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ED 141 : Ecole doctorale Droit et Science Politique UMR 7074 - Centre de Théorie et Analyse du Droit Mathias PECOT La fonction sociale des acteurs juridiques « professionnels » aux marges des villes du Sud. Cas de Guayaquil, Équateur Thèse présentée et soutenue publiquement le 2 février 2017 en vue de l’obtention du grade de docteur en droit de l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense Spécialité : Droit public Sous la direction de Mme Véronique CHAMPEIL-DESPLATS Jury : Président : M. Laurent Thévenot Directeur d’études, École des hautes études en sciences sociales Rapporteur: M. Jérôme Porta Professeur à l’Université de Bordeaux Rapporteur: M. Carlos Herrera Professeur à l’Université de Cergy-Pontoise Examinateur: M. Eric Millard Professeur à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense Examinateur: Mme. Véronique ChampeilDesplats Professeure à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense Remerciements Je remercie sincèrement tout d’abord ma directrice de thèse, Véronique Champeil-Desplats, pour son accompagnement de longue date, sa disponibilité, ses conseils et relectures attentives, son ouverture d’esprit et sa confiance sans lesquelles un projet de ce type n’aurait sans doute jamais pu se concrétiser ; J’adresse mes remerciements chaleureux aux membres du jury, Laurent Thévenot, Eric Millard, Jêrome Porta et Carlos-Miguel Herrera, pour avoir manifesté leur intérêt pour le projet et le dialogue. Merci à Maria pour sa présence et ses encouragements, à ma famille franco-équatorienne pour son soutien indéfectible, pour les sacrifices et les coups de pouce dans les moments les plus ardus de cette aventure de longue haleine. Merci au cercle des amis de toujours, pour sa constance à l’épreuve de la vie. Merci à l’équipe de Concepto Azul- Inca’biotec pour m’avoir ouvert ses portes en Équateur, au Pérou et communiqué sa passion durant de nombreuses années. Merci à mes collègues et étudiants de l’Université polytechnique du littoral (ESPOL) pour un accompagnement bienveillant durant la période de fin de thèse. Une pensée spéciale pour toutes les personnes rencontrées sur le terrain, au fil des projets et dans des situations parfois difficiles, pour la richesse de leurs enseignements. Ma pensée va, de même, aux personnes qui nous ont quittés en cours de route. 2 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La fonction sociale des acteurs juridiques « professionnels » aux marges des villes du Sud.Cas de Guayaquil, Équateur. Résumé : La réflexion proposée prend forme à partir d’un projet de vie établi entre l’Équateur et la France. La thèse interroge les conditions de conduite du travail juridique dans l’orbite du phénomène de territorialisation des « établissements humains informels » -asentamientos urbanos informales- de Guayaquil, ailleurs connus comme « slums » ou « taudis ». La mise en cause de l’incidence économique, sociale, culturelle ou environnementale des usages et pratiques professionnelles du droit sur la ville en devenir, l’évocation d’une dimension éventuellement marginalisante, discriminatoire ou traumatique du travail juridique depuis la perspective des « usagers » ou des « administrés », paraissent troublantes au premier abord. Inscrits dans un mouvement d’itération constante entre l’observation participante et la théorie de l’agir juridique, les travaux entreprennent de poser les jalons épistémologiques et méthodologiques pour un travail de situation de l’agir juridique aux portes de la ville Sud. La lecture renouvelée de la contextualité urbaine marginale et le développement d’instruments de cartographie de la fonction sociale du juriste « en situation » constituent les principaux résultats de l’investigation. Les développements coïncident, par ailleurs et d’une manière générale, avec l’investiture du gouvernement de la « Révolution citoyenne » -Revolucion ciudadana-. Ils offrent, dès lors et chemin faisant, un aperçu « vu d’en bas » sur le devenir des réformes traversant le pays au lendemain de l’adoption de la Constitution du « Buen vivir ». GUAYAQUIL –ASENTAMIENTOS URBANOS INFORMALES- FONCTION SOCIALEAGIR JURIDIQUE--EQUATEUR Mots-clés : Abstract : The investigation is building upon a life project established between Ecuador and France. The doctoral thesis questions legal work conditions in the ambit of Guayaquil’s informal human settlements—elsewhere known as “slums” or “taudis”—. The mention of economic, social, cultural or environmental downfalls associated to the development of legal practices in forthcoming cities, the pointing out of ongoing discriminations, marginalization and traumas associated to the law does create an awkward feeling among legal practicionners at the first glimpse. Through a continued iteration between participative observation, fieldworks and legal theory, the doctoral thesis develops epistemological and methodological tools in order to better situate legal work in city peripheries of the South. Means to renew our understandings of marginal urban contexts, on the one hand, and to reevaluate the social function of legal practices, on the other, are the principal outcomes of our research. The fieldwork coincided, otherwise, with the investiture of the “Revolucion ciudadana government”. Hence, the thesis does offer some bottom-up insights on the becoming of legal and political reforms in the aftermaths of the “Buen vivir” Ecuadorian Constitution’s adoption. Keywords : GUAYAQUIL-INFORMAL URBAN SETTLEMENTS-SOCIAL FUNCION-LEGAL ENDEAVOR- ECUADOR 3 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Droits d’auteur : Droits d’auteur réservés. Toute reproduction sans accord exprès de l’auteur à des fins autres que strictement personnelles est prohibée. Citation: PECOT Mathias, La fonction sociale des acteurs juridiques « professionnels » aux portes des villes du Sud. Cas de Guayaquil, Équateur, thèse mention droit public sous la direction de Véronique Champeil-Desplats, École Doctorale de Droit et de Sciences politiques Nanterre, CTAD-CREDOF, soutenue le 22 févirer 2017. 4 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 SOMMAIRE La fonction sociale des acteurs juridiques « professionnels » aux marges des villes du Sud. Cas de Guayaquil, Équateur. Introduction Partie 1 Travail et contraintes de situation : la marginalité urbaine au crible du terrain « Guayaco » Titre 1 Les enjeux épistémologiques du travail de situation Chapitre 1 La mise en récit du droit Chapitre 2 Le dépassement catégorique du « non-droit » et de « l’informel » Titre 2 Les enjeux méthodologiques du travail de situation et la question du « terrain » Chapitre 1 Du travail « sur » et « à partir » du phénomène sociopolitique de représentation de la croissance urbaine marginale (…) Chapitre 2 (…) au travail de mise en contexte de l’agir juridique « professionnel » Partie 2 Travail et contraintes de légitimation du rôle social au lendemain de « Montecristi » Titre 1 Le désert fonctionnel Chapitre 1 Entre la « fiche de poste » et le dédale des référentiels de compétences : les foyers du questionnement fonctionnaliste Chapitre 2 La revue des « totems » et l’édification du dogme fonctionnel Titre 2 Jalons pour une théorie micropolitique du rôle social Chapitre 1 La subjectivation du rôle Chapitre 2 La contrainte de légitimation sociale Conclusion 5 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Introduction.La référence à la croissance urbaine marginale des villes du Sud, désigne, dans notre contexte d’étude latino-américain, l’ensemble des établissements humains dits « informels » « spontanés », « irréguliers », « illégaux », les « asentamientos », « invasiones », « barriadas », « colonias » ou « urbanisaciones piratas ». Celle-ci relève d’un registre de langage désormais courant. L’introduction du concept d’« établissements humains informels» en langue française renvoie a priori à la traduction littérale de la terminologie «Informal Human Settlements» ou de son équivalent en castillan « asentamientos informales ». L’ « Ofxord english dictionnary » propose ainsi une définition générale des « établissements informels1 » par référence à « l’établissement non planifié ou non régulé en milieu urbain, érigé sur un espace qui n’a pas été officiellement affecté à un usage de résidence». Illustrant l’usage du concept dans un contexte littéraire l’article introduit ensuite une sélection de citations dans un ordre chronologique. Se trouve reproduit tout d’abord un extrait de l’ouvrage « Challenge of squatter Settlements ; with special reference to the cities of Latin America » de Harry Anthony : « les Nations Unies préfèrent la référence aux établissements informels ou spontanés ; d’une certaine manière, ces mots sonnent mieux qu’établissements de squatters, un terme qui conduit automatiquement à des connotations légales préjudiciables. » (1979) ; puis une citation extraite de l’ouvrage d’EJ Haarhoff « Shelter in informal settlements » : « les Établissements informels pourraient être illégaux dans le sens où l’occupation du sol ou les habitations ne sont pas conformes aux standards et aux procédures » (1983) ; et finalement le bref passage d’un article du Baltimore Sun (US): « Deipsloot (Afrique du Sud) commença comme un établissement informel temporaire, mais avec le déficit terrible de l’offre de logement et la pauvreté, il a pris un sordide et fragile caractère permanent (2003). Considéré dans le champ de la gouvernance et de la planification urbaine, la référence à l’établissement informel fait figure de concept-parapluie, utilisé en vue d’assurer une « montée en 1 Traduction personnelle à partir des entrées “informal sector”, “informal economy”, “informal settlement”, Oxford English Dictionnary, Third Edition, September 2009. Définition originale: “informal settlement: n. chiefly South African an unplanned and unregulated urban settlement erected on land not officially proclaimed as a residential area.” Considérés à partir d’une entrée différente, l’adjectif informel est abordé comme « secteur informel » ou de « économie informelle » » - Informal, economy, informal sector- pour désigner « une activité ou la participation à une activité commerciale non régulée réalisée en dehors de l’économie officielle ou principale, et qui est pratiquée à petite échelle sur la base de l’auto-emploi, sur une base occasionnelle ou irrégulière.’». 