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Responsable d’édition : Patrick Mosconi © Librairie Arthème Fayard, 2010 eISBN 978-2-2136-6106-3 PRÉSENTATION Comme annoncé dès le début de leur publication, ce dernier volume (augmenté d’un index des noms cités1) – qui va de 1951 à la fondation de l’Internationale situationniste en 1957 – précède chronologiquement les sept volumes déjà publiés de la Correspondance de Guy Debord2. Ont été regroupés, en annexe, des rectificatifs, mais principalement de nombreuses « lettres retrouvées » – le plus souvent d’ailleurs auprès de leurs propres destinataires ou ayants droit. Nous les remercions tous, ici, et d’autant plus vivement que d’autres n’auront pas donné suite à des demandes réitérées, même sous une forme raisonnablement monnayée. Toutefois, malgré les lacunes particulièrement regrettables au regard des années 50, rien, semblerait-il, n’est tout à fait à désespérer. En effet, l’État français, qui s’est, depuis 2009, porté acquéreur de l’ensemble des « Archives Guy Debord » – le bruit qu’on en a fait est pour nous plaire : car la gloire est un scandale – les a, de surcroît, classées au rang exceptionnel de Trésor national. Gageons même qu’un jour viendra où, toutes les lettres parfaitement rassemblées et ordonnées, une édition exhaustive pourra se proclamer alors, sinon complète, du moins achevée. Pour notre part, nous aurons fait au mieux de nos possibilités. Alice Debord 1. L’index ainsi que la mise en page pour l’ensemble de cette correspondance ont été établis par Jeanne Cornet. 2. À noter aussi le luxueux tiré à part, paru chez le même éditeur en 2004. Intitulé Le Marquis de Sade a des yeux de fille…, il reproduit, en fac-similé, les premières lettres et écrits autographes de Guy Debord, qui ne figuraient pas dans ses archives. 1951 avril 3-20 – IVe Festival international du film à Cannes. Guy Debord rencontre Isidore Isou qui présente hors festival son film, Traité de bave et d’éternité (sans la bande image). Il adhère au mouvement lettriste. juillet 9 – Guy Debord passe avec succès la deuxième partie du baccalauréat, à Cannes. octobre – Il s’installe à Paris et élit domicile à l’hôtel de la Faculté, 1, rue Racine, dans le VIe arrondissement. À Marc-Gilbert Guillaumin1 Cannes, 23 septembre Cher Marc,O. J’ai trouvé ta lettre tardivement en rentrant hier d’un bref voyage dans Paris et ses proches environs pour des raisons toutes de bave2. Je n’ai malheureusement pas pu te voir vendredi matin à ton hôtel, mais j’ai rencontré Isou3. Je vois donc quelle est la situation. Sitôt arrivé je t’aiderai pour sortir le film. C’est d’ailleurs un travail qui ne me déplaît pas, il faudra bien que ces pauvres cons acceptent et sans nous faire attendre. On a vu des directeurs de salle se faire buter pour moins. Dans cette ville abandonnée de Dieu – et en général de tout créateur, j’ai fait ce que tu m’as demandé avant de partir. Avec cinq camarades j’ai fort gêné la projection du film du jeune G. Albicocco : « “Absolve domine”. Cette production de Gabriel Albicocco a eu le don de provoquer des mouvements divers dans le public. On a entendu des sifflets à roulettes, des protestations et aussi des tonnerres d’applaudissements. C’est assez dire que ce court métrage n’est ni banal ni médiocre, puisqu’il provoqua d’aussi vigoureuses réactions. En résumé, l’auteur est parti de ce principe que l’homme conscient de ses fautes a besoin de se faire pardonner. Il va à l’église, il prie. Il s’associe aux supplications de psaumes et finalement, durant la messe, retrouve la paix4. » (Très faible écho.) Heureuse conséquence ? – pour la première fois de sa carrière encore brève, l’idiot n’a pas obtenu son prix habituel dans un festival de la connerie noire. D’autre part j’ai jeté les bases du ciné-club que tu voulais (et déjà son premier directeur à la porte). Actuellement ils sont acceptables, et aux prises avec de lourdes difficultés pour trouver les 30 ou 40 billets nécessaires pour démarrer. Enfin jeudi dernier, après une discussion serrée de cinq heures dans un bar du quartier, j’ai fait admettre qu’Isou est un dieu à mon ami Hervé Falcou5, que tu as vu à Cannes. Je suis très fier de ce dernier résultat, presque autant que d’être le (1) manquant dans la seule équation que je connaisse par cœur. Isou m’a parlé d’une possible chambre à 9 000 francs dans son hôtel. Si une telle chambre existe, veux-tu lui demander de me la retenir pour le mois d’octobre ? Excuse-moi de t’importuner de ces nécessités très peu éternelles, et d’en souligner le caractère d’urgence. Je veux te lire, en attendant ABSOLUMENT je te salue (il faut révolutionner les formules de politesse). Amitiés à Poucette6 et bien sûr à Isou. Guy-Ernest 1. Marc-Gilbert Guillaumin, dit Marc, O., membre du groupe lettriste. 2. Allusion au film d’Isidore Isou, Traité de bave et d’éternité, produit par Marc, O. 3. Isidore Isou (1925-2007), fondateur du lettrisme. 4. Coupure de presse insérée dans la lettre. 5. Jeune Parisien rencontré à Cannes avec qui Guy Debord, alors lycéen, a correspondu jusqu’au début de 1953 (cf. Le Marquis de Sade a des yeux de fille…, Librairie Arthème Fayard, Paris 2004). 6. Peintre, lettriste et compagne de Marc, O. 1952 février 11 – Au ciné-club d’Avant-Garde du musée de l’Homme, la projection sur ballon-sonde du film « sans le recours à un appareil de prise de vue» de Gil J Wolman, L’Anticoncept, déclenche une bataille entre les lettristes et le public. (Le film de Wolman sera interdit par la Commission de censure le 2 avril.) avril – Publication de l’unique numéro de la revue ION, entièrement consacré au cinéma lettriste. Guy Debord y fait paraître une première version de Hurlements en faveur de Sade comportant des images. – Violentes manifestations contre le Ve festival de Cannes avec le tract Fini le cinéma français. Onze lettristes arrêtés. juin – À Bruxelles, Guy Debord fonde « arbitrairement » avec Gil J Wolman l’Internationale lettriste (I.L.) qui rassemble la gauche lettriste. 17 – Réalisation du long métrage Hurlements en faveur de Sade, sans images, fait de l’alternance écran blanc/écran noir – phrases détournées / silences d’une durée plus ou moins longue, et dédié à Gil J Wolman. 30 – Une première projection au ciné-club d’Avant-Garde du musée de l’Homme est interrompue après dix minutes. octobre 13 – Tract La Nuit du cinéma à l’occasion de la première projection intégrale de Hurlements en faveur de Sade, au ciné-club du Quartier latin, dans la salle des Sociétés savantes, 8, rue Danton. 29 – À l’hôtel Ritz, l’I.L. attaque une conférence de presse tenue par Charlie Chaplin pour la promotion de son film Limelight et lance le tract Finis les pieds plats. Rupture avec le fondateur du lettrisme, Isidore Isou, qui dans le journal Combat a publiquement désavoué le scandale. novembre – Parution du n° 1 d’Internationale Lettriste (participants : Jean-Louis Brau, Serge Berna, Guy-Ernest Debord, Gil J Wolman). décembre 7 – L’I.L. tient sa première conférence à Aubervilliers. À Simone Dubreuilh1 [31 janvier] Madame, J’ai lu votre critique2 du film de Jean-Isidore Isou dans Libération, mais vous êtes horrible à voir, ce qui devrait vous interdire de mettre vos grands pieds sur des questions intellectuelles. 1. Journaliste. 2. « Il n’y a ni bave ni éternité dans le film d’Isidore Isou. » (Libération, 31 janvier 1952.) À Pablo Picasso1 [Été 52] Monsieur, Nous prenons la liberté de vous envoyer cette revue2 pour vous mettre au courant de notre activité. Nous respectons en vous un des plus grands créateurs dans la peinture; et nous désirons avoir avec vous un entretien au sujet du lettrisme. Veuillez agréer, Monsieur, nos hommages respectueux. Guy-E. Debord, Hervé Falcou 1. Lettre retrouvée dans les archives Picasso par Madame Laurence Madeline, conservateur du musée. 2. ION, numéro unique entièrement consacré au cinéma, publication du Centre de création (directeur : Marc-Gilbert Guillaumin). À Gil J Wolman1 [11 septembre] Rendez-vous le lundi 15 septembre à 3 heures de l’après-midi au Mabillon. guy ernest Post-S. : Ai toujours essayé de faire la part des choses. Jamais réussi. 1. Joseph Wolman (1929-1995), fondateur avec Guy Debord de l’Internationale lettriste en juin 1952. À Robert Chazal1 [Novembre] Feu Chazal, Tu as été mal inspiré de nous insulter pour défendre la dernière superproduction des Artistes associés2 qui, comme chacun sait, te payent grassement. Nous avons par hasard pris connaissance à Bruxelles de cette preuve écrite de ta connerie permanente, et décidé de te casser ce qui te tient lieu de gueule sitôt que nous serons rentrés en France. Tu paieras pour les autres dont tu as porté à la plus faisandée perfection la lâcheté conformiste et l’admiration publicitaire. Faux témoin, indicateur, et probablement pédéraste, tu as assez bavé. Nous débarrasserons la presse française de sa plus représentative ordure. À très bientôt. Brouillon d’une lettre 1. Journaliste. 2. Le 29 octobre 1952, à l’hôtel Ritz, l’Internationale lettriste attaque une conférence de presse tenue par Charlie Chaplin pour la promotion de son film Limelight et lance le tract Finis les pieds plats. 1953 – Sur le mur de l’Institut, rue de Seine, Guy Debord trace l’inscription « Ne travaillez jamais ». février 19 – Manifeste portant douze signatures mises « sans consultation préalable […] en tenant compte seulement d’une participation à l’esprit moderne ». – Parution d’Internationale Lettriste n° 2. mars – Guy Debord achève d’enregistrer « à tout hasard » une émission de vingtcinq minutes, Les Environs de Fresnes, dédiée à Serge Berna, alors détenu au fort de Cormeilles-en-Parisis. juin 16 – Rencontre avec Ivan Chtcheglov (alias Gilles Ivain) chez Moineau, rue du Four. – Histoire des gestes, roman tridimensionnel réalisé sur des bouteilles de grand rhum blanc de la Martinique. août – Internationale Lettriste n° 3. – Premières expériences de « dérives » dans Paris, suivies des premières notations psychogéographiques. septembre – Manifeste pour une construction de situations (texte resté inédit, paru pour la première fois dans Guy Debord, Œuvres, collection Quarto Gallimard, 2006). À Hervé Falcou1 Lundi matin [février] Mon cher Hervé, Je quitte Paris ce soir, avec l’intention de passer environ 3-4 mois à Cannes, pour me remettre d’un certain épuisement physicomoral où toutes les histoires de ces derniers temps m’ont mené. J’espère que pour toi ça va mieux. En attendant, et m’autorisant de nos dernières conversations et de ta lettre, j’ai fait mettre ta signature sur notre tract2 dont je te communiquerai des exemplaires dès que possible. Sur douze signataires, deux sont en prison, deux filles mineures sont recherchées, une autre en liberté provisoire pour trafic de stupéfiants, Brau et sa femme3 sont en voyage du côté d’Alger – De sorte qu’en cas de très improbables ennuis policiers, tout le monde peut renier sa signature qui a été mise sans consultation préalable, et en tenant compte seulement d’une participation générale à l’esprit moderne. Les responsables sont Jean-Michel Mension3, Wolman et moi-même. Je crois que ce tract est très bon, comme marque d’un stade, d’ailleurs transitoire, de notre agitation intellectuelle. Si tu veux prendre contact avec les lettristes qui stationnent à Paris en ce moment, tu sais où les joindre. Mais je crois que toute cette action va être en sommeil pendant quelques temps ; et je leur ai dit que tu étais en voyage, cherchant à te remettre de ta fameuse chute en Autriche. J’espère que nous nous verrons cet été (je reviendrai vers juin, et peut-être passerai-je les vacances à Cannes mais seulement si c’est avec certaines personnes et à l’exclusion de mes parents). J’aimerais que tu m’écrives, si tu t’en sens le courage – Villa Meteko, avenue Isola-Bella, Cannes. Je sais que je vais avoir là-bas bien du temps vide, mais il me semble que c’est nécessaire. Je suis proche d’un écroulement total, nerveux principalement. Les cuites ininterrompues et divers autres divertissements compliquent les difficultés métaphysiques de toujours singulièrement aggravées. Mais il me semble – pas à toutes les heures – que nous ne sommes pas mûrs pour le suicide, et qu’il y a des multitudes de choses à faire, si on dépasse certaines barrières ET SANS RENONCER À RIEN du mépris ou du refus que nous avons sincèrement affirmé à propos de presque tout. Nous avons été des enfants terribles. Si nous parvenons à « l’âge d’homme », nous serons des hommes dangereux. Je suis passé ce matin au pont Mirabeau. Le prestige de Guillaume 4 s’en va un peu comme cette eau courante (il lui en reste) mais je me souviens de t’avoir un jour retrouvé sur ce pont, qui est ainsi fondé à prétendre à une nouvelle jeunesse historique. « Nous fûmes ces gais terroristes » n’est-ce pas ? J’ai lu hier par hasard dans un Cendrars la PROSE DU TRANSSIBÉRIEN et c’est encore très beau – mais à la Bichetouse5… L’autre jour une expédition lettriste a empêché la projection au ciné-club dit des «Amis du Cinéma » d’un pseudo-film « illettriste » LE SQUELETTE SADIQUE (d’un prétendu René-Guy Babord). Le raffut a été très drôle. Nous avons pris le directeur comme otage et l’avons contraint sous la menace à faire renvoyer les flics qu’il avait envoyé chercher. J’espère donc te lire à Cannes, et à un avenir de luttes communes 6, camarade. Très amicalement, Guy 1. Lettre reproduite en fac-similé dans Le Marquis de Sade…, op.cit. 2. Manifeste (cf. Internationale lettriste n° 2, février 1953), reproduit dans Guy Debord, Œuvres, collection Quarto, Gallimard 2006, p. 95. 3. Membres de l’Internationale lettriste. 4. Apollinaire. 5. Néologisme argotique. 6. Auxquelles Hervé Falcou ne s’associera pas. À Gil J Wolman Jeudi soir [juin] Mon cher Gil, Il est étrange de t’écrire de Paris, mais nous nous voyons assez peu en ce moment et il me semble que tu manifestes un découragement inquiétant, comme on dit. Un mouvement dialectique curieux me laisse aller moi-même à un découragement total en présence des œuvres qui se font et que je méprise obligatoirement à cause de leur caractère borné et extrêmement étranger à ce qui m’importerait vraiment. Et, à l’inverse, les tendances parmi nous à la médiocrité désabusée m’inciteraient à donner des raisons d’agir. Je m’effraie quand je découvre que je suis peut-être de nous tous le plus irréductiblement décidé à une certaine position de révolte, si on veut dire bêtement les choses – aussi bêtement on peut dire : avant-garde. Tant que je vivrai, je ne veux pas me ranger, en dehors de cette fraction scandaleuse, où qu’elle se trouve. C’est uniquement cet esprit révolutionnaire (à définir, à redéfinir pour chaque génération) qui m’a mené au lettrisme, qui me restera au delà du lettrisme, si nous pouvons établir cet au-delà. Une certaine action est donc à maintenir. Tous comptes faits, et malgré les réserves que je peux faire sur l’intérêt de tout ce que j’ai connu, je suis satisfait d’avoir été dans l’affaire Chaplin (quoique refoulé dans les ténèbres extérieures1) ou d’avoir fait Hurlements. À ce propos je sais tout ce que je te dois2. Je n’aime vraiment pas beaucoup les arts – même comme sensations « esthétiques » maintenant – mais je crois que ces domaines de l’intelligence sont ceux où quelques types subversifs et isolés ont des pouvoirs, et tirent plus à conséquence que, par exemple dans le crime ou la politique – ceci en dépit de l’opinion commune. Isou a certainement eu sa place* dans cette aventure, car il y a introduit des vues de rupture, et nous a donné des armes. (Nous faisons l’Histoire, donc l’Histoire n’est que ça…) Cependant je trouve fausse dès l’origine sa notion d’« artiste » (œuvres, éternité, etc.), cf. La poésie n’a représenté pour moi qu’un des multiples MOYENS D’ÊTRE IMMORTEL… une durée au delà de l’être – dans UR […]3. On peut rire de ces phrases comme des religieux, et de leur Dieu. C’est aussi « beau » si on veut, et dérisoire. J’en finis donc avec les prêches d’Isou. Leur ton « à la Bossuet » m’a toujours beaucoup plu parce qu’il nie le monde donné, et le méprise. Mais c’est au nom d’une transcendance presque aussi minable que Bossuet. Notre voie est à définir. En ce moment nous ne savons pas bien où nous allons. C’est ce qui permettra des cas «troubles par essence » (Serge4), des croyances esthétiques périmées (Brau) ou le nihilisme intégral qui est lamentable. (En fonction de leur temps des hommes qui me plaisent également s’appellent Saint-Just ou Arthur Cravan, mais nous sommes dans une époque de sous-Cravan. Il faut être profondément autres.) Mais tant que nous n’aurons pas une ligne nettement définie (Isou en a une) nous serons dans ce flou, qui est pénible. Mais il faut y rester plutôt que de soutenir une ligne restrictive (genre Art-Brau) qui éliminerait l’avenir. Toutes les tentatives peuvent rater, celle-là plus que d’autres. Si la situation de l’« Internationale lettriste » devient insupportable, j’irai ailleurs (de toutes façons je suis certain que le « moment I. Lettriste » est bon, est un progrès par le seul fait de quitter Isou-Bismuth) mais je suis naturellement partisan du plus grand confort possible, et ce groupe est notre seule possibilité d’action immédiate : tu sais que je ne crois pas à des individus forcément permanents. Tu parlais beaucoup de dislocation. Elle peut être aussi entre nous. Cependant en ce moment, nous avons des fonctions assez voisines. Au moins je pense que nous nous comprenons bien. Il ne s’agit que d’établir un arrière-plan LIMITÉ MAIS NÉCESSAIRE d’opposition commune, devant lequel nos vies se jouent – se perdent – seules. Je voudrais savoir si nous sommes d’accord sur cela, entre le rien et le tout petit peu où Jean-Isidore situait justement nos actes. Très amicalement, Guy En tête de la lettre : « Cette lettre est d’allure assez isouïenne. C’est par hasard. » 1. Lors de l’intervention, Guy Debord et Serge Berna ont été refoulés par la police alors qu’ils tentaient de s’introduire par les cuisines du Ritz. 2. Allusion au film de Gil J Wolman, L’Anticoncept, que Guy Debord admirait. 3. Mot illisible. 4. Serge Berna, membre de l’Internationale lettriste qui fut l’un des organisateurs du scandale de Notre-Dame le jour de Pâques 1950. * Note : Marc,O., Bismuth-Lemaître5, Dufrêne5 – AUCUNE PLACE même s’ils étaient intelligents parce qu’ils n’existent qu’en fonction de l’optique isouïenne. Et je pense que l’avenir verra Isou mais dans une optique différente de celle d’Isou. Les systèmes ne réussissent jamais à passer tout entier. C’est une vérité historique qu’on oublie chaque fois. 5. Lettristes. À Gil J Wolman 8 novembre 1953 Mon cher Gil, J’espère que tu es en bonne santé, ou même vivant. Rassure-moi brièvement sur la bonne marche des arts et de l’industrie. Ici1 la situation évolue très favorablement. À Paris au contraire, le roman d’Ivan2 refusé par Julliard, et stagnation. 1. À Cannes. 2. Inachevée la beauté, d’Ivan Chtcheglov (1933-1998), membre de l’Internationale lettriste, l’un des deux destinataires des lettres reproduites dans Le Marquis de Sade…, op. cit. À Caracas3, me dit-on, débuts et prolégomènes d’un vrai groupe opérationnel. Je rentrerai à Paris avant Noël et convoquerai un praesidium pour fêter convenablement mon anniversaire4. Amitiés, Guy 3. Où réside Henry de Béarn, membre de l’Internationale lettriste et ami d’Ivan Chtcheglov. 4. Le 28 décembre, Guy Debord allait avoir 22 ans. À Georges Goldfayn1 [Fin 53] Le désaccord est justement grave. Il n’a pas à être « transposé sur le plan idéologique» car il ne se fonde pas sur des considérations autres qu’idéologiques. Pour nous – et je croyais jusqu’à une date récente que ceux des surréalistes que j’ai connus partageaient cette exigence – l’intelligence ne vaut rien isolée d’une morale et d’une façon de vivre qui, en particulier, excluent les concessions et le contact salissant des dufrênes2. Le débat sur un si pauvre sujet est inacceptable pour mes amis et pour moi parce qu’il poserait en principe que nous pouvons reconnaître des excuses, une défense, et même un intérêt éventuels à des êtres avilis de l’espèce de François Dufrêne, dont nous savons les engagements politiques réactionnaires, comme les mœurs et les fréquentations particulièrement ignobles. Naturellement tout autre dialogue est devenu impossible, alors que des gens et des problèmes si louches se posent parmi vous. Mille regrets. G.-E. Debord 1. Membre du groupe surréaliste qui s’interrogeait sur « une grave mésentente » due à « un certain François Du… » cause d’un éventuel « désaccord – sur le plan idéologique qui seul nous intéresse ». 2. Cf. Internationale Lettriste n° 3 : « Vagabondage spécial » (reproduit dans Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 103). À Barbara Rosenthal1 [Fin 53] Ma pauvre Barbara, Ta lettre est ridicule, comme tout ce que tu as fait ou dit depuis un an. Manifestation navrante d’une petite primaire sans intérêt. Que tu aies changé depuis l’année dernière, ce n’est pas la peine de l’écrire, l’évolution est malheureusement apparente. Il est choquant de voir les gens se survivre, ils devraient changer de nom en même temps qu’ils se vulgarisent. Tes considérations sur les « positions fausses » sont d’une pauvreté bien Guide de France2. Je crois qu’on t’aura donné beaucoup de chances, mais que tu n’as jamais rien compris à rien. Il est temps de te laisser vieillir dans tous les « Storyville3 » de ton choix. 1. Cf. Correspondance, vol. V, p. 205, note 1. 2. Mouvement de jeunesse chrétienne. 3. Rendez-vous des germanopratins. 1954 janvier – Dans le numéro spécial de la revue surréaliste belge La Carte d’après nature (directeur René Magritte) paraît la réponse de l’Internationale lettriste à la question « Quel sens donnez-vous à la poésie ? » mai 15 – Réponse à la question numéro 2 « La pensée nous éclaire-t-elle, et nos actes, avec la même indifférence que le soleil, ou quel est notre espoir et quelle est sa valeur ? », qui paraîtra dans la revue La Carte d’après nature, de juin 1954. juin – Quatrième et dernier numéro de l’Internationale Lettriste. 11 – Avant la guerre, affiche pour l’exposition de 66 Métagraphies influentielles, organisée par Gil J Wolman à la galerie du passage Molière – anciennement du Double Doute. 22 – Le premier numéro de Potlatch, bulletin d’information du groupe français de l’Internationale lettriste, est tiré à cinquante exemplaires. Ronéoté, donné, son tirage ne cessera d’augmenter. août 17 – Guy Debord épouse Michèle Bernstein. – L’I.L. installe sa permanence au Tonneau d’or, 32, rue de la MontagneSainte-Geneviève. 31 – Potlatch (n° 9-10-11) cesse de paraître «tous les mardis » pour devenir mensuel. septembre – Publication avec les surréalistes d’un tract contre la célébration officielle du centenaire de Rimbaud à Charleville-Mézières : Ça commence bien! octobre 7 – Et ça finit mal, faussaires, tract de rupture avec ces mêmes surréalistes. – Nougé propose à Debord et Wolman de collaborer aux Lèvres nues. novembre – Le peintre danois Asger Jorn – fondateur du groupe surréaliste révolutionnaire (1947-1948), puis de Cobra (1948-1951) et, en 1953, du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (M.I.B.I.) – prend contact avec l’I.L. 26 – Deutschland über alles, tract de l’I.L. de Paris suite à des incidents opposant un groupe suisse de l’Internationale lettriste à la police fédérale. Le côté louche de cette affaire sera dénoncé dans le numéro 15 de Potlatch. décembre 22 – Publication dans Potlatch n° 15 de quelques extraits du livre d’Asger Jorn Image et Forme (traduit par Guy Debord) sur l’architecture et son avenir. À Gil J Wolman Lundi [printemps 54] Mon cher Gil, Très bonnes nouvelles de Caracas. Henry ayant répondu que les sommes (bar) lui paraissaient tout à fait acceptables. Il a dû depuis recevoir toutes les indications sur la revue, dont les chiffres sont moins importants. Le seul problème, auquel Ivan travaille assidûment par correspondance, est de le faire rentrer dans le plus bref délai – et de m’envoyer quelques avances. As-tu revu l’imprimeur-publiciste ? Je pars demain à Cannes pour deux semaines – pas un jour de plus, éventuellement un peu moins – pour ramasser quelques sommes, et revoir un marsupial un peu aimé-aimé ? On se comprend. Je donne ton numéro à Ivan, pour qu’il te prévienne si la situation évoluait très rapidement. Écris-nous, n’est-ce pas, cet article sur l’architecture. Au moins. Guy À Gil J Wolman 21 juin Connaissez-vous Potlatch1 ? Carte postale de Limoges. 1. Le premier numéro de Potlatch paraîtra le mardi 22 juin 1954. À Patrick Straram1 [Juin-juillet] J’ai reçu la réponse de Grisant Beach2 et je t’en remercie. Quelques précisions s’imposent : 1) Ivan avait diffusé auprès de certaines personnes – et à des journaux – un texte de désaveu et de démission signé par toi. Je t’ai communiqué ce texte. D’autre part il avait avoué à Midhou3, en lui remettant ce papier, qu’il irait «serrer la main à Goldfayn » comme si cela nous importait le moins du monde. Par conséquent il nous était impossible de continuer à user de ta signature sans un démenti de ta part. J’espère que tu le reconnais. Le seul fait d’avoir mis ton nom dans le numéro 2 de Potlatch (paru avant que d’avoir eu connaissance de ce désaveu transmis par Ivan) a valu à Conord4 une lettre plus ou moins ordurière toujours d’Ivan – à qui depuis nous n’envoyons plus même Potlatch. Voilà pourquoi nous DEVIONS nous poser pour toi d’aussi pauvres questions, sans la pression de l’extérieur. Comprends bien qu’on ne t’a rien reproché, surtout pas d’écrire à Ivan – mais l’usage qu’il en a fait et que tu as laissé faire. 2) Le mot faussaire s’applique assez à un individu rendant public un fragment d’une lettre personnelle parlant de tierces personnes. Ceci après tant d’autres mensonges. Évidemment si cela était ton intention exacte – si Ivan ne t’a pas forcé la main en te faisant prendre publiquement position contre nous tous – le mot faussaire ne se justifie pas, mais ta dernière lettre non plus. 3) Je t’ai écrit parce que je croyais que nous étions tous deux assez évolués pour communiquer très au delà de mesquins reproches « d’habileté » ou de « dictature ». Wolman n’a pas eu le peu d’intelligence qui lui eût indiqué de t’écrire « lui-même », justement parce que nous n’employons pas notre intelligence pour forcer la main de ceux que nous pouvions tenir pour nos amis, parce que entre nous existe une confiance dont toi, tu parais n’avoir pas eu idée. Quand cette confiance fait défaut, par simple manque d’élégance, les plaisanteries deviennent des motifs d’accusation, et les amis des rivaux (à quel propos ?) ou des chefs (de quoi ?). Quant à l’amour des petites filles ou de la royauté, je te signale incidemment que je suis marié et que cette royauté n’a jamais signifié pour moi que le règne d’une nouvelle SOCIÉTÉ – société de princes, si l’on veut dire comme Pascin et pas de boy-scouts plus ou moins émancipés. Dans cette société qui ne saurait être qu’égalitaire, il me semble que tu avais ta place, et que c’est toi qui choisis maintenant le parti des gamins passionnés de détails. J’imagine que tu reconnais que si mon ambition était de collectionner les larbins, j’eusse plutôt gardé ceux qui sont nés pour ça : les Mension5, Langlais5 et autres. Ta lettre témoigne bizarrement d’une conception du groupe lettriste voisine de celle de Berna5. Je pensais que tu avais compris ce qui nous occupait. Un nouveau comportement est plus difficile à vivre que des attitudes à Ibiza ou au Storyville, ou par correspondance. Tu parais accorder de grandes valeurs à certaines expériences, que d’ailleurs Ivan n’a point faites (couper des arbres par exemple). Je ne pense pas qu’elles autorisent à conclure sur des idées qui déterminent les bûcherons aussi bien que les journalistes ou les physiciens d’une époque. Pour te faire saisir la futilité de cet ordre de pensée, permets-moi de te demander si tu as déjà été scaphandrier? et pilote d’essai ? et receveur d’autobus ? et bourreau chinois ? et premier ministre ? Non ? Eh bien malgré ces pittoresques qui te manquaient encore, j’avais de l’estime pour ta pensée et ta vie. 4) Vous finirez par apprendre que certains courants d’idées dépassent vos « querelles de famille » inintéressantes et toutes personnelles. « Conord ne remplace » pas Ivan, de même que toi tu n’as pas « remplacé Brau ». L’opinion de Béarn sur Conord en 1950 m’intéresse aussi peu que l’opinion de la gauche sur Malraux en 1937, par exemple. Vous restez accrochés à vos tout petits avantages d’IL Y A QUATRE ANS. Triste tendance pour des gens qui veulent dériver. Vous changez de continents plus facilement que de sentiments. Mais qui de Conord ou d’Henry de Béarn présentera peut-être quelque intérêt dans dix ans ? Tu sais bien qu’un passage parmi nous n’est pas sans ouvrir certaines perspectives – quel que soit l’usage qu’on sait en faire par la suite. 5) Vous avez raté votre époque, celle des images poétiques et des pages « bien écrites » : Orient-Express, Amazonie, Accouchements. Ce qui vous manque ce sont les idées générales. 6) Pour ce qui est de permettre à des gens de vivre «mieux, notion qui ne doit rien signifier pour moi », je t’avoue que je me tiens pour plus engagé dans une action collective tendant à cette fin que l’individualiste assez comique qu’a été trop longtemps et que redevient à présent Patrick Straram. 7) Je te tiens quitte de tes insolences. Tu ne sais pas de quoi tu parles, et puis elles sont d’un joli style. Tout de même, à condition de savoir la lire, la lettre que je t’envoie aujourd’hui peut t’être aussi utile que celle de Béarn, si tu veux vraiment obtenir du monde autant que tu nous l’as affirmé – autant que nous-mêmes. 8) Tu n’as pas été exclu – tu sais donc bien que nous suggérer les «motifs d’exclusion de P. Straram » est une sotte provocation – tu as démissionné de ton plein gré – et tu es le seul à l’avoir fait. Je ne te juge pas. Tu joueras autre chose, voilà tout. Je te prie d’excuser la longueur de cette mise au point. Guy À Gil J Wolman 1. Anagramme de Marrast l’Internationale lettriste. (1934-1988), membre de 2. Au Canada. 3. Mohamed Dahou, membre de l’Internationale lettriste (cf. Correspondance, vol. I, p. 23, note 1). 4. André-Frank Conord, alors rédacteur en chef de Potlatch. 5. Exclus de l’Internationale lettriste. Lundi 30 août 54 Rue qui se permet de commencer n’importe où prolongée anciennement Racine1 6 HEURES 52 minutes Cher Gil J, Apprenant à taper sur la machine, je t’écris avec la virtuosité que tu peux voir. Merci pour l’article1 EXCELLENT. LEpauvre CONord : JEUDI : rencontre Isou, et lui parle. VENDREDI : Est relevé de ses fonctions à la tête de POTLATCH Mohamed Dahou le remplace. SAMEDI : A offert sa démission de l’ILettr. Démission acceptée avec enthousiasme. DIMANCHE : à l’aube Midhou lui casse la figure. POTLATCH (numéro spécial sur 4 pages) sortira jeudi. Veux-tu venir au n° 1 de la rue « Qui se permet de commencer n’importe où prolongée » le jeudi 2 septembre à 21 heures ? J’ai un bon début d’émission2 (ENCORE!) pour Tardieu. Amitiés de Michèle3. Salutations lettristes. G.-E. Debord Sur la même feuille, Guy Debord a écrit à la main : «Au verso figure un autographe de Guy Debord pour la première fois À LA MACHINE. » 1. « Vous prenez la première rue », article de Gil J Wolman, paru dans Potlatch, nos 9-10-11. 2. Pour un projet de propagande radiophonique intitulé « La valeur éducative», publié dans Potlatch, nos 16, 17 et 18. 3. Michèle Bernstein, épouse de Guy Debord. Au Rédacteur en chef de Combat 21 octobre 1954 Monsieur, Mis en cause par l’article intitulé « Le centenaire de Charleville » (Combat du 21 octobre) nous vous communiquons les précisions suivantes : Il n’y a pas eu de « différends » entre surréalistes et lettristes à propos du scandale de Charleville. Simplement une défection tardive de l’ensemble des surréalistes, et le reniement par certains d’entre eux de leur signature donnée auparavant à un texte, marxiste en effet. Nous ne souhaitons pas tenir le rôle d’amuseur dans les solennités, littéraires ou autres, de ce régime. Le Surréalisme, précisément, n’a que trop exploité cette veine. Nous ne goûtons plus guère les charmes du tapage inoffensif. Dans cette mesure, il faut en convenir, nous avons « oublié Rimbaud ». « Crier haut, hurler, tempêter », comme le conseille l’auteur de cet article aux « trouble-fête s’admirant trop » que nous sommes, nous en savons l’aimable inefficacité. La fête continue, et nous sommes sûrs de participer quelque jour à sa plus sérieuse interruption. Pour l’Internationale lettriste : Debord, Wolman À Marcel Mariën1 Paris, le 24 octobre 1954 Cher camarade, Nous vous remercions de l’envoi des documents, et des livres de Nougé2 – à peu près introuvables en France – dont l’intérêt ne saurait nous échapper. Les Lèvres nues nous paraissent représenter actuellement la meilleure formule de revue. Un texte comme « Moscou la poésie » illustre à merveille cette « propagande d’avant-garde » que nous défendons aussi. L’affaire Breton-Rimbaud-lettristes3 agite assez les journaux à Paris. Tout ce qu’il y a de notoirement réactionnaire soutient Breton. La Presse Aragon garde un silence aimable. Enfin Breton, forcé de choisir, a fait de la bassesse un choix éclatant. Il sera maintenant difficile d’ignorer quel rôle de diversion assure son mouvement auprès d’une certaine jeunesse. Il nous est tombé sous les yeux, hier seulement, les réponses à une enquête de Magritte4 en juin dernier, parmi lesquelles les nôtres. Le ton « majoritaire » dans ce recueil nous a surpris. Magritte était autre quand nous l’avons rencontré en 52. Croyez à notre vive sympathie. Pour Potlatch G.-E. Debord P.-S. : À propos du scandale de Notre-Dame, nous vous signalons que le nommé Serge Berna, un des organisateurs5, a été exclu de l’Internationale lettriste l’an dernier, pour élasticité de conscience. 1. Marcel Mariën (1920-1993), surréaliste belge, directeur de la revue Les Lèvres nues fondée à l’automne 1953. 2. Paul Nougé (1895-1967), surréaliste belge, cofondateur des Lèvres nues, qui avait proposé à Debord et Wolman de collaborer à cette revue. 3. Cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 157-163. 4. In La Carte d’après nature, de juin 1954 (les premiers numéros ont paru sous forme de carte postale). 5. Avec Michel Mourre (ancien dominicain, auteur dans les années 60 d’un dictionnaire historique) et Ghislain de Marbaix (ami de Guy Debord et futur assistant dans un de ses films). Cet achèvement, venant après la reconversion monnayée de Michel Mourre, fait malheureusement de cette manifestation une histoire assez suspecte, dont nous avons dû nous désolidariser depuis. Au Movimento Pittura nucleare Le 8 novembre 1954 Chers amis, Nous avons pris connaissance avec le plus grand intérêt des documents que vous avez eu l’amabilité de nous envoyer1. Trouvez ci-jointes nos publications des quatre derniers mois. Nous vous enverrons à l’avenir Potlatch, ainsi qu’aux adresses que vous voudrez bien nous communiquer. Croyez à notre vive sympathie, pour l’Internationale lettriste : G.-E. Debord, M. Bernstein Lettre à l’en-tête de l’Internationale lettriste. 1. Imagine e forma, d’Asger Jorn, avait été envoyé, par les soins de son ami le peintre Enrico Baj, à la rédaction de Potlatch. À Asger Jorn1 Le 16 novembre Cher Monsieur, Votre lettre nous a été transmise hier par André-Frank Conord, ainsi que le double de la réponse qu’il vous a envoyée à titre personnel. Nous sommes heureux de connaître votre action dans une lutte qui est aussi la nôtre. La nécessité d’exploiter à des fins passionnelles les immenses pouvoirs de l’architecture est une des proclamations de base de notre mouvement. En dehors de toute ambition artistique, ce que nous voulons établir, c’est une nouvelle forme de vie. Pour cette entreprise l’architecture (Bauhaus2) est évidemment le premier des moyens dont il faut se servir. Nous sommes justement réunis par l’idée que l’existence est généralement insignifiante, mais qu’il nous appartient d’y construire des jeux essentiels. Nous finirons bien par avoir raison, dans l’architecture comme ailleurs. Nous aimerions recevoir vos bulletins d’information. Nous vous envoyons aujourd’hui, sous une autre enveloppe, des documents récents. Vous recevrez à l’avenir nos publications. Nous sommes très favorables à toute collaboration que nous pourrions réciproquement nous apporter et aussi à la recherche avec vous d’un programme commun. Croyez à notre vive sympathie. Pour l’Internationale lettriste : M. Bernstein, G.-E. Debord Lettre à l’en-tête de l’Internationale lettriste. 1. Asger Jorn (1914-1973), peintre danois fondateur de Cobra. 2. Le Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (M.I.B.I.) a été fondé par Asger Jorn en 1953. À André Frankin1 Paris, le 8 décembre Cher camarade, La défection de vos amis liégeois n’est pas surprenante. À ce stade de l’action – la découverte des revendications – les participants doivent savoir ce qu’ils veulent, connaissance qui n’est pas à la portée de tous, et qui dévalue les ambitions moindres. Nous attendons avec intérêt de lire votre travail en cours. Si vous ne pouvez venir à Paris, nous nous verrons en Belgique, probablement pas à Noël, mais prochainement tout de même. Pour l’exposition à Verviers, jugez par vous-mêmes, et prenez en notre nom les décisions utiles. Les nucléaires 2 n’ont aucun intérêt. Mais le « Mouvement pour une architecture imaginiste3 » d’Asger Jorn, auquel ils adhèrent, défend une position réellement moderne en architecture. Nous avons rencontré Nougé à Paris le mois dernier. C’est un homme fort sympathique. Connaissez-vous sa remarquable « Conférence de Charleroi » ? (prononcée en 1929, éditée en 1946 par Magritte.) Avez-vous apprécié, dans le dernier Potlatch, l’extraordinaire bassesse du tract d’André Breton contre nous ? Personne n’a « offert ses services » aux staliniens et aux autres, comme le pauvre Breton toute sa vie. Fraternellement, G.-E. Debord 1. André Frankin, Belge, futur lettriste, puis situationniste hors section. Apparaît dans Potlatch sous l’anagramme Léonard Rankine. 2. Movimento arte nucleare d’Enrico Baj et Sergio Dangelo. 3. M.I.B.I. À Asger Jorn Jeudi [décembre] Mon cher Jorn, Je vous apporterai la traduction1 d’Image et Forme samedi, dans la soirée. Cordialement, G.-E. Debord Au dos d’un papillon « Matières explosives » illustré de deux bombes. 1. Cf. Potlatch n° 15, « Une architecture de la vie ». Enrico Baj écrira à Jorn le 3 janvier 1955 : « P.-S. ; Je viens de recevoir le nouveau bulletin des lettristes avec la traduction de “Image e Forme” [sic] magnifique!!! » À Isidore Isou Le 22 décembre 54 Mon pauvre Isou, Note les vérités suivantes1 1) Je ne suis pas «chef de groupe ». Quant à toi, je t’ai aperçu l’autre jour. Tu n’es plus très beau. Même pas capable de faire un riche mariage. 2) Tu es exactement, sur le plan mental comme sur le plan de l’argent, un minable. 3) Tu as conscience de ta faillite. C’est ce qui provoque ta bave dans les journaux du Quartier latin. Je t’autorise à publier cette réponse. Cela fera quelques lignes correctement écrites dans les proses d’Isou-Spaccagna2. G.-E. Debord Lettre recommandée. 1. En réponse à un article venimeux d’Isidore Isou paru dans Enjeu, intitulé «Le néolettrisme » (cf. Potlatch n° 15, du 22 décembre 1954 : « Économiquement faible »). 2. Jacques Spaccagna (1936-1990), disciple d’Isou. À Marcel Mariën Le 23 décembre Mon cher Mariën, Je vous remercie de l’envoi de PAN et DUTILLEUL1, ce dernier étant, de loin, le plus drôle. Vos libraires seront inspectés dans quelques jours, et je vais répartir pour le mieux les anciens exemplaires que j’avais. À propos des destinataires habituels de la revue, je pense que vous l’envoyez à Nadeau, qui peut aimer ça – et à Breton-Medium qui doit beaucoup s’en affecter. Mon passage à Bruxelles est certain pour janvier, mais j’ignore encore la date, car je vais peut-être combiner ce passage avec un autre déplacement qui s’impose. Parfondry2 nous a écrit deux fois. La première, pour louer assez exagérément notre réponse à cette malheureuse enquête de Magritte, sur le soleil et l’indifférence3. Potlatch lui fut alors envoyé. La deuxième fois, c’était pour nous demander ce que nous pensions de la littérature ouvrière. Je lui répondis que nous en pensions la même chose que Lénine. De sorte que le dialogue en resta là. Mais les lecteurs du Musée du soir4 doivent être bien sympathiques. Cordialement, G.-E. Debord 1. Galiériste belge. 2. Marcel Parfondry a participé au groupe surréaliste belge Rupture (fondé en 1934). 3. In La Carte d’après nature, de juin 1954. 4. Le Musée du soir, revue internationale de littérature prolétarienne (1954-1968). À Patrick Straram Le 27 décembre 54 Cher Patrick, Marie-Hélène1 vient de nous apporter de mauvaises nouvelles de toi : d’après les rumeurs qui lui sont parvenues, tu serais en difficulté2 avec ta belle-famille, et réduit à abattre des arbres, sans pouvoir obtenir ton rapatriement – ni même acheter des timbres pour écrire en France ? Au cas où ces bruits seraient fondés, nous sommes prêts à faire pour t’aider toutes les démarches que tu jugerais utiles. Si, par bonheur, les nouvelles qui courent étaient exagérées ou fausses, nous serions cependant heureux d’être rassurés à ton propos. Avec nos vœux pour 55, veuille recevoir l’assurance que de minces dissentiments « littéraires » n’enlèvent rien à l’amitié que nous te portons. Midhou, Guy, Michèle 1. Marie-Hélène Saint-Martin, ancienne amie d’Ivan Chtcheglov. 2. Au Canada. 1955 janvier, février, mars – « La valeur éducative» (Potlatch, nos 16, 17, 18), texte pour une émission radiophonique non réalisée. avril 14 – Visite du Palais idéal du facteur Cheval à Hauterives dans la Drôme. mai – Construisez vous-mêmes une petite situation sans avenir, papillon apposé sur les murs de Paris, qui reprenait le titre d’une métagraphie d’Ivan Chtcheglov. – Exploration psychogéographique dans le désert de Retz (forêt de Marly). septembre – L’« Introduction à une critique de la géographie urbaine », signée GuyErnest Debord, paraît dans le numéro 6 de la revue surréaliste belge Les Lèvres nues, dirigée par Marcel Mariën. octobre – Protestation de l’Internationale lettriste auprès du Times contre le projet annoncé de démolition du quartier chinois de Londres. – Alexander Trocchi, rédacteur en chef de la revue d’avant-garde angloaméricaine Merlin, éditée à Paris, démissionne de son poste et adhère publiquement à l’Internationale lettriste. décembre – L’I.L. appose sur les murs de Paris deux papillons, en français et en anglais : « Si vous vous croyez du génie ou si vous estimez posséder seulement une intelligence brillante adressez-vous à l’Internationale lettriste. » « If you believe you have genius or if you think you have only a brilliant intelligence write the letterist Internationale. » – Le scénario inédit du film Hurlements en faveur de Sade, précédé de « Grande Fête de nuit », paraît dans la revue Les Lèvres nues (n° 7). À André Frankin Paris, le 9 janvier 1955 Cher camarade, Naturellement nous acceptons le changement de date notifié (à Liège les dates sont-elles maintenues1 ?). Vous pouvez rassurer Dutilleul quant aux violences qu’il semble redouter dans ses murs. La métagraphie n’est pas si meurtrière, notre exposition à Paris2 n’a pas été interrompue, malgré une grande quantité de menaces qui nous parvinrent à ce moment. Avez-vous l’article de La Nation belge dont vous nous parlez? En France la dernière attaque contre nous a été menée par l’historien-académicien Pierre Gaxotte, plus connu pour sa réhabilitation de Louis XVI et de l’ancien régime. Les Nucléaires, qui continuent à nous expédier des brochures richement illustrées, doivent effectivement compter quelques personnes susceptibles de s’employer à de meilleures fins. Nous venons de recevoir le n° 4 des Lèvres nues qui marque un recul sérieux par rapport aux trois premiers numéros. L’esprit surréaliste semble y faire un retour en force, avec des poèmes surannés et la place accordée au scandale de Pâques 1950 à Notre-Dame, malgré l’évident confusionnisme para-religieux des promoteurs dudit scandale. Pour le n° 16 de Potlatch3, les textes doivent nous parvenir le 20 janvier. Tenez-nous au courant de vos démêlés avec Dutilleul dans cette affaire de « La Boutique ». Quoique n’ayant nullement, et doutant d’avoir en temps utile, assez d’argent pour nous y associer, nous y prenons un vif intérêt. 1. Pour deux expositions de Propagande métagraphique qui devaient se tenir à Liège (galerie de La Boutique) et à Bruxelles (galerie Dutilleul), respectivement du 9 au 21 avril et du 25 avril au 6 mai 1955. 2. Du 11 juin au 7 juillet 1954 à la galerie du Double Doute, passage Molière. 3. Qui paraîtra le 26 janvier 1955. Recevez les amitiés de tous nos camarades. G.-E. Debord À Patrick Straram Paris, le 14 janvier 1955 Cher ami, Nous avons été heureux d’apprendre que tu n’étais pas vraiment dans une situation pénible. Quant aux dissentiments, littéraires ou pas, il est bien tard pour polémiquer là-dessus. Le désaveu que tu nous avais fait porter par Ivan a malheureusement marqué la fin de ta collaboration, mais non de notre sympathie à ton égard. Finalement, les dissentiments en question, c’est à toi qu’il appartient d’en choisir la gravité, comme tu en as choisi l’origine. De mémoire de rose, comme disait Fontenelle, on n’a jamais vu mourir un jardinier1. Amitiés de tous. Guy 1. Allusion à l’activité actuelle de Patrick Straram. À Marcel Mariën Paris, le 24 février 1955 Cher Marcel Mariën, Merci de votre carte, et des Corrections naturelles1. Tous les sujets de ce livre sont aussi actuels en 55 qu’en 47, et nous en approuvons toutes les conclusions – exceptées la valeur réellement agissante de la méthode actuelle des partis communistes, et l’assimilation de Cheval au douanier Rousseau. Si le « socle grotesque » est commun à leurs entreprises, il nous semble que l’on ne peut pas les juger également quant aux résultats objectifs, parce que la peinture de Rousseau est bien une réaction formelle contre la révolution impressionniste, alors que le Palais idéal n’est pas une réaction contre le baroque architectural de l’époque, mais son dépassement. Dans un domaine si rigoureusement tenu à l’abri des « révolutions poétiques » par des conditions économiques inchangées, conditions évidemment plus paralysantes en architecture qu’en peinture, la traduction « … en toute pureté, au rebours de toute prétention esthétique, d’un besoin profond d’agir sur le monde » nous paraît posséder une valeur collective de revendication à laquelle ne saurait prétendre l’activité graphique facile, sans conséquence sociale, d’un enfant ou d’un fou. Je regrette de n’avoir pas eu votre livre il y a un an, pour le faire lire à quelques jeunes disciples d’André Breton qui manifestaient alors une certaine honnêteté intellectuelle. Ces gens ne se survivent que par l’ignorance. Et dans le dernier Medium2 le seul texte clair et cohérent réclame un retour radical à l’automatisme absolu qui, seul, ne déçoit pas ses fidèles. 1. Les Corrections naturelles, Marcel Mariën (Bruxelles, librairie Sélection, 1947). 2. Medium, nouvelle série, revue surréaliste qui a paru de novembre 1953 à janvier 1955. Voici les adresses peut-être utilisables en Italie : Signor Enrico Baj, via Teullié 1, Milano. Signor Oreste Borri, via di Camerata 59, Firenze. Libreria Schwarz, via della Spigna, Milano. Signor Mario Colucci, Accademia di Belle Arti, Via Costantinopoli, Napoli. Redazione di Numero, via degli Artisti 6, Firenze. Recevez, et veuillez transmettre à Jane Graverol3 et Nougé, nos plus cordiales salutations. G.-E. Debord 3. Jane Graverol (1905-1984), peintre, cofondateur de la revue Les Lèvres nues. À Georges-Marie Dutilleul1 Paris, le 25 mars 1955 Cher Monsieur, Sur l’avis de Monsieur Frankin, je vous envoie ci-joint les textes de l’invitation et de l’affiche pour nos expositions, textes qui ne doivent pas subir de modification. Je vous prie de nous adresser à Paris, dès qu’il vous sera possible de le faire, deux cents de ces invitations et quelques dizaines d’affiches, afin que nous étendions cette publicité en France. Jacques Fillon sera à Liège le 9 avril, et M. Dahou assistera au vernissage à votre galerie de Bruxelles. Veuillez recevoir, cher Monsieur, mes salutations distinguées. Pour l’I.L., G.-E. Debord Lettre avec le tampon de Potlatch. 1. Propriétaire des galeries-éditions G.-M. Dutilleul, à Liège et à Bruxelles. À André Frankin1 Le 7 avril 1955 Cher camarade, En réponse à deux lettres pressantes de nos amis, cette canaille de Dutilleul vient de nous faire parvenir un billet d’une stupéfiante insolence : il refuse absolument d’imprimer le texte que vous savez2 ; il nous avise que ce que nous pourrions éditer nous-mêmes à ce propos ne saurait être diffusé par ses services – et, de plus, malgré l’alternative que nous lui avions clairement posée, il déclare que cette exposition se fera comme il l’entend à la date prévue. Devant cette manifestation qui ne relève plus du bluff tolérable mais de la psychopathologie, nous sommes obligés de répondre à l’instant par un mot de rupture aussi injurieux qu’il convient. Croyez bien que nous sommes désolés, surtout à propos de vous, de la surprenante tournure prise par cette affaire. Recevez nos plus cordiales salutations. G.-E. Debord, Jacques Fillon 1. Lettre reproduite dans Potlatch n° 19. 2. « Texte des invitations », Potlatch n° 19. À G.-M. Dutilleul Le 7 avril 1955 Stupide Dutilleul, En imaginant que tes expositions pourraient se faire dans les conditions que nous avons rejetées, tu viens de donner ta mesure. Les morveux comme toi, qui veulent réussir, doivent être plus adroits. Il n’y aura pas d’exposition. Pour l’Internationale lettriste : G.-E. Debord, Jacques Fillon À André Frankin Le 12 avril Cher camarade, Merci de votre lettre du 9. Nous avons effectivement l’intention de consacrer une partie du prochain Potlatch à exposer le cas Dutilleul. Ce pauvre homme nous a avisé dans les formes qu’après six jours un huissier se mettrait à l’œuvre pour nous faire payer une facture de 2200 francs belges (frais en sus, précise-t-il, 780 francs belges), ceci étant le prix d’un travail qui ne nous a pas été livré, qui n’a probablement pas été fait et qui, quand bien même il se trouverait imprimé, l’eût été contre notre volonté expressément manifestée à trois reprises. Nous vous prions donc : 1°) de représenter au policier Dutilleul les graves inconvénients, tant judiciaires qu’extra-judiciaires, de ce genre d’entreprise contre nous ; 2°) de nous communiquer le plus grand nombre possible d’adresses auxquelles les galeries Dutilleul envoient leurs invitations habituelles, et en tout cas, les adresses des principaux journaux belges. Nous y enverrons le Potlatch qui rendra compte de ces curieuses expositions. Nous serions heureux de vous voir en juin à Paris, pour parler de problèmes plus intéressants. Très amicalement, G.-E. Debord À André Frankin Paris, le 21 avril Cher camarade, Merci pour les adresses. La liste vous est retournée ci-jointe. Dutilleul et ses huissiers ne se sont pas encore manifestés. À propos de l’affaire Stéphane1, nous en sommes venus récemment à conclure que toute l’activité de la Nouvelle Gauche était une manœuvre de diversion objectivement certaine, et même que les buts conscients de plusieurs de ses leaders étaient des plus louches. Le meeting tenu le 6 avril dans la salle des sociétés savantes, meeting où nous nous étions rendus en groupe, nous a permis de vérifier dans les détails le caractère réel d’un mouvement qui prétend s’adresser à la classe ouvrière : ramassis de bavards pseudo-intellectuels comme orateurs et comme public; service d’ordre engagé à forfait pour la soirée, principalement recruté parmi les ex-nervis du défunt R.P.F.2 ; expulsion spectaculaire d’une demi-douzaine de dérisoires provocateurs néoroyalistes (eux, ils étaient «la droite », la réaction…) remis aimablement aux collègues de la police municipale qui attendaient, à la porte, d’en prendre livraison, etc. Nous sommes partis sans plus attendre, sans attendre par exemple la lecture du message de cette vieille pourriture de Mauriac, qui joue le même rôle d’apôtre sauveur des déshérités pour la clientèle du Figaro, celle de L’Express, et celle de Bourdet3. Aussi méprisables que nous paraissent ces gens – c’est Stéphane qui signait, à propos de Claudel, l’incroyable papier que nous relevions dans le dernier Potlatch4 –, il s’agit d’un problème qui les dépasse : la liberté de s’exprimer. Nous avons protesté en décembre contre l’inculpation de Martinet5. Aujourd’hui, il nous semble plus honorable de défendre cette liberté à propos de la saisie, par exemple, de la Vérité des Travailleurs6 au début de ce mois, et des poursuites entamées contre les minorités révolutionnaires dont tous les meetings, depuis la révolte de l’Aurès, ont été systématiquement interdits. Ceci n’enlève rien à la justesse de votre raisonnement sur le crime qu’est en train de devenir « l’absence de conscience de classe du bourgeois », c’est-àdire uniquement le crime d’antifascisme. Mais un antifasciste n’est pas pour cela un révolutionnaire, du moins quand il ressemble à Stéphane. C’est pourquoi une heure qui exige des choix extrêmes fait d’eux des fantoches, utilisables pour détourner un important secteur de l’opinion. Il faut aussi tenir compte de cet aspect du problème, sur lequel nous pensons avoir les plus sérieuses raisons d’attirer votre attention. Fraternellement, G.-E. Debord Lettre avec le tampon de Potlatch. 1. De son vrai nom Roger Worms, impliqué dans l’affaire dite « des fuites » à propos de la guerre d’Indochine, il est arrêté en 1955, puis libéré le 21 avril. 2. Rassemblement du peuple français (1947-1954). 3. Claude Bourdet, fondateur avec Stéphane et Martinet, en 1950, du journal L’Observateur (qui sera rebaptisé par la suite FranceObservateur, puis Le Nouvel Observateur). 4. Un éloge funèbre (cf. Potlatch, n° 18 du 23 mars 1955). 5. Gilles Martinet, « impliqué contre toute vraisemblance dans une affaire d’espionnage américain en France », cf. Potlatch, n° 15 du 22 décembre 1954. 6. Publication du Parti communiste internationaliste (4e Internationale), poursuivi pour atteinte à la sûreté intérieure de l’État, dans le cadre de la guerre d’Algérie. À Asger Jorn Paris, le 23 avril 1955 Cher Asger Jorn, Nous serions heureux de vous rencontrer dès que possible. Voulez-vous venir 32 rue de la Montagne-Geneviève mercredi prochain à 21 heures ? Sinon, fixez vous-même un autre rendez-vous par une lettre envoyée à la même adresse. Bien cordialement, G.-E. Debord Lettre avec le tampon de Potlatch. À Juan Goytisolo1 Vendredi 6 mai lendemain de la fête du saint pape Pie V avant-veille de la fête de sainte Jeanne d’Arc treizième jour avant l’Ascension Mon cher Juan, Nous apprenons avec plaisir, par ta lettre, que l’Espagne est toujours un aussi beau pays2. À Paris aussi, l’ordre règne. Roger Stéphane se promène en liberté. Le bruit court que Claude Bourdet trouve dans certains milieux de la Préfecture de police les renseignements publiés dans l’Observateur. Nous n’en sommes pas sûrs. 1. Juan Goytisolo, rencontré à Paris en octobre 1953. Accompagne Guy Debord et Michèle Bernstein dans les bars espagnols d’Aubervilliers. Il publie son premier roman Juegos de manos en 1954. 2. Allusion aux six semaines que Juan Goytisolo a passées dans les prisons espagnoles. Notre ennemi Dutilleul n’a pas encore réussi à nous faire saisir. Nous avons diffusé spécialement en Belgique les textes de la correspondance échangée avec lui. Midhou3 a dû quitter Auteuil, sur l’ordre du commissaire de son quartier. Il habite maintenant rue de Seine, à l’hôtel. Il pense à faire un séjour à Londres. C’est pourquoi Wolman le remplace à la direction de Potlatch. Avec Jacques4 et Véra, j’ai visité5 le Palais idéal du facteur Cheval6, qui est extrêmement amusant. Je t’envoie quelques tracts, publiés en 1952, que j’ai retrouvés par hasard à Cannes. Je suis chargé de te transmettre les amitiés de tous. Salud. Guy P.-S. : Si tu vois J. Fernandez7, dis-lui d’écrire un article pour nous. LE PAPE VA MOURIR À la revue Les Lèvres nues Paris, le 30 mai 1955 Chers amis, Merci beaucoup pour les jeux1. Nous sommes attristés d’apprendre que la publication des Lèvres nues va être suspendue. Voulez-vous, pendant ce temps, envoyer des articles à Potlatch, dont nous étendrions l’envoi à votre public habituel ? 3. Mohamed Dahou. 4. Jacques Fillon. 5. Le 14 avril 1955. 6. Une photo est jointe à la lettre portant l’inscription manuscrite : « Entrée des souterrains du Palais idéal » (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 187). 7. Signature utilisée par Juan Goytisolo (cf. Potlatch n° 23). Lettre avec le tampon de Potlatch. 1. Cf. Les Lèvres nues n° 5 : « Le jeu des mots et du hasard ». Naturellement, nous sommes nous-mêmes tout prêts à écrire dans les futurs numéros que nous souhaitons aux Lèvres nues. Les obstacles qui s’étaient élevés à ce propos, et dont nous vous avions parlé, ont été heureusement aplanis. Dutilleul apparemment se calme. Cependant il ne nous est pas possible d’aller en Belgique d’ici quelque temps. Nos amitiés à vous tous, G.-E. Debord À la revue Les Lèvres nues Paris, le 10 juillet 55 Chers amis, Votre n° 5 est, je crois, le meilleur de la série. « Défense et illustration de la langue française », qui nous a ravis, est très proche de l’idéal plastique que nous voulions faire arborer chez Dutilleul. Ce dernier, nous dit-on, se dispose à ouvrir une galerie à Paris. Nous irons. Le loisir nous est laissé par la loi française de coller, en affichage libre, à longueur de nuit. Il y faut une touche de couleur, le noir et blanc étant réservé aux affiches officielles, mais un coup de crayon rouge en travers suffit. Pour d’autres raisons, je vous engagerais, si vous réalisez cette affiche1, à la faire de très petite dimension. Pour le n° 6 des Lèvres nues2 vous recevrez, avant la fin de juillet, un texte de moi, dont je vous communique dès à présent le titre : INTRODUCTION À UNE CRITIQUE DE LA GÉOGRAPHIE URBAINE. 1. Publicité pour Les Lèvres nues, dont le n° 6 allait paraître. 2. De septembre 1955. Je ne vois pas, pour le moment, d’illustration qui s’impose. Nous ferons de notre mieux pour aggraver le dépit de Breton. Notre tâche est malheureusement compliquée par le fait que la rédaction de Medium, sise au domicile de Péret, n’a pas de téléphone. Et l’éditeur-administrateur est en faillite, en fuite peut-être ? Nous allons innocemment commander cette belle revue3 chez deux ou trois libraires, pas trop spécialisés dans l’avant-garde, qui insisteront eux-mêmes rue Gramme4 par lettre ou tout autre moyen. Bien cordialement, G.-E. Debord 3. Le Surréalisme même, à paraître. 4. Centre d’informations surréalistes, 17, rue Gramme, Paris 15e. À André Frankin 20 juillet 1955 Cher camarade, Nous nous sommes rendus au repaire de Dutilleul. Il était parti pour quelques jours mais rentre aujourd’hui. Nous avons estimé que la seule manifestation susceptible de le gêner sérieusement, et qui ne trahisse pas un dépit excessif de notre part, devait avoir pour théâtre le premier vernissage de sa galerie. Mais comme il fallait profiter de la chance d’avoir découvert son adresse1, nous avons fait porter par un homme de mauvaise mine un message dont je vous joins le facsimilé. Nous ne doutons pas qu’il ne provoque une certaine inquiétude. Le dernier Potlatch est envoyé à l’instant à vos deux adresses, qui sont effectivement nouvelles. 1. 20, rue Serpente, à Paris. Les petits tracts déroutants2 causent une surprise plus vive s’ils sont très dispersés, isolés : jamais deux sur un même mur. Amicalement, G.-E. Debord 2. « Construisez vous-mêmes une petite situation sans avenir », petits tracts qui avaient été diffusés par l’Internationale lettriste en mai 1955. À la revue Les Lèvres nues 25 juillet 1955 Chers amis, J’ai appris sur le manifeste « Défense de la poésie », dont j’ignorais tout, quelques détails que je vous communique : publié en tract il y a déjà plusieurs mois, ce texte émane de la revue (ou du mouvement, je ne sais) Terre de Feu, dont l’adresse est : 11, rue Eugène-Wiet, à Reims. Il s’agirait d’une critique sévère des Aragonneries dans la seule perspective d’un art engagé, et même en se fondant sur les principes définis par le Premier Congrès des écrivains soviétiques. Comme ce groupe est également distant – géographiquement – de vous et de nous, et comme j’ai une méfiance désobligeante pour tout ce qui entend se situer aujourd’hui sur le plan de la poésie-à-poèmes, je vous laisse le soin de prendre contact. Je suis passé au Minotaure1 demander des nouvelles des Lèvres nues. Le doux jeune homme que j’y ai trouvé m’a assuré qu’il n’avait plus de Lèvres nues mais que, n’étant pas le vrai libraire, il ne pouvait me dire s’il en fallait d’autres. Je vous conseille donc d’en envoyer. La dimension d’affiche que vous citez me paraît acceptable, même pour l’inexpérience de nos colleurs actuels : les colleurs expérimentés ont tous été victimes de l’avant-dernière série d’exclusions. Ci-joint mon article. Qui sera malheureusement le seul pour cette fois, tous mes amis étant absents de Paris en ce moment. Par le même courrier, je vous envoie deux petites métagraphies (disons plutôt deux projets d’affiches) que j’ai sous la main : une est de Dahou, l’autre de moi-même. Des métagraphies plus caractéristiques me paraissent impubliables à cause d’une surabondance de phrases imprimées qui seraient illisibles sur un cliché. N’ayant aucune photo de nos films – dépourvus eux-mêmes d’images – je joins aux collages quatre photos de policiers américains en plein travail. Peut-être pourrez-vous en trouver l’usage, dans l’illustration d’un texte théorique et serein, loin de toute politique, comme ils disent? Cordialement, G.-E. Debord 1. Librairie Le Minotaure, 2, rue des Beaux-Arts à Paris. À Gil J Wolman Mercredi midi [7 septembre] Mon cher Gil, Peux-tu venir samedi soir à 8 heures au Tonnal1 ? Objet du débat : rédaction d’une vive protestation auprès du Times de Londres2, qui annonce la destruction prochaine du quartier chinois de cette ville – connu sous le nom de Limehouse. 1. Le Tonneau d’or, 32, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève, bar tenu par Charles Guglielmetti, dit Charlal du Tonnal, permanence de l’Internationale lettriste. 