons aussi, en observant la gravure ci-dessus, que les aurores sont des phénomènes très méconnus puisque l’auteur ne sait pas comment les représente (Hans Glaser grave des « tubes Â» de différentes couleurs par lesquels s’échappent des boules colorées). Cependant, on remarque que même à l’époque, on supposait que les aurores étaient étroitement liées au soleil : celui-ci est au centre du tableau et semble projetait des arcs.

 

Le graveur Wolfgang Drechsel a également réalisé des gravures sur bois d’aurores qui sont apparues au-dessus de Nuremberg le 5 octobre 1591. Ces gravures, contrairement à celles d’Hans Glaser, apparaissent comme étant plus réalistes puisqu’on voit des arcs à droite de la gravure. Cette gravure nous permet également de constater la rareté du phénomène : la foule en bas parait surprise et montre du doigt l'aurore.

 

S’ensuit alors un événement d'une importance capital dans la connaissance du phénomène. Pierre de Gassendi (1592-1655), élève de Galilée, employa pour la première fois en 1621 le terme d’aurore boréale. De plus, il se donna l’objectif de décrire de manière objective et scientifique les aurores afin d'abolir les croyances populaires et les superstitions qui persistaient à propos des aurores. Il est notamment témoin d’une aurore dans la nuit du 12 au 13 septembre 1621, qu'il décrit dans son livre Vita Peireskii : « Il y a eu… une clarté remarquable, qui la nuit du 12 au 13, occupa la partie boréale du ciel au point qu’en fût imitée, durant bien des heures, l’aurore la plus éclatante. C’était étonnant, en absence de la lune ; mais apparut comme étant plus étonnant le fait qu’une vapeur émanant de cet endroit et se prolongeant au pôle, se partageât en des sortes de colonnes blanchâtres ou obscures, alternativement disposées et exactement situées à l’horizon ; elles se déplaçaient lentement d’Orient en Occident. Enfin il y eut ce miracle que depuis les blancheurs ; s’élèvent promptement jusqu’au firmament des sortes de pyramides comme des obélisques parfaitement blancs, et que ceux-ci stabilisant, des vapeurs à la fois très minces et très blanches les traversèrent d’un mouvement si rapide qu’elles imitaient l’éclair Â».

 

René Descartes (1596-1650) tenta lui aussi d’expliquer ce phénomène. Il pensait que les aurores étaient dues aux réflexions des rayons du soleil sur des cristaux de glaces dans les nuages polaires. Ainsi, il reprend sans le savoir les hypothèses présentes dans le Miroir du Roi datant du treizième siècle.

 

De 1645 à 1715, aucune observation ne put être réalisée par les savants. En effet, cette période correspond au minimum de Maunder (du nom du physicien qui identifia la plus faible activité solaire). Durant cette période, les conditions nécessaires à la formation des aurores n'étaient pas réunies, et le climat terrestre était assez froid, du moins en Europe, en Amérique du Nord et en Chine (micro période glaciaire). Il faut donc attendre quelques années avant que des études scientifiques très sérieuses ne voient le jour.

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