6 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 généralité », jeter et signifier un pont entre le « local » et le « global » 2 . L’introduction de la terminologie répond ici en règle générale, au traitement politique d’un patron migratoire. Des familles convergent vers des zones s’inscrivant, par hypothèse, en porte à faux avec la norme sociale, éventuellement juridique, de peuplement et d’habitabilité urbaine. Des centres-villes délaissés et vétustes sont réinvestis. La trame urbaine s’étire vers l’espace « périurbain », sa « périphérie » ou sa « banlieue » pour former un « secteur »3. Le phénomène est ensuite rapproché de ce que le sociologue Santos Boaventura De Sousa aborde, sur un volet plus critique, comme une « épistémologie du Sud ». L’auteur en propose la définition suivante : « Par ‘épistémologie du Sud’ j’entends une nouvelle production et évaluation des connaissances ou savoirs valides, scientifiques ou non. J’entends également par-là de nouvelles relations entre différent types de savoir, sur la base des pratiques des classes et des groupes sociaux qui ont systématiquement souffert des inégalités et des discriminations dues au capitalisme et au colonialisme. Le Sud n’est donc pas un concept géographique même si la grande majorité des populations concernées vivent dans l’hémisphère sud. Il s’agit plutôt d’une métaphore de la souffrance humaine causée Sur l’évolution historique du concept: Sethuraman, Salem V. "Urban informal sector: Concept, measurement and policy”, the." Int'l Lab. Rev. 114 (1976): 69; Abbott, John. "An analysis of informal settlement upgrading and critique of existing methodological approaches." Habitat International 26.3 (2002): 303-315. 2 3 Entre les dénominations les plus fréquemment retenues en vue de désigner les établmissements informels le Rapport Global sur les Etablissements Humains (GRHS) « The Challenge of Slums » produit par UN-Habitat en 2003 propose une énumération élargie des équivalents selon un large panel de langues et zones géographiques. « The coverage of settlement types is even more complex when one considers the variety of equivalent words in other languages and geographical regions: French: bidonvilles, ‘taudis’, habitat précaire, habitat spontané, quartiers irréguliers; Spanish: asentamientos irregulares, barrio marginal, barraca (Barcelona), conventillos (Quito), colonias populares (Mexico), tugurios and solares (Lima), bohíos or cuarterias (Cuba), villa miseria; German: Elendsviertel; Arabic: mudun safi, lahbach, brarek, medina achouaia, foundouks and karyan (Rabat- Sale), carton, safeih,ishash, galoos and shammasa (Khartoum), tanake (Beirut), aashwa’i and baladi (Cairo); Russian: trushchobi; Portuguese: bairros da lata (Portugal), quartos do slum, favela, morro, cortiço, comunidade, loteamento (Brazil); Turkish: gecekondu; American English: ‘hood’ (Los Angeles), ghetto; Southern Asia: chawls/chalis (Ahmedabad, Mumbai), ahatas (Kanpur), katras (Delhi), bustee (Kolkata), zopadpattis (Maharashtra), cheris (Chennai), katchi abadis (Karachi), watta, pelpath, udukku or pelli gewal (Colombo); Africa: umjondolo, (Zulu, Durban), mabanda (Kiswahili, Tanzania). In Karachi, the local term katchi abadi (non-permanent settlements) is used, as well as the English ‘informal subdivisions of state land.’ Terms such as villa miseria are specific to Argentina, favelas to Brazil, kampungs to Malaysia and Indonesia, and bidonvilles to France and Francophone Africa – describing precarious settlements made out of iron sheets and tins (bidons). In Egypt, the term aashwa’i is the only one used officially to indicate deteriorated or underserved urban areas », extrait de: Global Report on Human Settlements, UN Habitat, 2003, version revisée 2010, p.12. 7 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 par le capitalisme et le colonialisme à l’échelle mondiale et de la résistance visant à la surmonter et à l’atténuer. Il existe, par conséquent un Sud anticapitaliste, anticolonial et anti-impérialiste (...) »4. Comme pendant sociohistorique des mutations traversant le monde rural, d’une démographie ponctuée par un accroissement radical des inégalités, le processus d’exil socioéconomique ou environnemental vers les villes et le tout désigné « monde des taudis » s’accentue inexorablement au fil du XXe siècle 5 . Offrandes aux totems de la ville et du modèle de développement néolibéral, les « taudis » apparaissent tout désignés comme le foyer des populations déplacées, diminuées ou vulnérables : le refuge, en somme, des « grands perdants de la mondialisation ». Certains auteurs comme Manuel Castel ou David Harvey voient encore dans l’urbanisation marginale le stigmate historique d’une situation de dépendance6. Que ces « poches de pauvreté » soient par ailleurs situées dans des régions « riches » ou « pauvres », « développées » ou « en transition », l’approche « épistémologies du sud » renvoie bien, 4 BOAVENTURA DE SOUSA Santos, « Épistémologies du Sud », Études Rurales, n°187, 2011, p.21-50 ; Ib Idem., « Hacia un entendimiento postmoderno del derecho », Fronésis, Volume 1, numero 2, 1994, p. 163-177. Voir généralement sur la question des “slums”: DAVIS Mike, Planet of slums, Verso, New York, 2006; RAO Vyjayanthi, “Slum as theory: the South/Asian city and globalization”, International Journal of Urban and Regional Research, vol. 30, no 1, 2006, p. 225-232; GILBERT Alan, “The return of the slum: does language matter?”, International Journal of Urban and Regional Research, vol., 31, no 4, p, 2007, 697-713; Arabindoo, Pushpa. "Rhetoric of the ‘slum’ Rethinking urban poverty." City 15.6 (2011): 636-646; SIMON, David. "Situating slums: Discourse, scale and place." City 15.6 (2011): 674-685. 5 Sur la théorie des espaces périphériques et dépendants Manuel Castel énonce : « De là résulte que le processus d’urbanisation latino-américain soit le résultat de la succession historique des formes distinctes de dépendance sur l’espace spécifique de chaque société. Pensant que ces formes de dépendance incluent les caractéristiques propres de chaque société et que par conséquent, il ne s’agit pas de l’application mécanique du domino externe à l’espace sinon des formes urbaines résultant de l’interaction entre société(s) dépendante(s) et société(s) dominantes(s) dans chaque contexte historique. De fait, le développement inégal qui s’exprime à travers les différences et les contradictions au niveau mondial, se manifeste également à l’intérieur de chaque territoire national (avec des villes d’attraction et des zones rurales de répulsion, ainsi comme au sein des structures urbaines de chaque grande ville. De manière plus concrète, dans les métropolis latino-américaines coexistent des centres de commerce liés aux multinationales, les appareils administratifs dépendants de la centralisation étatique, les industries liées au processus de substitution des importations et la masse de population structurellement flottante provenant de la destruction des secteurs productifs et d’économies régionales dominées. La métropolis latino américaine se définit justement par la coexistence articulée de ces deux mondes : du capitalisme dépendant des multinationales et des colonies prolétaires où s’agroupent les restent d’une société déstructurée. Et une telle coexistence n’est pas une dualité accidentelle, sinon la forme spécifique des sociétés dépendantes dans une nouvelle phase de la dépendance : c’est le résultat nécessaire du processus de développement économique et urbain (…) » : extraite et traduite personnellement de CASTEL Manuel, Crisis urbana, estado y movimientos sociales en las sociedades dependientes latinoamericanas, México, FCE, 1979, p.1-2. David Harvey observe que « dès leurs origines les villes ont été édifiées à travers la concentration géographique et sociale du produit d’un surplus. L’urbanisation a toujours été lié donc à des phénomènes de classe considérant que ces surplus ont êtes extraits de quelque part ou de quelqu’un (en général une paysannerie oppressée) alors que le contrôle sur les dépenses de ce surplus repose typiquement dans un nombre limité de mains. » extrait de : HARVEY David, « The right to the city », New Left review, volume 53, September-October 2008. 6 8 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 sur un plan symbolique, aux périphéries de la métropole moderne et de villes-vitrines « devenues monde ». Chemin faisant et affinant ce premier survol, l’histoire contée de la croissance urbaine marginale des villes du Sud et, plus spécifiquement de l’urbanisation sud-américaine, laisse rapidement apparaître des zones d’ombres. Le caractère dissonant et souvent même contradictoire des mises en récit du taudis, d’une « vie de bidonvilles » interpelle. L’évocation du trait de « marginalité », alors que la formation desdits « asentamientos » — slums, bidonvilles — apparaît désormais comme un phénomène catalyseur de majorités, de « massivités » sans précédent à l’échelle globale, trouble à divers égards : - La proportion de citadins occupant lesdits « asentamientos humanos » — estimée à une personne sur sept soit prêt d’un milliard d’humains — ne définit-elle pas, par inertie, un patron d’urbanisation mondiale ? - L’acquisition progressive des services d’eau, d’électricité, la contractualisation de services de transport, de sécurité ou de gardiennage, en un mot, les produits tangibles d’un effort collectif de « consolidation », d’une intelligence sociale inscrite dans l’espace et dans le temps7, ne révèlent-ils pas une certaine versatilité du stigmate et de la temporalité urbaine marginale ? L’aménagement des conditions de vie quotidienne, les échanges économiques et modalités d’accès à l’emploi qui s’y organisent ne dessinent-ils pas, autrement dit, une norme d’habitabilité urbaine “globale” au XXIe siècle ? - Le patron historique de croissance urbaine marginale des villes du Sud n’engage-t-il pas de même, sur un registre voisin, l’empreinte de l’humanité sur l’écosystème terrestre ? La marge urbaine ne constitue-t-elle pas, en ce sens, un chapitre des plus significatifs à l’heure de mesurer le saut à l’aveugle de l’humanité dans l’Anthropocène8 ? 7 Voir : MONNET, Jérôme, 'Pitié pour les grandes villes !', Cybergeo : revue européenne de géographie / European journal of geography, février 1997. 8 CORLETT Richard, 'Review: The Anthropocene concept in ecology and conservation', Trends in Ecology & Evolution, 2015, vol.30, p.36; STEFFEN, GRINEVALD, CRUTZEN, Paul, et al. “The Anthropocene: conceptual and historical perspectives”, Philosophical Transactions of the Royal Society of London A: Mathematical, Physical and Engineering Sciences, 2011, vol. 369, no 1938, p. 842-867. 9 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le phénomène ne relève-t-il pas en somme et finalement, d’un point de vue aussi bien - quantitatif que qualitatif9, du fait “majoritaire” plutôt que “marginal” ? Une certaine précaution quant au choix des mots et, in fine, au primat du prisme intellectuel “urbain marginal”, apparaît de rigueur à la lecture des questionnements soulevés ci-dessus. L’opportunité axiologique du concept de “marginalité” semble devoir être nuancée. Les réflexions en cours sur la décolonisation des épistèmes engagent, tout du moins, à la questionner ou à la préciser10. « Vivre sur la ‘frontière’ c’est vivre à la marge sans pour autant vivre une vie marginale »11 : « marges » et « marginalités » aux yeux de qui, de quelles temporalités, de quels modes de vie, là semble bien résider la question à mettre à l’ordre du jour. Le processus sociohistorique d’intégration des asentamientos à la trame urbaine emporte, ensuite et de manière beaucoup moins questionnable, semble-t-il, un processus de « territorialisation » 12 . Un pas en retrait de la fièvre « slumdog », le travail minutieux de reconstruction des « histoires oubliées »13 de la « favela » ou du bidonville, met progressivement à jour la mosaïque des patrons de consolidation de l’asentamiento humain. La phénoménologie d’un rapport à l’espace urbain, à la « ville », caractéristique d’une formation progressive en « quartiers » ou 9 UN-HABITAT, « State of the world's cities 2010/2011: bridging the urban divide”, Earthscan, 2010. 