2. Cf. Potlatch n° 23. Admirable repaire de toutes sortes de Fu Manchu. Si tu n’es pas libre, préviens-moi d’ici là. Potlatch 22 sera expédié demain. Je me suis finalement rendu à la fête de l’Huma3, le samedi soir assez tard : assez jolies tendances à la dérive – dans l’avenue Lénine qui commence un peu partout on s’entend crier par haut-parleurs : « Camarades, buvez un verre de [mousseux] contre la répression en Algérie » ou : « Mangez une choucroute pour les métallos de Nantes » et même : « Buvez de la vodka de Moscou – 80 francs le verre, pour la détente… » ou à peu de choses près. On aboutit à quelques places très floues perdues dans des petits bosquets d’arbres, et dites : de l’unité, Karl Marx, etc. Mais aussi l’iconographie habituelle, le portrait de Maurice4 partout – des chansons idiotes, du folklore à n’y pas croire, les communistes d’Auvergne étant vêtus en Auvergnats, ceux de Brest en Bretons, et ainsi de suite : Louis XVI n’aurait pu souhaiter mieux. Relevée sur un stand de librairie en lettres énormes, une phrase de Lénine juge tristement cette kermesse : SANS THÉORIE RÉVOLUTIONNAIRE RÉVOLUTIONNAIRE. PAS D’ACTION Nous fûmes bien seuls à en rire. Midhou signale que depuis quelque temps Jean-Isidore vient tous les jours lire son journal au « Bonaparte », l’air triste et esseulé. Régression vers l’enfance. À moins qu’il ne s’agisse d’un affût un peu long pour le genre de chasse qu’il prisait tant. Pomerand5, le pauvre mec, en est à écrire dans La Parisienne de la putain Cécile Laurent-Labattue6. Et oui. 3. Fête annuelle organisée par le journal L’Humanité. 4. Maurice Thorez, secrétaire du parti communiste français. 5. Gabriel Pomerand (1925-1972), lettriste, auteur de Saint Ghetto des Prés (1950). 6. Jacques Laurent, alias Cécil Saint-Laurent, fondateur du journal La Parisienne. (La jeunesse, le cri, le terrorisme, l’avant-garde, l’injure, le défi – « L’extrême pointe de ce combat que chaque réveil nous propose quand il nous entraîne dans les pièges de la vie », comme disait à peu près St Ghetto des Prés…) Mais j’y pense, connais-tu Fu Manchu ? Tous les livres de son inventeur Sax Rohmer sont à lire. Tout le pouvoir aux soviets lettristes ! Amitiés, Guy À la revue Les Lèvres nues Paris, le 14 septembre Chers amis, La phrase en question doit être laissée telle quelle, c’est-à-dire que le « ou » ne doit pas prendre d’accent1. Paul Bourgoignie2 reçoit déjà Potlatch. Depuis plusieurs mois, semble-t-il, à consulter nos listes. Pour les affiches, nous serons toujours à votre disposition dans l’avenir. Pourriez-vous me faire savoir si un certain Gildo Caputo3, 11, rue Schoelcher (ou la Galerie de France, 3, rue du Faubourg-Honoré, c’est le même homme) s’est abonné aux Lèvres nues après que nous ayons envoyé dans Paris quelques-unes de vos cartes ? Ceci afin que nous passions aux sanctions, au cas où il ne l’aurait pas fait. Bien cordialement, G.-E. Debord 1. Voir infra, lettre à Marcel Mariën du 11 novembre 1955. 2. Paul Bourgoignie (1915-1995), collaborateur des Lèvres nues et fondateur de la revue Phantomas. 3. Gildo Caputo, galiériste, oncle par alliance de Michèle Bernstein. À André Frankin Le 14 septembre 1955 […] Dans la même semaine, décidément littéraire, on nous a envoyé une revue Phantomas, qui est idiote, et il nous est tombé entre les mains le dernier numéro de Temps mêlés. Cette revue est au-dessous de tout ce que j’imaginais. André Blavier1 aussi, du même coup. Il est presque incroyable, en plein vingtième siècle, que l’on écrive de pareilles choses […] De même que Blavier étend ses ravages dans Phantomas, un certain Michel Laclos, qui sévit dans Temps mêlés, n’est autre que le rédacteur en chef de Bizarre2, fort tirage probablement destiné à nos sous-préfectures du SudOuest. Il est apparent qu’il existe une internationale de la connerie noire, dont nous commençons à voir les meneurs. D’ailleurs, tout ce qui se réclame de Queneau est à coller au mur à la première occasion. L’exploitation de Jarry par ces quelconques pataphysiciens est exactement aussi dégradante que les tentatives d’annexion du même par les catholiques. Dans cet étalage d’insignifiance insultante, d’abjection morale, de pensée mangée aux mites, il faut bien dire que Blavier se détache nettement : c’est lui le plus tarte. Naturellement, il cessera de recevoir Potlatch. Autrement, cela pourrait donner à croire que nous faisons quelque crédit à l’intelligence d’un homme capable d’éditer de telles bassesses. Je suis content que nous ne nous soyons pas rencontrés lors de son dernier passage à Paris : en dix minutes de conversation, l’individu eût été démasqué. Et il est toujours fâcheux d’être obligé d’en venir aux injures, qui se ressemblent toutes, comme ces gens se ressemblent tous […] G.-E. Debord Extraits d’une lettre (reproduits dans Potlatch n° 23). 1. André Blavier, disciple de Raymond Queneau. L’un des fondateurs, en octobre 1952, du cercle littéraire et de la revue Temps mêlés. 2. Revue éditée par Éric Losfeld, reprise après deux numéros par Jean-Jacques Pauvert. À Asger Jorn Paris, le 22 septembre 1955 Cher Asger Jorn, Nous sommes contents de votre lettre1. Nous pensons, comme vous, qu’il nous faut maintenant nous rencontrer, pour développer notre accord. Nous vous attendons. Très amicalement, Pour l’I.L. G.-E. Debord, Jacques Fillon Lettre avec le tampon de Potlatch. 1. Asger Jorn qui écrivait : « C’est avec le plus grande sympathie et enthusiasme que j’étudie votre programme : “Pourquoi le lettrisme”, dans Potlatch de 9 sebt. C’est le premiere fois que je vois expliqué claire et nettement les conditions et perspectives essensielles de notre epoque dans le domaine des arts, et je suis pleinement d’accord avec vous […] » À Jane Graverol 22 septembre 1955 TRÈS DRÔLE1 STOP POTLATCH. À André Frankin 22 septembre 55 Cher camarade, Votre lettre ne laisse pas d’être inquiétante, quoique nous ne comprenions pas à quels périls vous faites allusion. Nous espérons qu’ils sont, à cette heure, conjurés. Sinon, précisez-nous leur nature, pour que nous voyions à vous aider si c’est possible. Nous attendrons patiemment Dutilleul. Thoveron, tant pis. Blavier, vous pensez bien que nous n’entendons pas juger son caractère, ou la sympathie qu’il peut inspirer personnellement. Nous ne l’avons jamais vu, et nous ne nous permettrions pas de l’accabler sur ces détails. Il nous suffit de savoir, par la lecture de la revue qu’il dirige, que son rôle est objectivement néfaste. Et comment se permettrait-on de juger la conduite sociale d’un docker, si on tenait un intellectuel pour irresponsable de ses manifestations ? Fraternellement, Debord, Fillon Télégramme. 1. Le journal Dutilleul (voir infra, lettre à André Frankin du 10 octobre 1955). À Marcel Mariën Paris, le 27 septembre 1955 Mon cher Mariën, Je reçois à l’instant votre seconde lettre, comme j’allais répondre à la première. Voici les renseignements en cinq points. 1°) 300 affiches maximum (200 peuvent suffire à couvrir les principaux panneaux. Il va de soi que seul un nombre limité de quartiers convient pleinement à ce genre de publicité). 2°) Le texte exact est le suivant : « Défense d’afficher : Loi du 29 juillet 1881 ». 3°) La distribution dont vous parlez nous paraît non seulement inefficace, mais négative. Ceci, en général. En tout cas, pour nous, impossible. 4°) Vous avez raison d’utiliser les clichés. Ils rendront sur les murs un sens plus fort. Si vous mentionnez les adresses des libraires, nous n’afficherons que sur les emplacements d’affichage libre. Dans ces conditions, le fait que l’éditeur soit à Bruxelles n’a pas grande importance. Cependant, si vous voulez, mettez la mention : « Diffusé en France par l’Internationale lettriste, 32 rue etc. » sur le tirage destiné à la France. 5°) Nous surveillerons volontiers vos libraires. Quant aux Lèvres nues, je pense qu’il m’en faudrait un ou deux exemplaires en plus de ceux que vous m’annoncez. L’hebdomadaire que vous nous avez envoyé est tout à fait réjouissant, surtout pour les anciens combattants. Très supérieur en agressivité à notre Canard enchaîné. Cordialement à vous, G.-E. Debord À la rédaction du Times [Début octobre] Monsieur, Le Times vient d’annoncer le projet de démolition du quartier chinois de Londres. Nous nous élevons contre une entreprise d’urbanisme moralisateur, qui tend évidemment à rendre l’Angleterre plus ennuyeuse encore qu’elle ne le devenait récemment. Les seuls spectacles qui vous restent sont un couronnement de temps à autre, et les fiançailles plus fréquentes, mais généralement infructueuses, des premières demoiselles du Royaume. Les disparitions de jolies jeunes filles, de bonne famille par surcroît, se feront de plus en plus rares après l’effacement de Limehouse. Croyez-vous qu’un gentleman peut s’amuser à Soho ? L’urbanisme prétendu moderne dont vous vous recommandez, nous le tenons pour passager et rétrograde. Le seul rôle de l’architecture est de servir les passions des hommes. De toute façon, il est inconvenant de détruire ce quartier chinois de Londres avant que nous n’ayons eu le loisir de le visiter, et d’en établir l’expérimentation dans le sens des recherches psychogéographiques que nous poursuivons. Enfin, si la modernisation vous paraît, comme à nous, nécessaire, nous vous conseillons vivement de la porter au plus urgent, c’est-à-dire dans vos institutions politiques et morales. Veuillez croire, Monsieur, à l’assurance de notre parfaite considération. Pour l’Internationale lettriste : Michèle Bernstein, G.-E. Debord, Gil J Wolman À la revue Les Lèvres nues Paris, le 2 octobre 1955 Chers amis, La parution du journal Dutilleul est l’événement le plus bouffon de la semaine, après toutefois le départ de Ben Arafa1. Nous avions conçu le projet d’envahir au grand jour du vernissage la galerie Dutilleul de la rue Serpente, et d’y décrocher toutes les toiles. Malheureusement, le journal que nous recevons nous apprend que ces toiles seront de Cocteau. Nous reculons devant le risque de voir interpréter ce geste comme le dix millième crachat sur une si insignifiante victime. Après ma visite à Béalu2, je tiens à votre disposition trois exemplaires du Portrait d’après nature, sept exemplaires des Lèvres nues et la somme de 700 francs. J’attends vos instructions à ce propos. Béalu a fait toutes les difficultés imaginables. Mais j’avais amené Dahou ; et c’est dans un style, sinon tout à fait gangster, du moins franchement désagréable, que nous lui avons fait retrouver, un par un, les exemplaires qu’il disait, de prime abord, n’avoir point reçus. Toutes vos affiches seront collées dans la même nuit. Comme vous m’annoncez leur arrivée par paquets successifs, j’attendrai d’avoir reçu le tout pour lancer cette opération. Bien cordialement à vous, G.-E. Debord 1. Mohammed Ben Arafa, souverain fantoche du Maroc, qui avait été placé par le gouvernement français le 20 août 1953. 2. Marcel Béalu, propriétaire de la librairie Le Pont traversé, rue Saint-Séverin. À Gil J Wolman Vendredi [7 octobre] Mon cher Gil, Fillon doit arriver dimanche soir, ou lundi selon la gravité des incidents mécaniques prévus. D’autre part, Juan vient d’arriver d’Espagne après un relativement bref séjour (six semaines) dans une prison militaire. Il apporte de bonnes nouvelles de l’influence de Potlatch sur l’opposition de ce pays. La lettre au Times a été envoyée dans une traduction si belle et si noble que l’on peut considérer que le texte original est enfoncé. Ce sera un régal pour les lecteurs bilingues de Potlatch. Mariën corrige les épreuves des Lèvres nues, et m’a consulté scrupuleusement pour un « ou » qui aurait pu être un « où », mais qui ne l’était pas. Ce sont d’ailleurs (les lèvres-nudistes) les seuls types sortables au nord de Paris. J’ai lu Phantomas (!) belge – la deuxième revue éditée par ce Blavier qui «voulait nous rencontrer ». Dans l’indignation du premier choc j’ai envoyé à Frankin – qui est lié d’amitié avec Blavier – une lettre qu’il ne manquera pas de leur faire connaître. Et s’il y manque, aucune importance, j’en publierai des extraits. Cette lettre fera l’effet – je m’en flatte – d’un petit coup de tonnerre pour une racaille belgo-franco-italienne qui commençait à nous aimer bien, à trouver qu’on avait de l’esprit, etc. etc. – en somme que nous méritions une petite place entre Queneau, Prévert et la revue Bizarre. Seul se trouve épargné Frankin, naturellement. (Par exemple Temps mêlé indique en deux lignes que Potlatch n° 19 publie « une extraordinaire correspondance franco-belge »… tu vois le ton, tu vois le genre.) En somme, veux-tu passer rue Racine, mardi vers 7 heures ? Fillon sera forcément arrivé. Bien amicalement, Guy À Marcel Mariën 10 octobre 1955 Mon cher Mariën, J’attendais pour répondre à vos cartes d’avoir les comptes des libraires. Mais samedi ils étaient, paraît-il, accablés de travail et mon émissaire a accepté un rendez-vous pour demain. On me dit, cependant, que le Minotaure est un homme fort sympathique 1. Je pense vous envoyer tous les chiffres mercredi matin (y compris ceux du Soleil2) , et procéder mercredi soir au collage des affiches. Affiches que je dois recevoir d’un moment à l’autre, si elles sont parties samedi. À l’unanimité, l’épreuve de cette affiche a été jugée excellente. Pour les collections de Lèvres nues, je vous remercie. Il me semble que deux suffiront. Pour ne pas compliquer outre mesure nos comptes, vous pourriez les envoyer vous-même : une à Fillon, à l’adresse de Potlatch – l’autre à Gil J Wolman, 63, rue des Cascades, Paris 20e. Vous pouvez compter, pour votre numéro 7, sur de courts articles de trois ou quatre de mes amis. Et, si vous voulez, je peux vous donner le texte de mon film3, dont la présentation serait comparable au «Parti pris de la lumière4 », par exemple, et qui prendrait environ six pages. À quelle date limite devront vous parvenir les manuscrits ? Frankin nous parle longuement mais vaguement d’une affaire de mœurs qui a bouleversé Liège et laissé certaines de ses connaissances en prison. Luimême, impliqué par la rumeur publique, sans travail et presque au désespoir, nous prie de le rappeler à votre souvenir. Jane Graverol lui avait parlé d’une possibilité de trouver quelque emploi à Bruxelles. En tout cas, une lettre de vous l’encouragerait sans doute. Frankin nous annonce aussi que Dutilleul – à la suite de ces orgies ? – est pour trois mois dans une clinique psychiatrique. Mais nous avons appris plus drôle encore : il n’avait pas acheté sa fameuse galerie, que l’agence cherche toujours à vendre, quoi qu’en pensent les bons Liégeois. Cordialement à vous tous, G.-E. Debord 1. Roger Cornaille. 2. Librairie Le Soleil dans la tête, 10, rue de Vaugirard à Paris. 3. Hurlements en faveur de Sade. 4. De Marcel Mariën et Paul Nougé (Les Lèvres nues, n° 2). À André Frankin 10 octobre 1955 Cher camarade, Nous sommes désolés de vos nouvelles difficultés. Du travail à Paris, comme vous dites, c’est plutôt impossible – on fait aux étrangers tous les ennuis possibles. Un de nos camarades, qui est anglais1, s’est vu refuser de séjourner plus de trois mois. Il lui faut donc tous les trois mois sortir de France et revenir. Ceci bien qu’il ait un logement à son nom – ce qui est, à Paris, encore plus rare qu’un travail acceptable (c’est même la principale difficulté). Je viens d’écrire à Mariën, en le priant de faire ce qu’il peut au plus vite. Françoise d’Eaubonne, d’après les renseignements sommaires mais certains que l’on m’en donne, n’a pas la moindre importance, non seulement dans la hiérarchie du P.C.F. – ce dont vous vous doutiez évidemment – mais encore dans la littérature communiste : elle écrit, pour vivre, de temps à autre un petit conte (genre Delly). Elle fréquenterait ici les milieux snobs communistes – car il existe un authentique communisme de salon, bien parisien. Le plus représentatif de cette bande serait peut-être le nommé Henri Lefebvre2, qui y pontifie, mais qui est assez mal placé dans le parti. Nous avions déjà reçu – par Graverol – le journal Dutilleul, qui est vraiment renversant. Vous nous apprenez un internement assez inattendu. À nous, peut-être, de vous surprendre. La galerie 20 rue Serpente, renseignements pris à l’agence, se trouve encore actuellement à vendre. Et Dutilleul s’est sciemment moqué du monde, depuis deux bons mois – probablement pour tirer des naïfs l’argent qui lui aurait peut-être finalement permis d’acheter sa galerie? Le no 23 de Potlatch étant actuellement au tirage, vous avez jusqu’aux premiers jours de novembre pour envoyer un papier. Si vous pensez que cette ténébreuse affaire liégeoise mérite une intervention – ou que cette intervention pourrait être utile – à vous de juger, rédigez-la, nous vous faisons confiance. La situation politique est entrée dans sa phase critique. La vague de grèves a reflué une dizaine de jours avant la reprise du travail à Nantes – qui devenait ainsi obligatoire. Un coup d’État fasciste est devenu très possible, probablement avec le personnage de Juin3. Nous en parlons dans notre no 234. Fraternellement, Debord 1. Alexander Trocchi. 2. Henri Lefebvre (1901-1991), philosophe marxiste. 3. Alphonse Juin (1888-1967), maréchal de France. 4. « Le dernier des sondages d’opinion en vogue ». À Marcel Mariën Le 23 octobre 1955 Mon cher Mariën, Oui, je vais vous écrire une courte présentation de Hurlements. Le scénario lui-même fait 13 pages dactylographiées. Pour les trois autres articles1, comptez au plus une page de revue pour chaque. Mais tout dépend des caractères, que vous choisirez à votre convenance. Je vous enverrai demain des nouvelles des libraires, et huit jours après, nos manuscrits. Certains de vos paquets ont eu quelques jours de retard – six jours dans le pire des cas –, retard apparemment occasionné par une visite des douanes. Je ne sais si de tels délais sont courants ? Votre paysage londonien est plus beau que nature. Bien amicalement, G.-E. Debord 1. « Description raisonnée de Paris » , par Jacques Fillon, « Refus de discuter », par « Refus de discuter par Michèle Bernstein et, sous forme de publicité , « Gil J Wolman présente » (cf. Les Lèvres nues, no 7, décembre Lèvres nues, n° 7, décembre 1955). À André Frankin 29 octobre 55 Cher camarade, Je viens de prendre connaissance de votre article. Le cas Blavier me paraît trop mince pour en parler davantage. D’ailleurs, nous en avons parlé une fois, non à cause de sa valeur propre, ou de sa connerie, mais parce que c’est un exemple typique des plaies de notre époque, et des fâcheux dont nous sommes environnés, des fréquentations indésirables que certains voudraient nous imposer. De plus, vous semblez mettre Queneau et Jarry sur le même plan; pour nous, Queneau vaut Cocteau, c’est tout dire. Pour Théodore chose1, il peut envoyer sa mise au point : croyez bien que je vais lui répondre. Cordialement à vous, Fillon Lettre rédigée par Guy Debord, signée Fillon. P.-S. : L’agence qui vend la rue Serpente est Péreire Immobilier, 99, rue de Prony. Le prix est, croyons-nous, de 1 200 000 francs. 1. Théodore Koenig, cofondateur de Phantomas, correspondant du Movimento Arte nucleare de Milan. À Marcel Mariën 2 novembre 1955 Il n’y a pas de problèmes – il n’y a que des solutions1. G.-E. Debord et autres lettristes Carte postale de Paris. 1. Allusion à l’encadré paru dans Les Lèvres nues no 4. À Marcel Mariën Paris le 11 novembre Mon cher Mariën, Nous pensons pouvoir placer utilement 15 ou 20 de vos feuilles. Dans Potlatch1, nous avions déjà prévu une réclame discrète pour Les Lèvres nues. Le supplément n’attirerait sans doute pas un lecteur de plus : au contraire, un appel direct s’accorde mal avec « notre public », hostile en majorité, et que seule la formule du cadeau gratuit permet d’insulter à domicile. Pour la correction erronée, je m’étais laissé persuader à la fin, au nom de lois syntaxiques qui me paraissaient malvenues dans ce cas. Merci pour les slogans. Votre photo est également très réussie. Mais qui est le bronze2? À bientôt, je pense. Cordialement, G.-E. Debord À Marcel Mariën Le 6 décembre 1955 Mon cher Mariën, Je vous remercie vivement de l’envoi de la revue, en épreuves. Elle nous semble tout à fait bonne (en réservant le texte de Van Bruaene1, que nous ne comprenons pas : que veut-il dire?). Ce que vous écrivez du cinéma est parfait. Je crois aussi que des « formes fixes2 » comme le Pont-aux-Ânes ou Grandeurs [sic] et Misères des Courtisanes, par leur répétition heureuse, deviendront des armes critiques de plus en plus redoutables. À condition, aussi, que le public des Lèvres nues s’élargisse régulièrement, ce qui doit être très réalisable. À ce propos, parmi les supports publicitaires que vous envisagez, il me semble que Les Lettres nouvelles et Les Lettres françaises seraient les plus utiles (Bizarre est, j’espère, sans public – La Tour Jacques est complètement théosophique, n’a pas un lecteur vivant). Je ne risque aucun avis sur la N.N.R.F.3, car rien ne me renseigne sur l’importance de la fraction intéressante de ses habitués. En dehors des titres que vous avancez, France-Observateur est sûrement à essayer. C’est peut-être même le meilleur de tous. La publicité est bien placée à toutes les pages. Les 40 ou 50 000 exemplaires sont lus par les intellectuels les moins bornés de France. Je crois que les prix sont élevés partout, mais à quel point ? Vous pourriez faire un essai dans une seule publication, et juger, grâce aux deux libraires d’ici, si la chose est rentable. Merci pour les six exemplaires annoncés du numéro 7. C’est suffisant. Mais puis-je vous demander d’adresser encore une collection complète à Alexander Trocchi4, 9, rue Campagne-Première, Paris 14e? Le panneau5 dont vous avez la photographie est dans l’île de la Cité, derrière Notre(?)Dame, à proximité de la passerelle qui joint cette île à l’île Louis. Endroit utile, où il reste, en ce moment même, quatre ou cinq affiches. Je me doutais bien que les « Ennemis mortels » avaient déjà provoqué des plaisanteries de ce genre. Mais j’ignorais que Valéry fût sur les rangs6. Cordialement à vous, G.-E. Debord 1. Potlatch no 24, du 24 novembre 1955. 2. Photomontage de Gilbert Sénécaut intitulé La Grande Muraille pour la couverture du numéro 7 des Lèvres nues. 1. Gérard Van Bruaene (1891-1964), « Coup d’œil sur le monde » ( Les Lèvres nues, no 7). 2. Montage de citations attribuées arbitrairement à divers auteurs. 3. Nouvelle Nouvelle Revue Française (Éditions Gallimard). 4. Alexander Trocchi (1925-1984), membre de l’Internationale lettriste, puis situationniste, fondateur de la revue Merlin, auteur de Young Adam (1954) et de Cain’s Book (1960). 5. Sur lequel l’affichette des Lèvres nues fut placardée par l’Internationale lettriste. 6. Cf. quatrième page de couverture du numéro 7 des Lèvres nues. P.-S. : Nous sommes particulièrement satisfaits de la typographie que vous avez choisie pour le placard de Wolman – avec les deux mains impératives, très adéquates. À Marcel Mariën Le 18 décembre Mon cher Mariën, France-Observateur, hélas, vend ses colonnes au prix fort, et votre annonce coûterait environ 10 000 francs. La ligne vaut 400 francs, et il faut ajouter au total 9 % de taxes locales, à ce que j’apprends. Donc rien de rentable pour le moment. Nous chercherons les prochains bénéficiaires du « Pont-aux-Ânes » et de « Splendeurs et Misères… ». Évidemment, rares sont les gens que l’on peut insulter publiquement sans offrir soi-même l’apparence d’une déception naïve (pessimistes, qu’aviez-vous donc espéré?1). Mais tout de même. Je pense qu’il vous faudra les textes pour le numéro 8, vers la fin de janvier. D’ici là, je vous aurai rencontré, sans doute. Nous pourrons parler plus généralement de ce qui nous occupe. Bien cordialement, G.-E. Debord 1 . Fameuse « inscription » du surréaliste belge Louis Scutenaire (1905-1987). Scutenaire (1905-1987). 1956 janvier – G.-E. Debord et Gil J Wolman à Bruxelles. avril 20-24 – Première exploration du quartier chinois de Londres. mai – Parution dans Les Lèvres nues no 8 de « Mode d’emploi du détournement », signé Guy-Ernest Debord et Gil J Wolman. – L’ Internationale lettriste participe au Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste. juin 1er – Guy Debord et Michèle Bernstein emménagent au 1, impasse de Clairvaux (180, rue Saint-Martin, Paris 3e). – Toutes ces dames au salon !, tract de l’Internationale lettriste (Paris) et des Lèvres nues (Bruxelles) s’élevant contre une exposition internationale de peintures commanditée par la compagnie Shell : « L’industrie du pétrole vue par des artistes ». juillet 31 – Ordre de boycott de l’Internationale lettriste (G.-E. Debord, Asger Jorn, Gil J Wolman) contre le Festival de l’Art d’Avant-Garde à Marseille. septembre – Saisi par les autorités militaires, Guy Debord est placé en observation à l’hôpital militaire de Vincennes avant d’en sortir le 21 septembre, réformé définitif. 2-9 – Gil J Wolman représente l’Internationale lettriste au congrès d’Alba, où les groupements progressistes de huit nations sont réunis sur le thème : «Les arts libres et l’activité industrielle ». Dans sa résolution finale préalablement rédigée et signée à Paris par Guy Debord, le congrès adopte le mot d’ordre lettriste d’urbanisme unitaire. novembre – « Théorie de la dérive » et « Deux comptes rendus de dérive » paraissent dans Les Lèvres nues no 9. 14 – En Hongrie, l’insurrection armée est écrasée. 21 – Premier voyage de Guy Debord à Alba où il fait la connaissance de Giuseppe Pinot Gallizio, du peintre Piero Simondo, du musicien Walter Olmo et de Constant, cofondateur en 1948 du Groupe expérimental hollandais (revue Reflex) et de Cobra. décembre 6 – La conférence Histoire de l’Internationale lettriste, d’une cinquantaine de minutes, est enregistrée à la « permanence lettriste de la rue MontagneGeneviève », avec les voix de Michèle Bernstein, Guy Debord, Jacques Fillon, Abdelhafid Khatib, Gil J Wolman (et Asger Jorn). 8 – Dans son Projet pour un labyrinthe éducatif, Guy Debord évoque le Kriegspiel, « Jeu de la guerre» qu’il a inventé et qui « réunit les avantages du jeu d’Échecs et du poker ». 10-15 – À Turin, exposition et tract du M.I.B.I. en faveur de l’urbanisme unitaire (en français et en italien). – Annonce d’un Congrès provisoire pour la fragmentation psychogéographique de l’agglomération londonienne, texte inédit reproduit dans Guy Debord, Œuvres (collection Quarto Gallimard). À Marcel Mariën Le 1er janvier 1956 Mon cher Mariën, Merci pour l’exemplaire du Soir1. Je vous communique la réponse2 que me semble mériter ce critique. Mais comme son article est évidemment favorable à la diffusion des Lèvres nues, je vous laisse le choix de lui faire parvenir ou non ma lettre. Ne vous préoccupez que de l’utilité. Ci-joint également un article de L’Humanité-Dimanche de ce jour, qui prouve que Wurmser a de bonnes lectures, et détourne les phrases comme vous et moi. Amicalement, à vous tous, G.-E. Debord 1. Le Soir, 23 décembre 1955, « Un autre cinéma ». 2. Lire ci-après. Vu ton indigente critique du 23 décembre (« Un autre cinéma ») sache : 1° – que la revue Les Lèvres nues est complètement opposée au surréalisme actuel. Sans quoi, naturellement, je n’y écrirais pas. 2° – que je ne place pas « le comble de l’art en matière cinématographique dans un écran blanc, vierge de toute image », mais le comble de sa négation – comme tout le monde, sauf toi, s’en est bien douté. 3° – que si tu «découvres un sens métaphysique » au final de la Manon de Clouzot, ou à l’ensemble du western Le train sifflera trois fois, tu es un con, d’une qualité qui commence à se faire rare. G.-E. Debord À Marcel Mariën Le 9 janvier 56 Mon cher Mariën, Quatre exemplaires des Lèvres nues, pour lesquels je ne voyais pas d’usage plus sûr, ont été déposés respectivement : dans une galerie de la Sorbonne; sur une banquette d’un bougnat de la rue de Seine, que les lettrés fréquentent; sur le socle de la statue1 que nous appelons depuis peu « Hommage dialectique à la fièvre et à la quinine » ; sur une fenêtre de la rue Tournefort. Au hasard objectif de jouer. Le Minotaure a vendu 23 exemplaires et le Soleil 17 autres. Ci-joint les chiffres précis. Le Minotaure se désole, me dit-on, se fâche presque de ne pas être mentionné dans Les Lèvres nues comme « dépositaire pour la France » (vous ne citez que le Soleil). Je ne sais à quel point le compte-chèque postal commande ce choix unique. Mais du point de vue de la réputation de ces librairies, et toutes choses égales d’ailleurs, nous plaidons tous ici, vivement, la cause du Minotaure. Je pense que vous devriez lui écrire pour le rassurer. Lors de la parution du no 6, il vous a consacré une vitrine, et vient encore de nous demander quelques-unes de vos affiches, que nous lui avons portées. Vendredi prochain, le 13 janvier, je pense être à Bruxelles aux environs de 21 heures, et passer rue Joseph II2, ou à tout autre lieu que vous m’indiqueriez par retour de courrier. Cordialement, Debord 1. Boulevard Saint-Michel, face à la rue Auguste-Comte. 2. À l’adresse des Lèvres nues. À Asger Jorn Lundi 9 janvier 1956 Cher Asger Jorn, Voulez-vous que nous nous rencontrions mercredi, à 21 heures, au bar des Patriarches – dans le passage des Patriarches, qui s’ouvre au no 99 de la rue Mouffetard ? Nous avons oublié chez vous l’autre soir le manuscrit de notre prochain bulletin1. Vous seriez très aimable de nous l’apporter. Bien cordialement, G.-E. Debord À Asger Jorn 13 janvier 1956 Voici une architecture1 qui a grand besoin que nous y mettions la main. Amicalement, G.-E. Debord, Wolman 1. Potlatch no 25. Carte postale. 1. Le palais du Centenaire, à Bruxelles. À la revue Les Lèvres nues Mardi 17 janvier Chers amis, Voici les adresses1 que je peux vous indiquer : Hôtel Lutetia, 43, boulevard Raspail (il est inutile de préciser la ville et l’arrondissement). Henri Lefebvre, 11, square de Port-Royal, Paris 13e. Il y a dans l’annuaire deux G. Bataille possibles : 17, boulevard Bourdon, Paris 4e, et 3, rue de Lille, Paris 7e. Envoyez aux deux. Si l’on découvre un invité de trop, le malheur ne sera pas grand. Aucun Caillois ou Aron ne semble pouvoir être le bon. De plus, l’invitation doit être – à mon avis – envoyée à : Édouard Roditi, 8, rue Grégoire-de-Tours, Paris 6e. M. le Rédacteur en chef de l’Agence France-Presse, 13, place de la Bourse, Paris 2e, et peut-être aussi à : Noël Arnaud, 18, rue Mesnil, Paris 16e. « Europe », 33, rue Saint-André-des-Arts, Paris 6e. Nous avons sûrement noté, ensemble, Combat, Le Monde et FranceObservateur. Je vous enverrai plus tard la petite liste d’adresses destinée à votre enquête2, car nous allons d’abord nous concerter sur sa composition. Aux premières nouvelles, j’entends dire que le Salon des Indépendants aurait, lui aussi, un jury. Nous allons nous renseigner plus précisément. 1. Adresses des personnalités à qui envoyer une fausse invitation pour le 60e anniversaire d’André Breton (cf. Potlatch no 26, du 7 mai 1956 : « Modeste préface à la parution d’une dernière revue surréaliste »). 2. « Quel est votre but dans la vie?… et que faites-vous pour l’atteindre ? », dont les résultats seront publiés dans les numéros 10-12 des Lèvres nues. Je vous remercie encore de votre accueil. Recevez tous, nos plus cordiales salutations, et veuillez les transmettre à Nougé. G.-E. Debord À la revue Les Lèvres nues Samedi soir [21 janvier] Chers amis, Nous avons reçu le paquet d’enveloppes, et nous ne voyons rien à y ajouter. Pour le Salon, il vous faut écrire à M. le Président du Salon des Indépendants Grand Palais Porte E Champs Élysées Paris 8e en lui signalant votre intention d’exposer. Mais nous ne savons rien des règlements éventuels, puisqu’il s’agit d’une entreprise privée qui n’entretient aucun service en dehors de la période de l’exposition. Je vous écrirai après l’arrivée des invitations. Cordialement à vous tous, G.-E. Debord À Alexander Trocchi [Fin janvier, début février] Mon cher Alex, Nous pensons tous que tu as eu raison de recommencer ce travail pour Girodias1, puisque tu avais un extrême besoin d’argent. On ne peut pas, actuellement, faire uniquement des choses qui ont de l’intérêt. Mais le mélange vaut certainement beaucoup mieux que l’inaction. J’ai eu des nouvelles de Midhou. Il a fini par arriver à Orléansville où, lui, il passe des vacances très confortables. Il nous écrit qu’il reviendra à Paris au début du mois de mars. Il t’envoie ses amitiés. Les gens qui ont parlé de faire un faux Potlatch 2 sont des Belges, du genre « artistes modernes », idiots. Sans doute, ils n’oseront pas. Avec Wolman, j’ai passé quelques jours à Bruxelles. Nous avons été très bien reçus chez Mariën. Nous sommes d’accord avec eux : finalement, ils pensent la même chose que nous du stalinisme. Asger Jorn, dont nous avions dû te parler, est maintenant à Paris. Il souhaite beaucoup collaborer avec nous. C’est un homme sympathique, et intelligent. Mais encore encombré de quelques formulations esthétiques inutiles. De sorte que les conversations que j’ai eues avec lui m’ont grandement ennuyé; et à présent je laisse nos amis continuer la discussion. On verra ce qu’on peut en faire. Je serais toujours très content de te voir à Londres. Je tâcherai de venir dans une quinzaine de jours, parce que en ce moment j’ai beaucoup de choses à faire à Paris; et puis, tout de même, après la vague de froid. Nos amitiés, Guy 1. Maurice Girodias (Olympia Press), qui avait publié en 1954 Young Adam (Le Jeune Adam), d’Alexander Trocchi (sous pseudonyme) et plusieurs autres romans alimentaires. 2. Cf. «Touchez pas aux lettristes » (Potlatch no 25, du 26 janvier 1956). À Alexander Trocchi 26 février 56 Cher Alex, Nous n’avons aucune attitude en commun, et nous n’en aurons pas aussi longtemps que tu soutiendras ces idées sur le génie individualiste. Moi, je crois aux arguments rationnels : c’est Sindbad qui n’y croit pas. Je ne crois pas à la solitude : c’est Anstryn qui est seul. Je ne crois pas à l’importance d’une personne en dehors de ses actes : ce sont Iris1 et Gurdjieff2 qui y croient. Dans ces conditions, je peux seulement dire que je ne suis pas « fâché » avec toi ; mais je ne sais pas dans quelle mesure une telle constatation peut nous intéresser l’un et l’autre. Cordialement, Guy 1. Iris Clert, galeriste. 2. Gurdjieff, gourou mondain. À Marcel Mariën Le 29 février Mon cher Mariën, Oui, nous avons eu quelques échos de l’anniversaire de Breton. Je les joins à cette lettre. Je pense qu’il y en a eu au moins le double, car nous n’avons consulté qu’une douzaine de publications. À noter cependant que Nadeau a gardé le silence, dans France- Observateur. Bien que Les Lèvres nues ne soient pas nommément désignées, il nous semble que l’opération est réussie. Le tout-Paris et la presse ont dû beaucoup parler de l’affaire, et de ses auteurs. Et le grand public a tout de même appris que Breton avait soixante ans : belle préface à la revue Phénix1. Remarquez comme les « personnalités parisiennes » qui, si l’on met à part les journaux, se réduisaient à une trentaine de personnes, sont devenues une centaine dans L’Express, trois cents dans Arts. De plus, L’Express ne laisse pas de doute sur la réussite de la mystification elle-même. Et le ton de la colère est sensible dans Arts, dont un entrefilet a l’allure d’un démenti. Je vous joins aussi les comptes du Minotaure, établis avant notre manifestation commémorative. Le Soleil n’avait, à cette date, pas fait de nouvelles affaires. Je crois que le numéro 8 devrait paraître le plus tôt qu’il vous sera possible, pour profiter de cette histoire et aussi pour porter un rude coup à l’Encyclopédie-Queneau2 dont le premier volume est sorti voici dix jours environ. Mais la question de la date de parution est quand même secondaire. Je ne pense pas que nous puissions profiter de ce délai pour vous envoyer quelque texte intéressant. Mais, dès à présent je crois que je peux promettre, pour le numéro 9, une participation beaucoup plus abondante, et surtout plus variée. Nous avons déjà entrepris ce travail, qui ne peut avancer vite. Sélim Sasson3 aura le prochain Potlatch, qui ne paraîtra que vers le 15 mars. Nous vous renverrons la Déclaration4 dès que nous l’aurons lue. Cordialement à vous tous, G.-E. Debord 1. Cf. « Modeste préface à la parution d’une dernière revue surréaliste » (Potlatch no 26). 2. Encyclopédie de la Pléiade, dirigée par Raymond Queneau, aux Éditions Gallimard (cf. Potlatch no 26 : « Les encyclopédistes-Gallimard sur la piste d’une weltanschauung »). 3. Sélim Sasson (1929-2002), critique d’art à la télévision belge. 4. Projet d’une déclaration commune, pour laquelle Guy Debord attendait la contribution des Lèvres nues. À Alexander Trocchi Le 22 mars 1956 Mon cher Alex, Je ne manque pas de confiance en toi : au contraire, je suis sûr de la plus grande franchise entre nous. Mais nous sommes libres d’agir soit ensemble, soit séparément – et de le dire. J’avais interprété ta lettre comme une décision d’éloignement. Nous sommes tous heureux d’apprendre que c’était un malentendu. Je te prie donc d’oublier cette interprétation – que les termes de ta lettre permettaient – et de m’en excuser. Je voudrais te voir au plus tôt, mais je pars demain pour Cannes et je serai revenu à Paris le 10 avril seulement. Si tu es encore à Londres à cette date, j’irais immédiatement. Veux-tu m’écrire, rue Racine, quel jour exactement tu pars pour New York ? Midhou devait rentrer ce mois-ci, mais je crains qu’il ne puisse le faire, avec les visas nécessaires depuis hier pour circuler entre la France et l’Algérie. Nous publions dans le prochain numéro des Lèvres nues une déclaration d’unité d’action avec le groupe de Mariën. Potlatch paraîtra plus rarement1 : le prochain en avril. À bientôt, amicalement, Guy 1. Potlatch paraissait mensuellement depuis septembre 1954. À Marcel Mariën 11 avril 56 Cher ami, Dans l’hypothèse où il vous serait finalement impossible de caser la fameuse déclaration dans ce no 8, nous vous prions d’ajourner également la parution de «Mode d’emploi1 », disons jusqu’à la parution de ladite déclaration. Dans le no 9, par exemple ? Pour la publication sous forme de tract, nous inclinerions à penser que ce texte n’a pas la valeur générale qui justifierait une publication indépendante. Cordialement, Lettre rédigée par Guy Debord, recopiée et signée « Dahou, Wolman ». 1. Mode d’emploi du détournement. À Asger Jorn [20-24 avril1] Si vous êtes revenu de Bruxelles, nous pourrions peut-être nous rencontrer? Cordialement, G.-E. Debord 1. Carte postale envoyée de Londres où Guy Debord séjournera du 20 au 24 avril pour la première exploration psychogéographique du quartier chinois. À la revue La Tour de feu1 7 mai 1956 Messieurs, Ayant pris connaissance du questionnaire de l’enquête que La Tour de feu «a cru nécessaire et urgent» de mener sur les rapports de la peinture et de la poésie, au sein d’une révolution qui affecterait l’« infiguré », nous ne surprendrons personne en avouant que cette enquête ne nous paraît pas comporter de réponse. Mais, à défaut, nous croyons être utiles à une pensée visiblement plus mystifiée que mystifiante, en vous proposant ces quelques sujets de méditation : quels rapports peut-on établir entre vos questions et l’intelligence, même peu avancée ? Entre votre vocabulaire et la langue française ? Entre votre existence et le XXe siècle ? Pour l’Internationale lettriste : G.-E. Debord, Gil J Wolman 1. À propos de son enquête sur « la révolution de l’infiguré ». À Marcel Mariën Le 17 mai 1956 Mon cher Mariën, Le Minotaure vous fait dire d’envoyer au plus tôt d’autres exemplaires du no 8, les siens étant tous vendus, sauf un. Le différend, je vais vous l’expliquer en peu de mots : nous voulons tous, ici, éviter l’apparence inoffensive d’une collaboration littéraire, fut-elle donnée à la publication littéraire la plus avancée. Vous aussi, sans doute. Il nous paraissait donc nécessaire d’exposer quels motifs d’action nous sont communs. Le retard apporté à un tel préalable pourrait donner à penser qu’il n’y en a pas. Cordialement, G.-E. Debord À Marcel Mariën Mardi [29 mai] Mon cher Mariën, Dans cette affaire de déclaration commune, il s’agit en effet de l’existence de quelques personnes attentives (elles ne forment évidemment pas ce qu’on appelle un public, mais nous connaissent assez directement), qui se trouveraient facilement rassurées – ou déçues – par tout ce qui pourrait être interprété comme une concession de notre part. Je sais bien qu’il n’y a pas d’équivoque véritable entre nous, mais la chose est peut-être plus claire pour qui a assisté à nos conversations ? Enfin, on peut remettre au no 81 cette déclaration, remaniée si vous en avez le temps, ou telle quelle. Considérons, si vous le voulez bien, que cet incident est clos. Éternelle question : pour quelle date voulez-vous les textes ? Cette fois, je vous l’ai dit, nous vous en enverrons nettement plus, divers articles s’éclairant l’un l’autre2. (Et, je pense, se trouvant en relation avec votre suite des « Grands Travaux ».) 1. Mis pour no 9. 2. « Théorie de la dérive » ; «Deux comptes rendus de dérive » ; « J’écris propre (récit détourné) ». De plus, je vous propose de continuer cette fois la rubrique « Préhistoire des loisirs » pour laquelle nous avons deux longues citations fort intéressantes. Si vous n’avez pas d’autres textes en vue pour cette rubrique, les nôtres pourraient suffire, avec un mot d’introduction que nous rédigerions. Je pense que Soleil et Minotaure vont payer aujourd’hui. Pour la reproduction d’Hersent3, je vais vous la faire attendre quelques jours. Mais comptez-y. J’espère que l’impression du tract sur la peinture pétrolière se fait bien. Très amicalement, G.-E. Debord P.-S. : Je vous prie de noter ma nouvelle adresse 1, impasse de Clairvaux, Paris 3e (TUR 25-24). Le changement prend effet immédiatement4. À Marcel Mariën 1er juillet 56 Mon cher Mariën, Hier, samedi, nous avons reçu tracts1 et enveloppes et en avons assuré l’expédition immédiate. Nos architectes italiens, c’est justement Jorn qui devait les faire signer, mais il n’a pas été joint en temps utile et je pense que vous n’avez même eu sa propre signature que par Enrico Baj. L’affichage, déjà bien restreint, dont je vous avais parlé (quartier « intellectuel » de Germain-des-Prés) se trouve à notre avis incompatible avec la publication de la rubrique « Les loisirs de la poste ». Il est apparent que presque toutes les personnes rangées dans cette rubrique n’ont pas voulu signer, sans même se donner la peine de vous communiquer leur refus (par exemple Char ou Tzara). Et il leur est trop facile de répondre que ce n’est pas négligence de leur part, mais mépris délibéré. Pire encore, quand on a sollicité la signature de Ponge (après le télégramme injurieux et mérité que nous lui avions adressé l’an dernier2 ) – et quand on l’a sollicité vainement, on ne va pas afficher la chose sur les murs. En outre, je ne sais si vous avez remarqué, qu’il y avait dans ce tract pas moins de cent cinquante-neuf noms, ce qui est beaucoup à lire pour un passant moyen, et que sur ces cent cinquante-neuf noms il n’y en avait que cinquante pour approuver votre texte, ce qui est une minorité fâcheuse du moment que l’on a cherché à réunir des protestataires de tous les horizons. Notez bien que ces objections concernent surtout le côté « vie parisienne » de l’affaire, et plus particulièrement l’affichage de cinquante tracts. À part cela, les résultats – approbations et refus – semblent vraiment satisfaisants, et il n’est pas mauvais de publier les résultats complets de cette sorte de referendum sur un point très significatif. De sorte qu’en plus des journaux, de l’Agence France-Presse, et des douze plus importantes compagnies pétrolières en France, nous avons adressé le tract à une cinquantaine de personnes qui ne doivent pas être comprises dans votre liste. Nous allons surveiller les réactions de la presse. Je vous renvoie la lettre anonyme. L’imbécile n’est certainement pas parmi nos correspondants (mais, bien sûr, il pourrait être quelqu’un de leurs amis). Très amicalement, G.-E. Debord 3. Louis Hersent (1777-1860), peintre français, élève de David, auteur de La Métamorphose de Narcisse. 4. De la main de Michèle Bernstein. 1. Toutes ces dames au salon, tract des Lèvres nues et de l’Internationale lettriste contre une exposition tenue du 2 au 14 juin 1956, au palais des Beaux-Arts de Bruxelles, sur le thème de « L’industrie du pétrole vue par les artistes » et organisée par la Royal Dutch-Shell. 2. « Ah Ponge tu écris dans Preuves. Canaille nous te méprisons. Signé Internationale lettriste », le 27 septembre 1955. À Alexander Trocchi Le 13 juillet Mon cher Alex, Je pense que le certificat de Laverne, que je t’ai adressé hier, est suffisant. Nous avons été contents d’apprendre que tu te plais à New York. Nous avons vu David seulement une soirée, car il est passé très vite à Paris, mais il reviendra au mois d’août. Je lui dirai d’aller chez Charlie à Londres. Nous rencontrons beaucoup de personnes intéressantes (dont un Japonais). Midhou habite rue Campagne-Première1 depuis deux ou trois semaines. Il a appris un jour, par hasard, qu’Iris2 était partie en Espagne plus d’un mois auparavant – sans le prévenir, naturellement. Il t’envoie ses amitiés. Asger Jorn organise un congrès3 en Italie, près de Gênes, au mois de septembre, entre diverses fractions d’avant-garde, pour voir si elles peuvent rejoindre nos positions. Mais les gens de New York sont malheureusement trop loin pour envoyer un délégué. J’espère que tu finiras cette visite en Amérique par une exploration du Mexique, et aussi, tout de même, que nous te reverrons dans pas trop longtemps. Très amicalement, Guy 1. Adresse parisienne d’Alexander Trocchi. 2. Iris Clert. 3. Le Premier Congrès mondial des artistes libres s’est tenu à Alba, du 2 au 9 septembre 1956. À Marcel Mariën Mercredi 18 juillet Mon cher Mariën, Merci pour Histoire de ne pas rire1. C’est extrêmement bien d’avoir pu réunir ces textes. On ne vous en félicitera jamais assez. Nous allons patrouiller chez vos libraires. J’envoie un tract de Bury2 à la Shell. Entre-temps, nous en avions trouvé un sur la Montagne-Geneviève. Toutes ces réactions sont très amusantes, et prouvent que le coup a porté. Il faut suivre notre pointe, comme dit Retz. Wolman et moi, dès réception de votre lettre, avons envoyé à « MarcelAdolf Havrenne3 », sur un papier à en-tête du New York Herald Tribune, les lignes suivantes : « Havrenne, petite salope raciste, tu n’avais déjà pas une belle gueule avant le passage d’Ibrahim Dahou. Masturbe-toi une dernière fois. » – ces amabilités signées de nos deux noms, et du tampon de Potlatch – puis, dans le même instant, ce bref télégramme : ATTENDS-MOI – SIGNÉ IBRAHIM BIROUD-DAHOU. Si une saine terreur ne les fait pas renoncer à leur projet4, nous trouverons bien l’occasion d’assommer Havrenne au tournant, où que le tournant se trouve. Rien ne presse. Le carton de Van Bruaene est très joli5. Pour Arnaud6, je vais demander à Dahou, qui le connaît, s’il veut le joindre. Mais les gens de Bizarre sont nettement de nos ennemis communs. Pour la mise en quarantaine des brebis galeuses, j’envoie la consigne à Jorn et à ses alliés. Ceux qui sont « peintres nucléaires » vont se trouver déchirés, car ils sont assez liés avec les Koenig-Havrenne-Blavier. Pourtant ils vont bien être obligés de choisir, tous. 1. Histoire de ne pas rire, de Paul Nougé, paru en juin 1956 aux éditions de la revue Les Lèvres nues. 2. De la Pompe aux « Lèvres nues », par André Balthazar et Pol Bury, qui « ironise sur les signataires de Toutes ces dames au salon! » 3. Un des signataires du tract Les curés exagèrent, lié aux précédents. 4. De faire paraître un faux Potlatch. 5. Carton imprimé sur papier doré : « Sir Gerard Van Bruaene à l’Estaminet de la Fleur en papier doré. » 6. Noël Arnaud. Une (ou plusieurs) manifestations de ce genre a le grand mérite, si on la pousse au bout, de secouer un peu la collusion perpétuelle entre « artistes » plus ou moins avancés, leur confortable sommeil, au fond leur appartenance à une classe qui tient leurs oppositions dans les limites honnêtes des rapports mondains, des communautés d’intérêts. Cela peut aussi entraîner, à la longue, un certain regroupement d’« extrémistes » clairement délimité, qui serait aussi favorable au développement des idées nouvelles que l’actuel amalgame est néfaste. C’est dans cette perspective que cette sorte de sanctions est à la fois objectivement utile et, pour les victimes, fort pénible. À L’Huma, au moment où les décisions mêmes du P.C. de l’U.R.S.S. paraissent dangereuses, je ne crois pas qu’ils tiennent compte du P.C. belge ou de nous. Mais Aragon livre sans doute sa dernière bataille, en même temps que Thorez-Vermeersch (dont vous avez vu les burlesques théories sur le birth control. Il y avait là un mépris de la raison qui dépassait même la philosophie nazie). Après plusieurs tentatives infructueuses, je crois être sur la piste de vos reproductions d’Hersent. Mais il faut attendre 15 jours après la commande. Vous aurez sans doute une bonne partie de nos textes pour le no 9 vers le début d’août. Le reste avant le 1er septembre. Très cordialement à vous tous. G.-E. Debord À Marcel Mariën Samedi [courant juillet] Mon cher Mariën, Voici enfin vos reproductions. J’espère envoyer les textes lundi. Après avoir cherché la revue1 de Dédé les Amourettes2 à La Hune3 (notre Minotaure est en vacances), nous avons téléphoné chez Pauvert 4 : il se fait fort de la publier à la fin de septembre! Je vais répondre à Souris5 ; et Jasinski6. Frankin, c’est fort surprenant. Mais il faut bien le croire. Pour la Cité radieuse7, songez qu’elle va fermer ses portes, le 14 août je crois. Amitiés, G.-E. Debord P.-S. : J’ai envoyé le tract-Havrenne8 à la Shell. À Marcel Mariën Le 29 juillet Cher ami, Merci de votre carte. Il est possible que la fine équipe de Phantomas hésite encore : les risques sont grands. Mais peut-être ont-ils adopté la stratégie de Breton, en diffusant sous le manteau un texte qui pouvait nous déplaire ? J’ai reçu un autre exemplaire du tract de Balthazar Bury, mais à mon domicile. Comme vous êtes seul, en Belgique, à connaître ma nouvelle adresse, il semble qu’un mouton ait eu accès à vos listes, et ait pris des notes pour renseigner l’ennemi? Je vous envoie l’écriture du suspect. Bien cordialement à tous. G.-E. Debord 1. Le Surréalisme même, dont le premier numéro paraît en octobre 1956. 2. Id est André Breton. 3. Librairie à Saint-Germain-des-Prés. 4. Jean-Jacques Pauvert, éditeur de la revue. 5. André Souris, musicien, collaborateur aux Lèvres nues. 6. Jasinski, architecte moderniste belge. 7. Le Festival de la Cité radieuse, sous l’égide de l’architecte Le Corbusier, réunissait le 4 août 1956, à Marseille, un grand nombre d’écrivains et artistes contemporains. 8. Les curés exagèrent. À Marcel Mariën Le 1er août Mon cher Mariën, Voici, en hâte, une nouvelle intervention qui s’imposait1. Voyez ce que vous pouvez faire à ce propos : peut-être une lettre, signée de vos amis, disant à la Direction du Festival de la Cité R. – Cité radieuse – Marseille, le peu de bien que vous pensez de ce rassemblement. En tout cas, il serait bon de publier, sans commentaire, dans le prochain numéro des Lèvres nues (et de Potlatch) la liste de ces fameux participants. Je pense vous envoyer une grande partie des textes avant la fin de la semaine prochaine. Amicalement, G.-E. Debord 1. Ordre de boycott, tract de l’Internationale lettriste, daté du 31 juillet 1956 (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 239). À Marcel Mariën Mercredi 8 août Mon cher Mariën, Merci pour l’écho1. Si Jane Graverol vient à Paris, j’espère bien qu’elle passera nous voir (directement dans l’impasse; téléphone TURbigo 25-24). À propos des affaires en cours : 1°) Voici le tract2 de nos courageux adversaires. Notez bien que Noël Arnaud proteste à tous les râteliers. Je propose donc d’étendre à lui le boycott permanent. Et la folle imprudence de Théodore3, qui se passe de commentaire. 2°) Jasinski est-il déjà abonné aux Lèvres nues ? Si oui, renvoyez-moi sa lettre, et nous lui répondrons. Si non, adressez-lui directement un bulletin de souscription aux Lèvres nues, avec un mot d’explication (il aura Potlatch par-dessus le marché). 3°) André Souris vient de nous écrire, se déclarant «d’accord en tous points avec l’ordre de boycott » et communiquant les noms des musiciens qui y participent. Comme j’ignore quelles relations il a avec vous maintenant, je voudrais savoir si vous estimez que nous devons lui répondre ? 4°) Frankin aussi nous envoie son accord, et nous prie de vous signaler qu’il n’avait pas reçu le tract appelant à signer, contre la peinture Shell. Il semble assez blessé de l’incident. Je lui réponds moi-même, mais je crois que vous devriez lui écrire un mot cordial. 5°) Si vous écrivez à la Cité radieuse, donnez m’en copie. Dans le prochain Potlatch4 nous ferons un compterendu des diverses manifestations autour de Toutes ces dames au salon et Ordre de boycott. Bien amicalement, G.-E. Debord 1. Le Soir, de Bruxelles, du 4 août 1956, rendant compte de Ordre de boycott. 2. Les curés exagèrent. 3. Théodore Koenig. 4. Potlatch no 27, du 2 novembre 1956. P.-S. : Voici la réponse à l’enquête5. Et vous aurez la première partie des textes incessamment – enfin, dès qu’ils seront complètement dactylographiés. Au Rédacteur en chef du Figaro littéraire 5. « Quel est votre but dans la vie… et que faites-vous pour l’atteindre ? » (Les Lèvres nues, nos 10-12). Paris, le 101 août 1956 Prière d’insérer Monsieur le Rédacteur en chef, Nous vous prions de bien vouloir rectifier les informations erronées publiées à notre propos dans votre numéro daté du 11 août, dans l’article intitulé « L’art d’avant-garde chez Le Corbusier ». Elles tendent à nous faire endosser à la fois la sottise d’une participation à ce festival, et la malhonnêteté d’une prise de position publique contre une entreprise à laquelle nous eussions collaboré. Il est bien évident que des membres de l’Internationale lettriste n’ont pu participer à une manifestation dont ils avaient ordonné le boycott. L’ancien lettriste, dont vous signalez la présence2, est exclu depuis 1952. L’appel de l’Internationale lettriste, que vous citez, ne s’adressait naturellement pas aux marchands de tableaux, et a été très largement suivi3. Veuillez croire, Monsieur le Rédacteur en chef, à l’expression de nos sentiments distingués, Debord, Wolman Lettre à l’en-tête de l’Internationale lettriste 1. En fait, le 11. 2. Maurice Lemaître. 3. Phrase supprimée par la rédaction du Figaro (cf. Potlatch, no 27). À Marcel Mariën Lundi 13 [août] Mon cher Mariën, Bravo pour la lettre à Marseille1. En général, ce Festival a rencontré la plus grande indifférence dans la presse française : à ma connaissance trois ou quatre courts articles, assez méprisants. Nous affirmons à qui veut l’entendre que notre consigne de boycott y est pour quelque chose. C’est seulement par Le Figaro littéraire que nous avons appris la présence de Lemaître, et nous sommes enchantés de voir que pas un imbécile n’y manquait. Nous avons aussi envoyé un mot pour protester contre le machiavélisme que nous attribue le journal de Boussac. Nous attendons votre Phare-Dimanche pour faire un dernier éclat dans notre lutte contre Shell (peut-être faudrait-il envoyer un tract au colonel Nasser ?). L’horrible histoire de Marcinelle2 nous a soulevés d’indignation dès le premier jour, surtout en lisant que « les évêques et archevêques des provinces voisines », sentant le cadavre, arrivaient en hâte. Je crois qu’il faut envisager, dans votre prochain numéro3, quelque chose qui montre l’incroyable scandale de la présence du roi et des ecclésiastiques sur les lieux – et ceci surtout si l’on pouvait avancer que les conditions de sécurité n’étaient pas assurées dans cette mine. Si, en attendant, vous envoyez quelque lettre de blâme au roi ou au pape, vous pouvez, bien entendu, utiliser nos signatures. Très amicalement à vous tous, G.-E. Debord 1. Cf. Les Lèvres nues, no 9 : « Histoire marseillaise ». 2. Catastrophe minière en Belgique, le 8 août 1956, qui a fait 262 morts pour 6 survivants. 3. « Le grand étal », Les Lèvres nues no 9. P.-S. : En plus des textes envoyés ce jour, ou demain, comptez que vous recevrez à la fin du mois environ 12-15 pages supplémentaires, principalement constituées par un article intitulé « Contribution à une définition situationniste du jeu4 » et un récit détourné de Wolman : « J’écris propre ». 4. Qui ne paraîtra qu’ultérieurement dans I.S. no 1. À Stéphane Rey1 [Mi-août] Monsieur, Puisque vous en êtes à parler principes, autant vous dire tout de suite qu’un « artiste libre » ne saurait travailler pour les dollars de l’Unesco maccarthyste et franquiste, quelque étonnement que cette nouvelle doive vous causer. Pas plus que le critique d’art d’un journal qui porte en manchette la publicité de Caltex n’aurait la liberté d’approuver notre « pamphlet violent » sans perdre sa sinécure. Dans cette perspective, concevez que nous nous expliquons parfaitement la bassesse de votre article, et l’extrême indigence de ses arguments. Ayant cru peut-être que nous pouvions nourrir envers le pétrole en luimême des sentiments d’antipathie plus marqués qu’envers la chlorophylle ou le Kilimandjaro, vous volez superbement à son secours : « Mais enfin, dites-vous, tout le monde en consomme. » Nous voulons bien croire que vous en buvez. De tels excès expliqueraient l’imprudence que vous commettez en avouant que «les princes d’aujourd’hui » sont «les entreprises commerciales, les banques, les grosses industries. » Croyez-vous que le « Phare-dimanche », un hebdomadaire si « indépendant », vous paie pour parler aussi crûment ? Pour finir, la bonne garde des vaches vous préoccupe : nous sommes justement en mesure de vous faire sentir un nouvel aspect de la question. C’est seulement tant que durera aujourd’hui, avec ses « princes » à sa mesure, que les vaches, dont vous êtes, seront bien gardées sous les uniformes et livrées qui conviennent. » Mohamed Dahou et G.-E. Debord Lettre reproduite dans Le Phare-Dimanche du 2 septembre 1956. 1. Auteur d’un article paru dans Le Phare-Dimanche de Bruxelles, le 12 août 1956. À Marcel Mariën Dimanche 2 septembre Cher ami, Nous publierons, selon la place, dans le numéro de Potlatch qui paraîtra vers le mois d’octobre, le plus possible de documents relatifs à nos dernières manifestations. La lettre à Rey en sera certainement : je suis surpris qu’il n’ait pas réagi. Très utile aussi d’avancer que les fantômes1 tirent à 20 exemplaires2. Et que le Festival radieux a été aussi du point de vue financier un échec piteux. D’accord pour supprimer3 feu Webern4. Mais Manessier5 n’en était-il pas ? Bien cordialement, G.-E. Debord 1. De la revue Phantomas. 2. Leur tract Les curés exagèrent. 3. De la liste des participants au festival de la Cité radieuse. 4. Anton von Webern (1883-1945), compositeur autrichien. 5. Alfred Manessier (1911-1993), peintre français de l’école de Paris. À Marcel Mariën 22 septembre Mon cher Mariën, Excusez-moi d’avoir tardé à vous répondre. On m’a saisi l’autre jour, à l’improviste, en m’apprenant que j’étais dans une situation militaire irrégulière, et qui frisait même l’insoumission. Je fus donc sapeur du Génie. J’usai immédiatement de divers troubles mentaux et physiques (il se trouve que je suis asthmatique) qui me firent placer en observation dans un hôpital militaire dont je n’ai pu sortir qu’hier, réformé définitif, après avoir passablement démoralisé l’armée. Pendant ce temps, Wolman représentait la bande à un congrès d’urbanisme1 dont je vous joins, tardivement, le programme des réjouissances. Enrico Baj en est sorti exclu. Pour la déclaration commune, si vous n’en voyez pas la nécessité, c’est donc qu’elle n’en a pas. Nous avions parlé, à Bruxelles, de votre prochain séjour à Paris. Je suis maintenant en mesure de vous loger, assez inconfortablement il est vrai. J’espère que vous pourrez faire bientôt le voyage. Cordialement, G.-E. Debord 1. Le congrès d’Alba. À Marcel Mariën Jeudi [fin septembre] Mon cher Mariën, Il est évidemment regrettable que les Lèvres nues ne comptent pas 150 pages mensuelles, mais enfin vous tirez un excellent parti de ce dont vous disposez. Une seule recommandation de notre part : nous tenons absolument à voir paraître « Position du Continent Contrescarpe » avec nos autres textes psychogéographiques1. Nous comptons donc sur vous pour le caser de quelque manière que ce soit dans vos 40 pages, par exemple à la place de certaines illustrations moins directement liées à l’ensemble de ce numéro 9. En outre, je vous prierai de me renvoyer tous ceux de nos manuscrits dont vous n’auriez pas eu l’emploi cette fois : le prochain Potlatch sera expédié fin octobre2. Vous avez bien raison à propos de Dotremont3. Mais, là aussi, il y a eu des corrections in extremis. Dotremont n’a pas présidé, n’a pas même assisté à un congrès qui a heureusement pris une tout autre tournure que celle prévue par une fraction des organisateurs4. Cordialement, G.-E. Debord 1. Textes parus dans Les Lèvres nues no 9. 2. Potlatch no 27 paraîtra le 2 novembre 1956. 3. Christian Dotremont (1922-1979), un des fondateurs de Cobra. 4 . Cf. Potlatch no 27 : « La plate-forme d’Alba ». À Marcel Mariën 1er octobre Mon cher Mariën, Il me semble que sans la référence à Medium1 la citation perd tout sens, et que la publicité est fort discrète – pour une revue qui a cessé de paraître et dont je ne précise pas qu’elle était surréaliste. Si vous tenez absolument à ne pas donner le titre de Medium, il faudrait remplacer par une phrase du genre : « dans une publication surréaliste en 1953 », ce qui me semble plus publicitaire. Mais à votre choix. Pour les comptes rendus2, je tiens extrêmement à la lourdeur du titre, pour ne pas laisser d’équivoque. Il faut faire comprendre qu’il ne s’agit pas de commentaires lyriques sur une « expérience », mais littéralement de comptes rendus, en somme d’un procès-verbal exact. Pour Marseille3, votre projet paraît excellent. Je vous garantis notre liste. Il est possible que certaines personnes pressenties n’aient pas persévéré (ainsi Planson, dont je n’ai vu faire mention que par votre lettre) – mais notre liste est établie d’après la presse régionale a posteriori, consultée à la rédaction parisienne du Provençal, et s’il y a une erreur, elle est invérifiable, et certainement peu grave (par contre il faut prévoir un bon nombre d’oublis). Que l’affaire ait été un fiasco, nous avions tablé là-dessus. Raison de plus pour poursuivre notre avantage. Pas trace du Surréalisme même. Nous allons accabler Pauvert de réclamations téléphoniques. Mais évidemment l’histoire de l’interdiction doit être inventée pour cacher leur misère. Cordialement, G.