La nuit dimension oubliée de la ville : entre animation et
insécurité.
Luc Gwiazdzinski
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Luc Gwiazdzinski. La nuit dimension oubliée de la ville : entre animation et insécurité.. Sciences de
l’Homme et Société. Université de Strasbourg, 2002. Français. �tel-00599146�
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publics ou privés.
L'Université Louis Pasteur de Strasbourg n'entend donner aucune approbation ni improbation
aux opinions émises dans les thèses ;
ces opinions doivent être considérées propres à leurs auteurs.
REMERCIEMENTS
Le travail présenté ici a été réalisé grâce au concours de plusieurs personnes qui nous
ont apporté des appuis divers et très précieux.
A Madame C. CAUVIN, Professeur à l'Université Louis Pasteur, qui a dirigé mes
recherches. Sa patience, son expérience, sa rigueur et ses encouragements permanents ont été
une aide précieuse.
A Monsieur H. REYMOND, Professeur à l'Université Louis Pasteur de Strasbourg qui
a bien voulu accepter d'accompagner ce long parcours.
Notre gratitude va également à Monsieur R. KLEINSCHMAGER, Professeur à
l'Université Louis Pasteur, qui nous a montré que l'on pouvait s'impliquer dans la vie de la
Cité et continuer à explorer les marges des systèmes. Nous avons toujours tenté de suivre son
conseil.
A Madame M.-P. MARTINET et M. FRERING qui ont accepté de relire un manuscrit
encore incomplet que l'auteur n'avait plus le courage de parcourir.
A toutes les personnes qui ont contribué aux différentes étapes de cette recherche et
tout particulièrement à Monsieur le Commandant de Police P. LARPENT et à Monsieur
Ch. ANTONI, responsable de l'association PULSAR, qui nous ont permis d'accéder à des
données jusqu'alors inexploitées, à A. LEMERCIER, et à A.-C. BRONNER qui nous a
apporté ses compétences graphiques. A 0. KLEIN et E. BAEHREL qui m'ont aidé à y voir
clair en fin de parcours. A O. OPERIOL qui a blanchi une nuit alors que je finissais de noircir
des pages.
A Richard BOHRINGER. Dis Paulo : « C'est beau une ville la nuit ! »
A toutes les autres personnes encore qu'il est bien difficile de nommer mais qui ont
grandement compté. Que chacun trouve ici l'expression de notre profonde gratitude et de nos
vifs remerciements.
Nous voudrions également exprimer toute notre reconnaissance aux membres de ce
jury qui ont accepté de lire ce long texte.
A mes parents surtout...
TABLE DES MATIERES
1.3.4.4. Cauchemar et terreurs nocturnes
1.3.4.5. Somnambulisme
1.3.5. Une plus grande vulnérabilité physique
1.3.5.1. Un rythme biologique circadien
1.3.5.2. Plus grande vulnérabilité nocturne
1.3.5.3. Baisse de performances
1.3.5.4. Vigilance réduite
1.3.5.5. Sensibilité accrue aux maladies
1.4. LA LIBERTE ET LA TRANSGRESSION
1.4.1. Repos et apaisement
1.4.2. Victoire sur le sommeil
1.4.3. Transgression des normes
1.4.4. Plaisirs dyonisiaques
1.4.5. Contestation de l'autorité
1.4.6. Créativité
1.4.7. Négociation et politique
1.4.8. Un condensé : le paysage audiovisuel
Chapitre 2. UN ESPACE TEMPS LONGTEMPS NÉGLIGÉ
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2.1. LE REGARD PRECURSEUR DES ARTISTES
2.1.1. Peintres de l'impossible
2.1.2. Chantres littéraires
2.1.3. Romanciers noirs
2.1.4. Photographes explorateurs
2.1.5. Cinéastes complices
2.1.6. Subtiles musiciens
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61
64
66
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71
73
2.2. UN OBJET SCIENTIFIQUE PEU ETUDIE
2.2.1. L'illusion de dérive
2.2.2. La quête du philosophe
2.2.3. Les lumières des psychologues
2.2.4. Les représentations des géographes
2.2.5. L'apport essentiel des historiens
2.2.6. La contribution des architectes et techniciens de l'éclairage
2.2.7. Les recherches des biologistes et des médecins
2.2.8. L'approche micro des anthropologues
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75
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2.3. LE SILENCE DES DOCUMENTS D'URBANISME
2.3.1. Des outils limités à l'espace
2.3.2. Des politiques de développement du jour
2.3.3. Un domaine ignoré : la lumière urbaine
2.3.4. De timides ouvertures
2.3.4.1. Les plans de déplacement urbains
2.3.4.2. La loi Aubry II
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2.4. QUELQUES RAISONS APPARENTES
2.4.1. Le sommeil obligatoire
2.4.2. La télévision qui attire
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87
87
TABLE DES MATIERES
• Table des matières
• Table des figures
• Avant-propos
INTRODUCTION GENERALE
• Une hypothèse
19
PREMIERE PARTIE : LA NUIT URBAINE, UN ESPACE-TEMPS A
REPENSER
Introduction
19
Chapitre 1 - LA NUIT : UNE NOTION FLOUE ET AMBIGUË
21
1.1. LES REPERES CHANGEANTS DE L'ASTRONOMIE
1.1.1. Un intervalle de temps sans lumière
1.1.2. Une obscurité paradoxale
1.1.3. Une discontinuité essentielle
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23
24
1.2. UN SYMBOLE NEGATIF
1.2.1. La métaphore nocturne de l'ignorance
1.2.2. Le pouvoir ne dort jamais
1.2.3. La révolution contre la nuit
1.2.4. La mémoire tragique des peuples
1.2.4.1. Les nuits sanglantes de l'histoire
1.2.4.2. La litanie des catastrophes
1.2.4.3. Le souvenir des guerres
1.2.4.4. Le froid qui tue
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30
1.3. UNE ANGOISSE MILLENAIRE
1.3.1. La mauvaise réputation héritée des mythes créateurs
1.3.1.1. Genèse
1.3.1.2. Autres mythes
1.3.2. Le poids des superstitions
1.3.2.1. Perte morale
1.3.2.2. Dangers et maléfices
1.3.3. Une peur toujours présente
1.3.3.1. Des événements symptomatiques
1.3.3.2. Phobie de la nuit
1.3.3.3. Peur de sortir la nuit
1.3.3.4. Peur de l'obscurité
1.3.4. Les fondements de la peur
1.3.4.1. L'absence de lumière
1.3.4.2. Absence de témoins
1.3.4.3. Isolement social et séparation
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2.4.3. La consommation de psychotropes
Chapitre 3 - LA LENTE CONQUETE DE LA NUIT URBAINE
3.1. DU FEU A LA LUMIERE URBAINE
3.1.1. Antiques lueurs
3.1.2. Ténèbres du Moyen-Age
3.1.3. Premières lueurs
3.1.4. Généralisation de l'éclairage urbain
3.1.5. Mutations techniques des XVIIIe et XIXe siècles
3.1.6. Avènement de la fée électricité
3.1.7. De l'approche fonctionnaliste à l'identité nocturne
3.1.8. Nouvelle approche de la lumière et de la nuit urbaine
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90
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98
3.2. DES VIGILES AUX CAMERAS
3.2.1. Couvre-feu médiéval
3.2.2. Guetteurs urbains
3.2.3. Affirmation de l'Etat et contrôle policier
3.2.4. Maillage policier du territoire
3.2.4.1. La Police Nationale
3.2.4.2. La gendarmerie
3.2.4.3. Les Polices Municipales
3.2.5. Entre sécurité privée et caméras permanentes
99
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103
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104
105
105
3.3. LE DEVELOPPEMENT DE LA VIE NOCTURNE
3.3.1. Moyen-Age : la fête comme exorcisme
3.3.2. Joutes de la renaissance
3.3.3. Culture nocturne baroque
3.3.4. XIXe siècle libéré
3.3.5. De Saint-Germain aux Free Parties
3.3.6. La poursuite de la conquête
107
107
108
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114
115
Chapitre 4 DES PRESSIONS QUI S'ACCENTUENT
117
4.1. DES MUTATIONS IMPORTANTES
4.1.1. Changement d'échelle
4.1.1.1. Globalisation temporelle
4.1.1.2. Mise en réseau planétaire
4.1.2. Individualisation des modes de vie
4.1.3. Développement des technologies de l'information et de la
communication
4.1.4. Diminution du temps de travail et transformation du travail
4.1.5. Accroissement du temps libre
4.1.6. Accélération du temps
4.1.7. Chasse aux temps morts
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117
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122
4.2. UN GLISSEMENT DES ACTIVITES VERS LA NUIT
4.2.1 . Développement du travail de nuit
4.2.1.1. Entreprises en continu
4.2.1.2. Développement du fret nocturne
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128
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4.2.1.3. Progression du travail de nuit
4.2.2. Développement d'une offre continue
4.2.2.1. Développement des services 24h/24
4.2.2.2. Fin du couvre-feu médiatique
4.2.2.3. Développement de la distribution automatique
4.2.2.4. Multiplication des nocturnes
4.2.3. Développement d'une économie de la nuit
4.2.4. Apparition d'une culture urbaine nocturne
4.2.4.1. Nouvelle esthétique
4.2.4.2. Nouvelle sociabilité
4.2.5. L'intérêt nouveau des collectivités
4.2.5.1. Nouvelle approche de la lumière
4.2.5.2. Multiplication des sons et lumières
4.2.5.3. Développement des transports en soirée et la nuit
4.2.5.4. Organisation d'événements nocturnes
4.2.5.5. Lancements de réflexions locales
4.2.5.6. D'autres expériences en Europe
4.2.6. Des évolutions législatives
4.2.6.1. Autorisation des perquisitions de nuit
4.2.6.2. Autorisation du travail de nuit des femmes
4.2.6.3. Autorisation de la chasse de nuit
4.2.7. Evolution des rythmes biologiques
4.2.7.1. Diminution du temps de sommeil
4.2.7.2. Décalage de l'heure d'endormissement
4.2.7.3. Démarrage plus tardif des soirées
4.2.7.4. Des substances pour aller plus loin
4.2.8. Un intérêt nouveau des médias
4.2.9. De nouvelles investigations
4.2.7.1. Quelques publications récentes
4.2.7.2. Des rapports qui évoquent la question temporelle
4.2.7.3. Des colloques et séminaires
4.2.7.4. Des études en cours
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162
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164
4.3. DES CONFLITS QUI APPARAISSENT
165
4.3.1. Décalages horaires
166
4.3.1.1. Dégâts du travail de nuit
166
4.3.1.2. troubles liés à l'heure d'hiver
166
4.3.1.3. Décalages horaires
167
4.3.2. Lumières urbaines : la nuit confisquée
168
4.3.3. Le bruit nocturne
170
4.3.4. Violences urbaines et insécurité
173
4.3.5. Accidents de circulation
174
4.3.6. Décalage social et générationnel
174
4.3.7. Débats autour du commerce nocturne
177
4.3.8. D'autres conflits dans la nuit
178
4.3.9. D'autres tensions prévisibles
178
4.3.9.1. Demande d'allongement des durées d'utilisation des services . 179
4.3.9.2. Surenchère lumineuse et qualité des illuminations
179
4.3.9.3. Banalisation de la nuit
179
4.3.9.4. Risques physiques et sociaux
180
4.4. LES PREMIERES REACTIONS
4.4.1. Protection du ciel nocturne
4.4.2. Arrêtés municipaux contre le bruit
4.4.3. Retour du couvre-feu pour les mineurs
Chapitre 5. DES INVESTIGATIONS NECESSAIRES
180
180
180
182
187
5.1. LE CONTEXTE NOUVEAU DE LA VILLE CONTEMPORAINE
5.1.1. Règne de l'urbain
5.1.2. Rôle politique et économique renforcé
5.1.3. Difficultés à cerner la ville
5.1.3.1. Etre sans lieux ni bornes
5.1.3.2. Concepts nouveaux et mal fixés
187
187
188
190
190
190
5.2. UNE APPROCHE NOUVELLE : LES TEMPORALITES URBAINES
5.2.1. Difficultés à réfléchir dans l'espace et le temps
5.2.1.1. Des concepts relatifs
5.2.1.2. Des bouleversements
5.2.1.3. Un champ de recherche encore peu balisé
5.2.1.4. Les formes d'une pulsation urbaine
5.2.2. Les pionniers de la géographie du temps
5.2.2.1. Un thème nouveau pour les géographes
5.2.2.2. Les Time-geographer
5.2.2.3. D'autres notions d'espace-temps en géographie
5.2.2.4. Les premières expériences françaises des années 70
5.2.3. Un intérêt nouveau pour le temps
5.2.3.1. Les interrogations des chercheurs
5.2.3.2. Les premières expériences italiennes
5.2.3.3. L'exemple allemand
5.2.3.4. D'autres expériences européennes
5.2.3.5. Nouveaux rendez-vous nationaux
5.2.3.6. Un débat ouvert
5.2.3.7. Des intérêts multiples
194
194
195
195
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196
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204
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209
Chapitre 6. LA VILLE LA NUIT ENTRE INSECURITE ET LIBERTE211
6.1. UNE NOTION RELATIVE : LA LIBERTE
6.1.1. Un mystère
6.1.2. La diversité des sens
6.1.3. Le cadre d'un Etat de droit
211
211
212
214
6.2. UN PHENOMENE COMPLEXE : L'INSECURITE
6.2.1. La violence
6.2.1.1. Un phénomène multiforme
6.2.1.2. Une forte médiatisation
6.2.1.3. Une préoccupation majeure des citoyens
6.2.1.4. Une prise de conscience des politiques
6.2.2. Une évolution contrastée
6.2.2.1. Diminution de la violence sur le long terme
216
216
216
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217
218
219
219
6.2.2.2. Progression de la criminalité depuis l'après -guerre
6.2.2.3. Légère diminution en France ces dernières années
6.2.2.4. Développement des incivilités
6.2.2.5. Apparition et explosion des violences urbaines
6.2.3. Un problème d'évaluation
6.2.4. Insécurité et sentiment d'insécurité
6.2.4.1. Première définition
6.2.4.2. Décalage entre insécurité et sentiment d'insécurité
6.2.4.3. Le rôle particulier des médias
6.3 UN CITOYEN ECARTELE
6.3.1. Besoins des individus
6.3.2. Motivations des individus
6.3.3. Mobilités associées
220
222
223
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230
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232
233
234
Chapitre 7 : DES INFORMATIONS AUSSI SOMBRES QUE LANUIT
7.1. UN CADRE CONCEPTUEL
7.1.1. Une grille de lecture : l'approche systémique
7.1.1.1. Cadre conceptuel
7.1.1.2. Approches analytique et systémique
7.1.1.3. Aspects fonctionnels de l'approche systémique
7.1.1.4. Le choix de la décomposition systémique
7.1.2. La ville en tant que système
7.1.2.1. Définition globale
7.1.2.2. Fonctions du système urbain
7.1.2.3. Matérialisation dans l'espace urbain
7.1.2.4. Premier repérage de sous-systèmes
240
240
241
243
243
244
245
245
247
247
247
7.2. UN CHANGEMENT DE PARADIGME
7.2.1. La ville, être urbain à quatre dimensions
7.2.1.1. La ville labyrinthe
7.2.1.2. Un labyrinthe à quatre dimensions
7.2.2. Une citoyenneté en continu temporel
7.2.2.1. Nouveaux cadres pour la citoyenneté
7.2.2.1. Droit à la ville
7.2.3. Un espace public en continu temporel
7.2.3.1. Une définition restrictive
7.2.3.2. La notion d'espace collectif urbain
249
250
251
251
253
253
254
256
256
256
7.3. DES DONNEES A CREER
7.3.1. Un champ d'investigation limité
7.3.2. Le choix d'une unité d'espace et de temps
7.3.2.1. Un cadre d'étude restreint : la métropole strasbourgeoise
7.3.2.2. Physionomie de l'agglomération strasbourgeoise
7.3.2.3. Le contexte de la politique de la ville et des politiques
de sécurité
7.3.3. La recherche de données spécifiques et adaptées
7.3.4. Des difficultés de collecte des informations
259
259
260
260
264
265
266
272
7.4. UNE METHODE
7.4.1. Collecte d'une information très diversifiée
7.4.1.1. Informations sur l'offre urbaine
7.4.1.2. Informations sur le fonctionnement de la ville
7.4.1.3. Informations liées à la sécurité et à l'insécurité
7.4.2. Nécessité de structurer l'information
7.4.3. Exploitations spatiale et temporelle
7.4.3.1. Construction
7.4.3.2. Des graphiques et des cartes de première approche
7.4.3.3. Des cartes et graphiques pour l'analyse
7.4.3.4. Des cartes comme révélateurs
7.4.3.5. De nouvelles formes de visualisation
Conclusion partie 1
274
274
274
275
275
278
282
283
283
286
286
297
319
DEUXIEME PARTIE : UN ESPACE TEMPS LIMITE
Introduction
323
Chapitre 1 - LES BORNES DE LA NUIT
325
1.1. BORNES NATURELLES : LE TEMPS DE L'OBSCURITE
1.1.1. Obscurité variable
1.1.2. Température plus basse
1.1.3. Précipitations plus importantes
1.1.4. Vents plus faibles
327
327
328
335
336
1.2. BORNES PHYSIOLOGIQUES : LE TEMPS DU REPOS
1.2.1. Rythmes biologiques circadiens
1.2.2. Emplois du temps liés
1.2.2.1. Temps de sommeil
1.2.2.2. Emploi du temps du citadin
1.2.2.3. Heures d'endormissement et de réveil
339
339
341
341
342
342
1.3. BORNES LEGALES : LE TEMPS DES INTERDITS
1.3.1. Les deux nuits du droit pénal
1.3.2. Activités professionnelles limitées
1.3.2.1. Travail de nuit encadré
1.3.2.2. Limitation des chantiers de travaux publics ou privés
1.3.2.3. Limitation des activités professionnelles
1.3.2.4. Limitation des prestations artistiques sur le domaine public
1.3.3. Commerces et services contrôlés
1.3.3.1. Horaires de fermeture de commerces
1.3.3.2. Horaires de fermeture et d'ouverture des débits de boissons
1.3.3.3. Horaire des terrasses réglementés
1.3.3.4. Horaires des divertissements et bals
1.3.4. Circulation réduite
1.3.4.1. Circulation des poids lourds réduite
345
345
347
347
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349
349
350
350
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354
354
1.3.4.2. Livraisons et trafic aérien interdits
1.3.5. Loisirs limités
1.3.5.1.Activités de bricolage et jardinage réduites
1.3.5.2. Chasse de nuit interdite
1.3.5.3. Pêche de nuit interdite
1.3.6. Sécurité renforcée
1.3.6.1. Bruit ou tapages injurieux ou nocturnes
1.3.6.2. Inviolabilité du domicile
1.3.6.3. Droit à la légitime défense
355
356
356
356
358
359
359
361
363
1.4. BORNES ECONOMIQUES : UN AUTRE ESPACE-COÛTS
1.4.1. Un travail mieux payé
1.4.2. Des tarifs réduits dans l'énergie et les communications
1.4.3. Des tarifs réduits pour le stationnement
1.4.4. Des tarifs plus élevés pour les consommations et les entrées
1.4.4.1. Des tarifs plus élevés pour les consommations
1.4.4.2. Des tarifs plus élevés pour les entrées en discothèques
1.4.5.Des tarifs plus élevés pour l'alimentation
1.4.6. Des tarifs plus élevés pour les honoraires médicaux
1.4.7. Des tarifs plus élevés dans les transports
1.4.8. Des tarifs plus élevés dans les services à domicile
364
364
369
373
374
374
375
375
376
377
378
1.5. BORNES FONCTIONNELLES : UN CREUX
1.5.1. Mise en lumière automatique
1.5.2. Consommations en chute
1.5.3. Communication et médias en baisse
1.5.3.1. Diminution du trafic téléphonique
1.5.3.2. Nuit des ondes et nuit cathodique
1.5.4. Circulation réduite
1.5.4.1. Circulation des piétons
1.5.4.2. Circulation cycliste
1.5.4.3. Circulation routière
1.5.4.4. Circulation autoroutière
1.5.4.5. Absence de transports en commun
1.5.4.6. Activité des taxis ralentie
1.5.4.7. Parkings déserts
1.5.4.8. Diminution du trafic ferroviaire
1.5.4.9. Diminution du trafic fluvial
1.5.4.10. Absence de trafic aéroportuaire
1.5.5. Fréquentation de services ralentie
1.5.6. Nuisances moindres
1.5.7. Services d'urgence en alerte
381
382
383
384
387
387
388
388
388
389
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393
394
395
395
397
397
398
399
400
Chapitre 2 - DES RYTHMES DANS LA NUIT
407
2.1. RYTHMES CIRCADIENS : LA PULSATION URBAINE
2.1.1. La ville respire
2.1.2. Des franges aux limites floues
2.1.2.1. Crépuscule urbain : la ville ferme
408
408
410
410
2.1.2.2. Aube urbaine : la ville ouvre
2.1.3. Des seuils
2.1.3.1. La cloche de 22 heures
2.1.3.2. La permission de minuit
2.1.3.3. Autres seuils
2.1.4. Un creux avec ses rythmes propres
2.1.4.1. Fréquentation des discothèques
2.1.4.2. Fréquentation des bars
410
414
414
415
415
415
416
416
2.2. RYTHMES CIRCAHEBDOM AD AIRES : LE RITE
2.2.1. Etablissements de nuit
2.2.2. Transports
2.2.3. Spectacles
417
417
417
418
2.3. RYTHMES SAISONNIERS
2.3.1. La nuit du Nouvel An
2.3.2. La fête de la musique
2.3.3. Spectacles et animations estivales
2.3.4. Le 14 juillet
2.3.5. La fête de Noël
2.3.6. D'autres nuits
418
419
419
419
420
420
420
2.4. DES RYTHMES PLUS LONGS
2.4.1. La nuit du nouveau millénaire
2.4.2. La nuit en plein jour
423
423
424
2.5. DES ACCIDENTS
2.5.1. Les soirs de victoire des équipes de football
2.5.2. Les soirs d'élections
425
425
425
Chapitre 3 - DES PRESSIONS QUI S'ACCENTUENT
427
3.1. UN OUBLI EFFECTIF
3.1.1. Un enjeu électoral mineur
3.1.2. La nuit oubliée du développement strasbourgeois
3.1.3. Une faible valorisation touristique
427
427
428
429
3.2. STRASBOURG A LA CONQUETE DE SES NUITS
3.2.1. Intérêt croissant des médias
3.2.2. Sur-représentation symbolique
3.2.2.1. Cartes postales
3.2.2.2. Cartes de voeux
3.2.2.3. Multiplication des sons et lumières
3.2.2.4. Développement des nuits thématiques
3.2.2.5. La nouvelle folie Halloween
3.2.2.6. Les 24 heures
3.2.3. Progression de la lumière d'agrément
3.2.3.1. Mise en place d'une charte lumière
3.2.3.2. Multiplication des mises en lumière
3.2.3.3. Tentative d'harmonisation de l'éclairage des vitrines
430
430
445
445
459
459
465
469
469
470
470
470
474
3.2.4. Allongement des périodes de transport
3.2.4.1. Circulation plus tardive
3.2.4.2. Opérations spéciales
3.2.4.3. Des réflexions à long terme
3.2.5. Développement de l'animation et des services
3.2.5.1. Animation nocturne reconnue
3.2.5.2. Mise en réseau de l'économie de la nuit
3.2.5.3. Diffusion d'un journal des noctambules
3.2.5.4. Augmentation des lieux ouverts de nuit
3.2.5.5. Multiplication des nocturnes commerciales
3.2.5.6. Développement des services automatiques 24h/24
3.2.5.7. Des distributeurs de produits frais et chauds
477
477
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478
478
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479
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480
480
481
481
3.3. DES PRESSIONS FORTES
3.3.1. Multiplication des demandes
3.3.2. Progression des dépassements horaires
3.3.3. Augmentation des appels dans les tranches horaires tardives
482
482
487
487
3.4. DES TENSIONS ET DES CONFLITS
3.4.1. Violences urbaines : le révélateur du nouvel an
3.4.1.1. Les dégradations du réveillon
3.4.1.2. Une situation contrastée
3.4.1.3. La caisse de résonance médiatique
3.4.1.4. De la montée en puissance au service après-vente
3.4.1.5. Des explications possibles
3.4.1.6. Des conséquences importantes
3.4.1.7. La confirmation des années suivantes
3.4.2. Nuisances sonores
3.4.2.1. Conflits entre établissements de nuit et riverains
3.4.2.2. Conflits aéroport et riverains
3.4.2.3. Affaires des cyclomoteurs de Barr
3.4.3. Pollution lumineuse
3.4.3.1. Surenchère lumineuse
3.4.3.2. Conflits illuminations-résidents
3.4.3.3. Disparitions
3.4.4. Développement de la prostitution
3.4.4.1. Développement spectaculaire
3.4.4.2. Multiplication des conflits
3.4.5.3. Zones érogènes mobiles
3.4.5. Conflits du travail et outil de pression
3.4.5.1. Grève de nuit des médecins
3.4.5.2. Grogne des policiers municipaux
3.4.5.3. Grève au centre de tri
3.4.5.4. Grève des convoyeurs de fonds
3.4.5.5. Conflits avec les routiers
488
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492
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511
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512
513
513
513
514
Chapitre 4 - UNE PRISE DE CONSCIENCE TARDIVE
4.1. ATTENTES FORTES DE LA POPULATION
519
519
4.2. PREMIERES REPONSES
4.2.1. Mesures prises par l'Etat
4.2.2. Plan d'action des collectivités
4.2.3. Réponse des autres acteurs
Conclusion partie II
520
520
522
524
529
TROISIEME PARTIE : UN SYSTEME SOUS CONTRAINTES
Introduction
Chapitre 1 - UNE LIBERTE ENCADREE
535
537
1.1. UN ESPACE TEMPS MANIPULE PAR LA LUMIERE ET LES
MEDIAS
1.1.1. Caricature médiatique
1.1.2. Relecture par la lumière
1.1.2.1. Révélateur de contrastes
1.1.2.2. Sur valorisation lumineuse du centre-ville
1.1.2.3. Le sommet de Noël
1.1.2.4. L'image de carte postale
537
539
543
543
544
545
546
1.2. OFFRE URBAINE REDUITE DANS LE TEMPS
1.2.1. Distractions spécialisées assurées
1.2.1.1. Lieux de rencontre ouverts
1.2.1.2. Spectacles et divertissements privilégiés
1.2.2. Protection et sécurité assurées
1.2.3. Services de santé garantis
1.2.4. Offre culturelle limitée
1.2.5. Offre sportive et socio-éducative limitée
1.2.6. Offre commerciale très réduite
1.2.7. Offre de restauration limitée
1.2.8. Culte impossible
1.2.9. Offre éducative en sommeil
1.2.10. Services publics et administratifs absents
1.2.11. Les premiers éléments d'une ville en continu
1.2.11.1. Services et industries en continu temporel
1.2.11.2. Services d'urgence
1.2.11.3. Services en ligne
1.2.11.4. Les distributeurs automatiques
1.2.12. Des éléments du mobilier urbain
563
563
563
571
571
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589
589
593
593
594
596
1.3. ANIMATION ET OFFRE URBAINE REDUITE DANS L'ESPACE
1.3.1. Lieux de nuit concentrés
1.3.2. Lieux typés
599
600
603
1.4. UN ESPACE PUBLIC REDUIT
1.4.1. Des espaces qui restent accessibles
1.4.2. Des espaces devenus inaccessibles
1.4.3. Un espace public vertical sublimé
1.4.4. D'autres espaces intermédiaires investis
1.4.5. Quelques espaces publics d'usages très contrastés
1.4.6. Une qualité moindre des espaces collectifs
604
604
604
607
607
608
609
1.5. UN ESPACE SPECIALISE A L'ACCES LIMITE
1.5.1. Sélection en fonction de la tenue
1.5.2. D'autres modes de sélection
610
610
613
1.6. TRANSPORT : UNE ACCESSIBILITE LIMITEE
1.6.1. Accessibilité interurbaine réduite
1.6.1.1. Transport par bus inexistant
1.6.1.2. Transport ferroviaire réduit
1.6.1.3. Aéroport fermé
1.6.2. Accessibilité intra-urbaine très limitée
1.6.2.1. Transports publics arrêtés
1.6.2.2. Taxis moins nombreux et plus chers
1.6.3. Une accessibilité générale réduite
1.6.3.1. Temps d'accès allongé
1.6.3.2. Un différentiel international-régional
1.6.3.3. Un coût augmenté
1.6.4. Un archipel d'îlots dans la nuit
1.6.4.1. Des enceintes physiques à l'intérieur
1.6.4.2. Des quartiers isolés
1.6.4.3. Des enceintes spatio-temporelles extérieures
614
619
619
619
620
621
621
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623
623
623
624
624
624
1.7. ACTIVITES LIMITES ET EMPLOIS SPECIALISES
629
1.7.1. Individus en temps physiologique et en temps libre
1.7.1.1. Insomniaques et somnambules
1.7.1.2. Noctambules
1.7.2. Individus en temps contraint
1.7.2.1. Des emplois dans la sécurité
1.7.2.2. Santé
1.7.2.3. Industrie
1.7.2.4. Distractions
1.7.2.5. Approvisionnement
1.7.2.6. Urgence et dépannage
1.7.2.7. Restauration
1.7.2.8. Transports
1.7.2.9. Nettoyage
1.7.2.10 De nouvelles pistes
1.7.3. Les acteurs du monde animal
Chapitre 2 - INSECURITE RELATIVE
629
629
630
630
630
635
637
637
638
638
639
639
639
639
640
645
2.1. LE CONTEXTE GENERAL DE LA DELINQUANCE DANS LA ZONE DE
SECURITE PUBLIQUE
645
2.1.1. Diminution de la délinquance générale
645
2.1.2.1. Structure de la délinquance
646
2.1.2.2. Première sectorisation de la délinquance
646
2.1.2.3. Rythmes et saisonnalités de la délinquance
647
2.1.2. Augmentation de la délinquance de voie publique
648
2.1.3. Explosion des violences urbaines
648
2.1.3.1. Incendies de véhicules à Strasbourg
649
2.1.3.2. Saisonnalités des incendies de voitures
649
2.1.3.3. sectorisation des feux de voitures
650
2.1.4. Autres dégradations
650
2.1.5. Autres actes délictueux
651
2.2. MORTALITE NOCTURNE RELATIVEMENT FAIBLE
652
2.3.DELINQUANCE MOINS IMPORTANTE QU'EN JOURNEE
2.3.1. Vols à mains armées
2.3.2. Vols à la roulotte
2.3.3. Vols de véhicules automobiles
2.3.4. Vols avec violences physiques
2.3.5. Dégradations diverses
2.3.6. Agressions
2.4.INCIVILITES SUR LES MARGES TEMPORELLES
2.4.1. Nuisances et tapages nocturnes
2.4.2. Incidents dans les transports en commun en soirée
2.4.3. Dégradations nocturnes
2.4.4. Incidents relevés par les correspondants de nuit
653
654
655
655
656
656
657
658
658
659
665
666
2.5.CAMBRIOLAGES NOCTURNE ET CAMBRIOLAGES DIURNES
2.5.1. Cambriolages d'habitations en journées
2.5.2. Cambriolages d'établissements de nuit
666
667
667
2.6. VIOLENCES URBAINES SUR LES MARGES
667
2.6.1. Une violence centrée sur le début de nuit
668
2.6.2. Une comparaison nationale
669
2.6.2.1. Fluctuations horaires
669
2.6.2.2. Différences en fonction des alternances saisonnières nuit-jour.... 669
2.6.2.3. Fluctuations horaires en fonction de la nature des victimes
670
2.6.3. Des comparaisons internationales
670
2.6.3.1. Rythmes circadiens de la délinquance constatée à Newcastle
671
2.6.3.2. Rythmes circadiens de la délinquance constatée à New-York
671
2.6.4. Des violences urbaines localisées en périphérie
672
2.7. INSECURITE ROUTIERE RELATIVE
2.7.1. Accidents mortels sur le réseau routier
2.7.2. Accidents diurnes sur les voies rapides urbaines
2.7.3. Accidents diurnes hors de la ville
2.7.4. Accidents en milieu urbain
677
677
677
678
679
2.8. AUTRES VIOLENCES ET ACCIDENTS
2.8.1. Suicides
2.8.2. Autres accidents
Chapitre 3 - LA NUIT, UN ESPACE-TEMPS PARTICULIER A MODELISER
680
680
682
689
3.1. LES CARACTERISTIQUES D'UN FRONT PIONNIER
689
3.1.1. Un espace en friche qui reste à explorer
690
3.1.1.1. Accessibilité limitée
691
3.1.1.2. Caricature de la société
691
3.1.1.3. Un territoire difficile à contrôler
692
3.1.1.4. Des figures classiques
693
3.1.2. Une conquête progressive
694
3.1.3. Des discontinuités
695
3.1.3.1. Une progression inégale dans le temps
695
3.1.3. 2.Une progression inégale dans l'espace
696
3.2.3.3. Une nouvelles géographie
696
3.1.4. Des conflits sur la ligne de front
701
3.1.4.1 .Conflits entre la ville circadienne et la ville en continu
701
3.1.4.2. Conflits entre la ville circadienne et la ville qui s'amuse au centreville
702
3.1.4.3. Violences urbaines dans les quartiers périphériques
702
3.1.5. Conséquences : des désynchronisations spatio-temporelles
705
3.1.5.1. Des tensions sur les marges
706
3.1.5.2. Des services et des réponses mal adaptés
709
3.2. VERS UNE MODELISATION
3.2.1. Contraintes d'accessibilité à la nuit liées à l'individu
3.2.2. Contraintes d'accessibilité liées à la ville
Chapitre 4. RETOUR AUX HYPOTHESES DE TRAVAIL
715
716
717
721
4.1. COLONISATION PROGRESSIVE DE LA NUIT URBAINE
722
4.2. LIBERTE ENCADREE ET INSECURITE RELATIVE
4.2.1. Liberté encadrée
722
722
4.2.2. Insécurité relative
725
4.3. FONCTIONS DE LA VILLE : UN SYSTEME URBAIN AMPUTE
726
4.4. DROIT A LA VILLE : UNE CITOYENNETE DISCONTINUE
727
Conclusion partie III
729
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES
730
TABLE DES FIGURES
TABLE DES FIGURES
Partie I - LA NUIT URBAINE, UN ESPACE-TEMPS A REPENSER
Figure 1.1
Schéma logique de la démarche
Figure 1.2
Couverture d'un ouvrage pour enfant
Figure 1.3
Durée des séances publiques du Sénat depuis 1996
Figure 1.4
La Bibliothèque idéale d'un voyageur insomniaque
Figure 1.5
Grandes dates de la Police Nationale
Figure 1.6
Mutations qui affectent les temps et les territoires
Figure 1.7
Temps de travail et structure du temps de travail en Europe
Figure 1.8
Travail de nuit dans les service public en pourcentage
Figure 1.9
La travail de nuit
Figure 1.10
Services automatiques en continu
Figure 1.11
Distributeurs automatiques
Figure 1.12
Quelques oasis de temps continu dans la monde
Figure 1.13
Cartes postales de villes la nuit
Figure 1.14
Plymouth by Night
Figure 1.15
La terre vue du ciel, l'Europe
Figure 1.16
Tableau « Usages de la ville la nuit »
Figure 1.17
Les notions d'espace-temps
Figure 1.18
Evolution de la criminalité constatée en France de 1998 à 1997
Figure 1.19
Evolution des quatre grandes catégories d'infractions
Figure 1.20
Les degrés de violence urbaine
Figure 1.21
Faits de violences dans les départements sensibles
Figure 1.22
Evolution des faits de violences urbaines dans les départementssensibles
Figure 1.23
Criminalité et sentiment d'insécurité
Figure 1.24 ... Schéma d'apparition des barrières dans la ville
Figure 1.25
Des structures différenciées
Figure 1.26
Le Droit à la ville
Figure 1.27
Espaces collectifs urbains
Figure 1.28
Communauté Urbaine de Strasbourg
Figure 1.29
Agglomération de Strasbourg - carte de repérage
Figure 1.30
Population de l'agglomération strasbourgeoise
Figure 1.31
Agglomération de Strasbourg, répartition densitaire
Figure 1.32
Informations sur l'offre urbaine
Figure 1.33
Informations sur les bornes de la nuit
Figure 1.34
Information sur les bornes économiques de la nuit
Figure 1.35
Informations sur l'insécurité
Figure 1.36
Exemple de tableau d'information brute
Figure 1.37
Tableau origine
Figure 1.38
Représentation cartographique : schéma d'organisation des données
Figure 1.39
Tableau avec codage
Figure 1.40
Courses taxi sur 24 heures, Histogramme horaires
Figure 1.41
Courses taxi sur 24 heures, radars horaire
Figure 1.42
Courses en taxi total
Figure 1.43
Courses en taxis par tranches horaires
Figure 1.44
Courses taxi espace nocturne
Figure 1.45
Courses taxi espace diurne
15
41
57
67
103
119
130
131
132
135
139
141
147
149
171
176
200
222
222
225
226
227
230
235
248
255
258
261
267
271
269
275
276
277
278
278
281
279
282
284
284
287
289
291
293
Figure 1.46
Figure 1.47
Figure 1.48
Figure 1.49
Figure 1.50
Figure 1.51
Figure 1.52
Figure 1.53
Figure 1.54
Figure 1.55
Figure 1.56
Animation - bars
295
Courses taxi ellipse standard, Total des courses / espace nocturne / espace
diurne
299
Courses taxi ellipse standard
301
Courses taxis distance au centre total
303
Courses taxi graphique distance au centre par tranche horaire
305
Courses taxi carroyage de 14 h à 15 heures
307
Courses taxis carroyage par tranche horaire
309
Courses taxis de 14h à 15 h interpellations 2D
311
Courses taxis interpollation, représentation 3D
313
Courses taxis total, transformation cartographique de poids
315
Courses taxis par tranche horaire,
transformation cartographique de poids
317
Partie II - UN ESPACE-TEMPS LIMITE
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
II. 1
Bornage temporel de la nuit urbaine
II.2
Un jour sur la terre
II.3
Les temps variables de la nuit (le jour)
II.4
Les temps variables de la nuit (la nuit)
II.5
Evolution de l'heure d'été
II.6
Bornes naturelles, températures
II.7
Bornes naturelles, précipitations
II.8
Bornes naturelles, vent
II.9
Bornes naturelles, radar
II. 10 Durée moyenne du sommeil
II. 11 La journée des actifs citadins de 18 à 64 ans
II. 12 Horaires de lever et de coucher dans les maisons de retraite
II. 13 Horaires de lever et de coucher dans les couvents
II. 14 Autorisation d'ouverture tardive
II. 15 Bornes légales
II. 16 Bornes économiques, Evolution indicée
II. 17 Le prix de 1 ' électricité
II. 18 Tarif horaire du téléphone
II. 19 Tarif horaire de 1 'Internet
11.20 Tarif horaire de l'Internet, évolution indicée
11.21 Prix d'entrée en discothèque, évolution indicée
11.22 Comparatif de prix alimentaires
11.23 Majoration des honoraires médicaux
11.24 Coût des consultations médicales
11.25 Prix des taxi
11.26 Prix du dépannage et de la fourrière
11.27 Prix des ambulances
11.28 Coût d'intervention d'un installateur sanitaire
11.29 Coût de services à domicile
II.30 Jour et Non-Jour
II.31 .. Edifices et sites illuminés
11.32 Bornes fonctionnelles, consommation
11.33 Bornes fonctionnelles, consommation
320
323
325
327
322
322
329
330
331
335
336
338
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3 63
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370
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371
372
372
372
373
373
375
377
379
378
Figure 11.34 Bornes fonctionnelles, circulation vélo
Figure 11.35 Bornes fonctionnelles, circulation routière
Figure 11.36 Mesure du trafic autoroutier, voitures journalier
Figure 11.37 Bornes fonctionnelles, circulation autoroute
Figure 11.38 Bornes fonctionnelles, circulation tramways
Figure 11.39 Fréquence des tramways
Figure 11.40 Bornes fonctionnelles, appels et courses taxi
Figure 11.41 Bornes fonctionnelles, fréquentation parking
Figure 11.42 Fréquence des trains
Figure 11.43 Arrivée des trains
Figure 11.44 Bornes fonctionnelles, aéroport
Figure 11.45 Trafic de l'aéroport de Strasbourg
Figure 11.46 Bornes fonctionnelles, fréquentation de services
Figure 11.47 Niveaux sonores leq mesurés au 15 rue des Francs Bourgeois
Figure 11.48 Appels 17 nécessitant une intervention
Figure 11.49 Heures d'admission des malades aux urgences
Figure 11.50 Limites temporelles de la nuit urbaine
Figure II.50.bis - Strasbourg ferme
Figure II.51 Strasbourg ferme
Figure 11.52 La ville ferme
Figure 11.53 La ville ouvre
Figure 11.54 Nombre d'entrées par semaine
Figure 11.55 Nombre d'appels taxi
Figure 11.56 Terrasses
Figure 11.57 Projet de fête de la nuit à Strasbourg
Figure 11.58 Bars de nuit à Strasbourg
Figure 11.59 La nuit dans la presse régionale
Figure 11.60 Images médiatiques de la nuit strasbourgeoise
Figure 11.61 DHL : la nuit, le bruit nuit
Figure 11.62 Les nuits de la discorde
Figure 11.63 Nuit chaude au Neuhof
Figure 11.64 La prostitution interdite de stationnement
Figure 11.65 Les nuits sauves
Figure 11.66 L'alcool, la nuit, la fête... le drame
Figure 11.67 Les plumes de la nuit
Figure 11.68 Sous les projecteurs
Figure 11.69 Bus de nuit
Figure 11.70 SOS sans-abri : un peu de soleil dans la nuit
Figure 11.71 Des massages très spéciaux
Figure 11.72 3000 m2 d'entrepôts détruits
Figure 11.73 Carte de vœux d'institutions strasbourgeoises
Figure 11.74 Sons et lumières
Figure 11.75 Nuits culturelles
Figure 11.76 Nuits du sport
Figure 11.77 Quelques monuments illuminés dans la nuit strasbourgeoise
Figure 11.78
Nocturnes commerciales
Figure 11.79 Distributeurs de boissons
Figure 11.80 Etablissements bénéficiant d'une ouverture tardive
Figure II.81 Carte autorisation ouverture tardive
FigureII.82
Comparatif des incidents du réveillon
383
384
385
387
388
388
389
390
390
390
391
392
393
394
395
396
397
399
405
407
408
411
412
415
422
423
427
428
429
431
433
435
437
439
441
443
445
447
449
451
455
457
459
463
467
475
478
480
481
484
Figure 11.83
Figure 11.84
Figure 11.85
Figure 11.86
FigureII.87
Figure 11.88
Figure 11.89
Figure 11.90
Figure 11.91
Figure 11.92
Feux de voitures recensés en 1997
Les retombées du Nouvel An dans la presse nationale
Localisation des plaintes 1996-1997
Images du conflit entre riverains de l'aéroport et le transporteur DHL
Conflits en périphérie
Conflits au centre-ville
Conflits le long des axes
Conflits en banlieues
Les campagnes anti-bruit de la ville
Des pressions sur la nuit urbaine
484
487
498
501
509
510
510
511
519
525
Partie III - UN SYSTEME SOUS CONTRAINTES
Figure III. 1
Figure III.2
Figure III.3
Figure III.4
Figure III.5
Figure III.6
Figure III.7
Figure III.8
Figure III.9
Figure III. 10
Figure III. 11
Figure III. 12
Figure III. 14
Figure 111.13
Figure III. 15
Figure III. 16
Figure m . 17
Figure III. 18
Figure III. 19
Figure III.20
Figure 111.21
Figure 111.22
Figure 111.23
Figure 111.24
Figure 111.25
Figure 111.26
Figure 111.27
Figure 111.28
Figure 111.29
Figure 111.30
Figure III.31
Figure 111.32
Figure III.33
Figure 111.34
Figure III.35
Figure III.36
Schéma logique d'apparition de barrières
Première esquisse d'un schéma d'apparition des barrières
Lumières
Lumières - Lieux éclairés
Distance au centre
Illuminations de Noël
Illuminations de Noël, cartographie
Le paradoxe strasbourgeois
Cartes postales de nuit les plus vendues
Espace des représentations
Système d'offre urbaine amputé
Quelques lieux de nuit
Lieux en taux internes
Lieux de loisirs et distractions ouverts
Lieux de culture
Lieux effectifs
Santé, effectifs
Principaux équipements culturels
Séances de cinéma
Horaires d'ouverture de quelques salles de gymnastique
Commerces alimentaires effectifs
Animation industrie
Heure de diffusion des médias installés à Strasbourg
Services en ligne
Services automatiques en continu
Offre urbaine limitée
Animation bars, cartographie horaire
Animation restaurants, cartographie horaire
Lieux du sommeil
Lieux- transports interurbains
Espaces collectifs ségrégés
Système de mobilité amputé
Les portes de la ville
Lieux transports interurbains
Lieu transport intra-urbain
Arrivée et départ des bus en gare routière de Strasbourg
539
541
547
549
551
553
555
557
559
561
565
567
569
564
573
575
581
578
580
583
587
591
590
593
597
599
601
605
611
613
614
615
617
616
617
619
Figure III. 3 7
Figure 111.38
Figure III. 3 9
Figure III.40
Figure 111.41
Figure 111.42
Figure IÏI.43
Figure 111.44
Figure 111.45
Figure 111.46
Figure 111.47
Figure 111.48
Figure 111.49
Figure 111.50
Figure III.51
Figure III.52
Figure 111.53
Figure III.54
Figure III.55
Figure III. 5 6
Figure III.57
Figure III.58
Figure 111.59
Figure 111.60
Figure III.61
Figure 111.62
Figure III.63
Figure 111.64
Figure 111.65
Figure III.66
Figure 111.67
Figure 111.68
Figure III. 69
Figure 111.70
Figure III. 71
Figure III.72
Figure 111.74
Figure 111.75
Figure 111.76
Figure III.76a
Figure 111.77
Figure 111.78
Figure 111.79
Figure 111.80
Figure III.81
Figure III. 82
Figure 111.83
Figure III.84
Figure III. 85
Figure III.86
Arrivée des trains en gare de Strasbourg
Départ des trains de la gare de Strasbourg
Arrivée des vols extrêmes en semaine
Circulation des transports en commun
Données sur les taxis strasbourgeois
Stations taxi
Déplacements limités
Durée de l'interruption de trafic (départ)
Durée de l'interruption de trafic (arrivée)
La figure de l'archipel nocturne
Espace des pratiques
Travail de nuit
Hommes, effectifs
Personnels des hôpitaux de Strasbourg, un jeudi de novembre
Personnel employé par l'Hôpital civil par tranche horaire
Principales entreprises industrielles employant des salariés la nuit
Employés dans des lieux de loisirs
Heures d'ouverture (du lundi au samedi)
Services d'urgence
Personnel des restaurants
Contraintes liées à la ville
Structure de la délinquance constatée
Délinquance mensuelle constatée
Sectorisation des vols avec violence
Feux de voitures en 1997
Sectorisation des incendies de voitures
Intervention des pompiers
Trafic de stupéfiants
Décès naissances par tranches horaires
Délinquance de voie publique horaire
Délinquance de voie publique
Vols à mains armées
Vols à la roulotte
Vols de véhicules automobiles
Vols avec violences physiques
Dégradations diverses
Dégradations diverses
Incivilités, nuisances olfactives - radars
Incidents dans les transports publics
Agression avant guerre
Dégradation du mobilier urbain
Cambriolages d'habitations par tranches horaires en 1998
Incidents
Violences urbaines (en %)
Délinquance constatée à Newcastle
Délinquance constatée à New-York
Incendies de véhicules, d'abribus, de poubelles, de gloriettes
Feux de véhicules
Incidents - pourcentages
Accidents de circulation sur les voies rapides urbaines
620
620
620
621
621
622
622
623
623
626
627
631
633
635
636
637
638
638
639
639
643
646
647
648
649
650
651
651
653
653
654
654
655
655
656
656
658
663
674
661
665
667
668
668
671
672
673
675
677
678
Figure 111.87
Figure III. 8 8
Figure III.89
Figure 111.90
Figure III.91
Figure III.92
Figure 111.93
Figure 111.94
Figure 111.95
Figure 111.96
Figure 111.97
Figure 111.98
Figure 111.99
Figure III. 100
Figure III. 101
Figure III. 102
Accidents sur Strasbourg-Campagne en 1997 (hors autoroute)
Accidents sur Strasbourg-Campagne en 1997 (hors autoroute)
Accidents de la circulation dans la Communauté urbaine en 1997
Interventions pour tentatives de suicide (horaire)
Interventions pour tentatives de suicide
Incidents
Pathologie alcoolique aux urgences
Insécurités urbaines
Un front pionnier spatial
Les quatre villes
Tensions sur la ville et sur l'espace
Voitures incendiées en 1998 dans l'agglomération strasbourgeoise
Tension sur l'homme dans la ville
Tensions sur la société urbaine
Schéma d'opportunité dans la ville la nuit
La nuit urbaine
679
679
680
681
681
683
682
685
697
699
703
707
711
713
719
723
CONCLUSION GENERALE
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
Figure
IV. 1
IV.2
IV.3
IV.4
IV.5
IV.6
IV.7
La ville d'hier
La ville d'aujourd'hui
Evolution de la nuit urbaine
Banalisation de la nuit
Autonomisation
Explosion
Harmonisation
736
737
738
738
739
740
740
AVANT-PROPOS
La géographie
n'est pas une connaissance
le voyage se conquiert.
du monde,
Il faut d'abord fendre
oser aller voir ailleurs.
interdits qui empêchent
facile
et
les mots
Il y a des
mots
que des espaces soient vus.
Jean Paul DOLLE, Fureurs de villes1
Merci à l'ami philosophe J.-P. DOLLE. Ces quelques mots volés me conviennent bien
et ont contribué à éclairer la nuit urbaine d'un jour nouveau.
L'enfant que j'étais avait peur du noir. La cave avait dû longtemps ressembler à une
caverne peuplée d'animaux étranges et de monstres. Mais la nuit m'intriguait, m'attirait.
L'ombre et la lumière des nuits lorraines. J'ai grandi dans cette région sidérurgique où le ciel
nocturne était rouge des derniers feux du métal en fusion des laminoirs. Dans la famille, on
dormait peu, se levant aux aurores. Lire en cachette le soir sous les draps à la lueur de la
lampe de poche et avoir le droit de se réveiller à l'aube le lendemain matin avec les adultes :
cet honneur avait le goût étrange d'une victoire permanente sur les ténèbres et sur la nuit. En
profiter pour faire ses devoirs d'écolier, abandonnés depuis la veille.
Adolescent, c'est à la montagne et sur les plages de l'Atlantique que j'ai découvert la
nuit, premier rendez-vous avec les étoiles et les mystères de la voûte céleste. Passées les
premières nuits blanches, quelques vieilles bandes dessinées du nocturne Batman dans le
sublime décor de Gotham City et l'avalanche des vieux films noirs américains ont contribué à
renforcer mon étrange attraction. HAWKS, WALSH, HUSTON, PREMINGER ont marqué à
jamais la relation ambiguë entre la ville, la nuit et le crime et composé dans mon esprit un
univers de noires cités peuplées de sombres personnages que l'on appréhende si bien au fond
des salles obscures. Plus tard, à Nancy, l'étudiant qui se nourrissait le jour des travaux des
chercheurs de l'Ecole de Chicago se débattait la nuit avec une liberté nouvelle. Je prenais
enfin contact avec la nuit urbaine, ses bars, ses discothèques, ses rites.
1
DOLLE J.-P., 1990, Fureurs de Villes, Grasset, 236 p.
-1-
Cependant, la vraie rencontre de l'apprenti géographe avec la nuit urbaine remonte à
un voyage à New York au début des années 90. Impression étrange. Le touriste découvre pour
la première fois un espace urbain déjà parcouru en songe ou par procuration dans la peau de
dizaines de flics, bandits et autres héros télévisés. Besoin de rencontres, de contacts avec des
êtres charnels. Casser le rêve, échapper au virtuel pour s'ancrer dans la réalité, une autre
réalité, celle de la métropole américaine. Attiré par les lumières des publicités géantes et des
néons, enivré par la débauche de couleurs, « l'homme papillon » s'étourdit, perd ses repères.
Quitter l'hôtel et sortir dans la rue, se rapprocher des sirènes qui transpercent la nuit urbaine et
dressent un paysage sonore unique. New-York, Times Square, 4 heures un matin froid de
mars. Premiers pas dans les rues de Big Apple. Oublier le décalage horaire et poser les
premiers jalons de futures randonnées sur les trottoirs de la nouvelle Babylone. Exotisme et
dépaysement garantis. Une ville sans limites, en équilibre instable. Paradoxe vivant. On
l'annonce en faillite et sa bourse pilote le monde. On attend une cité du XXIe siècle et on
découvre les trottoirs défoncés d'une métropole du tiers monde. On cherche les dégradations,
les tags et on trouve un métro propret et des américains disciplinés. On pense melting-pot et
l'on découvre la ségrégation. On baragouine américain et l'on est parfois surpris d'entendre
parler français. On tente de se réchauffer et l'on oublie l'heure pour se réfugier dans un
commerce. Une fois à l'intérieur, coincé entre deux rayons, on s'étonne à peine. Il est nuit,
mais tout est ouvert. La réalité nous a rejoint, nouvelle banalité. Dans l'espace imposé de la
nuit new-yorkaise, je n'ai pas échappé aux standards imposés du mythe : les Music-Hall de
Broadway, les boîtes de jazz de Greenwich Village et les lumières du Limelight. Depuis, la
fascination pour la moderne Babylone, cette cité « qui ne dort jamais », ne s'est jamais
démentie.
Quand j'ai rejoint Strasbourg, il y avait longtemps déjà que les lumières de la ville
avaient tué la magie de la nuit, créant un voile entre les hommes et les étoiles, le poids du
quotidien et les mystères de la voie lactée. Encore étourdi, éphémère prisonnier d'une capitale
qui «baille Night», ce sont d'autres points, d'autres frontières qui retinrent mon attention.
Des travaux de maîtrise sur l'abolition des frontières étatiques , un mémoire de DEA consacré
aux barrières urbaines3 qui me rendit attentif aux rythmes et aux temps de la ville, un emploi à
responsabilité dans le développement économique qui ne laissait guère que les soirées comme
terrain d'aventure ainsi - je l'avoue - qu'un goût certain pour les sorties nocturnes m'ont jeté
2
GWIAZDZINSKI L., 1989, Une première approche de l'organisation interurbaine d'un espace transfrontalier : Le Fossé
rhénan, Mémoire de maîtrise, Université Louis Pasteur, 229 p.
-2-
pour longtemps dans les bras de la nuit. Restait à convaincre mes professeurs de m'autoriser à
poser officiellement les premiers jalons d'un travail universitaire sur la nuit urbaine. Ils
acceptèrent sans problème, à ma grande surprise. Qu'ils en soient remerciés. Un détour par les
bibliothèques confirma l'impression de départ : la nuit urbaine restait en friche. L'aventurier
qui sommeille en chaque géographe eut vite fait de transformer ce projet de recherche en
épopée et d'idéaliser la nuit comme la dernière frontière.
Depuis cette époque, l'actualité m'a souvent rattrapé, confirmant l'impression de
départ : la nuit espace-temps insuffisamment investi par les chercheurs, les édiles et les
aménageurs est soumis à des pressions de plus en plus fortes. Je suis retourné à New-York
multipliant les rencontres avec les plus hautes autorités des transports ou de la Police comme
en 1998 avant que les délégations françaises se succèdent à New-York pour comprendre les
4
raisons du miracle GIULIANI et de la désormais fameuse « tolérance 0 » . J'ai pu travailler à
Seattle, Kansas City ou Washington5, y découvrir les « couvre-feux pour adolescents » avant
qu'ils ne déferlent sur la France. Par la suite, j'ai pu comparer la nuit américaine avec les nuits
d'autres villes européennes comme Newcastle en Angleterre où le contrôle technologique de
la nuit, les caméras et les méthodes de biométrie ne faisaient qu'anticiper l'évolution
française6.
A Strasbourg, plus qu'ailleurs peut-être, les tensions et conflits nocturnes se sont
multipliés au cours des dernières années. Directeur adjoint de l'Agence de développement du
Bas-Rhin (ADIRA), j'ai été particulièrement affecté par l'abandon du projet d'implantation
du transporteur DHL sur l'aéroport de Strasbourg-Entzheim pour des questions de nuisances
liées aux vols nocturnes. C'est en observateur attentif que j'ai suivi la progression des
violences urbaines dans certains quartiers de la capitale alsacienne. Avec d'autres, j'ai
dénoncé le battage médiatique qui accompagne les « nuits chaudes » de la Saint-Sylvestre et
n
leur triste cortège de cabines téléphoniques détruites et de voitures incendiées . Comme
beaucoup de Strasbourgeois, j'apprécie les efforts faits pour donner une identité nocturne à la
3
GWIAZDZINSKI L„ 1991, Une première approche des barrières dans la ville, Mémoire de DEA, Université Louis
Pasteur, Srasbour I, 230 p.
4
GWIAZDZINSKI L„ « La nuit américaine », Revue d'études anglophones Sources, Centre d'étude et de la recherche sur la
culture européenne, Université d'Orléans, septembre 2000, pp. 134-148
5
Invité du Gouvernement américain en mai 1998 dans le cadre de l'International Visitor Program
6
BRETON P., GWIAZDZINSKI L„ « Strasbourg, capitale de la technologie sécuritaire ? » Le Monde, 28 janvier 2000
7
GWIAZDZINSKI L., «La ville, un enjeu pour la démocratie», La Tribune, 15 janvier 1996 ; «Violences urbaines et
représentations», Hommes et Migrations, n° 1209, septembre-octobre 1997, pp. 101-107; «Désordres à Strasbourg»,
L'Evénement du Jeudi, février 1998 ; « Drôle de réveillon », Dernières Nouvelles d'Alsace, 4 janvier 1998 ; « Bonne année »,
l'Alsace, 10 janvier 1998
-3-
cité en développant les mises en lumière de bâtiments et je me suis réjoui quand pour la
première fois, un édifice périphérique important fut mis en lumière8. Le développement
progressif des lieux de nuit, la multiplication des terrasses ouvertes en nocturne n'ont pas fait
que des heureux. Les nuisances sonores sont régulièrement dénoncées et le nouvel arrêté
municipal de l'été 1998, s'est fait plus restrictif.
C'est avec plaisir qu'en 1998, j'ai accepté la proposition de la Compagnie des
Transports Strasbourgeois, de participer en tant « qu'expert de la nuit », à la mise en place et
au suivi d'une opération pilote sur plusieurs quartiers de la ville : l'implantation d'une équipe
de correspondants de nuit pour répondre à la montée de l'insécurité. Difficile de refuser une
telle offre quand on a longtemps réclamé « qu'on occupe et peuple l'espace urbain face aux
peurs et autres crispations sécuritaires
9
».
Membre depuis 1998 du réseau européen de développement local EUREXTER et
chercheur au Laboratoire Image et Villes de l'Université Louis Pasteur j'ai répondu avec J.-Y.
BOULIN, chercheur au CNRS (IRIS, Université Paris Dauphine), P. DOMMERGUES,
Professeur des universités et Directeur de l'Ecole Française d'Excellence Territoriale et nos
partenaires allemands, français et italiens à l'appel à proposition de la DATAR pour le
programme de prospective 1999-2002. Retenu dans le groupe «Temps et territoires » qui a
pour objectif « d'imaginer de nouvelles façons d'habiter le temps10 », je participe depuis fin
1999 aux travaux thématiques et territoriaux11 et contribue à animer le débat sur « la ville en
continu temporel », « la nuit urbaine12 » et les aspects construction de bases de données
spatio-temporelles et de représentations cartographiques.
En mars 2001, mes amis n'ont pas été surpris en parcourant le programme de la liste
AIR pour les élections Municipales de Strasbourg qui proposait une approche de la sécurité
basée sur la présence humaine13 : peupler la soirée et la nuit strasbourgeoise en maintenant
ouverts plus tardivement services publics (commissariats, centres socio-culturels...) et
commerces afin de créer les conditions d'un encadrement social naturel ; étendre l'expérience
des « correspondants de nuit » à toute la ville ; développer un réseaux de bus de nuit pour de
8
La Tour SCHWAB, cité de l'ILL à la Robertsau.
GWIAZDZINSKI L., printemps 1996, « Nocturnes urbains », Saisons d'Alsace n°131, p. 96.
10
Groupe 6 :Ttemps et territoires, Programme prospective 2000-2002 de la DATAR, 23 février 2000, p 10
" « Construire une politique de mobilité », Compte-rendu de l'atelier de Belfort, 26 et 27 octobre 2000, DATAR, AFET,
Conseil général du Territoire de Belfort, 86 p.
12
GWIAZDZINSKI L., « Explorer la ville, explorer la nuit », intervention au Séminaire « Temps et culture » du groupe de
prospective « Temps et territoires » de la DATAR, DATAR, Paris, 30 mars 2001
9
.4.
desservir les zones d'activités, les cités universitaires et les espaces de loisirs du centre et de
la périphérie ou mettre en place des services publics ouverts en continu dans tous les
quartiers ».
Directeur depuis juin 2001 de la Maison du temps et de la mobilité à Belfort, c'est là
que j'essaie avec le soutien de la DATAR, du Conseil général, de la DDE, de l'Université
Technologique de Belfort-Montbéliard et de nombreux partenaires locaux, de développer une
approche temporelle de la ville et de la société, voire d'expérimenter de nouveaux systèmes
de transport en soirée. Chef de projet sur les mobilités nocturnes pour l'Institut pour la Ville
en Mouvement, j'ai pu commencer à explorer les nuits de quelques métropoles européennes
comme Paris, Thessalonique ou Sarajevo.
La boucle aurait pu être bouclée. Restait encore à prendre le recul nécessaire, affiner
ma problématique pour investir la nuit urbaine et tenter de finaliser mes travaux dans le cadre
de ma thèse de doctorat. Malheureusement, plus ma connaissance de l'espace nocturne urbain
augmentait, plus le mystère s'épaississait, plus les contradictions devenaient flagrantes et la
complexité des questions difficiles à appréhender.
Aborder cet espace-temps, c'est envisager la ville autant à travers l'urbanisme qu'à
travers le citadin, c'est tenter de prendre en compte toutes les pratiques, tous les rapports entre
une ville et ses usagers, tous les filtres qui s'interposent entre l'individu et son environnement.
Le sujet est vaste, nos ambitions bien plus modestes. Faisant nôtre une pensée de E. MORIN 14
« Tout progrès de la science s'opère nécessairement par la brisure et la rupture des systèmes
clos, qui ne possèdent pas en eux l'aptitude au dépassement», le propos s'enrichira donc
naturellement des travaux de disciplines aux champs conceptuels et aux systèmes de pensée
aussi divers que la sociologie, l'anthropologie, l'ethnologie, la psychologie, le droit, l'histoire,
l'économie ou l'architecture.
Le sujet est complexe car croisant plusieurs champs d'étude qui sont autant d'enjeux
actuels : la ville, le temps et la sécurité :
13
14
Une ville pour tous, Extrait du programme de la liste AIR pour les élections municipales de Strasbourg, février 2001
MORIN E., 1990, Introduction à la pensée complexe, ESF, 158 p.
-5-
« Ne pas essayer trop tôt de trouver une définition de la ville ; c'est beaucoup trop gros.
On a toutes les chances de se tromper15 », avait prévenu G. PEREC.
-
Le temps, c'est peut-être SAINT-AUGUSTIN qui a le plus brutalement affirmé son
inaccessibilité dans le livre XI de ses Confessions : « Qu'est-ce que le temps ? Si personne
ne me le demande, je le sais, mais si on me le demande et que je veux l'expliquer, je ne le
sais plus16 ».
-
Quant à la « sécurité » ou plutôt la « sûreté » pour s'en tenir à la Déclaration universelle
des Droits de l'Homme 17 , notre époque semble se caractériser par un recours permanent à
cette notion qui était encore au cœur de la campagne présidentielle du printemps 2002.
Partant des connaissances actuelles sur la structure matérielle et sociale de la ville,
notre analyse visera à la définition d'un schéma d'organisation de la ville la nuit. L'approche
envisagée se veut universelle. La littérature occidentale consultée, une pratique personnelle
des espaces urbains limitée aux villes européennes ou nord-américaines, et le prisme
déformant de ma culture française auront sans doute raison de cette approche globale.
Prisonnier de ces contraintes, mon champ d'investigation se restreindra aux seules villes
occidentales. Tout naturellement, cette recherche s'appuiera sur Strasbourg.
Mon propos doit beaucoup à certains chercheurs dont les travaux ont permis de baliser
les chemins de la connaissance sur les rapports de l'homme à l'espace en général, et à la ville
en particulier. Ce modeste essai ne se veut pas encyclopédique. Mes lectures n'ont nullement
la prétention de l'exhaustivité. Certains auteurs ont été privilégiés et m'ont servi de guides.
Leurs analyses ont su me séduire. La problématique adoptée, le contenu de cette thèse leur
doit beaucoup. D'autres sans doute auraient mérité meilleure place. D'autres enfin restent à
découvrir...
15
PEREC G., 1974, Espèces d'espaces, Galilée, p. 85.
SAINT AUGUSTIN, Confessions, XI, 14
17
« Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne », Article 3 de la déclaration Universelle des Droits
de l'Homme, 1948
16
-6-
INTRODUCTION GENERALE
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
« La fin n 'est pas ce qui facilite
trouve
pas
l'appréhende
dans
les
travaux
: elle ne se
du jour :
dans la nuit du labyrinthe
on
»
Georges B A T A I L L E
Selon la Genèse, l'obscurité a précédé le jour. Dieu dit : « Que la lumière soit et la
lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu
appela la lumière «jour » et les ténèbres « nuit ». Il y eut un soir et il y eut un matin ».
•
La nuit : un espace-temps oublié
Comme l'organisme humain, la ville a une existence rythmée par cette alternance journuit. On connaît, on étudie la ville diurne, mais on oublie souvent la ville nocturne. Dans nos
régions où le "non-jour" atteint en hiver les deux tiers d'une journée, il doit bien y avoir une
vie après le jour. La littérature scientifique reste bien muette sur la nuit urbaine. Cette étrange
amnésie touche également les édiles, urbanistes, aménageurs ou techniciens des collectivités.
La ville, privée de la moitié de son existence, comme amputée, semble livrée aux seuls poètes
et artistes noctambules.
•
La nuit : un espace-temps à explorer
Si l'on souhaite comprendre ce qui se passe, on peut difficilement se contenter du flot
d'images souvent contradictoires qui surgissent quand on songe à la nuit. Ce ne sont là que
des reflets trop vagues pour être précisés dans l'espace ou dans le temps. Au-delà des peurs et
des fantasmes, que deviennent nos agglomérations, passée l'agitation de la journée ? La nuit
urbaine contemporaine est-elle active ou assoupie, festive ou laborieuse, contrastée ou
unanime, dangereuse ou policée, spatialement polarisée ou diffuse, temporellement immuable
ou variable ? Ce questionnement désordonné peine à s'appuyer sur des catégories
préexistantes et doit trouver légitimité et cohérence en lui-même, pour parvenir à une analyse
globale.
-9-
Il est à la fois passionnant et angoissant d'établir les prémices d'une réflexion
géographique sur le sujet. Pour tenter de répondre à ces questions, nous avons fait le choix
I8
d'aborder la nuit comme un système
global, en essayant de saisir ses différents éléments et
d'identifier les premières interactions.
Il est difficile d'instaurer une hiérarchie entre les sujets d'interrogation contenus dans
la nuit urbaine. Face à la complexité du système, nous avons décidé de l'explorer en partant
des principes fondamentaux énoncés dans la Convention européenne des Droits de
l'Homme : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté »19. Autrement dit, nous
chercherons à savoir si la nuit est « l'espace de liberté » magnifié par les poètes ou si la nuit
est « le territoire dangereux » où il vaut mieux ne pas s'aventurer.
On peut doubler cette entrée dans la nuit par une autre communément accolée à la
réalité nocturne : plaisir et danger qui rejoint le titre d'un ouvrage de L. CHEVALIER :
20
Montmartre du plaisir et du crime .
•
Un espace-temps à repenser
Nous avons voulu montrer qu'il était urgent de dépasser les clichés pour ouvrir la nuit
urbaine, territoire à peine défriché, à l'investigation géographique. Aujourd'hui, les pressions
s'accentuent sur la nuit urbaine qui cristallise des enjeux économiques, politiques et sociaux
essentiels pour l'avenir de la Cité. Pour espérer comprendre ce système, et anticiper de la
sorte d'inévitables conflits d'usage, nous devons totalement modifier notre approche de
l'espace urbain et nous fixer un cadre d'étude et des objectifs précis. Il nous faut accepter de
passer de la seule approche qualitative, flatteuse et souvent brillante des défricheurs à une
démarche plus systématique permettant d'aborder différents aspects du système. Passer de la
littérature à une approche plus scientifique sans pour autant mettre la nuit en équations.
ls
ROSNAY (DE) J., 1975, «Ensemble d'éléments en interaction dynamique organisés en fonction d'un but», Le
macroscope, vers une vision globale, Seuil, p. 101.
19
Article 5, alinéa 1", de la Convention européenne des droits de l'Homme.
20
CHEVALIER L., 1980, Montmartre du plaisir et du crime, Paris, Gallimard, 622 p.
-10-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
Des hypothèses de travail
En conséquence, nous formulons plusieurs hypothèses de travail :
•
La conquête de la nuit urbaine va se poursuivre et s'accentuer à la fois dans le
temps et dans l'espace. L'évolution des techniques et de la société permet aujourd'hui
d'envisager l'existence de cités en continu temporel et le développement d'une offre
urbaine permanente déconnectée des rythmes naturels.
•
Les pressions vont augmenter et de nouveaux conflits d'occupation et de
gestion de l'espace, du temps et des rythmes urbains vont apparaître entre la ville
en continu temporel et la ville traditionnelle, circadienne, des rythmes biologiques.
•
Vers un nouveau paradigme
Cette évolution prévisible nous oblige à modifier notre approche de l'espace urbain et
à redéfinir la notion même de citoyenneté :
•
La ville est un objet à quatre dimensions qui se transforme et se recompose en
permanence. La considérer à plat, c'est oublier l'épaisseur de l'occupation du sol - les
villes sont aussi des projections en hauteur et des projections souterraines - et la
dimension temporelle qui constitue un élément essentiel de la dynamique urbaine.
•
La Cité doit être repensée dans le temps 24 heures sur 24. «Le droit à la ville »
doit se concevoir en continu et la citoyenneté se redéploie sur 24 heures en incluant la
nuit.
H
Un cadre d'étude particulier
C'est sous cet angle, dans le cadre d'un Etat de droit, que nous chercherons à
appréhender la nuit urbaine. La métropole strasbourgeoise constituera notre cadre
d'investigation. Son positionnement international associé à une taille relativement modeste,
-11-
son attractivité économique et touristique et les tensions qui traversent ses quartiers, offrent
un terrain d'analyse exceptionnel et permettent d'envisager une approche globale du système
urbain.
•
Des objectifs précis
C'est sur ces bases, en fonction de ces préalables, que nous avons pu nous fixer des
objectifs précis :
•
Définir la nuit urbaine, ses limites et ses rythmes ;
•
Explorer le système urbain la nuit à partir des questions de liberté et de sûreté ;
•
Mettre en évidence les enjeux et les conflits qui accompagnent la conquête de la
nuit ;
•
Poser les premières bases d'une conceptualisation logique de la nuit urbaine qui
permette de réguler ou d'éviter certains conflits.
•
Une collecte difficile
Les objectifs fixés ont nécessité la recherche d'informations dont certaines liées à
l'insécurité, très difficiles à obtenir.
•
Une information difficile à structurer
Les informations finalement collectées ont dû être structurées afin de constituer des
bases de données localisées adaptées permettant de situer chaque événement (Z) à un moment
(t) dans l'espace (X, Y). Ce sont les conditions d'accès des individus à la ville la nuit qui ont
guidé notre approche : activités, lumière, représentations, sécurité, transport et réglementation.
-12-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
Le choix d'une unité d'espace et de temps
Dans la mesure du possible, et afin de pouvoir effectuer des comparaisons dans
l'espace et dans le temps, les données ont été collectées à l'échelle de l'agglomération, de la
circonscription de Police, de la commune, voire des quartiers de Strasbourg. Obtenues au fur
et à mesure des recherches et des contacts, les informations disponibles étaient trop disparates
pour permettre des comparaisons et des analyses pertinentes. La recherche a donc été relancée
en 1998 et les informations collectées et structurées pour une année de référence : l'année
1997.
•
Une exploitation spatiale
Nous attendons de l'exploitation essentiellement cartographique de ces données
qu'elle apporte des éléments d'information essentiels :
•
Préciser les limites spatiales et temporelles de la nuit urbaine ;
•
Quantifier l'activité, identifier et localiser les acteurs ;
•
Mesurer et comparer les temporalités des institutions, de l'économie, de la
délinquance ou des violences ;
•
H
Identifier et localiser des conflits dans l'espace et dans le temps.
Une structure logique de l'exposé
Notre exposé sera structuré autour de trois grandes parties : (Figure 1.1 - Schéma
logique de la démarche)
•
Dans une première partie générale, nous tenterons de montrer que la nuit,
dimension oubliée de la ville, est un espace-temps grignoté où les enjeux sont
forts et où les conflits se multiplient dans une mise en perspective historique.
•
Dans une deuxième partie, à travers l'exemple de la métropole strasbourgeoise,
nous tenterons de borner la nuit urbaine et de dégager ses rythmes propres.
-13-
•
Dans une dernière partie enfin, nous chercherons à dresser une géographie de
l'espace nocturne, en revenant sur nos hypothèses de départ : liberté et
insécurité. Nous nous attacherons à déterminer une première modélisation de
la nuit urbaine.
Ainsi pensions-nous avoir cerné l'objet de cette thèse : la nuit, dimension oubliée de la
ville. Et nous attendions de ces recherches qu'elles viennent confirmer nos hypothèses. C'était
évidemment compter sans l'accès impossible à certaines données, les décalages, glissements,
dérapages et autres avatars que le questionnement du concret fit bientôt apparaître, nous
obligeant à réduire nos ambitions en même temps que la belle ordonnance théorique du projet.
«Une première approche de la nuit, dimension oubliée de la ville. Entre animation et
insécurité : l'exemple de Strasbourg » : le titre aurait sans doute été plus juste.
La nuit urbaine intéresse le citoyen dans sa globalité ou dans une de ses fonctions travailleur ou usager, producteur ou consommateur. Cette première approche sur la ville la
nuit engendrera nécessairement une forme de schizophrénie chez celui ou celle qui aura tenu
jusqu'au bout : le consommateur qui sommeille en chacun de nous souhaitera pouvoir accéder
le plus longtemps possible à la ville alors que le plus souvent, le salarié qu'il est peut-être,
souhaitera travailler le moins longtemps possible à des horaires commodes.
On perd toujours à lever l'ambiguïté, paraît-il. Nous ne nous y risquerons pas compte
tenu de la richesse de l'angle d'approche. Nous renverrons simplement le lecteur courageux à
la proposition de J. CHESNEAUX : « C'est la qualité de la vie, qu'il faut prendre en compte,
y compris le bon usage du temps21 ».
Ainsi que le suggère M. de CERTEAU22, plutôt que de traiter un sujet aussi fuyant et
fondamental, il s'agit de le rendre traitable, c'est à dire de fournir à partir de sondages et
d'hypothèses, quelques chemins possibles pour des analyses encore à faire.
Ensemble, tentons de regarder la nuit sous un jour nouveau.
21
22
CHESNEAUX J„ 1996, Habiter le temps, Bayard Editions, 339 p.
de CERTEAU, 1980, « L'invention du quotidien », Tome 1 ,Arts de faire, Gallimard.
-14-
PARTIE I
LA NUIT URBAINE, UN ESPACE-TEMPS A REPENSER
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Dans la nuit où nous sommes tous, le savant se cogne au mur
Louis Ferdinand CELINE, Voyage au bout de la nuit
Introduction
C'est avec beaucoup de modestie qu'il nous faudra aborder la ville dans une de ses
dimensions les moins explorées : la nuit.
La nuit, dimension oubliée de la ville, espace sombre seulement investi par les
marginaux ou les artistes est un espace-temps grignoté où les enjeux sont forts, où les conflits
se multiplient.
Nous proposons de dépasser les contradictions d'une notion floue et ambiguë où
s'entrecroisent les notions d'insécurité et de plaisir pour mieux définir la nuit urbaine, la
borner et tenter de l'appréhender. Espace-temps longtemps négligé, la nuit urbaine est
aujourd'hui soumise à des pressions et tensions venues du jour. Le temps en continu des
réseaux s'oppose au rythme circadien de la ville traditionnelle et met sous tension les
individus, les communautés et les quartiers de la ville polychrone. Ses activités économiques
du jour colonisent peu à peu la nuit urbaine et les conflits se multiplient entre la « ville qui
dort », la « ville qui travaille » et la « ville qui s'amuse ».
Nous proposons d'investir la nuit urbaine, d'explorer cet espace-temps, d'identifier les
problèmes et les enjeux afin d'anticiper les nouveaux conflits.
-19-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Chapitre 1. LA NUIT : UNE NOTION FLOUE ET AMBIGUË
La ville, la nuit. Que serait l'une sans l'autre ? Comme des aimants, elles s'attirent.
Pouvoir d'attraction réciproque : nulle ville digne de ce nom si la nuit ne l'a jamais pénétrée,
si l'ombre nocturne ne l'a pas caressée, si l'obscurité ne s'est pas emparée d'elle, donnant jour
aux endroits les mieux fréquentés et aux endroits les plus interlopes. De la nuit naissent les
lumières de la ville, les zones claires et convenables, mais aussi les lieux sombres et sordides,
les bas-fonds. Avant d'aborder la nuit urbaine, tentons au préalable de cerner la nuit.
Au-delà des définitions, le terme reste .ambigu, équivoque. Peu de vocables ont été
employés dans des contextes aussi différents pour évoquer une telle variété d'images que la
nuit. La nuit symbolise le temps des gestations, des germinations, des conspirations, qui vont
éclater au grand jour en manifestation de vie. Elle est riche de toutes les virtualités de
l'existence. Mais entrer dans la nuit, c'est revenir à l'indéterminé, où se mêlent cauchemars et
monstres, les idées noires. L'ambiguïté est-elle un attribut de la nuit ? On trouve peu de mots
qui possèdent le pouvoir d'inspirer tant d'associations si contradictoires.
Aux choses de la nuit semblent convenir des mots vagues, secrets, indéterminés
comme les contours d'une silhouette dans le noir. Les formes s'y détachent mal. « La nuit
tous les chats sont gris ». On confond facilement les personnes et les choses quand il fait nuit
et abstraitement, tout se ressemble, quand on n'a pas de moyens suffisants pour analyser,
distinguer23. C'est du moins ce que l'on dit, et nous comprenons d'ordinaire à demi-mot, qu'à
l'heure tardive où les philosophes vont boire, les couleurs pâlissent, se confondent puis
s'éteignent, à mesure que tombe la nuit, laissant le penseur coi et la pensée à elle-même,
patinant à souhait, tout à ronger son os tautologique : un chat est un chat. Très significative
également est l'appréciation des passages du jour à la nuit et de la nuit au jour, des « deux
crépuscules » chers à BAUDELAIRE.
Assurément, la lente translation solaire n'est pas vécue uniformément partout et par
tous : la venue du soir en ville peut avoir quelque chose de définitif, signifier afflux
d'angoisse ou de rêverie, de la vigilance ou du repos. La culture du cruciverbiste qui définit la
23
REY A., CHANTREAU S., 1997, Dictionnaire des expressions et locutions, Dictionnaires Le Robert, p. 172.
-21-
nuit comme «pouvant être blanche et noire à la fois », consacre définitivement l'équivoque
du terme.
1.1. LES REPERES CHANGEANTS DE L'ASTRONOMIE
A priori, une première approche qui s'appuierait sur l'astronomie devrait permettre de
cerner les limites de la nuit phénomène physique.
1.1.1. Un intervalle de temps sans lumière
Les dictionnaires fournissent une première définition de la nuit astronomique qu'il
conviendra de dépasser et de préciser :
«NUIT (nui) n. f. (lat. Nox Xe s.), n.f. L'espace de temps qui suit le crépuscule du soir,
jusqu'au crépuscule du matin. » (Littré)
« NUIT (nu-i) n. f. - noit 980 ; lat. Nox, noctis. 1. Obscurité résultant de la rotation de la
Terre, lorsqu'elle dérobe un point de sa surface à la lumière solaire. (Temps où il fait noir). 2.
Espace de temps qui s'écoule depuis le coucher jusqu'au lever du soleil. » (Nouveau Petit
Robert).
En astronomie, la nuit est, théoriquement, l'intervalle compris entre le coucher et le
lever du soleil. La succession du jour et de la nuit est déterminée par la rotation de la terre.
L'inégalité de sa durée est due à l'inclinaison de l'axe autour duquel s'effectue ce mouvement
de rotation. Elle est variable pour les différents points du globe qui suivant les positions que la
terre occupe par rapport au soleil qui l'éclairé, accomplissant alternativement dans la lumière
et dans l'ombre des trajets inégaux. Par extension la nuit désigne donc l'obscurité qui règne
pendant ce temps.
-22-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
1.1.2. Une obscurité paradoxale
Pourquoi le ciel est-il noir la nuit ? Au premier abord, la réponse est simple : le soleil
est couché et brille de l'autre côté de la terre. Elle mérite pourtant qu'on s'y arrête un instant.
Le professeur E. HARRISON24 nous invite à dépasser les évidences. Supposons avec lui que
nous soyons des voyageurs spatiaux, très éloignés de toute étoile. Dans les profondeurs de
l'espace, le ciel serait sombre, plus sombre encore que celui vu de la Terre par une nuit sans
nuage et sans lune. L'énigme se formule alors autrement : pourquoi le ciel n'est-il pas empli
de lumière ? Pourquoi l'Univers est-il plongé dans les ténèbres ?
La question a intrigué des générations de savants, qui ont fini par lui conférer le statut
de paradoxe. Si l'univers est infini, notre regard devrait partout rencontrer la surface d'une
étoile et la nuit serait d'une éblouissante clarté. La solution de l'énigme n'a cessé d'évoluer au
cours des théories cosmologiques, de KEPLER à HALLEY et de HERSHELL à Lord
KELVIN, les tribulations du «paradoxe d'OLBERS », traversent l'histoire de l'astronomie.
Dès le XIXe siècle, de nombreux astronomes ont soupçonné la réponse.
Certains, y compris le visionnaire E. A. POE -qui parlait de remparts
dorés25-,
évoquèrent la possibilité que la lumière des étoiles distantes n'ait pas encore atteint la terre.
Lorsque la nuit nous contemplons le ciel, nous voyons entre les étoiles à des distances
immenses dans l'espace ; nous remontons très loin dans le temps, à une époque antérieure à la
formation des galaxies et de leurs premières étoiles. Notre regard porte jusqu'à l'horizon de
l'Univers visible, à la frontière du big bang. Dans toutes les directions, nous voyons la
création de l'univers recouvrir le ciel entier. Il y a longtemps, lorsque l'Univers était jeune et
débordait d'énergie, le ciel primitif resplendissait d'une ardente lumière. Cette lumière
autrefois brillante a aujourd'hui disparu, refroidie un millier de fois par l'expansion cosmique
et transformée en ténèbres infrarouges invisibles à l'œil nu. Bien que nous ne voyions qu'un
rempart d'obscurité, le big bang recouvre le ciel, emplissant, dans l'espace et le temps,
l'Univers de ses dernières lumières26.
24
HARRISSON E., 1987, Darkness at nighl, Harward University Press
POE E.A., 1845, « The power of Words », United States Magazine and Démocratie Review.
26
HARRISSON E., 1987, op. cit.
25
-23-
1.1.3. Une discontinuité essentielle
La nuit tombe et le jour se lève. Voilà une récurrence sur laquelle on peut compter
dans nos régions27. Cette discontinuité créée par la nuit est un rythme essentiel pour l'homme.
Dans Le totémisme aujourd'hui, C. LEVI STRAUSS a souligné que le sens se construisait à
partir de l'opposition des contraires28. La racine de ce fonctionnement symbolique réside dans
l'articulation de processus de nature binaire : + / -, présence / absence, noir/blanc. Le temps,
quelle que soit son échelle, se déroule selon cette succession de continuité / discontinuité de
nature binaire. Son écoulement se produit à partir de scansions qui marquent des
discontinuités dans la fluidité de l'expérience de la vie. Pour le devenir humain, l'alternance
jour / nuit constitue le rythme essentiel de base, puisqu'à un biorythme veille / sommeil
correspond un rythme social élémentaire, la succession des jours du calendrier. L'expression
Etre comme le jour et la nuit marque bien cette opposition. Cette succession calendaire fait de
la nuit le moment du passage, du basculement d'une journée, d'une année, d'un siècle dans
l'autre. Le Nouvel An -occidental, chinois etc.- est fêté de nuit, naturellement.
1.2. UN SYMBOLE NEGATIF
9Q
La nuit vient ramasser sans sa substance maléfique toutes les valorisations négatives .
Les ténèbres sont toujours chaos et grincements de dents. Le bon sens populaire n'appelle-t-il
in
pas l'heure crépusculaire, « l'heure entre chien et loup ». Pour G. BACHELARD , à la
noirceur sont liés l'agitation, l'impureté et le bruit. L'obscurité est amplificatrice de bruit, elle
est résonnance et l'ouïe est alors le sens de la nuit.
« La nuit des temps » : est une période très reculée dont on ne sait rien.
27
NAHOUM-GRAPPE V., 1997, « Remettre à demain », Sociétés et représentations, mai 1997, p. 19
BONNET M., 1998, « Temporalités étudiantes : des mobilités sans qualités », Les annales de la recherche urbaine, n° 77,
p. 63.
M
DURAND G ; 1969 , « Les structures anthoropologiques de l'imaginaire ». Introduction à l'arc hétypologie générale,
Paris, 550 p.
30
BACHELARD G ; 1957 , La poétique de l'espace, p. 6.
28
-24-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
1.2.1. La métaphore nocturne de l'ignorance
31
La métaphore nocturne la plus fréquente, la plus évidente et la plus étudiée , est celle
qui figure toutes les formes de l'erreur, ignorance pure et simple, préjugés, superstition,
fanatisme, antithèse même de la vérité dans tous les domaines du savoir et de l'action :
science, morale, politique, religion. Le siècle qui s'est désigné lui-même par la métaphore des
lumières a usé massivement de celle de la nuit marquant pour longtemps les esprits. Les
références littéraires ou iconographiques se présentent en foule. Ainsi le discours préliminaire
de l'Encyclopédie évoque DESCARTES, « cherchant dans la nuit la plus sombre une route
nouvelle, quoique trompeuse » , sur laquelle il convient de ne plus le suivre, tout en admirant
ses « erreurs », depuis que la lumière est venue, avec NEWTON, dans le domaine de la
physique. E. MORIN insiste à plusieurs siècles de distance dans son ouvrage sur la pensée
complexe : « Nous demandons légitimement à la pensée qu'elle dissipe les brouillards et les
obscurités32 ».
Dans la langue, dans l'expérience, dans les représentations immédiates de la
conscience comme dans les élaborations les plus sophistiquées de la culture, la lumière est
spontanément associée à une notion d'évidence, de clarté et de symboles plus ou moins
stéréotypés. Le chemin du progrès conduit toujours vers la lumière. C'est encore la lumière,
celle de la raison qui éclaire la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. C'est elle
également qui signe les Happy End des films hollywoodiens. Nous aimons chasser
l'obscurité. Chaque fois que la lumière est faite sur une affaire, il nous semble avoir fait un
pas en avant. Nous devons sans cesse éclaircir, blanchir, rendre lucide. Dans le final de La
flûte enchantée, les jeunes garçons reprennent en cœur « les rayons de soleil ont repoussé la
nuit ».
Les symboles nocturnes n'arrivent pas constitutionnellement à se débarrasser des
expressions diurnes. « La valorisation de la nuit se fait souvent en termes d'éclairement ». Et
de fait, la clarté est ressentie comme une valeur positive. Dans de nombreuses locutions où
figure le mot jour, ce dernier a valeur de « lumière », « clarté ». « Mettre au jour » signifie
faire apparaître, rendre lisible ce qui était caché ; « Voir (le) jour » signifie naître, sortir d'un
lieu ou d'un état (pour ce qui était caché). « Percer à jour » c'est parvenir à connaître ce qui
31
Voir en particulier, MORTIER R„ 1969, « Lumière et Lumières, Histoire d'une image et d'une idée au XVIIe et au XVIIIe
siècle », Clarté et ombres du siècle des Lumières, Droz.
32
MORIN E., 1990, Introduction à la pensée complexe, ESF Editeur, 158 p.
-25-
était caché, démasquer les intentions secrètes de quelqu'un. «Au grand jour» veut dire
ouvertement, sans le cacher. « Beau, belle comme le jour » se dit d'une personne d'une
parfaite beauté.
1.2.2. Le pouvoir ne dort jamais
Le «Roi Soleil» ou «l'Etat c'est moi» résonne dans nos têtes. S'il l'a incarnée à
l'extrême, Louis XIV n'a pas pour autant inventé l'image d'une royauté solaire. Une très
ancienne et complexe tradition, à la fois néo-platonicienne et biblique, associe le soleil et la
lumière à Dieu (et au bien), et au-delà, à tout souverain qui gouverne à son image pour faire
participer la communauté humaine à la Création. La théorie des deux luminaires, par exemple,
compare le pape au soleil et les souverains temporels à la lune. On assistera à un déplacement
de l'image solaire vers le roi de France symptomatique de l'affirmation grandissante au cours
des siècles de l'autonomie du pouvoir temporel et national à l'égard du souverain pontife. Dès
1538, C. de GRASSAILLES compare le monarque au « soleil chasse-nuit »33. En 1644, dans
« L'institution du prince noir», miroir des princes composé d'une succession de quatrains,
l'évêque de Grasse, A. GODEAU écrit :
« Le Roi doit imiter le soleil qui ne se lasse jamais dans sa carrière
Contemplez dans le ciel l'astre de la lumière
Il ne se lasse point en son oblique tour
Et quand un horizon voit finir sa carrière
Aussitôt sur un autre il rallume le jour »
R. E. GIESEY interprète le rituel du lever et coucher du roi Louis XHI à partir de la
théorie des deux corps mise en lumière par E. KANTOROWICZ34 : «(...) le dormeur n'est
donc plus rien de plus qu'une personne naturelle, le veilleur est déjà en quelque façon roi (...).
En 1610, le corps naturel du roi dormait, son corps politique était éveillé. Il faut bien parfois
que le corps naturel dorme ; le corps politique, lui, ne dort jamais
33
35
» Lors de l'entrée de
GRASSAILLES (DE) C., 1575, « Epithalame sur le mariage du roi et de très noble et très excellente princesse Louise de
Lorraine, in Avertissement du sacre, couronnement et mariage du très chrétien roi de France Henri III ». Avec un épithalame,
Lyon, p. 19 (cité par JACKSON Richard A., 1984, Vivat Rex). Histoire des sacres et couronnements en France, 1364-1825,
Association des publications près les Universités de Strasbourg.
34
KANTOROWICZ E., 1988, Les deux corps du roi, Paris, Gallimard.
35
GIESEY R. A., 1987, Cérémonial et puissance souveraine. France, XVe-XVIIe siècles, Paris, A. Colin (Cahier des annales
41), pp. 45-46.
-26-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Louis XIII à Reims, sa devise se trouvait illustrée par un arc de triomphe «portant
inscription : Occasum gallia nescafé, la France ne connaît pas le coucher du soleil
36
».
Ce qui est affirmé, c'est la permanence des lois du royaume, la plénitude et
l'autonomie de la monarchie en son chef, indépendamment des accidents affectant les
personnes physiques des rois comme la mort ou le sommeil. La catégorie du roi s'abstrait en
se juri disant.
1.2.3. La révolution contre la nuit
L'idée même de révolution est entièrement liée au principe messianique de salut, de
renaissance, c'est-à-dire au recyclage chrétien du mythe solaire. La révolution est aussi
certaine et inévitable que le retour du jour, mais comme la rotation des astres, elle ne peut
s'accomplir qu'au terme d'un cycle naturel. La Littérature politique du XIXe siècle, les
chansons révolutionnaires sont emplis de cette métaphore solaire qui dit tour à tour la
désespérance d'une nuit trop longue et l'espoir d'une aube révolutionnée : 1789 , 1793, 1830,
1848 et 1871. Ainsi V. HUGO conclut-il son livre de combat contre la dictature du Second
Empire Châtiments par une dernière pièce intitulée Lux qui n'annonce rien de moins que la
révolution mondiale :
« Au fond des cieux un point scintille.
Regardez, il grandit, il brille.
Il approche, énorme et vermeil.
O, république universelle,
Tu n'es encore que l'Etincelle,
Demain tu seras le soleil. »
Pour mettre fin aux injustices, il faudra bien en finir avec tous les ennemis de la
révolution. La nuit du « grand soir » sera rouge du sang des martyrs et des exécutions
sommaires, mais les ténèbres en recouvriront, comme il convient, l'effroi et la juste cruauté.
Tout cela aura appartenu à l'Ancien Monde. L'essentiel du grand soir, c'est quand même
36
JACKSON R. A., 1984, Vivat Rex. Histoire des sacres et couronnements en France, 1364-1825, Association des
publications près les Universités de Strasbourg.
-27-
«des lendemains qui chantent», l'aube qui substituera son fiât lux prolétarien et paysan au
faux jour crépusculaire de l'oppression bourgeoise et impérialiste. Le soleil se lève à l'Est.
Si peu chrétienne qu'elle soit, la révolution chinoise, à travers ses imageries agraires et
son mythe météorologique « l'Orient est rouge » ne dit pas autre chose37.
1.2.4. La mémoire tragique des peuples
Nous gardons tous en mémoire la longue litanie des événements sanglants et des
accidents proches ou lointains qui eurent pour cadre la nuit.
1.2.4.1. Les nuits sanglantes de l'histoire
L'Histoire elle aussi a des nuits qui sont restées célèbres dans la mémoire des peuples :
la Nuit du 4 août en France, la Nuit sanglante en Suisse, la Nuit des longs couteaux, ou la Nuit
de cristal en Allemagne en 1938. Ces nuits sanglantes ne sont pas réservées aux vieux livres
d'histoire. Quelques dépêches venues d'Algérie durant la seule année 1997, nous renseignent
sur l'horreur des nuits de l'autre côté de la Méditerranée : « Un commando islamiste a
•30
massacré seize civils lors d'une attaque dans la nuit de samedi à dimanche » ; « Une voiture
a explosé hier soir dans un grand quartier populaire d'Alger faisant au moins 21 morts39 » ;
« Algérie : dix huit civils ont été massacrés dans la nuit de dimanche à lundi à un faux-barrage
dressé par des islamistes armés près de Saïda (400 km au sud-ouest d'Alger) dans la nuit de
dimanche à lundi40 » ; « Au moins 84 villageois ont été égorgés, et pour certains décapités à la
tronçonneuse, jeudi et vendredi, dans l'Algérois lors de nouveaux raids nocturnes41 » ;
« Quinze personnes, dont six enfants et deux femmes ont été égorgées dans la nuit de
mercredi à jeudi par un groupe armé dans un quartier pauvre de Douéra, à la périphérie sud
d'Alger 42 » ; «Nuit d'horreur à Raïs. Maisons calcinées et enfants mutilés au couteau, à la
hache, brûlés vifs » ; « Algérie : la tuerie continue. Dans la nuit de jeudi à vendredi, 31
personnes ont été assassinées à Larbaa (35 km au sud est d'Alger) » ; « Massacres en Algérie.
37
DE BIASI P-M, 2000, « Fiat lux ou les péripéties palingénésiques de la lumière », Les cahiers de mêdiologie n° 10,
deuxième semestre 2000, p. 31
40
Dernières Nouvelles d'Alsace, 26 février 1997.
41
Dernières Nouvelles d'Alsace, 1 avril 1997.
42
Dernières Nouvelles d'Alsace, 15 août 1997.
-28-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
27 personnes ont été assassinées dans la nuit de jeudi à vendredi dans un village de la région
de Tiaret à 200 km au sud-ouest d'Alger ».
Dans un autre registre, les Nuits Bleues en Corse, bien que moins meurtrières, ont
longtemps animé les matinées radiophoniques de notre enfance.
1.2.4.2. La litanie des catastrophes
De nombreuses catastrophes ont lieu la nuit. Toutes les grandes catastrophes de
l'industrie à risques se sont produites la nuit : Three Miles Island aux Etats-Unis le 29 mars
1979 à 6h00, Tchernobyl le 26 avril 1986 ou Bohpal en Inde. Même chose pour les grands
accidents de la circulation comme la catastrophe de Beaune en 1982, sur l'autoroute du sud où
des dizaines d'enfants trouvèrent la mort par la faute d'un conducteur de bus inexpérimenté.
Encore et toujours la nuit. En 1997, encore, plusieurs accidents graves se sont produits la
nuit : « Sinistre retour de vacances sur le réseau ferroviaire espagnol où deux accidents se sont
produits à quelques heures d'intervalle dans la nuit de lundi à mardi faisant vingt morts 43 » ;
« Bus contre camion : 8 morts et 24 blessés. Huit occupants d'un car portugais ont été tués et
24 autres blessés, lors d'un accident survenu dans la nuit de mardi à mercredi au sud de
Bordeaux44. »
Une étude a montré que l'assoupissement était la première cause de mortalité
routière45. On prend conscience, après ces catastrophes, que de nombreuses personnes sont
exposées, en cas « d'erreur humaine » dans l'industrie à risque : production d'énergie
nucléaire, raffinerie de pétrole, industrie chimique, transports collectifs, etc.
1.2.4.3. Le souvenir des guerres
Au-delà des catastrophes, les guerres ont souvent été déclenchées de nuit. Avec les
progrès de l'armement, les opérations et mouvements de nuit tendent à devenir de plus en plus
fréquents. On se souvient de ces images de la Guerre du Golfe avec lueurs et explosions
éclairant les nuits de Bagdad. En octobre 2001, en représailles aux attentats de Washington et
^ Dernières Nouvelles d'Alsace, 2 avril 1997.
44
Dernières Nouvelles d'Alsace, 14 août 1997.
45
Dernières Nouvelles d'Alsace, 26 octobre 1997.
-29-
New-York, c'est la nuit que les forces armées anglo-américaines ont choisi de bombarder
l'Afghanistan.
A l'armée, les marches, les manœuvres, les combats que l'on peut être amené à
entreprendre pendant la nuit comportent des précautions particulières et font l'objet
d'exercices spéciaux. L'obscurité facilite l'exécution des surprises et permettait il y a quelques
années encore d'échapper aux vues aériennes de l'adversaire. Elle rend de toute façon
l'observation plus difficile et peut occasionner erreurs et malentendus.
1.2.4.4. Le froid qui tue
En hiver, chaque année, on s'indigne des sans-abris morts de froid pendant la nuit à
l'image de cet article extrait de la presse régionale : « Le cadavre d'un homme mort de froid
dans la nuit a été découvert vers 17 heures, le jour de l'an, dans une cabane à moitié détruite
dans un jardin en friche415 ».
Ces événements nocturnes ne font que renforcer une angoisse millénaire.
1.3. UNE ANGOISSE MILLENAIRE
Dès l'origine, la nuit s'identifie au mal ; si Dieu est Lumière, les ténèbres ne peuvent
être que le domaine du malin. Dans sa somme sur « La peur en occident 47 », J. DELUMEAU
explique que la nuit était par excellence le lieu où les ennemis de l'Homme traquaient sa
perte, au physique comme au moral. Il montre que la Bible déjà, avait exprimé cette défiance
envers les ténèbres communes à tant de civilisations et défini symboliquement le destin de
chacun d'entre nous en termes de lumière et d'obscurité, c'est-à-dire de vie et de mort. Il
rappelle la prophétie de l'Apocalypse : « le nouveau ciel et la nouvelle terre promis aux
bienheureux ne comporteront plus de mer. De même, ils ne comporteront plus la nuit. La
Jérusalem éternelle sera éclairée par la lumière sans déclin qui est Dieu » (Apoc. XXI, 5 ;
XXI, 23 ; I Jn. I, 5).
46
47
Dernières Nouvelles d'Alsace, 3 janvier 1997.
DELUMEAU J., 1978, La peur en occident, Fayard, 607 p.
-30-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
L'approche de l'heure crépusculaire a toujours mis l'âme humaine dans cette situation
morale48 que l'on se reporte à LUCRECE nous dépeignant la terreur de nos ancêtres à
l'approche de la nuit, ou à la tradition juive lorsque le Talmud nous montre ADAM et EVE
voyant « avec terreur la nuit couvrir l'horizon et l'horreur de la nuit envahir les cœurs
tremblants »49.
1.3.1. La mauvaise réputation héritée des mythes créateurs
La plupart des mythes créateurs reproduisent cette approche négative de la nuit.
1.3.1.1. Genèse
Selon la Genèse, l'obscurité a précédé le jour. « Au commencement, Dieu créa le ciel
et la terre. Or la terre était vague et vide, les ténèbres couvraient l'abîme et l'esprit de Dieu
planait sur les eaux.. « Dieu dit : que la lumière soit et la lumière fut. Dieu vit que la lumière
était bonne, et Dieu sépara la lumière des ténèbres. Dieu appela la lumière jour et les ténèbres
nuit. Il y eut un soir et il y eut un matin ». Il est manifeste que dans le vécu chrétien ordinaire,
en plein XXIe siècle, demeure saillant ce clivage entre les puissances du bien et celles du mal,
entre la lumière et la nuit ; ascendant et descendant en un cycle quotidien éternellement repris.
1.3.1.2. Autres mythes
Dans la symbolique et les mythes de la plupart des peuples, la nuit représente le chaos,
le rêve, elle grouille de fantômes et de démons. Pour l'imagination mythique, la nuit et le
déluge sont apparentés, ce sont les deux faces du même chaos d'où est né -d'après les mythes
de création des juifs, des égyptiens et des babyloniens- le Monde, c'est-à-dire la lumière et la
terre ferme. Chaque lever de soleil réitère cette création du monde et de la lumière, et avec
chaque coucher de soleil, le monde, plonge à nouveau dans les sombres flots.
Pour les Grecs, la nuit (Nyx) était fille de Chaos et mère du Ciel (Ouranos) et de la
Terre (Gaïa). Ses enfants se nommaient le sommeil et la mort, les rêves et les angoisses, le
48
49
DURAND G., 1969, op. cit. P. 98,
LUCRECE, De Nat., V, 973-974.
-31-
sarcasme et la tromperie ou, si l'on préfère, l'ironie et le double-sens. Pour les anciens Grecs,
HOMERE (L'Iliade) et HESIODE, la nuit nourrit la mort. Au musée de Syracuse, une statue
singulière de terre cuite -sculptée il y a 2400 ans- représente Nyx, déesse de la nuit, allaitant
ses deux enfants, Hypnos le Sommeil et Thanatos la Mort. Bien qu'elle ait relativement peu
fait parler d'elle, Nyx est loin de jouer les (obscurs) seconds rôles. Même dans l'Olympe, Zeus
en personne accepte son rythme. Dans la mythologie grecque, les nuits étaient souvent
prolongées au gré des dieux, qui arrêtaient le soleil et la lune, afin de mieux réaliser leurs
exploits.
Cette imagination des ténèbres néfastes semble être une donnée première. Les ténèbres
nocturnes constituent le premier symbole du temps et chez presque tous les primitifs comme
chez les Indo-Européens, ou les Sémites « on compte le temps pour nuits et non pour
jours 50 ». Chez les Mayas, le même glyphe, signifie la nuit, l'intérieur de la terre et la mort.
Dans la conception celtique du temps, la nuit est le commencement de la journée, comme
l'hiver est le début de l'année. La durée légale d'une nuit et d'un jour correspond en Irlande à
vingt-quatre heures et symboliquement à l'éternité. Le nom gallois de la semaine est
étymologiquement, huit nuits (wythnos). La période des trois nuits de Samain du calendrier
irlandais est retrouvée terme pour terme dans le calendrier gaulois de Coligny (Ain). D'après
César, les Gaulois comptaient par nuit (OGAC, 9, 337, sqq, ; 18, 136 sqq).
Nos fêtes nocturnes, la Saint-Jean, Noël et Pâques, seraient la survivance des primitifs
calendriers nocturnes51.
1.3.2. Le poids des superstitions
Dans la superstition, la nuit est souvent associée à la mort, au sommeil, aux rêves ou
aux cauchemars, aux angoisses et aux mystères. Elle est riche de toutes les virtualités de
l'existence mais entrer dans la nuit, c'est revenir à l'indéterminé où se mêlent cauchemars et
monstres, les idées noires. Elle est l'image de l'inconscient et, dans le sommeil de la nuit,
l'inconscient se libère, laissant remonter à la lumière les hontes et les remords qui nourrissent
les ineffables douleurs. L'inquiétude face à la nuit, la fascination à l'égard de ses tentations et
de ses mauvais génies reste vivace.
311
ARBOIS DEJUBAINVILLE (H. D'), 1894, Le cycle mythique irlandais et la mythologie celtique, Thossin, Paris.
-32-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
1.3.2.1. Perte morale
«JOUR, n. Période de vingt-quatre heures, gaspillée pour la plupart. Le temps est
divisé en deux parties, le jour proprement dit et la nuit n'est pas très propre. La première
vouée aux vilaines actions de travail, la seconde consacrée aux autres sortes de vilaines
actions ». Cette définition tirée du Dictionnaire du Diable d'A. BIERCE
répond à celle du
53
Dictionnaire des idées reçues de G. FLAUBERT . «MINUIT. Limite du bonheur et des
plaisirs honnêtes ; tout ce qu'on fait au-delà est immoral » et « MATINAL - l'être, preuve de
moralité. Si l'on se couche à 4 heures du matin et que l'on se lève à 8, on est paresseux, mais
si l'on se met au lit à 9 heures du soir pour en sortir le lendemain à 5, on est actif. »
Cette opinion rapportée par les deux lexiques cyniques de la lâcheté et de la sottise
humaines, n'est que la version progressiste, décolorée, des proverbes anciens sur les pièges de
la nuit : « Vous n'allez que de nuit, comme le moine bourru et les loups-garous » ; « La nuit,
l'amour, le vin ont leur poison et venin » ; « Gens de bien aiment le jour et les méchants la
nuit ». Plus récemment, un ami alsacien nous rappelait la phrase préférée de son père qui,
jeune homme, cherchait à le dissuader de sortir la nuit : D'Nacht isch de mensch Fremd qui se
traduit à peu près en « la nuit est étrangère à l'Homme ».
1.3.2.2. Dangers et maléfices
Dans le folklore, l'heure de la tombée du jour, ou encore le minuit sinistre, laisse de
nombreuses traces terrifiantes : c'est l'heure où les animaux maléfiques et les monstres
s'emparent des corps et des âmes54.
La nuit, placée sous les auspices de la lune a de tout temps été considérée comme
appartenant aux créatures et apparitions surnaturelles, aux fantômes, aux vampires, etc., et au
diable : c'est lui, disent les Bretons, qui a créé la nuit « comme contrepartie du jour, qui est
l'œuvre de Dieu ». Le diable rode dans les ténèbres, s'approche des maisons ; c'est en général
après le coucher du soleil qu'il rend visite à ceux qui ont passé un pacte avec lui. Au siècle
dernier, on racontait encore que le diable venait se mêler aux danses dans les fermes et les
51
ELLIADE M., 1952, Essai sur le symbolisme magico-religieux. Gallimard, p. 97-98.
BIERCE A., 1989, Le dictionnaire du diable, Editions Rivages, 310 p.
53
FLAUBERT G., 1994, Dictionnaire des idées reçues, Mille et Une nuit, 95 p.
52
-33-
auberges où ce divertissement n'avait pas cessé à minuit. Les âmes des morts profitaient des
ténèbres pour errer et revenir dans leur ancienne demeure. En Bretagne, où on prétend que les
fantômes apprécient tout particulièrement le moment entre dix heures du soir et deux heures
du matin, VAnkou (personnification de la mort) ou le char de la mort était une des apparitions
nocturnes les plus redoutées.
Les esprits plus ou moins malfaisants, lutins, follets, nains, korrigans, considèrent
aussi que la nuit est leur domaine réservé et cherchent alors à pénétrer dans les maisons. C'est
pour cela que les « portes doivent rester closes la nuit », non pas à cause des voleurs, mais
pour éviter la visite des esprits malfaisants.
Les hurlements de chiens, le chant du coq, les hululements de la chouette ou du hibou,
sont encore plus menaçants dans les ténèbres. Tout bruit, cri, chant, sifflement, entendus la
nuit est de mauvaise augure et présage de mort. On ne doit pas non plus siffler ni chanter car
cela attire le diable et les esprits. Quand on entend un quelconque bruit, il ne faut pas tourner
la tête dans sa direction car « on verrait son malheur ». On recommande fréquemment de ne
pas regarder en arrière sous peine d'être gravement importuné par un mauvais esprit. Au
Moyen Âge, celui qui se retourne sur son chemin et qui ne fait pas le signe de la croix est
condamné à mort ou à être damné. Si l'on voit des lueurs sur le chemin, il ne faut pas les
suivre car « c'est souvent des lutins qui conduisent à quelque précipice ». La nuit est
particulièrement dangereuse pour les femmes enceintes qui se trouvent dehors dans des lieux
déserts : le diable pourrait nuire à l'enfant qu'elles portent. En Normandie, elles courent le
risque d'être piétinées par de « grandes bêtes noires ». Les enfants de moins de sept ans
s'exposent à être attrapés par des sorciers qui les mangeraient. En Bretagne toujours, on
« perd son baptême si on sort la tête nue quand le soleil n'est plus visible ». On ne sort pas la
nuit sans un peu d'eau bénite.
Même dans les logis, certains actes sont dangereux au coucher du soleil, comme
balayer, se regarder dans un miroir, se couper les ongles, jeter de l'eau dehors, introduire ou
faire sortir de chez soi des œufs. En Lorraine, on déconseille de faire sa lessive dans les
ténèbres. Une tradition veut aussi que mourir la nuit conduise tout droit en enfer. La nuit est
bien sûr propice aux opérations magiques car c'est le moment où les forces occultes entrent
en action.
54
SEBILLOT P., 1904, Le folklore de France
-34-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Entre le XlVe et le XVIIe siècle, la culture dirigeante aurait majoré le côté inquiétant
de la nuit55 (et de la lune) en insistant avec une prédilection morbide sur la sorcellerie, le
satanisme et la damnation. C'est à la faveur de l'ombre que se déroulaient, croyait-on la
plupart des sabbats. L'enfer, à l'époque mille fois peint et décrit, est représenté par DANTE
comme le lieu où "le soleil se tait", où l'eau est noire et où même la neige a perdu sa
blancheur. Il y a là « un lieu commun généralement accepté par la mentalité du temps »,
insiste J. DELUMEAU. Lucifer est « le prince des ténèbres terribles », un « brigand dans
l'obscurité », et -expression reprise d'Homère- « l'Erinye qui habite les ténèbres ». Ainsi, la
civilisation européenne, au début des temps modernes, semble-t-elle avoir cédée à une peur
accrue de l'ombre.
Une anthropologie de l'effroi trouvera toujours à alimenter aux contes et aux faits
divers le thème éternel de la nuit malfaisante. R. de LA BRETONNE joue de ce frisson avec
cynisme dans Les nuits de Paris ou le spectateur nocturne56 : « Que de choses à voir lorsque
tous les yeux sont fermés ! Citoyens paisibles, j'ai veillé pour vous ; j'ai couru seul, les nuits
pour vous. Pour vous, je suis rentré dans les repaires du vice et du crime ».
La nuit prend donc une part cruciale dans l'imaginaire comme matrice de terreur :
c'est à ce moment que l'enfant a peur du loup, que les fantômes passent les murailles, que les
sorcières et sorciers se rendent au sabbat en volant57 et que les profanations ont lieu. Attisés
par le roman noir, les films policiers, les nouvelles superstitions ont aujourd'hui pour cadre la
ville et perpétuent l'idée de dangerosité de la nuit urbaine dans ces œuvres où le lien entre
ténèbres et criminalité est permanent. Ils offrent une version moderne à la dissymétrie axiale
qui sépare le jour, où l'exercice de la raison éclaire et rassure, de la nuit, cet autre versant, où
la folie enténèbre l'âme, où la différence des temps obscurs menace le présent. Les conduites
de nuit mises en œuvre dans notre société sont imprégnées de cette imagerie et la nuit
continue à nous inquiéter.
La noirceur est toujours valorisée négativement. Le diable est toujours noir ou recèle
quelque noirceur. Le theâtre occidental habille toujours de noir les personnages réprouvés ou
antipathiques : TARTUFFE, BASILE, BARTHOLO. Enfin les ténèbres entraînent la cécité,
55
DELUMEAU J., 1978, La peur en Occident, Fayard, p. 126
RESTIF de LA BRETONNE, 1788-1789, Les nuits de Paris, Londres, 16 vol.
57
GINZBURG C., « Présomptions sur le Sabbat » (trad. Française par Eisa BONAN), Annales ESC, n°38, 1984, p. 343
56
-35-
nous
retrouvons
souvent
l'inquiétante
figure
de
l'aveugle
comme
comme
MEPHISTOPHELES ou ALCESTE58.
1.3.3. Une peur toujours présente
Avouons que la nuit nous effraie parfois. Le sentiment d'insécurité, pas forcément
proportionnel à l'insécurité objective, croît avec le noir et pas seulement chez les enfants.
1.3.3.1. Des événements symptomatiques
Dans nos métropoles aseptisées, il suffit parfois d'une panne d'électricité pour que la
ville panique et que les pillages s'organisent comme à New York le mercredi 13 juillet 1977 :
« Les trains et les métros se sont immobilisés, retenant leurs usagers prisonniers. Monsieur A.
BEAME, maire de New York, s'est adressé aux habitants pour leur demander de garder leur
sang-froid alors que les pompiers et les agents de police, au repos, étaient rappelés d'urgence.
Monsieur H. CAREY, gouverneur de l'Etat, a déclaré qu'il mettait la garde nationale en état
d'alerte pour venir renforcer la police locale. Celle-ci a annoncé qu'elle avait arrêté près de
quatorze cents pillards qui profitaient de l'obscurité pour dévaliser les magasins59..
Autre exemple plus récent celui-ci de manipulation : en août 1998, lors de l'avancée
des rebelles hostiles au Président congolais L. D. KABILA, on a pu voir l'importance de la
lumière dans la guerre psychologique que se livraient les parties en présence. Chaque nuit, les
rebelles coupaient et rétablissaient le courant plongeant la ville de Kinshasa dans la terreur ou
faisant preuve de modération.
Dernier exemple : lors des violences du réveillon 1997-1998 à Strasbourg, les jeunes
ont fait sauter les armoires EDF plongeant des artères comme l'Avenue de Normandie dans
l'obscurité, créant un sentiment d'insécurité très fort chez les habitants. Dans la même ville,
près de 40 % des infractions relevées pendant l'année par les correspondants de nuit sont liées
à l'éclairage 60 .
58
DURAND G., 1969, op. cit., p. 42.
Le Monde, 15 juillet 1977, p. 16
® Données transmises par l'association d'insertion strasbourgeoise PULSAR
59
-36-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
1.3.3.2. Phobie de la nuit
Si l'on en croit les résultats d'un sondage IPSOS paru il y a quelques années dans un
magazine grand public, 40% des français reconnaissent souffrir d'une phobie : 59 % ont peur
des serpents, 47 % du vide ; 40 % ont peur d'être enfermé ; 27 % de la foule ; 23 % des
araignées, 20 % des avions et 12 % de la nuit.
1.3.3.3. Peur de sortir la nuit
Une enquête menée en 1996 par l'INSEE 61 sur un échantillon de ménages en France
métropolitaine a montré que 13 % des personnes interrogées avaient peur de sortir seules le
soir dans la rue. Parmi les victimes (ou simplement témoins d'une agression), cette
appréhension est deux fois plus fréquente. 19 % des femmes ont peur contre 7 % des hommes.
Victimes ou non, témoins ou non, les personnes ont d'autant plus peur de sortir le soir
qu'elles habitent une agglomération de grande taille : 14 % des personnes vivant en
agglomération et 19% dans la seule agglomération parisienne, hors Paris, ont peur de sortir
seules le soir, contre 8 % de celles résidant en zone rurale. Dans les grandes agglomérations
comme dans les petites, la peur est plus présente dans les zones à forte concentration
d'immeubles collectifs.
1.3.3.4. Peur de l'obscurité
L'absence de lumière et d'éclairages suffisamment performants peut générer des
craintes. Dans un sondage IFOP, le manque d'éclairage était cité comme facteur d'insécurité
par 43 % du public dans les villes françaises de plus de 100 000 habitants et par 49 % dans
f\9
l'agglomération parisienne . Il y a quelques années, dans un autre sondage, on a posé les
questions suivantes aux Français :
- « Dans votre ville ou votre village, vous est-il déjà arrivé d'avoir peur le soir ou la
nuit parce que les lieux n'étaient pas suffisamment éclairés ? » ;
61
« Enquête permanente sur les conditions de vie des ménages », janvier 1996, INSEE, Insécurité et sentiment d'insécurité,
INSEE Premières n°501, décembre 1996.
62
Réponses à la violence, 1977, (rapport présenté par le Comité d'études sur la violence, la délinquance et la criminalité), 2
vol. , Paris, II, p. 179
-37-
- « Vous est-il déjà arrivé de faire un détour pour éviter un endroit mal éclairé lorsque
vous devez vous déplacer à pied, le soir ou la nuit, dans votre ville ou votre village ? ».
Même s'il n'est jamais facile d'avouer que l'on a peur dans certaines circonstances, le
sondage révèle que les rues sombres inquiètent 26 % des personnes interrogées et que ce sont
surtout des femmes qui reconnaissent cette peur. 22 personnes sur 100 ont reconnu avoir déjà
fait un détour pour éviter de traverser un coin sombre et réputé dangereux, parce que
l'obscurité pourrait dissimuler un danger.
1.3.4. Les fondements de la peur
Souvent irraisonnée cette peur s'appuie également sur des fondements objectifs.
L'obscurité, l'absence de témoins et l'isolement social peuvent l'expliquer.
1.3.4.1. L'absence de lumière
Peur de la nuit, peur dans la nuit. Déjà nos ancêtres craignaient avec la nuit que le
soleil ne disparaisse à jamais. La peur du « soleil noir » lors des éclipses totales est encore très
présente comme nous avons pu le constater lors de la dernière éclipse du millénaire en 1999
où les prévisions les plus folles s'étalaient dans la presse. Pendant les semaines qui avaient
précédé le très médiatique événement, les rumeurs et les prévisions les plus délirantes avaient
enflammé les esprits. On se souvient encore de la station Mir et du célèbre couturier qui nous
avait prédit sa fin dans un livre catastrophe Le feu du ciel, qui ressuscitait les grandes peurs du
soleil noir. Cette peur de l'obscurité consiste en une appréhension que rien ne semble justifier,
sinon l'absence de perceptions visuelles63. L'homme n'est pas nyctalope. Il ne peut vivre sans
dommages dans les ténèbres ; il lui faut voir pour agir. Le visuel étant la fonction qui nous
rapproche le plus à l'expérience immédiate. Etre privé de cette possibilité de voir peut être
désagréable parce que cela nous renvoie à la perte de la réalité. La peur existe aussi pour des
raisons plus intérieures et qui tiennent à notre condition. D'après J. DELUMEAU64, la vue de
l'homme est plus aiguë que celle de beaucoup d'animaux, comme le chien par exemple ; aussi
les ténèbres le laissent-ils plus désemparé que beaucoup de mammifères. En outre, la
privation de lumière met en veilleuse les réducteurs de l'activité imaginative. Or les lumières
63
VERDON J., 1994, La nuit au Moyen Age, Perrin, p. 15
-38-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
ont une énorme importance sur la situation de déambulation du piéton, la nuit dans les espaces
publics65. Il se déplace grâce à l'éclairage artificiel qui lui permet de percevoir son
environnement et donc d'adapter son comportement en fonction des stimuli perçus (perçus
signifiant généralement « vus », puisque 90 % des informations qui nous parviennent passent
par le canal visuel. Cette situation de déambulation nocturne est évaluée par l'individu comme
étant plus ou moins agréable, plus ou moins sécurisante en fonction de plusieurs critères :
Ses caractéristiques personnelles ;
Des caractéristiques statiques. Elles dépendent de l'environnement architectural, du
mobilier urbain, de la végétation, des vitrines etc. Ce sont des éléments stables de
l'environnement ;
Des caractéristiques dynamiques. Elles sont dues à la présence des autres passants, des
colporteurs, des voitures et de tous les véhicules qui circulent dans l'espace où se
trouve le piéton ;
Leur densité et leur variété dépendent non seulement du type de quartier, mais aussi
du moment de la journée, de la semaine, de l'année.
1.3.4.2. Absence de témoins
Il est encore vrai que l'obscurité nous soustrait à la surveillance d'autrui et de nousmêmes, qu'elle est plus propice que le jour aux actes qu'on se retient d'envisager par
conscience ou par crainte : audaces inavouables, entreprises criminelles, etc.
A cet effet, la corrélation entre absence d'éclairage et agression est difficile à établir
avec précision. Dans l'abondante littérature consultée sur ces questions, seule une étude
menée en 1981 à Lyon66 permet d'apporter une première réponse. Sur 173 cas d'agressions
étudiés, 40,5 % se sont produits dans des lieux dont l'éclairement était de 0 à 5 lux et 32,4 %
de 5 à 10 lux soit 73 % dans des lieux peu éclairés. A l'inverse, seulement 3% des agressions
ont eu lieu dans des zones à niveau d'éclairement supérieur à 20 lux. L'analyse détaillée de
l'environnement des lieux a montré qu'un certain nombre de délits se sont produits dans des
64
DELUMEAU J., 1978, op. cit.
LAIDEBEUR A., 1987, « La lumière, le piéton et la ville », Revue internationale d'éclairage, pp. 50-53
66
Cité dans le Guide pour la conception de l'éclairage public en milieu urbain, 1981, Centre d'études des transports urbains,
Ministère de l'Urbanisme et du logement - Ministère des transports 147 p.
65
-39-
secteurs correctement éclairés (supérieur à 20 lux), mais qui présentaient une insuffisance
d'éclairement à l'endroit exact de l'agression.
1.3.4.3. Isolement social et séparation
Enfin, la disparition de la lumière nous confine dans l'isolement, nous enveloppe de
silence et donc nous «désécurise ». La nuit étant, du fait du sommeil, le moment des
séparations, le noir peut également, à ce titre être angoissant. Si la nuit porte conseil, c'est
aussi la zone des cauchemars, des rêves récurrents et terrifiants qui troublent le sommeil, des
angoisses, des soucis qui nous poussent à nous retourner dans le lit, les yeux grands ouverts.
Cette peur est très couramment ressentie par les enfants. Entre six mois et trois ans, plus d'un
tiers des enfants ont des difficultés à s'endormir ou à dormir sereinement. C'est le moment où
se construisent les mécanismes de représentation des séparations et de mentalisation de
l'absence. Il s'agit, qui plus est, d'une période psychique au cours de laquelle les enfants
éprouvent des conflits très forts. A trois ans, c'est le moment où l'angoisse de séparation
fn
s'atténue et cède la place à la peur du noir . La perte de contrôle de la pensée qui se produit
lors de l'endormissement fait qu'ils se mettent à voir à ce moment-là des monstres et autres
personnages épouvantables qui viennent représenter leurs conflits et les terrifient. Les rites, le
doudou, le biberon de lait sucré, sont autant de moyens de les rassurer. Les troubles du
sommeil s'accentuent durant la période des grandes acquisitions, jusqu'à l'âge de 7, 8 ans
puis, normalement, ils disparaissent. La tombée de la nuit amorce pour eux le début d'un long
voyage vers un monde inconnu. On ressasse tous les tracas de la journée et les soucis des
grands. Les enfants sont de véritables éponges à angoisse, explique la psychanalyste N.
FABRE68.
Afin de réguler cette angoisse, les ouvrages pour les petits enfants multiplient les
tentatives de réconfort (Figure 1.2 - Couverture d'un ouvrage pour enfant). Ainsi dans « Petit
ours brun a peur du noir69 » :
67
68
m
NEMET-PIER L., Moi, la nuit, je fais jamais dodo, Editions Fleurus,
FABRE N. Blessures d'enfances, Albin Michel,
Petit ours brun a peur du noir, 1993, Bayard, illustrations de Danièle BOUR, 17 p.
-40-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Petit ours brun, il est l'heure de dormir.
Non ! Je joue encore.
Petit Ours Brun, il faut aller au lit.
Non ! Je ne veux pas y aller.
Petit Ours Brun, cette fois on y va !
Non ! il y a une bête dans mon lit.
Mais Petit Ours Brun, il n'y a pas de bête, tu vois bien!
Papa, quand il fera noir, un bonhomme viendra dans ma chambre.
Tu as peur parce qu 'il fait noir ; mais il n'y a pas de bonhomme.
Je laisse la porte comme ça, ça va ?
Oui, mais je veux un gros câlin ».
10
Dans un autre livre La nuit le noir
destiné aux enfants le Docteur C. DOLTO-
TOLITCH, tente à sa façon de rassurer l'enfant face à la nuit : « C'est agréable de se
promener le soir en tenant la main d'une grande personne. Les lumières s'allument, la lune et
les étoiles apparaissent. Elles ont chacune un nom. Celle que tu vois en premier, c'est l'étoile
du berger. Quand la nuit tombe, tout change, au dehors tout se transforme et les arbres
dessinent de drôles d'animaux. La peur du noir, c'est difficile. C'est pour cela que c'est
toujours méchant et bête d'enfermer quelqu'un dans le noir ». Elle multiplie les conseils :
« Pour apprivoiser le noir, on peut apprendre à se repérer, les yeux fermés comme quand on
joue à colin-maillard. Il faut tout préparer pour chasser le noir : la lampe qu'on peut allumer
depuis son lit, les veilleuses sur les prises de courant qui font un chemin de lucioles jusqu'aux
cabinets. On peut aussi laisser la porte ouverte. On peut demander à une grande personne de
nous aider. D'abord, on reste ensemble dans le noir en se tenant la main et en parlant. Ensuite,
on reste en silence. Quand on se sent prêt, la grande personne s'en va. Ca rassure aussi
d'entendre les petits bruits de la maison : les voix des parents, le ronron du réfrigérateur, le
tic-tac du réveil... Ce sont nos amis de la nuit ».
71
Plus étonnant, un livre-accordéon
luminescent -destiné aux enfants à partir de deux
ans- pour découvrir la ville de nuit comme de jour témoigne de l'intérêt grandissant pour la
nuit urbaine. Avec la lumière, nous découvrons côté jour, trois enfants, une rue, des feux, des
pompiers et une grande roue. Dans l'obscurité, les yeux s'habituent à voir les éclairages du
quartier la nuit : les enseignes lumineuses, les feux, les lampadaires, la lune. Ce petit livre
70
DOLTO-TOLITCH, 1994, La nuit le noir, Gallimard jeunesse, 10 p.
-43-
cartonné se déplie avec, côté pile, une vue urbaine panoramique et, côté face, des étoiles et
des planètes qui veillent sur le sommeil du jeune lecteur.
1.3.4.4. Cauchemar et terreurs nocturnes
La nuit est aussi le temps des cauchemars crises d'angoisse qui surviennent pendant le
sommeil. Le mot cauchemar vient de cauquer, vieux mot picard qui signifie « fouler,
presser » et de mare, mot néerlandais qui signifie fantôme. Il est en rapport avec l'ancienne
croyance qui voulait que le sommeil soit perturbé par des fantômes qui écrasaient la poitrine
du dormeur et provoquaient le cauchemar. Au Moyen Âge, le pape GREGOIRE IV avait déjà
tenté de distinguer les catégories de songes72. Il donna pour les uns une explication
physiologique : une nourriture trop copieuse. D'autres étaient inspirés du démon.
Une troisième découlait des soucis de la journée. Une quatrième espèce provenait de
Dieu, ainsi qu'on le constate dans la Bible. Enfin, le rêve pouvait répondre à un souhait ou à
une préoccupation du dormeur. Cette classification célèbre se retrouve dans maints écrits
médiévaux et reste en partie pertinente aujourd'hui. Il existait également à cette époque une
classification moins nuancée qui attribuait les songes soit à Dieu, soit au diable, soit à
l'homme. Aujourd'hui, les spécialistes distinguent les terreurs nocturnes du sommeil lent et
profond (.Night terror, Pavor nocturnus de l'enfant, Incubas de l'adulte), des cauchemars du
sommeil paradoxal (Nightmare, rêve anxieux)73.
La crise de terreur nocturne survient généralement en début de nuit (entre 30 à 200
minutes après l'endormissement). Son début est signalé par un cri perçant qui témoigne d'une
indicible panique. Le patient peut appeler à l'aide, crier quelques mots, lancer des injures.
Après la crise qui dure une à quelques minutes, on peut se réveiller avec un sentiment
d'angoisse intense qui paraît soit isolée, soit rattachée à un contenu mental pauvre, limité à
une scène unique ou une impression plus vague : impression d'être enterré vivant dans une
tombe, d'être écrasé par un poids sur la poitrine, d'être en situation de danger imminent et de
ne pas pouvoir fuir. Le lendemain, il y a généralement amnésie de la crise.
71
MALYE J., 1994, Qu'est-ce qui brille dans la ville, Albin Michel, Paris.
BRAET H., 1975, Le songe dans la chanson de geste au Xlle siècle, Gand.
73
ROYANT-PAROLA S., «Cauchemars et terreurs nocturnes», in PELICIER Y., Somnambules
Economica, 1985, pp. 44-56
72
-44-
et
parasomniaques,
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Le cauchemar, ou rêve anxieux, survient en général dans la deuxième partie de la nuit.
Lorsqu'il provoque l'éveil, on a très précisément le souvenir d'un rêve détaillé, chargé
émotionnellement, très vivant mais aussi très anxiogène ou effrayant74. Habituellement, ce
contenu est lié à la peur de tomber, de mourir, d'être étouffé ou à l'impression d'être
pourchassé.
1.3.4.5. Somnambulisme
Parmi les troubles du sommeil, le somnambulisme est relativement fréquent. Défini
comme une déambulation nocturne inconsciente, récidivante, non stéréotypée, ne laissant
-y C
aucun souvenir en l'absence de toute lésion organique . Bien connu du praticien et des
familles, il touche 1 à 6 % de la population, le plus souvent chez l'enfant : 15 % font un accès
entre 6 et 12 ans. Dans 70 % des cas, il s'agit d'un garçon chez lequel on retrouve souvent des
antécédents héréditaires de somnambulisme. Dans la grande majorité des cas, l'accès reste
unique au cours de la même nuit, il dure de quelques minutes jusqu'à une demi-heure parfois.
La personne sort de son lit, déambule dans la chambre, dans l'appartement, dans la maison,
parfois sort dehors. Il est capable d'effectuer des activités habituelles, originales, périlleuses
ou dangereuses. C'est le cas du risque de défenestration appelé « syndrome d'Elpénor », du
nom du compagnon d'ULYSSE qui au matin d'une nuit d'ivresse se fracassa du haut de la
terrasse de Circé. Une fois l'activité terminée, le somnambule retourne spontanément dans
son lit. Ce syndrome a brisé la carrière du Président P. DESCHANEL qui, victime d'une crise
de somnambulisme, se serait défenestré et a été retrouvé vers minuit le 23 mai 1920, errant en
pyjama de soie le long de la voie ferrée près de Montargis.
Ces accès de somnambulisme, souvent spectaculaires, ont toujours frappé les
imaginations et contribué à obscurcir encore les mystères du sommeil et de la nuit.
1.3.5. Une plus grande vulnérabilité physique
On a vu que les calendriers de toutes les civilisations sont fondés sur l'alternance de la
lumière et de l'obscurité, le développement de l'être humain est donc simultané de cette
74
HARTMANN E. et al.,1981, «The personnality of the nightmare sufferer : relationship to schizophrenia and activity » ,
Am. J. Psychiatry n°138, pp. 794-797
75
BAKWIN H., 1970, Sleepwalking in twins, Lancet, pp. 446-447
-45-
Ifl
périodicité-là. D'après J. DELUMEAU , des aveugles qui ne connaissent pas la lumière du
jour sont tout de même pris d'angoisse quand vient la nuit : preuve que l'organisme vit au
rythme de l'univers. On peut en conclure que les rythmes circadiens [rythmes biologiques
dont la périodicité est d'environ 24h (21 à 27h)j sont inscrits en nous. Sachant par ailleurs que
la lumière exerce une influence notable sur notre état psychique, il est également possible
d'estimer qu'il y a un substrat biologique à l'angoisse liée à sa diminution. La crainte d'une
disparition du soleil n'est pas propre aux Mexicains de jadis.
1.3.5.1. Un rythme biologique circadien
L'homme est soumis à des rythmes biologiques, il a une anatomie dans le temps
comme dans l'espace. La chronobiologie montre que cette structure spatiale temporelle, bien
que sa synchronisation soit de nature socio-écologique, est génétiquement déterminée : le
système endocrinien s'adapte aux demandes de l'environnement (et permet de veiller la nuit
par exemple), mais l'adaptation n'est pas totale, le rythme circadien ne s'inverse pas.
L'expérience a été faite sur des travailleurs de nuit qui, un an après l'arrêt du travail de nuit,
se sont révélés en meilleur état physique et mental. Il existe à tous les niveaux d'organisation,
des variations périodiques et prévisibles. Des recherches ont permis de repérer les rythmes
circadiens (environ 24 heures) de la pression artérielle, des sécrétions hormonales, du plasma,
etc. On sait déjà que les effets d'un aliment (ou d'un médicament) varient en fonction de
l'heure à laquelle il est absorbé. Une cellule ne fait pas tout à la fois : elle peut remplir des
fonctions différentes selon les heures ; et de ce fait, le système de défense de l'organisme
varie selon les moments de la journée. Ces observations sont valables au niveau de l'année,
également : on meurt d'accidents vasculaires cérébraux en février plus qu'en tout autre mois,
quelles que soient d'ailleurs les facteurs externes et climatiques.
1.3.5.2. Plus grande vulnérabilité nocturne
D'après le Docteur A. REINBERG77, morbidité et mortalité auraient des rythmes
circadiens et saisonniers qui avaient déjà été identifiés par Hippocrate. La nuit est parfois une
frontière que les personnes gravement malades ont du mal à franchir : « s'ils passent la
nuit... ». Les variations de la vulnérabilité de l'organisme seraient en liaison directe avec la
structure temporelle : on ne meurt pas de n'importe quoi n'importe quand. Aujourd'hui, les
76
DELUMEAU J., 1978, op. cit.
-46-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
travaux des chronobiologistes rejoignent les Grecs de l'Antiquité et constatent une plus
grande vulnérabilité de l'humain pendant la nuit. Il ne s'agit pas seulement d'une moindre
résistance aux agents et facteurs d'agression, mais aussi des effets du creux nocturne de nos
performances psychiques et physiques. Si nous veillons, nous nous comportons, nous
réagissons de manière très différente, de nuit et de jour. La fatigue est nulle ou faible entre 10
heures du matin et 16 heures, après quoi elle augmente progressivement jusqu'au coucher. Si
on empêche le sujet de dormir, on constate encore que la fatigue passe par un pic vers deux ou
trois heures du matin, après quoi elle décroît jusqu'à dix heures du matin. Il en résulte que
l'activité nocturne accroît énormément le risque de se blesser, de se tuer, et de blesser ou tuer
autrui.
1.3.5.3. Baisse de performances
Nous serions donc faits pour nous activer le jour et nous reposer la nuit même s'il
existe de rares exceptions. Les résultats de très nombreuses recherches montrent que nos
performances, évaluées par différents tests classiques, sont les plus mauvaises pendant la nuit
(temps de réaction à un signal, calcul mental, reconnaissance de formes, raisonnement
logique). Non seulement nous sommes plus lents mais nous faisons plus d'erreurs. Les
meilleures performances des enfants et des adultes sains se situent entre 10 heures et 18
heures. Avant et après, cela marche moins bien. Les spécialistes ont constaté qu'il existait un
rythme circadien des records d'athlétisme, un rythme circadien de la tête et des jambes.
Lorsque les championnats d'athlétisme ont lieu la nuit, les spectateurs sont le plus souvent
78
frustrés dans leur attente de performances .
Il faut ajouter à cela les modifications de nos comportements. C'est pendant la nuit
que nous évaluons le plus mal les distances qui nous séparent d'un obstacle et la vitesse de
nos déplacements. Le besoin de sommeil n'explique pas tout. Le rythme des performances et
du comportement persiste chez les sujets qu'on empêche de dormir pendant plusieurs jours et
nuits. Cependant, il est vrai que la privation de sommeil diminue le niveau des performances,
d'une nuit à la suivante. Pour dire ces choses autrement, nous réagissons de manière
différente, de jour et de nuit ou encore notre personnalité varie suivant un rythme circadien.
D'après A. REINBERG79, le pic de performance à des tests psychologiques se situe vers 15
77
REINBERG A., 1998, Le temps humain et les rythmes biologiques, Editions du Rocher, p. 25.
L'enigme du sommeil, Athena, Mensuel du développement technique logique n° 119, p. 347.
79
REINBERG A., 1998, op.cit.
7ii
-Al-
heures et le creux vers 3 heures du matin. En clair, la nuit ne facilite guère la résolution des
problèmes de robinet et de baignoires, pas plus que celui de l'enfilage des perles.
1.3.5.4. Vigilance réduite
Les nombreuses études, réalisées dans des conditions réelles, montrent que le nombre
des erreurs, des fausses manœuvres, des consignes opératoires oubliées culminent pendant la
nuit (lecture de cadrans, gestes de coordination, conduite de motrices de trains rapides, etc.).
Rien d'étonnant, dans ces conditions, à ce qu'il existe un rythme des accidents dont le pic se
situe entre 3 heures et 5 heures du matin. L'étude de W. HARRIS, réalisée en 1977, est
exemplaire. Les accidents de camions, circulant seuls, trafic nul, par temps sec avec bonne
visibilité, sur des autoroutes en bon état, passent par un pic vers 5 heures du matin et un creux
entre 9 heures et 21 heures. La différence pic / creux est de 300 contre 1. Autrement dit, 300
fois plus de «chance » de s'écraser à 5 heures qu'à 19 heures. La courbe du risque grimpe
très vite entre minuit et l'heure du pic et dégringole ensuite jusqu'à 9 heures.
Ce dernier point est vérifié par la courbe des « accidents » (non mortels) des
conducteurs de bus d'Amsterdam comme ceux des pilotes de chasse des forces de l'air
israéliennes, lors de vols d'entraînement. Bref, c'est au petit matin que les arbres traversent
les routes. La question est de savoir qui est le plus exposé à ce risque. L'entraînement et
l'éducation réduisent la baisse nocturne des performances. Ainsi les professionnels de la
conduite de nuit ont-ils très peu d'accidents par rapport aux occasionnels des fins de semaines
et des vacances. Les routiers, les cheminots, les pilotes expérimentés ont appris à modifier
leur comportement suivant les heures. En outre, les dispositifs de sécurité des entreprises à
risque donnent l'alerte et «gèrent l'incident» par ordinateur, suivant des consignes
rigoureuses, ce qui donne au travailleur de nuit un délai de 10 à 15 minutes pour réagir de
manière appropriée. Cette donnée est importante, car une personne éveillée au milieu de la
nuit a besoin (en moyenne) de 20 minutes pour « reprendre ses esprits ». Ainsi, le chirurgien
de garde, tiré du lit à 3 heures du matin, opère-t-il aussi bien qu'à son habitude : c'est un
professionnel entraîné et, entre son éveil et le début de l'intervention, se situent les quelques
minutes nécessaires à sa préparation.
-48-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
1.3.5.5. Sensibilité accrue aux maladies
II existerait des relations entre nos horloges biologiques et la maladie. L'asthme par
exemple, gêne à la respiration qui revient par accès, est une maladie qui touche environ 3 %
de la population soit un million et demi de français. Ce trouble respiratoire majeur et
périodique se manifeste la nuit, dans 70 % des cas. Au début des années 80, M. SMOLENSKI
a montré que l'infarctus du myocarde variait suivant un rythme de 24 heures, avec un pic
matinal entre 6 heures et 10 heures et que ce risque était manifestement lié aux rythmes
circadiens de facteurs qui contrôlent la coagulation. Chez les sujets sains comme chez ceux
qui souffrent de troubles vasculaires, on observe que toutes les variables ont leur pic favorable
à la coagulation entre 6 heures et 8 heures du matin et leur creux vers 18, 20 heures. En
dehors des rythmes biologiques plus spécifiquement impliqués dans l'infarctus du myocarde,
A. REINBERG rappelle que ces heures à risque sont précisément celles, pendant lesquelles
les catécholamines, l'aldostérone et la pression artérielle grimpent allègrement. En outre, les
rythmes circadiens des indices qui caractérisent l'activité du cœur révèlent qu'il est moins
efficace le matin. Difficile de croire que tout cela n'est que simple coïncidence dans le temps.
Absence de lumière et vulnérabilité physique accrue expliquent en partie le malaise
engendré chez l'homme par la venue de la nuit et les efforts de notre civilisation urbaine pour
faire
reculer
le
domaine
de
l'ombre
et
prolonger
le jour
par
o
un
éclairage
n
artificiel. Paradoxalement, la nuit est aussi une amie rappelle W. PASINI .
1.4. LA LIBERTE ET LA TRANSGRESSION
La nuit n'est pas que le domaine de la peur et des angoisses. Pour beaucoup d'entre
nous, c'est aussi le temps d'une certaine liberté grâce à l'obscurité qui autorise les
transgressions. La nuit, moment privilégié de repos, devient aussi lieu du plaisir, de la fuite en
avant, de la création, de la négociation voire de l'exploit. On s'intéressera davantage à la nuit
blanchie par l'éveil qu'à celle effacée par le sommeil.
8,1
PASINI W„ 1997, Le temps d'aimer, Odile Jacob, p. 178.
-49-
1.4.1. Repos et apaisement
Pour une majorité d'entre nous, la nuit est le moment de liberté où l'on échappe au
temps contraint, professionnel pour un temps libre, privé où l'on peut s'abandonner au repos.
C'est un moment consacré au sommeil. Dormir est une exigence de la nature humaine et à
l'exception des insomniaques, des somnambules et des noctambules forcés ou volontaires, le
commun des mortels se repose alors. Les publicités pour les crèmes de soin ciblées « nuit »
vantent ce repos toujours réparateur. Pour beaucoup, la nuit est une fuite loin du travail, des
conflits sordides ou insolubles.
Chez C. BAUDELAIRE, c'est le crépuscule du soir qui, par un renversement
poétique, est apaisement et avènement, mais cette sensibilité paradoxale n'est pas le seul fait
du poète exilé sur terre. « La nuit porte conseil », ce proverbe prône les bienfaits de la
temporisation avant l'action. La nuit marque une rupture ; elle précède et prépare l'éclosion du
jour, elle interrompt la pression des événements, du réel pour laisser la place à la liberté du
songe, vue comme une raison extérieure et qui conseille l'homme.