10 VARLEY Ann, « Postcolonialising informality? », Society and Space, 31.1, 2013, p. 4-22; GROSFOGUEL Ramón, « Decolonizing post-colonial studies and paradigms of political-economy: Transmodernity, decolonial thinking, and global coloniality ». Transmodernity: Journal of Peripheral Cultural Production of the Luso-Hispanic World, 2011, vol. 1, No. 1; du meme auteur: « Decolonizing Western uni-versalisms: decolonial pluri-versalism from Aimé Césaire to the zapatistas ». Transmodernity, 1.3 (2012): 88-104. 11 BOAVENTURA DE SOUSA Santos, « Three Metaphors for a New Conception of Law: The Frontier, the Baroque, and the South », Law and Society Review, 29, 4, 1995, p. 569-584. Yannick Brun-Picard définit généralement le processus de ‘territorialisation’, terre ferme des propos à venir, comme :« Une action de marquage, de définition, et d’institutionnalisation d’un territoire réalisée par la mise en œuvre de la différenciation qui permet sa constitution, par l’emploi du concept de réentrée en spécifiant les nouveaux caractères en fonction du passé pour constituer le futur, par l’utilisation du concept de rupture/continuité qui territorialise en fonction des données extérieures aux territoires ainsi constitués. Le tout est inscrit au sein de l’interface humanité/espaces terrestres, du fait de l’imposition de règles propres aux hommes sur les espaces. Elle est donc une étape menant au territoire, par la volonté de mise en forme de démonstrations et d’appropriations qui découlent de cette action. Elle est une action naturelle (griffure pour l’ours, barrière pour l’homme) à la fois consciente et/ou inconsciente en plantant des piquets dans le sol pour créer une délimitation ou en montrant de l’agressivité lorsqu’une personne pénètre dans un espace (territoire) cognitif qui nous sert mentalement de tampon avec les agressions de la réalité.» in : Yannick BRUN-PICARD, L'humanisme géographique, Thèse présentée à la faculté d'études supérieures de l'Université Laval, mars 2005, version consultée du 12 juillet 2010, p.345-346. 12 13 DE ALMEIDA Abreu Mauricio, LE CLERRE Gérard, « Reconstruire une histoire oubliée. Origine et expansion initiale des favelas de Rio de Janeiro », Genèses, « Territoires urbains contestés », vol.16, 1994. pp. 45-68; GONÇALVES, Rafael Soares, Les Favelas de Rio de Janeiro: Histoire et droit-XIXe et XXe siècles, Éditions L'Harmattan, 2010. 10 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 en « barrios » se dessine. Le schéma de consolidation intergénérationnelle des asentamientos urbains marginaux répond, dans une large mesure, au paradoxe d’un pointage et d’une institutionnalisation par ou à travers le marquage, à la fois spatial, symbolique et chemin faisant juridique d’une altérité. La territorialisation de l’espace périurbain entérine un changement de destination du sol. La loi ratifie l’acte de décès d’une campagne, « del campo ». Le phénomène nourrit inversement la promesse d’une institutionnalité nouvelle, en devenir, du « secteur », « barrio » ou du « lotissement urbain ». Le découpage de l’espace et de la réalité écologique des territoires procède, à l’évidence, d’un entendement fortement anthropocentré de l’espace habité. La mobilisation de critères de frontérisation tour à tour politiques, symboliques, ethniques ou idéologiques, imprime « de fait » une marque très singulière sur la marche du système juridique. L’état de droit moderne, entendu, en démocratie et « a minima », comme principale entité régulatrice à l’échelle du territoire national et, a fortiori, urbain, œuvre généralement à la territorialisation des asentamientos. Le droit émanant des actes de gouvernance publique participe activement, en d’autres termes, au démarquage des espaces urbains marginaux. Le grand récit de la périphérie des villes du Sud, problématisée dans son rapport à l’institution de l’état de droit « social » ou « moderne », offre des lectures souvent dissonantes d’une « juridicité » somme toute latente14. Un premier angle de vue, « aérienne » ou « panoramique », fait fréquemment état, à titre préliminaire, d’une situation d’éloignement et de rupture avec l’ordre juridique étatique. Le bouleversement des usages fonciers, des modes de vie et des écosystèmes habillant, par convention, l’idée de croissance urbaine « marginale » interrompt le flux « ordinaire », s’il en était un, de réalisation du droit en société. La présence de l’autorité publique est décrite comme résiduelle sur des fragments a priori « oubliés », « reclus » du territoire de l’État-nation. La régulation de la vie sociale échappe, dans un premier temps et suivant ce scénario, à l’emprise de l’état de droit moderne et de la « revolucion ciudadana ». La mise en œuvre et la « modernisation » des régimes d’occupation du sol, la réforme de la responsabilité civile, pénale, de même que l’ambition de garantir les droits fondamentaux, se trouveraient a priori différées, altérées. C’est en somme l’image d’un « limbo », désert ou friche institutionnelle qui prédomine et engage, à terme, l’intervention normative de l’État. Face aux carences administratives et régulatrices du passé, le droit transitoire de la « légalisation » et 14 SIMON David, “Situating slums: Discourse, scale and place”, City, 2011, vol. 15, No. 6, p. 674-685. 11 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 de la « régularisation » des asentamientos « spontanés » constitue au regard de ce premier type d’approche la pierre angulaire du processus d’une territorialisation accompagnée par le droit. Un second angle de vue, celui « de la rue », de « l’anthropologue », dépeint alternativement la croissance urbaine marginale de la ville latino-américaine comme un phénomène producteur de droit (s). La norme de survie est alors perçue comme point d’origine des règles organisatrices du vivre ensemble. Le rapport du citoyen à la loi étatique, à l’autorité publique et territoriale, est retracé sous les traits d’un phénomène luxuriant, à la fois complexe et hétérogène15. Les traits dominants de la caricature n'apparaissent plus, peu ou prou, ceux du territoire de « non-droit », d’un « no man’s land » ou d’une « tierra de nadie », mais bien ceux d’un pluralisme juridique « radical », orchestré par la conquête du « droit à la ville ». Gunther Teubner énonce par exemple et avec une certaine éloquence sur ce registre : « Le pluralisme juridique est la loi des favelas brésiliennes, les contre-règles informelles du patchwork de minorités, les quasi-lois des groupes ethniques, religieux et culturels dispersés, les techniques disciplinaires de la « justice privée », la pluralité des lois non étatiques en association, organisations formelles et réseaux informels où ils trouvent les ingrédients de la postmodernité : le local, le pluriel, le subversif. La multitude des « discours fragmentés » qui sont hermétiquement fermés les uns aux autres peuvent être identifiés à travers de nombreuses formes de droit relativement informel qui génèrent de manière relativement indépendante de l’Etat et qui opèrent à différents niveaux de formalité. Regarder le « côté obscur » de la majestueuse règle de droit, le pluralisme juridique redécouvre le pouvoir subversif des discours supprimés. Pluriel, informel, quasiGarcia Villegas dans le cadre des travaux engagés au sein de l’Institut latino-américain pour le développement du droit alternatif (ILSA) livre son point de vue sur cette ambivalence qu’il étend à l’ensemble de la région latino-américaine : « D’une part le droit suscite la méfiance, le recel, la rébellion ou simplement le manque d’autorité quand il s’agit de se soumettre aux normes qui régulent la vie quotidienne. Le système juridique étatique réduit la visibilité des droits des citoyens. La citoyenneté est plus un devoir qu’un droit. De ce constat nait un comportement citoyen complexe et hétérogène : la soumission à la loi est tout du moins exclue, négociée ou, dans le meilleur des cas, adaptée à chaque nouvelle situation. D’ici l’existence en Amérique latine de nombreux environnements légalement autonomes (pluralisme juridique), caractérisés a minima para la résistance individuelle et collective contre le droit et l’État. D’autre part, cependant, le droit éveille des espérances et de la confiance quand il s’agit de créer ou de réformer le contrat social en vue d’une société plus juste. » Traduction personnelle de: GARCIA VILLEGAS Mauricio, “notas preliminares para la caracterizacion del derecho en Amreica Latina”, El otro derecho, n°26-27, Abril 2002, ILSA, Bogota, Colombia. 15 12 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 droit local sont vus comme des « suppléments » du centralisme formel de l’ordre juridique moderne »16. La purge des conflits de « normativités » ou de « proximité » nés de l’occupation irrégulière du sol façonne progressivement la géographie du droit de la ville. La territorialisation de l’espace urbain marginal accompagne autrement dit, un phénomène de densification normative « par le bas »17. Au rythme des luttes pour la conquête des droits et d’un point de vue politique, des votes, le système juridique mute, se réinvente. Le droit apparaît plus que jamais « vivant » : « ibi societas, ibi ius ». Entendues dans un sens comme dans l’autre, les approches d’une territorialisation comme « produit d’un processus normatif » ne manquent pas de soulever, juste retour des choses, la question d’une « territorialité »18 du droit des établissements humains spontanés. 16 Traduction personnelle de: TEUBNER, Gunther, « Two Faces of Janus: Rethinking Legal Pluralism », The Cardozo Law Review, vol. 13, 1991, p. 1443; Proposant une approche complémentaire Santos Boaventura de Sousa énonce: « Legal pluralism is the key concept in a post-modern view of law. Not the legal pluralism of traditional legal anthropology in which the different legal orders are conceived as separate entities coexisting in the same political space, but rather the conception of different legal spaces superposed, interpenetrated and mixed in our minds as much as in our actions, in occasions of qualitative leaps of sweeping crises in our life trajectories as well as in the dull routine of eventless everyday life » extrait de: Boaventura de Sousa Santos, "Law: A Map of misreading. Toward a postmodern conception of law", Journal of Law and Society, 14, 1987, 293; du même auteur: “Modes of production of law and social power”, International journal of the sociology of law, vol 13, 1984, pp. 115-138; voir aussi sur la question du pluralisme juridique, la distinction entre « pluralisme vrai » et « pluralisme authentique » proposée par Norbert Rouland: “Il existe deux types de pluralisme, dont seul le second est authentique: celui autorisé par l’Etat et celui qui échappe à son contrôle. Le pluralisme étant l’adversaire fondamental de l’ambition unitaire de l’État (...) le pluralisme n’est que façade, et se coordonne fort bien avec une politique unitaire et centralisatrice (l’État reste le seul maître du jeu).” In Rouland Norbert, Anthropologie juridique, PUF, coll. “Droit fondamental”, Paris, 1988, 496 p., p.88-89; voir enfin: Sally Moore "Law and social change: the semiautonomous social fields as an appropriate object of study", Law and society, vol 7, 1973, p.719-746; TAMANAHA, Brian Z. “Understanding legal pluralism: past to present, local to global”. Sydney L. Rev., 2008, vol. 30, p. 375; WOLKMER, Antonio Carlos, Pluralismo jurídico: fundamentos de una nueva cultura del derecho, Colección universitaria/Mad.Textos juridicos, 2006; Maldonado, Daniel BONILLA "Extralegal Property, Legal Monism, and Pluralism." The University of Miami InterAmerican Law Review 40.2 (2009): 213-238. 