-E. Debord 1. Dans «Théorie de la dérive » (Les Lèvres nues, no 9). 2. « Deux comptes rendus de dérive ». 3. « Histoire marseillaise » (Les Lèvres nues, no 9). À Jacques Legrand1 Paris, le 7 octobre 1956 Monsieur, Votre lettre se réfère constamment à une notion de l’art, posée comme immuable et sans dépendance directe avec l’évolution du reste du monde. L’œuvre étant ce qui compte, vous pensez que l’on peut y reconnaître, après examen, un certain degré de talent, voire de génie, ou conclure à l’absence d’art selon des critères intangibles. Ceci, qui est l’essentiel, mis à part, vous laissez sa liberté morale à l’artiste dans ses options secondaires : les quelques dépendances individuelles qu’il lui plaira, ou qu’il lui sera inévitable de subir. Au contraire, pour nous, l’art n’a de valeur, quelque talent qui se déploie à traiter des thèmes communs ou peu communs, qu’en fonction de sa compréhension des problèmes objectifs d’une époque, et des réponses qu’il y donne. Ainsi, il nous semble que nous vivons dans une société de guerre civile, et que tous les aspects de la crise générale de l’art contemporain s’expliquent par la nécessité d’un choix entre la collaboration plus ou moins ouverte à l’ancien ordre des choses, ou son dépassement révolutionnaire complet. Dans ces conditions, vous admettrez que le problème de l’achat des couleurs ou de la possession d’une Rolls Royce ne nous hypnotise pas. Le débat est plus vaste. Mais certaines bassesses trop insolemment favorables aux forces oppressives sont sans excuse. Par exemple, on ne nous fera pas croire que la moindre trace d’un génie vraiment actuel – et, la confusion du moment passée, l’histoire tient peu compte des génies retardataires – puisse apparaître dans la décoration d’une église. Nous sommes bien trop fanatiques pour cela. L’inconvénient du tract que nous avons contresigné était de donner cours à cette équivoque que nous pourrions nous intéresser à la sauvegarde de la dignité de l’artiste, mystification bourgeoise, alors que nous n’avions fait que souligner à quel ridicule la classe dominante arrive aujourd’hui, en voulant plagier les procédés d’autres classes dominantes dans le passé, qui se trouvaient en moins mauvaise posture. En bref, nous avons sans doute le tort d’avoir occasionné un dialogue sur un terrain où nous ne nous situons aucunement. Veuillez croire, Monsieur, à l’assurance de nos meilleurs sentiments. Pour l’I.L.2 G.-E. Debord Lettre avec le tampon de l’Internationale lettriste 1. Lecteur écrivant d’Innsbruck au sujet du tract Toutes ces dames au salon! 2. Suivi du tampon Internationale lettriste Potlatch. À Marcel Mariën Vendredi [octobre] Mon cher Mariën, Merci pour les textes. Le Minotaure, qui n’avait pas les comptes dans la tête mais croit ne manquer de rien, annonce qu’un paquet de Lèvres nues serait retenu à la douane (depuis quand ?). Il en a été avisé, et pense qu’il doit y avoir quelques droits à payer. Nous avons enfin la revue de Dédé. La semaine dernière, Pauvert, après une conversation téléphonique embarrassante avec Wolman, lui propose de venir la prendre à ses bureaux trois jours après. Un de nos amis algériens s’y présente. Pauvert demande si c’est lui qui a téléphoné, s’entend répondre que c’est «le patron », sans autre commentaire – puis s’excuse: il n’en a qu’un seul exemplaire, qu’il montre, mais ne peut vendre. Il promet que jeudi prochain il en aura. Hier donc c’est deux Algériens qui vont la chercher, jetant un froid extrême dans une petite réunion d’une dizaine d’intellectuels et de dames qui s’affairaient chez Pauvert. Tard dans la soirée j’en ai vu deux exemplaires dans un kiosque du boulevard Michel. La revue serait donc distribuée à cette heure, sauf au cas où Pauvert aurait seulement jeté sur le marché 100 ou 200 exemplaires sauvés du désastre : l’ambiance chez lui, de l’avis de mes émissaires, était extrêmement louche. La revue, vendue 750 francs, est très somptueuse, pleine d’illustrations magnifiques. Sur 150 pages, je crois qu’il n’y a pas 40 pages de texte. Et quel texte ! Enfin, très nettement pire que Medium. Très anodin. Très « Fémina de luxe ». Rien, à première vue, qui nous concerne directement. Je pense que vous l’aurez bientôt sauf si l’opération Pauvert était limitée au 6e arrondissement (le tirage total de la revue est de 5 030 exemplaires ce qui assure un minimum de 4 500 invendus). Le plus drôle reste la collaboration assidue d’un Robert Benayoun, qui est aussi le critique cinématographique de Demain, l’hebdomadaire de Guy Mollet. Cordialement à vous tous, G.-E. Debord À Marcel Mariën Mardi [fin octobre] Mon cher Mariën, Je vous prie de noter deux corrections aux textes déjà envoyés : – dans le texte « Théorie de la dérive », à la page marquée VII fin du premier paragraphe, remplacer « ressources presqu’infinies » par « ressources presque infinies ». – dans le compte rendu de dérive no 1, page 5, remplacer la phrase : « … ils arrivent au pont Notre-Dame quand ils s’avisent qu’ils sont suivis par deux des hommes du bar, dans la meilleure tradition des films de gangsters. C’est à cette tradition qu’ils croient devoir s’en remettre pour les dépister, en traversant le pont négligemment, puis en descendant brusquement à droite sur le quai de l’île de la Cité qu’ils suivent en courant, passant sous le Pont-au-Change et le Pont-Neuf, jusqu’au square du VertGalant. » par la phrase ainsi corrigée : « … ils arrivent au Pont-au-Change quand ils s’avisent… (idem) … qu’ils suivent en courant passant sous le Pont-Neuf, jusqu’au square du Vert-Galant. » En effet cette erreur d’un pont, que je reconnais sur le terrain, impliquant un trajet impossible faute d’un quai qui ne va pas plus loin, pourrait jeter un doute sur l’authenticité des faits rapportés. Je vous joins notre lettre au pétrolier du Phare-Dimanche. Excellente nouvelle, sur les finances de Pauvert, et les ennuis du Surréalisme même. N’y aurait-il pas moyen d’envenimer l’incident en jouant le public indigné (à la N.N.R.F. ou aux éditions Pauvert). Bien amicalement, G.-E. Debord Remarques – Le texte « Deux comptes rendus de dérive » en plus petit caractère doit suivre immédiatement «Théorie de la dérive ». – « Satisfait ou remboursé » doit être présenté encadré. La typographie doit évoquer un placard publicitaire, mais peut-être moins ouvertement que le précédent placard de Wolman (dans le numéro 7). – La curieuse orthographe du texte de David, dans « Préhistoire des loisirs », est celle de l’édition originale. Elle peut être rajeunie, mais paraît assez bien ainsi. – Il faudrait mettre, dans la même page que le commencement du texte « Position du Continent Contrescarpe », ce slogan encadré, à la manière habituelle des Lèvres nues : NOUS RIONS MAIS JAMAIS EN MÊME TEMPS QUE VOUS. À Marcel Mariën [Fin octobre] Cher ami, Voilà le travail. Vous pouvez enrichir la liste d’« Oublie-moi1 », si vous connaissez quelques noms qui nous manquent. Je vous envoie aussi une belle photo sur Marcinelle parue dans Détective. Vers quelle date paraîtra ce numéro 9? Bien cordialement, G.-E. Debord Lettre sur papier à en-tête de la revue américaine Look. 1. Cf. « Histoire marseillaise », Les Lèvres nues no 9. À Marcel Mariën Le 4 novembre Mon cher Mariën, Voici les comptes du Minotaure. Il lui semble que le paquet retenu à la douane vous est revenu. Il a vendu lui-même « un ou deux » livres de Nougé. Merci pour la revue, qui est très bien. Si vous pouvez nous en envoyer huit ou dix autres, nous en aurons bien l’emploi. Je n’encaisse rien chez Gallimard, mais ne parlons plus de cette dette minime. Cordialement à vous tous, G.-E. Debord À Marcel Mariën Lundi 12 novembre Mon cher Mariën, Merci pour les revues, que je distribue à travers l’Europe, aux points stratégiques. Dans le dernier Potlatch la place, et aussi le temps ont manqué pour relever toutes les énormités significatives des deux dernières semaines : il nous faudrait un hebdomadaire. Savez-vous que le commissaire Dides, rompant avec Poujade1, a dénoncé « l’abject système policier » que ce dernier avait mis en place dans son mouvement? Que des conseillers municipaux de Paris proposent de changer le nom de la rue de Moscou en rue Jean-Pierre Pedrazzini (le photographeparachutiste de Match)? Breton, aux côtés de Jules Romains2, Pierre Boutang3 et Thierry Maulnier3, a montré le Kremlin poursuivant sans désemparer, depuis le temps de la Sainte-Alliance, le même rôle de répression internationale. D’ailleurs l’affaire de Hongrie4, pourtant assez complexe, mais à cause de son utilisation hystérique par la bourgeoisie, fait tourner casaque à des gens qui avaient accepté avec joie jusqu’à ce jour les plus insoutenables contrevérités : ainsi Sartre, mettant le point final à sa jolie carrière de bouffon. Ici, les intellectuels sont seuls à prendre leurs distances. Vendredi soir, des dizaines de milliers de manifestants ont tenu la rue, malgré le plus grand déploiement de force policière que j’aie jamais vu. Il s’agissait d’ouvriers, comme écrit splendidement le reporter du Monde : « autant que l’on puisse en juger par la mise » ! Qui donc est le masque funèbre5 sur votre couverture? On ne peut s’accorder là-dessus. Certains vont jusqu’à y reconnaître Khrouchtchev et Blaise Pascal. Bien cordialement, G.-E. Debord 1. Pierre Poujade, fondateur en 1953 de l’Union de défense des commerçants et artisans. 2. Jules Romains, auteur des Copains et des Hommes de bonne volonté. 3. Pierre Boutang et Thierry Maulnier, écrivains et journalistes de droite. 4. Soulèvement en Hongrie et répression soviétique. 5. Œuvre de Paul Bourgoignie intitulée : Thermidor que d’un œil. À Gil J Wolman 17 novembre Mon cher Gil, Je ne connais pas ta situation actuelle ni tes motifs de découragement, qu’il ne m’appartient pas de juger. Les occasions de suicide, tu le sais bien, c’est ce qui nous a le moins fait défaut. Je trouve finalement préférables ceux dont on peut parfois revenir. Je ne crois pas aux conversions, seulement aux appauvrissements. Je ne sépare pas – disons – mon avenir, de certains divertissements moins vulgaires que le reste, dans l’élaboration desquels j’ai évalué mes amis, et particulièrement toi. J’ose espérer que tu ne manifesteras pas envers nous une agressivité dans le reniement (style Jean-Louis Brau) qui seule serait de nature à nous séparer. Cette éventualité mise à part, quels que soient ton style de vie du moment et sa durée, tu auras toujours une place à reprendre dans cette complicité quand tu voudras. Je passerai te voir à mon retour1. Très amicalement, Guy P.-S. : Conviens tout de même que, d’ordinaire je quitte les gens avec désinvolture2. Lettre envoyée de Cannes. 1. D’Alba. 2. Gil J Wolman sera exclu de l’Internationale lettriste le 13 janvier 1957. Aux amis restés à Alba Cannes, samedi [17 novembre] Chers amis, J’arriverai à Alba le mercredi 21 novembre, dans l’après-midi (par chemin de fer), et j’irai aussitôt via XX Settembre1. «Vite, toujours plus vite, une beauté nouvelle et durable sera vôtre…2 » Bien à vous, G.-E. Debord 1. Chez Piero Simondo, . 2. Phrase découpée dans un journal. À Marcel Mariën Vendredi 23 novembre Mon cher Mariën, Votre lettre me suit à Alba. Vous me parlez de revues : justement, je voulais vous demander d’envoyer trois collections complètes aux adresses, ou plutôt aux noms suivants : Giuseppe Gallizio1 – Piero Simondo1 – Constant1 (les trois) 2, via XX Settembre, Alba, Italie. Ils sont très contents de la lecture du dernier numéro, mais n’ont pas eu connaissance des précédents. Nous avons ici des conversations très intéressantes. J’espère bien vous voir en mars. La chambre que je vous destine, isolée au sixième étage, a deux inconvénients : pas d’électricité – mais j’ai une très belle lampe-tempête – pas de chauffage – mais en mars ce sera certainement habitable, si vous voulez séjourner quelque temps à Paris. Amicalement à vous tous. G.-E. Debord 1. Futurs membres de l’Internationale situationniste. À Piero Simondo Lundi [3 décembre] Cher Piero, Nous sommes contents que la manifestation de Turin1 puisse se faire. Mais c’est le 10 (encore cinq jours supprimés sur le délai prévu). Ici, tout le monde se trouve sans argent. Nous avons essayé de partir en voiture, à quatre. Mais nous n’avons pas pu trouver 50 litres d’essence, car les restrictions viennent de commencer2 et le trafic clandestin n’est pas encore organisé. Voici ce que nous pouvons faire : Un de nous (peut-être Asger) arrivera à Alba samedi soir, il vous portera huit ou dix tableaux3 pour l’exposition, et un enregistrement d’environ une heure de durée, pour la conférence. Mais faites-vous donner d’avance les quelques milliers de lires que les organisateurs veulent payer. Il vous faudra absolument vous procurer un magnétophone, pour passer notre bande magnétique4. Vous devrez aussi, dimanche, encadrer pour le mieux les tableaux que nous envoyons. Il est important, pour les quelques tableaux « lettristes », d’afficher à côté leurs titres, qui sont très longs (ils seront écrits au revers, et nous enverrons des cartes avec ces titres tapés à la machine). Ci-joint le papier à faire imprimer comme invitation et document pour cette manifestation. J’espère que vous aurez le temps. Nous-mêmes nous avons des difficultés pour préparer l’exposition 5 de Bruxelles, car il faut aussi écrire le contenu d’un numéro spécial d’une revue éditée par « Taptoe ». Et il est presque certain que nous aurons une exposition à Paris, le 15 mars. Donc les affaires du Bauhaus6 marchent bien, mais un peu trop vite pour nos moyens actuels. Surtout la question du déplacement massif à travers l’Europe est difficile. Il faut s’arranger, chaque fois, avec le maximum de ce que l’on peut réunir sur place. Par exemple, si notre exposition à Paris doit se faire avec certitude, je crois que ta présence serait plus utile qu’à Bruxelles. Naturellement, si vous pouvez venir tous partout, c’est encore mieux. En résumé, pour Turin, vous pouvez compter au minimum sur ce que je vous annonce maintenant. Et peut-être, si les choses vont bien, un peu plus. Bien amicalement à vous tous. Et merci encore pour la réception à Alba. Guy 1. Manifestation en faveur de l’Urbanisme unitaire (du 10 au 15 décembre 1956). 2. Suite à la fermeture en novembre 1956 du canal de Suez. 3. Trois tableaux de Guy Debord, trois de Gil J Wolman, cinq d’Asger Jorn (attestation de la douane le 6 décembre 1956). 4. Histoire de l’Internationale lettriste (qui ne sera pas diffusée). 5. Exposition prévue pour février 1957 à la galerie Taptoe. 6. Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (M.I.B.I.), fondé en 1953 par Asger Jorn (cf. Correspondance, vol. I, p. 15, note 1). Indications pour la composition du texte1 1. Chaque phrase doit être dans un caractère différent (surtout du point de vue de la taille, de la grandeur des caractères). 2. La dernière phrase (C’EST LA LUTTE FINALE) doit être en très gros caractères, du style « affiche ». 1. Texte du tract distribué à l’occasion de la manifestation de Turin (cf. GuyDebord, Œuvres, op. cit., p. 270). 3. Faites un encadrement parfait avec la phrase d’invitation, qui tourne autour du texte. Naturellement, complétez les indications de lieux et de dates – supprimez ou ajoutez des noms dans la liste des participants. 4. Traduire d’urgence en italien et imprimer recto verso, d’un côté en français, de l’autre en italien. 5. Envoyez-nous un certain nombre d’exemplaires que nous diffuserons à Paris. À Piero Simondo Mardi [4 décembre] Cher Piero, Voici les dernières nouvelles : Asger Jorn, vous apportant les tableaux et la conférence à passer sur magnétophone, arrivera à Torino dimanche matin, vers 7 heures. Il vous attendra ensuite chez le docteur Paolino1, ou si celuici n’est pas dans la ville, Asger vous téléphonera, de la gare de Torino. Bonne chance pour les manifestations. Notre plus affectueux souvenir à Elena, Pinot, Olmo, Constant2 et toi-même. Guy, Gil 1. Walter Paolino, professeur de pathologie à l’université de Turin, ami d’Asger Jorn. 2. Elena Verrone, Giuseppe Pinot Gallizio, Walter Olmo et Constant Nieuwenhuys. À Juan Goytisolo 27 décembre 56 Cher Juan, J’ai reçu hier seulement ta lettre du 29 octobre. En effet, depuis juin, je n’habite plus rue Racine. Ma nouvelle adresse est 180, rue Saint-Martin (3e)1. TUR 25-24. Fais-moi signe quand tu repasseras en France. J’ai été vraiment dans l’armée, mais j’ai réussi à en sortir après 18 jours. Je te souhaite une bonne année, Guy 1. Ou 1, impasse de Clairvaux. À Jan Kotik1 Paris, le 28 décembre 1956 Cher camarade, Nous avons eu connaissance, par les Italiens, de ce que tu as écrit à Alba, à propos du numéro 27 de Potlatch. Nous voulons t’expliquer brièvement notre point de vue. 1°) Ce qui est publié à Paris est actuellement sous notre responsabilité directe. Nous souhaitons exprimer l’opinion de tous ceux qui se trouvent d’accord sur le programme défini à Alba. Mais cela n’est possible que par une discussion précise entre nous. Si tu désapprouves quelques points de ce que nous avons publié, il faut en faire la critique, en écrivant directement à l’une des adresses suivantes : – Potlatch, 32, rue de la Montagne-Geneviève – Paris (5e). – Asger Jorn, 28, rue du Tage – Paris (13e). – Guy Debord, 1, impasse de Clairvaux – Paris (3e). 2°) Il ne fallait pas inviter Dotremont à Alba ; et il était impossible qu’une collaboration intéressante ait lieu entre nous, parce que Dotremont a publiquement rejoint des positions réactionnaires. La « Nouvelle Nouvelle Revue française » représente à Paris la tendance la plus bourgeoise dans la culture, et cela est également lié à la politique (elle a été interdite en France à la fin de l’occupation hitlérienne, sous son titre de « Nouvelle Revue française ». Elle a pu reparaître, il y a peu d’années, en changeant son titre par le redoublement du mot « Nouvelle »). Le refus de collaborer avec des éléments réactionnaires ne constitue pas un « jugement confessionnel », mais un réalisme indispensable. 3°) L’intolérance peut te choquer, parce que tu sais qu’une direction autoritaire, administrative, est nuisible au développement des idées, et de l’art. Mais en France ou en Italie par exemple, où il n’y a aucune contrainte directe dans le domaine culturel, la difficulté est au contraire de distinguer, de faire la critique de ce qui est nouveau et valable et de ce qui est rétrograde. La difficulté est de définir consciemment une plate-forme d’action progressive au-delà du confusionnisme général. 4°) Votre tâche actuelle, dans les démocraties populaires, est de rejoindre le mouvement réel de l’art moderne, mais pour marcher en avant : pas pour accepter inconditionnellement ses aspects les plus avancés et ses aspects les plus attardés, en bloc, sous le prétexte de la liberté. Ici, nous ne voulons pas que Dotremont soit empêché d’écrire : nous voulons ne pas écrire dans les mêmes revues que lui parce que, nous, nous n’avons jamais été complices de l’idéologie de la classe dominante. 5°) Tu sais que le réalisme-socialiste est en dehors de l’histoire. Mais nous savons ici, également par l’expérience, que la plus grande partie de l’art moderne occidental est aussi en dehors de l’histoire. Il faut tenir compte de tous les aspects de nos problèmes. Ce qui domine l’art occidental d’aujourd’hui, numériquement, ce sont d’anciennes nouveautés, actuellement nuisibles à la véritable nouveauté; et encore plus souvent des copies de ces nouveautés périmées. Il s’agit pour nous tous de dépasser ensemble l’état présent de la culture, par des perspectives de construction correspondant aux possibilités et aux besoins de notre époque. Nous espérons que tu nous écriras à ce sujet. Nous pouvons même, si tu le désires, publier ton point de vue. Fraternellement, Jorn, Debord 1. Jan Kotik, de nationalité tchèque, signataire de la Résolution finale du Congrès d’Alba (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 240). 1957 janvier 1er – Lettre ouverte aux responsables de la Triennale d’art industriel à Milan, au nom du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (reproduite dans Guy Debord, Œuvres, collection Quarto Gallimard, 2006). février 2-26 – Première exposition de psychogéographie à Bruxelles, galerie Taptoe. Suite à une manœuvre d’Asger Jorn, Guy Debord ne s’y rendra pas pour présenter cinq plans psychogéographiques de Paris et y faire projeter comme prévu son film Hurlements en faveur de Sade. avril 2 – Guy Debord, Asger Jorn et Michèle Bernstein rédigent en quatre points un accord mettant fin à l’affaire dite de Bruxelles. mai – Guy Debord visite le musée de Silkeborg où, depuis 1953, Asger Jorn rassemble des œuvres d’artistes du XXe siècle. – Dans l’atelier du lithographe Verner Permild, ils composent en vingtquatre heures Fin de Copenhague. L’ouvrage, tiré à deux cents exemplaires, est constitué de publicités et de phrases détournées sur fond de couleurs que Jorn, juché sur une échelle, déversait sur les plaques d’impression. Le propos final étant : à la question posée, « Pourquoi votre fille est-elle la plus aimable fille de la ville ? », d’y répondre en moins de deux cent cinquante mots à l’adresse du « Comité psychogéographique de Londres ». – Guy Debord donne à imprimer deux plans psychogéographiques: The Naked City (qui sera incorporé en 1958 à Pour la forme, d’Asger Jorn) et Guide psychogéographique de Paris. 21 – Projection houleuse de Hurlements en faveur de Sade à l’Institut of Contemporary Arts (I.C.A.) de Londres. 22 – Dernier numéro de Potlatch, présenté comme le « bulletin d’information de l’Internationale lettriste ». Annonce de la parution d’une bande sonore obtenue par un détournement collectif : Histoire de l’Internationale lettriste. 23 – Sur le hasard, notes inédites (publiées par nos soins in Guy Debord, Œuvres, op. cit.). juin – Premier tirage à mille exemplaires du Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale, à destination non commerciale, devant servir de document préparatoire à la conférence d’unification de Cosio d’Arroscia, les 27 et 28 juillet 1957, à l’issue de laquelle a été constituée l’Internationale situationniste. juillet – Achevé d’imprimer de Fin de Copenhague et du Guide psychogéographique, édités par le Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste (M.I.B.I.). 27-28 – Fondation de l’Internationale situationniste à Cosio d’Arroscia (Italie). Aux camarades présents à Alba Le 1er janvier Chers amis, L’exposition de Bruxelles1 est reportée, sur notre demande, au début de février. Avant la fin de janvier un camarade anglais, Ralph Rumney2, passera vous voir à Alba, et il pourra porter vos toiles en Belgique. Nous voudrions aussi avoir un enregistrement de la musique d’Olmo3, sur une bande magnétique comme celle que nous avions envoyée à Torino. Ici, les travaux avancent très bien. Rumney pense pouvoir réunir au mois d’août, à Londres, un congrès de psychogéographie. Nous avons répondu, Asger et moi, à Kotik. Nous vous enverrons, dans deux ou trois jours, quelques exemplaires d’une lettre ouverte que nous adressons à la Triennale de Milano, en réponse à ce qu’ils ont dit à notre propos. Je vous présente mes meilleurs vœux, et je vous prie de les transmettre à Madame Gallizio et à Constant. G.-E. Debord 1. Première exposition de psychogéographie à la galerie Taptoe, prévue du 2 au 26 février 1957. 2. Ralph Rumney (1934-2002), du Comité psychogéographique de Londres, membre fondateur de l’Internationale situationniste. 3. Walter Olmo, expérimentateur musical, membre du M.I.B.I. À Marcel Mariën 9 janvier Mon cher Mariën, Le Minotaure a besoin d’urgence d’un nouveau stock de Lèvres nues pour les numéros suivants : 1, 4, 5, 7, 8, 9. Je n’ai pas les comptes exacts. Seul le no 1 est vendu jusqu’au dernier exemplaire. Pour les autres numéros il lui restait généralement un exemplaire, parfois deux. Au Soleil, par contre, on fait mine de n’avoir rien vendu. Ci-joint le dernier gag publié dans l’Huma. Je passerai par Bruxelles le 1er ou le 2 février. Cordialement à vous tous, G.-E. Debord À Constant 9 janvier 57 Cher Constant, Simondo vient de nous apprendre que tu n’étais plus en Italie. L’exposition de Taptoe a été fixée par Asger au 2 février. Nous voudrions savoir ce que tu comptes y exposer, et en avoir au plus tôt les titres, pour composer le catalogue, dont nous expédions le texte le jeudi 17 janvier. Il est fortement question d’un congrès de psychogéographie à Londres, au mois d’août. Ci-joint un exemplaire d’une lettre à la Triennale de Milan1. Amitiés, G.-E. Debord 1, impasse de Clairvaux, Paris 3e. Provenance collection Centre national néerlandais de documentation de l’histoire de l’art, archives Constant, La Haye. 1. Lettre ouverte aux responsables de la Triennale d’art industriel à Milan du 1er janvier 1957 (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 276-277). À Ettore Sottsass1 Paris, le 15 janvier 1957 Sottsass, Nous avons compris en 1956 qu’un mouvement formé de génies tels que moi et mes amis français est au-dessus de tes moyens : donc la lettre2 ne portait pas ta signature. À présent, suffit. Jorn, Debord Texte français d’une lettre envoyée en italien. 1. Ettore Sottsass, architecte responsable de la Triennale de Milan, signataire de la plate-forme d’Alba en 1956. 2. Lettre ouverte aux responsables de la Triennale d’art industriel à Milan.. À Ralph Rumney Mercredi [16 janvier] Cher Ralph, Quatre peintres viennent de publier à Milan un très court manifeste intitulé, je crois, « Pour une nouvelle zone d’images », et l’ont envoyé à Asger. Il te faut prendre contact, au plus tôt, avec Piero Manzoni, Montebello 25, Milano – qui est celui d’entre eux qui a communiqué son adresse. Vois ce qu’ils valent, et dans quelle mesure leur rapprochement apparent de certaines de nos positions justifierait une action commune? S’ils te paraissent intéressants, mets-les au courant des aspects plus sérieux de nos entreprises, par exemple le programme que nous devons définir à Londres. Sers-toi de notre lettre à la Triennale comme critère du comportement moral de ces gens en précisant naturellement que les injures ont été réparties arbitrairement entre des personnages dont nous ne connaissions même pas les noms. En effet, malgré son caractère totalement anodin, cette lettre fait visiblement le partage entre les Italiens acceptables et les imbéciles qui voulaient s’amuser sans danger auprès de nous. L’architecte milanais Ettore Sottsass, qui avait participé au congrès d’Alba, mais qui ne nous avait pas paru capable de faire quelque chose de bon avec nous, a écrit à Jorn dès qu’il a appris comment nous traitions la Triennale, pour dire qu’il ne voulait plus avoir rien de commun avec nous « perchè un movimento formato da genii come te e i tuoi amici francesi è fuori delle mia misura1. » Je suis de ton avis pour la participation, plastique et sonore, d’Yves Klein à Bruxelles. Est-il l’auteur de ces tableaux que nous avons vus chez Iris Clert? Et, d’autre part, n’est-il pas le fils de Marie Raymond, dont tu dois connaître la peinture ? Dans ce cas, je l’ai rencontré souvent, il y a quelques années. Transmets-lui mes amitiés. J’attends la première traduction2. Je t’enverrai sans doute dans quelques jours l’autre texte à traduire, qui est une explication de la psychogéographie dans l’optique du matérialisme dialectique. Le sujet étant assez ostensiblement délirant, il est bon de le justifier avec des arguments solides, voire même lourds. D’autre part, une hypothèse relative à l’existence d’un fort courant psychogéographique ouest-est, constitué au niveau du Palais-Royal, vient d’être brillamment vérifiée il y a deux jours. Nous pourrons faire partir une dérive de cette région, un soir, quand tu reviendras à Paris. Amicalement, Guy 1. Voir supra, lettre à Ettore Sottsass du 15 janvier 1957. 2. Annonce d’un Congrès provisoire pour la fragmentation psychogéographique de l’agglomération londonienne (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 274-275). À Constant Le 19 janvier 1957 Mon cher Constant, J’ai communiqué ta réponse à nos amis. Nous sommes bien d’accord sur le fait que la position du Bauhaus imaginiste était insuffisante. La lettre à la Triennale a entraîné une protestation des Albares1 (cette lettre avait été envoyée seulement pour les mettre au pied du mur, Asger ayant jugé Simondo à Turin très au delà de l’opportunisme tolérable), et la démission éclatante de Sottsass, que tout le monde avait oublié. Nous n’avons donc plus de relations avec les Albares, Olmo excepté. Mais nous avons quelques adhésions et contacts nouveaux. Nous nous employons maintenant à organiser un mouvement plus avancé – lettrisme et Bauhaus devant s’y dissoudre. Ce mouvement doit être réellement fondé sur les questions de psychogéographie, de constructions d’ambiances, de comportement et d’architecture. Sinon, il ne peut y avoir que bavardages autour d’une peinture ou d’une littérature bien connues. Je te tiendrai au courant des publications que nous ferons dans cette phase de transition. Nous devons définir nos objectifs. Si j’en juge par nos conversations à Alba, je pense que nous pourrons peut-être te rencontrer sur ce nouveau terrain. Et, bien sûr, je le souhaite. Amicalement, G.-E. Debord Archives Constant. 1. Gens d’Alba. À Marcel Mariën 21 janvier Mon cher Mariën, La déstalinisation est un beau sujet. Je vous envoie les derniers résultats connus par nous à ce jour. Le dernier mot n’est pas dit. Quand nous retrouverons Khrouchtchev, comme tout le monde, « là-haut dans le ciel », nous en rirons encore. Je serai à Bruxelles le 1er ou le 2, et je vous le signalerai promptement. Je dois rencontrer là-bas Jorn et un camarade anglais, pour une sorte d’exposition-conférence, dont je vous expliquerai sur place le caractère – le caractère au moins que nous voulons lui donner. Cordialement à tous, G.-E. Debord À Ralph Rumney Mercredi 23 janvier Cher Ralph, Merci pour la traduction. Asger voulait un contact avec Manzoni qu’il ne connaissait pas, à cause du petit manifeste qu’il avait reçu. Mais puisque toi, tu savais que Manzoni n’était pas intéressant, il n’y avait aucune raison qu’il le soit devenu. Baj1, c’est pareil. Cependant ta rencontre avec eux n’est pas mauvaise puisque cela t’a permis de constater avec certitude qu’ils n’étaient pas de notre camp, d’aucune manière. Mais alors il ne faut plus se servir d’eux (surtout pas publiquement), ni pour la Triennale, ni pour une autre opération. À propos de la Triennale, voici notre avis très définitif : 1°) Cette affaire de la Triennale était une très petite affaire. Elle est complètement finie. Nous ne devons pas nous en occuper encore, jusqu’à faire de ce petit détail un acte important de notre groupe. Ces gens de la Triennale ne méritent pas notre attention plus longtemps. Il faut rester sur la position de notre lettre, ni plus ni moins. Car s’ils disent que cette lettre a été faite à Alba (par de jeunes provinciaux) c’est pour essayer de diminuer la gravité des injures que le public italien les a vu recevoir de la part de l’avant-garde internationale. Ce qui est le plus pénible pour eux c’est que l’on sache que nous avons tous effectivement signé cela ! 2°) Il ne s’agit pas de se « venger » des gens d’Alba. Ils ont fait sottement un geste qui empêche la collaboration entre eux et nous. C’est tout. Nous n’avons pas d’hostilité contre eux; nous pensons simplement qu’en nous obligeant à la rupture, ils ont perdu beaucoup, et que nous, nous n’avons rien perdu. Donc, il ne faut pas leur envoyer des lettres d’injures. Mais surtout, si nous leur écrivions des lettres d’injures, nous ne devrions pas les faire signer par des individus comme Baj et Manzoni qui sont encore plus éloignés de nous que les gens d’Alba. D’autre part, je voudrais savoir si Klein vient luimême à Bruxelles, ou, s’il passe nous voir à Paris, à quelle date ? Et qui apporte ses toiles à Bruxelles ? À bientôt, Guy 1. Enrico Baj. À Walter Olmo 28 janvier 1957 Cher Olmo, Il est trop tard pour que tu participes à la manifestation de Bruxelles. Le texte du catalogue est déjà chez l’imprimeur. Et puis, je trouve que tu n’es aucunement fondé à demander des garanties sur ce ton. Crois-tu que nous pouvons attribuer une si grande importance à ta personne, et une si petite à ce que nous faisons ? Je ne sais pas si la galerie Apollinaire1 est « spatialiste » ou même pire. Notre camarade anglais n’y habite pas. Il n’en est pas non plus propriétaire : c’est là qu’il passe prendre son courrier. Mais que t’importe ? Aurais-tu préféré l’adresse de la Triennale ? Surtout, ta lettre donne l’impression d’un manque de franchise bien maladroit : tu sais parfaitement que nous n’avons aucune raison d’avoir changé notre programme; et quel télégramme nous a été envoyé d’Alba. Je ne sais ce qui a pu te faire croire que ce style convenait au dialogue avec nous. Mais c’est une erreur. G.-E. Debord 1. La galerie Apollinaire, à Milan, qui a exposé Ralph Rumney du 14 au 23 janvier 1957. À Ralph Rumney Paris, le dimanche 3 février 1957 Cher Ralph, Nous pensons qu’il faut te donner quelques explications à propos du rendez-vous manqué avec toi, et de toute la manifestation manquée de Bruxelles. 1°) Nous avions rendez-vous, Simondo et moi, avec Asger, vingt minutes avant le départ du train, en un point précis de la gare du Nord (l’accès des voies). Nous sommes arrivés cinq minutes en avance sur l’heure du rendezvous, donc vingt-cinq minutes avant le départ du train. Donc, si Asger est parti sans nous voir, cela signifie qu’il est monté dans le train avant l’heure du rendez-vous, et qu’il n’est jamais revenu avant l’heure du départ pour regarder si nous étions au lieu convenu. 2°) Il y avait un autre train pour Bruxelles deux heures après (Asger le savait). Nous, pensant qu’il était en retard, avons attendu une heure encore dans la gare. Lui, s’il pensait que nous étions en retard – et même si nous l’avions été effectivement – devait aussi nous attendre. 3°) Asger a emporté l’attestation pour le passage des tableaux à la frontière. La question n’est pas de savoir s’il nous était possible de nous arranger à la douane pour passer tout de même ces tableaux : je ne vois pas pourquoi je devrais m’ennuyer avec ces détails alors que c’est moi qui ai fourni à Asger l’attestation. De plus, Asger est parti avec le billet de Simondo. 4°) Asger ne signalant pas chez moi ce qui lui arrivait, nous sommes allés chez lui vendredi après-midi. Apprenant qu’il n’était pas revenu de la gare, nous avons pensé, malgré les circonstances incroyables de son départ, qu’il pouvait être effectivement en Belgique. Nous avons alors téléphoné pendant six ou huit heures à la galerie Taptoe, utilisant successivement deux faux numéros qui ne répondaient pas (12 72 68 et 12 72 64). Ces deux faux numéros se trouvent imprimés sur deux catalogues de Taptoe. Nous avons enfin obtenu la galerie vendredi soir, en faisant chercher son numéro par Bruxelles. Michèle a parlé à Haesaert1 et lui a demandé qu’Asger nous appelle dans la soirée. Il ne l’a pas fait. 5°) Samedi, j’ai téléphoné à Haesaert et lui ai demandé de nous faire rappeler par toi ou par Asger. Les renseignements pratiques que tu m’as donnés peu après par téléphone étaient – contre notre attente – assez satisfaisants. Mais le refus d’Asger de nous parler est une si grossière imbécillité qu’il nous devenait impossible de venir. Il est bouffon, de la part d’Asger, de s’essayer à des méthodes d’autorité que son importance actuelle (soit intellectuelle, soit économique) ne justifie auprès de n’importe qui. 6°) Si nous demandions quelques explications sur la réalité précise de cette opération de Bruxelles, c’est qu’à la suite du mystérieux comportement d’Asger au départ de Paris, et des hypothèses que nous avons dû faire à ce propos, nous avons pris conscience de certaines méthodes irrationnelles, néfastes et choquantes, appliquées par Asger, depuis deux mois en tout cas, dans les affaires du mouvement. J’en donne deux exemples : a) la lettre à la Triennale avait été discutée en décembre par Asger et nos amis italiens, et approuvée par tous à condition qu’elle ne soit pas injurieuse (ceci pour diverses raisons tactiques – par exemple une perte de possibilités économiques à Alba, qui s’est en effet produite). Nous l’avons rédigée à Paris sans avoir eu connaissance de cette discussion préalable. Il est bien évident alors que la réaction d’Alba se trouve formellement justifiée : l’envoi de notre lettre n’engageait pas le groupe d’Alba sans prendre son avis – ce qui est faisable – mais contre son avis nettement exprimé. b) Asger m’a fait écrire à Constant, au début de janvier, pour lui demander ce qu’il apporterait à la manifestation de Bruxelles. Mais Asger, prétendant être sans nouvelles de Constant, me cachait en réalité qu’il avait déjà reçu une réponse négative du même Constant. (Je l’ai appris depuis, par Constant et Simondo.) 7°) J’ai reçu seulement samedi ta carte de Milano, donnant les adresses et le numéro de téléphone d’Yves Klein. Il était certainement temps pour nous de passer prendre les travaux de Klein et d’arriver à Bruxelles pour la conférence de lundi. Mais en encourageant Asger dans la voie de l’inconscience, nous serions bien coupables devant tous nos camarades. L’accord entre nous tous ne peut être fondé que sur des positions communément définies, pas sur le mensonge ou l’enfantillage. 8°) Demain je pars pour passer une quinzaine de jours à Cannes et Simondo va directement à Alba. Si tu passes par Paris ces jours-ci, tu peux venir voir Michèle. Sinon, tu peux m’écrire dans l’impasse de Clairvaux, la lettre suivra. J’espère que nous pourrons nous rencontrer, toi et moi, en mars. Je crois que nous avons beaucoup de choses sérieuses à envisager. 9°) Tu peux communiquer tous les points de cette lettre à Asger ; et discuter avec lui de ces méthodes que – j’imagine – tu dois juger comme nous. Amicalement, G.-E. Debord, P. Simondo, M. Bernstein Lu et fortement approuvé. 1. Gentil Haesaert, fondateur de la galerie Taptoe. À Asger Jorn et Ralph Rumney Paris le 4 février Asger a refusé de téléphoner : nous lui avons fait clairement savoir, samedi, que nous ne viendrions pas s’il maintenait son refus. Vous avez donc pris vos responsabilités (c’est donc vous qui avez ainsi saboté la conférence, car notre demande n’avait rien de tyrannique). Votre télégramme1 moralisateur et menaçant aggrave plutôt votre cas, étant données les circonstances présentes – c’est-à-dire les méthodes d’Asger, qui excluent en effet la confiance mutuelle. Ce télégramme est en fait l’ultime manifestation logique d’une attitude que nous refusons, au nom de tous nos amis. Rumney pourra choisir, maintenant que notre lettre lui fournit les éléments d’appréciation qui lui manquaient, entre la complicité avec les méthodes d’Asger ou les relations futures avec nous. Asger, au contraire, devra s’excuser pour ses méthodes et le ton employé; et faire son autocritique. Et si quelqu’un veut absolument la rupture, croyez-vous que nous serons très attristés ? Nous sommes des spécialistes de la rupture. Relisez Potlatch. Debord, Simondo 1. Texte du télégramme arrivé le 4 février 1957 à 7 heures 45 : « Il faut savoir se décider Stop Après décision on ne discute plus Stop En manquance de votre collaboration promise aux conférences lundi 4 février nous devons constater un abus de solidarité de responsabilité d’avant-garde et de confiance mutuelle qui rend impossible aucune collaboration future On vous attend avec film. Rumney, Jorn » À la revue Les Lèvres nues 5 février 57 Chers amis, Comme vous avez dû le remarquer, nous n’avons pas paru en Belgique à la fin de la semaine dernière : une dérive mal dirigée nous a retenus trois jours derrière la Butte-aux-Cailles. Nous vous rencontrerons à Paris dans un mois, sans doute ? G.-E. Debord, P. Simondo À Piero Simondo Lundi 11 février Cher Piero, Je passe d’agréables vacances, sans aucune nouvelle d’Oscar1, ce qui est bien reposant. Mais il est possible qu’il se soit déjà manifesté à Paris, parce qu’il y a en ce moment une grève des postes qui retarde beaucoup les lettres. Je pense qu’Alba a appris avec intérêt l’histoire de ton voyage. Et que tout le monde a bien ri. Nous avons oublié, à notre départ, de noter l’adresse de Liguria, et le numéro précis qu’il faut réclamer. Écris cela maintenant à Michèle, pour qu’elle envoie une lettre à la revue. Dès mon retour, vers la fin du mois, je te communiquerai le dernier état, idéologique et financier, du mouvement autour de nous, pour que nous envisagions ensemble quelles opérations sont réalisables immédiatement. En tout cas, nous publierons avant la fin de mars un numéro de Potlatch. Il serait bon que vous nous fassiez parvenir quelques articles – courts évidemment – , pour traduire dans ce numéro. Je dois travailler ici à quelques écrits, principalement une théorie du cinéma situationniste. Mais je bois plutôt. Bien amicalement à vous tous, Guy Lettre envoyée de Cannes. 1. Id est Asger Jorn. À Piero Simondo Mardi 12 février Cher Piero, Oscar se manifeste. Je commence mon travail de copiste; voici 2 textes. 1°) Carte expédiée de Londres, le 8 février, à mon adresse : « L’avant-garde est arrivée à l’étape Londres. Nous attendons toujours l’explication d’une rupture de collaboration que nous avions estimée beaucoup. Asger Jorn, Ralph Rumney. » Vous voyez là à la fois la manœuvre qui continue, bêtement dirigée par Oscar (la carte est de son écriture), et aussi le recul considérable depuis leurs premières positions : on nous menaçait de rupture si nous n’étions pas à la conférence. Nous avons fait la grève. Ils ont maintenant très peur des conséquences, et nous demandent pourquoi nous voulons rompre? Mais il y a aussi là-dedans un espoir ridicule d’escamoter le fond du problème, où Oscar est largement perdant – un essai, comme on dit en français pour « noyer le poisson ». 2°) Réponse que je fais envoyer de Paris : « Cher Ralph, Il nous paraît extrêmement improbable que tu n’aies pas reçu notre lettre du 4 février, qui contenait toutes les explications nécessaires pour toi, et pour Asger. Si cette lettre ne t’est pas parvenue, écris-le précisément, et nous t’en enverrons une copie. Si tu as lu cette lettre, tu dois comprendre que votre carte de Londres essaie de tricher maladroitement avec les éléments du problème. Vous devez savoir que 1° – nous ne voulons pas la rupture de la collaboration avec Asger, et encore moins avec toi. Nous refusons seulement le style, déplaisant et inefficace, qu’Asger a donné ces dernières semaines à notre collaboration. 2° – Les explications, c’est vous – mais principalement Asger – qui devez nous les donner, sur la base de notre lettre du 4 février : il est inutile de simuler la surprise, ou l’irresponsabilité. En refusant de nous parler au téléphone, Asger a entraîné une rupture relative. Vous étiez prévenus, et vous avez fait ce choix. Maintenant, si vous ne donnez pas, individuellement ou ensemble, les explications que nous réclamons, vous aboutissez à la rupture totale et définitive avec nous tous. Cette fois encore, vous avez à choisir librement. Mesurez bien toutes les conséquences. » Peut-être serait-il bon que vous tapiez ce texte à Alba et que vous le signiez : Gallizio, Elena, Olmo et toi ? Car il ne faut pas qu’Oscar s’imagine qu’il faudra être aimable et s’excuser auprès de nous à Paris, et qu’il pourra en même temps choisir un autre ton pour manœuvrer le groupe en Italie. Si vous me le renvoyez ici, signé, je pourrai peut-être l’utiliser dans les jours prochains, qui vont voir le retour d’Oscar à Paris ! Beau spectacle en perspective. Très amicalement à vous tous, Guy Lettre envoyée de Cannes. G.-E. Debord, villa San Lorenzo, avenue de Fiesole, Cannes, A.M. À Ralph Rumney Paris, le 14 février Cher Ralph, J’apprends maintenant que tu as reçu notre lettre du 4 février, puisque Asger lui-même en a eu connaissance. Elle contenait toutes les explications nécessaires pour toi et pour Asger. Si cette lettre ne t’est pas parvenue, écris-le précisément et nous t’en enverrons une copie. Si tu as lu cette lettre, tu dois comprendre que votre carte de Londres essaie de tricher maladroitement avec les éléments du problème. Vous devez savoir que : 1°) Nous ne voulons pas la rupture de la collaboration avec Asger, et encore moins avec toi. Nous refusons seulement le style, déplaisant et inefficace, qu’Asger a donné ces dernières semaines à notre collaboration. 2°) Les explications, c’est vous – mais principalement Asger – qui devez nous les donner, sur la base de notre lettre du 4 février. Je pense d’ailleurs voir Asger, qui vient de m’écrire, ces jours-ci. Mais tu te trouves aussi, maintenant, mêlé à cette histoire. En refusant de nous parler au téléphone, Asger a entraîné une rupture relative. Vous étiez prévenus, et vous avez fait ce choix. Maintenant, si vous ne donnez pas, individuellement ou ensemble, les explications que nous réclamons, c’est vous qui aboutissez à la rupture totale et définitive avec nous tous. Cette fois encore, vous avez à choisir librement, en en mesurant bien toutes les conséquences. Guy Lettre envoyée de Paris par Michèle Bernstein. À Piero Simondo Jeudi [14 février] Cher Piero, Merci de ta lettre et des documents. Je suis tout à fait d’accord avec la lettre que tu as envoyée à Constant. Et la lettre même de Constant me paraît bonne : je crois aussi à une collaboration très intéressante avec lui dans l’avenir. Si nous réalisons quelque chose (et nous le ferons), Constant sera certainement amené à y participer. Suite de l’affaire Oscar : je viens de parler à Michèle au téléphone. Oscar est déjà revenu à Paris, et il a envoyé une longue lettre d’excuses et d’explications très confuses. Il dit qu’il ne veut pas la rupture (nous le savions bien), qu’il y a une série de malentendus, mais que de telles histoires se sont produites partout où il est passé (cela nous le savons bien, c’est justement ce qui doit changer) et qu’il est un «spécialiste de l’autocritique » : tu te souviens que nous lui avions demandé de faire son autocritique, en disant que nous étions les spécialistes de la rupture. Lettre envoyée de Cannes. L’ombre d’explication, stupéfiante, qu’il avance est celle-ci : toi, Piero, tu n’avais aucune envie d’aller à Bruxelles, et il s’en est bien rendu compte en voyant la répugnance que tu manifestais à faire mettre dans la valise d’Oscar ta fameuse chemise! C’est presque une histoire de fou. À part cela, dès son arrivée à Bruxelles il s’est occupé de vendre tes gouaches : il en a vendu deux. Il aurait été pourtant plus amical de téléphoner. Il prévoyait aussi la vente d’un plan psychogéographique1, mais là c’est le plan qui lui a manqué. Dans la pénible situation où nous les avions mis, Oscar et Ralph ont fait ceci : un accrochage des toiles le premier lundi, et le lundi suivant une exposition de céramiques (je ne sais pas s’ils ont fait les conférences). Et Oscar propose maintenant de faire samedi prochain, toujours chez Taptoe, un vernissage pour les plans psychogéographiques. Naturellement je refuse. Je dis à Michèle de répondre à Oscar par un mot l’invitant à passer la voir quand il voudrait. Et là il faut qu’il s’explique, exactement sur les bases que nous avons définies ensemble, et absolument pas autrement : car il doit être déjà prêt à des tas d’histoires de fantômes, à propos de caractères, de hasard ou de parapsychologie. Je fais envoyer seulement à Ralph, à Londres, le texte que je vous ai communiqué dans ma précédente lettre. Cela devient donc inutile que vous le contresigniez, puisque Ralph ne vous connaît pas directement, et surtout puisqu’il n’a aucune envie de manœuvrer contre nous. Oscar va tenter de manœuvrer contre les absents, comme d’habitude – il a déjà commencé avec cette délirante histoire de chemise – mais cette fois ça lui sera impossible. Mais pour Oscar le texte de la réponse à Ralph est déjà dépassé puisqu’il a cédé sur l’ensemble de ses positions et vient proposer des explications. 1. Un des cinq plans prévus pour l’exposition de Bruxelles à la galerie Taptoe. Je pense donc que la crise est arrivée au point d’un dénouement favorable. Il reste qu’il y aura eu beaucoup de sabotage contre nous, c’est-à-dire contre le Mouvement, à Bruxelles et à Londres. Nous devons compenser cela par une clarification définitive de nos rapports, surtout avec Oscar. Nous sommes sur la meilleure base possible pour opérer cette clarification, pour imposer la direction collective, et le sérieux dans nos affaires communes. Quand nous aurons obtenu cela sans équivoque, je crois que nous aurons beaucoup avancé. Et l’ensemble de cette manifestation de Bruxelles aura finalement un résultat positif, grâce à notre « grève » réussie. D’accord pour ce que tu me dis à propos de nos prochaines publications. À mon retour à Paris – c’est à Paris que vous devez envoyer vos textes – je traduirai tout ce qui reste à traduire de l’italien. J’ai les doubles des manuscrits d’Oscar – sauf celui qui précède Structure et changement et qui suit Forme et fonction. Celui-là, je ne l’ai jamais lu. Et je vous enverrai un manuscrit que je prépare, et surtout deux numéros des Lèvres nues où il y a deux textes théoriques, sur la psychogéographie et sur le « détournement ». J’estime aussi que cette histoire de Bruxelles nous aura donné une impulsion nécessaire pour établir un style de travail qui est le minimum indispensable pour une action organisée à l’échelle internationale. En ce moment je ne cesse d’écrire, de copier des textes, ou de donner des instructions par téléphone comme un businessman (?). Il y a une chaîne de communication à travers l’Europe, de Londres à Alba, et même à Amsterdam. C’est très bien. Ce qui me rend un peu les choses difficiles ce matin, c’est que j’ai passé toute la nuit à boire, et qu’il m’en reste des traces. Heureusement j’ai les idées claires, mais ma main n’est pas très sûre, comme cela transparaît dans mon écriture. Transmets mes amitiés à toute l’équipe, et particulièrement à Olmo, qui a dû apprécier historiquement la lettre que je lui ai envoyée avant Bruxelles. Ciao, Guy À Piero Simondo Lundi 18 [février] Cher Piero, Je reçois ce matin ta lettre du jeudi 14. Le même jour je t’ai écrit une lettre donnant des nouvelles du retour d’Oscar à Paris. Tu as dû la recevoir samedi ou aujourd’hui. Moi, je n’ai pas de renseignements plus récents. Je te les communiquerai sitôt qu’ils me parviendront. Merci pour l’adresse de Giordanengo. Oui, c’est certainement moi qui ai confondu les titres des revues (je me souvenais que tu étais Ligure!). Je pense que Ralph a été simplement dupe d’Oscar, comme nous l’avons été, toi et moi, pour d’autres détails. J’espère qu’il va s’expliquer favorablement. Je vais revenir à Paris dans une dizaine de jours. Il y a beaucoup de choses à faire. Ci-joint le texte définitif envoyé à Ralph, de Paris, après la lettre envoyée par Oscar à son retour de Londres. Mohamed Dahou vient de m’écrire1 : il craint de ne pouvoir rentrer en France avant assez longtemps. Amitiés à tous, Guy Lettre envoyée de Cannes. 1. D’Algérie. À Piero Simondo Samedi 23 février Cher Piero, Je viens de recevoir des nouvelles de la visite d’Oscar à Michèle. Et aussi une lettre d’Olmo, que je te prie de remercier. Je te fais un résumé très bref de ce que je sais, c’est-à-dire du résumé, fait par Michèle, de cette conversation (Oscar est venu chez moi le mercredi 20, en disant qu’il relevait d’une maladie). 1°) Oscar a d’abord nié tout ce qu’il a pu. Puis enfin il a avoué qu’il nous avait manœuvré, vous et nous, dans l’histoire de la Triennale. Et aussi qu’il avait délibérément manœuvré à Bruxelles, contre nous, avec cette histoire de téléphone et de télégramme. Note bien qu’il dit cela à Michèle, mais je doute qu’il admette la même chose avec Ralph. Donc, sur ce point, j’exigerai avant tout une déclaration écrite. 2°) Il se félicite de nous avoir manœuvrés car, dit-il, « on ne peut pas le changer, c’est la seule chose qu’il sache faire pour faire avancer un groupe : y semer la désorganisation et voir s’il ne va pas en sortir quelque chose de bon ». Cela est si idiot qu’il me semble que ce pourrait être sans danger si tout le monde, dans le groupe, était clairement renseigné sur le comportement d’Oscar. 3°) Il dit que toute théorie doit s’incliner devant l’action, et que l’on devait pardonner ses caprices pour ne pas nuire à l’action commune! Mais une action commune sans théorie, c’est par exemple l’usage du « métro ». Et une action commune contraire à mes théories, c’est par exemple la participation dans l’armée française à la répression d’Algérie. Lettre envoyée de Cannes. Donc Oscar se conduit en odieux imbécile, et devrait en voir les résultats : la théorie a bien saboté l’action qu’il avait préparée à Bruxelles. 4°) Il a dit à Michèle que l’on ne pouvait pas comprendre vraiment sa position avant d’avoir lu « Forme et Mouvement », son prochain travail théorique. Cela est une insolence incroyable car jamais un philosophe, aussi grand soit-il, n’a produit une œuvre bouleversant si radicalement toutes les données de la pensée qu’il serait incapable de discuter selon les anciens concepts ! Et Oscar, jusqu’à ce jour, nous a révélé infiniment peu de choses, dans ses écrits ; et au contraire il y a mélangé beaucoup de naïveté ou de témoignages d’ignorance. En plus il croit pouvoir afficher une grande hostilité contre toi, et se montre assez idiot pour dire que les Italiens, en général, sont «des fourbes, d’habiles politiques », etc. Michèle lui a donc signalé que tout accord était impossible sur ces bases. Il est reparti à Bruxelles, et doit revenir chez moi dans une dizaine de jours pour me rencontrer (je reviens à Paris dans une semaine). Michèle l’a prévenu que le retard augmente ses torts. Je pense que les 3e et 4e points sont absolument inacceptables et que, s’il ne cède pas là-dessus le jour où je le rencontrerai (il aura eu beaucoup de temps pour réfléchir), il faut rompre. J’aimerais que tu me donnes d’urgence ton avis là-dessus. Je crois encore que, placé devant le choix définitif, Oscar cédera (mais il faudra se méfier dans l’avenir). Sinon, nous publierons vers le 15 mars un Potlatch, et Oscar pourrait bien y avoir un très mauvais rôle. Bien amicalement à vous tous. Guy À Piero Simondo Lundi 11 mars Cher Piero, Voici les dernières nouvelles : je suis arrivé à Paris jeudi soir. Ralph est arrivé le lendemain, et il est venu tout de suite me voir. Il est d’accord avec nous sur l’affaire de Bruxelles, qu’il avait déjà à peu près comprise en lisant nos deux lettres. Il pense, lui aussi, qu’Oscar doit nous fournir une explication entièrement claire, s’il veut continuer à collaborer avec nous, pour que nous soyons sûrs que de telles sottises ne se reproduiront plus. Hier au soir seulement, il s’est présenté chez Oscar pour lui dire de venir immédiatement chez moi, pour une discussion définitive. Mais il a dû revenir seul une heure après, ayant trouvé Oscar, et une des petites filles, réellement malades. J’attends donc Oscar d’un jour à l’autre, dès qu’il sera en meilleure santé. Je pense qu’il y a plus de chances que jamais pour qu’il renonce à son attitude de ces dernières semaines, puisqu’il a vu que même Ralph était contre lui. Ralph reste maintenant deux mois à Londres où il est retourné ce matin. En mai, il viendra un certain temps à Paris. Ensuite, je pense qu’il retournera en Italie, et il ira te voir à Alba. Le principal résultat de l’histoire de Bruxelles est que nous devons reporter la manifestation envisagée à Londres1, jusqu’au mois d’avril 1958 ! Car il est évident que rien ne peut plus être préparé, à partir de zéro, en quatre mois (nous avions d’abord choisi le mois d’août 57). De plus à Bruxelles même le résultat a été très faible. Ralph avait soutenu – comme nous jugions nous-mêmes à ce moment-là – que la seule attitude correcte qui leur restait à prendre était de quitter Bruxelles avant les conférences. Mais Oscar a tenu à faire prononcer deux conférences très ennuyeuses, et lui-même a bafouillé en français, au lieu de parler en danois. Mais il est vrai qu’il a vendu beaucoup de tableaux ensuite… Mariën, ayant reçu notre mot de Paris, ne s’est même pas présenté chez Taptoe. Je l’attends à Paris dans deux ou trois jours. Klein n’était pas venu à Bruxelles, à la suite de je ne sais quel empêchement. J’ai vu déjà deux fois Yves Klein, et un de ses amis, depuis mon retour ici. Ils sont très intéressés par ce que nous faisons. Je leur ai communiqué quelques textes pour que l’on discute là-dessus. On verra si on peut s’entendre. Je t’enverrai dans quelques jours seulement les revues promises, que je n’ai pas encore. Voici déjà les syllogismes de Lewis Carroll que t’envoie Michèle. Amitiés à vous tous, Guy 1. Congrès de psychogéographie qui n’aura pas lieu. À Marcel Mariën Mardi 19 mars Mon cher Mariën, L’article de Staline est intitulé « L’opposition trotskiste aujourd’hui et autrefois » (Discours prononcé à la séance plénière d’octobre du C.C.1 et de la C.C.C.2 du P.C. de l’U.R.S.S.), publié en français le 12 novembre 1927. Je copie les passages concernant le testament : 1. Comité central. 2. Commission centrale de contrôle. Quelques mots au sujet du « Testament de Lénine ». Les partisans de l’opposition ont crié, vous l’avez tous entendu, que le Comité central du parti « cache le testament de Lénine ». Cette question a été examinée à plusieurs reprises par les séances plénières du C.C. et de la C.C.C. [une voix: « Des douzaines de fois »]. On a prouvé de nombreuses fois que personne ne cache rien, que le « testament de Lénine » avait été adressé au 13e congrès du parti et que ce « testament » a été lu à ce congrès [une voix : «Très juste »]. Tout le monde sait également que le congrès a décidé à l’unanimité de ne pas publier ce testament, entre autres pour cette raison que Lénine lui-même ne le désirait et ne le demandait pas. Tout cela l’opposition le sait très bien, ce qui ne l’a pas empêchée de déclarer que le Comité central a caché le « testament de Lénine ». […] On prétend que Lénine, dans ce testament, proposait au congrès du parti d’examiner la question du remplacement de Staline au poste de secrétaire général du parti par un autre camarade. C’est exact. Citons ce passage qui, d’ailleurs, à plusieurs reprises déjà, a été lu aux séances plénières : « Staline est grossier et ce défaut, qui est tolérable dans notre milieu et les relations entre nous, devient insupportable chez un homme occupant le poste de secrétaire général. Je propose donc aux camarades d’examiner la question du remplacement de Staline par un autre homme qui se distinguera de Staline par le seul fait d’être plus tolérant, plus loyal, plus poli, plus attentif vis-à-vis des camarades et moins lunatique, etc. » Oui, Camarade, je suis brutal vis-à-vis de ceux qui manquent de parole, décomposent et détruisent le parti. […] Il est caractéristique de voir qu’au sujet des fautes de Staline, le testament ne dit pas un mot et n’y fait pas la moindre allusion. On y parle simplement de la brutalité de Staline. Mais la brutalité n’est ni un défaut politique ni une déviation politique et ne peut pas l’être. Voilà le passage correspondant du testament : « Je m’abstiendrai de caractériser d’autres membres du Comité central et leurs traits personnels. Je rappelle simplement que l’épisode d’Octobre de Kaméniev et de Zinoviev n’est pas dû au pur hasard pas plus que le non-bolchévisme de Trotski. » Ici, je reprends la parole. Vous remarquerez que Staline s’abstient de se justifier sur la grave accusation de manque de loyauté; et que la deuxième citation paraît grossièrement tronquée. Toutes les versions, beaucoup plus vraisemblables, publiées par l’opposition, font état d’une phrase – je cite très à peu près, de mémoire – disant : « Je rappelle simplement que l’on ne doit pas tenir rigueur de l’épisode d’octobre pour Kaméniev et Zinoviev, bien qu’il ne soit pas dû au pur hasard, ni du non-bolchévisme de Trotski. » Ces deux détails laissent à penser qu’à cette époque le Comité central et la Commission centrale de contrôle étaient déjà assez sûrs pour ne soulever aucune objection – et faire confiance à Staline contre Lénine qui prend ainsi figure d’un idiot choqué du point de vue de la politesse bourgeoise par la grossièreté de Staline – mais pas encore assez sûrs pour nier simplement l’existence du testament. Toute la série des discussions dans le parti, telle qu’elle est présentée dans «La Correspondance internationale » de 1927, montre l’extrême modération des accusations contre l’opposition à cette époque. Tout s’est joué sur la question de la discipline, qu’on lui reprochait d’avoir violée deux fois de suite. J’espère que ces citations vous seront utiles. Elles démontrent bien en tout cas que ce « testament caché » n’a pas été l’histoire mélodramatique que l’on raconte encore, mais l’occasion de nombreux débats, aux conclusions liées aux successifs rapports de force dans le parti. Le testament a vraiment été occulté à la belle époque de Jdanov3, des procès de Moscou et de l’« histoire du P.C. de l’U.R.S.S. ». Nul doute que Staline n’en espérait pas tant en 1927. Une idée m’est venue, malheureusement, le lendemain de votre départ. Je ne crois pas qu’elle ait d’application immédiate, mais peut-être l’année prochaine? Voici : je pense que vous avez probablement droit – en tant que revue trimestrielle légalement enregistrée en Belgique – d’avoir un représentant dans la presse du Festival de Cannes. Je pourrai – grâce à mes relations familiales et autres dans cette ville – y subsister pendant la durée du Festival. Les avantages seraient multiples : 1°) publicité pour Les Lèvres nues qui se placerait ainsi sur le rang des revues à grand spectacle – Les Temps modernes mêmes n’ayant pas les moyens d’entretenir plus d’un rédacteur au Festival. 2°) Scandale de ma réapparition dans ces sphères qui nous sont fermées depuis 19524, comme vous savez, après que la direction du Festival nous ait fait arrêter par la police, en masse, au moment où nous menacions de mettre à sac ses bureaux et – affirment-ils – de défenestrer son personnel (mais ce dernier reproche est injuste). 