Dans
la tradition
grecque, la nuit était qualifiée « euphrone », c'est-à-dire
« bienveillante, de bon conseil ». Cette idée est déjà exprimée rhétoriquement chez
MENANDRE au IVe siècle avant J.-C. : « la nuit, le conseil vient au sage ». On la retrouve
chez H. de BALZAC: «Eh bien ! reprit l'avare, vous reviendrez me voir demain (...).
D'ailleurs, la nuit me portera conseil ». Le rêve est une forme d'évasion surtout s'il n'est pas
cauchemar.
1.4.2. Victoire sur le sommeil
La veille est une ascèse, qui, comme le jeûne ou la souffrance volontaire semblent être
le monopole, soit du monde religieux soit du monde profane81. Dans le premier cas, comme
dans certaines communautés catholiques, cette « veille des purs » surveille et protège le
sommeil de tous. Dans le second, les divertissements des voluptueux urbains qui dorment le
jour et s'amusent la nuit sont alors souvent décrits comme signe de décadence et de perdition
de la société toute entière.
81
NAHOUM-GRAPPE V., TSIKOUNA M.,1997, Introduction, Société et représentations n°4, CREHESS, p. 7
-50-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Les grands hommes seraient des petits dormeurs et l'absence de sommeil aurait
façonné leur destin. On cite souvent M. PROUST mais aussi NAPOLEON parmi les
insomniaques icônes. On rapporte qu'ils se couchaient tard, se réveillaient au bout de deux ou
trois heures, se mettaient au travail puis se recouchaient. La légende s'accommode fort bien
de ce tableau. NAPOLEON maîtrisait son sommeil comme il maîtrisait ses troupes. Une étude
parue en 1988 dans Les Annales d'oto-rhinolaryngologie sous la plume de C.-H. CHOUARD
et B. MEYER montre que le « Grand homme » souffrait en fait d'apnées du sommeil, maladie
qui touche entre 2 et 4 % de la population.
« La nuit blanche » est celle où l'on ne dort pas. Elle est comme une victoire, un rite
initiatique pour l'adolescent, le signe d'un dur labeur ou d'un événement grave pour d'autres.
C'est celle dont on se souvient. On peut rappeler avec CIORAN que « les nuits où nous avons
dormi sont comme si elles n'avaient jamais été. Restent seules dans notre mémoire celles où
nous n'avons pas fermé l'œil : nuit veut dire nuit blanche ». « Dormir est une perte de temps »
résume le journaliste noctambule F. TADDEI : « Quand j'étais petit, je mettais mon réveil en
pleine nuit. Je prenais un livre, j'ouvrais ma fenêtre pour palper l'atmosphère. Une heure
après je me rendormais. Le lendemain, je ressentais une sorte de supériorité par rapport à mes
petits camarades. J'avais l'impression que ma vie était plus longue que la leur82 ». On
retrouve cette fierté chez les « nuiteux » chauffeurs de taxi notamment. Chez certains, comme
Frédéric BEIGBEDER, chroniqueur, écrivain et animateur qui continue de fleurter avec la
nuit, ce snobisme atteint des sommets : « la nuit, les cons dorment. Alors , on reste entre gens
o-i
intelligents
».
Pour beaucoup d'étudiants, le travail de nuit dans l'urgence est une pratique régulière.
Pour
certaines
professions,
comme
les
architectes,
la
« charrette » s'est
presque
institutionnalisée qui en fait des travailleurs de nuit. Beaucoup de paresseux en proie à la
procrastination connaissent l'urgence des nuits blanches.
Au-delà, la nuit se mue aussi en exploit. De nombreux événements sportifs jouent sur
cette performance du «24h/24» ou de la «traversée de la nuit» jusqu'à construire une
mythologie. C'est le cas de la course automobile des 24 heures du Mans, 24 heures de
suspense, de passion partagée, de communion au nom de la voiture et chaque année : la nuit la
82
Dossier « Nuit blanche », Télérama n°127, octobre 2002, pp. 4-7
plus longue et son lot de rebondissements et d'accidents : 200 000 personnes venues de toute
l'Europe et combien d'amateurs derrière leur poste de radios ou de télévision. A une autre
échelle, la course Paris-Colmar, la plus longue épreuve de marche du monde avec ses 521 km
a aussi ses nuits inhumaines qui construisent des légendes. Les marins lancés dans les grandes
transatlantiques nous abreuvent régulièrement de leurs méthodes pour tenir le coup la nuit en
mer et des méthodes de « sommeil flash ».
La victoire est aussi celle de la transgression.
1.4.3. Transgression des normes
D'après A. CORBIN , il existerait un modèle transmis par le pensionnat qui présente
le lit, la nuit et le sommeil comme les domaines de dangereux fantasmes et qui confère à la
cloche de l'aube le sens d'un appel à rendre grâces à Dieu pour avoir heureusement traversé
les « tentations nocturnes »
Aujourd'hui la nuit offre de nombreuses possibilités de transgression de l'ordre du
jour. Elle permet de se libérer, dans l'imaginaire, des contraintes de la hiérarchie et des
routines du quotidien, « de faire n'importe quoi », de transgresser les normes. L'opacité de la
nuit n'est pas qu'une simple question de luminosité avertit Bernard PAILLARD85. Profitant
de l'obscurité, certaines activités humaines frisant les interdits s'y exercent dans un clairobscur social semé d'embûches. L'imaginaire saisit ces comportements illicites pour dresser
une fantasmagorie de la nuit, face cachée du jour. La prostitution est l'une de ces occupations
nocturnes. Même si elle s'exerce aussi de jour, elle marque la ville la nuit et y occupe une
place notoire.
1.4.4. Plaisirs dyonisiaques
Le culte de Dyonisos se célèbre la nuit où l'on transgresse les interdits. Faire la fête,
c'est-à-dire au moins boire et danser, se déroule plutôt le soir et la nuit. La performance
83
Dossier « Nuit blanche », Télérama n°127, op.cit.
CORBIN A., 1994, Les cloches de la Terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle, Albin
Michel, p. 281
85
PAILLARD B., 1994, L'épidémie, carnets d'un sociologue, Paris, Stock.
84
-52-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
festive, cette croissance attendue en chaude intensité de la performance collective (une fête
peut être loupée) se déploie surtout la nuit. Le modèle contemporain réussi de la fête suppose
« l'oubli du lendemain », « de ses soucis », au profit de la soirée et de la nuit qui vient. La
surprise et le rire, l'ivresse et la danse, la musique toujours, sont requis pour entraîner, dans
un parcours en boucle, le fêtard nocturne. « Le soleil enfin couché, je revis. La nuit est une
fête, les gens sont plus beaux car ils sont plus éclairés » proclame Muriel MORENO, exchanteuse du groupe Niagara. Quel que soit le lieu et quel que soit le temps, on retrouve la
cérémonie de la « lampe éteinte ». Il s'agit de célébrer la divinité ou le divin social qu'est la
communauté par la confusion des corps qui s'étreignent dans l'obscurité. Chaque fois que
l'on a affaire à des pratiques orgiaques, on retrouve les ténèbres et la pénombre rappelle
M. MAFFESSOLLI86.
En journée, au travail, les discussions et les rencontres sont régies par l'argent et la
représentation sociale. La nuit est placée sous le signe du plaisir. La nuit est le moment où
l'éros se réveille et autorise la transgression. C'est le domaine des rêves, des fantasmes, de
l'abandon dans les draps aux caresses de la personne aimée. Le sexe est comme une épée de
Damoclès placée sur nos têtes. La nuit a toujours été liée à la sexualité comme l'atteste
l'expression «une nuit d'amour». Le rêve de Roméo, c'est plutôt le soir, la nuit.
Aujourd'hui, l'acte sexuel s'est commué en exploit à l'image du titre de cet article extrait
d'un nouveau magazine pour hommes : «Comment l'aimer jusqu'au bout de la nuit ? ».
Pourtant, d'après les spécialistes, l'heure idéale pour faire l'amour se situerait vers les 9 heures
du matin, moment où la testostérone, hormone sexuelle la plus active chez l'homme, atteint un
pic : le corps masculin se trouverait alors idéalement « préparé » pour faire l'amour . Si le
« matin n'a que l'éros à la bouche, encore faut-il se trouver au bon endroit et avec la bonne
personne à cette heure là » conclut W. PASINI88.
1.4.5. Contestation de l'autorité
La nuit est aussi le temps des gestations, des germinations, des conspirations qui vont
éclater au grand jour en manifestation de vie.
86
MAFFESSOLI M., 1985, L'ombre de Dyonisos, Librairie des Méridiens, Klincksieck & Cie, p. 179
LARSEN CRENSHAW T., 1996, The Alchemy ofLove and Lust, New-York, G.P. Putnam's Sons.
88
PASINI W„ 1997, op.cit.
87
-53-
OQ
Déjà, la nuit médiévale recelait ce danger redoutable , celui de la subversion de
l'ordre public. La nuit signifiait « le refus de l'ordre urbain ». Des bandes de jeunes causaient
du désordre, commettaient des actes de vandalisme qui se rapprochaient du délit politique
dans la mesure où apparaissait une contestation des autorités municipales, voire royales.
Lorsque des opinions politiques font l'objet de poursuites, il reste la nuit pour les exprimer
secrètement bizarre90, voire pour leur donner une illustration concrète. De sorte que des
conspirations prennent alors naissance. Et la nuit n'est plus licence, elle devient liberté. Les
nuits de nos cités ne sont pas si différentes.
1.4.6. Créativité
La nuit avec ses heures interminables qui se déposent comme un voile sur la société et
ses règles, semble propice à la créativité. Dans des domaines forts proches, celui de la
mystique et de la poésie, la nuit joue un rôle primordial, l'expérience mystique et l'expérience
poétique y trouvent, la plupart du temps, source et inspiration, et régulièrement reviennent s'y
régénérer91. Pour eux, la nuit est un moment actif de recherche plutôt que d'évasion. Bien des
écrivains et des artistes trouvent une inspiration supplémentaire dans la venue de la nuit : les
idées deviennent transparentes à mesure que le monde gagne en opacité92. L'image de
l'intellectuel demeure associée à une photo en noir et blanc, un café, un paquet de cigarettes
jeté sur une table et une vieille machine à écrire éclairée d'une lumière blafarde. Le noir de
l'encre, le blanc de la page, n'est-ce pas la figure même de l'insomnie ?
« Longtemps, je me suis couché de bonne heure. Parfois, à peine ma bougie éteinte,
mes yeux se fermaient si vite que je n'avais pas le temps de me dire : je m'endors. » La
première phrase de l'œuvre de M. PROUST A la recherche du temps perdu, ne laisse aucun
doute sur la place qu'il accorde aux sommeils. Quelques années avant la naissance du
mouvement surréaliste, l'écrivain voit dans le sommeil, le rêve qui l'accompagne et la
mémoire involontaire (une sorte de rêve éveillé), les moteurs de la création artistique. Selon
lui, « les grands livres doivent être les enfants non du grand jour et de la causerie mais de
l'obscurité et du silence93 ». Position de travail qui le conduit fatalement à l'insomnie la nuit.
8J
' VERDON J„ 1994, op.cit.
" VERDON J„ 1994, op.cit.
91
MAFFESSOLI M., 1985, L'ombre de Dyonisos, Librairie des Méridiens, Klincksieck & Cie, 246 p.
92
PASINI W„ 1997, op.cit.
M
MABIN D„ 1992, Le sommeil de Marcel PROUST, PUF, 224 p.
lJ
-54-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Il complétait « On ne peut bien décrire la vie des hommes si on ne la fait pas baigner dans le
sommeil où elle plonge et qui, nuit après nuit, la contourne comme une presqu'île est cernée
par la mer ».
Même approche chez CELINE qui sait ce qu'il doit à ses nuits agitées. «Mon
tourment à moi, c'est le sommeil. Si j'avais bien dormi toujours, jamais je n'aurais écrit une
ligne » écrivait-il. Beaucoup d'écrivains contemporains sont également adeptes de la création
nocturne. M. GALLO, chez qui les rouages de l'écriture sont bien huilés, utilise ses heures
avec le rendement que l'on sait. En forçat de l'écriture, il se réveille naturellement, tous les
matins à 3h30 et se met au travail, bien au chaud dans sa robe de chambre. A. RINALDI
estime « qu'on a plus d'imagination et de concentration quand on sait que la plupart des gens
malfaisants dorment ». « J'ai été insomniaque très tôt. Je me couchais tard. Il fallait que
j'écrive la nuit pour rendre les papiers le matin. C'est ainsi que je suis devenu insomniaque. Et
je le suis resté. L'insomnie est pour moi comme un sablier inversé, dont je m'accommode très
bien. J'aime la nuit. La vie est excitante, l'amitié plus grande94 ». Si A. RINALDI est un
homme des nuits sans nuit, C. BOBIN est un homme des nuits sans fin. Celui qui avoue une
passion pour PROUST, écrivain nocturne par excellence, aime se coucher tard, par
gourmandise. Pour lui, toute littérature joue avec la nuit et l'insomnie. « Quand on écrit, dit-il,
c'est comme si nos activités de plein jour étaient un sommeil, et l'écriture, une veille » ?
Nombreux sont les romanciers noctambules qui témoignent de ce moment de création très
particulier. Pour certains comme C. EGAL, auteur de New York est mon excès « Ce sont des
heures où ce qui est important pour moi apparaît clairement, un peu comme si un rythme de
vie inconscient s'installait »95. Pour d'autres, comme P. KRAMER96, les heures semblent plus
longues. C'est son bonus de temps. Le noir rassure D. ARSAND97 et H. HADDAD qui
écrivent avec plus de difficultés la journée, en faisant davantage de corrections car la critique
est plus présente.
Dans le domaine de la mode également, on semble attendre beaucoup de la nuit. Ainsi
T. FORD, créateur chez Yves Saint Laurent Rive Gauche déclare-t-il98 : « la création se fait à
trois heures du matin, affalé sur mon bureau, un casque de Walkman collé aux oreilles, une
bouteille de coca light à la main et des idées pleins la tête ».
94
L'Evénement du jeudi, 16 au 22 décembre 1993, p. 81.
EGAL C, 2001, New-York est mon excès, Actes Sud
96
KRAMER D„ 2000, En silence, Phébus
97
HADDAD H., 2001, Le chevalier alouette, Fayard
98
QUILLERIET A.-L., « Belles du soir », Le Monde, 10 octobre 2002, p. 29
95
-55-
Parmi les exceptions, on peut citer A. GIDE qui, obnubilé par sa santé, ne voit dans
l'insomnie qu'un obstacle supplémentaire à son travail. Le 3 juillet 1923, il écrivait dans son
journal « première soirée de travail ; très difficilement obtenue, exigée, Mais ensuite, nuit
détestable ; suffocation et le corps agité de tremblements nerveux. Je ne pourrai vraiment
avancer qu'après m'être reposé davantage. D'incompréhensibles torpeurs, à toute heure du
jour, donnent au sommeil plus d'attrait qu'à la lecture, qu'au travail, qu'à la vie ».
Est-ce l'image de ces icônes insomniaques, le goût du défi qui pousse tant d'hommes à
se proclamer petits dormeurs et contribue à donner une telle force d'attraction à la nuit. Est-ce
pour cette raison que la « branchitude » parisienne est régulièrement invitée à deviser sur la
nuit, ses strass et ses paillettes. Dernier exemple dans Télérama d'octobre 200299, où à
l'occasion de l'opération Nuit blanche de la Mairie de Paris, le tout paris se presse pour
témoigner de son amour des nuits blanches. Même climat dans la livraison du magazine De
l'air00
d'octobre-novembre 2002, où jeunes patrons de boîtes, de restaurants, clubber pro,
DJ, programmateurs de soirées branchées, d'émissions de télévision, participent à des degrés
divers à l'aventure de la nuit et déclarent avec fierté « le jour me nuit ». Ils préfèrent l'ombre
qu'ils apprivoisent et mettent en lumière. Liés par le pacte du hibou, ils ont fait du noir leur
territoire.
1.4.7. Négociation et politique
C'est souvent la nuit que se négocient les accords, que s'élaborent les traités de paix,
que se prennent les grandes décisions. On se souvient de la cérémonie de signature de
l'accord intérimaire israélo-palestinien d'octobre 1997. Le Premier Ministre israélien B.
NETANYAHOU, n'avait pu s'empêcher de promettre à B. CLINTON et Y. ARAFAT « des
nuits sans sommeil » quand les négociations sur le statut final des territoires débuteraient101.
Le combat nocturne marque la vie de tous les politiques.
Pour ceux qui ont choisi de s'engager en politique, la nuit est aussi le temps des
réunions associatives, des meetings, des synthèses de congrès, des discours que l'on travaille
jusqu'à l'aube. Pour les militants, c'est le temps des collages. La crise nocturne ferait partie
99
Dossier « Nuit blanche », Télérama n°127, op.cit.
« Le jour me nuit, De l'air », Reportages d'un monde à l'autre, n°13, octobre-novembre 2002, pp. 40-45
1111
« Après la paix des braves, des nuits sans sommeil », Dernières Nouvelles d'Alsace, 25 octobre 1998.
-56-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
du rituel de l'Europe, d'après J. GLAVANY, ex-Ministre de l'agriculture. En France, la
dernière élection du Président du Sénat, C. PONCELET en 1998, avait été précédée d'une
« longue nuit de négociations et d'intrigues »102.
Nos lois se discutent souvent la nuit. « II y a une qualité de débat, la nuit, qui est
incomparable103 » considère P. MAZEAUD ancien Vice-président de l'Assemblée et
spécialiste de ces marathons politiques nocturnes. Au Sénat, on siège également la nuit quand
c'est nécessaire c'est-à-dire après 22 heures. La règle veut que l'on respecte deux heures de
pause entre deux séances afin de pouvoir se restaurer et 9 heures de pause entre deux
«journées de travail »104.
Figure 1.3 - Durée des séances publiques du Sénat depuis 1996
Sessions ordinaires
1996/1997
1997/1998
1998/1999
1999/2000
2000/2001
(*) décomptées
Nbre de jours de séances
84 j
103 j
108 j
107j
95 j
Nbre d'heures de séances
de jour
521 h
616 h
698 h
711 h
668 h
Nbre d'heures de séances
de nuit(*)
99 h
121 h
142 h
128 h
148 h
à partir de la pause du soir (22h,00)
A l'Assemblée Nationale, les parlementaires livrent souvent bataille la nuit. Les 1300
fonctionnaires se relaient pendant les séances en marge du Droit du travail, sans limitation
d'horaire, ni salaire de nuit. Au printemps 1993, une sténo de l'Assemblée s'est évanouie
après une nuit de débat sur le projet de loi BAYROU. A raison de douze séances par mois
d'octobre à juin, près d'une centaine de séances de nuit - de 21 heures à lh30 du matin en
moyenne- peuvent être recensées. Du 20 octobre au 20 novembre, pendant la période du
budget, on travaille également le lundi et le vendredi, parfois le week-end et quelquefois toute
la nuit. Les débats sur le PACS ont duré jusqu'à 7h00 du matin105. Lors de ces séances de
nuit, les services fonctionnent comme en plein jour.
La démocratie locale est un peu moins habituée à ces heures tardives même si les
horaires sont très variables d'une assemblée à l'autre. Si les séances des Conseils Généraux et
Régionaux ont souvent lieu en matinée, les Conseils Municipaux ou Communautaires
débutent en fin d'après-midi et se poursuivent parfois tard dans la nuit. La tuerie de Nanterre,
102
« Le prix de la trahison, conciliabule de centristes, après une longue nuit », Dernières nouvelles d'Alsace, 5 octobre 1998.
Le nouvel observateur, juin 2001
104
Informations transmises par le Service de la séance du Sénat, juin 2001
103
-57-
8 morts et 19 blessés dans la nuit du 26 au 27 mars 2002 vers lhl5, a révélé à l'opinion le
dévouement de ses édiles oeuvrant parfois jusqu'à une heure avancée de la nuit. Dans les
grandes villes, un adjoint est toujours d'astreinte pour la nuit. Dans les petites communes par
contre, on n'hésite pas à réveiller le maire. Il peut être appelé à n'importe quel moment en cas
d'urgence. Les plus hautes figures de l'Etat peuvent dormir tranquilles. Dans une aile de
l'Elysée loge un permanencier désigné par roulement au sein du cabinet est astreint à
résidence et reste en prise directe 24h/24 avec les Ministères, les Préfectures et la Police.
C'est lui qui a la charge de réveiller le Président en cas d'événement majeur. F.
MITTERAND n'aurait été réveillé qu'une seule fois lors du détournement d'un avion d'Air
France. A Matignon, le Premier Ministre dispose du même dispositif.
1.4.8. Un condensé : le paysage audio-visuel
Depuis que le couvre-feu médiatique n'a plus court, le paysage audio-visuel français
donne un singulier raccourci des fonctions contrastées et de l'intérêt divers que l'on peut prêter
à la nuit entre peur et plaisir, insécurité et liberté, attraction et désintérêt.
En fin de soirée ou pendant la nuit, quand les enfants sont couchés, on retrouve
généralement trois grandes catégories de programmes. Les émissions érotiques restent
centrées sur la fin de soirée et la nuit. Longtemps, les films d'épouvante ont également été
cantonnés aux tranches nocturnes. Sur l'écran noir de nos nuits blanches, les programmateurs
ne privilégient pas la création. Sur France 2 et M6, on découvre essentiellement des
rediffusions d'émissions comme Bouillons de culture ou Culture pub. Pourtant, ces
programmes ont leurs fans. Et si ce n'était pas le cas, avec le câble et le satellite, les
insomniaques peuvent se tourner vers des pays lointains où il fait jour. Sur TF1, on voit
surtout des feuilletons à trois sous qui permettent sans doute d'atteindre les quotas de
« création française » ; des fonds de tiroir ou guère mieux.
Depuis 1996, le mythique programme des nuits de TF1, le documentaire
«Très
chasse » est l'incontournable rendez-vous des noctambules et des insomniaques avec de
« 600000 à un million de téléspectateurs » estime C. CAILLOUX106, producteur de
l'émission, soit la meilleure audience de la chaîne vers 2 heures du matin. Surprise, les fidèles
105
Informations transmises par le Service communication du Parlement, juin 2001
-58-
Partie I - L a nuit urbaine, un e s p a c e - t e m p s à r e p e n s e r
de l'émission ne sont pas les chasseurs, trappeurs, boucaniers et autres veneurs mais les
jeunes gens rentrés tardivement de boîte de nuit ou de cinéma, les couche-tard et les
insomniaques qui « aiment ce rendez-vous parce qu'on leur offre de superbes paysages ».
A la radio par contre, la nuit demeure l'instant privilégié des confidences. M.
BERANGER qui règne sur les ondes nocturnes depuis plus de vingt ans entre minuit dix et
une heure trente, accueille tous ceux qui veulent s'exprimer à l'antenne, pendant cinq minutes
ou plus: «je les laisse parler jusqu'à ce qu'ils soient soulagés», raconte l'animatrice.
Heureux de trouver une oreille amicale, ils appellent donc, parfois pour refaire le monde ou
simplement pour pleurer un chagrin d'amour...
Conclusions
La nuit est un terme équivoque auquel sont associées des notions aussi différentes
que l'insécurité et la liberté, la peur et la fête. Au-delà des impressions, il conviendra de
mesurer la réalité de ces deux pôles de la nuit.
" ,6 Interview parue dans « La chasse aux noctambules », Le Figaro, 5 avril 2001
-59-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Chapitre 2 - UN ESPACE-TEMPS LONGTEMPS NÉGLIGÉ
Au-delà des fantasmes et des symboles ambivalents, la nuit et la dimension temporelle
au sens large semblent encore peu intégrées par les scientifiques, les pouvoirs publics, édiles
locaux ou professionnels de l'urbanisme. Seuls les artistes semblent s'y intéresser et cela
depuis fort longtemps.
2.1. LE REGARD PRECURSEUR DES ARTISTES
Les arts ont rendu son honneur à la nuit. Il semblait en effet bien injuste que la déesse
noire souffrit bien longtemps de la mauvaise réputation qu'elle avait héritée des grandes
traditions culturelles. Stimulant puissant de l'imagination, la nuit a inspiré les artistes.
L'expression artistique est sans doute dans une situation privilégiée pour en décliner les
variations, manifester tensions et équilibres entre les pleins de la raison et les vides
interchangeables du songe et de la vigilance, de la raison et de ses monstres.
2.1.1. Peintres de l'impossible
Dans les « nuits » silencieuses de LA TOUR et de REMBRANDT, estampes où le noir
broie le blanc, chacun reconnaît volontiers des associations qui lui sont familières : nuit
protégée et chaleureuse de l'intimité domestique ; nuit sentimentale ou capricieuse des
amours et des plaisirs ; nuit mystique ou spectrale des apparitions surnaturelles ou
fantasmagoriques ; nuit parée des spectacles et des fêtes ; nuit méditative des savants, des
brodeuses ou des lecteurs, nuit ricanante et solennelle des assassinats et des veillées funèbres ;
nuit furtive de la clandestinité, de la capture, de la geôle et de la fuite ; nuits des villes et des
champs ; portraits de la nature en grands manteaux sombres. Enfin, la nuit des peintres a
longtemps eu une grande affinité avec le songe, la vision, la veille, l'observation des astres,
l'incendie, les sortilèges, la folie.
-61-
Peindre les ténèbres. Qu'au Fiat lux biblique, réponde le Et noxfacta du HUGO de la
Fin de Satan. Dans l'Histoire de l'art, la peinture de la nuit a un sens qu'on pourrait
reconstruire à partir de la déclaration de Paul KLEE : «L'art ne reproduit pas le visible ; il
rend visible ». Peindre la nuit est certes paradoxal, mais si le peintre semble si souvent attiré
par cet impossible, c'est bien parce qu'il n'y a pas de défi plus grand que celui qui conduit à
méditer sur la vision du néant. Plastique, théorique ou mystique, la nuit attire vers elle comme
si elle poussait les peintres à la méditation. La nuit est espace, temps, matière. Elle secrète
l'illusion, l'ellipse et la métamorphose. Elle fait naître les formes mais en même temps, elle
les efface ; elle n'est rien sans la lumière, elle n'est jamais représentée sans elle. La nuit écrin
de la lumière : ainsi semblent la concevoir les peintres.
Dans la peinture occidentale, l'apparition de la nuit comme élément symbolique
signifiant remonte au XVe siècle. Les thèmes sont alors tirés de la Bible et, parmi eux, celui
de la naissance du Christ (par Geergeb Tôt Sint Jans en 1495, par exemple), est privilégié.
Cette thématique marque le début d'une tradition picturale poursuivie par CRANACH,
CAMPI au XVIe siècle, puis par STOMER et REMBRANDT au XVIIe. Dans L'adoration
des bergers, daté de 1646, la source de lumière du tableau jaillit du corps de l'enfant Jésus luimême. L'opposition entre lumière et obscurité trouve son paroxysme à la fois plastique et
spirituel dans la première partie du XVIIe siècle avec le courant caravagesque, dit aussi
« ténébrisme ». Dans les paysages nocturnes sujets de prédilection des romantiques
(FRIEDRICH, CARUS, BLECHEN...), l'immensité infinie de la nuit étoilée, l'étrangeté
spectrale du paysage lunaire répondent aux émotions intérieures. L'obscurité prend des
aspects inquiétants dans les caprices de GOYA et tourne au cauchemar éveillé avec les
symbolistes, décrivant un monde fantasmagorique et démoniaque.
Les artistes de l'Antiquité représentaient toujours la nuit se dirigeant du côté de
l'Occident, la tête tournée vers l'Orient. Dans les allégories modernes, la nuit est
ordinairement figurée avec un manteau noir et un voile parsemé d'étoiles. RUBENS dans son
tableau de Marie de MEDICIS quittant la ville de Blois (Louvre) a représenté la nuit avec des
ailes de chauve-souris, déployant un voile étoilé. D'autres représentations de la nuit ont été
peintes par MIGNARD (autrefois aux Tuileries), C. LE BRUN (pavillon de l'Aurore à
Sceaux), P. CORNELIUS (Glyptothèque de Munich), FANTIN-LATOUR, etc.
-62-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
A. d'ELIA 107 a bien montré que la relation symbiotique avec la nature qui a dominé la
cité européenne jusqu'à la fin des années 1880, s'efface avec la lumière. S'il est un lieu où
l'artificiel va désormais régner : c'est la rue, la nuit. Tout au long des XEXe et XXe siècles,
les peintres accompagneront de leurs œuvres chaque étape de la maîtrise de la nuit par le gaz
ou l'électricité. M. RONCAYOLO108 s'est intéressé à ce parallèle entre l'évolution technique
de la lumière urbaine et les représentations picturales. On peut avec lui se remémorer
quelques tableaux qui jalonnent l'histoire de la lumière urbaine :
Le tableau de C. SALTZMANN, Erste elektriche Strassenbeleuchtung
in Berlin,
Potsdamer Platz huile sur toile de 1884, montre l'éclairage jaunâtre et doux des becs de gaz
concurrencé par l'éclat des premiers lampadaires électriques. Le Café, la nuit à Bordeaux
(1896) de LACOSTE, met en évidence l'aspect fantasmagorique de l'éclairage électrique des
magasins, cafés, théâtres. La lumière nocturne attire également l'événement, la manifestation
violente et la répression, comme dans La charge, huile sur toile d'A. DEVANBEZ peinte en
1902.
Les futuristes qui célébrèrent avec « lyrisme la métropole comme lieu d'excellence de
la modernité 109 » ont souvent trempé leurs pinceaux dans les nuits urbaines. On retiendra
encore deux œuvres Die Stadt de J. STEINHARDT (1913) et Ville au clair de lune (1916),
huile sur toile de L. FEININGER. Le thème de la grande ville inhumaine triomphe avec les
expressionnistes, quand, la nuit tombée, toutes sortes de personnages inquiétants grouillent
sous les lumières blafardes d'éclairages électriques comme dans le tableau de G. GROSZ,
Nachtstuck (bout de nuit)110.
Plus tard dans le siècle, un peintre comme MAGR1TTE multipliera les tentatives pour
peindre la nuit en multipliant les variations sur le thème de « l'empire des lumières », jusqu'à
l'échec en 1958 avec Le salon de Dieu, ciel nocturne et paysage sous le soleil. Il avouera
humblement : «J'ai peint et repeint ce tableau et je suis au stade du désenchantement ; c'est
raté tout à fait. Je puis penser à un paysage ensoleillé sous un ciel nocturne. Mais le voir et le
reproduire par la peinture n'est possible que si l'on est Dieu. En attendant de le devenir,
1117
D'ELIA A., 1994, « La ville selon les artistes », La Ville, art et architecture en Europe, Centre Georges Pompidou, pp.
39.
1,18
RONCAYOLO M., 1994, «Transfiguration nocturne de la nuit: l'empire des lumières artificielles», La Ville, art et
architecture en Europe, Centre Georges Pompidou, pp. 48-55.
109
LISTA G., 1994, « Le culte de la frénésie urbaine », La Ville, art et architecture en Europe, Centre.Georges Pompidou,
pp. 76-83.
"" GROSZ G., 1915, Bout de nuit (Nachtstuck), Staatliche Muséum zu Berlin, Nationalgalerie.
-63-
j'abandonne le projet ». Défaite de la peinture face à la nuit qui montre que la représentation
de l'obscurité constitue alors une extravagance, un paradoxe et un défi. Dans les «Fleurs du
mal », BAUDELAIRE décrivait d'ailleurs le comble de la tristesse d'être «seul avec la nuit,
maussade hôtesse » comme un peintre qu'un dieu moqueur condamne à peindre, hélas ! sur
les ténèbres ».
Parmi les sculptures représentant la nuit, moins nombreuses que les représentations
picturales, la plus célèbre est la statue couchée que MICHEL-ANGE a réalisée, comme
pendant à une figure du jour, sur le cénotaphe de Julien de MEDICIS, à Florence.
2.1.2. Chantres littéraires
Des chantres aussi talentueux que NOVALIS111, H. MICHAUX112, G. TRAKL 113 ou
P. MORAND 114 , G. APPOLINAIRE, SAINT JOHN PERSE, R. CHAR, BRETON, L.
ARAGON, pour n'en citer que quelques-uns, se sont laissés porter par la nuit urbaine. Avant
eux V. HUGO, H. de BALZAC, G. de NERVAL ou C. BAUDELAIRE au XIXe siècle, ont
écrit de belles pages sur la nuit, contribuant à la création du «mythe de Paris » comme l'a
montré la thèse de P. CITRON115. Longtemps méconnu, le spectateur nocturne R. de la
BRETONNE 116 , avait ouvert la voie avec de superbes descriptions de Paris à la veille de la
Révolution : ses bas-fonds, ses ruelles, ses bals, ses cafés et ses cachots. Moins lyrique, le
Tableau de Paris de son contemporain et ami L. S. MERCIER117 est une mine d'informations
pour l'historien.
Nombreux sont les écrivains partis à la recherche de la nuit. Ils l'ont traquée partout,
dans les rues, les usines, les pays, les villes, les bars et les ports de S. FITZGERAL, B.
CENDRARD, P. MORAND. M. PROUST dans les salons et la jalousie. CELINE dans NewYork et la banlieue parisienne du Voyage. GOMBROWICZ dans Cosmos. H. MILLER dans
Le sexe des femmes...
Il s'agissait alors d'ouvrir la nuit, d'en faire le vocabulaire de la
modernité, d'en dégager les tendresses, splendeurs, profondeurs, sexualités.
111
NOVALIS, 1975, Hymnes à la nuit (1800), NRF, pp. 115-141.
MICHAUX H., 1967, La nuit remue, NRF, 199 p.
113
TRAKL G., 1972, Crépuscule et déclin, NRF, 279 p.
114
MORAND P., 1922, Ouvert la nuit, Gallimard, 221 p.
115
CITRON P.^1961, La poésie de Paris dans la littérature française de Rousseau à Baudelaire, Minuit.
116
RESTIF DE LA BRETONNE, 1788-1789, Les nuits de Paris, Londres, 16 vol.
117
MERCIER L.-S., 1782-1788, Tableau de Paris, Amsterdam, 12 vol.
112
-64-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
La nuit qu'ils décrivaient était celle d'un monde en train de se recouvrir par son
accélération soudaine ; jazz, avions, femmes, hommes d'une planète en tout petit et la nuit
vaste comme les couloirs du Ritz. Jusque dans l'imaginaire surréaliste, avec Dada, dans l'idéal
communiste aussi, la nuit resplendissait comme l'inconscient du monde : le non-humain, le
non-dit, le possible. On y croyait comme on croyait encore à la révolution qu'elle fomentait.
Après, avec d'autres viendra une autre nuit, la nuit totale, la mort industrialisée, les
camps, Hiroshima. La nuit n'est plus la nuit mais l'horreur des Temps modernes. Avec
DURAS, BLANCHOT, GENET, BECKETT, BACON, c'est l'irruption de la nuit du monde
inhumaine, emmurée dans la non-communication. A quelques exceptions près, la nuit ne
pourra plus se dire, sauf par allusions et détours, qu'en pointillé ou dans le crime, la part
d'ombre de l'Amérique détraquée : E. BRAUTIGAN qui nous a livré un livre au vitriol sur
les nuits branchées de New-York, Londres et Paris, CRUMLEY, ELLROY qui préfigurent les
nuits sans fond de D. LYNCH.
En France, dans les années 80, le très médiatique R. BOHRINGER 118 , nous a fait
redécouvrir les charmes de nos cités la nuit tombée. C'est beau une ville la nuit ! Plus
récemment, avant de disparaître, l'écrivain à succès A. BOUDARD accompagné du
photographe Y. MANCIET complétait ce parcours nocturne et nostalgique avec La nuit de
Paris"9. En 1992, dans Les morsures de l'aube, T. BENACQUISTA 120 explorait ce moment
noir et détestable, l'heure des traînards impénitents, où une question centrale de la vie, de la
ville et de la nuit se pose : « Ne jamais se lever. Ou ne jamais se coucher ? »
Ce moment particulier de la nuit qui avait déjà si bien inspiré J. HIGELIN :
Mais... déjà le ciel blanchit
Esprit je vous remercie
De m'avoir bien reçu.
Cochers lugubres et bossus !
Ramenez-moi au manoir.
Et lâchez les crucifix...
118
BOHRINGER R., 1988, C'est beau une ville la nuit, Editions Denoël, 157 p.
BOUDARD A., 1994, La nuit de Paris, Pierre Bordas et fils, 149 p.
120
BENACQUISTA T., 1992, Les morsures de l'aube, Rivages, 215 p.
119
-65-
Décrochez-moi ces gousses d'ail !
Qui déshonorent mon portail !
Et me cherchez sans retard
L'ami
Qui soigne et Guérit
La folie qui m'accompagne
Et jamais ne m'a trahi
Champagne...
Il y a quelques années, J. HENRI, bouquiniste de son état et Président du Laboratoire
de Tourisme Expérimental (LATOUREX) à Strasbourg, s'était livré à un petit inventaire de
« La bibliothèque idéale d'un voyageur insomniaque » : M. ELIADE La Nuit Bengali ; H.
THOMAS La Nuit de Londres ; C. EXBRAYAT, La Nuit de Santa Cruz ; O. SCHREINER,
La Nuit africaine ; C. FRANCK, La Nuit américaine ; R.VRIGNY, La Nuit de Mougins ; G.
SIMENON, La Nuit de carrefour ; M. FOURRE, La Nuit du Rose-Hôtel ; J. HOUGRON, La
Nuit indochinoise ; L. PERUTZ, La Nuit sous le pont de pierre ; A. DE MUSSET, La Nuit
vénitienne ; H. REBBEL, Les Nuits chaudes du cap français,
J. KESSEL, Nuits de
Montmartre ; RESTIF DE LA BRETONNE, Les Nuits de Paris ou le spectateur nocturne ;
J. MONSIGNY, Les Nuits du Bengale ; C. LE QUINTREC, Les Nuits du Parc-Lann ; H.G.
KONSALIC Nuits sur le Nil. La nuit inspire et la bibliothèque peut s'agrandir (Figure 1.4 - La
Bibliothèque idéale d'un voyageur insomniaque).
2.1.3. Romanciers noirs
La nuit est la matière même des polars. C'est la nuit que l'on meurt assassiné. C'est la nuit
que l'on tue et cambriole, qu'A. LUPIN accomplit ses méfaits ou que Fantomas étend son
ombre sur Paris. Le roman policier est tissé de ténèbres que désespérément le héros tente de
percer. Créé en plein cœur du XIXe siècle, le roman policier va coller à l'époque. Il propose
une nuit reproductible à l'infini, une nuit « taylorisée ». Finies les terreurs campagnardes
-66-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
des ténèbres de G. SAND. Dans le roman policier vivent les terreurs modernes des cités qui
oublient de dormir. Le policier et le détective ne sont pas nés au hasard. Ils sont le fruit de la
révolution industrielle, de l'urbanisation du siècle dernier et de la complication des relations
sociales. Son domaine est celui de la lumière artificielle. Ils semblent détester la lumière du
jour et les faux-semblants de la société qui s'étale au grand jour.
P. MARLOWE lui-même explique, dans The Long Goodbye, la connivence entre le
détective et la ville éclairée au néon : «Arrivé chez moi, j'allai me planter devant la fenêtre
ouverte du salon et sirotai mon scotch en écoutant le grondement de la circulation sur Laurel
Canyon Boulevard et en contemplant le halo lumineux de la grande cité (...) Là-bas dans la
nuit des milles et un crimes, des êtres humains mouraient, étaient mutilés, déchiquetés par des
éclats de verre, écrasés par des volants ou sous de larges pneus (...)
121
».
Certes le progrès éclaire la ville mais dans le roman policier, il est toujours des lieux
dans l'ombre. Le détective va nous montrer que la ville n'a pas changé. Il va choisir la nuit,
les bars louches, les boîtes de nuit, les métros à 5 heures du matin. Dans ces endroits, on
oublie la mort qui viendra vous cueillir à la sortie, au coin d'une rue. Le détective de l'agence
Continentale décrit par D. HAMMET122 ne dort pas. Il sait qu'une fois la nuit tombée, les
meurtres vont se déchaîner sur Personville, grouillante de corruption et de lâcheté. Et le
matin, ils font les comptes. MAIGRET lui-même, le couche-tôt passe un petit coup de fil, le
dimanche matin, jour de repos, parce qu'il sait que depuis la veille au soir la morgue s'est
remplie123.
Dans le roman policier, la nuit est aussi celle de l'aveu. Il en faudra des nuits blanches
pour éclabousser de lumière le visage de coupables présumés. Ils savent que la nuit blanche
est favorable aux remises en question. Dans cette ambiance, il suffit d'un rien pour que
surgisse la vérité. MAIGRET sait qu'à un moment ou un autre, il faut que le soir se prolonge
jusqu'à l'aveu. «Ce matin-là il y eut de la lumière, Quai des Orfèvres jusqu'aux petites
heures du matin. (...) A cinq heures, PROU et sa maîtresse étaient conduits séparément au
i •
^,
dépôt
124
».
121
CHANDLER R., 1948, La dame du lac, Gallimard, p. 181
HAMMET D„ 1950, La Moisson rouge, Gallimard
123
SIMENON G., 1962, Maigret et le client du samedi, Presses de la cité
124
SIMENON G., Maigret et le client du samedi, op.cit., p. 177
122
-69-
Le petit matin est souvent l'heure de l'interrogation sur soi-même. Le détective, le
policier ou le pauvre type, héros malgré lui, n'y échappe pas plus que le criminel. «Qu'il
fasse froid ou pas, on frissonne. On baille, on a l'estomac barbouillé et on se dit qu'est-ce que
je fous là ?125 ».
2.1.4. Photographes explorateurs
Comme les poètes, les photographes, écrivains de la lumière, ont souvent su, hors des
sentiers battus, aller dénicher ce qui reste de jour au fond de la nuit et ce qui reste de nuit dans
le jour. Le plus célèbre d'entre eux restera sans doute BRASSAÏ qui publie en 1933 Paris la
nuit et révèle en noir et blanc la poésie des lampadaires et des pavés mouillés. « pour mesurer
le temps de pose, a-t-il raconté, je fumais des cigarettes. Une Gauloise pour une certaine
lumière, une Boyard s'il faisait plus sombre ». En quelque sorte, les cigarettes du condamné :
chaque nuit serait peut-être la dernière.
Parfois les itinéraires de photographes et des poètes se croisent autour du thème « Des
villes et des nuits » comme dans le recueil de M.-H. de LARMINAT
. Aux œuvres de O.
BARBIERI, BRASSAÏ, B. DECAMPS, L. DELPIERRE, A. FEININGER, GLADYS, S.
GREENE, J. HILARY, J.-P. IMS AND, R. JACQUES, M. JACQUELIN, P. JAHAN, W.
KLEIN, T. LEFEBURE, D. MICHALS, M. PARR, M. SEMENIAKO et S. WEISS répondent
les textes de G. APOLINAIRE, J.-L. BORGES, J. BRODSKY, H. BOUCHAU, I.
CALVINO, B. CENDRARS, J. COCTEAU, L.-P. FARGUE, F. GOYA, H. MICHAUX, P.
MORAND, P. REVERDY, Y. RITSOS, SAINT JOHN PERSE.
127
Privilégiant cette fois-ci les textes, un autre ouvrage collectif
, rencontre de
sensibilités multiples, pose un regard aux « infrarouges » à travers sur les nuits de Paris
proposant un parcours en textes et en images dans la ville du crépuscule à l'aube. Signe des
temps, un recueil des meilleures photos de nuit de l'Agence MAGNUM est sorti fin 1998.
« La nuit128 ». Il propose cinquante photos qui racontent la nuit sous tous ses aspects à travers
le monde, par les plus grands photographes : « le soir tombe, les rues se vident, les
125
FAIRMAN P.W., 1979, « L'homme de poids », Les durs à cuire II, Gallimard, p. 127
LARMINAT (DE) M.-H., 1994, Des villes et des nuits, Collection Révélateur, Centre Georges Pompidou, 18 figures.
127
LECLERC J.-F. (sous la direction de), 1997, Encore une nuit à Paris, Coll. Vis-à-Villes, L'Harmattan, 161 p.
128
La Nuit, 1998, Photographies de MAGNUM photos, Editions Pierre TERRAIL, 68 p.
126
-70-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
noctambules dansent, errent ou jouent, les lumières de la fête scintillent... la mélancolie des
bars qui vont fermer, le sommeil qui ne vient pas, la violence qui explose ». On retrouve toute
la poésie, la magie et les représentations contrastées de la nuit dans ces clichés en noir et
blanc qui ont souvent la ville pour toile de fond. Lumières de la ville, prostitution, fête,
délinquance, criminalité, méditation reviennent dans la plupart des œuvres : C. STEELEPERKINS, Une vue de la Paz, Bolivie, 1984 ; F. SCIANNA, E. HAAS, Une vue de Times
square, USA, 1962 ; P. ZACHMANN, Le nouvel an chinois à Wenhzou, Chine, 1991 ;
P. ZACHMANN, Une photo du quartier du Val-Fourré, Mantes-la-Jolie, France, 1990 ; D.
STOCK, Le Café de Flore qui ferme, France, 1958 ; H. CARTIER BRESSON, Un bal du 14
juillet à la Bastille, France, 1952 ; L. FREED, Des travestis à New-York, USA, 1995 ; B.
GLINN, Une stripteaseuse
au Crazy-Horse Saloon, France, 1956 ; E. ARNOLD, Une
entraîneuse dans un bordel de la Havane, Cuba, 1954 ; J. NACHTWAY, Des suspects
fouillés par la Police sur le capot d'une voiture volée, Los Angeles, USA, 1995 ; L. FREED,
Une scène de la guerre des gangs dans un garage de Harlem, New-York, USA, 1972 ; R.
DEPARDON, Un centre de détention souterrain de la préfecture de police utilisé pour les
personnes en détention provisoire, Paris, France, 1994 ; R. RAI, La prière du soir, Dehli,
Inde, 1982.
2.1.5. Cinéastes complices
Le cinéma entretient un rapport évident avec la nuit. C'est là, sans doute, que la
conjonction de la nuit et de la ville est la plus forte. Noire est la pellicule et obscures sont les
salles. Au cinéma, rien n'échappe à l'emprise de la nuit. Il est souvent plus difficile
d'apprécier un film en plein jour : même projeté dans une salle obscure, le film perd de son
intensité et à la sortie, le mystère et la magie s'estompent.
Comme dans le roman policier, le cinéma ajoute au couple ville-nuit le crime. Entre
ces pôles aimantés, la règle est de faire la nique à la loi, comme à la mort. La nuit, la ville et le
crime : la triade trouve une expression privilégiée, de l'ordre du mythe sans doute, dans le
film noir, le cinéma policier - genre élevé au plus haut degré de perfection par Hollywood.
C'est là, en effet, que prendra corps le légendaire du film noir : WALSH, HAWKS,
HUSTON, PREMINGER, lui donneront ses lettres de noblesse. Ce légendaire a pour domaine
la nuit urbaine, vaste, nocturne, envahissante, labyrinthe peuplé de personnages ambigus.
-71-
Noires les cités, noires les âmes : tout est noir dans cet univers aux limites mal définies. Le
titre d'un film de Jules DASSIN qui a pour cadre la ville de Londres, illustre parfaitement
cette conjonction de la ville et de la nuit : Night and the City ou Les forbans de la nuit pour
! 90
reprendre la traduction française. Dans Somewhere in the night
, analyse très complète des
relations entre la ville américaine et le cinéma, le poète américain N. CHRISTOPHER montre
que c'est sans aucun doute au film noir que nous devons les dernières métamorphoses de la
nuit. A travers l'analyse de Out of the Past, Double identity, The Big Sleep, Blade Runner,
The usual Suspects et plus de trois-cent films de 1940 à nos jours, il met parfaitement en
évidence la place du labyrinthe urbain nocturne, symbole de dangers dans lequel le héros
s'embarque en quête de lumière.
Le cinéma s'est emparé de la nuit pour la réinventer et depuis notre approche n'est
plus la même. La nuit crée un univers mystérieux, favorable au développement de l'imaginaire
et du rêve, facilitant la représentation des mythes et du fantastique. Il utilise tous les ressorts
dramatiques possibles, jouant habilement sur les ambiguïtés et même les contradictions d'un
décor qui suscite, tout à la fois, fascination et répulsion, attirance et gaieté mais aussi joie et
détresse : plaisirs de noctambules, nuit des truands, nuit des dealers et des paumés, nuit
onirique ou quotidien des travailleurs nocturnes... Par sa magie, le septième art s'est emparé
de la nuit pour en faire un véritable personnage avec quelques chefs-d'œuvre : Boy Meets Girl
de L. CARAX(1984), Touchez pas au Grisbi, de J. BECKER (1953), Night on Earth de
J. JARMUSCH (1991), Tchao Pantin de C. BERRI (1983), Ascenseur pour l'échafaud de L.
MALLE (1957), Alphaville de J.-L. GODARD (1965), Ombres et brouillard de W. ALLEN,
La dolce vita de F. FELLINI (1960), Nuit d'été en ville de M. DEVILLE (1990), La Nuit de
l'iguane de J. HUSTON (1964), La Nuit de San Lorenzo de P. et V. TAVIANI (1981), La
Nuit du chasseur de C. LAUGHTON (1955), Nuits blanches de L. VISCONTI (1957), Les
Nuits de Cabiria de F. FELLINI (1957)... Le cinéma français a également su puiser son
110
inspiration dans les nuits urbaines à l'image du premier film de R. CLAIR Paris qui dort ,
fiction d'une grande poésie surréaliste, le cinéaste français joue au maître du temps et exploite
un filon maintes fois réutilisé depuis. Le gardien de la Tour Eiffel s'aperçoit un matin que
Paris ne s'est pas réveillé. Dans la rue, les rares personnes qu'il croise sont toutes figées dans
un profond sommeil. Pourquoi ne pas profiter de ce moment d'immobilité pour manger
gratuitement, piller les magasins et déshabiller les femmes...
129
CHRISTOPHER N„ 1997, Somewhere in the Night, Henry Holt and Company, 290 p.
CLAIR R., 1932, « Noir et blanc », Paris qui dort, avec H. ROLLAN, A. PREJEAN, M. VALLEE, C. MARTINELLI, M.
RODRIGUE, Musique de J. WIEMER, Production Films Diamant, 34 minutes.
13(1
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
On
ne
verra jamais
les
Cités
sans
nuit,
scénario
inachevé
du
japonais
A. KUROSAWA, mort le 6 septembre 1998. Le film aurait eu pour thème l'extraordinaire
univers des quartiers de plaisirs, qui furent fermés en 1947. Véritables « villes dans la ville »,
contre-mondes dans une société hiérarchisée et enrégimentée, ils furent aussi de hauts lieux de
l'imaginaire et le théâtre d'une vie élégante et raffinée. Espaces d'évasion, de transgression et
de dérision de l'ordre établi, où le commerce sexuel suivait des codes très élaborés, fut un des
thèmes inépuisables pour le théâtre Kabuki, les graveurs et les écrivains. On ne peut
qu'imaginer avec P. PONS131, ce que A. KUROSAWA aurait pu faire en prenant comme
décor un tel univers nocturne.
2.1.6. Subtiles musiciens
Les musiciens se sont également intéressés à la nuit. En musique, le nocturne est une
composition dans laquelle s'exprime la nostalgie mélancolique de l'âme et qui traduit les
nuances les plus délicates des sentiments par l'utilisation de combinaisons harmoniques
subtiles. La nuit qu'ils mettent en scène est une fois de plus ambiguë. Souvent, elle estompe
les différences et offre une ombre propice à ceux qui fomentent ou exécutent de noirs
desseins. Dans La flûte enchantée, la reine de la nuit est l'instigatrice du complot, inspirée par
la haine et la jalousie. Mais la nuit est aussi un temps d'ambivalence pendant lequel on peut
comme SHEHERAZADE, se perdre ou se sauver par la dérisoire magie des mots et leur
capacité à distraire un maître blasé.
Métaphore de la nuit en tant que langage, la musique a d'abord été liée concrètement à
la nuit, la nuit déterminant certaines caractéristiques ou modalités formelles des musiques qui
s'y faisaient entendre. Nocturnes de la liturgie catholique, Abenmusiken dans l'Allemagne du
nord à l'époque de BACH, ou notturno profane de la ville et de la cour à l'époque classique
notamment (cassation, sérénade...), toutes ces musiques ont d'abord été des musiques
d'occasion, des musiques fonctionnelles.
A la fonction sociale des Sérénades et Notturnos qui se donnaient dans le cadre de
cérémonies princières ou universitaires s'ajoutaient des pratiques plus réservées, dans le cadre
131
PONS P., « Les cités sans sommeil », scénario inachevé de KUROSAWA, Le Monde, 10 septembre 1998.
-73-
de soirées familiales et amicales. A sa manière, la berceuse participe de cet usage privé de la
musique : musique nocturne pour l'apaisement et l'ensommeillement dont l'origine
remonte... à la nuit des temps. On connaît celles de CHOPIN.
Comme genre, le nocturne
est une pièce lyrique, vocale ou instrumentale.
Stéréotypique, le nocturne vocal est un dérivé de la romance. Avec ses nocturnes, CHOPIN a
été un des inventeurs d'un genre de petites pièces de genre : sortes de rêveries, de méditations,
où la pensée d'un sentiment tendre.
Avec « El Penseroso », LISZT nous offre une pensée du sommeil et de la mort :
« dormir, mourir ». Chez SCHUMANN, la nuit est souvent moins volontaire et plus tragique.
C'est le moment où l'on sombre. La nuit « schumanienne » est ce lieu de révélation dont
parlait NOVALIS, peuplée de rêves, jusqu'au sommeil qui est la lucidité, le silence. A cette
nuit schumanienne des ténèbres s'ajoute, dans un langage musical souvent symphonique la
nuit du déchaînement des forces irrationnelles : la nuit du sabbat dans la Fantastique de
BERLIOZ, la Première nuit de Walpurgis de MENDELSSOHN, La nuit sur le Mont Chauve
de MOUSSORGSKY, celle de SCHERZON, encadré de deux Nachtmusike de la Septième
symphonie de MAHLER, musique «de la nature de l'ombre», valse déhanchée d'ombres
maléfiques et fête de timbres : nuits dionysiaques de la fête primitive et de l'ivresse.
Alors que le nocturne a cessé d'être un genre lié à un usage, il ne cesse de tenter les
compositeurs et les nuits musicales éclatées se multiplient. Impossible de les convoquer toutes
ni même de sommer les plus célèbres. Le XXe siècle n'est pas en reste. La musique
contemporaine dénie tout programme et même toute référence, de même qu'elle prétend
évacuer toute psychologie.
Le titre se voudrait aujourd'hui comme pure désignation de caractéristiques musicales
de forme, de timbre et serait trouvé une fois l'œuvre terminée, comme Nuits de XENAKIS.
Malgré tout, le mot continue à exercer ce que R. BARTHES appelait une fonction d'ancrage.
On ne peut sans implication intituler une œuvre Nocturnes ou Nuit, une thèse non plus.
-74-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
2.2. UN OBJET SCIENTIFIQUE PEU ETUDIE
Si certains travaux ont parfois évoqué la question, rares sont à notre connaissance, les
chercheurs en Sciences Humaines qui aient trouvé la nuit urbaine digne d'intérêt et fait d'elle
un objet de recherche à part entière. La littérature scientifique reste bien muette sur le sujet.
Fait significatif : pas un mot dans deux ouvrages aussi importants que Les mots de la
132
133
géographie ' ou Le dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement ' . Pourtant, les nuits
urbaines ont depuis longtemps oublié le couvre-feu ; balisées par l'éclairage public, elles se
sont animées et concentrent toutes les contradictions de la ville contemporaine. Seuls
quelques chercheurs ou penseurs ont su lancer de fragiles passerelles vers ce monde inconnu.
2.2.1. L'illusion de dérive
L'approche proposée par A. CAUQUELIN reste à ce jour la plus complète et la plus
solide. Une ambition théorique caractérise son ouvrage pionnier « La ville, la nuit134 ». Il
s'appuie sur un travail réalisé par une équipe associée du CNRS sous la direction de L. SFEZ,
le Centre de Recherches et d'Etudes sur la Décision Administrative et Politique (CREDAP)
dans le cadre d'un contrat passé avec la Délégation Générale à la Recherche Scientifique et
Technique et le Ministère de l'Equipement.
Cette recherche sur le Paris nocturne contemporain, menée en 1975 à partir d'enquêtes
et d'interviews de décideurs ou de noctambules135, s'attache à mettre en évidence « l'illusion
de dérive » qu'offrirait la vie urbaine et qui masquerait des formes plus insidieuses du
pouvoir. Elle s'appuie sur l'analyse des pratiques nocturnes et des discours. L'auteur transcrit
une image idéale de l'ordre urbain nocturne tel qu'il apparaît à travers des propos recueillis.
A. CAUQUELIN montre que la nuit est un réel espace social qui ne doit pas seulement être
vu du seul point de vue des pouvoirs publics mais aussi à partir des citadins et de leurs
pratiques urbaines.
132
BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, Les mots de la géographie, Reclus, 470 p.
MERLIN P., CHOAY F., 1988, Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, PUF, 723 p.
134
CAUQUELIN A., 1977, La ville la nuit, PUF, 171 p.
135
CAUQUELIN A., CHOPPET M., MAMOU Y., PICQ F., RINGART N„ ROUILLE M., SFEZ L., 1975, La Ville la nuit,
CREDAP, Equipe de Recherche associée du CNRS, 216 p.
133
2.2.2. La quête du philosophe
Très inclassable est la contribution de P. SANSOT à la définition des implications plus
profondes de notre sujet, dans un essai sur la Poétique de la ville136. L'armature théorique
qu'il propose est fort séduisante, puisqu'il s'agit tout à la fois de déchiffrer un espace et la
conscience qui le perçoit. Certains lieux urbains sont présentés comme « sacrés », autour du
flux ordonnateur mais vertigineux que constitue souvent le fleuve. Il est de même des types de
trajets urbains plus fortement signifiants : la « dérive de l'homme traqué », le « départ à
l'aube », la « déambulation nocturne » comme « quête de soi dans la ville », « l'arrivée sous
la pluie dans une petite ville » ou encore l'exploration mi-curieuse mi-anxieuse des quartiers
louches et des lieux sinistres. Sous l'influence de G. BACHELARD, dépourvu de tout
ancrage chronologique ou topographique, cet essai est tout entier concentré sur la quête du
sens.
2.2.3. Les lumières des psychologues
Le psychologue A. MOLES a abordé la nuit dans plusieurs ouvrages et travaux dont
13V
Psychologie de l'espace
138
, Labyrinthe du vécu
1JO
et Les fonctions de la lumière dans la
ville139. Une de ses élèves A. LAIDEBEUR, est allée plus loin dans les recherches dans une
thèse sur le thème Rencontre en ville et sécurité urbaine140
où la nuit tient une place
importante. Son travail se situe dans une perspective d'amélioration de la qualité de la vie de
l'individu. Elle a montré que la nuit, l'éclairage est un élément essentiel de cette qualité de vie.
Elle a dégagé deux fonctions essentielles de l'éclairage dès lors que la fonction minimale de
balisage était assurée : celle de sécurité et de spectacle. La nuit, pour que le piéton soit bien
dans la ville, il faut donc que les deux éléments soient réunis :
Son environnement ne doit pas être source d'inquiétude. Il s'agit de créer des « espaces
défendables» selon l'expression de O. NEWMANN141. Cela implique que l'espace
136
SANSOT P., 1977, Poétique de la ville, Kliencksieck, 422 p.
MOLES A. et ROHMER E., 1978, Psychologie de l'espace, Casterman.
138
MOLES A., 1982, Labyrinthes du vécu, Librairie des Méridiens.
LW
MOLES A., 1981, Les fonctions de la lumière dans la ville, Institut de Psychologie Sociale et de Communication.
140
LAIDEBEUR A., 1986, Rencontres en ville et sécurité urbaine, Thèse présentée en vue de l'obtention du Doctorat de
Troisième cycle, sous la direction d'A. MOLES, Université Louis Pasteur de Strasbourg, U.E.R. des Sciences du
Comportement et de l'Environnement, Institut de psychologie sociale et des communications, 312 p.
141
NEWMAN O., 1975, Defensibles spaces, Collins Paperback, New-York.
137
-76-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
urbain possède la propriété d'être contrôlé par les usagers, qu'il y existe une bonne
visibilité. Le piéton circulant dans cet espace qu'il domine visuellement, dans lequel il
identifie clairement un tiers venant face à lui à dix mètres, dans lequel il peut donc
opérer une prédictibilité des comportements en contrôlant son environnement, aura un
sentiment de sécurité plus élevé.
A un deuxième niveau, être bien dans la rue signifie « avoir envie d'aller dans les
espaces publics ». Les espaces publics étant « défendables », A. LAIDEBEUR
préconise d'en faire des espaces « à pratiquer », attractifs, dans lesquels le piéton
trouve un certain plaisir à marcher, à séjourner, c'est-à-dire des espaces dans lesquels
règne une certaine animation. L'animation urbaine est un critère d'analyse de la qualité
de la rue. A. MOLES142 a montré que cette qualité dépendait d'une série de microévénements, c'est-à-dire des déviations de l'attendu, des sorties du « banal ». Ces
micro-évènements peuvent être dus à des humains (cracheurs de feu...), à des objets
(une vitrine, un élément original, du mobilier urbain...), à des interactions (une file
d'attente devant un cinéma...). L'éclairage peut aussi être à l'origine de microévénements, par le biais d'enseignes remarquables (par leur nouveauté, leur
originalité...), de jeux de lumière.
On retrouve en partie l'analyse de J. COUSIN143 autour des deux pôles généraux de
motivation de l'individu : la sécurité, source de confort mental et la variété, source de
curiosité et de richesse perceptive, mais génératrice d'une éventuelle et relative insécurité.
Cette approche s'inscrit dans la « théorie des trajets sûrs » d'A. MOLES qui a pour but d'offrir
au piéton, quel que soit le quartier et l'heure du jour, la possibilité d'établir sa trajectoire en
fonction d'axes présentant un certain niveau de sécurité :
Il s'agit en premier lieu d'assurer la « transparence » de l'espace donc de permettre à
l'individu de dominer visuellement l'espace qui l'entoure, et de l'empêcher d'imaginer
qu'il y a peut-être un ennemi potentiel dissimulé dans un coin sombre ;
Il s'agit ensuite de remplacer l'absence de regard social due à une densité d'individus
très faible, par une potentialité de regard social, c'est-à-dire par l'établissement de
relais jalonnant la trajectoire de l'individu. Ces relais peuvent être constitués par des
142
MOLES A., 1982, Labyrinthes du vécu, Librairie des Méridiens.
-77-
commerces, des restaurants éclairés et ouverts tard le soir : repérables par leur
éclairage, ils permettent au piéton de s'y réfugier en cas de menace. Par ailleurs, les
chauffeurs de bus, de taxi, circulant la nuit dans la ville, peuvent aussi jouer un rôle de
regard social en surveillant les espaces qu'ils traversent et en réagissant dans le cas où
ils remarquent une agression. Enfin, la théorie des trajets sûrs repose également sur la
mise en application de méthodes d'accroissement de la densité de spectacle urbain.
2.2.4. Les représentations des géographes
Le premier géographe a avoir tenté d'appréhender la nuit urbaine est sans doute
J. M. DELEUIL. Dans une analyse qualitative menée en 1993 sur Lyon144, il s'est appliqué à
mettre en évidence éclairages et paysages nocturnes, espaces et pratiques des loisirs et de la
sociabilité, représentations et mythologies de la ville la nuit. « Dans la ville la nuit, le chiffre
est sot, la statistique sans pertinence (...) En un mot, la ville la nuit n'est pas
camembérisable » prévient-il dès l'introduction d'une thèse finalement plus sociologique que
géographique.
Son ambition était de traiter les aspects les plus spécifiques comme le paysage, le
loisir, les trafics ou le contrôle policier. Pour des raisons pratiques, les deux derniers thèmes
ont été abandonnés pour se concentrer sur l'étude des paysages et des espaces de loisirs
nocturnes. Des thèmes comme le travail, le commerce ou les transports nocturnes ont été
écartés de l'analyse car «ils prolongent les activités diurnes et appartiennent donc moins
intrinsèquement au monde de la nuit145 ». Les approches et les méthodes de travail
qualitatives privilégiées allient recherches en archives, entretiens semi-directifs, compilation
de représentations journalistiques et littéraires.
Les principales conclusions de ces investigations sur Lyon rejoignent largement les
analyses d'A. CAUQUELIN sur Paris. Elles mettent en évidence d'intéressantes articulations
entre stratégies, pratiques et représentations de l'espace. Pour J.-M. DELEUIL, dans ses
temps et ses espaces, la nuit urbaine est produite, pratiquée et représentée de façon spécifique.
143
COUSIN J., 1980, L'espace vivant, Editions du Moniteur, 237 p.
DELEUIL J.-M., 1993, Lyon, la nuit, espaces, pratiques et représentations, Thèse de Doctorat de Géographie,
Aménagement et Urbanisme, soutenue le 25 mars 1993 à l'Université LYON 2, sous la direction d'A. VANT. 450 p., 14
cartes, 4 tabl.
145
DELEUIL J.-M., 1993, « Lyon la nuit : espaces, pratiques et représentations », Intergéo-bulletin, n°l 12, p. 26.
144
-78-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
En 1995, il a complété son analyse des représentations de la nuit urbaine avec un article
Genève la nuit, l'autre ville146 montrant les relations ambiguës que la cité calviniste entretient
avec ses nuits.
Dans un éloge des ténèbres paru en 1997, le géographe L. BUREAU 147 aborde
quelques aspects de la nuit urbaine, une nuit créée par l'homme et créatrice de l'homme.
2.2.5. L'apport essentiel des historiens
Il faut signaler l'apport essentiel des historiens à cette approche de la dimension
nocturne de la cité. En 1994, J. VERDON a consacré un ouvrage à La nuit au Moyen Âge148 à
une époque où « l'obscurité régnait presque sans partage du coucher au lever du soleil ». Il a
notamment montré la manière spécifique du Moyen Âge de dompter la nuit et la peur
spécifique qu'elle suscitent. Plus que la technique ou de façon générale l'action humaine, c'est
la sublimation par l'orientation inconsciente ou consciente vers Dieu. Dans La peur en
Occident (XlVe et XVIIIe siècles), Une cité assiégée
149
J. DELUMEAU s'est intéressé à la
peur de la nuit à cette époque. Dans Les marginaux parisiens aux XlVe et XVe siècle150,
l'historien polonais B. GEREMECK, a apporté une contribution essentielle sur les questions
de sécurité nocturne.
En 1993, saisissant au bond une question posée par le professeur DELUMEAU « Au
début des Temps Modernes, comment était vécue la nuit urbaine ? Une thèse ne serait pas de
trop pour répondre à cette immense question », l'historienne S. DELATTRE a poursuivi les
recherches pour le XIXe siècle dans un mémoire de DEA intitulé Les douze heures noires :
La Nuit à Paris (1875-1870)151. A partir d'un lourd travail documentaire, elle propose une
analyse de la nuit parisienne comme objet historique, thème qu'elle développe dans sa thèse
v
publiée en 2000 Les douzes heures noires : la nuit à Paris au XIXe siècle
152
. Elle montre
comment, de l'époque romantique à la révolution haussmanienne, la nuit de la grande ville
devient objet de discours et de conquêtes et elle explore les nouveaux rapports des parisiens
146
DELEUIL J.-M., 1995, « Genève la nuit, l'autre ville », Le Globe, Revue de Géographie de Genève, tome 135, pp. 63-72.
BURLAN L.,1997, Géographie de la nuit, L'héxagone, 254 p.
148
VERDON J„ 1994, La nuit au Moyen Age, Perrin, 286 p.
I4 J
' DELUMEAU J., La peur en Occident (XlVe et XVIIIe siècles), Une cité assiégée, Fayard, 607 p.
150
GEREMECK B., 1976, Les marginaux parisiens aux XlVe et XVe siècles, Flammarion, 375 p.
151
DELATTRE S., 1992-1993, Les douze heures noires: la nuit à Paris, Mémoire de DEA en Histoire dirigé par A.
CORBIN, Université de Paris I, Panthéon-Sorbonne.
147
-79-
au temps et à la rue. Entre privé et public, solitudes et multitudes, oisiveté et labeur, bas-fonds
et scintillements, errances et élégances, misérables et dandies, indécences et vigilances, le
Paris nocturne du XIXe siècle pourrait trahir les hantises, les tensions et les aspirations
secrètes de la société post-révolutionnaire, celle du clair-obscur. C'est sans doute pendant ces
« douze heures noires » que Paris dévoile son âme, la vitalité et la fragilité mêlées de son
peuple.
Sur le XIXe siècle, il nous faut également indiquer la publication sans traduction
française, d'une version remaniée de la thèse d'un jeune chercheur allemand J. SCHLOR
Nachts in der grossen Stadt, Paris, Berlin, London 1840-1930153 (le cas londonien a été ajouté
pour la publication). L'historien allemand part de la nécessité, s'agissant de la vie urbaine, de
dépasser les stéréotypes, pour définir la nuit comme un modèle d'espace-temps, caractérisé
notamment par son degré d'accessibilité (.Zugànglichkeit). Il se situe par rapport à la notion de
modernité et à la tradition de l'ethnographie allemande. A partir essentiellement de sources
littéraires, de rapports de police, de récits faits par les « missionnaires » ou par les
observateurs sociaux, il décrit les trois capitales d'un point de vue résolument comparatiste :
ne sont-elles pas, dès le XIXe siècle, concurrentes en matière de modernité, de prospérité et
d'animation ?
Sur le Paris d'après-guerre, la contribution de L. CHEVALIER est essentielle. Ses
ouvrages sont de véritables fresques de la vie de la capitale : Classes laborieuses, classes
dangereuses154
en 1958 sur la criminalité en ville ; Les Parisiens155 en 1967 et plus
récemment en 1982, Histoire de la nuit parisienne156 qui rassemble des histoires de violence,
de plaisir et parfois d'amour dans le Paris des vingt années d'après-guerre.
2.2.6. La contribution des architectes et techniciens de l'éclairage
Plusieurs documents techniques ou ouvrages spécialisés sur l'éclairage constituent des
balises qui permettent d'organiser les prémisses d'une recherche. Il nous faut en premier lieu
152
DELATTRE S., Les douzes heures noires : la nuit à Paris au XIXe siècle, Albin Michel, 674 p.
SCHLOR J., 1991, Nachts in der grossen Stadt, Paris, Berlin, London 1840-1930, Artemis & Winkler, Munchen, 322 p.
154
CHEVALIER L., 1958, Classes laborieuses et classes dangereuses, Hachette, 729 p.
155
CHEVALIER L., 1967, Les Parisiens, Hachette.
156
CHEVALIER L., 1982, Histoires de la nuit parisienne, Fayard, 322 p.
153
-80-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
évoquer le travail de W. SCHIVELBUSCH sur l'histoire de l'éclairage : Lichtblicke : zur
Geschichte des kunstlichen Helligkeit im. 19. Jahrhundert
157
paru en 1983.
158
L'ouvrage de B. IBUSZA, architecte, sur Eclairage public et signalisation
para en
1972 apparaît comme un travail pionnier. Le Guide pratique pour la conception
de
l'éclairage public en milieu urbain publié en 1981 par le Ministère de l'Urbanisme et du
Logement et le Ministère des Transports159 à partir d'une étude confiée par le Centre d'Etudes
des Transports Urbains à l'atelier ZOE (M. de SABLET, architecte d'intérieur), l'ouvrage
Eclairage public et Sécurité publié en 1985 par le Centre d'Information de l'Eclairage 160 et en
1988, la 6 e édition du document de l'Association Française de l'Eclairage (AFE) intitulé
Recommandations
relatives à l'éclairage des voies publiques161 sont les plus intéressantes.
Complétant ces travaux, on signalera deux ouvrages : Des ombres et des lumières de
H. ALEKAN et un ouvrage collectif sous la direction de N. CSECHOWSKI Lumière, depuis
la nuit des temps. L'ouvrage le plus complet sur les données techniques, les outils et
méthodes, les exemples de réalisations et les aspects réglementaires est celui de R.
162
NARBONI : La lumière urbaine : éclairer les espaces publics
paru en 1995.
v
En novembre 2002 devrait paraître un important ouvrage de D. NEUMANN,
Professeur d'Histoire de l'Architecture à l'Université de Rhodes-Island aux Etats-Unis auteur de Film Architecture: Set Designs from Metropolis to Bladeruner, Architecture of the
Night, The Illuminated Building163. Il s'agit d'un survol de l'architecture lumière au cours du
XXe siècle dans les villes américaines et européennes et des impacts culturels, sociaux et
artistiques du phénomène. Apparu au début du XXe siècle, cet art a connu une renaissance
mondiale au cours des dernières années. Pendant les années 20 et 30, l'architecture lumière
était considérée comme une forme essentielle de l'art abstrait moderne transcendant les
frontières entre film, architecture et peinture. Cet ouvrage explore cette
période
exceptionnelle, mesure son impact actuel et examine les nouveaux problèmes auxquels se
heurtent les lumières contemporaines : « pollution lumineuse », conservation ou esthétique.
157
SCHIVELSBUSCH W„ 1983, Lichtblicke : zur Geschichte des kunstlichen Helligkeit im. 19. Jahrhundert, Cari Hanser
Verlag, Munich.
158
IBUSCA B., 1970, L'éclairage public et la signalisation, éléments majeurs de l'aménagement de l'espace, Editions
Jacques Fréal, 243 p.
159
Guide pratique pour la conception de l'éclairage public en milieu urbain (1981), Ministère de l'Urbanisme et du
Logement, Ministère des Transports, 147 p.
1611
« Eclairage public et insécurité », 1985, Le livre blanc du Centre d'Information de l'Eclairage, 35 p.
161
Recommandations relatives à l'éclairage des voies publiques, Association française de l'Eclairage, LUX Editions, Paris,
201 p.
152
NARBONI R., 1995, La lumière urbaine, éclairer les espaces publics, Le Moniteur, 263 p.
163
Dietrich NEUMANN, 2002, Architecture ofthe Night : The Illuminated Building, Prestel
-81-
Riche de plus de deux cents illustrations, l'ouvrage propose une centaine d'exemple de
constructions incluant l'Opéra de Paris (1880), le Gas and Electric Building, Denver (1910),
l'Empire State Building, New York (1931), le Seargram Building, New York (1958), le
Lloyds Building, London (1988) et le Anzeiger Hochhaus, Hanover (2000).
2.2.7. Les recherches des biologistes et des médecins
On ne peut parler de temps et de nuit sans évoquer l'apport essentiel des biologistes et
du corps médical. Les contributions les plus importantes sont dues à des chronobiologistes
comme A. REINBERG qui se sont intéressés au fonctionnement de nos horloges biologiques
et ont tenté de mesurer les impacts de nos horaires atypiques sur la santé. Ils ont montré que
les êtres humains comme la plupart des animaux et des végétaux possèdent des horloges
biologiques qui leur permettent de se situer dans les échelles du temps, celle des vingt-quatre
heures et celles de l'année. Leur découverte d'une organisation temporelle des êtres vivants
permet de concevoir le temps d'une manière totalement renouvelée et de mesurer l'impact de
V
nos nouveaux rythmes de vie ; travail posté, travail de nuit, décalage horaire ; sur la santé de
l'homme, animal diurne. Parmi les ouvrages de A. REINBERG, Le temps et les rythmes
biologiques164 paru en 1997 est sans doute le plus complet.
De nombreux psychiatres et médecins ont cherché à explorer les parasomnies du
monde de la nuit qui revêtent un caractère étrange : somnambulisme, terreurs nocturnes et
cauchemars, épilepsies, crises d'apnée ou énurésie. Leurs études ont permis de dépasser le
grand théâtre des voyantes extralucides pour mieux comprendre les mécanismes du sommeil
et tenter d'en déterminer le traitement. Certains comme le Professeur Y. PELICIER165 ont
publié des travaux accessibles au grand public où la nuit tient une position centrale.
Toujours dans le domaine médical mais un peu à la marge, il faut signaler le travail
particulier d'A. SOLIVERES166, infirmière et chercheur en Sciences Sociales qui rend la
parole à celles que notre société laisse dans le silence et dans l'ombre : les infirmières de nuit.
Dans le livre qu'elle leur consacre, Infirmière, le savoir de la nuit, elle explore la particularité
du monde de la nuit qui constitue la face cachée, impensée de la médecine. Elle montre
164
REINBERG A. 1998, Le temps humain et les rythmes biologiques, Editions du Rocher, 250 p.
PELICIER Y., 1985, Somnambules et parasomniaques, Economica, 199 p.
If,fi
SOLIVERES A., 2001, Infirmières, le savoir de la nuit, PUF, 291 p.
165
-82-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
comment dans chaque événement de la vie, la nuit est occultée et, cependant, souvent
prépondérante dans les décisions et orientations professionnelles, institutionnelles ou
politiques.
2.2.8. L'approche « micro » des anthropologues
I fc7
Certains anthropologues comme D. DESJEUX se sont intéressés à la nuit à travers
les espaces et sociabilités des bars de nuit. Ils ont montré que les horaires de sortie, les façons
d'occuper l'espace et les modalités de rencontres entre les personnes du bar répondent à des
normes sociales implicites mais fortes. Ces espaces seraient en réalité des espaces de liberté
sous contrainte. Même si la drague, la consommation d'alcool et le jeu des rencontres ont
pour fonction de créer une rupture dans l'ordre social, ces pratiques d'inversion sont en réalité
des micro-rites qui codifient la transgression. D'un côté ils sont réalisés sous le contrôle des
pairs dans le cadre sécurisant du bar et de l'autre, ils participent à la définition d'une étape de
la vie : celle du passage entre le statut d'adolescent et le statut d'adulte.
Il est impossible de terminer ce balayage des quelques travaux et réflexions sur la nuit
sans citer J. GIRARDON. Dès la fin des années 70, il nous transporte dans un essai
168
prophétique sur le sentiment d'insécurité : Quand la ville dort mal
Ces premières réflexions tranchent avec le silence des documents d'urbanisme.
2.3. LE SILENCE DES DOCUMENTS D'URBANISME
Sans approche temporelle de l'aménagement et de l'urbanisme, peu de chance
d'entrevoir un quelconque intérêt pour la nuit urbaine. Le temps est longtemps resté le parent
pauvre des réflexions sur le fonctionnement, l'aménagement ou le développement des villes et
des territoires au bénéfice des infrastructures. L'aspect matériel a pris le dessus sur l'aspect
humain cantonné aux politiques sociales. Le hardware a été préféré, voire opposé, au
167
DESJEUX D, JARVIN M, TAPONIER S, 1999, Regards anthropologiques sur les bars de nuit, espaces et sociabilités,
L'Harmattan, 203 p.
168
GIRARDON J., 1980, Quand la ville dort mal, le sentiment d'insécurité, Stock, 261 p.
-83-
software'69. A bien y regarder, il y a peu de métiers ou de formation sur le temps alors qu'il y
a tant de spécialistes de l'espace : architectes, géographes, urbanistes. La dimension
temporelle a été autant négligée par les édiles et les aménageurs bien qu'elle constitue un
aspect essentiel de la dynamique urbaine. Jusqu'à présent, on a surtout aménagé l'espace pour
mieux utiliser le temps à l'image du TGV qui rétrécit les cartes de l'Europe. La démarche
inverse qui consiste à aménager le temps pour exercer un effet sur l'occupation de l'espace est
moins courante.
2.3.1. Des outils limités à l'espace
Les outils d'aménagement et d'urbanisme ignorent les territoires dans leur dimension
nocturne. Le zonage reste essentiellement spatial170. Les cartes communales, Plans locaux
d'urbanisme (PLU) ou Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT), comme leurs ancêtres les
Plans d'Occupation des Sols (POS) ou Schémas directeurs tentent d'aboutir à une meilleure
répartition des activités dans l'espace sans prendre en compte la dimension temporelle. Ce
silence est étonnant pour un outil aussi généraliste que le Schéma de Cohérence Territoriale,
destiné à servir de cadre de référence pour les différentes politiques sectorielles centrées
notamment sur les questions d'habitat, de déplacements, d'équipement commercial,
d'environnement, d'organisation d'espace et qui doit assurer la cohérence des documents
sectoriels (PLH, PDU) et des plans locaux d'urbanisme (PLU) établis au niveau communal.
Les principes mis en avant dans l'article L. 121-1 de la loi SRU auraient pourtant dû permettre
d'engager une réflexion sur les temporalités : équilibre, diversité des fonctions urbaines et
mixité sociale ou respect de l'environnement.
2.3.2. Des politiques de développement du jour
Rien dans les textes de loi n'interdit à une structure intercommunale ou à un Pays, de
s'emparer de la question nocturne. Pourtant, jusqu'à présent, les chartes ou contrats de
développement établis à différentes échelles ignorent la dimension temporelle et tout
particulièrement la nuit comme si tout s'arrêtait. Les Conseils de développement, composés de
[m
GWIAZDZINSKI L., 2001, Le temps a rendez-vous avec l'espace. Espace, temps, modes de vie, Actes des 22' rencontres
des agences d'urbanisme, les 12. 13, 14 décembre 2001, Ministère de l'équipement, des transports et du logement, pp. 250256.
17(1
GWIAZDZINSKI L., 2001, Penser l'espace, panser le temps. Territoires n° 420, pp 5-8.
-84-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
représentants de la société civile, qui se mettent actuellement en place dans les futurs Pays
pourraient obliger les élus à s'intéresser à la dimension nocturne de la société et des
territoires.
2.3.3. Un domaine ignoré : la lumière urbaine
Autre exemple de ce désintérêt pour la nuit, l'éclairage des villes, pourtant si
important, est un domaine juridique très mal cadré. Les textes réglementaires ignorent
pratiquement tout de la lumière urbaine, qu'il s'agisse de l'éclairage public ou de la mise en
valeur nocturne d'espaces publics ou de bâtiments. Seul le code des communes la nomme
explicitement. Par contre, les textes régissant l'énergie utilisée d'une manière quasi générale
pour l'éclairage, l'électricité, sont nombreux. Il en est de même pour ceux qui décrivent les
procédures de travaux ainsi que les modes de passation. En fait, seule est régie la lumière en
tant que source potentielle de perturbation. D'après R. NARBONI171, à court terme, au niveau
européen, une norme devrait qualifier et quantifier la lumière fonctionnelle (c'est-à-dire
l'éclairage public), donnant ainsi un caractère normatif à ce qui ne relève actuellement que de
«l'information», du «guide» ou des «recommandations». S'ils ne règlent pas les aspects
réglementaires, les « plans lumière », plans d'urbanisme de la lumière sont une avancée des
années 90.
2.3.4. De timides ouvertures
C'est à travers les outils de gestion des transports ou les lois sur le temps de travail que
les aspects nocturnes de la cité ont actuellement le plus de chance d'être abordés.
2.3.4.1. Les Plans de déplacement urbains
Les plans de déplacements urbains définis dans la Loi d'Orientation des Transports
Intérieurs (LOTI) du 31 décembre 1982 et dont La loi sur l'Air et l'Utilisation Rationnelle de
l'Energie (LAURE) du 30 décembre 1996, a précisé le contenu, peuvent aborder les aspects
171
NARBONI R., 1995, op. cit., 263 p.
-85-
nocturnes de la ville à travers les questions de desserte nocturne de la ville, l'élaboration de
Plan de Déplacement d'Entreprises et la question des horaires de livraisons.
Définis par arrêtés municipaux, ces horaires sont le plus souvent établis en combinant
les intérêts de chacun : heures d'ouverture du destinataire, nuisance sonore, gêne du trafic.
Les livraisons de nuit ont l'avantage de ne pas perturber le trafic des autres usagers de la
voirie, et représentent un gain de temps pour le transporteur lors du déchargement mais ne
sont pas synchronisées avec les horaires d'ouvertures et les disponibilités du client, créant des
nuisances sonores pour les riverains.172
2.3.4.2. La Loi Aubry II
La loi relative à la réduction négociée du temps de travail, dite Aubry II du 19 janvier
2000 qui donne une orientation pour la mise en place des démarches temporelles, peut
permettre une ouverture sur le temps et sur la nuit : « Dans les agglomérations de plus de
50000 habitants, le président de la structure intercommunale, en liaison, le cas échéant, avec
les maires des communes limitrophes, favorise l'harmonisation des horaires des services
publics avec les besoins découlant, notamment du point de vue de la conciliation entre vie
professionnelle et vie familiale, de l'évolution de l'organisation du travail dans les activités
implantées sur le territoire de la commune ou à proximité. A cet effet, il réunit, en tant que de
besoin, les représentants des organismes ou collectivités gestionnaires des services concernés
et les met, le cas échéant, en relation avec les partenaires sociaux des entreprises et des
collectivités afin de promouvoir la connaissance des besoins et de faciliter la recherche
d'adaptation locale propre à les satisfaire173. »
La nuit urbaine a peine explorée pour les scientifiques et mal aimée des aménageurs et
des politiques est-elle condamnée à l'oubli ?
172
Source : « Plans de Déplacements Urbains et Marchandises en Ville ». Réflexions à destination des élus, CERTU, 2001.
Voir annexe n°XI
173
Article 1er, alinéa VII
-86-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
2.4. QUELQUES RAISONS APPARENTES
On est en droit de s'interroger sur les raisons d'un tel oubli de l'espace urbain la nuit ?
On peut tenter d'avancer quelques explications dont le sommeil et la télévision qui nous
maintiennent dans nos maisons la nuit et nous soustraient à l'espace public.
2.4.1. Le sommeil obligatoire
Le sommeil explique en grande partie le relatif manque d'intérêt des citadins pour leur
ville la nuit. Reconnaissons tout d'abord qu'il est difficile de concilier travail et vie nocturne.
Seul l'étudiant réussit un temps... En moyenne, nous dormons entre sept et neuf heures par
nuit soit un tiers de notre vie. 10 % de la population dorment moins de 6 heures, 15 % plus de
9 heures. Le temps de vie éveillé sur 74 ans est donc équivalent à 51 années.
2.4.2. La télévision qui attire
N'oublions pas au rang des explications, la fascination qu'exerce sur nous la « lucarne
magique » qui phagocyte nos soirées et écourte parfois nos nuits. Si les alsaciens sont les
moins téléphages des français, ils passent encore en moyenne 2h49 par jour devant leur
télévision174, dont une bonne partie en soirée.
2.4.3. La consommation de psychotropes
Dernière explication : la consommation de psychotropes érigée en sport national dans
notre pays. Les français avaleraient cinq fois plus de tranquillisants que les allemands, deux
fois plus d'hypnotiques sédatifs que les britanniques et quatre fois plus d'antidépresseurs que
les italiens175. Il nous reste finalement peu de temps pour apprécier l'atmosphère nocturne de
nos cités.
174
MERMET G., 1992, Francoscopie, p.381.
-87-
Cette absence d'intérêt pour la nuit est d'autant plus injustifiable que d'après D.
MACDONALD, écologiste du comportement à l'Université d'Oxford, l'homme et les
mammifères en général lui doivent tout bonnement leur existence. Sa thèse sur « l'invention
1 7 f\
des mammifères »
est étonnante. Ces derniers auraient été inventés il y a 65 millions
d'années à un moment où le groupe dominant de vertébrés était composé de dinosaures,
reptiles à sang froid, menant une vie essentiellement diurne. Une niche restait libre : la nuit.
Elle a été occupée par les mammifères, alors essentiellement nocturnes. Ils se sont reproduits,
dans un monde toujours dominé par les dinosaures. Jusqu'au moment où, sans doute à cause
d'un changement de climat, ces derniers se sont éteints, laissant la place.
Conclusion
La nuit urbaine apparaît comme une dimension oubliée de la ville peu étudiée par les
chercheurs, seulement livrée aux fantasmes et aux représentations négatives, un espace-temps
en friche qui doit être investi. L'histoire de sa conquête progressive par les activités humaines,
devrait nous permettre de mieux appréhender l'importance prise par les notions de sécurité et
de liberté.
175
Comparaison effectuée en « dose quotidienne déterminée » (defined daily dose), c'est-à-dire la quantité de principe actif
nécessaire pour le traitement d'un adulte in L'Express, 19 février 1998, p. 48.
176
MAC DONALD D., 1995, European Mammals, Evolution and Behaviour, HarperCollins, Londres.
-88-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Chapitre 3. LA LENTE CONQUETE DE LA NUIT URBAINE
L'Homme n'a eu de cesse pendant des millénaires de contrôler l'autre partie du jour :
la nuit. En effet, la nuit n'a pas toujours été un espace d'activités. Elle a longtemps été un
espace interdit à la vie sociale avant d'être colonisée pour devenir un espace de travail et de
loisirs.
La nuit angoissante, a peu à peu été domestiquée, encadrée, éclairée et contrôlée. Cette
conquête aura d'abord été un acte politique. En s'efforçant de contrôler la lumière, la ville a
d'abord cherché à assurer la sécurité. Symbole de cette volonté de puissance et de contrôle, la
médaille que Louis XIV fit frapper en 1669 portait la mention : Urbis securitas et nitor
(clarté, sécurité et netteté). Le peuple révolté ne s'y trompera jamais : pendant les révolutions
de 1789 et 1848, pendant les émeutes, les lanternes et lampadaires qui symbolisent le contrôle
et ce pouvoir furent toujours les premières cibles du mécontentement populaire. Au fil des
siècles cette conquête de la nuit urbaine alla de pair avec l'ouverture de la ville vers
l'extérieur, l'effacement ou la destruction des enceintes et la croissance géographique.
L'avènement progressif de la lumière artificielle permit également d'échapper à
l'emprise du rythme des jours et des nuits et aux commandements du calendrier. Le
déroulement des journées ou des saisons prit un tout autre sens, de même que l'alternance
entre vie sociale et vie privée. Les rythmes de l'échange entre individus, les rythmes ludiques,
mais aussi les rythmes du travail, l'organisation de l'activité industrielle dépendent
étroitement de l'artificialité et du nouveau codage de la lumière177.
Cette conquête de la nuit s'est effectuée de deux côtés à la fois : d'une part la
recherche de la sécurité et du contrôle de la nuit notamment par le développement de la
lumière et des forces de l'ordre, de l'autre la recherche du plaisir et l'animation.
177
RONCAYOLO M., 1994, «Transfiguration nocturne de la nuit: l'empire des lumières artificielles», La Ville, art et
architecture en Europe, Centre Georges Pompidou, pp. 48-57
-89-
3.1. DU FEU A LA LUMIERE URBAINE
Le feu maîtrisé a été la première source de lumière artificielle. Sa lueur chancelante a
permis à l'homme de reculer les limites de l'ombre. Pourtant, pendant plusieurs millénaires,
les villes soumises aux rythmes de Dame Nature, restèrent plongées dans le noir. La crainte
de l'incendie a longtemps justifié cette absence d'éclairage. Des lanternes à huile aux torches,
des chandelles et des bougies à la pyrotechnie, la ville a toujours cherché à maîtriser la
lumière, signe de l'originalité technique du monde urbain, élément premier, peut-être de son
artificialité178. Petit à petit, la lumière a pris possession de l'espace urbain, gommant en partie
l'obscurité menaçante de nos nuits. La ville a envahi le monde et l'éclairage a transformé nos
rues. Aujourd'hui, la problématique nature/culture semble inversée. Comme le constate M.
SERRES « La ville naquit, dit-on, d'une clairière dans les forêts ; or celles-ci, désormais,
apparaissent comme de sombrières lacunaires parmi les métastases gigantesques des lumières
de la ville » 179.
3.1.1. Antiques lueurs
1 SA
D'après L. MUMFORD , certaines cités grecques avaient déjà apprivoisé la nuit.
Antioche se distinguait par un trait caractéristique et typiquement « moderne » d'une Rome
où, même à la période faste de l'Empire, les citoyens ne pouvaient sortir nuitamment qu'au
péril de leur vie, exposés sans cesse aux entreprises des coupeurs de bourses ou des
spadassins de diverses factions. Antioche était dotée d'un éclairage artificiel, au Ve siècle de
notre ère, cinquante lampes éclairaient la rue Arcadius, à Ephèse, jusqu'au monument du
Sanglier, et déjà, A. ANUS avait assuré que «la nuit, l'éclat de ces lampes égalait souvent
celui de la lumière solaire ».
Ce témoignage est confirmé par celui de LIBANIOS qui déclare que les citoyens
d'Antioche «se sont libérés de la tyrannie du sommeil. D'autres lampes y viennent relayer
l'éclat de la lampe solaire, plus puissantes que les illuminations des villes d'Egypte. Ce jour
ne diffère plus de la nuit que par la nature de son éclairage. La nuit, l'animation du commerce
178
RONCAYOLO M., 1994, op.cit. p. 48.
SERRES M., 1993, La légende des anges, Flammarion, p. 62.
1811
MUMFORD L., 1964, La cité à travers l'histoire, Seuil, 781 p.
m
-90-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
ne cesse pas ; les uns poursuivent leurs occupations habituelles, les autres chantent et se
divertissent ». Ces antiques lueurs firent place à des périodes plus sombres.
3.1.2. Ténèbres du Moyen Age
Au Moyen Age, il ne faisait pas bon s'aventurer trop loin de chez soi au coucher du
soleil. La nuit parisienne était bien plus périlleuse qu'aujourd'hui. Il fallait éviter les bandes
de voleurs ou les souteneurs armés sortant des cavernes. On devait se garder aussi des citadins
réquisitionnés pour faire la ronde, car ils avaient ordre d'arrêter tout promeneur : le couvrefeu était permanent. Il fallait retrouver son chemin, ce qui n'était guère aisé si l'on n'était pas
muni d'une torche : aucune lumière n'éclairait encore Paris. La nuit était alors synonyme de
malédiction. Ainsi les délits commis après le coucher du soleil étaient plus durement punis
que les autres. Le travail nocturne était interdit de manière irrationnelle : on suspectait en effet
qu'il donnait de moins bons résultats qu'en journée. Seuls les boulangers et les verriers
avaient le droit de poursuivre leur ouvrage : il aurait été trop coûteux d'éteindre leurs fours
chaque nuit. Cette nuit ténébreuse, sauvage s'est peu à peu civilisée, au fil des progrès
techniques.
Dès le XlIIe siècle, SAINT-LOUIS justifie le recours à la lumière artificielle dans une
ordonnance royale accordant le guet des mestiers : « Pour la sécurité de leur corps, de leurs
biens et de leurs marchandises, pour remédier aux périls, aux maux et accidents qui
survenaient toutes les nuits dans la ville, par vols, larcins, violences, ravissements de femmes
et enlèvements de meubles par les locataires, etc. ». La fonction sécuritaire de l'éclairage
public est affichée. L'histoire de la législation en matière d'éclairage public, qui commence
timidement au XlVe siècle, atteste des visées avant tout sécuritaires des édiles.
En 1318, les meurtres étaient devenus si communs aux environs du Châtelet à Paris
que PHILIPPE V amorça une politique volontariste d'éclairage public sécuritaire, en
ordonnant «qu'une chandelle soit entretenue toute la nuit à la porte du palais du Grand
Châtelet » (sur l'emplacement de l'actuel Louvre), en raison des nombreux meurtres qui s'y
commettent. Cette ordonnance royale est suivie, quelques années plus tard, de deux autres,
visant la Tour de Nesle et le cimetière des Saints Innocents.
-91-
A la fin du XlVe siècle, l'éclairage public n'avait pas encore fait de progrès sensibles.
Les seules lueurs dans la nuit étaient les cierges allumés dans les niches des madones
installées au coin de la plupart des rues. C'est à peu près à ce moment qu'il faut placer
l'institution du fanal de la Tour de Nesles, une grosse lanterne suspendue à une potence,
indiquant aux mariniers l'entrée de Paris. Le service des guets, équipés de chandelles, est
institué en 1363 par ordonnance du roi JEAN II LE BON.
3.1.3. Premières lueurs
Par un arrêt du 29 août 1558, le Parlement ordonne que les falots ou pots à poix soient
placés au coin de chaque rue, de 22 heures à 4 heures du matin ; et « où lesdits falots ne
puissent éclairer d'un bout à l'autre, il en sera mis un au milieu desdites rues ou places selon la
longueur d'icelles ». Peu après, la Chambre du conseil donne au guet de Paris une
organisation nouvelle par un arrêt pris le 20 octobre 1558. Il ordonne que, dans toutes les rues
où le guet sera établi, un homme veillera avec du feu et de la lumière « pour voir et escouter
de fois à autre ». Quelques jours plus tard, le 29 octobre 1558, il est enjoint de remplacer les
« falots » par des « lanternes contenant de la chandelle ».
Au XVe et au début du XVIe siècle, les lueurs des lanternes et celles encore présentes
des falots colonisent les nuits des villes. Entre deux périodes de crainte, les cités retombent
ponctuellement dans l'obscurité. En 1524, les habitants reçoivent l'ordre de placer, dès 21
heures des chandelles allumées à leurs fenêtres. Au XVe siècle, sous LOUIS XI, le prévôt fait
commandement aux Parisiens, par ordre du roi, « d'avoir armes dans leurs maisons, de faire le
guet dessus les murailles, de mettre flambeaux ardents et lanternes aux carrefours ». Restée
sans effet, cette ordonnance n'empêche pas les « mauvais garçons » de mettre Paris à feu et à
sang pendant la captivité de FRANÇOIS 1er. Ce n'est qu'à la fin du XVIe siècle que
l'éclairage urbain commence vraiment à s'organiser.
3.1.4. Généralisation de l'éclairage urbain
Après avoir arrêté l'organisation de la police de Paris, LOUIS XIV crée une charge de
lieutenant de police et nomme LA REYNIE à ce poste. A Paris, LOUIS XIV se préoccupe de
-92-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
la sécurité de la circulation en accordant en 1662 une concession ayant pour objet « d'établir
en la ville et faubourg de Paris... des porte-lanternes et porte-flambeaux pour conduire et
éclairer ceux qui voudraient aller et venir par les rues... ». La compagnie des porte-flambeaux
est concédée par le roi à l'abbé CARAFFA. Les lettres patentes de LOUIS XIV du 26 août
1662, confiant à une compagnie de lanterniers et de porte-flambeaux le soin d'éclairer les
rues, en décrivent ainsi la nécessité : « les vols, meurtres et accidents qui arrivent
journellement en nostre bonne ville de Paris, faute de clarté suffisante dans les rues, et
d'ailleurs la plupart des bourgeois et gens d'affaires n'ayant pas les moyens d'entretenir des
valets pour se faire éclairer la nuit, pour vaquer à leurs affaires, n'osant pour lors se hazarder
d'aller et venir par les rues et sur ce que nostre cher et bien-aimé le sieur Laudati CARRAFA
nous a fait entendre, que pour la commodité publique, il serait nécessaire d'establir en nostre
ville et faux-bourgs de Paris et aultres villes de nostre royaume des porte-lanternes et porteflambeaux pour conduire et éclairer ceux qui voudront aller et venir par les rues... En
conséquence, scavoir fesons que pour ces causes et aultres particulières considérations avons,
par ces présentes, au dit sieur abbé Laudati CARAFFA à l'exclusion de tous aultres, accordé
et accordons le pouvoir, faculté, permission et privilège d'avoir et d'establir des porteflambeaux et porte-lanternes à louage...Voulons et nous plaît que les lanternes qui sont aux
coins et au milieu des rues de nostre ville et faux-bourgs de Paris, y soient conservées ainsi
que de coutume. »
Cette initiative déboucha sur l'éclairage de la capitale. En 1667, un édit publié par le
lieutenant de police LA REYNIE oblige les bourgeois de Paris à entretenir l'éclairage des
rues et carrefours. Le 5 septembre 1667 paraît l'ordonnance qui impose aux bourgeois de
chaque quartier la charge d'entretenir dans les rues et carrefours des lanternes éclairées avec
des chandelles de « quatre à la livre ». Cette disposition est accueillie à Paris comme un
bienfait public.
La même année, LOUIS XIV fait installer des lanternes tous les 20 mètres dans 912
rues. Au milieu du XVIIe siècle, l'éclairage urbain se généralise. A la fin du XVÏÏe siècle,
Paris compte 6500 lanternes à chandelles, suspendues à des cordes.
D'abord fixé à quatre mois par hiver, l'éclairage est imposé par arrêté du Parlement du
23 mai 1671 sur une période commençant le 20 octobre et finissant le 31 mars. Les lumières
jouent un rôle policier : elles permettent au guet, renforcé par la garde royale créée en 1667
-93-
par LOUIS XIV, de mieux observer l'activité nocturne. Le signal de l'allumage est donné par
des sonneurs qui parcourent les rues en agitant une clochette ; il doit fonctionner jusqu'à deux
heures du matin. Jusqu'en 1697, Paris est la seule ville du royaume qui soit éclairée. A cette
date, un édit royal impose cet éclairage artificiel aux autres grandes villes : « Considérant que
de tous les embellissements de Paris il n'y en avait aucun dont l'utilité fût plus sensible et
mieux connue que l'éclairage des rues, ordonne que, dans les principales villes du royaume,
pays, terres et seigneuries, dont le choix serait fait par le roi, il serait procédé à l'établissement
des lanternes conformément à Paris »
Cet éclairage perdure jusqu'au 9 juillet 1758, date à laquelle une ordonnance royale en
étend le principe aux voies de la ville et des faubourgs de Paris. Cette ordonnance délivre
également les bourgeois de leur obligation d'entretien de l'éclairage ; les dépenses
correspondant à cette prestation sont prises en charge par l'Etat. L'éclairage public est né.
Malgré ces progrès et même à Paris avec ses quelques 5500 lanternes éclairant les
principales artères, il ne fera pas bon circuler hors des sentiers balisés par la lumière.
L'Allemand NEMEITZ, cité par J. DELUMEAU181, publiant en 1718 des «instructions
fidèles pour les voyageurs de condition » écrira à ce sujet : « Je ne conseille à personne d'aller
par la ville à la nuit noire. Car quoique le guet ou la garde à cheval patrouille par toute la ville
pour y empêcher les désordres, il y ait bien des choses qu'il n'y voit pas... La Seine, qui
traverse la ville doit entraîner quantité de corps morts, qu'elle rejette sur la rive dans son
cours inférieur. Il vaut donc mieux ne s'arrêter trop longtemps nulle part et se retirer chez soi
de bonne heure182. »
3.1.5. Mutations techniques des XVille et XIXe siècles
C'est en 1744 que l'on voit apparaître une invention qui devait entraîner la
transformation complète de l'éclairage public : la lampe à réverbère, constituée d'une lampe à
huile et d'un réflecteur en métal argenté. Les lanternes comportaient un, deux, trois ou quatre
becs. En 1788, on obtint une flamme plus blanche et moins fuligineuse avec l'huile de colza.
181
DELUMEAU J., op.cit.
NEMEITZ J. C„ 1887-1902, « Séjour de Paris, c.-à-d. Instructions fidèles », publié par A. FRANKLIN, La vie privée
d'autrefois, 27 vol., Paris, pp. 57-58.
182
-94-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
En 1821, on perfectionna les réverbères par l'emploi d'une lampe à double courant
d'air, munie d'une cheminée de verre. Mais c'est la découverte du gaz d'éclairage par
P. LEBON en 1798 qui marqua un pas un premier et décisif progrès. Les premiers essais
d'éclairage au gaz au début du XVEŒe siècle vont révolutionner l'éclairage des villes,
183
valoriser l'espace public avant d'étendre ses bienfaits aux pratiques domestiques
. Le
changement intervenu à Londres au début du XIXe siècle était si surprenant que le prince Von
PUCIŒR-MUSKAU, arrivant de nuit, s'imagine qu'une illumination avait été ordonnée
spécialement en son honneur.
En France, c'est seulement le 1er janvier 1829 que l'on mit en service, place du
Carrousel, les quatre premiers appareils d'éclairage au gaz. Douze appareils semblables
brûlaient le lendemain, rue de Rivoli. Trois mois plus tard, on vit apparaître rue de la Paix et
place
Vendôme,
des candélabres
en
fonte. HAUSMANN,
Préfet de Paris
sous
NAPOLEON El, généralise l'utilisation du gaz d'éclairage : dès 1852, 13 733 becs de gaz
illuminent Paris. En 1870, les réverbères à huile avaient pratiquement disparu, remplacés par
les becs de gaz à manchon Auer, qui ne devaient cependant guère durer plus d'un siècle.
Bientôt, les becs de gaz s'effacèrent devant la lumière électrique. Déjà une première
démonstration d'éclairage public avait eu lieu en 1844, sur la place de la Concorde, avec des
lampes à arc de charbon. En mai 1878 apparut sur la place et l'avenue de l'Opéra, une
magnifique rangée de candélabres portant des globes Jablotchkov. Cette démonstration porta
ses fruits en Italie, puis en Grande-Bretagne. A Rome, une application grandiose de ce genre
d'éclairage fut réalisée au Colisée.
3.1.6. Avènement de la fée électricité
L'invention de la lampe à incandescence en 1879 devait tout bouleverser, et dès 1910,
on assista à une installation progressive de cette nouvelle source de lumière. L'éclairage
électrique ne se généralise qu'entre 1900 et 1920. L'électricité transforme alors la ville en
véritable spectacle. En 1900 Paris fête l'arrivée de la «fée électricité» lors de l'exposition
Universelle. Les monuments sont illuminés et les premières publicités
183
tapageuses
RONCAYOLO M., 1994, «Transfiguration nocturne de la nuit: l'empire des lumières artificielles», La Ville, art et
architecture en Europe, Centre Georges Pompidou, pp. 48-55.
-95-
apparaissent : les initiateurs sont A. CITROEN et le peintre italien TACOPOZZI qui ont
utilisé la Tour Eiffel comme support publicitaire.
La fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle connaissent encore, avec les
expositions universelles et coloniales et le culte voué à la fée électricité, d'autres délires
lumineux et des débauches d'énergie. Ces excès sublimes restent associés à la notion
d'éphémère dans la ville. Les sons et lumières qui essaiment en France et à l'étranger en sont
certainement les héritiers. Les fantasmes de lumière absolue naissent : « Dans les années
1880, le but visé pour l'éclairage public était une rue inondée de lumière, où l'on pourrait lire
le journal et distinguer les mouches sur les façades des maisons... et la lumière à arc
électrique, pourtant peu adaptée à l'éclairage public, engendra alors des désirs absolus
d'éclairage, non plus des rues, mais de la ville. La vision futuriste, d'une métropole éclairée
comme en plein jour par des tours de lumière »184 s'imposa peu à peu.
En l'An X, l'imprimeur DONDEY-DUPRE avait déjà tenté de convaincre
NAPOLEON qu'il fallait à Paris de vastes phares pour son illumination185.
Pris entre ombres ancestrales et lumières nouvelles, les hommes du XIXe siècle furent
les premiers à envisager un remplacement de la nuit urbaine par la lumière artificielle186. En
1857, évoquant le Paris du futur, T. GAUTHIER prédit la fin de la nuit187 : « Il n'y aura plus
de nuit: sur chaque place s'élèveront des phares (...) La seule chose à quoi l'on peut
reconnaître la nuit, c'est qu'on y verra aussi clair que dans le jour (...) les hommes de ces
temps-là dormiront très peu. Ils n'auront pas besoin d'oublier la vie dans cette mort
intermittente qu'on appelle le sommeil ». Symbole de cette volonté de supprimer la nuit,
l'architecte J. BOURDAIS et l'ingénieur M. SEBILLOT présentèrent en vue de l'Exposition
Universelle de 1880 leur « Colonne-Soleil, projet de phare électrique pour la ville de Paris ».
Placé au centre de Paris, cet astre démocratique —puisque par définition, tous les quartiers se
trouveraient équitablement éclairés— aurait été capable d'éclairer un cercle de 11 kilomètres
de diamètre faisant définitivement de Paris, la capitale des lumières. Pour des questions de
sécurité et d'inefficacité en cas de tempête, le comité de préparation de l'Exposition
universelle lui préférera la tour de G. EIFFEL.
184
SCHIVELSBUSCH W„ 1993, La Nuit désenchantée, Le Promeneur, Paris.
DONDEY-DUPRE, an X, Projet d'un nouveau mode d'illumination pour la ville de paris présenté au premier consul,
Paris, Dondey-Dupré, pp. 4-6
186
DELATTRE S., 2000, Les douze heures noires, la nuit parisienne au XIXe siècle, Albin Michel, p. 111
187
GAUTHIER T., 1862, Paris, Paris, Dentu, p. 237
185
-96-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
3.1.7. De l'approche fonctionnaliste à l'identité nocturne
Avec la lumière électrique, il devint possible de diriger la lumière dans les vitrines
comme sur la scène d'un théâtre. L'apparition des enseignes lumineuses électriques apporta
un nouvel élément à la vie urbaine nocturne en faisant éclater le plafond lumineux du
boulevard-salon, en l'élevant jusqu'au faîte des immeubles188.
Jusqu'en 1950, la lampe à incandescence régna en souveraine. Elle s'imposa par sa
durée, son efficacité lumineuse, sa facilité d'entretien et son économie. Elle fut peu à peu
détrônée par des sources lumineuses encore plus économiques : tubes fluorescents, lampes à
ballon fluorescent, lampes à iodures métalliques, lampes à vapeur de sodium haute et basse
pression qui répondent mieux aux besoins actuels de l'éclairage public en milieu urbain.
Après 1945, neufs habitations sur dix sont équipées de l'électricité. A Paris, les
derniers réverbères à gaz sont éteints en 1962. La longue épopée de l'appropriation de la nuit
des villes subira encore quelques rebondissements avec l'apparition, dans les dernières
décennies d'une approche fonctionnaliste et rationnelle exacerbée. C'est alors le règne du
«lux maître » ou du niveau moyen d'éclairement, c'est-à-dire l'obligation de permettre, aux
automobilistes assis au volant de leur véhicule et roulant à une vitesse donnée, de percevoir
clairement les piétons.
La quasi-totalité des éclairages publics de nos villes, encore en place aujourd'hui, et
donc l'image nocturne de nos espaces urbains, a été conçue et réalisée en application de ce
principe qui a été érigé en dogme par les ingénieurs éclairagistes. La ville a été ainsi
quadrillée par un éclairage fonctionnel banal, pimenté ça et là de quelques illuminations
tapageuses. Les crises énergétiques des années 70 on été peu propices à l'imagination ; l'idée
même de mise en scène nocturne était vécue comme inutile, car simplement décorative.
«L'éclairage urbain se banalise progressivement pour s'imposer comme l'une des
! RQ
composantes obligées de tout aménagement d'espace public » insiste R. NARBONI »
. La
ville la nuit devenait enfin le lieu des possibles pour la lumière, mais aussi un véritable enjeu,
l'espace nocturne se transformant en un terrain d'exploration ouvert aux expérimentations les
plus diverses, avec des réussites et aussi des échecs.
188
189
SCHIVELSBUSCH W„ 1993, La Nuit désenchantée, Le Promeneur, Paris, p. 122
NARBONI R„ 1995, La lumière urbaine, Le Moniteur, 263 p.
-97-
3.1.8. Nouvelle approche de la lumière et de la nuit urbaine
La lumière tâtonne et se cherche encore. Elle est à la croisée des chemins. L'héritage
de plus de dix siècles d'éclairage sécuritaire s'exprime encore de nos jours dans le Code des
communes qui précise dans son article L. 131-2 : « La police municipale a pour objet d'assurer
le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment (...)
l'éclairage (...) ». La vocation sécuritaire de l'éclairage public est explicitement précisée. La
notion de sécurité revêt alors une énorme importance dans le déplacement des individus.
L'éclairage public apparaît comme un élément essentiel de ce confort nocturne. Les fonctions
classiques qui lui sont prêtées ne laissent planer aucun doute : assurer la sécurité des
déplacements, des biens et des personnes. La mise en valeur nocturne, elle, n'est évoquée
directement dans aucun texte réglementaire. Quelles que soient les conceptions qui
s'affrontent encore aujourd'hui, le rôle de la lumière dans la ville a profondément changé.
Elle assure toujours la vision et la sécurité comme le soulignait l'appel à candidature de la
Délégation Interministérielle à la Ville (DIV) de juin 1995 sur « Les projets d'éclairage public
des quartiers prioritaires de la politique de la ville » où l'on reconnaît que « L'éclairage public
prend une importance particulière dans un certain nombre de grands ensembles où il contribue
à l'animation du cadre de vie et au sentiment de sécurité des habitants. »
La lumière ne doit plus éblouir ; elle est un élément de mise en scène mais doit parfois
s'estomper pour mieux respecter une ambiance ; elle éveille en nous des images sensorielles,
et doit être capable de guider, de signaler et d'informer. La diversité et la complexité de ces
rôles et de ces fonctions impliquent dans tous les cas une orchestration véritablement
maîtrisée. La conception d'un projet lumière est aujourd'hui l'objet d'un véritable travail
spécialisé. La nuit des villes ne peut plus être la résultante d'un processus aléatoire, d'une
intention ébauchée ou livrée au hasard. Progressivement, les images nocturnes de chacun des
espaces et des bâtiments qui la composent seront conçues au même titre que celles de la ville
diurne.
Sa capacité à créer, à « sculpter » un paysage urbain différent de celui du jour lui
permet de favoriser les phénomènes spécifiquement nocturnes et de diversifier l'image globale
de la ville : n'existe vraiment la nuit que ce qui est éclairé. Les trajets éclairés, couloirs
rassurants s'opposant aux zones sombres, canalisent les déplacements. Il doit également
permettre l'accomplissement
de l'ensemble des besoins sociologiques, sensoriels et
-98-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
psychologiques des citadins et notamment, la prolongation de leurs activités diurnes, que les
températures des contrées tempérées permettent pendant la plus grande partie de l'année.
Cette fonction de l'éclairage public est devenue encore plus nécessaire depuis que les
économies d'énergie l'ont annulée en bien des endroits où elle était assurée par le secteur
privé.
L'éclairage public est important pour les déplacements à travers la ville la nuit. Il
favorise notamment :
-
La mise en évidence des éléments signalétiques : points remarquables de
signalisation et d'information ;
Le fonctionnement des lieux de vie : places, points de rencontre ou d'échanges,
espaces de loisirs et les diverses activités d'une cité du XXe siècle ;
La valorisation des points remarquables : monuments, sites, sculptures, végétaux,
fontaines, façades... ;
L'animation
d'activités
ludiques et de loisirs : foires, fêtes, bals, jeux,
représentations...
La clarté des zones de conflits entre usagers les plus dangereuses (carrefours,
passages piétons...)
Parallèlement au développement de l'éclairage public, se mirent en place au fil des
siècles les moyens d'un contrôle de la nuit permettant de circuler dans les villes sans danger.
3.2. DES VIGILES AUX CAMERAS
La Rome antique possédait déjà un service public de vigiles nocturnes. Au temps du
prime christianisme, on avait découpé en heures canoniales cette nuit de toutes les angoisses -
-99-
crepusculum, vespera, conticinium, intempesta nox, média noctis inclinato -, pour faire de la
nuit l'occasion d'une veille contre les démons déchaînés190.
On ne sait pratiquement rien de la manière dont la justice était exercée sous les rois
des deux dynasties d'origine germanique, mérovingiens et carolingiens qui se succédèrent
pendant le demi-siècle qui va de l'avènement de CLOVIS (481) à la mort du dernier des
descendants de CHARLEMAGNE (987). Alors que le royaume franc s'effrite, miné par les
rivalités, le système féodal s'installe. Qui possède une terre s'y arroge tous les droits revenant
normalement à l'Etat y compris le droit de justice, dont la Police devient une simple
dépendance. Autant de justices, autant de polices.
A la fin du Xïïe siècle, on assiste à une renaissance urbaine. Les villes tentent de
s'affranchir du régime seigneurial. Elles obtiennent plus de libertés parmi lesquelles le droit
de justice. Autant de villes, autant de justices. Déjà préjudiciable à la justice, la multiplicité et
l'enchevêtrement des compétences, tourne au désastre pour la police.
3.2.1. Couvre-feu médiéval
Dans ces conditions, la communauté médiévale se préparait tous les soirs à la nuit
comme l'équipage d'un bateau. G. SORBERG191 rappelle que la structure traditionnelle de la
garde dans les villes préindustrielles ne faisait pas de la surveillance une fonction
professionnelle. On comptait sur le jeu des liens familiaux, professionnels, de voisinage, sur
l'autorité du chef de famille, l'organisation corporative ou le volontariat de la milice. Elles
constituaient, à côté des peines très lourdes destinées à détourner le crime, le fondement de la
sécurité urbaine.
D'après l'historien polonais B. GEREMEK192 les échevins s'occupaient cependant de
la sécurité nocturne avec une sollicitude particulière. Leurs arrêtés fixaient le couvre-feu, la
cloche de la ville faisait taire toute vie, les tavernes fermaient, les portes étaient closes tant
que le guet entreprenait sa ronde de nuit autour de la ville endormie. Le couvre-feu devait
protéger les habitants et retenir la violence, les tapages nocturnes et parfois les meurtres dont
190
Poésie latine chrétienne du Moyen Age, Hle-XVe siècle, textes recueillis, traduits et commentés par Henry Spitzmuller,
DDB, 1971
191
SOBERG G., 1960, The preindustrial city, Glencoe, p. 246
-100-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
se rendaient coupables les noctambules, pour la plupart des étudiants ivres cherchant à
effrayer les bourgeois, des groupes de mauvais garçons formés dans les bas-fonds des
tavernes. Des chaînes étaient tendues à travers les rues afin de gêner la circulation de ces
hordes nocturnes. A Paris, le couvre-feu résonnait à dix-neuf heures pour Notre-Dame, à vingt
heures dans les autres églises et à vingt et une heures à la Sorbonne. Le travail à la lueur d'une
chandelle était en principe interdit pour des raisons de sécurité. Seuls certains métiers tels que
les boulangers, les chirurgiens veillant les malades ou les verriers dont le four ne peut être
éteint, ont le droit d'être en activité. Sortir après le couvre-feu nécessitait une autorisation
spéciale.
3.2.2. Guetteurs urbains
Pour assurer la sécurité des habitants, surtout contre les incendies, des guetteurs étaient
installés dans les tours et sonnaient l'alarme en cas de danger. A la tombée de la nuit, les
portiers leur remettaient solennellement les clés de la ville. A Paris, il y avait quarante
sergents à pied et vingt à cheval, dirigés par un chevalier du guet dont le nom apparaît pour la
première fois en 1254 dans une ordonnance de Saint-Louis. Trouvant ce guet royal insuffisant
« pour la sûreté de leurs corps, de leurs biens et marchandises », les bourgeois de Paris
proposèrent leur aide au roi : des hommes pris dans chaque corps de métier tiendraient à tour
de rôle, de trois semaines en trois semaines, des postes fixes en divers points de la capitale.
Saint-Louis accepta et les autres villes suivirent bientôt l'exemple. Ce fut le «guet
bourgeois », vite rebaptisé « guet assis » ou encore « guet dormant » par la malice populaire.
A Paris, la mission de cette garde, telle qu'elle est définie par une ordonnance royale de 1364,
était de surveiller les prisons du Châtelet, d'éviter les incendies, les attaques, les viols, les
meurtres et de faire en sorte que les locataires ne quittent pas leur maison en cachette sans
avoir acquitté leur loyer. La garde bourgeoise était répartie en différents endroits de la ville et
ne devait pas en principe, quitter ces postes. La compagnie royale devait se déplacer et mettre
la main au collet de tous les vagabonds, malfaiteurs ou gens en arme trouvés dans la rue après
l'extinction des feux.Un arrière guet parcourait la ville, attentif au moindre bruit et surveillait
aussi les guetteurs qui ne devaient en aucun cas s'endormir.
192
GEREMEK B., 1976, Les marginaux parisiens aux XlVe et XVe siècles, Flammarion, 374 p.
-101-
Chaque foyer était censé fournir son tour de garde bien que de nombreuses personnes
trouvent le moyen de se faire remplacer ou d'échapper au service. Ce système de service
obligatoire, souvent mal vécu par les particuliers, semble avoir manqué d'efficacité à Paris,
surtout en période de guerre. En 1559, Henri II supprima le guet bourgeois et le remplaça par
une taxe destinée à financer l'augmentation des effectifs du guet royal. Point de guet par
contre dans les campagnes où résidait pourtant 90 % de la population.
Les menaces continuent de peser sur les habitants dès la tombée du jour et même
avant. En janvier 1606, on ramassa dix-neuf cadavres dans les rues de Paris sur un total de
vingt-cinq meurtres et on ne put arrêter que cinq des coupables. En 1643, on comptait 373
meurtres pour une population estimée à 500 000 habitants193. Les passants sont rançonnés, les
carrosses attaqués aux Tuileries ou au Cours-la-Reine, les paysans détroussés avant d'arriver
aux halles. BOILEAU exagère à peine quand il écrit : « le bois le plus funeste et le moins
fréquenté est, au prix de Paris, un lieu de sûreté ».
3.2.3. Affirmation de l'Etat et contrôle policier
C'est en 1667 seulement que la Police acquiert une existence propre suite à une longue
période d'abus et de désordres. A Paris d'abord, mettant un terme aux errements du passé,
LOUIS XIV signa l'édit de 1667 qui mit fin à des siècles d'incohérence et d'anarchie. Il
sépara la police de la justice et la plaça sous l'autorité d'un lieutenant de Police dont il définit
les missions. Le succès de la réforme entraîna son application, en 1699, aux principales villes
de province. Mais les ingérences du pouvoir finiront par compromettre la police aux yeux de
l'opinion qui les associera dans un même rejet en 1789.
Depuis cette date symbolique, l'Etat s'est affirmé et les formes de surveillance se sont
sophistiquées sans qu'il soit nécessaire d'en dresser les étapes (Figure 1.5 - Grandes dates de
la Police Nationale).
Pour dissuader de passer à l'action ceux qui seraient tentés de commettre des actes
criminels et délinquants, mais aussi pour réprimer les auteurs de ces actes, des appareils de
193
LEBIGRE A., 1993, La Police, une histoire sous influence, Découvertes Gallimard, 160p.
-102-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
dissuasion et de répression se sont perfectionnés et occupent une place croissante dans notre
société, sans qu'on puisse en évaluer correctement l'efficacité.
Figure 1.5 - Grandes dates de la Police Nationale
Dates
580
Evénements
Le Guet est chargé de surveillance nocturne
1306
Commissaires-enquêteurs créés par Philippe le Bel
1791
Les Commissaires de Police sont élus
1796
Création du Ministère de la Police
1800
Loi du 28 pluviôse An VIII créant la Préfecture de Police et les Commissaires de Police dans
les villes de + de 5000 habitants
1851
Etatisation de la Police de Lyon
1908
Etatisation de la Police de Marseille
1934
Création de la Sûreté nationale
1941
La loi du 23-4 prévoyant l'étatisation du pouvoir de police dans les communes de plus de
10 000 hab. Crée la police d'Etat, constituant ainsi les polices urbaines
1968
Création de la Police Nationale
1985
Casquette plate et blouson remplacent képi et vareuse
Sources : Document
dactylographié
de l'Institut des Hautes Etudes de la Sécurité Intérieure,
1994,
3.2.4. Maillage policier du territoire
Aujourd'hui, l'Etat, considéré comme l'unique responsable de la sécurité, dispose du
monopole de la force publique et de la sanction des infractions aux règles juridiques qui
régissent la vie en société de jour comme de nuit.
Les forces de police d'Etat et la gendarmerie constituent sur l'ensemble du territoire,
chacune dans sa zone, un maillage visant à la prévention des crimes et délits, à la recherche
des contrevenants aux lois et règlements, au maintien d'un ordre tel qu'il était officiellement
établi. Elles sont complétées localement par la Police municipale et rurale. Parallèlement, les
employés des sociétés de sécurité privée, investissent l'espace diurne et nocturne de nos
villes avec des compétences qui demeurent assez floues.
-103-
3.2.4.1. La Police Nationale
L'effectif total de la Police Nationale, qui relève du Ministre de l'Intérieur est de
133 000 personnes, 12 000 personnels, essentiellement administratifs, servant de support aux
99 000 personnels « en tenue » (gardiens de la paix gradés, officiers de paix ou commandants)
et aux 21 000 personnels en civil (enquêteurs, inspecteurs et commissaires de police). Ces
personnels, incluant les membres des Compagnies Républicaines de Sécurité (police mobile),
couvrent pour l'essentiel, 5 % environ du territoire national (les zones urbanisées les plus
denses, des points frontières et quelques aéroports).
Les cinq missions prioritaires assignées à la Police Nationale sont dans l'ordre de
l'article 4 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995, dite « d'orientation et de programmation
relative à la sécurité » qui fixe les orientations de la politique de sécurité des personnes et des
biens :
la lutte contre les violences urbaines ;
la petite délinquance et l'insécurité routière ;
le contrôle de l'immigration irrégulière et la lutte contre l'emploi des clandestins ;
la lutte contre la drogue, la criminalité organisée et la grande délinquance économique
et financière ;
la protection du pays contre le terrorisme et les atteintes aux intérêts fondamentaux de
la Nation et le maintien de l'ordre public.
3.2.4.2. La gendarmerie
L'effectif total de la gendarmerie nationale, arme relevant du Ministère de la Défense,
est de 93 000 personnes. Si la gendarmerie mobile est constituée de d'unités motorisées se
déplaçant à travers le territoire, la Gendarmerie dite départementale est organisée à différents
niveaux en légions (régions), groupements (départements), compagnies (arrondissements) et
brigades assurant une présence, sur le terrain, des services à vocation générale de la police.
Selon l'article 1er de la loi du 28 germinal An VI (1778), la Gendarmerie est une force
instituée pour « veiller à la sécurité publique et pour assurer le maintien de l'ordre et
l'exécution des lois ». La Gendarmerie a des missions spécifiquement militaires (même en
temps de paix) et des missions de police, qu'elle partage avec la Police Nationale ; missions
-104-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
de police administrative et missions de police judiciaire (il s'agit de la recherche des auteurs
des infractions aux règles posées par les lois, règlements et arrêtés municipaux). Les actions
de « police administrative » sont préventives ; les actions de « police judiciaire » sont
répressives et visent à déférer les auteurs de crimes et de délits devant les tribunaux.
Policiers, gendarmes et pompiers ont des astreintes de nuit. Cette dernière profession
est particulièrement sollicitée : la moitié déclare travailler en nocturne. Aucun chiffre précis et
officiel n'existe sur le nombre exact de personnes travaillant de nuit et les syndicats parlent
d'un autre «chiffre noir». Selon le syndicat de Police Différence, affilié à la Fédération
Autonome des Syndicats de Police, 1 800 gardiens de la paix veillent sur les nuits de Paris et
de la proche banlieue. Cet effectif est près de dix fois inférieur à celui du jour (16 600
gardiens). Les policiers nocturnes parisiens sont en effet volontaires, contrairement à ce qui se
passe en province, où les 73 400 gardiens de la paix assurent le service de nuit par roulement.
Les effectifs de la région parisienne sont évidemment, selon ce syndicat, très insuffisants : en
banlieue, on ne compte la nuit qu'une centaine de fonctionnaires de Police par département.
3.2.4.3. Les Polices Municipales
Les maires sont investis de nombreuses responsabilités dont celle du bon ordre, de la
tranquillité et de la salubrité publique (articles L 131-1 etL131-2du Code des communes).
Pour faire face à l'ensemble de ces obligations de police, le maire ne peut s'en remettre
uniquement au bon vouloir des services de police et de gendarmerie mobilisés par d'autres
tâches et qui ne parviennent pas, au quotidien, à veiller au respect des prescriptions arrêtées
par le maire et à assumer la surveillance de la voie publique. A côté des traditionnels gardechampêtres, embryon de police municipale, juridiquement bien défini, à fonctions et pouvoirs
très limités, se sont développées des Polices Municipales, forces d'appoint œuvrant dans les
villes ou dans des communes disposant de forces de police d'Etat ou dans des communes
situées en zone de gendarmerie.
3.2.5. Entre sécurité privée et caméras permanentes
Les sociétés de sécurité privées sont prospères. Aucun texte législatif ou réglementaire
ne les régit. Elles n'ont pas juridiquement qualité pour se comporter comme un agent des
-105-
pouvoirs publics. Un policier privé ne peut, par exemple, exiger la présentation de papiers
d'identité, procéder à une fouille ou interroger un suspect. S'il est armé, il ne peut utiliser son
arme qu'en cas de légitime défense, sous peine de s'exposer à des poursuites pénales.pour
coups et blessures ou homicides involontaires.
Les lois du 1-7-1901 et du 10-1-1936 interdisent les groupes d'autodéfense et
prévoient des sanctions pénales. Si en 1969, à St-Priest (Rhône) et en 1972 à St Georgesd'Orques (Hérault), des milices communales avaient été créées par arrêté municipal, dans les
deux cas, l'arrêté a été annulé par l'autorité préfectorale, la milice dissoute.
A côté du développement des sociétés de sécurité privées, une autre approche plus
technologique de la sécurité s'est imposée. Peu à peu, l'œil des caméras remplace celui des
gardiens de jour comme de nuit. Les caméras ont d'abord envahi les espaces privatifs
(grandes surfaces et galeries marchandes) avant de s'installer aux carrefours ou dans certains
tunnels pour surveiller la circulation194. La France est aujourd'hui très concernée par cette
approche technologique de la sécurité qui s'est d'abord développée dans les pays anglosaxons et tout particulièrement en Angleterre. Entre 1997 et 1999, plus de 200 villes se sont
équipées de systèmes de vidéo-surveillance soit un parc actuel d'un million de caméras. En
2001, la vidéo-surveillance représenterait un chiffre d'affaires de 1,9 milliards de francs soit
+88 % depuis 1991 d'après l'Atlas économique d'En toute sécurité, ouvrage de référence dans
le secteur. Avantage de la vidéo : elle permettrait aux maires de limiter le nombre d'agents de
police dévolus aux seules tâches de surveillance195. Les sommes dépensées pour installer un
tel système seraient amorties en un an196. La loi PASQUA du 21 janvier 1995 prévoit que
chaque installation d'un système sur la voie publique soit soumise à autorisation préfectorale
et instaure la mise en place de commissions de vidéo-surveillance, chargées de vérifier que les
systèmes déjà installés ou en cours d'installation respectent la loi.
Or au 30 juin 1998, dix-huit mois après l'instauration de ces commissions, 29 284
systèmes existants et 3 483 nouveaux systèmes avaient été déclarés alors que les
professionnels les estimaient respectivement à 120 000 et 45 000. Plus de trois caméras sur
quatre seraient donc installées illégalement.
194
BRETON P., GWIAZDZINSKI L., 28 janvier 2000, « Strasbourg, capitale de la technologie sécuritaire ? », Le Monde,
p. 6
195
GULLIEMOT A„ 2001, Un million d'yeux vous espionnent, Newbiz n°14, pp. 18-19
-106-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Dernière nouveauté technologique en termes de lutte contre l'insécurité routière cette
fois : en octobre 2001, la gendarmerie a expérimenté un radar permanent fonctionnant 24h/24
pour contrôler la vitesse des automobiles et qui préfigure peut-être des dispositifs équivalents
qui existent déjà en Suisse.
3.3. LE DEVELOPPEMENT DE LA VIE NOCTURNE
Parallèlement et grâce au développement de l'éclairage et au renforcement des forces
de l'ordre, les activités nocturnes vont peu à peu émerger.
A
3.3.1. Moyen Age : la fête comme exorcisme
Au Moyen Âge, il existait une certaine vie nocturne à la campagne comme en ville197.
En hiver, on trompait l'ennui et on écourtait le temps d'obscurité en se réunissant pour des
veillées qui pouvaient durer jusqu'à minuit. C'est ce qu'en Bourgogne, on appelait les
« écraignes ». Pour J. DELUMEAU, se créait « un espace chaud à la porte duquel la nuit
s'arrêtait et où un rite de sociabilité amical et sécurisant faisait échec, quelques heures durant,
aux menaces de l'ombre ». Il était d'usage un peu partout d'organiser de telles veillées qui ont
duré jusqu'au seuil de notre époque198.
Les cérémonies de Noël et les feux de la Saint-Jean, les « nuités » des paysans bretons,
les chahuts qui marquaient les soirs de noces, les charivaris (...), toutes ces manifestations
collectives constituaient autant d'exorcismes des terreurs de la nuit. Interprétant d'anciennes
ordonnances qui enjoignaient aux cabaretiers de clore boutique après le couvre-feu sonné à
Notre-Dame, le Châtelet en 1596 décida qu'il s'agissait de sept heures du soir du 1er octobre
à Pâques et de huit heures de Pâques au 1er octobre199. Les portes des villes étant fermées,
l'activité artisanale arrêtée, les gens de bien n'avaient plus rien à faire dehors après le couvrefeu. Leur place était chez eux et, bientôt dans leur lit. « Ainsi ont raisonné autrefois tous ceux
qui veillaient sur le troupeau chrétien » complète J. DELUMEAU.
196
d'après A. LEMONNIER, Président de la Société GRP et ancien président du Syndicat national des entreprises de sécurité
DELUMEAU J., 1978, La peur en Occident, op.cit. 607 p.
198
VAULT1ER R., 1965, Le folklore pendant la guerre de cent ans d'après les lettres de rémission..., Paris, pp. 112-114.
199
GEREMECK B., 1976, Les marginaux parisiens aux XVIe et XVe siècle, Paris, p.27.
197
-107-
3.3.2. Joutes de la Renaissance
La Renaissance a vu s'accroître, à l'étage social le plus élevé, le nombre de fêtes se
déroulant après la tombée du jour. M. de MONTAIGNE, de passage à Rome en 1581, y
assiste à une joute nocturne donnée devant un parterre aristocratique200. Le poète anglais de la
Renaissance, T. DEKKER évoque, quelques années plus tard, les danses, « travestissements
et mascarades » organisées à Londres pour les grandes occasions dans les maisons des riches,
le soir à la lumière des torches201.
Parallèlement, il dresse un tableau sans complaisance de la nuit londonienne au temps
d'ELISABETH et de CHARLES 1er, au moment où tous les criminels, trop lâches pour se
montrer au soleil « sortent de leur coquille ». Il nous offre un tableau édifiant des activités
nocturnes : «Les boutiquiers, qui ont tué le temps durant la journée, l'air revêche et morose
dans leur échoppe, entrent furtivement dans une taverne d'où ils reviennent chancelants,
certains s'écroulent dans un ruisseau. Les apprentis, malgré les engagements de leur contrat,
se risquent à leur tour à une escapade en direction du cabaret. Des jeunes mariés désertent le
lit conjugal. Des braillards s'attroupent autour du constable qui appréhende un ivrogne. Des
filles de joie apparaissent dans les rues qu'elles arpentent jusqu'à minuit. Si les ténèbres sont
suffisamment épaisses, le grave puritain, qui n'oserait en clair de lune s'approcher d'un
lupanar, s'enhardit jusqu'à la maison d'une courtisane. Par les rues obscures, les sagesfemmes s'en vont présider à la naissance des bâtards qu'elles feront ensuite disparaître de ce
monde. La nuit est d'autant plus dangereuse que souvent les hallebardiers du guet sont
endormis à un carrefour, ronflant bruyamment. En outre, on sent de loin leur présence, car ils
ont mangé des oignons pour se protéger du froid. Aussi le mal peut-il poursuivre sans être
inquiété, sa danse nocturne dans la grande ville tandis que les galants sur le seuil des tavernes
font la nique aux soldats assoupis du guet202 ».
Hormis quelques grandes fêtes, les nuits urbaines et leurs ombres inquiétantes
semblaient encore réservées à un petit nombre : ceux qui avaient les moyens de se déplacer
avec leur escorte, les militaires, les truands et une dernière catégorie de buveurs noctambules :
les étudiants.
2U
" MONTAIGNE, Journal de voyage, pp. 109-110.
JONES-DAVIES M.T., 1958, Un peintre de la vie quotidienne, Thomas DEKKER, 2 vol., Paris, p. 294.
2112
JONES-DAVIES M.T., 1958, Un peintre de la vie quotidienne, op.cit.
2111
-108-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
3.3.3. Culture nocturne baroque
A Paris comme dans de nombreuses cités, le véritable développement de la nuit
urbaine commença avec le début du XVIÏÏe siècle. A cette époque, la nuit jusque-là terra
incognita, fut découverte et exploitée de deux côtés à la fois :
-
La Police par l'éclairage des rues lui donna une certaine transparence, la rendit
contrôlable ;
Parallèlement se développa l'éclairage des fêtes, des illuminations et des feux
d'artifices.
Peu à peu, l'illumination et le feu d'artifice prirent la relève du feu de joie. «Il n'est
pas de spectacle plus magnifique ni plus populaire dans les fêtes publiques, écrit M. de PURE
en 1668, que ces spectacles de lumière ». « Presque toutes les nations en usent, pour exprimer
une joie causée par un grand succès203 ». Les manifestations de lumière de l'âge baroque
faisaient partie de cette culture de la fête. La vie nocturne, telle qu'elle s'est développée
depuis le XVIUe siècle dans les métropoles européennes, pour devenir une des formes
caractéristiques de la civilisation urbaine moderne aurait son origine dans la culture nocturne
baroque. A l'âge baroque, elles débutaient après le coucher du soleil. « A huit ou neuf heures,
commence le théâtre, à minuit le souper (...), et après, on danse jusqu'à l'aube. Au point du
jour, les carrosses rentrant de la cour croisent dans les rues les bourgeois qui se rendent à leur
travail204 ». On assiste à un transfert de la fête vers la nuit. A Paris, une ordonnance de
décembre 1715 autorisa le premier bal public alors que jusque-là, on ne dansait que dans le
cadre de fêtes privées ou lors de grandes cérémonies. Les premiers bals masqués sont
organisés à l'Opéra, trois jours par semaine et l'habitude d'aller «guincher» se développe
pendant tout le siècle.
Fêter pendant que la population active dort et se coucher lorsque les artisans, les
bourgeois commencent leur journée de travail, représentait un, renversement de l'ordre
habituel et un privilège social qui donnait à la fête un attrait supplémentaire205. La nuit ouvrait
à l'homme des domaines qui lui avaient été jusque-là inaccessibles. Elles le mettaient dans
203
204
PURE (DE) M., 1668, Idée des spectacles Anciens et Nouveaux, Paris, (réimpression Genève, 1972) p. 183
ALEMYN R., 1959, Das Grosse Welttheater, Hambourg, p. 31.
-109-
une relation plus directe avec le cosmos ; elle dissolvait les formes nettes et brouillait les
frontières entre réel et imaginaire. L'éclat merveilleux d'un éclairage de fête achevait, comme
une drogue, de le dérober à la réalité du jour, et en faisait « la scène d'une seconde vie, d'une
vie symbolique206 ».
D'après W. SCHIVELBUSCH207, cela commença autour de 1700, en Angleterre, avec
les parcs de plaisirs pleasure garden du type Vauxhall et Ranelagh, succédanés commerciaux
de la fête à la cour et ancêtres de nos parcs d'attraction. On pouvait assister, moyennant un
prix d'entrée, à des concerts, des illuminations et des feux d'artifice. Pendant ce temps, des
mets étaient servis et parfois on y dansait. Ces parcs étaient ouverts dans la journée mais la
vraie vie ne commençait que le soir, à Vauxhall entre six heures et huit heures, puis, au cours
des années, de plus en plus tard208. « La dernière mode est d'arriver en retard », fait remarquer
H. WALPOLE. Chacun cherche à se distinguer en arrivant en retard. En ce moment, il est
d'usage d'aller à Ranelagh deux heures après l'heure régulière209 ». Au XVme siècle, cette
sorte de retard n'était pas qu'une mode passagère, mais un aspect de l'évolution générale. De
même que la cour s'était démarquée de la bourgeoisie en observant des heures de veille et de
réveil tardifs, de même la bourgeoisie cherchait à son tour à se distinguer des petits-bourgeois
et des artisans. Plus on commençait tard la journée, plus on avait un rang social élevé. Cela
avait pour conséquence que toutes les heures du jour étaient de plus en plus décalées vers le
soir. Se lever tôt, prendre ses repas tôt, se coucher tôt devient le signe de reconnaissance des
petites gens.
Ce décalage, cette discrimination persistent aujourd'hui. Se lever tard, se rendre au
bureau tard (y rester éventuellement tard le soir), prendre les repas tard et se coucher après
une longue soirée (au lieu du Feierabend des couches moins élevées de la population), voilà à
quoi désormais on reconnaît les milieux aisés.
A la fin du XVIIIe siècle, c'est pour l'heure des repas que ce décalage du temps
s'observe avec le plus de netteté. Dans une chronique des mœurs parisiennes datant de 1801,
nous lisons à ce sujet : « Les Parisiens dînaient, il y a deux cents ans à midi ; aujourd'hui,
l'artisan dîne à deux heures, le gros marchand à trois, le commis à quatre ; l'enrichi, l'homme
2115
SCHIVELSBUSCH W., 1983, Lichtbricke : zur Geschichte des Kunstlichen helligheit im. 19. Jahrhundert., Cari Hanser
Verlag, Munich, Vienne, p. 112
2(16
ALEMYN R., 1959, op. cit.
207
SCHIVELSBUSCH W., 1983, op. cité p. 114.
208
WROTH W., 1896, The London Pleasure Gardens ofthe 18th Century, Londres, p. 305.
-110-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
aux entreprises, l'agent de change, à cinq heures ; le Ministre, le législateur, le riche
célibataire, à six ; et ces derniers sortent ordinairement de table à l'heure où nos pères s'y
mettaient pour souper. Les trois quarts de Paris ne soupent plus, et la moitié de ces trois quarts
a pris cette habitude par économie. Les personnes qui soupent se mettent à table à onze
heures, et se couchent en été quand l'ouvrier se lève »210. Encore à l'époque de Louis XIV, les
représentations théâtrales avaient lieu entre 4 heures de l'après-midi et 7 heures du soir ; au
XVlHe siècle, le début du spectacle se stabilisait à 17hl5. Les représentations se terminaient
vers 21 heures211. On ne commence à les repousser plus tard dans la soirée (phénomène décrit
par H. de BALZAC) qu'après la Révolution. Au théâtre ou à l'Opéra succédaient le souper, le
salon de jeu, le bal ou le bordel. La nuit se terminait habituellement vers trois heures du
matin, quand les noctambules croisaient les premiers ouvriers212 sur le chemin de la maison.
Ce nouvel ordre du jour ou plutôt de la nuit, n'exprime pas seulement la distance
sociale entre la Leisure class et la population active, mais aussi la différence entre la
métropole et la province. Jusqu'au début du XIXe siècle, des voyageurs allemands, princes ou
artisans, étaient surpris de voir jusqu'à quelle heure tardive Paris et Londres restaient
éveillées. «L'opéra finit après une heure », raconte le Prince PUCKLER, on rentre rarement
avant trois ou quatre heures. En revanche, avant deux heures de l'après-midi, le grand monde
ne s'anime pas »213. Le grand monde n'était pas le seul à rester éveillé et éclairé si tard. Les
centres de commerce et de loisirs l'étaient également : « Les magasins et les boutiques sont le
plus souvent ouverts jusqu'à minuit, par contre, ils n'ouvrent en règle générale qu'à neuf
heures du matin (...) On compte la journée, le commerce ou le plaisir du jour, jusqu'à minuit,
et ce n'est qu'après minuit, dans certains quartiers, qu'un calme parfait survient.214 ».
Parallèlement, Paris se couvre de cafés. Vers 1730, on recensait environ 380 de ces
lieux qui se transformèrent peu à peu en offrant à leurs clients des boissons alcoolisées et des
spectacles.
2m
Cité d'après Walter Sidney Scott, 1955, Green Retreats. The Story ofVauxhall Gardens 1661-1859, Londres, p. 15
"PUJOULX J.-B., 1801, Paris à lafin du XVIIIème siècle, Paris, pp. 141-142.