17 Pour des approches méthodologiques similaires : RAJAGOPAL, Balakrishnan, International law from below : development, social movements and Third World resistance, Cambridge University Press, 2003; voir aussi Santos, BOAVENTURA DE SOUSA y al., El derecho y la globalización desde abajo: Hacia una legalidad cosmopolita, Anthropos Editorial, 2007. Pour une définition générale du concept de « territorialité » : « Territorialité : ensemble non fini d’éléments, de caractères, de valeurs, de composants, de référents, de rapports, de nature propre et de fonctionnalités constituant une structure et un corps à une construction territoriale physique, cognitive ou virtuelle lui donnant son identité politique, économique ou sociale. Cette structure perceptible, déterminable et reproductible est soumise à l’ambivalence de l’objectivité de ses acteurs et de la subjectivité de tout observateur. Cette structure associe, au sein d’une mouvance phénoménologique, des constituants subjectifs et objectifs dépendants de la géographicité de chaque individu et collectivité qui s’exprime dans/sur les espaces terrestres ou virtuels. La détermination de ces spécificités se réalise par l’emploi des concepts de différenciation, de moindre contrainte, de rupture/continuité, de réentrée et de temporalité, regroupé au cœur de l’interface humanité/espaces terrestres, objet de 18 13 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Partant d’une telle hypothèse, rappelons, en guise de parenthèse introductive, que le projet de recherche prend racine dans le terreau « guayaco ». Le travail s’inscrit dans une expérience de vie nettement circonscrite à l’Équateur. Il laissera pleinement ouverte la question des possibilités, et des conditions éventuelles, de son extrapolation à des réalités jumelles. Des scénarios emblématiques tels que ceux de Quito, Bogota, Lima, Caracas, Panama, La Paz, Mexico et leurs consœurs brésiliennes présentent en effet l’immense défaut, dans l’expectative du très prochain clonage humain ou d’un ticket gagnant au « poso milionario » — la loterie nationale —, de ne pouvoir être « vécues » qu’à travers le reflet déformant des discours de gouvernance internationale. La littérature apparaît bien souvent parsemée à ce sujet. La comparabilité du cas de Guayaquil relève bien, en somme, d’une simple et fragile hypothèse de recherche. La construction d’un tel critère ou « pont de comparabilité » entre les villes du Sud constitue, autrement dit et jusqu’à preuve du contraire, l’objet d’un programme de recherche en suspens. Refermant la parenthèse, observons à présent dans quelle mesure la tectonique des plaques, née du paradoxe « d’inclusion-dissociation » juridique des asentamientos à la trame urbaine, met en cause le projet et les conditions fragiles du vivre ensemble, du « buen vivir ». Les retouches successives de « régularisation-spécialisation » du « régime juridique » applicable à l’espace et à l’état des personnes mettent en péril la légitimité sociale de l’action publique, les choix d’un gouvernement de la ville « par et avec l’arme du droit ». La capacité de l’état à gouverner un territoire, à respecter et faire respecter les règles du jeu démocratique, et, plus fondamentalement encore, à sauvegarder la valeur intrinsèque des milieux, des individus et des communautés qui le composent — « l’habitat » —, représente, en d’autres termes, une source de conflit social à l’aube de l’Anthropocène. Le risque avéré de violences systémiques, d’une instrumentalité du droit et de ses usages, par et au profit de groupes sociaux « dominants », fait planer l’ombre d’un rapport discriminatoire et traumatisant aux formes et aux figures de l’institutionnalité, à un « droit des autres ». Le processus de territorialisation exacerbe, en somme, certaines vulnérabilités rémanentes à l’entreprise de régulation et de « pacification » des rapports sociaux par l’intermédiaire de l’État de droit moderne… Les vagues d’éviction forcées, la chasse de l’autorité municipale aux vendeurs ambulants, en sonnent de tristes et fréquents rappels dans l’actualité des asentamientos. Les idéologies du Développement, la géographie. » Extrait de : Yannick BRUN-PICARD, L'humanisme géographique, Thèse présentée à la faculté d'études supérieures de l'Université Laval, mars 2005, version consultée du 12 juillet 2010, p.345-346. 14 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 portées tour à tour par la municipalité, l’État central et, plus généralement, l’ensemble du réseau des acteurs de gouvernance, trébuchent inévitablement sur la réalité des territoires. À l’échelle du projet doctoral, l’énoncé du présupposé de recherche ira généralement de pair avec l’observation et le vécu expérientiel d’un phénomène procédant de telles tensions. Les acteurs juridiques « professionnels » s’exposent, du simple fait d’une immersion croissante de leurs pratiques dans l’orbite de ces « contextualités » ou « territorialités » urbaines marginales’19, à un continuum de contraintes, de dilemmes et de conflits de légitimation sociale. L’opportunité, les méthodes, ainsi que les motifs de l’agir juridique professionnel, semblent questionnables. Précisant la piste de réflexion, la mise en cause de la fonction sociale des acteurs juridiques « professionnels » évoquée dans l’intitulé de la thèse ne relèverait pas, en ce sens et a priori, d’un questionnement spontané. Cette dernière prend généralement racine dans le déchiffrage d’une problématique rémanente d’acceptabilité socio-environnementale du droit, de ses usages et, plus justement sans doute, de ses formes particulières d’expression et de réalisation aux prises avec la formation et la consolidation desdits asentamientos. Le tissage et la nature des liens établis entre l’acteur juridique « professionnel », l’ordre ou système juridique « de référence » forgé dans l’ombre d’un lointain totem colonial, du mythe constituant et fédérateur de l’état de droit social et de la « revolucion ciudadana », présentent la particularité de placer les juristes dans une situation complexe à divers égards. La doctrine déploie classiquement, face à l’état de différentiation des rapports individuels et collectifs à l’institution du droit et à ses pratiques, un important arsenal analytique. La distinction catégorique, classiquement opérée entre, d’un côté, le « juriste’ 20 , le « travailleur’ 21 ou le 19 Distinguons en terme général le concept de « contexte » de celui de « contextualité » dans une optique similaire à la distinction pouvant être opérée entre « réel » et « réalité ». L’évocation de la « réalité » ou de la « contextualité » renvoient respectivement au jeu d’habillage du « réel » et du « contexte » à travers la médiation du ‘soi’, de la psyché de l’acteur juridique. Sur la question du ‘droit en contexte’: BAILLEUX, OST, « Droit, contexte et interdisciplinarité: refondation d'une démarche », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2013, vol. 70, no 1, p. 25-44. ; GEA Frédéric, « Brèves réflexions sur l'identité et la (con)textualité du droit », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2013/1 (Volume 70), p. 99-107. 20 KOUAM, Siméon Patrice, 'La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique)', Les Cahiers de droit, vol.4, 2014 ; BAUZON Stéphane, Le métier de juriste : du droit politique selon Michel Villey, Sainte-Foy Québec : Presses de l'Université Laval, Sainte-Foy, 2003 ; Véronique CHAMPEIL DESPLATS observe sur ce registre : « Le mot « juriste » mérite lui-même d'être décomposé. Il peut renvoyer aux autorités normatives, 15 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « professionnel du droit » — « abogado » ou « lawyer » sur le plan du droit comparé — et, de l’autre, la personne « biojuridique 22 » (rattrapée momentanément par sa condition « d’usagère du droit », de « profane » et même parfois de « non-sujet ») éclaire une configuration structurelle des rapports individuels ou collectifs « au droit » et, chemin faisant, des rapports « de droit ». Le processus de dissociation et de catégorisation se trouve évoqué, d’une manière tout à fait éclairante, par Danièle Lochak dont le propos est repris ci-dessous : « Les détenteurs du savoir juridique sont donc en nombre limité. Il y a d’abord ceux que l’on appelle les “praticiens” du droit : avocats et magistrats, conseils juridiques, notaires... ; ensuite, les professeurs de droit, qui transmettent le savoir juridique et jouent un rôle capital dans sa formulation et sa systématisation ; on peut également inclure les membres de certaines professions amenés à fréquenter et appliquer quotidiennement le droit : cadre d’entreprise (…) ou fonctionnaires, formés pour la plupart dans les facultés de droit ; enfin, il y a tous les acteurs individuels ou collectifs de la vie sociale qui détiennent, à titre professionnel ou non, des fragments du savoir juridique dans les domaines qui les concernent directement, tel le syndicat qui connaît sur le bout des doigts le contenu des conventions collectives ou la législation sur le licenciement »23. Dans quelle mesure cette distinction charnière, familiarisée à travers les théories « réalistes » et « critiques » du droit, paraît-elle particulièrement significative dans l’orbite urbaine marginale ? Pourquoi l’essai de transposition d’une telle approche, dans l’orbite des contextualités urbaines marginales, paraît-il opportun ? c'est-à-dire aux autorités habilitées à produire des normes juridiques (le législateur, les juges, l'administration…), ou à celles et ceux qui analysent ou commentent l'activité de ces premières. » in CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, Méthodologies du droit et des sciences du droit, Dalloz, 2014, p.11. MÜLLER, Friedrich, Discours de la méthode juridique, voir en particulier « le sujet de la concrétisation », Ébauche d’une méthodologie juridique, Presses universitaires de France, 1996, p.227-229 ; JOUANJAN, Olivier, "D’un retour de l’acteur dans la théorie juridique », Revue européenne des sciences sociales. European Journal of Social Sciences XXXIX-121, 2001, p. 55-64. 21 22 BAUZON Stéphane, La personne biojuridique, Presses universitaires de France, 2006. 23 LOCHAK Danièle, « Conclusions, Les usages du savoir juridique », in : Les usages sociaux du droit, Presses universitaires de France, 1989, p.328. 