3°) Quatre ou cinq pages d’actualité cinématographique, bonnes je crois ou du moins frappantes, car j’achève de mettre au point un nouveau procédé de critique des films. Les difficultés que l’on pourrait vous faire pour vous délivrer une invitation ne m’apparaissent pas – mais il faut s’attendre à tout avec ces gens-là. Enfin, ce qui est sûr, c’est qu’en 1952, nous disposions d’invitations au titre de la rédaction de la revue Ion (qui n’avait eu qu’un seul numéro) ; et d’autres au titre de producteurs de films. De plus, le Festival a intérêt à rassembler le plus grand nombre de représentants de la presse internationale, et il ne lui en coûte qu’une invitation permanente à toutes les projections. Je ne pense pas que vous soyez suspects d’hostilité trop vive contre cette institution lamentable. Une autre difficulté, c’est le temps. Il est peut-être tard pour ces démarches cette année (j’ignore la date exacte du Festival) et j’ai tant de choses à faire à Paris en ce moment que je ne peux envisager aucun voyage pendant un mois, au moins. La seule chance, pour cette année, serait que la manifestation commençât vers la fin d’avril. Mais je crois qu’elle est bien plus avancée. Toutefois, vous pouvez peut-être vous renseigner sur leurs intentions ? Bien amicalement, G.-E. Debord 3. Jdanov, membre du Politburo, a dirigé la politique culturelle sous Staline. 4. À l’occasion de la manifestation de l’ensemble des lettristes contre le festival de Cannes, avec le tract Fini le cinéma français. À Piero Simondo Paris, le 29 mars 1957 Cher Piero, J’étais un peu surpris de ne pas avoir de nouvelles d’Alba. Je suis content d’apprendre que tu vas réussir à payer les dettes du congrès. Voilà les dernières nouvelles ici : Oscar est finalement venu me voir il y a huit jours, avec Kotik qui se trouvait à Paris. L’affaire de Bruxelles est, en principe, réglée puisque Oscar reconnaît ses erreurs. Comme Kotik était présent, je n’ai pu obliger Oscar à écrire immédiatement à Alba, mais il a accepté de le faire avec moi1. Depuis, j’ai dû m’excuser pour un rendezvous que j’avais pris avec Oscar et Kotik – j’ai beaucoup de gens à rencontrer en ce moment – et je n’ai pas encore revu Oscar. Je vais aller le voir lundi, et nous achèverons cette affaire. En bref, Oscar a abandonné toutes ses positions – et toutes ses accusations de l’époque de la crise. Il m’a dit que l’argent de tes gouaches était encore en Belgique. Je lui demanderai de te préciser cela dans sa lettre. Je vais soulever avec Oscar la question de notre participation financière aux éditions Eristica2 – car il me semble qu’il est nettement le plus riche de nous tous. Je t’écrirai très bientôt, à propos de cela et d’autres sujets. J’ai rencontré successivement Ralph Rumney, Yves Klein, Mariën et deux autres Belges, Kotik. En général, c’est bien. Il nous faut avancer ensemble vers une unité théorique rigoureuse. Je crois que c’est possible. Mais c’est urgent. Je vais t’envoyer dans trois ou quatre jours une collection des Lèvres nues que je n’ai pas encore pu compléter. Je dois en envoyer en même temps une pour Ralph. Dès que je pourrai, j’enverrai à Alba un manuscrit3 de quarante pages environ, qui est la plate-forme que nous proposons pour la nouvelle organisation internationale. Il vous faudra l’étudier, et m’envoyer vos critiques. Potlatch est encore retardé (peut-être jusqu’au 15-20 avril?). Si vous avez quelques articles courts, vous pouvez encore envoyer (ou un seul d’une quarantaine de lignes). Je vais t’adresser, aussi dans quelques jours, une courte déclaration4 sur le principe d’une unification dans l’avenir du Bauhaus, des lettristes, et des psychogéographes anglais – à paraître dans ce Potlatch. Je crois qu’il est bon que ce soit toi qui contresignes cette déclaration au nom du Bauhaus imaginiste. (Beaucoup de gens peuvent penser que le Bauhaus est une histoire touchant beaucoup au milieu BajOscar-Constant.) 1. Voir infra, lettre du 3 avril 1957 à Piero Simondo. 2. Qui ont publié le bulletin d’information du M.I.B.I. 3. Rapport sur la construction des situations et sur les conditions de et de tions de l’organisation et de l’action de la tendance situationniste internationale. 4. Développée dans « Un pas en arrière » (Potlatch no 28 du 22 mai 1957). Si Constant ne t’a pas répondu, c’est mauvais signe. Tant pis pour lui. J’écris cette lettre assez confusément parce que je suis très pressé. Merci pour le dessin. Amicalement à vous tous, Guy À Marcel Mariën Vendredi 29 mars Mon cher Mariën, À propos du Festival, j’apprends qu’il doit se tenir seulement au début de mai. Ce qui me donne certainement la possibilité matérielle d’y assister. Et peut-être le délai est-il suffisant pour vos démarches ? En effet, je ne peux rien faire personnellement. Je me flatte que ma mémoire s’effacera de l’esprit des hommes mais pas à la direction du Festival tant qu’elle survivra. Il me semble – sans aucune certitude – que votre démarche directe à Cannes n’est pas le meilleur procédé. Voilà la méthode qui devrait réussir : si je me fie aux équivalents français, vous devez avoir droit, en Belgique, à une carte de presse en tant que directeur d’une revue trimestrielle légalement déclarée (en France cette qualité vous est reconnue tant qu’un délai de six mois à dater du dernier numéro publié n’est pas écoulé). En tant que directeur d’une publication belge, vous devriez vous adresser à votre ministère de la Presse, ou de l’Information, ou à tel autre qui en tient lieu, en signalant votre désir d’envoyer un correspondant au Festival. Ce ministère doit directement traiter avec l’organisation du Festival je crois. Quoi qu’il en soit, ne nommez votre correspondant qu’au dernier instant. S’il est trop tard pour cette année, il faudra tâcher de surmonter les obstacles pour le prochain. Car l’opération doit être amusante. J’espère, de toute façon, vous voir à Bruxelles avant la fin d’avril, dès que je pourrai mettre en train la publication que vous savez. Bien amicalement à vous tous, G.-E. Debord À Asger Jorn Samedi soir [30 mars] Cher Asger, J’ai beaucoup de nouvelles d’Italie et, surtout, de Belgique. Il faut se voir. Je t’attends lundi après-midi, à 4 heures, à la terrasse du Flore. Amicalement, Guy À Piero Simondo Mercredi 3 avril Cher Piero, Voici le document officiel1, et un mot d’Asger. J’ai soulevé le problème de nos publications communes. La première chose qu’Asger serait capable de faire (par Taptoe) serait l’édition de deux monographies consacrées à Gallizio et toi. Pour cela, il vous faudrait envoyer chacun quinze photographies de vos meilleures toiles. Évidemment, je pense que ce qu’il nous faut faire, c’est une revue. Mais, à défaut, ces monographies peuvent peut-être avoir une valeur positive ? Dismoi ce que vous en pensez à Alba. J’attends maintenant l’arrivée de Ralph, dans huit jours, pour poser de nouveau la question « Rivista ». Je t’envoie, sous cette enveloppe, une collection des Lèvres nues. Il faut lire d’abord les articles de Wolman, Michèle et moi-même. Puis les deux ou trois longs articles théoriques de Mariën (au contraire l’article de l’exlettriste Fillon, dans le no 7, est une sottise, nettement antipsychogéographique). Dans quelques jours je t’enverrai la déclaration dont je t’ai parlé, à contresigner par Alba. Amitiés à vous tous, Guy 1. Lire ci-après. Le 2 avril 1957, Debord, Jorn et Michèle Bernstein ont conclu l’affaire de Bruxelles en s’accordant sur les points suivants : 1°) Toute action personnelle, dans le mouvement, doit être soumise à un accord collectif préalable. 2°) Tout désaccord éventuel doit être réglé par une discussion ouverte dans le cadre du mouvement. Tout obstacle apporté à la discussion, entre nous, est a priori erroné. 3°) Les soussignés reconnaissent l’importance de notre action commune, souhaitent que dure l’accord déjà établi entre les groupes actuels, et l’extension future d’un tel accord sur ces bases, dans la perspective d’une efficacité plus vaste. 4°) Tous les désaccords précédents, toutes les manœuvres précédentes doivent être considérés comme sujets d’expériences révolus. Tous les reproches avancés à ce propos sont annulés. Asger Jorn, G.-E. Debord, M. Bernstein À Marcel Mariën Dimanche 21 avril Mon cher Mariën, La carte de presse vous sera certainement utile en plusieurs occasions. Évidemment il est trop tard pour ce festival. Je pensais, à l’origine, que vous aviez déjà cette carte de presse, depuis le début des Lèvres nues. Il faudra tâcher d’arranger cela pour le prochain, en s’y prenant assez à l’avance. Je pense être tout à fait disponible, sauf pendant une partie du mois d’avril 1958 où doit se tenir – en principe – notre congrès de psychogéographie à Londres. Mon projet de voyage à Bruxelles est remis à une date imprécise. Il ne s’agit pas de payer d’avance ou après, mais de payer tout simplement. Une assez importante rentrée d’argent, dont j’étais presque absolument sûr, se trouve reportée à je ne sais quand, ou même annulée. Je devrai donc attendre que les choses prennent meilleure tournure. Je vous remercie encore pour votre imprimeur 1. J’espère que cela pourra se faire avant longtemps. Je me réjouis de la parution imminente du dernier mot sur Staline2. Amicalement à vous tous, G.-E. Debord 1. Le Rapport sur la construction des situations… sera imprimé à Bruxelles. 2. Quand l’acier fut rompu, de Marcel Mariën. À Piero Simondo 21 avril 1957 Cher Piero, Je regrette de ne pas encore avoir de réponse d’Alba après les papiers que je vous ai envoyés le 3 avril. J’attends votre réponse avant de revoir Asger. Rumney, je crois, doit venir à Paris très bientôt. Et je suis impatient de savoir si l’accord où nous sommes parvenus vous satisfait, ou si vous demandez autre chose. (Aussi, que pensez-vous de la proposition d’Asger d’éditer des monographies de Gallizio et toi?) L’affaire de Bruxelles me paraît réglée, mais elle laisse des traces qu’il faut dépasser. Il serait mauvais que l’on pense ici que vous êtes indifférents au règlement de cette histoire, ou au contraire que vous êtes encore fâchés. J’espère aussi que ce silence ne veut pas dire que tu es malade, ou que tes ennuis économiques ont redoublé – par exemple que tu as perdu tes maisons au poker ? Très amicalement à vous tous, Guy À Marcel Mariën Cannes, mardi 11 juin Mon cher Mariën, Je vous renvoie au plus vite les épreuves1. 1) La mise en page doit être la plus aérée qu’il vous sera possible d’obtenir. L’intervalle entre les paragraphes doit être partout égal. 2) Chacune des six parties doit commencer au début d’une page, son titre étant quelque peu au-dessous du sommet de cette page – et un blanc de quelques lignes étant laissé entre ledit titre et le début du texte (adoptez cette disposition même si elle obligeait d’imprimer sur plus de seize pages). 3) Ne pas oublier les quelques demi-lignes qui doivent être imprimées en bas de la dernière face de la couverture (et qui font allusion à la destination non-commerciale de la brochure2). 4) Tâchez d’obtenir, je vous en prie, dans le plus bref délai l’impression des trois cents premiers exemplaires, dont j’ai un besoin urgent (même une dizaine d’exemplaires précédant de peu ces trois cents me seraient fort utiles). Par contre, les sept cents exemplaires suivants ne sont pas pressés. Les imprimeurs aiment généralement ce genre de concessions. Je vous remercie d’avance. Je poursuis ma route vers Paris, où j’espère avoir de vos nouvelles. Bien cordialement, G.-E. Debord 1. Du Rapport sur la construction des situations… 2. « Le Rapport, présenté aux membres de l’Internationale lettriste, du Mouvement international pour un Bauhaus imaginiste et du Comité psychogéographique de Londres, comme base de discussion à l’intérieur de ces organisations et comme document pour leur propagande, ne saurait être en aucun cas mis en vente. » À Piero Simondo Mardi 18 juin Cher Piero, Ta lettre m’a suivi à Paris. Voici les dernières nouvelles des enfants terribles : Asger avait dit qu’il retournait en Ligurie le lendemain de son vernissage. Mais, ce lendemain, Michèle le rencontre par hasard, dans la rue, avec un ami qu’il lui présente comme étant Christian Dotremont. En même temps il annonce que son départ est retardé de quelques jours. Asger, encore, a insisté pendant plusieurs heures pour obtenir des corrections dans le texte de Michèle sur Gallizio1. Elle n’a accepté qu’un petit nombre de corrections, mais encore bien trop puisque le style s’en trouve saboté, et la base idéologique (qui avait été proposée trois semaines avant par Asger lui-même) gravement falsifiée. Toute l’argumentation d’Asger était fondée sur la nécessité impérative – pour lui – de « faire plaisir à Gallizio ». (Naturellement Michèle ignorait que nous nous sommes expliqués à Albisola sur les intentions d’Asger relatives à ces deux monographies.) Par contre il a trouvé très bien mon texte destiné à ta monographie2. Cela s’explique. Il ne souhaite plus tellement te faire plaisir, il espère plutôt que tu seras mécontent de moi (puisque dans ce texte je parle du jeu, et pas de ta peinture). Enfin, les petites misères picturales et milanaises se poursuivront tant que nous ne serons pas devenus plus forts. Au contraire, Ralph paraît excusable : il m’a envoyé l’avis d’une exposition de ses tableaux, qui se tient en ce moment à Londres. Il dit qu’il va passer bientôt à Paris. On verra. Je téléphone à Klein aujourd’hui. 1. Éloge de Pinot Gallizio, par Michèle Bernstein. 2. Monographie qui n’a pas paru, dont il nous reste les notes « Sur le hasard » (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 296). J’espère pouvoir t’envoyer dans deux ou trois jours un premier exemplaire de mon Rapport. J’attends les textes que je dois traduire en français. (Il serait bon d’y joindre cet écrit théorique sur la musique, dont Olmo m’a parlé.) Amicalement à Elena et à toi, Guy À Ralph Rumney 18 juin Cher Ralph, Il n’est pas regrettable que tu n’aies pu passer me voir le 31 mai, car j’avais dû moi-même partir avant cette date. Mais maintenant, il est assez nécessaire que je te rencontre pour que nous parlions de l’état actuel de nos affaires. Je viens d’assister en Italie à une réunion très utile, je crois. Je suis certainement à Paris jusqu’à la fin de juin. Il serait bon, par conséquent, que tu viennes en ce moment. Si tu veux, tu peux dormir dans ma mansarde. Cordialement, Guy P.-S. : N’oublie pas de m’apporter une toile avec beaucoup de ronds blancs. À Marcel Mariën Mardi [18 juin] Mon cher Mariën, J’ai été heureux de trouver ici votre carte de jeudi. Oui, c’est bien mille exemplaires qu’il fallait. Je pense que l’imprimeur finit, ou presque, ses travaux quand vous recevez ce mot. Envoyez-moi, s’il vous plaît, dix exemplaires en paquet séparé (en imprimés, sous enveloppe, plutôt). Je dois répartir au plus vite ce petit nombre et je crains que la douane ne retarde les gros paquets un ou deux jours, dans le meilleur des cas. Merci encore. Cordialement, G.-E. Debord À Marcel Mariën Mercredi [19 juin] Mon cher Mariën, J’ai oublié de vous dire hier que la rue du Dragon avait promis à Michèle que votre annonce1 passerait dans le prochain numéro2, c’est-à-dire maintenant celui de demain. Nous vérifierons cela, et s’il y avait encore un retard, nous interviendrions sans délai par la persuasion ou la menace. Bien cordialement, G.-E. Debord 1. Pour la sortie du livre de Marcel Mariën. 2. De la Bibliographie de la France. À Yves Klein Jeudi [20 juin] Mon cher Yves, Des rencontres imprévues m’empêchent, à mon grand regret, de passer chez toi ce soir à l’heure convenue. Je te prie de m’en excuser. Je te ferai signe après ton voyage en Angleterre. Cordialement, Guy À Marcel Mariën, Dimanche 23 juin Mon cher Mariën, Je suis désolé que cette maudite brochure1 vous impose tant de démarches. Enfin, l’espoir luit de voir achevé ce monument. Surtout, pensez à m’expédier les dix premiers exemplaires qui se trouveront agrafés par la voie postale la plus rapide (exprès, avion?). Mes traducteurs2 rongent leur frein. En effet, nous avons prévu des versions en anglais, en italien et en arabe, qui seront naturellement bien plus belles que le texte original. Chez Morel3 on annonçait, vendredi, qu’à la parution de l’annonce dans l’Observateur, dix exemplaires seulement étaient vendus! Mais, paraît-il, pour vendre votre livre Morel ne compte guère sur l’Observateur mais sur l’annonce dans Bibliographie de la France qui devait paraître hier. 1. Rapport sur la construction des situations… 2. Sergio Corino et Augusta Rivabella, pour l’italien. 3. Diffuseur du livre de Marcel Mariën. Votre lettre-exprès, que je reçois à l’instant, m’étonne beaucoup. Le mot de sabotage n’est pas trop fort si les cent exemplaires en souffrance étaient les seuls expédiés en France. Mais alors Morel mentirait même en parlant de cette malheureuse vente de dix exemplaires ? Nous allons essayer d’éclaircir la situation dès demain matin, lundi. En fin de compte le retard dans la diffusion, par rapport à la publicité faite, aura été très néfaste même si Morel commence à déployer quelque activité la semaine prochaine. Ce à quoi nous veillerons. Bien cordialement, G.-E. Debord À Piero Simondo Vendredi 28 juin Cher Piero, Après beaucoup de retard de l’imprimeur belge, c’est seulement aujourd’hui que je commence à recevoir mon Rapport. Je t’envoie un premier exemplaire immédiatement, car je n’en ai encore que quelquesuns : dans quelques jours je t’en enverrai une dizaine d’autres. J’ai hâte de lire ta « Postface méthodologique ». (Je vois maintenant quels développements méthodologiques j’aurais pu moi-même y introduire, mais ce texte était déjà presque entièrement rédigé quand nous nous sommes rencontrés en février à Paris. Et je crois que l’intervention d’un autre rédacteur à ce propos contribuera mieux à l’apparence critique scientifique que nous voulons donner à Eristica.) Gallizio m’a envoyé des photos à transmettre à Copenhague. Et un texte sur les nouvelles techniques chimiques dans la peinture, que je traduis. Je crois que cela aussi serait bon pour Eristica parmi les textes en français. Gallizio m’apprend que le professeur Gege Cocito, de l’université de Turin, va construire une machine pour les expériences sonores d’Olmo : la machine s’appellera Tereminofono1. J’attends Ralph ici le 1er août. J’ai vu Klein, mais trop brièvement pour discuter avec lui : il partait le lendemain pour un court séjour à Londres, et il est venu me chercher tard dans la soirée, dans un bar, de sorte qu’il n’a pu que continuer à boire avec nous. Je n’ai aucune nouvelle d’Asger. Et toi? Ci-joint un «manifeste2 » envoyé à l’I.L., rue Montagne-Geneviève, qui prouve que Baj a réussi à mettre la main sur quelques nouveaux imbéciles. À bientôt – je pense t’écrire la date exacte dans une quinzaine de jours –, amicalement à Elena et à toi, Guy 1. Cf. Correspondance, vol. I, p. 16, note 6. 2. Contro lo stile, rédigé par Enrico Baj et Sergio Dangelo (cf. Potlatch, no 29 : « On prend les mêmes et on continue ou La Vita nova »). À Marcel Mariën Lundi [1er juillet] Mon cher Mariën, Merci mille fois pour cette édition, dont je suis très content. La présentation est excellente. Les colis, bloqués à la douane, ont été promptement dégagés sans bourse délier après que nous ayons démontré (par quels artifices!) que le statut d’une telle brochure était juridiquement assimilé aux « services de presse ». Nous avons même réussi à faire la diffusion, in extremis, avant l’augmentation des tarifs postaux, effective depuis aujourd’hui. Par contre, j’ai de mauvaises nouvelles de votre livre. Le secrétariat de Morel nous répond finalement, vendredi, que, malgré leurs efforts, ils n’avaient pu retirer vos exemplaires en souffrance parce qu’il manquait un papier quelconque, qu’il vous aurait fallu leur envoyer avec ces colis – une justification commerciale, une facture, comment savoir? Eux-mêmes n’étaient sûrs de rien. Ils se sont engagés alors à me téléphoner dans la journée de samedi le fruit de leurs recherches : c’est-à-dire quel est précisément ce papier que vous devez leur faire parvenir. Mais ils ne m’ont aucunement téléphoné. Je pensais donc à les relancer aujourd’hui, mais il se trouve qu’ils chôment tous les lundis. Je vous envoie donc cette description de la malheureuse situation en suspens, et demain je pense tout de même leur faire cracher la réponse exacte, que je vous communiquerai aussitôt. Merci encore pour le Rapport. Amicalement, G.-E. Debord P.-S. : Vous pouvez envoyer quand vous voudrez le reste du tirage de ma brochure – en gardant naturellement la quantité d’exemplaires que vous jugerez utile de distribuer à vos amis. Et en même temps, dites-moi quelle somme je dois encore à votre imprimeur, et pour vos frais d’expédition. À Marcel Mariën Mercredi [3 juillet] Mon cher Mariën, Vous devez avoir déjà réglé l’incident Morel puisqu’il nous assure qu’il vous a écrit samedi dernier, en vous demandant de lui envoyer les factures nécessaires pour dédouaner votre livre. C’est maintenant que nous allons voir Morel à l’œuvre, car jusqu’à présent il me semble qu’aucune distribution n’a été faite dans les librairies. Dites-moi toujours quelles autres démarches pourraient éventuellement vous être utiles. Cordialement, G.-E. Debord À Piero Simondo 4 juillet Cher Piero, Voici, brièvement, les dernières nouvelles : j’ai rencontré Rumney et Alloway1. Ils m’ont montré le texte anglais d’un nouveau manifeste de l’art nucléaire, intitulé La Fin du style. En ce moment, Baj réunit des signatures pour ce texte, qui est naturellement idiot. Baj a demandé à Rumney – et à Asger – de contresigner son manifeste (ce qui proclamerait sans équivoque qu’ils se rangent parmi les peintres nucléaires). 1. Lawrence Alloway, directeur de l’Institute of Contemporary Arts de Londres, de 1955 à 1960. Rumney a refusé, et a rompu complètement avec Baj, dit-il. Alloway et Rumney répondent au manifeste nucléaire par une mise au point brève et sévère qu’ils ont intitulée La Fin de l’avant-garde. Ils m’ont demandé de signer leur texte. Il m’était impossible d’y introduire des modifications plus constructives car ils avaient déjà réuni plusieurs signatures en Angleterre sur la base de leur premier projet. J’ai fait cependant supprimer dans leur texte toutes les références à des œuvres personnelles (Klein, Jorn, etc.) et je leur ai permis d’y ajouter ta signature et la mienne. Je leur ai dit qu’ils pouvaient évidemment disposer aussi de la signature d’Asger à condition de l’en avertir immédiatement : en effet Rumney craint qu’Asger ne signe le manifeste de Baj, ce qui ferait un effet vraiment déplorable. Rumney pense que ce texte est, pour notre action en Angleterre, un préliminaire utile du point de vue idéologique – ce qui est très discutable – mais à coup sûr c’est un obstacle au développement de l’art nucléaire hors de Milan. C’est pourquoi il voulait avoir des noms représentatifs internationaux. Le manifeste nucléaire, pratiquement, est une tentative pour réunir autour de Baj tous les peintres qu’il a connus ces dernières années. Il y a en particulier une lourde manœuvre pour s’annexer Yves Klein – qui va contresigner la réponse des Anglais. Rumney part maintenant pour Venise. Il viendra nous voir à Cosio2 (Klein passera peut-être aussi) et à partir d’octobre il habitera en permanence à Paris. Je ne sais pas encore la date de mon arrivée à Cosio : assez probablement vers le 20-25 juillet. Nous avons beaucoup de questions à envisager ensemble. Tout ce que j’apprends ici me montre la nécessité d’une organisation clairement définie, de toute urgence. Très amicalement à Elena et à toi. J’espère te lire bientôt, Guy 2. Cosio d’Arroscia, dans les Alpes de Ligurie, où sera fondée l’Internationale situationniste le 28 juillet 1957. P.-S. : Pas de nouvelles d’Asger, ni des travaux du Danemark sur lesquels il est certainement renseigné. À Asger Jorn 8 juillet 57 Cher Asger, D’accord. J’enverrai à « Selandia1» le montage des photos et des légendes dès que j’aurai reçu la notice biographique de Piero. Il est absolument nécessaire que toutes les épreuves des deux monographies soient corrigées par moi – ou un autre Français – et surtout les titres écrits par nos amis d’Alba sur les revers de la majorité des reproductions (celles que nous avons portées nous-mêmes à Copenhague). Écris à Selandia pour demander qu’ils envoient simultanément deux jeux d’épreuves : l’un chez moi à Paris; l’autre chez Piero à Cosio d’Arroscia. En procédant ainsi, je suis sûr de pouvoir les corriger immédiatement, quelle que soit la date de l’envoi. Je suis désolé pour les fautes dans La Roue de la fortune2. Il me semble que pour un livre si cher, et qui est en chantier depuis huit ans, cela valait la peine de perdre huit jours de plus pour avoir un texte présentable. Peux-tu m’envoyer un exemplaire de la carte psychogéographique 3 ? Ici, je n’ai rien reçu. Oui, je veux bien que Dahlmann Olsen4 apporte les clichés pour moi en Italie. As-tu des exemplaires de Fin de Copenhague 5 ? Peut-être est-il encore temps de demander une épreuve des quelques lignes que Permild devait faire imprimer (le titre, la justification du tirage). J’ai vu Ralph ici la semaine dernière, avec Alloway. Cela va très bien. Je serai à Cosio entre le 25 juillet et le 10 août, à peu près. Ralph passera entre le 25 et le 30 juillet à Cosio. C’est vers ce moment que nous devrions tous nous y rencontrer, je pense. J’espère que tu es content de mon Rapport? À bientôt. Amicalement, Guy 1. L’imprimerie Selandia Bogtrykkiri. 2. Les Cornes d’or et La Roue de la fortune, d’Asger Jorn, édités à Copenhague en 1957. 3. Guide psychogéographique de Paris, Discours sur les passions de l’amour, de Guy Debord (imprimé au Danemark). 4. Robert Dahlmann Olsen, cf. Correspondance, vol. I, p. 206, note 1. 5. Fin de Copenhague, livre expérimental d’Asger Jorn et Guy Debord (comme « conseiller technique pour le détournement »), Copenhague, mai 1957. À Pinot Gallizio Jeudi 11 juillet Cher Pinot, Je me suis occupé de ta monographie1, pour laquelle j’avais reçu d’Asger des instructions et trois autres clichés. J’ai été certainement incapable de traduire justement les mots vinilico 2 et ureico3. Il faudra corriger sur les épreuves qui seront envoyées en Italie. Je pense arriver à Cosio, avec Michèle, le 22 juillet. Entre le 25 juillet et la fin du mois, Ralph Rumney doit aussi passer à Cosio. Je pense que tu pourras venir à ce moment-là. Je te prie d’apporter à Cosio La Grand’ Peur4, encadrée et emballée aussi bien qu’il est possible. Michèle l’emportera en France dans les premiers jours d’août. Très amicalement. À bientôt, Guy 1. L’Œuvre peint de G. Pinot Gallizio, précédé d’un Éloge par Michèle Bernstein, annoncé en 1957, ne paraîtra qu’en juillet 1960, édité par la Bibliothèque d’Alexandrie. 2. Vinylique. 3. Résine uréique. 4. Tableau de Giuseppe Pinot Gallizio (technique mixte et collage sur masonite) de 1956. P.-S. : Je n’ai pu encore récupérer les revues pour toi, mais j’y pense. À Piero Simondo 12 juillet 57 Cher Piero, Je fais immédiatement le nécessaire pour ta monographie. Celle de Gallizio est déjà envoyée à Copenhague. Je suis, moi aussi, contre tout recommencement de l’« Incontro d’Albisola1 ». J’ai traduit maintenant le texte de Gallizio2 et je découvre qu’il est beaucoup trop tourné vers la plaisanterie; et qu’il n’y a presque pas de renseignements techniques réels. Il est vrai que Gallizio m’avait autorisé à y introduire les corrections qui nous paraîtraient bonnes. J’ai reçu ce matin un « Rapport », ronéotypé, d’Olmo3 – à propos de la musique. Je n’ai pas encore le temps de le lire. Comme je te l’ai écrit hier, nous arriverons à Cosio le lundi 22. J’attends ta réponse sur les conditions climatiques. Bien amicalement, Guy 1. « Rencontre d’Albisola » organisée par Asger Jorn en 1955. 2. Petit Essai burlesque de science-fiction sur le baroque (lettre de Gallizio à Guy Debord du 14 juin 1957). 3. « Rapport d’information sur : Comment on ne comprend pas l’art musical. Mort et transfiguration – aux critiques – de l’esthétique ». À Verner O. Permild Paris, le 15 juillet 1957 Cher Permild, J’ai reçu aujourd’hui le plan psychogéographique. C’est très bien. Grand merci à vous. Je vous remercie également pour Fin de Copenhague qui est très beau. Pouvez-vous m’envoyer dix exemplaires à Paris ? Je dois voir Asger Jorn en Italie la semaine prochaine. Très amicalement à vous, Guy Debord LETTRES RETROUVÉES Au maire de la commune de Cosio d’Arroscia Cosio d’Arroscia, 2 août 1957 Les soussignés, Guy-E. Debord, de nationalité française, de profession cinéaste, Piero Simondo, de nationalité italienne, de profession peintre, déclarent avoir été interrogés publiquement de façon insolente et arbitraire par l’agent des carabiniers en service à Cosio d’Arroscia, ce jour, 2 août 1957, à 16 heures 30, sur la place San Sebastiano, et en conséquence demandent à Monsieur le maire de bien vouloir obtenir de la gendarmerie locale des explications et des excuses. L’interrogation arbitraire concernant le lieu où se sont déplacés Messieurs Ralph Rumney, anglais de profession journaliste, et Asger Jorn, danois de profession peintre. Messieurs Debord, Rumney, Jorn, au cas où ils ne recevraient pas de réponse satisfaisante, se déclarent disposés à demander des explications par l’intermédiaire de leur consulat respectif. Avec nos remerciements respectueux, Piero Simondo, G.-E. Debord Lettre sur papier à en tête de la commune de Cosio d’Arroscia, province d’Imperia. À Giuseppe Pinot Gallizio 28 juillet 1958 28 juillet 1957 – 28 juillet 1958 L’I.S. a un an ! Toutes nos félicitations. Guy, A. J. Carte postale (archives Pinot Gallizio). À Patrick Straram [Fin 1958] Quand j’ai reçu ta dernière lettre, j’étais à Amsterdam, où je n’avais pas ton adresse. J’ai donc adressé ma réponse1 à la poste restante de Montréal. Bien à toi, Guy Collage sur carte postale : trois parachutistes sur une vue aérienne de Paris (fonds Patrick Straram, Québec). 1. Le 12 novembre 1958 (cf. Correspondance, vol. I, p. 158). À André Mrugalski1 Mardi, 11 heures, au Mabillon [5 mai 1959] Cher André, J’ai pensé hier, après ton départ, que tu étais certainement trop déprimé par les faiblesses du travelling. Je suis très content de l’ensemble de ton travail. Et je pense que tu dois, toi aussi, en être content. Si nous faisions, dans des conditions normales, du cinéma classique, je devrais te donner les moyens de recommencer le travelling en éliminant les erreurs que nous avons découvertes à l’expérience, et qui tenaient des multiples difficultés de ce plan (proximité du rail, achèvement en pano [ramique] , insuffisance de la régie quant au service d’ordre). Mais, dans la perspective généralement délirante – rebelle à toutes les lois du cinéma – où j’ai placé mon film, je peux te dire que les images de ce travelling sont très utilisables, et me plaisent. C’est-à-dire que je les utiliserai, avec un montage absolument prohibé (mais nécessaire en tout cas à quelques endroits du film) et qu’il sera impossible de savoir si j’ai ou non délibérément gâché et humilié un beau mouvement parfaitement classique du cinéma. Compte sur moi. Le seul changement pour toi sera dans ce que tu présentes au Centre2. Dans le bout-à-bout tu peux supprimer ce travelling – ou présenter telle quelle la quatrième version, pas déshonorante mais peu brillante – ou, si tu préfères, présenter mon montage de cette séquence en te plaignant amèrement que j’ai démoli, à cause de mes présuppositions esthétiques spéciales, un très beau morceau. Je pense être encore à Paris demain. Veux-tu me téléphoner vers le début de la soirée ? Amitiés, Guy Lettre manuscrite communiquée par Enrico Ghezzi (cf. Guy Debord [contro] il cinema, Editrice Il Castoro). 1. André Mrugalski, chef opérateur de Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps. 2. Centre national du cinéma. À Har Oudejans1 Le 11 mai 59 Cher Har, Je me permets de te rappeler l’extrême urgence de l’envoi de la bande magnétique2 que tu m’as promise. J’ai déjà écrit à Constant à ce propos. Je m’adresse maintenant directement à toi, car il serait nécessaire de me l’expédier avant la fin de cette semaine. D’autre part, Jorn a rencontré à Paris Sandberg3. Il veut exposer à Amsterdam la peinture industrielle de Gallizio, mais ceci entrant dans le cadre de la construction d’une ambiance – avec une organisation de l’espace, des murs – pour laquelle Sandberg demande un projet très précis. Cela va être votre affaire, à Amsterdam. Dans l’immédiat, Jorn et Gallizio demandent s’il te serait possible de passer par Paris pour voir l’installation déjà faite chez Drouin4, afin que tu puisses en mesurer les dimensions et proportions. Cette exposition ouvre le mercredi 13 mai et durera jusqu’au mercredi suivant. J’espère avoir vite de tes nouvelles. Mes amitiés à toi, ainsi qu’à Constant et Armando5. Guy Lettre exprès, à l’en-tête de la section française de l’Internationale situationniste. 1. Har Oudejans, architecte néerlandais membre de l’Internationale situationniste. Les lettres qui lui sont adressées dans ce volume nous ont été communiquées par M. Marcel Hummelink. 2. Message de l’Internationale situationniste, enregistré peu avant le tournage de Sur le passage… (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit, p. 464-469). 3. Wilhem Sandberg, d’Amsterdam. directeur du Stedelijk Museum 4. Exposition La Caverne de l’antimatière, galerie René Drouin, Paris, mai 1959 (cf. Correspondance, vol. I, p. 228, note 2). 5. Armando, situationniste de la section hollandaise. À Har Oudejans 15 mai [1959] Cher Har, Merci beaucoup pour la bande magnétique, que j’ai reçue. J’espère que je rencontrerai Alberts1 ces jours-ci. Mais en tout cas je viendrai à Amsterdam aussitôt que possible (au début du mois de juin) pour travailler avec vous sur nos divers projets. Amitiés à tous, Guy 1. Anton Alberts, architecte néerlandais membre de l’Internationale situationniste, exclu avec Oudejans en 1960 pour avoir accepté de construire une église (cf. I.S. no 4, p. 13). À Har Oudejans 2 juin 1959 Une chambre de rue qui attend une restauration complète. Nos amitiés, Guy, Maurice et Rob [Wyckaert] Carte postale envoyée d’Anvers : « Place Reine Astrid et Gare centrale ». À Har Oudejans Paris, le 9 juin 59 Cher Har, Pour le prochain numéro1 de notre revue qui doit être, comme tu sais, consacré en majeure partie à l’urbanisme unitaire, j’aimerais avoir – à côté des considérations théoriques plus générales – un article consacré à l’étude précise et aux propositions de modification pour le centre d’Amsterdam. Je pense que tu pourrais écrire cet article – par exemple en collaboration avec Alberts, et si ta répugnance pour la description des projets ne va pas trop loin ? Ce texte pourrait être illustré par la photo aérienne que nous avons vue ensemble, et aussi par des plans et des schémas que tu pourrais faire (comme à propos de la décentralisation par triples secteurs). Il devrait me parvenir avant la fin du mois d’août. À bientôt. Et très amicalement à toi. Meilleurs souvenirs à Clémentine. Guy P.-S. : Pense à m’envoyer les photos du groupe2. Merci. 1. I.S. no 3. 2. Photos de la Conférence de Munich (17-20 avril 1959). À Chantal Delattre1 23 juillet 1959 Chère Chantal, Nous en sommes toujours au même point. Donc pas question que tu rentres – surtout de si loin. Nous commencerons le montage le 15 septembre, avec ou sans les films américains. Comme il y aura sans doute quelques détails à régler un peu avant cette date, fais-moi signe quand tu seras revenue à Paris. Bonnes vacances. Amicalement, Guy Carte postale communiquée par Enrico Ghezzi, représentant des tanks en ordre de bataille. 1. Monteuse de Sur le passage…, et, en 1961, de Critique de la séparation. À Hans-Peter Zimmer1 Mercredi soir [18 novembre 1959] Cher Hans-Peter, Je viens à Munich, et j’espère te rencontrer – ainsi que tous les autres amis de Spur – ce samedi 21 novembre à 11 heures du matin, au café de la Maximilianstrasse : La Coulisse. Amicalement, Guy Texte français d’une lettre envoyée en italien, sur papier à en-tête de l’Internationale situationniste. 1. Hans-Peter Zimmer (1936-1992), situationniste allemand du groupe Spur. À Har Oudejans et Anton Alberts 2 février 1960 Félicitations multiples pour le plan du labyrinthe1. À bientôt, G.-E. Debord À Giuseppe Pinot Gallizio Mardi 26 avril [1960] Cher Pinot, Tout est arrangé pour sortir, en même temps que tu fais ton exposition d’Amsterdam, ta monographie1 – qui a tant attendu. Elle sera imprimée par Sandberg, et les instructions ont été envoyées pour faire venir tous les clichés de Copenhague. On espère que la peinture est en route, et arrivera suffisamment vite. C’est le seul problème. Bien amicalement, Guy Provenance archives Pinot Gallizio. 1. Cf. I.S. no 4, p. 5-7. 1. La monographie de Pinot Gallizio paraîtra à l’occasion de son exclusion, le 20 juillet 1960. À Wilhem Sandberg Paris, le 13 mai 1960 Cher Monsieur, Veuillez trouver ci-joint les dernières photographies à reproduire pour la monographie de Pinot Gallizio. Celle qui représente le cadavre surréaliste est à intercaler dans le texte d’Asger Jorn, immédiatement après son premier paragraphe. Si nous sommes prévenus du jour où vous aurez toutes les épreuves (des textes et des clichés) je viendrai en Hollande ce jour-là pour la correction des épreuves en français, et la mise en page – ainsi que la rédaction des légendes qui manquent encore. Pour le papier, nous préférerions que toute la monographie fût imprimée sur un même papier, ce papier étant si possible semblable à celui utilisé pour Constant1. Veuillez agréer, cher Monsieur, mes salutations distinguées. G.-E. Debord 2 Lettre signalée par M. Hummelink. 1. Dont une monographie avait paru en 1959. 2. À la suite, mot ajouté par Jorn : « Cher Mr. Sandberg, Voici encore un peut de matière pour le catalogue. Nous serions très content si nous pourrions venir et assister à l’arrangement définitif du monographie qui est évidemment d’un caractère assez différent d’un catalogue d’œuvres et qui représente plutot une illustration d’une serie d’ambiances. Bien amicalement, Asger Jorn. » À Giors Melanotte1 [25 juillet 1960] Cher ami, J’ai appris, malheureusement, que vous êtes à Paris précisément au moment où je rentre de voyage pour un bref retour – si je puis dire – car je dois immédiatement repartir. Texte français d’une lettre envoyée en italien. 1. Giors Melanotte, fils de Giuseppe Pinot Gallizio, tous deux exclus de l’I.S. à l’été 1960. Ces jours-ci, je ne suis pas vraiment à Paris, mais dans la partie septentrionale d’Aubervilliers, où nous sommes engagés dans une opération psychogéographique – que l’on appelle « dérive ». J’ignore quand cette opération s’arrêtera, et cela ne dépend pas de moi. Je vous écrirai le plus vite possible dès que ce petit travail sera terminé. Meilleurs souvenirs, G.-E. Debord À Patrick Straram 7 août 1960 On t’a fait envoyer les quatre Durrell1 par Corrêa. Pour le cas où quelqu’un de vous serait en Europe en temps utile, on peut joindre la Conférence situationniste les 24, 25, 26, 27 et 28 septembre par l’Institute of Contemporary Arts, 17-18 Dover Street, London W 1 (téléphone GROvenor 61 86). Salut bien Guy Carte postale envoyée de Munich (fonds Patrick Straram). 1. Le Quatuor d’Alexandrie, de Lawrence Durrell (Éditions Corrêa). À Chantal Delattre 7 novembre 1960 Dans ce beau décor1, on médite sans précipitation le montage2. Amitiés, Guy Carte postale communiquée par Enrico Ghezzi. 1. Vue ancienne d’une rue d’Alsemberg. 2. Montage de Critique de la séparation. À Jacqueline de Jong1 10 décembre 60 Chère Jacqueline, Réunion du Conseil : au soir du jeudi 5 janvier à Paris (la revue2 aura paru avant la fin de décembre). Tout le monde souhaite vivement ta présence. Amène un rapport sur la fabrication de Situationist Times3, avancée ou non. À bientôt, Guy P.-S. : Les nouvelles remarquables sont en bon nombre. 1. Jacqueline de Jong, membre de la section hollandaise de l’I.S. 2. I.S. no 5. 3. Projet d’une revue anglaise. À Jacqueline de Jong Vendredi [6 janvier 1961] Chère Jacqueline, On a espéré cette semaine le coup de téléphone promis. Et te voir. Mais sans succès. Donc je précise maintenant que la réunion situationniste est demain matin à 11 heures au 129, boulevard St-Germain (salle Viger, au rez-de-chaussée). Amitiés, Guy À Uwe Lausen1 Paris, 21 juillet [1961] Cher Uwe, Merci de ta lettre, qui est très intéressante. Naturellement nous devons reprendre l’examen de l’esprit anarchiste – et même de ceux que l’on a appelés les socialistes utopiques (surtout le fouriérisme) – , et de toute la riche complexité des possibles qui a existé au moment du rassemblement de la Première Internationale. J’espère que tu pourras traduire Préliminaires2 en allemand pour Ludus-43. Je t’écrirai plus tard si nous avons, ici ou à Bruxelles, une possibilité de faire exécuter cette traduction par un spécialiste; dont tu aurais seulement à revoir la version allemande. Ce serait moins fatigant. Fonds Archiv Lausen, Ashhofen (les copies des trois documents suivants nous ont été communiquées par Selima Niggl). 1. Uwe Lausen (1941-1970), situationniste de la section allemande. 2. Préliminaires pour une définition de l’unité du programme révolutionnaire, de P. Canjuers et G.-E. Debord (20 juillet 1960). 3. Publication du groupe Ludus. L’idée d’avoir un local pour Ludus est excellente. Je crois qu’il faut te signaler deux points à examiner. À propos de la revue, ton entreprise de « noyautage » pour la formation d’un groupe révolutionnaire complet ne peut réussir que si le contenu de Ludus évolue très rapidement – dès le numéro 4 – vers des textes plus avancés, et plus précis. Les camarades de Ludus doivent être placés devant le problème d’approuver, ou non, nettement, certaines théories et certains textes situationnistes – et, si possible, de prendre ouvertement parti pour les perspectives situationnistes; même si plusieurs restent en dehors de l’I.S. comme individus. Autrement, vous serez toujours battus sur le terrain de l’avant-garde par la revue Spur 4 au moins à cause de son no 5. Le deuxième point est lié au premier. Je t’en ai déjà parlé à Paris. Il est très juste, et très souhaitable, que la section allemande de l’I.S. s’étende à l’extérieur du groupe Spur (comme groupe d’artistes plastiques) ; que certains situationnistes allemands se différencient de Spur, ou même lancent d’autres publications, en dehors de la revue Spur. Mais ceci ne doit pas devenir une opposition et une séparation complète. Si les groupes Spur et Ludus apparaissaient complètement à l’écart l’un de l’autre, et même rivaux sur le plan public en Allemagne, l’I.S. serait probablement amenée à choisir l’un contre l’autre. Et il serait aussi dommage d’abandonner une des possibilités que l’autre; alors qu’un véritable travail situationniste en Allemagne dépend certainement du dépassement de ces deux stades existant actuellement, par leur fusion. Je crois que tu dois absolument obtenir d’un « spuriste classique » (Kunzelmann, ou même Zimmer) une participation au groupe Ludus en tant que situationniste qui serait détaché, avec toi, dans ce travail. Nous examinerons ceci à Göteborg5. Il est sûr que si tous les spuristes, par exemple, refusaient cette participation, c’est eux qui auraient tort. Mais le péril de cette division de nos 4. Spur, revue de la section allemande de l’I.S. dont le premier numéro a paru en août 1960. 5. En Suède, où allait se tenir la Ve Conférence de l’I.S. forces à Munich est d’abord qu’il n’y ait plus de jeunes révolutionnaires dans notre vieux groupe Spur, pour l’obliger à aller encore un peu en avant. Il faudra être à Göteborg entre le 15 et le 30 septembre, à une date qui sera précisément choisie dans peu de temps, et que nous te communiquerons. Amitiés, Guy P.-S. : Ci-joint deux documents : des situationnistes belges opérant secrètement sur le terrain politique – et de pré-situationnistes anglais ? On va voir. À Uwe Lausen 27 juillet 61 Cher Uwe, J’apprends des Suédois que la Conférence de l’I.S. commencera le 28 août à Göteborg. Arrange-toi pour être là à cette date ! Je te préciserai plus tard le point de rendez-vous à Göteborg. Écris-moi en français. En ce moment, il n’y a, à Paris, aucun situationniste traducteur. Je voudrais encore quelques exemplaires de Ludus et du Juli-Manifest, et une traduction française de ce manifeste1. Merci. Amitiés, Guy Carte postale. 1. Traduction du tract Juli-Manifest für die Phantasie, publié par le « gruppe Ludus ». À Uwe Lausen Göteborg, 30 août [1961] Cher Uwe, Nous avons été très contents de ta lettre : pour la forme aussi bien que pour le contenu. La Conférence se termine avec beaucoup de décisions de travail progressiste (et d’abord pour faire avancer les « spuristes » jusqu’à un point suffisamment révolutionnaire, c’est-à-dire totalement) qui doit être réalisé vite. Tu es nommé par la Conférence membre du conseil central de l’I.S. (les autres étant Kotányi, Kunzelmann, Vaneigem, Elde, Nash et moi-même). C’est un bon conseil central. À bientôt. Amicalement, Guy Carte postale du Göteborgs Konstmuseum. À Alexander Trocchi 13 juin 62 Cher Alex, La vente1 a été signée hier. Grâce à l’honnête imbécillité de Beaucé, j’ai pu contrer la manœuvre qui essayait de soustraire quarante ou cinquante mille francs de charges anciennes, et tu auras donc les trois cent mille intégralement. Je crois que chez ce notaire tu n’avais que des ennemis, parce que tu leur avais écrit autrefois une lettre insultante, et parce qu’ils n’aiment pas la drogue, et parce qu’ils ont une certaine tendresse pour la société existante qui est incompatible avec l’anarchie, etc. L’atmosphère était assez amusante, mais seulement pour moi. L’argent sera disponible dans un délai d’un mois (qui est effectivement le délai normal après toute vente) MAIS attention : tu dois aller à ta banque anglaise et lui demander qu’elle désigne une banque française avec qui elle est en correspondance (en osmose?) pour le transfert de l’argent. En effet, ce transfert est accepté par l’Office des changes ici. Mais le notaire ne peut verser cet argent qu’à une banque française agréée par cet Office, qui doit donc être désignée par ta banque londonienne. Donc, va tout de suite à cette banque, et veille à ce qu’elle communique le nom de la banque correspondante française à Laverne tout de suite (et, pour plus de sûreté, note toi-même et envoie-moi le nom de cette banque pour que je confirme chez le notaire). Ainsi, il me semble que tu ne perdrais pas de temps supplémentaire et que tu aurais l’argent dans 30-40 jours au plus. Demain, on téléphonera à Yordan2. Je rappelle l’urgence relative pour l’envoi de ton article3. J’ai pensé à une question éditoriale tout à fait indépendante des autres, qui ne coûterait pas trop de fatigues supplémentaires : aurait-on des chances en présentant à un éditeur anglais ou U.S. un recueil de certains articles et notes déjà publiés par l’I.S., pour qu’il en fasse la traduction et l’édition comme petit livre d’essais sur la révolution culturelle qui commence ? Qu’en penses-tu ? À bientôt, Guy Les lettres à Alexander Trocchi, communiquées par John Mac Hale, proviennent de la Washington University in St. Louis (Missouri). 1. D’un bien immobilier (studio). 2. Philip Yordan (1914-2003), co-scénariste de nombreux films, dont il a prétendu être le seul auteur (comme pour Johnny Guitar). Son projet d’adapter au cinéma le livre de Trocchi, Young Adam, n’aboutira pas. 3. «Technique du coup du monde » (cf. I.S. no 8, p. 48-56). À Alexander Trocchi Vendredi [15 juin 1962] Cher Alex, Michèle a téléphoné hier chez Yordan. Il y avait seulement sa femme, qui dit qu’il est encore en voyage (avec peu de cordialité). L’impression de Michèle est que c’est faux. Michèle a expliqué à la femme : que tu avais commencé le travail en question, qui même se présente bien. Mais que tu vois s’approcher des difficultés d’argent maintenant. Que tu demandes si le contrat est effectif ou non. Que, si oui, il te faudrait assez vite de l’argent. Elle a noté notre numéro de téléphone, disant que Yordan rappellerait à son retour. Si cela n’est pas fait lundi, on pense lui envoyer par la poste tes deux lettres ? Conclusion : on est dans le doute. C’est tout de même un peu suspect. La suite, prochainement. Pense à la banque à nous désigner. Et à ce que tu dois envoyer vite : livre et article. À bientôt, Guy À Alexander Trocchi Jeudi soir [21 juin 1962] Cher Alex, Je précise, vite, l’affaire Yordan. Mickey Knox1 est en Italie, depuis deux mois, donc malheureusement inutilisable pour cette affaire. Un premier appel téléphonique chez Yordan, il y a environ dix jours, donne : il est en Espagne2, mais sera à Paris le prochain jeudi (il y a exactement une semaine). Ce jour, Michèle téléphone. La femme de Yordan répond qu’il n’est pas là (ce qui semble faux, à la manière dont c’est dit). Elle note que c’est une communication à propos de toi. Elle note aussi notre téléphone, disant que Yordan rappellera quand il sera là. Quatre jours après, toujours rien. Michèle envoie alors les doubles de tes deux lettres (à Yordan) – avec un mot précisant que tu voulais lui faire remettre ces doubles pour le cas où les originaux ne l’auraient pas atteint en Espagne. Aucune réponse depuis, chez nous. Tu vois donc que nous n’avons pu apporter aucun élément nouveau, ni positif ni négatif. Parce qu’il n’y avait aucune ouverture pour le joindre directement. Il doit donc toujours être sur les termes de vos conversations – et de tes deux lettres qu’il a maintenant certainement lues. Cependant on peut tirer de son abstention prolongée, et de la difficulté même à le joindre, une certaine inquiétude ! Son adresse à Paris – je ne sais si tu l’avais – est : 2, boulevard Suchet (16e arrondissement). Y est-il encore ? Mystère. Tu peux écrire ? Enfin, si tu veux, on peut nousmêmes essayer de mettre plus d’insistance dans la demande « oui ou non ? » – mais il me semble que c’est dans les plus mauvaises conditions diplomatiques. À bientôt, Guy 1. Mickey Knox, qui devait réaliser Young Adam. 2. Y ayant engagé Bernard Gordon sur le scénario de Day of the Triffids. P.-S. : Quand j’aurai l’adresse de la banque française, je confirmerai chez Laverne, pour qu’il n’ait plus aucune excuse à un nouveau retard. À Alexander Trocchi Lundi [25 juin 1962] Cher Alex, Je t’envoie aujourd’hui un paquet de cinquante de ces tracts1 que nous avons faits pour notre ami Uwe2. Le « comité de soutien », comme tu vois, est composé de nos plus grandes célébrités. J’espère que l’on peut obtenir, en Angleterre, l’intervention d’une ou deux personnalités importantes du monde culturel3 ? Le plus simple procédé d’intervention est d’écrire une lettre de protestation au président du tribunal. Cette affaire est un détail intéressant du problème général que nous avons déjà discuté ensemble : comment obtiendrons-nous une « couverture artistique » et culturelle assez solide, avant d’être assommés par les flics ? Dans les personnalités britanniques, il ne faut surtout pas compter Roland Penrose4, puisque ce salaud n’avait pas voulu prendre parti pour toi dans une affaire très semblable5. À bientôt, amicalement, Guy 1. Déclaration du 25 juin 1962, sur les procès contre l’I.S. en Allemagne fédérale (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 595). 2. Uwe Lausen, condamné le 5 juillet 1962 à trois semaines de prison. L’I.S. protestera par un tract, le 16 juillet 1962, dont le titre, Das Unbehagen in der Kultur, est repris de Freud. 3. Réponse d’Alexander Trocchi le 2 juillet : « En ce moment je suis très isolé ici à Londres […] En plus, il y avait pas beaucoup de temps entre l’arrivée des imprimés et le jugement à Munich. » 4. Roland Penrose, cf. Correspondance, vol. 2, p. 15-16. 5. Hands off Alexander Trocchi (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 534-535). À Raoul Vaneigem Jeudi 11 octobre 1962 Relisant ta lettre de la fin septembre (et à propos du dictionnaire 1) : oui, je pense comme toi qu’il faut y mettre des citations – au moins sur quelques concepts-clés, citations de l’I.S. et aussi des amis d’autrefois (Sade, etc.) –, et qu’il faudra aussi y glisser quelques exemples (anecdotes) sans abuser du procédé, et en atteignant une sécheresse absolue, dont l’exemple de Durruti est assez représentatif. Cf. aussi l’histoire d’Attila « Brunelleschi travaillait surtout à un plan de l’enfer. » Ou comment sont morts certains personnages (Néron ? Villiers de l’Isle-Adam ?) Dans deux jours, vous recevrez mon premier rassemblement de mots2. Amitiés, Guy Carte postale dont l’intitulé « Le palais du Louvre » est suivi d’un point d’interrogation ajouté. (Ces lettres supplémentaires nous ont été communiquées par Raoul Vaneigem.) 1. Projet d’un dictionnaire situationniste. 2. Que nous reproduisons ci-après. Aux rédacteurs de Notes critiques 1 Paris le 22 octobre 1962 Chers camarades, J’ai bien reçu votre lettre du 12 octobre (mais pas encore les deux bulletins que vous m’annonciez dans cette lettre). Nous sommes tout à fait d’accord pour un échange de nos publications. Je vous envoie aujourd’hui nos deux derniers numéros2. Vous aurez tous les autres à l’avenir. À la question que vous soulevez, la réponse est effectivement que nous ne voulons pas faire de l’opposition dans le seul domaine de l’art. Veuillez noter que notre nouvelle adresse est : B.P. 75-06, Paris. J’espère qu’après cet échange d’informations, nous pourrons développer plus ce dialogue. Bien amicalement, pour l’I.S. G. Debord Lettre à l’en-tête d’Internationale situationniste. 1. Notes critiques, cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 558. 2. Internationale Situationniste no 6 et 7. À Raoul Vaneigem [Début novembre 1962] Peux-tu me retrouver la citation exacte, où Marx dit (ou serait-ce Engels ? Je ne crois pas) qu’on ne peut comprendre la Sainte-Famille théologique qu’en voyant son rapport avec la famille sociale, et que la critique et la destruction des deux vont ensemble? (C’est peut-être à propos de Feuerbach1.) Merci d’avance. À bientôt. Carte postale « Le Comité de salut public (1793) ». À Eugène Bogaert1 [26 décembre 1962] Voilà les deux épreuves. Mais prière de me les renvoyer quand on aura retrouvé les clichés. J’en ai besoin pour la mise en page. J’attends aussi l’épreuve de la couverture Der Deutsche Gedanke2. Merci Debord 1. Réponse de Raoul Vaneigem: « […] mais pas dans les termes employés et signalés par toi. Je retranscris ci-dessous la thèse IV des Notes sur Feuerbach de Marx: […] » 1. Eugène Bogaert, imprimeur. 2. Organe de l’I.S. pour l’Europe centrale (directeur Raoul Vaneigem), dont l’unique numéro paraîtra en avril 1963. À Raoul Vaneigem Vendredi [25 janvier 1963] Cher Raoul, Comme je prévoyais le travail de l’imprimerie a traîné. Surtout du fait d’un typographe qui est l’anti-Vaneigem à l’état pur : il mettait des virgules partout. La revue1 ne sortira pas avant la fin de la semaine prochaine – 1er février à peu près. Patiente et fais patienter. Ausssitôt après, je pense venir en Belgique, où la couverture allemande2 m’aura précédé. Amitiés, Guy Carte postale de Paris. 1. I.S., no 8. 2. De Der Deutsche Gedanke, no 1. À Raoul Vaneigem Lundi [1er avril 1963] Cher Raoul, Je t’envoie dix exemplaires d’I.S. 8. Merci pour les dessins. C’est très beau. Michèle va t’écrire à propos des détails (pour ta rencontre avec l’artiste). À propos de L’Express, il est tout à fait exclu de répondre dans l’actualité, pour diverses raisons dont René pourra t’exposer quelques-unes (j’ai connu il y a longtemps ce Falcou1). Nous trouvons, bon an mal an, que ce genre de citation est un bon signe (le moment où les « spécialistes » commencent à vouloir valoriser leur spécialisation même de critiques modernes en montrant qu’ils connaissent ce qu’ils ont d’abord caché), et même sans doute publicitairement positif. Bien sûr, il est tout de même bon d’écrire un texte sur les « témoins de leur temps », mais pour le sortir avec plus de recul. Traitant alors ce thème «de quelle façon dérisoire est apparue l’I.S. dans la critique culturelle spécialisée – par rapport à tout ce qu’il y avait à en dire ». L’autre exemple sublime est ce numéro spécial des Lettres nouvelles (février 63) «Aspects présents de l’activité intellectuelle et artistique en France » où il n’y a aucune allusion à l’I.S. Il me semble que nous devrons faire passer cela à l’histoire, tout comme Nash ! Naturellement, en relisant ta lettre, je trouve que tu parlais de brochure « chez un éditeur honorable ». Je suis donc parfaitement d’accord. Le recul y sera. À propos de recul, comme les textes allemands de D.G.2 ne sont pas arrivés ici il y a trois jours, je n’ai maintenant plus d’Allemand sous la main pendant quinze jours. Mais, passé ce délai, je l’aurai de nouveau. Alors j’espère que les textes seront envoyés aussi à ce moment, sans que cela ait exigé une hâte excessive – par rapport au retard fixé d’abord au 25 mars. Uwe – en toute justice, qui n’est pas de ce monde – mériterait l’exclusion rien que pour nous avoir mis dans cette merde avec D.G., en se refusant finalement à tout travail, après avoir juré qu’il l’avait quasiment achevé. Je repousse à la fin d’avril la parution du document ronéotypé (qui pourra être quelque chose comme un document «sur la théorie, et sur les conditions pratiques de l’élaboration de la théorie », comportant « I.S. et spontanéité » plus deux autres choses) parce qu’il est maintenant devenu totalement invraisemblable et impossible que nous publiions quoi que ce soit avant de pouvoir annoncer que D.G. est enfin paru. J’espère qu’Attila n’a pas fait d’objections de principe à la solution que je proposais (je suis en tout cas en droit de l’espérer puisque je n’ai reçu aucune réponse en dix jours), et que les difficultés sont seulement dans le travail matériel. C’est encore bien trop… Amitiés, Guy 1. Hervé Falcou (cf. Le Marquis de Sade a des yeux de filles…, op. cit.) avait fait paraître dans L’Express du 28 mars 1963 un article intitulé «Aux yeux de l’Histoire », où il fait une critique railleuse des « revues en marge ». 2. Der Deutsche Gedanke. À Françoise Lung1 Mercredi [juin-juillet 1963] Chère Françoise, Merci pour la traduction2. Les camarades japonais parlent un anglais sommaire. La traduction ne risquait pas d’être trop littérale (on pourrait plutôt lui reprocher de ne pas l’être encore assez! Mais je peux corriger quelques points où s’embrouillent les notions de critique d’art, critique de l’art, etc.). Tant mieux si Jollivet3 se ranime. Oui, je connais la scission qui se prépare dans P.O.4. La tendance Barjot (Cardan)5 – Canjuers – Chatel représente la pire régression, le passage à un certain sociologisme respectueux (néo-Arguments), mais compliqué de prétentions révolutionnaires et d’un goût tardif et disgracié pour le modernisme et les « idées nouvelles » – alors qu’il leur sera certainement difficile maintenant d’en formuler une ou deux qui «leur appartiennent » (la sociologie d’une part, les gens style I.S. d’autre part, ont déjà fait un long chemin pendant qu’ils dormaient – même la carrière de Morin ou Lapassade est déjà trop assurée pour que Chatel vienne rivaliser avec eux). Photocopie d’une lettre manuscrite communiquée par Luc Mercier. 1. Françoise Lung de Notes critiques (cf. Correspondance, vol. II, p. 176). 2. Traduction de « Pour un jugement révolutionnaire de l’art », paru dans Notes critiques de juin 1962. 3. J.-L. Jollivet, cf. Correspondance, vol. II, p. 112. 4. Pouvoir ouvrier, cf. Correspondance, vol. II, p. 82-88. 5. Pseudonymes de Cornelius Castoriadis. Il ne faut peut-être pas pousser la cruauté jusqu’à les juger sur un texte d’Alain Girard (que je n’ai pas lu). Alain est actuellement un extrémiste par rapport à la « révision » moyenne de cette tendance. De plus, c’est un – n’abusons pas du vocabulaire médical – sot. Il ne l’était pas il y a deux ans6, mais il l’est furieusement devenu pour justifier à tout prix une conduite qui était sotte. L’histoire marche – souvent comme cela, à tous les niveaux. Plus facilement par son mauvais côté, disait l’autre. La contre-tendance de gauche (Lyotard, P. Guillaume, Édouard Taubé) arrivera ou n’arrivera pas, je l’ignore, à commencer enfin une activité politique acceptable. Mais au moins elle semble représenter la seule chance de sauver tout le positif du travail ancien de « S. ou B.7 », qui avec la tendance sera avant un an liquidé – dans cet aboutissement comique et détestable à la fois. Michèle t’a écrit à propos des recherches de travail. Amitiés, Guy Debord 6. Cf. Correspondance, vol. II, p. 101. 