211
BERGMAN G., 1977, Lighting in the Theate, Stockholm, pp. 144-149.
212
Notamment in LEMER Julius, Paris au Gaz, 1861 ; BELVAU Alfred Delvau, Les heures parisiennes, 1866 ;
RODENBERG Julius, 1867, Paris bei Sonnenschein und Lampenlicht.
213
PUCKLER Fiirst reistnach England. Aus den Briefen eines Verstorbenen. Stuttgart, pp. 144-145.
214
JÂGER A., 1839, Der Deutsche in London. Ein Betrag zur Geschischte der Politischen Lliichtlinge unserer Zeit, Leipzig,
pp. 188-189.
2l
-111-
3.3.4. XIXe siècle libéré
Le XIXe siècle a été un long apprentissage des lumières215. De 1820 à 1860, la nuit
parisienne est un territoire de conquête pour la modernité et la rationnalité urbaines. Le
noctambulisme élégant des viveurs et des dandies y rencontre, dès la Monarchie de Juillet,
l'animation, le luxe et le confort nécessaires à la pratique euphorique d'une vie à contretemps.
Tandis que la majorité des Parisiens, bourgeois frileux ou ouvriers écrasés par la longueur de
la journée de travail, s'effacent de la scène citadine en consacrant leur vie au sommeil et en se
repliant dans l'espace privé, les lieux publics sont investis par une minorité voyante de
jouisseurs qui voient dans la nuit non pas un temps mort, mais le comble du temps libre, le
support d'une recherche de la distinction oisive héritée du siècle précédent.
Pour A. CORBIN216, c'est dans les années 1860 avec les progrès de l'éclairage,
« l'hausmannisation », le règne de la marchandise, la modification des modes de l'ostentation
et de la circulation des élites à l'intérieur de la ville ainsi que la présence nouvelle des femmes
dans l'espace public que les usages de la nuit vont se modifier. Un désir accru de liberté
individuelle incite à contester l'uniformité des rythmes.
Libérée de l'obscurité, la ville nocturne continue à se peupler et à se divertir. Sous le
Second Empire et durant toute la fin du XIXe siècle, les bals apparaissent. Il leur faut
néanmoins se taire avant minuit. Au même moment, les grands cafés des boulevards sont
pleins, mais ils fermeront malgré tout vers 1 heure. Au fil des années, des bals de plus en plus
populaires et de plus en plus nombreux envahissent Paris. Ils durent ensuite faire face à la
concurrence des guinguettes, petits débits de boisson où il était possible de danser au son d'un
petit orchestre en buvant du vin un peu aigre : le guinguet. En 1830, on en comptait déjà 138 à
Paris et presque autant aux portes de la capitale, en bord de Marne et de Seine, juste au-delà
des barrières de l'octroi. Le café-concert né vers 1840 aux Champs Elysées sous une toile de
tente allait compter jusqu'à 150 établissements vers 1880 qui attiraient une clientèle populaire
grâce à des tarifs abordables. Les noctambules n'ont d'autre perspective que de rejoindre les
Halles, où cafés et restaurants sont ouverts pour les maraîchers.
215
DELATTRE S., 2000, Les douzes heures noires, Albin Michel, 674 p.
CORBIN A., 1994, Les cloches de la Terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle, Albin
Michel, p. 281
216
-112-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
En 1867, l'Exposition Universelle entraîne le développement à Paris des «brasseries
de filles » Les Folies Bergères, le Moulin Rouge ou YAlhambra sont pleins tous les soirs de
noceurs et de femmes légères. Pour la première fois, les différentes tribus de la nuit parisienne
se retrouvaient : les marlous et les apaches étaient quasiment chez eux, tandis que la bonne
société venait s'encanailler. Le film de J. RENOIR, French Cancan relate l'histoire de ces
curieuses rencontres.
9 17
Quelques années plus tard, en 1889, Notes sur la ville
, guide du « Paris by night fin
de siècle » écrit par deux noctambules frénétiques, le jeune écrivain R. DARZENS et un
dessinateur déjà célèbre A. WILETTE, nous entraînent dans un Paris nocturne très animé.
C'est l'époque où les touristes du monde entier refluent vers la « capitale des plaisirs » pour
visiter l'Exposition Universelle et le clou du spectacle : la Tour Eiffel. Du Chat Noir aux
Halles en passant par les boulevards et les abattoirs, ils exposent aux touristes « les plaisirs
coutumiers aux noctambules ». Ce documentaire de la vie nocturne montre l'autre Paris qui
apparaît quand la nuit est tombée. Une faune spécifique sort de sa tanière et se répand dans la
ville sous la lune. Défilent le viveur de race qui dépense sa fortune, l'ouvrier typographe, le
chien errant, le clochard, l'ivrogne, le journaliste qui va corriger son article sur un coin de
table, le gros commerçant qui conclut une bonne affaire à l'aide de Champagne et de jolies
dames, le commissaire de police, le porteur de journaux, la belle de nuit fatiguée d'avoir
racolé en vain, autant de figures qui traverseront encore la nuit d'après, celle d'aujourd'hui.
La première guerre mondiale bouleverse les nuits de Paris et sonne le glas de quelques
modes avec la disparition progressive des guinguettes tandis que les « boîtes de nuit »
succèdent aux bals publics. En même temps, le cinéma attire les faveurs d'un public
populaire, reléguant les revues aux sous-sols de la nuit. Quant aux attractions qui firent les
beaux jours de certains cabarets, elles occupent désormais l'entracte des séances. Par contre,
certains grands bordels comme le Sphynx ou le One Two two imposent leur décor raffiné et
attirent la jet-set. Les quartiers parisiens de la nuit changent rapidement au fil de ces
engouements pour un café, une boîte ou une rue. Montmartre connaît encore quelques années
de gloire avant que Montparnasse ne devienne un des centres du monde avec P. PICASSO, P.
KLEE ou M. CHAGALL. C'est alors la vogue des grands cafés, comme La Rotonde ou Le
Dôme.
217
DARZENS R., WILETTE A., 1889, Notes sur la ville, Dentu
-113-
3.3.5. De Saint-Germain aux Free Parties
En France, la nuit ne sera libérée qu'en... 1945. A Paris, après la Seconde Guerre
mondiale, la nuit prend ses quartiers de lune à Saint-Germain-des-Prés. La liesse de la
libération autorise toutes les audaces : des jeunes gens, excédés par des années de couvre-feu,
prennent coutume de se réunir dans une cave parisienne, pour y danser le be-bop et y écouter
de la musique. Ce lieu, bientôt baptisé le Tabou, sera la première boîte de nuit parisienne.
Ensuite significativement, c'est encore une fois dans une période d'émancipation, à la
fin des années 60, que les discothèques seront lancées, d'abord sur la côte d'azur, puis dans
toute la France. Le détonateur n'est plus le be-bop, mais le twist. Avant 1975, les
discothèques seront 4000 dans notre pays ! A Paris, les années 80 sont celles des grands
navires de la nuit comme Le Palace ou Les bains Douches sans pour autant que des quartiers
spécialisés se développent autour d'eux.
Dans les années 90, la vie nocturne connaît partout dans le monde, une véritable
révolution avec l'essor d'une nouvelle musique notamment fondée sur les sons électroniques :
la techno. C'est en pleine nature ou sur les friches industrielles - peut-être en réaction aux
grands navires et à la sélection à l'entrée - qu'ont lieu les premières free-parties et sounds
system. Etalés sur plusieurs jours, ils regroupent des milliers d'adolescents nomades éclatés en
spots de musique continue. Les fêtes légales (clubs, raves) ou illégales (free parties, teknivals)
regroupent des milliers de participants autour de la musique et de la danse. Ces grands
rassemblements, ce «phénomène techno» bien décrit par E. RACINE218, suscitent
fascination et interrogations inquiètes, provoquant des réactions politiques contrastées. C'est
l'invention d'un territoire nocturne propre à la violence des sonorités synthétiques venues des
banlieues sinistrées de Détroit et Chicago.
Au tournant des années 2000, la nuit se cherche. Commerciaux ou clandestins, les
sounds systems sont arrivés au bout de la force transgressive de la nuit. Face à la
prolétarisation des free parties, à la commercialisation des raves, les clubs urbains récupèrent
le mouvement et s'installe la suprématie des DJ, nouveaux maîtres des nuits. Mariant,
combinant, juxtaposant, ils s'épuisent en set de deux heures, les uns à la suite des autres, à
218
RACINE E., 2002, Le phénomène techno, clubs, raves, free-parties, Imago, 210 p.
-114-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
créer le plus d'agitation brownienne sur les dance-floors. Les soirées deviennent nomades à
l'intérieur des coquilles vides.
La nuit et la ville s'enfoncent peu à peu dans un loisir de masse à rotation rapide et
turn-over accéléré. Autrefois, les boîtes gardaient leur clientèle au moins trois ans.
Aujourd'hui, le grand maximum, c'est six mois. Le phénomène des one-night-clubs fait des
ravages. Il ne suffit plus de trouver le bon lieu. Il faut encore y aller le bon jour. Il est
recommandé de guetter les flyers et d'écouter les bons plans sur les bonnes radios.
3.3.6. La poursuite de la conquête
Même si l'article R632-2 du code pénal, qui punit le tapage nocturne par des amendes
pouvant atteindre 2 000 francs, est toujours en vigueur, la conquête de la nuit festive est
presque achevée.
\
Dans les métropoles, la nuit s'efface gagnée par le jour et sa logique consumériste.
Avant, elle intéressait une poignée de personnes dans chaque ville, toutes plus ou moins
marginales, artistes, intellectuelles. Elle n'était pas encore un parc d'attractions global. Elle
attirait ceux et celles qui cherchaient, ne serait-ce que très confusément, un sens à la société
dont elle était la contre-production, l'opposition forcenée, la clandestinité, l'orgueil, la vanité.
Elle avait ses armées, ses chevaliers servants, ses snobs, ses icônes, ses passeurs, ses veilleurs,
ses amants, ses extrémistes, ses solitaires, ses inconditionnels.
Aujourd'hui, la nuit, la ville serait malade de son image et de ses représentations. Les
restaurants et les clubs branchés se ressembleraient tous : même design aseptisé, mêmes
videurs, même dress code, même dédain se plaint V. BOREL, écrivain219 et rédacteur en chef
dans Nova Magazine.
Que faire alors de la nuit s'interroge O. ZAHM désabusé dans le supplément Mode
Hiver 2002-2003 du journal Libération
20
? Se réfugier dans le snobisme ? Se replier sur
quelques lieux confidentiels, délaissés du plus grand nombre et en passe de fermer demain,
faute de clientèle ? Chercher le bar clandestin d'immigrés où personne ne va faute d'adresse
219
Télérama n°l 27, octobre 2002, p. 7
-115-
et d'enseigne ? Courir les soirées ultra-privées de la mode où mille personnes se répartissent
deux cents invitations, refuge ultime du style ? Ou rejoindre le ghetto des extrémistes de la
nuit qui se lèvent à 5 heures du matin et passent leur nuit en after du dimanche matin.
Estimant que la nuit d'Europe n'est plus vivable, il propose, ultime snobisme, d'aller
la chercher ailleurs à Mexico, à Rio, en Amérique latine de préférence alors que E.
BLANCHOT du très branché Batofar propose lui de continuer à lutter contre « la nuit rapace,
lucrative et stéréotypée ».
Conclusion
En quelques siècles, le contrôle de la nuit par le développement de la lumière et le
déploiement des forces de l'ordre ont permis l'avènement d'une vie et d'une animation
nocturne pour une partie de la population à la recherche du plaisir. Un espace-temps
particulier, artificialisé, investi par quelques-uns s'est presque autonomisé. Un territoire
nocturne éphémère s'est affirmé avec ses populations, ses rites, ses codes et ses limites et son
identité. Le by night est devenue une dimension propre de la vie urbaine.
Aujourd'hui de nouvelles pressions semblent s'exercer sur la nuit urbaine. De
nouvelles fonctions diurnes pourraient envahir cet espace-temps dans un contexte global en
mutation rapide.
220
ZAHM Olivier, Supplément Mode Hiver 2002-2003, Libération octobre 2002
-116-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Chapitre 4. DES PRESSIONS QUI S'ACCENTUENT
Depuis la nuit des temps, l'homme a essayé de repousser l'obscurité. Pour se protéger
des ténèbres, la ville du Moyen Age s'enfermait dans ses enceintes. Avec la lumière, l'homme
a organisé son environnement nocturne et aujourd'hui, la ville, quand elle est ville, ne dort
plus vraiment.
Des changements d'origines diverses entraînent un grignotage, une colonisation de la
nuit urbaine. Les pressions économiques et sociales se font plus fortes, les conflits
augmentent et la nuit devient un territoire d'enjeux qu'il faut investir.
4.1. DES MUTATIONS
IMPORTANTES
QUI AFFECTENT
LES
TEMPORALITES
On semble assister depuis quelques années a un glissement des activités vers la nuit
qui se fait dans un contexte nouveau. Des mutations importantes affectent les temporalités,
des communautés, des individus, des organisations et des territoires (Figure 1.6 - Des
mutations qui affectent les temps et les territoires) entraînant un phénomène d'éclatement et
de recomposition sur de nouvelles bases.
4.1.1. Changement d'échelles
Ces mutations s'inscrivent dans un mouvement global de la société, elles résultent
aussi de la mutation du travail dans l'économie des services, elles tiennent enfin au
développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Les
rythmes de nos vies évoluent rapidement sous l'effet de plusieurs phénomènes :
l'individualisation des comportements et l'abandon progressif des grands rythmes
industriels et tertiaires qui scandaient la société ;
la généralisation de la société urbaine ;
-117-
la tertiarisation de l'économie et des emplois ;
la diminution du temps de travail ;
-
la mise en réseau à l'échelle planétaire qui entraîne une synchronisation progressive
des activités et l'apparition d'un temps global ;
les nouvelles technologies qui donnent l'illusion d'ubiquité ;
l'évolution de la demande des individus qui veulent souvent tout, tout de suite, partout
et sans effort.
Plus généralement, la dictature de l'urgence, l'hypertrophie du présent, et la survalorisation du passé qui caractérisent notre société s'accompagnent d'une incapacité à penser
le futur et à se projeter pour construire notre avenir.
Nous ne sommes pas encore conscients des bouleversements subis par nos emplois du
temps. En moins d'un siècle, le temps de travail a été divisé par deux et ne représente plus que
6 années de notre vie soit 11 % du temps éveillé. L'espérance de vie s'est accrue de 60 %
pour atteindre plus de 82 ans chez les femmes221. Le temps libre a été multiplié par cinq
représentant 15 années de la vie d'un homme (un tiers du temps éveillé) contre 3 années en
1990. Le temps de sommeil moyen est passé de 9h00 en 1900 à 7h30. La révolution
silencieuse s'accélère.
4.1.1.1. Globalisation temporelle
Les paroles prophétiques de P. VALERY sonnent juste. « Toute la terre habitable a été
de nos jours reconnue, relevée, partagée entre des nations... plus une tribu dont les affaires
n'engendrent quelque dossier et ne dépendent, par les maléfices de l'écriture, de divers
humanistes lointains dans leurs bureaux. Le temps du monde fini commence. Bientôt l'ère
nouvelle enfantera des hommes qui ne tiendront plus au passé par aucune habitude de
l'esprit... Nous devons désormais rapporter tous les phénomènes politiques à cette condition
universelle récente ; chacun d'eux représentant une obéissance ou une résistance aux effets de
ce bornage définitif. Tout ce qui n'est pas purement physiologique dans l'homme aura changé,
puisque nos ambitions, notre politique, nos guerres, nos mœurs, nos arts sont à présent soumis
221
MERMET G. 2001, Francoscopie, Larousse 484 p.
-118-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
à un régime de substitution très rapide222 ». C'est un fait, « le monde se referme autour de
nous » dirait M. KUNDERA223.
4.1.1.2. Mise en réseau planétaire
Avec la globalisation de l'économie, le développement des réseaux de communication
en temps réel, l'activité ne s'arrête jamais et les horaires finissent par se caler sur ceux de nos
partenaires étrangers. Le temps comme l'économie tend à se mondialiser. Devenus un temps
universel et général, le temps GMT et le TAI (temps atomique international) constituent
l'ultime figure par laquelle s'opère l'inscription quantifiée et rationalisée des activités
humaines dans la durée du temps. C'est l'ultime figure des temps-systèmes. Après le temps
des marchands, affiché à la fin du Moyen Âge au sommet des beffrois; le temps des chemins
de fer assurant de gare en gare au XIXe siècle la stricte observance des horaires ; plus
récemment celui des horloges pointeuses à la sortie des usines. Ces temps systèmes reflétaient
tout, les exigences à la fois techniques et économiques des nouveaux champs d'activités
qu'étaient le grand commerce, le transport ferroviaire et l'industrie. Ce « temps continu » est
devenu une donnée fondamentale des flux de biens et services, des marchés financiers et aussi
de la recherche. Par définition, la ville globale ne dort pas. Il y a toujours une place boursière
ouverte. Quand la bourse de Tokyo ferme, elle ouvre à Londres, puis à Paris. Lorsqu'elle
ferme à Paris, elle ouvre à San Francisco, etc. Quand un centre de recherche et développement
d'un des géants de l'automobile ferme à Stuttgart, il se prépare à ouvrir à Ann Arbor
(Michigan). On assiste à l'émergence d'un vaste système de just in time à l'échelle du
monde 224 . Ce « temps monde » est en train de s'affirmer comme un cadre mental commun à
toutes les sociétés de la planète. Il devient la référence privilégiée des secteurs d'activités et
225
des groupes sociaux, qui sont les noyaux constitutifs de ce « technocosme
» : personnels
des banques centrales et des agences financières, opérateurs des grandes banques de données
internationales et des autoroutes du savoir, journalistes et autres professionnels des médias,
contrôleurs du ciel, pilotes d'avions, techniciens de la météorologie. Leurs activités
s'identifient aux rythmes rigides et déréalisés du temps-monde.
222
VALERY P., 1945, Regards sur le monde actuel, Œuvres, tome II, Gallimard, p. 1024-1025.
KUNDERA M., 1986, L'art du roman, p. 43.
224
DOMMERGUES P., 1998, Les politiques du temps dans les territoires, Communication aux Entretiens territoriaux de
Strasbourg, 11 décembre 1998,4 p.
225
CHESNAUX J„ 1996, Habiter le temps, Bayard Editions, p. 193.
223
-121-
Autre
tendance
reconnue
aujourd'hui
comme
une
donnée
incontestable :
l'autonomisation, l'individuation des comportements.
4.1.2. Individualisation des modes de vie
La tendance à l'individualisme est une donnée centrale. Loin de s'apparenter à un
quelconque égoïsme, il s'agit d'un processus de long terme au travers duquel l'individu se
trouve placé au centre de la conception de la société, marquant ainsi le passage des valeurs
« traditionalistes » (qui reposent sur un principe de transcendance) vers des valeurs
individualistes (qui s'enracinent dans les consciences individuelles)226. Accrue dans les
dernières décennies, cette tendance, plus qu'à des principes intangibles, subordonne l'ordre
des choses aux désirs et volontés des individus. Trois quarts de la population française
revendique aujourd'hui, sur le plan personnel, des valeurs de permissivité (notamment en ce
qui concerne les pratiques sexuelles, de mariage, les structures familiales, les choix religieux),
mais réclame, au niveau collectif, plus de référents communs. Si ces comportements
menacent, sous un certain angle, le sens du collectif, ils témoignent aussi d'une volonté de
devenir sujet de sa propre existence, de choisir son style de vie, de maîtriser son temps.
Chacun vise alors son épanouissement complet en valorisant ses propres dispositions (son
développement personnel, ses relations familiales et amicales, ses activités politiques et
sociales, ses pratiques culturelles). Chacun veut « être à la fois un travailleur, un parent, un
citoyen, un ami, un sujet qui s'occupe de soi227 ».
4.1.3. Développement
des technologies
de l'information et de
la
communication
Associé à l'autonomisation des comportements, l'impact des nouvelles technologies
sur la vie quotidienne, oblige à mener une réflexion sur l'hyper offre technologique qui
fournit un hyper choix de service à l'individu, «qui se meut dans un système temporel
complexifié local et dans un système de juste à temps à l'échelle planétaire228 ». Les nouvelles
226
JOUVENEL (DE) H., Vie quotidienne, des vécus aux souhaitables, intervention à la l êrc Biennale du Futur, 18-19 octobre
2000, Conseil Economique et Social, Actes
f
227
MED A D, Saint-Denis ...au fur et à mesure..., n°31, mai 2000
228
DOMMERGUES P., 1998, Les politiques du temps dans les territoires, op.cit.
-122-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
technologies de la communication rendent possible un accès à de nombreux services 24h/24.
Le téléphone d'abord a permis de joindre n'importe qui et à n'importe quel moment. En
France, le minitel a autorisé le développement de nombreux services accessibles 24h/24.
Aujourd'hui Internet autorise l'accès à la toile d'araignée mondiale. Le soir, la fièvre de
l'Internet s'empare de nos foyers et la nuit se connecte au jour.
4.1.4. Diminution du temps de travail et transformation du travail
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, le temps de travail hebdomadaire a
pratiquement été divisé par deux. Dans le même temps, la durée de la vie active a été
raccourcie de 10 ans, du fait de l'allongement de la scolarité et de l'avancement de l'âge de la
retraite, malgré l'allongement de la durée de la vie. Le travail occupe, en moyenne, 10 % de
l'ensemble de la vie, et le tiers de la vie éveillée d'un adulte, alors qu'il y a cinquante ans il
représentait 20 % de l'existence et plus de la moitié du temps éveillé des travailleurs. Cette
estimation qui porte sur des moyennes doit être tempérée par l'intensification du travail.
Certains sociologues affirment que les usages du temps libre sont à la base de nouveaux liens
sociaux (amicaux, familiaux), créent d'autres types de communautés (culturelles, sportives),
influent sur les localisations résidentielles, et structurent fondamentalement les territoires229.
Dans les années 70, la structure du marché du travail se transforme dans toute
l'Europe : l'organisation sociale du temps, héritée de la révolution industrielle, devient
inadaptée à des sociétés où 60 % et 70 % des emplois se situent dans les activités de service.
Le temps tertiaire, plus flexible, se substitue au temps industriel qui, lui-même, s'assouplit.
Par ailleurs, avec l'économie, le temps se mondialise. Le « temps continu » devient un
paramètre majeur des flux de biens et de services, des marchés financiers et de la recherche.
Un vaste système de just in time se constitue à l'échelle de la planète. Ainsi, se met en place
un double mouvement de :
densification du travail (son contenu, plus immatériel, accroît la charge cognitive
exigée des salariés, charge encore aggravée par la polyvalence et l'accélération des
délais de réponse requis par une forte pression de la demande) ;
diversification des temps travaillés, ce qui entraîne une forte flexibilité, avec
apparition de nouveaux statuts d'emplois, discontinus et précaires.
22y
Jean VIARD, directeur de recherche au CNRS au Centre d'étude de la vie politique française (CEVIPOF-FNSP)
-123-
Aujourd'hui, le temps tertiaire structurellement plus flexible que le temps industriel,
tend à se substituer à l'ancien temps dominant. Le temps industriel, lui-même, s'assouplit et
tend à s'étaler sur toute la semaine, voire l'année. Le temps de travail se raccourcit,
s'annualise, se précarise ou n'est pas au rendez-vous. Le temps institutionnel ne suit plus
automatiquement le temps industriel et tertiaire. Le temps individuel se fractionne et
s'autonomise. Le temps du travail domestique tend à se transformer en temps de services sans
que soient nécessairement modifiés les rapports entre les partenaires du couple. Le temps
familial se décompose et se recompose selon des modalités toujours plus complexes. Le
temps biologique revient à ordre du jour.
4.1.5. Accroissement du temps libre
Parallèlement, le temps libre d'une vie a triplé depuis le début du siècle. Il est presque
trois fois plus long que le temps de travail et compte aujourd'hui pour près d'un tiers du temps
de vie éveillée des français, contre un dixième au début du siècle. Malgré cet accroissement,
la demande reste forte puisque 31 % des français estiment ne pas avoir du tout de temps libre
et 63 % disent ne pas en avoir suffisamment230. Ce paradoxe s'explique par le fait que ce
surcroît de temps ne profite pas à tous de la même façon et qu'il n'est pas réparti
uniformément au cours de la vie restant surtout concentré sur la période de retraite. Il trouve
aussi une explication dans l'explosion des sollicitations qui entretient l'impression d'un
manque de temps. Les spécialistes estiment que le XXIe siècle devrait marquer le passage
d'une civilisation centrée sur le travail à une autre, dans laquelle le temps libre sera
prépondérant231. Si les thèses sur la société des loisirs n'ont plus guère cours aujourd'hui dans
les représentations sociales et politiques les plus communes, les enquêtes les plus récentes
menées auprès des salariés232 montre que pour ces derniers, un accroissement du temps hors
travail reste bien souvent synonyme d'épanouissement, de créativité nouvelle, de sociabilités
inédites. Seule ombre au tableau : interrogés233 sur ce qu'ils feraient s'ils disposaient de plus
de temps libre, les français ont tendance à citer des activités qu'ils connaissent et pratiquent
déjà plutôt qu'à affirmer leur curiosité à l'égard d'activités inconnues.
230
L'Observateur CETELEM, décembre 1997.
MERMETG., 1999, Francoscopie, Larousse p. 117.
232
ANXO D„ BOULIN J.Y., LALLEMENT M., LEFEVRE G., SILVERA R„ 1997, «Partage du travail et modes de vie.
Une comparaison France-Suède », Rapport pour la DARES, SET-METIS, IRIS -T&S, CELMS, Université de Goteborg.
233
DONNAT O., 1998, Les pratiques culturelles des français, Enquête 1997, Paris, La Documentation française.
231
-124-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
On peut émettre l'hypothèse que la limitation du temps de travail et le développement
du temps libre, militent en faveur d'une conquête de la nuit et d'un développement des
activités nocturnes.
4.1.6. Accélération du temps
«La technique par ses découvertes cherche à vaincre l'espace et le temps
». La
lumière de la vitesse écrit P. VIRILIO, « éclaire désormais d'un jour nouveau l'étendue et la
durée, (...) la vitesse dilate le temps dans l'instant où elle dilate l'espace. Le XXe siècle aura
été celui qui a le plus exalté la rapidité comme MARINETTI dans son Manifeste du
futurisme235 : « Nous affirmons que la magnificence du monde s'enrichit d'une beauté
nouvelle : la beauté de la rapidité ».
Le temps c'est aussi et surtout de l'argent. L'avenir appartiendrait aux entreprises qui
savent éviter la perte d'heures précieuses pour augmenter la productivité et réduire les
coûts236. Dans la vie professionnelle, le succès semble promis à ceux qui savent optimiser le
temps, qui sont rapides dans leurs décisions et ponctuels face aux échéances. La technologie
nous aide à gagner du temps. Ainsi, l'avion, le TGV qui redessinent les cartes de l'Europe,
raccourcissant les temps de trajet. A une autre échelle, les sèches-linges, les micro-ondes, les
guichets bancaires automatiques ou nouveaux systèmes de guidage routiers installés dans les
voitures particulières permettent de gagner du temps et, paraît-il, de l'argent. Tous les blancs
ont une montre, dit la sagesse africaine, mais ils n'ont jamais le temps.
«La philosophie du repos n'est pas une philosophie du tout repos237 » prévenait G.
BACHELARD. Le Droit à la paresse de LAFARGUE238 reste à imposer et « l'étrange folie »
qu'il dénonçait alors n'a pas disparu : l'amour du travail. Si nous nous éloignons petit à petit
du rythme effréné des yuppies des années 80, nous sommes encore entourés de gens très
affairés. Si le temps de travail s'emballe dans la frénésie de produire et grignote sur la nuit, le
temps libre est en réalité devenu un temps rempli d'obligations. C'est avec non moins de hâte
234
MINKOWSKI E., 1933, Le temps vécu, Paris.
in SCALIA G., 1961, La cultura italiana del '1900 attraverso le riviste, Einaudi, Turin.
236
STALK G., HOUT T., 1992, Vaincre le temps : reconcevoir l'entreprise pour un nouveau seuil de performance, Dunod,
Paris.
237
BACHELARD G., 1950, La dialectique et la durée, PUF
235
-125-
OK
' Q
que l'on passe de la production à la consommation remarque W. PASINI
. Dans la culture
alimentaire par exemple, la vitesse triomphe avec le fast food. L'information presse, télé ou
audio doit être instantanée. Partout, le consommateur semble pressé et insatiable,
éternellement avide de nouveaux biens à conquérir. Et il ne s'agit pas seulement de la frénésie
du shopping. Le stress de l'activité professionnelle entraîne l'accumulation d'un immense
besoin d'évasion qu'il faut satisfaire promptement, de manière tout aussi fébrile. Ainsi est née
cette culture du week-end obligatoire et des vacances à tout prix, où il faut faire le maximum
de choses et, si possible, le faire savoir aux autres, ironise encore W. PASINI. Et cette
consommation frénétique n'est pas limitée au temps des vacances, mais concerne également
les week-end et surtout le samedi soir. D'après W. PASINI, ce comportement éventuellement
aidé par la prise de drogues pourrait s'expliquer par trois phénomènes : l'accélération
constante du travail qui se poursuit comme un réflexe conditionné le week-end ; la pauvreté
en satisfactions de la vie quotidienne qui amène à concentrer, le samedi et le dimanche, tous
les plaisirs de la semaine ; l'hédonisme consumériste qui s'enracine dans une philosophie
valorisant l'expérience du présent, puisque le passé est refusé et le futur incertain.
4.1.7. Chasse aux temps morts
Aux ordres de la technique et de l'économie, nous courons après le délai zéro et le just
in time, gérant au mieux les plages et les créneaux, les temps forts et les creux. Nous nous
laissons entraîner dans une chasse aux « temps morts ».
L'homme cherche à faire un maximum de choses en un minimum de temps et à
optimiser les « temps morts » qui ne résistent pas longtemps aux pressions de la machine
économique et aux besoins sans cesse renouvelés des consommateurs. « L'homme-présent »
s'acharne à comprimer le temps, à en détruire les intervalles, dans l'intention d'échapper à la
mort, résumé Z. LAIDI240. Après avoir conquis l'espace faisant reculer les limites de
l'œkoumène, comme s'il avait horreur du vide, est parti à la conquête des derniers temps de
répit à la manière d'un colon défrichant les ultimes espaces vierges d'Amazonie ou
s'installant sur l'un des derniers fronts pionniers de la planète. Les contretemps, ces moments
de ressourcement, apparemment non rentables, semblent en sursis. Dans les pays développés,
238
LAFARGUE P., 1996, Le Droit à la paresse, Mille et une nuits, (réédition), 79 p.
PASINI W., 1996, Le temps d'aimer, op.cit.
240
LAIDI Z., 2000, Le sacre du présent, Flammarion, p.8.
239
-126-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
les temps-morts ou pas encore colonisés, sont traqués, cernés avant peut-être d'être achevés.
La pause de midi, la sieste, les grandes vacances et la nuit apparaissent de moins en moins
comme des moments de répit dans cette société « chronophage ». Il est à craindre qu'ils
n'échappent plus longtemps à l'accélération du temps, «un temps de plus en plus rentabilisé
et de moins en moins vécu241 » :
-
L'arrêt pour déjeuner est de plus en plus courte. Même la durée des repas d'affaires
s'est raccourcie passant de 2h38 en 1975 à lhl5 aujourd'hui. Les repas se prennent de
moins en moins à heures fixes et ne ^constituent donc plus un temps différent où
parents et enfants mangeaient ensemble. Les français grignotent et au total près de
trois repas sont pris à l'extérieur chaque semaine contre moins de 2 en 1969.
-
Il y a longtemps déjà que la sieste a été assassinée pour reprendre le titre d'un récent
ouvrage de P. DELERM242;
-
Le week-end, autrefois période creuse, devient un moment d'activité intense, en
particulier le samedi après-midi. Les Français sont de plus en plus nombreux à
travailler le dimanche au moins occasionnellement : + 40 % entre 1984 et 1993. Une
grande majorité d'entre eux souhaitent que les commerces soient ouverts le
dimanche243.
-
En été, seule la période du 15 juillet au 15 août résiste. À la mi-août, 25 % des
Français sont en vacances244. Désormais pourtant, on s'active jusqu'au 15 juillet et à
partir du 15 août, les actiyités reprennent. On a assisté à un fractionnement des départs
en vacances tout au long de l'année et la durée moyenne des séjours a diminué en été
passant de 14,4 nuitées à 12,1 en 1999. A Paris, la RATP note même une croissance
du trafic estival depuis 1997245.
La nuit pouvait apparaître comme un moment de répit dans cette société chronophage,
comme la qualifie J. ROBERT246. Il est à craindre qu'elle n'échappe pas longtemps à cette
241
SUE R., 1994, Temps et ordre social, PUF, 313 p.
DELERM P., 2001, La sieste assassinée, L'arpenteur, 99<p.
243
SONDAGE SOFRES pour Le Pèlerin magazine, 1999.
244
MERMET G., Francoscopie 2Q01, Comment vivent les français ? Larousse, 484 p.
245
BAILLY J.Y., HEURGON E., 2001, Nouveaux rythmes urbains : quels transports ?, Editions de l'Aube, p. 87
246
ROBERT J., 1980, Le temps qu'on nous vole, la société chronophage, Paris.
242
-127-
accélération du temps, « un temps de plus en plus rentabilisé et de moins en moins vécu »247.
De tous les phénomènes de « grignotage des temps-morts », la conquête de la nuit est sans
doute le plus spectaculaire. La nuit urbaine résiste difficilement aux pressions de la machine
économique et aux besoins sans cesse renouvelés des consommateurs. Le conflit entre le
producteur soucieux de conserver sa qualité de vie et le consommateur avide de consommer.
La schizophrénie guette l'individu dans la ville la nuit.
4.2. UN GLISSEMENT DES ACTIVITES VERS LA NUIT
Conséquence de ces mutations, les modes de vie évoluent rapidement. Les emplois du
temps d'une frange de la population active se font plus souples, empiétant sur la soirée. Le
temps de travail augmente pour une frange de la population active. Une autre partie de la
population sans travail adopte d'autres habitudes. Les déplacements liés au travail allongent
les journées.
Les dernières barrières juridiques et culturelles qui s'opposaient à la conquête
tombent. « Je me couche quand je veux » pouvait-on lire, à la une du magazine Nova d'avril
2001.
4.2.1. Développement du travail de nuit
Encore exceptionnel au début du XXe siècle, J e travail de nuit s'est fortement
développé au cours des dernières années sous la pression des entreprises industrielles et de
service.
4.2.1.1. Entreprises en continu
Le travail de nuit se développe du fait notamment de la demande croissante des
industries « à feu continu » ou de la production d'énergie (fossile, nucléaire, etc.). L'intensité
capitalistique de plus en plus forte dans les activités industrielles comme dans les services,
conduit les entreprises à tenter d'allonger la durée d'utilisation des équipements pour en
247
SUER., 1994, Temps et ordre social, Paris.
-128-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
améliorer la rentabilité. Les entreprises s'organisent de plus en plus sur la base des «flux
tendus », sans stocks ni amont, ni en aval, sur le principe de l'approvisionnement et de la
production «juste à temps». Ces nouvelles méthodes nécessitent une gestion différente et
plus flexible du travail, et en particulier une variabilité des horaires. Le travail posté, avec
deux ou trois équipes qui se succèdent, ne concerne plus seulement les industries de process
fonctionnant en continu mais se développe dans toutes les activités économiques utilisant du
matériel coûteux. Le but est de rentabiliser au maximum ces installations fort coûteuses.
Dans les pays disposant de « cols blancs » à bon marché comme l'Inde, les centres
d'appels ouverts en continu se multiplient. Certaines entreprises tertiaires développent même
des projets sur un cycle de 24 heures en jouant sur leurs sites d'implantation répartis sur
différents fuseaux horaires. Ils organisent leurs tâches pour profiter au mieux du décalage : les
ingénieurs de Marseille envoient leurs dossiers à ceux de New-Dehli qui les passent à ceux de
Seattle avant de se coucher. Ces projets «qui suivent le soleil» (following the Sun)
construisent un nouveau système de 3 x 8 planétaire.
4.2.1.2. Développement du fret nocturne
En journée, les villes sont de moins en moins accessibles. Tout le monde circule,
cavale. « Garage en folie » disait déjà L.-F. CELINE en 1957. Tout le monde se bouscule, se
tamponne. La nuit permet alors de gagner du temps sur l'encombrement du jour d'où l'intérêt
des entreprises pour le développement du fret aérien et des transports routiers la nuit, à un
moment où ça circule mieux. La nuit, pendant que nous dormons, 7 millions de lettres
voyagent au-dessus de nos têtes, dans 18 Boeing 737, 2 Boeing 727 et 8 Fokker 27 : ces
avions composent la flotte aérienne postale française. Roissy est l'aéroport parisien destiné à
ce transport nocturne. Chaque soir, dès 19h30, le courrier venant de l'Ile de France et des dixhuit départements environnants, est acheminé vers ce centre aéropostal par cent véhicules. Le
ballet est incessant : une cinquantaine de vols par nuit décollent ou atterrissent à Roissy et
relient la capitale à Lyon, Marseille, Strasbourg, Pau, etc. En tout, dix-sept lignes nocturnes
sont en activité en France, et une seule ligne internationale, Paris-Cologne. Le dernier avion
s'envole à lh35 pour Rennes mais l'activité de l'aéropostale se poursuit jusqu'à 4 heures du
matin, par le tri à destination des dizaine de milliers de bureaux de poste du territoire. Une
course contre la montre qui s'achève à 8 heures... dans nos boîtes à lettres.
-129-
4.2.1.3. Progression du Travail de nuit
Le travail de nuit progresse dans tous les pays. Le Bureau International du Travail
(BIT) estime que de 7 à 15 % de la population salariée dans les pays industrialisés est touchée
par le travail de nuit
. Tous les pays d'Europe sont concernés par ce mouvement toutefois à
des degrés divers, notamment liés à la capacité syndicale d'en limiter l'extension249.
Figure 1.7 - Temps de travail et structure du temps de travail en Europe
Salariés (%)
Durée du travail inférieure à 30h
Durée du travail de 30 à 39h
Durée du travail supérieure à 40 h
Travail en équipe avec horaires irréguliers
Travail en équipe
Travail de nuit
Travail de nuit permanent
Travail du samedi
Travail tous les samedis
Travail le dimanche
Travail tous les dimanches
Source : European Foundation for the Improvement
14
42
44
31
15
19
1
48
18
25
6
ofLiving
Indépendant {%)
Ensemble (%)
10
12
77
43
3
28
3
83
56
48
21
condition
15
36
49
33
13
21
2
35
25
29
8
and working
Le travail de nuit permanent concerne 2 % seulement des travailleurs européens. Par
contre 19 % de ces travailleurs sont amenés à travailler de nuit. Ce pourcentage progresse
continuellement : il représentait 21 % des travailleurs en 1996, contre 18 % en 1991251.
En France, d'après une enquête de la DARES252, 22 % des hommes et 6 % des
femmes soit près de trois millions de salariés travaillent au moins une nuit dans l'année. Sur
une longue période, la proportion des salariés travaillant la nuit a augmenté de manière non
négligeable notamment pour certaines catégories de salariés. C'est le travail de nuit fréquent
(51 à 100 nuits par an) ou systématique (plus de 100 nuits par an) qui progresse le plus. Dans
la vente, les fins de journées tardives continuent à progresser et la journée se décale vers le
soir.
248
Le Monde, 1 juillet 1989
BOULIN J.Y., CETTE G., 1998, « Les politiques de temps de travail en Europe », Futuribles n°237, décembre, p. 13
2511
European Foundation for the Improvement of Living and working condition, 1997, Second European Survey on Working
conditions. Dublin : European Foundation.
251
TADDEI D., 1997, La réduction du temps de travail, Conseil d'analyse économique, n°l, octobre.
252
«L'organisation des horaires : un état des lieux en mars 1998 », Premières informations et premières synthèses, Juillet
1999, Direction de l'animation, des études et des statistiques, Ministère de l'emploi, 8 p.
249
-130-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Les travailleurs de nuit sont en majorité des ouvriers et des employés et plutôt des
hommes que des femmes. En 1991, pour les hommes, la probabilité de travailler de nuit était
à peu près identique dans toutes les tranches d'âge entre 25 et 45 ans. En 1998, cette
probabilité est plus concentrée entre 25 et 35 ans. En particulier, le travail de nuit a beaucoup
augmenté pour les 25-29 ans. Il décroît ensuite avec l'âge, très nettement à partir de 50 ans.
Les femmes connaissent deux pointes entre 25 et 30 ans et entre 40 et 45 ans avec un creux
correspondant aux âges où elles élèvent leurs enfants. C'est en-dessous de 25 ans que la
probabilité de travailler la nuit est la plus élevée.
Les travailleurs de nuit se concentrent dans quelques secteurs d'activités. Ceux
relevant de l'administration et des services publics arrivent bien sûr au premier rang : sécurité
au sens large, transports publics, hôpitaux... Il est vrai que certaines professions liées à la
santé et à la sécurité supporteraient mal une interruption nocturne de leur activité : armée,
police, sapeurs-pompiers, infirmières.
Figure 1.8 - Travail de nuit dans les service public en pourcentage
Travail de nuit en 1991 Travail de nuit en 1998
18
17
Ensemble du public
5
1
Professeurs
13
16
Cadres administratifs
3
3
Prof.intermédiaires des bureaux
32
32
Prof intermédiaires de la santé et du travail social
5
3
Instituteurs
2
3
Employés de bureau
19
23
Employés de santé
5
8
Employés des P T T
2
3
Agents de service
77
Police, armée
70
14
Garde d'enfants, aide à domicile, gardiens d'immeubles
11
Sources : Enquêtes conditions de travail, MES-DARES,
1999
Ce n'est pas nouveau, toute société a besoin de guetteurs et de veilleurs. Si le travail de
nuit est également plus répandu dans le public, il progresse plus lentement que dans le privé.
Dans le secteur privé, les principaux employeurs restent l'agriculture, les transports et
télécommunications, l'énergie, les biens intermédiaires (verre, papier-carton, chimie), ou
encore les industries agro-alimentaires. Les raisons de ce travail de nuit divergent. Dans la
chimie, par exemple, c'est la nécessité de maintenir un processus continu qui l'impose. Dans
l'industrie agro-alimentaire, c'est la nécessité de traiter rapidement les matières premières pour
éviter toute avarie.
-131-
Environ un quart des patrons et indépendants poursuit son activité entre 0 heure et 5
heures du matin. Les trois quarts des artisans boulangers travaillent encore de nuit, en
moyenne cinq fois par semaine. Le tiers des patrons de cafés, hôtels, restaurants, sont aussi
des habitués de la nuit. Toujours d'après l'étude de la DARES, les fins de journées tardives
continuent à progresser et la journée à se décaler vers le soir dans les commerces dont les
employés sont de plus en plus nombreux à commencer après 9 heures.
Figure 1.9 - Le travail de nuit
1991
10
6
12
28
10
22
4
15
22
13
12
Salariés ayant travaillé au moins une nuit dans l'année
Cadres et professions intellectuelles supérieures
Dont cadre
d'entreprise
Professions intermédiaires
Dont personnel de la santé et du travail social
Employés
Dont aides soignants, agents de service hospitaliers
Dont employés de commerce
Ouvriers
Dont ouvriers qualifiés de type industriel
Dont ouvriers non qualifiés de type industriel
Ensemble
Sources : Enquêtes conditions de travail,
MES-DARES
1998
9
6
14
27
12
20
6
18
27
18
14
Les cadres sont moins concernés. Même si régulièrement, les cols blancs rentrent chez
eux avec dossiers et ordinateurs portables sous le bras on ne peut pas considérer qu'il s'agisse
ici d'un travail de nuit.
4.2.2. Développement d'une offre continue
Dans de nombreux pays, les services sont accessibles 24h/24. C'est le cas des
drugstores, supermarchés et autres commerces dans de nombreuses villes des Etats-Unis. Le
fameux open 24 hours s'affiche sur nombre de boutiques.
A New York, le métro fonctionne toute la nuit et des cours de justices de nuit Night
Court travaillent dans les quartiers de la cité. De fait, l'activité urbaine se prolonge plus tard
en soirée et l'économie de la nuit se développe
253
253
.
GWIAZDZINSKI L., 1998, «La ville, la nuit : un milieu à conquérir», l'Espace géographique des villes, Anthropos,
collection Villes, pp. 347-369,.
-132-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
4.2.2.1. Développement des services 24h/24
Pour répondre à tout moment aux problèmes techniques dans l'industrie ou dans la vie
quotidienne, les services à distance en continu se développent « bancassurance en direct
24h/24 », « banque directe 24h/24 » ou « catalogue de commande » (Figure 1.10 - Services à
distance en continu). Tout l'univers des services petits ou grands est en passe d'être
contaminé par le « 7j/7, 24 h/24 » ou le « 24/7 » comme disent les Américains. La faute à la
religion du client-roi qui décale depuis quelques années les horaires des commerces et des
services clients vers le tard, le week-end et la nuit. Par contagion et souci commercial, de plus
en plus d'entreprises se mettent à fonctionner en continu même si elles n'ont pas forcément
les clients noctambules qui vont avec. Les salariés suivent, bien obligés. Cette accessibilité
permanente est presque devenue un argument publicitaire banal. Il est aujourd'hui possible
d'appeler sa banque à 3 heures du matin pour connaître l'état de son compte ou de
commander un billet d'avion en pleine nuit. Depuis décembre 1998, 8 centres d'appels d'EDF
entrent en action à la fermeture des agences avec 35 000 appels par semaine soit un tiers de
plus que l'année précédente.
Les entreprises automobiles mettent en place des services d'assistance 24h/24. Les
arguments avancés sont explicites : « Je me simplifie la vie : vous effectuez 24h/24 toutes vos
opérations bancaires (virement, ordre de bourse, crédit), sans jamais vous déplacer et sans
attendre. Pour cela, vous choisissez le moyen qui vous convient le mieux (téléphone, Internet
ou minitel)
(...)
vos demandes
sont traitées
en temps réel par des
conseillers
décisionnaires254 ».
On peut même suivre les événements sportifs en direct 24h/24 à l'exemple de la Route
du Rhum. Dans la presse, des publicités très suggestives nous invitent également « à plonger
dans l'univers fascinant du cybersex et de ses fantasmes... et à nous laisser entraîner au-delà
du réel ». Bloqué dans l'ascenseur, un numéro de téléphone est à votre écoute 24h/24, 7 jours
sur 7.
Pour de nombreuses compagnies, la continuité devient gage de qualité revendiqué à
l'exemple d'une publicité pour la Générale des Eaux qui s'est affichée dans la presse
nationale avec ce slogan : « Nous veillons sur la qualité de votre eau 24h/24 ».
254
Extrait d'une brochure publicitaire pour la « Banque Directe de Paribas », 1998
-133-
EuropAssistance a été un des pionniers du 24h/24, 7 jours sur 7. Depuis 1963, des équipes se
relaient au combiné 24h/24 pour dépanner un abonné en panne d'auto à l'autre bout de la
France ou un « tombé malade » à l'autre bout du monde.
Air France a décidé de faire de la réponse à toute heure un élément de marketing haut
de gamme. La compagnie aérienne répond au voyageur classique jusqu'à 22 heures. Ensuite,
un répondeur prend le relais. Les gros clients, grands voyageurs, ont eux à disposition un
numéro de téléphone secret qu'ils peuvent utiliser 24h/24 : un bel exemple du «temps
sécateur » qui hiérarchise les populations et les territoires selon leur accessibilité permanente
ou pas aux services.
4.2.2.2. Fin du couvre-feu médiatique
Le couvre-feu médiatique n'a plus cours. Dans le cas de la radio et de la télévision,
l'ouverture de la nuit aux activités correspond à un dessaisissement du pouvoir : la nuit se
libère quand l'Etat ferme enfin les yeux. La radio s'est mise à fonctionner continuellement,
avec les radios libres, à la fin des années 70. Peut-être plus chaleureuse la nuit, la radio a ses
inconditionnels. Sur France Inter, ce sont environ 100 000 auditeurs qui se regroupent chaque
nuit autour de M. BERANGER.
La télévision elle, fonctionne 24h/24 depuis 1988, c'est-à-dire un an avant la
privatisation de TF1. 700 000 personnes regardent la télévision la nuit. TF1 accueille en
moyenne plus de 250 000 téléspectateurs, France 2 près de 200 000 et M6 environ 150 000.
Avec les bouquets satellites, chacun a déjà accès aux télévisions du monde entier. Et dans ce
cas, plus de problèmes d'horaires. Seul ARTE résiste encore mais plus pour longtemps car des
projets d'émissions de nuit seraient en passe de voir le jour.
4.2.2.3. Développement de la distribution automatique
Les distributeurs automatiques de monnaie, de friandises, de cigarettes, de cassettes
vidéo et de boissons froides ou chaudes et autres fontaines à eau, se sont multipliés ces
dernières années dans les lieux publics et autorisent un accès 24h/24 sans surcoût. On en
-134-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
recensait 600 000 en France en 2000, soit 200 000 de plus qu'il y a cinq ans255. Parmi eux,
déjà 3 000 distributeurs de vidéo-cassettes, importés d'Italie à partir de 1995 ont eu raison des
magasins traditionnels. Seul le tabac résiste encore en France où l'on a même vu des
distributeurs automatiques de fleurs. Les magasins automatiques (Casino, Sparr, Atout'heure,
Y a Too Partoo) s'implantent dans un marché qui compte déjà plus de 600000 automates
(Figure 1.11 - Distributeurs
automatiques).
A Paris, les 21 magasins automatiques de Y'a Too Partoo256, nouveau distributeur de
plats cuisinés, yaourts, café, sucres et autres produits de dépannage, réalisent 60 % de leur
chiffre d'affaires entre 21 heures et l'aube avec 200 produits de consommation courante.
L'affaire semble rentable. Sans charge de personnel, sauf pour charger l'automate, et avec
3 000 francs de bénéfices par jour, les 500 000 francs d'investissement doivent être
rapidement remboursés257. La concurrence se presse. Le distributeur Casino qui dispose déjà
de 4 distributeurs du même type s'apprêterait à en ouvrir 200 fin 2001. L'automate qui
existait déjà sous une forme proche il y a quarante ans, n'avait pas trouvé sa clientèle.
Les fabricants qui estiment que la distribution automatique peut offrir un débouché
supplémentaire à leurs produits passent aujourd'hui la vitesse supérieure. En novembre 1998,
le Salon Européen de la Distribution Automatique à la porte de Versailles, a consacré l'arrivée
de l'alimentaire chaud dans les distributeurs258. Nestlé propriétaire de la marque Maggi a mis
au point un en-cas chaud, instantané en portion individuelle. La machine exposée par William
SAURIN propose divers plats complets (bœuf braisé à la provençale, petit salé aux lentilles,
mouton braisé aux flageolets, spaghettis bolognaise). Danone présente un « distributeur
automatique de produits laitiers frais » (yaourts, laits fermentés, jus de fruits, crèmes dessert à
boire). D'autres distributeurs proposent la junkfood
salée type hamburger/frites. Leur cible
avouée : les collèges, lycées, cinémas multiplexes, stations services, gares, aéroports, stations
de métro et de bus. Autre nouveauté, un distributeur de parapluies.
Tous ces distributeurs automatiques d'un genre nouveau ne vont sans doute pas tarder
à envahir l'espace public autorisant une utilisation en continu temporel, de jour comme de
nuit.
255
256
257
Données Emission télévisée Capital, M6, 20 octobre 2001
Données au 17 octobre 2001
selon R. MORVAN, Directeur commercial
-137-
4.2.2.4. Multiplication des nocturnes
Les Etats-unis n'ont pas le monopole des services ouverts en continu. Au hasard de
nos déplacements, nous en avons découvert dans de nombreuses cités européennes comme
Bruxelles en Belgique, Katowice en Pologne ou Paris, Rennes ou Nancy en France
(Figure 1.12 - Quelques oasis de temps continu dans le monde).
Dans de nombreuses villes, des petites épiceries restent ouvertes plus tard en soirée.
De nombreuses activités décalent leurs horaires vers le soir. Depuis quelques années, les
nocturnes commerciales se multiplient dans nos villes autorisant une pratique plus tardive.
Les entreprises de distribution généralisent des plages d'ouverture de 8 heures à 22 heures
pendant la semaine ayant pris la mesure de requêtes différenciées : les mamans tôt le matin au
retour de l'accompagnement à l'école, les actifs au retour de leur travail en fin de journée.
La reconnaissance de l'importance de la période de non-jour dans l'économie commerciale
est déjà ancienne. Dans une enquête réalisée il y a quelques années déjà par le grand magasin
parisien des Galeries Lafayette259, on découvrit que près de 75 % du chiffre d'affaires était
réalisé lorsqu'il faisait nuit dehors et que les achats étaient autant le fait des autochtones que
des touristes. On réalisa alors qu'effectivement, le soir, il y avait plus de promeneurs libres de
leur temps et, en conséquence, l'esprit ouvert aux sollicitations de la rue, après la fermeture
des bureaux ou les heures de visite par les touristes d'un grand nombre de lieux. Par ailleurs,
les heures où les citadins étaient le plus nombreux dans les rues correspondaient aux-demisaisons et à l'hiver où la nuit tombant plus tôt, l'effet d'attraction de l'éclairage est le plus
important. L'éclairage des vitrines forme comme un écrin pour les marchandises qui se
détachent dans la pénombre ambiante. La journée, on ne voit plus les maisons, les trottoirs de
la ville. On essaie de s'en tirer, de retrouver son souffle, son oxygène. On n'a plus le temps de
jouir, d'observer le paysage, les gens, les monuments. La nuit, en négatif, tout paraît calme et
incite à la promenade. « On s'écoute penser, on se regarde vivre », dit A. BOUDARD260.
L'insupportable du jour pousse de plus en plus de gens dans les rues, la nuit.
258
COROLLER, « Le prêt-à-manger en version chaud devant », Libération, 8 novembre 1998.
EBRARD G., 1994, Tourisme et lumière, Guide pratique de l'animation nocturne des villes, sites et monuments, Conseil
national du tourisme, La documentation française, p. 18
2611
BOUDARD A., La nuit de Paris, Pierre Bordas et Fils, 148 p.
259
-138-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
L'intérêt des nocturnes dans les grandes surfaces et magasins n'est pas limité au
commerce comme le prouve le succès que connu lavisite du musée du Louvre la nuit dès
l'avant-guerre261.
4.2.3. Le développement d'une économie de la nuit
La nuit est devenue un secteur économique à part entière qui emploie directement
30 000 personnes et indirectement plus de 40 000. Cette bonne santé repose en partie sur les
secteurs traditionnels : discothèques, casinos et cercles de jeux.
Les nuits festives se multiplient. 40 % des Français disent faire la fête de une à trois
fois par mois et 10 % une à plusieurs fois par semaine262. Les bars et restaurants de nuit
semblent plus nombreux. Les lieux de spectacles, théâtres, cinémas, bars, restaurants,
fonctionnent durant les premières heures de la nuit. Récemment, les musées ont suivi en
ouvrant leurs portes en « nocturne » ou en organisant des parcours nocturnes comme à Aix en
Provence en juin septembre 2002 avec « la nuit des toiles ». Certains territoires, comme Ibiza
en Espagne, se sont spécialisés à l'échelle européenne dans la fête nocturne.
Parallèlement les raves sauvages et gratuites se multiplient dans les villes et les
campagnes rassemblant jusqu'à 50 000 personnes comme à Carhaix en juillet 2001. Dans ces
soirées, le livre de l'Américain H. BEY Taz263, plaidoyer pour les zones autonomes
temporaires est culte. On peut lire que « se battre pour le droit à la fête n'est pas une parodie
de la lutte radicale mais une nouvelle manifestation de celle-ci ». Pour 48 % des français
«faire la fête» la nuit consiste également à recevoir ses proches, de «rire, s'amuser, se
défouler264 » c'est-à-dire de vivre la nuit dans des espaces privés, chez soi ou chez les autres.
Le développement de l'économie nocturne s'appuie aussi sur des loisirs nouveaux.
Ainsi, depuis quelques années sont apparus des bars d'ambiance, proposant des concerts
nocturnes qui rencontrent un vif succès à Paris et dans les villes universitaires. Ces bars
musicaux, animés par un DJ ou organisant des concerts n'étaient que quelques centaines au
début des années 90 leur nombre a été multiplié par dix depuis. Ils ferment plus tôt que les
discothèques, mais ouvrent en fin d'après-midi et accueillent beaucoup plus de clients.
261
262
263
EBRARD G., 1994, op. Cit., p. 18
Sondage Thalis, Ipsos, mai 2001
BEY H., 1997, TAZ, Zone autonome temporaire, L'éclat, 90 p.
-143-
Autre nouveauté fructueuse : les complexes de loisirs, sortes de monstrueux ensembles
proposant des bars, des magasins, des discothèques le tout en un même lieu. Cette évolution
est déjà sensible en Angleterre où R. BRANSON, le patron de Virgin, qui a ouvert à Soho un
établissement combinant restaurants, bars et pistes de danse, justifiait son investissement en
déclarant : « Aujourd'hui, quelque chose d'aussi simple que d'avoir du bon temps en ville
après 11 heures du soir reste hors de portée pour de nombreux Londoniens. The Venue va
remédier à cette situation265 ». Précurseur du genre, en France le Macumba, près d'Annecy
accueille chaque fin de semaine environ 10 000 personnes. Les 3 273 discothèques de France
revendiquent un chiffre d'affaires de 6,5 milliards de francs. Les quelques 4 400 bars
d'ambiance identifiés pèsent à peu près autant. Si l'on ajoute à cela les « discomobiles », les
karaokés, les boîtes de casino et les bowlings, le secteur représenterait un chiffre d'affaires de
22,6 milliards de francs, selon l'Association Française des Métiers de la Nuit. Les seules
discothèques enregistrent 130 millions d'entrées par an.
Le développement de l'offre de loisirs nocturne fait de la nuit un secteur économique
qui a doublé depuis le milieu des années 90266. Preuve de sa réussite, ce secteur n'hésite plus à
faire sa promotion et organise chaque année à l'automne, à l'instar du cinéma français avec
ses césars, ses trophées de la nuit au Moulin Rouge à Paris.
4.2.4. Apparition d'une culture urbaine nocturne
La conquête progressive de la nuit par les hommes et les activités entraîne le
développement d'une culture urbaine nocturne avec son esthétique et ses rites qui influencent
également le jour.
4.2.4.1. Nouvelle esthétique
Le citadin lui-même acquiert peu à peu une culture urbaine et, par-là même, une
certaine exigence de qualité de vie urbaine, de confort et de plaisir visuel. Parallèlement, on
voit se développer une véritable esthétique nocturne des villes. Sur les étalages des buralistes,
les cartes postales présentent de plus en plus d'images de la ville la nuit : ce sont souvent les
264
Sondage Thalis, Ipsos, mai 2001
' DE GASQUET P., « les night-clubbing à l'anglaise a déjà fait sa révolution », Les Echos, 2-3 avril 1999
266
Association française des métiers de la nuit
2f 5
-144-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
meilleures ventes. On retrouve d'ailleurs ces mêmes photographies dans les illustrations de
dépliants touristiques, d'affiches ou de guides. C'est particulièrement sensible aux Etats-Unis
où les représentations urbaines de nuit représentent souvent plus d'un tiers des cartes postales
avec la même mise en scène : la skyline et un monument symbole de la cité (Figure 1.13 Cartes postales de villes la nuit).
Le phénomène n'est pas seulement perceptible Outre-Atlantique mais semble toucher
l'ensemble des métropoles. A l'exemple des vues suivantes sur Newcastle en Angleterre,
Bruxelles, Wroclaw et Katowice en Pologne, Frankfort en Allemagne, Paris et Rouen en
France.
Le slogan « Paris by night » né avant la dernière guerre pour vanter « Paris-VilleLumière », et la création de tours nocturnes par les caristes ont depuis été largement imitées
dans le monde entier incitant les touristes à profiter des attraits de la ville la nuit. Le by night
s'affiche partout comme une marque de fabrique mettant en valeur les ambitions de la ville,
magnifie la cité ou fait parfois effet de cache-misère. (Figure 1.14 - Plymouth by night). Autre
mode partie des Etats-Unis et qui a gagné l'Europe : dans de nombreuses émissions de
télévision, notamment d'actualités, on retrouve aujourd'hui une vue de ville la nuit à l'arrière
plan. Autre preuve de cet intérêt nouveau pour la nuit, une exposition267 réunissant trois cent
soixante peintures issues de cent vingt musées et collections privées, a eu lieu début 1999 à
Munich en Allemagne. Sous l'appellation de « nocturnes » se trouvaient rassemblées aussi
bien des représentations de la nuit en elle-même que des scènes d'extérieur ou d'intérieur
éclairées par des sources artificielles (torches, bougies, lampes...).
Autres symboles : les nouvelles fêtes qui s'imposent dans nos calendriers sont
nocturnes comme Halloween alors que la nuit devient un argument de marketing : en février
2001, la sortie des aventures d'Harry Potter a eu lieu à Minuit.
4.2.4.2. Nouvelle sociabilité
Les gens passent sans doute plus de temps dans leur logement et regardent plus
longtemps la télévision. Cependant, dans les grandes agglomérations urbaines, ils sortent
267
La nuit, Haus der kunst, Munich.
-145-
aussi davantage 268 pour aller au restaurant, pour rencontrer des parents ou des amis, pour
partir en week-end, pour aller en vacances, pour visiter des musées et assez récemment pour
redécouvrir le cinéma, comme en témoigne notamment le succès des grands complexes de
salles multiples qui mobilisent une clientèle nouvelle. Près de quatre personnes sur dix, en
majorité des hommes, sortent le soir au moins une fois par semaine et 20 % ne le font jamais
contre 37 % en 197 3 269. Cette proportion augmente avec la taille des communes et le niveau
d'études mais décroît fortement avec l'âge.
4.2.5. L'intérêt nouveau des collectivités
Alors que tout au long de son histoire, la ville s'est construite et a été réfléchie en
fonction de la seule lumière solaire, elle est appelée à prendre en compte aujourd'hui ces deux
périodes complémentaires que sont le jour et la nuit.
4.2.5.1. Nouvelle approche de la lumière
Célébrant l'artificialisation du monde, la lumière a progressivement pris possession de
l'espace urbain, gommant en partie l'obscurité menaçante de nos nuits et autorisant la
poursuite des activités diurnes. Globalement, la tendance est à l'allongement des périodes
d'éclairage. Parallèlement à cela, depuis le début des années 80, de nombreuses villes se sont
lancées dans d'ambitieuses politiques de mise en lumière de monuments Cette approche
participe désormais d'une nouvelle donne de l'urbanisme. Dans la bataille que se livrent les
métropoles pour capter les hommes, les activités et les richesses, la mise en lumière des
monuments, l'animation nocturne au sens large, deviennent des atouts supplémentaires pour
séduire les médias et les électeurs potentiels. L'intérêt de la mise en valeur lumineuse des
monuments est connu depuis l'avant-guerre et même dans l'antiquité où avec les moyens
réduits d'avant l'électricité, on illuminait les palais et temples, au moins dans les occasions
exceptionnelles. Aujourd'hui, chaque métropole cherche à se doter d'une identité nocturne.
L'éclairage est l'un des moyens de l'affirmer. D'après R. NARBONI270, le nouvel éclairage
de la Tour Eiffel en 1985 a sans doute contribué à ce renouveau.
268
ASHER F., 1997, « Demain, la ville de tous les temps », in OBADIA A. (dir.), Entreprendre la ville, Editions de l'Aube,
p. 25.
m
Ministère de la culture et de la communication, 1997, Les pratiques culturelles des Français, enquête, La Documentation
française, 359 p.
2711
NARBONI R., 1995, op. cit.
-146-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Depuis, on a vu se multiplier les scénographies nocturnes pérennes. Réalisée en juin
1989, la mise en lumière de la coulée verte à Niort - un kilomètre de rivière en centre-ville,
des cheminements, des monuments, des ponts, des passerelles - a été la première de ce type. A
l'automne 1989, le premier concours d'illumination a été organisé par la Ville de Paris et la
Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites pour la mise en lumière de Notre
Dame de Paris. S'adressant explicitement à des éclairagistes et des plasticiens venus
d'horizons différents, associés à un historien de l'art, cette consultation a permis la
reconnaissance officielle d'un nouveau métier, celui de concepteur lumière.
De nombreuses
villes, comme Lyon, ont développé des « plans lumières ».
Aujourd'hui, la mise en lumière ne semble plus réservée aux grandes villes et aux monuments
de prestige. Villages, bourgs et quartiers ont aussi intérêt à faire apparaître la nuit sous un
nouveau jour. Elles l'utilisent pour se dégager de nouveaux horizons tout autant que pour se
faire voir
971
.
Dans sa volonté de conquête progressive de la nuit par la lumière, l'homme imagine
parfois des projets qui dépassent l'entendement. Dans la nuit du 4 au 5 février 1999, une
voile-miroir de 25 mètres de diamètre, accrochée au vaisseau spatial russe Progress, devait
passer au-dessus d'une douzaine de villes du monde et y refléter les rayons du soleil,
provoquant une lumière équivalente à celle de dix pleines lunes. Le projet avait suscité
l'enthousiasme
de
milliers
d'amateurs
et
de
l'ensemble
de
la
presse
mondiale.
Malheureusement, après deux tentatives échouées, les scientifiques russes ont dû renoncer à la
déployer, jetant une ombre fâcheuse sur l'avenir du projet.
4.2.5.2. Multiplication des sons et lumières
Le premier « son et lumière » a été créé en 1953 au Château de Chambord. Depuis, les
mises en lumière éphémères se sont développées elles aussi. Avec les concerts de J.-M.
JARRE à Houston (Texas), en 1986, pour le vingt-cinquième anniversaire de la NASA et à
Lyon pour célébrer la venue du pape, la lumière investit ainsi pour la première fois la ville de
manière spectaculaire et à une échelle monumentale. Ces images étonnantes diffusées par les
médias, ont suscité une prise de conscience chez de nombreux élus. D'après R. NARBONI 272 ,
le seuil psychologique relatif à l'utilisation monumentale et au potentiel de mise en scène de
271
DELAUNAY F., 1998, « Les petites communes se mettent en lumière », La Gazette, 7 décembre, p.38-39.
-151-
la lumière dans tous les espaces de la ville a été dépassé à cette occasion. Depuis, les mises en
lumière événementielles se sont succédées à Paris et en Province, pour culminer avec la
célébration du bicentenaire de la Révolution Française en 1989 et le passage au nouveau
millénaire.
273
Le concept de « tourisme nocturne » a même fait son apparition
pour célébrer le
nouvel intérêt des collectivités pour la nuit. Un rapport sur « Tourisme et lumière » a été
commandé en 1997 au Conseil National du Tourisme par le Ministère du Tourisme qui avait
«remarqué que la mise en valeur lumineuse des villes et sites, la nuit, était un élément
essentiel de l'image de notre pays, de même finalité que leur mise en valeur par le décor
floral274 (...). Personne ne peut nier l'importance de la soirée et de la nuit en ce qui concerne
la vie en général, mais particulièrement le tourisme ».
4.2.5.3. Développement des transports en soirée et la nuit
Partout dans le monde, la tendance générale est à une augmentation de la périodicité,
de l'amplitude et de la fréquence des transports en soirée. Avec New York où le métro
fonctionne en continu, Londres, Berlin mais aussi Katowice, Genève ou Francfort ont leur
réseau de nuit. Quand on interroge les responsables new-yorkais sur ce service en continu, ils
signalent qu'il serait trop coûteux d'arrêter le trafic, à l'inverse de ce qui est avancé à Paris
pour justifier l'arrêt du métro.
Une demande forte, encore insuffisamment prise en compte en France au regard des
pratiques des villes étrangères, conduit au développement d'une offre de soirée (en
prolongeant le réseau de jour ou par un réseau spécifique de soirée), voire de nuit. En 1999275,
22 réseaux de province disposaient d'un réseau de soirée (jusqu'à 23 heures ou minuit). Ces
réseaux sont le plus souvent constitués de lignes spécifiques permettant la desserte de lieux
d'activités précis (cinémas, multiplexes, centres commerciaux, cité universitaires), par
autobus ou taxis. A Paris comme dans certaines villes de Province se développent petit à petit
des navettes de nuit spéciales au parcours limité qui récupère les noctambules. Avec le succès
272
NARBONI R„ 1995, op. cit.
EBRARD G., 1998, Tourisme et lumière, Guide pratique de l'animation nocturne des villes, sites et monuments, Conseil
national du tourisme, La documentation française, 155 p.
274
EBRARD G, 1998, op. cit. p.5
275
Données de l'Union des Transports publics, 2000
m
-152-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
de ces Noctambus qui circule tous les jours de lh30 à 5h30, la RATP envisagerait l'ouverture
de certaines rames du métro parisien la nuit.
Pour mieux répondre aux besoins des franciliens qui se déplacent la nuit, depuis ou
vers la grande couronne pour leur travail ou leurs loisirs, la SNCF a mis en place des dessertes
routières de nuit. A une autre échelle, la même entreprise développe également très fortement
ses TGV de nuit.
4.2.5.4. Organisation d'événements nocturnes
Dans la nuit du 5 au 6 octobre 2002, Paris et Bruxelles ont organisé leurs premières
Nuits Blanches invitant les citadins à se faire noctambules pour sortir à la découverte de
«l'autre côté de la ville276 ». Ces manifestations font écho aux Nuits Blanches de SaintPetersbourg, aux « Nuits Savoureuses » de Belfort, à la Nuit des Arts d'Helsinki qui existe
depuis une dizaine d'années, à la Nuit des musées de Munich, Berlin, Lausanne ou Anvers
mais aussi à La fête des Lumières de Lyon ou Turin où les quartiers sont livrés à l'imagination
des artistes. Partout de Versailles à Furdenheim, les sons et lumières donnent des couleurs à
nos nuits alors que dans les campagnes, les Randonnées nocturnes, Marchés de nuit et autres
Nuits de la chouette drainent un large public. Des salles de MJC ou de cinéma aux écrans
cathodiques de nos nuits blanches, les nuits thématiques font recette —Nuit du cinéma
fantastique, Nuit électronique, Nuit des arts martiaux, Nuit des publivores ou Nuit des
étoiles— symboles d'un nouveau rapport à la nuit qui cristallise les besoins et les angoisses
d'une société en pleine mutation. On veut tout, partout et à toute heure... du jour et de la nuit.
Sécurité et liberté.
A Paris, les amateurs de roller organisent régulièrement chaque vendredi soir des
randonnées nocturnes qui font même l'objet de communication dans la presse, rubrique « se
déplacer277 ».
4.2.5.5. Lancement de réflexions locales
Dans de nombreuses collectivités, la question de la vie nocturne commence à être
abordée de façon spécifique. C'est notamment le cas à Lyon où la municipalité a organisé un
216
GWIAZDZINSKI L, 2002, « Sous l'empire du nycthémère : aménager la nuit urbaine », Le Monde, 6 octobre 2002
-153-
cycle de tables rondes sur le thème des loisirs marchands et consacré un dossier thématique de
Millénaire 3278 à ce thème. Dans le Territoire de Belfort, la Maison du Temps et de la
Mobilité vient de mener une analyse fine de l'offre urbaine de services et de transports et
traite actuellement un questionnaire sur les pratiques et besoins des jeunes en matière de
loisirs nocturnes. D'autres villes comme Poitiers ou Saint-Denis s'intéressent également à la
question.
4.2.5.6. D'autres expériences en Europe
Parallèlement à l'émergence de cette thématique en France, de nombreux projets ont
vu le jour dans différentes villes d'Europe :
En Espagne, différents projets sur la vie nocturne ont été lancés par les administrations
locales et par l'Université. A Oviedo, les actions principales ont porté sur un programme de
loisirs nocturnes gratuits pour les jeunes de 22h30 à 3 heures du matin : «Ouvert jusqu'à
l'aube » ; « la vie est à toi » ; « l'heure des sorcières ». Parallèlement, des centres municipaux
de services intégrés ont été ouverts de 8 heures à 22 heures.
En Angleterre, la ville de Manchester a engagé le réaménagement de son centre en
cherchant à éviter la banalisation. Pour ce faire, elle a misé sur le développement des débits de
boisson et facilité l'implantation de cafés et de restaurants (cinquante en dix-huit mois), en
multipliant les licences. Un comité de suivi composé de magistrats a été mis en place pour
accompagner cette opération avec un bon retour puisque la délinquance a baissé de quinze
pour cent la première année. Dans ce pays, les policiers non armés circulent depuis longtemps
24h/24 et en 3X8.
Toujours en Angleterre279, de nombreux musées ont décalés leurs horaires vers le soir
comme une alternative à la ruée du samedi et à l'impossibilité pour beaucoup d'anglais de s'y
rendre le matin en semaine. Depuis, plus de mille personnes visitent par exemple la National
Portrait Gallery entre 18h00 et 21h00. Beaucoup y passent après le travail ou avant de sortir
le soir. La population est plus jeune et mixte que pour les autres créneaux horaires. Le Tate
277
278
279
« Les rollers font nocturne », Le Parisien, 1er octobre 1999, p. 12
Grand Lyon prospective, 2000, « Danse et vie nocturne n°l », Millénaire 3, dossiers thématiques, juin, 27 p.
« The art of late night art », 2001, The Guardian, jeudi 2 août 2001
-154-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Modem est ouvert jusqu'à 22h00 le vendredi et le samedi, ce qui permet notamment aux
personnes qui travaillent à Londres mais vivant à l'extérieur d'en profiter.
A Rome, la Municipalité a developpé le thème « Rome ville ouverte » et favorisé
l'épanouissement de la vie nocturne et l'ouverture tardive des services et équipements
culturels.
A Amsterdam aux Pays-Bas, dans le cadre d'un programme de réinsertion des jeunes
délinquants passés en justice, ces derniers sont suivis entre huit et dix semaines par un
éducateur disponible 24h/24.
En Finlande, pays d'Europe où la proportion de travail de nuit est la plus élevée, des
crèches ont été mises en place 24h/24 afin de s'adapter à la flexibilité du temps de travail.
4.2.6. Des évolutions législatives
La nuit qui fut longtemps un espace protégé, doté de lois spécifiques, se banalise.
4.2.6.1. Autorisation des perquisitions de nuit
Les perquisitions de nuit en matière de terrorisme sont autorisées depuis le 31 mars
1997280. Il est inséré après l'article 706-24 du code de procédure pénale, un article 706-24-1
ainsi rédige
oo 1
:
«Art. 706-24-1. - En cas d'urgence, si les nécessités de l'instruction l'exigent, les
visites, perquisitions et saisies peuvent être effectuées en dehors des heures prévues
par l'article 59, pour la recherche et la constatation des actes de terrorisme prévus par
l'article 706-16 et punis d'au moins dix ans d'emprisonnement lorsqu'il s'agit d'un
crime ou d'un délit flagrant ; lorsqu'il existe un risque immédiat de disparition des
preuves ou des indices matériels ; lorsqu'il existe des présomptions qu'une ou plusieurs
28,1
LOI n°96-1235 du 30 décembre 1996 relative à la détention provisoire et aux perquisitions de nuit en matière de
terrorisme, Journal officiel de la République française, 1er janvier 1997, p. 9-11
281
LOI n°96-1235 du 30 décembre 1996 op.cit. pp. 9-11.
-155-
personnes se trouvant dans les locaux où la perquisition doit avoir lieu se préparent à
commettre de nouveau actes de terrorisme ».
4.2.6.2. Autorisation du travail de nuit des femmes
Jusqu'en 1992, le travail de nuit des femmes était interdit en France. Depuis novembre
2000 et l'adoption d'une nouvelle loi qui met la France en conformité avec la directive
européenne sur l'égalité professionnelle, les femmes peuvent travailler de nuit, mais leur
repos doit ensuite être équivalent à 11 heures consécutives au minimum. Depuis novembre
2000, le travail de nuit des femmes est légal. Auparavant et grâce à des dérogations, leur
nombre était déjà passé de 460 000 en 1991 à 580 000 en 1998.
4.2.6.3. Autorisation de la chasse de nuit
De façon plus anecdotique, la nuit ne devrait bientôt plus être un moment de répit pour
la faune. D'après le projet de loi sur la chasse adopté au Conseil des Ministres du 16 février
2000, la chasse de nuit, interdite dans les textes depuis le XVIIe siècle mais tolérée dans 22
départements serait pour la première fois autorisée officiellement (à titre temporaire) dans
tout ou partie de ces départements. «(...) est suspendue, pendant une durée de cinq ans à
compter de la publication de la présente loi, l'application des dispositions «interdisant la
chasse de nuit » pour la chasse d'espèces de gibier d'eau, dans les départements où cette
pratique est traditionnelle et à partir d'installations spécialisées existant au 1er janvier 2000.
Dans de nombreux étangs privés, la pêche de nuit rencontre un large succès.
Conséquence ou cause de ces évolutions, même les rythmes biologiques semblent
bouleversés.
4.2.7. Evolution des rythmes biologiques
Notre société redéfinit totalement le rapport de l'homme au temps et à l'espace. Le sens
du temps autrefois dicté par la nature, est à présent déterminé par les comportements sociaux
de la société de consommation. Ces évolutions ont des conséquences sur nos rythmes
biologiques.
-156-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
4.2.7.1. Diminution du temps de sommeil
D'après A. MUZET 282 , notre société consumériste tend à diminuer le plus possible ce
qui est considéré comme une perte de temps et d'argent. C'est le cas du sommeil qui est
davantage ressenti comme une perte de temps qu'une nécessité. Des études récentes montrent
que le temps de sommeil représente 7h30 en moyenne contre 9 heures au début du siècle soit
31 % du temps de vie283. Selon la dernière enquête de l'INSEE sur l'Emploi du temps des
français, ce temps de sommeil284 a encore diminué de dix minutes entre 1985 et 1999.
Le temps de vie éveillé sur 74 ans équivaut donc à 51 années soit 69 % d'une vie. Les
explications tiennent à la fois à la moindre fatigue physique qui nécessite une récupération
plus courte, à la généralisation de la lumière, qui a prolongé la durée de veille nocturne, à
l'usage d'excitants qui s'est généralisé (café, alcool, tabac...) et au développement d'une offre
d'activités nocturnes. Des différences subsistent entre les personnes en fonction du lieu de
résidence puisque les ruraux dorment davantage que les citadins.
4.2.7.2. Décalage de l'heure d'endormissement
Même les rythmes biologiques semblent bouleversés. Les gens vivent et se couchent
plus tard. Depuis la guerre, le cycle de sommeil du citadin a subi un décalage d'environ deux
heures. Aujourd'hui, les français s'endorment en moyenne à 23 heures au lieu de 21 heures
cinquante ans plus tôt. Le sommeil n'est plus considéré aujourd'hui comme une étape
obligatoire correspondant à l'alternance jour-nuit. On le tient le plus souvent comme une perte
de temps, et on estime pouvoir le prendre à n'importe quel moment. La vie moderne est en
train de bouleverser les rythmes urbains naturels. Quand nos ancêtres s'éclairaient à la lampe
de suif, l'homme ne remettait pas en cause le fait qu'il était un animal diurne. Aujourd'hui,
l'éclairage électrique tend à supprimer toute distinction entre le jour et la nuit. Nous perdons
peu à peu le sens de l'alternance lumière obscurité.
L'instauration de l'heure d'hiver a augmenté de manière significative le temps
nocturne passé à l'extérieur. En été, les journées plus longues nous incitent à flâner dans la
ville. Avouons que 2 heures de clarté supplémentaire, c'est quand même très agréable. En
282
283
284
MUZET A., 1999, Le bruit, Flammarion.
MERMET G., 1999, Francoscopie, Larousse, p. 117.
Enquête emploi du temps des Français, 1999, INSEE
-157-
hiver, les enfants partent et reviennent de l'école alors qu'il fait nuit ; de même pour les
adultes qui se rendent à leur travail le matin et en reviennent le soir. La ville, ses bâtiments,
ses transports et ses espaces publics sont de plus en plus vécus la nuit.
4.2.7.3. Démarrage plus tardif des soirées
Aujourd'hui on considère qu'une soirée est « festive » si elle démarre vers minuit alors
que ce fut longtemps considéré comme le seuil à ne pas dépasser. La permission de minuit a
vécu. Le pic d'affluence des discothèques se situe vers 2 heures du matin et il est de bon ton
de ne pas se présenter à la porte avant minuit, malgré les incitations financières.
Les clients sont de plus en plus endurants, d'après Monsieur BOUGEARD, de
l'Association des Métiers de Nuit. Le nomadisme nocturne se développe et il n'est pas rare de
les voir quitter un établissement à 4 heures pour aller dans un autre, jusqu'à midi. Ces
stakhanovistes de la piste de danse ne sont pas les plus riches. «La fréquentation des
discothèques est à son maximum dans les régions les plus touchées par le chômage ». Une
façon de fuir les soucis. La sortie en boîte est aujourd'hui encadrée par deux rituels. Le
phénomène des afters qui a tout à la fois accompagné cette tendance et contribué à prolonger
la nuit le jour, et celui du before. Comme leur nom l'indique, ils constituent l'avant et l'après
discothèque. Le before propose une mise en condition musicale dans les bars.
Depuis 2002, les boîtes de nuit de Lille peuvent fermer à 8 heures au lieu de 5 heures
pour affronter la concurrence belge. A New York, certaines soirées ont lieu en journée comme
pour se démarquer. La boucle est bouclée. A Ibiza, paradis européen de la nuit et de la danse,
rares sont les night clubbers qui voient le soleil et la plage. La nuit est continue et se perpétue
de before en after et d'after en before. A l'écoute des nouvelles tendances, le Club
Méditerranée vient d'ouvrir un nouveau concept de club de vacances en bord de plage dont le
slogan est « si tu dors, t'es mort ». Tout un programme : danse mais aussi tournois de volley,
natation et plongée toute la nuit.
4.2.7.4. Des substances pour aller plus loin
Cette conquête de la nuit est rendue possible par la consommation d'excitants comme
le café, les cigarettes ou les vitamines. Arcalion, Sargenor, Cogitum, Guronsan, chaque
-158-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
année, les français dépenseraient plus de 229,6 millions de francs ; soit 10 millions de boîtes
au total, pour s'acheter toutes sortes de préparations censées leur assurer une forme
étincelante. Prés d'un étudiant sur cinq en consomme au moment des examens selon une
enquête réalisé en 1997 par l'Observatoire de la Vie Etudiante. Les plus consommés, ceux qui
contiennent de la caféine ou de la vitamine C, peuvent d'ailleurs avoir un certain effet « coup
de fouet » ce qui ne signifie pas sans effet sur les rythmes du sommeil.
Grâce à l'utilisation de boissons énergétiques, d'excitants et de drogues, les soirées
raves se poursuivent jusqu'à 10 heures le matin. Les Energy drinks, cocktails vitaminés
censées permettre de faire le tour du cadran, jouent également un rôle. La résistance des
organismes est amplifiée par la consommation de drogues et tout particulièrement d'ecstasy.
Par son mélange d'amphétamines et d'hallucinogènes, elle accroît le sentiment de hâte, coupe
la faim et efface la fatigue, permettant de danser des heures durant jusqu'à l'aube et au-delà.
Les outils de manipulation des rythmes naturels se perfectionnent de jour en jour. On a
découvert285 qu'il était possible de piéger le cerveau en absorbant de la mélatonine. Les
chronobiologistes ont établi un lien entre la mélatonine, hormone de la nuit et la plus ou
moins bonne tolérance aux contraintes du travail posté et du jet-lag. Il existe dans la partie
antéro-médiane de l'hypothalamus une horloge circadienne principale, appelée noyau
suprachiasmatique. Cet agrégat de cellules neuronales manifeste naturellement une activité
métabolique et électrophysiologique rythmée sur une période de 24h30 à 25h30 environ. Dans
ces conditions normales, différents signaux extérieurs, tels que la lumière ou les contraintes
de la vie sociale, permettent la resynchronisation de cette horloge biologique à l'échelle de 24
heures. Dans des conditions particulières (travail posté, jet-lag, changement d'horaire...), ces
informations, qualifiées de marqueurs du temps, peuvent aboutir à une modification de phase
des cycles endocriniens. Si on en prend vers 18 ou 19 heures durant une vingtaine de jours
avant un voyage au japon, par exemple, on s'adaptera progressivement au décalage horaire. Il
est également possible de traiter de façon analogue les troubles affectifs saisonniers, ces
perturbations de l'humeur qui se produisent en automne ou en hiver, quand les nuits rallongent
et que la photopériode se réduit. Mais de nombreux spécialistes préfèrent utiliser la
photothérapie qui consiste à exposer le patient à une source de lumière généralement
supérieure à 2 500 lux.
285
LAMBERT P., 1996, « L'énigme du sommeil », ATHENA, Mensuel du développement technologique n°l 19, p. 347
4.2.8. Un intérêt nouveau des médias
Symbole de ce regain d'intérêt, depuis peu, la nuit urbaine intéresse les médias. Les
magazines commencent à l'explorer. En 1997, Le Nouvel Observateur286 ouvre le bal avec sa
couverture sur « La France du samedi soir » En 1998, L'Express consacrait un numéro spécial
à Paris avec six pages sur la nuit
. En Avril 1999, le magazine Perso titrait sur Paris la nuit,
tous les bons plans pour sortir288 et consacrait 24 pages aux nuits de Paris et d'ailleurs alors
que Le Monde télévision289 de mai s'intéressait aux « confesseurs de la nuit ».
Depuis cette date, les numéros spéciaux succèdent aux numéros spéciaux. En avril
2001, Taxi time290, consacrait plusieurs pages aux «bars fashion de Paris by night ». Au
même moment, Nova291, habitué des nuits a mis le feu à la nuitavec un numéro spécial sur
Paris la nuit «je me couche quand je veux » et un supplément gratuit de 46 pages « C'est quoi
ta nuit ? ». En juin 2001, Le Nouvel Observateur a consacré un numéro spécial de soixante
pages à « La France de la nuit »292. En juillet, France Aéro293 a publié une enquête qui faisait
une large place à la nuit : « 24 heures dans la vie d'un aéroport ». En Août, L'Express lui a
emboîté le pas avec dix pages sur les nouvelles lois de la fête294 après un premier numéro de
trente pages en janvier sur « La France qui ne dort jamais 295 » et avant un numéro spécial de
9Q6
907
Nuits design en septembre 2001
. Le magazine étudiant Phosphore
d'août à présenté une
longue enquête intitulée « la nuit est à nous ». En juillet 2002, le magazine Ciel et espace298 a
réalisé un numéro spécial sur la qualité de la nuit et offre à ses lecteurs la carte des meilleurs
endroits de France d'où regarder le ciel.
En décembre 2001, le jeune magazine De l'air a publié un premier reportage sur la
nuit « Que faisiez-vous dans la nuit du 6 octobre, à Marseille, Paris, Rennes, Bordeaux,
Nantes, Toulouse, Lyon et Villiers-le-Bel ? » avant de consacrer un numéro complet à la
286
Le Nouvel Observateur, n°1702 du 19 au 25 juin 1997
L'express, n°2452 du 2 au 8 juillet 1998, « Paris noctambule », p. 49-55
288
Perso, avril 1999, 114 p.
289
Le Monde télévision, « Les confesseurs de la nuit », 10 au 16 mai 1999
m
Taxi time, avril-mai 2001, 34 p.
291
« C'est quoi ta nuit ? », Nova Supplément, avril 2001, 46 p.
292
« La France de la nuit », Le Nouvel Observateur, n°l 911, du 21 au 27 juin 2001, 147 p.
293
TAILLARD F., « 24 heures dans la vie d'un aéroport », France Aéro, n°36, juillet 2001, pp. 20-26
294
L'Express, n°2613 du 2 au 6 août 2001
295
« La France qui ne dort jamais », 2001, L'Express, 4 janvier 2001, p. 100-106
296
« Nuits design », 2001, L'Express, n°2619 du 13 au 19 septembre 2001, 66 p.
297
Phosphore, Août 2001, pp. 39-43
298
« Où observer ? », Ciel et espace n°386, spécial Nuit, 89 p.
287
-160-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
question en octobre-novembre 2002 : Voyages au bout de la nuit299 avec des reportages sur
les nuits du monde (Reykjavik, Belgrade, Pékin, Kaboul, Paris, Kaboul). Même Techni.Cités,
le magazine des ingénieurs et des techniciens territoriaux, sort en avril 2002 un numéro
spécial sur « La ville la nuit300 ».
Alors que Paris nuit301
en est déjà à son 114e numéro, depuis 1999, la nuit a
maintenant sa presse spécialisée gratuite. Un journal d'informations sur la nuit est diffusé
gratuitement dans de nombreux bars, clubs et restaurants de Paris et de province. Ce «journal
national d'informations sur la nuit réservé à des bars, clubs et restaurants sélectionnés, intitulé
Infra rouge302, nous promet « toute la lumière sur la nuit ». Diffusé à 63 000 exemplaires
dans 9 grandes villes. Son concepteur H. PROUTEAU travaille déjà sur une petite sœur
baptisée Ultra-Violet, qu'il destine aux étudiants
La plupart des radios ont emboîté le pas à France Inter et à M. BERANGER avec des
émissions nocturnes. Même engouement à la télévision, où les reportages sur la nuit et la fête
ou la sécurité la nuit, se sont multipliés depuis 1998. Pendant l'été 2001, la chaîne privée TF1
a même tenté une émission régulière tous les mardi soirs d'été L'enfer de la nuit. Depuis
1994, époque où T. ARDISSON a mis en orbite l'émission Paris dernière sur la chaîne câblée
Paris Première, l'émission est devenue culte. En 1998, le journaliste F. TADDEI a repris le
flambeau pour un 52 minutes où tout le Paris nocturne est passé. Paris dernière est devenue
l'émission qui permet de sortir sans quitter son canapé. Depuis un an, le dernier mardi de
chaque mois sur ARTE juste avant les moutons, une nouvelle émission s'est imposée dans la
grille, Die Nacht (La Nuit). Pour P. OUAZAN qui produit l'émission, c'est avant tout un
moment, une parenthèse d'images où tout peut se passer car la nuit les images prennent une
autre dimension, les sens ont décroché de leur valeur diurne ».
Signe qui ne trompe pas : alors que les guides officiels de nos nuits blanches se
bousculent dans les kiosques, un nouveau Guide du routard paru en 2002 sur Paris la Nuit303
annonce : « Les nuits parisiennes se sont remises du rose aux joues et du rouge aux lèvres ».
Même la mode s'y met avec le supplément gratuit Mode Hiver 2002-2003 au Libération
n°6654 consacré à la nuit, ce moment où on se fringue, on se maquille pour séduire.
299
« Spécial nuit », De l'air n°13, octobre-novembre 2002,, 54 p.
« La ville la nuit », Techni.Cités n°28, 23 avril 2002, pp..20-30
3111
Paris nuit n°l 13, septembre 2001, 66 p.
302
Infra rouge n°19, février 2001, 23 p.
303
Paris la nuit, 2002, Le guide du routard, Hachette, 459 p.
300
-161-
Avec l'organisation de Nuit Blanche a Paris et Bruxelles le 5 octobre 2002, les articles
se multiplient qui présentent ou commentent la nuit mais aussi l'arme blanche suite à
l'agression dont a été victime le Maire de la capitale, B. DELANOE. Nombreux sont les
journaux à proposer le programme complet de Nuit Blanche parmi lesquels
Libération304,
Nova magazine305 ou Télérama306.
Dans un autre genre destiné aux enfants, les guides sur la nuit se multiplient qui
souhaitent peut-être préparer nos marmots à leurs futures nuits blanches. Le plus intéressant
est sans doute celui consacré à Paris la nuit J'observe Paris la nuit
qui permet de découvrir
la capitale de la France et ses plus beaux monuments.
4.2.9. De nouvelles investigations
Parallèlement, le monde de la recherche en sciences sociales et quelques organismes
de transport ou d'aménagement commencent timidement à s'intéresser à la nuit. Les premiers
colloques et séminaires sur la question montrent un intérêt nouveau pour la nuit, la lumière
voire la nuit urbaine.
4.2.9.1. Quelques publications récentes
Le n°248 de la Revue des sciences sociales
de décembre 1997 est consacré à ce
thème dans la littérature tout comme le numéro 4 de la revue Sociétés et représentations309 de
la même année. En 2000, Les cahiers de médiologie310 ont consacré un numéro spécial à la
lumière : « Lux, des Lumières aux lumières ». On cherchait à défaire les liens qui nouent les
politiques de l'éclairage aux formes de l'éclairement, les lumières de l'œil et celles de l'esprit
avec l'aide de spécialistes du livre, de l'image, de l'urbanisme, du spectacle et de la mode. En
311
septembre 1999, Regards anthropologiques sur les bars de nuit , ouvrage dirigé par D.
DESJEUX, M. JARVIN et S. TAPONIER est sorti aux éditions l'Harmattan. En septembre
31)4
« Le programme complet de la nuit blanche », Libération, samedi et dimanche 6 octobre 2002
« Le guide des nuits blanches de Paris », Nova magazine, octobre 2002
3116
« Nuit blanche », Télérama n°127, du 2 au 8 octobre 2002, 38 p.
307
DELAFOSSE C. J'observe Paris la nuit, Gallimard, mes premières découvertes, 26 p.
308
« La nuit », Revue des sciences sociales n°248, octobre décembre 1997, 274 p.
309
« La nuit », Sociétés et représentations, mai 1997, CREDHESS, 413 p.
310
« Des lumières aux lumières », 2000, Les cahiers de médiologie n°10, Lux, deuxième semestre 2000, Gallimard, 319 p.
311
DESJEUX D, JARVIN M, TAPONIER S., 1999, Regards anthropologique sur les bars de nuit, espaces de sociabilité,
L'Harmattan, 209 p.
31)5
-162-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
2000, Les annales de la recherche urbaine ont proposé un numéro spécial «Nuits et
lumières312 » mêlant approches historiques, sociologiques et philosophiques et croisant par
instant la ville et la nuit. Dans la foulée d'une rentrée 2001 centrée sur le temps des villes, des
revues comme Territoires313 et Diagonale314 ont ouvert leurs pages aux approches de la nuit
urbaine.
4.2.9.2. Des rapports qui évoquent la question temporelle
En 2001, la question de la nuit est abordée par le Député-maire de Rennes, E. HERVE
oi r
dans son rapport sur « Le temps des villes
» où il reprend notre proposition pour mieux
concilier la ville qui travaille, la ville qui dort et la ville qui s'amuse 316 et s'oppose à la ville
24h/24.
La nuit urbaine est à nouveau évoquée dans un rapport du Conseil National des
jiy
Transports présidé par J.-P. BAILLY, Nouveau rythmes urbains : quels transports ?
auquel nous avons participé et qui s'appuie largement sur l'expérimentation du Territoire de
Belfort. En 2002, cette question et celle de la ville 24h/24 est également abordées dans un
rapport du Conseil Economique et Social présenté par le même J.-P. BAILLY, Le temps des
villes, pour une concordance des temps dans la cité318. Il reprend les thématiques sur les
risques de conflits entre « la ville qui dort », « la ville qui travaille » et « la ville qui s'amuse »
notamment la nuit, et s'inquiète de l'étalement temporel.
On peut encore citer deux ouvrages consacrés à Paris quiaccordent une place à la nuit :
c'est le cas de Paris, histoire d'une ville319, atlas sous la direction de J.-R. PITTE qui consacre
deux pages et une carte à Paris la nuit, fait assez rare pour être souligné. Dans un ouvrage plus
récent Paris mosaïque, les sociologues M. PINÇON et M. PINCON-CHARLOT 320 ont
consacré plusieurs pages à la nuit parisienne.
312
« Nuits et lumières », Les annales de la recherche urbaine n° 87, septembre 2000, 143 p.
GWIAZDZINSKI L., 2001, « Utopie pour une ville ouverte 24h/24 », Territoires n°420, septembre 2001, pp. 41-43
314
GWIAZDZINSKI L., 2001, « Eclairer la nuit urbaine territoire d'enjeux », Diagonal n°150, juillet-août 2001, pp. 35-38
315
Le temps des villes, Rapport de Edmond HERVE, Député-Maire de Rennes remis à Nicole PERY, Secrétaire d'Etat aux
droits des femmes et à la formation professionnelle et à Claude BARTOLONE, Ministre délégué à la ville, le 19 juin 2001,
République française, 68 p.
316
Nous avons été auditionné par Edmond HERVE en 2001
317
BAILLY J.P., HEURGON E„ 2001, Nouveau rythmes urbains : quels transports ? op.cit.
318
Le temps des villes, pour une concordance des temps dans la cité, rapport présenté par M. Jean-Paul BAILLY, Avis et
rapports du Conseil Economique et Social, Les Editions des journaux officiels, 87 p.
319 P ] X T E j R ; 1993, « Paris, histoire d'une ville », Paris, la nuit, Les Atlas Hachette, pp. 174-175
313
-163-
4.2.9.3. Des colloques et séminaires
Signe des temps, l'année 2002 ou apparaître les premiers colloques consacrés à la nuit
urbaine auxquels nous avons été invité à présenter nos premières réflexions. Le premier,
Penser la ville par la lumière, Atelier Projet urbain n°26 organisé par le Ministère de
l'Equipement a eu lieu le 26 mars 2002 à la Grande Arche de la Défense. Le second La ville
la nuit, organisé par l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées en partenariat avec l'Université
de Technologie de Compiègne et le CNFPT s'est déroulé le 25 avril 2002 à Champs-surMarne. Le 17 mai 2002 à Thessalonique, un colloque international organisé par le Ministère
de la culture grec a été entièrement consacré à « La ville la nuit ».
En septembre 2001, l'Institut de la Ville en Mouvement321, réuni à Berlin pour son
Conseil d'administration, a travaillé sur le thème et décidé d'organiser un colloque sur le
transport de nuit en 2002. En septembre, lors des premières Universités européennes du temps
des villes à Cerisy, nous avons organisé un atelier spécifique sur la nuit et nous préparons un
atelier du groupe de prospective Temps et Territoire de la DATAR à Strasbourg sur la nuit en
janvier et un forum européen en janvier 2004 à Rome.
4.2.9.4. Des études en cours
En 2001, dans le cadre d'une étude co-fiancée par la DRE Ile-de-France, la RATP et la
SNCF, P. BUHAGIAR et C. ESPINASSE, psychosociologues, ont mené une recherche
«Extérieur nuit» sur des jeunes sortants nocturnes, de 19 à 29 ans, pour raisons
professionnelles ou de loisirs, habitant la périphérie sud de Paris322. Il s'agissait de mieux
comprendre les représentations de la nuit chez les jeunes, d'appréhender les motivations et les
conditions de succès des sorties nocturnes, étudier les pratiques de mobilité et les attentes en
matière de transports publics et de services urbains. L'étude s'est poursuivie en 2002 sur les
pratiques de mobilité liées à Noctambus. Les résultats devraient alimenter la réflexion sur
l'évolution de ce service et, de manière plus générale, sur la nature et les modalités
d'accessibilité du service public la nuit.
320
PINÇON M, PINCON-CHARLOT M, 2001, Paris mosaïques, Calmann-lévy, 345 p.
Association loi 1901 présidée par Jean-Martin FLOZ et dont le Secrétaire général est Xavier FELS, directeur des relations
extérieures de PS A, Peugeot Citroën. L'IVM, « carrefour où se rencontrent ceux qui pensent la vile, ceux qui la font et ceux
qui la vivent » souhaite accompagner les mutations des mobilités urbaines en Europe et dans le monde et contribuer, dans des
démarches partenariales et multidisciplinaires au développement d'une culture de la mobilité qui allie le savoir et le plaisir du
mouvement dans la ville.
321
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Toutes ces pressions qui s'exercent sur la nuit urbaine sont également source de
conflits réels ou potentiels.
4.3. DES CONFLITS QUI APPARAISSENT
La ville, comme l'être humain, semble tiraillée entre les exigences de la vie moderne
et les rythmes anciens. Entre la ville circadienne et la ville en continu temporel, la
cohabitation est parfois difficile. Les conflits qui se développent dans la ville sont souvent des
conflits liés au temps et intéressent souvent la dimension nocturne.
Le sommeil ne dépend pas uniquement d'une certaine durée passée à dormir. Il dépend
aussi de l'alternance du jour et de la nuit : l'homme est un animal diurne et c'est la nuit qu'il
dort. La vie moderne bouleverse ces rythmes et les conflits apparaissent qui sont autant de
révélateurs des mutations de notre société et des changements profonds qui affectent les
rapports de l'homme à l'espace et au temps. La société redéfinit en profondeur ses
nyethémères [n.m. gr. nux, nuktos, nuit, et hêmera, jour - unité physiologique de temps
comprenant pour l'homme et la plupart des animaux, une période de veille et une période de
sommeil] et la ville s'en ressent.
Résultat de l'interférence entre forces opposées, qu'il s'agisse de divergences de
besoins, d'intérêts et de valeurs, le « conflit » qui exprime un désaccord entre deux ou
plusieurs parties, personnes ou groupes est tout autant constitutif et créateur du sujet, de son
identité, occasion de son développement, qu'expression de désordres individuels ou
sociaux323. Dans la langue chinoise, il est à la fois « danger » et « opportunité », destructeur
ou constructif 324 . C'est le sens que nous retiendrons ici en cherchant à identifier les problèmes
qui peuvent être à l'origine des violences sans pour autant325 supprimer les divergences, les
oppositions, les conflits, mais tenter de les résoudre ou de les faire évoluer sans recours à la
violence.
322
BUHAGIAR P. et ESPINASSE C„ 2001, Extérieur nuit, Vécus et représentations de la nuit des 19-29 ans, Fonds
d'Intervention pour les études et recherches, Union des transports publics, 84 p.
323
ARDAINO J., 1990, «Le conflit: évolution de sa représentation et de son statut, approche multiréférentielle », in
TOUATI A. (sous la direction de), Conflits, origines, évolutions, dépassements, co-édition Hommes et Perspectives et Le
journal des psychologues.
324
FINE N„ MACBETH F., 1992, Playing withfire, Youth Work Press.
325
JACQUARD A., 1990, Les violences Agressivité et violences : fait de nature ou fait de société ? symposium « Education à
la paix », Bruno Leprince Editeur.
-165-
4.3.1. Décalages horaires
Les découvertes récentes de la chronobiologie montrent que nous vivons de plus en
plus à contre-temps par rapport aux besoins de nos corps. Le décalage est de plus en plus
important entre temps biologique et temps social. Un exemple : notre corps a davantage
besoin de repos en hiver mais c'est pourtant en été que partent les vacanciers. C'est la même
chose chaque soir, lorsque nous nous décalons du temps biologique en allumant la lumière.
4.3.1.1. Dégâts du travail de nuit
C'est d'abord l'Homme qui semble pâtir de cette conquête de la nuit. Le rythme
circadien de l'organisme ne s'adapte pas toujours au temps continu de l'industrie. « L'homme
a inventé des machines qui fonctionnent dans un temps différent par rapport à notre temps
biologique (...). Dans l'industrie par exemple, il y a beaucoup de procédures continues qui
obligent à mettre en place le travail en équipes de nuit et ont pour effet de désorganiser la vie
privée des ouvriers326 ». Les horaires décalés ont des conséquences physiologiques
importantes sur les salariés. Surtout sur ceux qui travaillent alternativement de jour et de nuit,
comme c'est le cas dans les équipes roulantes. D'après J. RIGAUDIAT, un des spécialistes
français des conditions de travail « L'alternance des horaires sur un cycle de trois semaines
perturbe fortement les biorythmes ». Sans parler de ce que les médecins appellent « les effets
distance », c'est-à-dire les conséquences à long terme. Des études épidémiologiques
rapportées dans la revue Travail et santé montrent que la santé des ex-travailleurs de nuit est
souvent plus fragile. Les individus qui travaillent la nuit ne sont pas simplement déphasés par
rapport à ceux qui travaillent le jour, mais dorment très mal, provoquant lors du travail
nocturne des situations d'hypovigilance.
4.3.1.2. Troubles liés à l'heure d'hiver
L'heure d'été, en usage dans les différents pays européens et aussi aux Etats-Unis, a
créé un temps déréalisé. Pour des raisons économiques, un décalage de deux heures sépare
désormais l'heure officielle et l'heure solaire réelle, entre mars et octobre. Cette rationalisation
rigide est souvent critiquée. L'heure d'hiver serait à l'origine de troubles biologiques et
neuropsychiques chez les jeunes enfants, les travailleurs en plein air et les personnes de santé
326
CHAPMAN G. P., 1977, p. 41, op. cit.
-166-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
fragile. Tous les ans, la polémique rebondit : pour ou contre l'heure d'été ? Et chacun d'y aller
de ses arguments. Les « pour » prétendent que la majorité des français y est favorable, que
l'on fait des économies d'énergie, que l'on y gagne en ensoleillement (ce qui dans nos contrées
semble
réellement primordial), etc. Les « contre » renchérissent en sens
contraire
évidemment. Et cela fait environ 20 ans que cela dure. Il existe même des associations qui ont
fait de cette question leur cheval de bataille comme «l'association de lutte contre l'heure
d'été ».
La mise en place dans certaines villes de couvre-feu pour adolescents permet de
relancer la polémique. Les jeunes sortiraient plus tard à cause de l'avancement de l'heure
légale : en France, l'été, 23 heures légales signifient réellement 9 heures après-midi vrai. Une
partie de la population n'arrive plus à s'endormir en été à la même heure légale qu'en hiver à
cause de ce retard artificiel d'arrivée de l'obscurité. La difficulté est encore plus forte en
France où notre heure légale se trouve déjà avancée en période « hiver » (une heure d'avance
par rapport à l'heure du fuseau géographique) et subit un deuxième avancement
supplémentaire en période « été ». Conclusion : ceux qui veulent profiter de la nuit et de ses
charmes doivent attendre 23 heures au solstice d'été. La magie de la nuit devient interdite à
tous ceux qui doivent se coucher tôt pour aller le lendemain étudier ou travailler. Si les jeunes
sont dehors plus tard qu'autrefois, c'est que, comme leurs parents, ils aiment la nuit mais du
fait du décalage, l'attendent un peu plus tard. Ils restent dehors au moment où les activités
diurnes ont cessé et occupent seul l'espace public. C'est peut-être là que réside un des
problèmes. Mieux que le couvre-feu, pourquoi ne pas interdire l'heure d'été et recaler la
jeunesse sur des rythmes naturels en lui permettant de profiter d'une nuit moins tardive.
4.3.1.3. Décalages horaires
Avec la multiplication des voyages transcontinentaux, un nombre de plus en plus
important de personnes, les fameux nouveaux nomades de J. ATTALI
, jonglent avec les
fuseaux horaires, les jours et les nuits et peuvent être victimes du fameux décalage horaire. Ce
malaise tient à la désynchronisation des différentes horloges biologiques qui ne mettront pas
toutes le même temps à s'adapter à l'heure locale. Pour un décalage de 12 heures, le rythme
veille-sommeil se resynchronise en trois ou quatre jours, alors que le rythme thermique doit
327
ATTALI J. 1990, Ligne d'horizon, Fayard, 121 p.
-167-
attendre de dix à douze jours. Ce désordre intérieur explique que le voyageur se sente fatigué
alors même qu'il a recommencé à dormir.
L'augmentation de l'offre urbaine de nuit agit dans le même sens. Lorsque la télévision
programme des dessins animés à 6 heures du matin, elle provoque chez les enfants une
demande avant de satisfaire des besoins328. Ce faisant, elle modifie leur nuit et leur rythme
biologique d'une manière souvent irrémédiable. Lorsque la même télévision émet toute la
nuit, les insomniaques peuvent passer autant de nuits blanches qu'ils veulent. Le record sans
sommeil est néanmoins de 278 heures d'éveil, le maximum étant pour un sujet normal, de 100
heures.
4.3.2. Lumières urbaines : la nuit confisquée
Célébrant l'artificialisation de la ville, la lumière a tué la magie de nos nuits en nous
empêchant d'apercevoir le ciel. Moins d'un enfant sur cent peut aujourd'hui se vanter d'avoir
329
vu la Voie Lactée
. Ce spectacle splendide et gratuit qui nous aide à réaliser notre place dans
l'univers, n'est plus visible sous l'effet de la pollution lumineuse. Au rang des accusés de ce
rapt stellaire : l'urbanisation, lampadaires, bureaux illuminés, enseignes publicitaires, lasers,
etc., qui éclairent le sol et le ciel sans discernement. Les astronomes sont les premiers touchés
par cette disparition de la voûte céleste, qui n'est plus visible sous l'effet de la pollution
lumineuse.
Pendant près de trois siècles, candélabres et réverbères ont cohabité sans trop de
problème avec les lunettes et télescopes des observatoires et des astronomes amateurs. Mais
au cours de notre siècle, et tout particulièrement depuis 1945, les astronomes en quête de
sources toujours plus faibles et plus lointaines, ont perdu la bataille de la lumière. Les
messages de galaxies lointaines peuplées de centaines de milliards d'étoiles sont noyés dans
le halo laiteux qui étouffe nos villes. Les astronomes ont dû émigrer sur les sommets des
montagnes. D'autres observatoires ont dû réorienter leurs activités comme celui de Strasbourg
qui a axé ses recherches sur le Centre de données stellaires, l'astronomie spatiale ou encore la
cosmologie. Drôle de coïncidence puisque la création du premier grand observatoire français
à Meudon et l'introduction de l'éclairage public à Paris ont eu lieu la même année en 1667.
328
MUZET A., 1999, Le bruit, Flammarion.
-168-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Enfin avec les progrès de l'astronautique, s'est développée l'astronomie spatiale avec des
observatoires en orbite comme le télescope spatial Hubble ou l'observatoire infrarouge ISO.
En Août 2001, une équipe d'astronomes italiens dirigés par
P. CINZANO
publiait le
premier atlas mondial de la luminosité artificielle du ciel nocturne. En juillet 2002, la revue
Ciel et Espace331 a repris ces données et produit avec l'IGN, la première carte de France des
lieux où il fait bon observer l'Univers. Un coup d'œil sur l'Europe occidentale montre que ces
lieux sont rares. Les données des scientifiques italiens le confirment : plus de la moitié de la
population de l'Union européenne ne peut pas voir à l'œil nu la voie lactée. Si le rythme
actuel se poursuit, d'ici 2025, la quasi-totalité des européens n'auront plus accès aux lumières
de la galaxie. En France, il n'existerait plus qu'une seule grande région où le ciel nocturne
reste noir : le Quercy ou plus exactement une zone située entre Cahors et Figeac avec une
luminosité effective du ciel à peine supérieure de 1 à 10 % à sa luminosité naturelle. Puis
viennent les Landes et la Bretagne (Figure 1.15 -La terre vue du ciel, l'Europe).
Si le problème s'est accentué ces dernières années, certains avaient déjà dénoncé
l'overdose. En 1928, E. HEMINGWAY critiquait la publicité lumineuse à Times Square « Ici
l'œil ne lit plus aucune écriture, ne distingue plus aucune forme, mais est simplement ébloui
par la surabondance de scintillements, par une multitude d'éléments lumineux qui s'annulent
mutuellement 332 ». P. MORAND s'inquiète également dès 193 7 333 : «Faut-il éclairer Venise
au néon ? Les passéistes disent non ; les futuristes leurs répondent : Malgré vous, Saint-Marc
resplendit sous nos projecteurs; grands succès; les touristes adorent ça. Les romantiques
tiennent bon ; ils défilent ce matin sur la plage, derrière une pancarte blanche : nous voulons
la lune ». Même souci pour le photographe japonais K. TAHARA qui, installé à Paris où il y a
trop de lumière, a un rêve « inventer une lampe qui diffuse de la nuit334 ».
En France, l'éclairage des routes la nuit fait régulièrementl'objet de débats entre la
Direction des routes du Ministère des Transports et le Syndicat des Entrepreneurs de Réseaux
et Constructions Electriques
. La nouvelle circulaire qui modifie celle de 1974 régissant
l'éclairage du réseau routier et des voies rapides, l'obligation d'éclairage la nuit ne
329
D'après Michel BONAVITA, Président du Centre de Protection du Ciel Nocturne, in Le Point, 11 novembre 1996, p. 48
CINZANO P, FALCHI F, ELVIDGE C. D., 2001, Monthly Notices of the royal Astronomical Notices of the Royal
Astronomical Society, 328, pp. 689-707
331
« Où observer ? » Ciel et espace, n°386, pp. 40-56
332
Cité d'après Licht und beleuchtung, Ed. W. Lotz, Berlin, p. 44
333
MORAND P., 1971, Venises, Gallimard, 215 p.
334
LECLERC J.F., « Eloge de l'ombre », Encore une nuit à Paris, L'Harmattan, pp. 13-14
330
-169-
concernerait plus qu'une centaine de kilomètres de voies au lieu des mille deux cents qui
devaient être éclairés en application des normes anciennes. Autre argument avancé par
l'administration : « plus une route est éclairée, plus les accidents se multiplient ». Les lampes
donneraient aux automobilistes une illusion de sécurité largement illusoire. S'estimant en
sécurité, les automobilistes rouleraient alors plus vite et le risque d'accident augmenterait. Les
experts du Ministère des Transports avancent un dernier argument pour étayer leur thèse :
aucune étude sérieuse n'établit de corrélation entre la sécurité et l'éclairage. La direction des
routes préfère insister sur la nécessité de développer l'éclairage passif sur l'ensemble des
routes, comme, par exemple, le marquage au sol qu'elle juge plus performant.
L'homme n'est pas le seul à subir les effets de la pollution lumineuse. En ville, on peut
aujourd'hui entendre le merle chanter à 2h00 du matin. Les oiseaux et particulièrement les
espèces migratrices sont les principales victimes des éclairages artificiels la nuit. La Chicago
Ornithological Society estime qu'aux Etats-Unis chaque année 100 millions à un milliard
d'oiseaux meurent en percutant des buildings. Au Canada, l'association Fatal light Awarness
Program qui travaille à la protection des oiseaux migrateurs dans les environnements urbains,
a ramassé plus de 3 000 cadavres en un an au pied des tours de Toronto.
A Chicago, l'extinction des lumières de bureau d'une tour a permis de réduire de 83 %
la mortalité des oiseaux.
Une conférence en février dernier à Los Angeles a permis de constater que les
insectes, batraciens et mammifères subissent également des perturbations liées à l'éclairage
artificiel. On peut aussi citer le cas de tortues de Floride dont les petits sortant de l'œuf, sont
attirés par les lumières des hôtels plutôt que d'aller vers la mer.
4.3.3. Le bruit nocturne
La nuit, la ville est aussi un paysage sonore. On peut l'appréhender du fond de son lit
si on habite près d'un hôpital, d'un commissariat ou d'une caserne de pompiers ou partir à la
pêche aux sons : moteur diesel des taxis, conversations animées, bars mal insonorisés, cloches
335
« La direction des routes éteint la lumière », Le Monde, 30 janvier 1998, p. 1
-170-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
d'églises, alarmes déréglées, roulis des véhicules sur les pavés des avenues, filament sonore
ou rythme «techno» s'échappant des voitures déboulant vitres ouvertes. Attention à
l'indigestion ! Du haut des tours, ces bruits deviennent rumeur. Le bruit qui est l'une des
nuisances les plus fréquentes dans notre vie citadine quotidienne, est souvent le facteur de
gêne le plus dénoncé lors de la période nocturne. La sensibilité accrue au bruit est sans doute
due à une désynchronisation des rythmes des habitants. De nouveaux conflits apparaissent
entre la ville qui dort et la ville qui s'amuse.
Les arrêtés sur le bruit, pris par quelques municipalités ces derniers temps, témoignent
de l'importance du phénomène, mais ne font que traiter les effets, sans prendre en compte les
causes plus profondes, où la physiologie dépend de la sociologie. Ces « nuisances » ne sont
pas des phénomènes en soi mais le révélateur des grandes mutations que nous sommes en
train de traverser. Les réactions négatives au projet d'implantation du transporteur DHL ou les
conflits entre usagers des bars du centre-ville et résidents, sont des exemples de ces
cohabitations temporelles difficiles.
De nouveaux conflits apparaissent comme les assouplissements demandés sur les
interdictions de trafic aérien ou la circulation des camions la nuit. Le 17 novembre 1998,
C. LAMURE, Ingénieur des Ponts, dans son rapport à D. VOYNET336 sur la réduction des
points noirs du bruit routier et ferroviaire, dressait un état des lieux accablant. Il recensait
3 000 sites où les habitants étaient soumis à plus de 60 décibels plus de huit heures par jour et
évalue à 300 000 le nombre de français qui souffrent de troubles du sommeil dus à ce bruit
nocturne.
4.3.4. Violences urbaines et insécurité
Dans l'imaginaire collectif, les violences urbaines semblent essentiellement nocturnes.
Reportages télévisuels, articles illustrés se multiplient pour conforter cette idée et dresser le
paysage violent et contrasté de la nuit urbaine.
Depuis le début des années 90, les nuits des banlieues de nos villes sont devenues le
théâtre de conflits d'un genre nouveau : les violences urbaines. Emblématiques, les voitures
en feu sont devenues le symbole du mal-vivre et d'un jeu toujours envoûtant entre les
ténèbres et l'embrasement. Mêmes les couvertures d'ouvrages spécialisés sur la violence
participent de cette célébration et de cette médiatisation des conflits337.
4.3.5. Accidents de circulation
On pourrait tenir l'évolution des rythmes biologiques pour des choses bénignes, si les
conséquences n'étaient pas une question de santé publique. Le passage de la veille au sommeil
s'effectue lors de transitions pas toujours contrôlées ni souhaitées. «Nous savons par
exemple, explique Alain MUZET338, que le passage entre veille et sommeil est instantané
chez l'adolescent. Quand un jeune, déphasé et hypovigilant, est à son volant, il peut
s'endormir instantanément ».
La nuit semble être le temps des accidents graves. Les retours de fêtes sont souvent
mortels, comme en 1997 avec 37 morts au retour du réveillon. En 1997, selon la Sécurité
Routière 2 061 jeunes ont été tués en France sur la route, 10 922 ont été gravement touchés et
41 752 plus légèrement touchés. Une étude menée par le Centre de Recherche pour l'Etude et
l'Observation des Conditions de vie (CREDOC) à la demande de la Fédération Française des
Sociétés d'Assurance, avec la Prévention Routière, confirme le lien établi entre ces accidents
et le style de vie d'une certaine fraction de cette jeunesse, en particulier dans ses
comportements festifs. La plupart des accidents impliquant des jeunes se produisent en effet
la nuit en fin de semaine.
4.3.6. Décalage social et générationnel
Le décalage des rythmes laisse de plus en plus les enfants dehors dans la rue le soir.
Dans la nuit urbaine, deux groupes sociaux cohabitent et coexistent de plus en plus
difficilement : une population souvent jeune ou désoeuvrée vit à contre-temps d'une
population plus âgée qui respecte encore l'alternance jour-nuit. Ces deux groupes qui ont du
336
LAMURE C., 1998, La résorption des points noirs du bruit routier et ferroviaire, Rapport au Ministère de l'aménagement
du territoire et de l'environnement, Conseil général des Ponts et Chaussées, 46 p.
337
WIEVIORKA M., 1999, Voitures en feu et policiers dans la nuit en couverture de Violences en France, 345 p.
338
MUZET A., 1999, Le bruit, Flammarion.
-174-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
temps s'opposent fortement. L'une pratique encore l'espace public à une heure avancée alors
que l'autre repliée dans l'espace privé s'abrite dans des demeures transformées en forteresses
et s'inquiète.
Les plus jeunes, notamment les moins de 25 ans, s'approprient facilement l'espace
urbain. Les habitants des villes universitaires connaissent bien ce phénomène. Lorsque les
étudiants ne sont plus là, la ville change de visage. Inversement, les personnes de plus de 65
ans sont des usagers rares.
Jusqu'en 2001, on ne disposait pas d'information sur l'usage de la nuit et la
fréquentation par les différentes catégories de la population. Une enquête de mai 2001 sur
« les français et le temps dans la ville339 » fournit quelques éléments qui confortent nos
propres observations et les quelques éléments d'analyse du Ministère de la Culture, même si
elles restent à manier avec précaution compte tenu de la faiblesse de l'échantillon.
Cette enquête sur les usages de la nuit montre de très grandes différences entre les
populations, leur sexe, leur âge, leur situation familiale, leur nombre d'enfants, leur milieu
social, leur profession, leur niveau de diplôme et de revenu ainsi que la taille de leur
agglomération (Figure 1.16 - Tableau « Usages de la ville la nuit »).
En résumé, l'utilisateur fréquent de la ville la nuit est plutôt un homme, jeune (moins
de 35 ans) célibataire ou en couple sans enfant, appartenant à un milieu social aisé ou moyen,
cadre actif, de profession intellectuelle avec un niveau de diplôme supérieur, des revenus
élevés et habitant plutôt en région parisienne. Toujours d'après cette enquête, après 50 ans, la
ville la nuit semble disparaître, ne plus exister. Chacun est chez soi. D'autres différences
apparaissent. Les milieux populaires sont à 19 % des usagers très fréquents de la nuit contre
41 % dans les milieux supérieurs. Les différences selon le niveau de diplôme sont
considérables puisque 65 % des personnes peu diplômées et 15 % des personnes ayant au
moins le bac sont des usagers rares.
Les femmes appartiennent moins au groupe des forts usagers. Le féminisme et
l'évolution de la situation des femmes n'ont pas suffi à faire disparaître la différence
339
Enquête SOFRES Opinion, 2001, Les français et le temps dans la ville, mai 2001
-175-
Figure 1.16 - Tableau « Usages de la ville la nuit
Usage rare
27
Total 100%
Sexe
23
Homme
31
Femme
Age
7
15 à 24 ans
12
25 à 34 ans
22
35 à 49 ans
29
50 à 64 ans
67
65 ans et plus
Situation familiale
27
Vit seul(e), sans enfant
Vit seul(e), avec enfant
31
Vit en couple, sans enfant
29
Vit en couple, avec enfants
24
Nombre d'enfants
22
Un
Deux
27
Trois et plus
28
—Pas d'enfant
-2-8Milieu social
Cadres supérieurs
15
Catégories moyennes
21
Milieu populaires
32
Indépendants
23
CSP actuelle de l'individu
Cadre, prof. Intellectuelle
5
Profession intermédiaire
11
18
Employé
21
Ouvrier
Inactif, retraité
42
Statut de l'activité
12
Au travail, plein ou partiel
27
A la recherche d'un emploi
46
Femme au foyer, sans prof.
6
Etudiant
Retraité
56
Sources : Sondage Sofres Opinion « Les français
tableau 7
Usage peu
fréquent
22
Usage assez
fréquent
25
Usage très fréquent
21
22
25
24
31
23
25
20
25
22
16
34
30
22
28
10
34
38
31
21
7
20
21
19
27
24
22
26
25
29
26
26
24
28
26
23
-19-
26
22
24
-2-5-
24
25
25
- 2 - 8 -
14
28
29
30
31
21
22
41
32
19
26
9
17
26
30
23
31
35
25
25
19
16
26
55
37
31
24
16
20
31
37
29
21
23
27
17
10
22
34
38
20
14
10
et le temps des villes », Mai 2000, Rapport Edmond
HERVE
d'appropriation de l'espace public, la nuit puisque 23 % seulement des femmes, 10 % des
femmes au foyer, et 31 % des hommes déclarent faire un grand usage de la ville la nuit.
Dernier résultat de cette enquête qui peut surprendre : les individus qui estiment
manquer de temps sont de plus grands usagers de la nuit que ceux qui ont du temps.
L'appropriation de la ville, la nuit n'est donc pas d'abord une affaire de temps, mais une
question d'âge et de ressources culturelles.
-176-
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Figure 1.16 - Tableau « Usages de la ville la nuit » (suite)
Usage rare
27
Total 100%
Niveau de diplôme
65
Sans diplôme, ét. primaires
Collège, CAP, B E P
29
15
Baccalauréat
12
Supérieur
Niveau revenus mensuels du
foyer
Moins de 5.000 F
40
5.000 à 7.999 F
37
8.000 à 9.999 F
27
10.000 à 14.999 F
27
14
15.000 à 25.000 F
3
Plus de 25.000 F
Cat. d'agglomération
Région parisienne
24
28
Agglo. > 100.000
29
Agglo et ville < 100.000
Sources : Sondage Sofres Opinion « Les français
~tafrleau 7
Usage peu
fréquent
22
Usage assez
fréquent
25
Usage très
fréquent
26
19
28
25
13
11
23
29
31
5
20
31
44
23
23
24
21
22
14
20
21
24
23
34
36
17
19
25
29
30
47
35
14
27
21
25
26
26
25
20
et le temps des villes », Mai 2000, Rapport Edmond
HERVE
4.3.7. Débat autour du commerce nocturne
Signe des mutations qui affectent nos rythmes de vie, à Paris, l'ouverture des magasins
le soir se généralise et fait débat. Après les tensions sur l'ouverture des commerces du
dimanche, celui de l'ouverture des nocturnes est en train de prendre de l'ampleur. Paris ouvert
7j/7 et 24h/24, c'est la grande peur des uns et l'exigence des autres. La Mairie de Paris est
dans une situation délicate : « elle veut la nuit blanche et la paix des familles ; réveiller le
Paris économique et festif sans rien... sacrifier d'essentiel au temps des marchands340 ».
La Confédération Générale du Travail réitère ses mises en garde contre « une nouvelle
phase dans la déréglementation des horaires341 ». En cause : la généralisation des ouvertures
tard le soir. A l'instar du BHV qui souhaite désormais ouvrir jusqu'à 20 heures. Côté
commerçants, on déclare s'adapter à l'évolution de la vie urbaine qui se décale vers le soir et
on signale que seuls quelques quartiers sont concernés et qu'il est hors de question de
généraliser ces ouvertures à tout Paris. Côté Mairie de Paris, on déclare prendre de l'évolution
des modes de vie des parisiens mais pas question de bafouer les droits des salariés. Si les
ouvertures nocturnes se multiplient, nous risquons une précarisation du métier et si les heures
34(1
341
« Marchand ou chômé, la polémique du dimanche », 2002, Le Nouvel Observateur, Paris Ile de France, 24 octobre 2002
« Les enjeux du commerce nocturne », 2002, 20 minutes, octobre 2002, p. 2
-177-
supplémentaires se font sur le volontariat, l'acceptation du travail nocturne ne va-telle pas
devenir une condition préalable de l'embauche s'inquiète le responsable des commerces.
4.3.8. D'autres conflits dans la nuit
L'actualité fournit de nombreux exemples de problèmes et tensions nocturnes. Les
conflits sociaux se multiplient comme la « Grève de nuit des médecins » pour protester contre
la réduction de la plage horaire de majoration de nuit
ou la grève dans les centres de tri
postaux 343 pour s'opposer à la réorganisation des horaires de nuit ou les grèves de routiers
pour limiter les périodes sans sommeil.
Pour des questions d'insécurité,
la SNCF vient de décider 344 la suppression des arrêts
en pleine nuit. Suite aux attaques répétées de convois à l'arme de guerre, les convoyeurs de
fonds réclament une réévaluation de leurs salaires et la suppression du travail de nuit.
Les étudiants en médecine manifestent pour une meilleure rémunération des gardes de
nuit
345
. Dans un autre domaine, le projet de loi sur la chasse qui légalise la chasse de nuit dans
une vingtaine de départements français a divisé l'opinion. De nombreuses manifestations ont
eu lieu en juin 2001 pour protester contre les projets du gouvernement de réglementation des
free parties, ces fêtes technos nocturnes, gratuites et clandestines qui s'installent dans toute la
France.
4.3.9. Des tensions prévisibles
Les 35 heures vont nous pousser à utiliser le temps sur des plages plus larges. Le
développement d'une économie en continu crée des décalages avec d'autres activités
économiques y compris dans le domaine des services. Il faudra rendre possible le
déplacement des hommes et des marchandises de nuit, le dimanche ou à des heures atypiques.
342
« La grève de nuit des médecins », Dernières Nouvelles d'Alsace, 5 octobre 1996.
« Préavis de grève au centre de tri de Strasbourg », Dernières Nouvelles d'Alsace, 23 juin 1998.
344
Dépêche AFP, Paris, 27 Avril 2000
345
Dernières Nouvelles D'Alsace, 11 Mai 2000.
343
-178-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
4.3.9.1. Demande d'allongement des durées d'utilisation des services
La flexibilisation et l'individualisation du temps de travail vont moduler les
phénomènes de pointe et jouer sur une utilisation plus répartie dans le temps. Les durées
d'utilisation s'allongent surtout pour les services sociaux, commerciaux, culturels, en
soulevant de nouveaux problèmes : préserver des créneaux horaires communs demande un
effort accru de coordination. Pour les infrastructures de transport, les modifications s'exercent
autant sur la densité d'équipement que sur leur durée d'utilisation.
4.3.9.2. Surenchère lumineuse et qualité des illuminations
La conquête de la nuit par la lumière pourrait rapidement entraîner des conflits sur la
qualité des illuminations et la surenchère lumineuse. Aux avants postes de ces joutes à venir,
le sculpteur de lumière Y. KERSALE s'insurge : « C'est du vandalisme officiel. Dans le
monde entier, on est en train de dresser les mêmes grands gâteaux illuminés dans la nuit. Je
reviens de Madrid : ça y est. Il y a des lampes jaunes partout. De ce jaune d'or dont on pense
sans doute qu'il fait riche ou respectable. Les ingénieurs et quelques grandes sociétés ont fait
main basse sur la nuit346 ».
4.3.9.3 Banalisation de la nuit
La menace d'une banalisation de la nuit urbaine apparaît déjà en ombres chinoises.
« Le risque, c'est le paquet cadeau de solutions toutes faites et reproductibles » attaque
R. NARBONI, président de l'Association des Concepteurs Lumière et Eclairagistes347. La
nécessité d'envisager dès maintenant une mise en lumière bien adaptée à l'identité de la
commune est importante. «Les maires ne doivent pas oublier qu'ils engagent l'aspect visuel
de leur commune pendant plusieurs années ». Le marché est appelé à se développer et les
grandes entreprises ne s'y trompent pas. «Il faut faire dire quelque chose à la lumière»
confirme B. CHRETIEN, Directeur Général de la filiale éclairage du groupe BOUYGUES.
346
ANDRE J.-L., 1998, « Yann KERSALE : vue de nuit », Liberté Instant, Magazine d'Air Liberté, p. 36.
DELAUNAY F., 1998, « Les petites communes se mettent à la lumière », La Gazette des communes, 7 décembre 1998,
p.38.
347
-179-
4.3.9.4. Risques physiques et sociaux
L'ouverture des magasins crée une demande et permet à une population de plus en plus
importante de changer radicalement la donne de l'alternance veille-sommeil, jour-nuit,
prévient A. MUZET348. Cette offre fabrique elle-même des insomniaques. Le cercle est
vicieux et explique le recours aux somnifères et aux tranquillisants. Déphasée, toute une
population est obligée d'utiliser ces drogues pour pouvoir dormir la nuit et travailler le jour.
4.4. LES PREMIERES REACTIONS
Face à ces tensions, la société développe des stratégies de protection ou de réaction
pour reprendre le contrôle de la nuit urbaine ou restaurer celle d'avant.
4.4.1. Protection du ciel nocturne
Pour sauver ce spectacle cosmique, les astronomes se sont engagés dans une véritable
bataille. Il n'est pas question pour autant de plonger les citadins dans le noir, mais d'apporter
des améliorations à un éclairage urbain souvent mal conçu. Les astronomes préconisent
l'installation de réflecteurs et le remplacement des tubes fluorescents par des lampes à
sodium. Dans le même ordre d'idées, les experts souhaitent arrêter à 23 heures l'illumination
des bâtiments publics. A Strasbourg, la municipalité a été sensible à ces arguments en
équipant ses éclairages de réflecteurs. Des initiatives qui restent malgré tout isolées, car, en
matière d'éclairage, tout se discute au niveau local. De plus, les législations en matière de
protection du paysage ne s'appliquent pas directement au ciel.
Pourtant, à l'étranger, depuis une dizaine d'années, les astronomes sont parvenus à
sensibiliser l'opinion et les pouvoirs publics. Créée en 1988, l'Association américaine Dark
sky349 a sauvé de nombreux observatoires. L'Espagne a promulgué une loi pour préserver
l'institut d'astrophysique des Canaries.
348
349
MUZET A., 1999, Le bruit, Flammarion.
Ciel noir
-180-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Pour remédier à ce problème, un projet de Charte sur la protection du ciel nocturne
avait même été proposé à l'Unesco, en 1992350 : la voûte céleste fait désormais partie du
patrimoine mondial. Dans cette mouvance est né en France en 1994, le Centre de Protection
du Ciel Nocturne qui regroupe astronomes professionnels et amateurs qui souhaitent défendre
leurs nuits étoilées. Il est vrai que dans l'hexagone, l'état des lieux n'est guère brillant. Pour
les observatoires de Meudon, de Toulouse et de Saint-Michel de Provence, la situation est
grave. Cependant, dans certaines régions, les astronomes ont sauvé leur outil de travail. A
Grasse, le Centre d'Etudes et de Recherches Géodynamiques et Astronomiques (CERGA) a
pu influencer l'aménagement des éclairages industriels et l'observatoire de Nice a réussi à
modifier le projet d'urbanisation du Mont Vinaigrier.
L'exemple tchèque fait beaucoup rêver. En effet, le gouvernement de ce pays a adopté
une loi qui réglemente l'éclairage urbain afin de limiter les nuisances lumineuses. Au rang des
contrées qui sauvegardent la qualité de la nuit, on peut citer la Lombardie. Au Etats-Unis, les
régions à proximité d'un télescope font l'objet d'une réglementation particulière.
N'oublions cependant pas que si la fée électricité a tué la nuit, elle a également donné
naissance au couple magique « ville et nuit ». Sans nuit pas de lumières de la ville. Et quel
spectacle !
4.4.2. Arrêtés municipaux contre le bruit
Les arrêtés municipaux contre le bruit se sont multipliés ces dernières années comme à
Strasbourg. Mais le plus médiatisé a sans douté été celui de Barr en août 1998, interdisant la
circulation des deux roues après 22 heures dans cette commune du Bas-Rhin à une vingtaine
de kilomètres de Strasbourg. Les traitements du bruit proposés par C. LAMURE dans son
rapport sur les points noirs351 ne se limitent pas aux écrans acoustiques, isolations de façades
et nouveaux revêtements de chaussées silencieux. Le rapport préconise des travaux plus
ambitieux, comme les déviations routières, la limitation de vitesse à 70 km/h sur les grands
axes proches des agglomérations, voire l'instauration d'un couvre-feu nocturne pour les poids
lourds.
350
Réunion internationale d'astronomes sur les impacts défavorables de l'environnement sur l'astronomie (30 juin / 2 juillet
1992, UNESCO, Paris.
-181-
4.4.3. Retour du couvre-feu pour les mineurs
Face au développement des violences urbaines, on assiste à un durcissement des
réponses proposées et à un retour de mesures et d'un vocabulaire d'un autre âge. Il y a peu
encore, la seule évocation de « couvre-feux pour adolescents » suscitait des réactions
d'étonnement et d'irritation352dans notre pays. Aux Etats-Unis, selon un rapport du Ministère
353
américain de la Justice, un couvre-feu est appliqué dans 276 villes américaines" . Depuis
1963, l'Etat de l'Illinois a imposé un couvre-feu à Chicago en s'appuyant sur une ordonnance
municipale qui remonte à la prohibition. Les villes de Washington ou de Phœnix (Arizona)
sont également concernées. En Géorgie, on a eu recours à des méthodes encore plus
musclées : la loi a été modifiée et on ne fait plus de différence entre un mineur et un adulte354.
Ce couvre-feu n'est cependant pas respecté : non seulement 100 000 contrevenants sont
verbalisés chaque année par la police de Chicago, mais « ce couvre-feu fait tellement partie
355
des meubles que les gens ne se souviennent même plus qu'il existe
». De l'avis même de
policiers américains pourtant dopés au « zéro tolérance », « la nuit, le poste se transforme
souvent en garderie où nous surveillons les enfants qu'aucun parent ne vient jamais
chercher356 ».
Pourtant, durant l'été 1997, on a vu se multiplier les arrêtés municipaux instituant le
« couvre-feu » pour les enfants dans plusieurs villes françaises dont celle de Dreux.
Aujourd'hui, le couvre-feu apparaît pour certains comme une solution crédible aux violences
urbaines. L'arrêté pris le 7 juillet 1997, interdisait à tout enfant non accompagné de moins de
douze ans de rester dans les rues de la ville de minuit à six heures du matin. Le député-maire
de Dreux, G. HAMEL entendait « protéger l'enfant mineur des risques pouvant porter atteinte
à sa santé, sa sécurité et sa moralité357 ». Il avait été suivi par d'autres municipalités dont
Aulnay-sous-Bois, Gien, Mérindol, Méreuil et Sorgues dans le Vaucluse. Après les recours en
annulation déposés par les préfets des régions concernés, la polémique a enflé. On se rappelle
la réaction de la Ligue des Droits de l'Homme qui avait qualifié l'arrêté de Dreux de
« proprement scandaleux ». « Après la chasse aux mendiants, la chasse aux enfants serait
351
LAMURE C., 1998, La résorption des points noirs du bruit routier et ferroviaire, Rapport au Ministère de l'aménagement
du territoire et de l'environnement, Conseil général des Ponts et Chaussées, 46 p.
352
GWIAZDZINSKI L. 1996, « Nocturnes urbaines » Saisons d'Alsace n°131, pp. 90-96.
353
BODY-GENDROT S., 1998, Les villes face à l'insécurité, des ghettos américains aux banlieues françaises, Bayard
Editions, Paris, p. 71.
354
« Les enfants sauvages, une enquête sur la criminalité aux Etats-Unis », Le Figaro, 8 décembre 1994.
355
The Economist, 5 mars 1994.
356
GWIAZDZINSKI L., 2000, « La nuit américaine », Revue d'études anglophones Sources, Centre d'étude et de la
recherche sur la culture européenne, Université d'Orléans
-182-
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
donc ouverte ». « Au nom de quoi le maire de Dreux croit-il pouvoir instaurer ce couvre-feu
et mettre en cause la liberté d'aller et de venir des enfants » s'interrogeait l'organisation.
Interrogés par l'IFOP en juillet 1997, une large majorité de français (81 %) «approuvait
plutôt » la décision de certains maires d'interdire aux enfants non accompagnés de circuler
dans les rues après minuit358. 92 % estimaient cependant que c'était aux parents et non à la
municipalité de veiller à ce que les enfants ne circulent pas seuls la nuit dans la rue. ».
Recalées par le Conseil d'Etat car « de nature à compromettre l'exercice des libertés
publiques ou individuelles », ces mesures n'ont pourtant pas été reléguées aux oubliettes. En
2001, la municipalité d'Orléans a décrété un nouveau couvre-feu pour les mineurs de moins
de treize ans entre 23 heures et 6 heures du matin. Cette fois, l'appel du Préfet du Loiret a été
rejeté. Cette fois, le Conseil d'Etat a validé la décision du tribunal administratif de la ville et
légitimé la décision du maire sous prétexte qu'il s'agissait d'une mesure temporaire qui ne
s'appliquait qu'à certains « quartiers sensibles » identifiés dans le Contrat Local de Sécurité.
Cannes, Colombes, Nice, Aulnay-sous-Bois et au total dix-sept villes ont emboîté le pas.
Après les élections municipales où le thème fut largement utilisé, l'obsession sécuritaire a
gagné les plus hauts personnages de l'Etat qui cherchent des réponses aux «peurs des
français ». En cette période préélectorale, la contagion opportuniste guette et les mesures
gadgets sont à la mode. Le RPF s'est engouffré dans la brèche, à l'image du maire de
Colombes
déclarant : « les sorties nocturnes,
les fréquentations douteuses
amènent
insensiblement et trop souvent nos enfants vers les chemins de la délinquance. Il convient de
les protéger de ces dérives ». Dans plusieurs villes, des élus RPR et DL d'opposition
réclament de telles mesures et le mouvement néo-gaulliste a inscrit le couvre-feu à son
programme de 2002. La « gauche » semble prête à s'aligner, de telles dispositions n'effraient
plus.
Par ailleurs, on imagine les difficultés d'application d'une mesure qui a quatre
limites
: une première spatiale et trois limites temporelles, celle de l'âge des mineurs
concernés, celle de la nuit et celle de la saison. L'interdiction ne s'applique en effet que dans
trois quartiers dits sensibles et ne concerne que les enfants de moins de treize ans entre 23
heures et 6 heures du matin, du 15 juin au 15 septembre. Un bien drôle d'hommage au rapport
357
Le Monde, 21 juillet 1997.
Sondage réalisé le 25 juillet 1997 par téléphone auprès de 1003 personnes de plus de quinze ans selon la méthode des
quotas, « La précarité économique fragilise l'autorité parentale », Le Monde, 29 juillet 1997.
359
AGHINA B., GANNARD J., GWIAZDZINSKI L., 2001, «La République, une et indivisible de jour comme de nuit »,
Lien Social n°586, p. 10
358
-183-
du Député-maire de Rennes E. Hervé sur Les temps de la ville. On sourit en imaginant les
jeunes dépassant les limites. Limite d'âge d'abord. Après quatorze ans, bonjour la nuit. Limite
de la nuit. Avant 23 heures, tout est possible et après 6 heures tout le redevient. Limite de
zone faisant la nique aux policiers à quelques centimètres de la zone sensible. Ils pourront
toujours aller se promener au centre-ville où comme chacun le sait, ils ne risquent et ne
peuvent rien. Limite de saison enfin puisque les mesures prennent fin à l'automne.
En attendant, aucune force de police ne pourra empêcher les jeunes mineurs de
circuler avec leurs grands frères. Le mimétisme des aînés sur ces jeunes « protégés » n'en sera
que plus fort et la culture de la transgression pourra s'épanouir.
Un bilan provisoire effectué à la fin de l'été 2002360 sur les 14 municipalités françaises
qui s'étaient lancées dans l'aventure a fait état d'une quinzaine de reconduite de mineurs à
leur domicile.
360
Journal du 20h00, France 2, octobre 2001
-184-
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Conclusion
Face à ces mutations, face aux logiques contradictoires qui s'affrontent, la nuit urbaine
est devenue un champ de bataille, de conciliation ou d'expériences.
•
Enjeux sociologiques : Comment l'individu, va-t-il maîtriser, apprendre à
maîtriser, en même temps ces complexités sources de liberté et d'aliénation ? Comment les
membres d'un groupe familial vont-ils tirer profit du nouvel ordre temporel aléatoire ?
Comment les hommes et les femmes en tant que membres d'une communauté de citoyens
vont-ils inverser la tendance à la dilution du lien social qui risque d'accompagner
l'autonomisation de la personne ?
•
Enjeux politiques : Le problème du lien social, du lien fédératif ou du lien de
citoyenneté relève tout autant du politique, de la vie de la cité, de la responsabilité des élus. Il
en va de même de l'accessibilité aux services publics et privés, de la qualité de la vie
quotidienne des citoyens, de leur sécurité.
•
Enjeux méthodologiques : Si l'on veut tenter de maîtriser ces nouvelles
temporalités individuelles et collectives, les questions s'amoncellent. A quelle échelle ? Qui
peut prendre l'initiative ? A partir de quelle grille d'analyse, de quelles représentations du
temps doit-on partir ? Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Il est encore difficile de dire où s'arrêtera le glissement. On peut se demander si
l'évolution des modes de vie va accroître notre désir d'appropriation de l'espace nocturne.