16 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Observons, dans le sillon de ces questionnements liminaires, une possible ramification des angles d’attaque. Les registres à partir desquels spécifier le caractère problématique du rapport institué entre « professionnels » et « usagers » du droit dans l’orbite des marges urbaines apparaissent, de prime abord, multiples et variés. Exposés aux rayons de la territorialisation, les « travailleurs du droit » ne sauraient tout d’abord échapper à la mise en cause du lien unissant la conduite des usages et pratiques professionnelles à la figure symbolique de l’État, au gouvernement de la ville24 et à ce que la doctrine désigne parfois comme l’univers des relations de « guichet’25. Les juristes ne sauraient de même se soustraire au questionnement des modalités d’adaptation du « service », des normes et méthodes du travail juridique à la contextualité urbaine marginale. Affinant la circonscription des points névralgiques dont l’examen animera la suite des analyses, les propos suivants remontent progressivement des racines vers les branches mères de notre « arbre de problèmes ». Quatre artères d’excavation « transversales » sont distinguées cidessous. - Une première ramification de la problématique tiendra à l’état général d’instrumentalité des usages et pratiques professionnels et à la mesure de leur placement au service d’une politique de gouvernance urbaine. Comme acteurs juridiques « lato sensu », les travailleurs du droit demeurent, en tout état de cause et par définition, les accessoires d’un pouvoir institué. - Es qualités, les acteurs juridiques « professionnels » intègrent, par convention, un groupe d’agents auxquels l’ordre juridique étatique attribue, à travers la production d’énoncés normatifs, un ensemble d’attributs et de fonctions réputées particulières au sein du groupe social « dominant’ 26 . Ces derniers apparaissent, dès lors et en tout état de cause, 24 Le concept de « gouvernement de la ville » est entendu spécifiquement ici comme noyau dur du phénomène de ‘gouvernance urbaine’. 25 Voir généralement : Dubois. La vie au guichet relation administrative et traitement de la misère. 2e édition éd. Paris: Économica, Études politiques, 2003; SARAT, Austin «The Law Is All Over": Power, Resistance and the Legal Consciousness of the Welfare Poor," Yale Journal of Law & the Humanities, 1990, Vol. 2: Iss. 2, Article 6. Pour une définition du concept d’acteur juridique voisine : « Système juridique : 1. Le système juridique est constitué d’un ensemble d’énoncés à fonction prescriptive produits par les acteurs juridiques. 2. Les acteurs juridiques sont ceux qui sont désignés comme tels par les énoncés du système juridique ». Extrait de : CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, « Proposition pour une théorie des contraintes juridiques » in : Michel TROPER, Véronique CHAMPEIL-DESPLATS et Christophe GRZEGORCZYK, Théorie des contraintes juridiques, Bruylant/LGDJ, 2005, p.13. 26 17 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 particulièrement exposés au jeu des recompositions d’une condition d’agent : agents d’un système de pensée, d’une idéologie27, d’un langage et, in fine, de pratiques coutumières d’un gouvernement des humains, du vivant et des espaces par le droit. - Remontant progressivement vers le nœud de la discorde, l’éventail des pratiques décisionnelles et argumentatives gravitant autour de la règle de droit et conformant, très schématiquement, l’architecture centrale des usages et pratiques professionnelles du droit « en sociétés », laisse par définition une empreinte singulière sur l’opération des systèmes juridiques. Cette situation singulière tend, dès lors, à apparaître elle-même à la fois comme l’attribut et la promesse d’un « pouvoir » — a fortiori, d’un « contre-pouvoir » ou pouvoir de “résistance” —. Usages et pratiques professionnelles, entendues comme “pièces et rouages constitutifs de l’appareil ‘droit’ », tendent, dès lors et à ce titre, à faire l’objet d’une régulation politique et juridique propre. Lesdits acteurs de gouvernance — ‘communauté des professionnels du droit’ incluse — s’affairent sur ce registre à des travaux de clôtures discursives, logiques et normatives en vue de préserver la marche du système institué. La nébuleuse de l’État de droit moderne — mais surtout la minorité des individus venant à constituer son enveloppe charnelle — veille, en d’autres termes, à inscrire les conditions d’une ‘confiance légitime’ en ses institutions et modes opératoires dans le temps et dans l’espace. L’administration publique et les acteurs de gouvernance organisent et communiquent les termes de leur légitimité à intervenir sur la réalité socio-environnementale du territoire urbain marginal. Chemin faisant, la ‘cathédrale’ répond ‘publiquement’ du pouvoir conquis et retenu par ses agents. L’agir juridique ‘professionnel’ et la variété des pratiques en périphérie des villes du Sud n’apparaissent pas, à l’évidence et en guise de synthèse provisoire sur cette question, libre de tout déterminisme systémique, méthodologique ou normatif 28 . Le système juridique produit et sécrète ses propres contraintes de légitimité ou d’efficience au contact de la contextualité urbaine marginale. MILLARD, Eric, 'L’État de droit, idéologie contemporaine de la démocratie’, Boletín mexicano de derecho comparado, 2004, vol.37, p.111. 27 Lorsque l’on parle ici de liberté professionnelle, on se réfère bien à une liberté au sens « juridique »… « Dire que l'interprète est juridiquement libre implique que son comportement est arbitraire et capricieux uniquement si la liberté, au sens juridique du terme, c'est-à-dire le droit d'accomplir n'importe quelle action ou de donner n'importe quel contenu à ses décisions, était la même chose que la liberté au sens philosophique, l'absence de tout déterminisme. » in : TROPER, Michel, CHAMPEIL-DESPLATS Véronique and GRZEGORCZYK Christophe, Théorie des contraintes juridiques, Bruxelles Paris : Bruylant LGDJ, Bruxelles Paris 2005, p. 3. 28 18 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - Poursuivant la logique d’une problématisation par ‘association’ ou ‘instrumentalisation’, l’acteur juridique professionnel entretient, de qui plus est, une relation singulière de dépendance avec cet ordre juridique étatique ‘de référence’. Ce dernier en tire très généralement un parti, qu’il s’agisse d’un statut ‘socioprofessionnel’ ou, plus pragmatiquement encore, les conditions économiques de sa subsistance. Usages et pratiques professionnelles du droit en ville restent exposés en d’autres termes, depuis leur face ‘interne’ comme ‘externe29’, aux reflets d’une communauté identifiée sur la base d’un critère aussi bien sociohistorique que juridique. Dépositaires présumés d’ « acquis », de « connaissances » ou de « savoir-faire » techniques fondamentalement attachés à l’exercice et à l’expression de l’autorité et de la puissance publique, le travailleur du droit demeure captif du rapport entretenu au système juridique étatique. Cette posture intermédiaire ne manquera pas d’ambigüité une fois considérée aux portes de l’asentamiento. - Une seconde ramification de la problématique tiendra ensuite à la mesure et à la consolidation d’une fonction d’intermédiation juridique « professionnelle » dans les interstices de l’entreprise de gouvernance urbaine. - Un corpus d’usages et de pratiques, conquis à la fois « dans » et « sur » le champ desdites « possibilités institutionnelles », émerge dans l’entremise d’un rapport bien souvent accidenté entre le foyer urbain marginal et les diverses figures de l’autorité publique. La « fonction sociale de l’acteur juridique professionnel » se distingue, en somme et assez fondamentalement, de celle préalablement assignée à « l’agent du droit » et de l’idéal type de l’acteur parachuté « au service du droit, muni d’une trousse à outils biens calibrés en vue d’accomplir une « mission » ou fonction régalienne. - La mise en culture du champ des libertés professionnelles -respectivement envisagées comme « libertés d’entreprise du droit », « libertés d’exercice professionnel du droit » 30 et « Les formes et les apparences que prend le droit pour celui qui l’observe de l’extérieur, c'est-à-dire sans vouloir connaître ou vouloir tenir compte de sa logique propre, des articulations qu’il comporte et des artifices dont il se sert pour assurer son unité et sa cohérence. » extrait de : ORIANNE, TERRÉ, Apprendre le droit: éléments pour une pédagogie juridique, Éd. Frison-Roche, 1990, p.159. 29 Alain Supiot, citant le Conseil d’État en France énonce sur ce registre que la liberté professionnelle désigne en droit en droit du travail et dans son sens le plus générique un principe de « libre accès à l’exercice par les citoyens de toute activité professionnelle n’ayant fait l’objet d’aucune limitation légale » extrait de : SUPIOT Alain, Le droit du travail, Les libertés professionnelles (Chapitre IV), Que sais-je ? p.47. 30 19 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « libertés du travail juridique » essentielles à tout système démocratique — peut être observée dans le giron d’une série de dialogues : - - « travailleurs du droit et habitants de l’asentamiento », - « travailleurs du droit et autorités publiques » et, finalement, - « travailleurs du droit et employeurs » Se dessine, dans le sillon de ce processus de dissociation, un panel de figures publiques gravitant autour de l’asentamiento. « Avocats des pauvres », « facilitateurs administratifs » ou « tramitologos », « leaders populaires », « dirigeants communautaires » : tous adaptent et mobilisent un fragment dudit savoir-faire juridique « professionnel ». Ils partagent une séquence de gènes « codante » et, ici encore, porteuse d’une empreinte sociale significative. - Le rapport institué, de manière plus ou moins directe au profane et à la « communauté », se diversifie. Une instrumentalité bien particulière des usages et pratiques du droit se définit progressivement. Usages et pratiques professionnelles du droit participent, par exemple, à la formation et à la défense des causes sociales ou environnementales. Ils accompagnent la conduite de négociations avec les autorités publiques en vue du rattachement administratif et sanitaire à la trame urbaine. Le travail juridique répond, inversement, à une logique de substitution à l’autorité publique. Il facilite le déploiement de capacités normatives et régulatrices « locales » face à la carence ou au dépassement temporaire des moyens publics — organisation des conditions de vie collective, médiation des conflits de proximité et sanction des comportements considérés comme « déviants ». - La résilience d’agendas et d’intérêts financiers fomente, en dernière instance, le développement des marchés immobiliers. Usages et pratiques du droit potentialisent sur ce registre la spéculation foncière et le trafic de parcelles habitables, promises par le jeu du lobbying politique et juridique à une prochaine vague de « légalisations ». - Chacune des situations d’engagement des usages et pratiques professionnelles évoquées cidessus confirme l’émergence d’un pouvoir local, dans l’ombre de la gouvernance urbaine. Chemin faisant, les risques de déraillement du système se précisent. 