7. Socialisme ou barbarie. À Raoul Vaneigem Vendredi soir [18 octobre 1963] Cher Raoul, Suite à mon envoi d’aujourd’hui : je pense que l’évolution rapide du conflit avec Attila1 (son net refus de répondre aux accusations, souverainement) rend périmée la suite de la discussion sur ses premières thèses ; au moins pour les gens d’Anvers, et surtout dans la mesure où ils se trouvent en Belgique, dans son voisinage, et doivent avant tout lui signifier que le dialogue est effectivement fini. Je ne veux pas dire qu’il n’est pas bon de les discuter (même d’en écrire); c’est très instructif. Je veux dire que l’on ne peut plus continuer la discussion en termes objectifs et quasi-académiques alors que l’adversaire a fait savoir qu’il tient et tiendra pour rien toutes nos interprétations. On ne peut répondre qu’en déclarant que nous le tenons pour rien à son tour (donc la suite de la discussion se place dans une perspective de « discipline » et rupture). Je crois donc que le mieux serait d’utiliser votre rencontre à Anvers pour rédiger une déclaration commune (Jan, Rudi2 et toi) sur la base de la lettre du 11 octobre (d’Attila), annonçant : ce que dit cette lettre ; ce que nous en pensons ; la décision de rupture. Et de diffuser cette déclaration commune à tous nos amis, ainsi qu’à Attila. Le mieux serait de se borner à 15-20 lignes. Mais il est vital que les Anversois aient bien discuté et compris le problème (qu’ils ne la signent pas pour te faire plaisir). Bien sûr, si quelqu’un d’eux a déjà écrit une réponse, on peut la diffuser en plus. Les questions pratiques de cette rupture, maintenant. Il faut évidemment bloquer à Anvers tout le stock de D. G .13. Tu es par un hasard vraiment heureux (tout ce qui est réel est rationnel ?) directeur de D. G. Tu en as les communications (la boîte postale) et il ne faut pas laisser un instant de plus Attila saboter nos contacts à l’extérieur comme il a tenté de le faire à l’intérieur de l’I.S. Ceci se ramène à dire qu’il faut récupérer la clé de ta B.P. si tu ne l’as pas reprise en rentrant d’Espagne. Au cas où il ferait des difficultés (ou si tu trouves pénible cette discussion qu’il peut faire traîner), il doit exister un moyen plus court qui, en France, serait celui-ci (et coûterait environ 30 ou 40 francs, il faut le dire) : déclarer la perte d’une clé, quand on est le dépositaire de la boîte, entraîne le changement de la serrure et la remise d’une autre clé. Tout ceci est bien sordide, mais j’ai dû constater dans ces dernières semaines tant de misérables et mesquins procédés de la part d’Attila que je ne serais pas étonné qu’il essaie de nous faire des difficultés avec cette clé et cette B.P. Quand sa dissimulation est mise en pièces, il faut lui reconnaître une grande capacité de cynisme (voir, toujours, sa lettre !). Autre question pratique : vois, avec Jan, quelle somme exacte nous devons encore à son imprimeur. Je crois que c’est assez peu. Et, de toutes les dettes, je crois que c’est la première qu’il sera utile et possible de régler. J’ai envoyé Reich4 tout à l’heure (juste quatre jours !). C’est très intéressant, et j’ai pris force notes. Sauf à partir du troisième tiers – chapitre 7 – où tout déconne assez visiblement, et s’élève vers un délire final très sensible. Il faudrait lire ses livres marxistes (Fondement de la morale sexuelle). Je crois qu’un seul est traduit en français (La Crise sexuelle, Éditions sociales internationales, 1934). C’est amusant comment il réussit à cacher entièrement le marxisme dans l’édition américaine de Fonction de l’orgasme – celle que nous avons lue, traduite en 1952. Pourtant il est clair qu’il se situe dans une ligne politique très proche des conseils ouvriers (« la rationalisation dans le processus de travail »). Reich expose admirablement comment – et pourquoi – la psychanalyse s’est décomposée vers 1925, et il comprend ce que la psychanalyse s’est caché à elle-même. Pourtant, même quand il dévoile ce refoulement, il me semble qu’il fait une autre concession, laquelle l’a mené à l’étrange mécanisme thérapeutique de la fin : c’est l’idée, vraiment obsessionnelle du « naturel » dans la passion érotique. On peut dire que, pour Reich, si un homme et une femme atteignent tous les deux la « puissance orgastique totale », cela va bien, et n’importe quelle préférence ou choix serait déjà quelque chose de névrotique. Toutes les perversions sont bannies et tout choix d’une catégorie (même en se limitant aux femmes), ou même d’une personne plutôt qu’une autre, n’a plus de sens dans cette lumière saine et robotique. En outre, son idée de la valeur essentielle de l’orgasme parfait devrait honnêtement être aussi appliquée aux témoignages des « pervers » (comme ceux du recueil de Maurice Heine5), qui font nettement apparaître que le moment est pour eux parfait et très « reichien », si l’organisation sociale autour a pu être déjouée (je pense au cas du masochiste qui aimait que les dames lui marchent dessus – dans ce même livre –, en attachant une valeur centrale non à l’étiologie de sa névrose, que nous ignorons, mais à la formation « historique » de sa pratique amoureuse, qu’il a décrite). Donc, pourquoi Reich, qui a si bien montré le refoulé de la psychanalyse, a-t-il luimême refoulé la plasticité et la dialectique du désir derrière la censure d’un « naturel » qui a fini en mécanique néo-messmerienne ? Je pense que son attachement obligé au naturel s’explique par sa liaison avec le mouvement ouvrier d’alors, au début de la période de réaction stalinienne. On fera mieux la prochaine fois ? À propos des mythes – c’est tout de même un sujet fort intéressant du passé, malgré Attila – je me demande si le dernier mythe formé historiquement ne serait pas celui de Don Juan ? Apparaissant à l’extrême fin de la décomposition de la société unitaire, déjà par quelque côté un anti-mythe parce qu’il propose de vivre directement une expérience décevante, au lieu de s’identifier passivement à une image rassurante; et enfin parce qu’il fait un joli pont entre le vieux mythe et les nouvelles attitudes de spectacle ! Ce mythe – si c’en est un ? – baigne déjà dans un certain courant historique : le plus fort des Liaisons dangereuses est de le retrouver incarné dans une femme, traduisant ainsi le mouvement de libération des femmes entre le XVIIIe siècle et maintenant. C’est un mythe qui tout de suite, presque en lui-même, rencontre la dérision, perd le sacré, finit en une sorte de farce, comme «les hommes se séparent joyeusement de leur passé ». Il est en ce moment une plaisanterie (dans le langage populaire un « don Juan » ! Alors que l’on plaisante fort peu sur Tristan, même quand les faits-divers le reproduisent). Il est donc le mythe ridicule et maudit, tard venu, infecté d’histoire et de praxis. Les autres souvenirs mythiques s’enfoncent dans cet « esprit des morts » qui pèse globalement sur les vivants, sont « respectés » ainsi quoique non compris. Don Juan au contraire est porté dans l’histoire présente par le principe du spectacle et s’appelle « play-boy ». Ces considérations sont fort douteuses. Aussi, pour cette fois, je ne les destine pas à faire autorité! Amitiés, Guy 1. Attila Kotányi, architecte hongrois, membre de l’I.S. de 1960 à 1963 (sur son exclusion, voir Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 663-667). 2. Jan Strijbosch et Rudi Renson, situationnistes de la section belge jusqu’en 1966. 3. Der Deutsche Gedanke no1. 4. La Fonction de l’orgasme, de Wilhelm Reich (1897-1957). 5. Confessions et Observations psychosexuelles, par Maurice Heine (1884-1940). À communiquer à Anvers – peut-être avec des remarques de ce genre : (aussi, ne pas traiter ceci en problème « théorique ». Le lier aux calomnies et délires pratiques1. Genre K.P. 63 et Martin dans le D.K.P. depuis dix ans). Voici donc la franche révélation. Situationniste = Attila par postulat. Du même postulat on tire l’incapacité fondamentale de penser, de comprendre, non Kraus2 ou Bloch3, mais même dix pages dans leur langue écrites par le même Attila, chez tous les autres « qui ne sont pas des autorités ». (Pourtant, si Nietzsche était le premier expert européen en matière de décadence, ne serions-nous pas des autorités mondiales en matière de théorie situationniste ?) Attila était déjà Dieu. Il revendique donc maintenant la suite logique des pouvoirs de Dieu : la transcendance non seulement de la révélation, mais de l’obscurité même. Le droit de se contredire en permanence en ayant toujours raison. Il a commencé (août) par arrêter toute notre activité et notre attention en criant : « Halte ! J’ai quelque chose à dire. Qui est un préalable indispensable à tout. » On l’écoute. Il le dit. Devant les réactions qui surgissent, il dit maintenant : «Je n’ai rien dit. » Double cas d’autocratie « stalinienne » à l’égard de la pauvre réalité telle que nous la vivons. Son argument « PUISQUE JE SUIS SITUATIONNISTE, et qu’il est impossible qu’un situationniste ait dit ces choses, JE NE LES AI DONC PAS DITES » – est le mouvement même de la pensée (sous-) religieuse appliquée ici à défendre la religion d’Attila. Le point de vue de la réalité est « PUISQUE ATTILA A DIT CELA, et qu’il est impossible qu’un situationniste le dise, il n’est donc plus situationniste. » D’où sa seule défense est l’insolente négation de la plus minime réalité. Dans les autres petites merveilles de sa lettre, on voit qu’il rejette le qualificatif de « super-exigence factice » quant à un travail précis (séparer l’utopie de la religion) qui a été fait par beaucoup de gens du passé, heureusement, mais qui n’était pas envisagé dans son texte et encore moins dans ma réponse. J’appelai « super-exigence factice » la manière d’Attila d’exiger arbitrairement (et cyniquement ) toujours plus d’information préalable (en même temps inaccessible et sans perspective d’usage direct). Le dernier-né de cette fantaisie est Ernst Bloch. On voit aussi « l’erreur » gentiment avouée sur le principal conflit de notre temps. Attila avait lu trop vite. Ce n’est pas dans les partis communistes mais « d’autres tendances socialistes » (c’est donc encore plus vague…). On voit aussi que Pauwels4 Kotányi et Attila Bergier4 ne s’abaissent pas à étudier la théorie et le programme d’une organisation révolutionnaire dans ses publications, sa praxis, ou les contacts avec ses responsables. Il a lu DANS LE SUNDAY TIMES Marx = zen. Ça lui suffit! Il dit : « J’espère que tu n’attends pas une discussion dans ces conditions. » Ici, il a raison de ne pas vouloir défendre plus sa mauvaise cause. Dans ces conditions, il est impossible qu’aucun de nos amis poursuive une discussion. Il faut rompre immédiatement. Nous ne tolérons aucune hésitation. 1. Que dénonçaient les tracts de mars et avril 1963 à propos de la collusion au Danemark entre galeries staliniennes et nashistes. 2. Karl Kraus (1874-1936), écrivain autrichien. 3. Ernst Bloch (1885-1977), philosophe allemand qui a fait une étude marxiste de l’utopie. 4. Louis Pauwels et Jacques Bergier, fondateurs de la revue Planète. À Mustapha Khayati1 23 février 64 Cher Mustapha, Je crois que ton choix de texte2 est tout à fait complet. Le seul défaut serait peut-être que c’est un immense travail ? En tout cas, j’applaudis d’avance. J’ai transmis ta lettre à Vaneigem, qui écrira (il a quelque chose à suggérer. Je t’ai envoyé « R.S.G.-63 » (c’est le texte qui a constitué la brochure japonaise4 ). Amitiés, Guy 1. Mustapha Khayati, membre de l’I.S. jusqu’en septembre 1969. 2. Projet d’un dictionnaire « historiquement comparable à l’entreprise encyclopédiste ». 3. Catalogue de l’exposition Destruction of the RSG-6, organisée en juin 1963 à Odense (Danemark). 4. Les Situationnistes et les nouvelles formes d’action dans la politique et l’art (cf. I.S. no 10, p. 20). À Raoul Vaneigem 10 juin 1964 Cher Raoul, Il faut faire traduire aussi avec le tract espagnol1 cette phrase : « Édité par l’Internationale situationniste, région Ouest-Europe. » À bientôt, Guy Carte postale de la rue Mouffetard à Paris. 1. España en el corazón (cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 675). À Raoul Vaneigem 7 août 64 Cher Raoul, Tout à fait impossible de venir à Penne. À l’imprimerie les choses empirent à vive allure. Je peux garantir la sortie d’I.S.9 dans quinze jours au plus. J’y ajoute un extrait du reportage France-Soir, bien sûr. Mais il n’y a plus le temps d’ajouter une page sur la 1re Inter[nationale]. Le retard risquerait maintenant d’être vraiment funeste. Cette imprimerie fait eau de toutes parts. Dominique1 ira à Penne lundi, à ce que je crois. La bande devait venir d’une édition française d’un Trotski dans les années 20. Amitiés à Thérèse et toi. Guy Au dos – réservé à la correspondance – d’un coupon-mandat de 170 francs. 1. Compagne du situationniste Jan Strijbosch. À Raoul Vaneigem 5 septembre 64 Le Times (suppl. littéraire) est paru1. Il y a seulement quatre pôles : nous, Nash, Isou et Moles2 (ce dernier, et tout ce qui s’y apparente, étant de loin le mieux représenté). Ce choix apparaît même dans le compte rendu du Figaro littéraire du 3 septembre. Il ne reste plus qu’à éliminer les trois autres, et les problèmes réels commenceront à paraître… Nos ouvrages étant annoncés à la face du monde (étonné et tremblant), Rudi fera bien de se mettre à la tâche! À bientôt, Guy Carte postale de la place de la Contrescarpe à Paris. 1 . « About the Situationist International », article de Michèle Bernstein paru dans le Times Literary Supplement du 3 septembre 1964. 2. Abraham Moles (cf. « Correspondance avec un cybernéticien », I.S. no 9, p. 44-48). À Raoul Vaneigem Vendredi 25 septembre [1964] Cher Raoul, Jusqu’ici je n’ai pas pu repartir de Paris. Si tu ne fais pas un saut dans notre bonne ville pour voir René1 avant son départ (qui sera entre le 5 et le 10 oct.), je peux maintenant aller à Bruxelles soit la semaine prochaine (mais pas pendant le week-end). Soit la semaine d’après. Dis-moi ce qui t’arrange. Merci pour Ferdydurke2. Très bonne réponse pour Hennebert-Frankin (lequel m’avait aussi adressé un lamentable bulletin ouvrier qu’il dirige, trente étages au-dessous de P.O. !). L’ex-nashiste Gashé, lui, m’a envoyé un autre bulletin du même genre, mais apparemment très supérieur à celui de Frankin. Voilà où il en arrive, enfin avec Kunzelmann3. Et aussitôt il croit pouvoir nous féliciter pour I.S.9 («il avait entendu dire que l’I.S. ne paraîtrait plus… ») et demande à me rencontrer à nouveau. Aux poubelles de ce que tu sais ! Uwe a envoyé après I.S.9 une carte très amicale, mais brève. À bientôt, Guy Au dos d’une carte de la rue Mouffetard chargée d’inscriptions manuscrites : « Ravachol », « Sade », « Héraclite », « Stirner », « I.S. is good for you », « I.S. 1864-1964 », « À bas Axelos ». 1. René Viénet partant pour la Chine. 2. Roman de Witold Gombrowicz. 3. Dieter Kunzelmann, membre du groupe Spur. 4. Georges Lapassade (cf. I.S. no 9, p. 29), collaborateur de la revue Arguments. P.-S. : Lapassade4 n’est pas encore venu tâter de ma matraque. À Raoul Vaneigem 28 septembre 64 Au dos d’une carte d’anniversaire aux roses rouges pour le centenaire de la fondation de l’Association internationale des travailleurs. Vive l’A.I.T. ! À Raoul Vaneigem Lundi 19 octobre 1964 Cher Raoul, Je reçois protestations et plaintes de Martin : l’article pour la revue suédoise est/était vraiment très pressé – à donner tout de suite ou pas du tout, c’est à craindre. J’espère que nous avons rattrapé déjà cette accélération de l’histoire ? Amitiés, Guy Carte postale de la place de la Concorde. À Alexander Trocchi Paris, 5 décembre 64 Mon cher Alex, J’ai reçu avec plaisir ta lettre du 1er décembre. J’apprends ainsi que tu as une nouvelle adresse. J’espère que tu as cependant reçu ma récente lettre, envoyée aussi le jour du 1er décembre au 7 Princes Square. C’était une réponse1 – que tu trouveras positive, je pense – à ta lettre du « Guy Fawkes Day ». Je serai très content de te voir bientôt. Amitiés, Guy 1. Cf. Correspondance, vol. II, p. 309. À Raoul Vaneigem Lundi 14 décembre 64 Cher Raoul, Pense à me renvoyer (ou rapporter) la belle page du Soir de samedi – sur la boulangerie pillée. Les rendez-vous s’accumulent – primitivement – ici. Ce soir je vois C. Roy et un autre Toulousain. Demain, deux Algériens – différents d’origine. Et à l’heure qu’il est j’attends au bistro nos brillants auteurs Julliard1. Merci mille fois (et à Thérèse) pour l’accueil à Bruxelles : la Belgique était mieux que jamais. À bientôt, Guy Carte postale du Pont-Neuf. 1. François et Jean-Pierre George, cf. I.S. no 10, p. 70. À Mustapha Khayati 21 décembre 64 Cher Mustapha, Je suis bien d’accord avec ta lettre, ainsi que les quelques amis à qui j’ai eu l’occasion de la montrer. Après une discussion avec Vaneigem, nous parvenions à ces conclusions sur quelques-uns des points que tu soulèves : – Tu as évidemment raison dans l’évaluation des conséquences d’une diffusion de la correspondance Moles1 (Moles ne se plaindra sans doute pas; et je suis le seul responsable à qui il pourrait avoir la témérité de s’en prendre). Ne peut-on envisager une diffusion de ce texte – qui serait aussi une sorte de démonstration – sans la participation de Béchir2 ? Ceci au cas où Béchir n’aurait à formuler que les objections que tu cites, et non d’autres plus pesantes (comme celle que j’envisageais). Bien sûr, il faudrait que ce geste sans Béchir ne lui paraisse pas fait contre lui. Autrement dit, cette affaire très marginale ne mérite pas de relancer une polémique ou la méfiance dont vous avez essayé de sortir. – Pour le monde arabe, il nous paraît que le premier point d’un vaste travail à faire devrait être une critique du benbellisme – qui pourrait éventuellement être diffusée en arabe. Si les Congolais nous fournissent assez d’informations directes, nous pensons à faire une brochure sur la guerre civile au Congo (la nature du pouvoir à Stanleyville pendant les derniers mois, etc.). Au chapitre « Les soutiens extérieurs de la rébellion congolaise », nous pensons que Ben Bella a la place de choix, et ici ces travaux pourraient confluer. À l’intérieur de l’Algérie Ben Bella, comme de Gaulle, coiffe l’équilibre existant : il n’a pas visé tel ou tel stade de cet équilibre, mais le pouvoir (et la description de cet équilibre fragile est difficile et complexe). En revanche, à l’extérieur, il est facile de voir la fonction de Ben Bella : le mythe d’une politique étrangère révolutionnaire, au nom duquel il se fera pardonner tout le reste. Aucun exemple ne ruine mieux cette imposture que l’été 64 au Congo3. Nous sommes d’avis que tes propositions de base au groupe Perspectives4 sont suffisamment claires (et pour lui, en fait, inacceptables) et mettent le problème sur son vrai terrain. Ce serait très bien de faire le « montage » de textes I.S. annotés que tu envisages, comme préalable à une traduction. Signale-nous ton choix quand tu l’auras arrêté. Un procès est lancé contre nous en Scandinavie, par le Réarmement moral, accusant de pornographie manifeste nos tracts, espagnols et autres, avec des filles nues5. Cela fait une belle émotion dans la presse. Amitiés, Guy Le résumé de cette lettre a paru dans la Correspondance, vol. II, p: 311 1. Voir supra, lettre à Raoul Vaneigem du 5 septembre 1964 2.Béchir Tlili, étudiant tunisien à Strasbourg 3. Reprise des révoltes et formation d’un gouvernement de coalition. 4. Groupe d’étudiants maghrébins de gauche. 5. Cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 675-677. 6. I.S., no 10, p. 67 : « Pour ne pas comprendre l’I.S. ». P.-S. : Merci pour l’article – déjà vu – de Fugler. C’est donc un crétin. On ne répondra qu’avec quelques mots, dans la revue6, sur cette vieillerie de la distinction absolue « travail et culture »… À John Evans1 Le 6 janvier 1966 Cher John Evans, Je vous envoie les exemplaires2 que vous demandiez pour leur diffusion par Sigma; bien sûr c’est un cadeau. Meilleures salutations à Alex. Merci de lui rappeler qu’il doit s’occuper du manuscrit de mon ami Raoul Vaneigem3 (auprès de Calder ou de tout autre éditeur bien disposé envers Sigma), manuscrit qu’Alex détient. Ceci est une chose importante et urgente. Pour le moment cela nous paraît, de loin, le point le plus constructif pour notre future collaboration. Amicalement, Guy Debord Texte français d’une lettre envoyée en anglais. 1. Collaborateur du « projet Sigma» animé par Alexander Trocchi. 2. Cinq cents exemplaires de The Decline and the Fall of the « spectacular » commodityeconomy (analyse des émeutes de Watts de 1965). 3. Manuscrit du Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations. À Daniel Guérin1 3 mai 66 Cher camarade, Votre lettre du 28 avril me paraît surprenante : il n’y a rien d’anonyme dans la revue Internationale Situationniste. Les textes qui ne sont pas signés personnellement sont évidemment ceux qui expriment notre opinion collective, et qui sont généralement rédigés collectivement. Il va de soi que, dans une revue qui prétend exposer une plate-forme cohérente, tous les membres du comité de rédaction, au moins, prennent toujours la responsabilité de chaque nuance de ce que nous publions de la sorte; ceci outre le fait que moi-même, en tant que « directeur » de la publication, suis à regarder comme entièrement responsable de tous les textes, tant « moralement » que légalement. Il me semble donc que votre remarque ne serait légitime que dans le cas d’une de ces publications, plus journalistiques, où chaque rédacteur fait profession de se désolidariser de tous les autres, et où peuvent être passés des échos que personne n’assume ; ou bien peut-être dans le cas de publications à prétention clandestine, signées de pseudonymes indiscernables. Du reste, je suis précisément un des rédacteurs de la note que nous vous avons consacrée2, et je peux donc vous répondre tout de suite à ce propos, avec exactitude. Le terme d’éreintement, que vous employez, implique une sorte de condamnation littéraire de votre brochure3, qui n’est absolument pas notre fait. Nous avons écrit au contraire que cette brochure apportait d’excellents documents. Ce que nous critiquons complètement, c’est votre analyse de la crise de 1965 en Algérie, analyse qui nous paraît incohérente par rapport à ces documents mêmes, comme par rapport aux positions révolutionnaires précises dont on vous sait le défenseur. Veuillez noter tout de même que, dans tout ce que nous avons écrit cette fois sur l’Algérie, Harbi4 et vous êtes les seules personnes que nous considérons comme des révolutionnaires qui se trompent. Bien entendu, nous ne reconnaissons aucunement comme des révolutionnaires les autres individus évoqués. Notre critique de votre brochure ne serait injuste que si les citations que nous en tirons (négligence de la logique du pouvoir bureaucratique parmi les leaders algériens, reconnaissance des États staliniens comme « pays socialistes », irresponsabilité essentielle de Ben Bella dans le fonctionnement réel de son régime, etc.) étaient des citations sélectionnées unilatéralement, et cachant un autre aspect de votre pensée présent dans cette brochure. Croyez-vous que nos citations soient infidèles ? Et en quoi? Nous n’avons aucunement laissé entendre que vous aviez passé un quelconque accord avec Ben Bella. Votre honnêteté n’est, visiblement, pas mise en cause dans notre critique. Il n’en reste pas moins que votre décevant ralliement à la personne de Ben Bella paraît une attitude extravagante à partir de vos propres théories ; mais en revanche nous avons raison de dire qu’elle rejoint (ou rappelle fort) une attitude pratique qui est malheureusement courante dans le tout-venant de nos gauchistes mondains. Il est vrai que personne parmi nous ne vous connaît, sauf par vos écrits. Mais nous n’avons prétendu parler qu’à partir des informations accessibles. Votre surestimation d’un « despote éclairé » de l’autogestion est frappante. Pourquoi défendez-vous Robespierre contre les « bras-nus » ? (Et Ben Bella est un assez pauvre Robespierre). Bien sûr, nous publierons toute réponse qu’il vous plaira de faire à notre critique. Et nous accepterons volontiers un débat de vive voix sur vos préférences et perspectives algériennes. Bien sincèrement, Debord Lettre communiquée par la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (B.D.I.C.) de Nanterre, fonds Daniel Guérin. 1. Daniel Guérin, cf. Correspondance, vol. III, p. 144 (lettre à Mustapha Khayati du 5 mai 1966). 2. « L’Algérie de Daniel Guérin », I.S. no 10, p. 80. 3. L’Algérie caporalisée. 4. Mohammed Harbi, cf. Correspondance, vol. III, p. 58, note 5. P.-S. : Je vous ai envoyé hier quelques exemplaires des Luttes de classes 5. 5. Les Luttes de classes en Algérie, tract diffusé sur place en décembre 1965. À Alexander Trocchi 18 septembre 66 Cher Alex, Je voudrais que tu remettes à notre ami Christopher Gray1 deux cents exemplaires de notre pamphlet The Decline and Fall…, parce que nous n’en avons plus du tout, et l’occasion nous est donnée d’en diffuser encore. Tu peux également lui confier la copie de mon film2 que j’avais laissée chez toi il y a deux ou trois ans. Merci d’avance. Amitiés, Guy 1. Christopher Gray (1942-2009), situationniste anglais. 2. Sur le passage de quelques personnes à travers une assez courte unité de temps. Pour André Bertrand1 et Daniel Joubert2 Paris, le 22 janvier 67 Chers amis, Michèle nous a rapporté la conversation téléphonique avec vous, et entretemps Donald3 avait reçu les deux tracts4. On commence à les voir s’enfoncer. Le tract de l’ex-bureau5 est bien bête : on y sent l’affectivité blessée, le désir d’être reconnus par l’I.S. d’un seul coup – alors qu’ils progressaient si péniblement même dans ce petit scandale –, et en bloc – alors qu’ils étaient complètement opposés entre eux, et ne nous le cachaient pas. Il me semble que toutes les citations de mes lettres sont exactes. Je les trouve parfaitement correctes sur le sujet, dans les circonstances, et impliquées par toutes les affirmations publiques de l’I.S. jusqu’ici (croyaient-ils que l’I.S. a réussi jusqu’ici son expérience par la naïveté, l’effusion sentimentale avec les premiers venus, la confiance idiote faite à des irresponsables ?). En règle générale, toutes les lettres échangées dans l’I.S. – aucune n’était réservée « à Khayati », tous connaissaient tout – n’ont rien de secret sauf dans des cas très précis et très rares – qui n’ont rien à voir avec le « jugement » de tels personnages – où elles portent la mention « à détruire ». Et alors, elles sont détruites. Bref, on se méfiait des incertitudes des Strasbourgeois. Tout a prouvé finalement que nous avions raison. Après que l’I.S. se soit trouvée – contrairement à nos premières prévisions – engagée à ce point dans l’affaire, nous devions évidemment contrôler au maximum ces gens souvent douteux qui se donnaient publiquement pour nos partisans ; et qui, par exemple, se dérobaient devant le petit scandale de la « rentrée solennelle » – qui leur aurait paru impliqué obligatoirement par l’ensemble du scandale s’ils avaient été capables de comprendre tout seuls le scandale qu’ils faisaient ; incident qui a d’ailleurs lancé toute l’affaire. Si ces gens de l’exbureau, d’ailleurs, n’ont pas saisi leur « chance » dans cette vérité que nos jugements sur eux étaient quand même en évolution avec l’affaire ellemême, cela prouve qu’ils sont plutôt de ce type inférieur (Frey-Holl) qui doute de ses capacités et exige donc glorieusement une reconnaissance abstraite et totale tout de suite. Bien que cette triste disposition affective déforme grossièrement l’objectivité de leur jugement, ils n’ont pas jusqu’ici mis en avant eux-mêmes un mensonge précis. Ils ont seulement la bêtise de gober et couvrir ceux des trois exclus6. Nous distinguons leur responsabilité, et nous ne les mélangerons pas injustement dans notre démolition de ceux-ci. Ces gens de l’ex-bureau sont superbement inconscients de se voir, eux, dans « l’action » révolutionnaire, exécutants par rapport aux « théoriciens » ! Quelle action ? La principale « action » dans une affaire de ce genre, c’était d’écrire la brochure ; plus, savoir répondre intelligemment et de haut à certaines questions ultérieures. Il faut donc croire que tant de journaux lus leur sont montés à la tête, et qu’ils croient maintenant avoir « pris le pouvoir » à Strasbourg ! Les trois exclus qui les manipulent effectivement aujourd’hui (ne serait-ce qu’en les persuadant pour quelques semaines de leurs piteux mensonges) les « manipulaient », si l’on peut dire, tout autant que Khayati jusqu’à la semaine dernière : en effet, de la participation à l’I.S., ces trois connaissaient principalement et presque uniquement une fierté creuse – compensation pour les pires de leurs manques –, attitude que j’avais déjà dénoncée dans mon rapport à la Conférence de juillet7. Tout l’ex-bureau doit faire un effort d’auto-aveuglement fort comique pour ignorer que, sur la question des mérites de ses membres, les actuels exclus étaient alors absolument solidaires de la « rigueur I.S. » – quoique sans doute avec d’autres motifs, qui sont maintenant renversés par l’opportunité; et ils étaient même les informateurs de l’I.S. sur les intentions et capacités probables des « étudiants ». Ils n’ont presque jamais différé là-dessus du jugement de Khayati – et alors seulement dans le sens de la sévérité (Frey et Holl). Quant aux trois exclus, la maladresse de leurs nouvelles dénégations doit être sensible à qui sait critiquer un texte. Il est bien exact qu’il n’y a pas eu de vote pour exclure les menteurs, et il ne pouvait pas y en avoir. La réunion du 10 janvier avait décidé par avance unanimement que tout menteur démasqué serait exclu à l’instant. Et cette décision même n’avait pas été soumise à un « vote » : celui qui eût refusé sa signature à cette motion eût été considéré comme démissionnaire pour la défense du «droit au mensonge à l’intérieur de l’I.S. » (Garnault et Khayati, absents, ne l’avaient pas matériellement signée, mais il est clair qu’ils nous ont fait connaître leur adhésion à cette motion, sans laquelle nous ne recevions personne à une prochaine réunion). Ainsi les exclus avaient signé les considérants et l’ordre exécutoire de leur élimination cinq jours plus tôt. Nous ne pouvons affirmer qu’ils ont avoué leurs mensonges à minuit moins dix plutôt qu’à minuit trois ; mais ce formalisme n’a guère de sens même dans un traité international : c’était évidemment la réunion du 15 janvier, commencée à 9 heures du soir. Le procès-verbal de leur exclusion a été fait dès que nous leur avons déclaré que tout ce qu’ils pouvaient dire maintenant n’avait plus aucun intérêt pour nous (et donc qu’ils soient partis piteusement). Schneider8 lui-même a pu voir, « aux premières heures du 16 », ce texte déjà fait, et posté alors. Ils n’avaient parlé d’une intention de démission – qu’ils auraient eu secrètement – qu’après le moment où les mensonges s’étaient enfin écroulés, c’est-à-dire quand ils étaient dejà automatiquement exclus pour le plus ignoble motif – de sorte que pour nous leurs intentions supposées du passé n’avaient plus aucune valeur. Maintenant que les trois pauvres types sortent de plus en plus leurs arguments, l’absurdité fondamentale de leur position éclate : pourquoi auraient-ils voulu démissionner soudain, et en équipe, sans avoir jamais présenté auparavant un seul désaccord avec l’I.S. ? Il faut bien qu’ils se soient trouvés pris ensemble ce jour-là. Quand ont-ils « découvert » cette hiérarchie de l’I.S. (puisqu’ils nous avaient toujours caché cette importante découverte) ? Le jour de leur exclusion ? Plus tôt ? Mais alors pourquoi n’ont-ils jamais critiqué et ouvertement refusé cette hiérarchie dans l’I.S. même, en s’appuyant aisément sur tous nos principes affirmés ? Une autre question les tue. On sait très bien pourquoi ils répondent «Ce sont eux les menteurs ! », car c’est toujours la seule pauvre défense des menteurs pris sur le fait. Il leur faut dire cela, ou bien avouer ce qu’ils sont, et ce qu’ils sont devenus est assez inavouable. Mais nous qui – d’après leur propre conception hiérarchique de l’I.S. – pouvions les jeter à tout moment, sous n’importe quelle mauvaise accusation, pourquoi les aurions-nous tant détestés que nous voulions ruiner définitivement toute leur présence dans le futur mouvement révolutionnaire en les qualifiant de calomniateurs ? (Si j’avais constaté depuis quelques semaines que Holl était un individu méprisable, quand cette réunion s’est ouverte je n’avais pas la moindre antipathie contre Garnault ou Frey.) Pourquoi n’aurions-nous pas admis leur démission, s’ils avaient réellement démissionné, comme chacun a le droit évident de le faire? En relisant l’I.S., on voit bien que nous avons signalé plusieurs cas de démission (même pour un individu aussi louche que Constant, dont la démission d’ailleurs ressemblait beaucoup plus à une exclusion), sans que jamais je vire au jaune par dépit de n’avoir pas un plus beau chiffre d’exclusion dans mes statistiques ! D’ailleurs l’incohérence de tous ces gens éclate ici : la meilleure technique pour exclure beaucoup serait de faire adhérer plus, évidemment ! C’est ce que l’ex-bureau nous reproche de ne pas faire. Il pourrait tirer de là cette vérité que nous réclamons aux « contacts » pouvant nous rejoindre plus de cohérence – et de connaissances clairement comprises – pour n’avoir pas à les exclure. De sorte que, lorsque nous disons que quelqu’un est exclu, c’est vrai. Il faut s’y faire. Les trois derniers exclus ont d’ailleurs si peu participé à l’I.S. qu’ils ne se rendent pas compte maintenant combien leurs déclarations reprennent parfaitement le ton et les découvertes de Nash et dix autres : dictature, manie de l’exclusion, discipline politique. Seulement, comme ils avaient prétendu, eux, être plus cohérents et instruits, ils sont en fait plus ridicules. Guérin s’attriste du coup que nous allons porter au beau scandale de Strasbourg – sans penser qu’il avait atteint son terme au congrès U.N.E.F., et que ce n’est qu’un paragraphe dans le scandale général qu’est l’existence de l’I.S. Nous lui répondons que la question de la vérité en milieu révolutionnaire est beaucoup plus importante que toute belle image (comme nous lui disions déjà pour Ben Bella). De plus, nous n’allons pas parler tout de suite de Strasbourg. Dans un grand tract9 que vous recevrez sans doute mercredi, nous réglons seulement le compte des trois truqueurs, avec une précision que tout lecteur de bonne foi trouvera définitive. Cordialement, Guy Debord Lettre communiquée par la BDIC de Nanterre, fonds Daniel Guérin. 1. André Bertrand, cf. Correspondance, vol. III, p. 149, note 2. 2. Daniel Joubert, cf. Correspondance, vol. II, p. 289, note 1. 3. Donald Nicholson-Smith, situationniste anglais. 4. La vérité est révolutionnaire et De la merde en milieu situationniste, envoyés de Strasbourg par les exclus. 5. Vous foutez-vous de nous? Vous ne vous en foutrez pas longtemps, texte diffusé par des membres du bureau de l’A.F.G.E.S. (cf. I.S., no 11, p. 23-31). 6. Théo Frey, Jean Garnault et Herbert Holl. 7. Cf. Guy Debord, Œuvres, op. cit., p. 1162-1169. 8. André Schneider, cf. Correspondance, vol. III, p. 173, note 2 et p. 206, note 3. 9. Attention, trois provocateurs, tract-affiche du 22 janvier 1967. I.S. au Groupe libertaire de Ménilmontant1 Paris, le 7 février 1967 Chers camarades, Nous vous remercions pour les documents que vous nous avez transmis le 30 janvier. Votre conception d’« actions parallèles et concertées… par des groupes différents » (avec franches critiques réciproques) est tout à fait la nôtre. Bien d’accord pour un dialogue avec vous (dialogue déjà entamé avec Guy Bodson et d’autres camarades anarchistes). Nous espérons aussi qu’apparaîtront quelques conclusions radicales dans un dialogue entre les groupes d’anarchistes qui se sont manifestés, très sympathiquement pour nous, ces dernières semaines : groupe Sisyphe, groupe de Rennes, Nanterre. Faites-nous signe pour une rencontre quand vous voudrez. Fraternellement, pour l’I.S., Debord, Nicholson-Smith, Viénet 1. Cf. Correspondance, vol. III, p. 210, lettre à Mustapha Khayati du 9 mars 1967. À Tony Verlaan1 18 mars 67 Cher Tony, Merci pour toutes les informations de ta longue lettre. Nous allons répondre plus précisément – pour tout ce que tu demandes – après une réunion qui aura lieu dans trois jours, et où nous organiserons mieux que jusqu’ici toute l’activité nécessaire pour l’actuelle situation américaine. À propos de la lettre attribuée à Bertrand, nous t’envoyons ci-joint un « document officiel2 », à utiliser quand tu en verras le besoin, pour régler radicalement cette incroyable et scandaleuse histoire. Mustapha nous a raconté l’opposition que tu avais eue avec Bertrand à Strasbourg (je pense que Joubert a confirmé très correctement les faits). Naturellement, tu avais raison d’appeler « néo-garnautisme3 » des enfantillages à propos de mes critiques « possibles » sur le texte mal tapé. Je propose que tu exiges, devant les camarades américains, que l’on te montre la lettre de Bertrand, si elle existe réellement. Tu peux aussi demander cela en notre nom (envoie-nous une copie). Il n’y a eu ici aucune décision nouvelle depuis la discussion à laquelle tu as toi-même assisté (et qui renvoyait toute « adhésion » des Strasbourgeois à l’I.S., après les vacances, et à condition de ne pas être à Strasbourg en ce moment). Si Bertrand a écrit une telle lettre contre toi, jamais il ne sera accepté dans l’I.S. Nous nous souvenons bien de tout ce qui s’est passé à Strasbourg, comme ignoble sottise hypocrite, depuis six mois4. Nous sommes absolument résolus à ne permettre aucune continuation des mauvaises habitudes de Frey-Garnault-Ballivet, même si ce sont leurs « ennemis actuels » (qui ont l’inconscience de vouloir être avec nous alors que leur place serait plutôt avec eux) qui nagent à Strasbourg dans la même eau sale. Si quelqu’un a eu l’impudence d’écrire une lettre de dénonciation contre toi en Amérique, nous en tirerons toutes les conclusions. Amicalement, Guy Lettre communiquée par Serge Le Bret, provenant des archives I.S. de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam. 1. Tony Verlaan, situationniste de la future section américaine de l’I.S. 2. Voir ci-après. 3. Cf. Correspondance, vol. III, p. 228, note 1. 4. Sur cette affaire, voir « Nos buts et nos méthodes dans le scandale de Strasbourg », I.S. no 11, p. 23-31. Le camarade Tony Verlaan a toute notre confiance, et peut prendre en notre nom tout contact utile pendant son séjour aux États-Unis. Paris, le 18 mars 1967 pour l’Internationale situationniste Guy Debord, Raoul Vaneigem5 5. Signatures suivies du tampon de l’I.S. À Raoul Vaneigem Vendredi [24 mars 1967] Cher Raoul, On t’attend la semaine prochaine. Passe en arrivant chez l’Asiate1, où t’attend la clef du local de Ménilmuche2. Amitiés, Guy Carte postale de la rue Mouffetard surchargée d’inscriptions: « Au printemps », « L’I.S. a raison », « Vive l’anarchie », « Vaneigem »… 1. Rue Saint-Jacques, chez Alice Becker-Ho. 2. Local du groupe libertaire de Ménilmontant. L’I.S. à Jean-Marc Charmillon Paris, le 23 mai 1967 Répugnant Charmillon, Puisque tu avais l’impudence de nous écrire encore récemment, il faut donc que nous te prévenions du fait que nous sommes évidemment au courant de ta conduite, d’une stupéfiante bassesse, au congrès de Bordeaux1, en faveur de la misérable bureaucratie joyeusiste2, et contre nos camarades anarchistes. Imbécile, truqueur, flagorneur, anarcho-refoulé, staliniste-inaccompli, étudiant, n’essaie plus, charogne, de nous approcher ou de dire que tu nous connais. Pour toi comme pour d’autres, les situationnistes maintiendront cette conclusion et la feront connaître maintenant et plus tard. Désormais, menteur, c’est aux provocateurs garnautins qu’il te faut t’acoquiner. Internationale situationniste3 1. Congrès de la Fédération anarchiste tenu à Bordeaux en avril 1967 (cf. « Les scissions de la F.A. », I.S. no 11, p. 66-67). 2. Néologisme formé sur le nom de Maurice Joyeux, cf. Correspondance, vol. III, p. 141, note 2. 3. Tampon de l’I.S. en signature. À Tony Verlaan Paris, le 15 août 1967 Cher Tony, Chère Carol1, On approuve avec plaisir votre programme de traductions. À propos de Watts, peut-être devriez-vous faire, comme envisagent les camarades anglais, la réédition datée de 1965 et suivie d’un autre texte actuel, pour traiter l’évolution présente (et souligner combien nous avions déjà raison) ? Nous avons déjà écrit à la boîte postale de l’I.S. à New-York, pour demander d’autres exemplaires de On the poverty2 (dix ou vingt exemplaires). On espère que vous recevez bien le courrier envoyé à cette adresse? Nous envoyons cette lettre chez Beatrice, mais pourriez-vous nous préciser quelle est l’adresse la plus sûre pour un certain temps ? Nous avons été contents de rencontrer Murray Bookchin3 (et auparavant Beatrice) ; et également Robert Chasse4 nous a écrit une lettre très intéressante. Nous sommes très contents du développement de toutes ces relations. Quel est votre planning pour les prochains mois ? Est-ce que quelqu’un pense revenir en Europe dans quelque temps ? Nous pourrions fixer en fonction de cette date la prochaine conférence de l’I.S. Amitiés, Guy, René 5 Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam. 1. Compagne de Tony Verlaan. 2. Traduction de De la Misère en milieu étudiant… 3. Murray Bookchin (1921-2006), fondateur de l’« écologie sociale ». 4. Futur situationniste américain. anarcho-communiste, 5. René Viénet. À Tony Verlaan Paris, le 3 octobre 1967 Cher Tony, Nous avons été très contents de ton début d’activité en Amérique (les contacts, la boîte postale, la publication d’une brochure). Mais nous nous étonnons beaucoup à propos des points suivants : 1 – le manque de contact entre nous. Nous n’avons pas eu de nouvelles de toi, ni de réponse, depuis très longtemps. 2 – la publication d’une traduction de La Misère qui a été achevée sans consulter Donald, comme il avait été convenu ; et qui contient plusieurs fautes. 3 – l’étrange confusion sur cette question précise : des anarchistes de New York disent que tu aurais été chargé par l’I.S. de faire une réédition de Decline and Fall avec une mise à jour. Nous ne comprenons pas. Nous souhaitons avoir rapidement des éclaircissements de toi sur ces questions. Et, en général, d’amples informations sur la coordination de ce que nous pouvons faire en Amérique et en Europe. Nous espérons avoir bientôt une discussion directe avec toi quand tu viendras en Europe. Et en tout cas quelques-uns de nous passerons à New York pendant l’hiver. Amitiés, Guy Debord, Mustapha Khayati, Donald Nicholson-Smith, Raoul Vaneigem1 Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam. 1. Noms suivis du tampon de l’I.S. À Christian Sébastiani Copies à Robert et Serge1 Bruxelles, 4 juin 1968 Cher Christian, Communiquer à tous les membres de l’ex-C.M.D.O. que tous ceux d’entre eux qui pourraient actuellement ramasser de l’argent (ou a fortiori, tenter sans réussir d’en ramasser) ou se livrer en groupe à toute autre forme d’action, ne doivent évidemment, en aucun cas, le faire au nom de l’I.S., ou même en citant l’I.S. Si une si misérable extravagance avait été commise, les personnes concernées seront naturellement traitées en conséquence. Quoique depuis la dissolution du C.M.D.O., nous n’ayons plus à faire connaître notre avis sur les actions que pourraient entreprendre pour euxmêmes les camarades réunis en ce moment; mais en tenant compte cependant de l’estime réciproque qui a pu s’établir entre nous tous, et d’autre part de la possibilité pour certains de se retrouver ultérieurement dans une activité commune organisée avec nous, nous attirons leur attention sur les points suivants : 1 – Bien prendre conscience du fait que la valeur du C.M.D.O. tenait à son caractère de réponse révolutionnaire immédiate (assez adéquate) à un moment révolutionnaire précis ; et donc devait s’arrêter là – à défaut, les survivants auraient donné dans le genre groupuscule, en plus désarmés que d’autres pour ce faire. 2 – Il s’agit maintenant, dans une période de reflux en France, de penser tout ce qui est arrivé et l’avenir possible; d’en discuter entre eux pour en arriver à une plus haute cohérence entre les gens qui se sont connus dans ce moment. 3 – Ne pas se ridiculiser. Pour l’I.S. (et les ex-Enragés2) : Guy, Mustapha, Patrick, Raoul, René, René-Donatien 1. Membres du C.M.D.O. (Conseil pour le maintien des occupations). 2. Patrick Cheval et René Riesel. À Pierre Lepetit 16 août 1968 Cher Pierre, On a trouvé une maison extraordinaire, avec un superbe escalier (voir la flèche1). On te suggère de nous y rejoindre dès que possible. Amitiés, Guy Charles Fourier Alice Lewis Carroll Carte postale envoyée des Vosges. 1. Indiquant la maison de Pierre Lepetit, où étaient réfugiés Guy et Alice avant que la gendarmerie ne les débusque le jour même de l’amnistie générale. À Raoul Vaneigem Jeudi 10 [octobre 1968] Cher Raoul, Je reçois ta lettre exprès. Bien sûr, il faut limiter cette donation1 à des tranches temporelles, renouvelables ou pas. Après tout ce que nous avons déjà vu – en Suède et ailleurs – on serait bien coupables de ne pas tenir compte de toutes les néfastes éventualités. Si tout cela – comme c’est quand même bien probable – finit par représenter quelque argent, on pourrait voir quelque nouveau nashisme se faire reconnaître « plus légalement » que nous comme I.S., et utiliser cet argent à nous combattre. 1. Donation, pour des droits posthumes à valoir sur le Traité de savoir-vivre…, de Raoul Vaneigem, établie au nom de Guy Debord en tant que directeur de la revue Internationale Situationniste. Autre chose, en plus de la fragilité naturelle – et artificiellement augmentée – de nos vies : je ne voudrais pas être condamné à la direction d’I.S. jusqu’à ce que la mort m’en délivre! D’accord donc pour les tranches. Est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux réduire cette tranche à trois ans ? (Si cinq ans ne constituent pas quelque mystérieux minimum juridique?) Trois années, cela semble une unité temporelle mieux adaptée au rythme de nos activités (et le premier destin économique de ce livre se sera réalisé dans ce délai). Je suis domicilié à Paris (3e), rue Saint-Martin, no 180. Je t’attends mardi après-midi (chez Alice). Amitiés, Guy I.S. à Robert Chasse Copie pour Tony Verlaan Paris le 14 octobre 1968 Cher camarade, À propos des publications sur la crise française, tout est mauvais, excepté peut-être Philippe Labro Ce n’est qu’un début, mais seulement en tant que document; Lewino en tant que livre d’images1, et surtout Cohn-Bendit (Gabriel et Dany) Le Gauchisme… 2 qui est le seul livre quelque peu révolutionnaire paru jusqu’à présent. Le nôtre3 va être meilleur. Il va sortir dans quinze jours. On va te l’envoyer. Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam. 1. L’Imagination au pouvoir (voir infra, lettre du 3 juin 1969). 2. Le Gauchisme, remède à la maladie sénile du communisme. 3. Enragés et Situationnistes dans le mouvement des occupations (Éditions Gallimard, collection Témoins). Nous prenons bonne note des conclusions avec Tony et le R.A.C.4. Nous sommes rentrés, au moins pour quelques temps à Paris. Viénet était aussi avec nous à Bruxelles5 ; s’il n’a pas signé cette lettre, c’est par hasard, il devait être absent au moment où nous avons expédié certaines lettres. À propos du problème central que tu soulèves, voici notre opinion : 1 – Nous sommes certainement partisans d’une « internationale de situationnistes » : elle existe même déjà, c’est l’I.S. 2 – Nous sommes aussi partisans des groupes autonomes, partout (évidemment sans renoncer à la possibilité de nous entendre organisationnellement sur la base I.S. totale avec des camarades américains qui un jour voudront et pourront faire partie de l’I.S.). 3 – Considérant ta propre préférence, nous jugeons nous aussi préférable la collaboration avec votre Council comme groupe autonome. 4 – Donc, dans cette perspective, c’est à Tony de choisir formellement à quel groupe il voudra appartenir (Council ou I.S. ?). Naturellement sans double appartenance, et sans esprit de noyautage. Amitiés, pour l’I.S. : de Beaulieu, Debord, Khayati, Riesel, Sébastiani, Vaneigem 4. Revolutionary Autonomous Council. 5. Bruxelles où fut rédigé collectivement Situationnistes, et que signera René Viénet. À David Bieda1 Enragés et 19 octobre [1968] Cher ami, J’ajoute une information à notre lettre collective du 17. J’ai reçu hier un exemplaire de La Société du spectacle, traduit et édité en Italie depuis quelques jours (De Donato editore, Bari). Ceci peut ajouter un argument dans tes discussions avec les éditeurs anglais. Mais le point le plus important, c’est que je n’ai jamais été tenu au courant par mon éditeur français2. Dès le départ, nos relations étaient froides, parce que je refusais toute rencontre avec des journalistes. Et, depuis qu’il a découvert la révolution menaçante, je crois qu’il regrette de s’être compromis avec des idées subversives non dénuées de portée pratique; de sorte que nous sommes ennemis. Dans de telles conditions, pour que tu sois assuré d’avoir la traduction anglaise, il faut donc que tu obtiennes d’urgence l’accord d’un éditeur anglais, qui achètera lui-même les droits à Buchet et à Gallimard3. Si nous sommes avertis en temps utile de l’identité de cet éditeur anglais, nous pouvons évidemment intervenir pour exiger que la traduction soit faite par toi et tes amis. Bien cordialement, Guy Debord P.-S. : Ci-joint le choix de textes de l’I.S. qui a servi pour l’« anthologie » italienne, à paraître chez Silva, à Gênes. Photocopie communiquée par David Bieda à John Mac Hale. 1. David Bieda, du groupe londonien Circuit (cf. Correspondance, vol. IV, p. 16), qui avait publié une traduction de De la Misère en milieu étudiant… 2. Buchet-Chastel, premier éditeur de La Société du spectacle. 3. Pour les droits d’Enragés et Situationnistes…, op. cit. I.S.-Paris à Robert Chasse Copie à Tony Verlaan Paris, 4 novembre 1968 Cher Robert, Vu ta lettre du 23 octobre, nous sommes d’accord pour ton adhésion à l’I.S. Nous sommes d’accord avec les points 1, 2, et 4 de cette lettre. À propos du point 3, nous croyons qu’il faut le préciser ainsi : dès que Tony et toi vous serez d’accord pour l’adhésion de Bruce1, nous considérerons aussi Bruce (s’il le veut) comme membre de l’I.S. Au cas où votre divergence continuerait, nous estimons qu’il faudrait d’abord que vous vous mettiez d’accord sur un autre « troisième membre » du groupe, qui permettrait ainsi de faire apparaître une majorité dans les discussions tactiques de votre groupe, à commencer par le problème de chaque adhésion. Pour préciser encore un peu nos positions sur l’organisation, les quinze thèses de Guy sur l’organisation2 (avril 1968) ont été acceptées aujourd’hui unanimement, avec cette précision sur le point 12 : que l’autonomie pratique des groupes nationaux ne peut aller à l’encontre de notre solidarité internationale sur la théorie générale et sur notre pratique de base (particulièrement les exclus ou les gens avec qui un de nos groupes a rompu doivent être immédiatement rejetés en tous pays). Le groupe en France, après les expériences communes de la période révolutionnaire, a maintenant « doublé ses effectifs » en s’accordant avec les meilleurs de tous ceux qui ont collaboré avec l’I.S. à cette époque. La sélection fut sévère! Ceux de nous qui ont déjà lu Robin Hood rides again3 l’ont trouvé généralement bon; et disent qu’il n’y a pas de critique fondamentale à faire. Toujours pas de nouvelles de Tony, mais nous avons vu son frère Ignace. Amitiés, François-Hubert de Beaulieu, Guy Debord, René Viénet, Patrick Cheval, Christian Sébastiani, René Riesel, Raoul Vaneigem. Le camarade Khayati absent à cette heure-ci approuve cette lettre. Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam. 1. Bruce Elwell. 2. Cf. I.S. no 12, p. 112-113. 3. Cf. Correspondance, vol. IV, p. 15, note 2. À Robert Chasse Paris, le 21 novembre 1968 I.S.-Paris à I.S.-New York Cher Robert, On suppose que tu as reçu maintenant le Viénet1, envoyé par avion il y a huit jours. Pour toutes les traductions, à Grove Press ou ailleurs, nous sommes d’accord pour que la maison d’édition fournisse les traducteurs, si tu peux ensuite revoir et corriger. On ne veut plus avoir de contacts avec Gray2, parce qu’il nous avait écrit il y a six mois pour proposer d’achever sa traduction. Nous avions répondu que nous accepterions qu’il fasse un tel travail en tant que traducteur indépendant, à la seule condition qu’il nous expose par écrit ses positions et ses conclusions sur la crise qui nous avait définitivement séparés de lui. Il s’est refusé à cette clarification (par exemple, de nous communiquer par écrit les opinions qu’il t’avait verbalement exposées à New York). Depuis, Donald a essayé de reprendre contact avec nous, en écrivant seulement qu’il pensait pouvoir corriger un « malentendu ». Nous avons refusé de le revoir. Morea3 continue ses calomnies contre Tony et toi (en vous reprochant de désarmer les révolutionnaires américains pendant la grève de Columbia). Nous avons connu ces rumeurs très vaguement, parce qu’elles sont propagées ici par quelques individus avec lesquels nous refusons tout contact, et qui restent en relation avec Bookchin et autres du même style. Nous vous mettons particulièrement en garde contre un nommé Jean-Louis Philippe4 qui est au cœur de ce genre de manœuvres. Ce personnage, après la crise du printemps, s’est d’ailleurs présenté chez quelques intellectuels en essayant de leur extorquer de l’argent, et en prétendant qu’il opérait pour le compte de l’I.S. Le crétin n’a presque rien obtenu, mais nous a nui tout de même, parce que ces intellectuels hostiles savent bien que ce n’était pas l’I.S., mais ont fait semblant de le croire5. Parmi les nombreux nouveaux livres parus ici sur la révolution de mai, on peut te recommander, avec des réserves, La Sorbonne par elle-même (Éditions ouvrières) – il y a quelques falsifications à propos des documents de l’I.S. – et, d’autre part, le livre de Jean-Louis Brau, Cours, camarade, le vieux monde est derrière toi (Éditions Albin Michel) – c’est un livre assez peu intelligent, mais l’auteur, qui est une ordure, est assez bien informé et fait une grande place à l’I.S. Amitiés, Guy, Mustapha, François, René-Donatien Lettre provenant de l’Institut international d’histoire sociale d’Amsterdam. 1. Enragés et Situationnistes…, op. cit. 2. Christopher Gray, exclu de l’I.S. le 21 décembre 1967 (cf. I.S. no 12, p. 83-84). 3. Ben Morea, éditeur du bulletin Black Mask (cf. I.S. no 12, p. 83-84). 4. Membre du C.M.D.O. en 1968. 5. Cf. I.S. no 12, p. 82. À Yvon Chotard1 28 février 69 Cher Yvon, Il est bien possible, en fin de compte, qu’Edgar2 veuille chanter victoire sur son score électoral, quoique la réalité de l’enseignement cette année doive plutôt lui tirer des larmes. Mais, nous sommes bien d’accord, le plus important – pour maintenir notre jugement du « milieu étudiant » –, c’est que la majorité même des boycotteurs est sans doute composée d’étudiants respectueux et conformistes qui, soumis à une nouvelle pression de la mode, ne veulent pas jouer ouvertement leur rôle d’étudiants respectueux. Quant à « l’opinion publique », le seul aspect décisif serait de savoir ce que les ouvriers pensent des syndicats : on ne peut pas compter sur les sondages de l’I.F.O.P.3 pour nous éclairer là-dessus. Il est vrai, sur le terrain universitaire, que les béni-oui-oui élus pour la participation commencent à créer des problèmes, et peuvent être un nouveau sujet de soucis pour Edgar. Il est amusant de lire Aron4, ces joursci dans Le Figaro. Il exprime à merveille le point de vue de la classe dominante : on peut sacrifier totalement l’enseignement en philosophiesociologie, etc., et les trois quarts des étudiants en langues, pourvu que les grandes écoles et les disciplines scientifiques et médicales marchent, et, surtout, que l’enseignement secondaire continue d’être assuré. C’est évidemment là qu’est le point décisif dans la question des rapports entre le fonctionnement de l’université et celui de la société. La paralysie du secondaire est, à moyen terme, incompatible avec l’économie avancée. Il y a, à Paris, des éclatements dans tous les groupuscules, ravageant particulièrement les J.C.R.5 et leur bétail C.A.6 ; ceux qui doivent normalement en tirer un bénéfice (en militants), c’est l’A.J.S.7 pour les plus sérieux, et le maoïsme pour les plus débiles. Mais les maoïstes eux-mêmes se décomposent en cinq ou six nuances, jusqu’aux «maoïstes noirs » qui sont anarchisants et ont leur propre conception délirante de la révolution culturelle anti-bureaucratique. Le groupe des « Coquillards » a lui-même éclaté, ce crétin de Delaporte8 ayant fait une lugubre parodie du style de l’I.S. (qui n’est pas sans rappeler nos « garnautins » – j’y reviendrai). Il reprochait à Rougyf8 de « parler » à des gens d’un moindre niveau de cohérence qu’eux! Et puis, tout de suite, il a reproché à Rougyf d’être lui-même inférieur à cette cohérence que personne n’a jamais vue à l’œuvre, d’être un activiste, etc. L’idiot voulait en plus notre bénédiction, on l’a envoyé se faire foutre. Je pense que si votre groupe à Nantes se reforme sur une plate-forme plus précise, ce ne sera tout de même pas « sur les bases de l’ancien Tocsin9 » exactement. Ce groupe avait une part d’anarcho-syndicalisme que vous avez certainement dépassée, avec l’idéologie en général. Votre Adresse aux C.A. est, à ma connaissance, le meilleur texte publié en ce moment par un courant du mouvement issu de mai. Peut-être devriezvous envisager, pour bientôt, un texte proposant plus explicitement une forme de regroupement des groupes réellement radicaux qui existent en France (toujours, sans presser les choses) ? Nantes peut avoir un rôle très important, à cause d’un « prestige » justement fondé, qui est bien évoqué dans le préambule de votre texte. Ce rôle suppose que vous ayez un groupe restreint parfaitement autonome, qui n’ait pas de trop graves problèmes internes. Par « autonome », j’entends : un groupe qui ne porte pas la responsabilité de tout ce que peuvent faire les étudiants de Nantes, évidemment. Évidemment, il faut aussi surmonter «l’autocritique paralysante ». Le problème est d’être plus que militant, et non moins (tout en rejetant l’ensemble des traits idiots facilement repérables du militantisme). Voici la citation exacte de Marx (qui avait été publiée dans I.S. 8) : « Notre mandat de représentants du parti prolétarien, nous ne le tenons que de nous-mêmes, mais il est contresigné par la haine exclusive et générale que nous ont vouée toutes les fractions du vieux monde et tous les partis. » Marx, Lettre à Engels, du 18 mai 1859. (Marx communique ici à Engels ce qu’il a répondu, à des ouvriers je crois, pour exposer le genre de parti historique informel qu’il considère composer, avec quelques amis, au nom de leurs positions critiques, et pas au nom d’un recrutement quelconque dont ils seraient les élus ou les dirigeants, les « responsables ».) C’est entre l’éclatement de la Ligue des communistes, au début des années 50, et l’adhésion à l’Internationale organisée de 1864. À propos de l’I.S. : il est vrai qu’il y a un fâcheux « mythe situ », revers de la médaille, je suppose, des résultats heureux que nous avons obtenus, et du style nouveau – donc un peu étrange – qui nous a paru nécessaire pour avancer dans cette voie. Il l’était… Il me semble que le problème est essentiellement sur ce point : on ne peut guère nier que nous avons fait du bon travail. Ceci déchaîne une sorte d’envie malsaine, pas seulement chez les tenants des vieux groupuscules répétitifs (y compris anarchistes), mais chez tous ceux qui n’ont pas adopté une attitude si radicale, dans la critique théorique et dans la conduite pratique. D’autre part, ceux qui croient maintenant qu’il est possible d’adopter abstraitement une telle attitude se sentent frustrés de n’avoir pas été là, ou bien de n’être pas « reconnus » par nous avec enthousiasme comme indistincts de nous. Mais en fait les problèmes d’aujourd’hui sont nouveaux, et la manière actuelle d’être « à la hauteur » de cette « glorieuse » I.S., pour les autres et aussi pour les situs aujourd’hui, ce ne peut être qu’expérimenter et découvrir les réponses plus avancées d’un moment plus avancé. Affectivement, on nous reproche surtout de ne pas recruter plus de gens. Mais n’est-il pas évident que nous serions devenus un groupe hiérarchique (efficace ou non, c’est une question subordonnée par rapport à cette question de méthode) en acceptant tous les « admirateurs » abstraits ? Ceci était vrai des années avant mai ; et serait pire encore aujourd’hui. On nous reproche les exclusions. Il faut se rendre compte que nous avons évité cent ou deux cents exclusions, simplement en étant sceptiques sur les gens qui se déclaraient d’accord. Bien sûr, il était également possible, dans cette triste perspective, qu’il y ait eu moins d’exclusions, tout simplement parce que le sens de l’I.S. aurait pu changer. Ceux qui ont « imposé » les vues dont le résultat brut est maintenant un acquis pour tout le monde dans le nouveau mouvement révolutionnaire auraient pu disparaître, et l’I.S. serait devenue un groupuscule quelconque. L’autre aspect – retentissant – des exclusions vient tout simplement de ce fait que nous avons eu une activité non dénuée d’importance. Des résultats non négligeables étaient chaque fois en jeu. Tandis que toute scission dans le groupe Noir et Rouge, ou même dans Socialisme ou Barbarie, a laissé tout le monde parfaitement indifférent. Je dis plutôt « scission », car ces gens, racolant tout ce qu’ils peuvent, et ne posant guère, par leur nonpratique, des problèmes réels, n’excluent pour ainsi dire pas. Si toute connerie est permise, et d’ailleurs anodine, et si rien de bien ou de mal ne peut de toute façon en sortir, pourquoi donc en viendraient-ils à ce luxe d’exclure qui que ce soit? Voilà donc ce que les « connaisseurs » du vieux gauchisme nous reprochent principalement (je passe sur toutes les calomnies purement dépourvues de base, style : « Ils ont trouvé de l’argent, c’est donc qu’ils étaient des gens riches. »). Mais, après tout, nous n’avons rien fait pour devenir populaires dans le milieu étudiant ou gauchiste. Et, si nous le sommes à présent, ce ne peut être que sous une forme « grinçante » qui ne nous affecte aucunement. Puisque nous n’avons pas pris en considération un tel but au départ, nous restons les mêmes après y être « arrivés ». Ceci dit, il est évident qu’il y a un bon nombre de problèmes réels, plus difficiles à cerner, hélas, dans le fonctionnement de l’I.S. ; et surtout dans cette question de ceux qui y participent, ou non. Désormais, tous les problèmes vont s’élargir, parce que le mouvement révolutionnaire commence à exister; ce qui peut à la fois les compliquer et donner les moyens de les résoudre. L’I.S. a été jusqu’ici une sorte de pré-organisation révolutionnaire, et cette époque, comme je le dis dans mon texte d’avril10, a plutôt été réussie, malgré des défauts évidents. La prochaine époque est problématique, et dépend finalement des résultats que saura atteindre l’ensemble du nouveau mouvement (dont il ne faut pas non plus exagérer la conscience et le début de liaison). Je crois aussi que tu as raison sur ce point : finalement, nous avons fait preuve d’« une trop grande souplesse » en admettant encore trop de gens qui se proclamaient d’accord sur des choses trop difficiles (pas seulement théoriques). Tout ce que je peux dire, c’est que nous avons été incapables de faire mieux; et je ne vois pas encore quel contrôle préalable plus rigoureux serait « sûr ». Mais le « mythe situ » dont nous parlons a sans doute fait plus de ravages dans l’I.S. qu’à l’extérieur. Certains s’y sont glissés avec des espérances quasiment mystiques, l’étiquette les a grisés, et même un début d’idéologie sur « l’excellence des situs » avait tendance à se constituer, rendant les « débiles dissimulés » tout à fait répugnants, et portant quelques situs honnêtes à l’optimisme, quelque peu indifférent aux réalités. Cependant, il n’y avait – il n’y a encore – parmi les gens que nous rencontrons qu’assez peu d’individus capables même de donner l’impression qu’ils peuvent vraiment s’employer dans l’activité que nous avons définie. Je fais ici une parenthèse (inutile, je pense, mais autant préciser) pour éviter toute obscurité en ce qui te concerne, puisque cette supposée fierté de l’appartenance à l’I.S. fait partout de la fumée : il est bien évident que, toi, en tant qu’individu que nous avons vu à l’œuvre, tu serais accueilli dans l’I.S. immédiatement avec une satisfaction unanime. Mais il est tout aussi sûr que nous nous interdisons de noyauter ou contrôler des groupes en nous entendant avec leurs meilleurs participants. À propos de l’exclusion des garnautins, je pense que tu as mal lu, ou plutôt oublié, les textes sur cette affaire : il s’agissait exactement de mensonges et manquements graves (conspiration pour faire exclure Khayati sur de faux témoignages), et c’est seulement sur cette découverte objective que nous ajoutons l’explication d’une débilité personnelle chez ces individus (la débilité n’étant certainement pas d’origine théorique, ni fondée sur l’ignorance de nos thèses et de celles des révolutionnaires du passé ; mais dans leur vie « privée » d’abord, et occasionnellement dans le manque d’activité pratique commune avec nous, où un apparent hasard les avait laissés pour toute leur première année dans l’I.S.). Naturellement, après en être arrivés là, ils sont devenus débiles aussi pour théoriser, parce que le mensonge ambitieux est toujours une base pourrie pour n’importe quel effort de formulation intellectuelle. Mon texte d’avril était destiné à une discussion que mai a tout de suite interrompue. Reprise en octobre, elle donnait unanimement cette conclusion que la suite avait confirmé en pratique l’essentiel de ma perspective. J’admettais aussi que l’I.S. en mai avait pu commencer à répondre positivement au problème que j’avais soulevé (être efficace dans un stade ultérieur qui approchait, ou bien disparaître). Il s’agirait donc de continuer, alors que le terrain d’action s’enrichit toujours. Le seul point discuté (par Vaneigem) fut celui du droit aux tendances. Il a été adopté. En fait, il y a eu toutes sortes de tendances dans les premières années de l’I.S., connues et ouvertes. Depuis 1962-63, on était parvenu à une certaine cohérence dans la théorie, qui est visible aussi. Ce résultat, accompagné d’une assez faible dose de problèmes pratiques réels, et surtout de problèmes nouveaux tels que les pose à tout instant une action pratique développée (allant aussi avec le fait que le fonctionnement d’un très petit groupe de gens bien d’accord peut souvent avoir l’air d’« aller de soi »), formait un milieu favorable pour une sorte d’idéologie de la cohérence. Les plus bêtes ou refoulés risquaient d’en être toujours les plus « radicaux » porteurs. Vaneigem ne partage pas ce conformisme : il ne s’oppose pas à ce qu’il y ait des tendances, il se déclare incapable d’imaginer ce qu’elles pourraient être – étant entendu qu’elles se placeraient vraiment sur notre base générale. Disons que les autres estiment moins que Vaneigem que l’I.S. implique déjà dans sa méthode une perfection de son développement. N’importe quelle expérience de la pratique montre qu’il y a une foule de débats possibles, et qu’il est stérilisant de prétendre les dépasser d’avance, ou les résoudre par une unanimité terroriste. Je crois que la lettre est assez longue pour cette fois. Il est vrai qu’il vaut mieux discuter de vive voix des questions compliquées. Amitiés, Guy Photocopie d’une lettre manuscrite communiquée par Louis Lefrançois. 