Cependant, si l'on retient l'hypothèse que les villes changent au moins autant spatialement que
temporellement, il faut se donner des moyens nouveaux pour prévoir, projeter, maîtriser ou
aménager leur nouvelle transformation de jour comme de nuit.
Nous devons explorer la dimension nocturne de la ville, afin de dépasser les idées
reçues et anticiper les conflits.
-185-
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Chapitre 5. DES INVESTIGATIONS NECESSAIRES
Les évolutions actuelles et à venir nous poussent à mettre en place les conditions
d'investigation permettant de mieux comprendre la ville la nuit dans un contexte mouvant.
Une réflexion sur la ville la nuit ne peut être séparée d'une réflexion sur la ville
contemporaine et ses nouvelles temporalités. Nous aborderons successivement :
Le cadre conceptuel flou de la ville contemporaine qui s'étale dans l'espace avec des
frontières spatiales de plus en plus floues ;
Les temporalités complexes, de nos cités polychrones qui s'étalent dans le temps et où
l'activité économique grignote et colonise les derniers temps-morts du week-end, des
vacances et de la nuit.
5.1. LE CONTEXTE NOUVEAU DE LA VILLE CONTEMPORAINE
Nous entrons dans « le temps des villes » et nous n'y sommes guère préparés.
5.1.1. Le règne de l'urbain
« Nous ne pourrons jamais expliquer ou justifier la ville. La ville est là. Elle est notre
o/-1
espace et nous n'en avons pas d'autre », avait prévenu G. PEREC
. A l'horizon des années
2000, c'est pour l'être humain sur la terre, d'abord et avant tout, le monde urbain qui se
profile 362 . Une question célèbre de L. MUMFORD
résume toute l'ambiguïté de ce
mouvement : « La ville disparaîtra-t-elle ou bien le monde entier ne deviendra-t-il pas un
ensemble urbanisé, ce qui serait pour la ville une autre façon de disparaître ? ». A quelques
361
362
363
PEREC G., 1974, Espèces d'espaces, Galilée, p. 85.
RACINE J.B., 1993, La ville entre Dieu et les hommes, Anthropos, 354 p.
MUMFORD L., 1964, La cité à travers l'histoire, Collection Esprit, Seuil, 781 p.
-187-
années d'intervalle, F. CHOAY évoquant « le règne de l'urbain et la mort de la ville364 » nous
invitait à admettre, sans états d'âmes, la disparition de la ville traditionnelle et à nous
interroger sur ce qui l'a remplacé, c'est-à-dire sur la nature de l'urbanisation et sur la nonville qui semble être devenue le destin des sociétés occidentales avancées. J.-B. RACINE
trouve exagérée la position de chercheurs tel que P. CHOMBARD de LAUWE qui nous
annonce l'avènement de « nécropolis » et de « la fin des villes », oubliant « que la ville, dans
ses formes et significations est toujours l'expression de l'usage que nous avons fait ou pu
faire de notre liberté365 ». Pour H. REYMOND366, « notre époque n'est pas celle de la fin des
villes : nous sommes bien au contraire au début de leur histoire comme de la nôtre. En un
mot, il ne s'agit pas de mort, mais d'accouchements, de naissances après de longues
gestations rurales, marchandes, citadines et surtout partout conflictuelles ».
5.1.2. Rôle politique et économique renforcé
L'avenir de l'humanité semble devoir se confondre avec celui de la ville. Aujourd'hui
40 % de la population mondiale est urbaine contre moins de 30 % en 1950 et 16 % en 1900.
En France, plus de 80 % des habitants vivent déjà dans des communes de plus de 2000
habitants. Ils seront bientôt 90 % sur moins de 10 % du territoire. La croissance de la capitale
a repris. La fameuse opposition entre « Paris et le désert français » dénoncée par J.-F.
GRAVIER en 1947 est à nouveau d'actualité : l/5e des français vit désormais sur l/50e du
territoire ; l'agglomération parisienne est plus peuplée que la Suisse, l'Autriche ou la Suède ;
elle concentre 28,3 % du PIB national, l'équivalent de celui des Pays-Bas, 80 % de celui de
l'Espagne et regroupe 60 % des centres administratifs, financiers, commerciaux et de
recherche.
Le mouvement de concentration des hommes, des activités et des richesses, dénoncé
dans le cas de Paris, semble se reproduire à l'échelle des capitales régionales dont le poids
tend à se renforcer, surtout dans les régions à majorité rurale.
364
CHOAY F., 1994, « Le règne de l'urbain et la mort de la ville », La Ville, art et architecture en Europe, Centre Georges
Pompidou, p. 26-35.
365
LAUWE (DE) C., 1982, La fin des villes, mythe ou réalité, Calmann Lévy, Paris.
366
REYMOND H., CAUVIN C., KLEINSCHMAGER R„ 1998, L'espace géographique des villes, pour une synergie
multistrates, Anthropos, Paris, 557 p.
-188-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Pour P. VELTZ367, les évolutions actuelles n'ont fait que renforcer ces fonctions et ces
situations. Face à l'incertitude qui résulte de l'accélération des vitesses de communication et
de la flexibilité des processus de production, l'amélioration de la productivité des acteurs
économiques réside maintenant dans leur capacité d'organisation, de communication et de
coopération. Les villes sont redevenues des acteurs politiques et économiques de première
importance :
•
les métropoles, du fait du nouveau type d'ancrage territorial qu'elles offrent,
peuvent jouer un rôle décisif en matière de coopération entre les acteurs et constituent des
lieux potentiels de construction d'espaces de transaction stabilisés.
•
Villes, agglomérations
ou régions urbaines qui représentent des nœuds de
communication et un maillage de flux multiples sont devenus les lieux clés du
développement. Les grandes métropoles mondiales, qui tirent à elles, une part de plus en plus
considérable du dynamisme économique sont, avant tout, des fantastiques machines de
commutation —actuelle et potentielle— des énergies, des compétences et des désirs. Selon R.
CASTRO, le besoin de ville aurait été remplacé par le désir de ville.
On peut estimer avec D. PUMAIN, que les significations données à la ville en tant que
rassemblement d'activités et de populations concentrées, se situent à deux niveaux
d'intelligibilité qui correspondent à deux échelons géographiques hiérarchisés :
•
La première signification interprète la ville comme un site qui valorise la
proximité. La justification de ce lien de proximité varie au cours du temps, d'une aire
géographique à l'autre, mais ne cesse de provoquer et de maintenir la concentration urbaine.
Que le rassemblement ait une fonction de contrôle politique, de contact culturel, d'efficacité
économique ou de reproduction sociale, il privilégie toujours cette forme d'organisation
spatiale. Aujourd'hui, la ville est le plus souvent définie comme un lieu qui permet ces
économies d'agglomération, externalités indivisibles qui conduisent les entreprises à se
rassembler pour en bénéficier
. Elle est également identifiée comme un lieu qui maximise
les interactions sociales369.
367
VELTZ P., 1996, Mondialisation, villes et territoires, PUF, 262 p.
368 AYDALOT P., 1985, Economie Régionale et Urbaine, Economica, 469 p.
369
CLAVAL P., 1981, La logique des villes, Litec, Paris.
-189-
•
Le second niveau consiste à interpréter la ville comme « la valorisation d'une
situation dans un réseau »
. La ville, véritable nœud dans un réseau hiérarchisé de relations,
se définit alors par sa position relative dans une hiérarchie complexe de fonctions productives,
sociales et territoriales s'exerçant non plus à l'échelon géographique local mais à l'échelon du
réseau. « Le réseau représente pour chaque ville un facteur très important de régulation de sa
dimension, des interactions qui régissent la localisation des activités et les migrations des
populations qui y résident, des transformations qui en modifient la composition interne sans
pour autant changer nécessairement de manière significative sa situation relative dans le
reseau 371 ».
5.1.3. Difficultés à cerner la ville
La ville contemporaine semble bien difficile à cerner tant dans l'espace que dans le
temps.
5.1.3.1. Etre sans lieux ni bornes
<•< Ne pas essayer trop tôt de trouver une définition de la ville ; c'est beaucoup trop
gros. On a toutes les chances de se tromper372 », avait encore ajouté G. PEREC, sûr de lui.
Toujours d'accord. Après de tels propos peut-on cependant chercher à esquisser le cadre et les
figures de la ville contemporaine. Les choses sont complexes. Comment cerner un être urbain
« sans lieux ni bornes ' » ?
5.1.3.2. Concepts nouveaux et mal fixés
On peut rejoindre A. PICON374 lorsqu'il déclare que les objets d'investigation
paraissent évoluer plus vite aujourd'hui que les concepts forgés pour s'en rendre compte.
C'est peut-être le cas aujourd'hui dans le champ des études urbaines : la ville contemporaine
semble se transformer plus vite que les grilles d'analyse du phénomène urbain forgées par les
370 r e y m O N D H., 1981, « L'ouverture informatique en géographie urbaine : de l'analyse multivariée socio-économique à la
simulation organique des systèmes urbains », Informatique et Sciences humaines, n°50, pp. 9-20
311
PUMAIN D. et SAINT JULIEN Th., 1978, Les dimensions du changement urbain, CNRS, Paris, 202 p.
372
PEREC G., 1974, Espèces d'espaces, Galilée, p. 85.
373
D'après le titre français de l'ouvrage de M.M. WEBBER «L'urbain sans lieux ni bornes». M.M. WEBBER, 1964,
Exploration into Urban Structure, University of Pennsylvania Press, Philadelphia.
-190-
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
chercheurs. Une partie de l'arsenal conceptuel et méthodologique à notre disposition ne sert
qu'à penser et à dire la ville d'hier. La ville d'aujourd'hui n'a plus de limites, plus guère de
centre, la densité n'est plus une valeur absolue, les vides en font partie intégrante, la vie
urbaine est mobile, les quartiers sont moribonds, l'organisation urbaine est transitoire,
éphémère, les pouvoirs multiples et éclatés375. Il y a une réelle difficulté à comprendre ces
transformations. Pourtant, les tentatives et les propositions se multiplient ces dernières années.
S. SASSEN a montré comment, sous l'effet de la globalisation de l'économie 376 ,
quelques très grandes villes, qualifiées de « villes globales 377 », émergent comme des sites
exceptionnels concentrant hommes, activités, richesses et services internationaux. Elle a mis
en évidence les contradictions de ces cités dont la croissance exceptionnelle s'accompagne de
signes de déclin et repose aussi sur une pauvreté quasi structurelle et une insécurité chronique.
En France, la figure de la « Métapole378 » développée par F. ASHER rencontre un
certain succès. Pour des auteurs comme J. VIARD, c'est de plus en plus en plus souvent,
l'image stimulante de l'archipel qui s'impose comme « une figure d'un ordre discontinu, mais
q«7Q
non sans logique
oon
». La notion de « ville éclatée » dénoncée des 1973 par A. GORZ
n'est
pas loin.
Alors que les « non-lieux » 38i de la surmodernité prolifèrent, certains s'attachent à
étudier les lieux et les temps de la mobilité comme lieux d'une nouvelle urbanité
auteurs préfèrent encore parler de « Ville-territoire »
383
. D'autres
.
H. REYMOND propose le concept d ' « Urbanisation transurfacique à synergie
multistrates384 » et nous oblige à regarder la ville comme un objet tridimensionnel : « la
374
PICON A., 1997, « Le temps du cyborg dans la ville territoire », in Les Annales de la recherche urbaine, n°77, Décembre
1997, p. 72.
375
DUPUY G., 1997, in DUBOIS G., CHALAS Y.,1997, La ville émergente, Editions de l'Aube, postface.
376
REICH R„ 1991, The World of Nations. Preparing Ourselves for XXIst Century Capitalism, New-York, A. Knopf. Trad.
franç. L'économie mondialisée, Dunod, 1993.
377
SASSEN Saskia, 1991, The Global City, Princeton University Press. Trad. franç. La ville globale, Descartes et Cie, 1996,
531 p.
378
ASCHER F., 1995, Métapolis ou l'avenir des villes, Odile Jacob, Paris, 346 p.
379
VIARD J., 1994, La société d'archipel ou les territoires du village global, Editions de l'aube, 127 p.
380 G Q R Z
1973, L'idéologie sociale de la bagnole, rééd. Ecologie et politique, seuil, 1978.
381
Selon l'expression de Michel de CERTEAU reprise par Marc AUGE, 1992, Non-lieux, introduction à une anthropologie
de la sur modernité, Editions du Seuil, 150 p.
382
BELLANGER F., MARZLOFF B„ 1996, Transit, les lieux et les temps de la mobilité, Editions de l'Aube, La Tour
d'Aiguës, 313 p.
383
PICON A., 1997, Le temps du cyborg dans la ville territoire, op.cit., p. 72.
384
REYMOND H., CAUVIN C., KLEINSCHMAGER R„ 1998, L'espace géographique des villes, pour une synergie
multistrates, Anthropos, Paris, 557 p.
-191-
coalescence uniquement surfacique est devenue insuffisante ; il est nécessaire d'envisager un
monde où le regard géographique considère ce qui peut être fait au-dessus et au-dessous de la
surface, en utilisant explicitement et concrètement les pré-individuations techniques,
latentes ».
Les nouvelles figures de la « Ville émergente385 », évoquée dès 1979 par J. MAYOUX
386
387
dans un rapport officiel au gouvernement" , sont nombreuses. Y. CHALAS
en a retenu six
principales : la « ville mobile », la « ville-territoire », la « ville-nature », la « ville
polycentrique », la « ville au choix », et la « ville-vide ». Elles prendraient le relais des
anciennes figures, celles de la ville d'hier qui avait pour nom : la ville de l'harmonie, la ville
de l'unité, la ville minérale, la ville dense, la ville centre, la ville de la forme aux contours nets
et au centre de gravité stable.
•—Le concept de « ville-mobile » renvoie au fait que la relation à l'autre du seul fait
de sa présence, de sa proximité cède du terrain au profit d'une autre sociabilité davantage
tournée vers l'élaboration d'affinités électives dispersées sur un territoire toujours plus étendu.
Dans la ville mobile se développent une nouvelle sorte d'espace urbain que l'on peut appeler
espace-transport : les automobiles, les autoroutes, les parkings, les arrêts d'autoroutes, les
arrêts d'autobus, les trains, les gares ou les aéroports.
•
Le concept de « ville-territoire » renvoie au fait que le lieu de la ville n'est plus
seulement la ville, ce peut-être la campagne. La ville selon cette acception est une réalité à
l'échelle de l'espace-temps du quotidien. Le flux devient mode d'habiter et la séparation entre
ville et transport, lieu et circulation, immobile et mobile, compact et fluide n'a plus lieu d'être.
•
La « ville-nature » signifie en premier lieu que la nature et la campagne est et fait
ville aujourd'hui et, par conséquent, que la nature et la ville, ou que la campagne et la ville, ne
s'opposent plus. C'est la ville dans la nature ou la ville à la campagne ; une double dynamique
d'urbanisation de la nature et de ruralisation de la ville.
•
La « ville polycentrique » voit ses centres anciens se maintenir à côté de
centralités nouvelles qui émergent, liées à la consommation (zones commerciales), aux
385
CHALAS Y., 1997, « Les figures de la ville émergente » in CHALAS Y., DUBOIS TAINE G. (dir.), La ville émergente,
Les Editions de l'aube, p. 239-270.
386
MAYOUX J., 1979, Demain la ville, Rapport officiel au gouvernement, La Documentation française.
-192-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
transports(complexes d'échanges urbains), au travail (zones d'activités), aux loisirs (parcs,
mégaplexes cinématographiques) ou aux centres verts.
•
La « ville au choix » c'est la ville que l'on pratique comme une carte routière, qui
offre des combinaisons infinies de cheminements imprévus et de lieux potentiels ou s'arrêter.
Cela signifie d'une part ne pas ou ne plus s'ancrer territorialement, et d'autre part cela veut dire
aussi ne pas se soumettre au hasard en tant que seule règle qui décide de la bonne ou de la
mauvaise qualité de son entourage.
•
La « ville-vide », c'est la ville de la discontinuité, la ville des ruptures, la ville
disparate, désunifiée qu'Y. CHALAS qualifie également de ville éphémère, à jamais
inachevée.
A sa façon, J. GRACQ avait déjà percé le mystère et les contradictions de la ville :
« Ce qui fait de la ville un milieu sous tension, ce n'est pas tellement la concentration de
l'habitat, l'état de friction latente et continuelle qui électrise les rapports, la multiplicité des
possibles ouverts à l'existence individuelle, c'est pour moi bien davantage l'antagonisme qui y
règne entre un système de pentes naturellement centrifuges, qui toutes mènent le noyau urbain
vers son émiettement périphérique, et, en regard, la puissante astreinte centrale qui les
contrebalance, et qui maintient la cohésion de la cité388 ».
Le destin de nos villes est travaillé par ce double mouvement de globalisation et de
fragmentation. Etalement et centralisation, diffusion et métropolisation marchent ensemble,
quand bien même notre esprit parvient mal à associer ce qu'il croit être des contraires
contrariants résume B. PREEL389.
Nous avons exprimé le même avis à propos des territoires en montrant que les deux
phénomènes « mondialisation de l'économie » et « développement des territoires » n'étaient
pas antinomiques mais participaient d'un même mouvement390.
387
CHALAS Y., 1997, « Les figures de la ville émergente », op.cit., p. 242
GRACQ J. 1985, La forme d'une ville, Paris, José Corti
389
PREEL B., 1994, La ville à venir, Descartes et Cie, p. 49
3lJ
" KAHN R., GWIAZDZINSKI L., 1994, «Mondialisation de l'économie et développement des territoires, relecture d'un
paradoxe apparent », in Inter-Régions n°179, p. 14-20
388
-193-
La question est peut-être de savoir où se situe la ville la nuit dans ces nouvelles figures
qui ne s'excluent nullement les unes des autres.
5.2. UNE APPROCHE NOUVELLE : LES TEMPORALITES URBAINES
S'intéresser à la ville la nuit, c'est poser explicitement la question des relations de la
ville et du temps. On a vu combien était complexe l'approche de la ville et de l'espace urbain.
Le temps n'est pas une dimension plus facile à aborder. Les interrogations de SAINT
AUGUSTIN dans le livre XI de ses Confessions invitent à la modestie : « Qu'est-ce que le
temps ? Si personne ne me le demande, je le sais, mais si on me le demande et que je veuille
l'expliquer, je ne sais plus391 ». D'après M. SERRES, « ce que nous savons du temps, nous le
tenons du corps et des choses en elles-mêmes ; de la naissance et de la mort, des semailles et
des moissons, du travail, du vieillissement, de la fatigue et de l'usure, de la consommation et
des ordures, des astres qui passent au-dessus de nous592 ». L'interrogation est pourtant riche
de promesses. En examinant les problèmes relatifs au temps, on apprend sur les hommes et
sur soi-même bien des choses qu'on ne saisissait pas clairement auparavant393.
S'il est assez banal d'évoquer les relations espace-temps de façon philosophique ou
par rapport à la physique, les approches urbaines en terme d'espace-temps sont beaucoup plus
rares. Pourtant, le temps de la ville devient un champ de bataille, de conciliation et
d'expériences de logiques temporelles multiples394.
5.2.1. Difficultés d'une réflexion dans l'espace et le temps
L'espace est, par nature, temporel, et le temps spatial, puisque tous les deux constituent
les supports de notre vie sociale estime A. S. BAILLY395. K. LYNCH 396 n'écrivit-il pas ce
livre au titre évocateur What time in this place, tout comme M. PROUST, dans sa Recherche
du temps perdu, parle de la distance en tant que rapport espace-temps.
391
Confessions, XI, 14
SERRES M. et alii, 1981, Sur l'aménagement du temps, Denoël-Gonthier, Paris
393
ELIAS N., 1984, Uber due Zeit, trad. franç. Du temps, 1996, Editions Fayard, Paris, 223 p.
394
DOMMERGUES P., 1998, Les politiques du temps dans les territoires, op.cit.
395
BAILLY A., 1995, « La chronogéographie », in BAILLY A., Les concepts de la géographie humaine, Masson, Paris, pp.
173-176.
396
LYNCH K., 1972, What time in this place ?, MIT Press, Cambridge.
392
-194-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
5.2.1.1. Des concepts relatifs
Le temps est une dimension essentielle de notre existence. Les concepts d'espace et de
temps font partie des instruments d'orientation primordiaux de notre tradition sociale. Il n'est
pas nécessaire ici de retracer l'histoire de l'unification conceptuelle du « temps » et de
« l'espace » qui culmine chez E. MINKOWSKI et chez A. EINSTEIN dans la notion d'un
continuum quadrimensionnel. En bref, tout changement dans le temps est un changement dans
l'espace et tout changement dans l'espace implique un changement dans le temps. Déterminer
des relations positionnelles entre des événements qui se produisent successivement et
s'insèrent dans une série évolutive continue, sans pour autant les ramener conceptuellement à
des relations entre des positions statiques, représente une tâche beaucoup plus difficile.
L'univers dans lequel les hommes habitent et dont ils constituent une partie se meut et se
modifie incessamment. Pour rendre compte de notre acceptation conceptuelle de « l'espace et
du « temps » comme grandeurs distinctes et donc séparées, N. ELIAS
propose de s'exprimer
ainsi :
Ce que nous appelons « espace » se rapporte à des relations positionnelles entre des
événements mobiles que l'on cherche à déterminer en faisant abstraction de leurs
mouvements et changements effectifs ;
-
Le « temps » au contraire, se rapporte à des relations positionnelles à l'intérieur d'un
continuum évolutif que l'on cherche à déterminer sans faire abstraction de leurs
mouvements et changements continuels.
5.2.1.2. Des bouleversements
Pourtant, les nouvelles technologies et les contraintes de rentabilité et de productivité
ont bouleversé nos échelles temporelles. « Temps de crise ou bien crise du temps »,
s interroge
J. CHESNEAUX398. Il nous faut réapprendre à « habiter le temps » selon la belle
expression de feu J.-M. DJIBAOU. Et c'est à l'échelle de la ville qu'a toutes les chances de
s'organiser cet apprentissage.
397
398
ELIAS N., 1984, Uber due Zeit, trad. franç. Du temps, 1996, Editions Fayard, Paris, 223 p.
CHESNAUX J., 1996, Habiter le temps, Bayard Editions, p. 67.
-195-
5.2.1.3. Un champ de recherche encore peu balisé
Cette dimension temporelle qui constitue un élément essentiel de la dynamique
urbaine et renvoie au sujet, à la conception qu'il véhicule, à son vécu, à ses aspirations a
longtemps été oubliée. La ville moderne semble en mauvais terme avec la durée399 et les
approches urbaines en terme d'espace-temps sont rares. D'après J.-Y. BOULIN
, les
recherches sur le temps urbain ne sont guère avancées en Europe. Quand elles existent, « elles
demeurent circonscrites à leur propre objet dans une perspective mono-disciplinaire : le temps
de travail, le temps de loisir, le temps de la famille, le temps de l'éducation, etc. ». Jusqu'à ces
toutes dernières années, la recherche urbaine quand elle s'est intéressée aux temporalités
urbaines, a plutôt privilégié l'analyse des modalités de la formalisation du changement urbain,
le temps long du devenir de la ville, au détriment d'une approche qui aurait visé à « fournir
les éléments d'une typologie susceptible d'ordonner la diversité des temps sociaux urbains et
leur combinaison401 » et qui aurait englobé le quotidien. Pourtant, d'après G. DUPUY,
« L'espace pertinent n'est plus un espace continu des modèles géographiques classiques mais
une topologie complexe d'espaces discontinus, disjoints, de connexions réalisant des
combinaisons spatio-temporelles inédites 402 ». D'après G. GURVTTCH, «la vie sociale
s'écoule dans des temps multiples, toujours divergents, souvent contradictoires, et dont
l'unification relative, liée à une hiérarchisation souvent précaire, représente un problème pour
toute société 403 ». La ville est aussi une combinaison de lieux, de mouvements et de temps
difficiles à appréhender.
5.2.1.4. Les formes d'une pulsation urbaine
Nos métropoles se transforment en fonction du temps. Elles respirent : elles se dilatent
et se contractent comme de véritables organismes vivants. Dans la même journée, elles
attirent puis expulsent hommes et femmes venus pour leur travail, leurs études, leurs achats
ou leurs loisirs. Cette gigantesque pulsation aboutit à l'engorgement quotidien des entrées et
sorties d'agglomérations. G.P. CHAPMAN
404
a bien illustré ce phénomène cyclique et ses
conséquences spatiales : « quand la ville fonctionne pendant le jour, les banlieues se trouvent
sans vie et quand les banlieues se remplissent à nouveau, le reste de la ville à son tour, ne
399
CHESNAUX J. 1996, op.cit.
BOULIN J.-Y. 1998, « Une ville à temps négocié » in Les Annales de la recherche urbaine n°77, pp. 15-21.
41,1
LEPETIT B., PUMAIN D„ 1993, Temporalités urbaines, Anthropos, collection Villes, 316 p.
402
DUPUY G., 1995, Les territoires de l'automobile, Paris, Anthropos, collection Villes.
403
GURVITCH G., 1963, La vocation actuelle de la sociologie, Tome second (Antécédents et perspectives), PUF.
400
-196-
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
fonctionne plus ». L'approche de la ville comme «un objet technique, tridiastasique, compris
dans les limites nycthémérales, permises par l'heure de transport vers le centre-ville au pas de
cheval ou de piéton de jadis, à celle autorisée maintenant par les infrastructures
automobiles405 » est riche de promesses.
Si les physiciens modernes admettent aujourd'hui que chaque chose crée son propre
espace, ils savent également que chaque chose crée son propre temps. La ville n'échappe pas à
la règle avec son espace et ses rythmes particuliers. Elle n'est pas une entité
unidimensionnelle et figée. Elle évolue dans le temps et dans l'espace selon des rythmes
quotidiens, hebdomadaires, mensuels, saisonniers, séculaires et d'événements ou d'accidents.
Les horaires et les calendriers d'activité donnent le tempo, règlent l'occupation de l'espace et
dessinent les limites de nos territoires vécus, maîtrisés ou aliénés. Si la matérialité urbaine,
cette carapace artificielle de l'homme constituée par les bâtiments, évolue lentement, des
populations s'y succèdent selon des rythmes et des temporalités diverses souvent difficiles à
articuler. Certains espaces s'animent, d'autres s'éteignent, certains se vident alors que d'autres
s'emplissent, certains ouvrent alors que d'autres fonctionnent en continu. Dans la même
journée, les villes attirent puis expulsent les hommes et les femmes venus pour leur travail,
leurs études, leurs achats ou leurs loisirs406. A l'échelle hebdomadaire, le calme dominical fait
souvent regretter l'animation des jours de semaine mais permet aussi de récupérer des
« fièvres du samedi soir ». En juin, les touristes qui envahissent certains lieux annoncent la
période estivale pendant laquelle de nombreux habitants auront déserté la ville. Peu de
personnes échappent à la frénésie d'achats de la rentrée. En fin d'année, nombreux sont ceux
qui ouvrent des yeux d'enfants vers les illuminations de Noël des centres-villes. Les jours
froids d'hiver, les rues désertes contrastent avec le souvenir rassurant de la foule qui
s'agglutine sur les terrasses dès les premiers rayons de soleil du printemps. On rit parfois des
photos jaunies de notre enfance qui nous rappellent que les modes évoluent et que même les
plus grands bâtiments ne sont pas éternels. Au détour d'un livre d'histoire, les ruines d'une
cité jadis prospère prouvent que le temps a parfois raison de l'existence même des plus
grandes villes. Limiter l'étude, l'aménagement et la gestion de nos agglomérations à ses
dimensions spatiales est réducteur.
404
CHAPMAN G.P., 1977, Human and environmental Systems, a Geographer's Appraisal. Academic Press.
REYMOND H., CAUVIN C., KLEINSCHMAGER R. (dir.), 1998, L'espace géographique des villes, pour une synergie
multistrates, op.cit.
406
GWIAZDZINSKI L, 2000, « La nuit, dernière frontière », Revue Les annales de la recherche urbaine n° 87, pp. 81-89,
septembre 2000
405
-197-
5.2.2. Les pionniers de la géographie du temps
Le terme de « chronogéographie407 » est un néologisme employé depuis une dizaine
d'années pour décrire la branche de la géographie qui se consacre à l'analyse des pratiques
spatiales dans le temps. Il a progressivement remplacé « géographie du temps », qui traitait
des études sur la succession des activités dans la chronologie du calendrier (heures, jours...)
sans insister sur les autres facettes de cette notion temporelle si complexe.
5.2.2.1. Un thème nouveau pour les géographes
Ce n'est que récemment que la notion de temps est devenue un thème important de la
réflexion géographique. A. BAILLY estime que cet oubli est le fait qu'un « temps
cyclique »408, le « temps météorologique »409 celui du calendrier des activités agricoles
semblait suffisant à l'explication des modes de vie. Et pourtant, les conceptions du temps
constituent l'une des causes majeures de l'évolution de nos sociétés. Entre le «temps
théologique»470 de la Bible, linéaire, infini, puisqu'il est dirigé par Dieu et le « temps
cosmique477 » (absolu de NEWTON) marqué par le rythme de l'horloge, existe une rupture
profonde, celle de la prise de conscience du prix du temps. En découvrant le prix du temps,
les marchands mettaient en lumière la notion de durée et redécouvraient une autre notion clé,
celle de la discontinuité du temps. L'unité de la période de travail devient la journée, par
référence au lever et au coucher du soleil, puis progressivement se modifie en fonction du
« temps social »412, celui des règles et conventions sociales : le travail peut se prolonger la
nuit, les périodes de vacances être dissociées des saisons.
5.2.2.2. Les time-geographers
Les pionniers de la Time Geography en Suède ont constitué la vie quotidienne en
enjeu des politiques sociales à partir d'une démarche qui articule de façon étroite le temps et
407
Courant de recherche géographique qui s'attache à la compréhension des processus spatiaux dans le temps pour expliquer
les genres de vie d'après BAILLY A., 1995, «La chronogéographie », in BAILLY A., Les concepts de la géographie
humaine, Masson, Paris, p. 173.
4(18
temps formé de séquences de temps répétitifs.
4(19
temps lié au rythme des saisons et du jour et de la nuit.
410
temps qui, suivant la conception de l'Eglise appartient à Dieu.
411
temps absolu du calendrier qui correspond à une succession de moments sur un continuum infini. Il se découpe en trois
segments successifs : le passé, le présent et le futur.
412
temps conventionnel des sociétés.
-198-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
l'espace. L'un d'entre eux, T. HÀGERSTRAND413, a porté son analyse sur les budgets
espace-temps (enregistrement des déplacements dans l'espace d'une personne à une période
donnée). Cette conception, axée sur le temps cosmique, permet à un moment (t) de situer une
action (z) dans un espace à deux dimensions (x et y). Pour cette vision géographique, à
l'idéologie néo-positiviste, l'enregistrement détaillé des événements (tl...tn) parcourus par un
individu au cours d'une période donnée (jour, semaine,...) permet de comprendre sa
localisation, ses déplacements, le commencement, la fin de l'action, la fréquence de l'action
(mode de répétition temporel et spatial), sa place parmi les séquences et les types d'activités.
L'horizon de déplacement414 des hommes dans la ville est donc un horizon limité et
leurs trajectoires sont soumises à plusieurs types de contraintes :
•
Les déplacements sont limités par un « budget espace-temps ». Dans le volume de
T. HÀGERSTRAND, chacun dispose le matin, d'un prisme qui définit l'ensemble des
localisations qu'il peut atteindre dans la journée. Pour ce laps de temps donné, les
déplacements sont bornés, par les moyens de circulation que l'on peut utiliser, par les voies
qui sont ouvertes, et par le temps que l'on peut consacrer aux transports.
•
Une part importante de la journée est consacrée à des occupations qui impliquent
le contact avec autrui, si bien que les trajectoires individuelles doivent se regrouper à certains
moments. La liberté de déplacement est donc limitée par celle des autres : les points de
rencontres impliquent une entente avec les partenaires, un certain ordre consenti par tous ou
imposé par quelques-uns.
•
Les choix qui déterminent l'inflexion des trajectoires individuelles sont faits dans
un espace imparfaitement connu.
•
L'espace n'est pas également accessible : il existe des domaines où l'on peut
stationner ou circuler, d'autres dont l'accès est limité par le prix à acquitter, d'autres enfin qui
sont interdits.
413
HÀGERSTRAND T., 1973, «The domain of human geography », in CHORLEY R. (éd.), Directions in Human
Geography, Methuen, Londres.
414
ensemble des déplacements d'un individus (HÀGERSTRAND, 1973).
-199-
D'autres
auteurs suédois ont poursuivi le travail comme T.
CARLSTEIN,
D. N. PARKES, N. THRIFT415 ou B. LENNTORP416. Cette approche a fortement influencé
les études féministes suédoises et les expérimentations menées en Italie.
5.2.2.3. D'autres notions d'espace-temps en géographie
Ce type d'approche événementiel, se différencie de celui de la géographie radicale, où
le temps pénètre l'analyse par le biais d'études diachroniques mettant en évidence les modes
de production et de reproductions sociales dans le temps long. Enfin, pour la géographie des
représentations, c'est à la fois la durée et le temps long qui sont privilégiés. Certains auteurs
comme A.FREMONT 417 s'attachent à l'évolution des mentalités qui ne se laissent saisir que
dans le temps social long.
D'autres géographes comme A. BAILLY418, privilégiant les analyses individuelles
(imicro-géographie), insistent par le biais d'enquêtes sur le rôle de la durée ; durée perçue lors
d'un déplacement et son influence sur la mobilité, valorisations de certains moments, rôle de
la perception de la durée dans la vie quotidienne. Ces différentes conceptions, montrant la
complexité et la variété des réflexions, sont résumées dans un tableau proposé par A.
BAILLY et H. BEGUIN 419 (Figure 1.17 - les notions d'espace-temps en géographie).
Figure 1.17 — les notions d'espace-temps en géographie
Type de géographie
Géographie néopositiviste
Principaux espaces étudiés Espace géo-économique
Principaux thèmes étudiés Géo-métrique des
localisations et budgets
espaces-temps
Temps cosmique saisi en
Incorporation de la
terme de taux
dimension temporelle
d'actualisation, de cycles
et de coût énergétique
Géographie radicale
Géographie
comp o rtementale
Espaces matériels
Espace vécu
Rapports sociaux et enjeux Espace perçu et
valorisation des individus
spatiaux
Temps longs des luttes des
classes sociales : étude des
modes de production et de
reproduction
Temps social long et
durée : temps long de
l'évolution des mentalités,
psychologie de la
perception temporelle
Sources : BAILLY A., BEGUIN H, 1995, Introduction à la géographie humaine, Masson, Paris.
415
CARLSTEIN T., PARKES D., THRIFT N., 1978, Tirning space ancl spacing time, Edward Arnold Publishing.
LENNTORP B., 1997,«The orchestration of city life» Contribution au séminaire international Etat des recherches et
expérimentations relatives à l'organisation du temps des villes, Université Paris-Dauphine, 17-18 octobre 1997.
417
FREMONT A. 1976, La région, espace vécu, PUF, Paris.
418
BAILLY A. 1977, La perception de l'espace urbain, CRU, Paris.
4I J
' BAILLY A., BEGUIN H, 1995, Introduction à la géographie humaine, Masson, Paris.
416
-200-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
5.2.2.4. Les premières expériences françaises des années 70
Les ajustements possibles entre temps et espace concerne autant les chercheurs que les
techniciens et édiles des collectivités. Prévoir l'espace pour l'avenir est au centre de l'intérêt de
nombreux aménageurs : soit on peut envisager d'aménager l'espace pour mieux utiliser le
temps, soit d'aménager le temps pour exercer un effet sur l'occupation de l'espace :
•
La première démarche, la plus classique, consiste à modifier l'espace en espérant
un effet temporel peut s'illustrer par la mise en place du réseau TGV qui réduit le temps
d'accès entre villes et redessine les cartes de l'Europe.
•
La seconde démarche aménage le temps en espérant un effet sur l'espace. Ce sont
les horaires et les calendriers d'activité qui battent le rythme de nos villes et règlent
l'occupation de l'espace urbain.
Il peut suffire de déplacer de quelques minutes les sorties d'une usine pour éviter les
encombrements, étaler les périodes de vacances pour éviter la cohue dans certains espace
touristiques.
C'est la deuxième piste qui a été ouverte en France au cours des années 70 où
l'aménagement du temps a été une des préoccupations importantes du gouvernement420. La
création d'une Mission pour l'Aménagement du Temps au sein du Ministère de la Qualité de
la Vie et plusieurs actions menées depuis prouvent l'intérêt que l'Etat portait en France à
l'Aménagement du temps.
En 1976, les premières assises du CNPF avaient pour thème «l'aménagement du
temps de travail» et en 1977, les premières rencontres européennes du cadre de vie, ont
consacré une journée à l'étude des « rythmes de la vie quotidienne». Le rapport
LABROUSSE est marqué par la volonté de l'Etat de faire passer l'aménagement du temps
dans le domaine des réalités avec des actions menées dans trois directions : l'étalement des
vacances, l'assouplissement du temps de travail et l'animation en milieu urbain.
420
GWIAZDZINSKI L., 2002. « Le nouveau mariage de l'espace et du temps », Nouveaux rythmes de travail et ville de
demain, CERTU, Direction de la Recherche et des Affaires scientifiques et techniques, pp. 3-11.
-201-
De leur côté, les municipalités avaient commencé à mettre en place des stratégies
locales. En 1976, quatorze villes françaises s'étaient engagées dans des expériences
d'aménagement du temps. Les objectifs initiaux de cette politique lancée par S. ANTOINE,
Secrétaire Général du Haut Comité de l'Environnement, avaient pour objectif de « lutter
contre les encombrements dus au trafic urbain, assurer de meilleurs services, réduire le
gaspillage notamment au niveau de l'utilisation des équipements collectifs et permettre la
convivialité au niveau de la ville421 ». Les travaux avaient permis de mettre en évidence trois
types de problèmes : l'existence de pointes, parfois très accentuées au niveau de la circulation
urbaine ; l'inadaptation aux besoins de la population des horaires de fonctionnement des
activités de services ; la sous-utilisation, souvent très importante, des équipements collectifs.
Si ces travaux pionniers ont permis la réalisation d'opérations comme «Bison futé »
ou la mise en place des horaires variables dans les administrations et les entreprises, les
expériences ne semblent pas avoir été poursuivies très loin au niveau des villes. On constate
actuellement un renouveau de l'intérêt pour cette question tant dans la recherche qu'en termes
d'expérimentation.
5.2.3. Un intérêt nouveau pour le temps
Des spécialistes de différentes disciplines s'interrogent aujourd'hui sur les liens entre
la ville et ses multiples temps. Longtemps négligée la dimension temporelle fait aujourd'hui
l'objet de recherches422 et dans de nombreuses villes européennes et les expérimentations se
développent.
5.2.3.1. Les interrogations des chercheurs
L'historien B. PETIT avait initié un programme de recherche sur les échelles
temporelles de l'urbanisme moderne et contemporain. Le Centre National de la Recherche
Scientifique (PIR-Villes) avait également engagé une exploration européenne sur les effets
attendus de la réduction du temps de travail et de l'augmentation de sa flexibilité sur les
pratiques urbaines. Certains de ces travaux ont été regroupés dans les actes d'un colloque
421
SACHS K., 1976, « Des villes pilotes pour l'aménagement du temps », in Avenir 2000, n°43, p. 15-18.
LEPETIT B., PUMAIN D. (dir.), 1993, Temporalités urbaines, Anthropos, Paris, 316 p. / OBADIA A. (dir.),
Entreprendre la ville. Nouvelles temporalités, nouveaux services. Editions de l'Aube, la Tour d'Aiguës, 461 p.
422
-202-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
récent sur « les temporalités urbaines »423. Début 1997, à la demande du PIR-Villes-CNRS, le
sociologue J.-Y. BOULIN a organisé un séminaire de recherches et d'expérimentations
sociales sur le temps des villes Etat de la recherche et des expérimentations relatives à
l'organisation du temps de la ville en Europe. Plusieurs de ces recherches ont été regroupées
dans le « Réseau d'Excellence territoriale » (EUREXCTER) qui bénéficie du soutien du
Fonds Social Européen. En 1998, le numéro spécial des Annales de la recherche urbaine424
paru sur le thème « emplois du temps », a consacré l'intérêt nouveau des chercheurs pour
cette thématique.
5.2.3.2. Les premières expériences italiennes
L'Italie est un des rares pays à avoir posé le problème de la régulation des temps
sociaux au niveau local. Cette démarche s'inscrit dans une logique d'amélioration du service
public destinée en particulier à favoriser l'autonomie des femmes. Là-bas, l'article 36 de la
Loi 142/90425 confère au Maire la compétence en matière de coordination des horaires.
Depuis la seconde moitié des années 70, l'Etat et certaines collectivités tentent de mettre en
place une véritable politique du temps.
Des « Conseils publics du temps » ou, comme à Bolsano ou Trieste, un « Bureau
Municipal du Temps » regroupant les principaux acteurs locaux (Municipalité, entreprises,
syndicats, associations d'usagers, etc.) sont mis en place afin d'améliorer la coordination des
horaires des adultes ou des horaires scolaires. Dans d'autres villes comme Modène, Bergame,
Naples ou Pessaro, des « Pactes de mobilité » sont conclus pour désynchroniser les horaires
des activités professionnelles et donc rendre ainsi l'espace automobile plus fluide. Il s'agit à
la fois de faciliter la vie des habitants et de réduire les énormes coûts de la congestion urbaine
(temps, carburant, pollution...).
Aujourd'hui de nombreux pays d'Europe s'intéressent à la question au premier rang
desquels l'Allemagne
423
OBADIA A. (coord.),1997, Entreprendre la ville. Nouvelles temporalités, nouveaux services, Editions de l'Aube.
Ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, Les Annales de la recherche urbaine n°77, Plan
Urbain, 151 p.
425
Art. 36 Loi 142/90 - Règlement des autonomies locales, alinéa 3 : Le maire est en outre compétent, dans le cadre de la
discipline régionale et sur la base des directives expresses du Conseil Municipal, à coordonner les horaires des commerces,
des services publics, ainsi que les horaires d'ouverture publique des services périphériques des Administrations publiques,
aux fins d'harmoniser le fonctionnement des services avec l'ensemble des exigences des usagers.
424
-203-
5.2.3.3. L'exemple allemand
En Allemagne, de premières réflexions ont été engagées par le DIFU (.Deutsche
Institut fur Urbanistik) sur le thème de la planification urbaine. Elles font suite à un travail de
recherche sur l'évolution des rythmes qui scandent la vie quotidienne de six métropoles
(Hambourg, Essen, Francfort, Stuttgart, Constance) mené à la fin des années 80. Il a permis
de mettre en évidence différents phénomènes. Tout d'abord, la pression qui existe pour
imposer la mise en œuvre de modifications temporelles diverses est beaucoup plus forte dans
les villes prospères que dans les villes en stagnation. Deuxième point : il faut compter à
l'intérieur des villes, sur l'accroissement d'une dualisation temporelle, une coupure entre les
groupes sociaux à fort et faible niveau de bien-être temporel, entre les secteurs économiques
aux réglementations flexibles ou rigides.
Le premier «Bureau du temps » sur le modèle italien n'a vu le jour qu'en 1997 à
Veseback, quartier de 140 000 habitants de la ville de Brème. Ses travaux s'intègrent dans un
projet global de modernisation de l'administration locale voulu par le maire de Brème.
L'agence des temps n'a pas de pouvoir de décision mais plutôt de communication et de mise
en réseau de tous les acteurs concernés sur les problèmes, les enjeux et les réponses possibles.
Il joue un rôle de médiation et de recherche de compromis pour faire émerger des projets. Des
« tables quadrangulaires » fondées sur le modèle italien rassemblant entreprises, syndicats,
municipalités et représentants de la société civile sont régulièrement réunies pour négocier ces
projets.
A Wolfsburg, une structure de communication permanente a été mise en place entre
l'entreprise (salariés/patronat), la ville et les acteurs comme les transporteurs, les populations,
les écoles et les services. Ainsi l'entreprise Volkswagen a-t-elle été en mesure d'établir un
dialogue avec son territoire et de négocier des adaptations comme la réduction du temps de
travail.
5.2.3.4. D'autres expériences européennes
Une pensée sur la ville active 24h/24 s'est développée en Angleterre au cours des
années 80 dans une logique de flexibilité et de déréglementation propre à ce pays. En 1991,
un premier rapport Out of Hours issu d'une étude sur la revitalisation des centres urbains de
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
douze villes a mis en avant la question de la vie nocturne
. La première conférence sur « la
A01
ville des vingt-quatre heures », organisée à Manchester en 1993
, a essayé de centrer
l'attention des aménageurs et des décideurs politiques sur le potentiel et les problèmes
inhérents à l'économie des villes britanniques. Elle tentait de présenter une vision holistique
de la ville et des opérations de l'économie de la nuit qui s'y déroulent. La désignation « ville
des 24 heures » est devenue un instrument de marketing séduisant pour des villes désireuses
de se réinventer elles-mêmes, de demeurer ou de devenir compétitives au niveau national,
européen ou global428. Autrefois objet d'une législation et de pratiques répressives et
restrictives, le développement d'une économie de la nuit est alors devenu un attribut clé pour
toute ville qui tente de restructurer et de régénérer son centre-ville. L'attention des décideurs
s'est alors porté sur le potentiel d'une économie de la nuit pour créer une masse critique
d'activités, un nouveau style de vie urbaine partagée par des populations d'âge divers et des
groupes sociaux variés.
La question de l'accessibilité de la ville à la diversité de ses modes de vie est posée par
«l'économie de la nuit» dans les centres urbains. Le modèle industriel qui a créé une
séparation entre l'espace public ouvert le jour et celui fermé et contrôlé la nuit freine
aujourd'hui la dérégulation des activités nocturnes. J. O'CONNOR s'interroge : « Pourquoi
avons-nous l'économie nocturne la plus excitante et pourtant la plus réglementée et la plus
contrôlée. Et qu'avons-nous à faire pour mettre en place une économie nocturne conviviale,
démocratique et ouverte pour le prochain siècle ? »
Les Pays-Bas ont inscrit l'aménagement du temps à la journée » dans les institutions
gouvernementales avec la création en 1999, d'un secrétariat d'Etat doté de compétences
transversales. Le gouvernement néerlandais a lancé une campagne d'information nationale sur
le thème général « la société néerlandaise a besoin d'un nouvel accord sur son rythme de
vie ». Les démarches temporelles font l'objet d'un programme gouvernemental Dangindeling
(Aménagement du temps journalier) de soutien financier à tous les projets favorisant la
conciliation des temps de la vie professionnelle et familiale. Comme dans d'autres pays, les
mouvements de femmes ont été à l'origine de ces évolutions qui se sont cristallisées sur le
symbole de «l'agenda» et du stress quotidien. L'année 2001 avait été déclarée «année du
426
Out of Hours, a study of économique, social and cultural life in twelve town centres in the UK, Summary report, 1991,
Comedia, inassociation with Calouste Gulbenkian Foundation, 52 p.
427
LOVAT A., O'CONNOR J., MONTGOMERY J., 1994, The 24 - Hour City, selected papers front the first national
conférence on the night time economy, OWENS P.Ed., Manchester Institute for Popular Culture
temps » par le plus grand syndicat du pays. 140 projets ont déjà donné lieu à des réalisations
concernant notamment le développement de services intégrés privés regroupant garde
d'enfants et services marchands, mais aussi la modernisation de services municipaux et
l'aménagement du territoire. Les premiers résultats de ces expérimentations ont déjà servi à
faire évoluer la politique gouvernementale et les dispositifs législatifs avec notamment le droit
conféré aux salariés de moduler à leur initiative la durée et le rythme de leur travail (2000)
ainsi que l'accès aux soins (2001).
En Espagne, dans une région durement touchée par la crise comme les Asturies,
certaines municipalités ont vu dans le thème du temps de la ville (Tiempo de la ciudad) une
opportunité pour revitaliser un tissu économique fragilisé et travailler sur le lien social en
allant au devant des attentes des habitants. Divers projets sur les temps de la ville ont
également été lancés par des administrations locales et par l'université d'Oviedo. Les actions
principales portent sur des programmes de loisirs nocturnes gratuits pour les jeunes. Dans un
pays où les régions disposent d'une forte autonomie, d'autres réflexions locales sont en cours
à Barcelone et Madrid qui portent plus sur le temps des femmes et sur l'aménagement urbain.
5.2.3.5. Nouveaux rendez-vous nationaux
Jusqu'alors, notre pays semblait un peu en retard. Les 35 heures avaient cristallisé la
réflexion sur le temps en la limitant aux aspects « contraintes pour l'entreprise », sans susciter
un plus large débat sur le temps hors travail. Les échanges menés au sein du Réseau de
Territoires Européens (Eurexcter), le travail de sensibilisation de l'Ecole Française
d'Excellence Territoriale et les réflexions prospectives engagées par la Délégation à
l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale sur le thème « Temps et territoires429 »
ont permis de faire émerger cette approche qui prend aujourd'hui la forme d'un soutien
financier de l'Etat à la mise en place de politiques temporelles dans sept territoires pilotes.
En 2000, la DATAR a fait du temps un thème privilégié de sa réflexion prospective
« France 2020 » (1999-2002) deux groupes sur dix sont centrés sur les questions temporelles :
« Temps et territoires » (Président F. GODARD) et « Temps libre et dynamiques
territoriales » (Président J. VIARD). C'est une révolution. Jusqu'ici, aménagement du
428
O'CONNOR J., « Donner de l'espace public à la nuit. Le cas des centres urbains en Grande-Bretagne « in Les Annales de
la recherche urbaine n°77, Plan Urbain, Ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme, pp. 40-46
429
Groupe de prospective présidé par Francis GODARD
-206-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
territoire et aménagement du temps avaient été développés de façon parallèle, le premier
ayant surtout envisagé l'articulation des distances et des temps, le second les évolutions du
temps de travail.
Forte des bons résultats obtenus dans les groupes de prospective, la DATAR a pensé
qu'il était utile d'impulser la mise en place de « maisons du temps » sur un plus grand
nombre de territoires grâce à un financement du Fond National d'Aménagement Du Territoire
(FNADT) et des collectivités. Quatre expérimentations (ville de Saint-Denis, Communauté
d'Agglomération de Poitiers, Territoire de Belfort et Conseil général de Gironde) ont été
lancés dès 2000 avec l'appui méthodologique du groupe de prospective «Temps et
territoires »
et du réseau Eurexcter pour prolonger les réflexions sur les conséquences
temporelles des évolutions de la société contemporaine. En 2002, les expérimentations se sont
étendues à d'autres villes et territoires, notamment à Paris (9ème, 12ème, 15ème, 18ème et 20ème
arrondissements), Rennes, Lille, Nancy, Valenciennes et Créteil selon le même processus
d'ateliers d'échanges décentralisés et de modules de formation-action.
Depuis cette date, la ville, cet « être urbain sans lieux ni bornes 430 » a un nouveau
rendez-vous avec le temps. Les travaux prospectifs engagés par la DATAR sur le thème
«Temps et territoires », la présentation en juin 2001 du rapport de E. HERVE sur Le temps
des villes43,1, la publication du rapport de J.-P. BAILLY au Conseil National des Transports
Nouveaux rythmes urbains : quels transports432 ?, la diffusion des travaux européens sur le
temps 433 ont relancé l'intérêt pour la relation temps et territoires dans la sphère politique et
dans le mode de la recherche. En septembre 2001, de nombreux colloques et séminaires
comme celui de Cerisy sur La nouvelle carte du temps et Les entretiens de la ville à Créteil
consacrés au Temps des villes ont permis d'approfondir la réflexion et de sensibiliser un plus
large public. La dimension temporelle fait l'objet de nouvelles explorations et dans plusieurs
villes et territoires, les expérimentations se développent.
430
D'après le titre français de l'ouvrage de MELVIN M., 1996, L'urbain, sans lieu ni borne, Editions de l'aube, 124p., traduit
de l'américain « The Urban Place and the Nonplace Urban Realm », in WEBBER M., 1964, Exploration into urban structure,
University of Pennsylvanias Press, Philadelphia
431
Temps des villes, rapport de Edmond HERVE, Député-Maire de Rennes, remis le 19 juin 2001 à Claude BARTOLONE,
Ministre délégué à la ville et à Nicole PERY, Secrétaire d'Etat aux droits de la femme et à la formation professionnelle, 68p.
432
BAILLY J-P HEURGON E, 2001, Nouveaux rythmes urbains, quels transports ?, Conseil national des transports,
Editions de l'Aube, 221 p.
-207-
5.2.3.6. Un débat ouvert
Nécessité ou gadget, phénomène de fonds ou simple effet de mode, nombreux sont
ceux qui aujourd'hui s'intéressent aux fiançailles de l'espace et du temps. Ironie du sort et
hasard du calendrier, cet intérêt a coïncidé avec la mise en place de couvre-feux pour
adolescents dans plusieurs villes françaises, soit une forme très particulière de régulation des
temps de la ville selon les secteurs, l'âge, l'heure et la saison. A Orléans, l'interdiction ne
s'applique que dans trois quartiers dits « sensibles » et ne concerne que les enfants de moins
de treize ans entre 23 heures et 6 heures du matin, du 15 juin au 15 septembre. Dures limites.
La chance d'une telle approche réside dans le développement d'un large débat
national. En repartant des besoins de la population, l'approche temporelle permet d'imaginer
une nouvelle formulation du débat politique qui fasse écho à la demande de proximité et
d'amélioration de la qualité de vie quotidienne et irrigue l'ensemble de nos politiques
publiques. Certains en sont déjà convaincus et forts des expériences menées en Italie et en
Allemagne, ne jurent plus que par l'approche temporelle oubliant qu'il ne peut y avoir
d'exclusive. Face à ces pionniers, il y a les sceptiques qui disent ne pas vouloir s'en occuper,
pensent encore qu'il s'agit d'un gadget voire d'une nouvelle approche technocratique et
s'inquiètent parfois qu'on veuille régenter le temps des autres. Après « le temps de l'Eglise »
et le « temps de l'Usine » serait venu « le temps des Villes ».
Les premiers ont été étonnés en découvrant dans une récente enquête que le problème
de temps n'arrivait qu'en quatrième position des préoccupations, derrière la santé, l'argent et
les relations avec les gens434 et que le mécontentement n'était pas aussi fort qu'on aurait pu le
penser puisque 49 % des personnes interrogées estimaient que le manque de temps était un
problème peu ou « pas important du tout ».
Aux seconds, il faut rappeler qu'ils prennent le risque de laisser des décisions isolées
aboutir à de nouveaux déséquilibres, et à de nouvelles inégalités entre individus, quartiers et
territoires435. C'est en posant la question dans le cadre d'un large débat public et non en la
renvoyant à la sphère privée que l'on peut espérer défendre les catégories les plus
433
BOULIN J.Y, MÛCKENBERGER U., 1999, Temps de la ville et qualité de vie, Etudes européennes sur le temps,
Fondation européenne pour l'amélioration des conditions de travail, Office des publications officielles des communautés
européennes, 88 p.
434
Enquête de la Sofres réalisée les 1er et 26 mai 2001 pour le Ministère de la Ville auprès d'un échantillon de 1.145
personnes habitant dans des agglomérations de plus de 20.000 habitants
-208-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
défavorisées, renforcer l'égalité entre citoyens et renforcer la cohésion sociale. Tant de
bonnes fées se penchent aujourd'hui sur le berceau que l'enfant —ou les enfants— devrait
bien se porter.
5.2.3.7. Des intérêts multiples
Cette nouvelle approche des relations temps et espace concerne autant les chercheurs
que les aménageurs ou les édiles :
-
Elle oblige l'élu, le chercheur, l'aménageur ou l'entrepreneur à chausser de
nouvelles lunettes et à changer de paradigme pour imaginer autrement l'avenir de
nos villes et nos territoires, entités complexes à quatre dimensions.
-
Elle remet le citoyen et la citoyenneté au centre du débat et se situe au croisement
de quatre demandes fortes de la population qui se sont notamment manifestées lors
des derniers scrutins municipaux : qualité de la vie quotidienne, proximité,
convivialité et démocratie participative.
-
Démarche globale qui ne sépare plus la ville, l'entreprise et la population,
l'approche temporelle permet d'envisager les outils d'une nouvelle gouvernance
associant population, syndicats, entreprises et associations. Transversale par
nature, compétence d'aucune collectivité, toute politique temporelle oblige au
partenariat local et à la mise en place d'un processus de négociation en continu à
l'opposé d'une approche autoritaire imposée d'en haut. Elle permet enfin
d'imaginer à travers la relance d'une recherche urbaine pluridisciplinaire, le
développement d'une nouvelle pensée sur la ville et l'invention d'une nouvelle
urbanité. Ces préoccupations temporelles doivent irriguer nombre de procédures
d'aménagement qui se mettent actuellement en place et permettre une gestion
globale de la mobilité tant au niveau de la personne que des territoires. Les Plans
de Déplacements Urbains, les Schémas de Cohérence Territoriale pourraient
aboutir à la mise en place de plans de réglementations différenciées selon les
heures ou des jours de la semaine. Dans la recomposition à l'œuvre sur les
territoires, la dimension temporelle est un élément d'enrichissement
435
GWIAZDZINSKl L., 2001, Penser l'espace, panser le temps, Territoires n° 420, septembre 2001, pp. 5-8.
-209-
des
dynamiques «d'intercommunalité de projets » et des «pays » autour des notions
de qualité de vie et de pertinence des territoires vécus.
Il s'agit au final de travailler dans le sens d'une maîtrise du temps, de la négociation,
de la convivialité, de la cohésion et de l'urbanité contre la dictature des réseaux, la
compétition à outrance, l'éclatement et les inégalités. Le chercheur comme l'urbaniste ou
l'édile doivent modifier leur approche de l'espace urbain, adopter un nouveau regard, penser,
concevoir et gérer la ville en prenant en compte de manière simultanée la matérialité urbaine,
les flux et les emplois du temps.
Conclusion
L'ouverture d'une réflexion croisant le temps, les systèmes productifs et l'espace est
l'occasion de définir une approche plus équilibrée et plus souple du développement et de la
démocratie. La société peut retrouver une capacité à formuler des projets d'utilisation et de
maîtrise conjointe du temps et de l'espace au niveau de l'individu, de la famille, du voisinage,
du quartier, de la ville et trouver les moyens de les harmoniser à l'échelle du département, de
la région, de la Nation et de l'Europe. L'occasion est belle de reconquérir des marges de
manœuvre et de reprendre en main notre futur autour de notions comme la qualité de la vie ou
le développement durable en assurant le maximum de diversité à tous les niveaux et en
rendant à la population la faculté de se penser, d'inventer ses futurs pluriels et de s'organiser
en vue d'une activité plus créatrice.
La mise en place avec le soutien de la DATAR de plusieurs expérimentations
notamment dans les villes de Poitiers, Saint-Denis, et les départements de Gironde et du
Territoire de Belfort —et maintenant Paris, Rennes, Lille, Nancy— est l'occasion de
confronter la réflexion à des réalités et à des contextes très différents.
Avant d'engager une réflexion approfondie sur la ville, la nuit et ses nouvelles
temporalités, il nous faut d'abord définir précisément les deux notions essentielles de liberté
et d'insécuté qui guideront nos pas.
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Chapitre 6. LA VILLE LA NUIT ENTRE INSECURITE ET LIBERTE
Une réflexion sur la ville la nuit oblige à préciser les deux notions délicates que nous
avons choisies pour explorer la nuit dans le cadre d'un Etat de Droit : la « liberté » chère aux
poètes et « l'insécurité » objet de tant de débats. C'est entre ces deux pôles que l'homme se
meut dans la nuit urbaine
6.1. UNE NOTION RELATIVE : LA LIBERTE
«Etre libre c'est faire ce que l'on veut» rappelle A. COMTE-SPONVILLE436. Les
choses sont sans doute plus complexes et la liberté revêt des sens différents.
6.1.1. Un mystère
P. VALERY a dit du mot de liberté « qu'il chante plus qu'il ne parle ». La liberté est
un mystère au moins autant qu'un problème437. Nous ne pourrons jamais la prouver ni même
la comprendre tout à fait. Sa première caractéristique semble être d'unir un exceptionnel
pouvoir d'attraction à une équivocité qui permet toutes les mystifications. D n'est guère
d'oppression qui n'ait prétendu se justifier en soutenant qu'elle incarnait la liberté véritable.
C'est au nom de la lutte contre la tyrannie que les robespierristes guillotinaient tous leurs
adversaires politiques, arrachant à Madame ROLAND le célèbre cri : « liberté, que de crimes
on commet en ton nom ». D'un côté, la liberté apparaît comme un bien de valeur inestimable,
pour lequel l'être humain est souvent prêt à donner sa vie. Mais d'un autre, le contenu exact
de cet idéal si exaltant apparaît bien flou. La raison semble être qu'il n'a pas de signification
propre. Il ne prend son sens que par rapport à une dépendance particulière dont il désigne la
438
privation. C'est ce que décrit J.-P. SARTRE dans La République du silence
: « Jamais
nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande. Nous avions perdu tous nos
droits et d'abord celui de parler (...) ; partout sur les murs, dans les journaux et sur l'écran,
436
437
COMTE-SPONVILLE A., 1998, Pensées sur la liberté, Albin Michel, p. 7
COMTE-SPONVILLE A., 1998, op. cit, p. 7
-211-
nous retrouvions cet immonde et fade visage que nos oppresseurs voulaient nous donner de
nous-mêmes : à cause de tout cela nous étions libres ». La notion de liberté semble n'avoir de
sens que relatif, c'est-à-dire du même coup qu'on ne se libère d'une contrainte qu'en
continuant à obéir à d'autres. Quand nous rêvons de liberté, —que nous pensons être libres ou
pouvoir le devenir— c'est à une sorte de décrochage par rapport à la réalité extérieure que
nous rêvons : nous voudrions ne faire que ce que nous voulons, être notre propre maître,
abolir la résistance des choses et la présence des autres hommes.
6.1.2. La diversité des sens
On peut avec les philosophes distinguer quatre sens principaux du mot liberté : liberté
d'action, spontanéité du vouloir, libre arbitre, liberté de l'esprit ou de la raison
•
C'est d'abord la liberté de faire : liberté d'action. C'est par là même le contraire
de la contrainte, de l'obstacle, de l'esclavage. Cette liberté d'action, liberté au sens politique,
liberté physique et relative est la liberté au sens de HOBBES439 et de VOLTAIRE440. Cette
liberté n'est jamais absolue et rarement nulle. Mais aucun citoyen ne peut dans un Etat
quelconque faire tout ce qu'il voudrait : les autres et les lois sont autant de contraintes dont il
ne saurait s'affranchir qu'à ses risques et périls. Pour C. de MONTESQUIEU441, «la liberté
est le droit de faire ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvait faire ce qu'elles
défendent, il n'aurait plus de liberté, parce que les autres auraient tout de même ce pouvoir ».
On parle souvent pour désigner cette liberté-là de liberté au sens politique. L'Etat est la
première force qui la limite, et la seule sans doute qui puisse la garantir. Parce que seule la loi
permet aux libertés des uns et des autres de cohabiter plutôt que de s'opposer, de se renforcer
plutôt que de se détruire. Sans les lois, il n'y aurait que violence et peur. Qui de moins libre
qu'un individu toujours effrayé ou menacé ?
•
Le deuxième sens du mot liberté : liberté de la volonté, liberté au sens
métaphysique, liberté absolue, prétendent certains, voire surnaturelle. Est-on libre de vouloir
ce qu'on veut ? Philosophiquement, c'est le sens le plus problématique et le plus intéressant.
Etre libre de vouloir, c'est donc vouloir ce que l'on veut. Cette liberté-là, dont peu de
m
SARTRE J.-P., 1949, « La république du silence », Situations, III, Gallimard
HOBBES T., 1982, Le citoyen, IX, 9, trad. S. Sorbière, Flammarion.
4411
VOLTAIRE, 1964, « Liberté », in Dictionnaire philosophique, Flammarion.
4W
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
philosophes ont contesté l'existence, c'est ce que A. COMTE-SPONVILLE appelle la
spontanéité du vouloir. C'est la liberté au sens d'EPICURE et d'EPITECTE 442 , mais aussi
pour l'essentiel, au sens d'ARISTOTE 443 , de LEIBNIZ444 ou de BERGSON445.
•
Le libre arbitre ou liberté d'indifférence. C'est la liberté au sens de DESCARTES,
de KANT et de SARTRE. Elle suppose que ce que je fais (mon existence) n'est pas déterminé
par ce que je suis (mon essence), mais le crée au contraire ou le choisit librement.
•
La liberté de pensée ou liberté de l'esprit (et tout ce qu'elle suppose : liberté
d'information, d'expression, de discussion...) fait partie des droits de l'homme et des
exigences de la démocratie. C'est la vérité du vrai ou la vérité comme liberté. C'est la liberté
selon SPINOZA, HEGEL, ENGELS et sans doute aussi selon MARX et FREUD : la liberté
comme nécessité comprise ou comme compréhension de la nécessité. Etre libre c'est n'être
soumis qu'à sa propre nécessité explique SPINOZA.
Outre la diversité des sens concrets qu'elle acquiert en s'opposant à des contraintes
déterminées, on comprend que l'idée de liberté présente trois grands aspects en fonction des
questions fondamentales que l'on peut poser à son propos446 :
Celle de savoir si l'homme possède le libre-arbitre, c'est-à-dire s'il est l'auteur de
ses actions ;
Celle de savoir s'il lui est possible de se libérer, à titre individuel, mais aussi dans
ses relations avec les autres membres de son groupe social ou dans son rapport à la
nature et comment ;
Celle de savoir, ce n'est plus une question de fait mais une question morale, s'il est
légitime de lui donner le droit de faire ce qu'il veut.
441
MONTESQUIEU (DE) C., De l'esprit des lois, XI, 3.
EPITECTE, 1962, « Entretiens I », 12, trad. J. Brun, in Les Stoïciens, Gallimard.
443
ARISTOTE, 1979, Ethique à Nicomaque, VI, 2, trad. J. Tricot, Vrin.
444
LEIBNITZ G. W„ 1969, Essai de théodicité, I, Flammarion.
445
BERGSON H., 1979, Essai sur les données immédiates de la conscience, PUF.
446
QUILLIOT R. 1993, La liberté, PUF, 125 p.
442
6.1.3. Le cadre d'un Etat de droit
Notre travail de recherche s'effectue dans le cadre d'un Etat de droit défini comme une
organisation politique et sociale destinée à mettre en œuvre les principes de la démocratie
libérale. Cet Etat de droit implique une certaine conception des rapports entre l'individu et
l'Etat qui sous-tend tout l'édifice juridique. Non seulement la puissance de l'Etat trouve ses
limites dans les droits fondamentaux reconnus aux individus, ce qui crée ainsi la possibilité
d'une « opposition au pouvoir fondée sur le droit »447, mais encore elle a pour finalité même,
pour justification ultime la garantie de ces droits. L'Etat de droit repose en fin de compte sur
l'affirmation de la primauté de l'individu dans l'organisation sociale et politique, ce qui
entraîne à la fois l'instrumentalisation de l'Etat qui doit servir les libertés, et la subjectivité du
droit448, qui dote chacun d'un statut, lui attribue un pouvoir d'exigibilité et lui confère une
liberté d'action.
La liberté n'est cependant pas la seule valeur des sociétés contemporaines. La sécurité,
l'égalité ou la justice par exemple avec lesquelles des compromis doivent être trouvés, sont
aussi importantes. Cependant, elle est sans doute la valeur qui donne à l'existence le plus de
dignité. Concrètement, une société de liberté est une société qui assure à ses membres un
certain nombre de droits fondamentaux comme par exemple : ne pas être arrêté
arbitrairement ; pouvoir se défendre en cas d'inculpation ; être présumé innocent tant qu'il
n'est pas prouvé qu'on est coupable ; pouvoir exprimer ses opinions librement ; pouvoir
posséder des biens, en acheter et en vendre ; pouvoir choisir son travail et fonder une
entreprise ; avoir la maîtrise de sa vie privée ; être protégé des intrusions et des curiosités.
Une société de liberté est une société qui veille à ce que ses droits soient effectivement
protégés par la loi, et réactualisés en fonction des évolutions sociales. Même si la collectivité
n'a plus à guider ses membres vers ce qu'elle estime le bien, elle ne peut pas non plus les
abandonner complètement à eux-mêmes.
Elle doit leur fournir les conditions (matérielles et culturelles) leur permettant
d'assumer leurs responsabilités, de prendre des décisions et des initiatives. Autant dire,
puisque cette collectivité n'est faite que des individus qui la composent, que ceux-ci ne
peuvent se contenter de réclamer des droits, et se croire exemptés de tous devoirs envers les
447
LEFORT C., « Droits de l'Homme et politique », Libre n°7, 1980, p. 27.
-214-
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Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
autres : ils ont celui non seulement de respecter leurs propres libertés, mais aussi de faire
preuve à leur égard d'un minimum de solidarité. « Je ne puis prendre ma liberté pour but que
si je prends également celle des autres pour but » a dit J.-P. SARTRES449. Seulement, comme
on ne peut forcer personne à faire directement preuve de générosité, c'est à des formes
impersonnelles, au premier rang desquels l'Etat, qu'est confiée cette mission de soutien.
Une démocratie se définit aujourd'hui par un certain nombre de traits sur lesquels un
consensus s'est réalisé et notamment l'existence d'une constitution centrée sur l'affirmation
des droits de l'homme, et imposant à l'Etat des normes juridiques qu'il est contraint de
respecter : c'est le sens de l'Etat de droit.
Les plus anciennes traditions philosophiques nous proposent un idéal de liberté défini
par plusieurs caractères essentiels450 :
-
L'homme libre est celui qui n'est pas asservi aux désirs et aux passions.
-
L'homme libre est celui qui sait rester détaché des « aléas » de la fortune et de
garder une égale sérénité dans la prospérité et l'insuccès.
-
L'homme libre est celui qui a pris conscience de l'inessentialité du monde matériel
et temporel.
L'homme libre est aussi celui qui est capable de résister à la pression du
conformisme, qui garde en toute circonstance la capacité de penser par lui-même
et d'agir selon sa seule conscience.
-
L'homme libre est celui qui sait regarder en face, sans se le dissimuler, le tragique
de l'existence.
Conclusion
C'est dans ce cadre précis, celui d'un Etat de droit que s'inscrit notre approche de la
ville la nuit et de l'insécurité.
448
FERRY L„ RENAUT A., 1985, Philosophie politique, III - Des droits de l'homme à l'idée républicaine, PUF, p. 72.
SARTRES J.P., 1970, L'existentialisme est un humanisme, Nagel.
450
QUILLIOT R. 1993, La liberté, PUF, 125 p.
449
-215-
6.2. UN PHENOMENE COMPLEXE : L'INSECURITE
Dernier élément de cette complexité, la question de la sécurité, dont on a vu qu'elle
jouait un rôle important dans la nuit urbaine. Elle est bien résumée dans une phrase de M.
PONIATOWSKI, Ministre de l'Intérieur, prononcée en 1975 : « Je voudrais que le Ministère
de l'Intérieur s'appelle le Ministère de la Sécurité des français, parce que c'est son vrai nom.
Il assure la sécurité et l'ordre, car c'est la sécurité de chacun, mais la liberté n'est pas
seulement celle de la politique, c'est aussi celle de pouvoir sortir après huit heures du soir ».
6.2.1. La violence
La violence est un phénomène multiforme que R. DUFOUR-GOMPERS451 définit
comme un «Comportement actif, spontané ou volontaire, menaçant autrui et lui portant
préjudice, dommage et souffrance morale ou physique ». Le sujet est vaste. Il a été délimité
par FREUD en ces termes : « le progrès de la civilisation saura-t-il, et dans quelle mesure,
dominer les perturbations apportées à la vie en commun par les pulsions d'agression et
d'autodestruction452 ».
6.2.1.1. Un phénomène multiforme
Mais il faut rappeler que la signification donnée à la violence est une construction
sociale qui dépend du contexte, de l'histoire, des groupes sociaux considérés. La violence
revêt des formes multiples et complexes et des modes d'expression ambivalents qu'il faut
savoir repérer et prendre en compte : violence physique (agressions, viols, crimes...) ;
violence matérielle (délits, délinquances contre les biens, cambriolages, vols...) ; violence
verbale (insultes, injures...). Certaines sont dites réactionnelles, c'est-à-dire impulsives
(agressivité, barbarie, atrocité...), d'autres rationnelles ou instrumentales
(c'est-à-dire
calculées). On peut aussi distinguer les violences selon qu'elles sont individuelles
(sadomasochisme, automutilation...) ; interpersonnelles (bagarres, meurtre...) ; collectives
(émeutes, soulèvement...). Sur le plan politique, on distingue encore les violences interétatiques (guerres, conflits), des guerres civiles et des violences infra politiques (actes
451
452
DUFOUR-GOMPERS R„ 1992, Dictionnaire de la violence et du crime, Paris, Erès.
FREUD S., 1986, Malaise dans la civilisation, Paris, PUF.
-216-
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Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
terroristes). Il faut y ajouter les violences non-intentionnelles (accidents de la route,
catastrophe naturelle...). Cette violence s'inscrit dans une réalité sociale qui influence
largement les situations : le chômage, les difficultés économiques, etc.
6.2.1.2. Une forte médiatisation
Nous sommes abreuvés d'images de violence et d'informations sanglantes. Plus
soucieux de s'occuper du train qui déraille que de celui qui part à l'heure, les médias avides
de sensationnel donnent l'impression d'en rajouter. Nous consommons presque journellement
cette violence à travers le cinéma, la télévision ou les jeux vidéo. Parfois, c'est le déploiement
préventif de dispositifs de sécurité suggérant la possibilité de l'agression (forces de l'ordre,
sociétés de surveillance, armes...) qui réussit à nous inquiéter.
6.2.1.3. Une préoccupation majeure des citoyens
La criminalité et l'insécurité sont devenues des préoccupations majeures pour les
citoyens. Lorsque que l'on demande aux citoyens européens de choisir parmi 15
préoccupations nationales, la criminalité est placée en premier ou en second rang, derrière le
chômage453. Aux Etats-Unis, la criminalité est devenue le premier problème en importance,
devançant les questions économiques que sont le chômage, l'inflation et les impôts. Des
enquêtes d'opinion publique posant les mêmes questions depuis 1982 montrent que la
proportion d'américains qui considèrent que la criminalité est le plus important problème
national a augmenté de 900 % au cours des douze dernières années454.
La violence urbaine est au cœur des préoccupations des français. Selon un sondage455,
huit français sur dix pensent que les violences dans les villes et les banlieues ont atteint un
niveau inquiétant jamais connu auparavant. 70 % des moins de 25 ans, 93 % des plus de 65
ans confirment ce diagnostic. 66 % des sondés estiment qu'il faut renforcer massivement la
présence de la police pour améliorer la sécurité dans les quartiers sensibles.
453
Enquête menée par l'International Research Associates dans 21 pays européens, in HELGADOTTIR B., 1995, «Do
Europeans Share Common Ideals ? », The European, 26 octobre 1995, p. 11.
454
MAGUIRE K, PASTORE A.L., 1996, Sourcebook of criminal Justice Statistics. Washington D.C., Bureau of justice
Statistics, U.S. Department of justice.
455
Sondage JFOP-Libération du 5 janvier 1998.
-217-
6.2.1.4. Une prise de conscience des politiques
La sécurité est devenue une préoccupation des responsables politiques et des édiles
municipaux du monde entier. Une enquête du programme des Nations Unies pour le
développement portant sur 135 maires de chaque continent a révélé que la criminalité arrivait
au quatrième rang des problèmes les plus graves auxquels ont à faire face les villes456.
En France, le débat sur l'insécurité et la violence a totalement changé de nature ces
dernières années. Conséquence des fortes poussées de violence du début d'année 1997, pour
la première fois, le phénomène est pris en compte par les plus hautes autorités du pays, y
compris le chef de l'Etat. Comme souvent, c'est de la crise que naît la mobilisation. En 1990,
les émeutes de Vaulx-en-Velin avaient conduit le Président F. MUTERAND à créer un
Ministère de la ville. Après la vague de violences urbaines de fin 1997, le Président
J. CHIRAC a convié une douzaine de maires à évoquer les moyens d'assurer une meilleure
sécurité urbaine tandis que le Premier Ministre, L. JOSPIN, annonçait lors de ses vœux à la
presse qu'il présenterait en février un plan en faveur de l'intégration et de la ville.
A ce titre, le discours du Ministre de l'Intérieur J.-P. CHEVENEMENT en octobre
1997, au Colloque de Villepinte Des villes sûres pour des citoyens libres457 , marque un
tournant historique. Il a déclaré que la sécurité était un concept de gauche « puisque la sûreté
est mise par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen au même niveau que la
Liberté 458 ». Le Premier Ministre L. JOSPIN qui clôturait le colloque, a fortement insisté :
« Tout citoyen, toute personne, vivant sur le territoire de la République a droit à la sécurité. Il
ne peut y avoir de quartiers sûrs et de zones de non droit. Il en va de la solidité du lien social.
Le gouvernement a la ferme volonté d'assurer l'égalité des citoyens devant le droit à la
sécurité ». Il a fixé les trois principes qui devraient guider l'action de l'Etat dans ce domaine :
la sécurité est d'abord une responsabilité de l'Etat ; la sécurité doit être égale pour tous, la
sécurité dépend pour une large part des relations de confiance établies entre les services en
charge de la sécurité et la population. »
Depuis, les campagnes municipales de 2001, présidentielles et législatives de 2002,
largement centrées sur le thème de l'insécurité, ont confirmé l'importance de cette question
456
United Nations Development Program, 1994, International Colloquium of Mayors on Social Development. 18-19 Août
1994.
457
Colloque Des villes sûres pour des citoyens libres, Villepinte, 24-25 octobre 1997.
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Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
devenue le sujet central de la politique nationale. La présentation en octobre 2002 par
N. SARKOSY, Ministre de l'Intérieur du gouvernement RAFARIN, d'un projet de loi sur la
sécurité intérieure n'est que l'aboutissement logique de cette dégradation et de la prise de
conscience des politiques.
6.2.2. Une évolution contrastée
L'évolution de l'insécurité recoupe des situations aussi différentes que la diminution
de la violence sur le long terme, la progression de la criminalité depuis l'après-guerre, le
développement des incivilités et l'explosion des violences urbaines
6.2.2.1. Diminution de la violence sur le long terme
Selon la thèse de N. ELIAS459, l'Occident aurait connu, à partir du Moyen Âge et
jusqu'au XXe siècle, un long processus de civilisation des mœurs : les conflits qui
s'exprimaient dans des affrontements sanglants tendent à être de plus en plus intériorisés.
Nous avons assisté à un recul séculaire de la violence, de l'agressivité et des conflits. Les
mœurs se sont adoucies et à défaut d'être toujours courtoises, les relations sociales auraient
évolué dans le sens d'une plus grande tolérance, sinon d'une indifférence polie460.
A la suite de N. ELIAS, l'historien J.-C. CHESNAY461 a souligné la baisse
tendancielle de la violence dans les sociétés modernes. Un voyage n'est plus une expédition
dangereuse contrairement à ce qui se passait au XIXe siècle. Meurtres, lynchages et vendettas
ont disparu de nos mœurs. Il n'est plus nécessaire d'être armé pour traverser une ville ; de se
réfugier régulièrement dans sa cave ou son grenier pour échapper aux pillages et aux
massacres ; de bâtir des remparts ou de fuir dans les montagnes. Les recherches historiques
sur la criminalité ont montré que les trois types de violence contre les personnes (mortelle,
corporelle et sexuelle) ont diminué depuis le XIXe siècle. Pour les homicides par exemple, les
condamnations des cours d'assises s'élevaient à 2 500 vers 1850 contre 600 à 700 dans le
milieu des années 70.
458
Actes du colloque Des villes sûres pour des citoyens libres, Villepinte, 24-25 octobre 1997, Editions SIRP.
ELIAS N., 1973, La civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Levy.
460
JOUVENEL (DE) H., 1996, « Retour sur la violence », in Futuribles n°206, p. 3.
461
CHESNAY J.C., 1981, Histoire de la violence, Robert Laffont, 498 p.
45a
-219-
S. BODY-GENDROT rappelle que de tout temps; la ville a été le théâtre de
violences : agressions, vols, émeutes, crimes. Elle cite une missive de l'écrivain D. DEFOE
envoyée au maire de Londres en 1730 dans laquelle il se plaignait que « les citoyens ne se
sentent plus en sécurité dans leurs propres murs, ni même en passant sans la rue462 ». Cette
évolution ne serait pas due à un simple accroissement du self control mais à sa généralisation
à tous les secteurs de la vie publique ou privée sous l'effet de plusieurs facteurs :
l'urbanisation, la scolarisation, la diffusion des codes de cour. Les raisons objectives de
diminution de la violence en Europe ont été exposées par N. ELIAS : affermissement de l'Etat
et mise en place d'une police professionnelle qui en est l'émanation. Le processus de contrôle
étatique sur la société délivre celle-ci du devoir de se protéger et de se faire justice elle-même.
Il faut rappeler qu'aux XVÏÏe et XVTIIe siècle, l'essentiel de la sûreté était encore assumé par
les communautés paysannes elles-mêmes et les différents donnaient lieu à des violences
parfois extrêmes. Les spécialistes estiment que l'élément déclenchant a été la révolution
démographique avec une valorisation sans précédent de la vie humaine.
Mais ce climat dominant de non-violence à forte connotation individualiste se trouve
depuis quelques années, bousculé et remis en question par le retour en masse d'une forme
parallèle et archaïque de sociabilité juvénile, fondée sur des solidarités de voisinage et/ou
ethniques, sur le culte de la force et sur le défi permanent aux institutions et à l'autorité463.
6.2.2.2. Progression de la criminalité depuis l'après-guerre
Au regard du recul historique des violences interpersonnelles dans les rapports civils
ordinaires, l'augmentation des agressions et des crimes d'appropriation ces quarante dernières
années est remarquable464. Longtemps réfuté, ce retournement de tendance est aujourd'hui mis
en avant par de nombreux chercheurs. C'est la thèse du sociologue S. ROCHE qui déclare que
suite aux travaux de l'historien américain T. GURR, presque tous les spécialistes s'accordent
pour reconnaître une augmentation de la criminalité dans la plupart des sociétés modernes, et
ce depuis au moins l'après-guerre465. Il fait le même constat pour les vols, les agressions ou la
délinquance. D'après une étude récente466, l'augmentation de la délinquance n'est pas un
462
BODY-GENDROT S., 1998, « L'insécurité, un enjeu majeur pour les villes », Sciences Humaines, n°89, décembre 1998,
p. 29.
463
BUI-TRONG L., 1996, « Résurgence de la violence en France », in Futuribles n°206, février 1996, p. 5-20
464
LAGRANGE H., 1995, La civilité à l'épreuve, PUF, 310p.
465
In « Entretien avec Sébastien ROCHE », décembre 1998, Sciences Humaines, n°89,, p. 32.
466
ROBERT P., AUBUSSON de CARVALEY B., POTTIER M.-L., TOURNIER P., 1995, Les comptes du crime,
l'Harmattan, coll. Logiques sociales, 330 p.
-220-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
mythe. En 42 ans, de 1950 à 1992, le total des « faits constatés » par la police et la
gendarmerie est passé de 574 000 à 3 800 000. Les chiffres ont beaucoup de défauts : ils ne
font pas la distinction entre les « tentatives » et les infractions réelles, ils mentionnent les faits
enregistrés à la fois par la police et la gendarmerie, et ils ne comprennent ni le contentieux de
la circulation routière ni celui des impôts, des douanes, de l'inspection du travail ou des
services vétérinaires. Ces réserves faites, l'étude permet de discerner l'évolution, sur une
quarantaine d'années des principaux contentieux. Les homicides volontaires, soit les
infractions les plus graves, ont augmenté beaucoup moins vite que le total de la délinquance.
Si l'on se réfère à la statistique sanitaire, ils sont passés de 470 dans les années 30 à 625 en
1991, soit une augmentation de 30 % en soixante ans. Les chiffres policiers, plus difficiles à
interpréter, puisqu'ils mélangent les tentatives et les homicides, passent d'environ 2 000 en
1973 à 2 750 en 1991.
Plus que les atteintes aux personnes, ce sont les atteintes aux biens qui expliquent pour
l'essentiel l'augmentation de la délinquance. Amorcée dans les années 50, la formidable
croissance des vols et des cambriolages n'a cessé de se poursuivre. De 1950 à 1992, le nombre
de « prédations » est passé de 187 000 à 2 600 000, soit une augmentation de 1 300 %. Ces
infractions qui représentaient le tiers de la délinquance en 1950 en représentent aujourd'hui
plus des deux tiers. Les auteurs expliquent cette explosion par l'évolution de nos modes de
vie. Nos logements sont vides à longueur de journée et nos voitures couchent sur la voie
publique. Dans les sociétés traditionnelles, la communauté locale exerçait une surveillance
efficace sur les allées et venues de chacun. Survenait-il un méfait, la pression communautaire
poussait souvent les intéressés à le régler par arrangement. Tout cela a changé.
Absorbée par le traitement de la grande criminalité, la justice reste paralysée par
l'inefficacité des services de police. Alors que le taux d'élucidation des homicides volontaires
est de 74 %, il chute à 15 % en moyenne pour les destructions et les vols. Depuis une
quarantaine d'années, ce taux ne cesse en outre de baisser : de 1950 à 1990, il est passé de
36 % à 15 %. Concentrée sur d'autres contentieux, la police renonce le plus souvent à se
lancer dans des investigations longues et incertaines. Pour le plaignant, l'événement peut avoir
occasionné des dommages matériels et parfois sentimentaux. Il peut avoir soulevé des
émotions durables. C'est en partie cette croissance des vols et des cambriolages qui, à côté de
la progression des incivilités, semble responsable du sentiment d'insécurité des français.
Déçus par la réponse de l'Etat, les citoyens se tournent de plus en plus vers le marché de la
sécurité privée : en dix ans, les coûts privés de sécurité ont progressé de près de 70 %.
6.2.2.3. Légère diminution en France sur la période considérée
Si on prend en compte les seules données disponibles c'est-à-dire celles fournies par la
Police Nationale, on constate une diminution de la « criminalité constatée » au cours des
années 90 (Figure 1.18 - Evolution de la criminalité constatée en France de 1988 à 1997).
Figure 1.18 — Evolution de la criminalité constatée en France de 1988 à 1997
Criminalité
globale
1988
3132694
1994
1989
1990
1991
1992
1993
1995
1996
1997
3266442 3492712 3744112 3830996 3881894 3919008 3665320 3559617 3493442
Evolution
-1,21% +4,27%
6,93%
Source : Police Nationale, 1998
7,20%
2,32%
1,33%
0,96%
-6,47%
-2,88
-1,86%
Avec 3 493 442 crimes constatés en France métropolitaine par les services de Police et
les unités de Gendarmerie, l'année 1997 enregistre une légère baisse de 1,86 % par rapport à
l'année précédente, ce qui en nombre représente 66 175 crimes et délits de moins qu'en
1996467 (Figure .1.19 - Evolution des quatre grandes catégories d'infractions).
Figure 1.19 - Evolution des quatre grandes catégories d'infractions
Catégories d'infractions
Vols (y compris recel)
Infractions économiques et financières
Crimes et délits contre les personnes
Autres infractions
Ensemble des délits et des faits constatés en
France
Source : Police Nationale, 1998
Année 1996
Année 1997
2 331 000
310910
198 155
719 552
3 559 617
2 224 301
295 511
214 975
738 655
3 493 442
Variation
1996-1997
-3,72 %
-4,95 %
+8,49 %
+2,65 %
-1,86 %
Dans le détail, la baisse de la criminalité a touché deux des quatre grandes catégories
d'infractions : les vols (-3,72 %) et les infractions financières (-4,95 %). A l'inverse, les
atteintes volontaires contre les personnes s'inscrivent à la hausse avec une progression de
+8,49 %. Les autres infractions, dont celles liées aux stupéfiants, qui reflètent principalement
l'activité des services, enregistrent une augmentation de +2,65 %.
467
Crimes et délits constatés en 1997 par les services de police et de gendarmerie, 1998, Présentation à la presse par
messieurs les directeurs généraux de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale, Ministère de l'Intérieur, Ministère
de la Défense, 22 p.
-222-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
6.2.2.4. Développement des incivilités
Depuis le début des années 90, les professionnels du social et du pénal, les
politologues, les criminologues, les élus locaux et le Premier Ministre dans son discours
général de politique générale de mai 1995, ont souligné l'importance des incivilités ou
désordres comme source de perturbation de la vie de la cité et comme cible prioritaire du
travail des institutions. Ces mille et une petites agressions quotidiennes qui nous gâchent la
vie sont désormais définies et inventoriées.
H. LAGRANGE 468 a été un des premiers à tenter de définir ces incivilités « des actes
et des comportements visibles dans les espaces ouverts au public, perçus comme des
nuisances ou des désagréments par la majorité de la population, mais qui ne font pas en
général l'objet de poursuites bien qu'ils constituent dans la plupart des cas des infractions ».
Concrètement, les incivilités sont des actes humains ou des traces matérielles signifiant une
rupture des codes élémentaires de la vie sociale (politesse, insultes, bruits, odeurs...), des
actes de vandalisme et de petite délinquance (tags, boîtes aux lettres abîmées, vitrines
brisées...) ou encore simplement des résidus d'illégalismes (carcasses de mobylettes ou
voitures calcinées...) qui s'affichent aux yeux de tous.
Pour résumer la gamme des désordres, S. ROCHE469 propose de les ranger dans la
typologie suivante :
les dégradations (tags, feux de circulation, incendies, etc.) ;
les abandons (objets divers, saletés, épaves d'automobiles, de cyclomoteurs, etc.) ;
les comportements « tendus » : agressifs, menaçants ;
les conflits (sur l'occupation de l'espace, les bruits, avec les automobilistes, etc.)
qui ont un caractère plus durable que les tensions.
Il s'agit d'une notion sociale et non pas juridique. Les incivilités engagent l'ordre
social et non pas l'ordre tel qu'il est défini par la loi ou les acteurs du système pénal (police,
justice). Les désordres renvoient à l'ordre social ordinaire tel qu'il est souhaité et parfois
négocié dans la vie quotidienne.
468
4W
LAGRANGE H., 1995, La civilité à l'épreuve, PUF, 310 p.
ROCHE S., 1996, « Les incivilités vues du côté des institutions », Les cahiers de la sécurité intérieure, n c 23
-223-
Les incivilités mettent en cause ce que S. ROCHE définit comme « l'ordre en public »
par opposition à « l'ordre public ». Les incivilités contribuent à établir un climat, un sentiment
général. Elles perturbent le fonctionnement des institutions, mais frappent aussi les symboles
de notre organisation sociale (travail, propreté...). Toujours selon S. ROCHE470, les désordres
manifestes dans l'espace public sont, d'après plusieurs enquêtes, à la fois une des causes
actives de la montée de la peur, mais aussi de la délinquance. Les incivilités sont « le maillon
crucial qui lie un malaise social flou à une montée de la délinquance ». L'enchaînement serait
le suivant : les incivilités poussent chacun au repli hors de la vie sociale, favorisent la
méfiance pour nos institutions et par-là même favorisent les progrès de la délinquance.
Pour H. LAGRANGE471, la distribution des incivilités est étroitement corrélée à la
précarité des quartiers mesurée par des indicateurs comme le taux de chômage, la proportion
de personnes recevant le RMI, l'importance des familles nombreuses et/ou monoparentales.
Cette distribution serait également associée à la fréquence de la délinquance expressive
(incendies de voitures), de la criminalité violente et à celle de la composante vécue du
sentiment d'insécurité.
6.2.2.5. Apparition et explosion des violences urbaines
Depuis quelques années, on assiste à une recrudescence et à un fort développement de
la violence, particulièrement dans les quartiers dits sensibles. La notion spécifique de
« violence urbaine » a été construite par les médias pour désigner ce phénomène apparu en
France en juillet 1981 avec les événements des Minguettes, puis ceux de Vaulx-en-Velin en
1990, de Sartrouville et de Mantes-la-Jolie en 1991 et est sensible en Alsace depuis le début
des années 90472. Par ce terme, les spécialistes ont convenu de désigner des actions faiblement
organisées de jeunes agissant collectivement contre des biens et des personnes, en général
liées aux institutions, sur des territoires disqualifiés ou défavorisés473.
Réutilisée partout et par tous, cette notion a été formalisée par les Renseignements
Généraux par la création d'une section spéciale «villes et banlieues ». Son champ d'étude
47l)
471
ROCHE S., 1996, « Les incivilités vues du côté des institutions », Les cahiers de la sécurité intérieure, n°23, p. 89.
LAGRANGE H., MOGIN 0., SALAS D., 1999, « Vers une dépacification des mœurs », in Esprit, décembre 1998, p. 6-
12.
472
DHUME F., GWIAZDZINSKl L., 1997, « Violences urbaines et représentations », in Hommes et Migrations n°1209 pp.
101-107.
473
BODY-GENDROT S., 1998, « L'insécurité, un enjeu majeur pour les villes », Sciences Humaines n°89, décembre 1998,
p. 29.
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
recoupait 684 quartiers en 1995 contre 511 en 1994474. Une échelle de la violence a été
proposée par Lucienne BUI-TRONG475 permettant de classer les incidents en fonction de leur
gravité supposée (Figure 1.20 - Les degrés de violence urbaine).
Figure 1.20 - Les degrés de violence urbaine
•
-
1 er degré : vandalisme et délinquance en bande
Vandalisme sans connotation anti-constitutionnelle
Razzias dans les commerces
Rodéos de voitures volées puis incendiées
Délinquance crapuleuse en bande contre des particuliers (racket, dépouille)
Rixes, règlements de compte entre bandes
• 2 eme degré : attaques furtives, verbales ou gestuelles contre l'autorité
- Provocations collectives contre les vigiles
- Injures verbales et gestuelles contre les adultes du voisinage, les porteurs d'uniformes, les
enseignants
- Vandalisme furtif anti-constitutionnel (contre écoles, postes
de police,voitures de
professeurs, locaux publics)
• 3 eme degré : agressions physiques contre les représentants de l'autorité
- Agressions physiques anti-constitutionnelles sur porteurs d'uniformes
pompiers, militaires, vigiles) et sur les enseignants
•
-
4 eme degré : attroupements et caillassages à l'encontre de la Police
Attroupements lors d'interventions de police
Menaces téléphoniques aux policiers
Lapidation des voitures de patrouille
Manifestations devant les commissariats
Chasses aux dealers
•
-
5 eme degré : agressions physiques contre les policiers
Attroupements vindicatifs, freinant les interventions
Invasion du commissariat
Trafics divers visibles (recel, drogue)
•
-
6 eme degré : aggravation des agressions physiques et «jeux meurtriers »
Agressions physiques contre les policiers
Attaque ouverte du commissariat
Guet-apens contre les policiers
(contrôleurs,
• 7 eme degré : la mini-émeute
- Vandalisme ouvert, massif : saccages de vitrines, de voitures, jets de cocktail Molotov
- Escalade rapide, durée brève
• 8 ème degré : l'émeute
- Saccages et pillages, agressions de particuliers, affrontements avec les forces de l'ordre
- Guérilla, émeute
Sources : Renseignements
474
Généraux,
1995
BUI-TRONG L., 1993, « L'insécurité des quartiers sensibles : une échelle d'évaluation », op.cit.
-225-
Ces violences n'entrant pas dans le champ paramétré de « l'état 4001 » des statistiques
de la Police Nationale, c'est en 1994 seulement que le phénomène a commencé à faire l'objet
d'une prise en compte statistique aux niveaux local et départemental. Depuis, les services
concernés disposent d'informations précises pour Strasbourg et le Bas-Rhin. Figurent dans
ces inventaires les incendies de voitures ainsi que les jets de projectiles (pierres, bouteilles...)
notamment ceux, majoritaires, qui ont pour cible les transports publics. Les dégradations et
vols au préjudice des établissements scolaires, les dégâts occasionnés aux abribus ou cabines
téléphoniques ainsi que les affrontements avec les forces de l'ordre sont également recensés.
Ce suivi permet de dégager des tendances.
D'après les observations effectuées par les renseignements généraux, la violence
urbaine serait collective et provocatrice ; destructrice (incendies d'écoles et d'infrastructures
socio-éducatives, rodéos, tapages...); émotionnelle (attroupements hostiles, émeutes...),
spectaculaire ; parfois crapuleuse (razzias, vols avec violence, racket...) et le plus souvent
ludique compte tenu de la jeunesse des auteurs. Elle aurait également un caractère territorial,
se déroulant surtout dans les quartiers sensibles et parfois en centre-ville, dans les centres
commerciaux ou les transports en commun avec des bandes mobiles. Toujours d'après ces
observations, on assisterait à une banalisation du phénomène avec franchissement de degrés
de gravité et extension géographique à de nouveaux quartiers (Figure 1.21 - Faits de
violences dans les départements sensibles).
Figure 1.21 - Faits de violences dans les départements sensibles
Département
Seine-Saint-Denis
Essonne
Oise
Seine-et-Marne
Hauts-de-Seine
Yvelines
Val-d'Oise
Seine maritime
Rhône
Nord
B ouches-du-Rhône
Alpes-Maritimes
Haut-Rhin
Bas-Rhin
Moselle
Haute-Garonne
Sources : Renseignements
475
1995
853
389
248
191
297
391
499
810
723
268
115
63
74
101
44
119
Généraux,
1996
983
977
498
554
621
470
859
1246
769
469
151
56
97
114
79
150
1997
1997
1263
1038
925
925
888
730
861
1583
1147
1003
196
62
415
469
211
394
BUI TRONG L., 1993, « L'insécurité des quartiers sensibles : une échelle d'évaluation », op.cit.
-226-
- Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Entre 1993 et 1997, le nombre de quartiers répertoriés (Figure 1.22 - Evolution des
faits de violences urbaines dans les départements sensibles) est passé de 485 à 749. En 1997,
439 quartiers se situent au degré 1 des violences, contre 271 en 1993 ; 143 ont atteint les
degrés 2 et 3 et 167 ont atteint les degrés 4 et 5 (contre 117 en 1993).
Figure 1.22 - Evolution des faits de violences urbaines dans les départements sensibles
Départements
Bouches du Rhône
Haute-garonne
Loire
Nord
Oise
Bas-Rhin
Rhône
Seine-Maritime
Seine et Marne
Yvelines
Essonne
Hauts-de-Seine
Seine-Saint-Denis
Val-de-Marne
Val d'Oise
TOTAL
Sources : Sécurité Publique,
1996
1490
518
701
3190
458
1059
2463
1632
1396
1777
1415
908
3037
610
1687
22341
1998
1997
1822
594
864
3080
302
1291
3035
1739
1964
2214
1960
1014
3006
349
1534
24768
Evolution
+ 22,28 %
+ 14,67 %
+ 23,25 %
- 3,45 %
- 34,06 %
+ 21,91 %
+ 23,22 %
+ 6,56 %
+ 40,69 %
+ 24,59 %
+ 38,52 %
+ 11,67 %
- 1,02 %
- 42,79 %
- 9,07 %
+10,86 %
Alors que l'ensemble de la criminalité baissait de 0,85 % entre 1996 et 1997, les
quatorze catégories retenues par la Direction Centrale de la Sécurité Publique ont, au contraire
augmenté de 4 %. Dans les quinze départements les plus sensibles, ce phénomène apparaît
plus marqué encore : agressions contre les policiers (+ 6 %), contre les commerçants (+14 %),
vol avec une voiture bélier ou racket (+14 %), violences contre les écoles (+14,5 %), contre
les bureaux de poste, locaux EDF ou voitures de pompiers (+41 %). «Très peu de rubriques
échappent à ce constat» concluent S. BODY GENDROT et N. LE GUENNEC 476 dans le
rapport remis au Ministre de l'Intérieur le 26 mai 1998.
En Alsace, les investigations menées à la même époque par l'Observatoire Régional
de l'Intégration 477 sur plusieurs quartiers de villes d'Alsace (Strasbourg, Colmar, Mulhouse) a
notamment permis de noter que les violences urbaines n'étaient pas systématiquement
collectives. En Alsace tout au moins, elles ne sont pas le fait de bandes organisées. Il s'agit
souvent de regroupements de jeunes aux motivations diverses, de suiveurs rassemblés au gré
476
BODY-GENDROT S., LE GUENNEC N., 1998, Mission sur les violences urbaines, Rapport au ministre de l'intérieur,
108 p.
-227-
des opportunités ou de spectateurs. Dans tous les cas, la violence survient après un élément
déclencheur, souvent imprévisible qui cristallise une tension latente déjà présente. H peut
s'agir d'une atteinte à l'identité ou au territoire, d'une frustration ou de différentes sources
d'excitations.
6.2.3. Un problème d'évaluation
La violence et l'insécurité sont des phénomènes difficiles à mesurer. Les variations
quantitatives des données de la criminalité ne signifient pas forcément une augmentation de la
criminalité. Il peut parfois s'agir d'une simple augmentation de l'activité des services de
police ou de gendarmerie.
L'interprétation des chiffres de la délinquance continue à faire débat. Pour les uns, elle
atteste un retournement de tendance sur le long terme dans le sens d'une montée de la
violence. Pour d'autres, de telles données ne permettent pas de conclure. Plusieurs arguments
sont classiquement avancés comme le manque de fiabilité ou l'existence de biais statistiques.
L'augmentation pourrait simplement traduire une amélioration du recueil ou une sensibilité
plus grande des individus qui les inclinerait à porter plainte plus facilement.
Tous ces chiffres restent de toute façon des moyennes qui peuvent masquer
d'importantes disparités géographiques et sociales. Plus qu'une augmentation de la violence,
c'est à une diversité des victimes et des institutions visées à laquelle on assiste. Toutes les
violences ne sont pas quantifiables. Aussi depuis quelques années, des enquêtes de
« victimisation » sont-elles réalisées pour mieux appréhender qualitativement les phénomènes
de violences. Elles consistent à interroger les personnes sur les incidents (vols, agressions...)
dont elles auraient été victimes et qu'elles ont ou non déclarés à la police. Ces enquêtes
existent de longue date aux Etats-Unis, dans le cadre de Y International crime of victimization
Survey (ICVS) mais depuis peu en France.
477
«Les jeunes et la violence urbaine en Alsace», 1997, Cahier de l'Observatoire
l'Intégration, Strasbourg.
-228-
n°18, Observatoire Régional de
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
6.2.4. Insécurité et sentiment d'insécurité
L'insécurité recouvre ce qui menace l'ordre social ordinaire, c'est-à-dire nos activités
et celles de nos proches, autant de données que ne prennent pas en compte les statistiques
officielles. C'est un domaine extraordinairement difficile à manier, si l'on veut le faire
honnêtement, parce que l'on s'efforce de mesurer un sentiment, qui se distingue d'un fait
objectif et sur lequel nombre de facteurs influent.
6.2.4.1. Première définition
Pour S. ROCHE 478 , le sentiment d'insécurité désigne les manifestations de peur
personnelle ou de préoccupation pour l'ordre, qu'elles soient verbales, comportementales,
individuelles ou collectives. Le sentiment d'insécurité est définissable comme une inquiétude
cristallisée sur un objet (le crime au sens large) et par ses auteurs désignés. Elle s'appuie sur
le monde vécu des individus, tout en faisant référence à un système de valeurs.
Un sentiment d'insécurité se construit chez les individus à partir de faits mais aussi en
fonction de leur présentation, de leur représentation qui met en œuvre divers facteurs
psychosociaux. D'après S. ROCHE, l'élaboration du sentiment d'insécurité dépendrait, chez
chacun d'entre nous, de son système de relations interpersonnelles. Plus les relations sociales
sont pauvres, plus la sphère des rapports interpersonnels est étroite et plus l'inquiétude est
forte. Le sociologue a montré que ceux qui estiment que les personnes se définissent
largement par l'appartenance à une «nation» ou plus encore à une «race», éléments qui
s'imposent aux personnes, vivent dans une plus grande insécurité que ceux qui considèrent
que l'identité des personnes tient surtout à des convictions morales et politiques. Toujours
d'après S. ROCHE, le fait que de nombreux délits ne soient pas élucidés joue un rôle
important dans le sentiment d'insécurité. Alors même que ce mouvement ne touche guère les
crimes et les nombreuses violences physiques, ce phénomène donne à beaucoup de citoyens le
sentiment d'attendre peu des forces publiques chargées de la sécurité (Police, Gendarmerie,
Justice). Ce même chercheur a montré que l'aliment principal du sentiment d'insécurité était
la multiplication des « incivilités ».
478
ROCHE S, 1993, Le sentiment d'insécurité. Sociologie d'aujourd'hui, PUF, p. 136
-229-
6.2.4.2. Décalage entre insécurité et sentiment d'insécurité
D existe souvent un décalage important entre la criminalité effective et le sentiment
d'insécurité. Des sondages sont fréquemment utilisés pour tenter d'évaluer l'insécurité que les
citoyens disent ressentir.
La peur des gens n'est pas toujours proportionnelle à la violence (Figure 1.23 Criminalité et sentiment d'insécurité).
Figure 1.23 - Criminalité et sentiment d'insécurité
Année
1977
1985
1988
Taux de criminalité pour
1000 habitants
40
65
56
Sentiment d'insécurité (%)
65
58
54
Sources : fHEST
Globalement, les français seraient de plus en plus inquiets. Une étude du CREDOC 479 ,
comporte, depuis 1990, diverses questions qui mesurent l'intensité de l'inquiétude de la
population, « pour soi même et pour ses proches » face à six sujets différents : la maladie
grave, l'agression dans la rue, l'accident de la route, le chômage, la guerre et l'accident de
centrale nucléaire. Cette enquête montre un doublement de la population inquiète entre 1981
et 1990 : 14 % en 1981 et 28 % en 1990. Bien entendu, la fréquence des craintes peut
s'expliquer, dans certains cas, par une vulnérabilité plus importante, comme par exemple pour
les agressions dans la rue quand il s'agit des femmes et des personnes âgées. Mais les risques
objectifs n'expliquent pas pourquoi les femmes sont plus inquiètes de l'éventualité de la
maladie grave que les hommes, les personnes âgées plus craintives d'un accident de la route
que les jeunes, et les non-diplômés plus inquiets d'un accident de centrale nucléaire que les
titulaires d'un diplôme supérieur. L'appréciation des risques varie sensiblement d'une
catégorie de population à l'autre sans que l'on puisse toujours l'expliquer objectivement.
Deux phénomènes parmi d'autres peuvent illustrer l'importance de la subjectivité dans
l'affirmation des craintes :
470
HATCHUEL G., VOLATIER J-L., 1991, «La diffusion des craintes dans la société française», in Consommation et
Modes de vie, n°62, 30 novembre 1991. CREDOC.
-230-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
-
L'inquiétude à l'égard de l'accident de la route a augmenté en dix ans de 14 points,
alors que le nombre d'accidents a diminué de 29 % entre 80 et 89 et le nombre de
tués sur la route de 15 %.
On remarque, sans vouloir parler d'un lien de causalité entre ces deux faits, que
ceux qui déclarent regarder la télévision tous les jours sont plus inquiets que ceux
qui ne la regardent jamais (29 % contre 21 % en 1989-90).
On peut sans doute trouver dans cette subjectivité un certain réconfort. Sa mise en
évidence n'est-elle pas elle-même une incitation à rationaliser ses peurs. PASCAL soulignait
la difficulté de cette rationalisation et remarquait que tout le monde, y compris le plus grand
philosophe, pouvait avoir peur du vide, même sans être exposé à un risque objectif de chute.
6.2.4.3. Le rôle particulier des médias
Les médias jouent un rôle d'amplificateur de ces violences. Nous avions parlé de
« caisse de résonance »480. On assiste à une dramatisation de la violence. La quarantaine
d'événements recensés entre 1994 et 1995 dans la presse régionale a donné lieu à plus de 180
articles. On compte parfois plus de vingt articles durant six mois, voire un an et demi, pour un
seul et unique événement. Le rappel de régulier de certains événements « phares » donne
l'impression d'une permanence et d'une généralisation des violences, qui ne correspond pas à
la réalité. Toutes les violences ne sont pas médiatisées à l'identique. Une sélection est opérée
selon le caractère spectaculaire de l'événement (effets de foule, éléments visuels tels que le
feu, verre brisé) et selon son caractère « immoral », c'est-à-dire qui porte l'image d'une remise
en cause de l'ordre établi. A ce titre, il faut noter l'importance (par la taille et par l'impact) des
photos, qui privilégient les conséquences négatives des violences (voitures brûlées) et la
réaction des « forces de l'ordre » (pompiers en action). Les flammes qui illuminent les nuits
de nos cités font vendre, inquiètent la population et dressent des murs infranchissables entre
les quartiers, empêchant la pratique directe, le contact avec la réalité au profit d'une
connaissance indirecte par les médias.
« Plus on s'éloigne des quartiers sensibles, plus la dramatisation croît dans les
représentations», estiment S. BODY GENDROT et N. LE GUENNEC. Ce constat est
-231-
confirmé par un sondage paru début 1998481 dans lequel, les quatre cinquièmes des personnes
sondées par l'IFOP pensent que les violences ont atteint dans les villes et banlieues, un niveau
jamais connu jusque-là. Cette dramatisation est proportionnelle à l'éloignement des personnes
interrogées. Plus les sondés vivent loin du théâtre des violences, plus elles semblent les
inquiéter. Ainsi, en agglomération parisienne, près d'un quart des sondés parviennent à
relativiser : ils estiment à 22 % que « les violences se situent à un niveau comparable à ce
qu'elles étaient les années précédentes ». A la campagne, ils ne sont que 11 % à partager cet
optimisme. L'âge pèse également sur les représentations. La dramatisation croît régulièrement
avec le vieillissement. Les plus de 65 ans estiment à 93 % que la violence urbaine atteint des
niveaux jamais vus. Les moins de 25 ans ne sont que 70 % à le penser.
6.3. Un citoyen écartelé
L'individu évolue, circule dans la ville entre ces deux pôles contradictoires - liberté et
sécurité - , des besoins et des motivations complexes. Mais qu'entend-on par un motif et que
veut-on dire quand on dit qu'un voyage est motivé ? « On entend par là qu'il a son origine
dans certains faits donnés, non que ces faits donnés aient à eux seuls, la puissance physique de
le produire, mais en tant qu'ils offrent des raisons de l'entreprendre482... ».
6.3.1. Besoins des individus la nuit
Les motivations sont une formalisation, une traduction des besoins du citadin ou
comme le propose J. GOLD483 : « The force that leads men to seek certain goals in relation to
their needs ».. Or il n'existe pas d'endroit plus apte à la connaissance des marchandises, donc
plus apte à en faire naître le besoin que l'agglomération urbaine484.
4811
DHUME F., GWIAZDZINSKI L., 1997, «Violences urbaines et représentations », in Hommes et Migrations n°1209,
septembre-octobre 1997, p. 101-107.
481
Sondage IFOP-Libération, 5 janvier 1998.
482
MERLEAU-PONTY M., 1945, Phénoménologie de la perception, Gallimard, 230 p.
483
GOLD J. R., 1980, An introduction to Behavorial geography, Oxford University press, 290 p.
484
LABORIT H., 1971, L'Homme et la ville, Flammarion, Paris, 278 p.
-232-
-
Partie I - La nuit urbaine, un espace^temps à repenser
Ces besoins peuvent être biologiques ou sociaux et tous deux sont à la base des
motivations humaines. P. CHOMBART DE LAUWE485 a sans doute le mieux analysé les
besoins de l'homme et leur dynamique, distinguant clairement :
Les besoins-aspirations : « ceux qui peuvent être satisfaits dans un avenir plus ou
moins proche et permettent à l'individu, dans une mesure plus ou moins grande, de
s'élever au-dessus de sa condition présente ».
Les besoins-obligations qui résultent de la cristallisation et de la reconnaissance
sociale des besoins aspirations.
D'après lui, «dès qu'un besoin-aspiration
s'est fixé, il tend à être dépassé par
l'apparition d'une nouvelle aspiration qui déclenche à nouveau le processus. Dans une société
donnée, le pouvoir ne peut alors éviter de prendre en considération les besoins-obligations, et,
dans un système démocratique, il est obligé de réajuster constamment son action en fonction
de l'apparition constante de nouvelles aspirations et de nouveaux besoins qui prennent tôt ou
tard un caractère d'obligation et qui s'imposent à lui ».
6.3.2. Motivation des individus la nuit
Dans L'espace vivant486, J. COUSIN met bien en évidence les deux pôles généraux de
motivation de l'individu :
•
la variété, source de curiosité et de richesse perceptive, mais génératrice d'une
éventuelle et relative insécurité, quoique indispensable à l'affirmation de soi. En fait,
l'homme ne recherche pas tant l'immensité des espaces que la variété des volumes et les
surprises de la découverte secrétées par cette variété. Psychologiquement, les êtres humains
préfèrent les environnements complexes, mais ajoutons que ces environnements doivent
être fortement structurés, c'est-à-dire posséder une complexité organisée.
485
486
CHOMBART DE LAUWE P.H., 1970, Aspirations et transformations sociales, Anthropos
COUSIN J., 1980, L'espace vivant, Editions du moniteur, 236 p.
-233-
•
la sécurité, source de confort mental nécessairement indispensable à l'humanité, mais
génératrice d'une certaine monotonie et hostile aux changements émotionnels.
Pour C. CAUVIN487 les motivations traduisent le but poursuivi, c'est-à-dire le but du
déplacement qui amène à déterminer un itinéraire, à privilégier un mode de locomotion et
donc à définir un trajet. La motivation est essentielle : sans elle, on ne peut mémoriser,
stocker l'information. J. PIAGET écrit à ce propos : «...l'on découvre mieux le plan d'une ville
en s'y promenant seul et en restant responsable de ses propres errances
. «L'individu
aperçoit surtout les parcours qui sont importants pour lui489 ».
6.3.3. Mobilités associées
Les attributs objectifs de l'espace chorotaxique et des espaces fonctionnels ne peuvent
être retenus que si des motivations font que ces composantes sont reconnues490. Dans des
conditions identiques et pour un même individu, si le but du parcours change, la distance ellemême n'est pas vue de manière identique. C. CAUVIN propose de distinguer deux grandes
catégories de motivations selon que les activités induites sont libres ou imposées ce qui
entraînera un fonctionnement différentiel des filtres (Figure 1.24 - Schéma d'apparition des
barrières dans la ville).
•
Les activités imposées ou contraintes : trajets de travail ou trajets d'achat, à accomplir
nécessairement avec une périodicité plus ou moins grande ;
•
Les activités libres : déplacements de loisirs, d'agréments, déplacements à but social ;
On pourrait ajouter l'errance, la déambulation du promeneur baudelairien, sans but
précis, activité particulière à elle seule souvent pratiquée la nuit.
487
CAUVIN C., 1981, La perception des distances en milieu intra-ubain, Strasbourg, 80 p.
488 PIAQET J in PAILHOUS J., 1970, La représentation de l'espace urbain, L'exemple du chauffeur de taxi, PUF, 102 p
489
COLLEDGE R. G. / MOORE G. T., 1976, Environmental knowing. Hutchinson and Ross. Inc. 345 p.
49(1
CAUVIN C, 1984, Espaces cognitifs et transformations cartographiques. Les conditions de la comparaison des espaces
cognitifs : de la carte aux configurations. Exemples de l'espace strasbourgeois. Thèse de Doctorat d'Etat. Université de Louis
Pasteur, Strasbourg I, 303 p.
-234-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Notre comportement diffère selon le temps disponible pour le trajet et les contraintes
qui l'accompagnent. C. CAUVIN insiste sur le fait qu'un itinéraire parcouru pour aller
travailler n'est pas mémorisé et décrit de la même manière que s'il est traversé pour se
promener, avec un temps non imposé par l'heure d'arrivée au bureau par exemple. Le
comportement du promeneur du dimanche n'a rien à voir avec celui presque mécanique de
l'employé de bureau en semaine.
Lorsque les buts varient, la perception des déplacements se modifie ; chaque but crée
un espace spécifique doté de relations internes particulières. Pour faire des études cohérentes,
il convient d'homogénéiser les données par but et de développer éventuellement des
procédures d'analyse très strictes pour permettre des comparaisons.
Le problème vient des déplacements à but multiples, ou à but mal identifié. Le but
d'un déplacement est une notion moins claire qu'elle ne semble de prime abord. Le romanciergéographe A. BEGAG491nous interpelle à partir de deux exemples : « Va-t-on voir sa mère
qui habite tout à côté parce qu'on lui a confié un enfant pour la journée ? Pour lui demander
un service ou lui en rendre un ? Lorsque l'on fait plusieurs dizaines de kilomètres pour acheter
un litre d'huile ou un kilo de sucre, de toute évidence, il s'agit d'une occasion de se promener
en famille ou de s'échapper de son quartier ».
Le croisement des buts de déplacement est un phénomène qui va en s'amplifiant
parallèlement à la montée des besoins et à l'adaptation de l'offre aux nouveaux modes de vie.
Exemple : les nouveaux centres commerciaux prennent en compte l'idée de conjuguer les
achats aux loisirs. Aux Etats-Unis, en Suisse, au Japon et au Canada, cette culture
commerciale est déjà une réalité : les consommateurs ne se contentent pas de cocher leur
petite liste de courses.
D'après A. MOLES492, l'attitude des individus circulant dans un labyrinthe (et par
extension en milieu urbain) peut être caractérisée par quatre facteurs : une anxiété liée à
l'ignorance du trajet-solution ; un plaisir lié à la somme des micro-découvertes successives
effectuées ; le plaisir de la solitude et enfin le plaisir de la découverte de stimuli qui se
rajoutent à la structure cognitive de base.
491
BEGAG A., 1991 ,La ville des autres, la famille immigrée et l'espace urbain, PUL, 159 p.
-237-
Conclusion :
Ecartelés entre insécurité et liberté, nous circulons dans la ville la nuit, entité
complexe en mutation, labyrinthe en quatre dimensions, espace-temps dont il nous reste à
identifier les principaux éléments, à fixer les limites en dépassant la « nuit des données » par
la définition d'un cadre conceptuel, d'une démarche organisée de collecte et d'un processus
de structuration des informations.
4 J2
' MOLES A. Et ROHMER E ; Psychologie de l'espace, Casterman Paris
-238-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Chapitre 7 : DES INFORMATIONS AUSSI SOMBRES QUE LA NUIT
Le cadre nouveau de la ville contemporaine et ses évolutions prévisibles nous obligent
à revoir totalement notre manière de penser et à définir un cadre d'étude et des objectifs précis
qui nous permettent de confronter nos hypothèses de travail à la réalité.
Nous proposons respectivement de fixer un cadre conceptuel, l'approche systémique ;
de changer de paradigme en abordant la ville comme une entité à quatre dimensions et en
privilégiant une nouvelle approche de la citoyenneté et de l'urbanité dans l'espace et dans le
temps. Nous limiterons notre approche à la fois dans l'espace et dans le temps en nous
focalisant sur un espace limité, «l'agglomération
strasbourgeoise » pour une année donnée
1997.
Afin d'explorer la nuit urbaine, dimension oubliée de la ville, nous devons accepter de
passer de la seule approche qualitative, souvent flatteuse et brillante des défricheurs à une
démarche plus systématique ; nous devons quitter l'approche littéraire pour une démarche
plus scientifique et quantitative sans pour autant chercher à mettre la nuit en équations.
Afin d'approcher la complexité du système urbain, nous devons également mettre en
place des méthodes rigoureuses de construction de données qui pour l'instant n'existent pas :
collecte méthodique et structuration des informations spatio-temporelles ; structuration des
informations sous forme de données exploitables et comparables dans l'espace et dans le
temps et représentations cartographiques associées.
Face à l'ampleur d'une tâche qui consiste à « décomposer le système urbain », nous
limiterons nos ambitions à quelques objectifs :
•
Définir la nuit urbaine, ses limites spatiales et temporelles et ses rythmes ;
•
Explorer le système urbain la nuit à partir des questions de liberté et d'insécurité ;
-239-
•
Mesurer et comparer les temporalités des institutions, de l'économie, de la
délinquance ou des violences ;
•
Identifier et localiser dans l'espace et dans le temps les conflits qui accompagnent
la conquête de la nuit ;
•
Poser les premières bases d'une conceptualisation logique de la nuit urbaine qui
permettent de réguler certains conflits.
7.1. UN CADRE CONCEPTUEL
La ville est un objet difficile à appréhender dans sa globalité, un être complexe.
D'après G.P. CHAPMAN493, ce ne sont pas les mêmes parties de la ville qui fonctionnent la
nuit et le jour et il existerait des rouages spécifiques à la nuit. La globalité spatio-temporelle
de la ville a toujours été amputée, rarement étudiée. Il y a nécessité de se poser la question de
savoir ce qui manque pour que la nuit soit un système.
Une telle ambition nécessite la définition d'une grille de lecture de la ville car les
problèmes auxquels nous nous attaquons sont caractérisés par des étendues et complexités
importantes et croissantes (mondialisation, intercommunication...) et nos capacités ou
possibilités
d'interventions
directes sont toujours limitées : limitations
individuelles,
psychologiques, intellectuelles et mentales ; c'est-à-dire sensorielles ; d'appréhension, de
compréhension, d'imagination, de motivation... mais aussi limitations sociales de délai, de
pouvoir, d'argent, de connaissances, d'informations...
7.1.1. Une grille de lecture : l'approche systémique
Comme le rappelle J. de ROSNAY, après l'étude de l'infiniment grand et de
l'infiniment petit, « Aujourd'hui, nous sommes confrontés à un autre infini : l'infiniment
complexe. Mais cette fois, plus d'instruments. Rien qu'un cerveau nu, une intelligence et une
logique désarmés devant l'immense complexité de la vie et de la société ». PASCAL avait
-240-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
déjà approché cette notion de complexité : « Toutes choses étant causées et causantes, aidées
et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s'entretenant par un lien naturel et insensible qui
lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans
connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître les parties ». Mais comme
le souligne E. MORIN494, « La complexité est un mot problème et non un mot solution ».
Depuis 1925, et notamment à partir des travaux de L.Von BERTALANFLY, la notion
de complexité a fait l'objet d'études qui ont débouché sur des théories d'organisation telle la
théorie des systèmes et notamment sur la notion d'approche systémique.
7.1.1.1. Cadre conceptuel
L'approche la plus enrichissante est sans nul doute celle qui consiste à aborder la ville
en tant que système. Le cadre conceptuel fourni semble être le seul capable de permettre
l'élaboration de réponses structurées aux délicates questions évoquées plus haut. De
nombreuses définitions de ce concept de système ont été proposées. Elles sont soit très
générales : « un système est un ensemble d'éléments en interaction dynamique organisés en
fonction d'un but 495 » soit beaucoup plus précises « un système est une entité dotée d'une
certaine permanence et reconnaissable dans le temps, en interaction avec un environnement
spécifique, constituée d'éléments groupés en associations simultanément interactives et se
maintenant en état de stabilité dynamique dans des limites définies496 ». Si aucune de ces
définitions n'est réellement satisfaisante, le concept et la référence à la théorie générale des
systèmes sont féconds scientifiquement car ils permettent l'étude du comportement d'un
ensemble socio-économique au cours du temps, son évolution, sa dynamique et ses
interactions avec l'environnement.
Il oblige nécessairement le chercheur à s'interroger sur deux aspects essentiels d'un
tv
systeme
497
:
• Son aspect structural :
-
493
494
495
496
497
une limite qui définit les frontières du système et le sépare du monde extérieur ;
CHAPMAN G.P., 1977, Human ancl environmental Systems, a Geographer's Appraisal. Academic Press.
MORIN E., 1990, Introduction à la pensée complexe, ESF Editeur,158 p.
DE ROSNAY J., 1977, Le macroscope, vers une vision globale, Seuil, 346 p.
PUMAIN D., SANDERS L„ SAINT-JULIEN Th., 1989, Villes et auto-organisation, Economica, 188 p.
FORRESTER J.W., 1980, Principe de système, Presses Universitaires de Lyon, 341 p.
-241-
des éléments ou composants qui peuvent être dénombrés et assemblés en
catégories, en familles ou populations ;
des réservoirs dans lesquels les éléments peuvent être rassemblés et dans
lesquels sont stockées de l'énergie, de l'information, des matériaux ;
un réseau de communication qui permet l'échange d'énergie, de matière et
d'information entre les éléments ou les réservoirs.
• -Son aspect fonctionnel
des flux d'énergie, d'information ou d'éléments circulant entre les réservoirs
des vannes contrôlant les débits des différents flux ;
des délais résultant des vitesses différentes de circulation des flux, des durées
de stockage dans les réservoirs ou des « frottements » entre les différents
éléments ;
des boucles de rétroaction (feed-back).
Il existe deux types de boucles de rétroaction : les boucles positives et les boucles
négatives. Sur les boucles de rétroaction positives repose toute la dynamique du changement
d'un système (croissance et évolution par exemple). La stabilité et la régulation
(rétablissement des équilibres et auto conservation) du système reposent sur les boucles de
rétroaction négatives.
Un système ouvert est en relation permanente avec son environnement avec des
entrées et des sorties. Il échange énergie, matière, informations utilisées dans le maintien de
son organisation, contre la dégradation qu'exerce le temps. Il rejette dans l'environnement de
l'entropie, énergie usée. A l'opposé, un système fermé n'échange ni énergie, ni matière, ni
information avec son environnement : il est totalement coupé du monde extérieur. Le système
utilise sa réserve d'énergie potentielle interne. Au fur et à mesure du déroulement des
réactions, l'entropie s'accroît de façon irréversible, et le système dépérit.
L'approche systémique n'est pas un outil miracle, mais une démarche intéressante
pour aborder un problème. Il existe de nombreux exemples de problématiques résolues par
l'approche systémique, constituées avec elle, en nouveaux ensemble théoriques498 : la théorie
des systèmes classique qui utilise l'analyse mathématique et s'applique aux systèmes en
498
BERTALANFFLY L„ 1972, Théorie générale des systèmes, Dunod, 308 p.
-242-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
général ; la théorie des compartiments qui s'applique aux transports entre sous-systèmes d'un
système ; la cybernétique, théorie des systèmes contrôlés, fondée sur la communication entre
le système et l'environnement et sur le contrôle des actions du système sur l'environnement,
par rétroaction notamment. Cette théorie est notamment utilisée en biologie ou en mécanique.
La théorie des jeux cherche elle, par un exemple de stratégies, à optimiser les gains en
minimisant les pertes ; la théorie des files d'attente, traite de l'optimisation des services en cas
d'affluence.
7.1.1.2. Approches analytique et systémique
Des considérations précédentes se dessinent nettement deux méthodes d'approche :
•
La méthode analytique consiste à étudier un domaine ou d'une manière plus
générale un système, à partir de ses éléments, tel que défini précédemment, sans vraiment
s'occuper de son environnement ; il s'agit de l'approche qualifiée d'analytique. J. de
ROSNAY la définit comme une méthode « qui isole les éléments et les variables afin de les
envisager un à un »" 499 . Face à la complexité, G. PEREC500 nous avait déjà prodigué ses
conseils : « d'abord faire l'inventaire de ce que l'on voit
•
L'approche systémique s'appuie sur le principe de la globalité : un système est
étudié dans son environnement, en tenant compte des relations avec celui-ci. Ce sont les
relations entre les éléments qui sont analysés. Un modèle est réalisé par l'étude des
interactions entre éléments. Il est validé par comparaisons avec la réalité observée. Les détails
de fonctionnement du système ne sont pas maîtrisés mais leurs comportements sont estimés
de façon globale. Que les systèmes soient homogènes ou non, les relations entre éléments
linéaires ou non, le principe reste valable.
7.1.1.3. Aspects fonctionnels de l'approche systémique
Dans l'idéal, l'approche systémique comporte normalement trois phases :
•
V analyse qui consiste à déterminer les principaux éléments constituant le système
et d'en définir les interactions et limites. Il s'agit alors de mettre en évidence les niveaux et les
499
ROSNAY (DE) J., 1977, Le macroscope, vers une vision globale, Seuil, 346 p.
-243-
taux de flux, les boucles de rétroaction positives et négatives. Les sous-systèmes sont
considérés indépendamment les uns des autres puis les uns avec les autres.
•
La modélisation qui revient à définir un modèle à partir des éléments du système,
modèle qui peut être fonction d'une problématique particulière... Ce modèle peut alors être
transcrit en un langage de programmation.
•
La simulation qui permet alors d'étudier un système au travers d'un modèle, par
analyse d'une modification de toutes ou partie des variables simultanément. Les progrès
réalisés en informatique permettent aujourd'hui des simulations complexes.
L'exploration de la ville la nuit qui nous oblige à décomposer l'ensemble du système
urbain se limitera à la première étape de la démarche en tentant d'identifier les éléments et de
définir les premières interactions et limites.
7.1.1.4. Le choix de la décomposition systémique
Des
définitions précédentes,
ressort
la même contradiction
entre
connaître
parfaitement un domaine isolé et connaître superficiellement un ensemble de domaines
interconnectés. Il faudrait se contenter d'une approche analytique permettant de connaître
sans vraiment comprendre ou d'une approche systémique permettant de comprendre sans
vraiment connaître. Avec les méthodologies courantes, cette dualité donne à toute action un
des deux risques suivants : une vue trop partielle (analytique-réductionniste) amenant des
omissions dangereuses, d'où découlent des solutions insuffisantes, voire erronées ou une vue
trop globale (systémique-intégriste) amenant des flous ou des opacités.
Dans notre réflexion sur La nuit, dimension oubliée de la ville, ces deux approches
demeureront complémentaires, tant qu'une meilleure organisation des idées ne nous permettra
pas de connaître et comprendre la complexité du milieu. Nous adopterons une approche
systémique ou plutôt une grille de lecture systémique nous plaçant de fait dans ce que
C. CAUVIN appelle une « spirale inductivo-hypothético-déductive » en amont de la
modélisation. Cette approche analytique nous permettra de rassembler les éléments dont nous
aurons besoin pour tenter de décrire et de comprendre le système.
5110
PEREC G., 1974, Espèces d'espaces, op.cit.
-244-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Il n'est possible d'avancer qu'avec une méthodologie reliant et palliant ces
antagonismes. C'est le but de « la décomposition systémique » définie par F. LE GALLOU et
B.
BOUCHON-MEUNIER 501 ,
que
«d'adapter
le
champ
d'action
aux
capacités
d'intervention, afin d'atteindre un minimum d'effectivité et, si possible un maximum
d'efficacité ». Autrement dit, il s'agit d'effectuer une partition complète et une heureuse
détermination des limites ou frontières du système, d'obtenir des sous-systèmes ayant une
certaine unité, cohérence et autonomie ; mais aussi des dimensions et complexités en rapport
avec leurs observations, manipulations ou utilisations projetées. Si cette partition doit être
complète et suffisante, elle doit permettre ensuite une recomposition non réductionniste, c'està-dire non éliminatrice de « réalités », objets, liaisons ou influences importantes pour les
objectifs visés.
Il existe certaines règles qualitatives et quantitatives permettant suivant les objectifs,
de choisir les frontières de séparation les moins défavorables et les moins risquées : recherche
des discontinuités, étude des liaisons optimales de substitution, nature des axes de
décomposition...
Ces axes de décompositions temporels, spatiaux, naturels, structurels, fonctionnels,
organiques et/ou technologiques seront utilisés pour « décortiquer » le système urbain.
7.1.2. La ville en tant que système
Notre propos n'est pas ici d'insister sur la richesse de ce type d'approche mais de
montrer ce que peut nous apporter cette notion quand on considère ce qui fonde la ville en
tant que système spatial ouvert.
7.1.2.1. Définition globale
L'approche en termes de système nous permet d'appréhender la ville comme «un
ensemble d'interactions entre acteurs localisés qui utilisent ou recréent continuellement à
501
LE GALLOU F, BOUCHON-MEUNIER B. (coord.), 1992, Systémique,
Documentation, Paris, 341 p.
-245-
théorie et applications,
Technique et
l'échelon de la ville entière des différenciations géographiques, une configuration d'ensemble
des réseaux et des quartiers. Ces interactions ont des natures et des formes variées :
compétition pour l'espace, dissuasion des déplacements par la distance, propension à
s'agglomérer, tendances ségrégatives... Elles se traduisent selon les cas par l'homogénéité ou
la diversité des contenus, par l'élévation ou l'abaissement des gradients, par la concentration
ou la dispersion ». C'est la dynamique de ces interventions qui crée les formes urbaines, dont
elles sont à la fois l'expression et la condition d'existence.
502
D'après D. PUMAIN
, les villes peuvent être observées à trois niveaux qui
permettent chacun d'identifier des relations et des propriétés suffisamment persistantes pour
définir des entités persistances. Ces niveaux sont eux-mêmes en interaction, chaque unité
supérieure étant construite par les interactions des entités de niveau inférieur, pour lesquelles
elle constitue à son tour une contrainte :
•
Au niveau élémentaire, il s'agit des acteurs urbains (des personnes ou des
institutions), caractérisés par leur statut social, leur revenu, l'étendue de leur pouvoir, leur âge,
etc. dont les interactions produisent des villes.
•
Au niveau de la ville, ce ne sont plus les indicateurs individuels mais des
propriétés spécifiques de ce niveau d'agrégation qui émergent en tant que descripteurs
pertinents, comme la fonction urbaine ou encore la configuration spatiale ou l'image de la
ville.
•
Les villes appartenant
à un même territoire entrent en interaction,
de
complémentarité et de concurrence, pour constituer au troisième niveau un système de villes
caractérisé par de nouvelles propriétés comme la structure hiérarchique, une trame spatiale
plus ou moins régulière, un certain degré de diversité interne en matière de spécialisations
fonctionnelles.
En regroupant certaines grandes catégories fonctionnelles du système urbain, il est
possible de donner un aperçu du fonctionnement d'ensemble d'une ville et surtout de
502
PUMAIN D., 1998, « Reconnaître les frontières interdisciplinaires pour mieux les transgresser : temporalités et systèmes
de villes », in OBADIA A., 1998, Entreprendre la ville, Editions de l'aube, p. 49.
-246-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
rapprocher certaines de ces structures et fonctions de celles d'autres organismes, quel que soit
leur niveau de complexité503.
7.1.2.2. Fonctions du système urbain et matérialisation dans l'espace urbain
Les interactions entre les individus et les organisations par l'intermédiaire de moyens
de communication permettent d'assurer les grandes fonctions du système urbain 504 :
utilisation d'énergie ; élimination des déchets ; production ; consommation ; administration ;
culture et loisir ; communication et transports ; protection et sécurité.
Ces fonctions se matérialisent dans la ville par des structures différenciées, des
édifices et bâtiments : les logements, les entreprises, les commerces , les réseaux de transport,
les réseaux de communication, le stockage de l'énergie et des denrées alimentaires, matériaux
les plus divers, des informations ou de l'argent (Figure 1.25 - Des structures différenciées).
Ces différents organes de la ville se regroupent souvent en quartiers : quartiers des
affaires, des spectacles, des universités, quartier industriel ou commerçant, quartier des
ministères, des musées, et aussi en espaces verts.
7.1.2.4. Premier repérage de sous-systèmes
Cet ensemble de structures différenciées qui constituent la matérialité urbaine permet
d'assurer les grandes fonctions du système urbain vis-à-vis de son espace intérieur et
extérieur. Pour dépasser l'inventaire de ces structures et le catalogue de ses fonctions, il nous
faudrait approfondir l'analyse en vue de repérer les sous-systèmes de la ville les plus
fortement explicatifs de la dynamique urbaine et d'établir les liens entre eux. Si la ville est
selon l'expression de P. DOCKES505, une « matérialité produite », ses éléments seront à
chercher du côté des acteurs qui agissent sur l'espace des villes.
Selon le problème posé au chercheur ou au praticien, on peut imaginer plusieurs
définitions opératoires du système ville. En liaison avec la problématique adoptée pour cette
503
ROSANY (DE) J., 1997, Le macroscope, vers une vision globale, Seuil, 346 p.
ROSNAY (DE) J., 1977, op. cit.
5»5 j j o C K E P., 1977, Production d'espace et forme d'urbanisation, CNRS
5(M
-247-
Figure 1.25 - Des structures différenciées
Logements
Ils permettent l'établissement de la protection des familles et ils occupent environ 40% de
la surface des villes
Entreprises
Lieu de travail de la majorité des habitants de la ville et de la banlieue, l'entreprise assure
la fonction de production de biens et de services nécessaires à la communauté.
Commerces
La distribution de produits est assurée par le secteur commercial, depuis le petit
commerce, jusqu'aux grandes chaînes de magasins et de supermarchés. Une place
importante est réservée à l'alimentation qui représente près de 25 % du budget des
consommateurs.
Réseau de transport Ils servent au transport des personnes et des matériaux : réseau des avenues et des rues,
des systèmes de transports interurbains (métro, autobus, taxis) ou internationaux (gares,
ports et aéroports).
Réseaux
de Ils servent au transport de l'information : réseau des fils et câbles du téléphone, des
centraux téléphoniques et postaux, des stations de radio et de télévision, des organismes
communications
de presse et de diffusion du texte imprimé.
Stockage
Les grands réservoirs de la ville se distinguent selon leur utilisation :
le stockage de l'énergie se réalise dans les dépôts d'essence et de fuel, de gaz et de
charbon ;
le stockage des denrées alimentaires périssables s'effectue dans des entrepôts
spécialisés (halles, abattoirs, entrepôts frigorifiques) ou à cycle plus lent (silos à
grain, citerne) ;
les matériaux les plus divers sont stockés dans des dépôts, des magasins, l'eau
potable est stockée dans d'immenses réservoirs ;
Les informations sont mémorisées dans les bibliothèques, les archives et les banques
de données des ordinateurs ;
Le stockage de l'argent s'effectue dans les comptes et coffres de banques.
Organismes
Une surface importante des grandes métropoles est occupée par les organismes assurant la
financiers et
régulation
des
équilibres
économiques
et sociaux : ministères,
organismes
administratifs
gouvernementaux, banques et organismes financiers.
Distribution de
L'énergie entre et circule dans la ville par des réseaux électriques, les canalisations du
l'énergie et
gaz, les stations-service d'essence. Elle en sort sous forme de chaleur et de déchets
élimination des
collectés par les canalisations des égouts ou des camions spécialisés.
déchets
Services aux
D'autres organismes se rapportent directement aux activités des habitants : • culture et
habitants
loisirs (musées, cinémas, terrains de sports, parcs) ; santé (hôpitaux, cliniques) ;
éducation
(écoles, universités) ; protection
et sécurité (casernes de pompiers, de
militaires, commissariats de Police, prisons) et culte (églises, cimetière)
Sources : GWIAZDZINSKIL.,
199liUÙ
étude, l'approche proposée par A. BONNAFOUS et H. PUEHL507, a retenu notre attention
qui consiste à définir la ville comme l'imbrication de trois sous-systèmes, dotés chacun d'une
logique de fonctionnement et de transformation, mais qui s'articulent les uns avec les autres
selon des relations complexes de causalité :
•
Un système de localisation : objet de prédilection de l'économie urbaine, il
s'identifie fréquemment encore à la représentation de la ville que se donnent les économistes.
Il désigne principalement l'utilisation du sol, que ce soit aux fins d'un usage direct (voirie,
5<lr
' GWIAZDZINSKI L., 1991, Une première approche des barrières dans la ville, Mémoire de DEA, Strasbourg, Xp.
BONNAFOUS A., PUEHL H., 1983, Physionomie de la ville, Les éditions ouvrières, 165 p.
507
-248-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
espaces verts, etc.) ou comme support d'immeubles érigés dans la troisième dimension de
l'espace. Le système de localisation sera repéré par une double série de caractéristiques :
celles qui le décrivent dans sa matérialité, à trois dimensions, d'espace construit ;
celles qui définissent la destination fonctionnelle du sol et des immeubles et qui, le
cas échéant, précisent leurs valeurs marchandes.
•
Un système de déplacement : celui-ci est constitué tout à la fois des flux de biens
et de personnes qui parcourent la ville et de ce qu'il a convenu d'appeler le système de
transports, qui en constitue le support.
•
Un système de pratiques et de relations sociales des habitants : les activités de la
vie quotidienne s'inscrivent dans un mode de fonctionnement de la société. Ainsi le travail, les
activités ménagères, les achats, les loisirs, etc. se déroulent-ils dans le cadre d'une certaine
organisation sociale de la production, de la consommation ou des services collectifs. Le
système de pratiques et de relations sociales, qui font de la ville autre chose qu'un espace
minéral inscrit sur le sol, désigne donc le déroulement des activités de citadins, scandé par
l'organisation de la société urbaine.
C'est sur cette approche de la ville que sera organisé notre propos. Nous nous
efforcerons de comprendre ces systèmes, et de préciser comment ils s'articulent les uns avec
les autres. Posons simplement l'hypothèse que les interactions entre les systèmes permettront
d'élucider pour l'essentiel le fonctionnement de la ville la nuit.
7.2. UN CHANGEMENT DE PARADIGME
Inscrivant notre démarche dans le cadre d'un Etat de droit, nous avons choisi
d'adopter une posture particulière :
•
Nous avons décidé de ne plus considérer la ville la nuit comme un problème, un
espace-temps à surveiller, à contrôler, mais comme un espace de projet, qui peut être
développé pour « le bien-être et l'épanouissement
de la population » selon l'expression
utilisée par E. CLAUDIUS PETIT dans sa définition de l'aménagement du territoire.
-249-
•
Nous avons fait le choix d'une « ville flexible » dont F. BIANCHINI508 a bien posé
les termes du dilemme : « Voulons-nous une ville flexible, ouverte, pleine de ressources, d'un
développement
durable et créative ou voulons-nous une ville d'heures de pointe,
d'embouteillages, avec un centre-urbain dangereux et déserté et des styles de vie suburbains
aseptisés et policés ? »
•
Nous avons choisi d'avoir toujours à l'esprit le socle de valeurs
universelles
définies au Sommet Mondial des villes à Istanbul en 1996 pour guider les bonnes pratiques
urbaines : « efficacité économique, impératifs de justice sociale et de solidarité, nécessaire
prudence écologique et développement durable, expression de la citoyenneté ».
Pour aborder la ville, le chercheur comme l'urbaniste ou l'édile doivent modifier leur
approche de l'espace urbain, adopter un nouveau regard, penser, concevoir et gérer la ville en
prenant en compte toutes ses dimensions et en questionnant les notions même de citoyenneté
et d'espace public.
7.2.1. La ville, être urbain à quatre dimensions
Nous avons décidé de considérer la ville comme un semi-labyrinthe à 4 dimensions
dans lequel l'individu doit se déplacer selon des lignes fixées à l'avance à la fois dans le temps
(t) et dans l'espace (x, y, z). Cette situation labyrinthique constitue une constante de notre vie
de citadin et cela à différentes échelles. Notre société, en exerçant des contraintes régulatrices
de plus en plus nombreuses, tend à faire ressembler cette vie socialisée à une errance dans un
dédale de couloirs ; le champ de liberté prend de plus en plus la forme d'un couloir dans
lequel la démarche, si grande et si étendue soit-elle est toujours normalisée, et où les
déviations latérales sont de plus en plus anomiques : la société et la ville tendent à devenir des
labyrinthes », parfois jusqu'à la caricature comme dans l'ouvrage de J. BALLARD L'île de
béton ou dans le superbe roman de R. BOUDJEDRA Topographie idéale pour une agression
caractérisée509, odyssée pathétique d'un émigré piégé dans les boyaux dédaliens du métro.