20 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - Une troisième ramification de la problématique tiendra ensuite au constat d’une technicité croissante du droit des espaces urbains marginaux, virage épistémologique luimême révélateur d’un schéma de spécialisation des usages et pratiques professionnels. La formation et la consolidation des asentamientos engagent — au même titre par ailleurs que certains projets de démantèlements opérés dans le cadre de la légalité —, un chemin long et tortueux d’arbitrage des conflits de proximité et de juridiction. Un méticuleux travail de réparation et d’harmonisation des réseaux de normes sociales et juridiques court-circuités au fil de la territorialisation s’engage sur une période de dix à trente ans. Le basculement progressif de l’étiquette « “invasion” à celle “d’établissements humains consolidés”, le passage du captage artisanal à la mise en réseaux des services » électricité, d’eau, de transport et d’assainissement, reflètent assez nettement un processus de conquête des droits. - Pisarello Gerardo évoque sur ce registre l’enjeu primordial de consolidation des capacités participatives du sujet de droit comme préalable à la réalisation des droits sociaux : « Le pouvoir se discipline comme la conséquence d’actes externes qui l’hétérolimitent. Face à cet état de fait, il semble évident qu’il n’existe pas de tutelle des droits sans institutions obligées à les garantir. Mais il n’existe pas non plus d’institutions “obligées” en l’absence de sujets capables “d’obliger”. Pour cela, les droits, surtout quand ils comportent des limites ou des liens incisifs à l’encontre de l’exercice du pouvoir, sont conquis bien plus que concédés. Et s’ils ne sont pas conquis, ils tendent à perdurer comme lettre morte. Le statut fragilisé des droits sociaux dans les ordres juridiques contemporains s’explique, dans une large mesure, par cette réalité. Ladite crise de l’État social ainsi que la perte progressive de normativité des droits sociaux constitutionnellement reconnus, résulterait inintelligible si l’on ne tenait pas compte de l’affaiblissement des sujets chargés de l’exiger. Cette réalité justifie d’aborder la question de la garantie des droits depuis une autre perspective. Non seulement ni tant comme un phénomène institutionnel, étatique, sinon comme un phénomène social, citoyen »31. 31 Extrait et traduction personnelle à partir du passage original : « El poder sólo se disciplina como consecuencia de actos externos que lo hetero-limiten. Así las cosas, resulta evidente que no hay tutela de los derechos sin instituciones obligadas a garantizarlos. Pero no hay instituciones obligadas en ausencia de sujetos capaces de obligar. Por eso los derechos, sobre todo cuando comportan límites o vínculos incisivos al ejercicio del poder, son conquistados más que simplemente concedidos. Y si no son conquistados suelen permanecer como letra muerta. El estatuto debilitado de los derechos sociales en los ordenamientos contemporáneos se explica, en buena medida, por esta realidad. La llamada 21 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - Sous sa forme la plus courante et sans aucun doute la moins romantique, l’émergence de sujets historiques capables d’obliger, de négocier, de transiger, d’interpréter, d’argumenter ou, dans les cas extrêmes, de renverser la loi étatique, soulève, à un moment donné, la question de l’accompagnement ou du conseil juridique. Un tiers « autorisé » par le système, rompu à ses arcanes, intervient. Ledit processus de « conquête des droits » s’avère, autrement dit, propice à la production et à la valorisation d’un savoir-faire technique souvent précieux. La sollicitation et le développement d’une pratique du droit « de » et « à » la ville, elle-même évocatrice d’une connaissance préalable de l’asentamiento et des grands enjeux de régulation de la croissance urbaine, paraît somme toute évidente. - L’émergence d’une connaissance technique à l’image de tout processus d’innovation et de mise en application de savoirs « acquis » et « reproductibles » soulève une série de problèmes bien connus du droit. La question des modalités de circulation, de transmission et d’accès à ce savoir-faire, celles d’une juste rétribution du travail juridique ; celles des risques d’une entrée dans le commerce — « mercantilisation » ou « offre au plus offrant » —, et plus spécifiquement, d’une instrumentalisation pathogène, à des fins contraires à l’ordre public ou environnemental, paraissent incontournables. - Une quatrième branche de la problématique partira, finalement, d’un constat inverse: l’expérience d’un état de déconnexion plus ou moins prononcée entre, d’un côté, des « moyens » — a fortiori des présupposés aussi bien idéologiques que méthodologiques — généralement attachés à l’usage du droit comme levier d’intervention dans le cadre de politiques et de projets sociaux ou humanitaires et, de l’autre, la nature du besoin et des demandes d’accompagnement juridique « professionnel ». - La fragilité, l’inefficience et le caractère bien souvent éphémère du dialogue entrepris entre juristes et usagers du droit par l’intermédiaire desdits projets « d’aide ou de coopération au développement », « de réforme de la justice », « d’accès au droit », « de participation et de crisis del estado social, así como la progresiva pérdida de normatividad de derechos sociales constitucionalmente reconocidos, resultaría ininteligible sin tener en cuenta el debilitamiento de los sujetos encargados de exigirlos. Esta realidad justifica abordar la cuestión de las garantías de los derechos desde otra perspectiva. No sólo ni tanto como un fenómeno institucional, estatal, sino como un fenómeno social, ciudadano” in: PISARELLO Gerardo, “Los derechos sociales y sus garantías: notas para una mirada "desde abajo"”, extrait de, La protección judicial de los derechos sociales, Christian COURTIS y Ramiro Avila SANTAMARIA (eds.), Serie Justicia y derechos humanos, Neo-constitucionalismo y sociedad, 1ra edición, octubre 2009, p.31-55. 22 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 renforcement des capacités locales » ou « d’empowerment’ 32 — au même titre par ailleurs le dialogue instauré aux guichets des bureaux d’aide et des services d’assistance juridique gratuite 33 — invitent généralement à questionner les conditions de sollicitation et de récursivité des usages et pratiques professionnelles du droit au service du développement local. - Aux prises avec les limites et les artifices de son « art », la communauté des « juristes » « abogados » ou des « legal professionals » —, enrôlée dans les soubresauts du mythe développementaliste, se trouve acculée à des questionnements auxquels elle ne « peut pas » ou « ne sait pas » répondre avec simplicité, en termes « opérationnels ». Au risque du raccourci trivial et contrairement au secouriste de la Croix rouge Internationale intervenant sur la scène d’un accident ou d’une situation à risques, la probabilité pour que le juriste humanitaire fraichement sorti d’usine demeure impuissant face à des traumatismes juridiques34 pourtant bien réels paraît, à ce jour, une hypothèse largement commune. L’atrophie des moyens et des méthodes de diagnostic, tout comme le défaut d’une codification des gestes de première urgence, met directement en cause les déficits d’un cursus, parcours de formation intellectuelle et humaine « aux pratiques du développement local ». Si la greffe des « usages et pratiques sociales » du droit aux réalités d’un territoire et d’une communauté d’habitants ne semble pouvoir prendre qu’à de très rares occasions, quelles sont-elles ? Il restera, aux prises avec les circonstances, à définir si de telles difficultés méthodologiques peuvent, en dernière instance, être dépassées ? À quelles conditions? Dans quelle mesure les usages « sociaux » du droit, dans l’orbite « urbain marginal » sont-ils susceptibles d’être optimisés, systématisés, vulgarisés ? Voir: TAMANAHA Brian, “Primacy of Society and the Failures of Law and Development”, The Cornell International law journal, 2011, vol. 44, p. 209; DAVIS Kevin, TREBILCOCK Michael, “The relationship between law and development: optimists versus skeptics”, American Journal of Comparative Law, 2008, vol. 56, No. 4, p. 895-946. 32 Office partagé, en Équateur, entre les institutions de la ‘defensoria publica’ et ‘defensoria del pueblo’ et une poignée d’organisations de la société civile. 33 Traumatismes généralement liés à l’accès et à l’exercice de la personnalité juridique ou à la destruction de biens et de valeurs juridiquement protégés. 34 23 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 •... instrumentalisation des usages et pratiques professionnels au service du gouvernement urbain •... « spécialisation » et de « technicité » du droit des espaces urbains marginaux. Problématisation du rapport « professionnel — usager »... Problématisation du rapport « professionelusager »... ... dans l’orbite du gouvernement urbain... ... dans l’orbite de la contexturalité urbaine marginale •... résilience des usages et pratiques professionnels dans l’ombre du gouvernement urbain •... extranéité et d’inefficience des usages et pratiques « sociales » du droit. Figure 1 Arbre des problèmes introductif : schéma général de questionnement du rapport « professionnel-usager » en périphérie des villes du Sud Les problèmes soulevés à titre de propos introductif — repris à titre de synthèse dans la figure insérée ci-dessus (Figure 1) — attisent le débat touchant généralement aux conditions d’implication des professionnels du droit au regard de la formation et de la consolidation des « asentamientos ». Ils paraissent de même évocateurs d’un chemin restant à parcourir, non pas seulement sur le plan de la « praxis », mais aussi de la gouvernance. L’accompagnement et l’ingénierie des usages et pratiques professionnelles du droit dans l’orbite de la contextualité urbaine marginale des villes du Sud apparaissent en ce sens comme des enjeux transversaux. La territorialisation des asentamientos emporte, de manière somme toute évidente, une recomposition à la fois normative, discursive et méthodologique de l’agir juridique aux portes de la ville. Le sentiment d’obligation professionnelle, d’abord entendu comme le produit d’un état de crainte — « imaginaire de la sanction » — puis comme celui d’une « responsabilité », au sens 24 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 philosophique de la préoccupation croissante pour un « avenir menacé35 », mute. Le panel des usages et pratiques professionnels s’affirme à la fois comme facteur, outil, condition, mais aussi, et de manière plus troublante, comme une entrave à la transformation sociale 36 . Sa dimension éventuellement marginalisante, discriminatoire ou traumatique dans l’orbite périurbaine ne peut, en tout état de cause, être éludée : des valeurs juridiquement protégées sont menacées. Le risque du « désenchantement » 37 , au moment de toucher terre, paraît de même particulièrement élevé : - des évènements, « situations de fait », contredisent le mythe de l’utilité socioenvironnementale des usages et pratiques professionnelles — états de dissonance entre le droit « en action » et le droit « en projet » — ; - des systèmes normatifs alternatifs tels que la morale, la religion, la justice populaire ou la coutume indigène court-circuitent la marche du système juridique étatique — états de mise en concurrence des usages et pratiques professionnelles avec l’éventail des « us et coutumes » de l’asentamiento — ; - certains éléments fondateurs, rouages constitutifs de la « cathédrale » ou du « complexe juridique », apparaissent de plus en plus invraisemblables. Le confort précaire de la fiction et de la présomption juridiques s’évanouit — états d’incohérence entre « faits d’expérience » et « états de connaissance » —. Penser et concevoir la fonction socio-environnementale des acteurs juridiques constitue, dans de telles circonstances, une condition à la fois particulière et nécessaire au projet d’inscription 35 Citant HANS Jonas : « Quelle que soit la faiblesse de la parole face à la contrainte des choses et face à la poussée des intérêts, elle peut néanmoins contribuer à ce que cette conscience franchisse le pas de la crainte vers la responsabilité pour l’avenir menacé et que nous devenions ainsi un peu plus disponibles pour ce que la cause de l’humanité exigera de nous avec une urgence croissante.», extrait de JONAS, Hans, Le principe de responsabilité, Flammarion, 1995 p.20 cité in SCHÉOU, Bernard, Du tourisme durable au tourisme équitable: quelle éthique pour le tourisme de demain?, De Boeck Supérieur, 2009, p.41. Guy Rocher définit la transformation sociale comme « une transformation observable dans le temps qui affecte d’une manière qui ne soit pas que provisoire ou éphémère, la structure ou le fonctionnement de l’organisation sociale d’une collectivité donnée et modifie le cours de son histoire”, Lexique de sociologie Dalloz, éd.2016. 