1. Yvon Chotard (cf. Correspondance, vol. III, p. 243) devenu depuis avocat, conseiller municipal sous diverses couleurs politiques. 2. Edgar Faure, ministre de l’Éducation nationale. 3. Institut français d’opinion publique. 4. Raymond Aron, éditorialiste au Figaro. 5. Jeunesse communiste révolutionnaire. 6. Comité d’action. 7. Alliance des jeunes pour le socialisme. 8. Membre du C.M.D.O. en 1968. 9. Cf. Correspondance, vol. III, p. 270, note 4. 10. «La Question de l’organisation pour l’I.S. » (I.S. no 12, p. 112-113). P.-S. : Pour Coco11, pense ce que tu veux de sa subjectivité : tu le connais mieux que moi. Nous, nous considérons qu’un individu aussi truqueur, qui a une sale histoire et qui de son propre aveu a accepté de renseigner la police, doit être considéré comme dans les mains de la police, quoi qu’il croie vouloir faire. Il a dit en Italie qu’il fréquentait l’I.S. depuis des années, et avait collaboré au livre12 à Bruxelles. 11. Dit Coco de Nantes (cf. Correspondance, vol. IV, p. 22-23). 12. Enragés et situationnistes, op. cit. À Walter Lewino1 Paris, le 3 juin 69 Camarade Lewino, Merci pour la phynance2, Sans temps mort, sans entraves. Tampon de l’Internationale situationniste précédé des signatures de plusieurs de ses membres 1. Qui avait publié chez Éric Losfeld L’Imagination au pouvoir: inscriptions murales de Mai 1968, majoritairement inspirées de l’I.S. (photos de Jo Schnapp). 2. Walter Lewino versait à l’I.S. la moitié de ses droits d’auteur. À Pierre Lepetit Mercredi 9 [juillet 1969] Cher Pierre, D’accord pour repousser cette fête mexicaine à mercredi prochain (le 16). Amitiés, Guy P.-S. : Rappelle à René1 d’apporter mardi les trois photos tirées d’Eduardo2. Merci. 1. René Riesel. 2. Eduardo Rothe. Au président du tribunal de grande instance de Paris Paris, le 29 mars 1970 Monsieur le Président, Convoqué, à la requête de mon épouse Michèle Debord née Bernstein, pour comparaître par devant vous le 14 avril 1970 à 14 heures 30, en votre cabinet n° 1, pour une tentative de conciliation, j’ai l’honneur de vous faire savoir que, toute conciliation étant hors de propos, je n’ai pas l’intention de m’y rendre. Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées, G. Debord Lettre relative à un divorce concerté. À Tony Verlaan 10 juillet 70 Cher Tony, On a commencé à discuter mardi dernier le court texte que je t’ai envoyé (à propos du téléphone1). Ce n’est certes pas fini. Le débat s’est d’ailleurs très vite étendu à la faiblesse générale du Comité de rédaction français, ce qui englobe ses mauvaises méthodes de travail et, finalement, toute la question de la hiérarchie supportée parmi nous dès que l’on y supporte la présence de gens par trop inférieurs. Riesel a repris une critique, bien plus rude qu’avant, de l’insuffisance intellectuelle de François2, et surtout de sa façon générale d’être, qu’il avait auparavant dénoncée comme médiocre, mais qu’il croyait devoir maintenant qualifier de « minable ». Comme tu sais, le mot est très dur – surtout quand il qualifie quelqu’un dans son comportement total. François a répondu qu’il ne voyait rien de précis dans ces attaques ; et qu’il supposait que c’était là affaire de caractère. Raoul et Christian ont déclaré qu’il était impossible que ce degré de mépris soit accepté parmi nous, comme une chose toute naturelle. C’était bien l’avis général, et nous avons conclu que, si les choses en viennent à ce point, nous sommes obligés de choisir qui a raison. Alors François – dont le style de réponse avait été une sorte de démonstration mathématique de la vérité de la thèse de Riesel – a annoncé sa démission. Je crois qu’aucun problème n’est réglé pour cela; mais voilà au moins un faux problème qui disparaît vite et bien. Je ne t’apprends ce détail que pour la forme, puisque tes prévisions de Venise englobaient, je crois, ce cas ? À bientôt? J’espère que Mathias arrive. Amitiés, Guy Photocopie communiquée par Serge Le Bret. 1. Cf. Correspondance, vol. IV, p. 243-244. 2. François de Beaulieu. Au président du tribunal de grande instance de Paris Paris, le 4 juin 1971 Monsieur le Président, Convoqué, à la requête de mon épouse Michèle Debord née Bernstein, pour comparaître par devant vous le 18 juin 1971 à 14 heures 35, en votre cabinet n° 2, pour une tentative de conciliation, j’ai l’honneur de vous faire savoir que, toute conciliation étant hors de propos, je n’ai pas l’intention de m’y rendre. Veuillez agréer, Monsieur le Président, mes salutations distinguées, G. Debord À Daniel Denevert1 26 février 72 Cher Daniel, Le fait que tu es très éloquent dans l’écriture rencontre malheureusement la circonstance que j’ai en ce moment très peu de temps pour écrire des lettres. J’aurais beaucoup de choses à répondre à ta dernière lettre, mais je préfère t’en parler de vive voix. Je suis sûr aussi que l’on peut parler de tout ce qui peut s’écrire, et que le dialogue direct ne manquera pas de s’améliorer à l’usage. Pour s’en tenir au plus général, je trouve que les questions que tu veux traiter sont la matière d’un livre fort intéressant; et que tu devrais l’entreprendre. Je pense comme toi que la forme « dictionnaire » est très difficile à écrire, et plus encore à lire comme il conviendrait. Mais tout le reste est ouvert. Il est vrai qu’il y a, dans un côté du révolutionnarisme actuel, un aspect « regret de l’âge d’or », qui n’est pas formellement énoncé, mais que l’on peut sentir – par exemple dans beaucoup de pages de Vaneigem. Il faut le critiquer, surtout si l’on estime que les conditions actuelles de vie – se détériorant – risquent de renforcer cette réaction affective (qui devient presque franchement idéologie dans le courant « écologiste » du gauchisme américain). C’est que la perte de la vie est un phénomène bien réel (par exemple, qui a vécu les vingt dernières années à Paris a pu assister à une «perte de la ville »), mais, évidemment, il n’existe qu’à l’intérieur même d’une forme de vie fondamentalement déjà « absente ». J’ai évoqué, dans le « Spectacle », les deux ou trois époques où l’on peut reconnaître une certaine vie historique dans le passé, et leurs limites. À considérer ceci froidement, il apparaît que, sur l’ensemble de l’existence du vieux monde, on n’a pas eu grand’chose à perdre. Contrairement à toi, je crois qu’« après l’I.S. », il reste beaucoup d’idées essentielles à découvrir (et parfois à redécouvrir). L’I.S. a d’ailleurs trouvé très peu d’idées essentielles : deux ou trois, ce qui est un résultat extrêmement riche, parce que beaucoup de mouvements qui ont compté dans l’histoire n’en avaient trouvé qu’une, ou même pas vraiment une. Par contre, nous avons pu ramener dans le jeu plusieurs conceptions révolutionnaires anciennes – qui devaient revenir de toute façon – et, étant donné, d’une part le terrain historiquement favorable, mais d’autre part nos très faibles moyens, je trouve que notre stratégie fut assez remarquable en cela. Vous écriviez dans L’intelligence2 : « L’I.S., elle-même, a en partie contribué à s’assujettir aux procédés spectaculaires » (en donnant une certaine prééminence à «ce qui fut positivement réalisé »). Quoiqu’il y ait certainement là quelque chose de vrai, c’est une vérité elle-même simplement positiviste. La constatation est abstraite, non historique. 1) Si nous n’avions pas énoncé – positivement, je veux bien – la part de négatif, en théorie et en actes, que nous avions réalisée, qui donc l’aurait fait ? Cela n’eût certes jamais couru le risque d’être contemplé comme positif, mais ce ne serait pas entré dans la lutte historique. Des millions de prolétaires restent, en tant que prolétaires, purement négatifs pendant des dizaines d’années. C’est au point que personne ne le reconnaît vraiment; même pas eux, qui alors se reconnaîtraient faussement en tant qu’électeurs ou joueurs de tiercé. (Voilà bien les ruses de l’histoire dans les trois lignes précédentes, trois stylos à bille sont arrivés à leur fin 3…) 2) On peut maintenant montrer précisément en quoi – on peut même voir souvent qui ! – l’I.S. a trop laissé passer son éloge. Tout, bien sûr, pouvait être fait partiellement mieux : la preuve est que cette critique a été soulevée dans l’I.S. depuis des années, mais n’a elle-même que partiellement réussi. Il faudrait donc montrer concrètement ce qui a été manqué. On ne le juge en fait que d’après ce qui a été réussi. (Sans quoi il n’y aurait même pas de « juges » capables, pour cette opération même de juger le résultat). Il faudra donc critiquer le tout dans son développement. Il me paraît plus simple que vous reveniez dîner chez moi. Ceci vous évitera un voyage supplémentaire. Et je ne suis pas trop pressé de voir Sevran, ayant déjà connu Sarcelles. Je vous propose de venir vendredi prochain vers 19 heures; avec Paulette que j’ai rencontrée dimanche dernier chez les camarades portugais. Amitiés, Guy Photocopie d’une lettre manuscrite communiquée par Ken Knabb. 1. Daniel Denevert, cf. Correspondance, vol. IV, p. 480, note 1. 2. Pour l’intelligence de quelques aspects du moment. 3. D’où la mauvaise qualité du document. Au percepteur du 3e arrondissement Paris, le 28 janvier 1973 Monsieur le Percepteur, Je reçois un avertissement (dont référence ci-jointe), m’enjoignant de payer, à titre de tiers provisionnel, pour l’année 73, la somme de 5 490 F. Or ce tiers provisionnel est encore calculé sur les salaires de mon exfemme, Mme Michèle Bernstein, en l’année 1971. J’ai divorcé d’avec Mme Bernstein en janvier 1972. Je me suis remarié, en août 1972, avec Melle Alice Becker, dont les ressources sont très différentes, et inférieures, de celles de Mme Bernstein. Mme Bernstein, qui a changé de domicile, d’arrondissement, et de perception, s’occupe désormais elle-même de payer les impôts correspondant à son salaire. Elle était allée vous l’expliquer au début de l’année 1972, et vous lui aviez confirmé que je n’avais aucunement à verser de tiers provisionnel sur les ressources d’un mariage dissous. Je pense donc ne pas avoir à vous verser le montant de ce tiers provisionnel – je ne serais d’ailleurs pas en mesure de le faire. Par contre, je vous enverrai en temps voulu la déclaration de mes revenus en 1972 (et de ceux de Melle Becker, désormais Mme Debord), et vous réglerai bien entendu les contributions qui en découleront, et qui correspondront à la modicité de nos ressources actuelles. Veuillez croire, Monsieur le Percepteur, à l’assurance de mes sentiments distingués. Guy Debord Au percepteur du 3e arrondissement Paris, le 9 mai 1973 Monsieur le Percepteur, Me référant à ma lettre du 28 janvier 1973, je vous rappelle que les demandes de tiers provisionnels d’un montant de 5 490 francs qui continuent de m’être adressées (180, rue Saint-Martin) correspondent en fait aux versements dus, sur la base de ses salaires précédents et actuels, par mon ex-épouse, Madame Michèle Bernstein (57, rue du Temple, Paris 4e) dont je suis divorcé depuis janvier 1972. Selon les termes de votre réponse du 31 janvier 1973, je fixerai donc moimême et sous ma responsabilité le montant de mon versement provisionnel à 200 francs, ceci pour la bonne forme de votre comptabilité et sous réserve des rectifications que vous voudrez bien opérer ultérieurement. Il se trouve, en effet, que mes seuls revenus imposables pour l’année 1972 se sont élevés à 4 331 francs de droits littéraires. La déclaration que je vous ai adressée à la fin de janvier en commun avec ma nouvelle épouse, Alice Becker, comportant un total imposable de 20 646 francs, il me semble que le tiers provisionnel habituellement attribué à Alice Becker, et compte tenu du calcul sur deux parts, n’aura pas à être augmenté pour cette année 1972. Je vous prie donc de trouver ci-joint un chèque de 200 francs sur la Banque commerciale pour l’Europe du Nord, ainsi qu’un chèque de 930 francs, d’Alice Becker, sur le Crédit commercial de France. Veuillez agréer, Monsieur le Percepteur, mes salutations distinguées. G. Debord À Jacques Le Glou [Mars 1974] « PROMOTEUR, NE RONGEZ PLUS VOTRE FREIN Vous avez acquis une solide expérience dans la promotion immobilière et vous avez une formation TP, AM, HEC, ESSEC, ESCP. C’est pourquoi vous nous intéressez. Nous pouvons satisfaire votre esprit d’entreprise et votre sens des responsabilités dans l’exercice d’une fonction de CHEF DE PROJETS IMMOBILIERS1 » Naturellement, vous aurez lu comme il convient les sigles bien connus : – Terroriste prolétarien, – Anarcho-marxiste, – Héros de l’expropriation communiste, – Expert en sabotage situationniste et conseilliste, – Exterminateur des syndicalistes, capitalistes et policiers. Par ailleurs, nous vous rappelons que, si vous désirez travailler dans une autre branche en pleine expansion – où les peines de prison sont généralement plus modérées – les mêmes brillants diplômes vous ouvrent également la carrière de chansonnierdétourneur 2. Votre vieil ami, Gondi Additif à la lettre parue dans le volume V de la Correspondance, p. 134-135. 1. Encart publicitaire collé en tête de la page. 2. Allusion au prochain disque Pour en finir avec le travail (cf. Correspondance, vol. VI, p. 133, note 1). À Jacques Le Glou Jeudi 30 mai [1974] Cher Jacques, Merci de ta réponse immédiate, que j’ai reçue hier : je veux dire la lettre que tu as envoyée ici1 ; car l’autre n’est toujours pas arrivée. Je te demanderai donc de passer voir ma boîte aux lettres rue Saint-Martin (239)2. Et de m’envoyer directement tout ce que tu y trouveras peut-être. Ensuite, je pourrai relancer les postiers pour l’avenir. On t’envoie par le même courrier la clef de cette boîte aux lettres, dans un petit paquet recommandé. Merci encore. Désolante Colombo3 ! Tant pis pour elle. L’important est que ce disque sorte au plus vite, même avec une chanteuse moins remarquable. Pour le n° 2, tu auras l’embarras du choix entre dix chanteuses au moins. On espère que tout ce travail de fabrication te laissera une semaine dans l’été pour venir voir notre montagne. Amitiés, Guy P.-S. : As-tu remarqué que, depuis huit jours, les pourris du Monde ont fait disparaître de la liste des exclusivités, non seulement mon film4, mais le « Studio Gît-le-Cœur » aussi ? Peux-tu me trouver le n° 87 du Point où il y avait, me dit-on, un article sur le film ? Ce doit être le numéro qui a paru le lundi 20 mai. 1. En Auvergne. 2. Cf. Correspondance, vol. IV, p. 114 (lettre à J. V. Martin). 3. Pia Colombo qui renonçait à interpréter des chansons du disque Pour en finir avec le travail. 4. La Société du spectacle, cf. Correspondance, vol. V, lettre du 25 juin 1974 (p. 172). À Anne Krief et Jaime Semprun Mardi 10 juin [1975] Chers Anne et Jaime, Merci de tous vos envois. Comment faites-vous pour lire L’Espresso dans le fond de la Bretagne ? Ici, je ne lis que Le Monde, et encore faut-il pour cela s’y être abonné. Le quasi-boycott des journaux sur La Guerre sociale 1 n’est pas étonnant, mais tout de même fâcheux. Pauvre Roy2 ! Et que fera Bott2 ? Pitié sans doute, comme d’habitude. Lebovici ne devrait-il pas faire passer une ou deux publicités pour prévenir un peu de son existence le public qui, forcément, attend ce livre ? Balland3, je vois en effet ce que c’est : parti de rien, il est arrivé à la misère. On dit même que la faillite est toute proche. Le crétinisme des journalistes italiens concernés est assorti d’un provincialisme singulier. Pour eux, toute l’importance est dans la période 1957-60, parce que l’I.S. y avait un certain caractère piémontais ; et cette période même, ils ne la connaissent pas. Je crois comprendre que l’événement central, autour duquel ils entassent leurs bribes d’érudition, se ramène à ceci : une rétrospective miséreuse de « peinture industrielle » a été perturbée par des ultra-gauchistes qui se présentent en héritiers de l’I.S. En tout cas, ce que ceux-ci ont fait de bien, c’est de dire que l’I.S. n’existe plus depuis 1972. Cette vérité est d’autant plus utile en Italie que « tous les représentants du vieux monde et tous les partis » prétendent y traquer ce fantôme, cette chère vieille taupe. Ceci devrait rassurer Gianfranco, à moins qu’il n’en soit plutôt désolé (je n’ai plus eu aucune nouvelle de lui, ni de son pamphlet 4, depuis plus d’un mois). Si la farce est vraiment nécessaire pour que l’humanité se sépare joyeusement de son passé, on mesure chaque semaine les progrès du monde, notamment en France. Quand on voit les camarades-putes occuper les églises, et déclarer qu’elles ne se laisseront pas « manipuler » par ceux qui veulent « récupérer » leur mouvement, je me réjouis de n’avoir pas perdu le temps que j’ai passé à perturber cette malheureuse époque. Je suis un peu moins optimiste qu’Alice sur l’ignorance des loulous de la porte des Lilas5 à propos de l’I.S. Je soupçonne quelques-uns d’entre eux d’en connaître quelque chose. Mais ce qui est certain, c’est que personne ne m’a reconnu. C’est heureux, et cela permet de mesurer mieux l’état d’esprit moyen de jeunes ouvriers d’aujourd’hui : il est très encourageant pour nous, et tout à fait désespérant pour le système et ses souteneurs. Je suis sûr que le maçon fera son œuvre avant votre arrivée. Je lui ai expliqué la nécessité de cette chambre pour des amis que j’attends, et il m’a assuré que ce serait fait. In vino veritas : il avait l’air extrêmement sincère. Je suis impatient de voir Anne dans de nouvelles danses. Amitiés, Photocopies d’une série de lettres manuscrites communiquées par leurs destinataires. 1. La Guerre sociale au Portugal, de Jaime Semprun (Éditions Champ libre, 1975). 2. Claude Roy et François Bott, journalistes. 3. L’éditeur André Balland. 4. Véridique Rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie, par Gianfranco Sanguinetti. Guy 5. Jeunes de la banlieue parisienne venus s’installer en HauteLoire (cf. Correspondance, vol. V, p. 400-401). À Jaime Semprun 20 juin 75 Hombre ! On dirait que la lutte finale a commencé à Lisbonne. J’aimerais avoir des nouvelles du succès de ton livre. Votre chambre se construit en ce moment même, à grand bruit : ce qui me tire du lit tous les matins à 6 heures et demie. Cette misérable carte postale ne rend pas du tout justice au mont Bar1, qui est mon volcan favori : c’est au-dessous de celui-ci que nous résidons. Amitiés, Guy Carte postale. 1. Volcan éteint sur la commune d’Allègre (Haute-Loire). À Jaime Semprun 3 juillet 75 Cher Jaime, Je crois que notre éditeur a raison de vouloir éviter l’air de faiblesse que comporte une publicité pauvre. Mais pourquoi n’avoir pas choisi en temps utile la solution d’un certain « matraquage » ? Pour un livre de ce genre, ce matraquage n’avait pas vraiment besoin d’être «à grande échelle ». Et c’eût été parfaitement honorable, parce qu’il ne s’agit pas d’un roman. Quelque allure de diffusion « militante » était justifiée par la nécessité de briser un boycott qui, dans ce cas, ne pouvait être une surprise – et dont Champ libre en général commence à avoir une solide expérience. Je comprends que Lebovici soit déjà content du premier succès atteint. Je pense même que, d’un certain point de vue, ce livre a le temps devant lui pour trouver son public par infiltration. Mais, tout de même, dans la mesure où il peut influencer une situation qui évolue de jour en jour, j’aurais évidemment préféré lui voir quinze mille lecteurs dans le premier mois que quatre mille d’ici à la rentrée. Je n’ai pas une très grande confiance dans les projets de réédition rapide des livres de Champ libre. La Véritable Scission1 , par exemple, avait été tirée, je crois, à huit mille exemplaires. Cinq ou six mille ont dû se vendre dans les premières semaines. Et depuis, ce n’est pas encore épuisé, car il doit s’en vendre cinq cents par an. Ceci veut dire que Champ libre n’est réellement diffusé dans le grand public qu’au moment de la parution; ensuite il reste l’intérêt d’une couche spécialisée, qui ne grandit que lentement. Il faudra justement le large « succès » de quelques livres pour multiplier le nombre de ces spécialistes « avancés ». Champ libre connaît ainsi quelques succès relatifs avec des chiffres qui sont toujours très rares dans l’édition courante, où les rares succès commencent à vingt mille exemplaires, ou peut-être déjà à douze ou quinze mille; tandis que les échecs – qui sont, bien entendu, la règle générale – représentent une vente de cinquante à deux cents exemplaires, et les «succès d’estime » – euxmêmes assez rares, et qui signifient que l’éditeur est rentré dans ses frais – sont aux alentours de deux mille exemplaires. Je crois que l’on peut considérer, économiquement, que, pour la moyenne des éditeurs, un bon succès paye les dépenses d’une centaine d’échecs, et un deuxième succès là-dessus peut leur apporter de considérables bénéfices. Au contraire, à Champ libre, il y a un certain nombre de titres dont chacun compense les frais de quatre ou cinq inepties parfaitement invendables, mais pas encore de grand succès commercial (ce qui veut dire aussi : pas de grande diffusion ayant un impact politique instantané). Cependant, cela devrait finir par arriver (ce qui, du même coup, fera lire Cieszkowski et les Campagnes de Clausewitz), et rien ne sera un meilleur thème que le Portugal en ce moment. Espérons donc lire Roy dans l’Observateur. La charogne de Libération, avec le ton répugnant de Charlie-Hebdo, et le même manque de courage qui se déguise en pirouettes peu désinvoltes, me paraît finalement assez favorable au livre. En tout cas, il cite. Il a été impressionné, sans doute parce que c’est déjà assez lu et discuté dans son milieu; et les autres rédacteurs sont probablement beaucoup plus hostiles que lui, d’où son ton ambigu. Le plus amusant, c’est de voir encore une fois un de ces petits porteurs anonymes d’une « notable quantité d’importance nulle » nous faire le coup du vieux combattant revenu de tout, avec une supériorité mélancolique qui évoque les grandes illusions révolutionnaires de sa glorieuse jeunesse, vers 1969 probablement. En tout cas, pour une réédition à l’automne, il serait bon d’ajouter sur la jaquette du livre (et dans une éventuelle publicité) quelques citations sur des événements et commentaires survenus depuis; peut-être montés en alternance avec les commentaires les plus incompréhensifs qui auront tout de même paru dans la presse? Rien ne met en fureur nos ennemis comme les démonstrations du type : « On vous l’avait bien dit.» Ils trouvent cela atrocement inélégant, et on les comprend, puisque justement eux n’avaient rien dit au bon moment, ou bien tout le contraire. À propos des Portugais, je n’ose même pas imaginer quelle marmelade peut figurer les intérêts généraux de la société dans la tête d’individus déjà si peu capables de s’y reconnaître dans les plus simples de leurs aventures particulières. Sois sûr qu’Eduardo2, si ennemi de toute réalité, et cette pute3 qui m’aimait tant, auront répandu à Lisbonne des tonnes de mensonges sans frein et, comme ils s’adressent à des esprits si clairs et si conséquents, les autres mettront six mois de plus pour commencer à s’y retrouver. Le prolétariat ? Il attendra. Mais eux auront fini par faire la critique exhaustive de Slavia3, d’Eduardo, et de quelques autres étoiles de cette intensité. Ci-joint ce que j’ai répondu à Gianfranco. Tu admireras la cruauté des « individus d’un mérite excellent4 ». C’est un fait que les médiocres en question postulent frauduleusement que nous devrons avoir la modestie de supporter leurs impertinences, l’étalage de leurs inconséquences dramatisantes, et jusqu’à leurs maladroits mensonges. Mais on ne peut comprendre où ils rêvent de placer la racine illusoire de cette obligation : amabilité de campagne électorale, ou quoi? Depuis qu’il n’y a plus d’I.S. pour donner quelques droits aux crétins mêmes, quand ils n’en étaient pas encore exclus, cette attitude est encore plus imprudente; comme on voit. Paolo5 a donc une certaine imagination, sur les seuls sujets qui le passionnent. Il en faut pour que la belle silencieuse6 devienne ainsi un piège à penseurs, une espionne de la dialectique, une embuscade de l’Histoire. Le militantisme, l’infiltration, le contrôle, les provocations d’une sorte de « Direction de la Surveillance de la Théorie », lui paraissent des catégories de la moindre rencontre érotique. Inversement, Eduardo n’avait jamais voulu nous dépeindre l’obscurité de la situation stratégique au Portugal que dans le langage conventionnel de la passion amoureuse : tout est là, avec peut-être aussi le contraire, mais il ne faut que le voir par soi-même, le sentir, y être. Et après toutes ces pauvres ruses, il apparaît simplement que leurs manœuvres et leurs amours sont également fausses, à tous les coups. À bientôt, Guy 1. Parue en 1972. 2. Eduardo Rothe. 3. Une des « étoiles filantes » de ce milieu. 4. Cf. Correspondance, vol. V, p. 284. 5. Paolo Salvadori, ex-situationniste de la section italienne. 6. Une amie de Jaime Semprun. À Jaime Semprun 10 juillet 1975 Cours vite, camarade, le Nouveau Monde est devant toi1 ! Guy, Alice (Roy s’est surpassé : il a trouvé son meilleur titre.) Carte postale envoyée du lieu dit « Le Nouveau Monde » (dans l’Allier) à cause d’un projet de ligne de chemin de fer abandonné. À Jaime Semprun 17 juillet 75 Cher Jaime, J’ai trouvé ta lettre du 9, et ta carte, au retour d’un bref voyage dans les Cévennes et – beaucoup plus beau selon moi – les Causses. Le fameux Nouveau-Monde fut la plus laide étape; nous y sommes restés vingt minutes, ce qui est encore trop. Je suis émerveillé de l’état d’avancement du Précis de récupération 1. Ce sera un coup superbe de le publier à la rentrée, alors que les remous de La Guerre sociale dureront encore certainement. Chacune de ces atrocités appuiera l’autre pour la rage inquiète de toute la crapule spectaculaire. Quant à la réédition de La Guerre sociale, si elle se fait à ce moment, il se sera passé tant de choses qu’il serait bon de prévoir une « Préface à la deuxième édition » : je crois qu’il est facile d’introduire quatre pages de plus dans la composition du livre (je n’ai jamais pu maîtriser le calcul, assez simpliste pourtant, de la distribution en cahiers des pages imprimées, mais je crois que l’on peut toujours ajouter quatre pages, ou un chiffre multiple de quatre, sans avoir à bouleverser le reste du plomb). Le plan d’exécution des récupérateurs me paraît bon, et d’ailleurs, quand on a de si belles choses à dire, presque tous les plans seraient bons. Le seul péril serait d’oublier un courant important, ou un personnage particulièrement révoltant. Car des gens se targueraient sûrement de cet oubli comme d’une approbation implicite. On devra donc, ici, un soir ou deux, mener collectivement une recherche exhaustive sur ces bas-fonds de l’Esprit du Temps. La péninsule2, en effet, peut attendre, si l’achèvement rapide d’une tâche si utile en France te paraît possible. Comme il fallait s’y attendre, Soarès3 mène l’épreuve de force avec la plus grande faiblesse. Il n’avait que fait mine de la choisir. Maintenant, il prétend « expliquer » ce qui se passe à ses militants, alors qu’il est déjà tard pour agir. Et il ne pense qu’à retenir des forces dont il ne disposerait effectivement que s’il osait les lancer en avant. Mais il ne peut marcher avec les ouvriers. Ainsi, il devient effectivement une critique de droite (démocratique-conservatrice) du mouvement aveugle qui pousse l’État vers une solution bureaucratique militarisée. La seule critique de gauche, il la déteste encore plus que ses rivaux staliniens, qui veulent, pour anéantir au plus vite le courant révolutionnaire que Soarès voulait sottement endormir à la longue (et en ceci les staliniens sont de meilleurs stratèges que lui), abolir jusqu’au souvenir de l’inutile héritage électoral de Soarès. Ces élections auraient donné, pour un temps au moins, le pouvoir à Soarès si, par impossible, Salazar4 ou Caetano5 avaient eu l’idée étrange d’organiser des élections libres qui eussent donné ce résultat. Mais là, les militaires ayant fait leur putsch6 par eux-mêmes, et ainsi déclenché malgré eux une révolution sociale, ce n’étaient pas des élections libres, très manifestement; et, de plus, dans un moment où même des élections libres, du type parlementaire, ne peuvent plus avoir une légitimité suffisante. Je crois donc que Soarès a les plus grandes chances de devenir le dernier en date de ces ennemis de droite que les successifs « gouvernements provisoires » se cherchent si fébrilement depuis quinze mois, et qui toujours leur claquent dans la main avant d’avoir fait beaucoup d’usage. La révolution portugaise est si moderne que, non seulement tout ce qui la combat se place sur le terrain le plus intensément spectaculaire (mesure le « progrès » par rapport à ce que dénonçait Rosa Luxembourg en décembre 1918), mais encore on peut dire que les produits idéologico-politiques de ses ennemis ressemblent à ces marchandises actuelles parvenues à un tel degré de sophistication que l’usage s’en rétrécit à grande vitesse : car elles sont de moins en moins adaptées à leur fonction affichée, et car aussi l’usure y est intégrée. J’ai l’impression que Soarès, cherchant partout du secours, a lu ton livre. Aurait-il trouvé tout seul cet argument, pour une fois réaliste et cruel, que les staliniens « ont créé davantage d’anticommunisme au Portugal pendant un an dans la légalité que tous les discours de Salazar et de Caetano pendant quarante-huit ans » (cité dans Le Monde du 11 juillet) ? Il néglige seulement de dire, et c’est bien là où le bât le blesse, que cette légalité avait cette fois le malheur de coexister avec une révolution – ce qui ne rendait le jeu facile ni aux staliniens, ni à lui-même. Et ce ministre des Transports, combattant ses grévistes, qui est allé, le 29 juin, jusqu’à proclamer si naïvement cette vérité que les travailleurs font, dans ce cas, au contraire de Republica, une grève politique et « attaquent le ministre communiste pour attaquer le parti auquel il appartient ». Mais il trouve cela tout à fait scandaleux (contre-révolutionnaires à remettre au pas!), comme s’il gouvernait déjà dans le Berlin de 1953, avec l’aide des tanks russes : « Il faut dissoudre ce peuple et en élire un autre !7 » 1. Slogan de Mai 68 détourné. Je crois que l’organisation autonome des ouvriers avait fait encore un grand progrès dans la manifestation du 4 juillet. Que va-t-elle faire maintenant? Les partis gauchistes semblent vouloir appuyer les staliniens contre Soarès. Après ce que Soarès a fait, et n’a pas fait, dans les derniers jours, je doute fort que des assemblées d’usines le jugent digne d’être appuyé de quelque manière. Ce qui est, par contre, certain, c’est qu’effectivement tout ce qui reste de bourgeoisie, petite-bourgeoisie, paysannerie riche et moyenne encore capables de s’exprimer politiquement pour revenir en arrière, vont appuyer Soarès. Mais je n’imagine guère qu’il puisse leur faire plus d’usage que Spínola8. Quoique la lenteur portugaise continue (d’exprimer la faiblesse de chaque position, comme ces militaires voulant maintenant préciser que leur projet de totalitarisme ne serait à réaliser qu’en dix ou vingt années !), tout semble indiquer qu’on ne peut plus attendre pour jouer le coup final : on menace la population d’une famine pour l’automne, et le général Costa G.9 (à moins que ce ne soit Vasco G.9, ils sont tous généraux maintenant) a prononcé opportunément la condamnation que toutes les classes dominantes ont toujours portée contre toutes les révolutions : on y parle trop, et on n’y travaille pas assez. Confirme-moi si vous venez le 5 août. Amitiés, Guy 1. Précis de récupération (illustré de nombreux exemples tirés de l’histoire récente) paraîtra aux Éditions Champ libre en janvier 1976. 2. Projet d’un livre sur l’Espagne (cf. Éditions Champ libre, Correspondance vol. 1). 3. Mario Soarès, alors Premier ministre socialiste au Portugal. 4. Antonio de Oliveira Salazar, dictateur portugais de 1932 à 1968. 5. Marcelo Caetano succède à Salazar en 1968. 6. Coup d’État militaire du 25 avril 1974. 7. Bertolt Brecht (Die Lösung). 8. Général António de Spínola, président de la junte. 9. Les généraux Francisco Costa Gomez et Vasco Gonçalvez qui forment, le 26 juillet, avec Otelo de Carvalho, un triumvirat militaire. (Suite pour Anne) Chère Anne, J’ai appris avec émotion que tu avais vingt-quatre ans. Après un si beau début, on peut tout attendre de la suite ! Voudrais-tu m’acheter à Paris, et m’apporter aussi bien sûr, 40 boîtes de tabac Capstan, bleues ? (prends garde au fait qu’il en existe une version en boîtes vertes, car la récupération est partout). Ci-joint un chèque, sur la plus stalinienne des banques. Merci. Je t’embrasse, G. Nous fêterons ensemble quelques anniversaires et beaucoup de nonanniversaires (le mois d’août en compte 31 et parfois même davantage). Affections, Alice À Anne Krief et Jaime Semprun Mercredi 23 juillet [1975] Chers Anne et Jaime, Je reçois votre lettre du 20 juillet et, en même temps, on me téléphone que mon enregistrement1 devra commencer, et donc finir, avec un peu de retard sur la dernière prévision. Nous vous attendrons donc le samedi 9 août. Venez en train à Darsac, où nous vous attendrons avec un taxi. Prenez, gare de Lyon, le train de 12 heures 25. Il faut changer à Clermont-Ferrand, à 16 heures 30. Puis changer encore à Saint-Georges d’Aurac, à 18 heures 11. Là, une micheline vous mène agréablement à Darsac, à 18 heures 50. Télégraphiez, ou téléphonez, si vous ne pouviez venir à cette date. À part le Capstan, on n’a besoin de rien. Merci. Au Portugal, les dés roulent encore. La radio m’apprend à l’instant que le M.F.A.2 a renvoyé son assemblée d’aujourd’hui « pour que ses divergences n’éclatent pas publiquement ». Ils ont pourtant peu de face à sauver, et moins encore de temps à perdre. Ce qui s’est passé à Porto la semaine dernière est d’une très grande portée : les staliniens se sont effondrés, après avoir essayé in extremis de s’appuyer sur l’organisation autonome des ouvriers; qui clairement n’a voulu soutenir ni les staliniens ni Soarès – lequel regroupe à présent derrière lui tout ce qui n’est ni révolutionnaire, ni stalinien ou stalinoïde. Les charognes qui évoquent, comme Ravenel dans Le Monde du 23, «les organes du pouvoir populaire » et la « démocratie directe », parlent en fait des rêveries de Carvalho – touriste, sans doute forcé, à Cuba –, incluant ainsi tous les noyautages déjà réalisés ou sottement espérés par les staliniens. Mais ils ne parlent jamais de la réalité concrète de cette autonomie, cette liaison autonome des assemblées d’usines qui a fait les manifestations du 17 juin et du 4 juillet à Lisbonne, et du 19 juillet à Porto (je n’ai pas d’informations claires sur le dernier weekend à Lisbonne). Évidemment, c’est surtout cette force qu’il faut évoquer dans les postfaces aux éditions étrangères. Guégan3 cherche vraiment à rencontrer la foudre ! À bientôt. Amitiés, Guy 1. Enregistrement de Réfutation de tous les jugements, tant élogieux qu’hostiles, qui ont été jusqu’ici portés sur le film « La Société du spectacle ». 2. Mouvement des forces armées. 3. Gérard Guégan, cf. Correspondance, vol. V, p. 341-344. Au conservateur du Centre national de la cinématographie Paris, le 21 février 1978 Monsieur le Conservateur, Je soussigné Guy Debord, domicilié à Paris 3e – 239, rue Saint-Martin, autorise la société Simar Films, productrice du film dont je suis l’auteur intitulé : « LE SIXIÈME FILM DE GUY DEBORD » à remplacer ce titre par : « IN GIRUM IMUS NOCTE ET CONSUMIMUR IGNI » Debord À Paolo Salvadori 7 octobre 78 Cher Paolo, Remettons donc cette rencontre vers le 20 novembre. D’accord pour Geneviève1 ! Si tu viens en voiture, il faut aller à Marseille, puis remonter la vallée du Rhône jusqu’à Montélimar (ou aux environs de cette ville). De là, aller à l’ouest jusqu’à Aubenas […]. Si tu viens par le train, il faut prendre à Marseille un train pour SaintGeorges d’Aurac, sur la ligne qui va à Clermont-Ferrand ; et me prévenir de l’heure où tu arriveras à Saint-Georges d’Aurac, pour qu’on t’y attende avec un taxi. Mon numéro de téléphone […]. Il est écouté; ou du moins il en présente tous les symptômes. Amitiés, Guy Photocopie d’une lettre manuscrite. 1. Compagne de Paolo Salvadori. P.-S. : Gianfranco est revenu, de lui-même, à la lucidité. Il est aussi dans une position dangereuse. En quelques jours, on a allumé deux incendies à proximité immédiate de sa maison2. 2. Cf. Correspondance, vol. V, p. 479-480, lettre à Gianfranco Sanguinetti du 7 octobre 1978. À Paolo Salvadori 27 novembre 78 Cher Paolo, Comme je te l’ai dit hier par téléphone, tu dois imposer toutes tes conditions à Arcana1, en les traitant sévèrement et avec hauteur. Et en leur disant aussi pourquoi ils méritent cette méfiance méprisante : parce qu’ils ont publié le misérable néo-Vaneigem, parmi d’autres sottises. S’ils veulent maintenant embellir leur réputation, il leur faut en passer par tes exigences, car tu peux leur rappeler que ni Champ libre ni l’auteur ne les accepteront comme éditeurs, en dehors de toi. Et qu’il serait très dangereux d’être un éditeur-pirate que nous refusons. À ce propos, voici la lettre sur « La Pietra ». Je pense que, même dans ces circonstances, il ne faut pas envisager d’action commune avec Gianfranco. Mais il peut faire de son côté ce qu’il voudra. Tu recevras une copie de la lettre que Champ libre va adresser à ces gens pour leur interdire cette édition2. Quelle que soit la fermeté de leur intention, il faudra bien les en décourager. Peut-être que le plus simple sera d’aller dire à Simonetti3 qu’il ne doit plus y penser. Il est certain que l’I.S. vient à la mode en Italie, et qu’il sera très important de dissuader les pires récupérateurs, dans un court délai. A-t-on des nouvelles de Vallecchi4 ? Il n’a plus répondu à Lebovici depuis deux ou trois mois; et en fait le contrat n’est pas encore signé ici. Quand tu auras fixé tes conditions à Arcana, envoie le texte à Champ libre (pour Gérard Lebovici, personnellement), en rappelant que j’ai demandé que tout cela soit inclus ne varietur dans le contrat qui serait signé avec eux. J’attends ta lettre. J’espère que tes écrits avancent bien, et que nous nous reverrons bientôt. Nos amitiés à Geneviève et à toi. Guy Photocopie d’une lettre manuscrite. 1. Futur éditeur italien des Œuvres cinématographiques complètes, de Guy Debord (cf. Correspondance, vol. V, p. 484485). P.-S. : Arcana étant dans cette position et dans cette réputation, il est évident que le délai que tu fixeras devra aussi leur convenir. Mais naturellement, nous avons intérêt à ce qu’une édition correcte paraisse assez vite; sinon La Pietra pourrait peut-être aussi rêver malsainement à ce propos ? Et il y en aura sûrement d’autres. Le livre5 doit sortir aujourd’hui de l’imprimerie. Je ne sais quand tu l’auras. As-tu reçu les cinq volumes de Bakounine, expédiés de Paris il y a environ trois semaines ? Si tu dois me téléphoner, fais-le en P.C.V., c’est-à-dire au compte de la personne appelée, qui accepte la communication. Je ne sais pas ce que veut dire le sigle en français, mais la chose est internationale. C’est aussi plus commode pour téléphoner, par exemple, d’un café. 2. Projet d’une édition italienne d’Internationale Situationniste par les Éditions La Pietra. 3. Cf. Éditions Champ libre, Correspondance vol 2 , p. 18 à 27. 4. Qui sera, en 1979, l’éditeur de La Société du spectacle en Italie. 5. Les Œuvres cinématographiques complètes, aux Éditions Champ libre. À Jacques Le Glou 23 juillet [1982] Cher Jacques, Je suis à Champot jusqu’en septembre; et après engagé dans pas mal de voyages1. Ce serait très bien si tu pouvais passer quelques jours ici – tu connais le chemin –, à partir de la fin juillet ou du tout début d’août. Téléphone-moi si tu trouves la période possible […]. Un abrazo, con el corazón. Guy Au dos d’une carte «Les amis de Durruti ». À Jacques Le Glou 14 octobre 82 Cher Jacques, Aux premières loges, nous attendons l’entrée en scène du putsch annoncé1, qui fait en coulisses un fort bruit de bottes. Peut-être va-t-il se prendre tout seul les pieds dans le décor ? Sinon, on peut dire que les signes ou préparatifs d’une résistance se résument exactement en un mot, à ce jour : nada2. Amitiés Guy Carte postale envoyée de Séville. 1. Complot militaire déjoué. 2. Rien. 1. En Espagne. À Floriana Lebovici 25 avril 84 Chère Floriana, J’ai reçu hier, juste après votre départ, un chèque du 2 avril qui réglait le dernier trimestre du contrat1 en question. Il était passé par Champot, voyage qui dure en ce moment trois semaines. Tandis que votre lettre postée à Paris le 18 est arrivée ce matin. J’ai retrouvé et relu le contrat lui-même. C’est pourquoi je vous communique, par la lettre recommandée ci-jointe2, les conclusions que j’étais tenu de formuler; pour éviter tout vice de forme. Je découvre que les défraiements, généreux, avaient été fixés à 400 francs quotidiennement. Considérons que je n’ai passé que quinze mois en Espagne. Il s’agit donc d’une somme de 180 000 francs. Dans ces conditions, je n’aurai pas d’autre besoin d’argent cette année; et, naturellement une reprise de ce contrat auprès de Simar devra envisager une période qui partirait seulement du 1er janvier 85 (pour tenir, de mon côté, la fiscalité dans une marge acceptable). Je vous embrasse. Et aussi Nicolas et Lorenzo. À bientôt. Guy Lettre envoyée d’Arles. 1. Cf. Des contrats, Éditions Le Temps qu’il fait, 1995. 2. Cf. Correspondance, vol. VI, p. 262. À Me Thierry Lévy [Fin décembre 1984] LE NOMMÉ GOUDEAU-MINUTE 1 ME FAIT CITER COMME PARTIE CIVILE POUR L’AUDIENCE DU 10 JANVIER. STOP. JE NE SAIS À QUOI RIME LA MANŒUVRE. STOP. J’ESPÈRE QUE VOUS ÊTES AU COURANT. STOP. REPRÉSENTEZ-MOI DONC. STOP. TOUS MES VŒUX. Guy Debord Télégramme. À Floriana Lebovici 2 janvier 87 Chère Floriana, Je vous renvoie les épreuves1. Il me semble que c’est très bon. Je ne vois plus que deux petites corrections (qui du reste viennent de moi), pages 46 et 100. Pour la 1-couverture, je préfère finalement le schéma 30’, celui que nous avions déjà. C’est parce que dans le précédent la pièce Tc se trouve dans une position qui, quoique régulière, constitue un cas particulier; de sorte que l’image sans autre explication pourrait égarer quelques joueurs. La couverture intérieure devrait correspondre à peu près typographiquement à la 1-couverture, avec la seule exception des prénoms2 en toutes lettres. Delfeil de Ton est assez convenable en homme-sandwich, quand c’est dans une belle rue3. 1. Jean-Claude Goudeau, directeur de l’hebdomadaire Minute, qui présentait Guy Debord, entre autres, comme un agent secret du K.G.B. affichant des idées antisoviétiques, avait été condamné pour injures et diffamation par la 17e chambre correctionnelle de Paris au mois d’octobre 1984. 1. Du Jeu de la guerre. 2. Alice et Guy. 3. Photo de Delfeil de Ton sortant de la librairie Gérard Lebovici, rue Saint-Sulpice, une pile de livres dans les bras, parue dans Le Nouvel Observateur. Je crois me souvenir que le très beau Titien appelé L’Homme au gant, qui est au Louvre, passe pour le portrait de B. Castiglione ? Et si c’est le cas, pensiez-vous en illustrer la couverture du Courtisan4 ? Ce serait dans la ligne classique G[érard] L[ebovici], puisque se trouvant cette fois à la frontière du « portrait de l’auteur » et du tableau représentatif. J’avoue que je n’ai pas encore lu Castiglione. J’ai négligé sottement l’occasion en 16805 ; et depuis vous connaissez le défaut ordinaire de l’édition française. Je vous embrasse. Guy À Floriana Lebovici 15 janvier 87 Chère Floriana, J’ai reçu hier, en même temps, votre lettre d’Italie et celle du 10 janvier. Les perturbations ne sont pas seulement dans les postes, car nous sommes en Provence sous autant de neige qu’à Champot. À cause du joli mouvement des lycéens1, j’avais pris le temps de voir une fois Jeff 2 avant de quitter Paris. Il retirait d’une conversation avec vous (ou peut-être X ?) l’impression que Champ libre était en grand péril; et suggérait bravement pour sauver tout d’imiter l’éditeur de Spartacus3, qui a réussi pendant cinquante années à diffuser dans le néant plusieurs très estimables fascicules! J’ai récusé la pertinence de la comparaison, et manifesté généralement la plus tranquille assurance. Mais, comme vous pensez, en restant dans le vague. Pour vous au contraire, j’ai voulu tout de suite après exposer à cœur ouvert, non mes inquiétudes, mais plutôt l’éventualité d’un cas limite où je n’en aurais pas la moindre4. Mais, certes, j’espère bien que nous verrons assez facilement une issue plus favorable. C’est aussi l’obstination piémontaise qui a su dire : Italia farà da sè5. Sans doute, j’aime davantage Tiziano que Raphaël. Mais ce qui serait plutôt à considérer, c’est qu’il y a peut-être quarante ans que j’ai lu que L’Homme au gant était regardé comme le portrait de Castiglione. Il est fort possible que la critique plus moderne ait remis en doute cette tradition, ne serait-ce que pour se faire reconnaître une originalité qui sert dans ces carrières-là. La semaine prochaine, je me mettrai en route pour Paris6, et le mieux est donc de m’expédier dès à présent toute correspondance à l’adresse : Debord, 21, rue Pierre-Leroux (7e)7. Bien affectueusement, Guy 4. La couverture sera illustrée du portrait de Castiglione par Raphaël. 5. En fait, c’est en 1580 qu’avait paru la première édition en français du Livre du courtisan, dans la version de Gabriel Chappuis que reprenaient les éditions Gérard Lebovici 1. Manifestations de novembre-décembre 1986 contre la loi Devaquet. 2. Jean-François Martos. 3. René Lefeuvre. À Jacques Le Glou 22 décembre 87 Cher Jacques, Je ne lis pas l’anglais ! Mais je pense que tu pourras mieux me dire, de vive voix, ce que tu prévois de l’adaptation de « L’Homme errant ». Veux-tu venir dîner chez nous le lundi 4 janvier, à 7 heures 30 ? Au dos d’une carte « À bas l’argent ». 4. Cf. Correspondance, vol. VI, lettre du 12 décembre 1986, p. 447-449. 5. L’Italie le fera elle-même. 6. Quittant définitivement la ville d’Arles. 7. Adresse transitoire avant celle rue du Bac. ¡Que bonito el aguardiente de cana ! Hasta la vista1, Guy À Jacques Le Glou 22 juillet 89 Cher Jacques, On est à Champot jusqu’au début de septembre. Si tu es à Paris à ce moment, dis-nous quel jour on pourra se voir, autour du 15. Les Chinois nous ont magnifiquement fêté 891, et les Russes vont peut-être en faire autant maintenant ! On t’embrasse, Guy Carte postale représentant Bakounine. 1. Par les événements du printemps 1989, place Tian’anmen. 1. Quel bon rhum ! À bientôt. MISES AU POINT On nous demande de rectifier la note 2, page 411 du volume VI de la Correspondance. Les véritables auteurs du pamphlet Remontrances et rectifications adressées à un éditeur parisien à l’usage de ceux qui se présentent comme le «parti de la vérité» (signé « Les amis de Boris et Ossip ») ne sont, comme a voulu l’insinuer ce texte, ni les frères Gayraud, ni Luc Mercier qui avaient aussitôt protesté par le tract Cousu de fil blanc. Il s’agit en fait, nous précise-t-on, des dénommés Bastenaire, Lambert et Mintz, traducteurs éconduits par les Éditions Gérard Lebovici. Par ailleurs, au volume III de la Correspondance (page 97, note 2), nous rectifions : les 3 K désignent visiblement le Ku Klux Klan. COMPLÉMENT DE DERNIÈRE HEURE Avec le consentement de la New York City Tamiment Library, ces lettres – déposées par Max Blechman dans le courant du mois de juin 2010 – nous ont été transmises par John Mac Hale. À Christopher Gray et Donald Nicholson-Smith 25 novembre [1967] Chers Chris et Donald, Raoul1 est revenu hier, très content du séjour à New York. Chasse2 paraît parfait, et Tony3 – quoique probablement moins à l’aise théoriquement – à un niveau suffisant. De plus, les deux s’entendent fort bien. Les erreurs passées ont été critiquées et autocritiquées (il paraît que personne n’avait pris la peine de lire la version « anglaise » de l’Adresse 4 d’Alger, qu’ils avaient d’abord connue en français…). Jamais Tony ne s’était présenté comme membre de l’I.S. ; et placés dans la perspective de l’être effectivement, les deux susnommés – et eux seuls – sont d’accord pour une étroite coordination. Ils nous soumettront prochainement un premier texte, au delà du vaste travail actuel de traduction et réédition. Le fait le plus important – et qui a mené Raoul à donner là-bas une préconclusion positive, un peu en avance sur ce que prévoyait son mandat écrit –, c’est que ce séjour n’a pas seulement donné lieu à des clarifications théoriques satisfaisantes au long des discussions, mais surtout à des premières conclusions pratiques qui ont fait frémir d’horreur le petit milieu des « révolutionnaires » new-yorkais : 1) Rupture avec « Black Mask » et des crétins « totalistes » qui marchent avec – qui tirent du concept de Totality (for kids)5 des conclusions mystiques ; une sorte de lecture astrologique des thèses de Vaneigem ! 2) Distance complètement marquée avec le groupe de Murray6 : avec prévision d’une rupture prochaine sur le plan personnel (j’énumère plus loin quelques motifs). 3) Contacts pris avec une certaine prudence critique, auprès des meilleurs éléments du S.D.S.7, qui est un mouvement d’une confusion totale, contenant les meilleures et les pires tendances. Robert et Tony sont tout à fait vaccinés contre la tendance au recrutement imprudent de quelque individu que ce soit. Il faut bien noter les nouvelles suivantes : la police a saisi tous nos envois de revues et documents – et on ne sait combien de lettres. La boîte postale existe bien, mais jusqu’à présent rien de ce qui a pu y être adressé (des U.S. mêmes comme de l’étranger) n’a été délivré par la poste : elle est toujours vide. Ils vont essayer de glisser dans leurs publications un prospectus supplémentaire pour dérouter le courrier sur notre B.P. de Londres. Outre le fait que Murray a très mal terminé son séjour à Paris (allant disserter sur la révolution américaine dans la librairie Nataf8, devant quatre crétins qui s’en foutaient visiblement), le reste du groupe « Black Flag » est infiniment pire que lui. Ils ont tenté diverses manœuvres pour désespérer Chasse et Tony avec des nouvelles fausses concernant l’I.S. (ils sont une sorte d’« I.A.9 » misérable). Ainsi Beatrice10 a affirmé que moi, à Paris, je lui aurais dit que je ne connaissais absolument pas un nommé Tony Verlaan. L’ignoble Jean-Louis Philippe11 a écrit depuis un mois une quantité de lettres expliquant ainsi notre rupture avec l’I.A.12 : par pure amitié personnelle pour Le Glou13, les situationnistes auraient choisi de condamner l’I.A., qui avait toutes les raisons d’exclure Le Glou ; à cause de son choix du «terrorisme abstrait ». Je ne sais si le truqueur avait pleine conscience de la dimension maximum de la calomnie, mais les New- Yorkais « anarchistes » ont compris le jargon philosophisant de Jean-Louis de cette seule manière : Le Glou commençait à poser des bombes, et l’I.S. a soutenu cette folle politique. Photocopie d’une lettre manuscrite. 1. Raoul Vaneigem. 2. Robert Chasse. 3. Tony Verlaan. 4. Adresse aux révolutionnaires d’Algérie et de tous les pays (juillet 1965). 5. Version anglaise des Banalités de base, de Raoul Vaneigem (traducteur, Christopher Gray). 6. Murray Bookchin, voir supra, lettre à Tony Verlaan du 15 août 1967, note 3. 7. Le S.D.S. (Students for a democratic society), qui prenait exemple sur la Zengakuren japonaise et ses techniques de combat. 8. La Nef de Paris (cf. Correspondance, vol. III, p. 219, note 2). 9. Internationale anarchiste. 10. Compagne de Murray Bookchin. 11. Jean-Louis Philippe, voir supra, lettre à Robert Chasse du 21 novembre 1968. 12. Voir Correspondance, vol. III, p. 236 à 238, lettre à l’Internationale anarchiste. 13. Jacques Le Glou. Nous avons maintenant un procédé de communication secrète avec eux qui est, paraît-il, bon. On va faire l’expérience. À bientôt, Guy À Ben Morea Paris, December 5, 1967 To Ben Morea and the comrades of Black Mask Dear Ben Morea, We were very surprised by your letter of the 27 November. Vaneigem assumed – and so did we all – that Beatrice and Murray would have told you exactly why Vaneigem refused to meet you in New York. To start with, Vaneigem was introduced to Hoffman (The Totalist) by Beatrice. A few minutes of discussion left no doubt in his mind that there was a mystical shithead if ever there was. He turned out, what’s more, to be a proselyte of an astrological reading of Vaneigem’s writings ! The situationists have always refused to have anything whatsoever to do with mystics. Beatrice presented you, as a close friend and collaborator of The Totalist, and the fact that you had signed a poster with him did nothing to dissipate that impression. And the situationists have always refused to have anything to do with those who collabo-rate with mystics. We recognise – and have always approved – BM’s disgust with mysticism. What is this collaboration if not the behavior of « a specialist of theory fearful of its practice ». Lettre rédigée en anglais, dont un résumé a été donné à J. V. Martin, le 22 décembre 1967 (cf. Correspondance, vol. III, p. 249). Moreover, it is very cheap to defend a tactical position by saying that anyone who disagrees is a coward. And such an oldfashioned « argument » doesn’t need Reich1 to back it up. We shall of course be very glad to hear your explanation of all this, and to know what you intend to do about it. On a tactical level, you would seem to overemphasising headon activism as a be-all & end-all. Naturally, we are opposed neither to demonstrations nor to violence. Until Vaneigem’s visit, there were no situationists in the U.S. Now that there are (Chasse & Verlaan), they shall react to these problems in the same way as situationists everywhere else. Further dialogue between us must depend on a written reply to the questions raised above. Please send it to both Paris and London. Paris : Alice Becker etc. ; London : Brenda Gravelle, 13, Redcliffe Road, London S W 10. For the S.I., Guy Debord, Christopher Gray, Mustapha Khayati, Donald Nicholson-Smith2 À Robert Chasse, Bruce Elwell, Tony Verlaan Paris, le 14 décembre 1967 Chers camarades, Nous sommes assez surpris par votre lettre1. Elle nous déçoit venant après ce que Raoul avait cru pouvoir nous communiquer comme confiance objective en vous. Nous allons distinguer dans notre lettre deux parties. La première, à notre avis, assez périphérique, concerne le rapport entre nous tous d’une part, Morea-Murray d’autre part. La seconde partie, essentielle, concerne les divergences entre la position exprimée dans votre lettre et les bases réelles de l’I.S. – Première partie : à propos de Morea et Murray. Raoul nous a fait un rapport sur l’accord avec Tony et Robert ; ainsi que sur la rupture entre Hoffman et Morea et la probabilité d’une rupture avec Murray. Nos divergences avec eux tous sont nombreuses. Nous considérons certaines de ces divergences (par exemple l’activisme autoritaire) comme suffisantes pour une complète rupture organisationnelle. Nous considérons d’autres divergences (par exemple la calomnie ou la collusion avec le mysticisme) comme exigeant la rupture totale, même personnelle. Ainsi Raoul, dans son rapport oral à son retour de New York, a beaucoup insisté sur le cas de Hoffman, comme typique de la misère générale acceptée jusqu’ici dans l’avant-garde américaine. Au moment où Morea nous a écrit, Raoul était parti dans un autre voyage; et nous avons répondu avec des arguments de toute façon très suffisants. Maintenant de retour, Raoul nous apporte de nouvelles précisions sur la justification de cette rupture, justification que nous n’avons jamais mise en doute. Nous avons jugé nécessaire de répondre à Morea à cause des points suivants : Morea affectait d’ignorer pourquoi il y avait une rupture si violente avec lui. À cause de ce que nous savons du confusionnisme du milieu Black Flag (nous avons vu Murray, à Paris, pactiser avec des menteurs caractérisés; d’autre part, Raoul nous a rapporté la stupéfiante nouvelle que Beatrice avait prétendu avoir entendu Guy dire qu’il ignorait l’existence de Tony) nous voulions communiquer clairement à Morea quelques raisons minimum de notre refus de le fréquenter. Nous croyons que c’est un procédé correct. Nous n’attendions pas de lui une honnête autocritique; et sa réponse est parfaitement claire. Nous n’accepterons plus jamais aucun contact avec Morea et les Bookchin, pas plus qu’avec Hoffman, et ceci quel que puisse être le résultat de la discussion entre vous et nous. – Deuxième partie : à propos de vos rapports avec l’I.S. Nous constatons de très importantes divergences entre vous et nous. Et elles paraissent très surprenantes en considérant l’histoire de votre approche de l’I.S. et la base de vos entretiens avec Raoul. En ce moment, nous souhaitons mettre en lumière ces divergences dans un esprit fraternel, et autant qu’il sera possible les dépasser favorablement. Nous devons dire que cet accord ne peut être recherché que sur les bases que nous énonçons cidessous. Nous essaierons d’énumérer ces questions en commençant par les plus importantes : 1) Le mouvement situationniste existant n’est pas une fédération de groupes autonomes, mais un seul groupement internationaliste d’individus autonomes coopérant d’une manière cohérente. Il y a, naturellement, une coopération pratique plus immédiate entre des individus géographiquement groupés. Mais nous tenons à la décision démocratique par la majorité de l’ensemble des membres de l’I.S. De même que nous tenons à la reconnaissance « universelle » de la participation d’un individu à l’I.S. (par exemple si Tony, après avoir été situationniste aux U.S.A., rentrait en Europe, nous trouverions tout à fait nécessaire qu’il soit reçu comme chez lui, par d’autres situationnistes à Paris, à Londres ou ailleurs). 2) Nous considérons que vous négligez quelque peu dans l’exposé actuel de vos positions l’histoire des rapports entre nous. Nous n’avons jamais cherché à recruter, dans n’importe quel pays; et nous n’avons jamais encouragé des adhésions prématurées à l’I.S. En Amérique, il y a eu un processus spécial; Tony a traduit (bien ou mal, c’est une question moins importante à discuter) et diffusé des textes signés Internationale situationniste; et il a ouvert, sans demander notre avis, et même sans nous en prévenir, une boîte postale au nom [de l’I.S.]. 