508
Déclaration effectuée à la fin de la première conférence sur la ville ses vingt-quatre heures organisée à Manchester en
1993.
509
BOUDJEDRA R., 1975, Topographie idéale pour une agression caractérisée, Denoël, 250 p.
-250-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
7.2.1.1 La ville labyrinthe
A. MOLES et E. ROHMER 510 ont montré que les déplacements des individus à travers
la ville s'effectuaient à travers un « labyrinthe naturel » constitué par des blocs physiques,
ethniques, sociaux ou économiques. Les rues, les magasins, les places, les étages de
l'immeuble, les galeries du musée, les allées du jardin, qui constituent ces labyrinthes, sont
peuplés de stimuli sensoriels dont le rôle est essentiel dans le comportement. Ils sont définis
comme des « structures purement géométriques ou topologiques dans lesquelles, les stimuli
environnementaux se réduisent exclusivement à des démarches motrices, en d'autres termes,
des labyrinthes qui sont purement et simplement des couloirs ». Dans son travail complété par
P. FRIDRICH511 il propose également une autre approche du labyrinthe « liée au nombre de
« solutions » que celui-ci comporte : la loi fondamentale du labyrinthe c'est d'en sortir par des
chemins variables dans lesquels l'idée de minimisation du coût de parcours est un des
éléments essentiels, même s'il n'est pas le seul ».
7.2.1.2. Un labyrinthe à quatre dimensions
A. MOLES distingue trois grands types de labyrinthes :
a. Des labyrinthes « plan » à deux dimensions spatiales c'est-à-dire disposés dans un
plan ou tout le moins sur une surface, rectifiable ou non (flanc de montagne, sommets
de collines, etc.). Les couloirs se réduisent ici à des allées ; l'être est assujetti à circuler
en surface par les barrières latérales.
b. Des labyrinthes volumiques à trois dimensions spatiales : ce sont ceux situés dans
l'espace géométrique complet où l'être peut se déplacer en long (x), en large (y) en
hauteur (z) : le corridor a la forme d'un « tuyau » dans lequel les déplacements sont
négligeables, sauf dans l'axe de celui-ci ; des magasins à étages multiples ou une
université avec des bâtiments élevés reliés par un lacis de couloirs, d'escaliers,
d'ascenseurs, d'escalators, etc., en constituent un exemple très concret et très familier.
510
MOLES A et ROHMER E., i 978, Psychologie de l'espace, Casterman
FRIDRICH P.,1997., La ville comme labyrinthe, l'appropriation cognitive d'une ville inconnue par un piéton. Analyse
phénoménologique des situations, Doctorat en psychologie, Université Louis Pasteur, 299 p.
511
-251-
c. Enfin, les labyrinthes à 4 dimensions dans lesquels l'individu doit se déplacer selon
des lignes fixées à l'avance à la fois dans le temps (t) et dans l'espace (x, y, z). Un
centre commercial établi sur plusieurs étages et comportant une série de magasins ou
des sous-espaces fermés ou ouverts par des portes à des heures régulières (heures
d'ouverture) et connaissables, en constitue un des exemples les plus familiers.
A cette classification de base, on pourrait légitimement, en vue des applications,
ajouter des labyrinthes spatio-temporels plans dans lesquels, des cloisons sont liées par des
portes d'une quelconque forme, ouvertes elles aussi selon des horaires réguliers. Il n'y a
appropriation de l'espace-temps que dans la mesure où l'homme a une perception de la
topologie de cet espace-temps, c'est-à-dire de l'ouverture ou de la fermeture des espaces
géométriques qui lui sont offerts512.
Les labyrinthes urbains ne sont pas des structures figées : des changements perpétuels
modifient la matérialité urbaine (construction, destruction...), affectent l'espace social
(apparitions de nouveaux groupes, de nouvelles pratiques...), l'espace juridique (interdictions,
privatisation des espaces) ou politico-administratif (modifications de circonscriptions, de
cantons).
Outre ces phénomènes inhérents à la dynamique du système urbain, de nombreux
éléments extérieurs interviennent qui recomposent, compliquent ou simplifient le labyrinthe
urbain en fonction des saisons ou de la période de la journée (jour, non-jour, nuit), des
conditions climatiques. Si l'artificialisation de la ville, souterraine, abritée, soustrait des
parties de plus en plus grandes de l'espace urbain à certaines de ces influences extérieures, une
portion non négligeable de sa surface reste soumise à certains rythmes et éléments naturels,
comme l'alternance jour-nuit.
Dans notre proposition, la ville est un labyrinthe à 4 dimensions dans lequel l'individu
se déplace selon des lignes fixées à l'avance à la fois dans le temps (t) et dans l'espace (x, y,
z), se transforme et se recompose en permanence selon des rythmes qui restent à identifier.
512
GWIAZDZINSKI L., 1991, Une première approche des barrières dans la ville, op.cit.
-252-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
7.2.2. Une citoyenneté en continu temporel
Au delà des changements qui affectent la ville dans sa matérialité et obligent à
chausser d'autres lunettes pour l'approcher, les mutations en cours nécessitent de repenser la
notion même de citoyenneté
7.2.2.1. Nouveaux cadres pour la citoyenneté
D'après H. LEFEBVRE513, la ville contemporaine aurait dissocié le citoyen et le
citadin. Autrefois, être citoyen voulait dire séjourner longuement sur un territoire. Or
aujourd'hui, le citoyen est en mouvement perpétuel ; il y circule ; s'il se fixe, bientôt il se
déprend du lieu ou cherche à s'en déprendre. Dans les métropoles, les rapports sociaux tendent
à devenir internationaux, non seulement en raison des phénomènes migratoires mais aussi et
surtout, en raison des moyens techniques de communication et de la mondialisation du savoir.
Un tel constat nous oblige à repenser les cadres même de la citoyenneté. Nous ne
pouvons plus considérer la ville comme un espace-temps limité à une période de 16 heures et
la nuit comme une discontinuité, un vide qu'il faut contrôler. Nous avons choisi
d'appréhender la ville en continu temporel 24h/24 ce qui nécessite une nouvelle approche de
la citoyenneté et de l'urbanité 514 au sens large. La qualité même de citoyen « Celui qui
appartient à une cité, en reconnaît la juridiction, est habilité à jouir, sur son territoire du droit
de cité et est astreint aux devoirs correspondants », doit être redéfinie dans l'espace et dans le
temps, nuit comprise. Nous pouvons relever le défi lancé par J. CHESNEAUX515 : «En un
âge où tout menace notre rapport au temps, pourrons-nous et saurons-nous lever enfin
l'antique malédiction de Chronos516, pour devenir capables de ré-engendrer le temps, de le
maîtriser, de le ré-ouvrir comme horizon d'initiative et de responsabilité ».
Et la ville semble de plus en plus ce lieu où peut se réorganiser la régulation. Desserrer
ses contraintes pour retrouver la flexibilité, les horizons ouverts du temps compagnon et du
temps devenir, est un enjeu démocratique, une exigence de la citoyenneté. Le temps devient
513
LEFEBVRE H., 1991, «Les illusions de la modernité», in La ville partout, partout en crise, Manière de voir 12, Le
Monde diplomatique, p. 15.
514
CHOAY, F., 1994, « Ajustement réciproque d'une forme de tissu urbain et d'une forme de convivialité » in Le règne de
l'urbain et la mort de la ville, in La Ville, art et architecture en Europe, Centre Georges Pompidou, p. 26-35.
515
CHESNEAUX J., 1996, Habiter le temps, Bayard Editions, p. 22.
516
Dieu du temps qui aurait dévoré sa progéniture pour mieux assurer son pouvoir intemporel.
-253-
une composante majeure de notre culture politique. C'est bien une culture démocratique du
temps qu'il faut construire, alors même que les repères temporels se perdent dans la
dispersion aléatoire et que le temps système nous impose ses contraintes.
7.2.2.1. Droit à la ville
En 1968, H. LEFEBVRE définissait le « droit à la ville » de la manière suivante : « Le
droit à la ville se manifeste comme forme supérieure des droits : droit à la liberté, à
l'individualisation dans la socialisation, à l'habitat et à l'habiter. Le droit à l'œuvre (à
l'activité participante) et le droit à l'appropriation (bien distinct du droit à la propriété)
s'impliquent dans le droit à la ville ». Près d'un quart de siècle plus tard, cette notion a abouti
à la rédaction de la déclaration européenne sur le droit à la ville. Ce texte qui découle de la
Charte Urbaine européenne, adoptée le 18 mars 1992 par la Conférence permanente des
pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE), lors de la session plénière annuelle
(Strasbourg, 17-19 mars) fixe quelques devoirs517 : «Considérant que l'exercice de tous les
droits cités ci-après doit être fondé sur une solidarité et une citoyenneté responsables,
impliquant également l'acceptation des devoirs, les citoyens des villes européennes ont droit à
la sécurité, à l'emploi, au logement, à la mobilité, à la santé, au sport et aux loisirs, à la
culture, à l'intégration multiculturelle, à une architecture et à un environnement physique de
qualité (Figure 1.26 - Le Droit à la ville).
Ainsi défini, le « droit à la ville » est au cœur de notre approche comme droit de
bénéficier des biens, services et lieux urbains 24h/24. Il rejoint en y ajoutant une dimension
temporelle, l'approche de E. CLAUDIUS PETIT qui dans les années 50 définissait
l'aménagement du territoire comme «la recherche d'une meilleure répartition des hommes,
des activités et des richesses, pour le bien-être et l'épanouissement de la population ». « C'est
cio
la qualité de la vie, qu'il faut prendre en compte, y compris le bon usage du temps"
»
propose J.CHESNEAUX.
Ces éléments serviront de socle à notre approche de la dimension citoyenne dans la
nuit urbaine. « On reconnaissait le citoyen à ce qu'il avait part au culte de la cité » nous
enseigne F. DE COULANGES. Pour tenir compte des mutations qui affectent les rythmes de
517
La charte urbaine européenne, 1993, Conférence Permanente des Pouvoirs Locaux et Régionaux de l'Europe, Les
Editions du Conseil de l'Europe, 125 p.
518
CHESNEAUX J., 1996, Habiter le temps, Bayard Editions, 339 p.
-254-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Figure 1.26 - Le Droit à la ville
Outils et moyens
Une ville plus sûre et sans dangers - protégée, dans la mesure du possible contre la
criminalité, la délinquance et les agressions ;
Un environnement libéré de la pollution de l'air, de l'eau, du sol et de la pollution
Un environnement sain et
acoustique, respectant la nature et les ressources naturelles ;
non pollué
L'emploi
Des perspectives
d'emploi
adéquates ; la possibilité de prendre part au
développement économique et à atteindre de ce fait à une autonomie financière
personnelle ;
Le choix parmi un stock suffisant de logements salubres, à un prix accessible,
Le logement
assurant la tranquillité et le respect de la vie privée ;
L'absence
d'entraves à la liberté de se déplacer et un équilibre harmonieux entre
La mobilité
les différents usagers des rues - transports publics, voitures particulières, piétons et
cyclistes ;
Un environnement et à une gamme d'équipements favorisant la santé physique et
La santé
psychologique ;
Le sport et les loisirs :
L'accès sans discrimination d'âge, de capacité ou de revenus, à une large gamme
d'installations sportives et de loisirs ;
L'accès et la participation à un large choix d'occupations et d'activités
culturelles
La culture
ou de création ;
La coexistence pacifique
des communautés
d'origine culturelle ethnique et
L'intégration
religieuse différente, est assurée ;
multiculturelle
Une architecture et un
Un environnement physique agréable et stimulant, suscité par une
architecture
environnement physique
contemporaine de grande qualité ainsi que par la conservation et la réhabilitation
de qualité
judicieuse du patrimoine bâti ;
Des moyens pour que l'habitat, le travail, les déplacements et la poursuite des
La coexistence
harmonieuse des fonctions activités sociales puissent se dérouler en interrelations aussi étroites que possible ;
Par des structures démocratiques pluralistes et une gestion urbaine caractérisée
La participation
par la coopération entre tous les partenaires concernés, le principe de subsidiarité,
l'information, et le refus de tous excès de réglementation ;
Par une prise de responsabilité réelle des pouvoirs locaux d'aboutir à la création,
Un développement
directe ou indirecte de la croissance économique ;
économique
Un développement durable Par un souci permanent des pouvoirs locaux d'aboutir à la réconciliation
du
développement économique et de la protection de l'environnement ;
Par l'accès à un large choix de biens et services de qualité adéquate, proposés par
Les biens et services
les pouvoirs locaux, le secteur privé ou les deux conjointement ;
Les ressources et richesses Par une gestion et une exploitation rationnelle, efficace et équitable, par les
naturelles
pouvoirs locaux au bénéfice de tous les citoyens ;
Par la création d'un cadre urbain propice à l'épanouissement
personnel, ainsi
L'épanouissement
qu'au développement social, culturel, moral et spirituel des individus ;
personnel
La
collaboration
entre Dans laquelle les citoyens sont impliqués, autorisés et encouragés à participer
municipalités
directement aux relations internationales de leur ville ;
financières
Mécanismes et structures En permettant aux autorités locales de trouver les ressources
nécessaires pour l'exercice des droits énoncés dans la présente Déclaration ;
financières
Par l'engagement des pouvoirs locaux de garantir l'exercice des droits ci-dessus
L'égalité
pour tous les citoyens, sans discrimination de sexe, d'âge, d'origine, de croyances,
de situation sociale, économique ou politique, de handicap physique ou mental.
Sources : d'après le texte final de la Charte urbaine européenne, Conseil de l'Europe, 1993
Droits fondamentaux
La sécurité
nos vies et de nos villes, la citoyenneté doit aujourd'hui être repensée dans l'espace et dans le
temps, 7j/7 et 24h/24.
Le droit à la ville est aussi un droit à l'espace public.
519
La charte urbaine européenne, 1993, op.cit.
-255-
7.2.3. Un espace public en continu temporel
Les évolutions actuelles et à venir de la ville et de la citoyenneté ont des conséquences
sur l'espace public qu'il faut définir précisément. C'est cet espace public que nous étudierons
par opposition à l'espace privé par définition presque inaccessible à nos investigations.
7.2.3.1. Une définition trop restrictive
Lorsque l'on dépasse l'acception courante du mot, la notion d'espace public d'usage
assez récent en urbanisme ne fait pas toujours l'objet d'une définition très rigoureuse et
partagée. La définition proposée par P. MERLIN et F. CHOAY est trop restrictive : « On peut
considérer l'espace public comme la partie du domaine public non bâti, affectée à des usages
publics. L'espace public est donc formé par une propriété et par une affectation
d'usage ».520 Leur définition par la négative est plus riche : « l'habitat et les lieux de travail,
étrangers l'un à l'autre, dessinent en creux les lieux d'activités banalisés, le domaine de
« l'homme de la rue », de « l'usager ». Ils ne souhaitent pas suivre « les nombreux urbanistes
qui considèrent également au titre de l'espace public des lieux bâtis de droit privé : gares,
centres commerciaux... voire les moyens de transport en commun ou les équipements
collectifs ».
7.2.3.2. La notion d'espaces collectifs urbains
C'est cette voie que nous avons pourtant choisi de suivre en nous rapprochant des
propositions de M. DE SABLET521 qui préfère parler d'espaces collectifs : « les espaces
collectifs urbains, appelés encore espaces publics ou espaces extérieurs, sont constitués par
l'ensemble des lieux ouverts à tous. Ils sont généralement sous la responsabilité de
collectivités publiques ou parfois de droit privé. Ils sont le plus souvent en plein air, mais
peuvent être partiellement ou totalement couverts. Ce sont à la fois des espaces formels,
espaces en creux, définis par les bâtiments qui les bordent et des espaces de vie et de
socialisation où se déroulent les activités propres à la vie collective d'une ville ». Pour cet
urbaniste, l'espace collectif est le lieu organique essentiel de la cité, son âme. C'est à travers
les fonctions que doivent assurer ces espaces qu'on les appréhende le mieux :
5211
MERLIN P., CHOAY F., 1988, Dictionnaire de l'urbanisme et de l'aménagement, PUF, 723 p.
-256-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
La satisfaction des besoins sensoriels et psychologiques, la surprise des formes,
des événements, la variété qui combat l'ennui, le plaisir, la rêverie, la découverte, la
promenade, le bain de foule ou l'isolement, le sentiment de se sentir chez soi, la
contemplation, la tranquillité ou le mouvement, la vitesse ou la lenteur, la reconnaissance des
lieux et des symboles de la vie collective et de l'histoire, les ambiances.
•
les relations sociales spontanées
et libres, les démarches individuelles et
collectives, les rencontres programmées ou dues au hasard, les échanges d'informations, la
sécurité l'attente, la flânerie, la culture, les spectacles, les communications sous les formes les
plus variées, l'éducation, l'apprentissage, les jeux...
•
Les échanges économiques, les services, les commerces, les travaux,
l'artisanat...
dans des conditions propres à chacun des secteurs qui n'ont pas les mêmes relations avec les
espaces collectifs : des commerces ont des devantures, des étals sur la rue ; certains sont
isolés dans un espace collectif ; grands magasins et grandes surfaces en génèrent d'autres.
•
Les déplacements utilitaires dans des conditions confortables et adaptées à chaque
moyen utilisé, à pied, en voitures d'enfants, en véhicules pour handicapés, en vélos, en
vélomoteurs et motos, en voitures individuelles, en véhicules utilitaires, par transports
collectifs, en évolution libre ou en site propre, tramways, trolleybus, métros, adaptés
également à différents usages : stationnement, livraisons, arrêts, traversées, utilisation
occasionnelle
ou
régulière,
services
(pompiers,
secours,
PTT,
fluides),
repérages,
reconnaissance des images de la ville le long des parcours...
Espaces à fréquentation différenciée, ils intéressent toutes les populations malgré la
durée du travail et les temps de déplacements. Ces espaces sont notamment utilisés hors des
horaires de bureau par de nombreuses personnes : convalescents, enfants non encore
scolarisés, femmes aux foyers, écoliers, enseignants, étudiants, professions à horaires libres,
chômeurs, personnes âgées, poètes ou musiciens, visiteurs, touristes, ceux dont l'activité se
passe dans la rue ou en ses marges, entre les activités du matin et du soir pour certains, après
le travail ou avant parfois pour d'autres, personnes en congés certains jours de la semaine.
521
DE SABLET M., 1988, Des espaces urbains agréables à vivre, Editions du moniteur, 285 p.
-257-
D'après eux, la constitution d'un «espace public» accompagne paradoxalement la
régression d'une participation directe quotidienne à la vie civique urbaine. Il faut encore
rapprocher la spécificité de l'espace public de la laïcisation de la société, et donc de la quasidisparition d'un domaine concret et symbolique du sacré, l'espace sacré
522
.
Il comporte aussi bien des espaces minéraux (rues, places, boulevards, passages
couverts) que des espaces verts (parcs, jardins publics, squares, cimetières...) ou des espaces
plantés. On peut tenter d'identifier ces principaux espaces publics : lieux de circulation et de
stationnement,
équipements collectifs, transports publics, abords d'équipements,
verts, espaces culturels, espaces commerciaux, espaces résiduels, espaces
espaces
semi-publics,
espaces électroniques, espace vertical (Figure 1.27 - Espaces collectifs urbains).
Figure 1.27 - Espaces collectifs urbains
Lieux de circulation et de Rues mixtes, Rues piétonnes, Avenues, Boulevards, Pistes cyclables, Places, Squares,
Dalles piétonnières, Rampes, Ponts, Escaliers, Franchissements divers souterrains ou à
stationnement
l'air libre, Hall et quais de gare ferroviaire, Hall et salle d'attente d'aéroport, Hall et
quai de gare routière, Souterrain de transports collectifs, Stationnements souterrains
ou à l'air libre, Aires de repos routières ou autoroutières, Espaces sous abris (ponts,
passage) ;
Piscine, Patinoire, Gymnases, Administration ;
Equipements collectifs
Transports publics
Tramway, Bus ;
Abords d'équipements
Espaces commerciaux
Abords d'immeubles, Abords d'espaces de loisirs, Espaces extérieurs d'ensembles
d'habitation, Espaces collectifs aux abords des lieux de travail, Cours et abords
d'espaces d'enseignement, Campus et abords d'espace universitaires, Abords
d'espaces hospitaliers, Abords d'espaces collectifs pour la culture, Abord des zones
industrielles, Abord des zones commerciales, bords d'autoroutes ;
Parcs, Jardins publics, Cimetières, Fronts de mer ou bords d'étangs, Quais et rives des
cours d'eau et de rivières, Espaces de jeux, Terrasses et jardins suspendus, Fontaines
et bassins, Bases de loisirs, Jardins familiaux, Lieux d'activités physiques et parasportives intégrés en ville, Monuments ;
Zones d'expositions (musée...), Espaces de représentation en plein air, Aires de
manœuvres diverses, Espaces pour forains et animations temporaires ;
Centres et espaces commerciaux ;
Espaces résiduels
Espaces en friches entre tous les autres, comme oubliés ;
Espace semi-public
Entrées et halls d'immeubles collectifs, entrées d'établissements de nuit ou terrasses
d'établissements ;
Colonnes Morris, Panneaux publicitaires, Enseignes lumineuses, Vitrines ;
Espaces verts
Espaces culturels
Espace vertical
Espace électronique
Sources : M. DE SABLET
Téléphone, Internet, banques de données, et même télévision dans une certaine
mesure.
, R. BRUNEI0M.
DAVIS'2', L.
GWIAZDZINSKIyib
522
HABERMAS J., 1982, L'espace public, trad. Franç.
DE SABLET M., 1988, op. cit.
524
BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Reclus, La
Documentation Française, 470 p.
525
DAVIS M., 1997, City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur, trad. de l'américain DARTEVELLE M., Editions de La
Découverte, Paris, p. 206.
526
GWIAZDZINSKI L., 1991, Une première approche des barrières dans la ville, op.cit.
523
-258-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Nous avons également retenu également dans la proposition de R. BRUNET « la
mention de l'espace vertical, celui des murs, intégré à l'espace public par l'entreprise privée
pour la publicité527 : Colonnes Morris, Panneaux publicitaires, Enseignes lumineuses,
Vitrines. Appliquée à la ville la nuit, et compte tenu de la faiblesse des conditions d'éclairage
et du froid souvent plus vif, la notion d'espace public doit être élargie à d'autres espaces,
semi-publics comme les entrées et halls d'immeubles collectifs, entrées d'établissements de
nuit ou terrasses d'établissements. A cette espace public et architectural, il faut ajouter,
« l'espace électronique » qui correspond à une agora de plus en plus immatérielle telle que l'a
définie M. DAVIS 528 : téléphone, Internet, banques de données, et même télévision dans une
certaine mesure.
C'est sur ces bases, en fonction de ces préalables, que nous avons pu mettre en place
une méthode d'exploration de la ville la nuit.
7.3. DES DONNEES A CREER
Nous ne pouvions évidemment pas traiter la ville la nuit comme une entité abstraite et
universelle.
7.3.1. Un champ d'investigation limité
Afin de dépasser le discours général, nous avons choisi de confronter nos hypothèses
de travail à un terrain d'investigation limité dans l'espace et dans le temps définissant de la
sorte les contours d'une pièce de théâtre avec unité de lieu et unité de temps.
Aborder la nuit, c'est aborder la complexité du système urbain sur 24 heures sans se
limiter aux bornes présupposées de cet espace temps.
Dans l'absolu, l'analyse spatio-temporelle du système urbain aurait dû se structurer
autour de plusieurs axes en prenant en compte toutes les dimensions de l'homme dans la ville
527
528
BRUNET R., FERRAS R., THERY H., 1992, op.cit.
DAVIS M., 1997, op. cit.
-259-
tout à la fois consommateur, citoyen et producteur de richesses. Dans les faits, elle a surtout
porté sur les dimensions « consommateur » et « citoyen » du citadin même si directement (par
les horaires de travail dans les services et les entreprises industrielles) et indirectement (par
les horaires d'ouvertures des services) la dimension « producteur » a également été un peu
abordée.
Nous aurions donc dû à la fois collecter des informations sur l'offre urbaine (les
horaires d'ouverture et de fermeture des services), mesurer le fonctionnement effectif du
système (fréquentation des équipements, rythme des entreprises ...) et être capable de
confronter ces informations avec une analyse de la demande et des besoins de la population
(enquête...). Dans les faits, nous nous sommes surtout concentrés sur l'offre urbaine (les
possibles). Nous avons réussi à construire quelques indicateurs de fréquentation et avons dû
négliger l'aspect demande et besoins de la population.
7.3.2. Le choix d'une unité d'espace et de temps
Dans la mesure du possible, et afin de pouvoir effectuer des comparaisons dans
l'espace et dans le temps, les données ont été collectées à l'échelle de l'agglomération, de la
circonscription de Police, de la commune, voire des quartiers de Strasbourg (Figure 1.28 Communauté Urbaine de Strasbourg - Carte de repérage)
Obtenues avec difficultés au fur et à mesure des recherches et des contacts, les
informations disponibles étaient trop disparates dans l'espace et le temps pour permettre des
comparaisons et des analyses pertinentes. La recherche a donc été totalement relancée en
1998 et les informations collectées et structurées pour une année de référence : l'année 1997
7.3.2.1 Un cadre d'étude restreint : la métropole strasbourgeoise
La
métropole
strasbourgeoise
a constitué
notre
cadre
d'investigation.
Son
positionnement international associé à une taille relativement modeste, son attractivité
économique et touristique et les tensions qui traversent la ville et ses quartiers, offrent un
-260-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
terrain d'analyse exceptionnel et permettent d'envisager une approche globale du système
urbain. Notre résidence sur place dans la capitale européenne a naturellement plaidé en faveur
de l'étude de Strasbourg.
Les contradictions qui traversent la ville et l'ensemble de la région semblaient bien
refléter - parfois jusqu'à la caricature - les mutations qui affectent nos métropoles. Strasbourg
s'inscrit dans une région paradoxale - l'Alsace - écartelée entre l'internationalisation de son
économie et le développement équilibré de ses territoires, la compétitivité de ses entreprises et
le devoir de cohésion sociale, le développement économique et la qualité de vie, le
volontarisme européen et l'apparition d'une crispation sécuritaire, l'ancrage national et les
sirènes du régionalisme. Si les mécanismes à l'œuvre, mutations, éclatement des cadres
politiques, économiques et sociaux de référence, déménagement du territoire, dislocation
sociale, concernent toutes les régions d'Europe, l'Alsace, résolument inscrite dans la
compétition internationale et bénéficiant d'une tradition de cohésion et d'équilibre, vit peutêtre plus difficilement ce tiraillement et ces tensions que d'autres. Au-delà de la ville-musée,
Strasbourg est une agglomération qui concentre sur quelques hectares tous les contrastes et les
contradictions d'une cité mosaïque inscrite dans la compétition internationale où des mondes
et des quartiers se côtoient sans toujours se rencontrer529 : quartier européen, technopole aux
multinationales high-tech, centre-ville musée, zones pavillonnaires ou résidentielles de luxe et
quartiers en difficultés.
Si la position de Strasbourg est celle de ses coordonnées géographiques - 48° 35' 05"
de latitude Nord et 7° 45' 57" de longitude Est -, la simple localisation géographique d'une
ville ne suffit pas à définir sa situation, prévient R. KLEINSCHMAGER530 qui propose de
distinguer quatre échelles d'approche :
•
La première est celle du niveau continental européen qui distingue Strasbourg des
autres grandes villes françaises compte-tenu du nombre d'institutions européennes qui y sont
implantées et de sa position au cœur de l'Europe ;
52y
GWIAZDZINSKI L., 1997 ; « La manipulation symbolique », L'appel de Strasbourg, Editions de la Nuée Bleue, pp. 111120
530
KLEINSCHMAGER R„ 1998, Strasbourg une dimension européenne, Anthropos, p. 31.
-263-
•
La seconde est celle de l'Etat-Nation qui n'a pas perdu toute son importance
malgré le processus d'intégration européenne. Strasbourg est à - la dixième place des
agglomérations françaises en termes de population ;
•
La troisième est celle de la position de la ville dans un espace transfrontalier
rhénan ;
•
La dernière est celle de l'espace régional dont Strasbourg est la capitale. Avec
388 500 habitants dans l'agglomération, Strasbourg s'impose sans conteste comme le premier
centre urbain de la région regroupant 23,8 % de la population régionale.
7.3.2.2. Physionomie de l'agglomération strasbourgeoise
Depuis 50 ans, l'agglomération de Strasbourg a connu plusieurs phases d'urbanisation
successives. De nombreux ensembles ont été construits pour faire face au dynamisme
démographique. Les grands ensembles se sont échelonnés des années 50 (le Neuhof) aux
années 70 (Hautepierre, Cité Nucléaire). Leur implantation dans l'espace urbain a procédé de
logiques différentes : certains ont été juxtaposés à des faubourgs périphériques de Strasbourg
(Neuhof, Cronenbourg) ; d'autres ont été édifiés au sein de quartiers ayant une vieille identité
de cité ouvrière (Montagne Verte, Bischheim, Schiltigheim) et d'autres encore ont été érigés
sur des espaces gagnés sur la campagne (Hautepierre). Parallèlement, le centre-ville a fait
l'objet de grandes opérations de rénovation urbaine : aménagement du quartier de l'Esplanade
à la fin des années 60, édification du centre Les Halles dans les années 70, condamnation du
centre-ville à la circulation automobile à partir de la fin des années 80, aménagement du
quartier européen, construction de la ligne de tramway au début des années 90. Enfin dans les
années 90, apparaissent de nouveaux quartiers résidentiels collectifs en périphérie (ex :
quartier des Cèdres de Cronenbourg), tandis que l'important parc social en place est
progressivement réhabilité. Le nouveau quartier du Parc des Poteries (à proximité de
Hautepierre et Koenigshoffen) est en train de se peupler tandis que les alentours de la place de
l'Etoile sont en cours d'urbanisation rapide.
L'Agglomération strasbourgeoise (Figure 1.29 - Agglomération de Strasbourg, carte
de répérage) présente une physionomie concentrique. Du centre à la périphérie, on rencontre :
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
Un centre-ville historique, traditionnel préservé, constitué de plusieurs entités
(Gare, Krutenau, Esplanade, etc.) et flanqué de deux vastes quartiers résidentiels : le Neuhof
et le Neudorf ;
•
Une première
couronne composée de quartiers périphériques
où les vieux
faubourgs historiques jouxtent les nouveaux ensembles d'habitat social. La mixité, si elle est
réelle à l'échelle du quartier, est donc mal assurée à l'échelle de l'îlot d'habitation, et dans ces
quartiers, la fracture est tangible entre les zones pavillonnaires et les immeubles HLM. Ces
quartiers sont dans l'ensemble bien desservis par les transports en commun de la CTS,
notamment le TRAM, même si le fait d'être en bout de ligne est parfois interprété comme un
indice de relégation.
•
Une deuxième couronne de communes rurales plus excentrées de la CUS, reliées
au centre-ville par les seules lignes de bus.
7.3.2.3. Le contexte de la politique de la ville et des politiques de sécurité
A la fin des années 70, le quartier du Neuhof est l'un des premiers de France à
bénéficier d'un programme d'actions dans le cadre du dispositif «Habitat et vie sociale ».
Dans les années 80, des dispositifs sont créés en appui de la politique de développement local
des quartiers : Conseils communaux de prévention de la délinquance, Missions locales pour
l'insertion professionnelle des jeunes en difficultés, Zones d'Education prioritaire, Contrats
d'agglomération pour une meilleure insertion des populations étrangères (FAS), programmes
locaux de l'habitat. Plusieurs quartiers sont concernés par le contrat de ville 1994-98 qui se
substitue à toutes les autres procédures de développement social urbain : convention
Développement Social des Quartiers pour le Neuhof, Cronenbourg et les Ecrivains ou
Convention de quartier pour Koenigshoffen et Hautepierre.
Les cinq sites conventionnés de l'agglomération (Neuhof, Koenigshoffen, Hautepierre,
Cronenbourg et les Ecrivains) souffrent de lourds handicaps. Les écarts constatés avec le reste
de la ville sont importants. En 1998, au titre de la Politique de la ville et du Pacte de relance,
l'agglomération comptait :
-265-
•
Cinq Zones de redynamisation
urbaine (ZRU) : Cité nucléaire, Ecrivains,
Hautepierre, Canardière Est, Cités Neuhof.
•
Dix zones urbaines sensibles (ZUS) : Koenigshoffen, Grand Ried, Tiergartel,
Elsau-Montagne Verte, Port du Rhin, Canardière Est, Cités Neuhof, Hautepierre, Ecrivains,
Cité Nucléaire.
•
Une zone franche urbaine (ZFU) : cités Neuhof.
En matière de sécurité, de nombreuses mesures ont été mises en oeuvre ces dernières
années dans le cadre de démarches partenariales menées le plus souvent à l'échelle
départementale et sanctionnées par des textes de portée globale ou limitée à un domaine
particulier : Plan Local de Sécurité (PLS), Plan Départemental de Sécurité (PDS), Plan
Départemental de Prévention de la Délinquance (PDPD), convention départementale de lutte
contre les violences scolaires, Plan de lutte contre les drogues et la toxicomanie et le Contrat
Local de Sécurité de l'agglomération strasbourgeoise qui regroupe les communes de
Strasbourg, Bischheim, Hoenheim, Illkirch, Lingolsheim, Schiltigheim et Ostwald.
7.3.3. La recherche de données spécifiques et adaptées
Les objectifs fixés ont nécessité la collecte d'informations, qu'il a fallu structurer afin
de constituer des bases de données localisées adaptées permettant de situer chaque événement
(Z) à un moment (t) dans l'espace (X, Y).
Dans la mesure du possible, et afin de pouvoir effectuer des comparaisons dans
l'espace et dans le temps, les données ont été collectées à l'échelle de la Communauté
urbaine, de l'agglomération, de la circonscription de Police, de la commune, voire des
quartiers de Strasbourg et se rapportent à l'année 1997 :
•
La Communauté urbaine de Strasbourg soit 423 696 habitants ;
•
L'Agglomération de Strasbourg
(Unité urbaine)
soit 388 466
habitants
comprenant les communes de Bischheim, Eckbolsheim, Hoenheim, Illkirch-Graffenstaden,
Lingolsheim, Ostwald, Schiltigheim et Strasbourg ;
-266-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
La Circonscription de Police de Strasbourg soit 347 154 habitants couvre la ville
de Strasbourg ainsi que les communes de Schiltigheim, Bischheim, Hoenheim, Lingolsheim
et Illkirch-Graffenstaden ;
•
La Commune de Strasbourg soit 252 274 habitants, 78,27 km 2 et une densité de
population de 3224 hab/km2.
Figure 1.30 - Population de l'agglomération strasbourgeoise
au lieu de
résidence
Population
totale
Commune de Strasbourg
Unité Urbaine de Strasbourg
Communauté Urbaine de Strasbourg
Zone d'emploi de Strasbourg
Sources : INSEE - RGP 1990
•
252 274
388466
423 696
499 234
au lieu de
au lieu de
résidence
travail
Actifs ayant Population Actifs ayant
un emploi active totale un emploi
146
196
210
232
781
424
036
464
114312
180 808
199 275
233 904
100
163
179
213
807
258
407
887
...et
travaillant
dans leur
commune de
résidence
77 261
90 790
94 328
103 592
Pour certaines analyses, nous descendrons parfois à l'échelle des quartiers de
Strasbourg : Cité de l'Ill, Robertsau, Contades-Wacken, Ecole Militaire, Orangerie, Vieux
Cronenbourg, Cronenbourg, Hautepierre, Koenigshoffen-Ouest, Koenigshoffen-Est, Gare,
Place de Haguenau, Cathédrale Broglie, Forêt-Noire, Quartier de XV, Sainte Madeleine,
Krutenau, Esplanade Citadelle, Neudorf Dépôt CTS, Kléber Petite France, Montagne Verte,
Elsau, Meinau, Neudorf Orphelinat, Canardière 2, Canardière 1, Neuhof Lyautey, Neuhof,
Stockfeld, et Musau Polygone Port du Rhin (Figure 1.31 - Agglomération de Strasbourg
-
Répartition densitaire 1990).
•
Pour les données de la Police municipale, nous travaillerons à l'échelle des
« quartiers » de la Circonscription de Police de Strasbourg : Ellipse Centre, Couronne Est,
Couronne Ouest, Couronne Nord et Robertsau, Neudorf, Meinau, Hautepierre, Cronenbourg,
Kooenigshoffen, Lingolsheim, Montagne Verte et Elsau, Illkirch Graffenstaden, Neuhof,
Schiltigheim, Bischheim, et Hoenheim.
-271-
7.3.4. Des difficultés de collecte des informations
De nombreuses
difficultés ont émaillé ce décourageant travail
de
collecte
d'informations qui a entraîné différentes réorientations et a failli à plusieurs reprise remettre
en question la recherche elle-même. Il est très difficile de sortir de cette « nuit des données » :
•
Absence de données spatio-temporelles
Différents organismes
ont été contactés et nombre de documents
ont
été
consultés (annuaire France Telecom, fichier CCI, Fichier Siren, sites Internet) afin d'obtenir
une information sur l'offre spatiale et temporelle. Il n'existe à l'heure actuelle aucune base de
données fiable croisant une information spatiale et temporelle sur l'offre urbaine (commerces,
administrations, services...). Cette absence d'information a nécessité la mise en place
d'enquêtes téléphoniques ou de terrain très chronophages. En ce qui concerne les données sur
l'insécurité, la dimension temporelle (t) est particulièrement mal informée et le croisement des
quatre dimensions est rarement possible.
•
Caractère confidentiel des informations
Les événements recherchés sont difficilement accessibles car le plus souvent liés à des
domaines sensibles comme la sécurité (Police Nationale, Police Municipale, Gendarmerie...).
Il a fallu par exemple cinq longues années de tractations avant de pouvoir obtenir -à titre
officieux- des informations sur les phénomènes de délinquance qui permettent de les localiser
dans l'espace (adresse) et dans le temps (jour et heure de l'événement). Malgré des
interventions préfectorales et ministérielles, on me transmettait toujours la même information
générale. La même demande faite à New York, Kansas City, Seattle ou Newcastle, villes dans
lesquelles nous n'avions aucune attache a été satisfaite dans l'heure avec mise à disposition de
données et de cartes. Les horaires d'ouverture des commerces ou leur fonctionnement, leur
fréquentation en journée n'ont pas été aisés à obtenir de la part des commerçants qui se
méfient de l'enquêteur et de ses « questions bizarres » et « si précises ».
•
Multiplicité des organismes
L'approche globale du système urbain privilégiée a nécessité de prendre contact avec
plus d'une cinquantaine d'organismes qui ne disposaient évidemment pas des mêmes séries
statistiques, sur les mêmes périodes et aux mêmes échelles.
-272-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
Caractère éphémère et hétérogène des informations
Les données informatisées ou consignées dans des cahiers, quand elles existent,
rarement exploitées jusque là, sont souvent écrasées ou détruites au fur et à mesure ce qui
interdit l'étude de séries longues. Souvent enregistrées par des personnes différentes, certaines
informations sont trop hétérogènes pour être utilisées comme telles. Beaucoup d'informations
sont disponibles à des dates, des échelles ou des créneaux horaires différents.
•
Obligation de saisie sur place
La plupart des informations finalement obtenues l'ont été au prix d'un double travail
de saisie entraînant perte de temps et multipliant les risques d'erreurs : saisie manuelle de
fichiers manuscrits ou informatiques sur support papier à l'intérieur même des organismes en
question : « il ne faut pas que ça sorte » ; saisie informatique des informations recopiées à la
main dans un deuxième temps.
•
Caractère particulier de la recherche
Certaines statistiques n'avaient jamais été exploitées ni analysées dans une telle
démarche
(SAMU,
Taxis, Police,
Police Municipale et Rurale...). Les
demandes
d'information à ce sujet ont souvent semblé « bizarres » et le thème de la recherche un peu
trop excentrique pour être sérieux.
•
Lourdeur des enquêtes horaires
Dans le cas des commerces par exemple, chaque établissement a été appelé six fois en
moyenne avant que l'on ait pu obtenir une information fiable sur les heures d'ouverture en
semaine, le week-end ou dans l'année. Souvent, il a été nécessaire de se rendre sur place pour
interroger directement le responsable, voire guetter les horaires d'ouverture et de fermeture.
Pour dépasser cette « nuit des données », il a fallu se résoudre à mettre en place un
système de relevés d'information et d'enquêtes à l'échelle de la commune et de la CUS.
-273-
7.4. UNE METHODE
Les conditions d'accès des individus à la ville la nuit ont guidé notre approche :
activités, lumière, représentations, sécurité, transport et réglementation. Nous avons tenté de
« borner » la nuit urbaine dans le temps.
7.4.1. Collecte d'une information très diversifiée
En fonction des deux axes d'exploration de la nuit urbaine choisis, «Liberté» et
ro i
« Insécurité », de la méthode de « décomposition des systèmes
» mise en place, nous avons
concentré la recherche de l'information dans trois directions principales :
•
Pour l'axe liberté les informations sur l'offre urbaine statique (commerces...) et
mobile (transports) et sur le fonctionnement de la ville (fréquentation des services...) ;
•
Pour l'axe sécurité, les informations sur les phénomènes liés à Vinsécurité
(délinquance, violence urbaine, vols...) ;
•
Parallèlement à la recherche d'information statistiques, une revue de la presse
régionale -Journal Les Dernières Nouvelles d'Alsace essentiellement- a été réalisée sur le
thème de la nuit de 1991 à 1998 afin de pouvoir mesurer l'intérêt pour la question, les
thématiques principales et l'évolution du traitement de la ville la nuit.
7.4.1.1. Informations sur l'offre urbaine
L'offre urbaine de services qu'ils soient statiques (commerces, restauration, ou
mobiles (transports publics) a fait l'objet d'un lourd travail de collecte et de structuration des
information avec adresse des services puis introduction des enquêtes sur les horaires
d'ouverture (Figure 1.32 - Informations sur l'offre urbaine).
531
LE GALLOU F, BOUCHON-MEUNIER B. (coord.), 1992, op. cit.
-274-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Figure 1.32 - Informations sur l'offre urbaine
Sources
Fichiers de base
OFFRE U R B A I N E
Offre de logements, santé, protection / • Annuaire téléphonique France Telecom (1997), brochures
d'information de la Communauté Urbaine de Strasbourg et
sécurité,
loisirs et distractions, sport et
enquêtes ;
socio-éducatif, lieux de culte, éducation,
services publics , culture » bien-être
• Tous les services ont ensuite été contactés par téléphone et
pour la moitié d'entre eux, ont fait l'objet d'une visite de
vérification sur place ;
Offre de commerces, restauration, autres • Fichier des entreprises de la Chambre de Commerce et
d'Industrie de Strasbourg et du Bas-Rhin, (1996), annuaire
commerces, services divers et beauté
téléphonique de France Telecom, documents, liste des
autorisations d'ouverture tardive 532 ,de la Préfecture du BasRhin, le Petit Futé Strasbourg533, le Strassbuch534,
Strasbourg
et environs, Hôtels, restaurants et adresses utiles535 , Le
téléphone gourmand536 et de nombreux contrôles et relevés
personnels ;
• Tous les services ont ensuite été contactés par téléphone et
pour une bonne moitié d'entre eux, ont fait l'objet d'une visite
de vérification sur place ;
• Informations collectées dans la presse locale. Chaque radio et
Média
télévision a ensuite été enquêtée par téléphone ;
Offre de transport.
• Fiches horaires transmises par la SNCF, les Compagnies
d'aviation, les Sociétés de transport routier et la Compagnie
des Transports de Strasbourg.
Sources : enquêtes personnelles,
1998
7.4.1.2. Informations sur le fonctionnement de la ville
Ce travail de collecte de l'information avait pour but d'appréhender les rythmes de la
ville et de borner la nuit urbaine. Nous avons rassemblé les informations nécessaires pour
déterminer les bornes naturelles de la nuit urbaine puis les bornes fonctionnelles et
économiques (Figure 1.33 - Informations sur les bornes de la nuit et Figure 1.34 Information sur les bornes économiques de la nuit).
7.4.1.3. Informations liées à la sécurité et l'insécurité
Les informations sur l'insécurité ont été recueillies principalement auprès de la Police
nationale, de la Gendarmerie, de la Police municipale et rurale, du SAMU et de l'association
PULSAR (Figure 1.35 - Informations sur l'insécurité).
532
533
534
535
536
Liste des autorisations d'ouvertures tardives à Strasbourg, 1998, CUS.
Petit Futé Strasbourg, 1998, Nouvelles Editions de l'Université, 344 p.
Le Strassbuch 98, 1998, IECS Strasbourg, 231 p.
Strasbourg et environs, hôtels, restaurants, adresses utiles 1998, 30 p.
Le téléphone gourmand, 1997, Annuaire de la restauration, Strasbourg-CUS, Tavernier Reymann et Cie, 34 p.
-275-
Figure 1.33 - Informations sur les bornes de la nuit
Bornes naturelles de la nuit
Heures de lever et coucher du soleil
Températures
Précipitations à la station de Strasbourg
Vitesse du vent
Bornes physiologiques
Heures de lever et coucher de la population
Calendrier de la poste 1995 ;
Météo France, pour la période janvier et août 1997 ;
Météo France pour juin 1998 ;
Météo France pour juin 1998 ;
Enquête du Centre Médical InterEntreprise Europe (CMIE)
menée auprès de 1500 personnes en 1999 ;
Horaires de coucher et de lever dans les Hôpitaux de Strasbourg ; Internat du Lycée Kléber ; Maison
institutions
d'arrêt de l'Elsau ; Couvents dont Couvent des Dominicains,
Couvent des Pères capucins, Couvent des Petites sœurs de la
Charité et Couvent Marie réparatrice ; Résidences du 3ème âge
Maison de retraite Saint Arbogast, Robertsau, Faisanderie ;
Foyer de l'enfance ; Etablissements militaires, notamment la
Caserne Turenne ;
Rythmes biologiques de notre organisme
Travaux du Professeur A. RENBERG ;
Bornes fonctionnelles
Illuminations
Eclairage public et illuminations
Services de la Communauté Urbaine de Strasbourg ;
Informations partielles transmises par les services de la CUS
recoupées avec des relevés de terrain et quelques articles de
presse;
Consommations
Consommation de gaz dans la semaine du Gaz de Strasbourg du 26 janvier au 1er février 1998 ;
26 janvier au 1er février 1998
Consommation
d'eau
aux
premiers Service de l'eau et de l'assainissement de la CUS, premiers
trimestres de 1993 à 1998 ;
trimestres de 1993 à 1998 ;
Consommation électrique en jour ouvré en Electricité de Strasbourg en jour ouvré en 1997 ;
1997 ;
Audimat télévision et radio
Institut Médiamétrie, sondage de janvier-mars 1998 ;
Nuisances
Pollution atmosphérique
ASPA du 21 mars au 21 juin 1997 ;
Nuisances sonores.
Service hygiène de la ville de Strasbourg, CABR, Police
nationale, Police municipale et rurale ;
Bruit.
Le Laboratoire des ponts et Chaussées ;
Nuisances olfactives ;
Police municipale et rurale ;
Circulation
Piétons
Relevés personnels sur le Pont du corbeau, octobre 1998 ;
Circulation cycliste en 1995
Informations sur la circulation routière
Circulation autoroutière des véhicules
légers et des poids lourds ;
Courses taxi et appels
Circulation des bateaux sur le Rhin
Fréquentation des services
Entrée en discothèques
Entrée en bar de nuit
Entrée à l'hôtel
Marché gare
Automates bancaires
Sources : enquêtes personnelles, 1998
Agence de Développement et d'Urbanisme en 1995 ;
1SIRAC pour les 22-23 Juin et 10-11 février 1997 ;
DDE et CRS 67 en novembre 1997 ;
Sociétés Taxi 13 et NOVOTAXI du 30 mars au 5 avril 1998 et
pour les appels du 2 au 3 mai 1998 ;
Semaine du 9 au 15 février 1998 ;
La discothèque le Chalet, la discothèque Le Colysée, 1997 ;
Les bars de nuit la Java et Le Griot, 1997 ;
l'Hôtel Cathédrale, 1997 ;
SAMINS, 1997 ;
Crédit mutuel pour l'automate bancaire place Kléber.
-276-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
Figure 1.34 - Information sur les bornes économiques de la nuit
Bornes économiques
Données des syndicats professionnels ;Textes de loi, Communauté Urbaine de
Salaires
Strasbourg, 1998 ;
Brasserie les 3 brasseurs, Bar Le Living Room, Pub Murphy's, Discothèque Le chalet ;
Etablissements
Données Caisse Primaire d'Assurance maladie ;
Santé
Gaz de Strasbourg, Service de l'eau et de l'assainissement de la CUS, Electricité de
Energie /
Communication
Strasbourg
France Telecom ;
Enquête, relevés et expériences personnelle (Dépannage voiture, fourrière, horodateur,
Transports
Taxi 13, CTS, Société d'ambulance) ;
Services à domicile Enquête, relevés et expérience personnelle (serrurier, vitrier, plombier, dépannage
généraliste, dépannage voiture) ;
Supermarché CORA, Vendenheim ; Galeries Gourmandes, Place des Halles ; Station
Alimentation
service BP, Avenue des Vosges.
Sources : enquêtes personnelles, 1998
Figure 1.35 - Informations sur l'insécurité
Insécurité
Mortalité
Fichier d'Etat civil de Strasbourg ;
SAMU, 1998 ;
Clinique strasbourgeoise, 1998, Fichier d'Etat civil de
Strasbourg ;
Données fournies par le service des urgences de Hautepierre,
1997 ;
Suicide fournies
Naissance
Pathologies
Violences urbaines
Voitures
incendiées,
des
poubelles
incendiées, des vide-ordures incendiés, des
gloriettes
incendiées,
des
abribus
incendiés :
Vols
Vols avec violence, vols à la roulotte,
cambriolages d'établissements
commerciaux et cambriolage
d'habitations :
Agressions
Agressions en général et agressions de
livreurs de Pizzas en particulier :
Compagnie des transports strasbourgeois, Police Nationale,
1998, Corps mixte des sapeurs pompiers de la CUS, 1998 ;
Police Nationale, 1998, Gendarmerie Nationale, 1998 ;
Police Nationale, 1998, SAMU, 1998.
Incivilités
Incidents CTS, des nuisances olfactives, Police Nationale, 1998, Police Municipale et rurale, 1998
des nuisances sonores des dépassements
d'horaire et du tapage :
Accidents
Accidents de la circulation sur route et sur Compagnie Républicaine de Sécurité, 1997, Communauté
urbaine de Strasbourg, 1998, Gendarmerie Nationale, 1998,
autoroute :
SAMU, 1998, Police Municipale et rurale, 1998, Gendarmerie
Nationale, 1998, Corps mixte des sapeurs pompiers de la CUS,
1998
SAMU, 1998, Police Nationale, 1998
Relevé horaire des appels reçus
Relevé horaire des interventions effectuées
Sources : enquêtes personnelles,
Gendarmerie Nationale, 1998, Association PULSAR,
Police Municipale et rurale, 1998
1998
-277-
1998,
La plupart du temps, les informations ont été recopiées dans des cahiers puis
organisées dans des tableaux de synthèse (Figure 1.36 - Exemple de tableau
d'information
brute)
Figure 1.36 - Exemple de tableau d'information brute
Date
horaire
Quartier
Rue
vendredi 11 avril 1997
lundi 24 février 1997
22:10
22:25
Bischheim
Bischheim
Mistral
Brumath
jeudi 26 juin 1997
mardi 8 avril 1997
vendredi 17 octobre 1997
22:29
23:29
21:11
vendredi 27 juin 1997
vendredi 30 mai 1997
23:00
23:43
vendredi 24 octobre 1997
21:31
lundi 17 novembre 1997
dimanche 30 mars 1997
jeudi 10 avril 1997
23:19
0:52
23:01
mardi 8 juillet 1997
0:55
mercredi 15 janvier 1997 21:33
vendredi 26 décembre
23:08
1997
mercredi 5 février 1997
0:09
Sources : Police Nationale, 1998
Infraction
Dég. abri bus
Jet de pierre dég. sur
bus
Centre
Homme de Fer (pl.)
Violences légères
Centre
Homme de Fer (pl.)
Voies de faits
Cité de l'Ill
111
Jet pierre vitre laté bus
HS
Cité de l'Ill
111
Dég. bus
Cronenbourg
Champ de
Dég. abri bus
manoeuvre
Ellipse Est
Victoire (bld)
Violences lég.
mena.arm
Ellipse Ouest
Lyon (bld)
CBV
Elsau
Michel Ange
Dég. abri bus
Hautepierre
Dante (av.)
Dég. sur tram (vitre
fêlée)
Illkirch
Rhin (rte)
Dég. abri bus
Koenigshoffen
Tite Live
Jets de pierres
Lingolsheim
Maréchal Foch
Dégradation 2 abris bus
Meinau
Normandie
Dég. abri bus
Somme
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
1
2
1
Une fois passés les barrages et l'information brute collectée, il nous faut passer à
l'étape de structuration des informations en données.
7.4.2. Nécessité de structurer l'information
L'information est structurée en quatre phases préalables à la réalisation de
représentations cartographiques. (Figure 1.38 - Représentation cartographique : schéma
d'organisation des données)
On peut repartir de l'exemple des appels à la Police municipale et rurale pour
nuisances sonores dans la nuit du 3 janvier 1997 pour identifier les différentes étapes
préalables à la réalisation de représentations cartographiques.
-278-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
• • Etape 1. Collecte de l'information
La première étape a consisté en une saisie manuelle des données consignées dans des
cahiers manuscrits dans les locaux de la Police municipale et rurale. On a pu recueillir une
information sur la localisation de l'événement par rue et sur l'heure de l'appel.
• •jEtape 2. Tableau origine
La seconde étape a consisté en une saisie informatique des informations et à leur
organisation dans un tableau sous la forme d'une base de données élémentaire (Figure 1.37 Tableau origine).
Figure 1.37 - Tableau origine
Nuit
03.01. 97 au 4.1.97
03.01.97 au 4.1.97
heure Raison sociale
Type
Particulier
00 h 00 Particulier
00 h 00 Les Artistes
Bar
03.01. 97 au 4.1.97
04.01. 97 au 5.1.97
00 h 00
00 h 05
Abattoir
Café 7° Art
Bar
Bar
11.01. 97 au 12.1.97 00 h 10 Maison Créole Restaurant
Particulier
10.01.97 au 11.01.97 00 h 10 Particulier
Particulier
06.01.97 au 7.01.97 00 h 10 Particulier
N°
7
27
Voie
Rue
Rue
Nom Voie
Mal Juin
Fbg de Saverne
Incident
musique audible
1
18
Quai
Rue
Altorffer
du 22 novembre
19
Rue
Rue
St Ehrard
Thiergarten
Bruit et concert sans
autorisation
Musique forte
Concert trop bruyant
Bruit
Bruit
45
Rue
Fbg de Saverne
Bruit
Sources : Police Municipale et Rurale, 1997
• -Etape 3. Cartographie manuelle sur plan de la ville par tranche horaire et par rue
Les événements (plaintes pour nuisances) ont été repérés sur la carte et identifiés par
des points de couleur symbolisant chacun une tranche horaire. Ce travail de localisation a
permis de diminuer le nombre d'erreurs.
• -Etape 4. Codage de l'information
A partir de la carte manuelle, les événements ont été digitalisés sur Arc info. On a pu
ajouter le «code rue» et les «coordonnées» de l'événement (Figure 1.39 - Tableau avec
codage).
-281-
Figure 1.39 - Tableau avec codage
03.01.97
03.01.97
03.01.97
04.01. 97
Nuit
au 4.1.97
au 4.1.97
au 4.1.97
au 5.1.97
Code rue
325
529
566
560
311
362
11.01. 97 au 12.1.97
10.01. 97 au 11.01.97
06.01. 97 au 7.01.97
529
Sources : Police Municipale et Rurale,
Coord. X
27693,73
26028,99
25856,22
26245,85
27056,22
25840,19
26028,99
1997
Coord.Y
87583,02
88420,37
88042,05
88126,95
86252,48
88348,60
88420,37
Nous avons fait le choix de balayer très largement les informations susceptibles de
« mesurer » la nuit urbaine, d'effectuer un vaste tour d'horizon des « données nocturnes » et
de privilégier une approche globale du système urbain dans un temps limité. Ce faisant, nous
avons créé une base conséquente, lourde à gérer, au détriment sans doute d'un travail sur des
traitements spécifiques, plus synthétiques de l'information, mais qui correspondrait à une
étude moins complète au niveau des bases initiales. Ce choix nous a permis de repérer les
caractéristiques des différentes bases et leur comportement tant au niveau statistique que
spatial et de tester les possibilités d'association, de synthèse ou d'accès à tel ou tel type de
traitement ou de représentation.
Les fichiers de données ainsi géoréférencés ont permis de passer à la réalisation des
premières cartographies.
7.4.3. Exploitations spatiale et temporelle
La représentation cartographique des données spatio-temporelles est un domaine
encore relativement récent que nous avons tenté exploré partiellement. Les données
structurées ont permis de construire différents types de représentations cartographiques et de
traitements associés et de découvrir la structure cachée des phénomènes dans le temps comme
dans l'espace. Nous nous appuierons sur un exemple, celui des courses en taxi à Strasbourg
du samedi 2 mai au dimanche 3 mai 1998 pour illustrer notre propos et montrer les
traitements et représentations possibles déjà testées sur le thème de la ville la nuit.
-282-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
7.4.3.1. Construction
La problématique abordée nous a obligé à effectuer des choix en termes de méthode et
de représentation qui ont parfois limité l'ambition et la portée du travail.
•
Digitalisation
La digitalisation a, dans un premier temps, été faite à l'écran sur un fond A3 scanné
(reconstitution à partir de 2 A4), ce qui, à l'échelle de l'agglomération pose un problème de
précision. Le fond scanné, légèrement déformé, ayant subi une rotation mineure, a également
pu créer des décalages. Cette imprécision a disparu au cours du travail, avec la mise en
service de la table à digitaliser AO.
•
Echelle privilégiée de la rue
Seule la carte des bâtiments industriels a été construite à partir du fichier « adresses ».
Toutes les autres cartes à l'échelle de l'agglomération ou de la ville de Strasbourg ont été
construites à l'échelle de la rue. Ne disposant pas des adresses pour tous les phénomènes
étudiés, le choix de travailler à l'échelle de la rue a permis d'homogénéiser toutes les bases.
C'est la coordonnée X,Y du milieu de la rue qui a été retenue comme point de référence. Ce
choix biaise obligatoirement l'information pour de longues artères comme la Route de
Colmar, de Mittel- et Oberhausbergen, de Bischwiller, du Général de Gaule, des Romains, de
Schirmeck, du Rhin, du Neuhof, etc. Le problème est insoluble car sans connaîre l'adresse
difficile de repérer le tronçon de rue. Ce biais fausse quelque peu la répartition de
l'information sur la carte, le graphique distance au centre, et la base « nombre de points par
quartier » créée à partir du semis.
7.4.3.2. Des graphiques et des cartes de première approche
A
partir
des
données
structurées,
nous pouvons
construire
des
premières
représentations qui permettent de visualiser les phénomènes avant d'aller plus loin dans
l'analyse.
•
Pour les représentations graphiques, il s'agit d'abord d'histogrammes
horaires
construits à partir de données brutes (Figure 1.40 - Courses taxi sur 24 heures, Histogramme
horaire) ou sur les données relatives (en pourcentages sur l'ensemble de 24 heures
-283-
considérées comme un système -taux externe- ou sur un ensemble d'activités -taux interne-)
et de radars construits avec les mêmes données mais qui permettent de situer un phénomène
sur une horloge circadienne de 24 heures (Figure 1.41 - Courses en taxi sur 24 heures, radar
horaire ).
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
Pour
les
représentations
cartographiques,
il
s'agit
d'abord
de
cartes
ponctuelles par cercles proportionnels sur 24 heures (Figure 1.42 - Courses en taxi total) ou
de cartes par cercles proportionnels par heure (Figure 1.43 - Courses en taxis par tranches
horaires). Les mêmes modes de représentations peuvent être utilisés pour séparer l'animation
nocturne) (Figure 1.44 - Courses en taxi espace nocturne) de l'animation diurne. (Figure 1.45Courses en
taxi espace diurne) Les données ont été représentées par une implantation
ponctuelle et une quantité brute, nécessitant une variation de taille. Il ne s'agit pas, sauf
exception (carte du trafic routier, puissance des éclairages, etc.) de cercles proportionnels au
cas par cas, mais d'une variation de taille fixée et qui fonctionne la plupart du temps par
classes. Le nombre de variables est important et les caractéristiques des distributions sont très
hétérogènes. Ne connaissant pas, à l'origine, la base complète -celle-ci étant construite au fur
et à mesure des contacts- il n'a pas été possible de construire une légende commune qui reste
difficile à imaginer. La représentation par symboles ponctuels, avec variation de taille pour
exprimer les quantités que cela soit une variation proportionnelle ou non ne permet que
difficilement les comparaisons. Elle doit être « modulée » en fonction des bases et de
l'importance du phénomène.
Autre inconvénient de ce type de carte : l'information est mal, voire non transmise
quand les événements sont trop nombreux et proches géographiquement, entraînant le
recouvrement partiel, voire la disparition des cercles en arrière plan. L'encombrement
graphique ne peut être géré que par la mise en place de zoom (Figure 1.46- Animation - bars),
ou par une agrégation manuelle des données. Le choix initial de ce type de représentation a
été fait, parce que l'on travaillait dans un premier temps sur des données éparpillées, types
« incidents », « accidents », etc. qui ne laissaient pas apparaître des agglomérations,
superpositions fortes. Par contre, toutes les informations liées au thème de l'animation
montrent une concentration forte au centre ville, et le mode de représentation « ponctuelle »
devient inadapté. Autre inconvénient, ces premières représentations ne permettent pas de
dépasser le niveau descriptif, analytique et de prendre le recul nécessaire par rapport aux
informations. Le choix de couleurs sombres pour les classes les plus faibles bien qu'illogique
a été fait pour rendre plus lisibles toutes les informations.
-285-
7.4.3.3. Des cartes et graphiques pour l'analyse
D'autres modes de représentations graphiques et cartographiques permettent de
dépasser la simple description des localisations pour des analyses plus fines.
•
Analyse de semis
Différentes méthodes permettent d'analyser et de caractériser la répartition des nuages
de points phénomènes : centre moyen, barycentre, distance standard, polygones de Thiessen.
Sur l'exemple des courses taxi, nous pouvons analyser les répartitions sur le total des courses,
par grandes catégories nocturne ou diurne (Figure 1.47 Courses taxi ellipse standard et
Figure 1.48 Courses de taxi ellipse standard par heures).
•
Graphique Distance au centre
Les données permettent également de construire des graphiques représentant les
distances au centre de chaque événement sur l'ensemble des 24 heures (Figure 1.49 Courses
taxis distance au centre total) ou heure par heure (Figure 1.50 Courses taxi graphique
distance au centre par tranche horaire) ce qui permet de bien visualiser la tendance à une
concentration de l'activité au centre-ville à mesure que la nuit avance.
7.4.3.4. Des cartes comme révélateur
Une fois l'analyse de points effectuée, différents traitements et représentations
cartographiques associées vont permettre de révéler la structure de certains phénomènes et
d'effectuer des comparaisons.
•
Cartes surfaciques, aréales
Les événements peuvent être rapportés à des entités, les quartiers et les représentations
cartographiques permettent de mesurer le phénomène sur 24 heures ou heure par heure.
• •Carroyage
Les données rapportées à des carrés de même dimension permettent d'obtenir des
représentations cartographiques comparables d'un phénomène à l'autre sur les 24 heures, sur
une tranche horaire (Figure 1.51- Courses taxi carroyage de 14 h à 15 heures) ou tranche
horaire par tranche horaire (Figure 1.52- Courses taxis carroyage par tranche horaire).
-286-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
•
Interpolations et cartographies en deux ou trois dimensions
A partir du carroyage, on peut également construire des interpolations en deux ou trois
dimensions. Elles ne peuvent cependant être envisagées que pour les phénomènes qui
présentent un semblant de continuité spatiale (hypothèse sous-jacente). Le nombre
d'événements doit également être suffisamment représentatif, ce qui exclut par exemple un
phénomène qui n'apparaît qu'au centre et avec une faible fréquence. La méthode peut être
utilisée sur les 24 heures ou sur des tranches horaires spécifiques pour des cartes en deux
dimensions (Figure 1.52- Courses taxis de I4h à 15 h interpolations 2D) ou en trois
dimensions (Figure 1.53- Courses taxis interpolation, représentation 3D) avec des mailles de
tailles
différentes.
Ces
représentations
cartographiques
donnent
une
image
plus
« dynamique » de la variable, et autorisent de surcroît les comparaisons.
7.4.3.5. De nouvelles formes de visualisation
La représentation statique des données spatio-temporelles montre très vite ses limites.
Les possibilités offertes par les transformations cartographiques de poids permettent d'autres
représentations de la réalité. L'animation de toutes ces images et représentations graphiques et
cartographiques permet de dépasser certaines limites mais pose d'autres
questions
d'interprétation ou de grammaire visuelle non encore résolues. L'attraction de ces images
animées sur le grand public et les décideurs nous obligera à investir dans ce sens.
•
Anamorphose
Les données par quartier peuvent faire l'objet de transformations cartographiques de
poids parfois difficiles à interpréter, perturbantes mais toujours très réussies d'un point de vue
esthétique. (Figure 1.54. Courses taxis total, transformation cartographique de poids et Figure
1.55 - Courses taxis par tranches horaire, transformation cartographique de poids.
•
Cartographie animée
Seule l'animation permet réellement de rendre compte de la dimension temporelle d'un
phénomène. A partir de logiciels d'animation comme Power Point ou surtout Flash, il est
possible d'animer des séries de cartes sur 24 heures, une semaine ou au-delà en enchaînant les
représentations construites selon des tranches horaires précises. Quelques animations ont pu
être testées sur l'exemple des courses taxis qui ouvrent de grandes perspectives et permettent
de
visualiser
la
« pulsation
urbaine ». Toutes
-297-
les
représentations
graphiques
ou
cartographiques précédentes peuvent être animées de la sorte : (Figure 1.56 - Courses taxi sur
24 heures, radar horaire ; Figure 1.57- Courses taxis sur 24 heures ; Figure 1.57 - Ellipse
standard sur 24 heures ; Figure 1.58 - Graphiques distance au centre sur 24 heures ; Figure
1.59 - Graphique 3D sur 24 heures et Figure 1.60 - Anamorphose animée sur 24 heures).
Demain, l'intégration d'images filmées et géo-référencées à l'image du travail mené
sur Belfort autour du projet de Rue numérique devrait permettre de franchir un nouveau pas
sur les représentations de l'espace et du temps.
Conclusion
La démarche systématique de collecte d'informations, de structuration dans des bases
de
données
spatio-temporelles
et
la
réalisation
de représentations
graphiques
et
cartographiques associées devraient nous permettre de sortir de « la nuit des données » pour
avancer dans la démarche de décomposition du système urbain et la compréhension générale
de la nuit urbaine.
-298-
Partie I - La nuit urbaine, un espace-temps à repenser
C'est la nuit qu'il est bon de croire en la lumière
Edmond ROSTAND
Conclusion
Il y a peu de temps encore, la nuit urbaine était encore la période d'obscurité
symbolisée par le couvre-feu et le temps du repos social. Privée de la moitié de son existence,
elle inspirait seulement les poètes et marginaux en quête de liberté, servait de refuge à
quelques malfaiteurs et inquiétait le pouvoir qui cherchait à la contrôler.
Dans cette première partie générale et historique, nous avons montré que la nuit,
dimension oubliée de la ville, restait un espace-temps marqué par les représentations
caricaturales et les idées reçues. Peu à peu investie par l'activité humaine grâce aux
technologies d'éclairage et au contrôle de l'Etat, une vie nocturne festive avec ses lieux et ses
acteurs s'y est développée entre insécurité et liberté.
Depuis la fin du XXe siècle, dans un contexte économique, social et culturel en
profonde mutation, cet espace-temps particulier semble soumis à de nouvelles pressions
venues du jour. La nuit urbaine se transforme et les conflits qui apparaissent entre les
individus, les communautés et les quartiers de la ville polychrone nous poussant à mieux
comprendre cet espace-temps.
Il est temps de l'explorer à partir de méthodes de collectes, de structuration et de
représentations adaptées.
-319-
PARTIE II
UN ESPACE TEMPS LIMITÉ
Partie II - Un espace temps limité
J'ai reçu la nuit comme une gifle, mais je refuse les duels.
Paul MORAND
Introduction
N'en déplaise aux noctambules jaloux de leurs prérogatives, la conquête de la nuit a
commencé. Au-delà des rêves, des peurs et des fantasmes, il y a désormais une vie après le
jour. Entre insécurité et liberté, nos villes vivent aussi la nuit. Mais comment définir la nuit
urbaine ? Quelles sont ses limites ? Que s'y passe-t-il ? Comment évoluent-elles ?
Dans cette deuxième partie, nous allons chercher à dépasser ces impressions trop
générales sur la nuit urbaine, espace-temps investi mais non pensé. A partir de l'étude de la
métropole strasbourgeoise et en nous appuyant sur quelques exemples extérieurs, nous
tenterons de mieux la définir, d'en préciser les contours et les limites temporelles, de
quantifier l'activité et d'identifier les principaux acteurs.
Nous chercherons à mieux comprendre son fonctionnement, à dégager ses rythmes, à
identifier les pressions qui s'accroissent et nous obligent à réfléchir sur cet autre-côté de la
ville. La collecte des informations, la structuration des données et leur exploitation vont
nous permettre d'avancer dans la démarche de décomposition et d'appréhension du système
urbain et des sous-systèmes de localisation, de déplacement et de relations sociales des
habitants.
-323-
Partie II - Un espace temps limité
Chapitre 1. LES BORNES DE LA NUIT
Comme l'écrit ISIDORE, évêque de Séville au début du Vile siècle, auteur d'une
véritable encyclopédie appelée Les Etymologies, « durant le jour, le soleil se trouve sur les
terres, la nuit, il est en dessous ». La journée comporte donc deux espaces, l'un diurne,
l'autre nocturne. Mais comment borner ces espaces, comment définir avec précision la nuit
de nos villes ?
Au crépuscule, la nuit s'installe et pourtant nous n'avons pas vu le soleil se coucher.
A l'aube, le soleil se lève sans que nous guettions vraiment son arrivée. Pour le citadin qui
évolue dans un univers de plus en plus artificialisé, beaucoup de signaux naturels qui
rythmaient nos journées appartiennent au passé ou au moins à d'autres espaces. Le chant du
coq annonciateur de l'aube, celui de l'alouette qui suit le potron-minet, celui de la chouette
et du hibou qui donnent à la nuit des notes ensorcelantes. Le scarabée qui roule sa boule à
l'aube. Le tournesol qui regarde le soleil en face d'est en ouest. Et ces fleurs qui s'ouvrent et
se ferment au rendez-vous des heures : nymphéa blanc, mouron rouge, lis tigré, « dames
d'onze heure », une liliacée et Little clock, une sorte de souci.
Aujourd'hui encore dans les abbayes, les cloches qui appellent aux offices
reproduisent
un
découpage
des journées rythmées : vigiles
(à 4 heures) ;
laudes
(7 heures 10) ; eucharistie (7 heures 35) ; tierce (9 heures 30) ; sexte (12 heures 15) ; none
(14 heures 15) ; vêpres (18 heures 15) et compiles (20 heures)518. Difficile cependant de
s'appuyer sur ce découpage médiéval pour délimiter la nuit de nos villes.
La transcription de ce phénomène astronomique se fait soit, par une approche
phénoménologique (obscurité ambiante, temps du repos social) soit, par une transcription
horaire. Il existe aussi une norme sociale empirique qui rassemble une large majorité de la
population autour d'une position : la nuit serait le moment où l'activité sociale change et
s'oriente vers des objectifs relevant de la vie privée.
518
Tamié, abbaye cistercienne, silence », Le Monde, 12-13 juillet 1998, p. 6.
-325-
Nous avons choisi de délimiter la nuit urbaine dans le temps à partir d'un certain
nombre de critères qui encadrent la nuit et conditionnent l'activité des hommes. Nous
conviendrons d'appeler « bornes » dans le sens « d'extrémité, fin de l'étendue, de la durée »
(.Littré) ces éléments qui permettent de déterminer les limites du système urbain et de les
classer en différentes catégories : les « bornes naturelles » variables ; les « bornes légales »
liées aux règlements qui conditionnent l'activité des hommes ou l'occupation de l'espace
public ; les « bornes économiques » qui correspondant au coût variable d'utilisation des
services urbains et les «bornes fonctionnelles» qui permettent de mesurer l'activité des
hommes (Figure II. 1 - Bornage temporel de la nuit urbaine). «L'offre urbaine» qui
constitue plus une limite à la consommation des hommes qu'une véritable borne sera étudiée
dans la troisième partie de la thèse.
Figure H. 1 - Bornage temporel de la nuit urbaine
-326-
Partie II - Un espace temps limité
1.1. BORNES NATURELLES : LE TEMPS DE L'OBSCURITE ET DU
FROID
Dans une première étape, les données naturelles sur le soleil, les températures, les
précipitations ou le vent vont nous permettre de préciser les bornes naturelles de la nuit.
1.1.1. Obscurité variable
En astronomie, la nuit est théoriquement, l'intervalle compris entre le coucher et le
lever du soleil. La succession du jour et de la nuit est déterminée par la rotation de la terre.
L'inégalité de sa durée est due à l'inclinaison de l'axe autour duquel s'effectue ce
mouvement de rotation. Elle est variable pour les différents points du globe (Figure II.2 Un jour sur la terré). Par extension, la nuit désigne l'obscurité qui règne pendant ce temps.
La nuit regroupe des notions de temps très diverses. Sa durée varie selon le lieu —la
latitude, l'altitude— et les circonstances, les saisons, la météorologie. Dans nos régions, la
nuit peut atteindre les deux tiers d'une journée (Figure n.3 - Les temps variables de la nuit le jour et Figure II.4 - Les temps variables de la nuit - la nuit).
La durée de la nuit diminue régulièrement du solstice de décembre au solstice de
juin, puis augmente de même jusqu'à l'hiver suivant. C'est en décembre que l'on connaît la
nuit la plus longue avec 15h49 entre le coucher et le lever du soleil (21-22 décembre) c'està-dire entre 16h54 et 8h43. A Strasbourg, en décalage de 23min par rapport à Paris qui
détermine l'heure de lever et de coucher du soleil, le soleil se couche à 16h31min le 21
décembre et se lève à 8h20min le lendemain. C'est en juin que les nuits sont les plus courtes
avec 7h51min (21-22 juin) entre le coucher du soleil à 21h32 min et le lever à 5h23 min.
Depuis 1941, avec l'instauration de l'heure d'été, nous vivons en décalage par
rapport au soleil (Figure II.5 - Evolution de l'heure d'été).
-327-
Figure II.5 - Evolution de l'heure d'été
Heure d'été 1941 - 1942
Au début de la période de l'heure d'été, les horloges ont été avancées d'une heure (il était 2h à l h du matin) et
retardées d'une heure en fin de période (il était l h à 2h du matin).
En 1941, le début était le 5 mai et la fin le 6 octobre
En 1942, Le début était le 4 mai et la fin le 5 octobre
Heure d'été de 1981 à 1995
Début: l'heure d'été est en vigueur à partir du dernier dimanche du mois de mars à 2h, heure de l'Europe
centrale. Les horloges sont avancées d'une heure à cet instant (il est 3h à 2h du matin).
Fin: l'heure d'été prend fin le dernier dimanche du mois de septembre à 3h (heure d'été = heure de l'Europe
centrale + 1 h). Les horloges sont retardées d'une heure à cet instant (il est 2h à 3h du matin).
Heure d'été depuis 1996
Début: l'heure d'été est en vigueur à partir du dernier dimanche du mois de mars à 2h, heure de l'Europe
centrale. Les horloges sont avancées d'une heure à cet instant (il est 3h à 2h du matin).
Fin: l'heure d'été prend fin le dernier dimanche du mois d'octobre à 3h (heure d'été = heure de l'Europe centrale
+ 1 h). Les horloges sont retardées d'une heure à cet instant (il est 2h à 3h du matin).
1.1.2. Température plus basse
L'activité humaine a donné naissance à un véritable climat urbain. En moyenne, les
températures sont supérieures d'environ 2,5°C par rapport à la campagne environnante.
L'alternance jour-nuit reste cependant très bien marquée avec une amplitude de près de 6 °C
en hiver et 14°C en été (Figure II.6 - Bornes naturelles - Températures).
Figure II. 6 - Bornes naturelles - Températures
-328-
Partie II - Un espace temps limité
En hiver (janvier), la période la plus froide se situe entre 4 heures et 8 heures du
matin avec des températures comprises entre -9,7°C et -10,3°C contre un petit -5,1°C vers
16h00. En été (août), la période la plus fraîche se situe entre 3 heures et 7 heures du matin
avec des températures autour de 20°C contre plus de 30°C vers 14h00.
1.1.3. Précipitations plus importantes
c1o
Si l'on examine les précipitations à Strasbourg
, on constate un pic pendant la
période nocturne entre minuit et 2h00 du matin avec un total de 146 millilitres suivi d'une
diminution entre 2h00 et 4h00. En juin, mois le plus arrosé, on retrouve deux pics moins
importants entre 15h00 et 16 hOO et entre llhOO et midi avec des moyennes horaires proches
de 80 millilitres (Figure II.7 - Bornes naturelles - précipitations).
Figure ÏÏ.7 - Bornes naturelles - Précipitations
518
Centre Départemental de la Météorologie du Bas-Rhin, juin 1998
-335-
1.1.4. Vents plus faibles
En moyenne519, les vents sont plus faibles pendant la période nocturne avec un creux
entre 23h00 et 2h00 du matin (Figure ÏÏ.8 - Bornes naturelles - Vents). Les données
correspondent à des observations effectuées pendant le mois de juin, à la station
météorologique d'Enzheim car aucune observation précise ne peut être faite en ville comptetenu des obstacles créés par les bâtiments.
Conclusion
La nuit est donc un espace-temps naturellement limité par l'absence de lumière, la
température qui diminue et l'humidité plus importante. Ces conditions naturelles délimitent
un espace-temps plus contraignant pour l'homme et d'importance relative en fonction de la
latitude, de l'altitude et de la saison. C'est la lumière qui constitue le bornage le plus marqué
mais aussi le plus influent. (Figure IL9 - Bornes naturelles, radar)
Ces grands rythmes naturels conditionnent nos propres rythmes physiologiques.
519
Centre Départemental de la Météorologie du Bas-Rhin, 1998
-336-
Partie II - Un espace temps limité
1.2. BORNES PHYSIOLOGIQUES : LE TEMPS DU REPOS
La nuit est aussi le moment du repos pendant lequel l'organisme se met en veille. Le
sommeil explique en grande partie le relatif manque d'intérêt des citadins pour leur ville la
nuit. Reconnaissons tout d'abord qu'il est difficile de concilier travail en journée et vie
nocturne. Seul l'étudiant réussit un temps... D'après les chronobiologistes, nous serions faits
pour nous activer le jour et nous reposer la nuit. Ces rythmes biologiques limitent donc notre
activité nocturne, bornent notre existence et influent sur le reste de notre emploi du temps.
1.2.1. Rythmes biologiques circadiens
Nous sommes faits de temps et non de matière. Le rythme journalier ou rythme
circadien est le plus intense et le plus visible. On le nomme ainsi à cause de l'expression
latine Circa Diem qui signifie « autour du jour ». II dure en effet près de 24 heures et
comprend l'alternance de la lumière et de l'obscurité, de l'activité et du repos ainsi que de
fortes variations hormonales.
Alternance sommeil nocturne, activité diurne
Le monde vivant a d'abord dû s'adapter à l'alternance du jour et de la nuit. Le plus
évident de nos rythmes biologiques est l'alternance du sommeil nocturne et de l'activité
diurne suivant une périodicité moyenne de vingt-quatre heures. Des tests (cf. Michel
SIFFRE) ont montré que chez l'homme, les rythmes circadiens persistaient même lorsque le
sujet était isolé de son environnement, privé de repères temporels. Seule la périodicité n'est
plus tout à fait de 24 heures. Abstraction faite de la faune et de la flore pélagique, qui vivent
dans les grandes profondeurs marines, et des organismes dont l'existence est rythmée par les
marées (crabes, crevettes, etc.), il apparaît que les espèces ayant réussi à moduler leur
fonctionnement selon ce cycle nycthéméral, avec une période d'activité et une période de
repos, ont bénéficié d'un gain évolutif appréciable
520
.
LAMBERT P., 1996, « L'énigme du sommeil », in ATHENA, mensuel du développement technologique n°l 19, p. 347
-339-
Accroissement de la fatigue
La fatigue normale répond à ces cycles. Chez l'homme, elle est nulle ou faible entre
10 heures et seize heures, après quoi elle augmente progressivement jusqu'au coucher. Si on
empêche le sujet de dormir, on constate que la fatigue passe par un pic vers deux ou trois
heures du matin, après quoi elle décroît jusqu'à dix heures du matin.
Diminution de la température corporelle
Un autre rythme, connu depuis le milieu du XIXe siècle, est celui de la température
corporelle. Elle s'élève progressivement depuis le milieu de la nuit, pour atteindre son
sommet vers 18 h, puis décroît assez rapidement pour rejoindre son creux nocturne.
Synchronisée par l'alternance lumière-obscurité, l'horloge biologique qui rythme la veille et
le sommeil est relativement flexible alors que l'horloge des températures résiste aux efforts
de manipulation. Normalement, on s'endort lorsque la température interne baisse, on
s'éveille lorsqu'elle remonte.
Variation de la pression artérielle
Les enregistrements continus des pressions artérielles montrent qu'elles passent par
un creux nocturne et qu'elles commencent à monter avant que le sujet ne s'éveille et ne se
lève521. Notre organisation interne est ainsi faite que les pics de tous les facteurs qui
contrôlent la pression artérielle, précèdent, dans l'échelle des 24 heures, la pression
proprement dite. Avec une avance d'une ou plusieurs heures, se rencontrent les pics de
l'adrénaline, de la vasopressine, de l'angiotensine, de la rétine, de l'aldostérone, etc. A.
REINBERG montre que d'autres phénomènes subjectifs ont, eux aussi, des rythmes
circadiens : la sensation de faim, la somnolence, l'intensité de la douleur provoquée. Des
processus psychologiques tels que la vitesse de calcul ou le temps de réaction à un signal
connaissent des rythmes semblables avec des pics de performance vers 15 heures et des
creux vers 3 heures du matin.
521
REINBERG A., 1998, Le temps humain et les rythmes biologiques, Editions du Rocher, 250 p.
-340-
Partie II - Un espace temps limité
1.2.2. Emplois du temps liés
Ces rythmes biologiques limitent notre activité nocturne et conditionnent encore
largement nos emplois du temps.
1.2.2.1. Temps de sommeil
En moyenne, nous dormons entre sept et neuf heures par nuit soit un tiers de notre
vie (Figure H. 10 - Durée moyenne du sommeil). Un adulte dort habituellement 7h30 par nuit
mais 10% de la population dort moins de 6 heures et 15% plus de 9 heures522. Le temps de
vie éveillé sur 74 ans est donc équivalent à 51 années. Le temps de sommeil chez les
humains s'inscrit dans une courbe de Gauss (courbe en cloche), et ce pour chaque catégorie
d'âge. Entre 20 et 25 ans, la majorité des individus dorment 8 heures. Cinq pour cent d'entre
eux se contentent cependant de moins de six heures, tandis que dix autres pour cent
s'abandonnent neuf heures par jour dans les bras de Morphée. La moyenne de sommeil
diminue avec l'âge, n'atteignant plus que cinq ou six heures chez les sexagénaires. D'après
H. PROLONGEAU 523 , ces chiffres sont bien inférieurs pour une population spécifique de
nos cités : les sans domicile fixes dont le sommeil serait souvent interrompu, jamais
confortable, toujours parsemé d'alertes.
Figure IL 10 - Durée moyenne du sommeil
Qu'on soit un petit ou un gros dormeur, on a besoin de 100 à 120 minutes de
sommeil lent profond et de 100 minutes de sommeil paradoxal
522
523
524
525
524
525
. D'après les médecins
MERMET G., 1997, Francoscopie, Larousse, p. 118
PROLONGEAU H., mai 1997, « Parias dans la ville », Le Monde diplomatique
LAMBERT P., 1996, "L'énigme du sommeil", in ATHENA, mensuel du développement technologique n°l 19, p. 350
LAMBERT P., 1996, op. cit.
-341-
,
on ne pourrait impunément passer plusieurs nuits blanches d'affilée. Abstraction faite d'une
somnolence diurne excessive qui devient très préjudiciable après trois ou quatre jours et de
troubles affectant la remémoration, le risque de problèmes psychologiques ne surviendrait
qu'après cinq ou six jours. Quant aux dysfonctionnements organiques, ils n'apparaîtraient
qu'au terme d'une douzaine de jours. Toutefois, le conditionnel est de rigueur, car des
raisons éthiques interdisent d'entreprendre chez l'homme des expériences de privation de
sommeil susceptibles de mettre sa santé en danger. Des expériences faites avec des rats que
l'on a empêchés de dormir se sont soldées par la mort des animaux.
1.2.2.2. Emploi du temps du citadin
A partir de cette donnée incontournable, l'emploi du temps des citadins peut être
réparti en quatre temps : le temps physiologique dans lequel on inclut le sommeil, le temps
professionnel ou de travail, le temps domestique, le temps libre. L'emploi du temps des
adultes actifs citadins fait évidemment une large place au travail (Figure IL 11 -La journée
des actifs citadins de 18 à 64 ans). Si les femmes travaillent à l'extérieur en moyenne une
heure de moins que les hommes, elles consacrent plus de 4h30 aux tâches domestiques,
contre 2h48 pour les hommes (durée journalière calculée sur la base de 7 jours).
Le temps physiologique (alimentation, sommeil, soins personnels) des deux sexes est
comparable. Les hommes restent un peu plus longtemps à table (lh23 contre l h l 8 pour les
repas à domicile), tandis que les épouses prennent un peu plus de temps pour s'occuper
d'elles-mêmes.
1.2.2.3. Heures d'endormissement et de réveil
Si on connaît le temps moyen de sommeil, il n'existe pas -à notre connaissance- de
données précises sur les heures de lever et de coucher de la population. La seule approche
-342-
Partie II - Un espace temps limité
disponible est l'étude du Centre médical interentreprise Europe menée en 1999 auprès de
1500 personnes :
Heure de coucher
70 % des gens se couchent entre 22h00 et minuit. A cette heure, près de 80 % de la
population a rejoint les bras de Morphée. Une heure plus tard, 90 % de la population est
dans son lit.
Heure de lever
On commence à se lever à partir de 4h00 et 5h00 du matin (4,5 % de la population).
Le pic se situe entre 6 et 7h00, heure habituelle pour 44 % de la population. A 8h00, près de
90 % de la population est debout.
Pour compléter ces données et tenter de définir les bornes de la nuit, nous avons
interrogé les responsables de quelques institutions (hôpitaux, cliniques, internats, maison
d'arrêt, couvent) sur les horaires habituels de lever et de coucher. Nous nous sommes
également amusés à compter pendant une semaine les fenêtres allumées d'un immeuble
collectif au centre ville de Strasbourg. Aucune de ces enquêtes n'est vraiment satisfaisante.
La première mesure plutôt les temps des institutions et aucune des deux ne permet
d'affirmer que les personnes dorment. Elles permettent cependant de déterminer des grandes
tendances :
Sommeil des lieux collectifs
Dans les hôpitaux, les lumières des couloirs sont généralement éteintes vers 22h00
mais le patient (en fonction de son état) peut laisser la lumière allumée au-delà de 22h00.
Les malades sont généralement réveillés vers 6h30 au moment du changement de service.
Cependant, les soins se faisant en continu, les patients peuvent être réveillés au courant de la
nuit en fonction de leur traitement. Les horaires de lever et de coucher relevés dans les
maisons de retraite sont très proches (Figure 11.12 - Horaires de lever et de coucher dans les
maisons de retraite). En moyenne, les personnes âgées se couchent vers 19h30 et se lèvent
assez tôt vers 7h00.
Dans les internats de lycée, les élèves sont tenus d'éteindre vers 22h30-23h00 et le
matin, le réveil sonne à 7h00. Quand les étudiants sont logés en chambres individuelles
-343-
comme au lycée KLEBER, il n'y a pas de contraintes pour l'extinction des feux. Même
chose à la maison d'arrêt de l'Elsau où les prisonniers sont libres de veiller ou non. Les
détenus peuvent regarder la télévision aussi longtemps qu'ils le souhaitent. Le matin, pas de
réveil, mais le petit-déjeuner est servi à 7h30. Contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer à
priori, il ne semble pas y avoir de règle bien établie dans les couvents où les horaires varient
beaucoup d'un établissement à l'autre avec cependant des horaires de coucher assez tôt dans
la soirée (Figure IL 13 - Horaires de lever et de coucher dans les couvents).
Figure 11.12 - Horaires de lever et de coucher dans les maisons de retraite
Maison de retraite
Heure de lever
Saint Arbogast
Pas de règle vers 7h00
Pas de règle vers 7h00
Robertsau
Pas de règle vers 7h00
Faisanderie
Pas de règle vers 7h00
Jardins d'Arcadie
Sources : relevés personnels 1998
Pas
Pas
Pas
Pas
Heure de coucher
de règle vers 19h30
de règle vers 19h30
de règle vers 19h00
de règle vers 22h00
Figure H13 - Horaires de lever et de coucher dans les couvents
Couvents
Couvent des Dominicains
Couvent des Pères capucins
Couvent des Petites sœurs de la
Charité
Couvent Marie réparatrice
Sources : Relevés personnels 1998
Heure de lever
Pas de règle vers 8h00
Pas de règle vers 6h30
Pas de règle vers 6h00
Heure
Pas de règle vers
Pas de règle vers
Pas de règle vers
de coucher
22h00
20h00
20h00
Pas de règle vers 8h30
Pas de règle vers 21h00
Au Séminaire protestant comme au Grand séminaire, le lever s'effectue vers 6h00 et
le coucher se fait au rythme de chacun. Dans l'Armée, il n'y aurait pas de règle précise. A la
caserne Turenne, le lever s'effectue généralement vers 7h00 et l'on se couche vers 22h00.
Sommeil d'un immeuble collectif
Le relevé effectué pendant la période hivernale où l'absence de lumière permet de
mieux appréhender l'activité a permis de confirmer qu'après OOhOO, 99 % des lumières sont
éteintes et l'on peut imaginer qu'une majorité des résidents ont rejoint leur lit.
-344-
Partie II - Un espace temps limité
Conclusions
La vie de l'homme est donc bornée par des rythmes biologiques qui limitent
naturellement ses activités pendant la période nocturne. Son temps d'activité est limité par
un temps de sommeil moyen de 7h30 heures environ. Ce temps de sommeil est centré sur la
période nocturne avec un horaire moyen de coucher situé entre 22h30 et 23h00 et un horaire
moyen de lever situé entre 6h30 et 7h00.
Au-delà de cette période, les rythmes circadiens de son organisme et la fatigue
rendent l'homme beaucoup moins performant.
D'autres bornes, légales celles-là conditionnent, limitent ou autorisent l'activité
nocturne de l'homme dans la ville.
1.3. BORNES LEGALES : LE TEMPS DES INTERDITS
La nuit apparaît comme un espace-temps particulier protégé et soumis à des
règlements spécifiques.
1.3.1. Les deux nuits du droit pénal
En 1959, le professeur J. CARBONNIER, fondateur de la sociologie juridique
moderne, avait fait remarquer que le droit connaissait, au contraire de ce qu'enseignaient les
classiques, une discontinuité : qu'il était diurne et que la nuit n'était pour lui qu'un vide qu'il
abandonnait ou un inconnu qu'il redoutait. Lorsque la vie sociale se relâche, « le droit
M/r
impuissant abdique alors devant la nuit
». Le propos semble excessif. Si la nuit fait
traditionnellement peur aux enfants qui ressentent et redoutent la diminution de la protection
que leur offre le jour, le coucher du soleil n'ouvre pas les vannes à une insécurité absolue.
-345-
Le contrôle social est diminué mais s'exerce encore. Une lecture des dispositions du droit
pénal inspirées par ce souci montre à quel point les rythmes naturels influent sur les modes
d'organisation de la vie collective.
Tout d'abord, la nuit peut engendrer elle-même une délinquance spécifique. Jadis, les
naufrageurs détournaient la course des navires en allumant des feux sur les dunes pour faire
échouer les bateaux et les piller. La nature d'un tel délit, qui connaît des formes modernes,
est évidemment liée à l'absence de lisibilité qu'entraînent les ténèbres. Dans d'autres cas, un
comportement qui est autorisé le jour peut devenir illicite la nuit car le manque de lisibilité
le rend dangereux ou incontrôlable. C'est l'exemple de la pêche, de la chasse ou du
ramassage du bois. En ville, des règlements imposent de respecter la quiétude du voisin et
les nuisances sonores liées à l'activité professionnelle sont elles aussi strictement
réglementées et font l'objet de poursuites de plus en plus nombreuses. Enfin, un
comportement déjà réprimé de jour l'est plus sévèrement s'il se déroule la nuit. Le vol, qui
est sans conteste l'infraction la plus riche en circonstances aggravantes, est caractéristique de
cette disposition. D'après la loi du 2 février 1981, on risque par exemple un emprisonnement
d'un à sept ans (C. péri., art. 382, al. 2) et une amende de 5 000 F à 200 000 F pour un vol
commis avec violence la nuit ou en réunion ou encore pour le vol commis la nuit ou en
réunion dans un local d'habitation ou dans un lieu où sont conservés des fonds, valeurs,
marchandises ou matériels, avec effraction ou escalade ou fausses clés ou clés volées ou
entrée par ruse. On risque cinq à quinze ans de réclusion criminelle (C.pén., art. 382, al.3)
pour un vol commis avec trois des quatre circonstances suivantes : effraction dans un local
spécifié, réunion, nuit et violence. Le principe de l'inviolabilité du domicile la nuit fait partie
du droit français depuis l'an VIE.
Avec J.-P. JEAN527, on peut donc estimer que le droit pénal a défini deux nuits, à
partir du rôle social différent tenu par chacune d'entre elles :
une « nuit-protection » ressortissant au domaine du droit pénal spécial
quand elle sert d'écran légal entre le citoyen et la société ;
526
CARBONNIER J„ 1959, Flexible droit, Paris
JEAN J.-P., 1976, «La nuit et le droit pénal, définitions juridiques et représentations sociales «, in
sociologique, p. 507-528.
527
-346-
L'Année
Partie II - Un espace temps limité
une « nuit répression » ressortissant au domaine du droit pénal spécial
quand elle constitue une circonstance de nature à faire naître ou à aggraver
la réaction sociale.
Au-delà de l'aspect pénal, le droit tente de traduire un phénomène astronomique -la
nuit- en concept juridique ce qui se fait généralement soit par une transcription horaire soit
par une approche phénoménologique : obscurité ambiante, temps du repos social. Les
règlements conditionnent différents aspects de la vie urbaine et des individus que nous
soyons en temps libre ou en temps contraint. Ces bornes légales varient en fonction des
activités professionnelles, circulation des biens, loisirs ou sécurité.
1.3.2. Activités professionnelles limitées
De nombreux règlement encadrent les activités professionnelles et définissent de fait
les bornes qui établissent les limites du « nocturne » et du diurne.
1.3.2.1. Travail de nuit encadré
Qu'est-ce que la nuit ? jusqu'à présent, la loi nous donnait plusieurs réponses, l'une
pour le travail de nuit des femmes, l'autre pour celui des jeunes travailleurs. Dorénavant et
sans que cela touche à ce qui est déterminé pour les jeunes travailleurs, est considérée
comme travail de nuit toute prestation effectuée entre 21 heures et 6 heures. Un accord
collectif peut toutefois substituer à cette période une autre période de 9 heures consécutives,
entre 21 heures et 7 heures, comprenant en tout état de cause l'intervalle compris entre 24
heures et 5 heures. A défaut d'accord collectif, l'inspecteur du travail peut autoriser cette
dérogation, après consultation des représentants du personnel de l'entreprise528.
Quant au travailleur de nuit, il s'entend du salarié qui accomplit au moins 2 fois par
semaine, selon son horaire habituel de travail, au moins 3 heures de son temps de travail
quotidien pendant la période nocturne nouvellement définie ou qui accomplit au cours d'une
période de référence un nombre minimal d'heures de nuit, dans le cadre d'un accord collectif
528
Article L. 213-1-1 nouveau du Code du travail.
-347-
étendu529. A défaut d'accord collectif étendu définissant le nombre minimal d'heures de
travail de nuit et la période de référence, ce nombre minimal est fixé à 270 heures de travail
accomplies pendant une période de 12 mois consécutifs530.
La durée maximale quotidienne de travail la nuit est fixée à 8 heures, contre 10
heures pour les salariés qui travaillent de jour. Il faut entendre 8 heures consécutives, qui
peut être comprise en tout ou partie entre 21 heures et 6 heures531. Des dérogations peuvent
être accordées en application d'un accord collectif de branche étendu pour les activités
suivantes :
Activités caractérisées par l'éloignement entre domicile et lieu de travail du
salarié ou par l'éloignement entre les différents lieux de travail du salarié
(salariés travaillant sur des chantiers, activités off-shore, d'aide à
domicile...) ;
Activités de garde, de surveillance et de permanence caractérisées par la
nécessité d'assurer la protection des biens et des personnes (salariés
d'entreprises de surveillance) ;
Activités caractérisées par la nécessité d'assurer la continuité du service ou
de la production (activités de manutention ou d'exploitation, salariés du
secteur sanitaire et social, des ports et aéroports, des services de presse, des
postes
et
télécommunication,
d'EDF-GDF,
sapeurs-pompiers,
agriculteurs532...).
La durée maximale hebdomadaire de travail ne peut excéder 40 heures sur une
période de 12 semaines consécutives, contre 44 heures pour les salariés occupés à des postes
de jour. Cette durée maximale peut être portée à 44 heures, par convention de branche
étendue ou par décret dans certains secteurs d'activités spécifiques
529
c o q
.
Article L. 213-2 nouveau du Code du travail
Article R. 213-1 du Code du travail modifié par décret n°2002-792 du 3 mai 2002 - JO du 5 mai.
531
Circulaire DRT n° 2002-09 relative au travail de nuit.
532
Article R. 213-2 du Code du travail, modifié par décret n°2002-792 du 3 mai 2002 - JO du 5 mai Circulaire DRT n°
2002-09 relative au travail de nuit
533
Article L. 213-3 nouveau du Code du travail
530
-348-
Partie II - Un espace temps limité
1.3.2.2. Limitation des chantiers de travaux publics ou privés
L'arrêté municipal contre le bruit du 9 juillet 1998 précise les horaires de chantiers
de travaux publics ou privés. Dans l'article 3-1 il est indiqué que « les travaux bruyants liés
à des chantiers publics ou privés sont interdits les dimanches et jours fériés et de 20 heures à
7 heures les jours ouvrables ». Des dérogations exceptionnelles peuvent être accordées par le
Maire « s'il s'avère nécessaire que les travaux considérés soient effectués en dehors des
heures et jours autorisés à l'article 3-1 » (Article 3-2).
1.3.2.3. Limitation des activités professionnelles
L'arrêté municipal contre le bruit du 9 juillet 1998 précise également les horaires de
travaux professionnels bruyants :
Article 4-1 : «Hormis le cas des chantiers de travaux publics ou privés visés par
l'article 3, toute personne utilisant dans le cadre de ses activités professionnelles, à
l'intérieur des locaux ou en plein air, sur la voie publique ou dans les propriétés privées, des
outils ou appareils susceptibles d'occasionner une gêne pour le voisinage en raison de leur
intensité sonore ou des vibrations transmises, doit interrompre ces travaux entre 20 heures
et 7 heures et toute la journée des dimanches et jours fériés, sauf en cas d'intervention
urgente ».
1.3.2.4. Limitation des prestations artistiques sur le domaine public
Par décision municipale toute prestation sur la voie publique de musicien, artiste ou
orchestre doit cesser à 22 heures :
Les emplacements ne doivent pas débuter avant 10h30 ;
Les prestations doivent cesser à 22 heures ;
L'utilisation d'une sonorisation est interdite ;
Le demandeur devra se tenir de façon à ce que l'attroupement occasionné par les
spectateurs ne crée aucune gêne pour la visibilité ou l'accès des immeubles et
des commerces voisins, ni pour la circulation des passants ;
-349-
L'autorisation est délivrée à titre précaire et révocable et pourra être retirée à
tout moment, notamment en cas de non respect des conditions énumérées cidessus.
Les cracheurs de feu qui illuminent les visages des habitués des terrasses
strasbourgeoises ne sont pas autorisés mais visiblement tolérés.
1.3.3. Commerces et services contrôlés
La législation encadre de façon stricte les horaires d'ouverture et de fermeture des
services avec des règles spécifiques à l'Alsace-Moselle qui ne concernent pas « la France de
l'intérieur ».
1.3.3.1. Horaires d'ouverture de fermeture des commerces
En Alsace-Moselle, c'est le Préfet qui décide des heures d'ouverture et de fermeture
des commerces. C'est une survivance du Code local des professions du temps du KAISER.
Ailleurs, c'est le Maire qui décide et le contrôle (hygiène...) se fait a posteriori. Il suffit
d'une simple déclaration en Mairie. L'article 139c de la Loi du 26 juillet 1900 s'applique
toujours : « De 9 heures du soir à 5 heures du matin, les locaux de vente ouverts au public
doivent être fermés au trafic. Lors de la fermeture du local, les clients qui s'y trouveraient
pourront encore être servis. Après 9 heures du soir, les locaux de vente pourront être ouverts
au trafic dans des cas urgents et imprévus et pendant quarante jours au maximum, lesquels
seront fixés par la police locale, sans toutefois que l'heure de fermeture ne puisse dépasser
10 heures du soir. »
C'est le service Commerce et Artisanat de la Communauté Urbaine de Strasbourg
qui attribue les autorisations.
-350-
Partie II - Un espace temps limité
1.3.3.2. Horaires d'ouverture et de fermeture des débits de boissons
C'est le Préfet, dans un arrêté type « Police des débits de boisson », du 23 janvier
1973 qui fixe les horaires d'ouverture et de fermeture des débits de boissons et
établissements statutaires. L'article 1er précise que «l'heure d'ouverture des débits de
boissons à consommer sur place situées dans le Département du Bas-Rhin est fixée à 4
heures du matin » (Figure II. 14 - Autorisation d'ouverture tardive).
Il est précisé que « les établissements pourvus d'une licence-restaurant devront être
fermés au plus tard à lh30 dans la ville de Strasbourg, les chefs-lieux d'arrondissement et
les communes d'Ulkirch-Graffenstaden, Lingolsheim, Schiltigheim, Bischheim, Hoenheim,
Wolfisheim, Souffelweyersheim et Mundolsheim ; à 24 heures dans les autres communes ».
La différence de traitement entre ville et la « campagne » traduit une forme de hiérachisation
de la tolérance festive nocturne.
Après avis du Maire de la Ville de Strasbourg et du Directeur de la Sécurité Publique
du Bas-Rhin, le Préfet accorde ou non des dérogations à l'heure de fermeture fixée par
l'arrêté préfectoral du 23 janvier 1973 jusqu'à 3 ou 4 heures du matin. Les conditions
signifiées
au
demandeur
sont
draconiennes :
l'article
2
de
l'arrêté
précise
que « l'autorisation est valable pour une durée de un an à compter de la notification du
présent arrêté ». Son renouvellement devra, le cas échéant, être sollicité trois mois au plus
tard avant l'expiration. Le responsable de l'établissement est prié de prendre « toutes
mesures utiles pour que l'ouverture prolongée de son établissement ne porte pas atteinte à la
tranquillité nocturne du voisinage, soit par une émission de musique, soit par d'autres
bruits». L'article 4 indique que l'autorisation est révocable à tout moment: «Elle sera
notamment retirée à son bénéficiaire en cas de trouble apporté à l'ordre, la sécurité, la
moralité et la tranquillité publique ».
L'arrêté préfectoral du 11 août 1989, indique que « l'heure d'ouverture des débits de
boissons à consommer sur place situés dans le département du Bas-Rhin est fixée à 4 heures
du matin.» Il est précisé que «cette heure d'ouverture est fixée à 5 heures pour les
établissements situés sur le territoire de la commune de Strasbourg, qui bénéficient, en vertu
de l'article 5-a, d'une autorisation d'ouverture jusqu'à 4 heures. »
-351-
Le Préfet demande son avis au Maire pour l'ouverture des débits de boissons.
L'ancien maire de Strasbourg, Mme Trautmann avait décidé de ne plus permettre de
nouvelles installations de « Licence IV » dans deux quartiers de Strasbourg : Krutenau et
Saint-Etienne. Jusqu'ici, le Préfet a toujours suivi. Les quartiers de la Petite-France et
Finkwiller pourraient un jour faire l'objet de telles mesures. De l'avis des services de la
CUS, il y aurait une dizaine de « mauvais coucheurs » à Strasbourg. De l'avis des membres
du CABR, par contre, certains quartiers ont été victime d'un «phénomène d'épuration
phonique » et les résidents qui résisteraient encore développeraient des stratégies
d'adaptation pendant les périodes difficiles.
1.3.3.3. Horaires des terrasses réglementés
Il n'y a pas d'horaire spécifique pour les terrasses qui sont en règle générale ouvertes
du 1er mars au 31 octobre. L'arrêté de base date de 1951. C'est un pouvoir de Police du
Maire qui accorde ou non un permis de stationnement. Les motifs de refus sont liés à la
circulation des personnes. Les terrasses s'alignent sur les horaires des débits de boisson :
Dans l'absolu, elles pourraient être installées dès l'ouverture des débits de boisson
c'est-à-dire à 4 heures. Seule restriction : leur installation en zone piétonne est
calquée sur les heures de desserte (après 10 h 30) ;
-
Les terrasses doivent être remballées à 0 h 30 minutes avec possibilité de dérogation
jusqu'à l h 30, les vendredi, samedi, dimanche et jours fériés du 1er juin au 30
septembre.
Dans l'année, la période d'ouverture peut sous réserve de dérogation expresse
s'étaler dans le temps en démarrant avant le 1er mars. Par contre, après octobre, les choses
semblent plus délicates. On doit noter depuis quelques années, les demandes d'autorisation
pour la mise en place de chaufferies extérieures qui permettent de maintenir les terrasses
ouvertes par temps plus froid. Il s'agit d'une logique de répression plus que de gestion. Pour
preuve le faible coût d'installation qui s'établit à 150 francs le m2 en moyenne. Le contrôle
du respect des horaires de terrasses est effectué par la Brigade de l'environnement de la
Police Municipale et Rurale.
-352-
1.3.3.4. Horaires des divertissements et bals
Des autorisations exceptionnelles peuvent être délivrées par le Maire jusqu'à 3 ou 4h
du matin pour les divertissements et bals dans les débits de boissons et autres lieux ouverts
au public. Pour certaines festivités de quartier, ces autorisations peuvent aller jusqu'à 6 h du
matin.
1.3.4. Circulation réduite
La mobilité des biens et des marchandises est limitée dans la ville la nuit afin de
limiter les nuisances et de garantir la quiétude des citoyens à un moment où l'espace, moins
encombré que le jour autoriserait des vitesses de circulation plus grande.
1.3.4.1. Circulation des poids lourds réduite
Conformément aux dispositions prévues par l'arrêté préfectoral du 6 mai 1981 et du
27 janvier 1992, la circulation des poids lourds de plus de 6 tonnes est interdite de 22h00 à
6h00 dans l'agglomération de Strasbourg dans la partie située à l'Est de l'autoroute. Le
terme d'agglomération doit être entendu dans le sens du Code de la route c'est-à-dire
matérialisée par les panneaux d'entrée. Sont exclus de la zone interdite : le territoire du Port
Autonome ; le Contournement sud ; la RN4 entre la Place de l'Etoile et le Pont de l'Europe ;
la route du Petit Rhin ; l'itinéraire de contournement Poids lourds de la Schafhardt (route du
Fort Uhrich-route de la Schafhardt-rue de la Rochelle-rue du Havre) et la rue de Nantes.
Du dimanche ou jour férié 22h00 au lendemain 6h00, les véhicules de transport
routier de marchandises désirant exclusivement charger puis se diriger vers les grands axes
routiers et dont la destination ressortant des documents de bord est à plus de 150 km de
Strasbourg, sont autorisés à circuler. Conformément à l'article 2 de l'arrêté préfectoral
susvisé et par arrêtés municipaux (du 20 mai 1981, du 3 juin 1982 et du 16 mai 1983) des
dérogations sont accordées aux véhicules suivants : véhicules de transport en commun ;
véhicules de l'administration militaire, de la Police et des PTT, véhicules des services de
secours et d'incendie en intervention urgente ; véhicules des services de la salubrité
-354-
Partie II - Un espace temps limité
publique ; transports au profit de la presse ; transports de lait ; déplacements des véhicules
des
entreprises
de
spectacle ;
entre
5h00
et
6h00
aux
transports
assurant
l'approvisionnement des mareyeurs ; véhicules assurant des livraisons urgentes d'azote et
d'oxygène aux établissements hospitaliers.
Les véhicules en provenance des zones industrielles de la Plaine des Bouchers et de
la rue de Strasbourg sont autorisés à circuler : rue de la Plaine des bouchers, rue de la
Montagne-Verte, rue des Frères Eberts, rue du Maréchal Lefèbvre, route de la Fédération,
avenue de Colmar entre la rue de la Station et la rue du Maréchal Lefèbvre, rue Adèle Riton,
place de Haguenau, rue de Sarrebourg entre la petite rue des Magasins et la rue Adèle Riton
Dans les rues soumises au régime piétonnier, la circulation et le stationnement de
tous véhicules sont interdits. Par dérogation, les véhicules desservant les riverains sont
autorisés à pénétrer et à s'arrêter à l'intérieur des rues et places soumises au régime
piétonnier de 6h00 à 10h30.
1.3.4.2. Livraisons et trafic aérien interdits
L'article 4.5 de l'arrêté municipal contre le bruit du 9 juillet 1998, indique que « sont
interdites les livraisons de marchandises entre 22h00 et 6h00, qui, par défaut de précautions,
occasionnent une gêne sonore au voisinage ».
Un protocole d'accord réglementant les vols nocturnes sur l'aéroport de StrasbourgEntzheim a été mis au point en février 1998 et a pris effet le 8 octobre 1998. Les avions
bruyants (avions non certifiés et chap.II) sont interdits de vol sur la période 23h30-6h00.
Pour les autres avions (Avions certifiés, chap.m-V-VI), les décollages sont interdits entre
23h30 et 6h00 avec une tolérance de retard de 30 minutes et les atterrissages sont interdits
entre OhOO et 5h00 avec une tolérance de 30 minutes. Toute programmation d'atterrissage
entre 5h00 et 6h00 devra faire l'objet d'une autorisation préalable. Si des dérogations
subsistent (vols postaux, déroutements pour cause météo, sécurité civile...), le directeur de
l'aéroport de Strasbourg-Entzheim table sur la disparition de 200 à 300 vols nocturnes534.
534
In " Vols nocturnes : de la théorie à la pratique ", Dernières Nouvelles d'Alsace, 6 octobre 1998.
-355-
1.3.5. Loisirs limités
Mêmes les activités de loisir sont bornées par des arrêtés précis.
1.3.5.1. Activités de bricolage et jardinage réduites
L'article 6.2 de l'arrêté municipal contre le bruit du 9 juillet 1998, précise que « les
travaux de bricolage ou de jardinage effectués par les particuliers à l'aide d'outils ou
d'appareils susceptibles de causer une gêne pour le voisinage en raison de leur durée, de leur
répétition ou de leur intensité, tels tondeuses à gazon, motoculteurs, tronçonneuses,
perceuses, raboteuses, ne peuvent être effectués que selon les horaires suivants :
- du lundi au vendredi inclus de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 19
heures ;
- le samedi de 9 heures à 12 heures et de 15 heures à 19 heures ;
- le dimanche et les jours fériés de 9 heures à 12 heures.
1.3.5.2. Chasse de nuit interdite
Même nos amis du monde animal profitent d'une certaine protection puisque la
pêche et la chasse sont prohibées la nuit. Il existe un principe général d'interdiction de la
chasse de nuit. L'article 9 de la loi de police de la chasse de mai 1844, repris à l'article
L.224-4 du code rural, énonce que « le permis donne à celui qui l'a obtenu, le droit de
chasser de jour, soit à tir, soit à courre ». La prohibition générale de la chasse de nuit tient,
essentiellement, à des raisons de sécurité et de surveillance. Outre que les actions de chasse
menées la nuit comportent des risques évidents pour la sécurité de ceux qui y participent, il
est clair que le braconnage de nuit, notamment du grand gibier, est beaucoup plus
difficilement contrôlable. D'où l'interdiction posée de la chasse de nuit, pour des raisons de
sécurité publique, par la loi de 1844 alors même que depuis 1790, l'abolition des privilèges
avait donné droit de chasser à tous et en tous temps.
La chasse de nuit est interdite par l'article L.228-1 du Code rural et sanctionnée par
l'article L.228-9. Avant la nouvelle rédaction du Code rural, il était possible en combinant
-356-
Partie II - Un espace temps limité
l'article 10, alinéa 2, du décret n.72-976 du 25 septembre 1972 modifié avec l'article 5,
alinéa 2, du même décret, d'admettre des dérogations à l'interdiction de la chasse de nuit.
On pouvait donc considérer qu'il existait une base juridique à l'usage de la chasse de nuit
pratiquée à l'affût à partir d'installations fixes dénommées selon les régions : huttes, tonnes
ou gabions. Les dispositions du décret de 1972 ont disparu de la nouvelle rédaction du Code
rural car elles sont abrogées par le décret n.89-805 du 27 octobre 1989 portant codification
et modification des textes réglementaires concernant la protection de la nature. La chasse à
tir n'est donc plus autorisée que de jour. Il s'agit d'une notion de fait soumise à
l'appréciation des tribunaux. Ceux-ci tiennent compte de la nuit réelle et non pas de l'heure
officielle du coucher du soleil ou de son lever pas plus que du crépuscule astronomique qui
prolonge l'heure du coucher ou devance celle du lever du soleil535. Les tribunaux ont
souvent privilégié une analyse pragmatique des faits en indiquant que «la nuit doit
s'entendre du temps quotidien pendant lequel la clarté est insuffisante pour permettre de
distinguer la forme et la couleur des objets ».
En droit local, à côté des périodes d'interdiction de la chasse qui sont soit générales
soit particulières à certaines espèces de gibier, on trouve l'intervention classique de la chasse
de nuit (L. 7 mai 1883, art.7). Cette prohibition ne concerne pas les animaux nuisibles ce qui
est conforme au droit général (C. Rural,art. 393), mais elle présente la particularité de ne pas
s'appliquer qu'à l'exercice de la chasse en plaine.
Article 87.- Selon les travaux préparatoires, le législateur a pris en considération la
possibilité d'une location à deux adjudicataires différents d'un territoire de plaine attenant à
un territoire forestier. Celui-ci est considéré comme un « lot de couverture » de celui-ci,
c'est-à-dire qu'il le complète ; mais les aléas des adjudications peuvent en décider
autrement. Il fallait donc éviter le risque d'une destruction du gibier sortant de nuit de la
forêt, ce qui aurait été l'équivalent du « droit d'affût » français disparu avec la loi du 30
juillet 1963 instituant un plan de chasse du grand gibier.
L'interdiction ne s'applique donc qu'à celui qui ne peut gérer des animaux non
cantonnés sur son territoire. Le cahier des charges du Bas-Rhin (art. 14-6 et 7) interdit le tir
535
Angers 28 fév.1908 : D.P. 1908, 5, 25 ; S. 1908, 2, 80. - Paris 25 avril 1913 : S.1913, 2, 208. - Angers 26 avril 1968 :
BO Cons. Sup. Chasse, 1970, n.60, p. 117. - Paris 4 juill. 1970 : Gaz Pal. 1970, 2, 197, cité par E. Alauze, La chasse de
nuit: Gaz. Pal. 1976, 2, 687
-357-
de nuit d'une façon générale car il n'est pas nécessaire pour la réalisation d'un plan de
chasse du grand gibier en raison de la large période de temps dont dispose l'adjudicataire.
Le tir de nuit des animaux classés nuisibles est possible. Il en va de même du sanglier
lorsque cette chasse est expressément autorisée par arrêté préfectoral indiquant la période et
les secteurs où l'autorisation de tir de nuit des sangliers s'applique. Dans la mesure où le tir
de nuit est autorisé, il est interdit d'utiliser une source lumineuse artificielle telle qu'une
lampe électrique ou encore des procédés plus modernes comme une lunette de visée à
infrarouge ou à multiplication de luminosité résiduelle ou tout autre dispositif du même
genre.
Puisque, selon la formule lancée par les responsables cynégétiques, « la chasse c'est
naturel », elle doit le rester de nuit comme de jour.
1.3.5.2. Pêche de nuit interdite
D'après l'article 13 du Décret n°85-1385 du 23 décembre 1985 pris pour
l'application de l'article 437 du code rural et réglementant la pêche en eau douce, on ne peut
pêcher plus d'une demi-heure avant le lever du soleil, ni plus d'une demi-heure après son
coucher. Toutefois, d'après l'article 14, le commissaire de la République peut, par arrêté,
autoriser la pêche :
1° De la truite de mer depuis une demi-heure avant le lever du soleil jusqu'à deux
heures après son coucher dans les cours d'eau classés comme cours d'eau à truite de
mer en vertu de l'article 22 du présent décret ;
2° Du saumon, des aloves, du filet, des lamproies et du mulet depuis deux heures
avant le coucher du soleil jusqu'à deux heures après son coucher dans les eaux
mentionnées à l'article 419 du code rural ;
3° De l'anguille à toute heure.
D'après l'article 15, les filets et engins ne peuvent être placés, manœuvrés ou, sauf
en cas de force majeure, relevés que pendant les heures où la pêche est autorisée. D'après
l'article 16, les filets et engins de toute nature doivent être retirés de l'eau du samedi
-358-
Partie II - Un espace temps limité
18 heures au lundi 6 heures, à l'exception des bosselles à anguilles, nasses et verveux, des
carrelets, des lignes de fonds, des éperviers et des balances à écrevisses ou à crevettes.
Pendant le même temps, les engins actionnés par courant d'eau ou par un dispositif
mécanique quelconque doivent être arrêtés. Les dispositifs accessoires formant obstacle à la
libre circulation des poissons ou contrariant le courant doivent être levés. En outre, les
nasses et verveux, bosselles à anguilles et nasses anguillères exceptées, ne peuvent être
placés, ni manœuvrés, ni relevés. Sur les cours d'eau ou parties de cours d'eau classés
comme cours d'eau à saumon en vertu de l'article 22 du présent décret, le ministre chargé de
la pêche en eau douce peut porter à soixante heures la durée de la relève hebdomadaire
pendant la période de remontée des migrateurs. D'après l'article 17, la pêche de la civelle est
interdite chaque semaine du vendredi dix-huit heures au lundi six heures.
1.3.6. Sécurité renforcée
Dans le domaine de la sécurité, les bornes de la nuit légale varient beaucoup selon
qu'elles servent à baliser une « nuit-protection » ou une « nuit répression ».
1.3.6.1. Bruit ou tapages injurieux ou nocturnes
Contrairement à la croyance populaire, la réglementation en matière de bruit est la
même de jour comme de nuit. Les fameux « 22 heures » sont une légende. On n'a pas plus le
droit d'importuner ses voisins le jour que la nuit. Nous en avions fait l'expérience en
novembre 1997 avec une contravention de la Police Nationale à 8h30 à notre domicile pour
«Bruit, tapage nocturne troublant la tranquilité d'autrui ». Le décret du 5 mai 1988 relatif
aux bruits de voisinage s'applique à toute heure. L'article R. 623-2 du code pénal évoque
« Des bruits ou tapages injurieux ou nocturnes ». « Les bruits ou tapages injurieux ou
nocturnes troublant la tranquillité d'autrui sont punis de l'amende prévue pour les
contraventions de la 3eme classe. Les personnes coupables de contraventions prévues au
présent article encourent également la peine complémentaire de confiscation de la chose qui
a servi ou était destinée à commettre l'infraction ».
-359-
D'après M. VERON536, les bruits et les tapages ne sont punis que s'ils sont injurieux
ou nocturnes. En ce qui concerne le caractère injurieux, il suffit de préciser que le mot ne
doit pas être pris dans le sens que lui donne l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Bien sûr
l'infraction sera commise si le tapage provient d'éclats de voix ou d'altercations au cours
desquels seront prononcées des injures, des invectives ou des termes de mépris. Toujours
d'après le Professeur VERON, la jurisprudence n'a jamais entendu limiter la portée de
l'incrimination à ces seules hypothèses. Toute manifestation dont la forme présente un
caractère offensant pour ceux qui en sont les victimes désignées peut être qualifiée
injurieuse, les juges du fond disposant d'un pouvoir souverain d'appréciation en la
•v
ST7
matiere .
Ce pouvoir souverain d'appréciation s'étend aussi au caractère nocturne des bruits ou
tapages et les juges s'en tiennent tout simplement « aux circonstances de temps ». Est
nocturne un tapage commis après la tombée de la nuit et avant le lever du jour. M. VERON
est clair déclarant : «Le texte n'exigeant pas le cumul des deux caractères, est punissable le
tapage injurieux même diurne, ainsi que le tapage nocturne non injurieux ». Le décret n°95408 du 18 avril 1995 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage et modifiant le code de la
santé publique538 prévoit des peines « si l'émergence de ce bruit perçue par autrui est
supérieure aux valeurs limites admissibles définies à l'article R. 48-4 ». Elle fixe des seuils
diurnes et nocturnes différents : «L'émergence est définie par la différence entre le niveau
de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et celui du bruit résiduel constitué
par l'ensemble des bruits habituels et intérieurs, dans un lieu donné, correspond à
l'occupation normale des locaux et au fonctionnement normal des équipements. Les valeurs
admises de l'émergence sont calculées à partir des valeurs de 5 décibels A (dB A) en
période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 dB A en période nocturne (de 22 heures à
7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif, fonction de la durée cumulée
d'apparition du bruit particulier (...). L'infraction n'est pas constituée lorsque le niveau de
bruit ambiant est inférieur à 30 dB A539 ».
536
VERON M., 1993, Bruits ou tapages injurieux ou nocturnes. De l'ancien au nouveau Code pénal, Editions techniques,
Droit Pénal, p. 1.
537
Cass. Crim. 18 déc. 1902 : Bull. Crim. N°392
538
Journal officiel de la Santé publique
539
Art. R. 48-4.
-360-
Partie II - Un espace temps limité
1.3.6.2. Inviolabilité du domicile
Autre exemple, le domicile est inviolable la nuit. La constitution de l'an VIII
disposait en son article 76 que « la maison de toute personne habitant le territoire est un asile
inviolable » et que «pendant la nuit, nul n'a le droit d'y entrer que dans le cas d'incendie,
d'inondation ou de réclamation faite de l'intérieur de la maison ». L'inviolabilité du
domicile est selon le Conseil Constitutionnel une liberté publique constitutionnellement
garantie (Déc.n0 96-377, 16 juill. 1996 : JO 23 juill.). Le temps de nuit est aujourd'hui défini
par la loi. L'article 95 et l'article 96 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale dispose que le
juge d'instruction doit se conformer aux dispositions de l'article 59 selon lesquelles «sauf
réclamation faite de l'intérieur de la maison ou exception prévues par la loi, les perquisitions
et visites domiciliaires ne peuvent être commencées avant six heures ou après vingt-et-une
heures ». On rapprochera ces dispositions de celles de l'article 134 qui interdisent à l'agent
chargé d'exécuter un mandat d'amener ou d'arrêt de s'introduire dans le domicile d'un
citoyen avant six heures et après vingt-et-une heures540. Les limites légales concernent le
début de la perquisition. Mais dès lors qu'une perquisition a commencé avant vingt-et-une
heures, elle peut se poursuivre au-delà. C'est ce que prévoit l'article 169 du décret du 20 mai
1903 selon lequel, toute perquisition régulièrement commencée dans le temps légal peut être
poursuivie sans discontinuité, même après 21 heures.
Cette règle souffre cependant quelques exceptions. L'article 59 réserve le cas de la
réclamation faite de l'intérieur de la maison et les exceptions prévues par la loi. En dehors
des cas de proxénétisme, trafic de stupéfiants et terrorisme, ces diverses exceptions ne
concernent pas l'action du juge d'instruction :
-
L'article 59 prévoit que les limitations de temps qu'il institue ne s'appliquent pas
en cas de réclamation faite de l'intérieur de la maison. On peut estimer que la
notion de réclamation englobe les cas d'incendies et d'inondations visés par la
constitution de l'an VIII. Mais si l'incendie ou l'inondation permettent d'entrer, il
ne semble pas qu'il puisse y avoir lieu à perquisition.
5411
Procédure pénale, Editions du Juris-Classeur, 1997, p. 15.
-
En matière de proxénétisme, l'article 706-35 du Code de procédure pénale, issu
de la loi du 16 décembre 1992 et qui s'est substitué le 1er mars 1994 au deuxième
alinéa de l'article 59 abrogé par cette loi, autorise les perquisitions et saisies à
toute heure du jour et de la nuit, à l'intérieur de tout hôtel, maison meublée,
pension, débit de boissons, club, cercle, dancing, lieu de spectacle et leurs
annexes et en tout autre lieu ouvert au public ou utilisé par le public lorsqu'il est
constaté que les personnes se livrant à la débauche y sont reçues habituellement.
-
Les perquisitions en dehors des heures légales sont permises aussi en matière de
trafic de stupéfiants par l'article 706-28, issu de la loi du 16 décembre 1992 et tel
que modifié par la loi du 22 juillet 1996, à l'intérieur des locaux où l'on use en
société de stupéfiants ou dans lequel sont fabriqués, transformés ou entreposés
illicitement des stupéfiants, et en matière de terrorisme par l'article 706-24 issu
de la loi n°96-1235 du 30 décembre 1996. Mais lorsque ces perquisitions ont lieu
au cours de l'information préalable, dans une maison d'habitation ou en
appartement en matière de stupéfiants, et dans tous les cas en matière de
terrorisme, le juge d'instruction doit, à peine de nullité, délivrer aux OPJ délégués
une autorisation écrite précisant notamment l'adresse des lieux où les personnes
et saisies doivent être faites et qui doit être motivée par référence aux éléments de
faits justifiant que ces opérations sont nécessaires.
-
L'article 5 de la loi n°83-582 du 5 juillet 1983 sur la pêche prévoit dans certaines
conditions la possibilité de rechercher de nuit les produits de pêches réalisés en
infraction aux lois et règlements.
-
L'article L.332-1 du Code de la propriété intellectuelle autorise aussi les
perquisitions de nuit en matière de contrefaçons d'œuvres littéraires.
H existe également des circonstances particulières :
-
Le pouvoir de perquisitionner au domicile des citoyens de jour comme de nuit
donné à l'autorité militaire en cas de déclaration d'état de siège (J.C1. Pén.,
Annexe V° Etat de siège) ;
Partie II - Un espace temps limité
-
Le même pouvoir est donné à l'autorité administrative en cas de déclaration d'état
d'urgence (L.3 avr.1955, art.l 1).
On notera que l'article 10 du décret du 19 juillet 1791 donne aux officiers de police le
pouvoir d'entrer en tout temps dans les maisons où l'on donne habituellement à jouer des
jeux de hasard et dans les lieux livrés notoirement à la débauche, mais il ne s'agit pas d'une
perquisition. Lorsqu'il y a des faits de proxénétisme dans ces lieux, les perquisitions sont
possibles en tout temps.
1.3.6.3. Droit à la légitime défense
L'article 122-6 du Code pénal a repris à peu de choses près, les termes de l'ancien
article 329 : « est présumé avoir agi en état de légitime défense celui qui accomplit
l'acte pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ou
pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence.
En consacrant cette solution, la nouvelle législation à l'instar de l'ancienne, n'a fait
que reprendre celle que l'on trouvait déjà inscrite dans les plus vieux monuments du droit
écrit : le livre de Vexode des Hébreux, la loi des XII Tables de la Rome ancienne
reconnaissaient en effet au maître des lieux le droit de tuer impunément celui qui pénétrait
dans sa demeure, la nuit, par effraction. La réaction violente contre celui qui est perçu
comme un agresseur est ici la manifestation d'un « comportement territorial » au sens
étymologique du terme, une attitude quasi-réflexe dictée par l'instinct de défense et qui se
retrouve indistinctement chez l'animal comme chez l'homme. Réaction violente d'autant
plus difficile à maîtriser que le fait se produit la nuit. La nuit, moment aujourd'hui comme
hier redouté, lourde d'angoisses et de peurs qui nous renvoient à l'état de nature. On notera
que la nuit n'est pas entendue ici au sens légal de l'article 59 du code de procédure pénale :
c'est au juge du fait qu'il appartient de dire s'il y a ou non circonstance de nuit541.
541
Cass. Crim., f5 avr.1825 : DP 1825, 1, p. 303
-363-
Conclusion
La nuit au sens légal du terme est assez proche des limites de la nuit naturelle pour le
travail, les activités de loisir, la sécurité, la circulation des véhicules et le commerce soit une
durée comprise entre 22h00 et 6h00 du matin Elle est plus réduite pour certains loisirs et
divertissements (Figure II. 15 - Bornes légales).
1.4. BORNES ECONOMIQUES : UN AUTRE ESPACE-COÛTS
Certains tarifs de services comme celui du gaz par exemple, restent inchangés de jour
comme de nuit. D'autres subissent des fluctuations dans un sens ou dans l'autre. Le jour on
gagne sa vie et la nuit on la dépense.
1.4.1. Un travail mieux payé
Bien qu'aucune disposition légale n'impose une rémunération particulière pour les
heures de nuit, elles donnent souvent lieu à des majorations variables selon les professions et
sur des tranches horaires différentes. Elles contribuent sans doute à rendre certains emplois
difficiles attractifs.
Bâtiment
Dans le bâtiment, les heures de travail exceptionnel de nuit, comprises entre 20
heures et 6 heures, donnent lieu à une majoration de 100 % qui ne se cumule pas avec les
majorations pour heures supplémentaires ou pour travail du dimanche ; lorsque le travail est
organisé par postes successifs, les heures de travail comprises entre 20 heures et 6 heures
sont majorées de 10 %.
Chimie
Dans la chimie, les heures de travail de nuit, lorsqu'elles n'entrent pas dans l'horaire
habituel, comportent entre 21 heures et 5 heures, une majoration de 40 % qui peut se
cumuler avec les majorations pour heures supplémentaires.
-364-
Partie II - Un espace temps limité
Métallurgie
Dans la métallurgie parisienne, une prime d'incommodité de 15 % (du salaire garanti
de la catégorie) est versée pour les heures de nuit, entre 22 heures et 6 heures, à condition
que leur nombre soit au moins égal à 6, lorsque le travail, organisé en équipes successives,
comporte habituellement le travail de nuit, sans que ce mode d'organisation soit imposé par
des nécessités techniques. Lorsque l'horaire habituel de travail ne comporte pas de travail de
nuit, les heures de travail effectuées entre 22 heures et 6 heures, de façon exceptionnelle,
sont affectées d'une majoration d'incommodité de 25 %, à condition que leur nombre soit au
moins égal à 6. Une prime de panier est en outre attribuée aux ouvriers effectuant au moins
six heures de travail entre 22 heures et 6 heures.
Autres industries
Dans les industries de la fabrication de la mécanique du verre, le travail de nuit, hors
horaire habituel, emporte une majoration de 50 % se cumulant avec les majorations
éventuelles des heures supplémentaires, pour les heures situées entre 21 heures et 5 heures ;
le travail de nuit donne droit à une prime de panier égale à deux fois le salaire minimum
professionnel au coefficient 100. Dans les industries du cartonnage, les heures de nuit
encadrant minuit comportent, en cas de travail en continu de trois équipes, une majoration
de 15 %, qui se cumule avec les majorations pour heures supplémentaires. La convention
accorde, par ailleurs, une prime de panier de nuit.
Sociétés de sécurité
A compter du 1er janvier 2002 les heures de travail comprises entre 21 heures et 6
heures font l'objet d'une majoration de 10 % du taux horaire minimum conventionnel du
salarié concerné. La loi a laissé le soin aux partenaires sociaux d'aménager les contreparties
au travail de nuit par accord collectif ou, à défaut, après consultation des représentants du
personnel. Ces contreparties doivent consister à accorder un repos
compensateur
intégralement rémunéré, dans tous les cas, auquel s'ajoute une compensation salariale le cas
échéant. Dans les entreprises où les salariés ne bénéficient pas encore d'une contrepartie
sous forme de repos, l'employeur dispose d'un délai de 1 an, soit jusqu'au 12 mai 2003, pour
accorder ce repos, soit par accord de branche étendu ou d'entreprise ou d'établissement, soit,
-367-
à défaut, après consultation des délégués syndicaux, du comité d'entreprise ou des délégués
du personnel. Les modalités de prise et de paiement du repos doivent alors être prévues542.
Le maintien des majorations de salaire pour travail de nuit antérieures à la loi du 9
mai 2001 dépend de la rédaction de la clause conventionnelle. Soit les bénéficiaires désignés
par la clause ne répondent pas à la nouvelle qualification de travailleur de nuit et, dans ce
cas, la majoration de salaire peut être maintenue seulement si les partenaires sociaux la
conditionnent à l'accomplissement d'un travail entre 22 heures et 5 heures ; soit il s'agit d'une
disposition globale, faisant référence à tout «travail de nuit» et à laquelle la nouvelle
définition légale peut s'intégrer de fait ; dans ce cas, l'ancienne disposition s'applique
directement sans nécessiter de nouvelle négociation543.
Fonction publique
D'après le rapport de la mission interministérielle sur le temps de travail dans les
trois fonctions publiques544, il n'existe pas de réglementation générale de cette forme de
travail (traditionnellement effectuée entre 21 heures et 6 heures du matin) pourtant pratiquée
dans la fonction publique. Il existe toutefois le décret n°61-467 du 10 mai 1961 relatif à
l'indemnité horaire pour travail normal de nuit. Ces indemnités comportent une majoration
lorsque les agents effectuent pendant la nuit les mêmes travaux (majoration spéciale pour
« travaux intensifs ») que ceux qu'ils accompliraient en service de jour. Un repos
compensateur d'une durée égale à celle des heures de nuit (de minuit à 7 heures) effectuée
est possible, en application du décret n°50-1248 du 6 octobre 1950. Le taux horaire de
l'indemnité pour travail intensif est fixé par arrêté conjoint du ministre de l'économie et des
finances et du ministre de la Fonction publique (décret n°76-208 du 24 février 1976). Ces
dispositions concernent un travail à caractère exceptionnel et ne font aucune mention d'une
réglementation possible pour un travail régulier de nuit.
Prestations en hausse à la Communauté Urbaine de Strasbourg
En 1998, la Communauté Urbaine de Strasbourg a publié un recueil545 dans lequel on
a pu lire que le coût d'un pompier variait selon son grade et le moment de son exercice.
542
Circulaire DRT n° 2002-09 relative au travail de nuit
544
Rapport de la mission interministérielle sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques, présenté par Jacques
ROCHE, Conseiller Maître honoraire de la Cour des Comptes, janvier 1999.
545
Recueil de la tarification des services de la Communauté Urbaine de Strasbourg, 1998, Strasbourg, Communauté
Urbaine, 24 p.
-368-
Partie II - Un espace temps limité
Entre 5 heures et 7 heures, le piquet de sécurité est facturé à 99,62 francs/heure pour un
sapeur et à 140,18 francs/heure pour un lieutenant. Après 20 heures, les prix grimpent à
119,56 francs et à 168,20 francs.
D'un côté, ces surcoûts qui interviennent entre 21h00 et 6h00 en moyenne, bornent la
nuit urbaine et limitent le développement des activités. De l'autre, ils compensent les
difficultés du travail et le rendent un peu plus attractif qu'un travail de journée. Les
différences de primes enregistrées entre les domaines d'activités séparent les secteurs
comme les sociétés de surveillance, la métallurgie ou le cartonnage où l'activité nocturne est
presque naturelle d'autres secteurs comme le bâtiment où elle est plus exceptionnelle
(Figure n.16 - Bornes économiques, Evolution indicée). Dans les pays où les travail de nuit
est largement répandu comme les Etats-Unis le différentiel de salaire entre jour et nuit, variable en fonction des secteur- est plus faible qu'en Europe exprimant à la fois la
banalisation de ces pratiques et une valeur différente affectée au temps : question de culture.
1.4.2. Des tarifs réduits dans l'énergie et les communications
Si les prix de l'eau et du gaz restent semblables de jour comme de nuit, les tarifs de
nombreux autres services redessinent en creux une courbe de consommation que les
industriels aimeraient voir s'équilibrer.
Nuit électrique entre 22h00 et 6h00
Le système est complexe avec quatre options tarifaires mais tout compte fait, le
kilowatt est moins cher la nuit c'est-à-dire entre 22h00 et 6h00 que le jour (Figure H. 17 - Le
prix de l'électricité). Le bruit sec du compteur électrique qui à 22h00 bascule en tarif de nuit
marque encore l'espace sonore de nombreuses familles, comme un signal.
Nuit téléphonique entre 19h00 et 8h00
Chez France Telecom, en semaine, la communication de nuit entre 19h00 et 8h00 est
moitié moins chère la nuit que le jour (Figure 11.18 - Tarif horaire du téléphone).
-369-
-370-
Partie II - Un espace temps limité
Figure 11.19 - Tarif horaire de l'Internet
Horaires
0 à 6 heures
6 heures à 20 heures
De 20 heures à 0 heure
0 à 6 heures
Week-end
De 6 heures à 0 heures
Sources : France Explorer, 1998
Période
Semaine
0,45
1,29
0,85
0,45
0,85
francs
francs
francs
francs
francs
Tarifs
TTC/minute
TTC/minute
TTC/minute
TTC/minute
TTC/minute
Plus on avance dans la nuit, plus les coûts baissent546. La différence tarifaire jour-nuit
est beaucoup moins importante le week-end -période où les nuits sont plus animées- que la
semaine.
Figure 11.20 - Tarif horaire de l'Internet - Evolution indicée
1.4.3. Des tarifs réduits pour le stationnement
Pour la voiture immobile, la nuit se fait plus accueillante et le stationnement moins
cher que le jour.
546
Brochure France explorer, 1998
-373-
Prix des parkings à la baisse
Au parking Sébastopol, le coût des abonnements diminue fortement entre 17h00 et
9h00 du matin. Si l'on se gare sans abonnement, on paie un peu moins cher au parking
Gutenberg entre minuit et 8h00 du matin.
Si l'on se gare à l'extérieur, le coût est nul. Pour les horodateurs et pour les
pervenches, la nuit démarre à 19h00 et se termine à 8h00 autorisant le stationnement gratuit.
1.4.4. Des tarifs plus élevés pour les consommations et les entrées
Les tarifs sont généralement plus élevés pour les consommations comme pour
l'entrée en discothèque.
1.4.4.1. Des tarifs plus élevés pour les consommations
Dans de nombreux établissements, la nuit commence à 21 heures au moment où le
prix de la bière et des boissons chaudes augmente. Par contre, le prix des digestifs et des
whiskies reste généralement le même.
Dans les bars, tout augmente à partir de 21h00 : boisson chaudes (chocolat,
cappuccino, thé, infusion, café...) mais aussi la bière et même le vin, les apéritifs et les
boissons sans alcool (cola, sirop). Dans les brasseries, les prix d'une partie des boissons
augmentent à partir de 21h00 : les bières, les boissons chaudes. Par contre le prix des
whiskys du vin et des digestifs reste le même comme celui des boissons sans alcool. Il est à
noter que le prix des bières est plus faible également entre 17h00 et 19h00. Le prix des repas
est moindre entre 12 et 14 heures que le reste de la journée, soirée et nuit comprises. Par
contre les tartes flambées sont plus abordables entre 17h00 et 19h00. Dans les pubs comme
le Murphys, la plupart des consommations sont plus chères entre 21h00 et 2h00 du matin
sauf les digestifs (Poire Williams, Calvados, Rhum, Vodka...), le whisky reste toujours au
même prix.
-374-
Partie II - Un espace temps limité
1.4.4.2. Des tarifs plus élevés en discothèque
Pour une activité nocturne, la marge à conquérir est la période diurne. Dans de
nombreuses discothèques par exemple, l'entrée est moins chère avant 23 heures. Au Chalet,
les prix montent crescendo au fur et à mesure de l'entrée dans la nuit : 50 francs à jusqu'à 21
heures, 80 francs entre 22 heures et 24 heures et 100 francs jusqu'à l'aube (Figure n.21 Prix d'entrée en discothèque - Evolution indicée). Dans certains bars également on pratique
ce que l'on appelle les Happy hours, moments calmes avant la ruée des clients en tout début
de soirée.
Figure 11.21 - Prix d'entrée en discothèque - Evolution indicée
Dans les cinémas, par contre le prix d'entrée en soirée est le même, c'est lors des
matinées que les prix sont parfois plus bas.
1.4.5. Des tarifs plus élevés pour l'alimentation
Les boutiques d'alimentation ferment à 20 ou 21 heures et ouvrent qu'à 9 heures le
lendemain matin. Il ne reste plus alors que les seuls rayons des stations-services où les prix
s'envolent de jour comme de nuit. Comparés aux prix pratiqués d'autres commerces de
-375-
centre-ville ouverts en journée on arrive parfois à une multiplication par deux voire plus,
comme pour le dentifrice qui passe de 9,00 à 21,70 francs (Figure H22 - Comparatif de prix
alimentaires). Le même panier d'articles à 118 francs en journée dans une supérette ou 116
francs en grande surface, grimpe à 175 francs après 20 heures ou 21 heures (hors nocturnes
spéciales).
Figure 11.22 - Comparatif de prix alimentaires
Produits
Station Service(*)
En F
1 baguette
1 Paquet de six knacks
4 yaourts B.A.
1 camembert Coeur de lion
1 sandwich au jambon
1 bouteille d'eau Vittel
1 bouteille d'eau Carola
1 bouteille d'eau Bàdoit
1 litre de lait
1 litre Tropicâna orange
1 bouteille d'Orangina
1 paquet de café Carte Noire
1 paquet de barquettes LU
1 tube de dentifrice Signal
Sources : relevés personnels, 1997
(*) Station service BP, Avenue des Vosges
(**) Galeries gourmandes, place des halles
(***) Supermarché CORA, Vendenheim
4,50
12,00
10,40
15,50
17,00
5,00
6,50
6,50
5,60
19,20
12,90
27,90
10,30
21,70
Supérette (**)
En F
3,00
11,80
7,20
13,20
16,00
2,00
2,00
2,20
3,00
18,40
6,80
18,40
5,10
9,20
Grande surface
(***)
En F
3,20
7,20
7,50
12,45
16,00
3,30
3,10
4,10
3,90
15,05
8,10
18,10
5,20
9,00
La nuit, les bureaux de tabac sont fermés et la seule façon d'acheter des cigarettes est
d'essayer de s'en procurer dans les bars, bien plus chers évidemment. En Allemagne, les
distributeurs automatiques permettent de faire face à cette demande de soirée et de nuit.