36 37 Sur la question du « désenchantement » : CHAPELLON S ; TRUFFAUT J ; MARTY F., « Le Père Noël : fonction sociale et destin psychique d’un culte enfantin », Nouvelle Revue de Psychosociologie, n° 16, 2013. 25 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 temporelle, spatiale et « qualitative » des usages et pratiques professionnelles dans l’orbite de la contextualité urbaine marginale38. Annonciateur du tournant micropolitique, auquel renvoie généralement l’idée d’une « pensée de l’agir juridique » — entendue au sens d’une pratique réflexive et structurante du droit et de ses usages à la fois « dans » et « au service de » l’action ou de l’engagement —, Carl Jung écrivait déjà en 1918 : « Une minorité, trop faible encore, se demande si, en définitive, la meilleure façon de servir la société et les hommes ne serait pas de commencer chacun par soi-même, d’essayer d’abord et uniquement sur sa propre personne, dans sa propre économie interne, les réformes prêchées à tous les carrefours. Un certain bouleversement de l’ordre établi, un branle-bas de combat intime, la dissolution de ce qui existe et le renouveau intérieur sont une nécessité pour chaque individu ; mais il ne s’agit pas de les imposer aux autres sous le couvert hypocrite de l’amour chrétien du prochain, du sentiment de responsabilité sociale, ou de je ne sais quel autre prétexte masquant des besoins inconscients de domination »39. Le parcours doctoral s’érige suivant ce registre d’idées, en point d’étape. Un pas en retrait de la pratique, la thèse se fixe pour objectif général de clarifier un certain nombre de valeurs et de présupposés fondamentaux — à la fois épistémologiques et méthodologiques —, estimés déterminants au regard d’une construction de l’agir juridique « en contexte ». Joan Stavo-Debauge suivant une démarche voisine décrit les contours généraux d’une « pensée de la réalisation du droit » en ces termes : « (…) penser la réalisation du droit, ce n’est pas uniquement s’inquiéter de l’effectivité du droit, c’est d’un même tenant devoir penser la préparation de l’environnement, des situations et des personnes au cheminement et à la concrétisation des contraintes, des objectifs, des garanties et des exigences du droit. En premier lieu, la pensée de la réalisation du droit ne se débloque que pour autant que l’on considère que la déclaration des droits ou l’adoption des lois n’entraîne pas automatiquement leur effectivité. En second lieu, une réflexion sur la réalisation du droit ne gagne sa véritable ampleur que pour autant que l’on estime que le droit ne se réalise pas seulement à l’occasion des actions en justice et des procès auxquels ces actions peuvent donner lieu. Pour que le droit s’anime et que la question de sa réalisation vienne à être posée, d’abord au juge que certains auteurs mettent au centre, il convient que les individus se fassent ou soient faits sujets de la norme juridique, mobilisent le droit et le fassent valoir au titre de possesseurs de droits dont ils peuvent attendre la garantie, ou s’y affrontent en se voyant opposé ses exigences à leurs conduites et manières de faire avec les autres et dans leurs coordinations d’avec une variété d’objets et de choses. (…)» In : STAVO-DEBAUGE J., « Le droit et la pensée de la réalisation du droit », in A. Lyon-Caen & A. Perulli (dir.), Efficacia e diritto del lavoro, Padova, Cedam, 2008. 38 JUNG, Carl Gustav, Psychologie de l’inconscient, Paris, Le Livre de Poche, 1993, p.26 cité in Bernard SCHEOU, Du tourisme durable au tourisme équitable : quelle éthique pour le tourisme de demain ? De Boeck Supérieur, 2009. 39 26 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Partant du cas de Guayaquil et du point de vue d’une « heuristique positive », au sens de « ce qu’il faut chercher et à l’aide de quelle méthode’40, le propos cherchera par le biais de la démarche scientifique — entendue alors comme « méthode » ou « instrument » — à discerner des conditions générales de plasticité, d’adaptabilité et, in fine, de « progressivité » des usages et pratiques professionnelles, dans l’orbite urbaine marginale. Le développement méthodologique des capacités de « situation » et, a fortiori, « d’anticipation » ou de « réaction » face aux problématiques esquissées au fil de l’introduction laisse entrevoir une éventuelle marge d’infléchissement, un levier pour l’action. L’étude couvrant, en Équateur, la période de l’après-Montecristi (2007 —) investira parallèlement certains questionnements directement liés aux difficultés de « mise en œuvre » du droit transitoire. La conduite des réformes du système d’éducation supérieure de formation en droit et « au tour du droit » de même que l’évolution de la responsabilité éthique et professionnelle dans le contexte sociopolitique dudit « socialisme du XXIe siècle » feront l’objet d’une attention particulière. Sur la question des sources et de la méthode d’investigation employée, la thèse s’appuiera d’une manière générale sur un travail continu de recherche et d’analyse bibliographiques mené depuis l’Équateur et, plus ponctuellement, en France. Les sources littéraires et scientifiques privilégiées s’inscrivent dans le large éventail des travaux gravitant dans la nébuleuse des mouvements « droit et société », « droit et développement », des « théories réalistes et critiques du droit », des « théories et pédagogies de la libération » ainsi que desdites « approches et pratiques “alternatives” ou “cliniques” du droit ». Les écrits produits dans les champs des « études sur l’Amérique latine » et des « études urbaines » seront, de même, fréquemment sollicités comme points de référence au fil des écrits. La réflexion proposée répond ensuite, conformément à un souci critique d’authenticité et de mise en perspective de la littérature existante, au traitement d’une information de « première main », recueillie dans le sillon d’une démarche exploratoire. La levée d’information « primaire » répond en premier lieu à la mise en place d’une stratégie d’imbrication des activités relevant de l’enseignement et de la recherche scientifique « traditionnelle » avec des activités relevant, plus particulièrement, du travail social et du développement local 40 Dollo BEITONE, Rodrigues Gervasoni, Sciences sociales, Aide-mémoire, 7ème edition, Sirey, p.8. 27 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « explorations au tour de la posture intermédiaire du “praticien-chercheur41, du volontariat et de la gestion de projet” ». Les observations proposées au fil de la thèse composent à partir d’une immersion prolongée dans des initiatives locales menées dans la périphérie nord-ouest de Guayaquil, Équateur _la boucle bénévolat, volontariat, coordination de projet — (période 2007-2014). Elle fait de même suite, en second lieu, à l’imbrication progressive du travail « de terrain » — « étude du cas de Guayaquil » — avec la construction d’un projet de vie « binationale » à cheval entre deux continents « explorations au tour de la posture d’expatriation ». Achevant à présent le propos introductif, la suite de l’argumentation suivra un plan de travail conventionnel, de type analytique en deux parties. Les deux axes de développement, correspondant respectivement aux parties « 1 » et « 2 » de la thèse, serviront l’objectif commun de poser les jalons d’une pratique réflexive des « motifs » — les « pourquoi » comme enjeu de substantialisation — et des « moyens » — les « comment « comme enjeu de potentialisation — de l’agir juridique professionnel en marge des villes du Sud. - La première partie de la thèse s’attachera plus spécifiquement, partant du cas de Guayaquil, à l’étude des conditions méthodologiques de production, de validation et, in fine, de “rupture” des connaissances sur le fait urbain marginal. Le travail ou savoir-faire de “situation » sera abordé à la fois comme composant et comme déterminant de l’agir juridique professionnel, en marge des villes du Sud (Partie 1). - La seconde partie de la thèse s’attachera à l’étude de la contrainte et du travail de légitimation sociale : comment (re) construire l’agir juridique professionnel, « l’engagement », la micropolitique, dans l’orbite de l’État de droit social et dudit socialisme du XXIe siècle appréhendé sous le jour de la « Revolucion ciudadana » et de l’après post-Montecristi (2007 —) (Partie 2). Catherine De Lavergne décrit sur un registre d’idées voisin la posture du ‘praticien-chercheur’ : « L’expression « praticienchercheur » ne signifie pas seulement que le chercheur est engagé sur un autre terrain professionnel que celui de la recherche. Elle signifie que l’activité professionnelle génère et oriente l’activité de recherche, mais aussi de façon dialogique et récursive, que l’activité de recherche ressource et réoriente l’activité professionnelle. « La recherche peut se trouver ainsi au service de la professionnalité, comme la professionnalité au service de la recherche, se découvrant, se métamorphosant mutuellement dans leurs aspects les plus irréductiblement vivants. » » (Perrault Soliveres, 2001, p. 46). (…) Le tiret qui relie les deux termes, est donc la revendication d’un espace d’interaction plus étroit, dans cet « étayage mutuel » entre le monde professionnel et le monde scientifique (Couzinet, 2003, p. 125) -citations incluses dans l’article d’origine » in : DE LAVERGNE, Catherine, « La posture du praticien-chercheur: un analyseur de l’évolution de la recherche qualitative ». Recherches qualitatives, 2007, vol. 3, p. 28-43. » 41 28 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Partie 1 Travail et contraintes de situation : la marginalité urbaine au crible du terrain « Guayaco » Aux premiers jours de janvier 2010, afin de permettre la mise en place d’un Plan hydrique, le décret présidentiel n° 607 déclare « zone de sécurité » une surface de près de 9700 hectares à la périphérie nord-ouest de Guayaquil42. La mesure se traduit, en substance, par le tracé d’une zone tampon séparant d’un côté, un réseau de canaux artificiels destinés au captage des eaux pluviales, et de l’autre, des zones d’habitation. Sous le sceau de la sécurité publique43, la zone en question est administrativement placée sous le contrôle temporaire des forces armées. Motif absent de la lettre du décret, mais clairement exposé à travers le discours hebdomadaire du président Correa — les « enlaces ciudadanos » -44 : le gouvernement central souhaite mettre un point d’arrêt à l’occupation irrégulière dans le secteur nord-ouest de la ville. « Zéro tolérance aux invasions », la sentence est prononcée. Les trafiquants de terre seront pénalement poursuivis. Une nouvelle autorité administrative sera créée dans la continuité de l’annonce gouvernementale. La mission du « Comité interinstitutionnel de prévention des Établissements irréguliers 45 » plus tard rebaptisée en « Secretaria Técnica de Prevención de Asentamientos irregulares » (STAPHI) consistera à « proposer des politiques publiques pour prévenir, ordonner et contrôler les établissements humains irréguliers ainsi que coordonner et évaluer l’exécution interinstitutionnelle des politiques publiques mises en œuvre dans le domaine46 ». 