3) Vous avez beaucoup négligé tous les problèmes pratiques objectivement posés par votre approche de l’I.S. De même que vous négligez trop la réalité pratique de notre action : il n’y a pas « Londres » et « Paris », ou « Copenhague », mais nous devons faire, ici, déjà un certain effort pour organiser des rencontres ou envoyer des délégués. Par exemple, pour discuter de la question américaine, deux camarades anglais sont venus plusieurs jours à Paris. De même, nous trouvons une étonnante incohérence, même au niveau simplement logique, dans votre attitude quand, simultanément, d’une part vous dites que vous n’êtes pas encore membres de l’I.S. (de sorte que vous n’auriez pas à tenir compte d’une décision de sa majorité) ; et d’autre part quand vous exigez de nous que nous acceptions, sans autre examen, toutes les ruptures que vous pourriez prononcer en Amérique. Nous accepterions effectivement d’être automatiquement solidaires avec tous vos actes à partir du moment où vous seriez des situationnistes reconnus, et confirmés par la pratique, sur le terrain américain. Mais jusqu’ici vous ne l’étiez pas. Et quand nous soulevons la question, vous montrez de nouvelles distances. C’est seulement dans le cas où ces distances seraient surmontées (théoriquement et pratiquement) que nous pourrions reprendre et approfondir l’accord esquissé avec Raoul. Nous ne comprenons pas du tout votre notion des «prospective members » de l’I.S. Il existe en Europe plusieurs dizaines d’individus en excellent rapport avec nous, qui sont membres possibles de l’I.S. dans le futur. Environ un sur trois, ou sur quatre, deviendra membre effectif. Mais, aussi longtemps qu’ils ne le sont pas, tous s’abstiennent évidemment de se présenter comme étant en communauté d’action avec nous, et comme pouvant nous engager. Nous pensons de même que vous négligez la pratique en créant une opposition artificielle entre le style amical de votre longue rencontre avec Raoul et le style télégraphique – que vous avez tort d’appeler style administratif, ou bureaucratique – d’un résumé formel de ces positions, résumé qui a une fonction complémentaire, et qui est soumis à d’autres nécessités. Nous trouvons vraiment regrettable la susceptibilité irrationnelle qui vous fait écrire que vous êtes choqués de recevoir comme une décision « officiellement » formulée par la majorité de l’I.S. des idées qui sont les vôtres ! Ne serait-il pas plus normal pour vous de vous féliciter de cette preuve de cohérence ? (En plaçant les choses dans les termes que vous utilisez, vous pourriez aussi bien trouver dans les numéros déjà parus de la revue I.S. quelque chose de « directif » qui pourrait vous froisser, dans la mesure où ces textes expriment les idées que vous partagez maintenant.) 4) Il y a beaucoup d’autres choses, dans votre document, que nous devrons contester. Si vous êtes d’accord sur les trois points précédents, notre prochain émissaire en Amérique – car nous restons fermement attachés au principe pratique du délégué, pour nous-mêmes et pour toute la future organisation révolutionnaire cohérente – envisagera avec vous ces questions. Par exemple, nous ne sommes aucunement opposés à Bruce, mais il est complètement absurde de votre part de nous reprocher d’ignorer son évolution depuis le départ de Raoul : quand Raoul était avec vous, vous aviez convenu que Bruce n’était pas encore sur vos bases; vous ne nous avez jamais écrit à propos de son changement. Il est donc inadmissible que vous nous écriviez, comme un reproche, que nous aurions dû savoir qu’il était désormais avec vous. Par télépathie, peut-être ? La question des traductions : nous avons dit que certaines étaient très mauvaises (dont celle de l’Adresse, faite par nous-mêmes à Strasbourg, et qu’il ne fallait pas rééditer). Nous maintenons qu’elles sont mauvaises, non pour des raisons stylistiques, mais parce qu’elles contiennent des contresens. À propos du « comics Durruti2 », en dehors même de toute question de traduction, il était mauvais de le rééditer pour une raison plus profonde et plus évidente : il n’avait aucun sens en dehors de Strasbourg. De même, une mauvaise humeur étrange, et déplaisante, vous mène à ne pas comprendre une phrase simple de notre lettre : nous appelons « interférence postale » la possibilité qu’une lettre soit saisie par la police à Londres ou à Paris (c’est vous-mêmes qui nous aviez expliqué que le manque de relations entre Tony et nous depuis plusieurs mois provenait du fait que le courrier de votre boîte postale était systématiquement capté par la police de New York !). Le camarade C.G.3 verra avec vous ces questions, et plusieurs autres dans la mesure où vous aurez répondu d’une façon satisfaisante aux trois points précédents. Amicalement, Pour l’I.S. Guy Debord, Mustapha Khayati, Raoul Vaneigem, René Viénet 1. Wilhelm Reich. 2. Signatures suivies du tampon de l’Internationale situationniste. 1. Lettre à Raoul Vaneigem, datée du 10 décembre 1967. 2. Le Retour de la colonne Durruti (cf. Correspondance, vol. III, lettre à Mustapha Khayati, p. 173-174). 3. Christopher Gray. À Donald Nicholson-Smith Jeudi matin [14 décembre 1967] Cher Don, Depuis ton coup de téléphone, j’ai reçu la lettre de Murray et ce long document1 émanant de Tony-Bruce-Chasse en deux exemplaires. Je suppose que vous l’avez eu à Londres mais par précaution j’en joins un ex[emplaire] à cette lettre. Avant d’examiner les détails du long texte en anglais, j’ai l’impression qu’il y a quelque chose de bien juste dans leur reproche selon lequel, dans cette affaire, nous avons manqué à la cohérence en remettant en cause leurs ruptures. Cependant, il y a peut-être quelque dramatisation et d’autres reproches (à propos des traductions ou du style « bureaucratique » de notre message) qu’il faut rejeter. Pour moi la situation est déjà fort claire en ceci : Murray est le parfait mystificateur, et Morea est en effet davantage crétin autoritaire à prétentions insoutenables que « mystique ». (La différence de perspective entre tous les Américains et Raoul, sur cette question centrale du mystique Hoffman, exprime aussi quelque chose de typique…) Il est pour moi – je suppose pour nous tous ? – évident qu’il faut manifester la rupture totale avec Morea et Murray, quelles que soient nos conclusions par ailleurs. C’est seulement à partir de cette rupture proclamée que l’on peut encore discuter avec Chasse. Et tout le monde peut voir par le style de la lettre de Chasse, en regard des conneries grossières qu’écrit chaque fois […] 2. […] justement l’interlocuteur valable, pour nous en Amérique. Mauvaise photocopie d’une lettre manuscrite. 1. « Chronology of events », daté du 10 décembre 1967. 2. Ici manquent deux lignes (bas d’une page et début de la suivante). Ceci acquis, rien n’indique que nous pourrons sûrement nous accorder avec Chasse et Tony. Je crois que la rupture serait regrettable. Mais ce sera peutêtre inévitable, en partie à cause du malentendu actuel ? Chasse et Tony oublient un peu que le premier aspect du problème était pour nous de savoir à qui nous pouvions accorder notre confiance totale en Amérique (où, après tout, quelqu’un avait bien ouvert une boîte postale au nom de l’I.S. !). Le passé de leurs relations avec nous n’est pas si convaincant pour qu’ils puissent mettre en doute, eux, le sérieux de l’I.S. quand l’I.S. doute d’eux ou de leur entourage. Il faut mesurer à quel point leur protestation est légitime, et à quel point un mécontentement affectif – contre nous – les entraîne ? (Il y a dans leur lettre quelque chose de celle de Théo et Mustapha3 l’année dernière, avant le voyage de Don et moi à Strasbourg.) Naturellement, c’est maintenant avec eux seuls que nous devons discuter, par écrit et par la rencontre directe. La première chose est de leur expliquer bien : 1°) les bonnes raisons de notre lettre à Morea. 2°) Nos conclusions présentes sur Murray-Morea. 3°) Voir ou trouver les points réels en litige entre l’I.S. et eux – par exemple cette question de l’autonomie d’un groupe en Amérique ? Nous voulons prendre les décisions à la majorité des voix de l’I.S. actuelle. Si ce statut « minoritaire » ne leur convient pas, qu’ils cessent complètement de publier ou republier des textes signés I.S. Au point où nous en sommes, ils ne peuvent revenir en arrière. Ils doivent faire ce choix définitif. Amitiés, Guy TÉLÉPHONE-MOI VENDREDI SOIR. 3. Théo Frey et Mustapha Khayati. À la section anglaise de l’I.S. Paris le 14 décembre 1967 (tard le soir1) Chers camarades, Par rapport à notre discussion de la semaine dernière, nous corrigeons en ce sens nos avis : Tony-Chasse paraissent plus affectivement égarés que nous ne le pensions. D’autre part, Morea et Murray se sont révélés encore plus infects que ce que nous disions. Pour en finir avec l’impressionnisme autour des aventures de Raoul à New York, nous pouvons maintenant préciser ceci, avec lui, dans un ordre chronologique : Avec d’autres griefs (militantisme, autoritarisme, etc.) contre Morea, Raoul apprenait dès son arrivée qu’il avait signé un tract avec le totaliste2 présenté à ce moment comme un mystique (par Chasse et Cie). D’autre part, Beatrice insistait pour que Raoul rencontre Morea en le présentant comme « une nullité théorique », tout en disant qu’il «fallait l’instruire ». Raoul refusait un rôle de professeur et laissait en suspens sa décision finale sur une éventuelle rencontre (peu intéressante objectivement d’après les avis et de Chasse et de Beatrice). Après quelques jours, au moment du retour de Murray, Raoul a rencontré fortuitement chez lui le totaliste. À partir de cette rupture, il a décidé définitivement de ne pas rencontrer Morea, décision encore renforcée, le lendemain, par un coup de téléphone stupidement autoritaire de Morea à Bruce. Certainement, en l’absence de Raoul, nous avons dû présenter d’une façon un peu schématique, dans nos lettres vers l’Amérique, ce qui était un faisceau de faits dynamiques. Mais ce sont des avocasseries de la part de Murray-Morea, quand ils voient que nous avons contre eux plusieurs objections graves, de prétendre choisir laquelle devrait, à leurs yeux, être appelée numéro 1. Nous considérons que c’est un très heureux hasard, ce fait que Raoul ait rencontré, en chair et en os, Hoffman, parce que à partir de cette ambiance confusionniste systématique, Morea écrit aujourd’hui que Hoffman était peut-être mystique autrefois, mais qu’il en a été lavé par son activité militante et par un texte récent. Raoul a rencontré l’individu après son activité militante et son « texte récent ». Voilà au moins une question où le doute n’est plus permis. À partir de ce fait établi, nous pouvons conclure sur bien d’autres choses. Les conclusions que nous exigeons au minimum, c’est la rupture proclamée, totale, immédiate, de tout membre de l’I.S. avec Morea-Murray aussi bien qu’avec Hoffman. Nous en faisons une condition sine qua non de tout accord. Nous vous proposons donc de répondre vous-mêmes aux injures et calomnies de Morea et Murray, au nom de l’I.S., et d’une façon définitive. Envoyez-nous la copie. Nous considérons comme un problème tout différent de cette exigence la question du résultat final de notre discussion avec Chasse-Tony, etc. Après un examen attentif de leur lettre, nous sommes sceptiques sur une possibilité d’accord avec eux. Nous admettons qu’il faut rechercher cette possibilité, mais d’une manière extrêmement ferme et nette. Nous vous envoyons ci-joint une première réponse écrite que nous adressons à Chasse (en opposition avec la multitude d’extravagances inacceptables de leur document). Nous considérons notre présente lettre à Chasse-Tony comme très modérée. C’est-à-dire que Chris, dès son arrivée, devrait non seulement défendre la base minimum de cette lettre, mais encore vérifier sur beaucoup d’autres points « soulevables » si oui ou non Chasse, et ceux qui se déclarent avec lui, peuvent arriver à l’accord conscient et total avec les bases réelles de l’I.S. Amitiés, Guy, Mustapha, Raoul, René À Donald Nicholson-Smith et Christopher Gray Samedi matin (16 décembre) Chers Donald et Chris, Je reçois à l’instant votre première réponse à Morea et Murray. Elle est certainement un peu rapide, car depuis notre dernière lettre et le document émanant de Chasse, vous devez maintenant tout savoir sur les inacceptables manières de Murray comme de Morea (et savoir aussi que Chasse & C° ne sont pas encore eux-mêmes assez bien sortis de ce milieu). Je trouve que vous avez été trop patients et polis avec ce pauvre excité de Morea, qui nous insulte ouvertement. Ceci met en doute toute la solidarité dans l’I.S., pas seulement avec le groupe éventuel aux U.S.A. (comme les documents depuis ont dû vous le montrer) mais même entre Londres et Paris. Il n’est que temps que vous corrigiez cette fâcheuse impression, selon les termes de notre dernière lettre collective1, en vous rappelant, et en rappelant au public new-yorkais, que vous avez plus de liens solides et de confiance objectivement fondée avec nous plutôt qu’avec un quelconque Morea. 1. Ajouté de la main de Guy Debord. 2. Allan Hoffman. Mauvaise photocopie d’une lettre manuscrite. 1. Voir supra, lettre du 5 décembre 1967 à Ben Morea. J’espère bien que la dernière phrase2 de votre lettre ne peut pas être interprétée comme évoquant une possibilité de mensonge de Raoul ? Vous comprenez bien que cela signifierait malheureusement une rupture entre vous et nous. Donald a une assez longue expérience de l’I.S. pour savoir que nous n’avons jamais accusé personne mensongèrement. Ni Holl3, ni Morea, ni quiconque. Raoul a énoncé aux Bookchin toutes ses critiques sur l’activisme, le style « petit chef », etc. – et les Bookchin savaient aussi parfaitement le saut qualitatif manifesté dans le dégoût lors de la rencontre fortuite qui a vérifié expérimentalement à quel point le seul associé de Morea est réellement mystique (voyez par le document Chasse les manœuvres de Murray depuis). Il est exact que Raoul, dès le début, avait manifesté – et dit – qu’il avait peu d’envie de rencontrer Morea (il savait aussi dès alors la réputation du totaliste), mais Raoul n’a refusé définitivement et par principe affirmé qu’après l’éclat supplémentaire de la rencontre fortuite du totaliste (et en même temps Morea s’en prenait à Bruce dans un style autoritaire ridicule). Raoul n’est pas allé à New York avec un mandat impératif de l’I.S. lui enjoignant de rencontrer tout le monde dans n’importe quelles conditions. Vous n’avez pas proposé un tel mandat. Pour ma part, j’aurais voté contre en considérant que cela limiterait trop la marge de liberté de notre premier délégué dans cette obscurité systématique du milieu new-yorkais. En tout cas, il se trouve que Raoul n’avait pas un tel mandat. Tous les Américains isolent chaque fait et chicanent sur l’un ou l’autre motif comme si ces motifs s’excluaient réciproquement ! En fait, tout le processus de la conduite de Raoul à New York est très cohérent. Il nous ramène l’assurance que Morea est un con. Le motif central que nous avons d’abord donné était, à ses yeux, le plus scandaleux. Ce fait Hoffman est incontesté. Il est en lui-même suffisant du point de vue de l’I.S. (Morea ment cyniquement en prétendant que Hoffman aurait évolué, puisque Raoul a vu son infâme mysticisme affiché après cette « évolution »). Naturellement, vous comprenez pourquoi Morea préfère que la rupture avec l’I.S. soit réputée venir toute de la question de l’activité dans la rue : alors, en poursuivant ses mêmes interprétations schizoïdes, il serait l’homme d’action qui n’a pu s’entendre avec des théoriciens abstraits – ou même timorés ! De leur côté, Chasse et ses amis ont une certaine impudence à vouloir se mettre à la place de Raoul en décidant ce qu’il aurait dû, dans son rapport à l’I.S., déclarer « périphérique » ou central. Il se trouve que, dans son premier rapport oral, en arrivant à Paris, Raoul a présenté la collusion avec le mystique comme le pire reproche, central, sur Morea. Depuis, il maintient ce jugement. Puisque le fait est vrai, c’est son droit. Et puisque le fait est vrai, tous les situationnistes doivent tout de même convenir que c’est un motif suffisant. Il est vrai que, si Raoul avait été présent lors de votre séjour à Paris, tout eût été clair en une heure, et notre réponse éventuelle à Morea aurait été plus complète. Mais elle n’aurait pas été «plus vraie ». L’« activisme » bête était une raison de nous délimiter formellement des activités de Morea. Sa collusion affichée avec un mystique est la raison qui exigeait le saut qualitatif de la rupture même personnelle, et le refus de tout dialogue. Disons que – dialectiquement – nos raisons de rompre ne sont pas l’une ou l’autre, mais l’une et l’autre, sans contradiction logique; et la deuxième raison renforçant et transfigurant même la première. Il me paraît étrange que l’on doive tant argumenter pour une affaire aussi simple. Le seul reproche que l’on peut faire à Raoul est de n’avoir pas été présent à Paris quand vous y êtes venus. En fait, je dois dire qu’en présence de Raoul et de son récit complet, nous aurions même davantage mis en doute la nécessité de répondre à Morea. L’importance prise par cette question Morea – vraiment quelque peu « périphérique » par rapport à l’ensemble des problèmes de l’I.S. – a quelque chose de stupéfiant. Il est grand temps d’y mettre fin, en se rappelant ce qu’est l’I.S., et avec quels pauvres confusionnistes semi-irresponsables (Ben comme Murray…) l’I.S. s’est mise à discuter patiemment, et avec un sérieux dont ils se foutent complètement ! Dans l’affaire de l’incitation à tout ce que vous savez4, d’après notre avocat nous risquons au pire cinq ans ferme, mais ce pire est quand même peu probable. Cependant il estime si étrange qu’on nous attaque sur ce détail des affiches qu’il est sûr que c’est une manœuvre qui vient de haut pour nous nuire, à cause de motifs qui viennent de loin. Amitiés, Guy 2. « Could anyone, somewhere along the way have distorted Raoul’s attitude ? If not, we can only conclude that someone, somewhere is lying. » 3. Voir supra, lettre du 22 janvier 1967 à André Bertrand et Daniel Joubert. P.-S. : Je ne peux vraiment pas croire que vos scrupules à propos de Morea vous mènent à rompre avec nous ici. Si vous deviez faire ce choix, je le considérerai évidemment comme ce qui est arrivé de plus regrettable depuis le début de l’I.S. Vous comprendrez donc que ce que j’ajoute maintenant est seulement pour que tout soit bien clair entre nous dans n’importe quelle éventualité. Si, d’ici le départ de Chris pour New York, vous ne pensez pas pouvoir vous charger, en notre nom à tous, d’envoyer une lettre de rupture définitive à Murray et Morea, comme nous vous le demandions par notre dernière lettre collective, je vous prierais de nous le faire savoir. Alors nous enverrons par nous-mêmes seulement les lettres de rupture injurieuses que nous, nous sommes maintenant absolument sûrs que ces individus méritent. Et, naturellement, vous parlerez ensuite en Amérique sur la base tout à fait indépendante de votre propre groupe, à partir de la plate-forme et des principes d’action et de dialogue qu’il vous conviendra d’adopter. […4] positions sur la question new-yorkaise 1 – Il est vrai que la question de l’organisation doit être maintenant posée parmi nous dans un nouveau contexte plus large. Il faudra certainement arriver à définir et pratiquer une véritable autonomie d’action des groupes nationaux (qu’il ne peut être question de téléguider) dès qu’ils existeront. Nous rappelons qu’une telle existence d’un groupe I.S. n’était pas (et n’est pas encore) réalisée à New York. Si l’I.S. actuelle avait assurément le droit et l’obligation d’intervenir «de l’extérieur» à New York, nous rappelons que ce ne pouvait être qu’à partir de la seule règle du jeu admise actuellement entre nous : c’est-à-dire comme un seul groupe cohérent, où la conduite de chaque membre nous engage tous, et nullement comme une fédération dans laquelle le groupe de Londres se serait réservé un droit de tutelle spécial sur les pays anglophones. 2 – Raoul a été à New York le délégué de tous les membres de l’I.S. Nous ne pourrions désavouer sa rupture publique avec Morea qu’à une des conditions suivantes : a) si la collusion de Morea avec le mystique – détail qui a déterminé son choix définitif de refuser même une rencontre où toutes les autres oppositions auraient été marquées – si ce fait donc était allégué calomnieusement; b) si on admettait qu’une telle collusion ne peut être un motif suffisant pour une rupture prononcée au nom de l’I.S. Aucun de ces deux points n’est soutenable devant nous. 3 – Nous rappelons que la seule forme de rupture qui nous engageait tous – vous et nous – est celle prononcée par Raoul, et aucunement les griefs ou brouilles (sérieux ou non; ici peu importe) de Chasse et ses amis, qui n’étaient pas encore membres de l’I.S. Il est à remarquer que Chasse, dans son document, voudrait nous faire admettre que nous tous, nous aurions été en vérité engagés automatiquement par sa propre rupture et ses propres motifs. Nous lui avons déjà un peu répondu là-dessus. Il faut ajouter que, si Chasse lui-même minimise d’une façon un peu choquante la question du totaliste (dont il s’était pourtant servie dès l’arrivée de Raoul, pour l’écœurer de Morea), c’est probablement parce que Morea doit dire vrai en signalant les rapports précédents Chasse-Hoffman. Nous croyons que rien n’est plus important pour clarifier nos positions et les problèmes réels, devant la confuse « avant-garde » américaine, que cette condamnation absolue du mysticisme (sévérité qui les surprend tous tellement à l’heure actuelle). Nous ne méprisons pas les Américains en général au point de croire que des concessions indignes de nous ici seraient encore bien assez bonnes pour eux ! Il faut, même si c’est difficile, soutenir le même degré de conscience partout. 4 – Comme vous savez, dans notre lettre du 14 décembre à Chasse, Tony, Bruce, nous avons affirmé que nous n’aurions plus aucun contact avec les menteurs et crétins Murray et Morea. Nos raisons étaient inattaquables. Vous-mêmes aviez convenu d’avance de cette attitude, sauf au cas où Morea ferait son autocritique sur ce qu’on lui reprochait (or, il a répondu de nouvelles injures). Nous ne nous déjugerons jamais. Non possumus. Vous devez être sûrement aussi conscients que nous du fait que votre rupture avec nous sur ce point serait pratiquement très nuisible à notre projet commun : pas seulement à l’I.S., mais à tout le mouvement que l’I.S. peut aider à se former. Cependant nous préférerions ce coup [retardateur] à un progrès plus rapide acheté en renonçant aux exemplaires principes de base qui fondent notre actuelle activité commune – et dont nous n’avons toujours eu qu’à nous féliciter. (Comme vous savez, ceci n’est pas un sacrifice à la pureté morale, mais une considération dialectique sur le sens général de cette activité et de ses résultats.) Vous avez donc à prendre la responsabilité d’une telle rupture, si vous êtes persuadés que votre dialogue avec Morea s’impose davantage pour vous que le maintien des principes affirmés de l’I.S. jusqu’ici (cohérence, engagement de tous par notre délégué dans la mesure où il n’a aucunement trahi son mandat). 5 – Nous avons accepté de signer avec vous une réponse à Morea uniquement sur cette base : qu’il soit averti, dans l’infime éventualité où il l’ignorerait sincèrement, non évidemment de toutes les oppositions entre nous que Raoul – ou Chris aussi bien ! – aurait pu lui faire connaître dans une discussion directe, mais bien du fait grave qui avait justifié Raoul à refuser même de le rencontrer. Morea prétendait que c’était à cause des calomnies de Chasse et Tony. Nous répondions que c’était pour un point que Raoul avait constaté lui-même. Comment avez-vous pu vous égarer hors de ceci ? Il était clair entre vous et nous que la très improbable reprise d’un dialogue avec Morea serait suspendue à son propre désaveu du mystique, et à ses excuses pour le ton tranchant qu’il adoptait, comme s’il était innocent de tout, et victime! Morea répond que le type n’est plus tellement mystique (ce qui est faux), et ajoute une quantité d’autres injures. D’après notre accord avec vous à Paris, vous n’aviez plus le droit de lui répondre (nous n’envisageons pas ici le défaut de tactique pour New York, mais un principe de base). I.S. à Morea Ben Paris, le 21 décembre 1967 4. Incitation « au vol, à la débauche, à l’émeute et au meurtre (des dirigeants) » dans l’affaire des affiches-comics annonçant la parution du numéro 11 de la revue Internationale Situationniste. 4. Mot illisible. Con, ordure, menteur, Vaneigem t’a fait dire qu’il ne veut pas voir ta gueule d’agitation folklorique, et en plus soutenue par ton mystique. Tu as été bien bête d’insister. Les situationnistes, pauvre merde, te chient dessus. Tu n’en rencontreras jamais. Si tu vois un jour d’ex-situationnistes, c’est qu’ils seront – exclus – tombés à ton niveau, larve ! Pour l’Internationale situationniste Guy Debord, Mustapha Khayati, Raoul Vaneigem1 I.S. à Murray Bookchin Paris, le 21 décembre 1967 Crétin confusionniste, On t’avait vu soutenir les menteurs à Paris. Tes louches efforts d’entremetteur à New York en faveur du minable Morea et de son mystique associé t’ont achevé. Tu n’es que le crachat dans l’affreuse soupe communautaire, où tout le monde méprise tout le monde, comme vous le méritez tous. N’espère plus jamais rencontrer un situationniste (si tu en vois un, ce sera un faux). STOP. Pour l’Internationale situationniste Guy Debord, Mustapha Khayati, Raoul Vaneigem1 1. Signatures suivies du tampon de l’I.S. 1. Signatures suivies du tampon de l’I.S. À Robert Chasse Paris, le 23 décembre 1967 Cher Robert, Je reçois à l’instant ta lettre du 20 décembre. Il est très heureux que nous arrêtions ainsi « l’escalade » de la mauvaise humeur ! L’atmosphère de malentendu me semble déjà se dissiper. Il reste une discussion théorique – et « technique » – sur notre pratique de l’organisation. J’abandonne donc ici toute suite des discussions subordonnées, par exemple sur certaines traductions. Nous pouvons combiner avec cette discussion un examen de la récente histoire entre New York, Londres et Paris (car ce deuxième aspect est une bonne illustration concrète du premier problème). Vous avez dû recevoir entre-temps notre lettre du 21 décembre (et les trois copies jointes1 signalant une série de ruptures « en chaîne »). Je réponds tout de suite moi-même. Ainsi, on évitera le style un peu « administratif » que prennent forcément des lettres rédigées collectivement, et toujours avec une certaine hâte : car chacune de nos réunions doit expédier un assez grand nombre de lettres – et aussi traiter d’autres problèmes, de sorte que cela dure fréquemment toute la nuit. Mais ceci n’est quand même pas une lettre « personnelle » : je pense qu’elle résume nos récentes conclusions et j’en communiquerai la copie, avec ta propre lettre, à la prochaine réunion de nos amis (presque tous dispersés aujourd’hui pour diverses tâches à travers l’Europe). Parlons d’abord de notre théorie de l’organisation « cohérente et démocratique ». Comme tu sais, nous ne nous intéressons pas à une théorie abstraite. Cette théorie est donc la théorie de notre propre pratique comme I.S. jusqu’ici. Elle est certainement modifiable et dépassable, mais toujours par une décision collective consciente, et non par le coup de force arbitraire de quelqu’un qui nous met en présence d’un « fait accompli ». Nous définissons cette pratique – depuis le début de l’I.S. et jusqu’à la période actuelle incluse – comme une tâche d’extrême avant-garde, et qui ne vise aucunement à se transformer en direction du large mouvement révolutionnaire qui va se constituer. Nous pensons que le premier travail, devant la nouvelle époque de contestation qui commence spontanément partout, est de faire apparaître la théorie critique la plus adéquate (en aidant ainsi à délivrer les mouvements spontanés de l’inconséquence qui leur fait mélanger à leur propre vérité une certaine dose d’anciens mensonges idéologiques). Faire apparaître cette théorie n’est ni possible ni souhaitable sans une conduite pratique aussi « exemplaire ». Sans vouloir insister sur notre propre éloge, nous sommes assez sûrs d’avoir pu commencer la formulation d’une nouvelle rigueur théorique, seulement dans la mesure où nous avons su défendre une rigueur égale dans notre attitude pratique. Nous devons éviter toute récupération dans le « spectacle », et toute concession au confusionnisme. Tony, quoiqu’il nous ait rencontrés assez peu de temps avant de quitter l’Europe, peut déjà vous témoigner combien de gens ici essaient de s’approcher des situationnistes (ou de se faire « recruter », ou de parler en notre nom) avec des intentions objectivement compromettantes. Tony peut vous dire aussi que nous résistons durement. Autrement dit : nous refusons dix fois un « succès » qui serait assurément une aliénation, pour atteindre enfin un succès de notre volonté réelle. À ce stade, les individus dans l’I.S. doivent avoir tous assez de capacités pour être autonomes (par exemple, pour ne pas être seulement « partisans » subordonnés de théories qu’ils ne seraient pas capables de développer et appliquer eux-mêmes). Et, simultanément, le petit nombre des individus qui se sont reconnus une participation égale à ce niveau de « cohérence » se trouve collectivement engagé par ce que chacun d’entre eux peut être contraint de décider immédiatement et seul, au nom de nos principes communs (pareillement, quelqu’un de l’I.S. qui combat nos principes communs m’a engagé et compromis ainsi dans une réfutation de moimême : il faut l’exclure pour garder notre sérieux). Ceci pour bien faire comprendre qu’une rupture publiquement prononcée contre une personne extérieure par l’un de nous (pour des motifs de l’I.S. et à ce niveau, bien évidemment) nous oblige à adopter tous immédiatement cette rupture – ou bien à exclure le situationniste dont nous ne voudrions pas approuver l’acte (si cet acte était manifestement une trahison ou un abus de nos exigences générales – qui sont bien connaissables par nos écrits). Comment prend-on nos décisions majoritaires? D’abord, il faut dire qu’il y a très peu de votes. Quand nous devons faire un choix sur un problème – généralement tactique – les bases qui nous sont communes font qu’après une discussion la solution qui paraît la meilleure rallie presque toujours l’unanimité. Cependant certains cas ne peuvent être tranchés – avant de l’être par l’expérience elle-même – qu’en adoptant l’opinion majoritaire. Envisageons ces cas où il y a désaccord et vote (c’est ce qui se passe forcément chaque fois que les bases d’accord de l’I.S. sont mises en question; donc dans toutes les affaires d’exclusions et ruptures). Jusqu’ici, nous avons cette facilité que le groupe est numériquement restreint, et cette difficulté que ce même groupe est géographiquement assez dispersé. Nous décidons par une réunion, ou une série de réunions, des échanges de lettres, des délégués (si un délégué est infidèle à son mandat précis, naturellement il faut l’exclure). Cette difficulté matérielle exige évidemment que personne – sauf en cas de faits nouveaux survenus – ne remette en cause les engagements qu’il a souscrits après discussion. Mais cette difficulté est en même temps normalement très diminuée en ce que nous pouvons avoir les uns envers les autres une confiance fondée sur une bonne connaissance des capacités prouvées par chacun dans son maniement de la rigueur théorique et pratique. Nous sommes tous bien d’accord avec toi sur le fait que le fonctionnement devra être autre quand les situationnistes seront seulement cent. Mais ici je rappelle notre tâche communément définie : nous ne voulons pas nous transformer en parti (ainsi, nous pourrions facilement, depuis quelque temps, faire adhérer en France plus de cent individus; et cela n’est pas souhaitable). Nous devons créer – à la limite, dans chaque pays – un noyau capable d’accomplir la même tâche « d’extrême avantgarde » que nous avons seulement commencée dans deux ou trois pays européens. (Il est aussi évident que dans le moment du développement d’un mouvement révolutionnaire profond, l’I.S. devra résoudre encore d’autres problèmes sur ses modalités d’action, problèmes qui sont maintenant à peine effleurés par la discussion, car en aucun cas nous ne prétendrons à un rôle dirigeant devant ce mouvement – ni du dehors, ni du dedans.) On peut donc dire, à cause de ce qui précède, qu’au moment où il y aura cent membres de l’I.S., ils seraient forcément répartis dans cinq ou six pays. Alors, le rapport des « individus autonomes » devra passer par la médiation des groupes pratiquement agissants. À ce moment, il est évident que c’est chacun de ces groupes qui devra résoudre pour lui-même le problème de la décision démocratique pour son activité; et sur la base d’accord général de tous les groupes, les questions les plus « universelles » devraient alors seulement être débattues dans des conférences générales de tous les groupes où – tout le monde ne pouvant venir – il faudrait compter combien de mandats représentent les participants (on peut aussi à tout instant faire connaître ses positions par écrit, mais rien ne vaut le débat dans un dialogue direct). Avec l’apparition de « l’Amérique » parmi nos problèmes pratiques, nous nous trouvons déjà confrontés aux prémisses de cette question de la liaison entre groupes distants. Il faudra la discuter et définir les formes pratiques lors de notre prochaine conférence, que nous pensons faire en 19682. Dès maintenant, il est tout de même clair que nous ne vous demanderons pas, si vous trouvez un troisième ou un quatrième camarade aux U.S.A., de l’envoyer d’abord faire le tour de l’Europe pour être connu et accepté par tous les autres ici! Par contre, sur le problème de votre « adhésion » à l’I.S., les situationnistes actuels devaient se prononcer, comme un groupe unique, d’après les seules règles de notre jeu actuellement existantes, d’après nos principes généraux d’accord, et – oui, tout de même ! – d’après l’expression de votre volonté. C’est ici que commence l’histoire entre nous depuis le passage de Raoul à New York; et la série des difficultés, dont nous avons maintenant pris conscience dans toute son étendue. Je vais maintenant reprendre cette question, chronologiquement, un peu brièvement sur les points que vous connaissez déjà par les précédentes lettres, et d’une manière plus détaillée sur les nouveaux points apparus. Peu avant le voyage de Raoul, je suis allé en Angleterre : Donald et Chris avaient le même avis que nous (voir ci-dessous) sur cette question. Raoul était délégué sans autres instructions que celles qui étaient sur le papier qu’il vous a lu. Nous lui recommandions seulement de prendre d’abord contact avec toi – ce qu’il a fait en débarquant. Car nous connaissions tous les graves faiblesses du comportement de Murray (pour l’avoir vu à l’œuvre à Paris) et, d’autre part, nous estimions tous – y compris les Anglais –, d’après les lettres échangées avec toi, que tu étais le New-Yorkais le plus proche de nos positions. Personne n’avait proposé de limiter la liberté de Raoul en exigeant qu’il discute avec tout le monde (ni en exigeant qu’il rencontre, par exemple, précisément, Morea, indépendamment des conditions qu’il pourrait trouver et juger en voyant directement l’état des problèmes à New York). J’ai vu Raoul avant son départ et lui ai transmis l’opinion des Anglais. Voici maintenant notre opinion commune à ce moment (exprimée déjà dans le document que Raoul vous portait). Nous pensions qu’après tant de traductions, et surtout l’ouverture d’une boîte postale de l’I.S. à New York, fait qui engage manifestement notre responsabilité, et pour lequel nous n’avions aucune garantie, il était urgent de découvrir avec qui nous serions précisément en accord et en contact à New York. (D’accord sur le fait que « prospective » = possible : les autres membres possibles de l’I.S. n’engagent pas notre responsabilité par des actions publiques unilatéralement décidées.) Nous étions tous particulièrement inquiets du fait que Tony était resté pendant des mois sans garder le moindre contact avec nous. Quand il nous avait enfin écrit une longue lettre, il disait qu’il avait gardé un utile contact avec Londres : ce que Chris niait fortement. Quand Raoul est revenu à Paris – avant de repartir aussitôt pour un autre voyage : de sorte que nous n’avons pas pu réenvisager de nouveaux détails en sa présence pendant les deux semaines suivantes – dans son exposé sur New York, il a naturellement beaucoup plus parlé de son accord avec Tony et toi que des ruptures corollaires; qui sont aussi une bonne chose, mais moins importante. Raoul a cependant beaucoup insisté sur le cas du mystique pour montrer la misère de Morea (que ce problème soit bien clair : il y avait beaucoup d’autres graves désaccords qu’il aurait dit à Morea s’il l’avait rencontré, et il hésitait même à rencontrer un personnage peu intéressant et déjà opposé à nos amis – mais après le scandale avec le mystique, il ne voulait même plus rencontrer Morea : ceci n’est en rien contradictoire avec les critiques plus théoriques que vous pouvez faire sur Morea dans l’étude de la « New Left »). Je crois que je dois faire remarquer ici que la discussion avec un mystique nous choque plus fortement qu’elle ne paraît vous choquer, vous. Raoul a dit que l’accord avec vous était sûr et solide, mais que vous préféreriez attendre d’avoir achevé votre propre texte théorique pour vous présenter ouvertement comme « situationnistes ». Cette préférence lui a paru – et nous a paru ici lors de son rapport – un excellent procédé. Mais, nous l’avons compris comme un choix simplement tactique ; secondaire en regard de notre accord « stratégique » (à vous de nous dire maintenant si en cela, Raoul s’est trompé). En effet, l’évolution précipitée des problèmes tactiques avec New York nous a menés à accélérer ce processus. Je parle encore maintenant de question tactique ; évidemment, après votre réponse du 10 décembre, nous avons pensé qu’il apparaissait un désaccord fondamental, non aperçu par Raoul, si vous aviez le projet d’une « autonomie américaine absolue » qui ne tienne aucun compte du reste de l’I.S. – mais la réponse de ta lettre du 20 décembre dément cette hypothèse. Cependant, même après ce document du 10 décembre, qui nous laissait très sceptiques sur une chance d’accord avec vous – bien que nous faisions la part de votre mauvaise humeur à cause de notre réponse à Morea – nous étions tous ici absolument résolus à ne plus accepter de discussions avec d’autres que vous. La rupture avec Morea s’imposait objectivement : quoi que devienne ensuite la discussion avec vous; vous n’aviez pas à nous « acheter » cette rupture en nous donnant raison sur toute la ligne dans notre débat ! Voici maintenant la suite de ces problèmes tactiques survenus d’une manière très précipitée. J’avais écrit assez brièvement aux Anglais les heureuses conclusions (selon nous) du voyage de Raoul. Mais en même temps, ils recevaient la première protestation de Morea. Ils vinrent tout de suite à Paris : ils regrettaient que Raoul n’ait pas accepté une rencontre avec Morea. Nous donnons l’argument le plus gros – et incontesté – par lequel Raoul nous avait justifié son choix. Les Anglais proposent – à notre vif étonnement – de suspendre notre décision là-dessus jusqu’à leur propre passage à New York. Nous – la majorité, encore une fois! – nous rejetons absolument une perspective qui équivaut à désavouer Raoul. Ils insistent alors, avec beaucoup de scrupules, sur le fait que « peut-être Morea ne sait pas pourquoi Raoul a pu se conduire avec une telle violence » (ils se servent de ce juste argument que l’on ne peut compter sur Murray pour transmettre fidèlement les motifs, même les plus énormes, que Raoul lui a donné; ni sur Hoffman). Nous acceptons alors de signer avec eux une lettre à Morea pour l’informer d’une raison suffisante de notre refus du dialogue. Nous sommes alors tous d’accord sur le fait qu’aucun contact ne pourra plus exister avec Morea, sauf s’il s’excusait immédiatement sur sa collusion avec le mystique, et le ton injurieux de sa lettre. Nous pensions presque tous que c’est absolument invraisemblable : cependant Chris disait que Morea est, d’après lui, « honnête », et qu’une telle prise de conscience n’est pas tout à fait impossible (mais Chris lui-même estimait qu’en aucun cas nous n’aurions pu envisager un accord avec Morea). Cependant, nous ne voulions pas que cette manifestation un peu excessive de scrupule formaliste (naturellement, il est tout à fait nécessaire de déclarer ouvertement à quelqu’un nos raisons de le rejeter; mais dans le cas de Morea il était plus que probable qu’il savait tout cela très bien), nous ne voulions pas que ceci puisse servir à remettre en cause les choix irréversibles acquis dans le séjour de Raoul à New York. Nous avons alors demandé, en même temps que cette réponse serait faite à Morea, que nous marquions tout de suite que nous sommes engagés avec Tony et toi (et qu’il ne peut plus être question de discuter encore indifféremment avec les uns et les autres). Les Anglais ont accepté : ce fut donc le document « administratif » du 5 décembre3 – qui ne vous a pas beaucoup plu ! Voilà donc quelles étaient nos raisons. On peut résumer ainsi : l’apparition de publications faites en notre nom à New York nous poussait à rechercher plus vite un accord précis avec des camarades dans cette ville; alors les réactions hostiles soulevées par cet accord (par ex. Morea) nous menaient à précipiter la formalisation déclarée de cet accord. C’est à vous maintenant de choisir à partir de là. Vous connaissez la suite. Morea n’a répondu que de nouvelles injures, et les Anglais lui ont encore écrit – brisant notre accord – d’une manière qui peut même laisser comprendre que Raoul a menti en qualifiant Hoffman de mystique (ce que, bien entendu, Donald et Chris n’ont jamais dit dans notre débat : ils savaient eux-mêmes, et aussi par Murray, qu’Hoffman est mystique). Alors nous les avons sommés de rompre tout de suite, par lettres, avec Morea et Murray : sinon nous le ferions sans eux ; et cela signifiait donc leur rupture avec nous. Les Anglais nous [ont] encore télégraphié pour demander un supplément de discussion à Londres. Raoul y est allé, avec un texte d’ultimatum – et aussi en pouvant leur raconter directement tous les processus de son séjour à New York. Les Anglais disaient d’abord qu’ils ne souhaitaient pas la rupture avec nous : ils commençaient donc à écrire des lettres de rupture à Murray et Morea, mais la rédaction apparaissait très difficile, parce qu’ils trouvaient chaque phrase trop violente ! Ce travail, qui n’avançait donc pas vite, devait se poursuivre le lendemain. Mais le lendemain, les Anglais ne voulaient plus continuer et soulevaient de nouveaux problèmes : en donnant comme preuve suffisante votre document du 10 décembre, ils déclaraient maintenant que Raoul avait eu tort, non plus seulement de rompre avec Morea, mais de te déclarer, toi, acceptable pour l’I.S. – et surtout que Tony ne pouvait pas être accepté! (Il faut noter qu’ils avaient signé eux-mêmes cette acceptation le 5 décembre; et surtout qu’ils ne connaissent presque pas Tony : encore moins que moi et surtout moins que Raoul qui l’a rencontré plus longuement à New York.) Raoul – et René – ont alors renoncé à poursuivre cette discussion. Il était devenu évident qu’il ne s’agissait plus d’un malentendu et d’une lenteur de raisonnement, mais d’une volonté de ne pas entendre. Nous avons donc constaté la rupture définitive; on peut dire qu’elle ne s’est pas produite aussi rapidement que prétend notre épouvantable légende : il y avait eu plus de dix lettres échangées, deux voyages, et en tout plus de six journées de discussion entre les deux « courants ». Ce que les trois camarades anglais ont fait se résume donc ainsi : 1) ils se sont désolidarisés systématiquement, et ceci dès le début, sans aucune raison soutenable, de toute l’activité de Raoul à New York (alors que tous les autres situationnistes affirment que leur confiance en Raoul, fondée sur une multitude d’expériences à tous les niveaux, est inattaquable). 2) Ils ont manifesté une indulgence stupéfiante – comique et indigne – pour Morea, ses fréquentations mystiques et ses « méthodes de discussion ». 3) Ils ont simultanément affirmé une hostilité absolue et irrationnelle contre Tony et toi. (J’ai dit que nous avions tous des critiques à formuler sur l’action antérieure de Tony, mais ayant appris depuis son accord complet avec toi et avec Raoul, nous ne pouvons admettre qu’il soit condamné métaphysiquement pour avoir trop négligé le contact avec nous dans la période précédente. Nous avions aussi rappelé que son attitude dans « la bataille de Strasbourg » avait été entièrement digne et rigoureuse.) Si nous avions cédé sur cette question si claire et si choquante du refus de la solidarité, l’I.S. devrait logiquement accepter aussi de céder dans dix autres affaires extérieures importantes où nous sommes simultanément engagés; et même toujours par la suite! La fonction radicale que nous avons eue jusqu’ici prendrait fin. Nous regrettons Donald, que nous aimions beaucoup. En deux années à Paris, nous avons toujours été en accord complet avec lui. Il n’était redevenu « anglais » que depuis deux mois, pour aider enfin à faire naître un « groupe anglais » qui – depuis dix-huit mois – n’avait pu dépasser le stade des traductions, car il était composé seulement de Chris (et d’un autre épisodiquement: Radcliffe n’avait rigoureusement rien fait en dix-huit mois, et finalement avait amicalement formulé sa démission à Chris quelque temps avant cette affaire). Nous trouvons bien étrange que l’atmosphère de ce « groupe virtuel » ait si rapidement altéré chez Donald la rigueur de raisonnement et même le sens de la dignité. Il faut bien souligner que, depuis notre première discussion aboutissant à un accord avec Chris et Ch. Radcliffe, nous avions toujours fait entièrement confiance aux Anglais (ce qui nous semblait bien normal) sans jamais contrôler d’aucune manière ce qu’ils ont fait en Angleterre. Et voilà donc qu’à leur première intervention dans un débat général, nous constatons qu’ils ne se sentent vraiment pas du tout tenus à la même confiance envers Raoul et d’autres ! Utile leçon. Nous ne comprenons pas encore bien clairement leurs intentions dans cette affaire (mais la suite de leur propre activité ne saurait manquer de les révéler). Aucune opposition n’avait été marquée par eux à aucune de nos thèses et perspectives. On peut seulement trouver ce point à peine abordé, en dix minutes, tout récemment : Chris disait que l’Angleterre et les U.S.A. devaient être considérés comme un seul terrain d’action, avec les mêmes publications, une seule revue, etc. Je répondais alors que cette idée ne me semblait pas très réaliste. Mais on voit mal comment une telle divergence « théorique » à peine esquissée peut conduire en quinze jours à une rupture de la solidarité pratique. Il y a beaucoup d’autres informations européennes qui seraient intéressantes (les plus notables : les poursuites pénales commencées contre nous à Paris pour incitation au vol, au crime et à la débauche, sur la base du comic’s que vous connaissez – et le scandale récent d’étudiants pro-I.S. à Rennes4, qui recommencent le coup de Strasbourg). Mais cette lettre est déjà bien assez longue. Amitiés, Guy 1. Les deux lettres qui précèdent, plus la Circulaire à toutes les sections parue dans Correspondance, vol. III, p. 247-248. 2. La VIIIe Conférence n’aura lieu qu’en 1969 (du 25 septembre au 1er octobre) à Venise. 3. Cf. Correspondance, vol. III, p. 241-242. P.-S. : Dites-nous quand vous aurez reçu le livre de Raoul et le mien. Sinon, on les enverra par une voie plus discrète. 4. Il s’agit en fait de Nantes (cf. Correspondance, vol. III, p. 243244, lettre à Yvon Chotard). INDEX GÉNÉRAL DES NOMS ABADIE (Paul) : vol. VI ABD EL-KADER : vol. IV; vol. VI ABDERAHMAN : vol. VI Abeille : vol. III ABÉLARD (Pierre) : vol. VI. ABRAMOVITCH : vol. VI ABÛ L-ALÂ AL-MA’ARRÎ : vol. VII ACERETE (Julio C.) : vol. IV ACHILLE : vol. VI ACTUALITÉS (librairie) : vol. VII ADAMOV (Arthur) : vol. II ADENAUER (Konrad) : vol. II Adriana : vol. VI Adriana-Giustina, dite Justine : vol. V AFRODITE (éditions) : vol. IV AGALEV (éditions) : vol. VII AGAM (Yaacov) : vol. III AGAMBEN (Giorgio) : vol. VII AGNELLI (Giovanni) : vol. IV; vol. V AÏT AHMED (Hocine) : vol. II; vol. III AJAX (Alain) : vol. VII ALBA (Victor) : vol. VI ALBARIC (Alain) : vol. VI ALBARIC (Michel) : vol. VI ALBERTS (Anton) : vol. « 0 »,vol. I ALBICOCCO (Gabriel) : vol. « 0 » ALBIN MICHEL (éditions) : vol. «0» ALECHINSKY (Pierre) : vol. I; vol. VII ALEXANDRE LE GRAND : vol. V ALFERJ (Pasquale) : vol. IV ALFIERI (Vittorio) : vol. VI; vol. VII Ali : vol. III Alison D. : vol. IV; vol. V ALLENDE (Salvador) : vol. V; vol. VI ALLIA (éditions) : vol. VI; vol. VII ALLOWAY (Lawrence) : vol. « 0 »,; vol. I ALTHUSSER (Louis) : vol. V; vol. VI; vol. VII ÁLVAREZ DE SORIA (Alonso) : vol. VII ÁLVAREZ- TEJEDOR (Pilar) : vol. VI ALVES (Francisco) : vol. IV; vol. V AMBROSETER : vol. I Amédée : voir LEFEBVRE (Henri). AMELOT DE LA HOUSSAYE (Nicolas) : vol. IV AMER (maréchal) : vol. V AMIOT (père Joseph) : vol. VII AMOROS (Miguel) : vol. VI AMPTI : vol. II ANAGRAMA (éditions) : vol. VII ANASTASSIADIS (Mikis) : vol. VI Andalouse (l’) : voir LOPEZ-PINTOR (Antónia). ANDERS (Günther) : vol. VI; vol. VII Andréa : vol. VII ANDRÉANI (Jean-Louis) : vol. VII Andrée : vol. VI Andrès : vol. III ANGIOLIERI (Cecco) : vol. IV ANNE D’AUTRICHE : vol. VII Anne d’Autriche (pour la tante de Gianfranco SANGUINETTI) : vol. V Anne-Marie : vol. III Annie : vol. VII ANSELME (saint) : vol.V Anstryn : vol. « 0 », ANTIGONA (éditions) : vol. VI ANTOINE (Marc) : vol. VII Antonella : vol. V ANTONIONI (Michelangelo) : vol. V APOLLINAIRE (galerie) : vol. « 0 », APOLLINAIRE (Guillaume) : vol. «0»vol. II; vol. IV; vol. VI; vol. VII APOLLINAIRE (saint) : vol. VII APOSTOLAKEAS (Christos) : vol. VII APPEL (Karel) : vol. I; vol. IV ARAGON (Louis) : vol. «0»vol. VI ARCANA (éditions) : vol. «0»vol. V; vol. VI; vol. VII ARCHAMBEAU (Dr) : vol. VII ARCHILOQUE : vol. VII ARCIMBOLDO (Giuseppe): vol. VII ARDANT DU PICQ (Charles) : vol. V; vol. VI ARÉTIN (Pietro ARETINO, dit l’) : vol. IV ARIGONI : vol. IV ARIOSTE (Ludovico ARIOSTO, dit l’) : vol. VI Arlette : vol. I ARMANDO : vol. «0»vol. I ARNAUD (galerie) : vol. I ARNAUD (Georges) : vol. I ARNAUD (Michel) : vol. I ARNAUD (Noël) : vol. «0»; vol. I; vol. II ARNOTT (David) : vol. II; vol. III ARON (Raymond) : vol. «0»; vol. VI ARROYO (Eduardo G.) : vol. II ARTAUD (Antonin) : vol. I; vol. VI ARTMEDIA : vol. V; vol. VI ASCASO (Francisco) : vol. VI ASCLÉPIODOTE : vol. VII ASSOMMOIR (éditions de l’) : vol. VI ASSOULINE (Pierre) : vol. VII ASTIER DE LA VIGERIE (Emmanuel D’) : vol. II ATKINS (Guy) : vol. I; vol. II ATLAS (Anatole) : vol. VI ATTALI (Jacques) : vol. V; vol. VI AUBIER (éditions) : vol. VII AUGUSTINCI (Rudi A.) : vol.I AUREL (Jean) : vol. V; vol. VI AVENEL (Georges) : vol. V; vol. VI AVICENNE : vol. VI AVOYNE : vol. V AXELOS (Kostas) : vol. «0»; vol. II; vol. III AYMÉ (Marcel) : vol. VII BAADER (Andreas) : vol. IV; vol. V; vol. VI BABEL (Isaac) : vol. IV BABEUF (Gracchus) : vol. II; vol. VI; vol. VII BABORD (René-Guy) : vol. « 0 », BACH (Jean-Sébastien) : vol. VII BACHELARD (Gaston) : vol. II BACON (Francis) : vol. VI BADEMER (Marlène) : vol. III BADIOU (Alain) : vol. VI BAIESI (Jean-Pierre) : vol. VII BAJ (Enrico) : vol. « 0 »,; vol. I; vol. III BAKIR : vol. II BAKOUNINE (Mikhaïl Aleksandrovitch) : vol. « 0 »,; vol. III; vol. IV; vol V; vol. VI; vol. VII BALDENEY : vol. II BALDI (Camillo) : vol. VII BALESTRINI (Nanni) : vol. VII BALL (Hugo) : vol. II BALLADUR (Édouard) : vol. VI BALLAND (éditions André) : vol. «0», BALLIVET : vol. «0» BALTHAZAR (André) : vol. « 0 » BALZAC (Honoré DE) : vol. II; vol. VI BANDINI (Mirella) : vol. V; vol. VII BANVILLE (Théodore DE) : vol. VI BARBIER : vol. III BARCLAY DE TOLLY (Michel Bogdanovitch) : vol. VI BARDOT (Brigitte) : vol. V BARDUCCI (Elvio) : vol. V; vol. VI BARGAS (Estella) : vol. IV BARJOLIN (Joëlle) : vol. V BARJOT : voir CASTORIADIS (Cornelius). BARKER (John) : vol. IV BARNES (Dr) : vol. VII BARO : vol. III BARRAQUÉ (Martine) : vol. V BARRAT (Robert) : vol. II BARRE (Raymond) : vol. VI BARRET (Pierre) : vol. IV BARRIL (capitaine) : vol. VI BARROT (Gilles DAUVÉ, alias Jean) : vol. IV; vol.V; vol. VI BARTHES (Roland) : vol. II; vol. VI BASSE (René) : vol. VII BASTID (Jean-Pierre) : vol.V; vol. VII BATAILLE (Georges) : vol. «0» BATHORY (Erzsébet) : vol. II BATSCH (Christophe) : vol. VI BATTISTI (Cesare) : vol. VI BAUDELAIRE (Charles) : vol. II; vol. VI; vol.VII BAUDELOT (Me Yves) : vol. VII BAUDRILLARD (Jean) : vol. VI; vol. VII BAUER (Bruno) : vol. IV; vol. V BAUER (Otto) : vol. V BAUMGARTNER : vol. I BAYEN (recteur) : vol. III BAYER : vol. VI BAYNAC (Jacques) : vol. V BAZIN (André) : vol. VII BÉALU (Marcel) : vol. «0» BÉARN (Henry DE) : vol. «0» Beatrice : vol. «0» BEAUCÉ : vol. «0» BEAULIEU (François DE) : vol. «0»vol. III; vol.IV BEAULIEU (Maria DE) : vol. IV BEAUMARCHAIS (Pierre-Augustin CARON DE) : vol. VI BEAURAIN (Nicole) : vol. II Bébert : vol. III BECKER : vol. V; vol. VII BECKER (Anicet) : vol. V BECKER (Eugène) : vol. V; vol.VI; vol. VII BECKER (Jürgen) : vol. III BECKER (Marie-Louise) : vol. V; vol. VII, BECKER-HO (Alice) : voir DEBORD (Alice). BECKETT (Samuel) : vol. I BEETHOVEN (Ludwig VAN) : vol. VII BÉGOT (Jean-Pierre) : vol. VI BÉHOUIR (Bartholomé) : vol. IV BEIMLER (Hans) : vol. II BELGHANEM (Robert) : vol. III BELKACEM (Krim) : vol. I BELLE-ISLE (Charles FOUQUET, duc DE) : vol. VII BELLES LETTRES (éditions LES) : vol. VII BELMONDO (Jean-Paul) : vol. VI BELMONT (Véra) : vol. V BEN ALI : vol. III BEN ARAFA (Mohammed) : vol. «0» BENAYOUN (Robert) : vol. «0». BEN BARKA (Mehdi) : vol. III BEN BELLA (Ahmed) : vol. «0» vol. II; vol. III BENBOW (William) : vol. VI BENJAMIN (Walter) : vol. VI BEN MOREA : vol. «0»,vol. III BENOIST (Alain DE) : vol. VI BENOIST (Jean-Marie) : vol. VII BENOLDI (Elio) : vol. I BENVENISTE (Jacques) : vol. VII BÉRANGER (Pierre Jean DE) : vol. VI BÉRARD (Hubert) : vol. III BERCOFF (André) : vol. VI BÉRÉGOVOY (Pierre) : vol. VII BERGER-LEVRAULT (éditions) : vol. VI BERGERON (André) : vol. III BERGIER (Jacques) : vol. «0»vol. II BERGSON (Henri) : vol. VII BERIA (Lavrenti Pavlovitch) : vol. III BÉRIOU (Jean-Yves) : vol. IV BERKE (John) : vol. III BERLIET (entreprise) : vol. VII BERLINGUER (Enrico) : vol. IV BERNA (Serge) : vol. «0»vol. I; vol. VII BERNARD (imprimerie Ch.) : vol. I BERNELAS : vol. VII BERNERI (Camillo) : vol. VI BERNSTEIN (Eduard) : vol. IV; vol. V BERNSTEIN (Michèle) : vol. «0»vol.I ; vol.II ; vol.III; vol. IV; vol. V; vol. VII BERREBY (Gérard) : vol. VII BERRETONI : vol. V BERRYER (Pierre Antoine) : vol. V BERTALL (Charles-Albert D’ARNOUX, dit) : vol. III BERTAUT : vol. VII BERTRAND (André) : vol. «»vol. III,; vol. IV BESSE (François) : vol. VII BESSON (Pierre) : vol. VI; vol. VII BEUVE-MÉRY (Hubert) : vol. III BIBLIOTHÈQUE D’ALEXANDRIE : vol. «0»; vol. II; vol.V; vol. VI; vol. VII BIEDA (David) : vol. «0»vol. IV BIGORGNE (Gérard) : vol. III BILL (Max) : vol. I; vol. IV BIRCH (galerie) : vol. I BISMUTH : voir LEMAÎTRE (Maurice). BITTERMANN (Klaus) : vol.VI BIZET (Georges) : vol. VI BLACHIER (Pierre) : vol. III; vol. IV BLACK & RED (éditions) : vol. IV; vol. V; vol. VII BLANC (Anita) : vol. VII BLANC (Louis) : vol. IV BLANCHARD (Daniel), alias Pierre CANJUERS : vol. « 0 »vol. I; vol.II; vol.V. BLANQUI (Louis Auguste) : vol. II BLAVIER (André) : vol. «0» BLIN : vol. VII BLOCH (Ernst) : vol. BLOCH (Marc) : vol. VII BLOCH-LAINÉ (Nathalie) : vol. VII BLON : vol. V BLONDEAU : voir MONTEIRO (Afonso). BLOY (Léon) : vol. VII BLÜCHER (Gebhart Leberecht, prince BLÜCHER VON WAHLSTATT): vol. VII BLUM (Léon) : vol. VI BLUNT (Anthony) : vol. VI BOCCA (Giorgio) : vol. V BODSON (Guy Antoine) : vol. «0»vol. III BOERSA (S.D.) : vol. I BOGAERT (Eugène) : vol. « 0 »vol. I; vol.II; vol. III; vol. IV BOGGIO (Philippe) : vol. VI BOILEAU (Nicolas) : vol. VI BOKASSA (Jean Bédel) : vol. VI BOLCHI (Sandro) : vol. IV; vol. V BOLLAG (Soshana) : vol. I BOLLOTEN (Burnett) : vol. V; vol.VI BOLTANSKI (Ariane) : vol. VII BONAPARTE (Napoléon) : voir NAPOLÉONr. BONAPARTE (Charles Louis Napoléon) : voir NAPOLÉON III. BONFANTI (Antoine) : vol. V BONITZER (Pascal) : vol. VI BONNET (Michel) : vol. II BONNOT (Jules Joseph) : vol. III; vol. V; vol. VI BONTEMPS (Charles-Auguste) : vol. III BOOKCHIN (Murray) : vol. « 0 » vol. III BOORSTIN (Daniel J.) : vol. VI BORDAS (éditions) : vol. IV BOREL : vol. V BORGHESE (Junio Valerio, prince) : vol. IV BORGIA : vol. VI BORGIA (César) : vol. V; vol. VI BORGIA (Michael) : vol. V BORKENAU (Franz) : vol. VI; vol. VII BORRI (Oreste) : vol. « 0 » BOSCH (Jérôme) : vol. VII BOSSUET (Jacques Bénigne) : vol. « 0 »vol. VI; vol. VII BOSWELL (James) : vol. V BOTIFOLL GÓMEZ (G.) : vol. VI BOTT (François) : vol. «0»vol. VI BOTTICELLI (Sandro FILIPEPI, dit) : vol. IV BOUCHER (L.J.C.) : vol. IV; vol. V BOUDARD (Alphonse) : vol. VII BOUDIAF (Mohamed) : vol. III BOUGNOUX (Daniel) : vol. VII Boujoum : voir Iphicrate-Boujoum. BOUKHARINE (Nikolaï Ivanovitch) : vol. V BOULGAKOV (Mikhaïl) : vol. IV; vol. VII BOUMEDIENE (Muhammad Bukharruba, dit Houari) : vol. III BOUNAN (Martine) : vol. VII BOUNAN (Dr Michel) : vol. VII BOURDELAIN (Florence, Thierry) : vol. VII BOURDET (Claude) : vol. « 0 » BOURDET (Yvon) : vol. III BOURGADIER (Gérard) : vol. V BOURGIN (Georges) : vol. III BOURGOIGNIE (Paul) : vol. « 0 ». BOURGOIS (Christian) : vol. V; vol. VI BOURGUIBA (Habib) : vol. III BOURTSEV (Vladimir Lvovitch) : vol. VI BOUSSAC (Marcel) : vol. « 0 » BOUTANG (Pierre) : vol. « 0 », BOUTIQUE (galerie de LA) : vol. « 0 » BRAÏK (Alain) : vol. V; vol. VII BRAMBILA : vol. V BRAU (Éliane) : vol. «0»vol. VI BRAU (Jean-Louis) : vol. « 0 »vol. VI BRAVO (Anna) : vol. III; vol. IV BRECHT (Bertolt) : vol. «0»vol. II; vol. IV; vol. VI BRECY (Robert) : vol. VI BRÉE (Gérard-Pierre) : vol. IV; vol. V BREGA (Gian Piero) : vol. IV BREJNEV (Leonid Ilitch) : vol. IV; vol. V; vol. VI BRENAN (Gerald) : vol. V; vol. VI BRETEAU (Gisèle) : vol. VI BRETON (André) : vol. «0»vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII BRETON (Aube) : vol. VI BRETON (Élisa) : vol. VI BRICIANER (Serge) : vol. II; vol. V BRILL (éditions) : vol. V BRISSET (Jean-Pierre) : vol. VI BROCH (Hermann) : vol. I BROOK (James) : vol. VII BROSSES (président Charles DE) : vol. IV BROVELLI : vol. IV BROWN (John) : vol. III BRUANT (Aristide) : vol. VI; vol.VII BRUGUIÈRE (juge Jean-Louis) : vol. VI BRÜHL (Marie DE) : vol. VI BRULL (Marianne) : vol. VI BRUNELLESCHI (Filippo) : vol. « 0 » Bruno : vol. I BRUNO (Jean-Claude) : vol. III BRUTUS (Lucius Junius) : vol. VI BRUTUS (Marcus Junius) : vol. VI; vol. VII BUCHANAN (George) : vol. II BUCHET (Edmond) : vol. III; vol. IV BUCHET (Guy) : vol.IV ; vol. V BUCHET-CHASTEL (éditions) : vol. «0»vol. IV; vol.V; vol. VII BUENAVENTURA : voir ROTHE (Eduardo). BUFFIER : vol. II BUFFON (Georges Louis LECLERC, comte DE) : vol. VI BUÑUEL (Luis) : vol. V BUONARROTI (Philippe) : vol. VII BURCKHARDT (Jacob) : vol. VI BUREL (Renaud) : vol. VII BUREN (Daniel) : vol. VII BURNHAM (James) : vol. V BURROUGHS (William) : vol. II; vol. V BURY (Pol) : vol. «0» BUTLER (Samuel) : vol. VI BUTRICO (Giovanni) : vol. III BYRON (William) : vol. VII CADE (Jack) : vol. VII CAETANO (Marcelo) : vol. «0» CAGNASSO : vol. I CAHOREAU (Gilles) : vol. VII CAILLOIS (Roger) : vol. «0» CALABI (M.) : vol. IV CALABRESI (Luigi) : vol.IV; vol. V CALDER (John) : vol. « 0 »vol. II CALDER AND BOYARS (éditions) : vol. IV CALIXTE (Jean-Charles) : vol. II CALLET (général) : vol. V CAMACHO (Diego), dit Abel PAZ : vol. VI CAMOIN : vol. IV CAMPO ABIERTO (éditions) : vol. VI CAMPOAMOR (Clara) : vol. IV CAMUS (Albert) : vol. VII CAMUS-PICHON (France) : vol. VII CANEVARI (Cesare) : vol. VI CANJUERS (Pierre) : voir BLANCHARD (Daniel). CAPELLE : vol. I CAPELLI (éditions) : vol. VI CAPOTE (Truman) : vol. VII CAPUTO (Gildo) : vol. « 0 »vol. I; vol. II CAPUTO (Natha) : vol. II CARACAS (marquis DE) : voir ROTHE (Eduardo). CARASSO (Jean-Pierre) : vol. IV; vol. V CARAX (Leos) : vol. VII CARBONE (Franca) : vol. I CARDAN : voir CASTORIADIS (Cornelius). CARDAZZO (Carlo) : vol. I Carlos : vol. II. CARLUCCIO (Luigi) : vol. I CARNÉ (Marcel) : vol. V; vol. VI CARNOT (Lazare) : vol. VII CARO (Jean-Paul) : vol. III Carol : vol. « 0 » Carol : vol. IV Carole : vol. V; vol. VI CARREL : vol. I CARRILLO (Santiago) : vol. IV; vol. V; vol. VI CARRINGTON (Leonora) : vol. VII CARROLL (Charles Lutwidge DODGSON, dit Lewis) : vol. « 0 »vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII CARSTEN (Colin) : vol. I CARTER (Jimmy) : vol. VI CARVALHO (général Otelo DE) : vol. « 0 »vol.V CASANOVA : vol. V CASAS GONZÁLEZ (Máximo) : vol. VI CASIO (Jeronimo) : vol. IV CASPARI (Arthus Christof) : vol. I; vol.II CASTELLOTE (éditions Jesus) : vol. V; vol. VI CASTIGLIA (Jean) : vol. VII CASTIGLIONE (Baldassare) : vol. «0» CASTORIADIS (Cornelius) : vol. « 0 »vol.II; vol. III; vol. V; vol. VI; vol. VII CASTRIES (Christian DE) : vol. V CASTRO (Fidel) : vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VII CASTRO (Françoise) : vol. VI CASTRO (Olivier) : vol. III CATEDRA (éditions) : vol. VI Catherine : vol. VI Catherine F. : vol. III Cathy : vol. V CATILINA (Lucius Sergius) : vol. V; vol. VI; vol. VII CATIVIELA ALFOX (Antonio, Virginia) : vol. VI CAVALCANTI (Bartolomeo) : vol. V CAVALCANTI (Guido) : vol. V CAVALCANTI (Guido), pour Guy DEBORD : vol.V; vol. VI; vol. VII CAVANNA (François) : vol. V CAVIGLIOLI (François) : vol. VII Cecco : voir ANGIOLIERI (Cecco). Cecina : vol. IV Celeste : vol. IV ; vol.V; vol. VI Céline : vol. IV CÉLINE (Louis-Ferdinand DESTOUCHES, dit) : vol. VII CELMA (Jules) : vol. IV; vol. V; vol. VII CENDRARS (Blaise) : vol. «0»vol. VI CENSIER : vol. IV CENSOR (Gianfranco SANGUINETTI, dit) : vol.V ; vol. VI CERVANTÈS (Miguel DE) : vol. VII CÉSAR (Jules) : vol. VII Césarine : vol. VII CESONI (Puni) : vol.IV CHABAN-DELMAS (Jacques) : vol. IV; vol. V CHABASSUD (B.) : vol. VI CHABROL (C.) : vol. II CHABROL (Claude) : vol. I CHAJOURNES (Guillaume DE) : vol. VI CHALLE (général Maurice) : vol. IV CHAMFORT (Sébastien Roch NICOLAS, dit) : vol. IV; vol. VI CHAMPION (Pierre) : vol. VI CHAMP LIBRE (éditions) : vol. «0»vol.IV ; vol. vol.VI ; vol.VII CHANSON (Me Jacques) : vol. VII CHAPLIN (Charlie) : vol. « 0 »vol. II; vol. VII CHAR (René) : vol. « 0 »vol. I CHARDAIRE (Nicole) : vol. VI CHARDÈRE (Bernard) : vol. II Charlal-du-Tonnal : voir GUGLIELMETTI (Charles). CHARLES VIII DE VALOIS : vol. V Charlie : vol. « 0 » CHARMILLON (Jean-Marc) : vol. «0» CHARNAY (Jean-Paul) : vol. V CHASSE (Robert) : vol. « 0 » vol. III; vol. IV CHASTEL (Jean) : vol. III CHATEAU (René) : vol. VI CHATEAUBRIAND (François René, vicomte DE) : vol. VI CHATEL : voir DIESBACH (Sébastien DE). CHÂTELET (François) : vol. III CHATTERJI : vol. II; vol. III CHAULIEU : voir CASTORIADIS (Cornelius). CHAVAL (Ivan LE LOUARN, dit) : vol. VII