1.4.6. Des tarifs plus élevés pour les honoraires médicaux
D'après l'Article 14 des Dispositions générales de la nomenclature générale des actes
médicaux547, «Lorsque en cas d'urgence justifiée par l'état du malade, les actes sont
effectués la nuit ou le dimanche et jours fériés, ils donnent lieu, en plus des honoraires
normaux et, le cas échéant, de l'indemnité de déplacement, à une majoration. Sont
547
Mise à jour n°2-97
-376-
Partie II - Un espace temps limité
considérés comme actes de nuit les actes effectués entre 20 heures et 8 heures, mais ces
actes ne donnent lieu à majoration que si l'appel au praticien a été fait entre 19 heures et 7
heures ». La majoration des honoraires médicaux varie en fonction des professions
548
(Figure 11.23 - Majoration des honoraires médicaux).
Figure 11.23 - Majoration des honoraires médicaux
Médecin généraliste :
+ 165,00 francs
Chirurgien-dentiste :
+ 165 francs (visite de nuit)
Sage-femme :
+ 145 francs (visite de nuit)
+ 60,00 francs (majoration nuit, soins infirmiers)
Auxiliaires médicaux :
infirmier, infirmières, orthoptistes :
+ 60,00 francs
masseurs kinésithérapeutes :
+ 40,00 francs
pédicures :
Sources : Sécurité sociale, 1998
+ 5,00 francs
Ainsi le coût des consultations médicales double-t-il entre 20h00 et 8h00 le matin
(Figure 11.24 - Coût des consultations médicales).
Figure 11.24 - Coût des consultations médicales (en francs)
Spécialité
8h/20h
Médecin
115
Pédiatre
220
Chirurgien-dentiste
115
Sage-femme
95
variable
Infirmier
230
Masseur
Source : Sécurité sociale, 1998
20h/8h
280
385
280
240
60
270
D'autres tarifs connaissent le même phénomène d'inflation nocturne.
1.4.7. Des tarifs plus élevés pour les transports
En l'absence de transports en commun entre 0h30 et 4h30 du matin, circuler la nuit
coûte cher et au moindre problème (accident, enlèvement de voiture...) l'addition devient
lourde.
548
" Honoraires médicaux, tarifs au 1er avril 1998 ", in Liaisons Sociales quotidien, cahier joint au numéro 12644, n°7844,
vendredi 10 avril 1998, Sécurité sociale
-377-
Le prix des taxis augmente de 42 % la nuit c'est-à-dire de 19 heures à 7 heures du
matin (Figure 11.25 - Prix des taxis).
Figure 11.25 - Prix des taxis
Jour (7h à 19h)
7 francs du kilomètre
Nuit (19h à 7h)
10 francs du kilomètre
Dimanche et jour férié
10 francs du kilomètre
Sources : Société Taxi 13, 1997
Le prix des dépannages de nuit augmente entre 22 heures et 6 heures du matin
(Figure 11.26 - Prix du dépannage et de la fourrière).
Figure 11.26 - Prix du dépannage et de la fourrière
Dépannage
Jour (6 h à 22 h)
435 francs
Nuit (22 h à 6 h)
607 francs
Dimanche et jours Fériés
660 francs
Fourrière
Jour (7h00 - 22 h 00) :
233 F TTC
Nuit (22h00 à 7 h 00)
340 F TTC
Dimanche et jours fériés
398 F TTC
Sources : Société SPOPREDI et Fourrière, 1997
Alors que le prix de la fourrière fait un bond de plus de 45 % entre 22h00 et 7h00 du
matin, les ambulances (VSL ou non) passent au tarif de nuit entre 20h00 et 8h00 du matin
(Figure 11.27 - Prix des ambulances).
Figure 13.27 - Prix des ambulances (en francs)
Ambulance
Jour
Ambulance VSL
75,25
Ambulance
327,20
Source : Relevés personnels, 1998
Nuit
112,87
572,60
1.4.8. Des tarifs plus élevés pour les services à domicile
En journée, au calme, les prix pratiqués la nuit par les artisans qu'ils soient
plombiers, serruriers, vitriers ou dépanneurs semblent toujours excessifs. La nuit, dans
-378-
Partie II - Un espace temps limité
l'urgence, le client accepte sans rechigner ce qu'il refuserait le jour déjà heureux de trouver
une solution à ses problèmes (Figure 11.28 - Coût d'intervention d'un installateur sanitaire).
Figure II.28 - Coût d'intervention d'un installateur sanitaire
Jour (7h00 à 21h00)
185 francs HT (déplacement et la première heure de travail)
Soirée (21h00 à 23h00)
280 francs HT (déplacement et la première heure de travail)
Nuit (23h00 à 5 h 00)
370 francs HT (déplacement et la première heure de travail)
280 francs HT (déplacement et la première heure de travail)
Matin (5h00 à 7h00)
Sources : Devis d'un artisan strasbourgeois installateur sanitaire, chauffage, zinguerie, 1997
Le coût de certains services comme l'installation sanitaire varie parfois selon trois
tranches horaires précises (Figure 11.29 - Coût de services à domicile) : la journée, la soirée
(21h00-23h00) et la nuit (23h00-5h00)
Figure 11.29 - Coût de services à domicile
17-18h
18/19h
Services à
domicile
Serrurier
300
447
245
Vitrier
245
Plombier
245
245
185
185
Tous
dépannages
Dépannage
505
631
voiture
Sources : enquête personnelle, 1998
19/20h
20/21h
21/22h
22/23h
23/24h
4/5h
5/6h 6/7h 7/8h 8/9h
447
445
445
185
500
445
445
185
500
445
445
280
500
445
445
280
500
445
445
370
500
445
445
370
500
445.
445
280
500
445
445,
280
500
445
445
185
300
245
245
185
631
631
631
631
631
631
631
631
631
505
Pour la plupart de ces services, le tarif nuit commence à 19h00 et se prolonge jusqu'à
8h00 soit une nuit de 13 heures.
-379-
Conclusion
S'il est difficile de tirer des conclusions générales de ces analyses sectorielles, on
peut cependant noter les points suivants :
-
Les basculements tarifaires dans un sens ou dans l'autre en moyenne vers 20 heures et la
« nuit tarifaire » ainsi bornée dure jusqu'à 8h00 du matin en moyenne.
Les bornes économiques définissent un espace-temps particulier où les salaires et les
tarifs sont de 10 à 100 % plus élevés sauf pour le stationnement, l'électricité et les
télécommunications où les prix chutent. C'est dans le domaine de la santé que les
différences jour-nuit sont les plus marquées.
Les bornes économiques et financières délimitent un espace-temps généralement plus
cher pour l'employeur et pour le consommateur. A contrario, cet espace-temps est plus
intéressant pour le travailleur qui a la possibilité de gagner davantage d'argent dans des
conditions plus difficiles. Il est intéressant de noter que la « prime » accordée au
travailleur varie fortement d'un métier à l'autre en fonction de la banalisation ou non du
travail de nuit : on passe d'un doublement dans le bâtiment à un petit 10%
supplémentaire dans la sécurité. Ces primes sont bien plus élevées en France qu'aux
Etats-Unis et montrent qu'il existe une autre valeur du temps de nuit et une banalisation
du travail nocturne.
La durée de la nuit économique et tarifaire est de douze heures en moyenne avec des
écarts important entre la « nuit des parkings » qui dure 16 heures pour les abonnées celle
du dépanneur automobile (14 heures) ou celle des ouvriers des cartonnages qui ne
compte que 7 heures.
Les données naturelles et les bornes légales ou financières ne suffisent évidemment
plus à déterminer les limites de la nuit urbaines quand il s'agit du milieu urbain.
-380-
Partie II - Un espace temps limité
1.5. BORNES FONCTIONNELLES : UN CREUX
Dans nos environnements urbains artificialités, il existe une période intermédiaire
active que l'on peut qualifier de «non-jour», pendant laquelle de nombreuses activités
continuent à s'exercer alors que d'autres, propres à cette période, se créent (Figure n.29 Jour et Non-Jour). En hiver, cette période active de «non-jour» (9 heures) dépasse en
importance celle du jour (8 heures) et celle de la « vraie nuit inactive » (7 heures).
D'autres indicateurs sont donc nécessaires pour cerner la nuit urbaine, ses marges et
son cœur. Certains indicateurs de l'activité humaine (flux, utilisation, fréquentation...) sont
nécessaires pour appréhender les rythmes de la cité et d'identifier les bornes fonctionnelles
de la nuit au moment où l'activité et les trafics s'effondrent.
549
Guide pour la conception de l'éclairage public en milieu urbain, 1981, Ministère de l'urbanisme et du logement,
Ministère du transport, 147 p.
-381-
1.5.1. Mise en lumière automatique
Si pendant des millénaires, les villes soumises aux rythmes de Dame Nature sont
restées plongées dans le noir, depuis, la lumière a progressivement pris possession de
l'espace urbain. Elle gomme en partie l'obscurité menaçante de nos nuits et permet la
poursuite des activités diurnes.
Eclairage public
Dans une commune moyenne, l'éclairage public fonctionne environ 4000 heures par
an, soit en moyenne arithmétique sur l'année, 11 heures par nuit. Mais ceci n'est pas une
règle intangible : certaines petites communes interrompent l'éclairage public à minuit ou une
heure du matin ; le fonctionnement moyen avoisine alors les 2000 heures par an. A
Strasbourg 18000 foyers lumineux s'allument en dessous de 6 lux et dessinent les sentiers
qui guident nos pas et orientent nos trajets : le spectacle de la nuit urbaine peut commencer.
Pour des raisons d'économie, 20 % des lampadaires sont éteints avant minuit mais qui s'en
aperçoit ?
Illuminations
Dans la plupart des villes, les illuminations de monuments sont généralement
interrompues à minuit. A Paris, les samedis et jours de fête, et, depuis 1989, du 1er juin au
30 septembre, elles le sont à 1 heure du matin. A Strasbourg, 161 sites sont illuminés550 : ce
sont des édifices, (bâtiments remarquables, musées, églises, immeubles privés), des ponts,
passerelles et écluses, des monuments, des parcs, des squares et même des arbres. La mise
en lumière des bâtiments s'effectue de manière différenciée selon les saisons et les types de
bâtiments avec quatre régimes de fonctionnement différents (Figure 11.32 - Edifices et sites
illuminés) :
-
Régime
A.
Installations d'illumination en service toute l'année : allumage
synchronisé avec l'éclairage public et extinction à 2 heures pour 17 sites ;
-
Régime B. Installations d'illumination du circuit des vedettes fluviales en service
selon les dates et les horaires communiqués par le Port Autonome pour 105 sites ;
550
Communauté Urbaine de Strasbourg, Service Circulation, Signalisation, Eclairage, 1998
-382-
Partie II - Un espace temps limité
Figure H. 31 - Edifices et sites illuminés (1-1-1998)
Edifices et sites illumines au 01 janv. 98
Régime A Régime B Régime C
Régime D
24
4
6
47
2
2
13
8
1
0
0
1
2
2
1
10
13
1
2
23
0
0
0
B
28
5
0
6
1
C
5
1
5
D
29
34
17
5
105
A
C
D
B
64,13
48,00
150,22
66,40
Sources : Communauté Urbaine de Strasbourg, Service Circulation, Signalisation, Eclairage (1998)
A
Edifices
1. Bâtiments
2. Musées
3. Eglises
4. Immeubles Privés
Ponts, Passerelles et écluses
Monuments
Parcs, squares, groupes d'arbres et divers
TOTAL GENERAL
TOTAL GENERAL PAR REGIME
-
Régime C. Installations d'illuminations touristiques en service du 1er mai au 31
septembre : allumage synchronisé avec l'éclairage public et extinction à 24 heures
pour 34 sites.
-
Régime
D. Installations d'illumination en service toute l'année : allumage
synchronisé avec l'éclairage, extinction à 24 heures, relance à 6 heures et extinction
synchronisée avec l'éclairage pour 5 sites : l'Aubette, la gare, la médiathèque du
Neuhof et l'église Saint-Vincent de Paul.
1.5.2. Consommation en chute
L'activité humaine et urbaine peut-être appréhendée à partir de différentes données
de consommation (Figure 11.32 - Bornes fonctionnelles,
consommation).
Consommation électrique
Les données sur les consommations électriques551 à Strasbourg font apparaître une
plage de moindre consommation entre lhOO et 4h00 le matin pour l'industrie et une plage un
peu plus large -entre lhOO et 6h00 le matin- pour le tertiaire et résidentiel.
551
Consommation horaire en Gwh (Million de Kwh), Courbe de charge de type jour ouvré Hiver
-383-
Consommation d'eau
La consommation moyenne d'eau 552 qui diminue fortement entre minuit et 7 heures
du matin est au plus bas entre 2 et 5 heures.
Consommation de gaz domestique
La consommation horaire de gaz domestique mesurée par la pression (en nm3/h) sur
une semaine d'hiver du lundi au dimanche553 sur trois points de l'agglomération (Route du
Rhin, Schafhardt et Wantzenau) fait apparaître un creux dans la consommation entre 23h00
et 2h00 du matin avec des valeurs inférieures 40 % par rapport à la journée. Le redémarrage
ne s'effectue qu'après 5 heures.
1.5.3. Communication et médias en baisse
Les trafics téléphoniques et l'écoute des médias témoignent d'une activité de veille
pour une partie de la population (Figure H. 3 3 - Bornes fonctionnelles,
552
553
consommation).
CUS, Service de l'eau et de l'assainissement, Consommation moyenne type premier trimestre 93-96 en m3
Gaz de Strasbourg, pression en Nm3/h, total semaine du 26 janvier au 1er février 98
-384-
Partie II - Un espace temps limité
1.5.3.1. Diminution du trafic téléphonique
Aucune donnée précise n'a pu nous être fournies par France Telecom sur les trafics
téléphoniques compte tenu des problèmes de concurrence tant à l'échelle nationale que
locale. On peut cependant lire en creux les périodes de forte consommation à partir des
stratégies de tarifs horaires du groupe. Seuls quelques éléments ont pu nous être transmis
oralement554 qui confirment que la nuit est évidemment la période la plus creuse et que les
heures de plus fort trafic sont situées pendant les heures de bureau. Dans le détail, on
observe une forte baisse après 18 heures et une petite remontée vers 19 heures en fonction
du tarif spécial. Quelques événements réussissent parfois à faire exploser les consommations
nocturnes : le réveillon de la Saint Sylvestre après 0 heure, le Ramadan et par exemple, en
février 1998, les inquiétudes pour Israël.
On note également l'apparition d'un trafic spécifique de nuit lié à Internet et la mise
en place d'un tarif particulier de connexion (-40 %) sur la période 22 heures-4 heures du
matin555. Les Providers qui connectent les particuliers enregistrent en effet une frénésie
crépusculaire sur leurs réseaux. Pour la société Wanadoo, le pic d'appel se situe entre 20h30
et minuit. Après quoi, cependant, les « connectés » se séparent généralement de leur
ordinateur. Il est vrai que les noctambules du Net ont, en plus de la fatigue, un autre ennemi
à combattre : plus l'heure avance et plus le réseau est encombré par les clients américains,
décalage horaire oblige. Contrairement à ce que l'on imagine généralement, le Minitel -un
milliard d'appels par an- et singulièrement les services roses ne sont pas surchargés la nuit
tombée. A cela, une raison très simple : les «obsédés» d'Ulla, Ursula et autre Amanda
n'appellent pas de chez eux où les factures de téléphone pourraient déclencher des drames
conjugaux, mais plutôt de leur lieu de travail, dans la journée.
1.5.3.2. Nuit des ondes et nuit cathodique
Les données précises par tranche horaire sont tout aussi difficiles à obtenir que pour
le téléphone. Seuls des sondages de l'Institut Médiamétrie556 permettent de se faire une idée
du nombre de personnes à l'écoute de leur radio ou devant leur téléviseur. Le détail de
554
Interview responsable France Telecom Strasbourg
Interview, responsable société Wanadoo, 1998
556
Institut Mediamétrie, sondage effectué en janvier-mars 1998
555
-387-
l'information quart d'heure par quart d'heure sur toute la journée est disponible à des coûts
prohibitifs pour notre étude. Pour la radio, les données disponibles sur le premier trimestre
1998, montrent une forte baisse dans l'écoute entre minuit et 5 heures du matin. On compte
environ quatre fois moins d'auditeurs que pendant la tranche 22 heures/minuit. L'écoute
explose ensuite avec 9 fois plus d'auditeurs entre 5 et 6 heures. A la télévision, la période la
plus creuse est la tranche horaire 5-6 heures du matin. Plus globalement, le nombre de
téléspectateurs s'effondre à partir de minuit.
1.5.4. Circulation réduite
Le secteur des déplacements est sans doute celui où l'on dispose du plus grand
nombre de données informées d'un point de vue temporel tant pour les circulations intraurbaines que pour les flux interurbains.
1.5.4.1. Circulation piétons
Puisqu'il fallait une exception à cette règle, ce sera celle constituée pas les mobilités
piétonnes pour lesquelles nous n'avons pas trouvé d'information. En l'absence de données,
des relevés ont été effectués au centre de Strasbourg sur le Pont des corbeaux557, lieux de
passage où le comptage s'avérait plus aisé que dans une artère normale. Les données
recueillies sur 24 heures montrent un effondrement de la circulation piétonne entre lhOO et
7h00 du matin. Plus on avance dans la nuit, plus la population est jeune -mais majeure- et
masculine. Le nombre de femmes empruntant le pont diminue des deux tiers entre 20h00 et
22h00. Au cœur de la nuit, nous n'avons croisé seule qu'une petite poignées de femmes
toujours accompagnées.
1.5.4.2. Circulation cycliste
Les comptages horaires disponibles sur quatre points des pistes cyclables (Avenue
Herrenschmidt, Rue du Doubs, Quai Pasteur, Porte Dauphine) mettent en évidence un creux
entre lhOO et 5h00 du matin et des pics de trafic entre 7h00 et 9h00 le matin et entre 17h00
551
Sources : relevés personnel, octobre 1998
-388-
Partie II - Un espace temps limité
et 19h00 en soirée. Aucun passage de vélo n'a été relevé. Rue du Doubs entre lhOO et 3h00
du matin. (Figure 11.34 - Bornes fonctionnelles, circulation vélo).
Figure H. 34 - Bornes fonctionnelles, circulation vélo
1.5.4.3. Circulation routière
cco
Sur la base de 68 points de comptage
définis de façon cohérente sur des critères de
répartition spatiale et d'importance des voies, nous avons cumulé les circulations horaires de
véhicules dans les deux sens. L'analyse des flux de circulation sur 24 heures est édifiante.
La nuit, la circulation automobile s'effondre après 1 h avec un creux entre 4 heures et 5
heures (Figure 11.35 — Bornes fonctionnelles, circulation routière).
1.5.4.4. Circulation autoroutière
La Direction Départementale de l'équipement, novembre 1997 dispose d'une
douzaine de points de comptage autoroutiers autour de Strasbourg qui nous ont permis
d'obtenir des informations sur les flux de véhicules légers et sur les poids lourds à l'entrée et
à la sortie de l'agglomération. (Figure 11.36 - Mesure du trafic autoroutier)
558
Communauté Urbaine de Strasbourg, Service des Déplacements Urbains, CIRAC février 1996
-389-
Circulation véhicules légers autoroutiers
Sur la rocade autoroutière ouest de Strasbourg (point de mesure n°l), le creux du
trafic autoroutier de véhicules légers se situe entre 1 heure et 4 heures du matin dans le sens
Strasbourg-Colmar avec 273 véhicules par heure en moyenne entre 2 heures et 3 heures du
matin. Même chose dans le sens Colmar-Strasbourg (point de mesure n°2 / Rocade Ouest de
Strasbourg), avec un trafic encore moins important, puisque l'on ne compte que 196
véhicules entre 2 heures et 3 heures du matin. On retrouve les mêmes creux sur les autres
points de comptage du réseau autoroutier (Figure n.38 - Bornes fonctionnelles,
circulation
autoroute).
Circulation poids lourds
Sur la même rocade sud, les trafics poids lourds font apparaître un creux entre minuit
et 3 heures dans les deux sens avec respectivement 46 et 36 poids lourds par heure entre 1
heure et 2 heures du matin (Figure 11.37 - Bornes fonctionnelles, circulation autoroute).
-390-
Partie II - Un espace temps limité
1.5.4.5. Absence de transports en commun
Les transports en commun fonctionnent de 4h30 minutes le matin à 0h30 minutes le
soir. Entre 0h30 minutes et 4h32 minutes : c'est l'arrêt complet. Auparavant, l'analyse du
diagramme de charge du tramway
559
montre un effondrement du trafic après 20h00 et un
véritable redémarrage à partir de 7h00 le matin (Figure 11.38 - Bornes
fonctionnelles,
circulation tramway). L'analyse des fréquences du tramway pour les stations Baggersee,
Homme de fer, Rotonde et maillon met en évidence une forte diminution après 20h00
(Figure 11.39 - Fréquence des tramways).
559
Sources : Compagnie des Transports Strasbourgeois,
1996
-393-
Figure H.39 - Fréquence des tramways
Stations
Baggersee
Rotonde
Hautepierre
Maillon
19h-20h
11
10
9
7
20h-21h
15
17
17
18
Sources : données
CTS,
1998
1.5.4.6. Activité des taxis ralentie
L'analyse des appels taxis sur la semaine du 30 mars au 5 avril 1998 montre un creux
entre lhOO et 5h00 du matin. (Figure 11.40 - Bornes fonctionnelles, appels taxi). C'est entre
2 et 3h00 du matin que l'on compte le moins d'appel. On retrouve le même creux nocturne
pour les courses taxi dans la nuit du samedi 2 au dimanche 3 mai. (Figure 11.40 - Bornes
fonctionnelles,
courses taxi), avec par contre, des pics à l'entrée des spectacles et des
-394-
Partie II - Un espace temps limité
restaurants entre 19h00 et 21h00 et à la sortie entre 22h00 et lhOO du matin correspondant
bien à l'activité du week-end.
1.5.4.7. Parkings déserts
Plusieurs parkings du centre-ville, ouverts 24/24 h comme le parking des Tanneurs,
le parking de la gare ou le parking Sébastopol permettent de mesurer les fréquentations. Le
nombre d'entrées dans ces parkings est très faible entre 1 heure et 5 heures du matin. Le
creux se situe entre 3 heures et 4 heures du matin (Figure 11.41 - Bornes
fréquentation
fonctionnelles,
parking).
1.5.4.8. Diminution du trafic ferroviaire
Faute de données précises de la SNCF sur la fréquentation horaire des trains, nous
disposons, des informations permettant de mesurer la fréquence horaire des trains au départ
de Strasbourg ou à l'arrivée pour une journée complète560. On observe un creux entre 23h00
et 4h00 du matin (Figure H42. - Fréquence des trains). Le créneau horaire le plus faible est
celui entre lhOO et 2h00 du matin où aucun train ne part et un seul arrive à Strasbourg.
560
Horaire SNCF, horaire de semaine 28 septembre 23 mai 1998
-395-
C'est le contraire pour les trains de marchandises qui arrivent à la gare de triage et
qui circulent en priorité la nuit. (Figure 11.43 - Arrivée des trains (trains à débrancher)).
-396-
Partie II - Un espace temps limité
1.5.4.9. Diminution du trafic fluvial
Le nombre de bateaux circulant sur le Rhin -comptabilisés à l'écluse de Gambsheimest dix à vingt fois moins important entre minuit et 5 heures du matin qu'en journée dans un
sens comme dans l'autre. Au port du Rhin, l'activité des porte-conteneurs s'interrompt entre
22h00 et 7h00 du matin.
1.5.4.10. Absence de trafic aéroportuaire
Le trafic de l'aéroport international de Strasbourg-Entzheim est presque interrompu
au départ entre 0 heures et 6 heures excepté pour les vols courrier561. Même chose à l'arrivée
avec quelques atterrissages jusqu'à 2h00 cependant.
A l'opposé, on enregistre des pics de trafic respectivement entre 20h00 et 21h00 et
6h00 et 7h00 du matin (Figure II.44 - Bornes fonctionnelles, aéroport et Figure II.45 Trafic de l'aéroport de Strasbourg).
561
Aéroport international de Strasbourg Entzheim, Novembre 1997
-397-
Heures
P a x arrivée
Pax départ
248
173
5
0
0
0
0
0
0
Oà 1 h
2 à3 h
3 à4 h
4 à5 h
5 à 6 h
6 à7 h
7à 8 h
8 à9 h
9 à 10 h
2127
7722
4123
1 0 a 11 h
5300
2722
11 à 12 h
12 à 13 h
5936
13 à 14 h
2197
14 à 15 h
4800
15 à 16 h
1648
16 à 17 h
6052
2622
17 à 18 h
18 à 19 h
6133
19 à 20 h
4549
20 à 21 h
14674
21 à 22 h
6963
22 à 23 h
6025
23 à O h
1330
TOTAL
85349
Sources : Aéroport international
0
0
4443
12380
3531
4122
3781
5161
2176
3583
3014
4156
4383
6874
8571
6615
3612
6205
425
304
83336
de Strasbourg
N o m b r e de
passagers
248
173
5
0
0
4443
14507
11253
8245
Vols a r r i v é e
Vols d é p a r t
5
19
2
0
1
4
64
152
113
6
0
1
0
1
9081
118
7883
119
8112
110
5780
70
7814
105
5804
89
10435
93
9496
79
14704
140
11164
144
18286
197
114
13168
6450
140
1634
31
168685
1909
Entzheim, Novembre 1997
65
243
101
150
94
128
86
93
78
105
124
130
103
196
104
119
29
9
1965
N o m b r e de
mouvements
11
19
3
0
2
69
307
253
263
212
247
196
163
183
194
217
209
243
340
301
233
169
40
3874
1.5.5. Fréquentation des services ralentie
Certains services automatiques qui fonctionnent en permanence, fournissent
également quelques informations permettant de découvrir les bornes fonctionnelles de la
nuit urbaine.
Diminution des opérations bancaires
L'examen d'informations aussi particulières que le retrait d'agent par tranche horaire
sur un guichet bancaire Place de l'Homme de fer montre une quasi-absence de retrait entre
minuit et une heure du matin en semaine et à peine huit retraits sur la même période le
samedi (Figure II.46 - Bornes fonctionnelles, fréquentation de services).
-398-
Augmentation relative des retraits de cassettes vidéos
Les données obtenues oralement auprès de plusieurs sociétés commercialisant des
automates de cassettes vidéo en libre-service montrent une augmentation de la demande en
soirée avec un effondrement vers 2-3 heures du matin.
Les services en ligne
Banque directe société débarquée sur le 24h/24 fin 1994 - 64 000 clients - constate
des pics d'appels jusqu'à 1 heure du matin. Ensuite c'est beaucoup plus calme. CEGETEL,
l'opérateur de téléphonie mobile de Vivendi qui offre à ses abonnés un numéro d'appel
joignable 24h/24 comptabilise seulement une vingtaine de coups de fil entre 22h30 et 6h00
du matin contre plus de 100 000 en journée.
1.5.6. Nuisances moindres
Une autre manière de mesurer l'activité humaine la nuit consiste à repérer quelques
indicateurs sur la pollution atmosphérique et sonore.
-399-
Diminution de la pollution atmosphérique
Dernier indicateur intéressant pour appréhender les cycles des activités humaines :
C fir)
les émissions de polluants
et tout particulièrement le S02. Pas de surprise : les taux les
plus faibles sont enregistrés entre 1 heure et 4 heures avec 3 mg/m3 ; les taux les plus forts
entre 9 heures et 11 heures. Pour les autres indicateurs (poussières, NO, N02), on mesure un
creux légèrement décalé sur les tranches horaires 3 heures-6 heures du matin.
Diminution du niveau de bruit
Le bruit est un autre indicateur qui permet également d'appréhender les cycles des
activités humaines. En 1990, à la demande de la Communauté urbaine de Strasbourg, le
Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Strasbourg est intervenu dans le projet
Tramway afin d'effectuer une étude acoustique rue des Francs Bourgeois (Figure H.47 Niveaux sonores leq mesurés au 15 rue des Francs Bourgeois).
Figure 11.47 - Niveaux sonores leq mesurés au 15 rue des Francs Bourgeois
Mercredi
Mardi
Jour 8h-20h
71,3
72,8
68,6
Soirée
68,4
20h-24h
Nuit 0h-5h
64,6
Réveil
70,8
5h-8h
Sources : Laboratoire Régional des Ponts et
Jeudi
72,5
69,2
Vendredi
73,0
69,8
Samedi
72,2
70,2
Dimanche
69,2
68,4
Lundi
74,1
68,0
62,7
69,7
63,6
69,4
65,5
67,9
67,3
62,7
63,4
70,9
Chaussées de Strasbourg
En semaine, la tranche horaire la plus calme est celle entre minuit et 5 heures du
matin
. Le dimanche, par contre, en léger décalage, c'est dans la tranche 5 heures-8 heures
que l'on mesure les niveaux sonores les plus faibles.
1.5.7. Services d'urgence et de sécurité en alerte
Les services d'urgences en alerte sont une autre mesure possible de l'activité
humaine. Leur présence pallie l'absence de services normaux de jour.
562
Association pour l'étude et la surveillance de la pollution atmosphérique en Alsace, (S02) en mg/m3 du 21/06/97 au
20/09/97
563
CETE de l'Est, Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées de Strasbourg, Etude acoustique du tramway, Mesure
d499223e l'état rue des Franc bourgeois, Niveaux sonores leq mesurés au 15 rue des Francs Bourgeois, 1990,
-400-
Partie II - Un espace temps limité
Services d'urgence
Leur activité s'inscrit en creux par rapport à celle du jour mais s'effondre quand
même entre 2h00 et 7h00 du matin (Figure 11.49 - Appels 17 nécessitant une intervention).
On retrouve à peu près les mêmes courbes pour la police nationale, la police
municipale et rurale, la gendarmerie, le SAMU et les correspondants de nuit. Là aussi, la
fréquence diminue après une certaine heure.
Urgences médicales
Aux urgences médicales, qui fonctionnent pourtant à un moment où les autres services et
cabinets médicaux sont fermés, on observe un creux dans l'arrivée des patients entre 3h00 et
8h00 (Figure n.48 - Heures d'admission des malades aux urgences)
Figure 11.48 -Appels
17 nécessitant une intervention
Appels
Police
nationale 564
Appels
Police Municipale
et rurale565
Appels
Gendarmerie
nationale566
Appels
Correspondants
de nuit
755
2582
Oh -lh
235
593
1 h -2h
151
1917
421
104
1404
2h -3h
3h-4h
353
76
1223
233
4h -5h
1061
43
5h -6h
208
957
35
6h -7h
239
32
1445
7h-8h
98
258
8h - 9h
285
118
376
152
9h -lOh
lOh-llh
465
198
11 h -12h
523
186
665
128
12h -13h
13h -14h
643
190
718
14h -15h
236
702
15h-16h
258
759
16h- 17h
197
17h -18h
916
175
965
18h-19h
152
19h - 20h
1146
162
8609
20h - 21h
1129
210
7351
1222
21 h - 22h
221
5617
22h - 23h
1076
252
4925
922
23h - 24h
274
3432
Sources : Police Nationale, 1996, Gendarmerie nationale 1997, Police
de Kansas-city 1998, Police de New-York City, 1997
564
152
70
20
4
-401-
Appels
Police NewYork City568
14325
11455
8987
310161
240381
188107
7577
153358
131647
116767
3
1
5826
4551
-
5406
8247
-
-
24
10
65
351
402
374
339
298
Municipale
Police nationale, circonscription de Strsabourg du 1er envier 1996 au 14 novembre 1996
Sources : Police Municipale et rurale de Strasbourg, 1997
566
Sources : Gendarmerie nationale, 1997
567
Sources : Rapport d'activités, Police de Kansas City, 1997
568
Sources : Rapport d'activités, Police de Kansas City, 1997
565
Appels
Police Kansas
City567
10256
1167
12287
12923
13583
13685
13311
16601
18174
18500
18196
17915
17389
17149
16210
16234
1997, Pulsar 1998,
130615
196434
270683
314316
358427
400182
439287
460929
499330
594931
572689
583848
590222
570867
542900
499223
446361
382705
Police
On a pu mesurer cette même baisse dans une ville comme Kansas-city aux EtatsUnis et même à New-York.
D'autres sources d'informations auraient pu être été mobilisées comme gaz de
Strasbourg, Electricité de Strasbourg, les sociétés d'ascenseurs (OTIS, SCHINDLER...) ou
SOS médecins mais nos demandes sont restées lettre morte.
Plage horaire
Oh - l h
l h - 2h
2h - 3h
3h-4h
4h-5h
5h-6h
6h-7h
7h - 8h
8h-9h
9h - lOh
lOh - 1 l h
1lh - 12h
12h - 13h
13h —14h
14h - 15h
15h - 16h
16h - 17h
17h - 18h
18h - 19h
19h - 20 h
20h - 21h
21h — 22h
22h - 23h
23h - 24h
Sources : Hôpital civil, 1997
Malades
99
76
64
43
53
34
45.
48
75
95
190
174
172
162
184
192
196
152
144
172
180
177
135
127
Conclusion
Les différents critères choisis ont permis de borner la nuit urbaine. Espace-temps
limité à la fois temps de l'obscurité, du repos, la nuit qui s'inscrit en contrepoint des
activités urbaines ne représente plus qu'une petite pause de 3 heures environ dans la vie
quotidienne de la ville soit à peine plus d'un sixième (Figure 11.50 - Limites temporelles de
la nuit urbaine et Figure n.50bis - Synthèse).
-402-
-403-
-404-
L. Gwiazdzinski - 2002
Partie II - Un espace temps limité
Chapitre 2 - DES RYTHMES DE LA NUIT
Ainsi bornée, la nuit urbaine s'inscrit en creux avec des marges relativement floues
comme grignotées par les activités diurnes et un cœur où se développent quelques activités
spécifiques. Si la ville connaît des événements, des incidents, des « accidents » uniques qui
demeurent imprévisibles, elle a des rythmes réguliers selon des périodes différentes c'est-àdire l'espace de temps qui s'écoule entre un sommet et le suivant, lorsqu'ils se succèdent
régulièrement.
On peut tenter de les synthétiser en identifiant plusieurs domaines correspondant
chacun à une période différente :
- Domaine circadien pour les rythmes voisins ou égaux à vingt-quatre heures ;
- Domaine circahebdomadaire pour les rythmes voisins ou égaux à une semaine ;
- Domaine circamensuel pour les rythmes voisins de 28 jours ;
- Domaine circannuel pour les rythmes voisins de -ou égaux à- un an.
Connaissant la période (l'échelle des temps où on se situe), on peut localiser les
positions respectives du « pic » et du « creux » du rythme urbain :
- Le premier paramètre est le « pic », position la plus élevée de la variation. Le
« p i c » est synonyme de «sommet», de «zénith» ou « d'acrophase », comme
« l'acropole » est le point le plus haut de la ville. « Phase » parce qu'il s'agit d'un
angle, celui que fait l'aiguille d'une horloge (elle ferait le tour du cadran en vingtquatre heures, pour un rythme circadien par rapport à minuit). Nous pouvons donner
la position du pic du rythme en phase ou en degrés (24h = 360° et lh = 15°). Il en va
de même pour les rythmes circannuels : le tour de cadran est dans ce cas, compté en
mois (12 mois = 360°-presque 365 jours-1 mois = 30°) avec pour référence le
solstice d'hiver (22 décembre - le jour le plus long) ou encore le solstice d'été (21
juin-le jour le plus long) ;
-407-
- Le second paramètre est le « creux », il est synonyme de « nadir » ou de
« bathyphase », le point où l'aiguille de l'horloge de 24 heures (ou celle de l'horloge
d'un an) indique la valeur la plus basse de la variation biologique. En principe, le pic
et le creux d'un rythme circadien sont distants de douze heures ; ils sont distants de
six mois s'il s'agit d'un rythme annuel ;
- Le troisième paramètre du rythme, c'est son « amplitude », la différence entre les
valeurs mesurées au pic et au creux ;
- Le quatrième paramètre est le « niveau moyen du rythme » pour la période
considérée. Il est proche de la moyenne des mesures de vingt quatre heures par
exemple.
Ce sont naturellement les rythmes circadiens [rythmes biologiques dont la périodicité
est d'environ 24h (21h à 27h)] ou rythmes nycthéméraux [rythmes biologiques dont la
périodicité est d'environ 24h (21 h à 27h)] que nous avons le plus exploré.
2.1. RYTHMES CIRCADIENS : LA PULSATION URBAINE
Nos métropoles respirent : elles se dilatent et se contractent comme de véritables
organismes vivants selon un rythme propre.
2.1.1. La ville respire
Dans la même journée, les villes attirent puis expulsent les hommes et les femmes
venus
pour
leur
travail,
leurs
études,
leurs
achats
ou
leurs
loisirs.
Cette
gigantesque « pulsation » aboutit encore à l'engorgement quotidien des entrées et sorties
d'agglomérations comme l'a montré une récente enquête du CERTU569 sur une quarantaine
d'agglomérations de six pays européens. S'il y a de moins en moins d'heures creuses, le
phénomène de pointe subsiste et serait même plus marqué en France que dans d'autres villes
569
Projet Sésame, dans le cadre du 4èmc programme cadre de recherche-développement de la Commission européenne
-408-
Partie II - Un espace temps limité
européennes. La pointe du soir concentre le plus de déplacement dans toutes les villes
(8,2 % des déplacements commencent en moyenne au cours de chacune des heures
comprises entre 16 heures et 19 heures. La pointe du matin est la moins accentuée (6,4 % du
volume global des déplacements pour chacune des heures comprises entre 7 heures et 10
heures).
G. P. CHAPMAN 570 a bien décrit ce phénomène cyclique et ses conséquences
spatiales : « quand la ville fonctionne pendant le jour, les banlieues se trouvent sans vie et
quand les banlieues se remplissent à nouveau, le reste de la ville, à son tour, ne fonctionne
plus ». Suivant un rite immuable, en voiture, en bus ou en train, plusieurs dizaines de
milliers personnes viennent chaque matin travailler à Strasbourg. Elles retrouvent leur
domicile, souvent éloigné d'une vingtaine de kilomètres, en soirée. Face à l'allongement de
ces distances et à l'éclatement de l'espace vécu qui en résulte, on est d'ailleurs en droit de
s'interroger sur la notion de citoyenneté. L'électeur ne vote plus là où il vit, mais de plus en
plus là où il dort : « démocratie du sommeil » pour individus nomades ? ».
Le « pic » de l'activité urbaine « la journée » est sans doute situé entre 14 heures et
15 heures quand le maximum de personnes sont en activité ou de passage dans la ville. Le
« creux » de l'activité urbaine « la nuit » est sans doute situé entre 3 et 4 heures du matin.
L'amplitude varie en fonction des variables utilisées et du statut que l'on donne aux
personnes : « consommateur de la ville » ou « producteur de richesse dans la ville ». Le
passage du jour à la nuit long crépuscule et période de « non jour » se fait lentement. Le
passage de la nuit au jour s'effectue plus rapidement.
Les villes suscitent des modes d'appropriation très divers, qui sont peu étudiés. Très
variables en horaires et durées, ils dépendent également des cultures : méditerranéennes,
nordiques, anglo-saxonnes, africaines, etc. En France, on peut distinguer de façon
schématique quatre moments :
•
Du lever du soleil à 20 heures : c'est la fréquentation quotidienne qui
prédomine : sortie des bureaux ou de l'école, courses, etc. ;
570
CHAPMAN G. P., 1977, Human and Environmental Systems, a Geographer's Appraisal, Academic Press, p. 53.
-409-
•
De 20 heures à 1 heure du matin, dans les grandes villes, les loisirs priment :
sorties culturelles ou amicales, promenades, etc. ;
•
De 1 heure à 5 heures du matin, c'est le temps des noctambules, des « couche-
tard », de ceux qui aiment vivre quand les autres dorment ;
•
De 5 ou 7 heures du matin au lever du soleil, on retrouve la fréquentation
quotidienne : trajets du domicile au bureau ou à l'école, ouverture des premiers
commerces.
2.1.2. Des franges aux limites floues
Il n'est pas facile de distinguer le jour de la nuit dans nos métropoles aseptisées où le
passage du jour à la nuit se fait de façon très progressive des marges de la nuit vers son cœur
(Figure 11.51 - Strasbourg ferme).
2.1.2.1. Crépuscule urbain : la ville ferme
Le soir, la ville, comme frileuse, se replie et se rétracte par étapes (Figure ÏÏ.52 - La
ville ferme).
2.1.2.2. Aube urbaine : la ville ouvre
Petit à petit, la nuit va glisser vers le jour. Vous n'avez pas vu le soleil se lever, vous
n'avez pas entendu le coq chanter mais petit à petit, devant vos yeux, la ville a repris son
rythme de croisière diurne (Figure n.53 - La ville ouvre).
Après 9h00, Strasbourg est totalement éveillée, sauf le dimanche où d'autres ryhtmes
s'imposent.
Pourtant, ce passage se fait par quelques seuils. L'entrée et la sortie de la nuit urbaine
ont leurs portes symboliques ou pratiques.
-410-
Partie II - Un espace temps limité
1 6 h 0 0 - 17h00
17h00 - 18h00
18h00 - 19h00
19h00 - 20h00
20h00 - 21h00
21h00 - 22h00
22h00-23h00
23h00 - 24h00
24h00 - lhOO
OlhOO - 02h00
02h00 - 03h00
- Les administrations ferment tôt entre 16 h et 17h00.
- Le soleil se couche à 16h21 au solstice d'hiver.
- A partir de 17h00, les bureaux ferment et une partie de la population rejoint son domicile.
- Maternelles et écoles alimentaires ferment à 17h00.
- A 18h00, la majorité des collèges et des lycées sont fermés.
- Pour les taxis, le tarif nuit débute à 19h00.
- A 19h00, les toilettes publiques ferment.
- A 19h00, presque toutes les crèches ferment.
- Entre 19h00 et 20h00, les commerces baissent leurs rideaux.
- Entre 20h00 et 21h00 les Grandes écoles et Universités ferment.
- Entre 20h00 et 21h00 démarrent 95 % des spectacle et séances de cinéma démarrent et
ceux qui ont choisi de dîner en ville se mettent à table.
- A la télévisions c'est la « grand-messe » du 20h00.
- A 21h00, les équipes de nuit prennent poste dans la moitié des entreprises comme aux
fondoirs GACHOT, aux Grands Moulins de Strasbourg ou chez A U S S E D A T REY.
- Entre 21h00 et 22h00, on ferme les portes des immeubles à clés respectant sans toujours
le savoir la tradition du couvre-feu.
- Le soleil se couche à 21h32 au solstice d'été.
- A 22h00, Les lumières s'éteignent dans les hôpitaux et les internats.
- Surveillez le déclic de votre compteur électrique : à 22h00, le plus souvent, vous passez
en tarif nuit ; Si vous souhaitez en avoir le cœur net, sortez boire une mousse dans un bar :
après 22h00, le prix des consommations est souvent majoré.
- A 22h00, une autre moitié des équipes de nuit démarre son activité comme aux Dernières
Nouvelles d'Alsace ou DELPHI.
- C'est la fin du film à la télévision.
- A 23h30, 18 % des luminaires s'éteignent mais qui s'en aperçoit ?
- A minuit, 71 des 263 feux tricolores de Strasbourg clignotent en orange.
- A 0h30, les bus et le tram restent au même prix mais les fréquences s'effondrent avant
l'arrêt définitif vers 0h30.
- Si vous souhaitez danser, allez-y avant Oh, l'entrée des discothèques est souvent moins
chère.
- C'est vers cette heure là que les salles de cinéma se vident.
- A lh30, les établissements qui n'ont pas l'autorisation d'ouverture tardive ferment leurs
portes et rejettent une partie de leur clientèle sur les trottoirs de la ville.
- A 2h00 on s'amusera plutôt de l'extinction des feux à la cathédrale. A partir de cette
heure on se trouve au cœur de la nuit urbaine, en termes d'obscurité relative, de
température, de sommeil des habitants, de calme, de creux dans la plupart des activités
exceptées celles de nuit.
Sources : Relevés personnels 1998
-413-
Figure 11.53 - La ville ouvre
4h00 - 5h00
5h00 -
6h00 7h00 8h00 9h00 Sources
- A 4h00, les derniers bars de nuit ferment. Certains rouvriront une heure plus tard ;
- Entre 4h00 et 5h00, les 80 livreurs de journaux entrent en action ;
- Dès 4h30, les noctambules « qui vomissent leur nuit » croisent les premières
sentinelles du jour...
- Les premiers cafés ouvrent leurs portes.
- A 4h32, un tramway démarre à la Rotonde.
-Les premières boulangeries ouvrent, alors que d'autres n'ont pas fermé.
6h00
- A 5h00, la moitié des équipes de nuit termine leur activité dans les usines.
- Le soleil se lève à 5h23 au solstice d'été.
- Dès 5h30, les éboueurs sont à l'œuvre.
- La circulation s'intensifie, les passants envahissent les rues, les abri-bus se
remplissent.
- Les feux clignotant redeviennent tricolores.
A 6h00, l'autre moitié des équipes de termine son activité.
7h00
8h00
- A partir de 7h00, les migrateurs alternants se pressent aux portes de la ville en
bus, en train ou en voiture.
9h00
- Les administrations ouvrent leur porte.
- Le soleil se lève à 8h43 au solstice d'hiver.
- A partir de 9h00 les commerces ouvrent.
lOhOO
: Relevés personnels, 1998
2.1.3. Des seuils
Dans ce passage du jour à la nuit existent des seuils symboliques ou légaux qui
contribuent à marquer le temps.
2.1.3.1. La cloche de 22 heures
Si le couvre-feu n'a plus cours, les cloches de la cathédrale sonnent toujours à 22
heures. Depuis des siècles, chaque soir, le « cloche de 10 heures » de la cathédrale fait vibrer
l'air de la ville et les sens de ses habitants. Rassurante pour les uns, lugubre pour les autres,
cette cloche de la nuit -qui selon la rameur, a été créée au Moyen Age pour inviter les juifs
et les étrangers à quitter la ville- révèle les ombres d'une histoire dérangeante à l'aube du
XXIe siècle571. Ce seuil des 22 heures demeure un seuil important. La notion de tapage
nocturne à partir de 22 heures reste dans tous les esprits. Dans beaucoup d'institutions, les
lumières sont éteintes à 22 heures. Dans de nombreux immeubles des panonceaux
demandent aux locataires de fermer les portes à clés indiquent le plus souvent 22 heures
571
BERNHEIM N. L., 2002, La cloche de 10 heures, radiographie d'une rumeur, La Nuée bleue, 159 p.
-414-
Partie II - Un espace temps limité
2.1.3.2. La permission de minuit
Autre seuil à franchir pour entrer dans la nuit, le seuil de minuit, celui où cendrillon
quitte le bal, presque celui du dernier métro ou du dernier bus qui oblige beaucoup de gens à
écourter leur soirée. Chez les adolescents existe encore la fameuse « permission de minuit »
qu'un jour ou l'autre on finit toujours par transgresser.
2.1.3.3. Autres seuils
Autres seuils imposés par la législation et qui précipitent les clients de nombreux
établissements sur le trottoir : les fermetures obligatoires d'établissements àlh30 et 4h00.
2.1.4. Un creux avec ses rythmes propres
Dans les rythmes de la ville que nous avons pu identifier, la nuit apparaît en
«creux» par rapport au reste de la journée où les activités sont plus nombreuses. A
l'intérieur de la nuit festive, le pic n'est pas à minuit mais vers trois heures trente.
Entre 1 heure 30 minutes et 4 heures 30 minutes, au cœur de la nuit, une nouvelle
géographie se met en place : univers de représentations soumis aux manipulations. A 1 heure
30, après la fermeture de la majorité des restaurants et bars, on peut considérer que l'on est
entré au cœur de la nuit. C'est la nuit, la grande, la belle572 ! Elle durera jusqu'à 5 heures
pour paraphraser la célèbre chanson de Jacques DUTRONC «Il est 5 heures, Paris
s'éveille ; les strip-teaseuses sont rhabillées ; les cafés nettoient leurs glaces ; les
CTO
banlieusards sont dans les gares ; les boulangers font des bâtards...
». On retrouve
l'inventaire du « peuple de la nuit », de ces métiers qui parce qu'ils relèvent de la sécurité,
des services ou de la fête, s'exercent quand le reste de la ville dort. C'est la nuit des bars et
des boîtes de nuit, celle des noctambules, celle des insomniaques, celle des sans domicile
fixe qui luttent pour dormir il y a bien longtemps que les églises et les gares ne sont plus des
lieux d'accueil. Celle des chauffeurs de taxis - « les nuiteux »-, ou des amoureux de la
dernière séance qui sortent des cinémas vers 3h00. C'est aussi la nuit du 3x8 en usine, des
572
JONASZ M., 1981, C'est la nuit, 3'36, WEA Music
-415-
travaux de voirie ou de nettoyage... Celle du veilleur de la cathédrale qui garde la vieille
dame et des centaines d'autres qui patrouillent dans le noir. Au cœur de la nuit, toute la ville
n'est donc pas en sommeil. Quelques indicateurs nous permettent d'approcher les rythmes
de la nuit festive.
2.1.4.1. Fréquentation des discothèques
Au Colysée, discothèque située près de Brumath, à la périphérie de Strasbourg ouvert
de 21h00 à 4h00 du matin, 80 % des gens arrivent avant minuit574. Le client consomme en
moyenne pour 45 francs de boisson entre llh30 et 3h00. Le maximum de personnes sont
présentes à lhOO du matin. C'est à ce moment-là que l'ambiance est la plus chaude. Les
premiers repartent vers 1 h 30. Au Chalet, discothèque située à La Wantzenau, on retrouve à
peu près les mêmes rythmes : la majorité des clients (64 %) arrive entre 22h00 et 23h00 et
85 % sont arrivés à minuit.
2.1.4.2. Fréquentation des bars
D'après le responsable du bar Le Griot au centre-ville, on peut repérer différents
rythmes de fréquentation en séparant bien semaine et week-end. Le week-end, la soirée
débute vraiment à 23 hOO avec un pic vers lh30. Le nombre de clients baisse fortement à
3h30 même si on assiste parfois à un retour de quelques noctambules vers 4h00. En semaine,
le début de soirée est plus précoce vers 21h00 et la soirée s'arrête à lh30 minutes, 2h00
maximum.
Le Directeur du bar de la Java au centre de Strasbourg nous a fourni des données
relativement proches sur les rythmes de la nuit strasbourgeoise. Si l'établissement -qui peut
contenir jusqu'à 150 personnes- ouvre ses portes vers 21h30 minutes, les premiers clients
n'arrivent que vers 22h00 - 22h30. La fermeture a lieu à 3h45 : il faut que plus aucun client
ne soit présent dans la salle à 4 heures (règlement municipal et préfectoral). Dans une soirée
normale du vendredi et du samedi, il passe environ 200 à 300 personnes. Le bar est plein
vers minuit et demi et reste plein jusqu'à 3h30 minutes. Le roulement le plus fort s'effectue
entre lhOO et 2h30 : environ 1/4 de la salle se renouvelle toutes les heures. Ces éléments
573
574
LANZMANN J. / SEGALEN / DUTRONC J„ 1968, Il est cinq heures, Paris s'éveille, 2'22.
D'après le directeur de l'établissement,1999
-416-
Partie II - Un espace temps limité
varient beaucoup selon les saisons. Certains soirs, il peut y avoir un passage de 400 à 500
personnes, même si beaucoup ne restent pas faute de place ou restent peu. Pour les
consommations, c'est différent. Les gens consomment plus en début de soirée avec un pic
entre minuit et 2 h du matin. Ensuite ça diminue fortement même quand ils changent de bar.
2.2. RYTHMES CIRCAHEBDOMADAIRES : LE RITE
On constate une alternance semaine-Week-End dans l'animation de la vie nocturne
qui peut être analysée à partir de quelques activités.
2.2.1. Etablissements de nuit
L'exemple du Colysée, discothèque située à la périphérie de Strasbourg, permet de
mettre en évidence des rythmes hebdomadaires (Figure 11.54 - Nombre d'entrées
par
semaine (semaine du 11 au 15 mars 1998)).
Figure 11.54 - Nombre d'entrées par semaine (semaine du 11 au 15 mars 1998)
Mercredi
Jours
Entrées
560
Sources : Le Colysée, Bru.ma.th
Jeudi
498
Vendredi
1428
Samedi
2335
Dimanche
732
Le samedi est la journée la plus fréquentée suivie du vendredi, du dimanche et du
mercredi. Au Griot, bar de jazz près de la place Broglie, les jours de la semaine les plus
animés restent le vendredi et le samedi. Afin d'étaler la clientèle sur la semaine, de
nombreux établissements multiplient les nuits à thèmes.
2.2.2. Transports
En termes d'activités, les appels taxis sur la période de soirée et de nuit c'est-à-dire
entre 18h00 et 7h00 du matin montrent un rythme hebdomadaire avec un creux dans les
nuits de dimanche et le lundi. Progressivement, le nombre d'appels devient plus important à
-417-
partir du mercredi avec un pic le jeudi à 661 appels une diminution le vendredi et un sursaut
le samedi avec 548 appels (Figure H55 - Nombre d'appels taxi 30 mars au 5 avril 1998)).
Figure 11.55 - Nombre d'appels taxi 30 mars au 5 avril 1998)
Lundi
Mardi
Mercredi
Jeudi
Vendredi
Samedi
Dimanche
Total
18 h - 19 h
62
61
41
80
69
46
38
397
19 h - 2 0 h
65
71
97
58
50
69
36
446
20 h - 21 h
39
70
79
51
48
70
29
386
49
69
38
48
43
54
25
326
56
67
71
68
48
46
22
378
23 h - 24 h
29
58
96
69
34
14
21
321
Oh- 1 h
25
33
40
42
34
43
69
286
1 h-2 h
13
21
26
29
33
25
42
189
2h-3 h
14
11
20
11
20
30
31
137
3 h-4h
17
9
17
27
18
35
29
152
4h-5 h
16
18
19
25
21
30
31
160
5h-6h
51
39
40
59
68
56
25 ...
338
6 h-7h
47
37
36
94
31
30
25
300
21 h - 2 2 h
22 h - 23 h
Sous-total
Total
•
483
564
620
661
517
548
423
3816
1358
1854
2108
2083
1800
1263
854
11320
Sources : Taxi 13, 1998
2.2.3. Spectacles
Plus de 70 % des spectacles recensés sur Strasbourg ont lieu le week-end et
principalement le samedi. C'est le week-end également que les cinémas ajoutent des séances
supplémentaires.
2.3. RYTHMES SAISONNIERS
La nuit est soumise à des rythmes saisonniers... Selon un rythme circannuel, l'année
débute avec les « nuits bleues » de la Saint-Sylvestre, se poursuit avec le sommet de la
période estivale et se termine avec les illuminations de Noël. Quelques nuits particulières
marquent notre imaginaire et balise nos calendriers.
-418-
Partie II - Un espace temps limité
2.3.1. La nuit du Nouvel An
Dans de nombreux quartiers de Strasbourg, la tradition des pétards est respectée à
OhOO. Traditionnellement, la foule se réunit place Kléber. Depuis une dizaine d'années
maintenant une autre tradition s'est installée : celle des « voitures brûlées » qui chaque Saint
Sylvestre illuminent les quartiers de la capitale européenne.
2.3.2. La Fête de la musique
Depuis 1982, le 21 juin, jour du solstice d'été, fait descendre tous les musiciens et
chanteurs dans la rue pour ce qui constitue une des grandes manifestations culturelles
françaises. A Strasbourg et dans l'agglomération, le programme de la fête de la musique 98
s'est décliné en une quarantaine de places et lieux. « Le crû 1998 de la fête de la musique a
été on ne peut plus chaud. Une foule compacte s'est pressée dans les rues de Strasbourg en
quête d'air frais 575 ».
2.3.3. Spectacles et animations estivales
Avec le retour des beaux jours et l'allongement des journées, les spectacles se
multiplient, les terrasses envahissent le centre-ville et la population redécouvre la ville,
redécouvre la nuit. L'été, plus de 350 terrasses agrémentent l'espace public envahissant les
rues et les places ; et multipliant d'autant l'offre urbaine de soirée et de début de nuit
(Figure n.56 - Terrasses). Elles font concurrence un instant aux bars qui voient arriver la
clientèle un peu plus tard. C'est la période des fameuses « nuits de Strass », son et lumières,
organisée avec les commerçants pour tenter de retenir en ville les touristes venus dîner ou se
promener.
Si la saison estivale attire en ville les citadins flâneurs et les touristes, elle ne
constitue pas le moment phare des nuits strasbourgeoises qui ne peuvent plus compter sur
les 50 000 étudiants présents pendant le reste de l'années et qui contribuent largement à
575
Strasbourg : la valse des notes, Dernières Nouvelles d'Alsace, 22 juin 1998
-419-
l'animation nocturne avec des moments phares souvent après les périodes d'examen et des
moments plus creux pendant les révisions.
2.3.4. Le 14 juillet
Chaque année, le 14 juillet est l'occasion d'une soirée et d'une nuit particulière où le
peuple de France se retrouve et fête la République dans un cérémonial immuable qui
l'entraîne du feu d'artifice au bal populaire en passant par la retraite aux flambeaux.
Strasbourg ne déroge pas à la règle et bat à l'unisson.
2.3.5. La fête de Noël
A Strasbourg, la période de Noël est un moment important de la ville qui se pare de
lumières, le marché de Noël prend possession du centre-ville mais le temps n'incite pas
toujours à la promenade nocturne.
La grande nuit de Noël qui dans notre pays concerne aussi bien les croyants que les
non-croyants, les adultes que les enfants est une nuit importante mais intime, familiale qui se
déroule à l'intérieur des maisons. A minuit, la messe de Noël attire les croyants les plus
courageux vers les églises.
2.3.6. D'autres nuits
D'autres nuits se sont imposées dans le calendrier annuel nocturne. Pour la nuit de la
Saint-Jean en juin partout en Alsace et autour de Strasbourg, les bûchers s'enflamment.
Dans toute la France, la nuit des étoiles en août mobilise des milliers d'astronomes amateurs
qui se donnent rendez-vous sur les sites les plus propices comme dans le Bas-Rhin sur la
colline du Bastberg ou sur la colline de Mundolsheim pour des nuits d'observation avec
expositions et projections de films. Les moins courageux ont pris l'habitude de veiller
-420-
Partie II - Un espace temps limité
devant leur poste pour une nuit spéciale où officient toujours les mêmes prêtres comme H.
REEVES. D'autres nuits s'imposent peu à peu dans notre calendrier comme celles qui
clôturent le Ramadan en décembre. En juin, la Foire Saint-Jean et ses manèges reste un
élément fort du calendrier de soirée pour une foule fidèle d'enfants, d'adolescents et de
parents en journée mais aussi en nocturne.
2.4. DES RYTHMES PLUS LONGS
Parfois, sans que l'on puisse pour autant parler d'accident surviennent des nuits
particulières comme celles de passage au siècle nouveau liée au calendrier chrétien, « la nuit
en plein jour de l'éclipsé ».
2.4.1. La nuit du nouveau millénaire
Le passage à la nouvelle année a été particulièrement fêté en 1999 où il correspondait
au changement de millénaire. Partout dans le monde, « la nuit du millénaire » a été fêtée et
suivie heure par heure dans un gigantesque show mondial en temps réel. Six milliards
d'hommes dont la majorité vit à l'heure des Rois mages a embrassé le nouveau millénaire. A
Paris, cinq millions de personnes se sont retrouvées dans les rues pour fêter l'An 2000. A
Strasbourg, la ville avait prévu une série de festivité avec embrasement de la cathédrale,
cinq feux d'artifice et animations Place Kléber où 10 000 personnes se sont rassemblées
pour « les feux du bonheur576 ». La semaine précédent l'événement, le public avait été invité
chaque soir à un spectacle son et lumière géant sur la façade du nouveau bâtiment du
Parlement européen avec projection d'images des événements marquants de l'histoire
mondiale et régionale.
Pendant 24 heures, le monde entier a vécu dans la fête le passage à l'an 2000.
l'événement avait été précédé de la grande peur du «bogue» informatique. La nuit de
l'Euro n'a pas vraiment eu le même succès.
576
Les feux du bonheur, L'Alsace, 2 janvier 2000
-423-
2.4.2. La nuit en plein jour
Evénement exceptionnel, la nuit s'installe parfois en plein jour lors d'un gros orage
ou plus exceptionnellement et plus intensément lors d'une éclipse totale comme ce fut le cas
le 11 août 1999 en Alsace. Il n'y avait pas eu d'éclipsé totale depuis 1961 et la prochaine est
prévue en 2081. Autant dire que la foule était présente dans les rues pour la nuit la plus
courte. Des milliers de personnes se sont réunis place Kleber où une immense clameur577 a
salué la disparition du soleil reprenant une vieille tradition. Depuis la plus haute Antiquité,
les hommes ont cherché à combattre le « soleil noir » en faisant beaucoup de bruit. A
chaque fois le soleil réapparaissait au bout de quelques minutes. Même chose à Strasbourg
où le phénomène astronomique a été visible de 1 lhOO à 14h00 culminant vers 12h30 avec la
disparition totale de la lumière solaire. Des mesures exceptionnelles ont été prises pour cette
nuit en plein jour. A Strasbourg, l'éclairage public a été allumé sur l'ensemble du réseau de
llhOO à 14 hOO. Les sections du réseau autoroutier équipées ont été éclairées pendant toute
la période d'observation. Même le ramassage de poubelles a été perturbé. La benne est
passée avec une heure d'avance ce mercredi-là afin de respecter l'interdiction de circulation
des véhicules de plus de 7 tonnes signifiée dans un arrêté ministériel. Si le trafic aérien a été
maintenu, tous les vols privés « sans qualification vol de nuit » ont été interdits de 12h00 à
13h00 au nord d'une ligne Mont Saint-Michel-Bâle, Mulhouse. A la SNCF, les trains ont
circulé avec leurs feux avant et arrières allumés et les quais ont été éclairés. « Le jour où il
va faire nuit » pour Aujourd'hui en France, « Jour de nuit » pour les Dernières Nouvelles
d'Alsace, ou « Nuit de midi pour fin de siècle » pour le journal Le Monde.
D'autres
événements
savent également nous tenir éveillés qu'il
s'agissent
d'événements sportifs comme les jeux olympiques en décalage horaire, le tennis aux
Internationaux d'Australie ou des Etats-Unis ou des événements plus graves comme les
guerres du golfe et du Kosovo et leurs fameux bombardements de nuit.
577
Soudain, une clameur, Dernières Nouvelles d'Alsace, 12 août 1999, p. 7
-424-
Partie II - Un espace temps limité
2.5. DES ACCIDENTS
Echappant à tout rythme et à tout rite, la vie nous réserve des surprises et invente
parfois des nuits différentes, des accidents dans les rythmes habituels de la ville. Horribles
ou festives, elles changent nos villes. La nuit urbaine a cependant quelques sommets qui
bouleversent les habitudes et font fi de cette géographie étriquée. On ajoutera -côté
animation sonore- les grandes victoires du Racing ou de l'équipe nationale de football et
certaines élections...
2.5.1. Les soirs de Victoire des équipes de football
Il y a quelques années déjà que la ville ne vibrait plus à l'unisson des victoires du
Racing Club de Strasbourg. Dernièrement, cependant, c'est l'équipe de France qui a pris le
relais. A l'occasion de la victoire de la France en demi-finale de la Coupe du Monde de
football 1998, le centre-ville de Strasbourg a été envahi par la foule. De 23 heures à 3h du
matin, la foule a fêté ses héros. « Strasbourg a vibré à l'unisson avec les Champs-Élysées,
hier sur les coups de 23h00. Depuis la remontée du Racing en Dl, on n'avait jamais vu cela.
Les premiers coups de klaxon ont retenti presque simultanément avec le coup de sifflet final.
Peu après, le quai des bateliers était déjà bloqué (...) La place Gutenberg vivait son habituel
flot de voitures encadré de deux haies humaines en délire. Place Kléber, la statue du Général
était assaillie par les plus vaillants tandis qu'une farandole s'organisait à ses pieds
(...) 578 ».Dans le même temps, 300 000 personnes ont déferlé sur les Champs-Élysées et des
milliers de personnes ont envahi les rues des grandes villes de l'hexagone. « Tous ces défilés
improvisés se sont ensuite terminés à l'endroit même où ils avaient commencé, dans les bars
et les cafés, pour fêter la victoire jusqu'au bout de la nuit...579 ».
2.5.2. Les soirs d'élections
Certains soirs d'élection, la ville ou tout au moins une partie de la ville s'enflamme à
l'issue des résultats. Ce fut le, cas en 1981, puis lors de l'élection de C. TRAUTMANN puis
à nouveau lors des présidentielles de 1994. Chaque fois le même rite pour les victoires
578
579
Strasbourg à l'unisson, Dernières Nouvelles d'Alsace, 9 juillet 1998
« Jusqu'au bout de la nuit », Dernières Nouvelles d'Alsace, 10 juillet 1998
-425-
sportives comme pour les élections : les cortèges de voitures qui klaxonnent et leurs
occupants qui s'époumonent aux fenêtres ouvertes parfois un drapeau à la main. Les
trompettes sont également de la partie. Depuis que le centre-ville est fermé aux voitures,
elles s'agglutinent le long des quais et la foule finit à pied en direction de la place Kléber où
la statue du même nom est déjà prise d'assaut. On chante, on danse, on crie, profitant de
l'instant pour dépasser les bornes
Conclusion
La ville fonctionne selon un rythme circadien ou la nuit apparaît en creux par rapport
au jour entre lh30 et 4h30 du matin.
Espace-temps éphémère et cyclique, la nuit festive connaît ses propres rythmes
internes avec un pic vers 2h00 du matin au moment du creux nocturne su système urbain.
Les bornes de la nuit urbaine, l'intensité de l'activité, de l'animation varient en
fonction des rythmes circahebdomadaires, circasaisonniers ou plus long. Des accidents
viennent parfois perturber la belle ordonnance du calendrier nocturne et sont l'occasion pour
la ville de battre à l'unisson, de « faire ville » autour d'une victoire ou d'une célébration ».
-426-
Partie II - Un espace temps limité
Chapitre 3 - DES PRESSIONS QUI S'ACCENTUENT
A Strasbourg, les pressions s'accroissent sur un espace-temps nocturne longtemps
oublié et livré aux fantasmes. Peu à peu, les pressions du jour s'accentuent et la métropole
alsacienne part à la conquête de ses nuits.
3.1. UN OUBLI EFFECTIF
La nuit strasbourgeoise semble encore ignorée des élus, des techniciens, comme s'il
n'y avait pas de vie après le jour.
3.1.1. Un enjeu électoral mineur
La nuit n'est pas un enjeu électoral majeur. Les programmes des candidats aux
dernières élections municipales y faisaient encore peu référence sauf sur les problèmes de
bruit et de sécurité. Sur certains tracts, on a pu lire : «J'exige la fermeture à lh30 au plus
tard des lieux qui sont à l'origine des nuisances sonores les plus importantes notamment à la
Krutenau et au centre-ville. Je demande aussi un contrôle renforcé des échappements des
mobylettes et motos, source permanente de nuisances sonores »580. Dans d'autres
programmes, on a noté la proposition de « création de postes de police ouverts 24h sur
24h »581 dans tous les quartiers. Quelques années plus tard, un candidat aux cantonales à la
Meinau se déclarait « contre l'ouverture 24 heures sur 24 d'un commissariat, mais pour des
policiers dans la rue, notamment la nuit »582.
Aux élections municipales de mars 2001, la seule nuit dont on ait parlé pour réclamer
plus de sécurité est celle de la Saint Sylvestre et de son lot de voitures incendiées. Les listes
580
Liste « Strasbourg d'abord »
Liste « Majorité présidentielle »
582
« Alain Kauf (PS) : une opportunité à saisir », Dernières Nouvelles d'Alsace, 1er mars 1998
581
-427-
citoyennes indépendantes583 qui proposaient notamment de « peupler la nuit urbaine » n'ont
pas eu les moyens de développer et de médiatiser leur projet pour en faire un enjeu majeur.
Ils avaient notamment proposé d'« Organiser en été un grand événement populaire
qui transfigure la ville et rassemble pendant trois jours et trois nuits tous les quartiers autour
des thèmes de l'Eau et de la Nuit. Pourquoi ne pas imaginer, que tous nos musées,
bibliothèques, cinémas, théâtres, centres socioculturels, commerces ou opéra puissent rester
ouverts en continu 24h/24, 3 jours et 3 nuits » ? (Figure 11.57- Projet de fête de la nuit à
Strasbourg) Redonner son sens à Noël et transformer l'hyper-marché de Noël en une
véritable fête de la fraternité où la rue serait livrée aux artistes et les illuminations
traditionnelles remplacées par des oeuvres d'art éclairées et éphémères. »
3.1.2. La nuit, oubliée du développement strasbourgeois
A Strasbourg comme dans la plupart des villes françaises, la nuit est absente des
réflexions de prospective et d'aménagement du territoire. On trouve très peu d'évocations de
la nuit dans le Contrat de ville de la Communauté Urbaine de Strasbourg 1994-1998584, le
Plan d'Occupation des Sols ou encore le Projet d'agglomération585.
583
584
585
Programme de la liste AIR pour les élections municipales, mars 2001
Contrat de ville de la Communauté Urbaine de Strasbourg 1994-1998, 1993, 39 p.
Projet d'agglomération, 1990, Communauté Urbaine de Strasbourg, p. 79
-428-
Partie II - Un espace temps limité
La dimension nocturne reste limitée à l'aspect nuisance à l'exemple du Projet
d'agglomération : «le développement de la vie nocturne est générateur de gêne pour les
habitants » ou dans la Charte de l'environnement de la Communauté Urbaine de
Strasbourg586 où l'on évoque la « Campagne de contrôle des horaires de rangement des
terrasses par la police municipale et rurale », les « travaux d'insonorisation dans les bars de
nuit, les discothèques » et « la limitation de la circulation nocturne des poids lourds en
ville ». La circulation des poids lourds de plus de 6 tonnes est interdite de 22 heures à 6
heures dans les agglomérations de Strasbourg et de Schiltigheim ». D'autres mesures visant
à contenir les nuisances sonores en soirée sont évoquées : « Campagne de contrôle des
horaires de rangement des terrasses par la Police Municipale et rurale ; travaux
d'insonorisation dans les bars de nuit, les discothèques ; acquisition de véhicules de salubrité
moins bruyants ; vente et tir de pétards ». L'aspect lumière est abordé dans le chapitre
« Redécouverte de l'espace public » de cette même « Charte de l'environnement de la ville
et de la communauté urbaine » à travers la question de l'amélioration de l'éclairage public et
l'évocation de la «Charte de l'éclairage public» 587 . La nuit est même absente du «Plan
Local de sécurité ». Il a fallu attendre 1997, pour que cette préoccupation apparaisse dans
l'Evaluation du Contrat de Plan588 et dans les nouveaux Contrats locaux de sécurité.
3.1.3. Une faible valorisation touristique
Strasbourg utilise encore assez peu la nuit urbaine comme un atout de promotion
touristique ou économique. Il n'existe pas de document spécifique sur les nuits
strasbourgeoises. A l'office du tourisme, on ne peut vous fournir qu'une liste photocopiée
des lieux de nuit. (Figure 11.58 - Bars de nuit à Strasbourg)
Exception notoire, une brochure touristique consacre une demi-page à « Strasbourg
aux noctambules »589 et promet: «Strasbourg saura vous retenir jusqu'à l'aube». Seule
solution pour se repérer dans le labyrinthe des nuits strasbourgeoises : les rubriques « nuit »
586
Charte de l'environnement de la Communauté Urbaine de Strasbourg, 1993, 76 p.
L'III lumière, 1994, Charte de l'éclairage urbain, 68 p.
588
Evaluation du Contrat de Plan, Note méthodologique, Communauté Urbaine de Strasbourg, décembre 1997.
58 J
' Strasbourg, 1993, Office de Tourisme de Strasbourg et sa région, 76 p.
587
-429-
des guides spécialisés590.payants comme le Petit futé ou gratuits comme le Strassbuch et
certaines rubriques du magazine des Dernières Nouvelles d'Alsace comme Reflet ou du
magazine Polystyrène.
Depuis peu, un guide des noctambules et un site Internet
d'information sur la vie culturelle591 complètent la panoplie.
3.2. STRASBOURG A LA CONQUETE DE SES NUITS
La vie semble pouvoir investir progressivement tous les espaces de la nuit. Les
pressions économiques et sociales en ce sens, se font de plus en plus fortes. Dans le contexte
de concurrence accrue entre métropoles européennes, la localisation des hommes et des
entreprises se fera de plus en plus en fonction de critères de qualité de vie et d'image et
l'animation nocturne deviendra un atout non négligeable.
Strasbourg n'échappe pas à cette évolution. N'en déplaise aux noctambules purs et
durs -à peine plus d'une centaine592-, amoureux de la nuit, adeptes de la dérive
baudelairienne et jaloux de leur maîtresse, la conquête de la nuit a commencé. Il reste à la
penser et à l'organiser.
3.2.1. Intérêt croissant des médias
Le recensement complet593 sur la période 1997-1998 de tous les articles de la presse
régionale -Dernières Nouvelles d'Alsace- sur la période 1997-1998 montre une forte
augmentation de l'intérêt pour le thème et met en évidence les conflits qui la traverse
(Figure 11.59 - La nuit dans la presse régionale).
L'intérêt de la presse régionale pour la nuit s'est encore accentué en 2000 où une
série spéciale d'articles «Une nuit avec » sur les travailleurs de nuit a été publiée : «Les
590
Le Strassbuch, 1995, Guide pratique de Strasbourg, 205 p. / Le Petit futé, 1996, City Guide, Nouvelles Editions de
l'Université, 386 p.
591
strg-cult@club-internet.fr
592
Dixit Stephane, La Java
-430-
Partie II - Un espace temps limité
diables se régalent au marché-gare »594 ; « Un homme et un chien595 » ; « Les rotatives des
DNA, dans l'encre et le papier » ; « Croissants de lune596 » ; « 34 heures et quelques autres
mobiles597 » ; ou « En tournée avec la brigade des moeurs 598» ; « Un monde à part599 » sur
les stations essence ; « les brigades du tri600 » sur la poste.
Figure 11.59 - La nuit dans la presse régionale
Nombre d'articles
Année
39
1990
31
1991
31
1992
29
1993
40
1994
50
1995
131
1996
163
1997
173
1998
Sources : Articles Dernières Nouvelles d'Alsace
(1990-1997)
L'intérêt nouveau pour la nuit urbaine ne se limite évidemment pas au colonnes de la
presse quotidienne régionale mais a également envahi les écrans de télévision et les ondes
radio. L'intérêt pour la nuit urbaine se retrouve parfois là où on ne l'attend pas.
Les thèmes privilégiés dans ces différents articles donnent une image contrastée des
nuits
strasbourgeoises,
binaire
mais
déséquilibrée
avec
avantage
à
l'insécurité
(Figure 11.60 - Images médiatiques de la nuit strasbourgeoise) :
Dans un premier pôle, les conflits liés aux nuisances sonores comme le projet
d'implantation DHL (Figure H.61 - DHL : la nuit, le bruit nuit601), les nuits du centreville (Figure 11.62 - Les nuits de la discorde602) les violences urbaines en périphérie
(Figure 11.63 - Nuit chaude au Neuhof °3) et la prostitution occupent la plus grande place
avec l'insécurité. Les mesures prises pour lutter contre ces phénomènes en légiférant
594
595
596
597
598
599
600
601
602
603
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Nouvelles
Nouvelles
Nouvelles
Nouvelles
nouvelles
nouvelles
Nouvelles
nouvelles
nouvelles
nouvelles
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
12 Août 2000
11 juillet 2000
29 août 2000
17 août 2000
19 août 1999
1 er août 2000
1 ! juillet 2000
15 août 1996
13 septembre 1992
1995
-433-
(Figure 11.64 - La prostitution interdite de stationnement604) ou en occupant la nuit
(Figure 11.65 - Les nuits sauves) sont également présentes. L'insécurité routière nocturne
est parfois abordée à l'occasion d'accidents marquants.
Figure 11.60 - Images médiatiques de la nuit strasbourgeoise
Thèmes
CONFLITS
Le projet d'implantation de l'entreprise DHL
Les nuisances sonores en centre-ville
La prostitution depuis 1997
La pollution lumineuse
Les nocturnes commerciales
Les parkings de nuit
La pêche nocturne
Vente d'alcool
INSECURITE
Les violences urbaines
Mesure de sécurité :
Les accidents de la circulation
L'insécurité
Les couvre-feux : 13 articles
Les perquisitions de nuit : 2 articles
L'évasion de nuit : 1 article
Les attentats 1 article
ANIMATION :
Les nuits thématiques
L'animation nocturne
Illuminations
La restauration nocturne
TRAVAIL
Le travail de nuit
Le travail de nuit des femmes
Le transport de nuit
La santé
Les chantiers de nuit : 3 articles
SOLIDARITE :
Les sans-abris
L'accueil de nuit
HISTOIRE
SEXE
CULTURE
BIEN-ETRE
ART
Sources : revue de presse 1990-1997
604
Nombre
d'articles
246 articles
141 articles
23 articles
34 articles
6 articles
26 articles
13 articles
2 articles
2 articles
188 articles
99 articles
42 articles
16 articles
14 articles
13 articles
2 articles
1 article
1 article
170 articles
99 articles
58 articles
11 articles
2 articles
66 articles
20 articles
18 articles
14 articles
11 articles
3 articles
9 articles
4 articles
3 articles
2 articles
3 articles
3 articles
2 articles
3 articles
Dernières Nouvelles d'Alsace, 10 août 2000
-434-
Partie II - Un espace temps limité
-
Deuxième pôle des nuits strasbourgeoise, «l'animation nocturne» regroupe plus 170
articles consacrés aux « nuits thématiques » (Figure 11.67 - Les plumes de la nuit605) ou
aux
« illuminations » (Figure 11.68 -
Sous
les projecteurs606).
La
dimension
« laborieuse » de la nuit n'est pas oubliée avec de nombreux articles sur le travail de nuit
(Figure H.69 - Bus de nuit
607
).
Dans ce tableau très contrasté, la solidarité est finalement peu présente. (Figure n.70
- SOS sans-abri : un peu de soleil dans la nuit
) tout comme le sexe bizarrement absent ou
caché comme dans un article plus récent (Figure n.71 - Des massages très spéciaux609).
De loin en loin, de grands incendies embrasent l'actualité nocturne comme celui de
Mundolsheim en 1999 (Figure 11.72 - 3000m2 d'entrepôts détruits
610
).
3.2.2. Sur représentation symbolique
Une ville n'est pas qu'un amas de constructions et une concentration de populations.
C'est aussi un univers où s'affrontent et se superposent les représentations tant individuelles
que collectives. Pourquoi l'ignorer dans l'analyse du discours sur la ville ? La nuit et ses
lumières envahissent peu à peu l'imaginaire strasbourgeois des cartes postales des
marchands aux spectacles sons et lumières en passant par les nuits thématiques.
3.2.2.1. Cartes postales
Depuis plus d'un siècle, les cartes postales véhiculent l'ambiance et l'image des
pays, régions, villes ou monuments du monde entier. Elles ont fait rêver des générations et
ont sans doute contribué à l'émergence d'une culture mondiale et du désormais célèbre
« village planétaire ». A côté des brochures touristiques officielles ou des documents de
marketing territorial qui font aujourd'hui l'objet de réflexions approfondies et s'inscrivent
605
606
607
608
609
610
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
Dernières
nouvelles
nouvelles
nouvelles
nouvelles
nouvelles
nouvelles
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
5 juin 1997
17 juillet 1997
26 octobre 1995
29 décembre 1995
1 er septembre 2000
juillet 1999
-445-
dans des stratégies de communication concertées, la carte postale continue de jouer un rôle
non négligeable dans la notoriété d'une métropole, d'un territoire ou d'un édifice
remarquable. A l'heure où les villes se vendent, et où le moindre territoire passe du « savoirfaire au faire-savoir» 611 , on semble oublier que la carte postale participe pleinement de
l'image d'une cité qui s'exporte à travers ses cartes postales. Associée au bonheur et aux
loisirs, elle est un vecteur intéressant et éminemment positif. Pour preuve : les ventes
s'effondrent quand il pleut. Au dos de ces photographies cartonnées, on lit plus souvent des
messages d'amour que des déclarations de guerre. On ne peut rêver plus belle association et
meilleur support de promotion.
Il se vendrait environ 500 000 cartes postales par an à Strasbourg intra-muros et près
d'un million d'unités avec les faubourgs. Leur production s'étale dans près de 200 points de
vente sur Strasbourg dont les bureaux de tabac, librairies et papeteries. Une dizaine de
magasins situés face à la cathédrale (Place de la Cathédrale, Rue du Maroquin, Rue
Mercière) et dans le secteur de la Petite France se partagent la moitié du marché. L'un
d'entre eux écoulerait près de 200 000 cartes par an.
Symbole du plaisir touristique, la carte postale borne l'espace urbain de jour comme
de nuit. Elle stigmatise certains quartiers privilégiés et en oublie d'autres. Le petit marché de
la carte postale strasbourgeoise a ses vedettes incontestées : la cathédrale et la maison
Kammerzell arrivent en tête. Suivent la Petite France, la place Benjamin Fix et le barrage
Vauban. La Place Kléber et l'Aubette pointent en quatrième position. Les vues aériennes se
vendent également bien. Ces millions de photos esquissent les contours d'un Strasbourg
idéal et heureux, sorte de « Disneyland historique ». L'Europe n'est pas aussi présente qu'on
pourrait le croire : à peine 2 cartes postales sur 10 surtout des vues aériennes ou des photos
prises du bateau-mouche. Le Tramway s'est bien vendu après son inauguration mais une
fois la nouveauté passée, les ventes se sont tassées. Pour la première année en 1998, les
photos du petit marché de Noël se sont arrachées. A noter une spécialité que l'Alsace
partage avec d'autres terroirs de France connus pour leur gastronomie : des cartes postales
représentant des plats régionaux accompagnés de recettes. Vous avez dit choucroute ? A
contrario,
611
certaines cartes postales ne se vendent pas. La Place de la République, la statue de
Selon la belle expression de Robert Ferras.
-446-
Partie II - Un espace temps limité
Gutenberg, le bâtiment de la Chambre de Commerce et d'Industrie, l'église Saint-Paul, la
Synagogue et même le Château des Rohan, sont quelques exemples de couacs retentissants.
La gare ne se vend qu'à la gare. Même remarque que précédemment : « les gens n'achètent
que ce qu'ils voient ».
La mise en lumière de certains bâtiment contribue à rendre lisible certains lieux. En
moyenne, sur les étalages, deux vues sur dix sont des vues de nuit. D'après les vendeurs
interrogés, les cartes postales de nuit se vendent de mieux en mieux et représentent déjà près
d'un tiers des ventes.
On est encore très loin de l'image de la ville américaine de nuit avec sa « Skyline »
et ses gratte-ciels.
3.2.2.2. Cartes de vœux
De façon symbolique pour l'année 1998, les cartes de vœux de plusieurs collectivités
et organismes mettent en valeur la ville la nuit. Simple mode ou prise de conscience, la
même année, les cartes de vœux Université des Sciences Humaines, du Centre des Etudes
Européennes et de la Communauté urbaine de Strasbourg proposent un paysage de nuit
(Figure 13.73 : Carte de vœux d'institutions
strasbourgeoises).
3.2.2.3. Multiplication des sons et lumières
Au-delà des feux d'artifice et des feux de la Saint-Jean les nuits promotionnelles ou
les événements organisés de nuit (illuminations, feux d'artifice, sons et lumières...) se
multiplient à Strasbourg comme en milieu rural. Chaque été depuis 1992, Electricité de
Strasbourg et les hôteliers restaurateurs et débitants de boissons offrent un Spectacle
audiovisuel gratuit Les nuits de Strass. Le barrage Vauban sert de fond de scène à ce
spectacle son et lumière du 4 au 31 juillet à 22h30 et du 1er au 24 août à 22h00. (Figure
612
13.74 - Sons et lumières )
612
Source : Brochure de la Ville de Strasbourg
-459-
Depuis quelques années, d'autres animations lumineuses sont proposées comme la
« Mise en lumière du massif occidental de la cathédrale » à 22h30 en juillet et 22h00 en août
ou un « Concert d'orgues avec mise en lumière intérieure de la cathédrale » en été et
jusqu'au 3 octobre à 21h00.
Les sons et lumières, et autres spectacles et animations nocturnes ne sont pas limités
à Strasbourg mais fleurissent dans toute la région. Un simple coup d'œil dans les brochures
des offices de tourisme permet de repérer les principaux événements, reprises de traditions
/•
anciennes ou vraies nouveautés
i o
:
Lancé de disques enflammés le 1er mars 1998, Neuwiller, Ronde du veilleur de
nuit tous les soirs, Turckheim ; Les lumières du Flecken le 20 juin à Lembach ;
Crémation des bûchers de la Saint-Jean le 20 juin au Val Saint-Amarin ; Feux de la
Saint Jean dans de nombreuses communes d'Alsace en Juin; Feux
retraites aux flambeaux
d'artifice,
dans de nombreuses localités d'Alsace le 13 juillet ;
Nocturnes commerciales, le 15 juillet, à Munster ; Rêve d'une nuit d'été - Le grand
son et lumières d'Alsace les 16-18 juillet et 23-25 juillet à Saint-Pierre-Bois ; Nuit
artisanale, le 18 juillet à Niederbronn-les-Bains, Nocturnes commerciales le 29
juillet à Munster ; Nuit des grands crus du Zinnkoepflé le 1 août à Soultzmatt, Art et
lumières à Furdenheim Furdenheim) les 22 et 23 Août 1998, Spectacle son et
lumières, Fermes alsaciennes illuminées ; Nocturne commerciale
le 12 août à
Rouffach ; Ronde du veilleur de nuit le 14 août, à Eguisheim ; Feu des sorcières sur
la colline du Bollenberg le 14 août à Orschwich ; Albé en habit de lumières (visites
guidées gratuites du village illuminé) les 21-23 août ; Fête de la Nativité Procession et illumination des maisons le 6 septembre à Rosheim ; Son et lumière
gratuit au Dolder à 22h du 12 juin au 11 septembre à Riquewihr ; Son et lumière à
22h autour de la collégiale » les 19-20-21-26-27-28 juin à Thann ; Illumination de
l'Aubach du 1 au 31 juillet à Scherwiller ; Illumination des maisons alsaciennes les
3-4 juillet à Drachenbronn-Birlenbach ; les Nuits de Pierre spectacle nocturne autour
de l'Abbatiale et du château de Géroldseck à 21h les 6-13-20-27 juillet, Marmoutier ;
Illumination des corps de ferme le 18 juillet, Seebach ; Illumination du château du
613
Brochures de tourisme, Agence de développement touristique du Bas-Rhin, Association départementale du tourisme du
Haut-Rhin, Comité Régional du Tourisme
-460-
Partie II - Un espace temps limité
Fleckenstein, les 14-15-16 août à Lembach ; Spectacle historique son et lumière, le
22 août à Muhlbach-sur-Munster ; Son et lumière au Dolder à 22h les 1-8 septembre
à Riquewihr ; Les fenêtres
de l'Avent (illumination) les 29-30 novembre, à
Wangenbourg-Engenthal et A l'écoute de la nuit : découverte des rapaces nocturnes
le 28 mars à Munchhausen.
Ainsi s'érige peu à peu un véritable calendrier nocturne régional, nouvelle ronde de
la nuit.
3.2.2.4. Développement des nuits thématiques
La nuit devient une mode, un label, un gage de festivité. Les affiches de ces nuits
thématiques égaient les murs et colonnes Morris de la capitale européenne. On a vu se
multiplier ces dernières années ce qu'il est convenu d'appeler des nuits thématiques autour
de sujets très divers :
La solidarité avec La nuit de la solidarité ou La nuit du cœur à la Laiterie ;
La culture avec La nuit de la danse à Pôle Sud, La Nuits de l'écriture
614
; les Nuits de la
voix à l'Eglise Sainte-Aurélie ; La nuit du cinéma fantastique ; La nuit du cinéma de
l'Institut Supérieur du commerce, la nuit du cinéma asiatique à l'Odyssée ou une nuit au
palais Rohan de 20h00 à 24h00 ; (Figure 13.76 - Nuits culturelles).
La science avec La nuit européenne de la science ou La Nuit des étoiles
615
;
La nature avec La Nuit de la chouette ou La Nuit de la chauve-souris alors que dans de
nombreux étangs privés autour de Strasbourg des nuits de pêche rencontrent un grand
succès ;
L'emploi avec la Nuit des métiers ;
La publicité et la télévision avec les désormais traditionnelles Nuit du zapping et Nuit
des publivores au Palais des Congrès » ;
Le charme avec La Nuit de l'érotisme au cinéma Star ;
Et même le jeu avec La quatrième nuit des grands anciens, convention régionale de jeu
de rôle fantastique.
614
615
Les plumes de la nuit, Dernières Nouvelles d'ALsace, 5 juin 1997.
La nuit des étoiles, Dernières Nouvelles d'Alsace, 8 août 1996
-465-
Même les sportifs participent à cette promotion du nocturne : Nuit de la marche
(Samedi 15 mars 1997), marche européenne organisée par la Fédération Française des sports
populaires ; Nuit du Volley (6e open 1997) ; Nuit des arts martiaux ; Nuit du basket ; Nuit
du roller, avec un véritable circuit de découverte du patrimoine strasbourgeois et même Nuit
des champions en novembre 2002. Dernier exemple de ces nuits sportives le ballet nautique
de Strasbourg a présenté en décembre 1998, son spectacle annuel autour du thème de la nuit
et toutes les nageuses se sont retrouvées dans l'eau pour une prestation nocturne en piscine
(Figure 11.76 - Nuits du sport).
Les discothèques elles-mêmes multiplient les nuits particulières Nuit de frissons à la
discothèque River Club ; La nuit la plus chaude au Warning ; Space-Night au Rock's
Academy ; Nouvelle passion de vos nuits, discothèque J.B. club ; La nuit New Wave et
Gothic au Feeling ; La nuit de la révolution, à lApollo ; Nuit tropicale à la discothèque
JCB, Noche latina au Centre socio-culturel du Fossé des treize ; La nuit orientale à
l'Escale, La nuit de tous les interdits à la Salamandre ; La nuit des rencontres ou des Dames
au Rétro ; la nuit interdite des étudiants au K'Vo ; la nuit du Didjeridoo au Molodoï ; la nuit
du Raï au centre socio-culturel du galet à Haute pierre ; La nuit des bacheliers au
Camionneur début juillet; Les nuits halloween un peu partout ; La musique techno a aussi
ses nuits particulières : Les nuits électroniques de l'ososphère et les Les nuits européennes.
Ces nuits sont visibles même pour « ceux du jour » tant les affiches sur les nuits
thématiques égaient les murs et colonnes Morris de la capitale européenne. La liste est
longue de ces événements de soirée qui mettent en avant « LA NUIT », dans son caractère
unique, exceptionnel et attractif... au risque parfois de la banaliser.
Le reste de la région n'est pas épargné par cet emballement nocturne à l'exemple de
quelques manifestations estivales Nuit des associations le 6 juin à Altkirch ; Nuit du
tourisme le 1er juillet à Soultz ; Nuit du tourisme dans les villages du canton de Rouffach ;
Nuit du tourisme le 1er juillet à Soultz ; Nuit du tourisme dans les villages du canton de
Rouffach » les 1-8-15-22-29 juillet ; Nuit du vin le 4 juillet à Dambach ; Nuit artisanale, le
18 juillet à Niederbronn-les-Bains ; Nuit du tourisme dans les villages du canton de
Rouffach les 5-12-19-26 août ; Nuit du jazz à la mi-août à Saint-Louis ; Fête de la lune le
29 août à Kogenheim. La commune de Grendelbruch organise même un Marché nocturne
de 18h00 à lhOO du matin chaque année en août.
-466-
Partie II - Un espace temps limité
A Strasbourg, les gens de théâtre ont répondu à leur manière à ce déferlement
nocturne. En 2000, le Kafteur nous a proposé une « nuit tranquille » en Août 2000 de Patrick
SIBOLD en opposition avec la pièce de Jean TARDIEU La cité sans sommeil mise en scène
par Jean-Marc DffiRRA et Jacques LOMBARD de l'ARTUS en 1996. Comme un dernier
hommage artistique à la nuit, la romancière Assia DJEBAR publia en 1997 un superbe
ouvrage : Les nuits de Strasbourg616.
3.2.2.5. La nouvelle folie Halloween
Depuis 1997 environ, une nouvelle nuit apparaît, jusque-là étrangère à notre culture :
la nuit Halloween. Cette fête nocturne celtique « revenue-chez-nous-par-un-malicieux-coupde-boomerang-après-un-détour-par-les-Etats-Unis », s'installe dans nos calendriers. Cette
année 2002, où Halloween, tombe la veille d'un week-end prolongé, la fête fait le bonheur
des bars. A Strasbourg, hormis quelques allergiques, la majorité des clubs prennent pour
l'occasion un look « vampire et citrouilles » pour accueillir Cruella (s) ou Dracula (s) en
puissance. « le monde de la nuit » saisit toute bonne occasion de faire la fête : Halloween
n'est qu'un prétexte de plus pour s'amuser.. .et pour rentrer de l'argent
». Jusqu'au bout de
la nuit. Dans les écoles, les enfants se griment et jouent à se faire peur et sur nos balcons les
citrouilles aux visages inquiétants s'allument dès la tombée de la nuit.
3.2.2.6. Les 24 heures
A Strasbourg comme partout les performances nocturnes et en continu 24 heures sur
24 se multiplient. En juin 2001, après huit mois de résidence à Paris, les membres de la
troupe Kubilaï
Khan Investigations
ont proposé à Pôle Sud 24h00 des création
contemporaine autour du thème de l'autre. Il s'agissait de ne pas fermer les yeux sur cette
question de l'autre. Autre expérience, le film Qui sait ?, troisième étape d'une série de films
consacrés aux élèves du Théâtre National de Strasbourg, diffusé sur ARTE le 2 septembre
1999, qui raconte une nuit de création de la jeune troupe du TNS. Recréée par et pour le
cinéma, cette nuit rêvée, nuit hachée de disputes, de fous rire, d'initiatives magnifiques ou
saugrenues, de moments vides, de divisions et de retrouvailles est le scénario du film. Autre
616
617
DJEBAR A., 1997, Les nuits de Strasbourg, Actes sud, 405 p.
Le jour de l'Halloween, Dernières Nouvelles d'Alsace, 31 octobre 2002, p. 11
-469-
titre d'exploit, celui du «marathon de Strasbourg» ... de Bridge. Les 24h00 de triathlon
organisées à l'occasion du Téléthon font partie de ces exploits dont la partie nocturne reste
toujours la plus mémorable.
3.2.3. Progression de la lumière d'agrément
A Strasbourg, la tendance générale est à l'allongement des périodes d'éclairage.
Alors que jusqu'à présent, les illuminations de Noël s'arrêtaient à 22h00, elles durent plus
longtemps et démarrent plus tôt le matin.
3.2.3.1. Mise en place d'une charte lumière
Symbole de cette volonté de conquête de la nuit, en 1992, la ville de Strasbourg s'est
dotée d'une « Charte de l'éclairage urbain »618 qui voulait porter un nouveau regard sur
l'ellipse insulaire. Cette charte s'inscrivait dans le projet de piétonnisation d'une partie de
l'ellipse et proposait de participer à la modification du paysage nocturne de l'ellipse en
soulignant les différentes fonctions de la lumière et plus particulièrement trois d'entre elles :
La fonction de sécurité qui recouvre deux notions principales : la sécurité objective d'une
part, liée aux risques d'agressions qui pourraient avoir pour complice un éclairage
insuffisant ou mal conçu, générateur des zones d'ombre-refuges pour les individus mal
intentionnés ; la sécurité subjective d'autre part, c'est-à-dire le sentiment que ressent un
individu lorsqu'il marche dans un espace public et qui dépend notamment de sa capacité
à opérer une prédiction sur le comportement des autres passants qui occupent le même
espace que lui, donc de sa capacité à dominer visuellement l'espace qui l'entoure ;
-
La fonction de repérage, lorsque les styles des candélabres, leur emplacement sur
l'espace public, les couleurs qu'ils diffusent, permettent aux passants de percevoir
clairement les ruptures ou au contraire la continuité de l'espace et donc de l'ellipse ;
618
La Charte de l'éclairage urbain de l'ellipse centre de Strasbourg, 1992, Stralux, 68 p.
-470-
Partie II - Un espace temps limité
La fonction de valorisation qui concerne non seulement les monuments historiques
connus et reconnus, classés, mais aussi les espaces vus dans leur ensemble, les places,
les rues et les "anecdotes architecturales" qui ont une fonction d'attraction pour le
curieux ou le passant à la recherche de pittoresque.
Le nouveau paysage nocturne suggéré par la charte avait l'ambition de participer à la
nouvelle identité de l'ellipse et de stimuler sa pratique par les piétons. Il s'agissait de
redéfinir l'éclairage non pas comme élément fonctionnel propre, mais comme composante
cohérente à une stratégie visant à améliorer la vie dans la cité619. Une typologie des espaces
publics urbains de l'ellipse a été réalisée à partir de trois critères principaux : la topologie
(forme et taille de l'espace, présence d'eau et de végétation), la circulation (secteur
piétonnier, axe des transports en commun...) et l'animation (commerce, patrimoine...). Une
seconde typologie a été établie relative aux solutions lumière composée de 9 types :
« Berges,
quais,
ponts »,
« Boucles
d'accès » ; « Espaces
piétons
commerçants » ;
« Passages » ; « Placettes, petites places piétonnes » ; « Places parking » ; « Places
patrimoines piétonnes ou non » ; « Rues commerçantes » ; « Rues non-commerçantes,
piétonnes ou non ».
La conclusion du document en dit long sur les attentes de la municipalité et du
cabinet : « en améliorant le cadre de vie, en renforçant attractivité et notoriété, l'éclairage
participera à la définition d'une image positive de la ville de Strasbourg, en rapport avec ses
ambitions légitimes620 ».
3.2.3.2. Multiplication des mises en lumière
Dans le droit-fil des applications des principes de cette Charte lumière, de nombreux
bâtiments ont été mis en lumière ces dernières années (Figure 11.77 - Quelques monuments
illuminés dans la nuit strasbourgeoise). La mise en lumière de l'Aubette en Novembre 1995,
f1
s'est étendue à d'autres lieux
comme le bâtiment de la gare, la médiathèque de Neudorf et
la Tour Schwab cité de l'Ill 622 : « Sortant du centre-ville, la fée électricité et les services
municipaux se sont penchés sur des bâtiments plus périphériques ». L'Eglise protestante de
619
La Charte de l'éclairage urbain de l'ellipse centre de Strasbourg, 1992, Stralux, p. 9
La Charte de l'éclairage urbain de l'ellipse centre de Strasbourg, 1992, op.cit.
621
Dernières Nouvelles d'Alsace, 3 janvier 1996
622
" Sous les projecteurs ", Dernières Nouvelles d'Alsace, 17 juillet 1997.
6211
-473-
la Robertsau, Saint-Pierre le Jeune, le Pont Suchard, le Pont près de l'IPE 4 ont subi le
même traitement en 1998. Le Château des Rohans et le Pont du même nom ont également
bénéficié de nouvelles illuminations.
Même le Port autonome de Strasbourg s'est mis à la lumière en confiant à la société
ECOTRAL, filiale d'électricité de Strasbourg, l'étude d'un projet de « Plan Lumière » pour
la zone centrale de la circonscription portuaire strasbourgeoise (du pont ferroviaire
Strasbourg-Kehl aux écluses Nord ; fronts de Neudorf non compris). L'étude terminée
, les
travaux se sont engagés en 1999. L'objectif affiché de ce projet est « de mettre en valeur
l'aspect portuaire de ce secteur de l'agglomération strasbourgeoise pour le rendre plus
accueillant. L'éclairage actuel des rues du port est surtout de type routier dans la continuité
de l'éclairage urbain. II ne marque aucune différenciation par rapport aux autres quartiers ».
Les propositions visent à mettre en évidence plusieurs types d'espaces : les ouvrages
ou engins spécifiques tels que grues, portiques, ponts métalliques qui se prêtent à une mise
en lumière et traduisent une fonction de relais fluvial/terrestre dans l'environnement ; les
berges qui jouent un rôle graphique important en structurant les différents plans. L'impact
entre la ville et les canaux peut être accentué par des éléments caractéristiques pour certains
points singuliers que constituent les extrémités de môles. Certains bâtiments typiques
permettent de densifier et d'architecturer l'image nocturne du port. »
Cette mise en lumière doit permettre de faciliter une reconnaissance nocturne du port
en en affirmant l'identité et de révéler des trames poétiques (l'éclairage n'a pas un rôle
fonctionnel mais un rôle scénique. « Trois sites prioritaires ont été identifiés : les abords du
pont Vauban ; la Capitainerie et le pont tournant ferroviaire ».
3.2.3.4. Tentative d'harmonisation de l'éclairage des vitrines
A partir du 28 octobre 1995, les adhérents de l'association des commerçants de la rue
du Vieux-Marché-aux-Vins se proposent d'illuminer leurs vitrines jusqu'à 23 heures pour
«donner une image de marque et une notoriété à leur rue», en même temps qu'ils
623
" Plan Lumière, Mise en valeur du Port de Strasbourg par la lumière " (Programme 1998-2000), Concepteur du projet
ECOTRAL, Port Autonome de Strasbourg, 13 p.
-474-
Partie II - Un espace temps limité
s'engagent à maintenir leurs commerces ouverts le samedi entre midi et 14 heures ainsi que
le lundi après-midi624.
3.2.4. Allongement des périodes de transports
La conquête de la nuit urbaine s'effectue également par de timides avancées dans les
systèmes de transport.
3.2.4.1. Circulation plus tardive
Comme dans de nombreuses autres villes, on assiste à un allongement des périodes
de desserte par les transports publics. Les transports en commun fonctionnent de plus en
plus tard. D'autres opérations liées à la mobilité de soirée sont des réussites.
3.2.4.2. Opérations spéciales
Pour la première fois dans la nuit du 31 décembre 1996 au 1er janvier 1997, douze
bus et deux tramways ont circulé alors que par le passé les derniers trajets étaient assurés à
19 heures. De 20 h 30 à 5 h 30, ils ont effectué 2008 voyages à destination de la plupart des
communes de la communauté urbaine et de tous les quartiers strasbourgeois et ont assuré la
correspondance entre communes, quartiers et la place de l'Homme de Fer. Le service n'a été
interrompu qu'une petite heure, juste après minuit, pour permettre au personnel mobilisé de
se retrouver pour un sobre réveillon au siège de la CTS à Cronenbourg.
L'opération taxi-bus lancée par la Compagnie des Transports strasbourgeois permet
aux usagers du tramway de pouvoir regagner gratuitement et en taxi les communes du sud
de la CUS non desservies en soirée par les transports en commun. A 21h45, 22h45, et
23h45, ils prennent en correspondance directe les usagers du tramway qui souhaitent se
rendre à Geispolsheim, Lipsheim, Fegersheim, Eschau et Plobsheim625.
624
625
Une rue à l'unisson, Dernières Nouvelles d'Alsace, 9 octobre 1995
« Opération taxi-bus concluante », Dernières Nouvelles d'Alsace, 22 juillet 1997.
-477-
A l'occasion de la fête de la musique 1998, la capacité des bus des lignes 1/21, 4, 6,
7, 14/24 et 23 a été renforcée à partir de 17h00. La fréquence de passage du tram a été
doublée : les rames se sont présentées aux stations toutes les 5 à 8 minutes jusqu'à 24 heures
et toutes les 15 minutes de 24h00 à lh30. Le tramway a circulé jusqu'à lhOO (dernier départ
centre-ville). Les bus qui effectuent habituellement leur dernier départ du centre-ville à
23h30 jouent les prolongations jusqu'à lhOO. Pour le réveillon 1998-1999, des bus ont
circulé gratuitement entre le Wacken et les quartiers pour desservir mix-max jusqu'à 5
heures du matin.
3.2.4.3. Des réflexions à plus long terme
A l'exemple de ce qui se fait dans une ville comme Paris avec le système des
« noctambus », la CTS réfléchit actuellement à la mise en place d'un service de bus de nuit
qui pourrait s'appuyer sur l'expérience du Nouvel An. En 1999 et 2000, une équipe de sept
jeunes de la commission « Transport » du conseil des jeunes de la ville de Strasbourg a
travaillé sur le thème « les transports dont nous rêvons » et proposé de mettre en place un
réseau spécifique de bus et tramways de nuit avec plusieurs arguments forts : permettre aux
personnes qui travaillent de nuit de profiter des transports publics ; permettre une desserte
pour les dernières séances de cinéma ; inciter les gens à sortir ; éviter que les personnes
imbibés d'alcool ne prennent le volant ; développer les activités nocturnes dans le périmètre
de la Communauté urbaine de Strasbourg. Plusieurs lignes circuleraient en boucle du centreville vers les quartiers périphériques. Jusqu'à ce jour, le projet est resté dans les cartons.
3.2.5. Développement de l'animation et des services
Petit à petit, malgré une réputation de vie nocturne endormie, Strasbourg prend
possession de ses nuits.
3.2.5.1. Animation nocturne reconnue
Quelque chose est en train de changer dans les nuits de la capitale. Signe des temps,
même les «News magazines» s'intéressent à Strasbourg et s'étonnent de l'animation
-478-
Partie II - Un espace temps limité
nocturne. Ainsi Le Nouvel Observateur dans son numéro de juin 1997 « La France du
Samedi Soir:
le guide de la nuit, les villes qui bougent»
s'arrête-t-il sur les nuits
strasbourgeoises en termes plutôt élogieux : « Réputée pour son calme, Strasbourg, ville
étudiante et capitale européenne, se découvre de plus en plus une vie nocturne dans certains
quartiers. Le centre-ville et le quartier de la Krutenau sont animés jusqu'à 3 heures voire 4
heures du matin. Mais comme à Lille, on passe souvent la frontière (allemande cette fois
pour faire la fête) 626 ». Dans le magazine GaultMillau, A. BERCOFF en rajoute : « A
l'heure où les néons scintillent, petits chats et grands loups s'en vont en meutes. Au
palmarès parade de l'intensité nocturne, Strasbourg tient très bien son rang »627nous confiet-il.
3.2.5.2. Mise en réseau de l'économie de la nuit
Depuis 1996, une initiative privée intéressante Le Pass des noctambules, permet pour
un prix modique des entrées et boissons gratuites dans 42 discothèques et bars de Strasbourg
et ses environs628. En octobre 1997, la fédération HIERO a organisé une opération originale
le « barbart » qui a permis de mettre en place des animations itinérantes de 14h à 4 h du
matin dans 6 bars de Strasbourg : le Troc café, la Chambre des métiers, l'Exil's, le Point de
mire, l'Elastic, le Velvet.
3.2.5.3. Diffusion d'un journal des noctambules
En décembre 1998, est sorti le n°l du journal des noctambules de Strasbourg et de
ses environs629. Sous-titré « L'essentiel de la vie nocturne », ce journal complète «le pass
des noctambules » : « son ambition sera de vous faire découvrir ou redécouvrir des endroits
de fête et de convivialité parmi les discothèques, bars, cafés, rhumeries, restaurants typiques
de Strasbourg et de ses environs. Grâce à ce lien, vous serez informés sur les événements et
les nouveautés de la vie nocturne de votre région ».
626
627
628
629
« La France du Samedi Soir », Le Nouvel Observateur n°1702, du 19 au 25 juin 1997, pp. 22-23
« Strasbourg la nuit », GaultMillau n°322, avril-mai 1997, pp. 170-175.
« Pass des noctambules de Strasbourg et de ses environs », Edition 1997-1998, 55 p.
Le journal des noctambules, n°l, décembre 1998, Christian Dub communication, 4 p.
-479-
3.2.5.4. Augmentation des lieux ouverts de nuit
Le nombre de bars ou de restaurants de nuit est en légère augmentation. Depuis le
1er décembre 1995, le restaurant d'un grand hôtel propose sa carte 22h00 sur 24h00, de
6h00 du matin à 4h00 du matin630. Un nouveau bar de nuit a ouvert en 1997 Au camionneur,
14 rue Georges Wodli. Excentré il reste ouvert jusqu'à 4 h du matin. Depuis quelques
années, le Noctambule propose des plats. Certains coiffeurs travaillent plus tard le soir. L'un
d'entre eux reste ouvert jusqu'à 21h00 le jeudi et s'essaie à la coupe de nuit, les soirs de
pleine lune de 19h00 à 21h00. Des petites épiceries restent ouvertes plus longtemps. Année
après année, le nombre de terrasses augmente dans la capitale européenne autorisant une
pratique tardive de l'espace public.
3.2.5.5. Multiplication des nocturnes
Certains magasins et grandes surfaces organisent des « nocturnes ». C'est le cas en
centre-ville des Nouvelles galeries qui restent ouvertes certains jours de mars jusqu'à 22h00,
des magasins de la rue Mercière pour Noël ou des « Boutiques de la mésange », qui
organisent une ouverture exceptionnelle pour la fête des Vendanges en septembre de 19h00
à 23h00. C'est également le cas des grandes surfaces en périphérie. Si le terme de
« nocturne » peut paraître abusif compte-tenu des horaires affichés -le plus souvent 9h00 ou
lOhOO-, ces événements se multiplient. Même le traditionnel marché de Noël s'y est mis en
décalant sa fermeture... (Figure DL78 : Nocturnes commerciales)
Chaque événement organisé à la Foire expositions se doit d'avoir ses « nocturnes ».
C'est le cas par exemple de la foire-exposition de septembre mais aussi d'événements
comme le Salon d'art contemporain en mars ou le festival Babel qui en juillet 2000 a joué les
i
prolongations
. Normalement ouvert au public jusqu'à 20 heures, il propose une nocturne
jusqu'à 22h00 le samedi. D'après les responsables de la société d'exploitation632, ces
nocturnes répondent à une vraie demande ; la fréquentation est forte et la demande existe.
Seule condition pour eux : ne pas banaliser l'événement.
630
631
632
Dernières Nouvelles d'Alsace, 1 décembre 1995.
« Babel de nuit », Dernières Nouvelles d'Alsace, 17 juillet 2000
SOFEX
-480-
Partie II - Un espace temps limité
Depuis 2001, le Musée d'Art moderne de Strasbourg, propose également une
nouvelle nocturne -le jeudi de 20h00 à 24h00 - Ici, la nuit étudiante, alliant le regard des
étudiants, la danse et la musique organisée par l'association des étudiants en histoire de l'art
et archéologie. En avril 2001, à l'occasion du printemps des musées, le Palais de Rohans est
resté ouvert jusqu'à minuit invitant les nombreux visiteurs à découvrir un autre pan du
patrimoine culturel à travers la musique et la lecture de textes littéraires. « Ils sont venus
trois fois plus nombreux que pour la journée normale633 » goûter à la douceur de la visite du
musée. Seule ombre au tableau, pour permettre au plus grand nombre de vivre cette nuit
spéciale, quatre-vingts vacataires, gardiens et autres conservateurs avaient été mobilisés
pendant plus d'un mois.
3.2.5.6. Développement des services automatiques 24 h/24 h
Les distributeurs automatiques de billets accessibles 24h/24 se sont fortement
développés en quelques années. Il est loin le temps en août 1990 où l'Office de Tourisme 634
proposait un nouveau service afin d'améliorer l'accueil de nos visiteurs étrangers à
Strasbourg : le change de devises en francs français grâce à des automates bancaires
accessibles librement 24h/24, Place de la cathédrale, Pont de l'Europe. De plus en plus de
postes d'essences sont accessibles par carte bancaire 24 h/24 h. Les distributeurs de cassettes
vidéo accessibles 24h/24 se sont fortement développés. Les distributeurs de boissons de la
marque Coca-Cola sont installés dans de nombreux points de la ville. Des distributeurs de
pain, de boissons et de repas vont bientôt faire leur apparition dans les lieux publics et seront
accessibles jour et nuit (Figure II.79- Distributeurs automatiques).
3.2.5.7. Des distributeurs de produits frais et chauds
La distribution automatique devrait connaître une nouvelle jeunesse avec l'arrivée à
Strasbourg de distributeurs de produits frais et chauds : des hamburgers mais surtout des
petits pains creux coupés en deux et agrémentés de différents mélanges. Cet appareil dont le
succès est énorme aux Etats-Unis et dans d'autres pays dEurope (Espagne, Angleterre...) est
produit et commercialisé par une marque hollandaise dont l'objectif est de fournir une
633
634
« Une nuit au palais », Dernières Nouvelles d'Alsace, 2 avril 2001
In Rapport d'activité 1994, Office de Tourisme de Strasbourg et de sa Région, 25 p.
-481-
restauration rapide 24h/24 et 7 jours/7 sans personnel. Les premiers appareils ont été achetés
par une société qui compte en installer plusieurs sur Strasbourg. Certains ont déjà été
installés dans des endroits tels qu'un magasin de vidéo, la cafétéria de droit ou des
restaurants.
Conclusion
La conquête de la nuit s'intensifie à Strasbourg comme dans de nombreuses villes
françaises et européennes. L'intérêt croissant des médias, la multiplication des fêtes, sons et
lumières, soirées thématiques, illuminations de bâtiments, la multiplication des nocturnes et
des lieux ouverts ainsi que le développement des services automatiques ne sont que quelques
éléments de cette colonisation progressive.
3.3. DES PRESSIONS FORTES
Les entretiens effectués auprès des fonctionnaires municipaux en charge des
questions
de réglementation
montrent une progression
importante
des
demandes
d'ouvertures tardives. Les dépassements d'horaires constatés par les services de Police
confirment ce décalage naturel des activités économiques vers la nuit qui correspond à une
certaine demande.
3.3.1. Multiplication des demandes d'autorisations tardives.
Sans qu'il ait été possible de chiffrer précisément cette progression, les fonctionnaires
de la Communauté Urbaine de Strasbourg interrogés ont insisté sur ce phénomène. Dans les
faits, les statistiques que nous avons pu consulter sur le nombre d'autorisations d'ouvertures
tardives accordées montrent une relative stabilité due à la volonté municipale d'encadrement
du phénomène, notamment dans l'ellipse insulaire.
-482-
Partie II - Un espace temps limité
On constate la même pression pour les demandes d'ouvertures tardives de terrasses
que pour les autres activités en général. Il y avait 76 établissements bénéficiant d'une
autorisation
d'ouverture
tardive en
1996 contre 97 aujourd'hui (Figure 11.80 -
Etablissements bénéficiant d'une ouverture tardive et Figure n.81 - Cartes des autorisation
d'ouverture tardive).
Figure 11.80 - Etablissements bénéficiant d'une ouverture tardive
Dans ce domaine également les demandes affluent mais l'état des archives ne permet
pas de mesurer l'ampleur de cette pression.
3.3.2. Progression des dépassements d'horaires
Symbole de cette progression des activités commerciales la nuit, de nombreux
établissements demeurent ouverts au-delà des horaires autorisés. Sur 131 rapports de
contravention dressés par la brigade environnement de la Police Municipale et rurale du 1 er
janvier au 30 septembre 1997, 88 l'ont été pour dépassement d'horaire notamment pour les
Dôner Kebab.
3.3.3. Augmentation des appels dans des tranches horaires tardives
Même si le phénomène est trop récent pour que l'on puisse en tirer une quelconque
conclusion, il est à noter qu'en un an de 1996 à 1997, les appels pour la police avaient
augmenté de 38 % entre 23h00 et 24h00.
-487-
3.4. DES TENSIONS ET DES CONFLITS
Les nuits urbaines sont propices aux conflits, tensions et représentations. Des
violences urbaines fortement médiatisées aux conflits entre riverains de l'aéroport et le
transporteur DHL, en passant par le développement de la prostitution, les bruits des terrasses
au centre-ville, les pétarades des cyclomoteurs, les grèves du personnel de nuit, les nuits de
Strasbourg sont plus agitées qu'il n'y paraît. La vie nocturne de la cité serait peut-être en
passe de se banaliser.
3.4.1. Violences urbaines : le révélateur du Nouvel An
Dans l'imaginaire de la nuit strasbourgeoise, les violences urbaines arrivent
aujourd'hui en bonne place, notamment suite aux embrasements du Nouvel An.
3.4.1.1. Les dégradations du réveillon
Ce 1er janvier 1998 au matin, Strasbourg, capitale européenne, s'est réveillée avec la
gueule de bois. Alors que dehors les rues résonnaient encore des derniers pétards de la fête,
on annonçait à la radio que 53 voitures avaient été incendiées, des dizaines d'abribus et
cabines téléphoniques avaient été détruits, plusieurs engins explosifs avaient endommagé
des bâtiments publics, et de très jeunes gens avaient été interpellés. Drôle de réveillon !
Pour le grand public, les violences de la nuit de la Saint Sylvestre ont eu l'effet d'un
révélateur. Une fois de plus, Strasbourg et l'Alsace ont semblé découvrir qu'il existait des
quartiers en difficulté dans une région réputée riche et prospère. Pourtant, on ne peut plus
parler de fièvres occasionnelles : les feux de voiture sont en passe de devenir une spécialité
locale bientôt aussi célèbre que les winstubs, riesling et autres flammekueches et l'année
1997 bat tous les records (Figure 11.82 - Comparatif des incidents du réveillon). Le
phénomène est cyclique. Il y a des saisons pour les violences urbaines. Les poussées de
fièvre correspondent le plus souvent aux périodes de vacances scolaires, voire à la remise
des bulletins scolaires. A Strasbourg, la nuit du réveillon apparaît comme un sommet, un
« rituel », une soupape qui aurait remplacé le carnaval, un « feu d'artifice du pauvre » a-t-on
-488-
Partie II - Un espace temps limité
même pu entendre. Ensuite, la tendance est toujours la même : après les chiffres élevés de
décembre et janvier, la tension retombe généralement (Figure II.83 - Feux de voitures
recensés en 1997).
Figure IL 82 - Comparatif des incidents du réveillon
Affrontement avec les forces de l'ordre
Incendies de véhicules
Jets de pierres (en groupe)
Dégradations d'abribus
Dégradations de cabines téléphoniques
Interpellations
Sources : Police Nationale, presse régionale,
1994
1995
1
0
12
16
3
2
18
16
13
6
12
12
France-Telecom
1996
0
11
0
12
14
1
1997
0
53
~
32
21
12
Figure H83 - Feux de voitures recensés en 1997
Janv.
Février
Mars
Avril Mai Juin
Feux 73
30
39
40
33
33
Sources : Police Nationale, presse régionale, 1998
Juillet
42
Août
36
Sept.
28
Octobre.
43
Nov.
47
Déc.
110
Jamais pourtant, une nuit de la Saint-Sylvestre n'avait été aussi agitée. L'analyse, à
froid des incidents des réveillons de 1994, 1995 et 1996 montrait pourtant une relative
stabilisation : 11 voitures incendiées en 1996 contre 16 en 1994 et moins de dégradations et
autres jets de pierres. En 1997 la poussée de fièvre de Nouvel An avait été précédée de
signes avant-coureurs à Strasbourg et dans le reste du pays : agressions dans les bus,
voitures brûlées... Depuis novembre, on sentait la pression monter dans de nombreuses
agglomérations françaises : Lille, La Seyne-sur-Mer, Dunkerque. A Mulhouse, on se
souvient des grèves à répétition des chauffeurs de bus exaspérés à la suite de plusieurs
incidents : jets de pierre, embuscades, coups de feu. A Strasbourg, d'après les policiers
interrogés, la tension était palpable depuis le concert du groupe IAM en novembre. Depuis
le début de la période des fêtes, les dégradations s'étaient multipliées dans les quartiers.
Durant le seul week-end de Noël, 29 voitures avaient déjà été brûlées. On s'attendait au pire
et du côté sécurité, 400 policiers et 200 pompiers avaient été mobilisés. Forte des succès
enregistrés avec l'opération Eté-Jeunes, la municipalité avait pris des précautions avec
l'organisation d'une grande soirée pour les jeunes au Hall Rhénus. De l'avis de beaucoup,
sans cette Big Party -et malgré un prix d'entrée prohibitif- on aurait pu connaître des
événements bien plus graves.
-491-
3.4.1.2. Une situation contrastée
Il faut se garder de généraliser quand on cherche à analyser des événements de
Nouvel An. Le phénomène n'est pas le même dans tous les quartiers périphériques. En 1997,
au Neuhof par exemple, la nuit a été « relativement calme ». D'après les éducateurs, le
travail de prévention et la présence des forces de l'ordre ont permis de limiter les violences à
un niveau moindre de celui des années précédentes. A Cronenbourg, où les incidents ont
débuté à 18 heures, la nuit du réveillon a été marquée par des rodéos autour la place
Becquerel. C'est à la Meinau et à Hautepierre que les incidents les plus violents et les plus
spectaculaires ont eu lieu. A la Meinau, le transformateur a été mis hors circuit, plongeant
l'Avenue de Normandie dans l'obscurité totale et permettant aux jeunes d'occuper les rues
du quartier en se laissant aller à un débordement total jusqu'à 22 heures 30 d'après les
témoins. A Hautepierre, une bombe artisanale a sérieusement endommagé l'entrée du
gymnase de l'école du quartier. A l'heure des bilans, certains se sont réjoui qu'il n'y ait pas
eu d'agression. Sur l'échelle des violences urbaines, le phénomène reste somme toute
«banal » avec une centaine d'incidents de niveau 1 voire 2 et pas d'affrontement véritable
avec les forces de l'ordre. L'exaspération s'est une nouvelle fois limitée aux quartiers
périphériques sans doute moins encadrés que le centre. Quelques années plus tard, en 2002,
on reste toujours sur les mêmes constats et dans les médias, les événements de la Saint
Sylvestre sont devenus un marronnier.
3.4.1.3. La caisse de résonance médiatique
A la recherche d'explications rapides, on se tourne souvent vers les médias accusés
d'amplifier le phénomène. On a beau se consoler en se disant que le phénomène ne se limite
pas à Strasbourg et qu'à Rouen par exemple, on a recensé 750 incendies de voitures en
1997... le mal est fait : Strasbourg occupe les écrans. A l'occasion de ces événements, la
métropole régionale a bénéficié d'une couverture médiatique exceptionnelle. Le monde
entier a vu des images de Strasbourg en feu. Si on s'en tient aux seuls supports écrits, nous
ne sommes pas loin de l'indigestion. Le titre de Libération le 12 janvier : « Strasbourg :
retour sur une nuit de média-violence » montre que les journalistes eux-mêmes s'interrogent
sur leur rôle dans ces poussées de violence. (Figure 11.85 - Les retombées du réveillon dans
la presse nationale). Si les événements de la Saint-Sylvestre ont toujours été couverts par les
Partie II - Un espace temps limité
quotidiens régionaux : - La nuit des casseurs"635, Nouvel An : la fête triste des casseurs
636
-
l'année 1997 a battu des records. Les deux quotidiens régionaux ont réalisé plus de 110
articles sur le sujet en 2 semaines. Et dès le 2 janvier, les médias du monde entier se sont
emparés de l'affaire : «En Suisse, la télévision tant francophone que germanophone, s'est
largement fait l'écho dans les premiers jours de janvier de la situation dans les journaux du
soir (19h30) en diffusant des images de voitures torches à Hautepierre et au Neuhof
comparant même Strasbourg à Belfast... » nous confiait un correspondant d'une banque
française en Suisse interrogé sur les « événements du Nouvel An ». Le Spiegel a titré
Flambierte Autos637 comparant les événements de Strasbourg avec ceux d'Oklahoma City en
1995. Dans le Times de Londres, sous la plume de Susan Bell, on trouve un article intitulé
« French jobless protest herald grim new year638 » avec la photo d'un pompier près d'une
voiture qui brûle et cette légende : « A car burns in Strasbourg in eastern France early
yesterday when new year célébrations turned into violent protest against
unemployment.
Marauding gangs ofyoung people setfire to cars and téléphoné boxes and bus shelters were
destroyed639 ».. Le Guardian est plus sobre : «Violence, insecurity and
unemployment
plunge France into winter of discomptent » peut-on lire sous la plume de Jon Henley,
correspondant à Paris. Le 3 janvier, le Washington Post titre « France Watches Warily as
Violent Protests Mount. Unemployment, Racial Issues Prompt Disorder640 » et consacre la
moitié du papier aux incidents de Strasbourg. Le propos est alarmiste : « The incidents may
be random. But such violence nearly always raises concerns in France, a country known
since 1789 for explosions of public anger that can overthrow governments, reverse policies
and bring new faces to power641 ». Dans la presse anglo-saxonne, la révolution semble en
marche.
635
Dernières Nouvelles d'Alsace, 3 janvier 1994
Dernières Nouvelles d'Alsace, 3 janvier 1996
637
Traduction : « Voitures en feu ».
638
Traduction : « Les protestations des chômeurs français annoncent une nouvelle année sombre ».
m
Traduction : « A Strasbourg, dans l'Est de la France, une voiture a été incendiée tôt hier quand les festivités du Nouvel
An se sont transformées en violentes protestations contre le chômage. Des bandes de jeunes gens qui maraudaient ont
incendié des voitures. Des cabines téléphoniques et des abribus ont été détruits ».
640
Traduction : « La France observe avec prudence la montée de violentes protestations ».
641
Traduction : Le chômage et les questions raciales provoquent des désordres. Les incidents pourraient être dus au hasard.
Mais une telle violence soulève presque toujours des inquiétudes en France, un pays connu depuis 1789 pour des
explosions de colère publique qui peuvent renverser des gouvernements, inverser des politiques et donner un nouveau
visage au pouvoir.
636
-493-
Plus proche de nous, en première page du Républicain Lorrain, on trouve une photo
couleur d'une Renault 4 en feu arrosée par les pompiers sous le titre «Violences à
Strasbourg ». En pages intérieures, on peut lire « Des flammes pour le réveillon avec
plusieurs incendies à Uckange » et la photo de pompiers près d'une voiture. L'idée de la
contagion est claire.
En première page, de Libération du 2 janvier qui ouvre sur les massacres en Algérie
reste sobre : « A Strasbourg, les voitures brûlent comme à la fête mais consacre deux pages
en rubrique société. En première page du journal Aujourd'hui en France, toujours la même
photo du pompier près de la Renault 4 en feu avec un titre sobre : « Nuit de Nouvel An : 53
voitures incendiées à Strasbourg ». Encore cette photo à la une du Figaro qui titre « Les
violences du réveillon ». En première page de France Soir « Strasbourg s'est réveillé avec
la gueule de bois » avec la photo d'une casse auto ou s'empilent les carcasses. Plus sobre, le
Monde donne l'information en page intérieures : « Incidents à Strasbourg pendant la SaintSylvestre ». Il faudra attendre le 3 janvier pour la parution des deux quotidiens régionaux.
On est déjà passé au temps des polémiques. Les Dernières Nouvelles d'Alsace titreront
« Incendiaires : la polémique » avec une photo de voiture brûlée alors que l'Alsace fera sa
première page avec le titre « Le procureur convoqué » et une photo de voitures calcinées.
D'autres articles, d'autres reportages et de nombreuses émissions télévisées se sont
succédés jusqu'en février: «Strassburg will die Spirale der Gewalt brechen642 »
(Handelsblatt,.9-10 janvier 1998 ); «France: The Kids' revolt643 » (The Economist, 10
janvier 1998) (...). On a même pu lire dans le Figaro du 4 janvier « Les jungles aux portes
de Strasbourg ». Déjà en 1995, après une poussée de violence dans certains quartiers, le
même journal avait titré « Guerre urbaine à Strasbourg644 » et une explication : « Depuis
trois semaines, le Neuhof, quartier difficile vit sous le couvre-feu des bandes » avec la
photographie d'un militaire du Plan vigipirate patrouillant dans le tramway. Entre les
confusions de certains articles anglo-saxons et les exagérations d'une partie de la presse
nationale, l'image de Strasbourg est devenue floue.
642
643
644
Traduction : « Strasbourg veut casser le spirale de la violence ».
Traduction : « la révolte des gosses »
Figaro, 25 octobre 1995
-494-
Partie II - Un espace temps limité
3.4.1.4. De la montée en puissance au service après-vente
Durant l'année 1997, la presse écrite régionale s'était montrée relativement discrète
sur le phénomène des voitures brûlées. D'autant que les autorités avaient visiblement décidé
de ne plus communiquer de chiffres. Jusqu'à la conférence de presse du Préfet le 29
décembre, on trouvait à peine quelques lignes dans la rubrique faits divers. Ensuite, les
quotidiens régionaux semblent s'être alignés sur les rédactions parisiennes. Il faut dire que
les radios, télés et journaux nationaux ont couvert les incidents des semaines précédentes par
des flashs réguliers qui ont donné l'impression d'une montée inexorable qui atteindrait son
paroxysme pour le Nouvel An. Loin de sa région, un strasbourgeois aurait eu des raisons de
s'inquiéter. Les dépêches AFP tombaient régulièrement depuis le 15 décembre : « Une
dizaine de voitures incendiées à Strasbourg»
(10 décembre); « Encore cinq voitures
incendiées à Strasbourg » (27 décembre) ; « huit voitures incendiées à Strasbourg » (28
décembre). Deux dépêches le 29 décembre faisaient état de 30 voitures brûlées depuis Noël,
dont huit voitures pendant la nuit et donnaient des informations sur la conférence de presse
du Préfet où le renforcement du dispositif policier était annoncé. France Info relayait
régulièrement. Le 30 décembre, le journal Le Monde sera le premier à faire le bilan annuel et
à annoncer les moyens déployés pour la Saint-Sylvestre : « Le rituel des voitures brûlées
s'étend dans les quartiers de Strasbourg ». A bien y regarder, Le Nouvel Economiste nous
avait pourtant prévenu un an plus tôt: « La Saint-Sylvestre 1998 risque d'être encore chaude
à Strasbourg »645. Le 29 au soir, après le journal de France 3, la machine s'est emballée. Le
lendemain, les quotidiens régionaux traiteront largement de la question, même si aucune
photographie n'apparaîtra à la première page des Dernières Nouvelles d'Alsace.. La
polémique qui a opposé le Procureur de la République de Strasbourg au Préfet de Région a
entretenu l'intérêt du public pendant deux semaines. Depuis, on en parle moins.
3.4.1.5. Des explications possibles
Plusieurs explications sont généralement avancées pour expliquer cette couverture
médiatique exceptionnelle. La première est connue : « Strasbourg l'internationale » attire les
journalistes du monde entier. La capitale de l'Europe est une star. A l'heure où le moindre
territoire passe du « savoir-faire au faire-savoir »646, le marketing territorial et les bons
645
646
Le Nouvel Economiste, n°1071, 17 janvier 1997
Selon la belle expression de Robert Ferras
-533-
résultats économiques de la cité ont fait de Strasbourg un must journalistique. La période de
Noël est particulièrement favorable à cette célébration. Cette année plus encore qu'à
l'habitude, les journalistes se sont intéressés à Strasbourg autoproclamée «Capitale de
Noël »,
la
débauche
de
lumières
qui
illuminaient
son
centre-ville
et
son
Christkindelsmârik qui attendaient plus d'un million et demi de visiteurs. On a recensé 180
articles de presse (deux fois plus qu'en 1996), 17 passages à la télévision sur huit chaînes
françaises et étrangères et neuf passages radios. A force de mettre en avant ses qualités et de
crier au monde qu'on est la plus belle, on attire les curieux mais on s'expose en retour au
jugement du miroir. Dans les rédactions du monde entier, les feux du Nouvel An ont éclipsé
les lumières de Noël.
Pour expliquer cette furie médiatique, les journalistes nous indiquent que le mois de
janvier est le mois le plus creux de toute l'année. Ils évoquent également l'absence de
nombreux journalistes professionnels : les pigistes qui traitent l'information pendant cette
période trouvent sans doute là une occasion rêvée pour se faire connaître. Eux aussi
incriminent les dépêches incessantes de l'Agence France Presse. Us disent aussi que peu de
journalistes étaient présents pour ce réveillon 1997 et prédisent un véritable débarquement
pour l'an prochain. Ils rappellent que la presse est une activité économique comme une autre
et que « Le champ journalistique est soumis en permanence à l'épreuve du marché »641.
Alors que la sécurité arrive au second rang de nos préoccupations après l'emploi
, la
violence fait vendre. Si on ne peut évidemment pas parler de journaliste pyromane, on peut
quand même vérifier que la médiatisation des violences joue souvent le rôle de caisse de
résonance. En termes d'image, on peut s'interroger sur la relation feux de voitures-violences
urbaines. Depuis des années, tous les articles, tous les reportages sur les quartiers en
difficulté et les violences urbaines sont illustrés par une photo d'automobile brûlée. Il y a
quelque chose de subliminal dans ce traitement systématique des violences où le feu et la
nuit se retrouvent dans une représentation fantasmagorique. Mais difficile de prouver quoi
que ce soit. Symbole de cette relation délicate entre médias et violence, le film " La Haine "
a eu, à sa sortie en juin 1995, un impact sensible sur le nombre d'incidents dans les quartiers
alors surveillés par les Renseignements Généraux. A Strasbourg, on a également pu noter
une augmentation inhabituelle des feux de voiture en septembre 1995 après la mort de
K. KELKAL. Les phénomènes d'identification ont joué à plein. Autre exemple caricatural :
647
648
BOURDIEU P. 1996, " Sur la télévision ", Libération
Sondage CSA-Dernières Nouvelles d'Alsace-Europe 2, mai 1995
-534-
Partie II - Un espace temps limité
le 2 novembre 1996, un article présentant l'étude de l'Observatoire Régional de l'Intégration
sur les jeunes et la violence urbaine est paru dans un quotidien régional649 avec la photo
d'une voiture brûlée et une légende : « une des périodes favorables aux violences urbaines :
les fêtes de fin d'année et notamment la nuit de la Saint-Sylvestre ». Résultat : une nette
recrudescence des feux de voitures et six voitures incendiées le soir même soit le record
pour une nuit de 1996.
Dans d'autres cas, les articles de journaux et les reportages télé servent de baromètre
dans la surenchère à laquelle se livrent les jeunes des quartiers et dont ils tirent souvent
célébrité et fierté. Les animateurs rapportent que les jeunes achètent les journaux pour
conserver la page qui concerne les voitures brûlées. La publication de palmarès réguliers ne
fait qu'attiser le phénomène. A ce titre, la parution dans les Dernières Nouvelles d'Alsace du
3 janvier 1998, d'un article intitulé « l'auto-grill » est caricaturale : «Le Neuhof, avec son
secteur baptisé l'auto-grill, arrive en tête des vingt quartiers de la communauté urbaine avec
170 voitures incendiées en 1997. Loin derrière, le quartier de Hautepierre, le plus chaud au
cours de la nuit de Nouvel an, avec 48 voitures brûlées l'année passée. Il est suivi par la
Meinau avec 45 véhicules brûlés, Cronenbourg (34), Schiltigheim (33), l'Elsau (28). Le
centre-ville occupe la dernière position avec trois unités ». Mais ce n'est sans doute rien
comparé à un passage sur TF1. « A chaque fois que la télé en parle, ils en remette une
couche, et du coup ils se prennent pour des vedettes » déplore le Colonel SIRON des
pompiers de Strasbourg650. Interrogée sur les effets de contagion, Madame BUI-TRONG des
Renseignements Généraux confirme que les événements d'une soirée chaude en région
parisienne retransmis par les médias nationaux suffisent souvent pour déclencher une
poussée de fièvre dans une autre ville la nuit suivante.
3.4.1.6. Des conséquences importantes
Première conséquence de cette poussée de violence : pour la première fois, le
phénomène a été pris en compte par les plus hautes autorités du pays y compris le chef de
l'Etat. Comme souvent, c'est de la crise que naît la mobilisation. En 1990, les émeutes de
Vaulx-en-Velin avaient conduit le Président MITTERRAND à créer un ministère de la ville.
Après la vague de violences urbaines de fin 1997, le Président CHIRAC a convié une
649
630
" Descente sur le terrain des violences urbaines ", Dernières Nouvelles d'Alsace, Samedi 2 novembre
In " Le Monde ", 30 décembre 1997.
-535-
douzaine de maires à évoquer les moyens d'assurer une meilleure sécurité urbaine tandis que
le Premier Ministre, Lionel Jospin, annonçait lors de ses vœux à la presse qu'il présenterait
en février un plan en faveur de l'intégration et de la ville. En octobre au Colloque de
Villepinte, le Ministre de l'Intérieur Jean-Pierre Chevènement déclarait que la sécurité était
un concept de gauche « puisque la sûreté est mise par la Déclaration des Droits de
l'Homme et du Citoyen au même niveau que la Liberté ».651 Le 19 janvier, le même Ministre
réunissait 350 maires de 26 départements sensibles dont le Bas-Rhin et le Haut-Rhin pour la
mise en place avant l'été de contrats locaux de sécurité. Parallèlement, on confirmait dans
l'entourage du ministre de l'Emploi et de la Solidarité, Martine Aubry, que celle-ci pourrait
se voir prochainement secondée par un secrétaire d'Etat à la ville. Et le 13 février 1998, le
Maire d'Orléans, Jean-Pierre Sueur, rendait son rapport sur la Ville de demain avec ses 50
propositions. En Alsace, les tables rondes se sont succédées pour analyser les causes des
incidents de Nouvel An en commençant par celle qui, dès le 7 janvier, a réuni des
partenaires aussi divers que le Maire de Strasbourg, le Préfet de région, le Procureur général
près la cour d'appel de Colmar, le Recteur, le Président du Conseil général et le représentant
du Conseil régional. C'est déjà en soi une avancée. Depuis, dans de nombreux quartiers, des
réunions s'organisent et la réflexion se poursuit.
Suite au battage médiatique qui a suivi les événements de la Saint-Sylvestre,
beaucoup de strasbourgeois ont reçu des appels angoissés de parents ou d'amis installés dans
une autre région de France qui croyaient à l'insurrection. Une fois rassurés, ils ne pouvaient
pas comprendre qu'il puisse y avoir des quartiers difficiles à Strasbourg. Une si jolie petite
ville... Mêmes ceux qui l'ont visitée n'ont pu saisir la complexité d'une cité mosaïque.
L'espace imposé au touriste de passage, l'itinéraire fléché des circuits touristiques obligés
dessine « une géographie étriquée de Strasbourg articulée sur deux pôles : le centre-ville
/SCO
traditionnel et le quartier européen »
. Entre la cathédrale et la Petite France, peu de
chances de passer par Hautepierre ou le Neuhof. Renforcées par l'imagerie officielle et les
cartes postales, ces représentations ne feront que conforter les trajets des futurs visiteurs... et
le décalage croissant entre une image virtuelle et la réalité de cette ville plurielle. Ces
événements de Nouvel An viennent confirmer une tendance observée depuis plusieurs mois.
Après l'affaire DHL, le vote Le Pen, les alertes pollution cet été, l'image est bien écornée.
651
652
In " Le Monde ", 29 octobre 1997.
in DORANDEU R„ GWIAZDZINSKI L„ 1996, Strasbourg à la carte, Saisons d'Alsace n°132 pp. 115-122.
-536-
Partie II - Un espace temps limité
Quel contraste entre le Strasbourg capitale de Noël de décembre et la gueule de bois du 1er
de l'An.
Si la situation est préoccupante, nos métropoles n'ont rien à voir avec Los Angeles
ou Sarajevo, et le Neuhof n'est pas le Bronx ! En montrant du doigt ces quartiers et leurs
habitants, les médias stigmatisent la « banlieue » et érigent des barrières mentales invisibles
mais infranchissables avec le reste de la ville et l'ensemble du pays. Ce «marquage
territorial » renforce le sentiment d'exclusion de « ceux du dedans » et valide l'idée d'une
« extraterritorialité » chez « ceux du dehors ». Les quartiers sont dans la ville, ils sont la
ville. Les dérapages nocturnes de quelques-uns ne doivent pas devenir des prétextes pour
condamner les autres. Attention aux amalgames faciles et à leur triste cortège de dérives
sécuritaires et de crispations identitaires. On ne joue pas impunément avec les
représentations, la peur et le sentiment d'insécurité : le développement d'attitudes de repli, le
marquage et la stigmatisation de certains quartiers qui cumulent incivilités, délinquance
classique et violences collectives entraînent des portions entières de nos villes dans une
spirale infernale. H est difficile d'inverser la tendance tant le mécanisme est pervers. Il suffit
de dialoguer avec les jeunes de ces quartiers pour noter leur rapport contradictoire aux
médias et les risques d'enfermement qui en résultent. D'un côté, ils les critiquent, les
accusent de noircir le tableau : « La télévision diabolise les gamins qui sont représentés
comme des petits sauvages »
. De l'autre, ils s'en servent pour devenir les héros de leur
quartier. Ils semblent enfermés comme piégés, dans cette logique qui renforce le phénomène
d'auto destruction. Dans un jeu dangereux, le quartier se retourne contre lui-même.
Habituellement, la Police Nationale estime que plus de 40 % des voitures brûlées sont
volées. Or au Nouvel An, on a plus souvent incendié la voiture du voisin durant la nuit du
Nouvel An. Ces « violences urbaines », comme les actes délictueux (vols, agressions...) et
autres incivilités (vandalisme, bruit, comportements agressifs...) qui se multiplient,
participent à l'autodestruction du quartier et contribuent à l'émergence d'un sentiment
d'insécurité qui détruit le lien social et effraie « ceux du dehors ». Dans un sondage récent
sur les violences urbaines654, on notait que la dramatisation était proportionnelle à
l'éloignement des personnes interrogées. En clair, plus les sondés vivent loin du théâtre des
553
BACHMANN C., LEGUENNEC N., 1996, Violence urbaines. Ascension et chute des classes moyennes à travers 50
ans de politique de la ville, Albin Michel, 558 p.
654
Sondage IFOP pour Libération, Libération, 5 janvier 1998.
-537-
violences, plus elles semblent les inquiéter. L'analyse pourrait être poursuivie autour de la
relation entre peurs et vote extrémiste.
Les conséquences économiques des violences de la Saint-Sylvestre sont difficiles à
mesurer. A court terme, les assureurs s'apprêteraient à débourser au moins un demi-milliard
de francs après les émeutes de fin d'année en banlieue parisienne et à la périphérie des
grandes villes comme Strasbourg et Rouen655. De 20 000 à 25 000 assurés garantie « tous
incidents « ou « responsabilité civile avec vol-incendie » vont recevoir une somme
comprise entre 20 000 et 30 000 francs en fonction de la valeur de leur véhicule avant sa
destruction. Certaines compagnies estiment que les violences urbaines concernent un peu
moins d'un dixième des 290 000 dégradations et destructions de voitures comptabilisées en
1997. En termes de coûts immédiats on sait par exemple que sur l'ensemble de la
Communauté Urbaine de Strasbourg, 49 cabines téléphoniques ont été endommagées, 16
habitacles sont à remplacer ; 15 appareils, 27 lecteurs de cartes et 36 combinés sont à
changer soit une facture totale de plusieurs centaines de milliers de francs à laquelle, on doit
ajouter le remplacement d'une trentaine de vitres d'abribus.
En termes d'impact économique à plus long terme sur l'attractivité de la capitale
européenne, on manque de recul et de repères. En matière touristique, l'heure est encore au
«bilan positif» de l'opération Strasbourg capitale de Noël qui aurait attiré 200 000
personnes de plus qu'en 1996. S'il est difficile de mesurer l'impact des violences urbaines,
on peut pourtant s'inquiéter en constatant l'impact négatif des pics de pollution de cet été sur
la fréquentation. En ce qui concerne l'implantation d'entreprises, l'effet devrait petit à petit
s'atténuer après les inquiétudes légitimes engendrées par les reportages télévisés.
Cependant, on aurait tort de prendre la question à la légère. La lecture des
questionnaires d'entreprises étrangères étudiant une localisation montre que la sécurité est
devenue un facteur de localisation important pour les hommes comme pour les activités. Les
questions précises des entreprises japonaises ou américaines en quête d'un site
d'implantation en Europe, sur la délinquance, les crimes et les émeutes faisaient encore
sourire il y a encore quatre ou cinq ans. Elles prennent aujourd'hui une couleur toute
particulière. Aux Etats-Unis,
655
certains Etats comme le Nouveau-Mexique ont fait de la
Challenges, février 1998, p. 28
-538-
Partie II - Un espace temps limité
sécurité un argument publicitaire : « Safety and security are important considérations when
it cornes to selecting new business locations. If you're worried about crime, we'd like to
show you a few places where the reports aren't quite as alarming. The small towns of New
Mexico, USA, are a welcome change from the urban environment. Traditional values are
still important here. People are genuinely concerned about your well-being. And the
neighborhoods are quiet, friendly, and inviting »... 656 .
Dans son classement mondial des Best Cities for Business, paru fin 1996, le
magazine américain Fortune mélangeait allègrement des critères résolument qualitatifs et
d'autres plus classiques. On trouvait notamment le nombre de crimes de sang, à côté de la
qualité de l'air ou de l'ensoleillement. Le phénomène ne reste pas circonscrit aux cités du
Nouveau-Monde. Depuis déjà un certain nombre d'années, les magazines français ont suivi
le mouvement proposant régulièrement des palmarès des villes dans lesquels la sécurité est
un critère important aux côtés du dynamisme économique, de la culture ou de la qualité de
vie657. De l'Evénement du Jeudi658 au Nouvel Economiste659 en passant par VExpress ou Le
Nouvel Observateur, tous s'y sont mis. En janvier 1999, le magazine l'Express a proposé un
palmarès des villes les plus futées. Pour ce classement il est dit dans l'enquête que « le volet
sécurité a été privilégié et noté sur 40 660 » et qu'il inclut des données quantitatives mais aussi
le jugement des experts sur le travail de terrain en matière de violences urbaines ou d'actes
d'incivilités ». Comme le rappelait Jean-Pierre Chevènement au colloque de Villepinte en
1997, la « sûreté est un droit essentiel que la Déclaration des droits de l'homme met sur le
même plan que la Liberté ». Le tournant est historique.
3.4.1.7. La confirmation des années suivantes
Le réveillon 1998 n'a pas été plus calme malgré la mobilisation de près de 2000
personnes au total. Une centaine de voitures ont été brûlées du 26-12-98 au 3-01-99 à 6h00.
656
Extrait d'une publicité parue dans le magazine Corporate location, " New Mexico : a welcome change of place "
Traduction: " L a prévention et la sécurité sont des éléments importants quand il s'agit de sélectionner des sites
d'implantation pour l'activité économique. Si la criminalité vous inquiète, nous pouvons vous montrer quelques endroits où
les rapports ne sont pas aussi alarmants. Les petites villes du Nouveau Mexique vous offrent une opportunité intéressante
en terme d'environnement urbain. Les valeurs traditionnelles ont gardé leur importance. Les gens se préoccupent
réellement de votre bien-être. Et les voisins sont paisibles, sympathiques et accueillants ".
657
Exemple : Le palmarès du Nouvel Observateur, Le Nouvel Observateur, 31 mars-6 avril 1994, pp. 8-23.
658
Exemple : Le palmarès des villes d'avenir, L'Evénement du jeudi, 26 mars au 1 er avril 1998, p. 37-49.
659
Métropoles d'affaires : le classement des villes où il fait bon vivre en France, Le Nouvel Economiste n°1074, 28 février
1997, p. 71-82.
66(1
L'Express n°2479, semaine du 7 au 13 janvier 1999, p. 44.
-539-
On a dénombré 43 feux dans la nuit du réveillon (soit moins qu'à Bordeaux ou à Nantes) ; 18
abribus brûlés du 31-12-98 à 15h00 au 3-01-99 à 19h00 (dont une grande partie dans la
nuit.)et 11 cabines téléphoniques entre le 31-12-98 à 17h00 et le 3-01-99 à 16h00 Aucun
incident n'est à déplorer sur les navettes spéciales mises en place le soir du réveillon. Depuis
1998, année après année, les événements du réveillon se sont renouvelés, imposés comme
un rite, le passage obligé des médias, un « marronnier » comme ils disent.
Au-delà des violences, d'autres tensions, d'autres conflits sont apparus dans la nuit
strasbourgeoise opposant notamment la ville qui s'amuse et la ville qui dort.
3.4.2. Nuisances sonores
La ville la nuit est aussi un espace sonore que l'on peut appréhender du fond de son
lit quand on habite près d'une autoroute, d'un aéroport, d'un hôpital, d'un commissariat ou
d'une caserne de pompiers. Le promeneur gardera en tête d'autres bruits caractéristiques :
moteur diesel des taxis, conversations animées à la sortie des bars ou des restaurants,
informations radiophoniques émanant d'un fournil, compresseurs de chambres froides des
magasins, salles de spectacle mal insonorisées, cloches d'églises, filament sonore ou
rythmique techno s'échappant des voitures déboulant vitres ouvertes, roulis des véhicules
sur les pavés des avenues. Du haut des tours des Halles ou de l'Esplanade, ces bruits
deviennent rumeur. Comme le rappelait un article de la presse locale: « tout dépend de
l'heure et de l'endroit où l'on se trouve : le brouhaha d'une terrasse paraîtra bien plus
agréable au cours d'une ballade dans la Petite France que lors d'une soirée où l'on a décidé
de se coucher tôt, la fenêtre ouverte (...) »661.
3.4.2.1. Conflits entre établissements de nuit et riverains
Dès que revient la belle saison, les conflits se multiplient entre les résidents du
centre-ville soucieux de conserver leur quiétude et les clients des établissements et des
terrasses des établissements qui profitent de leur soirée (Figure 11.85 - Localisation des
plaintes (1996-1997)).
661
Strasbourg Magazine n°67, p. 20
-540-
Partie II - Un espace temps limité
Figure 11.85 - Localisation des plaintes (1996-1997)
Année 1996
Musique
Terrasse Comportement extérieur
Rue Aristide Briand
X
Rue du Miroir
X
Rue des Juifs
X
Rue des Frères
X
Rue des Couples
X
Quai de Paris
X
Rue des Soeurs
X
Rue des Moulins
X
Route de Colmar
X
Route de Mittelhausbergen
X
X
Rue Geiler
X
Année 1997
Faubourg de Saverne
X
Rue des Frères
X
Rue des Bâteliers
X
Place d'Austerlitz
X
X
Place des Halles
X
Rue des Balayeurs
X
Rue de la l 6rc Armée
X
Rue des Glacières
X
X
Rue des Soeurs
X
Rue des Couples
X
Rue de l'Abreuvoir
X
Route de Mittelhausbergen
X
Quai de Paris
X
Sources : Communauté Urbaine de Strasbourg, 1996
D'après la Police Municipale et les services de la CUS, le nombre de plaintes
progresse d'année en année
3.4.2.2. Conflit aéroport et riverains
Les réactions suscitées par le projet d'implantation du numéro 1 européen du
transport et du colis -le groupe américain DHL- sur le site aéroportuaire de StrasbourgEntzheim vont dans le même sens. L'accroissement prévisible du trafic aérien nocturne lié à
la plate-forme multimodale, inquiète les riverains et l'annonce de la création de 1700
emplois d'ici l'an 2000 n'a pas pesé bien lourd. A ce titre, le libellé des affiches qui ont
fleuri fin juillet 1996 sur les murs de la capitale européenne est sans ambiguïté : «Pour
dormir demain : réveillons-nous aujourd'hui. Non aux vols de nuit. Non à l'implantation de
DHL » (Figure 11.86 - Images du conflit entre riverains de l'aéroport et le transporteur
DHL)
-505-
La levée de boucliers dans les communes proches de l'aéroport a été sans précédent
et s'est soldée par une manifestation qui a réuni dans les rues de Strasbourg plus de 15000
opposants aux vols de nuit. Ensuite l'affaire DHL a connu encore quelques soubresauts :
« L'Association pour Ried Bruche pour le respect de l'environnement près de Strasbourg
(ARBRES) mène une action aux côtés de l'Union pour la Fermeture de nuit de l'aéroport de
Strasbourg-Entzheim (UFNASE) qui a pour objectif d'interdire les vols de 23h00 à 6h00 du
matin. L'accord conclu entre la Chambre de Commerce et d'Industrie et les Maires des
villes concernées, prévoyant la fermeture de l'aéroport de minuit à 5h00 avec des marges de
retard d'une demi-heure est irrecevable pour l'UFNASE et ARBRES car il réduit la nuit des
riverains à seulement 4h30 de sommeil paisible (...). Selon ARBRES, il faut demander une
négociation et ne pas transiger sur la tranche des 23h00-6h00
».
En février, la commission consultative de l'environnement de l'aéroport, présidée par
le Préfet a adopté un protocole d'accord concernant les vols de nuit et les nuisances sonores.
Les nouvelles dispositions interdisent tout mouvement pour les avions les plus bruyants
entre 2h00 et 6h00. Les autres appareils bénéficient d'une tolérance d'un retard de
30 minutes pour les décollages sur cette plage horaire et se voient interdire l'atterrissage
entre OhOO et 5h00. Toute programmation d'atterrissage entre 5h00 et 6h00 devra faire l'objet
d'une autorisation préalable. L'accord prévoit en outre la limitation des nuisances sonores
qui seront mesurées par la mise en place d'un réseau de sonométrie.
3.4.2.2. Affaire des cyclomoteurs de Barr
Un arrêté municipal n°667, en date du 4 août 1998, interdit la circulation des deux
roues dans la commune de Barr dans le Bas-Rhin à une vingtaine de kilomètres de
Strasbourg. Pour préserver la tranquillité publique, la commune s'est inspirée d'un arrêté
interdisant depuis 1993 la circulation nocturne des deux roues à Obernai dans le même
département. Circuler dans ces deux communes après 22 heures peut aujourd'hui coûter 75
francs. A l'origine, quelques cyclomotoristes bruyants, comme il y en a sans doute un peu
partout et des riverains excédés. « J'ai fait l'objet de plus en plus de réclamations de la part
ftfx'K
de la population
», explique le maire. « On a essayé de dire aux jeunes qui faisaient du
662 « ARBRES, courroie de transmission ", Dernières Nouvelles d'Alsace, 11 avril 1998.
663
Déclaration à la revue Moto journal, 27 août 1998, p. 6.
-506-
Partie II - Un espace temps limité
bruit de couper leur moteur quand ils sont à l'arrêt, etc. mais nous recevions plutôt des
insultes que des réactions positives ». La gendarmerie n'ayant pas de sonomètres, il est
difficile de mesurer le bruit. Conséquence : elle se donne les moyens de verbaliser tous les
deux-roues, même ceux en règle en termes de niveau sonore.
3.4.3. Pollution lumineuse
Les conflits liés au développement de la lumière se multiplient qu'il s'agisse de
pollution lumineuse, d'enseignes ou plus grave encore.
3.4.3.1. Surenchère lumineuse
A Strasbourg comme ailleurs, les illuminations de monuments, les mises en scène
spectaculaires prolifèrent, avec à terme, un risque de saturation ou de surenchère visuelle. La
conquête de la nuit se fait au grand dam des astronomes qui ne peuvent plus contempler la
voie lactée dévorée par les éclairages nécessaires à nos incessantes activités nocturnes. Déjà
au début du siècle à Strasbourg les astronomes se plaignaient des difficultés qu'ils avaient à
faire leur recherches à l'Observatoire. Depuis, le problème n'a fait que s'amplifier : un large
halo de lumière englobe la ville la nuit.
3.4.3.2. Conflits illuminations-résidents
D'après l'ingénieur EULER de la Communauté Urbaine, les illuminations de
monuments au centre-ville créent des problèmes avec les résidents obligés de supporter en
permanence ces lumières fortes. Malgré les efforts faits pour que les installations pour les
illuminations soient les plus discrètes possible et ne modifient pas le paysage urbain,
l'installation de ces matériels n'a pas fait que des heureux. En 1997, un autre type de conflit
lié à la lumière a éclaté dans le quartier de l'Esplanade à propos des enseignes sauvages,
« éclairage gênant le repos nocturne des résidents, préjudice esthétique pour les propriétaires
et non respect de la réglementation municipale 664».
664
Dernières Nouvelles d'Alsace, 24 décembre 1997
-507-
3.4.4. Développement de la prostitution
En 1995, il y avait environ 120 filles répertoriées venues un jour ou l'autre au
Commissariat de Police signaler qu'elles se prostituaient. Une quarantaine à peine étaient là
toute l'année. Sur une journée, on pouvait estimer qu'une cinquantaine de prostituées étaient
en activité dans la rue. On a rarement pu en recenser plus. La prostitution masculine
essentiellement le fait de travestis concernait une vingtaine de personnes au total, «les
professionnelles, les occasionnelles et les prostituées toxicomanes665 ».
3.4.4.1. Développement spectaculaire
Depuis, des prostituées en provenance des pays de l'Est sont venues bouleverser le
paysage de la prostitution dans la capitale strasbourgeoise. Dans le Bas-Rhin, et
principalement à Strasbourg, les prostituées, estimées à 380 femmes et hommes (16 %
environ) auraient pratiquement doublé pendant l'année 1997666. Les personnes étrangères en
particulier originaires des pays de l'Est et exploitées par des réseaux, sont en augmentation.
Précarité économique pour plus du tiers de la population prostituée, problèmes de
toxicomanie pour 30 % de celle-ci et de logement pour une personne prostituée sur deux667.
30% des prostituées auraient moins de 30 ans et 35 % seraient étrangères.
3.4.4.2. Multiplication des conflits
Les premiers conflits ont débuté en 1997 avec l'arrivée des jeunes femmes venues
des pays de l'Est. Depuis, la presse se fait régulièrement l'écho des conflits entre résidents et
cette activité prostitutionnelle de plein air et de grande ampleur. Les riverains ont adressé
des pétitions aux élus du quartier dénonçant « les nuisances liées à la prostitution ». Es
évoquent les préservatifs et mouchoirs en papier souillés qui traînent dans les espaces verts
du quartier et les jardins familiaux ou les cours privés ou la peur de la drogue.
665
SARG F., 1997, « Il a soigné ces dames », in De la prostitution en Alsace, histoires et anecdotes (1997), Le Verger
Editeur, p. 263
666
Dernières Nouvelles d'Alsace, 13 janvier 1998
667
D'après STEBLER K., chef de service des interventions sociales de la DDASS du Bas-Rhin
-508-
Partie II - Un espace temps limité
Les riverains craignent pour la sécurité des adolescentes ; la gêne des collégiens qui
prennent le bus aux mêmes arrêts et croisent les « dames de petite vertu »en fin de journée.
Exprimant la poussée de ce phénomène jusque-là très peu médiatisé, les articles de
presse à propos de ces conflits entre riverains et prostituées, des démantèlements de réseaux
de proxénétisme, des condamnations ou des réactions des autorités se sont multipliés :
« Proxénète amoureux
troublent
l'ordre
confusion
quatre
668
» ; « Des prostituées encombrantes669 » ; « Des prostituées
public670 » ; «Une
vague de prostituées
» ; « Proxénètes violents : deux ans de prison
prostituées674 » ; « Ecroué
pour
tchèques611 » ;
qui
«Gênante
» ; « Retour au pays pour
proxénétisme675 » ; « Proxénètes
sous
les
verrous676 » ; « Onze prostituées renvoyées à
l'Est677 » ; « Prostitution : une progression
importante678 » ; « Proxénétisme : prison ferme619 ».
3.4.4.3. Zones érogènes mobiles
La majorité des prostituées exercent sur la voie publique à pied ou en voiture.
Quelques-unes travailleraient par Minitel ou annonces. Leurs lieux de travail sont
relativement concentrés dans l'espace. Comme dans la plupart des villes, le quartier de la
gare fut longtemps leur lieu de prédilection avec les grandes avenues : Avenue des Vosges,
Avenue de la Forêt-noire, boulevard de Lyon, de Metz, de Nancy, boulevard Wilson et aux
alentours de la Laiterie. En 1997, les prostituées venues de l'Est travaillaient essentiellement
dans le quartier du côté du Pont Pasteur, aux environs de la Laiterie. D'abord localisées route
de Schirmeck, les prostituées venues des pays de l'est se sont ensuite déplacées vers le Pont
Pasteur à la suite des plaintes des résidents. En 2001 et 2002, le conflit s'est déplacé sur les
quais le long du parc de la citadelle et rue Conrad. Pendant des mois, les riverains ont dressé
des banderoles s'opposant à la prostitution et interpellant les clients et sont sortis chaque soir
en groupe dans la rue pour chasser les prostituées.
668
Dernières
Dernières
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671
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Nouvelles
nouvelles
nouvelles
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d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
d'Alsace,
7 janvier 1997
21 juin 1997
11 octobre 1997
31 octobre 97
23 janvier 98
25 février 1998
29 mars 1998
25 mai 1998
28 octobre 1998
11 novembre 1998
11 décembre 1998
27 décembre 1998
-511-
Dans un article des Dernières Nouvelles d'Alsace daté du 3 mai 1998, un riverain
soulignait les risques d'accidents causés par d'intempestifs arrêts d'automobilistes attirés par
l'amour tarifé. Quelques mois plus tard, nous étions témoin de l'un de ces accidents sur les
quais.
D'autres conflits non spatialisés, liés aux pressions qui pèsent notamment sur les
salariés sont apparus dans les nuits strasbourgeoises.
3.4.5. Conflits du travail et outil de pression
Les pressions s'exercent également de plus en plus fortement sur les salariés de nuit
qui supportent mal une certaine dégradation de leur qualité de vie, la montée de l'insécurité
et la multiplication des accidents notamment dans les transports.
3.4.5.1. Grève de nuit des médecins
En Alsace comme dans le reste de la France, le personnel médical, infirmiers comme
médecins s'est régulièrement manifesté sur les conditions de travail ou la trop faible
rémunération. En 1996 déjà, la grève de nuit des médecins pour protester contre la réduction
de la plage horaire de majoration de nuit avait fait grand bruit
. En 2000, après la grève des
gardes entamée le 17 avril 2000 un accord a été signé instaurant un repos de sécurité de onze
heures après une nuit de garde. En 2001 encore, la question nocturne a refait surface : les
syndicats ont exigé le maintien des indemnités de travail de nuit et de jours fériés ainsi
qu'une revalorisation des astreintes. En décembre 2002, la tension a également grimpé chez
les médecins de famille avec la grève des gardes, la nuit et les week-ends, étendue aux jours
fériés et à la télétransmission des feuilles de soins En janvier 2002, la tension a gagné les
SAMU dont on a craint qu'ils implosent la nuit et le week-end, en raison des grèves des
gardes des médecins libéraux.
680
« La grève de nuit des médecins », Dernières Nouvelles d'Alsace, 5 octobre 1996.
Partie II - Un espace temps limité
3.4.5.2. Grogne des Policiers municipaux
En
1997, la loi
que préparait le ministre de l'Intérieur Monsieur J.P.
CHEVENEMENT, prévoyant que la Police Nationale et Rurale ne pourrait plus porter
d'armes à feu et qu'elle n'aurait plus le droit d'assurer des missions de nuit a déclenché des
levées de boucliers. Le maire d'alors avait réagi en soulignant la nécessité de la poursuite
des missions de nuit de la PMR. La position avait été saluée par l'association légitime
défense : « On veut laisser nos gosses traîner dans les rues toute la nuit, mais on veut mettre
/roi
au lit les policiers municipaux »
.
3.4.5.3. Grève au centre de tri de la poste
En juin 1998, la volonté de la Poste de proposer une réorganisation des services de
nuit passant notamment par une refonte des horaires de travail a entraîné une série de
mouvement de grèves au centre de tri de Strasbourg. Pour le directeur du centre,
« l'amélioration da la qualité du service passe par une réorganisation des tâches de nuit. Elle
est possible avec un effectif constant - 130 personnes - et avec un redéploiement des emplois
du milieu de la nuit vers la fin de la nuit et vers le jour. Il nous faut adapter nos moyens pour
écouler le trafic ». Pour le personnel et les syndicats qui s'opposent à la flexibilité à
outrance, cette réorganisation aggraverait les conditions de travail, bouleverserait nos vies
familiales et empêcherait les salariés de continuer à s'impliquer dans le tissu associatif local.
3.4.5.4. Grève des convoyeurs de fonds
Inquiets par la montée des agressions et des braquages de nuit, les convoyeurs de
fonds -forts de 4500 salariés dans l'Est de la France) ont mené de nombreuses actions de
grèves en 1999, 2000 et 2001 en demandant des moyens supplémentaires et l'interdiction du
travail de nuit.
6SI
Journal l'Alsace, 16 décembre 1997.
-513-
3.4.5.5. Conflits avec les routiers
En février 2000, les routiers s'étaient mis en grève afin d'obtenir une compensation
spécifique pour les heures de nuit, entre 22h00 et 5h00 du matin. En 2000, suite à la série
d'accidents survenue au petit matin -comme celui de Vierzon où dix personnes avaient
perdu la vie au petit matin-, l'Amicale des conducteurs professionnels du Bas-Rhin est
reparti en campagne pour l'interdiction du transport en autocar des élèves entre 22h00 et
4h00 le matin. Ils ne veulent plus que 75 % des accidents mortels aient lieu la nuit et
souhaitent que la France s'aligne sur l'Autriche et l'Allemagne où la circulation de nuit est
interdite. Pour eux, il n'y a aucune raison, sinon mercantile de rouler la nuit.
Dernière anecdote qui relève plutôt de la manipulation de la nuit, en juin 1996, les
commerçants de Neudorf qui souhaitaient faire pression sur les élus pour défendre leurs
intérêts avaient éteint leurs vitrines. Il s'agissait de leur montrer à tous à quoi ressemblerait
ce quartier après la disparition des commerces.
Partie II - Un espace temps limité
Conclusion
Strasbourg est partie à la conquête de ses nuits. Le temps en continu des réseaux, de
l'économie met la nuit urbaine, ses habitants et les territoires sous tension qui ne vivent pas
aux mêmes rythmes. Peu à peu, les pressions s'accentuent sur la nuit qui cristallise des
enjeux économiques, politiques et sociaux fondamentaux.
Entre le temps international des marchands et le temps local des résidents, entre la
ville en continu de l'économie et la ville circadienne du social, entre les lieux des flux et les
lieux des stocks, des tensions existent, des conflits éclatent, des frontières s'érigent
. Nous
voyons que la « ville qui travaille », « la ville qui dort », « la ville qui s'amuse » et « la ville
qui s'approvisionne » ne font pas toujours bon ménage. Entre ces espaces aux fonctions
différentes, aux utilisations contrastées apparaissent des tensions et des conflits qui
permettent à l'observateur de repérer la ou les lignes de front. Nous pouvons regrouper ces
conflits en quatre principaux :
- Conflits entre la ville circadienne et la ville en continu temporel en périphérie
L'affaire du transporteur DHL est l'exemple type d'un conflit entre la ville qui dort et la ville
qui travaille, un conflit entre un temps local (le temps de la ville circadienne) et un temps
international (de l'économie), un conflit entre un espace de flux (l'aéroport) et un espace de
stock (le quartier résidentiel).
Figure H. 87 - Conflits en périphérie
682
GWIAZDZINSKI L., 2002 « Les temps de la ville : nouveaux conflits, nouvelles frontières », Communication au
colloque Images de villes frontières, Strasbourg, 7, 8 et 9 avril 1999, Anthropos.
-515-
- Conflits entre la ville qui dort et la ville qui s'amuse au centre-ville
Le second type de conflit oppose la ville qui dort à la ville qui s'amuse. Ce type de conflit
entraîne souvent des mutations : fuite des résidants ; déplacement des lieux de loisirs vers la
périphérie
à
l'exemple
des
activités
ludiques
(discothèques,
complexes
cinématographiques...) qui se développent autour de Strasbourg.
Figure II.88 - Conflits au centre-ville
- Conflits entre la ville qui dort et la ville qui s'amuse le long des axes routiers
Le troisième type de conflit est un conflit entre la prostitution activité majoritairement
nocturne concentrée sur quelques axes de circulation et les résidents qui craignent pour
l'image du quartier et se plaignent des nuisances.
Figure IL 89 - Conflits le long des axes
Conflits entre la ville qui dort et la ville en banlieue
Les violences urbaines constituent un autre de ces conflits nocturnes qui touchent
particulièrement les quartiers périphériques au moment où l'encadrement social naturel a
disparu, c'est-à-dire à la nuit tombée entre 22 heures et 1 heure du matin.
-516-
-517-
Partie II - Un espace temps limité
Chapitre 4. UNE PRISE DE CONSCIENCE TARDIVE
Depuis quelques années, on assiste à une prise de conscience progressive de la
population et des pouvoirs publics en réaction aux tensions et problèmes qui émergent dans
la nuit strasbourgeoise.
4.1. ATTENTES FORTES DE LA POPULATION
La question des violences urbaines est sans doute l'une de celles pour laquelle
l'attente de la population est la plus forte. Les notes données par la population
strasbourgeoise -interrogée par les Dernières Nouvelles d'Alsace- aux propositions de la
table ronde contre les violences urbaines de Strasbourg sont instructives683. En tête arrivent
l'obligation pour les jeunes de participer à des travaux d'intérêt général, la multiplication
des structures d'encadrement dans les quartiers (note de 9/10) ; la réparation des dégâts
causés par les familles, la mise sous tutelle des allocations familiales, l'instauration d'un
couvre-feu à partir d'une certaine heure pour les jeunes enfants ; l'accompagnement à
domicile des mineurs traînant la nuit, l'implantation de maisons de l'emploi et de l'insertion
dans les quartiers (note de 8/10). Des mesures comme la suppression pure et simple des
allocations familiales, l'augmentation du nombre de gardiens de police ou de gardiens
d'immeubles dans les quartiers, voire les correspondants de nuit, paraissent moins
pertinentes aux personnes interrogées. On voudrait pourtant partager l'optimisme du
journaliste commentant les résultats du sondage : «Les violences urbaines n'engendrent ni
réactions extrémistes, ni bouffées xénophobes, contrairement à ce qu'on aurait pu craindre à
trois semaines seulement des événements ».
Il est pourtant étonnant de noter le durcissement des réponses proposées. La
banalisation des violences entraîne une banalisation des réponses. Deux ans auparavant, la
seule évocation de la mise en place d'un couvre-feu pour les adolescents à Washington
683
Dernières Nouvelles d'Alsace, 1er février 1998
-519-
suscitait des réactions d'étonnement et d'irritation684. Aujourd'hui, le couvre-feu proposé
par de nombreuses personnalités apparaît comme une solution crédible aux violences
urbaines. L'été dernier déjà, on avait vu se multiplier les arrêtés « couvre-feu » pour les
enfants dans plusieurs villes françaises.
L'évolution est inquiétante car le couple nuit-liberté est fragile. Le couvre-feu à
Alger est là pour nous rappeler que la première liberté supprimée en cas de crise est celle de
circuler la nuit. On note également que tout le poids des mesures proposées se porte sur la
famille. D'aucuns évoquent la suppression des allocations familiales aux familles dont les
parents sont délinquants, ou leur mise sous tutelle. A ce propos, on rejoindra l'analyse de
Monsieur H. BRIN, Président de l'Association Nationale des Allocations familiales qui
estime que ces mesures traduisent une méconnaissance totale tant de la « philosophie » des
allocations familiales que de la mise sous tutelle et déclaré : « Acceptons d'abord de
reconnaître que lorsque les conditions minimales d'existence ne sont pas assurées, la
famille, les parents et enfants réunis, ne peuvent que se mobiliser sur la satisfaction des
besoins élémentaires au détriment de toute préoccupation éducative et parfois même de
légalité ».
4.2. PREMIERES REPONSES
Face à ces pressions, l'Etat a surtout répondu sur certains aspects de son pouvoir
régalien : la sécurité.
4.2.1. Mesures prises par l'Etat
Création d'une brigade anti-criminalité
Créée en décembre 1992 pour répondre aux nouvelles formes de délinquance, la
Brigade anti-criminalité (BAC), compte 46 fonctionnaires répartis en deux groupes, l'un
travaillant tous les après-midi de 12h30 à 20 heures, l'autre lui succédant jusqu'à 3 heures
684
GWIAZDZINSKI L„ 1996, « Nocturnes urbains », Saisons d'Alsace n°131, pp. 90-96.
-520-
Partie II - Un espace temps limité
du matin. En fin de semaine ou les jours fériés, la nuit se prolonge jusqu'à 6 heures. Elle
compte cinq patrouilles qui effectuent plus de 150 kilomètres toutes les nuits685.
Prise en compte de la nuit dans le Contrat local de sécurité
Pour
la
première
fois, le Contrat
local
de Sécurité
de
l'agglomération
strasbourgeoise686 signé le 5 octobre 1998 par le Préfet de Région, le Procureur de la
République, le Maire de Strasbourg et Président de la Communauté Urbaine de Strasbourg,
le Président du Conseil Général, L'Inspecteur d'Académie du Bas-Rhin et Messieurs les
maires de Bischsheim, Hoenheim, Hlkirch-Graffenstaden, Lingolsheim,
Ostwald et
Schiltigheim, prend en compte la période nocturne.
Intensification et allongement des horaires de patrouille
Pour les forces de Police Nationale : «l'aménagement des modalités de l'îlotage par
l'allongement des horaires des patrouilles (au moins jusqu'à 19h30 en hiver et 21h00 le
reste de l'année». Pour les CRS : «l'action de proximité des agents de la 1/2 CRS en
sécurisation sera renforcée par des patrouilles à pied systématiques, en soirée ». Pour les
forces de gendarmerie : « une intensification des patrouilles, en deuxième partie de nuit, par
le peloton de surveillance et d'intervention de Strasbourg et la brigade territoriale de
Strasbourg-Ville ».
Eclairage des quartiers
Toujours dans le même contrat, l'accent est mis sur l'éclairage des quartiers : «Les
communes poursuivront leur action pour renforcer sensiblement l'éclairage au sein des
quartiers, notamment là où son absence contribue à l'insécurité. D'autre part, une politique
de sécurisation systématique des armoires de commande d'éclairage public va être engagée
afin d'éviter leur sabotage 687 ».
Charte de sécurité routière
En octobre 2000, une charte de sécurité routière a été signée entre le Préfet de
Région et le président du groupement des hôteliers restaurateurs du Bas-Rhin (1700
adhérents) afin de lutter contre la conduite en état d'ivresse à la sortie des boîtes de nuit. Elle
685
« Nuit tranquille à Strasbourg », Dernières Nouvelles d'Alsace, 17 août 1996 / « Une nuit de patrouille », l'Alsace, 15
octobre 1996.
686
Contrat de sécurité de l'agglomération strasbourgeoise, octobre 1998, 62 p.
m
Contrat de sécurité de l'agglomération strasbourgeoise, octobre 1998, p. 33.
-521-
vise à encourager les clients des discothèques qui conduisent un véhicule à ne pas
consommer d'alcool, à s'autotester avant de quitter les lieux et à ne prendre leur véhicule
que lorsque leur alcoolémie est négative.
4.2.2. Plan d'action des collectivités
Face à ces évolutions, les collectivités locales ont imaginé quelques «réponses
temporelles ». Les réponses des collectivités portent principalement sur la questions de
l'insécurité.
Création d'une brigade de l'environnement
Le 3 juin 1996 a été créée une Brigade de l'environnement au sein de la Police
Municipale et Rurale avec pour mission la surveillance des jardins familiaux, de la zone
piétonne, des parcs et des terrasses. Cette brigade qui circule à vélo occupe 13 personnes qui
travaillent en 3x8 contrairement à la PMR. Ils sont le plus souvent deux à travailler de nuit
de 21h00 à 5h00 l'été et de 20h00 à 4h00 l'hiver. Basée place Kleber, la brigade de
l'environnement intervient beaucoup sur les questions de respect des horaires de fermeture et
pour les problèmes de bruit notamment dans les quartiers où se concentrent les activités de
nuit : quartier Saint-Etienne, quartier Finkwiller et Krutenau.
Mise en place de « Correspondants de nuit » dans les quartiers
Des correspondants de nuit chargés de veiller à la tranquillité des habitants de la
Communauté Urbaine de Strasbourg, en particulier ceux des quartiers d'habitat social, ont
été mis en place en 199 8688. Ces équipes, composées de trois personnes, effectuent des
rondes toutes les nuits, entre 19h00 et lhOO du matin dans la semaine et jusqu'à 5 hOO le
week-end. Les correspondants de nuit ne se contenteront pas de faire de la présence. Ils
interviennent en cas de troubles -tapage nocturne, conflits de voisinage, squats, vandalismeou lorsque des groupes stationneront dans les cages d'escalier et les caves. Ils assurent une
médiation et un rôle d'information auprès des personnes en difficultés. Ils ne sont en aucun
cas des milices privées à la solde des bailleurs sociaux, à l'origine du projet. La phase
d'expérimentation qui s'est déroulée de février à septembre 1998 a concerné trois sites :
688
" Nouvelles mesures de prévention ", Dernières Nouvelles d'Alsace, 20 décembre 1997.
-522-
Partie II - Un espace temps limité
Hautepierre, Marais-Cité de l'Ill et quartier des Ecrivains. Le dispositif existe déjà à Rennes
et à Rouen. Au terme de l'évaluation -effectuée au printemps 1999- une extension
numérique et géographique a été réalisée. Aujourd'hui, le dispositif des correspondants de
nuit couvre un parc social d'environ 33 000 logements.
Création d'une cellule tranquillité publique à la CUS
Les événements de la nuit de la Saint Sylvestre 1997-1998, les réactions qu'elles ont
suscitées ont obligé les collectivités à réagir avec la mise en place de nombreuses initiatives
dont la mise en place d'une cellule Tranquillité publique à la Communauté Urbaine de
Strasbourg.
Mise en place d'opérations d'animation en soirée
En 1998, pour tenter de répondre aux violences du réveillon, la ville de Strasbourg a
imaginé l'organisation au Wacken d'un projet « Village global - Mix Max », « concept
festif qui propose aux jeunes de l'agglomération une programmation musicale de niveau
national du samedi 26 décembre au dimanche 2 janvier de 14h00 à 4h00 du matin ». Au
total sur la semaine, 18 000 personnes, dont 7 000 pour la seule nuit du raï, ont participé à
cette opération qui n'a pas rencontré le succès escompté et n'a en rien empêché les incendies
de véhicules (100 voitures brûlées), ou la casse d'abribus et de cabines téléphoniques
(respectivement 18 abribus et 11 cabines). Les années suivantes, ce sont les associations de
quartier qui ont imaginé des soirées et des animations dans les quartiers périphériques avec
des résultats très variables.
Pendant l'année, la décision d'ouverture plus tardive des gymnases permettant à
occuper les jeunes durant les créneaux horaires de soirée a remporté un large succès.
Mise en place de campagnes de sensibilisation contre le bruit
Le développement des campagnes de la ville de Strasbourg sur le thème de la lutte
contre le bruit -dont la dernière en date Chut...la nuit moins de bruit-, montrent l'importance
du problème avec une cristallisation des conflits entre résidents et noctambules à la sortie
des bars et sur les terrasses plus récemment, la campagne d'affichage Paix et respect initiée
avec le conseil des jeunes a abordé ce thème (Figure H.91 - Les campagnes
sensibilisation contre le bruit).
-523-
de
Nouvel arrêté municipal sur les nuisances sonores
Un nouvel arrêté municipal contre le bruit a été pris par le maire Roland Ries, le 9
juillet 1998. Il démarre par les arguments suivants : « Considérant qu'il convient de protéger
la santé et la tranquillité publique, Considérant que les bruits excessifs et abusifs portent
atteinte à la santé, à l'environnement et à la qualité de la vie ».
Nouvel arrêté municipal sur la prostitution
Afin de contrecarrer les nuisances liées à la présence de prostituées sur le quai des
Alpes, des mesures radicales ont été prises à travers un arrêté municipal d'août 2002 : « le
stationnement ainsi que l'arrêt des véhicules seront interdits sur les tronçons matérialisés des
quais Louis Pasteur, Fustel de Coulanges, du général Koenig, des Alpes et des Belges, des
deux côtés de ces voies, entre 20h00 et 6h00, afin de mettre fin d'une part aux nuisances
diverses par suite des arrêts intempestifs des véhicules résultant des activités contraires aux
bonnes mœurs et de garantir d'autre part la sûreté et les commodités de passage ».
4.2.3. Réponses des autres acteurs
La prise en compte des réponses temporelles ne concerne pas que l'Etat ou les
collectivités locales. D'autres acteurs de la société civile se mobilisent pour répondre aux
problèmes qui prennent une autre dimension la nuit : insécurité, prostitution, drogue, alcool
ou détresse des sans domicile fixe.
Animation et sécurisation des rues
On assiste depuis peu au « retour du veilleur de nuit » 689. Pour les fêtes de fin
d'année à l'initiative des commerçants du quartier historique, Strasbourg a renoué avec la
tradition du veilleur de nuit abandonnée depuis la révolution. Du XlVe à la fin du XVIIIe
siècle, il vérifiait que les indésirables avaient bien quitté la ville, il chassait les démons, il
mettait fin aux bagarres nocturnes. Avec son costume, sa hallebarde et sa lanterne, il arpente
les rues.
689
« Le retour du veilleur de nuit », Dernières Nouvelles d'Alsace, 19 décembre 1996
Partie II - Un espace temps limité
Fêtes
Depuis le réveillon du jour de l'an 1998-1999, de nombreuses associations ont
organisé des fêtes dans les quartiers de la ville de Strasbourg afin de proposer une alternative
aux violences urbaines et mobiliser les adultes pour qu'ils ne laissent pas la rue aux seuls
adolescents.
Sécurité routière
Depuis 1990, les bénévoles de l'Opération « Nez Rouge » mise sur pied par la Ligue
contre la violence routière étaient fidèles au poste : 33 équipiers et huit sédentaires se sont
mis toute la nuit à la disposition des automobilistes ayant forcé sur la bouteille. Six appels
seulement ont été enregistrés avant minuit. A 4 heures du matin, le nombre d'interventions
était inférieur à celui du 31 décembre 1996 à la même heure. 80 % des véhicules circulaient
après 3 heures. La moitié des véhicules étaient encore sur la brèche à 7 heures, la dernière
mission a eu lieu à 8h45. Au final, le nombre de sorties est quasiment identique à celui du 31
décembre 1995 : 78 missions ont permis de transporter 221 personnes.
Prévention contre la drogue
Chaque soir, le bus de Médecins du Monde est présent Place Blanche afin
d'accueillir les drogués, établir un dialogue avec eux. Toxicomanes et prostitués viennent y
échanger leurs seringues usagées, chercher des préservatifs ou tout simplement parler un
peu. Ce bus de la mission SIDA n'est pas là par hasard : coincé entre la gare et l'Hôtel
social, la place de la porte blanche est depuis des années un des centre névralgiques de la
nuit où se croisent à la nuit tombée une foule de gens que l'on n'a pas tous l'habitude de voir
le jour.
Solidarité avec les SDF
Depuis 1995, la Croix-Rouge du Bas-Rhin a mis en place un service SOS sans-abri.
Avec 3 véhicules, d'étape en étape, l'équipe de la Croix-rouge s'arrête aux endroits où
dorment les habitués avec pour objectif de leur apporter un brin de réconfort et de les guider
vers les structures d'accueil. On estime que 10 à 15 % des 400 à 800 SDF refusent ces
structures690. En 1997, où Strasbourg a connu 26 jours d'affilée sans dégel, avec des pointes
« S.O.S. sans-abri : un peu de soleil dans la nuit », Dernières Nouvelles d'Alsace, 29 décembre 1995
-527-
de -16°C, la Croix-Rouge a distribué 2300 plateaux repas, 900 litres de soupe et 1500
sandwichs aux malheureux restés dans la rue, la nuit.
Des réflexions qui s'engagent sur la nuit
Des réflexions s'engagent à différents niveaux sur ces questions et font l'objet de
séminaires et groupes de travail. Un des ateliers des « Rencontres Ville, vie et vacances691 »,
le 3 avril 1998 était consacré au thème « les territoires de la nuit : horaires et périodes
sensibles ». Autre exemple, le 10 juin 1998, un atelier de l'Université Hors les Murs
« Jeunes et Villes : question de territoires », organisé par le service Jeunesse et Education
Populaire de la Ville de Strasbourg avait pour thème « La ville, la nuit ».
691
"2e rencontres Ville, vie, vacances ", Mission d'appui, Vendredi 3 avril 1998, Centre Européen de la jeunesse,
Strasbourg
-528-
Partie II - Un espace temps limité
Conclusion
A partir de l'analyse globale d'un certain nombre de phénomènes économiques,
sociaux ou culturels, nous avions posé plusieurs hypothèses de travail en introduction
(Figure H. 92 - Des pressions sur la nuit urbaine) :
- La nuit est un espace-temps injustement oublié ;
- Il y a une vie dans nos cités après la tombée du jour ;
- On assiste à un glissement des activités vers la nuit et cette évolution entraîne des
tensions et des conflits qu'il faut chercher à éviter et à anticiper.
Ces hypothèses de travail semblent confirmées sur Strasbourg :
- La nuit a longtemps été oubliée par les pouvoirs publics comme par les
techniciens ;
- Aujourd'hui pourtant, une partie de la vie économique et sociale reste en éveil ;
- On assiste même à une conquête progressive de la nuit urbaine par l'activité
économique ;
- Depuis quelques années, les pressions se multiplient sur la nuit urbaine ;
- Des tensions et des conflits apparaissent entre la ville qui travaille, la ville qui
s'amuse et celle qui dort ;
- Les citoyens, l'Etat et les collectivités proposent un certain nombre de réponses qui
contribuent à accroître cette conquête de la nuit.
La nuit apparaît comme un « front pionnier temporel » dont les marges -surtout
celles du soir- sont grignotées par les activités venues du jour.
Ces premières hypothèses nous ont permis de mieux cerner les temps et les limites de
la nuit urbaine en identifiant deux moments principaux :
- Le cœur de la nuit entre lhOO et 4h30 du matin où tout vit au ralenti et où des
activités spécifiques se développent ;
- Les marges de la nuit urbaine cette période de non-jour où l'artificialisation
progressive autorise la poursuite ou le démarrage de certaines activités de jour.
-529-
A l'intérieur des rythmes de la ville, cette gigantesque pulsation, nous avons pu
repérer certains rythmes hebdomadaires, mensuels ou saisonniers propres à la nuit urbaine.
Nous avons commencé à identifier les acteurs, le peuple de la nuit, ces gens qui vivent un
peu à l'envers.
Ce travail de débroussaillage permet une première approche d'une nuit urbaine qui
ressemble un peu à un théâtre. Elle propose chaque soir une pièce éphémère avec son décor,
son éclairage, ses acteurs et ses histoires. La ville se met en scène : unité de temps et de lieu
imposée pour ce scénario non écrit. Reste encore à trouver le ou les metteurs en scènes
capables d'organiser le jeu des acteurs, éviter l'ennui, susciter l'intérêt et donner du sens.
-530-
Partie II - Un espace temps limité
Ces premières hypothèses de travail validées, les limites temporelles de la nuit
urbaine mieux appréhendées, nous pouvons maintenant nous attacher à travailler sur les
deux axes principaux de cette thèse :
- La nuit est-elle l'espace de liberté chanté par les poètes ?
- La nuit est-elle l'espace angoissant des mythes créateurs et le temps de la peur et de
l'insécurité ?
-531-
PARTIE III
UN SYSTEME SOUS CONTRAINTES
Partie III - Un système sous
contraintes
« Rien à signaler. Tous les Dôner Kebab sont fermés »
Extrait de main courante1
Introduction
En introduction, nous avions proposé d'explorer la ville nocturne à partir des deux
pôles contradictoires qui émergent généralement du discours sur la nuit : l'insécurité et la
liberté.
La liberté sera étudiée selon plusieurs axes qui devraient nous permettre d'identifier les
contraintes d'accès à la nuit urbaine en fonction du temps et de l'espace :
-
Analyse du discours médiatique sur la nuit qui conditionne en partie notre
perception2 de la nuit urbaine ;
-
Analyse de l'éclairage public et notamment les illuminations de bâtiments ;
Identification de l'offre urbaine de services ;
Analyse du système de transport qui permet de se déplacer dans la ville mais aussi
d'y accéder ou de la quitter.
L'insécurité sera appréhendée à partir d'informations sur la délinquance constatée, les
incivilités, les violences urbaines et l'insécurité routière.
Cette double approche du Strasbourg nocturne devrait nous permettre d'émettre des
conclusions sur le système urbain et d'avancer quelques propositions pour sa modélisation.
1
Brigade environnement de la Police Municipale et Rurale, 1997
POCOCK D. C. D,, 1978, « The cognition of intra-urban distance : a summary », The Scottisch geographical
pp. 3-15
2
- 535 -
magazine,
Partie III - Un système sous
contraintes
Chapitre 1. UNE LIBERTE ENCADREE
« Etre libre c'est faire ce que
l'on veut » rappelle André COMTE-SPONVILLEJ. Dans
ce cas, est-on vraiment libre dans la ville la nuit ? La liberté semble réduite par de nombreuses
contraintes :
Les manipulations médiatiques stigmatisent certains quartiers et en sur valorisent
d'autres ;
-
Les illuminations mettent en valeur les quartiers centraux et oublient les espaces
plus périphériques ;
-
La diminution, la spécialisation et la concentration de l'offre urbaine entraînent une
réduction des possibilités, c'est-à-dire une réduction des libertés ;
L'absence de transports en commun interdit l'accès de la ville et la circulation
interne à une partie de la population ;
Le coût d'accès prohibitif à certains services limite les possibilités d'accès à la nuit
urbaine au plus grand nombre ;
-
La sélection drastique à l'entrée des lieux de nuit interdit la pratique de la nuit à
une partie de la population.
1.1. UN ESPACE TEMPS MANIPULE PAR LA LUMIERE ET LES
MEDIAS
La lumière - directement - et les médias - indirectement - conditionnent largement la
perception que nous pouvons avoir de la ville la nuit et limitent directement ou indirectement
nos déplacements dans l'espace urbain.
Nos analyses4 du processus de déplacement ont montré que nous étions en présence
d'un mécanisme de prise de décision très complexe fortement conditionné par la cognition
spatiale. L'individu se déplace dans la ville comme s'il avait en lui une représentation
3
4
COMTE-SPONVILLE A., 1998, Pensées sur la liberté, Albin Michel, p. 7
GWIAZDZISNKI L, 1991, op.cit.
- 537 -
Partie III - Un système sous
contraintes
cognitive de cet espace. Des barrières apparaissent -qui limitent nos déplacements- nées de la
« relecture de la structure urbaine par un double processus : le déplacement et la cognition » .
(Figure III. 1 - Schéma logique d'apparition de barrières). Ce mécanisme nous oblige à bien
définir ces concepts de base de la recherche béhavioriste que sont la perception et la
cognition :
« La perception est une étape intermédiaire dans le processus hiérarchique de la
conscience sensorielle entre la sensation qui est la réponse initiale non organisée à
un stimulus et la cognition qui représente une conscience générale, un résumé de
tous les stimulis précédents, aucun d'eux n'ayant besoin d'être réellement
présent »5.
La cognition, « acte de connaître », ne nécessite pas d'être en présence des objets.
« Elle se rapporte aux moyens variés de connaissance qui interviennent entre les
impressions des sources extérieures dans le passé et le présent et la gamme
complète des réponses du comportement humain6 »
La perception est alors à la fois un sous-ensemble de la cognition et une fonction de la
n
cognition et « le comportement d'un individu est une réaction à sa représentation cognitive de
o
l'environnement ».
Ces barrières résultent d'une réinterprétation de certaines caractéristiques de l'espace
urbain directement perçues par les sens de l'individu ou provenant d'autres canaux
d'information (médias, relations interpersonnelles) en fonction de nos caractéristiques
personnelles et du but que nous cherchons à atteindre (Figure III.2 - Première esquisse d'un
schéma d'apparition des barrières).
5
P O C O C K D. C. D., 1978, op. citpp.31-5
CAUVIN C., 1984, Espaces cognitifs et transformations cartographiques. Les conditions de la comparaison des espaces
cognitifs : de la carte aux configurations. Exemples de l'espace strasbourgeois. Thèse de Doctorat d'Etat. Université de
Strasbourg, 303 p.
7
MOORE G. T. / COLLEDGE R. G., 1976, Environmental knowing, Dowden. Hutchinson and Ross. Inc. 345p.
8
BRIGGS, 1976, Méthodologies for the measurement of cognitive distance, In Moore and Golledge (ed) Environnmental
Knowing, pp. 325-334
6
- 538 -
Partie III - Un système sous
contraintes
1.1.1. Caricature médiatique
Les titres de quelques articles de journaux régionaux suffisent à exprimer les tensions,
conflits, représentations et peurs qui peuplent les nuits strasbourgeoises. Ils contribuent avec
d'autres informations à la construction de représentations mentales de la ville et de ses
quartiers qui vont influencer nos déplacements. Une géographie nocturne caricaturale émerge
à la lecture de la presse régionale. Les thèmes privilégiés dans ces différents articles donnent
une image contrastée des nuits strasbourgeoises très centrée sur les quartiers périphériques.
La ville qui brûle à la périphérie
Les espaces périphériques sont le théâtre de nuits de violences qui font les choux gras
de la presse régionale et nationale et contribuent à dresser des barrières entre ces quartiers et
le reste de la ville : « Nuit chaude au Neuhof »9, « Schiltigheim : la nuit chaude » 10 ou « La
nuit des casseurs »'1 .
9
Dernières Nouvelles d'Alsace, 25 juillet 1995
Dernières Nouvelles d'Alsace, 24 juin 1994
" Dernières Nouvelles d'Alsace, 3 janvier 1994.
10
j - 539 -
Partie III - Un système sous
contraintes
La ville illuminée qui s'amuse
Le centre-ville déjà mis en avant par de nombreux articles sur les illuminations de
19
bâtiments, est présenté comme le lieu d'animation - « ça bouge une ville la nuit
» ou
« extérieur nuit » sur la Krutenau - qui gêne les riverains : « Animation nocturne : halte au
bruit
Les nuits de la discorde "
; « Nuisances sonores : difficile de s'entendre »
. La
presse s'aventure parfois au-delà du centre-ville pour une incursion en périphérie dans le
« temple des nuits strasbourgeoises », Le Chalet à la Wantzenau pour tracer invariablement le
même portrait du maître des lieux J.C. HELMER : « Petit vendredi à Helmercity »16.
La ville qui travaille
Cette ville là est moins bien localisée. On la situe sur les routes et autoroutes pour les
chantiers de nuit : « Travaux de nuit sur l'autoroute17 » ou « A35 : Chantier de nuit(s)n »
pendant les nuits d'été par les équipes de la Direction départementale de l'Equipement ;
« Toilette de printemps » pour la voie ferrée du tramway entre 21h30 et 4h00 du matin ;
« manœuvres sous la lune » pour l'arrivée de la plate-forme du Pont du Heyritz de nuit sur le
Quai Pasteur19 ou l'installation des nouveaux escalators du magasin Magmod en juin 1999.
Plus loin sur les routes on suit les fermetures régulières des tunnels pour travaux la nuit
comme à Sainte-Marie-aux-Mines . Les autres articles sur le travail de nuit concernent
toujours la gestion des flux dans la ville, les transports, la logistique ou l'information qu'il
s'agisse « Du courrier à toute vitesse
91
» sur le fret aérien, des « travailleurs du crépuscule »
99
sur le marché gare, « des brigades du tri
part
» sur le centre de tri de la Poste ou du « monde à
» des stations essence, oasis des nuits urbaines ou « Les rotatives des DNA, dans
l'encre et le papier».
D'autres types d'articles presque géographiques concernent la
production avec le boulanger de « Croissants de lune24 » ou l'ouvrier de la société Alcatel
12
Dernières nouvelles d'Alsace, 25 janvier 1994
Dernières Nouvelles d'Alsace, 1993.
14
Dernières Nouvelles d'Alsace, 11 octobre 1992.
15
Dernières Nouvelles d'Alsace, 11 octobre 1992.
16
Dernières nouvelles d'Alsace, 22 août 2000
17
Dernières nouvelles d'Alsace, 30 juillet 1999
18
Dernières Nouvelles d'Alsace, 12 Août 1999
19
Dernières Nouvelles d'Alsace, 28 novembre 1998
20
Dernières nouvelles d'Alsace, 18 juin 2001
21
Dernières Nouvelles d'Alsace, 5 octobre 1997
22
Dernières Nouvelles d'Alsace, 1 ! juillet 2000
23
Dernières nouvelles d'Alsace, 1er août 2000
24
Dernières Nouvelles d'Alsace, 29 août 2000
13
- 540 -
Partie III - Un système sous
contraintes
« 34 heures et quelques autres mobiles25 ». Le dernier type d'image sur la ville qui travaille
26
porte sur la sécurité : société de sécurité « Un homme et un chien
tournée avec la brigade des mœurs
11
•
*
» ou Police nationale « En
».
Cette géographie nocturne médiatique ne suffit évidemment pas à contraindre nos
déplacements pour lesquels, la lumière joue un grand rôle.
1.1.2. Relecture par la lumière
« Je suis un luministe - si ce mot existait - c'est-à-dire un manipulateur de lumière, qui
manipule la lumière non seulement sur le plan physique, mais sur le plan de l'art de la
distribuer » signalait H. ALEKAN.28 Ainsi à travers la lumière, la nuit devient-elle
manipulation permanente. La lumière dessine de nouveaux chemins et crée des liens qui
structurent l'espace urbain, conditionnent les déplacements de femmes et d'hommes attirés
comme des papillons par « les lumières de la ville ».
1.1.2.1. Révélateur des contrastes
La lumière est aussi un formidable révélateur : le spectacle de la plaine, un soir, du
haut du Mont Sainte-Odile permet de prendre conscience du degré d'urbanisation de l'Alsace,
vaste métropole éclatée. Le survol de Strasbourg, la nuit, fait apparaître le plan de la ville,
l'autoroute, les grandes artères, la cathédrale, les zones commerciales et la place de la gare
avec les enseignes publicitaires des façades d'hôtels. Du ciel, la nuit, l'urbanisation de
l'Europe, le moindre peuplement de l'Afrique signalent la présence ou l'absence de l'homme.
En voiture, par la nationale, la métropole alsacienne s'annonce de très loin avec ce
halo de lumière caractéristique et la flèche lumineuse de sa Cathédrale. Déjà au début du
siècle, cette lueur signalait la ville au loin. C'est ce spectacle que décrit vers 1910, G. KERN 29
dans une envolée lyrique à la gloire de la lumière urbaine : « le voyageur qui la nuit
s'approche de notre ville, l'aperçoit de loin comme embrasée ou encore comme silhouettée
25
Dernières Nouvelles d'Alsace, 17 août 2000
Dernières Nouvelles d'Alsace, 11 juillet 2000
27
Dernières nouvelles d'Alsace, 19 août 1999
28
in « Strasbourg, 1 '111 Lumière », 1994, Charte de l'éclairage urbain, 68 p.
29
KERN G., 1909, Histoire de l'éclairage à Strasbourg depuis son origine jusqu 'à nos jours, Imprimerie alsacienne, 316p.
26
- 543 -
Partie III - Un système sous
contraintes
vigoureusement dans une aurore boréale qui, jaillissant de la grande cité, s'irradierait dans le
firmament. Ainsi après une longue période de ténèbres les lumières éclatent surabondantes en
dette de reconnaissance ; c'est l'antique offrande aux dieux ; c'est l'hommage du XIXe siècle
à l'infinité de lumière qui nous vient du ciel étoilé ». Si vous poursuivez votre route vers la
métropole, les lampes orangées de la voie rapide vous agressent. Comme autant de repères
posés sur la nuit urbaine apparaissent bientôt les enseignes rouges des brasseries et celle vert
pomme de la Maison du bâtiment.
A pied, le Strasbourg nocturne se dévoile par petites touches impressionnistes. Les
18 000 foyers de lumière dessinent des sentiers lumineux. La ville baigne dans une
atmosphère quelque peu irréelle où le jaune orangé domine. La lumière est rarement uniforme
mais compose un patchwork d'ombres et de taches lumineuses. Seules les enseignes
publicitaires, éléments essentiels de l'animation nocturne, ajoutent quelques touches de rouge
et de vert. Les cinémas s'imposent : la façade du Vox, majestueuse, dessine dans la nuit une
imposante figure de proue. Après 23h, la plupart des vitrines sont déjà éteintes.
La nuit, le labyrinthe urbain se transforme et se recompose. Une autre ville apparaît
sous nos yeux, un décor, de nouveaux acteurs : Strasbourg se met en scène ou plutôt est mis
en scène par les pouvoirs politiques et économiques.
1.1.2.2. Survalorisation lumineuse du centre-ville
La lumière rend lisibles certaines ambitions ou préoccupations : si l'éclairage des
résidents est le même dans tous les quartiers de Strasbourg, les lieux d'animation (secteurs
commerciaux) ou les secteurs dangereux (intersections, passages piétons) bénéficient d'un
traitement de faveur. Il suffit de traverser Strasbourg pour voir que l'éclairage des quartiers
périphériques -à la charge des bailleurs sociaux- n'a pas la qualité ni la puissance de
l'éclairage du centre de la ville.
Les déséquilibres sont bien plus flagrants en termes d'illuminations de bâtiments.
L'éclairage spécifique des berges de 1' 111 ou de certains monuments pendant la saison
touristique, (1er juin à fin septembre) relève du même principe de valorisation du patrimoine
historique central. Au total ,161 sites et édifices sont illuminés à 97 % au centre-ville et le
30
Données CUS, 1998
- 544 -
Partie III - Un système sous
contraintes
long du parcours des bateaux-mouches vers le quartier européen : 40 parcs, 12 monuments, 28
ponts, passerelles et écluses, 39 immeubles privés, 15 églises, 2 musées et une centaine (106)
de bâtiments et édifices dessinent une géographie centrale et patrimoniale de la ville.
(Figure III.3 - Lumière)
En négatif, la lumière révèle aussi quelques lieux sombres, comme oubliés (Figure
III.4 - Lumières - Lieux éclairés) dont les quartiers périphériques. En été surtout (Figure III.5
- Distance au centre), les illuminations sont situées en très grande majorité dans un rayon de
moins d'un kilomètre autour de la cathédrale. Hormis le Palais Universitaire, les Universités
strasbourgeoises, formidables lieux de culture en journée, ne sont encore guère mises en
valeur. Il y a peu encore, même les institutions européennes paraissent un peu ternes, à
l'image de bien des édifices modernes. Les parcs, les jardins peu éclairés sont autant de lieux
oubliés et « sombrières31 ».
1.1.2.3. Le sommet de Noël
C'est à Noël sans doute que le contraste entre le centre touristique et le reste de la cité
est le plus saisissant. Les quartiers centraux et commerçants de Strasbourg déjà largement
illuminés, s'habillent de lumières pour l'opération «Strasbourg, capitale de Noël » (Figure
III.6 - Illumination de Noël), alors que les boutiques du marché contribuent à l'animation tant
commerciale que lumineuse. (Figure 111,7 - Illuminations de Noël, cartographie.
Par contraste, les quartiers sont bien moins éclairés et les illuminations qui y sont installées
n'ont évidemment pas la même qualité, ni la même puissance. On peut cependant noter en
termes de nombre de lieux éclairés spécifiquement (guirlandes, sapins) que la répartition
s'équilibre avec des efforts sur la périphérie (à deux kilomètres du centre sur les pôles du
Neudorf, Neuhof de Hautepierre ou de la Robertsau). (Figure III. 8 - Le
paradoxe
strasbourgeois). Ces efforts sont imputables au dynamisme des commerçants partenaires de la
municipalité pour l'opération. Quand les associations de commerçants ne prennent pas
l'initiative, comme en 1998 pour la Petite France, les « quartiers broient du noir32 ».
31
32
Belle expression de M. SERRES, op.Cit
« La Petite France broie du noir », Dernières Nouvelles d'Alsace, 10 décembre 1998
- 545 -
Partie III - Un système sous
contraintes
1.1.2.4. L'image de carte postale
Les cartes postales de nuit qui se vendent mieux ou les guides touristiques
reproduisent de façon exacerbée l'image caricaturale d'une ville limitée à son ellipse
insulaire, sorte de « Dysneyland » historique. Les cartes postales les plus vendues sont la
Cathédrale, la Petite France, la Place Kléber et la Maison Kammerzel. Le quai des pêcheurs et
l'Escale, le Château des Rohan et les bâtiments du quartier européen se vendent assez peu
alors que de nouvelles vedettes apparaissent comme le marché de Noël de nuit ou le tramway
de nuit. Par contre, aucun quartier périphérique, aucun bâtiment extérieur au centre-ville et au
quartier européen n'apparaît dans ce Strasbourg nocturne de carte postale, espace imposé pour
touriste et résidents. (Figure III.9 - Cartes postales de nuit les plus vendues)
Conclusion
Les médias et la lumière dressent une carte de la nuit caricaturale et contrastée. La
« ville des médias », la « ville des cartes postales » et la « ville des lumières » construisent un
« espace des représentations » contrasté avec un centre éclairé et « muséifïé » très attirant et
une périphérie oubliée et à éviter (Figure III. 10 - Espace des représentations). La curiosité et
la lumière attirent l'oiseau de nuit au centre et l'éloignent tout naturellement des périphéries
dangereuses.
La réduction temporelle et spatiale de l'offre urbaine ne fait que renforcer ce phénomène.
- 546 -
Partie III - Un système sous
contraintes
1.2. UNE OFFRE URBAINE REDUITE DANS LE TEMPS
Les nuits de la capitale régionale ne pourront jamais être comparées à celles de NewYork, Paris ou Bruxelles. La nuit ressemble encore un peu à un dimanche de semaine, la
lumière en moins mais on ne peut plus vraiment dire que Strasbourg baille night
: la
métropole vit un peu la nuit, surtout en fin de semaine.
Pour celui qui souhaite profiter de la ville la nuit, l'offre urbaine reste réduite dans le
temps, s'amenuise et se spécialise au fur et à mesure de l'avancement de la nuit. Certains
services sont assurés, d'autres pas du tout. La nuit, l'offre urbaine est amputée d'une partie de
ses fonctions traditionnelles. (Figure III. 11 - Système d'offre urbaine amputée)
1.2.1. Distractions spécialisées assurées
La soirée et la nuit sont les moments privilégiés des distractions dans les lieux
spécialisés ouverts presque exclusivement à ces moments là : bars, bars à hôtesses,
discothèques. C'est aussi le temps du cinéma, des spectacles, de la fête à l'extérieur, chez soi
ou chez des amis. Ces spectacles, bars ou restaurants, fonctionnent pendant les premières
heures de la nuit. (Figure III. 12 - Quelques lieux de nuit) Au total, le noctambule trouvera
encore une centaine d'établissements avant lh30 mais moins de 75 entre lh30 et 4 heures.
1.2.1.1. Lieux de rencontre ouverts
C'est en soirée vers 21h00 que l'on trouve le plus grand nombre de bars ouverts :
95 % le sont jusqu'à lh30 et une quarantaine jusqu'à 4 h 00 du matin. Les cafés ne sont plus
que 60 % après lh30 du matin. (Figure 111.13 - Lieux de loisirs et distractions ouverts et
Figure III. 14 - Lieux en taux internes)
33
Le Petit Futé Strasbourg, 1995, Nouvelle Editions de l'université, 394 p.
- 563 -
Partie III - Un système sous
contraintes
Figure III. 13 - Lieux de loisirs et distractions ouverts (%)
18/19 19/20
Bars
82,61 88,41
100,00 90,00
Cafés
Bars
à
hôtesses
87,50 87,50
Discothèques 18,18 18,18
Terrasses
100,00 100,00
6,90 13,79
Prostituées
Sources : Relevés personnels,
20/21 21/22 22/23
95,65 100,00 97,10
100,00 90,00 90,00
87,50
18,18
100,00
31,03
1998
100,00
27,27
100,00
34,48
23/24
0/1
1/2
2/3 3/4 4/5 5/6 6/7 7/8
97,10 95,65 89,86 63,77 55,07 2,90 2,90 4,35 13,04
80,00 80,00 60,00 30,00 30,00 0,00 0,00 0,00 40,00
100,00
90,91
100,00
41,38
100,00
100,00
100,00
100,00
100,00
100,00
11,43
37,93
100,00
90,91
11,43
17,24
62,50
90,91
0,00
20,69
50,00
81,82
0,00
10,34
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
0,00
12,50
0,00
0,00
0,00
Les bars à hôtesses sont moins d'une dizaine à Strasbourg avec une activité centrée sur
la période 21h00 - 2h00 du matin même si quatre établissements ferment vers 4h00. La
plupart de ces établissements ne sont pas des « bordels34 » et contrairement à la légende, les
fonctionnaires européens les fréquentent peu, préférant la discrétion des salons de massage
allemands. 90 % des discothèques strasbourgeoises ouvrent leurs portes vers 22h00 pour
fermer vers 4h00.
Sur les trottoirs de la ville, c'est surtout la nuit que « les dames » oeuvrent : 70 % des
prostituées travaillent entre 20 heures et 3-4 heures du matin avec un pic vers minuit. Les
autres travaillent le jour c'est-à-dire entre 10 heures et 24 hOO. Ces dames travailleraient entre
q c
cinq et dix heures par jour avec des passes de cinq à sept minutes
en moyenne. Les bonnes
nuits, elles peuvent aligner jusqu'à 12 clients. Avec un prix des passes de 200 à 500 francs,
une fille peut gagner près de 100 000 francs par mois. En soirée, les clients appartiennent à
toutes les couches de la population. Certains sont des habitués qui reviennent fidèlement une
fois par mois, une fois par quinzaine voire même par semaine. L'après-midi, il y a souvent le
livreur, l'ouvrier qui quitte son chantier, le médecin ou l'avocat.
A Strasbourg, les sex-shops sont étrangement fermés après 21h00 alors que dans la
plupart des grandes villes de France, cette activité fait ses plus gros chiffres d'affaires en
soirée.
34
35
Enquête auprès de la Police des mœurs et des chauffeurs de taxi « nuiteux »
Enquête auprès du Nid, association d'aide aux prostituées
- 564 -
Partie III - Un système sous contraintes
1.2.1.2. Spectacles et divertissements privilégiés
On recense plus de 1209 spectacles officiels36 dans la capitale européenne sur une
année dont 98 % après 20h30 et en majorité pendant la belle saison : 354 représentations
théâtrales, 348 concerts, 170 représentations et spectacles « son et lumière », 88 expositions,
73 représentations théâtrales, 57 représentations de cafés-théâtre, 30 conférences, 23
spectacles de danse, 20 représentations d'opéra, 5 spectacles de cabaret, 20 spectacles de rue,
5 récitals de musique, 2 lectures de poésie, un feu d'artifice etc. (Figure III. 15 - Lieux de
culture).
Une vingtaine de lieux permettent de dresser une première géographie du spectacle qui
ne préjuge en rien du niveau et de la qualité des prestations : Le Théâtre National de
Strasbourg (114), La Choucrouterie (83), la Cathédrale (95), le Théâtre du jeune Public (77),
La laiterie (73), Le Kafteur (68), le Palais de la Musique et des Congrès (60), Le piano bar,
rue des tonneliers (53), l'Université Louis Pasteur (30), l'Université Marc Bloch (20), Le
Maillon (28), Le Pavillon Joséphine (28), Pôle sud (28) l'Aubette (28), le square Louise Weiss
(23), Les églises (22), L'Opéra du Rhin (19), le Wacken (15), le centre socio-culturel du
Fossé des Treize (14), le CREPS (12), le Musée d'Art Moderne (3), l'Odyssée (2), le FEC
(17), Le Hall des chars (20), le Rhénus (6), le Palais des fêtes (3), le Palais des Rohans (2),
l'Auditorium de France 3, l'UGC (6) et même quelques spectacles itinérants (14) etc.
Les fêtes sont nombreuses dans la nuit urbaine d'une ville étudiante. Encore faut-il
connaître les codes, les réseaux pour accéder à ces lieux privés. Depuis quelques années se
multiplient les raves et rassemblements technos dont le lieu reste secret jusqu'au dernier
moment.
1.2.2. Protection et sécurité assurées
Si la justice et les politiques dorment, la sécurité est assurée. Elle fait partie des
domaines bien couverts la nuit même si les lieux sont parfois fermés (bureaux de Police) et les
effectifs très réduits. (Figure 111.16 - Lieux, effectifs). La sécurité et la santé font partie de
cette « ville de garde » qui veille quand l'autre dort.
36
Au sens de leur inscription dans les brochures officielles de la Municipalité et de l'office de tourisme
-571 -
Partie III - Un système sous contraintes
Pompiers en continu
Les quatre casernes professionnelles de la CUS restent ouvertes 24h/24 avec 350
pompiers dont 90 de garde 24h/24 : 27 de garde par jour Caserne Ouest ; 17 de garde par jour
Caserne Nord; 17 de garde par jour Caserne Sud; 15 de garde par jour caserne quai
Finkwiller ; 4 de garde par jour au centre de traitement d'alerte ; 4 officiers d'Etat-Major (1
capitaine, 1 colonel, 1 commandant, 1 officier de place).
Police Nationale en repli
Sur les 14 bureaux de Police, seul le commissariat central reste ouvert entre 19h00 et
8h00 du matin. Alors qu'en plein jour, la Direction départementale de la sécurité annonce un
effectif de 896 personnes à Strasbourg , la nuit, les effectifs tombent à 72 personnes : 60 sur
le terrain (45 fonctionnaires en patrouille (21h-006h00) et 15 fonctionnaires en renfort
(18h30-2h30) ; 12 dans les locaux à la permanence judiciaire (6 fonctionnaires, Officiers de
Police judiciaire(21h00-6h00) et 6 fonctionnaires en salle de commandement (21h00-6h00).
A ces effectifs peuvent s'ajouter le renfort d'Officiers de Police Judiciaire (le cas échéant)
rappelés pour des affaires judiciaires importantes et d'environ 20 CRS -selon les « saisons- en
sécurisation dans certains « quartiers sensibles ».
Police municipale et rurale en veille
Principalement chargée de la prévention et de la dissuasion, la Police Municipale et
Rurale fait également respecter et exécuter les arrêtés municipaux. Ses missions sont
accomplies conformément au Code des communes et au Code de procédure pénale, de jour
comme de nuit, pour assurer la sécurité des personnes et des biens ainsi que la police
administrative. Le jour, les effectifs s'élèvent à 100 fonctionnaires ( + 1 6 Contrats Emploi
Solidarité pour les sorties d'écoles) répartis en quatre brigades décentralisées : Nord / Ouest
/Sud /Centre. La nuit, c'est-à-dire entre 20h00 et 4h00, les effectifs se réduisent à 12
personnes soit 3 à 4 patrouilles dehors de 2 à 3 personnes et 2 agents au Centre administratif
pour répondre aux appels. Les bureaux dans les quartiers sont fermés.
Gendarmes et militaires mobilisables
Strasbourg ne fait pas partie de la zone d'intervention de la gendarmerie. Leur local est
cependant ouvert en journée et 24h/24, des permanents veillent au central téléphonique et
37
Information transmise oralement par le secrétaire général de la Préfecture, 1998
- 572 -
Partie III - Un système sous contraintes
récupèrent les appels de l'ensemble du département. Les autres militaires sont eux
mobilisables 24h/24 pour assurer la sécurité du territoire. Il nous a par contre été impossible
d'obtenir plus d'informations à leur sujet.
Sécurité privée en action
On recense 8 sociétés de sécurité privée à Strasbourg de tailles diverses avec leurs
agents qui sillonnent la ville, effectivement la tournée des sites sous alarme, intervenant sur
les lieux d'alerte ou guettant derrière leurs écrans. Leur activité se décompose en 5
domaines principaux : protection électronique, alarme, télésurveillance et interventions sur
alarmes, surveillance par agents, surveillance par rondes et formation. Six de ces sociétés sont
en éveil la nuit c'est-à-dire entre 6 heures et 8h00 le matin. Il est très difficile d'évaluer le
nombre de personnes travaillant dans la sécurité privée compte tenu des temps partiels, et de
l'intérim. En fonction des effectifs affichés par certaines sociétés, -plus de 200 salariés- on
peut cependant estimer leur nombre à 600 environ dont une bonne moitié la nuit.
A l'Elsau, la prison reste ouverte la nuit même si ce n'est pas le moment d'accueil
privilégié. Rien à voir avec les hôpitaux qui continuent à assurer un service minimum de nuit.
1.2.3. Services de santé garantis
La santé fait partie des services assurés en permanence dans les hôpitaux, les cliniques
ou par les médecins de garde (Figure III. 17 - Santé, effectifs).
Hôpitaux ouverts
Les trois hôpitaux restent ouverts la nuit mais certains services arrêtent leur activité.
Les dix cliniques strasbourgeoises restent accessibles en permanence même si une grande
partie des activités est en sommeil.
Médecins de garde
Trois ou quatre cabinets de médecins sont de garde la nuit, en l'absence des médecins
traitants. Les médecins de garde se tiennent à la disposition des patients, par secteur comme
ce jour de juin 1998 :
-577-
Partie III - Un système sous contraintes
- Centre-ville : 1 médecin du matin 8 h au lendemain matin 8 h ;
- Neudorf, Neuhof, Meinau : 1 médecin du soir 20 h jusqu'au lendemain 8 h ;
- Robertsau : 1 médecin ;
- Lingolsheim, Ostwald, Elsau, Montagne-Verte, Holtzheim : 1 médecin.
A ces médecins de garde, il faut ajouter la structure SOS médecins et les permanents à
l'hôpital. Au total, on compte 7 médecins vraiment disponibles contre 366 en journée. Entre
18h00 et 20h00, on ne compte plus que deux ambulanciers contre une douzaine en journée. Il
y a toujours une pharmacie de garde entre 22h00 et 8h00 le matin contre 88 établissements
ouverts en journée.
SAMU mobilisé
L'antenne du SAMU compte trois ambulances et trois équipes de réanimation. Souvent, la
consultation se résume à l'envoi d'un médecin de garde, ou même à un conseil téléphonique
pour les appels les plus bénins. Cependant, certains cas nécessitent une intervention lourde.
Ainsi les équipes de réanimation du SAMU font-elles 30 sorties par nuit, notamment pour les
accidents de la circulation ou des défenestrations volontaires ou pas. Crises d'angoisse et
problèmes cardiaques sont également nombreux. La circulation fluide permet aux secours
d'être sur place en moins de 8 minutes, parfois en trois. Malgré tout, 5 à 6 % des interventions
connaissent une issue fatale.
Alors que « la ville de garde » est mobilisée, l'offre culturelle semble plus restreinte.
1.2.4. Offre culturelle limitée
Si les théâtres et le cinéma donnent l'illusion d'une offre culturelle de soirée
importante, la réalité est plus contrastée :
Musées, bibliothèques et équipements culturels
Les musées ferment tous à 18h00 à l'exception du Musée d'Art moderne qui arrête
une heure plus tard le week-end comme en semaine (Figure III. 18 - Principaux équipements
culturels).
Les bibliothèques s'arrêtent en majorité à 18h00. Seule la bibliothèque
universitaire ferme à 22 heures alors que beaucoup de ses homologues américaines restent
- 578 -
Partie III - Un système sous
contraintes
ouvertes toute la nuit. Les théâtres, l'opéra, les cafés concert et les salles de spectacles sont
ouverts en soirée jusqu'en début de nuit. A 3h00, toutes les salles de spectacle sont fermées.
La plupart des représentations et des spectacles démarrent vers 20h30. A lhOO grand
maximum, les spectacles sont terminés et la nuit est bien calme.
Cinémas : les moteurs de la nuit urbaine
Les séances de cinéma sont centrées sur la soirée où l'offre est la plus large : jusqu'à
28 séances entre 22h00 et 23h00 en semaine et 30 le week-end. Enl998, 7 salles de cinéma
donnaient de la vie au centre ville (Figure III. 19 - Séances de cinéma). Depuis, plusieurs
salles ont fermé pour laisser place au Multiplexe le plus grand d'Europe vidant le centre-ville
d'une partie de son animation contre l'avis de nombreux strasbourgeois.
j - 579 -
Partie III - Un système sous
contraintes
Figure III. 19 - Séances de Cinéma (du 11 au 17 février)
Pathé
0-lh
9-1 Oh
10-1 Ih
1 l-12h
12-13h
13-14h
14-15h
15-16h
L'Etoile
Pathé-Vox Le Star UGC
Melies
Total
(+5)
2
3
1
4
3
2
2
3
2
2
2
3
1
3
3
3
3
2
2
2
2
2
2
3
1
3
4
16-17h
17-18h
1
18-19h
3
19-20h
1
20-21 h
3
21-22h
1
22-23h
4
23-24h
TOTAL
Sources : Cinémas strasbourgeois,
2
3
4
2
3
2
4
5
3
3
1
3
4
2
3
2
3
2
2
3
2
4
4
2
1
4
1
1
3
3
2(+l)
(+1)
12 (+3)
1(+1)
10 (+4)
6 (+2)
4(+l)
6 (+3)
6(+l)
6 (+2)
8 (+3)
5 (+2)
6 (+2)
5 (+2)
10 (+1)
12 (+1)
12 (+3)
18 (+1)
23 (+4)
15 (+2)
19 (+1)
20 (+3)
20 (+1)
15 (+2)
27 (+3)
12 (+2)
28 (+2)
5 (+2)
1998
N.B. : (+1) séances supplémentaires du week-end
Les 6 galeries d'art ferment entre 18hOO et 19h00 même si c'est à cette heure là
précisément qu'ont lieu la plupart des vernissages.
-580 -
Partie III - Un système sous contraintes
1.2.5. Offre sportive et socio-éducative limitée
Si l'offre sportive s'est un peu élargie en soirée, elle reste quasi inexistante la nuit tout
comme l'offre socio-culturelle :
Sport de soirée
De nombreux terrains de sports libres ont été mis en place dans les quartiers
permettant une pratique plus tardive (Figure 111.20 - Horaires d'ouverture de quelques salles
de gymnastique). La plupart des gymnases et salles de sport s'éteignent aujourd'hui vers
22h00 voire 22h30. Les piscines ferment à 19h00 ou 20h00 mais les nocturnes ont beaucoup
de succès comme à la patinoire où on glisse jusqu'à 23 heures. Les salles de gymnastique
privées se sont adaptées à la demande et ferment désormais leurs portes après 21h00.
Certaines comme La cour de Honau ont même des horaires plus tardifs mais aucune ne
fonctionne la nuit. A la salle d'escalade, on peut grimper jusqu'à 22h00.
Figure 111.20 - Horaires d'ouverture de quelques salles de gymnastique
Salles
nom
Salle de gym
Salle de gym
Salle de gym
Salle de gym
Salle de gym
Salle de gym
Salle de gym
ouverture
fermeture
9h00
9h30
9h00
9h00
9h00
9h00
9h00
21h00
21h30
21h00
22h00
23h00
21h30
21h30
Espace gym
L'eau vive
Espace loisirs
Carré brun
La cour de Honau
Odyssée
Odyssée
Sources : Relevés personnels,
1998
Centres socio-culturels fermés
La plupart des centres socio-culturels sont fermés après 19h00 heures. Seuls cinq
d'entre eux restent ouverts une heure de plus et à 23h00 tous sont fermés alors que les jeunes
désoeuvrés restent dans la rue.
1.2.6. Offre commerciale très réduite
A Strasbourg, les commerces ouverts toute la nuit se résument encore aux rayons des
stations service.
- 583 -
Partie III - Un système sous contraintes
Commerces alimentaires fermés
A partir de 22h00, tous les commerces alimentaires sont fermés. Ce sont les
poissonneries et les magasins de produits surgelés qui ferment le plus tôt. Les hypermarchés
et les bureaux de tabac éteignent en dernier. Cette « nuit de l'alimentation » s'étend jusqu'à
4h00 avec l'ouverture des premières boulangeries. Il ne reste plus alors que les rayons des
stations-service pour le noctambule affamé (Figure 111.21 - Commerces
alimentaires,
effectifs).
Commerces vestimentaires fermés
La plupart des commerces vestimentaires ferment à 19 heures ou 20 heures au CentreHalles. Difficile de s'habiller ou de se faire tailler un costume après 20h00. Même constat
pour les fleuristes dont une majorité a déjà fermé à 18h00. Les amoureux transis pourront
toujours se rendre à Schiltigheim où un distributeur automatique de fleurs permet de parer
« au plus pressé ».
Beauté en attente
Si certains coiffeurs organisent des nocturnes les soirs de pleine lune, la plupart de
leurs confrères terminent leurs activités avant 20h00. Il est presque impossible de se faire une
beauté la nuit car les instituts ferment leurs portes vers 19h00.
1.2.7. Offre de restauration limitée
Il est bien difficile de se sustenter dans la nuit strasbourgeoise et il faut bien avouer
que l'offre n'est pas très large :
Restaurants traditionnels couche-tôt
A peine une demi-douzaine de restaurants permettent de grignoter quelque chose
pendant la nuit contre 520 encore vers 19h00. Trois d'entre eux étaient incontournables en
1997 : « Le noctambule », rue de la petite rue de la Course, ouvert de 19h jusqu'à l'aube ;
« L'oignon » rue des moulins, ouvert de 23 h à 8h du matin et « Le Jardin du Hilton »,
Avenue Herrenschmidt, ouvert de 6h à 4 h du matin. Depuis, le plus atypique des trois
« l'Oignon » a fermé, remplacé par un « mauricien ».
- 584 -
Partie III - Un système sous contraintes
Insolents Dôner Kebabs
Les restaurants rapides sont ouverts assez tard en soirée mais ce sont les Dôner
Kebabs,
qui, en bravant les interdictions, contribuent à animer les débuts de nuit
strasbourgeois. Depuis la fin des années 80, ces points de vente sont devenus des lieux
d'animation souvent ouverts après lhOO. Pour la Police Municipale, ils sont presque devenus
des bio-indicateurs de l'intensité de la vie nocturne « rien à signaler », tous les Kebabs sont
fermés » peut-on régulièrement lire dans les compte-rendus horaires de tournées de la Brigade
environnement de la Police Municipale et Rurale.
Gourmands privés de pâtisseries et de glaces
C'est une mauvaise nouvelle pour les gourmands : aucune des 20 pâtisseries, des 15
glaciers et des 20 salons de thé de Strasbourg n'est ouvert après lhOO. Ils devront attendre le
petit matin et l'ouverture des premières boulangeries.
D'autres nourritures plus spirituelles devront se faire hors cadre.
1.2.8. Culte impossible
Si la nuit incite à la méditation, il est impossible de prier ou de se ressourcer dans un
lieu de culte ou près de la demeure de ses ancêtres.
Eglise, temple, mosquée fermés
Il y a longtemps déjà que les églises ne restent plus ouvertes la nuit. La plupart des
églises ne sont accessibles qu'aux heures de cultes entre 19h00 et 20h00. Les temples et les
mosquées ont des heures d'ouverture très variables alors que les synagogues sont ouvertes
jusqu'à 21h00.
Cimetière interdit
Autres lieux de culte, les cimetières sont fermés pendant la nuit. Les deux derniers
cimetières ferment à 21 heures pour que nos morts reposent en paix.
- 585 -
Partie III - Un système sous contraintes
1.2.9. Offre éducative en sommeil
La nuit, temps du repos pour ces chères têtes blondes, l'offre éducative est en sommeil.
Plus on avance dans les études, plus les cours sont tardifs sans parler des devoirs, des travaux
de recherches ou des « planches » à préparer jusque tard dans la nuit.
Nuit interdite aux enfants
La plupart des 32 crèches recensées s'arrêtent à 19h00. Seules deux d'entre elles
poussent jusqu'à 20h00 et une seule jusqu'à 21h00. Les maternelles et écoles élémentaires
s'arrêtent à 17h00 précises. Aucun des 15 collèges publics ne reste ouvert après 18h00 et
aucun lycée public après 19h00.
Début de soirée studieux pour les étudiants
Dans les grandes écoles, la majorité des cours sont terminés après 20h00. Les horaires
universitaires sont variables mais après 20 heures, il n'y a plus guère de cours, excepté parfois
une conférence. Bonne nouvelle pour les étudiants noctambules. Le Centre National
d'Enseignement à Distance et TV5 viennent de mettre en place une Université de nuit avec
des émissions de 120 minutes environ qui ont une double mission : permettre à un large
public d'accéder à une information scientifique de haut niveau ; proposer un complément de
formation pour les étudiants en 3ème cycle de l'Université. A terme, l'ensemble de la
formation universitaire à destination des étudiants et chercheurs devrait être proposé aux
étudiants noctambules et aux autres.
1.2.10. Services publics et administratifs absents
La nuit, l'administration est en sommeil. Si les services de santé ou de sécurité
veillent, les autres services publics et administrations ouvertes au public sont fermées.
La nuit commence tôt dans l'administration. Les premiers services à éteindre leurs
lumières vers 16h00 sont la Préfecture, les ASSEDIC et la Caisse d'allocations familiales.
Deuxième vague vers 17h00 avec l'ANPE, le Trésor public et la Mairie. Les autres services
- 586 -
Partie III - Un système sous contraintes
comme les Tribunaux, le gaz, les impôts, mais aussi un certain nombre de bureaux de poste et
de services publics éteignent à 18h00. A 19h00, c'est le couvre-feu : la nuit administrative est
totale.
A la mairie un débat du Conseil communal ou du Conseil de Communauté se prolonge
parfois jusque dans la nuit, mais c'est très rare contrairement à ce qui se passe à Paris par
exemple. La nuit, le personnel politique, quand il n'est pas en campagne, dort. Un adjoint est
toujours d'astreinte au cas où...
1.2.11. Les premiers éléments d'une ville en continu
A côté de certains services de santé et de sécurité, on voit peu à peu s'esquisser une
ville à la carte accessible 24h/24 et 7j/7 et largement automatisée pour éviter les surcoûts. La
traditionnelle « ville de garde » se double aujourd'hui d'activités et de services autrefois
diurnes dans la rue, sur les ondes, au téléphone ou sur Internet.
1.2.11.1. Services et industrie en continu temporel
Certains services et de nombreuses industries fonctionnent en continu répondant aux
nouveaux besoins des consommateurs et de l'économie (Figure 111.22 -Animation
industrie).
Logement possible
La plupart des hôtels strasbourgeois sont ouverts 24h sur 24. 60 d'entre eux ont un
gardien de nuit et les autres disposent d'un portier électronique. Seuls quelques uns ferment
leurs portes. Parallèlement, l'hébergement d'urgence fonctionne de jour comme de nuit avec 5
structures ouvertes entre 22h00 et 8h00 du matin alors que les autres n'acceptent plus
personne après 22h00.
Musique et information en continu
En 1998, la plupart des radios installées à Strasbourg émettaient déjà 24h/24 depuis le
début des années 80 et certaines comme Europe 2, Nostalgie et Arc-en-ciel avaient même des
salariés de nuit. A la télévision France 3 et Arte arrêtaient leurs émissions vers 2h00 et 3h00
(Figure 111.23 - Heures de diffusion des médias installés à Strasbourg).
- 589 -
Partie III - Un système sous
contraintes
Figure 111.23 - Heures de diffusion des médias installés à Strasbourg
Fréquence
Diffusion
Effectif Nuit
Accent 4
96,6 FM
24h/24
-
Date du
24h/24h
1986
Europe 2
89,5 FM
24h/24
3
1982
24h/24
-
avr-78
Radio
FIP
-
31/03/98
90,7 FM
6h-9h/13h14h/19h30-22h
02h00-14h00
3
-
Campus
90,7 FM
14h00-02h00
-
1983
Fréquence
Judaïca
Nostalgie
102,9 FM
06h30-23h30
-
-
105,3 FM
24h-24
5
-
Top Music
94,5 FM
RFM67
102,1 FM
Arc en Ciel
24h/24h
-
1984
ARTE
19h00 - 03h00
-
-
FR3
12h00 - 02h00
-
-
Sources : Relevés personnels,
1998
En 1998, la plupart des radios établies à Strasbourg émettaient déjà 24h/24 depuis le
début des années 80 et certaines comme Europe 2, Nostalgie et Arc-en-ciel avaient même des
salariés de nuit. A la télévision France 3 et Arte arrêtaient leurs émissions vers 2h00 et 3h00.
Industrie en feu continu
Une quarantaine d'industries localisées à Strasbourg travaillent également la nuit.
C'est le cas de sociétés comme SOLLAC avec 1108 personnes de nuit entre 22h00 et 6hl5 du
matin, mais aussi de Stracel (200 personnes de nuit), de DELPHI France (150 personnes) et
du journal Les Dernières Nouvelles dAlsace avec 140 personnes qui travaillent pour que
nous recevions notre journal chaque matin.
Sécurité et santé : une ville de garde
Les fonctions de sécurité sont assurées à partir de permanences ouvertes, des effectifs
mobilisés sur le terrain et des services de veille téléphonique. Militaires, Pompiers, policiers
nationaux et municipaux et gendarmes veillent sur nos nuits. Il y a longtemps qu'ils ont
remplacé l'antique veilleur de nuit et son fameux « Dormez braves gens » entendu à Nancy au
début des années 80 et à Turckheim où une personne poursuit aujourd'hui encore la tradition.
- 590 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
1.2.11.2. Services d'urgence
La nuit est l'espace de l'urgence, des services d'urgence : accueil et urgences
médicales,
ambulances.
D'autres
services
restent
également
accessibles
en
permanence 24h/24 : plus de la moitié des serruriers, vitriers, plombiers, dépanneurs en tous
genre dont le dépannage et les remorquages d'automobiles, assurent un service de nuit.
Toutes les pompes funèbres ont une permanence nocturne. La mort n'attend pas.
1.2.11.3 Services en ligne
Autre élément de la ville en continu, tous ces services d'urgence sont désormais
accessibles 24h/24 par téléphone qu'il s'agisse de sécurité, de santé, de problèmes matériels
ou d'écoute et de solidarité. Ce temps téléphonique qui aboutit ou pas sur une intervention est
un service à part entière de la ville la nuit, une agora virtuelle doublée aujourd'hui par Internet
Figure 111.24 - Services en ligne
Services d'urgence
Serrurerie d'urgence
Miroiterie
Plomberie
Service funéraire
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
Sécurité
Pompiers (18)
Police (17)
Police municipale
Gendarmerie (03 88 37 52 99)
Fourrière municipale (03 88 15 37 37)
Appel d'urgence européen (112)
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
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24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
24h/24
Santé
SAMU (15)
SOS médecins 67
Centre anti-poison (03 88 37 37 37)
SOS mains (03 88 67 44 01)
A S U M 6 7 (03 88 36 36 36)
24/24
24/24
24/24
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Solidarité
Drogue info service
Source : Enquête personnelle,
1998
- 593 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
1.2.11.4. Les distributeurs automatiques et autres services automatiques en continu
Petit à petit, les automates dont le coût est le même de jour que de nuit envahissent
l'environnement urbain autorisant une utilisation continue et participant à l'émergence d'une
offre permanente. On ne les remarque même plus tant ils font déjà partie de notre quotidien :
cabine téléphonique, distributeur de pain, distributeur de préservatifs, distributeur de cassettes
vidéos, distributeur de monnaie (retrait), guichet de change, sanisettes, distributeur de
friandises, distributeur de tickets tram, distributeur de seringues, distributeur de carburant à
carte, distributeur de fleurs, distributeur de tabac à Kehl, portier électronique d'hôtel, parking,
caméras etc.
Cabines téléphoniques
Même si France Telecom envisage de plus en plus sérieusement de les supprimer
compte tenu de la concurrence des téléphones portables, les 780 cabines téléphoniques de la
Communauté urbaine de Strasbourg -dont 575 sur la seule commune de Strasbourg38demeurent un service essentiel et un élément d'animation, de mise en lumière et de balisage
de l'espace public.
Distributeurs de billets
Avec les cabines téléphoniques, ces distributeurs ont été parmi les premiers à autoriser
un accès permanent dans l'espace public. On en trouve de deux types : certains sont installés
dans des locaux sécurisés, d'autres sont directement installés sur un mur à l'extérieur de la
banque. Aujourd'hui, la seule banque du Crédit Mutuel compte 163 guichets automatiques
OQ
dont 33 seulement à l'intérieur .
Automates de change
Dans une ville frontalière et touristique comme Strasbourg, ils étaient nécessaires à
des heures (en soirée) ou certains jours où les guichets ne sont pas forcément ouverts.
Distributeurs de friandises et de boissons
On en trouve surtout dans les endroits publics le plus souvent fermés la nuit.
Exception notoire : les quais de la gare et les stations-service. Les distributeurs de boissons se
sont multipliés dans la ville au cours des derniers mois notamment sous l'habillage coca-cola.
'8 Données France Telecom, 1998
- 594 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
On les trouve surtout près des stations-service ou des commerces alimentaires fermés de nuit.
Leur extension semble aussi rapide en ville qu'en milieu rural. Peu nombreux, des
distributeurs de pain sont bien utiles au-delà des heures d'ouverture des boulangeries.
Distributeurs de cassettes vidéos
Apparus vers 1993-1994, les distributeurs de cassettes vidéos se sont développés très
rapidement. Souvent installés près de magasins et protégés, ils constituent des points de
fixation de l'activité nocturne et parfois une gêne pour les voisins par le défilé incessant des
voitures ou pour la circulation par le stationnement en double file.
Distributeurs de préservatifs et de seringues
Ils se sont répandus en ville depuis presque une dizaine d'années, consécutivement à la
progression de la pandémie de SIDA. Dans l'espace public, ils sont le plus souvent installés
près des pharmacies. Il existe un seul distributeur à Strasbourg, installé par Médecin du
Monde dans le quartier de la gare et destiné aux toxicomanes.
Distributeurs de tickets
Utilisables 24h/24 même pendant l'arrêt des transports en commun, les distributeurs de
tickets CTS agrémentent l'espace urbain notamment aux stations de tramway. Dans les locaux
de la SNCF, les distributeurs remplacent peu à peu les guichets et restent accessibles une
bonne partie de la nuit. Situés dans les parkings ouverts de nuit, les distributeurs de billets de
parking ont remplacé le guichetier.
Distributeurs de cigarettes
Encore absents à Strasbourg les distributeurs prolifèrent en Allemagne et aux EtatsUnis. Celui installé à Kehl rend bien des services et peu importe la frontière.
Vélobox
Utilisables 24h/24 pour ranger son vélo, ils sont parfois utilisés par les sans domicile
fixe pour ranger un nécessaire de toilette et de quoi se changer et rester présentable.
39
Enquête effectuée auprès de l'établissement bancaire en 1998
- 595 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
Automate à essence
Ils équipent de plus en plus de pompes dans les stations et autorisent le ravitaillement
du citadin, nouveau nomade sans ouverture obligatoire de la station.
1.2.12. Des éléments du mobilier urbain
Certains éléments du mobilier urbain font partie intégrante de la ville en continu. Ils en
constituent le socle déjà ancien. On peut notamment identifier les éléments suivants :
Bancs
Agrémentant l'espace urbain, ils constituent un bon outil de mesure de l'urbanité. Le
service des espaces verts, des jardins familiaux et des forêts de Strasbourg en recense 964 sur
la commune40. Utilisables de jour comme de nuit, ils voient leur usage évoluer au cours de la
journée et de la nuit. A des heures différentes, le même banc peut autoriser le repos de la
personne âgée sur le chemin des courses, celui du touriste harassé, servir de lieu de rendezvous aux jeunes désoeuvrés et de lieux de sommeil au sans domicile fixe éreinté.
Poubelles
Elles aussi sont directement utilisables de jour comme de nuit. En plastique sensibles
au feu ou en métal, elles font partie de l'offre urbaine en continu.
Horloges
Au clocher des églises, seules, elles sont rarement à l'heure dans notre ville. Elles
agrémentent pourtant la ville la nuit et devraient nous servir de repères dans l'espace à défaut
de l'être dans le temps (Figure 111.25 - Services en temps continu).
Colonnes Morris et vitrines d'information
On les oublie presque de jour pour les redécouvrir la nuit. Elles rendent assurément un
service gratuit. De plus, les informations qui y sont affichées concernent davantage des
spectacles et des événements de soirée que de jour. Les vitrines de certaines entreprises
restent illuminées toute la nuit et permettent de transmettre une information en continu :
(agences immobilières ou journaux d'annonces). C'est également le cas du quotidien régional
Les Dernières Nouvelles d'Alsace où le journal du jour peut être consulté en permanence.
40
Service des espaces verts, des jardins familiaux et des forêts de Strasbourg, 1998
- 596-
Partie III - Un système sous
contraintes
Les canisites, les boîtes postales, les boîtes à lettres pour dépôt de fonds constituent
également d'autres éléments de cette ville en continu. Par contre, il y a peu de fontaines dans
l'espace public strasbourgeois.
Conclusion
Malgré l'émergence de services en continu et l'existence d'une ville de garde assurant
sécurité, santé et services d'urgence, l'offre urbaine nocturne reste réduite et spécialisée dans
le temps (Figure 111.26 - Offre urbaine limitée). Elle diminue à mesure que l'on avance au
cœur de la nuit. Parallèlement se mettent en place les premiers éléments d'une ville en continu
avec ses « bastions de temps continu » (automatiques ou non) où l'on peut trouver quelques
produits ou services de première nécessité.
Réduite dans le temps, l'offre urbaine rétrécit également dans l'espace.
1.3. ANIMATION ET OFFRE REDUITE DANS L'ESPACE
Dans le village planétaire, il n'y a plus une mais mille micro-nuits. Les lumières de la
ville sont relatives : du crépuscule à l'aube, chaque îlot se dilate au rythme des flux de
fréquentation qui s'accroissent ou s'atténuent. Comme un diaphragme, l'espace de la nuit
s'ouvre et se rétracte. En résonance avec le mouvement des hommes.
j
- 598 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
1.3.1. Lieux de nuit concentrés
Cette animation centrée sur les fins de semaine dessine les contours d'une géographie
nocturne axée sur le centre-ville. Plus on avance dans la nuit, plus Strasbourg rétrécit et se
blottit autour du noyau historique.
La cartographie horaire des bars est particulièrement significative (Figure 111.27 Animation restaurants, cartographie horaire) qui met parfaitement en évidence l'extrême
concentration des établissements (bars, restaurants, discothèques, spectacles) au fil de la nuit.
Les restaurants, pourtant mieux répartis dans la ville, connaissent le même phénomène de
concentration.
(Figure 111.28 -
Animation-bars).
Une cinquantaine
d'établissements
bénéficiant d'une autorisation d'ouverture tardive sont localisés dans le secteur sauvegardé.
A mesure que l'on s'avance dans la nuit, l'animation se concentre dans certains
quartiers centraux historiques : la Krutenau, le quartier Saint-Etienne et les alentours de la
cathédrale deviennent les principaux pôles attraction. Plus loin vers la Wantzenau, le pôle de
loisirs nocturne autour du Chalet maintient une activité hors des murs. Plus loin encore vers
Brumath, des établissements comme le Colysée où en Allemagne d'autre boîtes de nuit
attirent une clientèle qui accepte d'effectuer un long périple nocturne. Entre le pôle central et
ces pôles périphériques par contre, point de salut pour l'amoureux de la nuit en mal d'activités
et de sensations fortes.
L'analyse des mouvements de taxi durant la nuit confirme cette tendance au
rétrécissement (Figure 1.42 - Les courses de taxis une nuit de samedi à dimanche). Entre
19h00 et 20 heures, le courses se répartissent entre le centre-ville et le Palais de la Musique et
des Congrès et le Wacken. Ensuite, les courses se concentrent sur l'elipse insulaire avec un
maximum de concentration vers 4h00 à la sortie des établissements de nuit.(Figure 1.42 courses taxi - Distance au centre)
La liberté du noctambule en quête de compagnie paraît alors bien illusoire. Attiré par
les lumières et l'animation, il ira se brûler les ailes au centre-ville -comme le papillon ou le
hanneton disparu-.
- 599 -
Partie III - Un système sous contraintes
1.3.2. Lieux typés
Les guides spécialisés de la nuit strasbourgeoise {Petit Futé, etc.) dessinent une
géographie de l'espace nocturne strasbourgeois où la sexualité tient un grand rôle :
Dans l'imaginaire strasbourgeois, les lieux de drague gay restent marqués et connotés :
- Les abords du tribunal longtemps haut lieu des nuits homo semblent de plus en plus
délaissés.
- Le parc de la citadelle reste un des endroits de rencontre prisé par les homosexuels
mais aussi les échangistes de Strasbourg et même d'Outre-Rhin.
- La gravière naturiste près du Port au Pétrole (Deuxième gravière après l'étang de
Blauelsand) est un lieu de rencontre de jour comme de nuit.
Les lieux de prostitution se sont beaucoup déplacés dans l'espace urbain. Autrefois
localisée sur les avenues des Vosges et de la Forêt Noire, la prostitution est aujourd'hui
largement implantée sur le Pont Pasteur et le long des quais jusqu'à l'Esplanade et la rue
Conrad où les habitants se sont récemment mobilisés.
Conclusion
Nos analyses temporelles ont permis de montrer que la ville la nuit était un espacetemps sous contrainte où la liberté de l'individu était limitée dans le temps par une offre
urbaine réduite et des espaces typés à mesure que l'on s'avançait dans la nuit.
Si l'animation et l'offre urbaine sont limitées dans l'espace, l'espace public - o u
espace collectif- lui-même est réduit.
- 602 -
Partie III -
Un système sous
contraintes
1.4. UN ESPACE PUBLIC REDUIT
Globalement, l'espace public ou « espace collectif » accessible à tous -au sens défini
par M. DE SABLET41- se rétrécit la nuit. L'individu dispose d'une surface accessible moindre
qu'en journée compte tenu des nombreux commerces, administrations et lieux publics fermés.
Dans le détail, certains quartiers voient cet espace se réduire comme peau de chagrin
(Exemple : Centre Halles) alors que dans d'autres secteurs ils se développent.
1.4.1. Des espaces qui restent accessibles
De nombreux espaces publics identifiés de jour restent accessibles la nuit même si
l'éclairage et l'absence de fréquentation ne les rendent pas particulièrement attractifs :
- Les abords d'équipements,
abords d'immeubles, abords d'espaces de loisirs,
espaces extérieurs d'ensembles d'habitation, espaces collectifs aux abords des
lieux de travail, cours et abords d'espaces d'enseignement, campus et abords
d'espace universitaires, abords d'espaces hospitaliers, abords d'espaces collectifs
pour la culture, abord des zones industrielles, abord des zones commerciales, bords
d'autoroutes ;
- Certains lieux de circulation et de stationnement : rues mixtes, rues piétonnes,
avenues, boulevards, pistes cyclables, places, squares, dalles piétonnières, rampes,
Ponts, escaliers, franchissements divers souterrains ou à l'air libre, halls et quais de
gare ferroviaire, aires de repos routières ou autoroutières, espaces sous abri (ponts,
passage) ;
- Les espaces résiduels, en friches qui sont parfois réinvestis la nuit par les raves ou
par les sans domicile fixe et autres squatters.
1.4.2. Des espaces devenus inaccessibles
Par contre, de nombreux points de l'espace public deviennent inaccessibles la nuit :
41
DE SABLET M., 1988, Des espaces urbains agréables à vivre, Editions du moniteur, 285 p.
- 603 -
Partie III - lin système sous contraintes
- Les équipements
collectifs qui sont fermés comme les piscines, patinoires,
gymnases, ou administrations ;
- Les transports publics, tramways et bus, qui ne fonctionnent plus ;
- Certains espaces culturels comme les musées ou certaines expositions ;
- Certains espaces verts : parcs, jardins publics, cimetières, bases de loisirs, jardins
familiaux, lieux d'activités physiques et para-sportives intégrés en ville ;
- Les espaces commerciaux qui en journée agrandissent l'espace public ;
- Certains lieux de circulation et de stationnement : hall et salle d'attente d'aéroport,
hall et quai de gare routière, souterrain de transports collectifs, stationnements
souterrains ou à l'air libre.
L'Espace
électronique,
la
nouvelle Agora
définie
par
M.
DAVIS42,
est
particulièrement accessible la nuit : le téléphone et Internet tissent une toile d'araignée, un
espace public électronique en réseau accessible à un coût moindre que le jour.
1.4.3. Un espace public vertical sublimé
*
La nuit forme un écrin qui met en valeur les vitrines, les panneaux publicitaires, les
enseignes lumineuses et même les colonnes Morris. Nos autres sens et notamment l'ouïe étant
moins sollicités qu'en journée, l'espace urbain étant moins encombré, et nous-même étant
moins affairés et plus disponibles et attentifs, ces éléments prennent une intensité particulière.
Les informations diffusées trouvent alors un certain écho dans l'esprit d'une population
majoritairement en temps libre.
1.4.4. D'autres espaces intermédiaires investis
En soirée et la nuit, d'autres espaces sont investis. C'est notamment le cas des entrées
et halls d'immeubles collectifs investis par les jeunes et des terrasses d'établissements qui se
multiplient pendant la belle saison mais qui doivent être rangées après lh30 du matin, limitant
d'autant l'espace public et l'offre urbaine.
42
DAVIS M., 1997, op. cit.
- 606 -
Partie III - Un système sous contraintes
1.4.5. Quelques espaces publics d'usages très contrastes
Dans l'alternance jour-nuit, l'usage des espaces est souvent différent, parfois très
contrasté :
Alternance activité - vide
Certains lieux de vie diurnes, bureaux, centres commerciaux et zones d'activités se
vident complètement la nuit. Le centre Halles est l'exemple presque caricatural de cette
alternance activité diurne-vide nocturne. Drainant des milliers de personnes en journée il est
vide la nuit à l'exception du personnel en charge de la sécurité.
Contraste d'usage
De nombreux lieux changent totalement d'usage entre le jour et la nuit. Certains
espaces sont réappropriés.
-
Les environs du Pont Pasteur et du lycée du même nom par exemple vivent en journée au
rythme scolaire. Dès que le soir arrive et de plus en plus souverit avant, d'autres activités,
un autre public investit les lieux voués à la prostitution. En hiver notamment, les
recouvrements d'activités ne sont pas évidents à gérer.
Quelques parcs de Strasbourg, comme celui de la Citadelle, changent de « clientèle » la
nuit. Investis en journée par les mères de famille venues promener leurs enfants, le parc
devient de nuit le rendez-vous des couples échangistes. Le parking et son incessant ballet
de véhicules cristallisent bien des fantasmes et des inquiétudes du quartier de l'Esplanade.
-
D'autres espaces sont réinvestis par les sans domicile fixe (Place Saint-Etienne, Quartier
de la Gare, quais...) qui refusent les lieux d'accueil institutionnalisés. La gare est l'un de
ces lieux. La gare haute est fréquentée la nuit. La gare basse est investie la nuit par une
centaine de sans domicile fixe qui squattent les wagons préparés pour les départs du
lendemain et obligent la SNCF à un deuxième nettoyage des wagons souillés, le matin
avant le départ. La SNCF souhaite clôturer cet espace et envisage de mettre en place des
structures d'accueil pour les sans domicile fixe. (Figure 111.29 - Lieux de sommeil)
Partie III - lin système sous contraintes
D'autres espaces, porches, entreprises désaffectées ou rues sont utilisés la nuit comme
refuge par les sans-abris.
1.4.6. Une qualité moindre des espaces collectifs
La lumière réduite et irrégulière diminue la convivialité des espaces collectifs et limite
leur attractivité :
-
L'éclairage public est le plus régulier. Par contre, les illuminations de bâtiments à
des fonctions d'agrément sont limitées dans le temps ;
-
L'éclairage privé est presque absent dans la mesure où la plupart des gens ont
éteint les lampes ou fermé leurs volets ;
-
L'éclairage commercial est faible dans la mesure où de nombreuses boutiques
éteignent les lumières des vitrines après 22 ou 23 heures. Au centre-ville, les
enseignes lumineuses limitées par la législation ne prennent pas le relais. Seules
les zones commerciales périphériques restent illuminées ;
L'éclairage automobile est limité compte-tenu de la baisse du trafic. Dans certains
quartiers du centre, l'usage exclusivement piétonnier de certaines artères limite de
fait cette source de lumière et renforce parfois le sentiment d'insécurité.
Certains services de « bien-être » sont absents la nuit. Les toilettes publiques ferment à
19h00 alors que les sanisettes ont été supprimées. Les fontaines et points d'eau sont
rarissimes et beaucoup de bancs ont été supprimés ou remplacés par des bancs anti-clochards,
beaux symboles d'urbanité. Il est bien difficile de boire, s'asseoir ou uriner gratuitement dans
la ville après 19h00 ?
Au-delà de la cartographie thématique ponctuelle établie, une démarche de
cartographie temporelle de l'espace public accessible de jour et de l'espace public accessible
de nuit serait envisageable.
- 608 -
Partie III - li n système sous contraintes
Conclusion
Nos analyses ont permis de montrer que la ville la nuit était un espace-temps sous
contrainte où la liberté de l'individu est également limitée par le rétrécissement progressif de
l'espace collectif comme une peau de chagrin.
1.5. UN ESPACE SPECIALISE A L'ACCES LIMITE
Contrairement à l'illusion de mélange et de mixité qui prévaut quand on évoque la nuit
urbaine, les loisirs nocturnes sont très typés, limitant de fait la liberté. La ségrégation est plus
forte qu'en journée. L'illusion de mélange s'estompe vite. La nuit urbaine est discriminatoire.
Le jour, on peut réserver dans n'importe quel endroit si on a les moyens de payer l'addition.
Dès que la nuit tombe, les bars, les boîtes de nuit et même certains restaurants se sentent le
droit d'user de subterfuges pour vous en interdire l'accès. Des physionomistes vous jaugent
pour évaluer si oui ou non vous êtes dignes d'entrer dans l'établissement. On veut bien que
tout le monde s'amuse mais on ne veut pas s'amuser avec tout le monde. La discrimination se
fait par l'argent, le look, l'âge, la préférence sexuelle. C'est une forme de violence notamment
pour une partie de la population ne disposant pas de telles activités dans son quartier et qui
s'en voit refuser l'accès ailleurs.
1.5.1. Sélection en fonction de la tenue
Dans un publi-reportage sur la discothèque Le Chalet, paru dans le « Journal des
noctambules », on trouve une phrase sans équivoque : « Ici, on laisse les origines sociales au
vestiaire, le tri a été fait à l'entrée. Les indésirables, les fauteurs de troubles ne franchissent
pas les cerbères du chalet ». A l'entrée du Rétro, discothèque du centre-ville, on peut lire le
panonceau suivant : « Le Rétro n'est pas un club privé, toutefois, une sélection est faite afin
que la clientèle soit en harmonie avec la classe, le style et la tranquillité de l'établissement.
« TENUE CORRECTE EXIGEE. ICI PAS DE DROGUE ». Ne peuvent être admis dans la
salle du rétro : les mineurs, même émancipés, les personnes en état d'ébriété, les personnes
susceptibles.de provoquer scandales ou incidents. D'autres établissements pratiquent la même
politique affichée ou non. Partout on voit fleurir les mêmes genres de panneaux.
- 609 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
A l'entrée de certains établissements, les videurs et autres « physionomistes »
choisissent les clients. Certains patrons d'établissements n'ont pas toujours fait preuve de
sérénité face aux phénomènes de violence et sont allés jusqu'à organiser un filtrage de type
ethnique. Si une boîte a parfaitement le droit de filtrer sa clientèle, la discrimination est
interdite. Se défendant pour sa part d'une quelconque dérive, J.C. HELMER, responsable de
la discothèque « le Chalet », indique qu'il a tout au plus interdit dans ses établissements le
port des baskets, du jogging et des casquettes et déguisé son personnel de sécurité en policiers
américains pour impressionner les éventuels fauteurs de troubles. SOS Racisme qui a lancé
plusieurs opérations de « testing » à l'entrée des établissements strasbourgeois a montré que
les « videurs y pratiquaient parfois la discrimination
(Figure III. 30- Codes et interdits de
la nuit urbaine)
1.5.2. D'autres modes de sélection
A l'entrée de la nuit urbaine, la sélection se fait sur de nombreux autres critères
comme l'âge ou le type de musique. Certains établissements comme Le Rétro s'affichent sur
les murs de la ville comme « la discothèque des plus de 25 ans ». D'autres, comme le
Babybooze, se défini comme le temple de la techno. « Quels que soient leur sexe ou leur âge,
tous les noctambules ont un point commun : l'amour de la techno ». A chaque âge, à chaque
catégorie type de musique, correspond un établissement précis.
Pour compliquer le tout, cette sélection évolue pendant la semaine que certains
responsables de discothèques divise en « nuits spéciales » thématiques
: mardi : « disco
fever » ; mercredi : « nuit des rencontres » ; jeudi : « nuit des dames » ou vendredi :
« spectacles et animations ». Chaque nuit est différente dans pratiquement tous les lieux
branchés. Pour compliquer le tout parfois des soirées « privés » prennent possession des lieux
et vous excluent de fait. Sans calendrier et organisation on risque de plus en plus souvent de
s'entendre dire : « la fête c'est demain » ou pire « c'était hier ».
Il est souvent difficile d'entrer dans cette nuit urbaine segmentée pour qui n'a pas les
relations ou ne connaît pas les codes. On n'accepte souvent plus que les habitués. Quant aux
soirées privées, il faut être dans le réseau, mais lequel ?
43
Dernières Nouvelles d'Alsace, 19 mars et 11 décembre 2000
-612-
Partie III - Un système sous
contraintes
Conclusion
Nos analyses temporelles ont permis de montrer que la ville la nuit était un espacetemps sous contrainte où la liberté de l'individu était limitée par le coût des loisirs, la
ségrégation et les mécanismes de sélection à l'entrée d'établissements très typés (Figure 111.31
- Espace collectif ségrégué).
1.6. TRANSPORTS : UNE ACCESSIBILITE LIMITEE
Dans la nuit urbaine, les distances s'allongent, le temps d'attente et le coût
augmentent. A partir d'une certaine heure, la nuit des transports s'installe (Figure 111.32 —
Système de mobilité amputé). Le système de transport s'arrête. La ville se ferme comme si les
portes d'accès spatio-temporelles se fermaient. Ces pont-levis d'un nouveau genre interdisent
l'accès et la circulation dans la ville. (Figure 111.33 - Les portes de la ville)
j - 613 -
Partie III - Un système sous
contraintes
Nous analyserons successivement les accessibilités interurbaines c'est-à-dire les
possibilités de sortir et d'entrer (Figure 111.34 - Lieux- transports interurbains) dans la ville et
les accessibilités intra-urbaines (Figure 111.35 - Lieux - transports intra-urbains) c'est-à-dire
les possibilités de circuler dans la ville.
j - 614 -
Partie III - Un système sous
contraintes
1.6.1. Accessibilité interurbaine réduite
La nuit, la ville de Strasbourg semble fermer ses portes, comme à l'époque du couvrefeu. On peut difficilement y accéder et en sortir sauf à pied, en voiture individuelle ou en taxi,
donc à un coût supérieur.
1.6.1.1. Transport par bus inexistant
La desserte en bus la nuit est inexistante tant pour atteindre la capitale européenne que
pour en sortir. Personne ne peut entrer à Strasbourg en bus entre 21h00 et 5h05 du matin soit
un trou temporel de 8 heures et 5 minutes. Personne ne peut sortir de Strasbourg en bus entre
21h30 et 5h40 du matin soit un trou temporel de 8 heures et 10 minutes.
1.6.1.2. Transport ferroviaire réduit
La desserte de Strasbourg par chemin de fer est un peu plus facile que par bus tant
pour l'arrivée que pour le départ.
Pour les arrivées :
-
Personne ne peut venir à Strasbourg en provenance de l'étranger entre lh52 et 3h43 du
matin, soit un trou temporel de 1 heure 51 minutes c'est-à-dire la plus longue période sans
train.
-
Personne ne peut venir d'une autre ville française entre 23h59 et 3h32 soit 3 heures et 31
minutes. Personne ne peut venir du reste de la région entre 21h45 et 5hl0 soit un trou
temporel de 7 heures et 25 minutes.
-618-
Partie I I I -
Un système sous contraintes
Figure III.37 - Arrivée des trains en gare de Strasbourg
Arrivée dernier train
lh52
Trains en provenance de l'étranger
Trains en provenance de France
23h59
Trains régionaux
21h45
Sources : SNCF, Grille des services applicables à partir du 28/08/97
Arrivée premier train
3h43
3h32
5hl0
Pour les départs, personne ne peut quitter Strasbourg pour l'étranger entre lh26 et
3h51 du matin soit 2 heures et 25 minutes. Personne ne peut se rendre dans une autre ville
française entre 2h06 et 4h51 soit 2 heures et
45 minutes. Personne ne peut partir de
Strasbourg pour le reste de la région entre 22h06 et 5h50 soit 7 heures et 50 minutes
Figure 111.38 - Départ des trains de la gare de Strasbourg
DEPART dernier TRAIN
Trains à destination de l'étranger
lh26
Trains à destination de la France
2hl0
Trains régionaux
22h06
Sources : SNCF, Grille des services applicables à partir du 28/08/97
DEPART PREMIER
TRAIN
3h51
4h51
5h50
1.6.1.3. Aéroport fermé
L'accès à Strasbourg de nuit par voie aérienne est impossible. Si l'on vient de l'espace
national, la ville de Strasbourg n'est plus accessible entre 22h25 et 7h40 le matin soit un trou
temporel de 9 heures et 15 minutes. Si l'on vient de l'étranger, la ville n'est plus accessible par
avion de 23hl0 et 8h00 du matin soit un trou temporel de 8 heures et 50 minutes.
Figure 111.39 - Arrivée des vols extrêmes en semaine
Arrivée dernier vol
Vols nationaux directs
22h25
Vols nationaux en correspondance
22h20
Vols internationaux directs
23hl0
Vols internationaux en correspondance
23hl0
Sources : Aéroport de Strasbourg Entzheim, Horaires hiver 97-98
Arrivée premier vol
7h40
8hl5
8h00
8h30
Si l'on veut quitter Strasbourg en avion pour une autre ville de France, c'est impossible
entre 21h00 et 6h00 du matin soit un trou temporel de 9h00. Si l'on veut quitter Strasbourg
pour une ville étrangère, c'est impossible entre 23hl0 et 6h00 soit un trou temporel de 6
heures et 50 minutes.
-619 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
En définitive, il est totalement impossible de quitter Strasbourg en avion entre 23hl0
et 6h00 soit pendant 6 heures et 50 minutes. Il est tout aussi impossible d'accéder à Strasbourg
en avion entre 22h20 et 7h40 soit pendant 9 heures. Ce « trou temporel » est encore aggravé
par la diminution de la fréquence des avions analysée par ailleurs.
1.6.2. Accessibilité intra-urbaine très limitée
L'analyse des transports publics à l'intérieur de la ville met en évidence la
discontinuité du service et le coût important des solutions alternatives comme le taxi.
1.6.2.1. Transports publics arrêtés
On constate un important trou temporel de 4h31 sans tramway et de 5h05 sans bus.
Figure 111.40 - Circulation des transports en commun
Première circulation
Tramway A
4h32
5hl0
Bus
Sources : Compagnie des transports strasbourgeois, 1998
dernière circulation
OhOl
23h55
1.6.2.2. Taxis moins nombreux et plus chers
Si les deux compagnies strasbourgeoises Taxi 13 et France Taxi regroupent plus de
250 taxis, 50 seulement roulent la nuit.
Figure 111.41 - Données sur les taxis strasbourgeois
Nombre de taxis de jour
Nombre de taxis de nuit
Nombre de stations fréquentées de jour
Nombre de stations fréquentées de nuit
Nombre de courses année
Nombre de courses été
Nombre de courses hiver
Sources : Sociétés de taxis strasbourgeoises,
Environ 200 taxis
Environ 50 taxis
20 stations
5 stations
461 000
40 000
35 000
1996
La nuit, 60 % des courses concernent les hôtels et 20 % sont relatives aux entreprises
(Stracel-Kronenbourg-GM, Parc des Tanneries, Parc d'Innovation).
-620 -
Partie III - Un système sous
contraintes
Figure 111.42 : Stations taxi
JOUR
Gutenberg
Homme de fer
Gare
Halles
République
Palais des Congrès
Palais de l'Europe
Arnold
Esplanade
Bourse
Hôpital
Neudorf
Traumato-Meinau
Montagne verte-Ostwald-Meinau
Koenigshoffen
CHU de Hautepierre
Schiltigheim
Robertsau
Aéroport
Sources : Relevés
Après 20h00
Gutenberg
Homme de fer
Gare
Halles
Arnold
Esplanade
Bourse
Hôpital
Neudorf
Traumato-Meinau
Montagne verteOstwald-Meinau
Koenigshoffen
CHU de
Hautepierre
Schiltigheim
Robertsau
(Aéroport)
Avant 22h00
Gutenberg
Homme de fer
Gare
Bourse
(Aéroport)
personnels
La nuit, le nombre de stations diminue fortement. Les stations de faubourg ferment à
20 heures alors que les stations ville restent ouvertes jusqu'à 22 heures. Ensuite, les taxis ne
sont plus obligés d'y stationner. C'est à la gare que l'on a alors le plus de chance de trouver
un taxi.
1.6.3. Une accessibilité générale réduite
j - 621 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
1.6.3.1. Temps d'accès allongé
Que ce soit en interurbain ou en intra-urbain, plus on avance vers la nuit, moins il y a
de transports et plus les temps d'attente sont allongés entre chaque correspondance compte
tenu de l'effondrement de la fréquence des navettes.
1.6.3.2. Un différentiel international-régional
On peut noter que plus un transport est international plus la durée de non
fonctionnement est courte. A contrario, plus un transport est régional, plus la durée de l'arrêt
d'exploitation est longue. Cette règle s'arrête évidemment à l'échelle de l'intra-urbain.
Figure 111.44 - Durée de l'interruption de trafic (départ)
Mode de transport Avion
International
6h50
9h00
National
Régional
Sources : Relevés personnels
Train
2h25
2h45
7h50
Bus
-
5h05
Figure 111.45 - Durée de l'interruption de trafic (arrivée)
Mode de transport Avion
International
8h50
9hl5
National
Régional
Sources : Relevés personnels
Train
lh51
3h31
7h25
Bus
5h05
1.6.3.3. Un coût augmenté
Le coût d'accès à l'espace urbain la nuit est augmenté. Les transports publics ont
disparu laissant le choix entre les taxis plus chers, la voiture individuelle ou la marche à pied.
Dans tous les cas, le coût est augmenté qu'il soit mesuré en termes financiers ou en termes
d'effort physique.
1.6.4. Un archipel d'îlots dans la nuit
Au Moyen Age, la ville -on pourrait aussi parler du château qui présente des
caractéristiques similaires, mais à une moindre échelle- se protégeait contre les périls qui la
-622-
Partie I I I - Un système sous contraintes
menaçaient, tout particulièrement la nuit en fermant les portes ou en levant le pont-levis. En
interne, le couvre-feu était imposé, limitant l'activité et facilitant le contrôle. Aujourd'hui, les
murs ont disparu mais un certain couvre-feu est maintenu, d'autres enceintes sont apparues et
d'autres murs se sont dressés. (Figure 111-46. - Lafigure de l'archipel nocturne)
1.6.4.1. Des enceintes physiques à l'intérieur
Après 21 heures, nos maisons se ferment, s'isolent et se transforment en forteresses.
Les grilles et les volets sont fermés, les portes verrouillées, les systèmes d'alarmes sont
enclenchés. Les chiens veillent, les caméras surveillent.
1.6.4.2. Des quartiers isolés
Pendant quelques heures, pour circuler à l'intérieur de la ville, seule la marche à pied
reste possible avec le taxi très cher et la voiture dans certains secteurs non piétonniers. Les
quartiers animés, éclairés forment un archipel d'îlots difficilement accessibles.
1.6.4.3. Des enceintes spatio-temporelles extérieures
En termes d'accessibilité, la nuit, la ville se ferme et se coupe de l'extérieur. Au fur et à
mesure de l'avancée de la nuit, les possibilités d'accès ou de sortie se réduisent. Pendant
quelques heures, la ville se transforme en une forteresse accessible seulement à pied ou grâce
à un véhicule privé. La ville se trouve alors réduite à un archipel d'îlots où l'activité continue.
C'est la figure de l'archipel qui s'impose à nouveau tant pour les villes elles-mêmes que
pour le réseau : archipel de lieux privés protégés et repliés sur eux-mêmes à l'intérieur de la
ville ; archipel de quartiers encore animés, archipel de villes repliées sur elles-mêmes à
l'échelle du réseau urbain.
- 623 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
Conclusion
Nos analyses ont permis de montrer que la ville la nuit était un espace-temps sous
contrainte où la liberté de circuler de l'individu est limitée par l'absence de moyens de
transports, leur faible nombre et leur coût élevé. (Figure 111.47 - Espace des pratiques)
1.7. ACTIVITES LIMITEES ET EMPLOIS SPECIALISES
La nuit, malgré les apparences, une partie de la vie sociale et économique reste en
éveil. Au coeur de la nuit, les emplois sont finalement assez rares et spécialisés et le profil des
acteurs du peuple de la nuit est un peu typé. Le choix est limité pour l'amoureux du travail de
nuit qui pourrait être intéressé par des salaires jusqu'à deux fois plus élevés, des
compensations et un temps de travail moindre.
1.7.1. Individus en temps physiologique et en temps libre
Nous distinguerons les individus en temps libre et ceux en temps contraint ; ceux que
l'on croise dans l'espace public et ceux qui travaillent chez eux ou dans une entreprise. Les
premiers, qui cherchent à s'occuper, dérivent ou sont à la recherche d'une offre urbaine définie tout au long de ce chapitre- qui réponde à leurs besoins. Ce sont surtout les seconds
qui nous intéressent ici. En temps contraint, ils cherchent un emploi de nuit ou en occupent
déjà un.
1.7.1.1. Insomniaques et somnambules
Dans l'espace privé, chez eux, il y a bien tous ceux qui souffrent d'insomnie ou de
troubles du sommeil (soit 27 % des français), les somnambules, ceux qui fêtent ou échangent
en famille ou entre amis et ceux qui se livrent à des jeux amoureux.
-628 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
1.7.1.2. Noctambules
Dans l'espace public, il y a les noctambules purs et durs, amoureux de la nuit, et
présents toute la semaine, connaissant et fréquentant tous les havres nocturnes. Ils seraient à
peine plus d'une centaine44 à Strasbourg. ). Il y a aussi tous ceux qui préfèrent simplement
travailler la nuit, parce qu'ils s'y sentent plus libres et créatifs. Dans ce cas nous explique W.
PASINI45 » il y a parfaite adéquation entre les rythmes du corps et le conditionnement
psychologique et culturel ». On pourra difficilement les repérer.
Accompagnés de quelques sans domicile fixe qui refusent le « confort » des lieux
d'accueil institutionnalisés, les noctambules sont les seuls, au coeur de la nuit, à occuper et
parcourir à pied l'espace urbain. Parfois au hasard des rues, on rencontrera un insomniaque et
son chien, un groupe d'étudiants poursuivant une fête ou quelques prostituées.
1.7.2. Individus en temps contraint
Il y a aussi et surtout des personnes dont l'horloge interne est réglée sur un autre
temps : ceux qui doivent travailler après minuit, les « nuiteux46 » (Figure 111.48 - Travail de
nuit). Ils sont chauffeurs de taxi, ouvriers, médecins de garde, disk jockeys, pharmaciens,
serveurs ou policiers. (Figure 111.49 - Hommes, effectifs).
1.7.2.1. Des emplois dans la Sécurité
Au Centre Halles par exemple, une équipe de 8 personnes assure la sécurité incendie
de l'ensemble du complexe entre 19 h et 7 h du matin. Au total, en plein cœur de la nuit vers
3h00, surveillants d'hôtels, policiers municipaux ou nationaux, vigiles, pompiers, gendarmes,
militaires ou gardien de prisons sont près de 500 à travailler selon nos estimations.
44
Dixit Stephane, La Java
PASINI W„ 1996, Le temps d'aimer, Editions Odile Jacob, 252 p.
46
Selon l'expression des chauffeurs de taxis
45
-629 -
Partie III - Un système sous contraintes
1.7.2.2. Santé
Entre le personnel des hôpitaux (327 personnes), les médecins libéraux et les
pharmaciens, ce sont 340 personnes qui travaillent chaque nuit dans le domaine de la santé
(Figure 111.50 - Personnel des hôpitaux de Strasbourg, un jeudi de novembre).
Figure III.50 — Personnel des hôpitaux de Strasbourg, un jeudi de novembre
19/20h
20/21 h
22/23 h
23/24h
0/1 h
l/2h
0/1 h
l/2h
888
327
327
327
327
160
160
160
160
160
160
160
538
36
36
36
36
9
9
9
9
9
9
9
266
52
52
52
52
12
12
12
12
12
12
12
983
2675
364
779
364
779
364
779
364
779
146
146
146
146
146
146
146
327
327
327
327
327
327
327
4/5 h
5/6 h
6/7h
7/8h
8/9h
9/10h
10/llh
ll/12h
12/13h
13/14h
12/13h
13/14
h
445
1007
1007
1007
1007
1007
1327
1007
1327
123
625
625
625
625
625
661
625
661
185
281
281
281
281
281
333
281
333
548
1301
1151
3064
1151
3064
1151
3064
1151
3064
1151
3064
1515
3836
1151
3064
1515
3836
16/17h 17/18h 18/19h
Hôpital
de
Hautepierre
Administration
générale
Hôpital de la
Robertsau
Hôpital civil
Total Hôpitaux
Hôpital
de 160
160 604
Hautepierre
Administration
132
9
9
générale
Hôpital de la 130
130
197
Robertsau
Hôpital civil
162 694
162
Total Hôpitaux 461
461 1627
Sources : Enquête personnelle, 1998
21/22h
A l'hôpital, la plupart des professions nécessaires sont concernées par le travail de nuit
même si l'effectif est bien moindre et si la direction est absente (Figure III.51 : Personnel
employé par l'Hôpital civil par tranche horaire).
- 634 -
Partie III - Un système sous
contraintes
1.7.2.3. Industrie
A 3hOO du matin, on recense plus de 1500 personnes, principalement des ouvriers,
dans les principales entreprises industrielles de Strasbourg (Figure III.50 -
Principales
entreprises industrielles employant des salariés la nuit) :
Figure 111.52 - Principales entreprises industrielles employant des salariés la nuit
Les horaires de travail de nuit varient : 18 entreprises enquêtées emploient des équipes
de nuit entre 21h00 et 5h00 du matin ; 17 entre 22h00 et 6h00. Les abattoirs ont une équipe
entre 3h00 et 13h00 alors que la boulangerie industrielle travaille en deux équipes de nuit de
19h00 à 2h00 et de 21h00 à 4h00.
1.7.2.4. Distractions
On peut estimer que les barmans, chanteurs de cabarets, hôtesses, animateurs de
discothèque, personnels des cafés sont un peu moins de 300 à travailler en pleine nuit (Figure
III.53 - Employés dans des lieux de loisir).
-636-
Partie I I I - Un système sous contraintes
Figure 111.53 - Employés dans des lieux de loisirs
TRAVAIL
Bars
Cafés
Bars à hôtesses
Discothèques
23 h/20h/l hlh/2h 2h/3 3h/4h 4h/5h 5h/6h 6h/7h
4h
h
268 264 248 176 152 8
8
12
32 32 28 12 12
0
0
0
48 48 48 35 24
0
0
0
0
99 99 90 90 90
0
0
Sources : Relevés personnels,
1998
1.7.2.5. Approvisionnement
Une partie de la ville de nuit s'affaire également à approvisionner la ville de jour
comme au Marché d'Intérêt National où la SAMINS emploie 8 personnes47. Le commerce en
gros constitue sa vocation originelle. Parallèlement à cette activité traditionnelle, le Marché
d'Intérêt National s'est ouvert à la polyvalence : produits laitiers, volailles, produits carnés,
produits de la mer, surgelés. 24 entreprises y sont installées : 14 pratiquent le négoce des
fruits et légumes et 10 commercialisent des produits divers (produits de la mer, surgelés,
carnés, laitiers, foies gras, épicerie fine) pour un tonnage de plus de 158 000 tonnes. Réalisant
un chiffre d'affaires annuel de l'ordre de 2 milliards de francs et employant quelques 600
salariés, le marché d'Intérêt national a une zone d'influence qui s'étend au Bas-Rhin, au HautRhin, à la Moselle et aux Vosges avec une ouverture progressive vers la Plaine Rhénane.
Figure 111.54- Heures d'ouverture (du lundi au samedi)
HORAIRES
lh30
4 h OO
11 h 00
20 h 00
Ouverture des grilles et entrée des camions d'approvisionnement
Entrée des acheteurs
Fin des transactions commerciales
Fermeture des grilles du marché
Sources : Relevés personnels,
1998
180 à 200 camions y entrent chaque jour pour un tonnage de 400 à 450 tonnes de fruits
et légumes et 100 à 150 tonnes de produits divers/
1.7.2.6. Urgence et dépannage
Pompistes, vitriers, plombiers ou serruriers spécialistes de l'urgence, habitués de la
nuit sont une cinquantaine à œuvrer la nuit.
47
Enquête 1998
-637 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
Figure III.55 - Services d'urgence
23 h/2 Oh/1 h lh/2h 2h/3h 3h/4h
4h
14
14
14
14
14
Serrurerie
6
6
6
6
Vitrerie
6
18
18
18
18
18
Pompes funèbres
7
7
7
7
Plomberie, sanitaire
7
7
7
7
7
Dépannage et remorquage 7
d'automobiles
SERVICES DIVERS
Source : Relevés personnels,
1998
1.7.2.7. Restauration
Employés des brasseries, des Dôner Kebab et de quelques restaurants sont près de 250
au plus profond de la nuit.
Figure III. 5 6 - Personnel des restaurants
23 h/2Oh/lh lh/2h 2h/3 3h/4h 4h/5h 5h/6h 6h/7h
h
4h
762 318 198 84 66 42 78 216
Restaurants
2
6
18
Restaur. Rapides 52 26 18 10 10
TRAVAIL
Sources : Relevés personnels,
1998
1.7.2.8. Transports
Les métiers des transports s'y sont rajoutés : taxis, chauffeurs de poids lourds,
conducteurs de trains, chefs de gare et aiguilleurs du ciel et du rail, personnels naviguant et
techniques de l'aviation civile. On compte par exemple une cinquantaine de nuiteux chez les
taxis, tous volontaires pour traverser les nuits strasbourgeoises.
1.7.2.9. Nettoyage
Les entreprises de nettoyage et d'entretien qui prennent possession des lieux désertés
par le public en fin de journée et début de nuit sont également des pistes d'emploi. Au-delà
des métiers traditionnels de nuit, ceux de la ville de garde, de nouvelles opportunités d'emploi
apparaissent pour celles et ceux qui cherchent à travailler de nuit.
1.7.2.10. De nouvelles pistes
Les services d'assistance téléphonique se développent rapidement et avec eux un
nouveau métier : téléopérateur. Le phénomène des Calls center (centres d'appels) commence
- 638 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
à bousculer les habitudes. De plus en plus de sociétés sous-traitent à des spécialistes la gestion
de leur service après-vente. Le client de Moulinex, l'abonné de Wanadoo, croient appeler leur
société mais parlent en réalité à des téléopérateurs. Numéro un européen des centres d'appels,
le groupe Téléperformance Est implanté en Alsace, gère des services d'assistance 24h/24 avec
une flexibilité que les grandes sociétés peuvent difficilement mettre en place. Il propose trois
types de prestations (télémarketing, téléservice, conseil et études) dans les secteurs clés de la
vente par correspondance (VPC), de la banque, de l'assurance, de l'automobile, de
l'informatique et de la bureautique.
Alors que les êtres humains, animaux diurnes, ont envahi la nuit urbaine pour y
trouver divertissement et travail, un certain nombre d'animaux nocturnes se sont eux
réappropriés la ville.
1.7.3. Les acteurs du monde animal
Les animaux sont très présents dans certaines expressions populaires : « La nuit a
déployé ses ailes » ; « La nuit, tous les chats sont gris » ; « Entre chien et loup ». Au-delà de
ces images, la nature sauvage survit bel et bien au cœur des nuits urbaines. Chassés à la
campagne, certains animaux ont changé leur régime alimentaire et se sont adaptés au milieu
urbain. Les nuits d'été sont propices à de nombreuses rencontres avec ce petit monde sauvage
visitant / 'urbs. Vous ne vous arrêterez sans doute pas sur les insectes, surmulots, rats musqués
et autres souris. Par contre, crapauds et grenouilles savent se faire entendre dès la tombée du
jour du côté du jardin botanique. Les chauves-souris sont fréquentes sur les grandes avenues
plantées d'arbres ou le long des quais (Grand Murin ; Murin de Daubenton ; Pipistrelle
commune ; Pipistrelle de Nathusius). La chouette effraie occupe certains greniers ou clochers
d'églises. Le hibou moyen duc préfère les parcs ou les cimetières. Plus étonnant, la fouine
s'est installée dans les quartiers de la Krutenau et de la Petite France. Habitant souvent les
greniers, elle se nourrit d'œufs de pigeons, de rats, et de déchets issus des activités humaines.
Plus loin, du côté de l'Orangerie on observe parfois des renards48. Plus loin encore, au Neuhof,
du côté de l'hôpital Stéphanie, des sangliers se font souvent surprendre dans les phares des
voitures.
48
Sources : Groupe d'Etude et de Protection des Mammifères d'Alsace (GEPMM), Ligue de Protection des Oiseaux et
relevés personnels
Partie I I I - Un système sous contraintes
Conclusion
Les pistes d'emploi et la diversité des emplois disponibles dans la nuit urbaine sont
bien plus réduites qu'en journée. Faire partie du « peuple de la nuit » a un coût. Dans ce
domaine également, la liberté de chacun est conditionnée par une offre limitée.
-640 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
Conclusion
La nuit, la liberté est plus illusoire que le jour pour l'individu en temps libre dans sa
dimension de consommateur comme pour l'individu à la recherche d'un emploi dans sa
dimension de producteur.
Le consommateur qui souhaite profiter de la ville la nuit sera naturellement influencé
par les représentations médiatiques et la lumière qui manipulent l'espace-temps et
conditionnent les déplacements (Figure 111.57 - Contraintes liées à la ville ) :
Les médias dressent un paysage caricatural qui survalorise l'espace central et stigmatise
les quartiers périphériques ;
-
L'éclairage et les illuminations se concentrent sur certains lieux centraux et oublient les
banlieues ;
-
Les cartes postales et autres documents de promotions reproduisent et caricaturent la
dichotomie centre-périphérie.
La « ville des médias », la « ville des cartes postales » et la « ville des lumières » se
mélangent dans un « espace des représentations » peu favorable à la périphérie.
Le même consommateur qui souhaite toujours profiter de la ville la nuit va rencontrer des
difficultés d'ordre pratique :
-
L'offre urbaine est spécialisée et réduite dans l'espace -concentrée- et dans le temps ;
Le système de transport est arrêté tant pour accéder à la ville que pour y circuler ;
Le coût d'accès à la nuit est prohibitif ;
-
L'espace collectif nocturne est réduit en nombre, en variété, en surface et en qualité ;
-
L'espace collectif est ségrégué avec des phénomènes de discrimination par l'argent, la
physionomie et l'âge notamment.
Cet « espace des pratiques » est très limité et conditionné.
Pour le producteur qui souhaite trouver un emploi la nuit les possibilités sont limitées
dans un panel d'activité réduit : les postes proposés sont moins nombreux et plus spécialisés.
-641 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
La nuit apparaît comme un système sous contraintes où la liberté de l'individu est
conditionnée indirectement par les médias et l'éclairage et directement par l'offre urbaine
réduite, l'offre de transport insuffisante, et le coût d'accès prohibitif aux équipements, aux
services et à la consommation.
La nuit, le système urbain est amputé et les limites à la fois temporelles et spatiales de
la nuit urbaine sont imposées. Il n'y a pas une nuit, mais des nuits en fonction des quartiers de
la ville, de l'heure précise et de la motivation de l'individu dans ses dimensions de citoyen,
consommateur ou producteur selon qu'il se trouve en temps libre ou en temps contraint. Les
espaces de flux sont plus souvent ouverts la nuit que les espaces de stocks. Plus un service
(transport par exemple) est international plus son fonctionnement est continu ou son temps
d'arrêt réduit. A contrario, plus un transport est régional, plus la durée de l'arrêt d'exploitation
est longue.
Seconde clé d'entrée dans la nuit urbaine, et hypothèse de travail adoptée, l'insécurité
nocturne, doit être approchée à partir des informations spatio-temporelles recueillies sur
Strasbourg.
-643 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
Chapitre 2 - INSECURITE RELATIVE
Pour de nombreuses personnes, la nuit serait le territoire de l'insécurité et de la
violence. A travers l'analyse de données recueillies auprès de nombreux services, dont la
police, nous allons tenter de confronter cette hypothèse à la réalité des nuits strasbourgeoises.
2.1. LE CONTEXTE DE LA DELINQUANCE DANS LA ZONE DE
SECURITE PUBLIQUE
Avant de rentrer dans le détail d'une analyse spatio-temporelle fine, il est nécessaire
de saisir le contexte général de la délinquance dans la Circonscription de Police de Strasbourg
qui recouvre les secteurs suivants : Ellipse Centre, Couronne Est, Couronne Ouest, Couronne
Nord
et
Robertsau,
Neudorf,
Meinau,
Hautepierre,
Cronenbourg,
Koenigshoffen,
Lingolsheim, Montagne Verte et Elsau, Illkirch Graffenstaden, Neuhof, Schiltigheim,
Bischheim, et Hoenheim.
2.1.1. Diminution de la délinquance générale
Rapporté à la population, le niveau de délinquance générale constaté dans la zone
sécurité publique de l'Agglomération strasbourgeoise en 1997 était sensiblement inférieur à
celui enregistré au plan national. La comparaison avec les chiffres nationaux doit se faire avec
prudence car ceux-ci agrègent des données de zones rurales et de zones urbaines.
Globalement, on assiste à une décrue de la délinquance depuis 1993. Entre 1996 et 1997, le
total des faits constatés a diminué de 5,8 % avec de fortes différences selon qu'il s'agisse des
vols -en baisse- ou des agressions, dégradations ou incendies de véhicules en hausse.
-644 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
2.1.2.1. Structure de la délinquance
Le tableau général de la délinquance est très contrasté. Globalement, les vols
diminuent sur un an de près de 13 % entre 1996 et 1997. Dans cette évolution générale, seuls
les vols avec violence progressent de plus de 7 %. Les atteintes aux personnes, les agressions
augmentent fortement à près de 17 % alors que les infractions économiques et le trafic de
stupéfiants diminuent. Les atteintes à la paix publique progressent fortement avec
respectivement +38 % d'incendies de véhicules et +5 % de dégradations.