CHAVANNE : vol. VII CHAZAL (Robert) : vol. « 0 » CHEN (général Tsai-Tao) : vol. IV CHENG (Dr Wou-Chan) : voir PIMPANEAU (Jacques). CHESTERFIELD (Philip Dormer STANHOPE, comte DE) : vol. V CHEVAL (Ferdinand, dit le Facteur) : vol. « 0 »vol.I CHEVAL (Patrick) : vol. « 0 »vol. IV ; vol. V; vol. VI CHEVALIER (Alain) : vol.IV CHEVALIER (Louis) : vol. VI CHEVALLIER (Ania) : vol. IV; vol.V CHEVET (Suzy) : vol. III CHEVREUSE (duchesse DE) : voir Celeste. CHEYPE (Denise) : vol. II; vol. III; vol. VI CHEYSSON (Claude) : vol. VI Chicca : vol. IV Chico, Chico-solex : voir ALVES (Francisco). Chico-moto : vol. V CHIRAC (Jacques) : vol. VI CHIRON (Marcel) : vol. VII CHKLOVSKI (Victor) : vol. V; vol. VI CHOISEUL (Étienne François, duc DE) : vol. VII CHOTARD (Yvon) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV CHOUCHANE : vol. III CHRISTENSEN (Christian) : vol. I; vol. II CHRISTIAN (Dominique) : vol. IV CHRISTIE (Agatha) : vol. VI Christine : vol. III Christine : vol. IV CHTCHARANSKI (Nathan) : vol. VII CHTCHEGLOV (Ivan Vladimirovitch), dit Gilles IVAIN : vol. « 0 »vol. I; vol.II ; vol. VII CID CAMPEADOR (Rodrigo DIAZ DE VIVAR, dit le) : vol. VII CIESZKOWSKI (August VON) : vol. « 0 »vol. IV; vol. V; vol.VI; vol. VII CILIGA (Ante) : vol. III; vol. V; vol.VI CLARKE (Timothy) : vol. III Claude : vol. III CLAUDE-BERNARD (boucherie) : vol. V CLAUDEL (Paul) : vol. « 0 » CLAUSEN (Claus) : vol. IV CLAUSEWITZ (Carl VON) : vol. « 0 »vol.IV; vol.V; vol. VI; vol.VII CLEMENS (Dominique) : vol. VII CLÉMENT (Sarah) : vol. VI Clémentine : vol. « 0 » CLERT (Iris) : vol. « 0 » Clio : voir DUVAL (Michèle). CLOAREC (Yann) : voir GUÉGAN (Gérard). CLOOTS (Anacharsis) : vol. IV; vol.V; vol. VI; vol. VII CLOUZOT (Henri Georges) : vol. « 0 » CLUNY (Geneviève) : vol. V COBOURG (Frédéric Josias, prince DE SAXE-COBOURG) : vol.V COCITO (Gege) : vol. « 0 »vol. I Coco de Nantes : vol. « 0 »vol. IV COCTEAU (Jean) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI; vol. VII CŒURDEROY (Ernest) : vol. IV; vol. V COHN-BENDIT (Daniel) : vol. « 0 »,vol. III; vol.IV; vol. V COHN-BENDIT (Gabriel) : vol. « 0 », COLERIDGE (Samuel Taylor) : vol. VI COLLETTI (Lucio) : vol. VI COLOMB (Christophe) : vol. VI COLOMBO (Pia) : vol. « 0 »vol. V COLTRANE (John) : vol. VI COLUCCI (Mario) : vol. « 0 » CONFUCIUS : vol. IV CONIL-LACOSTE (Michel) : vol. IV Connie : voir Etra O. CONORD (André-Frank) : vol. « 0 »vol.I; vol. II; vol. VI CONS-BOUTBOUL (Élisabeth) : vol. VI CONSTANT : voir NIEUWENHUYS (Constant). CONSTANT (Benjamin) : vol. VI CONTRESCARPE (cinéma) : vol. VI CONTY (Pierre) : vol. VI COPANS (Richard) : vol. VI CORBIÈRE (Tristan) : vol. VII CORDELIER (Régine) : vol. VI CORGNATI (Maurizio) : vol. I CORINO (Sergio) : vol. « 0 »vol. I CORNAILLE (Roger) : vol. « 0 » CORNAND (Brigitte) : vol.VII CORNEILLE (Cornelis VAN BEVERLOO, dit) : vol. I CORNEILLE (Pierre) : vol. VII CORNET (Jeanne, dite Jaja) : vol. VI; vol. VII CORNU (Auguste) : vol. V CORRÊA (éditions) : vol. « 0 » vol. II; vol. III CORRETTE (Michel) : vol. V CORTINA : vol. VI COSIMINI : vol. VI COSSERY (Albert) : vol. VI COSSON (Gilles) : vol. III COSTABILE (Nello) : vol. IV COSTA GOMES (général Francisco) : vol. « 0 »vol.V COSTES (éditions) : vol. V COTTIGNOLI (Tito) : vol. IV COUDURÈS (Christian) : vol. VII COUÉDIC (Béatrice) : vol. VII COULOMMIER (Julien) : vol. I COURIER (Paul-Louis) : vol. V COURNOT (Me Yves) : vol. VII COURTOIS : vol. III COURTY (Pierre) : vol. VI COUSSEAU (Jean-Yves) : vol. VI COUTÉ (Gaston) : vol. VII COVIELLO (Nicolaldo) : vol. III CRARY : vol. VII CRAVAN (Arthur) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI; vol. VII CREMISI (Teresa) : vol. VII CRETON (Claude) : vol. V CREVEL (René) : vol. VI CRIPPA (Roberto) : vol. II CRISPOLTI (Enrico) : vol. I CUIXARD (Modesto) : vol. I CUJAS (studio) : vol. VI CUNHAL (Alvaro) : vol. V CUNNINGHAM EAST (J.) : vol. II CURTIZ (Michael) : vol. V CUSTER (général) : vol. V; vol. VII DABROWSKI (Richard) : vol. II; vol. III DACHY (Marc) : vol. VI; vol. VII DAELE (Els VAN) : vol. VI DAGOBERT : vol. VII DAHLMANN OLSEN (Robert) : vol. « 0 »vol.I DAHOU (Mohamed, dit Midhou) : vol. « 0 »vol.; vol. VI DALÍ (Salvador) : vol. I DALLA CHIESA (Alberto) : vol. VI DAMIANO (Cipriano) : vol. III DANGELO (Sergio) : vol. « 0 »vol. I DANIEL (Jean) : vol. V DANNATT (Adrian) : vol. VII DANNO (Jacqueline) : vol. V DANSETTE (Adrien) : vol. V DANTE ALIGHIERI : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII DANTON : vol. VII DANTZIG (Charles) : vol. VII DARBOIS (Dominique) : vol. II DARANTIÈRE (imprimerie) : vol. VII DARIEN (Georges Hippolyte ADRIEN, dit) : vol. VII DARMESTETER (Arsène) : vol. VI; vol. VII DARQUIN (Jacques) : vol. III DASSIN (Béa) : vol. I DAUN : vol. VII DAUPHIN (Jean-Pierre) : vol. VII DAUVÉ (Gilles) : voir BARROT (JEAN). DAVET (Yvonne) : vol. VI David : vol. « 0 » DAVID (Claudie) : vol.IV; vol. V DAVID (Louis) : vol. « 0 » DE AMBROSI (Davide) : vol. V DEBAUCHE : vol. II DEBORD (Alice BECKER-HO) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. IV ; vol. V ; vol. VI ; vol. VII DEBORD (Martial) : vol. V DEBRAY (Régis) : vol. V DEBRÉ (Michel) : vol. I; vol. II DEBRIE (Nicole) : vol.VII DEBUD (Guy) : vol. III DECAYEUX (Colin), pour Guy DEBORD : vol.IV; vol. V; vol. VII Dédé les Amourettes : voir BRETON (André). DE DONATO (éditions) : vol. « 0 »vol. IV ; vol. V DEFFERRE (Gaston) : vol. VI DEHOUX (Robert) : vol. II; vol. III DÉJACQUE (Joseph) : vol. IV; vol. V; vol.VI DE JONG (Jacqueline) : vol. « 0 »vol. I; vol. II DE JONG (Rudolf) : vol. IV; vol. V; vol.VI DE LA FLOR (éditions) : vol. VI DELAGRAVE (éditions Charles) : vol. VI DELAPORTE (Yves) : vol. « 0 » vol. III DELATTRE (Chantal) : vol. « 0 »vol. I DELCOUR (Bertrand) : vol. VI DELEUZE (Gilles) : vol. V DELFEIL DE TON : vol. « 0 »vol. V DELLA CASA (Gianfranco) : vol. IV DELLY : vol. « 0 » DELTEIL (Joseph) : vol. VI DELUC (Me Marie-Christine) : vol. VII DE MICHELIS (Eva) : vol. IV; vol. V DÉMOSTHÈNE : vol. VI DENARI : vol. IV DENEVERT (Daniel) : vol. « 0 »vol.IV; vol. V DENG XIAOPING ou TENG HSIAO-PING : vol. V; vol. VII Denise : vol. III DENOËL (éditions) : vol. VI DE PAOLI : vol. IV DERRIDA (Jacques) : vol. VII DÉRUET (Claude) : vol.VII. DESCAMPS (Christian) : vol. III DESNOS (Robert) : vol. VI DESSIMOND (Fernand) : vol. V DESTRIBATS (Paul) : vol. VI; vol.VII DESURMONT (Thierry) : vol. V; vol.VI DÉTRÉ (Charles) : vol. VII DEVAQUET (Alain) : vol. VI DEVOS (Marie-Paule) : vol. IV DE WILDE (E. L. L.) : vol. I D’HAESE (Roël) : vol. I DIDEROT (Denis) : vol. IV; vol. V; vol. VI DIDES (commissaire) : vol. « 0 » DIDOT (éditions) : vol. VII DIERICK : voir RYCK (Francis). DIESBACH (Sébastien DE), dit CHATEL : vol. « 0 »vol.II. DIETZGEN (Josef) : vol. V; vol. VI; vol. VII DI NALLO (Egeria) : vol. V Djenia : vol. VI DJIAN (Philippe) : vol. VI Doge (le) : voir MIGNOLI (Me Ariberto). DÖBLIN (Alfred) : vol. VII DÖHL : vol. II DOMENACH (Jean-Marie) : vol. II; vol. III Dominique : vol. « 0 »vol. II Dominique S. : vol. VII DOSTOÏEVSKI (Fédor Mikhaïlovitch) : vol. V; vol. VI DOTREMONT (Christian) : vol. « 0 »vol.I DOUBLE DOUTE (galerie du) : vol. « 0 », DOUGLAS (Keith) : vol. VII DOYON (Pierre-Noël) : vol. V; vol. VI DOZIER (général James Lee) : vol. VI DRAGO : vol. VII DRAGOR (imprimerie) : vol. I DREYFUS (Alfred) : vol. IV; vol. V; vol. VI DROUET (Minou) : vol. II DROUIN (René) : vol. « 0 »vol. I DUARTE (Manuel) : vol. VII DU BARRY (Jeanne BÉCU, comtesse) : vol. V DUBCEK (Alexandre) : vol. IV DUBOIS : voir VANEIGEM (Raoul). DUBREUILH (Simone) : vol. « 0 » DUBY (Georges) : vol. VII DUCASSE (Isidore) : voir LAUTRÉAMONT. DUCHAMP : vol. V DUCHAMP (Marcel) : vol. III DUFRÊNE (François) : vol. « 0 » DUMAS (Alexandre) : vol. IV DUMAYET (Pierre) : vol. II DUMONT (René) : vol. V DUMONTIER (Pascal) : vol. VII DUNAYEVSKAYA (Raya) : vol. IV; vol. VI DUPUIS (Jules-François) : voir VANEIGEM (Raoul). DURAS (Marguerite) : vol. IV; vol. VI DURRELL (Lawrence) : vol. « 0 »vol. II DURRUTI (Buenaventura) : vol. « 0 »vol. IV; vol. V; vol.VI; vol. VII DUTEUIL (Jean-Pierre) : vol. III DUTEURTRE (Benoît) : vol. VII DUTILLEUL (galerie-éditions Georges-Marie) : vol. « 0 » DUTRONC (Jacques) : vol. V DUVAL (Michèle), dite Clio : vol. V; vol. VI; vol. VII DUVAL DE FRAVILLE (Georges-Léon) : vol. V DUVERGER (Maurice) : vol. V DUVIGNAUD (Jean) : vol. II EAUBONNE (Françoise D’) : vol. « 0 » EBERT (Friedrich) : vol. IV EBLÉ (Alain) : vol. IV ÉCCLÉSIASTE : vol. VII ECKHART (Johannes, dit Maître) : vol. VII ECO (Umberto) : vol. VI EDO (Luis Andrès) : vol. III EGNA (M. D’) : vol. VI EINAUDI (éditions) : vol. IV EISCH (Erwin) : vol. I EISENHOWER (Dwight David) : vol. II EISENSTEIN (Sergueï Mikhaïlovitch) : vol. IV; vol. V ELDE (Ansgar) : vol. « 0 »vol. II Elisabetta : vol. IV ELKABBACH (Jean-Pierre) : vol. VI ELLEINSTEIN (Jean) : vol. V ELLUL (Jacques) : vol. II; vol. III ELOY (Roland) : vol. II El Rubio : voir MARTÍNEZ GÓMEZ (José Juan). ELUARD (Paul) : vol. I; vol. VI ELWELL (Bruce) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV Emma : voir TIEFFENBACH (Emma). ENCKEL (Pierre) : vol. VI ENCRE (éditions) : vol. VI ENGELS (Friedrich) : vol. « 0 »vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI ENGELS (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. IV; vol. V ENSOR (James) : vol. I ENSSLIN (Gudrun) : vol. V ERHENBOURG : vol. VII ERICSON (Bengt) : vol. III; vol.IV ERISTICA (éditions) : vol. « 0 » ERNST (Max) : vol. VII ESGLÉAS (G.) : vol. III ESTE (Ricardo D’) : vol. VI ESTIENNE (Charles) : vol. I ESTIVALS (Caroline) : vol. II ESTIVALS (Robert) : vol. I; vol. II; vol. IV ETIEMBLE (René) : vol. III Étiennette ou Estebanita : vol. VI; vol. VII Etra O., dite Connie : vol.; vol.V Eugène l’Américain : vol. I EVANS (John) : vol. « 0 » Ève : vol. IV; vol. V EVRARD : vol. VI EXI (galerie) : vol. II FABIUS (Laurent) : vol. VI FACCHETTI (Paul) : vol. I Face de Raie : voir MITTERRAND (François). FAINA (Gianfranco) : vol. IV FAJOUR (Catherine) : vol. VII FALCOU (Hervé) : vol. « 0 » FALLISI (Giuseppe) : vol. IV FANELLI (Giuseppe) : vol. IV; vol. VI FANFANI (Amintore) : vol. V FANTINEL (Valerio) : vol. IV; vol. V FARGETTE (Guy) : vol. VI; vol. VII FARNESE : vol. VII FAUQUET (Dominique) : vol. VII FAURE (Edgar) : vol. « 0 »vol. IV; vol. V FAURE (Élie) : vol. VI FAURE (Lucie) : vol. III FAWKES (Guy) : vol. II FAYARD (librairie Arthème) : vol. « 0 »vol.VI FAYOLLE (César) : vol. III FAZAKERLEY (Gordon) : vol. II FELTRINELLI (éditions) : vol. III; vol.IV; vol.V; vol. VII FELTRINELLI (Giangiacomo) : vol.IV; vol. V; vol. VI FENOGLIO (Beppe) : vol. V; vol. VI FERDINAND II LE CATHOLIQUE : vol. V Fernando : vol. VI Fernando (RIBEYRO DE MELLO) : vol. IV; voir aussi AFRODITE (éditions). FERREIRA (Manoela) : vol. V FEUERBACH (Ludwig) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV; vol. V; vol. VI FEUERBACH (pseudonyme de clandestin) : vol. III FIASCHI : vol. V FILLON (Jacques) : vol. « 0 »vol. VI FIRMIN-DIDOT (imprimerie) : vol. IV FISCHER (Erik) : vol. II FISCHER (Lothar) : vol. I; vol. II FLAMMARION (éditions) : vol. VI; vol. VII FLAUBERT (Gustave) : vol. II; vol. IV; vol. VI; vol. VII FLEISS (Marcel) : vol. VII FLORENCIE (Jacques) : vol. I; vol. VII FLYNN (Errol) : vol. V FONTANA (Lucio) : vol. I FONTENELLE (Bernard DE) : vol. « 0 » FONTENIS (Georges) : vol. III FORD (John) : vol. V FORSYTH (Lucy, dite Lu) : vol. VI; vol. VII FOUCAULT (Michel) : vol. V; vol. VII FOUGEYROLLAS (Pierre) : vol. I FOURIER (Charles) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV; vol. VI FRANCELET (Marc) : vol. VI; vol. VII Francine : vol. VII FRANCK (G.) : vol. I FRANCO (maréchal Francisco) : vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI François : vol. VI François (bouquiniste) : vol. VII François (patron du bar des Envierges) : vol. VII Françoise : vol. III; vol. IV Françoise Z., dite Zyl : vol. V François-Joseph : vol. VI FRANJU (Georges) : vol. I FRANKIN (André) : vol. « 0 »vol.I ; vol. II FRANKLIN (Jean) : voir GEORGE (François). FRÉDÉRIC II LE GRAND : vol. V; vol. VI; vol.VII Frédérique : vol. II FRÈRE (Claude) : vol. I FREUD (Sigmund) : vol. II; vol. V; vol.VII FREUSTIÉ (Jean) : vol. III FREY (Édith) : vol. II; vol. III FREY (Théo) : vol. « 0 »vol.II; vol. III FRITSCH (Kilian) : vol. III FROIDEVAUX : vol. VI FROLLO : vol. V FUGLER (René) : vol. « 0 »vol. I; vol. III FUKADA (Taku) : vol. VII FUSTEL DE COULANGES (Numa Denis) : vol. II FUZIER (Jean) : vol. VI GALANTE (Giuseppe) : vol. IV GALANTE GARRONE (Alessandro) : vol. VII GALBRAITH (John Kenneth) : vol. II GALLI (Giovanni) : vol. V GALLIMARD (Antoine) : vol. IV; vol. V; vol.VII GALLIMARD (Claude) : vol. IV GALLIMARD (éditions) : vol. « 0 »vol. III; vol.IV; vol.V; vol.VI vol. VII GALLIMARD (Gaston) : vol. IV GALLIZIO (Giorgio), dit Giors MELANOTTE : vol. « 0 » vol.I ; vol. V GALLIZIO (Giuseppe, dit PINOT) : vol. « 0 »vol.I ; vol. II; vol. V; vol. VII GALLIZIO (Mme) : voir RIVABELLA (Augusta). GALLO (Max) : vol. V GALOIS (Évariste) : vol. VI GARAUDISQUE (sobriquet de Roger GARAUDY) : vol. VI GARCÍA LORCA (Federico) : vol. VI; vol. VII GARCIA ROSSI : vol. III GARÇON (Me Maurice) : vol. VII GARDE (Paul) : vol. VII GARDNER (Ava) : vol. V GARELLI (Franco) : vol. I GARIBALDI (Giuseppe) : vol. V GARNAULT (Jean) : vol. « 0 »vol. II; vol.III ; vol. IV GASHÉ (Rodolphe ou Rudolf) : vol. « 0 »vol.II GATLIF (Tony) : vol. VI GAUGUIN (Paul) : vol. VI GAULLE (général Charles DE) : vol. « 0 » vol.; vol.II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI GAUMONT : vol. VI GAUTIER (Théophile) : vol. VI GAVARD-PERRET (J.-P.) : vol. VII GAXOTTE (Pierre) : vol. « 0 » GAYRAUD (Joël) : vol. V GAYRAUD (Régis) : vol. VI GEISMAR (Alain) : vol. IV GENÈVE (Max) : vol. VII GENGENBACH (Ernest DE) : vol. III Genia : voir KATZ RAJCHMANN (Genia). GENTHIAL (commissaire Jacques) : vol. VI GENTILE (Giovanni) : vol. IV GEORGAKIS (Antonis) : vol. V GEORGE (François) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol.V GEORGE (Jean-Pierre) : vol. « 0 »vol.III; vol. V; vol. VII GEORGE VI : vol. V Georges : vol. V Georges : vol. VII GÉRARD LEBOVICI (éditions) : vol. « 0 »; vol. VII GERBE : vol. II GERNET (Jacques) : vol. V GHEZZI (Enrico) : vol. « 0 »vol.VII GIBBON (Edward) : vol. III GILBERT (Lewis) : vol. V GILBERT (Nicolas) : vol. VII Gilbert R. : vol. III GINOSA (Edgardo, dit Eddy) : vol. IV GIORDANENGO : vol. « 0 » GIOVANNELLI (Gianni) : voir SANGUINETTI (Gianfranco). Giovanni : vol. V GIRARD (Alain) : vol. « 0 »vol. II GIRARD (André) : vol. II GIRAUDO (Jacky) : vol. VII GIRODIAS (Maurice) : vol. « 0 » GISCARD D’ESTAING (Valéry) : vol.V; vol. VI; vol. VII GIUDIERI (Remo) : vol. VII GLAUCOS (pour Guy DEBORD) : vol.V ; vol. VII GLISSANT (Édouard) : vol. I GLOB (P. V.) : vol. I; vol. II GLUCKSMANN (André) : vol. IV; vol. V GNEISENAU (August, comte NEIDHARDT VON) : vol. VI GODARD (Jean-Luc) : vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VII GOEBBELS (Joseph) : vol. V GOETHE (Johann Wolfgang VON) : vol. IV; vol. VII GOGOL (Nicolas Vassiliévitch) : vol. VI GOHORY (Jacques) : vol. IV GOLDFAYN (Georges) : vol. « 0 »vol. VII GOLDMANN (Lucien) : vol. I; vol. II; vol. III GOLDNER (Loren) : vol. IV; vol. V GOLDSCHMIDT : vol. I GOLEM (Aanda) : vol. II GOMBIN (Richard) : vol. IV GOMEZ (Jean-Pierre) : vol. VII GÓMEZ DE LA SERNA (Ramón) : vol. VI GONÇALVEZ (général Vasco) : vol. « 0 »vol. V GONDI (Jean-François Paul DE) : voir RETZ (cardinal DE). GONDI (pour Guy DEBORD) : vol. « 0 »vol.IV; vol.V; vol. VII GONSALVÈS : vol. VII GONZÁLEZ (Felipe) : vol. VI GONZÁLEZ GARCÍA (Guillermo) : vol. VI GORBATCHEV (Mikhaïl Sergueïevitch) : vol. VII GORKIN (Julián GOMEZ, dit) : vol. VI GOSSET (Bruno) : vol. VII GOUDEAU (Jean-Claude) : vol. « 0 » GOUVEIA (Leonor) : vol. IV; vol.V GOYA Y LUCIENTES (Francisco DE) : vol. VI GOYTISOLO (Juan), alias FERNANDEZ : vol. « 0 » GRACIÁN Y MORALES (Baltasar) : vol. IV; vol.V; vol.VI; vol. VII GRACQ (Louis POIRIER, dit Julien) : vol. VII GRANEL (Stéphanie) : vol. V GRANOTIER (B.) : vol. III GRANT (L.) : vol. VI GRAPPIN (Pierre) : vol. III GRASSET (éditions Bernard) : vol. IV GRAVELLE (Brenda) : vol. « 0 » vol. III GRAVEROL (Jane) : vol. « 0 » GRAY (Christopher) : vol. « 0 »vol. III ; vol. IV GRECO (Domenikos THEOTOKOPOULOS, dit le) : vol. VI GREEF (Alain DE) : vol. VII GRIFFITH (Samuel B.) : vol. VII GRODDECK (Georg) : vol. VI; vol. VII GROPIUS (Walter) : vol. I GROSSMANN (Henryk) : vol. VII GROVE PRESS (éditions) : vol. « 0 » GRUET (Bernadette) : vol. VII GRUET (Élisabeth) : vol.V; vol. VI; vol. VII GRUET (Pierre) : vol. V; vol. VI GRUNENWALD (Roby) : vol. III GRÜNEWALD (Mathis NEITHARDT ou GOTHARDT, dit Matthias) : vol. VII G.T.C. (laboratoire) : vol. V GUASCO (Lorenzo) : vol. I GUATTARI (Félix) : vol. III; vol. V GUÉGAN (Gérard) : vol. « 0 »vol. IV ; vol. V ; vol.VI; vol. VII GUEIT (Jean-Paul) : vol. VII GUÉRIN (Daniel) : vol. « 0 »vol. III; vol. VII GUERRIERI (Sophie) : vol. V GUFFROY (Jean) : vol. IV GUGGENHEIM (Pegeen) : vol. I GUGGENHEIM (Peggy) : vol. I GUGLIELMETTI (Charles), dit Charlal-du-Tonnal : vol. « 0 »vol. II GUICCIARDINI (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. V. GUICHARDIN (François), ou GUICCIARDINI (Francesco) : vol.IV; vol. V GUICHARDIN (pour Guy DEBORD) : vol. IV GUIDI (Luigi) : vol. IV GUIGONIS (Fernand) : vol. VI GUILLARDINI GONZÁLEZ (Luis) : vol. VI GUILLAUME (James) : vol. VI GUILLAUME (Marc) : vol. V GUILLAUME (Marie-Christine) : vol. III GUILLAUME (Pierre) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. V; vol. VII GUILLAUMIN (Marc-Gilbert) : voir MARC,O. GUILLERM (Alain) : vol. III GUILLET (Mireille) : vol. VII GUIN (Yannick) : vol. IV GUIOMAR (Jean-Yves) : vol. V GUIRAUD (Pierre) : vol. VII GUISAN (général) : vol. VII GUITRY (Sacha) : vol. I GUIZOT (François) : vol. VII GURDJIEFF : vol. « 0 » GUTENBERG (imprimerie) : vol. IV GUTHRIE (Woody) : vol. VI GUTT (Tom) : vol. II GUY LE PRAT (éditions) : vol. II GYSIN (Brion) : vol. VII HAAN (Tristan) : vol. IV HABACHE (Dr Georges) : vol. IV HACHETTE (éditions) : vol. IV; vol. V HACHLOUM (Vanessa) : voir DANNO (Jacqueline). HAESAERT (Gentil) : vol. « 0 » HAETCHER (Charly) : vol. I HAHNEMANN (Christian Friedrich Samuel) : vol. VI HAINS (Raymond) : vol. VII HALLIER (Jean-Edern) : vol. V; vol. VII HAMEL (Jean-Claude) : vol. II HAMICHE : vol. V HAMILTON (Lady) : vol. VI HAMON (Hervé) : vol. VI HANTAÏ (Simon) : vol. I HARBI (Mohammed) : vol. « 0 » vol. III; vol.IV HARDINGS (Martin) : vol. VII HARGREAVES (J.) : vol. IV HARLAN (Veit) : vol. V HARMEL (Claude) : vol. VI HARRISON (Jim) : vol. VI HARTSTEIN (Anton) : vol. III HATCHER (Charles) : vol. II HATHAWAY (Henry) : vol. V HATZFELD : vol. VI HAUSMANN (Raoul) : vol. II; vol. III; vol. VII HAVRENNE (Marcel) : vol. « 0 » HAWATMÉ (Nayef) : vol. IV HAWKS (Howard) : vol. VII HAZÉRA (Hélène) : vol. VI HEBEY (Me Pierre) : vol. V; vol. VI HEERS (Jacques) : vol. VI HEGEL (Georg Wilhelm Friedrich) : vol. I; vol. II; vol. III; vol.IV; vol. V; vol. VI; vol. VII HEGEL (G. W. F.), pseudonyme de clandestin : vol. III HEGEL (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. IV; vol.V HEGEL (pour Guy DEBORD) : vol. II HEIDEGGER (Martin) : vol. III HEIMBURGER : vol. I HEINE (Heinrich) : vol. V; vol. VI HEINE (Maurice) : vol. « 0 »vol. VII Hélène : vol. III HÉLOÏSE : vol. VI HEMINGWAY (Ernest) : vol. V; vol. VI HÉNAULT (Gilles) : vol. I HENNEBERT (Jean-Michel) : vol. « 0 »vol. II HENRY (colonel) : vol. VI HENRY (Jules) : vol. V HENRY (Maurice) : vol. I; vol. VII HENRY (Michel) : vol. VII HÉRACLITE : vol. « 0 »vol. III; vol. IV; vol.VI; vol. VII HERNÁNDEZ TAPIA (J.) : vol. VI HÉRODOTE : vol. VII HERRALDO (Jorge) : vol. VII HERSENT (Louis) : vol. « 0 » HERVEY-SAINT-DENIS (marquis D’) : vol. VI HESS (Moses) : vol. IV Hija : vol. VI; vol. VII HIPPOCRATE : vol. VII HIRTZLER (Michel) : vol. III HITLER (Adolf) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII HIVER (Clémence) : vol. VII HOBBES (Thomas) : vol. IV; vol. V HOFFMAN (Allan) : vol. « 0 »vol. III HÖFL (Heinz) : vol. I HOLL (Herbert) : vol. « 0 »vol. III ; vol. VII HOMÈRE : vol. VII HONORÉ CHAMPION (éditions) : vol. VI HORACE : vol. V HORAY (éditions) : vol. VII HORELICK (Jonathan, dit Jon) : vol. IV HOSKINSON (Bruce) : vol. IV Houria (K.) : vol. VI HOWARTH WOODROYD (A.) : vol. II HOWITT (A. W.) : vol. VII HUELSENBECK (Richard) : vol. VI HUGO (Victor) : vol. VII HUISMAN (Denis) : vol. III; vol. VI HUIZINGA (Johan) : vol. I HUMMELINK (Marcel) : vol. « 0 » HUMPHREY (Hubert) : vol. IV HUNE (librairie LA) : vol. « 0 » HUNINK (Maria) : vol. IV; vol.V; vol. VI HUSSEIN, roi de Jordanie : vol. I; vol. IV IBAÑEZ (Paco) : vol. VI IBN KHALDOUN ou IBN KHALDÛN : vol. V; vol. VI IMRIE (Malcolm) : vol. VII Incontrolado ou Incontrôlé (l’) : vol. VI IÑIGO : vol. III INNOCENTI : vol. IV IOMMI-AMUNATEGUI (Jean-Paul) : vol. VI IONESCO (Eugène) : vol. I IPHICRATE (général) : vol. V Iphicrate-Boujoum : vol.V Iris (CLERT) : vol. I ISAACS (Harold) : vol. IV Isabelle: vol. VII Isabelle C. : vol. IV; vol. V ISNARD (Maximin) : vol. VII ISOU (Isidore GOLDSTEIN, dit) : vol. « 0 »vol. I; vol. II; vol. V; vol. VI IVAIN (Gilles) : voir CHTCHEGLOV (Ivan Vladimirovitch). IVREA (éditions) : vol. VII IVSIC (Radovan) : vol.VII JACA (éditions) : vol. IV Jack l’Éventreur : vol. II JACOB (Max) : vol. VII JACOB (Michel) : vol. VI JAFFÉ (Hans) : vol. I JAGUER (Édouard) : vol. I JAMES (Henry) : vol. V JAMET (Dominique) : vol. III JAMET (Suzanne) : vol. VII Jane : vol. I JANKÉLÉVITCH (Vladimir) : vol. II JANOVER (Louis) : vol. III; vol. VII JANVIER (saint) : vol. IV JAOUEN (commissaire) : vol. VI JAPPE (Anselm) : vol. III; vol. VII JARRY (Alfred) : vol. « 0 »vol. IV; vol.V; vol. VI JARUZELSKI (Wojciech) : vol. VII JASINSKI : vol. « 0 » JASSIES (Niko) : vol. VI JAUCOURT (Louis, chevalier DE) : vol. VI JAUFFRET (Régis) : vol. VII Javier : vol. V JDANOV (Andreï Aleksandrovitch) : vol. « 0 »vol. III Jean-Charles : vol. II JEAN DE LA CROIX (saint) : vol. VI; vol. VII Jean-Michel : vol. VI JEAN-PAULr : vol. V JEAN-PAUL II : vol. VI JEANSON (Francis) : vol. I Jenny : vol. IV Jenny (pour Alice DEBORD) : vol. IV JEREZ (Mara) : vol. VI JÉSUS-CHRIST : vol. V JI (Quing-Ming) : vol. V Jo : vol. IV JOANNÈS (Gérard) : vol. III; vol. VII JOFFRE (maréchal Joseph) : vol. V JOHANNESSON (Sture) : vol. IV JOHANSON (Ingemar) : vol. IV JOLI (Guy) : vol. VII JOLIVET (Dominique, Merri) : vol. VII JOLLIVET (J.-L.) : vol. « 0 »vol. II JOLY (Maurice) : vol. VII JOMAIN : vol. VI JOMINI (Henri, baron DE) : vol. V; vol.VI; vol. VII Jorge : voir HERRALDO (Jorge). JORN (Oluf JØRGENSEN, dit Asger) : vol. « 0 »vol. I vol. ; vol. III; vol.IV; vol. V; vol. VI; vol. VII JORN (Ib) : vol. IV JORN (Nanna) : vol. IV; vol. V JOSÉ CORTI (éditions) : vol. VII JOSPIN (Lionel) : vol. VII JOSSELSON (Diana, Michael) : vol. VI JOSSOT (Gustave Henri): vol. VII JOUBERT (Daniel) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. IV JOUFFROY (Alain) : vol. I JOUHAUD (général Edmond) : vol. IV JOVANOVIC : vol. VI JOYCE (James) : vol. I; vol. II JOYEUX (Maurice), dit Père Peinard : vol. « 0 »vol.III; vol. IV JUAN CARLOSr : vol. V JUIN (maréchal Alphonse) : vol. « 0 » Julie : vol. VI Juliette-Justine : vol. IV JULLIARD (éditions) : vol. « 0 » July-la-Rousse : vol. VI JUNIUS : vol. V; vol.VI; vol. VII KÁDÁR (János) : vol. IV KAFKA (Franz) : vol. VII KAMEL : vol. III KAMEN(I)EV (Lev Borissovitch ROSENFELD, dit) : vol. « 0 » KAMINSKI (Hans Erich) : vol. VI KAMOUH : vol. II KANDINSKY (Vassili) : vol. I KANIA (Stanislas) : vol. VI KANSTRUP : vol. III KANT (Emmanuel) : vol. III; vol. VII KANT (pour Houari BOUMEDIENE) : vol. III KARSTEN (Charles) : vol. I KASAVUBU (Joseph) : vol. I KASHAMURA (Anicet) : vol. III KASTELITZ (Nora) : vol. IV Katia : voir LINDELL (Katja). KATZ RAJCHMANN (Genia) : vol. I KAUTSKY (Karl) : vol. IV; vol. V; vol. VI KAVÉRINE (Véniamine) : vol. VI KELLER (George) : voir JORN (Asger). KENNEDY (John Fitzgerald) : vol. I; vol. II; vol. V KERENSKY (Alexandre Fedorovitch) : vol. V KESSLER : vol. V; vol. VI KHATIB (Abdelhafid, dit Hafid) : vol. I KHAYATI (Mustapha) : vol. « 0 »vol. II; vol. III vol. IV ; vol. V; vol. VI KHÁYYÁM (Omar) : vol. V; vol. VI KHOMEYNI (Ruhollah) : vol. VII KHROUCHTCHEV (Nikita) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. IV KIEJMAN (Me Georges) : vol. IV; vol.V; vol. VI; vol. VII KIERKEGAARD (Søren) : vol. IV; vol. VII KINOSHITA (Makoto) : vol. VII KISSINGER (Henry) : vol. V KLEIN : vol. I KLEIN (Yves) : vol. « 0 »vol. I; vol. II; vol. VII KLINCKSIECK (éditions) : vol. VI KLITGÅRD (Ole) : vol. IV KLOOSTERMAN (Jaap) : vol. IV; vol.V; vol.VI KNABB (Ken) : vol. « 0 », KNOX (Mickey) : vol. « 0 » KOENIG (Théodore) : vol. « 0 » KOESTLER (Arthur) : vol. I; vol. V KORBER (Serge) : vol.I KORNILOV (général) : vol. V KORSCH (Karl) : vol. II; vol. III; vol.IV; vol. V KORUN (Walter, dit Piet) : vol.I KORUN (Wilma) : vol. I KOTÁNYI (Attila) : vol. « 0 »vol.I; vol. II ; vol. III; vol. IV; vol. VII KOTÁNYI (Magda) : vol. I; vol. II KOTIK (Jan) : vol. « 0 » KRAATS (René VAN DE) : vol. V KRAUS (Karl) : vol. « 0 »vol. VI KRIEF (Anne) : vol. « 0 » vol. V; vol. VI KRIVINE (Alain) : vol. IV; vol. V; vol.VI KRIVITSKY (général Walter G.) : vol. VI KRÖLLER-MÜLLER (musée) : vol. I KUBLER (George) : vol. V; vol. VI KUNZELMANN (Dieter) : vol. « 0 »vol. II KURODA : vol. II; vol. III KUROKAWA (Tsushi) : vol. II KURON (Jacek) : vol. III; vol. VI KWINTER : vol. VII LABASTE (Charles) : vol. V; vol. VI LABASTE (Michèle) : vol. IV; vol. V; vol. VI LABASTE (Patrick) : vol. IV; vol. V; vol. VI LABASTE (Paule) : vol. VI LA BOÉTIE (Étienne DE) : vol. VI LABORDE : voir LYOTARD (Jean-François). LABRO (Philippe) : vol. « 0 » LABROSSE (Claude) : vol. VI; vol. VII LABRUGÈRE (Jean-François) : vol. VI LA BRUYÈRE (Jean DE) : vol. VI LACAN (Jacques) : vol. III; vol. V LACENAIRE (Pierre-François) : vol. III; vol. VII LACLOS (Pierre Choderlos DE) : vol. VI LACLOS (Michel) : vol. « 0 » LACOMBLEZ (Jacques) : vol. I LACROIX-HERPIN (Dr Marcel DE) : vol. VII LACROIX-HERPIN (Philippe DE) : vol. VII LAFFLY (Georges) : vol. VII LA FONTAINE (Jean DE) : vol. VI LAGANT (Christian) : vol. III; vol. IV LAGUILLER (Arlette) : vol. V LAKHDAR (Lafif) : vol. IV LALOUM (Claude) : vol. II LAMARGELLE : voir VOYER (Jean-Pierre). LAMARTINE (Alphonse DE) : vol. VI LAMBERT (Bernard) : vol. III LAMBERT (Dominique) : vol. III LAMBERT (G.) : vol. IV LAMBERT (Pierre BOUSSEL, dit) : vol. IV LAMORICE (Albert) : vol. II LANCELOT (Michel) : vol. VI LANDAUER (Gustav) : vol. V; vol. VI; vol. VII LANDMANN (Salcia) : vol. VII LANGE (François-Joseph) : vol. V LANGLAIS (Gaëtan), dit Double-Wagon : vol. « 0 »vol.I; vol. II LANGLOIS (Denis) : vol. IV LANSARD : vol. II LAPASSADE (Georges) : vol. « 0 »vol. III LA PIETRA (éditions) : vol. « 0 »vol.V; vol. VI LAPOINTE (Paul-Marie) : vol. I Lara : vol. VII LARGEMAIN (Bernard) : vol. VI LA ROCHEFOUCAULD (François, duc DE) : vol. VI LARSEN (L. K.) : vol. II LATTÈS (éditions Jean-Claude) : vol. V; vol. VI LAUGESEN (Peter) : vol. II Laurent : vol. II LAURENT (Jacques), alias Cécil SAINT-LAURENT : vol. « 0 » LAURENT-LABATTUE (Cécile) : vol. « 0 » LAUSEN (Uwe) : vol. « 0 » vol.II ; vol. III; vol. IV LAUTNER (Georges) : vol. VI LAUTRÉAMONT (Isidore DUCASSE, dit le comte DE) : vol. I; vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII LAVAL (Antoine DE) : vol. V LAVAUD : vol. III LAVAUD (Benoît) : vol. VII LAVERNE : vol. « 0 » LAWRENCE (Thomas Edward) : vol. IV; vol. V; vol. VI LAZARD (banque) : vol. V; vol. VI LEBEAU-RIESEL (Joëlle) : vol. IV LEBEL (Jean-Jacques) : vol. I; vol. III LEBOVICI (Floriana) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI vol. VII LEBOVICI (Gérard) : vol. « 0 »vol.IV ; vol. V vol. VI ; vol. VII LEBOVICI (héritiers) : vol. VII LEBOVICI (Nicolas) : vol. « 0 »vol. VI ; vol. VII LE BRET (Serge) : vol. « 0 » LE BRUN (Annie) : vol. VII LE CARRÉ (John) : vol. VI LECCIA (Guy) : vol. V LECLERC (Gilles) : vol. I LECLERC (Philippe DE HAUTECLOCQUE, maréchal) : vol. V LECONTE DE LISLE (Charles Marie LECONTE, dit) : vol. VI LE CORBUSIER (Charles Édouard JEANNERET, dit) : vol. « 0 » LÉCUYER (François) : vol. IV LE DOEUFF (Michèle) : vol. VI LEFEBRE (John) : vol. II LEFEBVRE (Henri) : vol. « 0 »vol.I; vol. II; vol. III; vol. IV LEFEUVRE (René) : vol. « 0 » LE FOL (Nicole) : vol. III LEFORT : vol. IV LEFORT (Claude) : vol. I; vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI LEFRANÇAIS (Gustave) : vol. IV LEFRANÇOIS (Louis) : vol. « 0 » LEFRÈRE (Jean-Jacques) : vol. VII LÉGER (Léon) : vol. V LE GLOU (Jacques) : vol. « 0 » vol. III; vol. IV; vol. V ; vol.VI; vol. VII LEGRAND (Jacques) : vol. « 0 » LEGROS (Albert-Jules) : vol. VII LEGROS (cabinet) : vol. VII LEGUA (Joëlle) : vol. VI LE GUÉRINEL : vol. VII LEHNING (Arthur) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII LELIÈVRE (Henri) : vol. VI LELY (Gilbert) : vol. VII LEMAÎTRE (Maurice BISMUTH, dit) : vol. « 0 »vol. II LE MANACH (Yves) : vol. IV; vol.V; vol. VI; vol. VII LÉNINE (Vladimir Ilitch OULIANOV, dit) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol.IV; vol. V; vol. VI LENTRETIEN (Christian) : vol. V Léo : vol. VII LÉONARDI (Lino) : vol. VII LEONE (Sergio) : vol. IV Leonor : voir GOUVEIA (Leonor). LEOPARDI (Giacomo) : vol. VII LE PARC (Julio) : vol. III LE PEN (Jean-Marie) : vol. V LEPETIT (Pierre) : vol. « 0 »vol. III; vol. IV; vol.VII LE RESTE (Loïc) : vol. III LE SAUX (Alain) : vol. IV; vol. V LÉVÊQUE (Jean-Jacques) : vol. II LEVIE (S. H.) : vol. II LEVIN (Thomas, dit Tom) : vol. VI; vol. VII LÉVIS MANO (Guy), ou GLM : vol. VI LÉVI-STRAUSS (Claude) : vol. II; vol. VII LÉVY (Bernard-Henri) : vol. V; vol. VI LÉVY (Me Thierry) : vol. « 0 »vol. V; vol.VI ; vol. VII LEWIN (Albert) : vol. V LEWINO (Walter) : vol. « 0 »vol. III LEWINTER (Roger) : vol. VI; vol. VII LEYS (Pierre RYCKMANS, alias Simon) : vol. IV; vol.V; vol. VI. LIDDELL HART (B. H.) : vol. VII LIEBKNECHT (Karl) : vol. I LIEU COMMUN (éditions) : vol. VII Liliane : vol. II LINDELL (Katja) : vol. II LINDHART : vol. II LIP (horlogerie) : vol. V LI PO : vol. VI LIPPMAN (André) : vol. III LISSAGARAY (Prosper Olivier) : vol. II LISTER (général Enrique) : vol. V LITTRÉ (Émile) : vol. VII LOCKQUELL (Clément) : vol. II LOEB (galerie) : vol. I LOGETTE (Lucien) : vol. VII LOISEAU (Jean-Marc) : vol. IV ; vol. V LONDON (Arthur) : vol. I LONDRES (Albert) : vol. VII LOOS (Adolf) : vol. VI LÓPEZ (Carmen) : vol. VII LOPEZ-PINTOR (Antónia, dite Toñi) : vol. V; vol.VI; vol. VII LORENZO (M. César) : vol. IV LORRAIN (Paul DUVAL, dit Jean) : vol. VI LOSFELD (éditions Éric) : vol. « 0 » LOTROUS (Pierre) : vol. IV LOUIS II DE BAVIÈRE : vol. I; vol. VI LOUIS XIV : vol. VII LOUIS XVI : vol. « 0 » LOUIS XVIII : vol. V LOURAU (René) : vol. II; vol. III LOWRY (Malcolm) : vol. I; vol. II; vol. VI LÜBECKER : vol. II LÜCHTERHAND (éditions) : vol. IV LUCOT (Hubert) : vol. VI LUKÁCS (György) : vol. I; vol. III; vol. IV; vol. V LUMUMBA (Patrice) : vol. I; vol. II; vol. III LUNG (Françoise) : vol. « 0 »vol. II LUNGELA (Ndjangani) : vol. III LUO (Mengce) : vol. V LUSINCHI : vol. II LUTAUD (Olivier) : vol. V; vol. VII LUXEMBURG (Rosa) : vol. « 0 »vol. I; vol. III Lycanthropus : voir COSTABILE (Nello). Lyn : vol. II LYOTARD (Jean-François) : vol. « 0 »vol. II; vol. V; vol. VI; vol. VII MAC HALE (John) : vol. « 0 » MACHIAVEL (Nicolas), ou MACHIAVELLI (Niccolò) : vol. IV ; vol. V ; vol. VI ; vol. VII MACK (Andrew) : vol. IV MADELINE (Laurence) : vol. « 0 ». MADILLAC (Jean-Pol) : vol. IV MADSEN : vol. II MAGNY (Colette) : vol. VI MAGRITTE (René) : vol. «0»; vol. I MAHAN (Alfred Thayer) : vol. VI MAHLOW (Dietrich) : vol. II; vol. III MAÏAKOVSKI (Vladimir Vladimirovitch) : vol. II MAIRE (Edmond) : vol. VI MAITRON (Jean) : vol. III MAKHNO (Nestor) : vol. V MALEVITCH (Kasimir) : vol. I; vol. V; vol. VI MALHERBE (François DE) : vol. VI MALINA (Frank J.) : vol. III MALLARMÉ (Stéphane) : vol. VI MALLET : vol. III MALLET (Serge) : vol. III MALRAUX (André) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. V; vol. VI MANCERON (Claude) : vol. V MANCHETTE (Jean-Patrick) : vol. V; vol. VI; vol. VII MANESSIER (Alfred) : vol. « 0 ». Manolo : vol. I MAN RAY (Emmanuel RUDNITSKY, dit) : vol. VII MANRIQUE (Jorge) : vol. VI; vol. VII Manuela : vol. V MANZ’IE : vol. V MANZONI (Piero) : vol. « 0 ». MAO TSÉ-TOUNG : vol. I; vol. V; vol. VI; vol. VII Mara B. : vol. V MARBAIX (Ghislain-Gontran DE SAINT-GUISLAIN DES NOYERS DE) : vol. « 0 », ; vol. I; vol. II; vol. VII Marcel : vol. III MARCELLIN (Raymond) : vol. IV; vol. V MARCHADIER (Christian Alphé, dit Arthur) : vol. V; vol. VI ; vol. VII MARCHAIS (Georges) : vol. V MARCHAIS (Jacques) : vol. V MARC,O. (Marc-Gilbert GUILLAUMIN, dit) : vol. « 0 » ; vol. VII MARCUS (Greil) : vol. MARCUSE (Herbert) : vol. II; vol. III; vol. IV MARÉCHAL (Sylvain) : vol. VI MARENCHES (Alexandre DE) : vol. VI MARGARINO (Méndez) : vol. VII MARIANA (père Jean DE) : vol. V; vol. VI MARIE-ANTOINETTE : vol. VI Marie-Christine : vol. V Marie-Hélène : vol. I MARIËN (Marcel) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II Marie-No : vol. IV MARIE-THÉRÈSE D’AUTRICHE : vol. VI Mariló : vol. VI MARIN (Daniela) : vol. III Marina S. : vol. V MARINO (Savina) : vol. I MARINOTTI (Paolo) : vol. I; vol. II; vol. III MARIVAUX (Pierre CARLET DE CHAMBLAIN DE) : vol. VI MARKOVIC (Dario) : vol. VII MARMONT (Auguste VIESSE DE), duc DE RAGUSE : vol. VII MAROT (Clément) : vol. VI MARTENS : vol. V MARTIN (François) : vol. V MARTIN (Inger) : vol. II; vol. III MARTIN (Jeppesen Victor) : vol. « 0 » ; vol. II ; vol. II; vol. IV ; vol. VII MARTIN (Morton) : vol. III MARTÍN DÍEZ (José Luis) : vol. VI MARTINET : vol. VII MARTINET (Gilles) : vol. « 0 ». MARTÍNEZ : vol. VI MARTÍNEZ GÓMEZ (José Juan), dit El Rubio : vol. VI MARTOS (Jean-François, dit Jeff) : vol. « 0 » ; vol. VI ; vol. VII MARTY-LAVAUZELLE (Me) : vol. IV Marx ou Marx-la-Mouche : vol. IV MARX (Groucho) : vol. IV; vol. VII MARX (Karl) : vol. « 0 »; vol. I; vol. II; vol. III; vol. IV ; vol. V; vol. VI ; vol. VII MARX (Karl), pour Guy DEBORD : vol. IV; vol. V MARX BROTHERS : vol. VI Maryse : vol. II MASANZANICA (Mario) : vol. IV; vol. V; vol. VI. MASCOLO (Dionys) : vol. I; vol. II; vol. IV MASINI (Pier Carlo) : vol. IV MASPERO (François) : vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VII MASPÉROT (Dominique DE) : vol. II MASSILI (Cristina) : vol. IV MASSU (général Jacques) : vol. I MASTERS (Edgar Lee) : vol. VI MATEU (éditions) : vol. IV Mathias : vol. « 0 ». MATHIEU (Georges) : vol. I; vol. II MATTEI (Teresa) : vol. IV; vol. V MATTICK (Paul) : vol. V; vol. VI; vol. VII MATTIOLI (Raffaele) : vol. IV; vol. V MAULNIER (Thierry) : vol. « 0 ». MAUPASSANT (Guy DE) : vol. VII MAURIAC (François) : vol. « 0 » ; vol. II MAURIÈS (Patrick) : vol. VII May : vol. VI Maya: vol. VI MAZARIN (cardinal Jules) : vol. V MAZARIN (pour Georges POMPIDOU) : vol. V MAZERON (Michel), dit l’Occitan : vol. III; vol. VII MEDICI : vol. I MÉDICIS (Jean DE), dit des Bandes Noires : vol. V MÉDICIS (Julien DE) : vol. IV; vol. V MÉDICIS (Laurent DE) : vol. IV; vol. V MÉDICIS (Lorenzino DE) : vol. VII MÉDILI : vol. III MELANOTTE (Giors) : voir GALLIZIO (Giorgio). MELLO (éditions DE) : voir RIBEIRO DE MELLO (Fernando). MELVILLE (Herman) : vol. VI MENSION (Jean-Michel) : vol. « 0 », ; vol. I MERA (Cipriano) : vol. VI MERCADER (Ramon) : vol. VI Mercedes, dite Mercé : vol. MERCIER (Luc) : vol. « 0 » ; vol. VI MERLINO : vol. VI MÉROUR (Hervé) : vol. III MERTZ (Albert) : vol. II MERZAGORA (Cesare) : vol. V MESRINE (Jacques) : vol. VI; vol. VII MESRINE (Sabrina) : vol. VI METZGER (Gustav) : vol. III MICHAUX (Henri) : vol. II; vol. VI MICHEL-ANGE (Michelangelo BUONARROTI, dit) : vol. VI MICHIARA (Maria-Cristina) : vol. I MICHON (Pierre) : vol. VI Midhou : voir DAHOU (Mohamed). MIGEOT (André) : vol. V; vol. VI MIGNOLI (Me Ariberto), dit le Doge : vol. IV; vol. V ; vol. VI Miguel : vol. VI. Voir aussi AMOROS (Miguel). MILLER (Henry) : vol. II; vol. IV; vol. VI MILLET (Gilles) : vol. VI 1900/2000 (galerie) : vol. VII Mimi : vol. V Mimma F. : vol.; vol. V MINERVE (l’oiseau de) : vol. I MINOIS (Marie) : vol. V MINOTAURE (librairie LE) : vol. « 0 ». MINUIT (éditions de) : vol. VI MIRON (Gaston) : vol. I MISSERI (Francesco) : vol. VI MITTELSTADT (Hanna) : vol. V MITTERRAND (François) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII MITTERRAND (Frédéric) : vol. V Mitzi : vol. III MOCHOT-BRÉHAT (Michèle) : vol. II; vol. VI MODIGLIANI (Amedeo) : vol. I MODZELEWSKI (Karol) : vol. III MOINET (Jean-Louis) : vol. V; vol. VI; vol. MOLES (Abraham) : vol. « 0 » ; vol. II; vol. III MOLIÈRE : vol. VII MOLIÈRE (Jean-Baptiste POQUELIN, dit) : vol. IV MOLINA : vol. II MOLLET (Guy) : vol. « 0 » ; vol. I MONDRIAN (Piet) : vol. I Monica : vol. VI MONIER (Albert) : vol. III Monique : vol. VI Monique G. : vol. III; vol. V MONSU DESIDERIO : vol. VII MONTAIGNE (Michel EYQUEM DE) : vol. VI MONTALDO (Jean) : vol. VI MONTBRIAL (Marie-Christine DE) : vol. VI MONTECUCULI : vol. VII MONTEIL (Vincent) : vol. VI MONTEIRO (Afonso) : vol. IV; vol. V ; vol. VI; vol. VII MONTEIRO (Rita) : vol. IV; vol. V MONTEIRO-ARÁNJO (Antónia) : vol. IV; vol. V MONTESQUIEU (Charles-Louis DE SECONDAT, baron DE LA BRÈDE ET DE) : vol. V; vol. VI; vol. VII MONTI (Georges) : vol. VII MONTRACHET : voir MARCHADIER (Arthur). MOON (Yun Myung) : vol. VI MORAVIA (Alberto) : vol. IV MOREL : vol. « 0 ». MORELLET (François) : vol. III MORELLI (Monique) : vol. VII MORETTI : vol. IV MORI (Shigeru) : vol. II; vol. III MORIN (Edgar) : vol. « 0 »; vol. I; vol. II; vol. III; vol. V MORO (Aldo) : vol. V; vol. VI; vol. VII MORRA : vol. V MOSCONI (Charlotte) : vol. VI MOSCONI (Patrick) : vol. VI; vol. VII MOTHÉ (Daniel) : vol. III MOULOUDJI (Marcel) : vol. VII MOURRE (Michel) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. VII MOUSTAKI (Georges) : vol. VII MRUGALSKI (André) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VII MULELE (Pierre) : vol. III MULLIGAN (Buck) : vol. VI MURAMATSU : vol. III MURSIA (Ugo) : vol. V MUSIDISC : vol. V MUSIL (Robert) : vol. I; vol. III; vol. VI MUSSET (Alfred DE) : vol. VII MUSSOLINI (Benito) : vol. VI MUZIO (Gabriele) : vol. IV NAAS : vol. IV NADDAFF : vol. VII NADEAU (Maurice) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. VII Nadja : voir Celeste. NAKOV (Andreï) : vol. VI NAPIER (William Francis Patrick) : vol. VI; vol. VII NAPOLÉON Ier : vol. V; vol. VI; vol. VII NAPOLÉON III : vol. VII NAROT (J.-F.) : vol. VII NASH (Jørgen) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V Nasri : vol. III NASSER (Gamal Abdel) : vol. « 0 » ; vol. IV NATAF (Georges) : vol. « 0 » ; vol. NAUDÉ (Gabriel) : vol. IV NAUTILUS (éditions) : vol. V; vol. VI; vol. VII NAVARRE (Henri) : vol. V NAVILLE (Denise) : vol. VI; vol. VII NAVILLE (Pierre) : vol. VI NÉAUPORT (Jacques) : vol. V; vol. VII NEDJAR : vol. V NEF DE PARIS (librairie LA) : vol. « 0 » ; vol. III NEGRI (Toni) : vol. VI NEGRÍN (Juan) : vol. V NELE : vol. II NEMOTO : vol. IV NERVAL (Gérard DE) : vol. VII NERSLAU : vol. III NETTLAU (Max) : vol. VI NEUBERG : vol. IV NEUMANN (Robert) : vol. II NEVES (colonel Jaime) : vol. V NEVILLE (Richard) : vol. IV Niccolò (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol. IV; vol. V; vol. VI. NICHOLSON-SMITH (Donald) : vol. « 0 » ; vol. III ; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII NICOLAÏ (François), dit François-le-Corse : vol. VII NICOLAS (Jacqueline) : vol. II Nicole L. : vol. V NICOUD (Gérard) : vol. IV NIELS (Albert) : vol. I NIESSEL (Albert) : vol. V NIETZSCHE (Friedrich) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. V; vol. VI NIEUWENHUYS (Constant), dit CONSTANT : vol. « 0 »; vol. I ; vol. II; vol. III; vol. V NIEUWENHUYS (Martha) : vol. I NIEUWENHUYS (Nelly) : vol. I NIEUWENHUYS (Olga) : vol. I NIEUWENHUYS (Victor) : vol. I NIGGL (Selima) : vol. « 0 ». NIN (Andrès) : vol. V NIXON (Richard) : vol. IV; vol. V NIZAN (Paul) : vol. III NIZZA (Enzo) : vol. V; vol. VI NOBLE (Anne-Solange) : vol. VII NOGALES TORO (M.) : vol. VI NOGRETTE (Robert) : vol. IV NOIRET : vol. I Nora : vol. II NORA (Pierre) : vol. VII NOUGÉ (Paul) : vol. « 0 » NOURI SAÏD : vol. I NUSSAC (Philippe DE) : vol. III NYHOLM (Erik) : vol. I; vol. II OCKRENT (Christine) : vol. VI OGERET (Marc) : vol. VII OHRT (Roberto) : vol. VII OJEDA (Carlos) : vol. VI OLIVA (Carlo) : vol. III OLMO (Walter) : vol. « 0 »; vol. I; vol. VI ORANGE (Guillaume, prince D’) : vol. VII ORLÉANS (Charles D’) : vol. VI; vol. VII ORSINI (Filippo) : vol. IV ORTIZ (Joseph) : vol. I ORWELL (Eric BLAIR, alias George) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII OSBORNE (John) : vol. I Oscar : voir JORN (Asger). OSWALD (Lee Harvey) : vol. V OUDEJANS (Har) : vol. « 0 » ; vol. I OUFKIR (Muhammad) : vol. III; vol. V OULDAMER (Mezioud) : vol. VI OUVRIÈRES (éditions) : vol. « 0 ». OVADIA (Jacques) : vol. I PACHECO (Juan), pour Guy DEBORD : vol. VII PAEPE (César DE) : vol. VI PAGNON (Francis) : vol. VI; vol. VII PALATINE (librairie) : vol. VII PALAYER (Claude) : vol. IV PALLAIS (Rafael) : vol. VII PALLIS (Christopher) : vol. III PALME (Olof) : vol. VI PANNEKŒK (Anton) : vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V Pannonicus : voir SANGUINETTI (Gianfranco). PANSAERS (Clément) : vol. VI Paola : vol. V PAOLI : vol. V PAOLINO (Walter) : vol. « 0 » ; vol. I PAPAÏOANNOU (Kostas) : vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI PAPON (Maurice) : vol. III PARALLÈLES (librairie) : vol. VII PARANT (J.-L.) : vol. VI PARFONDRY (Marcel) : vol. « 0 ». PASCAL (Blaise) : vol. « 0 » ; vol. VI; vol. PASCIN (Julius PINKAS, dit Jules) : vol. « 0 ». PASEYRO (Ricardo) : vol. VII Pasota : vol. VI PASSERINI (Luisella ou Luisa) : vol. III; vol. IV; vol. VII PATHÉ : vol. V PAUL (saint) : vol. VII PAUVERT (Christiane) : vol. VII PAUVERT (Jean-Jacques) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VI; vol. VII PAUVERT (Mathias) : vol. VII PAUWELS (Louis) : vol. « 0 » ; vol. II PAVAN (Claudio) : vol. IV ; vol. V PAVLOVNA (Caroline) : vol. VI PAVY (Agnès) : vol. VII PAYOT (éditions) : vol. V PAZ (Abel) : voir CAMACHO (Diego). PAZZI (Francesco) : vol. V PECCHIALI (Ugo) : vol. VI PECCI (Roberto) : vol. VI PECKINPAH (Sam) : vol. IV PEDRAZZINI (Jean-Pierre) : vol. « 0 ». PEIRATS (José) : vol. III PELICIER (G.) : vol. VII PELLETIER (Me Jean-Louis) : vol. VI PELOSSE (Valentin) : vol. VI Pénélope : voir MONTEIRO-ARÁNJO (Antónia). PENROSE (Roland) : vol. « 0 » ; vol. II PENSÉE SAUVAGE (éditions LA) : vol. VI PEPYS (Samuel) : vol. V PERAZA (Guillén) : vol. VI Père Peinard : voir JOYEUX (Maurice). PÉRET (Benjamin) : vol. « 0 » ; vol. VI PERHN (librairie) : vol. I PERLMAN (Freddy) : vol. I; vol. VII PERMILD (Verner O.) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. III PERMILD & ROSENGREEN (imprimerie) : vol. I; vol. II PERNIOLA (Mario) : vol. III; vol. IV ; vol. VI PERRAULT (Gilles) : vol. VII. PERREAULT (Al.) : vol. V PERRET (Jacques) : vol. VII PERROT (Me Jacques) : vol. VI PERSICHETTI (Paolo) : vol. VI PESSOA (Fernando) : vol. VI PETERSEN (Ad.) : vol. II; vol. III PÉTRARQUE (Francesco PETRARCA, dit) : vol. V PÉTRIS (Michel) : vol. VI; vol. VII PFLIMLIN (Pierre) : vol. I PFÜTZE (Hermann) : vol. IV PHILIPPE (Jean-Louis) : vol. « 0 » ; vol. III PIANZOLA (Maurice) : vol. III PICASSO (Pablo) : vol. « 0 ». PICCININI (Alberto) : vol. VII PIE XII : vol I PIERINI (Franco) : vol. IV PIERRE (José) : vol. I; vol. VII PIERRET (Marc) : vol. III PILATI (Antonio) : vol. IV PILNIAK (Boris) : vol. V; vol. VI PILON (Jean-Guy) : vol II PIMPANEAU (Jacques) : vol. II PINELLI (Giuseppe, dit Pino) : vol. IV; vol. V PINOCHET UGARTE (Augusto) : vol. VII PINOT GALLIZIO : voir GALLIZIO (Giuseppe). PIPERNO (Franco) : vol. VI PISANO (Giorgio) : vol. VI PISTOI (Luciano) : vol. I PITT (William) : vol. V PIVOT (Bernard) : vol. VI PIZZI (Amilcare) : vol. I PLANSON (Claude) : vol. « 0 ». PLANT (Sadie) : vol. VII PLATON : vol. IV; vol. VII PLATSCHEK (Hans) : vol. I POE (Edgar) : vol. V; vol. VI POGGIO : vol. IV POIROT-DELPECH (Bertrand) : vol. V POLAC (Michel) : vol. VII POLI (Franco) : vol. VII POMERAND (Gabriel) : vol. « 0 ». POMPIDOU (Georges) : vol. IV; vol. V PONCHON (Raoul) : vol. VI PONGE (Francis) : vol. « 0 ». PONT TRAVERSÉ (librairie LE) : vol. « 0 ». POPE (Alexander) : vol. VI PORTUGAIS (Louis) : vol. I; vol. II Poucette : vol. « 0 ». POUCHIN (Dominique) : vol. V POUCHKINE (Alexandre Sergueïevitch) : vol. VI POUJADE (Pierre) : vol. « 0 ». POUY (Jaja) : voir CORNET (Jeanne). PREM (Heimrad) : vol. I; vol. II PRESSES DE LA CITÉ (éditions) : vol. V PRÉVERT (Jacques) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VI PRIGENT (Michel) : vol. IV; vol. V; vol. VI PROMENEUR (éditions LE) : vol. VII PROUDHON (Pierre Joseph) : vol. III PRUDHOMMEAUX (André) : vol. II PUCCINI (société) : vol. V PUYSÉGUR (maréchal DE) : vol. VII PUYSÉGUR (marquis DE) : vol. VII PYAT (Félix) : vol. V QUADRUPPANI (Serge) : vol. VI; vol. VII QUAI VOLTAIRE (éditions) : vol. VII QUENEAU (Raymond) : vol. « 0 » ; vol. VI QUEVAL (Jean) : vol. VI QUEVEDO Y VILLEGAS (Francisco GÓMEZ DE) : vol. VII QUILLET (Juvénal, dit Juju) : vol. IV ; vol. V QUINCEY (Thomas DE) : vol. II; vol. VII RABELAIS (François) : vol. VI RACINE (Jean) : vol. VI; vol. VII RADCLIFFE (Charles) : vol. « 0 » ; vol. III RADICHTCHEV (Alexandre) : vol. VII RAFT (George) : vol. VI RAIS (Gilles DE) : vol. II RAMIREZ SANCHEZ (Illitch), dit Carlos : vol. VI RAMSAY (éditions) : vol. VII RANCHETTI : vol. V RANÇON (Jean-Louis) : vol. IV, RANKOVITCH (Jean-Michel) : vol. I RAOULT : vol. V; vol. VI RAPHAËL (Raffaello SANZIO, dit) : vol. « 0 » ; vol. I RASMUSSEN (U.) : vol. II RASPAUD (Jean-Jacques) : vol. IV ; vol. V ; vol. VI; vol. VII RASPE (Jan-Karl) : vol. V RASSAM (Jean-Pierre) : vol. IV; vol. V RATGEB (Raoul VANEIGEM, dit) : vol. V; vol. VI; vol.. RAUFER (Xavier) : vol. VI RAVACHOL (François Claudius KŒNIGSTEIN, dit) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. V RAVENEL : vol. « 0 ». RAY (Nicholas) : vol. II; vol. V RAYMOND (Marie) : vol. « 0 ». RAYNAUD (Yves) : vol. III; vol. IV RAYO : voir ROTHE (Eduardo). READ (Herbert) : vol. I REAGAN (Ronald) : vol. VI REBUFFEL (Alicia) : vol. VII REBUFFEL (Annie) : vol. VII REBUFFEL (Gilbert) : vol. II; vol. VII REDOTTÉ (Michèle) : vol. II REED (John) : vol. VII REGGIANI (Serge) : vol. VI REGLER (Gustav) : vol. IV REICH (Wilhelm) : vol. « 0 » ; vol. II; vol. III; vol. IV Reine : vol. VI REISER (Jean-Marc) : vol. V REMIGNARD (Jeanine) : vol. II RENARD : vol. II RENAUD (Renaud SÉCHAN, dit) : vol. V; vol. VI. RENAULT (régie) : vol. VII René-Donatien ou René-la-Chine : voirÉNET (René). RENOIR (Jean) : vol. VII RENOIR (Rita) : vol. V RENSON (Rudi) : vol. « 0 » ; vol.; vol. III; vol. IV RESNAIS (Alain) : vol. II; vol. VI RESTANY (Pierre) : vol. III RETZ (Jean-François Paul DE GONDI, cardinal DE) : vol. « 0 » ; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII REVELLI-BEAUMONT (Lucchino) : vol. V REY (Stéphane) : vol. « 0 ». RHODOS (éditions) : vol. I RIBEIRO DE MELLO (Fernando) : vol. IV; vol. V RIBEMONT-DESSAIGNES (Georges) : vol. VI; vol. VII RIBERO (Catherine) : vol. V RICHARDSON (Tony) : vol. V RICHELIEU (Armand Jean DU PLESSIS, cardinal duc DE) : vol. VI RICŒUR (Paul) : vol. II RICTUS (Jehan) : vol. VII RIESEL (Joëlle) : voir LEBEAU-RIESEL (Joëlle). RIESEL (René) : vol. « 0 » ; vol. ; vol. IV ; vol. V; vol. VII RIGAUT (Jacques) : vol. VI RILKE (Rainer Maria) : vol. VI; vol. VII RIMBAUD (Arthur) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. VI RIMINI (Francesca DA) : vol. VII RIVA (Valerio) : vol. V RIVABELLA (Augusta) : vol. « 0 »; vol. RIZZI (Bruno) : vol. V; vol. VI ROBBE-GRILLET (Alain) : vol. II ROBEL (Andrée) : vol. VI Robert : vol. « 0 ». ROBERT LAFFONT (éditions) : vol. VII Robert le linotypiste : vol. I ROBESPIERRE (Maximilien DE) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. V; vol. VII ROBIN (Armand) : vol. VII ROBINOT (Jean-Pierre) : vol. VII ROCHEFORT (Christiane) : vol. VII ROCHER (Jean-Paul) : vol. V; vol. VI ROCHU (Gilbert) : vol. VI RODA-GIL (Étienne) : vol. III; vol. V RODITI (Édouard) : vol. « 0 ». RODOLICO (Niccolò) : vol. VI RODRIGUEZ : vol. I Roger : vol. III ROHMER (Sax) : vol. « 0 » ; vol. VI ROLANDI (Cornelio) : vol. IV ROLLIN (Henri) : vol. VII ROMAINS (Louis FARIGOULE, dit Jules) : vol. « 0 ». ROMANETTI (Francis) : vol. VI ROMANO (Carlo) : vol. VII ROMUALD : vol. VII RONSARD (Pierre DE) : vol. VI ROOS (Jørgen) : vol. II ROSBOCH : vol. IV; vol. V ROSEMONT (Franklin) : vol. III ROSENGREEN : voir PERMILD & ROSENGREEN (imprimerie). ROSENTHAL (Barbara) : vol. « 0 » ; vol. V ROSSI : vol. V ROSSI (Paulette Antoinette Concetta) : vol. V ROTHE (Eduardo) : vol. « 0 » ; vol. IV ; vol. V ROTMAN (Patrick) : vol. VI ROUCH (Jean) : vol. II ROUGYF : vol. « 0 » ; vol. IV ROUILLAN (Jean-Marc) : vol. VI ROUMIEUX (André) : vol. VI; vol. VII ROUSSEAU (Henri, dit le Douanier) : vol. « 0 » . ROUX (Jacques) : vol. VII ROUXEL (Pierre) : vol. II; vol. III ROUYAU (Philippe) : vol. VI ROY (Claude) : vol. « 0 »; vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII ROY (Gladys) : vol. VII ROYANO : vol. III RUBEL (Maximilien) : vol. III; vol. V RUEDO IBÉRICO (éditions) : vol. V; vol. VI RUFFOLO (Raffaele) : vol. IV RUGE (Arnold) : vol. V; vol. VI RUMNEY (Ralph) : vol. « 0 »; vol. I; vol. V RYCK (Yves DELVILLE, dit Francis), alias DIERICK : vol. V; vol. VI RYCKMANS (Pierre) : voir LEYS (Simon). RYKOV (Alexeï Ivanovitch) : vol. V SABA (Giuseppe) : vol. IV SABATÉ : vol. VI SACCO (Nicola) : vol. III SADE (Donatien Alphonse François, comte DE SADE, dit le marquis DE) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VII SAGAN (Françoise QUOIREZ, dite) : vol. II SAINTE-BEUVE (prix littéraire) : vol. VII SAINT-JUST (Louis Antoine Léon DE) : vol. « 0 » ; vol. II; vol. VI; vol. VII SAINT-MARTIN (Marie-Hélène) : vol. « 0 ». SAINT-SIMON (Louis DE ROUVROY, duc DE) : vol. IV; vol. VI SALAN (général Raoul) : vol. I; vol. IV; vol. V SALAZAR (António DE OLIVEIRA) : vol. « 0 »; vol. VI SALENGRO (Roger) : vol. V SALVADORI (Geneviève) : vol. « 0 »; vol. V; vol. VI; vol. VII SALVADORI (Lucia) : vol. VI SALVADORI (Paolo) : vol. « 0 »; vol. IV ; vol. V ; vol. VI ; vol. VII SANCHEZ (Manuela) : vol. VI SANDBERG (Wilhem) : vol. « 0 »; vol. I ; vol. II SANDI : vol. IV SANGUINETTI : vol. V SANGUINETTI (Alexandre) : vol. V SANGUINETTI (Antonella) : vol. IV SANGUINETTI (Gianfranco) : vol. « 0 »; vol. IV ; vol. V ; vol. VI ; vol. VII SANTIAGO (Miguel DE) : vol. VI SARDANAPALO : vol. IV SARDOU (Antoine-Léandre) : vol. VI SARTRE (Jean-Paul) : vol. « 0 »; vol. II; vol. III; vol. V; vol. VII SASSON (Sélim) : vol. « 0 ». SATIE (Erik) : vol. VI SAULNIER (Hector) : vol. III SAURA (Antonio) : vol. I SAVINKOV (Boris) : vol. VI SAVONAROLE (Jérôme) : vol. IV SBARDELLA : vol. IV SCALZONE (Oreste) : vol. VI SCARPELLI (Filippo) : vol. VII SCHADE (Jens August) : vol. V; vol. VI SCHAEFFER (Pierre) : vol. I SCHELLING (Friedrich Wilhelm Joseph VON) : vol. VII SCHELLING (pseudonyme de clandestin) : vol. III SCHILLER (Friedrich VON) : vol. V; vol. VI SCHLEGEL (August Wilhelm VON) : vol. VI SCHLEGEL (Friedrich VON) : vol. VI SCHLÜTER (Susanne) : vol. I SCHMIDT (Erik) : vol. II SCHNAPP (Alain) : vol. IV SCHNAPP (Jo) : vol. « 0 ». SCHNEIDER (André) : vol. « 0 »; vol. III; vol. IV SCHÖFFER (Nicolas) : vol. II; vol. III SCHUMACHER (Bernard), dit Schu : vol. IV; vol. V SCHUSTER (Jean) : vol. I; vol. IV; vol. VII SCHWARZ (librairie) : vol. « 0 ». SCHWARZENBERG (Karl Philipp, prince VON) : vol. VII SCHWITTERS (Kurt) : vol. II; vol. VII SCHWOB (Marcel) : vol. VI SCOTT : vol. V SCOTTI CAMUZZI (Me Sergio), dit le Cousin : vol. V SCUTENAIRE (Louis) : vol. « 0 ». SÉBASTIANI (Christian) : vol. « 0 »; vol. III; vol. IV ; vol. VI; vol. VII SEBASTIANI DE LA PORTA (Horace) : vol. VI SEGUIN (Louis) : vol. VI SÉGUY (Georges) : vol. IV; vol. V SEIDEN (Claus) : vol. II SEILER (Jacques) : vol. I SEIX Y BARRAL (éditions) : vol. IV SELANDIA (imprimerie) : vol. « 0 »; vol. I SEMPRUN (Jaime) : vol. « 0 » ; vol. V ; vol. VI ; vol. VII SEMPRUN (Jorge) : vol. V SENDERENS (Alain) : vol. VI SÉNÉCAUT (Gilbert) : vol. « 0 »; vol. II SENSENHAUSER (Cristina) : vol. I Serge : vol. « 0 ». SERGUINE (Jacques) : vol. VI SERIN (Maurice) : vol. VI SEROUX (Lucien) : vol. III SERRES (Michel) : vol. VI; vol. VII SEUIL (éditions du) : vol. VI; vol. VII SEXBY (Edward) : vol. IV; vol. VI; vol. VII SEX PISTOLS : vol. VII SHAKESPEARE (William) : vol. II; vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII SHELL (compagnie) : vol. « 0 » SHERIDAN (Philip Henri) : vol. VI SID CARA : vol. I SIEBER (Friedrich) : vol. I SIEYÈS (Emmanuel Joseph, abbé) : vol. VII SIGIANI (Marco Maria) : vol. IV SIGMA : vol. « 0 ». SILBERMANN (J. C.) : vol. VII SILVA (éditions) : vol. « 0 »; vol. IV SILVA (Umberto) : vol. IV; vol. V SILVERA (Miro) : vol. IV SIMAR FILMS : vol. « 0 »; vol. V ; vol. VI; vol. VII SIMENON (Georges) : vol. VI SIMON (André) : vol. III SIMON (Henri) : vol. III SIMON (Pierre-Henri) : vol. IV SIMONDO (Piero) : vol. « 0 »; vol. I; vol. II SIMONELLI (Jacques) : vol. VII Simonetta : voir VESPUCCI (Simonetta). SIMONETTI (Gianni-Emilio) : vol. « 0 » ; vol. V; vol. VI Sindbad : vol. « 0 ». SINDBAD (éditions) : vol. VI SINOUHÉ : vol. VI SLANE (Mac Guckin DE) : vol. VI Slavia : vol. « 0 »; vol. V SOARÈS (Mario) : vol. « 0 ». SOBOUL (Albert) : vol. IV SOBRINO : vol. III SOCRATE : vol. I SODERINI (Pier) : vol. IV; vol. V SOKOLOGORSKI (Irène) : vol. VI SOLANAS (Valerie) : vol. VII SOLEIL DANS LA TÊTE (librairie LE) : vol. « 0 ». SOLER (padre Antonio) : vol. IV SOLIDOR (Suzy) : vol. II SOLLERS (Philippe) : vol. V; vol. VII SOMBART (Werner) : vol. V Sonia W. : vol. VII SOPROFILMS : vol. VI; vol. VII SORIN (Raphaël) : vol. V; vol. VI SOTTSASS (Ettore) : vol. « 0 ». SOULIÉ DE MORANT (George) : vol. VII SOURIS (André) : vol. « 0 ». SOUSTELLE (Jacques) : vol. I SOUVARINE (Boris LIFSCHITZ, dit) : vol. VI; vol. VII SPACCAGNA (Jacques) : vol. « 0 ». SPARTACUS (éditions) : vol. « 0 ». SPÍNOLA (général António DE) : vol. « 0 » ; vol. V. SPIRE (Arnaud) : vol. VII SPORTÈS (Morgan) : vol. VII SPURRIER (Steven) : vol. VI STADLER (Gretel) : vol. I; vol. II STAËL (Germaine NECKER, baronne DE STAËL-HOLSTEIN, Madame DE) : vol. VI STAING : vol. VII STALINE (Iossif Vissarionovitch DJOUGACHVILI, dit Joseph) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI STEIN : vol. III STEINBECK (John) : vol. VI STENDHAL (Henri BEYLE, dit) : vol. IV; vol. VI; vol. VII STEPANIK (Bernard) : vol. III STÉPHANE (Roger WORMS, dit) : vol. « 0 » STEPHEN (Holger) : vol. IV STERNBERG (Josef VON) : vol. V STERNE (Laurence) : vol. VII STEVENSON (Robert Louis BALFOUR) : vol. V; vol. VII STIRNER (Johann Caspar SCHMIDT, dit Max) : vol. « 0 » ; vol. III; vol. VI; vol. VII STRARAM (Patrick MARRAST, dit) : vol. « 0 » ; vol. I; vol. II; vol. VII STREEP (Jon Nicholas) : vol. I STRELKOFF (Sacha) : vol. II STRID (Hardy) : vol. II STRIJBOSCH (Jan) : vol. « 0 »; vol. II; vol. III; vol. IV STURM (Helmut) : vol. I; vol. II SUÁREZ (Adolfo) : vol. VI SUBIRATS (Eduardo) : vol. IV SUBRA (Valérie) : vol. VII SUE (Eugène) : vol. VI SUGAR (éditions) : vol. IV SUGARCO (éditions) : vol. VII SULAK (Bruno) : vol. VI SUÑEN (Luis) : vol. VI SUN TSE: vol. VII SUPAK (Maria Isabel) : vol. IV; vol. VII Susan : vol. IV SUSMANN : vol. VII SWEDBERG (Richard) : vol. IV SWIFT (Jonathan) : vol. V; vol. VI; vol. VII Sylvain : vol. III; vol. IV Sylvain (fils d’Étiennette) : vol. VI; vol. VII TAGAKI (Toru) : vol. II; vol. III T’ANG ou THANG : vol. VI TAPIE (Bernard) : vol. VI; vol. VII TAPIÉ (Michel) : vol.I TAPIÈS (Antoni) : vol. I TAPTOE (galerie) : vol. « 0 »vol. I TARABOUKINE (Nikolaï) : vol. V; vol. VI TARDIEU : vol. « 0 » TASSE (Torquato TASSO, dit le) : vol. VI TATU (Michel) : vol. III TAUBÉ (Édouard) : vol. « 0 »vol. II; vol. III TAYAC (A. DE) : vol. VI Tayeb : vol. IV TCHAKHOTINE (Serge) : vol. IV TCHANG KAÏ-CHEK : vol. VI TCHAPAÏEV (Vassili Ivanovitch) : vol. V TCHERNOBYL : vol. VII TERMEER (Carla) : vol. IV TEILHARD DE CHARDIN (Pierre) : vol. II TEJERO (Antonio) : vol. VI TÉLLEZ SOLÁ (Antonio) : vol. VI TEMPS QU’IL FAIT (éditions LE) : vol. « 0 »vol. VI; vol. VII TENG HSIAO-PING : voir DENG XIAOPING. TEODA (N.) : vol. VI TERRAIN VAGUE (éditions LE) : vol. VII TESÁN (Alda) : vol. VI TESSON (Philippe) : vol. V THALMANN (Clara) : vol. VI THALMANN (Mme) : vol. VI THALMANN (Paul) : vol. VI THATCHER (Margaret) : vol. VI; vol. VII THIERS (Adolphe) : vol. VI; vol. VII THOMANN (Laurent-Edmond) : vol. V THOMAS (Bernard) : vol. IV THOMAS (Hugh) : vol. VII THOREZ (Maurice) : vol. « 0 »vol. IV THORSEN (Jens Jørgen) : vol. II; vol. IV THOVERON : vol. « 0 » THUCYDIDE : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII THUCYDIDE (pour Gianfranco SANGUINETTI) : vol.IV TIAMAT (éditions) : vol. VI TIBBITS (J. C. N.) : vol. III TIEFFENBACH : vol. V TIEFFENBACH (Emma) : vol. V; vol. VI TILLIER : vol. VI TITIEN (Tiziano VECELLIO, dit) : vol. « 0 », TITO (Josip BROZ, dit) : vol. I TLILI (Béchir) : vol. « 0 »vol. II; vol. III TOCQUEVILLE (Alexis DE) : vol. V; vol. VI TODD (Olivier) : vol. III TOLIN (Francesco) : vol. IV TOLSTOÏ (Léon) : vol. III TOSCAN DU PLANTIER (Daniel) : vol. V TOUBIANA (Serge) : vol. V TOURAINE (Alain) : vol. V TOURGUENIEV (Ivan Sergueïevitch) : vol. VI TRACCE (éditions) : vol. VII TRAVERS (Phil) : vol. III TRIGNOL (Fernand) : vol. VII TRILLAUD (André) : vol. VI TRIVOUS (Jacques) : vol. IV TROCCHI (Alexander) : vol. « 0 » vol.; vol.II ; vol. III; vol.IV; vol. VII TROTSKI (Lev Davidovitch BRONSTEIN, dit Léon) : vol. « 0 »vol. II; vol. III; vol. IV; vol. V; vol. VI TROUVAIN (Antoine) : vol. VII TROYAT (Henri) : vol. IV TRUFFAUT (François) : vol. II; vol. V; vol. VII TRUST : vol. VI TSIN CHE HOANG TI : vol. VI TURGOT (Anne Robert Jacques), baron DE LAULNE : vol. VI TYNAN (Kenneth) : vol. I TZARA (Tristan) : vol. « 0 » UCCELLO (Paolo) : vol. IV ULYSSE : voir MONTEIRO (Afonso). UNGER (Ivan) : vol. VII UNION CARBIDE (société multinationale) : vol. VI URDANIBIA (Xabier) : vol. IV USSIA (Marcos) : vol. III UTOPIA (cinéma) : vol. VI VACHÉ (Jacques) : vol. IV VACONSIN (Me) : vol. IV VAILLAND (Roger) : vol. III VALENCE (Daniel) : vol. VII VALENTIN (Martine) : vol. VII VALENTINE (Lorenzo) : vol. « 0 »vol.VI; vol. VII VALERI (Ennio) : vol. IV VALÉRY (Paul) : vol. « 0 » VALLECCHI (éditions) : vol. « 0 »vol. V; vol. VI; vol. VII VALOIS : vol. II VALOIS (dynastie des) : vol. IV VALPREDA (Pietro) : vol.IV; vol. V; vol. VI VAN BRUAENE (Gérard) : vol. « 0 » VANDAMME (Dominique-René), comte D’UNEBOURG : vol. VI VAN DE LOO (Heike) : vol. I; vol. II VAN DE LOO (Otto) : vol. I; vol. II VAN DER ELSKEN (Ed) : vol. I; vol. V VAN DOMSELAER (Matie) : vol. I VANEIGAM : vol. IV VANEIGEM (Raoul) : vol. « 0 »vol. II ; vol. III ; vol. IV vol. V ; vol. VI; vol. VII VANEIGEM (Thérèse) : vol. « 0 » vol. III VAN EYCK (Aldo) : vol. II VAN GENNEP (éditions) : vol. IV ; vol. V; vol. VI; vol. VII VAN GENNEP (Rob) : vol. IV; vol. V VAN GOGH (Vincent) : vol. II VAN GUGLIELMI (Nunzio) : vol. I VAN GULIK (Robert) : vol. VI VANZETTI (Bartolomeo) : vol. III VARANI (Renato) : vol. VI VARGAS (Pablo) : vol. VII VARLIN (Eugène) : vol. V VASARELY (Victor) : vol. III VÁSQUEZ DE ESCAMILLA (Pero) : vol. VII VATRY (DE) : vol. VI; vol.VII VAUGELAS (Claude AVRE DE) : vol. VI VAUME (Henri) : vol. I; vol. II VAUVENARGUES (Luc DE CLAPIERS, marquis DE) : vol. IV; vol. VI; vol. VII VAYR-PIOVA (Bruno) : vol. III; vol. IV VEGA (Alberto MASO, dit) : vol. II VENEZIANI (Sergio) : vol. IV Véra : vol. « 0 » VERHESEN (Fernand) : vol. III VERLAAN (Tony) : vol. « 0 »vol. III; vol. IV VERLEENE (juge Alain) : vol. VI VERMEERSCH (Jeannette) : vol. « 0 », VERNAY (Hervé) : vol. III VERRONE (Elena) : vol. « 0 »vol.I VERSO (éditions) : vol. VII VESPUCCI (Simonetta) : vol. IV; vol. V VETTORI (Francesco) : vol. IV; vol. VII VIALATTE (Alexandre) : vol. IV; vol. VI VIAN (Boris) : vol. V Victor : vol. VI VIDA (Marco Girolamo) : vol. VI VIDAL-NAQUET (Pierre) : vol. IV VIEL (Augusto) : vol. IV VIÉNET (René) : vol. « 0 »vol. II; vol. III ; vol. IV ; vol.V ; vol. VI; vol. VII VIGNY (Alfred DE) : vol. VI VILLA (Doroteo ARANGO, dit Francisco ou Pancho) : vol. IV VILLIERS DE L’ISLE-ADAM (Philippe Auguste, comte DE) : vol. « 0 »vol. VI VILLON (François) : vol. IV; vol. V; vol. VI; vol. VII VILLOT (José) : vol. VII VINCENT : vol. VII VINCENT (Charles) : vol. VII VINCENTANNE (Stéphane) : vol. IV VIRELLES : vol. II VIRGILE : vol. VII VIRNO (Paolo) : vol. VII VISCONTI (Luchino) : vol. V VISEUX (Claude) : vol. I VISSAC (Philippe) : vol. III VITOUX (Frédéric), dit M. DU BRAN : vol. VII VIVALDI (Antonio) : vol. II; vol. IV VOITEY (Gérard) : vol. VOLINE (Vsévolod Mikhaïlovitch EICHENBAUM, dit) : vol. II VOLTAIRE (François Marie AROUET, dit) : vol. V; vol. VI VOYER (Jean-Pierre) : vol. IV ; vol.V; vol.VI; vol. VII VRIES (DE) : vol. III VUCICOVIC (Branko) : vol. II; vol. III; vol. IV VUILLEURMIER (Max) : vol. VI VYCHINSKI (Andreï Ianouarievitch) : vol. III WADE MINKOWSKI (Adonis, Anne) : vol. VII WAGNER (Richard) : vol. VI WAJDA (Andrzej) : vol. VI WALDHEIM (Kurt) : vol. VI WALESA (Lech) : vol. VI; vol. VII WALSER (Robert) : vol. VI WALSH (Raoul) : vol. V WALTARI (Mika) : vol. VI WANG (Francis) : vol. VII WANSART (P.) : vol. I WARESQUIEL (Emmanuel DE) : vol. VII WATRIN : vol. IV WAUGH (Evelyn) : vol. VII WEBERN (Anton VON) : vol. « 0 » WEERTH (Georg) : vol. V WEISS (Gerhard) : vol. II; vol. IV; vol.V; vol. VI WELLES (Orson) : vol. II WELLINGTON (Arthur WELLESLEY, duc DE) : vol. VII WEMAËRE (Pierre) : vol. I; vol. II WESKER (Arnold) : vol. II WESTING (galerie) : vol. II WESTMORELAND (William) : vol. V WIAZEMSKY (Anne) : vol. VII WILDER (Billy) : vol. V WILDER (Sean) : vol. III WILLIAM BLAKE (éditions) : vol. VII WILLIAMS-ALTA (éditions) : vol. VI WILLERVAL (Bernard) : vol. II WILLET : vol. IV WILSON (Colin) : vol. I WINCKELMANN (Johan Joachim) : vol. VI WINOCK (Michel) : vol. III WITTENBORN (George) : vol. I; vol. II WITTFOGEL (Karl) : vol. II; vol. III WOLMAN (Joseph, dit Gil J) : vol. « 0 »vol. I; vol. VI; vol. VII WOLSGAARD-IVERSEN (Herman) : vol. I WOLSGAARD-IVERSEN (Matty) : vol. I WUERICH (Glauco) : vol. I WURMSER (André) : vol. « 0 » WYCKAERT (Maurice) : vol. « 0 »vol.I ; vol. II WYCKAERT (Rob) : vol. « 0 »vol. I; vol. II X : vol. « 0 »vol. III; vol. VI; vol.VII YACINE (Kateb) : vol. I YANNE (Jean) : vol. IV YONNET (Jacques) : vol. VI YORDAN (Philip) : vol. « 0 » YVARAL (Jean-Pierre) : vol. III Yves : vol. III ZAHOUANE (Hocine) : vol. III Zara (Arlette Z., dite) : vol. V; vol. VI ZELAZNY (Roger) : vol. V ZELLER (général André) : vol. IV ZEMS (Abraxa) : vol. II; vol. III Zéphyrine : vol. VII ZEVI (Susanna) : vol. IV. ZIMMER (Hans-Peter) : vol. « 0 »vol.I; vol.II ZINOVIEV (Grigori Ievseïevitch RADOMYLSKI, dit) : vol. « 0 » ZOÉ (éditions) : vol. V ZONE BOOKS (éditions) : vol. VII Zyl : voir Françoise Z.