Figure 111.58 - Structure de la délinquance constatée
1996
1997
Variation
TOTAL FAITS CONSTATES
39 741
37441
-5,8%
VOLS
Vois à main armée
Vols avec violences
Vols avec effraction
Vols de véhicules
Vols à la roulotte
Vols à la tire
Recels
23423
65
841
6302
4816
8606
2407
278
20427
45
903
5352
4402
7652
1749
254
-12,7 %
-31 %
+7,4
-15,1%
-8,6 %
-11,1%
-27,3%
-8,6 %
ATTEINTES AUX PERSONNES
1038
1214
+16,9 %
INFRACTIONS ECONOMIQUES
1175
1040
-9,1 %
STUPEFIANTS
552
422
-23 %
400
6083
554
6403
+38%
+5%
PAIX PUBLIQUE
Incendies de véhicules
Dégradations
Sources : Police Nationale,
1998
2.1.2.3. Première sectorisation de la délinquance
La situation des différents quartiers de Strasbourg qui concentrent près de 78 % de la
délinquance de la Circonscription de police est très contrastée. En 1997, alors que dans
l'ensemble, l'agglomération strasbourgeoise connaissait un certain recul des actes de
délinquance générale, quelques quartiers se sont inscrits sérieusement à la hausse :
Cronenbourg, Hautepierre et dans une moindre mesure la Robertsau, le Wacken et la
commune de Hoenheim.
-645 -
Partie III - Un système sous contraintes
Dans le détail, le centre-ville de Strasbourg est le siège d'une forte délinquance en
direction des biens et des personnes. Considéré stricto sensu (Centre, Ellipse Ouest, Ellipse
Est), il rassemble près d'un tiers des actes de délinquance de l'agglomération et plus de 40 %
des délits commis sur Strasbourg. Dans le centre se commettent 40 % des vols avec violence,
mais moins de 25 % des autres faits de délinquance de voie publique et seulement 5 % des
incendies de véhicules. Plus les faits sont éloignés du centre-ville, plus le tableau de la
délinquance se transforme. Les délits sont davantage nocturnes (notamment les incendies de
voiture), la délinquance de voie publique augmente, la proportion de vols avec violence
diminue.
Les quartiers réputés aisés (Centre, Neudorf, Robertsau) sont le théâtre de près de la
moitié des cambriolages commis dans la circonscription de police de Strasbourg. Par contre,
aucune corrélation ne peut être établie entre d'une part les lieux où se commettent les vols de
voitures et les vols à la roulotte et d'autre part ceux où sont perpétrés les incendies de voiture
c'est-à-dire principalement les quartiers de Neuhof, Hautepierre, Meinau et Cronenbourg.
Pourtant les services de police tiennent pour une des causes majeures des incendies de
véhicules, la volonté de leurs auteurs d'effacer toute trace de leurs méfaits. On peut donc en
conclure que dans la plupart des cas, les voleurs se servent des véhicules pour se déplacer,
voire se livrer à des rodéos, avant d'y mettre le feu, la nuit, dans les quartiers périphériques.
2.1.2.3. Rythmes et saisonnalités de la délinquance
Quelques éléments de saisonnalité se dégagent des chiffres. D'une manière générale, la
période d'octobre à début janvier ainsi que la fin du printemps passent pour des périodes
propices aux actes de délinquance. Seule la période estivale paraît relativement paisible.
Quelques données nous permettent de passer d'une année générale de la délinquance à
une analyse par type d'actes constatés.
j - 646 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
2.1.2. Augmentation de la délinquance de voie publique
La délinquance dite de voie publique (vols à main armée, vols avec violence,
cambriolages, vols de véhicules, vols à la roulotte, dégradations) mérite un examen attentif en
tant qu'elle contribue au sentiment d'insécurité. Elle représente 63 % de la délinquance
générale en 1997 (64 % en 1996) contre 55 % il y a cinq ans. Compte tenu de ce poids, cette
évolution influence fortement la tendance générale. Elle évolue de plus de 38 % en un an.
Figure 111.60 - Sectorisation des vols avec violences
Quartiers
1996
31.12/minuit
17
28
20
10
4
6
34
13
4
9
6
5
14
Hautepierre
Cronenbourg
Koenigshoffen
Elsau
Montagne Verte
Lingolsheim
Schiltigheim
Bischheim
Hoenheim
Robertsau
Cité de l'IlI
Esplanade
Port du Rhin
Ellipse Est
11
Ellipse Ouest
3
Centre
3
Neudorf
14
Neuhof
156
Illkirch- Graf
17
Meinau
26
TOTAL
400
Sources : Police Nationale, 1997
1997
31.12/minuit
52
40
16
28
11
14
37
20
9
2
13
10
12
10
7
3
21
175
26
58
554
Evolution en
nombre
35
12
-4
18
7
8
3
7
5
-7
7
5
-2
-1
4
0
7
19
9
32
154
Evolution en
%
+ 205 %
+ 42 %
-20%
+ 180%
+ 175 %
+ 133 %
-h 8,8 %
+ 53,8 %
+ 125 %
-78 %
+ 116%
+ 100 %
- 14,3 %
-9,1 %
+ 133 %
0%
+ 50 %
+ 12,2 %
+ 52,9 %
+ 123 %
+ 38,5 %
Ce sont les quartiers et communes périphériques de Hautepierre, Elsau, MontagneVerte Lingolsheim, Hoenheim, Cité de M l mais également l'Esplanade et l'Ellipse ouest qui
connaissent les plus fortes évolutions.
2.1.3. Explosion des violences urbaines
Sous ce vocable, les services de police classent à titre principal les incendies de
voitures, les jets de pierre contre les véhicules de service public, les dégradations ou
-647 -
Partie III - Un système sous
contraintes
agressions dans les transports en commun, les violences scolaires, et les dégradations de
mobilier urbain.
2.1.3.1. Incendies de véhicules à Strasbourg
Le problème spécifique des voitures incendiées prend de l'ampleur depuis 1996. On
déplore 554 véhicules brûlés en 1997 contre 400 en 1996 soit une augmentation de + 38 % en
un an. Le bilan est de 587 en prenant en compte la journée du 01/01/98. Sur la seule période
de Nouvel an allant du 31/12/97 à 18 heures au 01/01/98 à 14 heures, on a enregistré 64 feux.
On constate notamment que le phénomène des violences urbaines évolue très vite dans sa
structure même. Si les incendies de véhicules ont progressé, les jets de pierres contre les
transports en commun, autre spécialité locale, par exemple, ont été divisés par deux.
Sur les 554 feux déplorés en 1997, 40 % ont concerné des voitures dont le propriétaire
avait signalé le vol, 10 % des épaves ou véhicules sans immatriculation et 5 % des incendies
d'habitacles (sièges, tableaux de bord). Les incendies de véhicules ne sont pas limités à la ville
de Strasbourg mais -d'après les services de la gendarmerie nationale- touchent également
l'espace rural et les villes moyennes du département du Bas-Rhin.
2.1.3.2. Saisonnalités des incendies de voitures
Comme pour l'ensemble des actes de délinquance, on peut dégager une saisonnalité
des incendies de voitures assez nette. La période novembre-janvier ainsi que la fin du
printemps (mai) semblent propices à une recrudescence des incidents. D'une manière
générale, la fin de l'année scolaire et les veilles de congés sont des moments de relâchement
chez les jeunes.
D'après les services de police, cette saisonnalité des violences est à croiser avec celle
de l'absentéisme scolaire qui connaît des pics en décembre (fêtes de fin d'année) et en juin.
j - 648 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
2.1.3.3. Sectorisation des feux de voitures
Les quartiers et communes les plus touchés sont, dans l'ordre, les secteurs
périphériques de Neuhof, la Meinau, Hautepierre, Cronenbourg, Schiltigheim et l'Elsau. Avec
3 voitures incendiées, le centre est peu touché.
Figure 111.62 - Sectorisation des incendies de voitures
1996
(31.12 minuit)
Hautepierre
17
Cronenbourg
28
Koenigshoffen
20
10
Elsau
4
Montagne Verte
Lingolsheim
6
34
Schiltigheim
Bischheim
13
Hoenheim
4
Robertsau
9
Cité de l'Ill
6
Esplanade
5
14
Port du Rhin
11
Ellipse Est
Ellipse Ouest
3
Centre
3
Neudorf
14
Neuhof
156
Illkirch Graffenst.
17
Meinau
26
TOTAL
400
Sources : Police Nationale, 1997
Quartiers
1997
(31.12 minuit)
52
40
16
28
11
14
37
20
9
2
13
10
12
10
7
3
21
175
26
58
554
Evolution en
nombre
35
12
-4
18
7
8
3
7
5
-7
7
5
-2
-1
4
0
7
19
9
32
154
Contrairement à ce qu'on aurait pu penser, ce sont les petites voitures qui se partagent
le haut du tableau du palmarès des voitures brûlées : La Ford Fiesta, l'Opel Corsa et la Fiat
Uno.
2.1.4. Autres dégradations
Les 600 interventions des pompiers de la Communauté urbaine de Strasbourg pour des
incendies autres que les véhicules montrent l'étendue des problèmes de violences urbaines :
feux de poubelles, feux de benne ou feux de gloriettes.
-649-
Partie III -
Un système sous
contraintes
La violence n'épargne pas non plus le milieu scolaire. D'après l'observatoire
départemental des faits de violence scolaire, mis en place par l'inspection académique en
1996, de nombreux incidents sont survenus dans les établissements scolaires du Bas-Rhin.
Même si les indicateurs retenus (atteinte aux personnes, atteinte aux biens, ports d'armes,
intrusions, stupéfiants, racket...) ne sont pas tous suivis avec la même célérité par les
établissements et qu'il demeure une part irréductible de subjectivité -le seuil de tolérance
n'étant pas le même dans les différents établissements- le nombre d'incidents a fortement
augmenté d'une année sur l'autre. On ne les retrouvera cependant pas toujours dans les
statistiques de la Police nationale puisque parmi les incidents répertoriés, seule une minorité
(un tiers) fait l'objet d'un signalement à la Police ou au parquet et peu se traduisent même par
un conseil de discipline.
Figure 111.63 - Intervention des pompiers
Interventions
1997
Intervention pour feux de bennes ou poubelles externes
537
Interventions pour feux de gloriettes
66
Source : Corps mixte des sapeurs pompiers de la CUS, 1998
2.1.5. Autres actes délictueux
Au-delà des violences urbaines, d'autres formes de délinquance comme le trafic de
stupéfiants ou le travail clandestin connaissent des évolutions différentes.
En matière de trafic de stupéfiants, la circonscription de Strasbourg concentre 90 %
des mises en cause du département. En 1997, 435 personnes ont été mises en cause pour des
infractions liées aux stupéfiants, dont 33 mineurs.
Figure 111.64 - Trafics de stupéfiants
Infractions
Trafic
Usage-revente
Consommation
Autres infractions
Total infractions liées aux stupéfiants
Décès par overdose
Sources : Police nationale, 1998
1996
31
64
452
5
552
7
1997
31
56
335
0
422
4
- 650 -
Partie I I I - Un système sous contraintes
D'après la Police nationale49, en matière de stupéfiants, les statistiques ne traduisent
qu'imparfaitement l'évolution de la délinquance. Tout laisse à penser que la toxicomanie est à
l'origine d'une délinquance induite, dans la mesure où les toxicomanes ont un impérieux
besoin d'argent. Toujours d'après la Police, le chiffre des faits constatés reflète davantage
l'activité des services de police que la réalité de la délinquance. Les statistiques (y compris
celles de la DICILEC) font état de 144 infractions à la législation sur le travail clandestin.
Une fois ces premiers éléments statistiques sur la délinquance générale analysés, une
fois les constats sur les limites de ces outils partagés, nous pouvons poursuivre l'analyse
spatio-temporelle de l'insécurité urbaine la nuit.
2.2. MORTALITE NOCTURNE RELATIVEMENT FAIBLE
Les informations collectées et structurées sous forme de données ne permettent pas de
dire que la nuit est un espace-temps véritablement mortifère.
On connaît tous cette phrase qui sonne comme un couperet : « il ne passera pas la
nuit ». A l'aune des statistiques dépouillées de l'Etat civil de Strasbourg pour l'année 1997, on
ne peut pas conclure que l'on meurt plus la nuit que le jour. (Figure 111.65 - Décès et
naissances par tranches horaires). En effet, la répartition sur 24 heures est assez uniforme. A
l'autre bout de la vie, nous avons pu avoir accès aux statistiques sur les naissances dans une
clinique de Strasbourg ainsi qu'aux interventions du SAMU pour des accouchements. Il
semblerait là aussi que l'on ne naisse pas plus la nuit que le jour. Le pic de naissances a lieu
entre 11 h et 13h mais on est en droit de se demander si ces statistiques ont encore un sens
compte-tenu des moyens dont on dispose aujourd'hui pour retarder ou avancer l'événement.
Côté urgence et SAMU, les sollicitations sont fortes à trois moments de la nuit : lhOO du
matin 3 hOO et de façon moindre vers 22h00.
49
Contrat local de sécurité de l'agglomération strasbourgeoise, 5 octobre 1998, p. 13
-651 -
Partie III - Un système sous
contraintes
2.3. DELINQUANCE MOINS IMPORTANTE QU'EN JOURNEE
Dans l'imaginaire populaire, le paysage criminel est avant tout nocturne : l'épaisseur
de la nuit protège les bandits, favorise les complots. Les seules données dont nous disposions
actuellement sur les délits en fonction des plages horaires, concerne la délinquance de voie
publique -qui représente près de 60 % de la délinquance générale- et regroupent les rubriques
suivantes : vols à main armée, vols avec violence, vols à la roulotte, vols de voitures,
dégradations, vols avec effraction. Les informations récupérées
ne permettaient pas de
construire des tranches horaires plus précises que 6h00-12h00 ; 12h00-21h00 et 21h00-6h00
c'est-à-dire une période plus large que la nuit telle que nous l'avons définie.
Figure 111.66 - Délinquance de voie publique
Incident
06h-12h
12h-21h
21h-06h
Total
TOTAL
709
2316
2975
6000
%
11,8
38,6
49,6
100
Sources : Police Nationale,
1998
Sur l'ensemble des délits, la période nocturne ne paraît pas plus dangereuse que la
journée avec moins de 50 % des délits. Dans le détail, la répartition jour-nuit est plus
contrastée.
j - 652 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.3.1. Vols à mains armées
Sur l'ensemble de l'agglomération strasbourgeoise, 31 % des vols à mains armés
(code 15 à 19) recensés en 1998 ont eu lieu la nuit entre 21h00 et 6h00 du matin.
j - 653 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.3.2. Vols à la roulotte
Sur l'ensemble de l'agglomération strasbourgeoise, 47 % des vols à la roulotte (code
37 à 38) recensés en 1998 ont eu lieu entre 21h00 et 6h00 du matin.
2.3.3. Vols de véhicules automobiles
Sur l'ensemble de l'agglomération strasbourgeoise, plus de 68 % des vols de véhicules
automobiles (code 34 à 35) recensés en 1998 ont eu lieu entre 21h00 et 6h00 du matin.
j - 654 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.3.4. Vols avec violences physiques
Sur l'ensemble de l'agglomération strasbourgeoise, 23 % des vols avec violence
(Codes 22, 25, 26) recensés en 1998 ont eu lieu la nuit entre 21h00 et 6h00 du matin.
Sources : Police Nationale, 1998
2.3.5. Dégradations diverses
Sur l'ensemble de l'agglomération strasbourgeoise, 50 % des dégradations (Codes 66
à 68) recensés en 1998 ont eu lieu la nuit entre 21h00 et 6h00 du matin.
j - 655 -
Partie III - Un système sous contraintes
L'insécurité peut également être mesurée à partir de statistiques diverses sur les
incivilités qui empoisonnent la vie quotidienne et dont on a montré qu'elles influençaient
fortement le sentiment d'insécurité.
2.4. INCIVILITES SUR LES MARGES TEMPORELLES
Les incivilités touchent plutôt la tranche 21h00-minuit c'est-à-dire les franges de la
nuit urbaine que son cœur et cela qu'il s'agisse des nuisances sonores ou des dégradations.
2.4.1. Nuisances et tapages nocturnes
Sur les 376 interventions de la Police municipale et rurale pour nuisance sonore en
1997, 359 soit 95,5 % ont eu lieu entre 21h00 et 6h00 du matin, avec un pic entre 23h00 et
2h00 du matin qui met autant en évidence le bruit que le niveau de tolérance des habitants et
plaignants.
Sur les 654 interventions de la Police nationale au 1er semestre 1998, Toutes ont eu
lieu entre 22h00 et 7h00 du matin et 45 % au centre ville (centre, ellipse ouest et ellipse est).
Les maximums se situent entre minuit et 2h00 du matin.
Figure 111.74 - Dégradations diverses
Incivilités
Tapage
Nuisances
sonores
Nuisances
olfactives
141
5
0
3
15/
16
0
0
16/
17
0
0
11 12 7
17/
18
0
3
18/
19
0
0
19/
20
0
3
20/
21
0
6
21/
22
0
26
22/
23
75
48
4
4
5
3
5
3
Sources : Police Municipale,
23/ 0/1 1/2 2/3 3/4 4/5 5/6 6/7 7/8 8/9
24
34 128 117 83 51 33 11 19 0 0
68 64 76 40 26 11 0 1 0 0
2
0
0
0
0
0
0
et Rurale, 1998 ; Police nationale première semestre
1
1
3
9/1
0
0
0
10/
11
0
0
11/
12
0
0
12/
13
0
0
13/
14
0
1
4
7
4
9
3
1998
Seules les nuisances olfactives ou plutôt les interventions pour nuisances olfactives
semblent diurnes (Figure 111.75 - Incivilités, nuisances olfactives— radars)
-657 -
Partie I I I -
Un système sous
contraintes
2.4.2. Incidents dans les transports en commun en soirée
Cette concentration des incidents en soirée, sur les marges est confortée par les
données de la Compagnie des Transports Strasbourgeois sur les incidents sur le réseau par
tranche horaire51. La Compagnie des Transports de Strasbourg52 a enregistré 904 incidents de
tous types que l'on peut classer en 5 niveaux principaux :
-
Niveau 1 : vandalisme, graffitis, malaises, salissures, alertes à la bombe, pétards, boules
puantes, alarmes tirées, ivrognes... (314 incidents soit 35 % du total )
-
Niveau 2 : jet de projectiles, agressions verbales, rixes clients (380 soit 42 % du total )
-
Niveau 3 : agression du personnel, altercation clients personnel, voies de fait, présence
d'armes, vols sans violence, lacrymogènes, menaces... (156 soit 17 % du total)
-
Niveau 4 : agression physique sérieuse, vols de caisse avec menaces ou violences... (48
soit 5 % du total)
-
Niveau 5 : incendies volontaires, coups de couteau, bagarres avec blessés... (6 soit 1 % du
total)
Les stations de tramway où on enregistre le plus d'incidents sont le Baggersee, le
Maillon, Homme de fer, gare, Etoile et Grand rue.
Sur les 245 incidents enregistrés en octobre-novembre, 55 ont eu lieu entre 18 heures
et 20 heures, 51 entre 20 heures et 22 heures et seulement 30 entre 22 heures et 24 heures 30.
L'analyse des données par catégorie d'incidents permet de retrouver les mêmes courbes avec
des pics aux heures de pointe et une insécurité de fin d'après-midi début de soirée plutôt
qu'une insécurité de nuit.
Figure III. 76 - Incidents dans les transports publics
Incidents transports 14/15 15/16 16/17 17/18 18/19
Total incidents
6,60
7,28
8,78
11,29
8,30
8,64
Niveau 1
5,45
9,55
5,91
9,09
Niveau 2
8,23
8,55
8,76
11,22
7,91
Niveau 3
6,51
6,68
8,31
13,19 10,59
Niveau 4
14,81 11,11 18,52
9,26
7,41
Niveau 5
12,50 12,50 25,00
0,00
25,00
Sources : Compagnie des transports de Strasbourg, 1996
51
52
19/20 20/21
7,24
7,81
4,09
6,36
7,48
8,97
7,00
10,26
5,56
1,85
0,00
25,00
21122
5,67
6,36
4,70
6,03
3,70
0,00
22/23
5,10
5,45
4,38
6,51
0,00
0,00
23/24
3,36
2,73
3,74
3,75
1,85
0,00
Etat de l'insécurité du réseau, Accidents du travail, Bilan 1995, Compagnie des Transports Strasbourgeois
Données CTS, 1997
- 658 -
0/1
1,25
0,45
1,92
0,33
0,00
0,00
Partie I I I -
-
Un système sous
contraintes
Les incidents de niveau 1 (Vandalisme, graffitis, malaises, salissures, alertes à la bombe,
pétards, boules puantes, alarmes tirées, ivrognes) ont plutôt lieu aux heures de fortes
affluences vers 12h00, 17h00 et 20h00. Après 22h00 on ne recense que 9,7 % des
accidents dont 1,25 % seulement après minuit.
-
Pour les incidents de niveau 2 (jets de projectiles, agressions verbales, rixes clients ) les
pics se retrouvent vers 17h00 puis 19h00.
-
Pour les incidents de niveau 3 (agression du personnel, altercation clients personnel, voies
de fait, présence d'armes, vols sans violence, lacrymogènes, menaces) les pics sont
également versl7h00 avec un sursaut vers 22h00.
Pour les agressions de niveau 4 (agression physique sérieuse, vols de caisse avec menaces
ou violences) le maximum est atteint vers 16h00. Ensuite, la situation se calme.
-
Pour le niveau 5 enfin (incendies volontaires, coups de couteau, bagarre avec blessés) qui
représente à peine 1% du total des incidents, les événements ont lieu après 16h00 et entre
18h00 et 20h00.
Celles et ceux qui imaginent que ces incidents dans les transports en commun sont une
invention des années 80-90 se reporteront avec bénéfice à un article des Dernières Nouvelles
d'Alsace du 22 septembre 1936 faisant état d'une agression dans un tramway de la ligne 5
pendant laquelle quatre voyous avaient molesté les voyageurs et attaqué le personnel53 (Figure
III.77 - Agression avant guerre) et, nous dit-on « ce n'est pas là un cas isolé, car trop souvent
les receveurs de tramways sont la victime des agissements de personnage se trouvant dans un
état d'ébriété plus ou moins avancée ».
53
Dans un tramway de la ligne 5, quatre voyous molestent les voyageurs et attaquent le personnel, Dernières Nouvelles
d'Alsace, mardi 27 septembre 1936
-659 -
Partie III - Un système sous
contraintes
L'insécurité peut également être mesurée à partir de statistiques diverses sur les
incivilités qui empoisonnent la vie quotidienne et dont on a montré qu'elles influençaient
fortement le sentiment d'insécurité.
2.4. INCIVILITES SUR LES MARGES TEMPORELLES
Les incivilités touchent plutôt la tranche 21h00-minuit c'est-à-dire les franges de la
nuit urbaine que son cœur et cela qu'il s'agisse des nuisances sonores ou des dégradations.
2.4.1. Nuisances et tapages nocturnes
Sur les 376 interventions de la Police municipale et rurale pour nuisance sonore en
1997, 359 soit 95,5 % ont eu lieu entre 21h00 et 6h00 du matin, avec un pic entre 23h00 et
2h00 du matin qui met autant en évidence le bruit que le niveau de tolérance des habitants et
plaignants.
Sur les 654 interventions de la Police nationale au 1er semestre 1998, Toutes ont eu
lieu entre 22h00 et 7h00 du matin et 45 % au centre ville (centre, ellipse ouest et ellipse est).
Les maximums se situent entre minuit et 2h00 du matin.
Figure 111.74 - Dégradations diverses
Incivilités
141
5
0
3
15/
16
0
0
16/
17
0
0
17/
18
0
3
18/
19
0
0
19/
20
0
3
20/
21
0
6
21/
22
0
26
22/
23
75
48
23/ 0/1 1/2 2/3 3/4 4/5 5/6 6/7 7/8 8/9
24
34 128 117 83 51 33 11 19 0 0
68 64 76 40 26 11 0 I 0 0
Tapage
Nuisances
sonores
Nuisances
11 12 7 4 4 5 3 5 3 2 0 0 0 0 0 0 1 1
olfactives
Sources : Police Municipale, et Rurale, 1998 ; Police nationale première semestre 1998
3
9/1
0
0
0
10/
11
0
0
11/
12
0
0
12/
13
0
0
13/
14
0
1
4
7
4
9
3
Seules les nuisances olfactives ou plutôt les interventions pour nuisances olfactives
semblent diurnes (Figure III. 75 - Incivilités, nuisances olfactives- radars)
- 657 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.4.2. Incidents dans les transports en commun en soirée
Cette concentration des incidents en soirée, sur les marges est confortée par les
données de la Compagnie des Transports Strasbourgeois sur les incidents sur le réseau par
tranche horaire51. La Compagnie des Transports de Strasbourg52 a enregistré 904 incidents de
tous types que l'on peut classer en 5 niveaux principaux :
-
Niveau 1 : vandalisme, graffitis, malaises, salissures, alertes à la bombe, pétards, boules
puantes, alarmes tirées, ivrognes... (314 incidents soit 35 % du total )
-
Niveau 2 : jet de projectiles, agressions verbales, rixes clients (380 soit 42 % du total )
-
Niveau 3 : agression du personnel, altercation clients personnel, voies de fait, présence
d'armes, vols sans violence, lacrymogènes, menaces... (156 soit 17 % du total)
-
Niveau 4 : agression physique sérieuse, vols de caisse avec menaces ou violences... (48
soit 5 % du total)
-
Niveau 5 : incendies volontaires, coups de couteau, bagarres avec blessés... (6 soit 1 % du
total)
Les stations de tramway où on enregistre le plus d'incidents sont le Baggersee, le
Maillon, Homme de fer, gare, Etoile et Grand rue.
Sur les 245 incidents enregistrés en octobre-novembre, 55 ont eu lieu entre 18 heures
et 20 heures, 51 entre 20 heures et 22 heures et seulement 30 entre 22 heures et 24 heures 30.
L'analyse des données par catégorie d'incidents permet de retrouver les mêmes courbes avec
des pics aux heures de pointe et une insécurité de fin d'après-midi début de soirée plutôt
qu'une insécurité de nuit.
Figure 111.76 - Incidents dans les transports publics
Incidents transports 14/15 15/16 16/17 17/18 18/19
Total incidents
6,60
7,28
8,78
11,29
8,30
8,64
Niveau 1
5,45
9,55
5,91
9,09
Niveau 2
8,23
8,55
8,76
11,22
7,91
Niveau 3
6,51
6,68
8,31
13,19 10,59
Niveau 4
14,81 11,11 18,52
9,26
7,41
Niveau 5
12,50 12,50 25,00
0,00
25,00
Sources : Compagnie des transports de Strasbourg, 1996
51
52
19/20 20/21
7,24
7,81
4,09
6,36
7,48
8,97
7,00
10,26
5,56
1,85
0,00
25,00
21122 2 2 / 2 3
5,67
5,10
6,36
5,45
4,70
4,38
6,03
6,51
3,70
0,00
0,00
0,00
23/24
3,36
2,73
3,74
3,75
1,85
0,00
Etat de l'insécurité du réseau, Accidents du travail, Bilan 1995, Compagnie des Transports Strasbourgeois
Données CTS, 1997
- 658 -
0/1
1,25
0,45
1,92
0,33
0,00
0,00
Partie III - Un système sous contraintes
-
Les incidents de niveau 1 (Vandalisme, graffitis, malaises, salissures, alertes à la bombe,
pétards, boules puantes, alarmes tirées, ivrognes) ont plutôt lieu aux heures de fortes
affluences vers 12h00, 17h00 et 20h00. Après 22h00 on ne recense que 9,7 % des
accidents dont 1,25 % seulement après minuit.
-
Pour les incidents de niveau 2 (jets de projectiles, agressions verbales, rixes clients ) les
pics se retrouvent vers 17h00 puis 19h00.
-
Pour les incidents de niveau 3 (agression du personnel, altercation clients personnel, voies
de fait, présence d'armes, vols sans violence, lacrymogènes, menaces) les pics sont
également versl7h00 avec un sursaut vers 22h00.
-
Pour les agressions de niveau 4 (agression physique sérieuse, vols de caisse avec menaces
ou violences) le maximum est atteint vers 16h00. Ensuite, la situation se calme.
-
Pour le niveau 5 enfin (incendies volontaires, coups de couteau, bagarre avec blessés) qui
représente à peine 1 % du total des incidents, les événements ont lieu après 16h00 et entre
18h00 et 20h00.
Celles et ceux qui imaginent que ces incidents dans les transports en commun sont une
invention des années 80-90 se reporteront avec bénéfice à un article des Dernières Nouvelles
d'Alsace du 22 septembre 1936 faisant état d'une agression dans un tramway de la ligne 5
pendant laquelle quatre voyous avaient molesté les voyageurs et attaqué le personnel53 (Figure
111.77 - Agression avant guerre) et, nous dit-on « ce n'est pas là un cas isolé, car trop souvent
les receveurs de tramways sont la victime des agissements de personnage se trouvant dans un
état d'ébriété plus ou moins avancée ».
53
Dans un tramway de la ligne 5, quatre voyous molestent les voyageurs et attaquent le personnel, Dernières Nouvelles
d'Alsace, mardi 27 septembre 1936
- 659 -
Partie III - Un système sous
contraintes
2.4.3. Dégradations nocturnes
D'après les données fournies par l'entreprise DECAUX et la Police nationale, une
grande partie du mobilier urbain dégradé, des cabines téléphoniques vandalisées ou des abris
bus le sont entre 20h00 et 23h00.
Figure 111.77 - Dégradation du mobilier urbain
Sources : Société Jean-Claude
DECAUX
Tags nocturnes
L'obscurité semble effectivement propice aux dégradations. Il suffit de penser au
tagger, « clandestin nocturne » -selon la belle expression de Julie CARPENTIER 54 - pour s'en
convaincre. Interrogés à ce sujet, les responsables de la Police municipale et rurale et de la
Police nationale ont confirmé sans pouvoir donner plus d'informations. Un géographe
strasbourgeois DIDIER L. a réalisé un travail très fin sur les tags55 qui a permis d'établir un
certain nombre de cartes sans pourtant dégager des heures précises de travail. Les taggers
interrogés par la suite ont tous confirmé leur travail de nuit ou de soirée pour les plus jeunes.
Dégradations à la CUS
Depuis 1996, les agents de la CUS remplissent des compte-rendus qui montrent56 que
23 % des incidents (dégradations de bâtiments, de parterres...) se déroulent la nuit entre
OOhOO et 8h00 du matin. Le reste des incidents est plutôt centré sur l'après-midi : 12 % des
incidents déclarés se déroulent le matin entre 8h00 et 12h00 ; 7 % des incidents entre 12h00 et
14h00 ; 43 % des incidents déclarés se déroulent l'après-midi entre 14h00 et 18h00 et 15 % se
déroulent le soir entre 18h00 et OhOO .
54
CARPENTIER J., 1996, Contre l'absurde crescendo, OberlinEditeurs
DIDIER L., 1993, « Une approche de la délinquance urbaine : l'exemple des tags à Strasbourg », Maîtrise de Géographie,
Strasbourg, 121 p.
56
Comptes-rendus d'incidents, Synthèse annuelle 1996, Direction Etudes et Prospective, Communauté Urbaine de
Strasbourg, 11 p., 1997
55
j
ii
!
- 664 -
Partie III — Un système sous contraintes
2.4.4. Incidents relevés par les correspondants de nuit
La démarche expérimentale de mise en place de correspondants de nuit sur trois
quartiers de Strasbourg a permis d'établir un premier relevé d'incidents et de mettre en
évidence des temporalités qui l'on retrouve régulièrement depuis pour des interventions qui
font suite à des appels téléphoniques, à des passages sur interpellation de locataire ou à des
interventions spontanées. Les interventions ont lieu en majorité pour des problèmes de squats
dans les caves d'immeubles surtout, de nuisances sonores, d'incendie ou de dégradations. En
termes d'interventions ce n'est pas le cœur de la nuit qui est le plus important : c'est le
créneau entre 20h00 et 21h00 qui est en tête suivi du créneau de 21h00 à 22h00. Le créneau
19h00 à 20h00 est en 3eme position. Viennent ensuite les créneaux de 22h00 à 23h00 et de
23h00 à 24h00.
Conclusion
Quels que soient les indicateurs privilégiés ou plutôt disponibles, on constate que les
incivilités et autres dégradations ont plutôt lieu sur les marges de la nuit, le plus souvent avant
lhOO du matin.
2.5. CAMBRIOLAGES NOCTURNES ET CAMBRIOLAGES DIURNES
Les données sur les cambriolages par tranche horaire ne nous ont pas été fournies par
la Police nationale sur Strasbourg sous prétexte qu'elles n'avaient guère de sens compte tenu
du moment de découverte du délit souvent décalé. Nous avons cependant estimé qu'il serait
quand même intéressant d'obtenir des informations à ce sujet. Nous nous sommes tournés vers
les services de gendarmerie qui ont bien voulu nous fournir l'information sur l'ensemble du
Bas-Rhin hors Strasbourg ce qui nous permet quand même de mettre en évidence quelques
grandes tendances.
- 665 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.5.1. Cambriolages d'habitations en journées
Sur 874 cambriolages d'habitations en journée, 264 seulement ont eu lieu la nuit entre
OhOO et 9h00, ce qui confirme les informations du centre de documentation et d'information
de l'assurance qui rapporte que c'est dans l'après-midi que les vols à domicile sont les plus
fréquents.
Figure 111.78 - Cambriolages d'habitations par tranches horaires en 1998
VOLS
14/ 15/ 16/ 17/ 18/
15 16 17 18 19
avec violence
10 4 16 10 15
12 13 20 29 33
à la roulotte
Etabl.commerc. et 3 2 2 3 3
industriels
16 16 13 13 10
habitations
Avec violences
0 1 3 5 4
Sources : Gendarmerie nationale, 1998
19/
20
8
30
2
20/
21
3
25
3
21/
22
16
27
2
22/
23
12
17
3
23/
24
8
25
5
0/1 1/2 2/3 3/4 4/5 5/6 6/7 7/8 8/9 9/1
0
5 4 2 2 0 1 0 1 3 1
28 27 27 27 26 27 29 23 18 8
11 17 18 17 21 20 18 16 6 1
8
2
7
2
8
2
7
1
6
2
9
1
8
0
8
1
8
0
9
1
9
0
8
0
8
0
8
1
10/
11
2
7
2
11/
12
2
8
2
Sur 677 cambriolages d'établissements commerciaux et industriels, 564 soit 83 % ont
eu lieu entre minuit et 9h00 le matin. (Figure 111.78 - Cambriolages d'habitations par tranches
horaires en 1998)
D'autres informations comme celles sur les « violences urbaines » permettent une
autre mesure de l'insécurité et de la violence.
2.6. VIOLENCES URBAINES SUR LES MARGES
A Strasbourg, comme dans de nombreuses villes françaises, le phénomène de
violences urbaines (jets de pierre, incendies de véhicules...) connaît une forte progression qui
en
fait l'objet d'une prise en compte statistique au plan départemental depuis 1994 . Les
informations recueillies et structurées sous forme de données nous permettent de les localiser
dans l'espace et dans le temps et de constater une polarisation de ces phénomènes en début de
Bilan de la délinquance, 1995, Dossier de presse, Préfecture de la Région Alsace et du Bas-Rhin
-666-
13/
14
4
12
3
15 15 20 19 17
0 0 1 1 0
2.5.2. Cambriolages d'établissements de nuit
57
12/
13
4
10
2
Partie III - Un système sous contraintes
nuit -marges temporelles- et en périphérie -marges spatiales-. Ces données sont également
complétées par les informations recueillies auprès du corps des sapeurs pompiers de la CUS.
2.6.1. Une violence centrée sur le début de nuit
Il est important de repérer à quel(s) moment(s) précis ont lieu ces violences urbaines,
qu'il s'agisse des voitures, des poubelles, des gloriettes, des vide-ordures ou des abribus
incendiés ou détruits.
D'après les statistiques fournies par les sapeurs-pompiers -parmi
lesquelles on compte près de 95 % d'actes délictueux-, c'est entre 22 heures et 3 heures qu'on
dénombre le plus d'incendies. Entre le feu et la nuit, les liens sont trop évidents. (Figure 111.79
- Incidents). Globalement, la courbe commence à grimper après 18h00. Avec la fin de
l'activité scolaire, les jeunes livrés à eux-mêmes s'approprient l'espace urbain pour en faire
leur territoire et se livrent à des exactions en plus grand nombre. Le pic est atteint vers 23h00
puis il y a une légère diminution et un sursaut vers lhOO. La période de creux se situe entre 4
heures et 9 heures du matin.
Au total, 37 % de ces violences ont lieu entre 20h00 et minuit avec un pic entre 21h00
et 23h00. On retrouve les mêmes courbes pour les feux de poubelles. Pour les feux de
gloriettes, de vide-ordures ou d'abribus, les courbes sont sensiblement les mêmes. Seule
l'amplitude diminue avec un pic de 21h00 et 22h00 moins important que pour les voitures et
poubelles et un autre pic qui apparaît entre 17h00 et 18h00.
Globalement, les violences urbaines sont centrées sur la soirée et le début de la nuit
entre 21h00 et lhOO du matin.
j
- 667 -
Partie III — Un système sous contraintes
2.6.2. Une comparaison nationale
Quelques éléments de comparaison peuvent être retirés -au niveau national- de
ro
l'analyse de 4096 incidents comptabilisés en 1995 par les renseignements généraux
et dont
l'heure était connue.
2.6.2.1. Fluctuations horaires
Si on examine le nombre d'incidents commis heure par heure, sur une période de 24
heures, on observe une progression quantitative des faits à partir de 8 heures, pour arriver à un
maximum entre 22 heures et 23 heures, avant une diminution jusqu'à 7 heures, après un
sursaut de minuit à 1 heure, c'est-à-dire sensiblement le même phénomène que celui observé
sur Strasbourg. Il apparaît aussi que si la courbe des incidents augmente à partir de 14 heures,
c'est réellement à partir de la fin de l'après-midi qu'elle s'envole. L'intensité des violences
varie au cours du temps. Le creux se situe entre 8 heures et 9 heures du matin. Le maximum
se place entre 22 heures et 23 heures, avant une diminution jusqu'à 7 heures, après un sursaut
de minuit à 1 heure.
2.6.2.2. Différences en fonction des alternances saisonnières nuit-jour
Cette courbe globale présente des moyennes horaires valables pour l'ensemble de
l'année. Pour la période hivernale, avec l'allongement de la période nocturne, l'apogée des
incidents se situe avant 22 heures et l'accalmie matinale se prolonge jusqu'à 10 heures,
comme en témoigne l'évolution journalière des incidents pour les mois de janvier et février
1995 et 1996, alors que le pic des incidents est très net entre 22 heures et 23 heures, pour les
mois de mai et juin. A Strasbourg comme dans le reste des quartiers de France, il semble bien
que les fauteurs de troubles trouvent avantage à agir dans l'obscurité. Les exactions commises
après sabotage de l'éclairage public du quartier comme à Reims en mars 1996 vont dans ce
sens.
58
La Section " Ville et banlieues " de la Direction Centrale des renseignement généraux, dirigée par Madame Lucienne BuiTrong, Commissaire Principal, suit les phénomènes de violence dans 684 quartiers sensibles.
- 668 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.6.2.3. Fluctuations horaires en fonction de la nature des victimes
A chaque catégorie de victimes correspondent des variations dans la commission des
violences. Sur les 4096 incidents comptabilisés avec leur heure de commission pour l'année
1995, ce sont les particuliers, avec 1 446 faits, soit 35,30 % du total, qui arrivent en tête des
victimes des violences urbaines, que ce soit dans le cadre de délits visant les personnes
(agressions physiques) ou de délits contre les biens (vandalisme, destructions, incendies).
La période sensible pour cette catégorie de victimes se situe de 18 heures à 6 heures,
avec le plus grand nombre d'incidents de 22 heures à 2 heures. La période la plus calme va de
6 heures à 18 heures. Ensuite arrivent les différentes institutions présentes dans les quartiers
sensibles que les jeunes n'hésitent pas à défier, à commencer par la Police (999 faits soit
24,38 %), puis les transports en commun (701 faits et 17,11 %) et l'Education Nationale (270
faits et 6,59 %), avec comme cibles non seulement les biens (véhicules, salles de cours...)
mais aussi les personnels (machinistes, contrôleurs, professeurs, conseillers d'éducation...).
Pour la Police, c'est à partir de 14 heures que la situation commence à se dégrader, pour
atteindre son maximum de 18 heures à 2 heures. De 6 heures à 14 heures, apparaît la période
la plus favorable aux opérations judiciaires (perquisitions, interpellations).
Les transports connaissent les plus grandes difficultés de 18 heures à 22 heures et,
dans une moindre mesure, de 14 heures à 18 heures. De nombreuses sociétés de transport en
commun n'assurant pas la desserte des quartiers sensibles la nuit, les quelques incidents
répertoriés de 2 heures à 6 heures visent le mobilier urbain (abribus) ou les dépôts de
véhicules. Pour l'Education Nationale, si la période où les jeunes sont scolarisés est
évidemment la plus sensible, d'autres incidents sont enregistrés à partir de 18 heures, visant
essentiellement les biens, à travers des saccages ou vols avec effractions.
2.6.3. Des comparaisons internationales
Quelques données facilement plus collectées en Angleterre et aux Etats-Unis qu'en
France, permettent d'effectuer quelques comparaisons.
- 669 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.6.3.1. Rythmes circadiens de la délinquance constatée à Newcastle
Les incendies de véhicules à Newcastle, apparemment aussi nombreux que dans
nombre de grandes villes françaises, suivent une courbe assez différente. Si on retrouve un pic
vers 23h00, le moment le plus fort de la journée est le matin avec un nombre de voitures
brûlées supérieur à 60 entre 7h00 et lOhOO. Interrogés sur le sujet les autorités policières de
Newcastle n'on pu nous répondre.
Sur la tranche lhOO - 8h00 du matin, la délinquance représente 19,44 % du total
journalier.
2.6.4.2. Rythmes circadiens de la délinquance constatée à New-York
Les informations collectées à New-York en 1998 montrent que « la ville qui ne dort
jamais » connaît une forte diminution de la délinquance constatée la nuit. Entre lhOO et 8h00
du matin la délinquance ne représente que 20,3 % du total.
j - 670 -
Partie III - Un système sous contraintes
La localisation des violences dans le temps doit pouvoir s'accompagner d'une
localisation dans l'espace.
2.6.4. Des violences urbaines localisées en périphérie
Si à l'échelle de la Communauté urbaine de Strasbourg, la commune centrale semble
concentrer une grande partie des violences (Figure III.83 - Incendies de véhicules, d'abribus,
de poubelles, gloriettes, vide-ordures), dans le détail, la situation est très contrastée entre
quartiers dans une dialectique centre-périphérie.
Les incendies de voitures (Figure III.84 - Feux de véhicules) sont majoritairement
localisés dans les quartiers périphériques du Neuhof de la Meinau et de l'Elsau au sud, de
Hautepierre, Cronenbourg et des Ecrivains (Schiltigheim) ainsi qu'à la Cité de l'Ill au nord.
La répartition se fait selon un axe nord-nord-ouest/Sud sud-est qui correspond aux deux pôles
importants de Neuhof et de Hautepierre-Cronenbourg.
On retrouve sensiblement la même répartition pour les incendies de vide-ordures et de
poubelles avec les mêmes quartiers périphériques concernés et la quasi absence du
phénomène dans les quartiers centraux de l'agglomération.
j - 671 -
Partie III - Un système sous contraintes
En ce qui concerne les abribus incendiés et les gloriettes la différence centrepériphérie reste sensiblement la même. Par contre, la répartition inégale des gloriettes et dans
une certaine mesure des abris bus dans la ville, fait que l'on ne retrouve plus tout à fait la
même répartition entre quartiers. On brûle là où il y a quelque chose à brûler.
2.7. INSECURITE ROUTIERE RELATIVE
D'après A. REINBERG de nombreuses études réalisées dans des conditions réelles,
montrent que le nombre des erreurs, des fausses manoeuvres, des consignes opératoires
oubliées culminent pendant la nuit (lecture de cadrans, gestes de cadrans, gestes de
coordination, conduite de motrices de trains rapides, etc.). Il existerait un rythme des
« accidents » dont le pic se situerait entre 3h00 et 5h00 du matin. Nous allons tenter de mieux
saisir les rythmes de l'insécurité routière nocturne à Strasbourg à partir de différentes données
transmises par les Compagnies Républicaines de sécurité, le SAMU, la gendarmerie nationale
et la Communauté urbaine de Strasbourg,
2.7.1. Accidents mortels sur le réseau routier
D'après l'Observatoire national interministériel de la sécurité routière, un accident sur
trois a lieu la nuit (sauf sur les autoroutes où deux accidents sur cinq ont lieu la nuit) et
provoque un peu moins de la moitié des tués (sauf sur autoroutes : trois tués sur cinq). La
gravité des accidents est toujours plus forte la nuit que le jour.
2.7.2. Accidents diurnes sur les voies rapides urbaines
Les données fournies par les Compagnie Républicaine de Sécurité pour les voies
rapides autoroutières montrent que les accidents de la circulation ont surtout lieu en journée
au moment de l'entrée et de la sortie de la ville avec un pic entre 17h00 et 18h00, un autre
vers 20h00 et deux autres moins importants entre 8h00 et lOhOO et 12h00 -14h00. Le creux se
situe entre 21h00 et 7h00 du matin. (Figure III. 8 5 - Incidents - pourcentage)
accidents corporels comme pour les accidents matériels.
- 676 -
pour les
Partie III - Un système sous
contraintes
On retrouve le même creux nocturne et les mêmes pics liés aux pointes de trafic avec
les données fournies par le SAMU 67.
2.7.3. Accidents diurnes hors de la ville
Les données disponibles sur les accidents de circulation sur la circonscription de
Strasbourg-campagne confirment que le plus grand nombre d'accidents n'a pas lieu la nuit
mais le jour. Par contre, 4 des 5 accidents mortels recensés ont eu lieu la nuit ce qui confirme
les informations nationales de l'Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière au
niveau national : « les accidents corporels de nuit, s'ils représentent environ un tiers du total,
sont responsables de près de la moitié des décès »59.
59
Grands thèmes de la sécurité routière,
Documentation Française, 231 p.
1996, Observatoire National Interministériel de Sécurité Routière, La
j - 677 -
Partie III - Un système sous
contraintes
Toujours d'après la gendarmerie, c'est le vendredi, le samedi et les lendemains de
fêtes que les accidents sont les plus nombreux.
2.7.4. Accidents en milieu urbain
Les accidents de circulation répertoriés dans la Communauté urbaine par les services
de la ville pour 1997 confirment les rythmes déjà mis en avant sur l'insécurité routière avec
une grande majorité des accidents qui ont lieu en journée.
j - 678 -
Partie III — Un système sous
Figure III.89 -Accidents
contraintes
de la circulation dans la Communauté urbaine en 1997
L'éclairage public ne semble pas être la réponse absolue aux accidents puisque sur 255
accidents de circulation nocturnes recensés, 212 ont eu lieu alors que l'éclairage fonctionnait,
38 au crépuscule ou à l'aube et 5 seulement sans éclairage public.
2.8. AUTRES VIOLENCES ET ACCIDENTS
Nous avons exploré les violences contre autrui dans l'espace public. Par contre, il est
beaucoup plus difficile d'obtenir des informations sur d'autres formes de violences comme les
violences domestiques et la violence contre soi-même le suicide. La nuit, moment d'angoisse
serait à priori favorable au suicide.
2.8.1. Suicides
Pour le docteur KOPFERSCHMITT responsable des urgences à l'hôpital civil, les
suicides sont plus fréquents les samedis et les dimanches. Pour P. BESNARD du CNRS, les
-679-
Partie III - Un système sous contraintes
suicides sont plus nombreux au printemps et se produisent plus fréquemment le lundi,
traduisant l'angoisse des recommencements.
Figure 111.90 - Interventions pour tentatives de suicide (avril 1994-mars 1995)
Les seules données que nous ayions pu récupérer (Direction Départementale des
services d'incendie et de secours du Bas-Rhin) ne permettent pas de tirer des conclusions sur
les rythmes journaliers ou annuels. Seules les informations transmises par des associations
comme SOS Amitié permettent de penser que la nuit est une période d'angoisse et de grande
déprime pour nombre des interlocuteurs qu'ils tentent de réconforter au bout du fil.
- 680 -
Partie III - Un système sous contraintes
2.8.2. Autres accidents
Même si toutes les interventions du SAMU passent par un creux nocturne après 2h00
du matin (Figure III.92 - Incidents) des différences existent en fonction de la nature des
problèmes. On peut noter par exemple le nombre d'accidents sur les lieux publics entre 21
heures et 22 heures, le petit pic de malaises sur la voie publique à 23 heures et une heure du
matin et les accidents du travail entre lhOO et 2 h 00 du matin ainsi que les rixes à la sortie des
établissements au même moment où les urgences commencent à enregistrer les premiers
patients pour « alcool éthylique ».
Figure III. 93 — Pathologie alcoolique aux urgences
j - 681 -
Partie III - Un système sous contraintes
Conclusion
L'exploitation des données spatiales et temporelles a permis de montrer que la ville
n'était pas plus dangereuse la nuit que le jour (Figure 94 - Insécurités urbaines) :
-
Globalement, la mortalité n'est pas plus importante la nuit que le jour ;
-
La délinquance de voie publique n'est pas plus forte même si les agressions et les
dégradations sont plus nombreuses ;
-
Les incivilités et autres dégradations ont plutôt lieu en soirée qu'au cœur de la nuit ;
-
Les cambriolages à domicile se déroulent plutôt en journée au moment où la plupart des
résidents sont sur leur lieu de travail ;
Les violences urbaines en augmentation sont centrées en fin de soirée et au début de la
nuit et ne touchent le plus souvent que les quartiers périphériques de la ville ;
-
Enfin, si peu d'accidents de la circulation se produisent la nuit, ce sont malheureusement
les plus meurtriers...
A partir de ces données et conclusions partielles, nous pouvons tenter de dépasser le
seul cas de la ville de Strasbourg pour proposer quelques pistes de conceptualisation logique
sur la ville la nuit.
- 686 -
Partie III - Un système sous contraintes
Chapitre.3
- LA NUIT, UN ESPACE-TEMPS
PARTICULIER
A
MODELISER
A partir de l'exemple de Strasbourg, on peut essayer de tirer un certain nombre
d'enseignements qui permettraient d'aboutir à une modélisation de la nuit urbaine. Pour ce
faire, deux pistes s'offrent à nous : celle assez facile de la métaphore que nous ne voudrions
pas exclure et celle plus riche et plus exigeante d'une recherche de modélisation permettant de
dépasser la description.
3.1. LES CARACTERISTIQUES D'UN FRONT PIONNIER
Nous vous proposons d'aborder la nuit urbaine à partir de la métaphore60 de la
frontière au sens américain de « front pionnier » c'est-à-dire « la limite atteinte par la mise en
valeur, l'avancée des défricheurs, des colons qui viennent établir une colonie sur des terres
jusque-là vides ou peu peuplées61 ». En ce sens, « la frontière est un front où l'on affronte non
les voisins mais l'inconnu »62. Cette notion évoque plutôt l'ouverture et la créativité que la
fermeture qui est généralement associée à l'idée de frontière en français. Parmi les mythes
contemporains, l'histoire de l'Ouest américain occupe une place tellement singulière -encore
renforcée dans notre imaginaire par la culture du Western transmise par la machine
hollywoodienne- que nous ne pouvons nous en affranchir totalement au moment de
développer la métaphore. Résistance et renaissance indiennes, rapports conflictuels à
l'environnement, pénurie et surabondance, individualisme rugueux et esprit communautaire,
l'Ouest séduit, éblouit, parfois inquiète et exaspère63. Depuis des siècles, la frontière inspire.
La Mythologie de l'Ouest américain a donné au mot un contenu économique, social et
culturel, qui implique à la fois un espace à explorer, une conquête progressive, des
60
« Procédé de langage qui consiste à employer un terme concret dans un contexte abstrait par substitution analogique, sans
qu'il y ait d'élément introduisant formellement une comparaison », Petit Robert
61
B R U N E T R., 1992, Les mots de la géographie, dictionnaire critique, Reclus, la Documentation française, 470 p.
62
BRUNETR„ 1992, op. cité
63
JACQUIN P, ROYOTD., 2002, Go West, Histoire de l'Ouest américain d'hier et d'aujourd'hui,
- 688 -
Flammarion, 362 p.
Partie III - Un système sous contraintes
discontinuités et des conflits64 . Ne s'agissant pas d'armée, le front est l'expression d'une
dynamique qui bouscule les ordres établis, plus que d'un véritable affrontement.
Par delà les marges du monde, l'Homme n'a eu de cesse de repousser les limites du
monde connu, de domestiquer la nature et d'étendre son emprise sur l'ensemble de la planète.
Dans cette conquête du système monde aujourd'hui, à peu près achevée, il restait un espacetemps finalement peu investi par l'activité humaine, une dernière frontière, un monde
intérieur à explorer : la nuit urbaine.
Aujourd'hui l'économie semble pouvoir conquérir progressivement tous les espaces
de la nuit. L'activité progresse sur un front pionnier.
« Le système monde65 ayant horreur du vide », l'homme est parti à la conquête de la
nuit urbaine et cette colonisation spatio-temporelle se fait un peu à la manière de la conquête
de l'Ouest ou les derniers fronts pionniers d'Amazonie, de Kalimantan , de Nouvelle-Guinée
ou de Sibérie.
Le front ou finistère évoqué par A. BAILLY66 est à la fois un bout du monde et un
horizon, une ligne et l'infini. De ce contact naît un milieu de vie complexe de transition. C'est
l'Occident, le lieu où le soleil se couche. On le visite. Rêve et réalité se mélangent dans ces
lieux mythiques, devenus souvent parcs naturels ou sites protégés « espaces où la terre
retrouve sa communion avec le temps
en
».
Comme toute métaphore, celle du front pionnier a ses limites, mais l'exercice est
intéressant surtout quand on a la chance de pouvoir défricher un tel sujet.
3.1.1. Un espace en friche qui reste à explorer
La nuit, la densité de population éveillée est faible. Seuls certains endroits dans la ville
concentrent des activités. Peu peuplé, moins bruyant que le jour, l'espace nocturne est
enclavé68. La mairie est fermée et la plupart des services publics sont absents. L'offre de
64
FREMONT A, 1976, La région, espace vécu, PUF, 223 p.
BRUNETR., 1992, op.cit.
66
BAILLY A., 1997, op.cit.
67
BAILLY A., 1997, op.cit.
68
au sens de la distance moyenne d'accès à des équipements et services de base
65
- 689 -
Partie III - Un système sous contraintes
services est faible. Les biens de consommation sont plus rares et plus chers qu'en journée. On
achète le strict nécessaire et on vit surtout sur les réserves faites le jour. Des petits commerces
alimentaires, qui vendent un peu de tout pour dépanner, se développent comme sur les fronts
pionniers.
Même les conditions naturelles sont plus difficiles qu'en journée : fraîcheur, humidité,
absence de clarté, moustiques... Les seuls animaux sauvages qu'on y rencontre sont cependant
les moustiques ou les rats comme sur les fronts pionniers.
3.1.1.1 . Accessibilité limitée
L'espace urbain nocturne est difficilement accessible de l'extérieur car les trains
régionaux et les lignes de bus ne fonctionnent pas. On y circule difficilement car les transports
publics sont arrêtés ou moins réguliers et les taxis très chers. L'usage de la voiture
individuelle et de la marche à pied sont privilégiés. Assez paradoxalement, les transports
lourds et internationaux fonctionnent souvent et permettent aux étrangers de débarquer dans la
ville par les trains de nuit ou les avions, à saute-mouton au-dessus de l'espace régional.
Il est difficile de se déplacer et les routes ne sont pas toujours sûres d'autant qu'il
existe encore peu de cartes pour se repérer dans ce territoire nocturne.
3.1.1.2. Caricature de la société
La nuit attire et inquiète. On vient souvent y chercher quelque chose que l'on ne trouve
jamais : un mirage pour chercheurs d'or. Comme tous les fronts pionniers, la frange nocturne
de la ville est une caricature de la société où certaines fonctions sont survalorisées et d'autres
absentes. Une partie de la population qui travaille la nuit a fui le jour, contrainte par la
situation économique, pour trouver un emploi. D'autres travailleurs, quelques peu aventuriers
sont attirés par des salaires plus importants - des primes - et une certaine liberté -illusoirequ'ils ne trouvent pas le jour.
La population nocturne est surtout masculine, d'origines variées, plutôt jeune.
Les valeurs triomphantes sont davantage celles de la virilité que celles de l'intimité. Les
solidarités sont plus fortes et l'on a souvent tendance à se regrouper (covoiturage,
- 690 -
Partie III - Un système sous contraintes
déambulation en groupes...). La nuit les masques ne tombent pas. Ils paraissent au contraire
plus épais que ceux du jour. Il est bien plus facile d'y jouer un rôle. Chacun peut « se faire son
cinéma » puisque qu'on sait rarement ce que les gens rencontrés font dans la journée : une
part de mystère persiste toujours jusqu'au petit matin.
La nuit urbaine, on la fréquente un moment et puis un jour on la quitte, trop vieux, trop
fatigué pour tenir le coup ou simplement repu. Une majorité des aventuriers rentre dans le
rang. Quelques-uns persistent solitaires et pathétiques. La population se renouvelle
régulièrement dans la nuit urbaine par apports successifs comme sur les fronts pionniers.
3.1.1.3. Un territoire difficile à contrôler
La consommation d'alcool et de stupéfiants est importante. Le jeu, la prostitution
et les « lieux de perdition » sont nombreux. Les femmes évitent de circuler seules et beaucoup
de gens sont armés, ne serait-ce que d'une bombe lacrymogène.
Comme le Far West, la ville la nuit est un territoire difficile à contrôler pour l'Etat
et les collectivités. Les règles et les lois sont différentes, à la fois plus protectrices pour le
citoyen et plus répressive vis-à-vis du délinquant.
La nuit, le pouvoir est lointain, ou absent, en veille. Quand il n'est pas réquisitionné
dans la capitale pour voter des textes de loi, le politique se repose. Le contrôle policier n'est
visible qu'à des points stratégiques. Comme les « forts » de la conquête de l'Ouest ou les
anciennes cités entourées de hautes murailles, les « avant-postes » (commissariats...) de la
nuit urbaine sont bien gardés. A la manière de la cavalerie de jadis, les forces de l'ordre et les
sociétés de sécurité privée patrouillent et interviennent sur les points chauds avant de se
replier sur le commissariat central.
Des mesures d'exception sont parfois prises pour rétablir le calme. A ce titre, le
couple « nuit-liberté » est fragile. La première liberté supprimée en cas de crise, est celle de
circuler librement la nuit. Le couvre feu d'Alger, celui de Seattle, lors du sommet de l'OMC ,
celui de Palestine, ceux pour adolescents dans de nombreuses villes américaines voire plus
récemment dans certaines villes françaises sont là pour nous le rappeler. Les populations les
plus aisées transforment petit à petit leur maison en forteresses. Après 20 heures, les portes
- 691 -
Partie III - Un système sous contraintes
blindées sont fermées, les alarmes branchées et les chiens de garde aux aguets. C'est un peu
comme si les remparts de la cité du Moyen Age avaient éclaté et s'étaient fragmentés et
déplacés vers les habitations et l'espace privé. Plus de huit millions d'américains vivraient
aujourd'hui derrière des grilles dans des Gates Communities69 ou communautés clôturées. La
France n'est pas épargnée par ce mouvement avec la multiplication des résidences sécurisées,
protégées par portail télécommandé et caméras.
Enfin, bien qu'il existe dans la nuit urbaine une violence apparente et un fort sentiment
d'insécurité, l'ambiance de liberté individuelle - magnifiée par les poètes - reste largement
répandue dans les discours. L'esprit qui règne dans la nuit urbaine est souvent celui des
pionniers. Dernier anecdote : ici comme dans l'Ouest mythique, l'argent circule souvent de la
main à la main. C'est la nuit que l'on voit les plus grosses coupure, la nuit aussi que l'on
trafique, échange, ou troque le plus.
3.1.1.4. Des figures classiques
Témoins de ces évolutions, les tensions et conflits se multiplient dans la ville nocturne.
Ce front progresse de façon irrégulière. L'économie impose ses lois. On peut comparer les
figures principales de la résistance qui s'organise face à l'avancée des « colons » de « ceux du
jour », à la pression économique, à ses rythmes et à ses lois :
-
Il y a la figure majoritaire du bon citoyen enfermé chez lui après 20 heures et couché avant
minuit, qui reste soumis aux rythmes anciens et supporte mal les nuisances apportées par
ceux du jour qui explorent la nuit et par les autochtones.
-
Il y a celle de « l'indien », le « noctambule » habitant depuis longtemps cet espace-temps
peu peuplé et s'inquiétant de l'arrivée de nouvelles populations. Les noctambules se vivent
comme un peuple à part, fier de ses prérogatives et jaloux de sa maîtresse. Ils forment des
groupes qui nomadisent d'un lieu -d'une oasis- à l'autre avec leurs codes et leurs rites sans
trop de relations avec le reste de la population. Ces nomades défrichent, découvrent de
nouveaux territoires à investir et puis quand ils les ont épuisés, ils s'en vont, plus loin ;
-
Il y a ensuite la figure de « l'ordre », des autorités locales et de l'Etat qui sous la pression
d'une partie de la population tentent de réguler et d'organiser les choses à défaut de
69
In BLAKELY E., SNYDER M.G., 1997, Fortress America : Gated Communities in the United States, Brooking Institution
Press / Lincoln Institute of Land Policy, 208 p.
Partie III—Un système sous contraintes
toujours pouvoir les anticiper. C'est le policier qui cherche à faire respecter la loi et à
éviter les débordements.
3.1.2. Une conquête progressive
Progressivement, cet espace-temps a été conquis par les activités humaines. Cherchant
perpétuellement à s'émanciper des rythmes naturels, l'Homme a peu à peu artificialisé la vie
urbaine. Dans cette conquête de la nuit, la généralisation de l'éclairage public (huile, gaz,
électricité) a joué un rôle fondamental rendant possible le développement des activités et des
animations et entraînant l'apparition d'un espace public ou collectif nocturne dans le sens
70
proposé par M. DE SABLET
« d'espaces constitués par l'ensemble des lieux ouverts à tous
(...) Ce sont à la fois des espaces formels, espaces en creux, définis par les bâtiments qui les
bordent et des espaces de vie et de socialisation où se déroulent les activités propres à la vie
collective d'une ville ».
Aujourd'hui, le front progresse et cette conquête semble s'accélérer sous l'effet de
plusieurs phénomènes parmi lesquels : l'individualisation des comportements et l'abandon
progressif des grands rythmes industriels et tertiaires qui scandaient la société ; la
généralisation de la société urbaine ; la tertiarisation de l'économie et des emplois ainsi qu'une
moins grande pénibilité physique du travail ; la mise en réseau à l'échelle planétaire qui
permet de rester en liaison avec les endroits de la terre où on ne dort pas ; une synchronisation
progressive des activités et l'apparition d'un temps global ; l'évolution de la demande des
individus qui veulent souvent tout, tout de suite, partout et sans effort et la mise en
compétition des métropoles sur des critères de qualité de vie où la question de l'animation et
des loisirs nocturnes devient essentielle. Cette conquête semble avoir démarré plus tôt aux
Etats-Unis où drugstores, supermarchés et même cours de justice fonctionnent la nuit. Même
chose au Japon, où les services ouverts 24h/24 sont fréquents. Elle est aujourd'hui sensible
dans de nombreuses villes européennes où le front avance à la fois dans l'espace et dans le
temps.
70
DE SABLET M., 1988, Des espaces urbains agréables à vivre, Editions du Moniteur, 285 p.
- 693 -
Partie III - Un système sous contraintes
3.1.3. Des discontinuités
On va toujours plus loin dans la nuit urbaine, les activités se développent et ouvrent de
plus en plus tard.
3.1.3.1. Une progression inégale dans le temps
Le front avance dans le temps et progressivement, nous nous démarquons des rythmes
naturels. Les horaires d'étés nous permettent de profiter plus longtemps de l'espace public
urbain et d'en apprécier les charmes nocturnes. L'éclairage public se généralise et sa fonction
change progressivement passant de la sécurité à l'agrément. Les sons et lumières et les
illuminations de bâtiments se multiplient. Les entreprises industrielles fonctionnent en continu
pour rentabiliser les équipements et dans la plupart des secteurs le travail de nuit se banalise.
Les transports publics fonctionnent de plus en plus tard. De nombreuses activités décalent
leurs horaires vers le soir. Les nocturnes commerciales sont de plus en plus nombreuses.
L'offre de loisirs nocturnes se développe et une véritable économie de la nuit apparaît
notamment dans les villes touristiques et universitaires. Les distributeurs automatiques se
multiplient (banques, stations services, cassettes, pain et bientôt repas), autorisant une
pratique continue sans surcoût. Les soirées festives démarrent de plus en plus tard. A NewYork, se mettent même en place des lieux de jour tellement les rythmes sont décalés. Le
couvre-feu médiatique est terminé : il y a longtemps déjà que radios et télévisions
fonctionnent en continu et depuis quelques années ; après le minitel, Internet permet de surfer
sur la toile toute la nuit. Conséquence ou cause de ces évolutions, même les rythmes
biologiques semblent bouleversés. Depuis la dernière guerre, le cycle de sommeil du citadin a
subi un décalage d'environ deux heures. Aujourd'hui les français s'endorment en moyenne à
23h au lieu de 2 lh il y a cinquante ans. Conséquence de cette progression régulière, nous
avons pu montrer sur Strasbourg71, que la nuit urbaine, définie comme la période où les
activités sont très réduites, se limite aujourd'hui, à une tranche horaire de lh30 à 4h30 du
matin.
71
GWIAZDZINSKI L., 1998, «La ville la nuit, un milieu à conquérir", in REYMOND H., CAUVIN C„
KLEINSCHMAGER R. (dir.), L'espace géographique des villes, pour une synergie multistrates, Anthropos, Paris, 557 p.
- 694 -
Partie III - Un système sous contraintes
3.1.3.2. Une progression inégale dans l'espace
Le front progresse également dans l'espace de façon discontinue (Figure 111.95- Un
front pionnier spatial) :
Des zones centrales réservées aux loisirs nocturnes se sont développées dans les cœurs
anciens des cités ; des zones périphériques concurrentes s'organisent progressivement à
l'extérieur, sur les franges urbaines où multiplexes et discothèques se multiplient ;
-
Des points automatiques en continu s'installent partout proposant de plus en plus de
services ;
-
Des zones d'activités industrielles en périphérie poursuivent leur activité ;
-
Des espaces flux internationaux, autoroutes, voies ferrées ou aéroports se développent
également.
3.1.3.3. Une nouvelle géographie
C'est peu à peu l'image de « l'archipel » qui s'impose lorsque l'on imagine la
géographie de la nuit urbaine. Le front n'est ni régulier, ni continu que ce soit à l'échelle de la
ville ou du réseau urbain. Il présente des avant-postes, des points d'appui, des bastions de
temps continu mais aussi des poches de résistance où les habitants tiennent à leurs rythmes de
vie classiques et des zones de repli où la résistance a gagné. Si l'on n'y veillait pas, cette
situation pourrait entraîner l'apparition de nouvelles disparités entre quartiers et entre villes à
l'offre nocturne contrastée. Elle pourrait également entraîner l'apparition de nombreux
conflits. Dans cet espace-temps, cohabitent différents types d'activités :
des activités spécifiques liées au loisirs comme le théâtre, l'opéra ou le cinéma en soirée
ou les discothèques, les bars, bars à hôtesses la nuit ;
-
des activités de jour qui gagnent la nuit comme le transport de marchandises, l'industrie ou
la restauration.
Pour quelques heures, une nouvelle géographie de l'activité se met en place installant
une partition de l'espace urbain (Figure 111.96 - Les quatre villes) :
-
une ville qui dort (banlieues, zones pavillonnaires et diffuse...) ;
- 695 -
Partie III - Un système sous contraintes
-
une ville qui travaille en continu dans des zones spécialisées (industrie, hôpitaux,
raffineries, incinération...) ;
une ville qui s'amuse (centre-ville et périphérie) ;
-
une ville qui s'approvisionne
ou qui se répare (pôles logistiques et voies de
transport).
On pourrait même en ajouter une cinquième, la ville de l'inactivité : une ville vide,
simple coquille pour les activités de la ville de jour (bureaux, centres commerciaux...).
Des centralités nocturnes se dégagent, souvent différentes des centralités diurnes. Les
pôles attractifs du jour ne sont pas automatiquement ceux de nuit. C'est entre ces espaces aux
fonctions différentes, aux utilisations contrastées qu'apparaissent tensions et conflits qui
permettent à l'observateur de repérer la ou les lignes de front.
3.1.4. Des conflits sur la ligne de front
Témoins de ces évolutions, les tensions et conflits d'usage se multiplient dans la ville
nocturne entre des activités, des populations et des quartiers aux rythmes contrastés. (Figure
III. 97 - Tensions sur la ville et sur l 'espace)
3.1.4.1. Conflits entre la ville circadienne et la ville en continu temporel en périphérie
Le premier de ces conflits est situé en périphérie urbaine. Hautement symbolique, il
est relatif au projet d'implantation du transporteur DHL sur l'aéroport de StrasbourgEntzheim. Il a opposé les riverains de l'aéroport qui souhaitaient conserver un rythme naturel
jour-nuit en évitant les nuisances nocturnes, et le transporteur dont l'activité internationalisée
nécessite un fonctionnement en continu 24h/24. Cette affaire fortement médiatisée s'est soldée
par un retrait du projet. Elle est l'exemple type d'un conflit entre la ville qui dort et la ville qui
travaille, un conflit entre un temps local (le temps de la ville circadienne) et un temps
international (de l'économie), un conflit entre un espace de flux (l'aéroport) et un espace de
stock (le quartier résidentiel).
- 700 -
Partie III - Un système sous contraintes
3.1.4.2. Conflits entre la ville circadienne et la ville qui s'amuse au centre-ville
Le second type de conflit choisi est relatif aux nuisances sonores et concerne plutôt le
centre-ville. Il s'agit de la confrontation entre les résidents de ces quartiers soucieux de leur
tranquillité et les consommateurs bruyants des bars, des lieux de nuit et des terrasses qui se
multiplient, symboles de l'émergence d'un espace public nocturne. Il oppose la ville qui dort à
la ville qui s'amuse. A l'approche de la belle saison, la presse régionale se fait régulièrement
l'écho de ces conflits : Animation nocturne ; halte au bruit ; Les nuits de la discorde ; Une
ville si belle sans décibels ou Nuisances sonores : difficile de s'entendre. On aurait également
pu prendre l'exemple de la prostitution, activité principalement nocturne localisée le long de
certains axes routiers qui occasionne des conflits avec de nombreux riverains qui craignent
autant le bruit que l'image négative du quartier induite par ce commerce. Ce type de conflit
entraîne souvent des mutations : fuite des résidants ; déplacement des lieux de loisirs vers la
périphérie
à
l'exemple
des
activités
ludiques
(discothèques,
complexes
cinématographiques...) qui se développent autour de la petite ville de Brumath. Les autorités
tentent de les réguler grâce à de nouveaux règlements comme les arrêtés municipaux sur le
bruit à Barr72, mais également par la mise en place de brigades spéciales comme celle de
l'environnement à Strasbourg ou le lancement de campagnes de communication invitant les
noctambules à respecter le sommeil des autres .
3.1.4.3. Violences urbaines dans les quartiers périphériques
Les violences urbaines constituent un autre de ces conflits. Par ce terme, les
spécialistes ont convenu de désigner des actions faiblement organisées de jeunes agissant
collectivement contre des biens et des personnes, en général liées aux institutions, sur des
territoires disqualifiés ou défavorisés74. Il s'agit surtout de feux de voitures et autres
dégradations. Ces violences concernent particulièrement les quartiers périphériques le plus
souvent au moment où l'encadrement social naturel a disparu, c'est-à-dire à la nuit tombée et
plus généralement entre 22 heures et 1 heure du matin. Les médias jouent souvent un rôle
d'amplificateur de ces violences. Nous avions parlé de « caisse de résonance »75. Ces conflits
stigmatisent certains espaces et contribuent à ériger des frontières infranchissables entre les
72
Un arrêté municipal n°667, en date du 4 août 1998, interdit la circulation des deux roues après 22h dans la commune de
Barr dans le Bas-Rhin
73
Campagne municipale "le bruit ça nuit" à Strasbourg
BODY-GENDROT S., 1998, L'insécurité, un enjeu majeur pour les villes, Sciences Humaines n° 89, décembre 1998, p. 29
- 701 -
Partie III - Un système sous contraintes
quartiers d'une même ville. Ces brasiers toujours spectaculaires et parfois précédés de la
neutralisation de l'éclairage public, excitent les imaginations et suscitent la peur. Le plus
souvent juvéniles, ces violences correspondent à un nouveau type de conquête de la nuit
urbaine ou de l'espace public. Elles sont le fait de populations jeunes qui, il y a quelques
années encore, étaient cantonnées dans les appartements passée une certaine heure. On peut
appréhender ces violences comme de simples actes de délinquance ou considérer qu'il s'agit
d'une nouvelle forme d'appropriation de l'espace urbain nocturne, d'un rite, d'une pratique
sociale nouvelle qui, la nuit, colonise l'espace public de certains quartiers périphériques
(Figure III.98 - Voitures incendiées en 1998 dans l'agglomération strasbourgeoise).
La colonisation différentielle de la nuit urbaine par l'industrie, les loisirs et les services
créé des phénomènes de désynchronisations entre offres et besoins ou entre insécurité et
encadrement là où il y a quelques années encore, c'était le temps du repos social ou le seul
exutoire d'une petite élite sociale. Les pressions venues du jour qui s'exercent sur la nuit
urbaine entraînent l'apparition de dysfonctionnements et de désynchronisations spatiotemporelles importantes entre des éléments du système qui fonctionnent dans des rythmes
différents.
Au-delà de la métaphore et face aux mutations qui affectent les organisations,
l'approche adoptée permet d'identifier ces désynchronisations qui peuvent affecter la qualité
de vie des hommes et l'organisation même de la société et des territoires.
3.1.5. Conséquences : des désynchronisations spatio-temporelles
La prise en compte des dimensions spatio-temporelles de la ville permet de repérer les
frictions, désynchronisations ou lacunes qui affectent la vie des hommes, des organisations,
de la société et des territoires. Dans la nuit urbaine, le problème de désynchronisation peut
être envisagé à deux niveaux
En termes de tensions sur l'homme dans la ville, sur la société urbaine et les activités
et les quartiers de la ville polychrone ;
-704 -
Partie III - Un système sous contraintes
-
En terme de décalage entre les nouveaux besoins et problèmes des populations et
l'offre urbaine traditionnelle.
3.1.5.1. Des tensions sur les marges
Le décalage entre le rythme traditionnel circadien de nos organismes et de nos villes et
le temps en continu de l'économie et des réseaux met les hommes et les territoires sous
tensions.
•
Tension sur l'homme dans la ville
Le temps en continu de l'économie et des réseaux entre en conflit avec les rythmes
biologiques circadiens de l'homme dans ses dimensions de consommateur, de producteur et
de citoyen. Le temps du sommeil est grignoté. (Figure III.99 - Tension sur l'homme dans la
ville)
La mise en lumière des villes et l'augmentation de l'offre de services en soirée, la fin
du couvre-feu médiatique décalent l'heure d'endormissement d'une partie de la population
qui voudrait pouvoir vivre la nuit et travailler le jour. Ce décalage serait responsable d'une
partie de la fatigue dont nous souffrons. La tension est également mentale et la schyzophrénie
nous guette : en tant que consommateur nous souhaitons une ville ouverte la nuit. Et en tant
que producteur nous ne souhaitons pas toujours travailler de nuit. Pour ceux qui ont choisi ou
qui subissent le travail de nuit, le rythme circadien de nos organismes est également en conflit
avec le temps continu de l'économie, des machines et des réseaux. Ces désynchronisations
mettent également en tension les familles où le soir venu, chacun vaque désormais à ces
occupations propres, voire se rend à son travail. La soirée et la nuit, derniers temps en
commun du repos social et de la convivialité familiale sont mis sous tension.
Plus généralement, on finit par vivre dans les mêmes villes, travailler dans les mêmes
entreprises, être membre des mêmes familles sans plus jamais se rencontrer faute de temps
communs
en
journée
et
maintenant
-705 -
même
en
soirée,
voire
la
nuit.
Partie III - Un système sous contraintes
•
Tensions sur la ville et la société
Le temps en continu de l'économie et des réseaux entre également en conflit avec les
rythmes biologiques circadiens de la ville traditionnelle. Le temps du repos nocturne est
grignoté. (Figure III. 100 — Tensions sur la société urbaine)
Tensions sur l'organisation fonctionnelle
La mise en compétition des territoires sur des critères d'accessibilité, d'animation et
de production permanente et le développement des technologies de l'information et de la
communication obligent chacun d'eux à développer des fonctions et services internationaux
en continu (aéroport, animation nocturne...) sous peine de se retrouver peu à peu exclus du
système. Les nouveaux besoins des habitants génèrent également des demandes auxquels les
organisations (entreprises, services...) doivent s'adapter.
Tensions sur les quartiers
C'est sur les marges temporelles du jour (la soirée) et sur les marges spatiales que se
posent le plus de problèmes à des endroits et à des moments où le système urbain est amputé
d'une partie de ses fonctions. Le développement de rythmes de travail et de vie atypiques
entraîne la mise en place de rythmes urbains différenciés qui s'inscrivent dans l'organisation
territoriale de la ville et de ses quartiers. Dans la nuit urbaine, doivent aujourd'hui coexister la
ville qui dort, la ville qui travaille, la ville qui s 'amuse et la ville qui s'approvisionne ou se
répare. Les quartiers de la ville traditionnelle mêlant souvent au même endroit des fonctions
de résidence, de commerce, de restauration voire de petit artisanat et de petite industrie, les
tensions s'exacerbent entre ces différentes activités (ou non-activités) faisant des nuits
urbaines un champs permanent de tensions et de conflits.
3.1.5.2 Des services et des réponses mal adaptés
Des décalages se font également jour dans les nuits de nos villes entre les besoins et
problèmes de la population et l'offre urbaine. Trois exemples très différents de ces décalages
dans « l'architecture spatio-temporelle de la ville » permettent d'illustrer le propos :
-708 -
Partie III —Un système sous contraintes
•
Décalage besoins physiologiques et offre de bien-être
Après 19h00, il n'y a plus de toilettes publiques accessibles dans la ville depuis l'arrêt
des sanisettes pour raisons économiques. De l'avis des responsables de parkings du centreville, obligés de financer des équipes de nettoyage du matin, ce sont ces mêmes parkings qui
font office de lieux d'aisance. Alors que les canisites se sont largement développés dans toute
la ville, on peut s'étonner de ce manque, de cette désynchronisation entre les besoins
permanents d'une population résidente ou touristique qui vît aussi la nuit et l'absence d'une
offre continue de bien-être. On peut élargir la question aux bancs pour s'asseoir ou s'allonger
et aux fontaines inexistantes.
•
Violences urbaines et offre de sécurité
Les violences urbaines ont lieu en soirée (21h00 - 24h00) et dans les quartiers
périphériques c'est-à-dire à un moment et dans des lieux où la ville est amputée d'une partie
de ses activités : les bureaux de la Police municipale et de la Police nationale, les centres
socio-culturels sont fermés. Il n'y a pas de commerces ni de lieux de rencontre ouverts
(centres socio-culturel, locaux...) pour les jeunes. Il n'y a pas d'encadrement social naturel
(services publics, commerces...) et une partie de la jeunesse reste dans la rue livrée à ellemême.
•
Insécurité routière et absence d'offre de transport public
Si les accidents nocturnes sont moins nombreux, ils sont beaucoup plus graves et
touchent notamment une population jeune alors qu'elle regagne son domicile après une nuit
de fête. L'absence d'offre de transport public souple desservant les sites de nuit comme elle
dessert les sites de jour ne permet pas à une population noctambule de rejoindre ses foyers
sans encombre.
-709-
Partie III - Un système sous contraintes
Conclusion
L'analyse spatio-temporelle de la ville permet de repérer des champs de tensions et des
désynchronisations potentielles entre individus, communautés, organisations et quartier. Elle
pourrait servir à mieux organiser la cité, éviter certains conflits et contribuer à l'amélioration
de la qualité de la vie. Face à ces désynchronisations, les pouvoirs publics doivent réfléchir au moins en soirée- à une politique de décalage des temporalités des services et
d'implantation des fonctions urbaines afin d'assurer une présence, un encadrement et
répondre aux besoins de la population. A termes, nous pourrions imaginer un modèle prédictif
de bonne articulation offre et demande spatio-temporelle afin d'éviter les conflits et la
dégradation des conditions de vie.
Après avoir repéré les éléments de cet espace-temps nocturne, nous pouvons
maintenant réfléchir à une modélisation des contraintes d'accès des individus à l'espace
urbain nocturne.
3.2. VERS UNE MODELISATION
Nous avions rappelé en introduction de notre démarche que dans l'idéal, l'approche
systémique comportait normalement trois phases :
•
L'analyse
du système qui consiste à déterminer les principaux éléments le
constituant et d'en définir les interactions et limites. Il s'agit alors de mettre en évidence
les niveaux et les taux de flux, les boucles de rétroaction positives et négatives. Les
sous-systèmes sont considérés indépendamment les uns des autres puis les uns avec les
autres.
•
La modélisation qui revient à définir un modèle à partir des éléments du système,
modèle qui peut être fonction d'une problématique particulière... ce modèle peut alors
être transcrit en un langage de programmation.
-714 -
Partie III - Un système sous contraintes
• La simulation qui permet alors d'étudier un système au travers d'un modèle, par
analyse d'une modification de toutes ou partie des variables simultanément. Les progrès
réalisés en informatique permettent aujourd'hui des simulations complexes.
Notre analyse n'a vraiment porté que sur la première phase. Nous avons tenté de
déterminer les principaux éléments du système en cherchant à établir quelques interactions et
limites. Notre ambition s'est limitée à une décomposition « recomposée » du système. Nous
ne pouvions cependant pas espérer pouvoir arriver à la modélisation quand tout ou presque
restait à découvrir et à créer. Nous sommes entrés dans un système logique d'inventaire afin
d'identifier ce qui fonctionnait vraiment dans la ville la nuit. Avant de reconstruire le système
« ville la nuit », il fallait bien une « base de connaissance » avec quelques règles de
fonctionnement. C'est ce que nous avons essayé de construire.
La question qui se pose maintenant est de savoir comment un individu peut accéder à
ce qui existe dans la ville la nuit et que nous avons reconnu.
3.2.1. Contraintes d'accessibilité à la nuit liées à l'individu
A partir du travail effectué sur Strasbourg, nous pouvons tenter de sérier différents
types de contraintes qui conditionnent l'accès à l'espace temps nocturne.
Les individus vont tenter d'accéder à la nuit urbaine en fonction de leurs
caractéristiques et notamment leur solvabilité, leur sexe, leur âge et leur santé :
-
Son statut
individuel
(sexe, âge...) ; familial (chef de famille, veuf, divorcé,...)
professionnel, économique, social (éducation,...), politique, culturel, ethnique ;
Ses caractéristiques personnelles : personnalité ; implication personnelle ;
Ses capacités personnelles : capacités physiques, mentales, capacités techniques ;
Ses activités du moment : activités imposées ou contraintes ou activités libres ;
-
Son budget temps disponible ;
-
Son budget financier disponible ;
-
Sa morale enfin qui peut lui interdire l'accès à certains lieux.
-715 -
Partie III - Un système sous contraintes
3.2.2. Contraintes d'accessibilité liées à la ville
Une fois évacuée les contraintes de l'individu, nous avons identifié deux types de
contraintes : les unes dans l'espace
des pratiques
et les autres dans l'espace
des
représentations :
Espace des pratiques :
Dans l'espace des pratiques, quatre contraintes fortes pèsent sur les possibilités de
déplacement des individus :
-
La lumière inégalement répartie rend possible ou limite le déplacement ;
-
L ' o f f r e urbaine limitée de la ville ou du réseau de villes réduit les possibilités
d'appropriation et de pratique ;
-
Les moyens de transport inexistants ne permettent pas d'accéder à la ville et de s'y
mouvoir ;
La sécurité.
Espace des représentations :
Dans l'espace des représentations, deux types d'informations contribuent à construire
des configurations mentales qui conditionnent nos possibilités de déplacement :
Les informations directes perçues par l'individu dans sa pratique de la nuit
urbaine ;
Les informations indirectes sur la nuit urbaine transmises par les médias et les
différents moyens de communication.
C'est en fonction de ces contraintes que nous allons nous mouvoir dans la ville et
accéder ou non à ses services en fonction d'un schéma déplacement-cognition (Figure III. 101
- Schéma d'opportunité dans la ville la nuit)
-716 -
Partie III - Un système sous contraintes
Conclusion
Nous avons bien retrouvé dans la nuit urbaine les actions de conquête, de conflit, de
discontinuité et un mouvement permettant de qualifier la frontière ou le front pionnier. La
métaphore est séduisante et présente l'avantage de s'accomoder de certaines contradictions en
les rendant plus faciles à appréhender. Cette colonisation progressive entraîne des
phénomènes de désynchronisation spatio-temporels qui générent tensions et conflits et nous
obligent
à réfléchir à de nouvelles
synchronisations par décalage
d'activités
ou
développement de certains services en continu temporel.
Le front pionnier, la ville la nuit, reste un espace-temps peu accessible pour les
individus -quelles que soient leurs caractéristiques- soumis à de fortes contraintes de coût,
d'absence d'offre ou d'insécurité perçue.
Après avoir monté les éléments de la base de connaissance sur la ville nocturne et mis
en évidence certaines règles de fonctionnement et de relations entre ces éléments, nous
devons chercher à les relier à nos hypothèses de travail.
-717 -
Partie III - Un système sous contraintes
Chapitre 4. RETOUR AUX HYPOTHESES DE TRAVAIL
En démarrant cette recherche, nous avons voulu montrer qu'il était urgent de dépasser
les clichés pour ouvrir la nuit urbaine, territoire à peine défriché, à l'investigation
géographique.
Objectifs atteints
Nous avons atteint -au moins partiellement- les objectifs que nous nous étions fixés :
définir la nuit urbaine, ses limites et ses rythmes ; explorer le système urbain à partir des
questions de liberté et de sécurité ; mettre en évidence les enjeux et les conflits qui
accompagnent la conquête de la nuit et imaginer les premières bases d'une conceptualisation
logique de la nuit urbaine qui permette de réguler ou d'éviter certains conflits. Au-delà des
objectifs, il nous faut revenir un instant aux hypothèses de travail posées en introduction.
Hypothèses de travail
Afin d'explorer la ville la nuit, nous avions posé les hypothèses de travail suivantes :
La conquête de la nuit urbaine va se poursuivre et s'accentuer à la fois dans le
temps et dans l'espace. Les pressions vont augmenter et de nouveaux conflits
d'occupation et de gestion de l'espace, du temps et des rythmes urbains vont
apparaître.
La nuit est « l'espace de liberté » magnifié par les poètes et « le territoire
dangereux » où il vaut mieux ne pas s'aventurer.
Plus globalement, nous avions fait le choix d'aborder la nuit comme un système76, en
essayant de saisir ses différents éléments et d'identifier les premières interactions. Nous
avions proposé « le droit à la ville » en continu et envisagé une citoyenneté qui se redéploie
dans l'espace et dans le temps sur 24 heures en incluant la nuit.
Nous avons pu confronter ces hypothèses à la nuit urbaine et dégagé quelques règles
de fonctionnement.
-720 -
Partie III - Un système sous contraintes
4.1. COLONISATION PROGRESSIVE DE LA NUIT URBAINE
Nous avons effectivement pu montrer que la conquête de la nuit urbaine s'accentuait à
la fois dans le temps et dans l'espace, que les pressions augmentaient et que de nouveaux
conflits d'occupation et de gestion de l'espace, du temps et des rythmes urbains apparaissaient
entre la ville en continu temporel de l'économie et des réseaux et la ville traditionnelle,
circadienne, des rythmes biologiques, entre les espaces de flux et les espaces de stocks, entre
les espaces de l'international et ceux du local.
Le « temps sécateur » qui sépare les hommes, les organisations et les quartiers de la
ville plurielle et polychrone, rend bien difficile la généralisation de ces premières conclusions
à une ville universelle et unique qui n'existe pas. De plus, le contraste peut être aussi
important entre les quartiers de la même ville. Si une partie de l'agglomération tend à
demeurer active 24h/24, la vie de nombreuses autres zones notamment périurbaines pérennise
en revanche l'opposition jour-nuit.
La colonisation de la nuit urbaine s'effectue dans une tension permanente entre liberté
et insécurité.
4.2. LIBERTE ENCADREE ET INSECURITE RELATIVE
La ville la nuit n'est ni l'espace de liberté magnifié par les poètes, ni le territoire
dangereux où il vaut mieux ne pas s'aventurer. La liberté est encadrée et l'insécurité associée
moins grande qu'on ne le croit généralement.
4.2.1. Liberté encadrée
Dans un premier temps, nous avons montré que la nuit urbaine n'était pas l'espacetemps de liberté rêvé par les poètes. La liberté du consommateur est fortement encadrée dans
la ville la nuit par différentes contraintes :
- Les médias et la lumière qui manipulent la nuit ;
76
ROSNAY (DE) J., 1975, «Ensemble d'éléments en interaction dynamique organisés en fonction d'un but», Le
macroscope, vers une vision globale, Seuil, p. 101.
-721 -
Partie III - Un système sous contraintes
- Une offre urbaine limitée dans le temps de la nuit et dans l'espace ;
- Un espace collectif réduit ;
- Une ségrégation des activités et un accès limité.
De la même façon, la liberté du producteur -déjà en temps contraint- qui cherche un
emploi est encadrée par une offre réduite tant en nombre qu'en variété de postes à pourvoir.
4.2.2. Insécurité relative
Dans un second temps, nous avons montré que dans un contexte de croissance de
l'insécurité, la ville la nuit n'était pas plus dangereuse que le jour :
La mortalité n'est pas plus importante la nuit que le jour ;
La délinquance de voie publique est moins importante que le jour même si les
agressions et les dégradations sont plus nombreuses ;
Les incivilités ont plutôt lieu en soirée -sur les marges temporelles- qu'au cœur de la
nuit ;
Les cambriolages à domicile ont plutôt lieu en journée au moment où la plupart des
résidents sont sur leur lieu de travail ;
Les violences urbaines en augmentation sont également centrées sur la fin de soirée et
le début de nuit et touchent le plus souvent les quartiers périphériques de la ville.
Enfin, si peu d'accidents de la circulation se produisent la nuit ce sont
malheureusement les plus meurtriers...
Nous avions choisi de considérer la ville la nuit comme un système et le noctambule
comme un citoyen.
-724 -
Partie III - Un système sous contraintes
4.3. FONCTIONS DE LA VILLE : UN SYSTEME URBAIN AMPUTE
Si l'on revient un instant aux hypothèses de départ, on ne peut pas considérer la ville la
nuit comme un système complet. Nous avons montré qu'une partie des éléments qui font la
ville étaient présents, mais que certaines fonctions n'étaient pas assurées et d'autres
déficientes.
Des fonctions assurées
Certaines fonctions sont assurées de nuit comme de jour : l'alimentation en énergie,
l'élimination des déchets, la production, la protection et la sécurité.
Des fonctions déficientes
Par contre, d'autres fonctions ne sont pas ou très mal assurées : l'offre de biens et de
services est réduite, Y administration est en sommeil, la culture est limitée et les loisirs sont
très spécialisés ; les communications sont limitées avec des transports de personnes non
assurés et des transports de biens réduits.
Nous avions proposé comme approche opératoire du système ville celle imaginée par
77
A. BONNAFOUS et H. PUEHL
avec un système de localisation,
un système de
déplacement et un système de pratiques et de relations sociales des habitants. En reprenant
cette proposition, nous constatons que les trois sous-systèmes en relations les uns avec les
autres sont « anémiés ». Si la matérialité urbaine reste la même, l'espace public et l'offre de
service ont rétréci, le système de déplacement est réduit au transport privé, voire inexistant et
le système de pratiques et de relations sociales est limité à certaines activités spécialisées.
Ce système urbain incomplet (Figure III-102 - La nuit urbaine) ou amputé oblige à
réfléchir sur les manques en termes de services et de fonctions. Toute politique de
développement global de la ville, devrait mettre en place les moyens pour développer les
fonctions absentes et mieux en répartir d'autres dans l'espace et dans le temps.
Le système urbain amputé renvoie tout naturellement à la notion de Droit à la ville en
continu.
77
BONNAFOUS A., PUEHL H., 1983, Physionomie de la ville, Les éditions ouvrières, 165 p.
-725 -
Partie III - Un système sous contraintes
4.4. DROIT A LA VILLE : UNE CITOYENNETE DISCONTINUE
En préalable de ces travaux, nous avions proposé « le droit à la ville » comme un
élément important du nouveau paradigme qui a servi de support à notre démarche. Pour tenir
compte des mutations qui affectent les rythmes de nos vies et de nos villes, nous avions
proposé que la citoyenneté soit repensée dans l'espace et dans le temps, 7j/7 et 24h/24.
Le droit à la ville est loin d'être respecté dans l'espace et dans le temps. L'inégalité
spatiale souvent mise en avant en termes d'enclavement -mesuré comme une distance d'accès
à des équipements- est aussi une inégalité temporelle. Plus on avance dans la nuit, plus la
citoyenneté est mise en défaut. Elle est discontinue dans le temps et dans l'espace. Souvent,
les inégalités spatiales se doublent d'inégalités temporelles. Les quartiers les plus enclavés en
journée sont sinistrés la nuit.
Droits respectés dans l'espace et dans le temps
Certains droits sont effectivement respectés dans l'espace et dans le temps comme le
logement et la santé même si des problèmes persistent pour les plus démunis d'entre nous.
Droits respectés dans le temps
Certains droits comme la sécurité ou le droit à un environnement sain et non pollué
sont respectés dans le temps mais pas sur tout l'espace de la nuit et dans tous les quartiers.
Droits non respectés dans l'espace et dans le temps.
D'autres droits enfin ne sont pas respectés dans l'espace comme dans le temps : La
mobilité, l'emploi,
le sport et les loisirs, la culture, l'intégration
multiculturelle,
une
architecture et un environnement physique de qualité, la coexistence harmonieuse des
fonctions,
la participation
à travers
des structures
démocratiques
pluralistes,
un
développement économique, un développement durable, les biens et services, les ressources et
richesses naturelles,
l'épanouissement
personnel,
la collaboration
entre
municipalités,
mécanismes et structures financières et l'égalité enfin.
La conclusion est que l'on n'est pas citoyen dans la nuit urbaine puisque qu'il nous est
impossible de jouir de certains droits fondamentaux. Même nos statuts de producteurs et de
-726 -
Partie III - Un système sous contraintes
consommateurs sont limités face à une offre urbaine de service et une offre d'emploi
spécialisée et réduite.
Dans la ville nocturne, l'individu ne peut pas jouir pleinement de ses droits de citoyen.
Il n'est pas citoyen. Sa dimension de consommateur voire de producteur prend le pas sur sa
capacité à participer à la vie d'une Cité qui a oublié le couvre-feu.
Tout projet politique créatif devrait tenter de renforcer la citoyenneté nocturne en
répondant aux droits de chacun dans l'espace et dans le temps.
-727 -
Partie III - Un système sous contraintes
Conclusion
La nuit est bien un système sous contraintes où la liberté de l'individu qui y vit, y
travaille, s'y amuse, s'y ravitaille ou cherche à s'y rendre est fortement encadrée.
-
Dans un premier temps, nous avons montré que contrairement aux discours habituels,
nous n'étions pas plus libre dans la ville la nuit que le jour. La liberté de l'individu est
encadrée par des contraintes d'ordre pratique : une offre urbaine spécialisée limitée dans
le temps et dans l'espace ; un espace public réduit à l'accès filtré ; des déplacements
rendus difficiles par l'absence de transports publics et un coût élevé d'accès aux services.
La liberté est indirectement encadrée par des contraintes plus cognitives liées à la
manipulation de l'espace urbain par la lumière et les médias où le sentiment d'insécurité
est fortement présent.
-
Dans un deuxième temps, nous avons montré que l'insécurité était relative dans la nuit
urbaine et qu'elle concernait plutôt la soirée que le cœur de la nuit. La mortalité n'est pas
plus importante que le jour. La délinquance de voie publique n'est pas plus forte même si
les agressions et les dégradations sont plus nombreuses. Les incivilités et autres
dégradations ont plutôt lieu en soirée qu'au cœur de la nuit. Les cambriolages à domicile
se déroulent plutôt en journée. Les violences urbaines en augmentation sont centrées sur la
fin de soirée et le début de la nuit et ne touchent que les quartiers périphériques. Enfin, si
peu d'accidents de la circulation se produisent la nuit, ce sont malheureusement les plus
meurtriers...
-
Dans un troisième temps, nous avons proposé d'aborder la nuit urbaine comme une
dernière frontière, un front pionnier au sens américain du terme. Nous avons également
montré que la nuit urbaine était un système sous tension soumis aux pressions du jour et
qu'au cours de cette colonisation de nouveaux conflits apparaissaient entre les individus,
communauté et quartiers de la ville polychrone qu'il faudrait apprendre à anticiper et à
gérer.
-
Enfin, nous avons synthétisé nos réflexions et sommes revenus aux hypothèses de départ,
pour montrer que la ville la nuit était un système urbain incomplet où certaines fonctions
-728 -
Partie III - Un système sous
contraintes
manquaient et où nous ne pouvions pas exercer pleinement notre citoyenneté. Face à la
colonisation progressive de la nuit par l'économie et aux risques de désynchronisations
actuelles - o u à venir - nous proposons de décaler certaines temporalités et horaires
publics pour reconstruire un système urbain complet la nuit dans le respect de tous
mais en prenant actes des mutations qui affectent nos vies nos villes, nos territoires et nos
organisations, démunis que nous sommes encore pour en limiter les impacts au niveau
local ou imaginer de peser sur le système global. La plupart des services publics et privés
seraient assurés à partir de pôles de temps continu bien répartis dans la ville mêlant les
fonctions de la ville de garde (sécurité, santé...) et d'autres fonctions actuellement
absentes ou réduites : commerces alimentaires et vestimentaires, culture, restauration,
culture, transports publics, administration, culte, bien-être voire certains aspects éducatifs
ou politiques.
Plus largement, la conquête progressive de la nuit urbaine questionne nombre de nos
concepts géographiques comme ceux d'espace, de pouvoir et surtout de territoire. On a vu
78
avec A. FREMONT
que le territoire était un espace économique mais aussi un espace
écologique, juridique et un espace vécu vu et ressenti. La nuit ne correspond à aucun des
types mis en avant : territoires fluides dans lesquels les habitants se déplacent en fonction des
conditions écologiques ; territoires enracinés dans lesquels l'homme tisse des liens étroits
avec un lieu qu'il s'est approprié et qu'il a limité ou territoires des espaces industriels
manqués par la « fonctionnalisation » des espaces de production et leur répartition dans des
lieux différents et interchangeables. Le type d'occupation temporaire de la ville la nuit se
retrouve un peu à d'autres échelles spatiales et temporelles, celles des saisons, et sur d'autres
continents, notamment dans certaines sociétés africaines. De façon provisoire, nous proposons
d'appréhender la nuit urbaine en terme d'espace vécu, éphémère et cyclique.
Il est temps de conclure et de proposer quelques pistes pour l'avenir de la nuit urbaine.
A
A
78
A
FREMONT A., 1976, op.cit.
j - 729 -
CONCLUSION GENERALE
De la nuit du silence un secret peut sortir
VOLTAIRE
Cette première approche de la ville nocturne conforte notre proposition qui consistait à
percevoir la nuit non plus comme un repoussoir, un territoire livré aux représentations et aux
fantasmes mais comme un espace de projet. La ville la nuit est un lieu d'expérimentation, une
dernière frontière, qui permet et oblige chacun d'entre nous - chercheur, élu, technicien - à
penser différemment. Aborder la ville la nuit nous oblige à adopter une vision plus holistique
de la cité qui intègre à la description spatiale dominante des aspects temporels essentiels à sa
compréhension et à sa gouvernance.
Le moment est venu de rassembler nos idées pour dresser un premier rapport
d'exploration, une première synthèse de nos travaux sur la nuit urbaine et ouvrir quelques
perspectives. L'approche de la ville nocturne, l'étude des tensions et des contradictions qui la
traversent interrogent plus largement le modèle urbain dans ses dimensions tant spatiales et
temporelles. Après avoir repoussé ses limites territoriales bien au-delà des frontières
administratives, la ville, visiblement à l'étroit, s'est mise à repousser ses limites temporelles
d'activités grignotant sur la nuit, la sieste, le dimanche et les vacances. La ville se dilue dans
l'espace et dans le temps. Cette nouvelle figure émergente de « la ville en continu » dépasse la
question urbaine pour embrasser l'avenir de notre société. La ville revoie ses nycthémères et
toute la cité s'en ressent. Face à ces mutations, aux résistances qui s'organisent, nous
proposerons quelques balises pour définir les contours d'une nouvelle urbanité pour « une cité
à la carte ».
A. RETOUR SUR LA NUIT URBAINE
A partir des hypothèses de travail retenues, nous avons voulu dépasser les idées reçues
sur la nuit urbaine. Le choix d'une ville particulière pour mener l'analyse ne permet pas de
tirer des conclusions toujours généralisables à d'autres villes, dans d'autres pays, d'autres
continents, sous d'autres latitudes et pour d'autres cultures. Il permet de structurer une
réflexion, de débroussailler quelques pistes, de contribuer à ouvrir un nouveau champ de
-735-
recherche en géographie, d'imaginer certains prolongements et de proposer -nous y tenionsaux édiles, chercheurs et techniciens de s'intéresser à la nuit, dimension oubliée de la ville.
Premières conclusions
Nous n'avons évidemment pas réussi à faire le jour sur la nuit. Cependant, face à la
complexité du système urbain, nous avons suivi une approche qui nous permet de tirer
quelques conclusions partielles en trois temps correspondant aux chapitres de la thèse :
• Premier temps : La nuit un espace-temps à repenser
Dans une perspective historique, nous avons montré successivement que la nuit,
dimension oubliée de la ville, a peu à peu été investie par l'Homme grâce à des évolutions
techniques comme l'éclairage public et à l'affirmation des pouvoirs politiques qui ont mis en
place les moyens de contrôle par les forces de l'ordre. Ce contrôle progressif a permis le
développement d'une véritable vie nocturne, d'un espace-temps particulier éphémère,
cyclique, spécialisé par ses activités de loisir et parfois élitiste, un système c'est-à-dire un
ensemble d'éléments en interaction dynamique organisés en fonction d'un but » : le plaisir et
la fête.
Figure IV. 1 - La ville d'hier
"Ville d'hier"
-779-
Nous avons également montré que dans un contexte nouveau, la conquête de la nuit
urbaine par l'économie, les activités et « les gens du jour » s'accélérait au risque de banaliser
cet espace-temps particulier en le « diurnisant», c'est-à-dire en faisant disparaître ses
spécificités nocturnes, et en l'assimilant au système urbain englobant.
• Second temps : La nuit un espace temps limité
A travers l'exemple de la métropole strasbourgeoise, nous avons essayé de cerner les
limites de la ville, espace-temps particulier par des bornes naturelles, financières, légales et
fonctionnelles et d'en identifier les rythmes. Ce faisant, nous avons compris que la nuit
urbaine, temps de l'obscurité, du repos social, de l'arrêt des activités et du retour vers la
sphère privée se réduisait aujourd'hui à une peau de chagrin entre lh30 et 4h30 du matin. Sur
les marges coexistent activités du jour et activités de nuit.
Figure IV.2 - La ville d'aujourd'hui
"Ville d'aujourd'hui"
Jour
• Troisième temps : La nuit un système sous contraintes
Nous avons tenté d'explorer la nuit en montrant qu'elle n'était ni l'espace de liberté
rêvé par les poètes ni l'espace insécure craint par d'autres. A partir d'une mise à plat des
contraintes qui pèsent sur cet espace-temps, nous avons proposé de définir la nuit comme une
dernière frontière avec ses acteurs, ses règles, ses problèmes et ses rêves.
Nous avons atteint -au moins partiellement- les objectifs que nous nous étions fixés :
définir la nuit urbaine, ses limites et ses rythmes ; explorer le système urbain à partir des
-780-
questions de liberté et de sécurité ; mettre en évidence les enjeux et les conflits qui
accompagnent la conquête de la nuit et imaginer les premières bases d'une conceptualisation
logique de la nuit urbaine qui permette de réguler ou d'éviter certains conflits.
Ce premier état des lieux de la nuit urbaine « à un instant t » et les pressions qui
s'exercent nous incitent à imaginer l'avenirde la nuit.
Avenir de la nuit urbaine
Les informations collectées nous permettent d'imaginer les futurs possibles de la nuit
urbaine et de proposer quatre scénarios principaux et contrastés : « la banalisation de la nuit »,
«l'autonomisation de la nuit», «l'explosion de la nuit» et «l'harmonisation de la nuit»
(Figure IV.3 — Evolution de la nuit urbaine)
• Scénario 1 : Banalisation de la nuit
Dans le premier scénario, les activités du jour ont colonisé la nuit. Totalement
artificialisée, la ville fonctionne en continu, 24h/24 et 7 jours sur 7. Le système nuit en tant
que système autonome temporaire s'est dissous et a été totalement intégré au système ville
dont il a repris la structure et l'ensemble des fonctions. La nuit a perdu son âme.
Figure IV.4 - Banalisation de la nuit
Banalisation
L'ancien front pionnier est balisé, pacifié, policé et encadré. Les hommes, les
communautés et les organisations sont sous tension permanente, sous la pression continue du
temps de l'économie et des réseaux. La nostalgie « du temps d'avant » s'est installée avec ses
réserves et ses musées de nuit. Sans rythme, la société tourne en rond.
-781-
• Scénario 2 : Autonomisation de la nuit
C'est le scénario de la séparation. Le nombre et le niveau d'activités de jours
implantées dans la nuit urbaine ont laissé penser aux habitants qu'ils pouvaient se débrouiller
seuls sans «ceux du jour». Un processus d'autonomisation politique, «l'indépendance
association » a été négocié avec la métropole diurne. Par contre, l'économie reste sous
perfusion du jour et la nuit est devenue un exutoire pour ceux du jour malgré leur mauvaise
conscience « d'anciens colonisateurs ». Le gouvernement de la ville a tenté de mettre en place
des mesures d'exception pour attirer les hommes les activités et les richesses du jour avec
zones franches et exonérations. Certains ont même rêvé un instant au statut de paradis fiscal
temporaire. Nombreux sont ceux, parmi le «peuple de la nuit» qui, épuisés, cherchent à
rejoindre la grande ville de jour. Ils abandonnent la partie comme ailleurs ces colons ruinés
qui viennent grossir les périphéries des grandes métropoles quand le sol est épuisé.
Figure IV.5 - Autonomisation
Autonomisation
• Scénario 3 : Explosion
C'est le scénario le plus dangereux pour la cohésion globale de la société, celui du
conflit permanent entre le jour et la nuit. Chacun se joue des différences pour faire.de la ville
nocturne un terrain d'affrontement et de violence. La nuit urbaine est devenue le champ de
tension central de la société. La société est entrée dans une spirale sans fin d'affrontements, de
médiatisation, de tentative de retour de l'ordre et de mesures d'exceptions. C'est le scénario
de la peur, des tensions et du repli sans issue.
-739-
• Scénario 4 : Harmonisation
C'est le scénario de la conciliation entre le jour et la nuit, entre les activités et le repos,
l'équilibre entre le ying et le yang, la raison et l'inconscient. La nuit urbaine est repensée
comme un système complet et équilibré assurant toutes les fonctions diurnes et nocturnes
d'une ville. La citoyenneté est continue dans l'espace et dans le temps et le droit à la ville
pour tous est une réalité. Ce modèle politique qui met en avant les principes de continuité
territoriale et temporelle se décline sur le terrain avec la mise en place de pôles ou de
« bastions de temps continu » à intervalles réguliers dans la ville. Ces grappes de services
publics et privés ouverts en permanence, installés dans des lieux où ils ne gênent pas les
résidents (friches, zones industrielles, gares...) et desservis par un réseau de transports en
commun performant assurent une permanence de l'offre de services.
Figure IV.7 - Harmonisation
Harmonisation
C'est ce scénario de l'harmonisation qui a évidemment notre préférence.
-740-
Il y a quelque temps déjà, dans un autre contexte, nous avions imaginé un scénario
volontariste
supplémentaire autour du thème des «territoires de l'ombre 1 ». Face aux
problèmes de notre société, les politiques décidaient de lancer un vaste programme de
conquête de la nuit urbaine un peu à la façon de ce qui s'est fait au Brésil pour coloniser
l'Amazonie, vaste frontière intérieure. Il s'agissait de renverser les choses, d'investir la nuit,
dernière frontière, territoire en friche, disponible pour chacun, chaque jour renouvelé, espace
de liberté tout à la fois lieu d'échange et de rencontre, gisement d'emplois, terrain de
découverte et de création. On pouvait imaginer échapper au chômage, à l'insécurité, à
l'absence de communication ou à la ségrégation.
Pourquoi en effet ne pas anticiper le développement prévisible des activités nocturnes
afin de gérer au mieux les inévitables conflits d'usage et réfléchir à un aménagement et à un
développement global de la ville qui intègrent la dimension temporelle et ne transforme pas le
ville en caricature de cité livrée aux seules activités économiques. On peut alors pousser plus
avant l'utopie pour imaginer « la nuit comme, une nouvelle frontière » dans le but d'une
amélioration de la qualité de vie des habitants avec ses mairies et ses services publics ouverts
face aux activités commerciales. L'animation et la mise en lumière de la ville peuvent
contribuer à réduire le sentiment d'insécurité, générer des emplo'is et contribuer à créer un
nouvel imaginaire. Dans de nombreuses villes, l'insécurité et le sentiment d'insécurité ont
fortement progressé notamment dans les quartiers et les moments où la ville se trouve
amputée d'une partie de ses activités. Partout les réponses en termes d'effectifs policiers, de
caméras de surveillance ou même de couvre-feu sélectif ont montré leurs limites. Peupler la
soirée et la nuit en maintenant ouverts plus tardivement services publics (commissariats,
centres socioculturels...) et commerces permettrait de créer les conditions d'un encadrement
social naturel2. Dans de certaines villes comme Rennes, l'expérience des « correspondants de
nuit» a eu des résultats intéressants et pourrait être étendue à d'autres agglomérations et
quartiers. Des réseaux de transport de nuit adaptés permettraient de desservir les zones
d'activités, les cités universitaires et les espaces de loisirs du centre et de la périphérie ».
Au-delà de ces scénarios provocateurs et volontairement caricaturaux, la conquête de
la nuit urbaine pose des questions fondamentales pour nos villes et nos sociétés.
1
AGHINA B'., GWIAZDZINSKI L., 1997, Les Territoires de l'ombre, texte publié en juin 1999 dans la revue Aménagement
et Nature, n°133, pp. 105-108
1
GWIAZDZINSKI L., Violences urbaines : repenser la ville, Le Monde, 4 janvier 2001
-741-
B. L'EMERGENCE D'UNE VILLE EN CONTINU
Chemin faisant et bien au-delà de Strasbourg et des limites de la nuit urbaine au sens
strict, c'est l'image de la ville en continu temporel, 24h sur 24 et 7j sur 7 qui est apparue et
qui interroge l'avenir de la ville et de la société.
Sur une partie de la planète, les nuits sont déjà plus belles que nos jours. À New York,
« la ville qui ne dort jamais », le métro roule toute la nuit et des cours de justice fonctionnent
dans chaque quartier, pour éviter l'engorgement du jour . Même dans les villes de taille
modeste d'outre-Atlantique, drugstores, supermarchés, coiffeurs, restaurants, salles de sport
ou transports publics fonctionnent en permanence. La nuit des métropoles japonaises est
également égayée par l'activité de magasins ouverts 24 heures/24 qui offrent une large palette
de produits et de services.
La continuité et le 24/7 comme disent les Américains ne sont pas réservés aux seuls
pays développés. Dans beaucoup de villes et mégapoles des pays du sud, la continuité des
services (petits commerces...) est depuis longtemps une réalité articulée à une économie de la
débrouille et à certains rythmes touristiques.
Ailleurs, le temps en continu des réseaux internationaux impose peu à peu son rythme.
Le mouvement suit les grands axes, ces espaces-flux qui fonctionnent déjà en continu et se
nourrissent de rinternationalisation et de la mobilité. Petit à petit, des oasis de temps continu
s'installent dans les grandes villes. Partout le temps des réseaux triomphe et crée le décalage
avec les rythmes traditionnels de la ville circadienne et les rythmes biologiques des hommes.
Quelques figures de la ville en continu émergent peu à peu.
Les premières figures de la ville en continu
Schématiquement, on peut déjà identifier quelques figures de la ville en continu qui
émergent à différentes échelles.
3
GWIAZDZINSKI L„ 1998, « La ville, la nuit : un milieu à conquérir ». in l'Espace géographique des villes, Anthropos,
collection Villes, pp. 347-369
-742-
-
La ville globale4 comme New York, Londres ou Tokyo où le consommateur peut tout
trouver -ou presque- à n'importe quelle heure, et n'importe quel jour de l'année ;
-
La ville linéaire des voies de circulation internationales (autoroutes, chemins de fer...)
et ses oasis de temps continu : gares, stations d'autoroutes, ports, aéroports, stations de
taxi ;
-
La ville archipel où émergent des « bastions de temps continu » -services et
production - dans un univers encore largement circadien : industrie, restaurants,
hôpitaux, hôtels, bureaux de Police, casernes de pompiers ;
La ville festive spécialisée comme Ibiza en Espagne ou Las Vegas aux Etats-Unis qui
vivent dans l'utopie des loisirs et du «fun permanent5 ».
La ville virtuelle des réseaux, de la toile et ses appendices électroniques (ordinateurs,
téléphones,
télévisions...)
qui
ont
colonisé
nos
maisons
et
l'espace
urbain (distributeurs automatiques...).
Les risques de la ville en continu
Le développement des villes en continu comporte de nombreux risques qu'il faut
savoir évaluer. Pour beaucoup, l'avènement de la ville en continu temporel 24h/24 et 7j/7 est
synonyme de dictature du temps en continu des entreprises et des réseaux et de triomphe de
l'idéologie de la compétition. Apprenti sorcier croyant maîtriser l'espace et le temps,
l'Homme se retrouverait aujourd'hui prisonnier d'une cité globale qui lui imposerait son
propre espace et ses propres rythmes. La généralisation de la ville en continu temporel serait
source de catastrophes : problèmes de santé, disparition des temps de rencontre et espaces
collectifs, perte de repères et de cohésion globale de la société, multiplication des conflits
entre individus, groupes et territoires ; accroissement des déséquilibres et des inégalités,
difficultés à gérer une demande continue et aussi éclatée et enfin dégradation générale de la
qualité de vie.
4
5
d'après le titre de l'ouvrage de SASSEN S., The global City, Princeton University Press, 1991, op. cit.
BEGOUT B., 2002, Zéropolis, Editions Allea, 125 p.
-743-
Perte de repères collectifs
Au-delà du constat sociologique, la question de la diversification des temporalités
urbaines et celle de la désynchronisation interrogent nos manières de vivre ensemble. Dans
notre société la référence à des grands mythes communs liés aux célébrations religieuses, aux
manifestations sportives, aux élections, aux prises de repas dominicaux, aux horaires de la
télévision, ou autres, fonde les rituels de la vie collective et institue l'espace de la cohabitation
et l'hospitalité. Nous ne pouvons nous affranchir impunément d'un ordre temporel qui
parcourt toutes les structures symboliques d'une société sans trouver d'autres principes
organisateurs communs à une vie collective dont le temps reste un des principaux moteurs. La
perte des repères temporels collectifs ajoutée à la fragmentation socio-spatiale des villes peut
conduire à l'émergence de mondes autonomes qui vont définitivement s'ignorer se retrouvant
de loin en loin pour un événement éphémère, festif ou sportif.
Aliénation
Sous prétexte de liberté, c'est l'individu sous pression qui paierait l'addition. Soumis à
la dictature de l'urgence et au temps en continu des réseaux, il se verrait de plus en plus
contraint de zapper entre les emplois du temps et les territoires de la cité éclatée. L'homme
serait soumis à un double phénomène d'aliénation de l'espace6 et du temps. Cet espace et ce
temps éclatés, aliénés, l'empêcheraient de réunir les morceaux du puzzle de sa vie.
L'aliénation viderait progressivement l'espace et le temps de leurs valeurs pour les réduire à
une somme de lieux et de moments réglés par les mécanismes de l'appropriation, du
conditionnement et de la reproduction sociale : fragmentation du temps personnel d'un côté,
pression continue de l'entreprise et des réseaux de l'autre.
Renforcement des inégalités
Ce scénario catastrophe verrait se renforcer la dualisation humaine et territoriale de la
société. D'un côté, les «maîtres du temps» une minorité d'individus favorisés capables de
« resynchroniser » leurs activités, de se payer des « services de temps » et de se déconnecter
pour se mettre au calme. De l'autre, un accroissement des difficultés et des tensions pour une
majorité de la population, « les esclaves du temps » incapables de se payer certains services,
perpétuellement sous tension et sans possibilité aucune de se déconnecter. En parallèle, à
l'échelle du réseau de villes, se mettraient en place des territoires à deux vitesses : d'un côté
6
Expression utilisée par Armand FREMONT in La région espace vécu, 1976, PUF, 213 p.
-744-
les «territoires numériques» performants et rapides en continu temporel et de l'autre les
« territoires archaïques » -subis ou choisis- du repli et de la nostalgie.
Face à ces risques, des points de résistance se font jour.
Les résistances
Le front progresse de façon irrégulière certes, mais il progresse. La continuité n'est
pas encore la norme, mais les rythmes séculaires se trouvent menacés. Face à cette nouvelle
forme urbaine mêlant rapidité, immédiateté, éclatement et continuité, la résistance s'organise
et prend différentes formes. En l'absence d'un véritable débat de société sur la question, le
corps humain, la culture, la morale, la société civile et certaines autorités ou institutions
limitent l'emballement. Quelques limites apparaissent.
Limites physiologiques
Il y a des limites physiologiques d'abord. Si le sommeil n'est un plaisir que pour 4 %
des Français, le repos est une nécessité pour le corps et nous devons dormir en moyenne sept
heures par jour. La machine humaine ne peut fonctionner en continu et en tension permanente
même si le temps moyen de sommeil aurait diminué d'une heure trente en un siècle et de dix
minutes sur la période 1985-1999. Le rythme circadien de l'organisme ne s'adapte pas
toujours au temps continu de l'industrie. Les horaires décalés ont des conséquences
physiologiques importantes sur les salariés, surtout sur ceux qui travaillent alternativement de
jour et de nuit. L'alternance des horaires sur un cycle de trois semaines perturbe fortement les
biorythmes. S'ajoutent à ces problèmes ce que les médecins appellent « les effets distance »,
c'est-à-dire les conséquences à long terme sur la santé des ex-travailleurs de nuit. Malgré les
déclarations enthousiastes de certains ouvriers enquêtés, le travail en équipes de nuit a
souvent pour effet de désorganiser leur vie privée et sociale.
Limites naturelles
II existe d'autres limites naturelles. Sous nos latitudes par exemple, les hivers longs et
parfois rudes ne favorisent pas le développement de l'activité nocturne.
-827-
Limites psychologiques
Autre limite à la circulation nocturne cette fois, la crainte que continue de susciter la
nuit, notamment chez les femmes, puisque 13 % des personnes interrogées ont peur de sortir
seules le soir dans la rue7. Le vieillissement de la société française avec une personne sur cinq
âgée de plus de soixante ans n'est pas non plus très favorable au développement de l'activité
nocturne puisque toutes les enquêtes ont montré que les plus de cinquante ans sortaient peu8.
Limites culturelles
Les limites d'ordre culturelle persistent. La culture française n'est pas une culture de la
nuit contrairement à la culture espagnole. Là-bas, une partie de l'activité est décalée vers le
soir et la nuit est un moment fort de la journée. Depuis le décret du pape CONSTANTIN, en
321, le dimanche, jour du seigneur, est dédié au repos. Même si les rites autrefois associés au
dimanche tendent à disparaître et qu'une grande majorité de la population souhaite que les
commerces soient ouverts9. La tradition reste ancrée puisque la signification religieuse est
encore perçue par 30 % des Français.
Une contre culture est peut-être en train d'émerger en résistance au temps en
continu des réseaux. L'art de la lenteur a ses grands prêtres comme P. SANSOT10 et même
ses structures. En Allemagne, le philosophe P. HEINTEL a créé Tempus, Verein zur
Verzôgerung der Zeit (Association pour le ralentissement du temps). « Vivez plus vite, ce sera
terminé plus tôt » peut-on lire dans leurs publications. Fondée en Italie, une autre association
Slow food, dont le symbole est un escargot, est active dans quarante-cinq pays. Elle compte
soixante cinq mille membres, cinq cents lieux conviviaux et porte un projet clair : « la vitesse
est devenue notre prison et nous sommes tous atteints du même virus, la fast live. Aussi,
contre la folie universelle, prenons la défense du plaisir de vivre ». Partout, les loisirs lents se
développent. Le marché des croisières explose. Les sports lents comme le yoga sont en plein
essor. La randonnée attire de plus en plus d'amateurs. Les monastères et autres lieux de
recueillement ne désemplissent pas. Sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, les
nouveaux pèlerins redécouvrent les joies simples à la vitesse du pas, mais aussi la fatigue
physique, la chaleur, la faim et la soif.
7
Insécurité et sentiment d'insécurité, INSEE Première n°501, décembre 1996.
ENQUETE, les pratiques culturelles des Français. Ministère de la culture et de la communication, La Documentation
française, Enquête 1997, 359 p.
<J
Enquête SOFRES, 1996
111
SANSOT P., 1998, Du bon usage de la lenteur, Payot, 204 p.
8
-828-
Limites intellectuelles
Le développement d'une recherche pluridisciplinaire structurée sur le temps des villes
peut constituer une autre limite au développement de la ville en continu temporel comme le
laissent présager les premiers échanges entre chercheurs où une majorité s'élève contre les
dangers du 24/7.
Limites politiques
La nuit a été de tout temps un territoire difficile à contrôler. Pour des questions de
nuisance et de morale, les autorités nationales et municipales tentent aujourd'hui de limiter les
impacts négatifs du développement en continu des activités (le bruit, les trafics, la prostitution
et la lumière parfois) et multiplient les arrêtés et les règlements. À Paris, en l'an 2000, le
nombre de contraventions pour tapage nocturne a presque doublé. C. LAMURE avait évalué à
300 000 le nombre de français souffrant de troubles du sommeil dûs au bruit nocturne et avait
proposé l'instauration d'un couvre-feu pour camions. Ces derniers mois, la réaction des
autorités face aux raves ou la mise en place de couvre-feux afin de limiter la circulation des
jeunes adolescents sont deux exemples significatifs de cette volonté de contrôle. Dans la
nouvelle loi sur la sécurité quotidienne, adoptée par la Parlement le 31 octobre 2001, les
rassemblements voués à la musique techno seront désormais soumis à une obligation de
déclaration préalable sans laquelle le matériel sono pourra être saisi. En 2001, la municipalité
d'Orléans en France, à l'image de nombreuses villes américaines a décrété un couvre-feu pour
les mineurs de moins de treize ans entre 23 heures et six heures du matin dans trois quartiers
dit sensibles du 15 juin au 15 septembre. Dures limites.
Limites financières
En France, le coût du travail de nuit est encore un frein au développement de l'activité
nocturne pour les entreprises mais aussi pour les consommateurs qui paient leur bière et de
nombreux services plus chers après 20h00 ou 21h00. Dans des pays comme les Etats-Unis, le
travail de nuit ne bénéficie pas d'une telle majoration de salaire ce qui traduit une autre valeur
du temps et une certaine banalisation de la continuité temporelle. L'éclairage de la nuit
urbaine qui autorise le développement des activités avait été ralenti par les politiques de lutte
contre les gaspillages dans les années 70. Aujourd'hui, la tendance est à la mise en lumière,
mais rien n'est définitivement acquis.
-829-
Limites techniques
La ville encombrée de jour ou pendant l'année scolaire ne permet pas toujours
d'assurer un entretien des réseaux et des infrastructures. On profite donc des vacances et de la
nuit pour s'affairer, entretenir et réparer. Le développement des activités de nuit réduirait
nécessairement ces possibilités de regénération du système. C'est l'argument qui est donné à
Paris pour maintenir le métro fermé la nuit : il faut du temps pour nettoyer les voies. Ce n'est
pas le cas à New York où il serait plus onéreux de fermer le système que de le laisser
fonctionner toute la nuit11. Autre pays, autres logiques.
En France, les 35 heures pourraient également constituer une limite à la continuité
temporelle des services.
Limites calendaires
Face à la dérégulation, les calendriers scolaires pourraient apparaître comme des
garde-fous qui stabilisent et permettent de marquer des pauses en journée et dans la semaine.
Pourtant, les enseignants déplorent déjà un taux d'absentéisme de plus en plus important le
samedi matin dans les écoles12 .
Limites citoyennes
Dans toutes les démarches temporelles qui s'engagent actuellement sur les territoires
français soutenus par la DATAR et dans le reste de l'Europe avec les réseaux EUREXCTER
et EQUAL, les thèmes de la ville en continu et du développement de l'activité nocturne font
l'objet de débats animés «pour ou contre la ville ouverte 24 heures sur 24» notamment à
Saint-Denis, Poitiers, Rennes, Paris ou Belfort.
Face à ces évolutions, entre l'emballement général du système sans contrôle et le repli
nostalgique sur des temporalités archaïques, il faut être capable de changer de paradigme pour
envisager une autre approche de la ville.
11
12
B A U E R A., entretien avec Ms. Amy BAUER, Director Rapid Transit Schedule, au Metropolitan Transit Authority, 1998.
Le temps des enfants, Carnets du temps n°l, Maison du temps et de la mobilité, octobre 2001, p. 5
-830-
C. QUELQUES BALISES POUR UNE CITE A LA CARTE
Entre ces « futuribles » et face aux tensions qui apparaissent, l'avenir reste à
construire, sans tomber dans les caricatures et en acceptant la complexité.
Accepter la complexité
Nous devons changer de regard pour imaginer la figure de « la ville à la carte ».
Des contretemps nécessaires
Le temps,
quelle que soit son échelle,
se déroule selon une
succession
continuité/discontinuité de nature binaire qui marque l'écoulement de nos existences. Quelles
que soient les évolutions possibles et les recompositions à l'œuvre, l'individu, la société, la
ville auront toujours besoin de discontinuités, «d'espaces tampons», de «contretemps»
inorganisés pour vivre, discuter ou ne rien faire, à plusieurs ou seuls avec leur imaginaire.
Temps de réflexion, d'échange et de fraternité, ce temps libre et citoyen n'est jamais perdu.
En ce sens, nos emplois du temps et nos villes peuvent être comparées à nos maisons où
subsiste toujours une pièce où sont stockées - pas rangées - les objets qui nous semblent
inutiles.
Un environnement complexifié
Plus qu'une ville homogène, en continu spatial et temporel, nous aurons plus sûrement
à gérer :
Des environnements artificiels, complexes, aux limites floues, aux rythmes pluriels
et aléatoires ;
Un patchwork social, spatial et temporel en résonance avec le monde ;
Une cité peuplée d'acteurs multiples (habitants, utilisateurs, visiteurs...) de plus en
plus exigeants sur la qualité, la sécurité et la proximité face aux vitesses de
changement ;
-
Une demande et une pratique de la ville de plus en plus individualisée, complexe
et éclatée ;
Une ville labyrinthe, architecture spatio-temporelle complexe, Tour de Babel
d'informations difficiles à lire et à maîtriser pour qui ne disposera pas des clés ;
-831-
Un développement des identités urbaines où la culture du temps et le régime
temporel joueront un rôle essentiel.
Dans les évolutions en cours, c'est le problème de l'éclatement, de la fin des
continuités sociales, territoriales et temporelles de la ville à plein temps, qui est le plus
prégnant et auquel nous sommes le moins bien préparés. Pour vivre, habiter, travailler,
fréquenter voir gérer un morceau de cette cité globale imprévisible par nature, nous devons
changer de paradigme pour tenter de dégager de nouvelles marges de manœuvre, développer
de nouveaux outils et surtout redéfinir un certain nombre de principes qui fondent notre
société et notre capacité à vivre ensemble.
Ouvrir de nouvelles pistes
Face à ces évolutions, nous devons ouvrir de nouvelles pistes à la réflexion.
Favoriser un autre système de pensée
Nous devons changer de point de vue pour penser la ville comme un labyrinthe en
quatre dimensions habité, visité et qui évolue en permanence. Pour penser, imaginer des
systèmes aussi complexes, aléatoires, éphémères, multiscalaires et comprendre ce que pourrait
être cette « cité globale à la carte », nous devons sans doute accepter d'oublier un instant la
sécurité d'une pensée linéaire ordonnée, sa grammaire et ses codes, pour adopter les lunettes
du « zappeur » qui recompose en permanence et à sa guise l'espace et le temps, et réinvente
en permanence la ville, sa ville à la carte. Il n'y a rien de plus adapté pour approcher un tel
patchwork social, spatial et temporel et favoriser les échanges, les mélanges, l'invention et la
créativité.
Développer une approche prospective
L'homme doit se réconcilier avec le temps, notamment celui de la prospective pour
échapper à la dictature de l'urgence et du présent. Nous devons anticiper le développement
prévisible des activités sur des tranches horaires de plus en plus larges afin de gérer au mieux
les inévitables conflits d'usage.
-832-
Initier un débat citoyen
Les pistes de réflexion pour la ville de demain résident plus sûrement dans la capacité
individuelle et collective à imposer le débat sur ces questions et à mettre en place les
conditions d'une négociation et d'un arbitrage permanents que dans la définition d'un
aménagement spatio-temporel trop dogmatique ou dans une nostalgie passéiste autour des
« bons vieux temps de la ville ». L'ouverture d'une réflexion croisant le temps, les systèmes
productifs et l'espace est l'occasion de définir une approche plus équilibrée et plus souple du
développement et de la démocratie et une nouvelle culture du temps, un temps citoyen et
maîtrisé. La société doit pouvoir retrouver une capacité à formuler des projets d'utilisation et
de maîtrise conjointe du temps et de l'espace au niveau de l'individu, de la famille, du
voisinage, du quartier, de la ville et trouver les moyens de les harmoniser à l'échelle de la
région, de la Nation et de l'Europe. L'occasion est belle de reconquérir des marges de
manœuvre et de reprendre en main notre futur autour de choix tels que la qualité de la vie, le
développement durable et de le faire en laissant les options largement ouvertes, en assurant le
maximum de diversité à tous les niveaux et en rendant à la population la faculté de se penser,
d'inventer ses futurs pluriels et de s'organiser en vue d'une activité plus créatrice.
En occultant cette question ou en renvoyant ces arbitrages à la seule sphère privée,
nous laissons la seule économie dicter ses lois et prenons le risque qu'une somme de
décisions isolées aboutisse à de nouveaux conflits et inégalités entre organisation,
communautés, individus et quartiers de la « ville polychrone ».
Poursuivre les recherches engagées
Ce travail d'exploration ouvre davantage de pistes d'investigation qu'il n'apporte de
réponses. Certaines voies à peine esquissées sont prometteuses pour les chercheurs : études
comparées d'autres villes dans d'autres régions, pays ou continents ; analyse de l'animation
nocturne comme indice de séparation urbain-rural ; étude des conflits liés au temps ;
comparaison de villes à partir de leurs rythmes, de leur structure, de leur signature ou
architecture temporelles ; analyse de la ville en continu temporel ; étude de l'espace public
nocturne ; analyse de l'accessibilité jour-nuit en fonction des modes de transport ; rapports
entre lumière et agressions ; processus de fermeture-ouverture de la ville, représentations
cartographiques de l'espace et du temps et animation des images en liaison avec des procédés
-833-
cinématographiques.
Plutôt qu'une « ville en continu » c'est une « ville à la carte » harmonieuse avec ses
«bastions de temps en continu» regroupant un minimum de fonction urbaines, qu'il nous
faut imaginer.
Inventer de nouveaux « outils »
La construction d'une ville à la carte passe par la définition de nouveaux « outils »
techniques et politiques d'appréhension, de maîtrise et d'organisation de la complexité.
Des outils pour lire et comprendre une cité aléatoire
Nous devons mettre en place des modalités d'apprentissage, d'initiation et d'éducation
à la ville pour tous et imaginer une ergonomie urbaine s'appuyant sur de nouveaux modes de
1
représentation (cartes, animations...), d'imagibilité
et d'appropriation d'un environnement
complexe et changeant. L'impossibilité actuelle de la description temporelle doit aussi être
rapprochée des limites technologiques des instruments : le temps présuppose le rythme et le
rythme présuppose l'instant, on ne peut attendre à ce qu'un instrument cartographique,
statistique, restitue cette dimension. Il s'agira de dépasser les frontières disciplinaires en
regardant aussi vers l'art et en particulier vers le cinéma.
Des outils de négociation
La qualité de nos vies dépendra de la capacité que nous aurons tous à négocier nos
emplois du temps au mieux en alternant moments de pression et moments de pause,
connections et déconnections avec la cité globale en continu. À nous de décider si ces contre
temps, ces pauses, seront les mêmes qu'aujourd'hui ou plus aléatoires. Le lancement avec le
soutien de la DATAR, de projets temporels territoriaux comme les « bureaux des temps »,
lieux d'information, d'échange et de négociation va dans ce sens.
Des outils de maîtrise et de régulation
Au-delà de l'aspect négociation, il s'agit également de développer de nouveaux modes
et outils de régulation des inégalités sociales et spatiales intégrant la question du temps. Les
" Pour un objet physique, la qualité grâce à laquelle il a de grandes chances de provoquer une forte image chez n'importe
quel observateur, in LYNCH K., 1960, The Image ofThe City, Massachusetts Institute of Technology Cambridge, MIT Press
-834-
moyens, techniques et méthodes de l'aménagement du territoire habituellement mobilisés
pour réduire les déséquilibres spatiaux seront utilement appliqués à réduire les déséquilibres
temporels. Dans les années 50, on a tenté d'assurer « une meilleure répartition des hommes
des activités et des richesses pour le bien-être et l'épanouissement de la population14 ». Nous
devons aujourd'hui chercher à définir les méthodes et les outils d'un aménagement spatiotemporel équilibré tant en intra-urbain qu'à l'échelle du réseau de villes. La prise en compte
du temps dans la planification urbaine est une nécessité. Nous avons montré que les conflits
d'usage qui portent traditionnellement sur l'affectation de l'espace, concernent désormais
l'occupation du temps et la gestion des rythmes urbains. Il s'agira à la fois de protéger des
périodes de temps (le temps de repos résidentiel) et l'autonomie des temps, de concevoir les
différents secteurs de la ville en fonction de leur profil temporel et d'orienter de façon
stratégique les tendances en cours pour gérer plus intelligemment le fonctionnement urbain.
Des « plans horaires » semblables à ceux existant dans les villes d'Italie pourrait constituer
une première étape de la démarche.
Vers une écologie du temps
La réflexion doit définitivement basculer d'une logique de gain de temps à une logique
de qualité de temps. L'écologie qui pour l'instant a surtout insisté sur la maîtrise de
l'urbanisation et de l'industrialisation, des espaces et des productions, doit aujourd'hui
intégrer la maîtrise et la qualité des temps.
Revisiter et réaffirmer certains principes
Toutes ces mutations ne peuvent être envisagées sans la réaffirmation des grands
principes qui organisent notre société et nous permettent de vivre ensemble en harmonie.
Les principes républicains
Cette évolution des systèmes urbains, le développement du temps en continu des
entreprises et des réseaux, les risques d'accroissement des inégalités et de délitement du lien
social nous obligent à réaffirmer et à relire les principes fondateurs de la République, en
tenant compte de ce nouveau contexte : liberté, égalité, fraternité dans l'espace et dans le
temps.
14
D'après la définition d'Eugène CLAUDIUS PETIT
-835-
Le Droit à la ville
Dans le même sens, il nous faut définir un nouveau Droit à la ville15 qui ne se limite
pas à la période diurne mais tienne compte des évolutions : un Droit à la ville pour tous,
partout et à toute heure. La citoyenneté se comprend de jour comme de nuit avec ses droits et
ses devoirs.
Faire le jour sur la nuit
En ce début de XXIe siècle, la nuit urbaine défie encore chercheurs, pouvoirs publics,
décideurs et citoyens.
La ville nocturne est un champ d'exploration passionnant pour des chercheurs qui
ne peuvent rêver plus belle ambition que de faire le jour sur la nuit. C'est un enjeu, une
dernière frontière, un territoire à défricher pour la géographie et les sciences sociales dans leur
ensemble.
C'est un formidable enjeu pour les collectivités qui doivent redéfinir un
aménagement dans l'espace et dans le temps afin d'éviter le développement des conflits, la
ségrégation temporelle et les effets négatifs du « temps sécateur » qui sépare les groupes et les
individus. Il nous faut occuper et peupler l'espace urbain face aux peurs et autres crispations
sécuritaires. L'animation et la mise en lumière des quartiers peuvent contribuer à réduire le
sentiment d'insécurité et générer des activités et de l'emploi. L'économie de la nuit, aux
contours encore mal définis mériterait plus d'attention.
C'est un défi pour nous tous enfin. Les évolutions constatées renvoient à la notion
même de citoyenneté ou de « droit à la ville en continu16 ». Et là, chacun redevient
schizophrène : le consommateur réclame une offre continue alors le producteur souhaite
garder une vie équilibrée et éviter le travail de nuit. Pour paraphraser le slogan du magazine
NOVA, « la ville à plein temps : si je veux ».
15
Dans l'esprit de la notion mise en avant par Henri Lefebvre et développé dans la Charte Urbaine européenne, adoptée le 18
mars 1992 par la Conférence permanente des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE), lors de la session plénière
annuelle (Strasbourg, 17-19 mars)
16
AGHINA B., GWIAZDZINSKI L„ (1999), Les territoires de l'ombre, in revue Aménagement et nature n°133, p. 105-108
-836-
C'est aussi l'occasion de nous interroger plus largement sur la relation entre le
jour et la nuit. La nuit cherche à manger le jour qui le lui rend bien. Dans cette
relation antagoniste et complémentaire, ils se ressourcent et se fécondent l'un l'autre, comme
l'homme et la femme, le jour et la nuit. La conquête de la nuit par la lumière et les activités,
celle de l'inconscient par la raison, n'est-elle pas au fond une sorte d'exorcisme destiné à
repousser notre ancestrale terreur de la mort. Dans ce contexte, la ville et ses lumières
nocturnes seraient le lieu de conjuration collective de cette angoisse mortifère qui
accompagne nos petites vies d'individus plus ou moins socialisés. La préhistorique conquête
du feu préfigurait la fête nocturne, symbole jubilatoire de la conjonction des contraires. Les
insomniaques les noctambules et nous-mêmes, colons occasionnels de la nuit urbaine, serions
alors les conquérants d'une marge invisible qui prend la forme du serpent séparant le Yin et le
Y an g oriental.
Ensemble, cherchons à éclairer la nuit urbaine d'un jour nouveau. Nos villes
ressembleront-elles bientôt à leurs cousines nord-américaines ? Le jeu en vaut-il la
chandelle17 ? La question reste posée. Livrons la nuit urbaine aux artistes, commerçants,
chercheurs et urbanistes ! Dans les villes européennes aussi, on peut rêver de nuits plus belles
que les jours. Pour une fois, sachons donner du temps au temps et substituons à l'angoisse du
faire celle du bien faire. Après avoir si longtemps ignoré cet autre côté de la ville il serait
18
dommage de le gâcher par excès de précipitation. « C'est beau une ville la nuit ! »
17
18
C'est sans doute la question que poserait le sociologue Jean-Claude VIDAL
BOHRINGER R. (1988), op.cité
-837-
Post-scriptum
Jusqu'au bout, la nuit aura gardé son lot de contradictions et d'images contrastées.
Derniers souvenirs de ces années nocturnes qui s'achèvent et s'entrechoquent côté nuit, côté
jour et côté nostalgie :
Côté nuit :
-
A Strasbourg, les incendies de Nouvel An dans les quartiers périphériques continuent de
répondre aux illuminations de Noël au centre-ville ;
Sur les quais de la capitale régionale, les résidents transformés en veilleurs de nuit ont
repoussé les prostituées quelques rues plus loin ;
Dans la Petite France, l'enseigne d'un restaurant mauricien aux horaires traditionnels,
remplace désormais celle de V Oignon, ancien temple des nuits strasbourgeoises ;
A Nancy, le supermarché de mes années étudiantes qui fonctionnait en continu jour et
nuit, ferme désormais ses portes à 22 heures pour...raison de sécurité.
-
Pendant l'été 2001, dans une dizaine de villes françaises, les premiers couvre-feux pour
adolescents ont semblé répondre au rapport d'E. HERVE sur le temps des villes19 et à ses
préconisations plus humanistes que sécuritaires ;
Dans nos têtes, le souvenir des nuits cathodiques de CNN et celui des éclairs lumineux des
bombes déchirant les nuits de Bagdad nous en fait craindre d'autres.
Côté jour :
-
Sur les rayons des librairies, un roman d'A. DJEBAR « les nuits de Strasbourg20» rappelle
qu'il existe d'autres approches plus sensibles de la nuit urbaine ;
-
A Paris, les magasins automatiques au nom évocateur Yatoo Partoo se multiplient. A
Strasbourg un magasin à l'enseigne de Casino fonctionne depuis peu dans le quartier
Gare ;
-
L'animation des nuits de Rome, en novembre 2002, confirme que des politiques de
« villes ouvertes » sont possibles ;
-
Le succès de l'opération Nuit blanche à Paris en octobre 2002 nous laisse espérer des
nuits plus belles que nos jours.
19
HERVÉ E., Temps des villes, rapport remis au Ministre délégué à la ville et à la Secrétaire d'Etat aux Droits des femmes et
à la formation professionnelle, juin 2001,
-838-
Côté nostalgie
Dans une interview donnée en décembre 2001, pour la sortie de son 30eme film Le
sortilège du scorpion de jade le grand W. ALLEN nous prouve qu'il est presque impossible
d'éviter certaines facilités qui guettent les amoureux de la nuit : la nostalgie de la nuit d'avant.
« J'aurais aimé vivre à New-York dans les années 30 et 40. La ville était pleine d'euphorie, de
jazz, de clubs fabuleux, de théâtres, c'était très beau et ouvert toute la nuit, avec une activité
continuelle et qui m'a toujours paru merveilleuse21 » nous avoue-t-il.
Un seul regret perce au moment de tourner la page de ces années où j'ai souvent
compté les mois en nuits. En novembre, la rédaction des dernières lignes de ce manuscrit m'a
privé du spectacle de R. BOHRINGER au Parc de la Villette. C'eut été beau une ville la nuit.
Dans ce contexte, la sortie en novembre d'Insomnia, rester éveiller..., rester en vie,
film anglais dont l'action se déroule dans l'insupportable couleur blafarde d'un Grand Nord
où le soleil ne se couche jamais résonne comme un défi. Le visage ravagé par la fatigue de
l'acteur Al PAC1NO qui se bat pour dormir, perturbe le géographe qui rêve encore de nuits
ensoleillées sans sommeil.
•
20
21
•
DJEBAR A., 1997, Les nuits de Strasbourg, Actes sud, 405 p.
Libération, mardi 4 décembre 2001, p. 35
-839-
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