42 Registre officiel République d’Équateur (RORE) n° 358 du 8 janvier 2010. 43 Le décret n°607 opère un renvoi au décret n°433 du 21 juin 2007, ROE n°114 du 27 juin 2007 qui prévoyait « la Délimitation des espaces géographiques nationaux réservés (…) dans le but de prévenir, minimiser, contrôler les risques, gérer et exécuter des mesures pour éviter l’aggravation de la situation géographique du secteur. » 44 Enlace Ciudadano 197, allocution hebdomadaire du président Rafael Correa: « Este Gobierno, jamás va a apoyar una invasión, porque por pobre que seamos no podemos invadir una propiedad privada, segundo, con esa estrategia pierden los más pobres, porque es la ley de la selva y los pobres no son los más fuertes, son los más débiles » 20/11/2010. -Comité Interinstitucional de Prevención de Asentamientos Irregulares-; En pratique, l’action du Comité se limite essentiellement à la mise en œuvre d’une police des asentamientos à l’échelle nationale et à l’exécution d’une tâche de coordination interministérielle. 45 46 Article du décret dans sa version originale : « Artículo 1.- Créase el Comité Interinstitucional de Prevención de Asentamientos Humanos Irregulares, con la finalidad de proponer política pública para prevenir, ordenar y controlar los asentamientos humanos irregulares; 29 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Près de 5000 familles des 28 000 installées dans le secteur du Monte Sinaï sont directement concernées par l’exécution du décret n° 607. L’État central propose aux foyers affectés, un plan de relogement dont la livraison des infrastructures est annoncée pour un futur proche -le plan de vivienda « Ciudad Victoria » — . Au lendemain de la déclaration et de l’annonce d’une prochaine adjudication de lots aux familles établies à l’intérieur du périmètre de sécurité, ce sont près de 1125 familles — selon les relevés géographiques satellitaires militaires — qui, incitées par la mesure de « compensation », sont venues édifier, en l’espace de quelques semaines, des structures de base dans cette même zone de sécurité. Les foyers qui nourrissaient clairement l’espoir d’intégrer le programme de relogement proposé aux futurs déplacés sont désormais sous le coup de mesures d’éviction systématiques. Le gouvernement mobilise les forces militaires et cordons de police afin de « sécuriser » l’évacuation. Les principales voies d’accès au secteur sont placées sous surveillance. La vente de matériaux de construction est interdite jusqu’à nouvel ordre. Les « envahisseurs » sont délogés. Les édifications de bambou encore sur pieds sont détruites. Au détour de cet état de siège, une solution de principe s’impose, verticalement, depuis l’État central : - une offre publique de relogement et l’adjudication de terrains pour les familles en situation d’irrégularité établies antérieurement à l’entrée en vigueur de la mesure (antérieur à décembre 2010) ; - l’éviction des familles « opportunistes » établies dans les semaines ayant suivi l’annonce du Plan de Vivienda sociale et la publication du décret n° 607 (après décembre 2010) ; - des poursuites pénales à l’encontre des « dirigeants » suspectés d’avoir réalisé des transactions foncières illégales — vente de subdivisions irrégulières, fraudes, etc. — et de contribuer à la spéculation immobilière47. coordinar la ejecución interinstitucional de dicha política; y evaluar sus resultados » Decreto Ejecutivo 1227 del 28 de junio 2012, publicado en el Registro oficial número 747 del 17 de julio 2012. 47 Base légale: Código Penal (art. 575-A) « Serán reprimidos con prisión de dos a cinco años los que con el propósito de sacar provecho personal y a título de dirigentes, organicen sus cooperativas e invadan tierras, tanto en la zona urbana como en la rural, atentando el derecho de propiedad privada ». 30 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Près de deux années après la parution du décret présidentiel n° 607, une nouvelle intervention gouvernementale vient modifier pour partie le régime juridique de la zone de sécurité. Le motif officiel relève cette fois de l’accomplissement d’une mesure de police environnementale et de la création d’une aire naturelle protégée — « Déclaratoria de Bosque y vegetacion protector del « papagayo Guayaquil » 48 —. Au titre de ce reclassement en zone d’habitat naturel du « perroquet de Guayaquil » — une espèce locale protégée en voie d’extinction —, une large portion de la zone de sécurité passe officiellement sous la juridiction du ministère de l’Environnement 49 . Les symptômes du conflit de proximité lié aux établissements irréguliers du nord-ouest de Guayaquil refont, une nouvelle fois, surface. L’encadré ci-dessous traduit et reprend, à titre d’illustration, les considérants principaux du décret ministériel. Recensement des principaux motifs en vue de la création d’une zone protégée dans le secteur de Monte Sinaï — Déclaratoria de Bosque y vegetacion protector de « papagayo Guayaquil — 18 septembre 2012 : « (…) Que l’article 14 de la Constitution de la République (…) garantit la durabilité et le bien-vivre, sumak kawsay. Est déclarée d’intérêt public la préservation de l’environnement (…) la prévention des préjudices environnementaux et la récupération des espaces naturels dégradés. (…) Que l’article 406 de la Constitution de la République détermine que l’État régulera (…) les limites au dominio pour les écosystèmes fragiles et menacés ; (…) La ministre du Logement (MIDUVI), expose à la ministre de l’Environnement que les asentamientos irréguliers à l’intérieur de l’Aire réservée de sécurité ont conduit à la dégradation du site, suite à des changements d’usage du sol, exploitation de la forêt tropicale sèche, des arbustes et des espèces endémiques du secteur, érosion accélérée, migration d’oiseaux et de mammifères, de même que des espèces d’oiseaux emblématiques de la ville de Guayaquil en péril d’extinction (Ara ambigua guayaquilensis ou perroquet de Guayaquil), raisons pour lesquelles en raison des caractéristiques biologiques 48 Décret n°105 publié au registre officiel n°791 du mardi 18 septembre 2012. 49 –superficie de 3602 sur les 9700 hectares au total - 31 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 importantes, comme l’état de conservation des écosystèmes (…) il est nécessaire de conserver la biodiversité du secteur (…) La déclaration de “forêt et végétation protégées” permet de créer une barrière naturelle afin d’empêcher de futures invasions dans l’Aire réservée de sécurité incluant la récupération du site, dès lors que depuis la vision environnementale, les asentamientos spontanés provoquent la dégradation du site (…) de plus les familles établies dans cette zone recourent à la possession et construisent des logements sur les rives du canal de dérivation des eaux de l’Aqueduc de Santa Elena, tout ceci en ajoutant que les enfants utilisent les rives du canal pour des activités ludiques qui génèrent un grave problème pour leur propre sécurité (…) » À l’encontre de toute attente, l’initiative provient, non pas du ministère de l’Environnement, mais bien du ministère du Logement). La stratégie gouvernementale d’endiguement des asentamientos irréguliers s’inscrit dans la continuité directe du décret n° 607. La justification technique quant au tracé de la zone naturelle protégée eu égard à l’état de dégradation avancée du milieu, de même que les objectifs de récupération, a futuro, de la faune sauvage, demeurent relayés à un second plan. La parenthèse refermée, le régime juridique du secteur de Monte Sinaï fait, l’année suivante, encore une fois l’objet d’une retouche d’ensemble. Le législateur revient sur le conflit de juridiction ayant opposé la municipalité de Guayaquil au gouvernement central. À travers la « Loi de réforme à la Loi de légalisation de la possession foncière en faveur des habitants et possessionaires de terrains localisés dans la circonscription territoriale des cantons de Guayaquil ; Samborondón et El Triunfo50 », les coordonnées fixant les limites du secteur urbain sont réévaluées et étendues. Les terrains relevant du patrimoine privé de l’État ou ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique ou d’intérêt social — la majorité du secteur de Monte Sinaï — sont placés sous la juridiction du gouvernement central. Le Ministère du Développement urbain et de la vivienda (MIDUVI), secondé par le “Ley Reformatoria a la Ley de Legalización de la Tenencia de Tierras a favor de los moradores y posesionarios de predios que se encuentran dentro de la circunscripción territorial de los cantones Guayaquil, Samborondón y El Triunfo”; Registro Oficial Nº 105, Lunes 21 de octubre de 2013. 50 32 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Comité de prévention des asentamientos irréguliers, prend en main la coordination des procédures de « légalisation » des titres de propriété. Près de 7000 certificats de possession géoréférencés — sur 16 000 prévus au départ — sont remis aux familles dont l’installation, avant la date fatidique d’entrée en vigueur du décret de décembre 2010, a pu être attestée par relevé satellitaire51. Le reste du secteur est, quant à lui, placé sous la juridiction de la municipalité. Une partie des coopératives du Monte Sinaï demeurera soumise à une procédure de régularisation concurrente, en concordance avec le cadre réglementaire et l’agenda de consolidation fixé par l’autorité municipale52. Alors que les vagues d’éviction se poursuivent, une série de questionnements demeure à vif : Quid de la légalité du décret présidentiel n° 607 qui n’aura jamais été mise en cause sur le - fond ? Quid de l’égalité de traitement des administrés alors qu’une seule et même population se - trouve, suite aux ultimes soubresauts de la loi, séparée par une frontière de papier, sujette à deux juridictions, deux agendas de régularisation concurrents — l’un étant assumé par l’État central, l’autre par la municipalité de Guayaquil53 — ? Quid des conditions procédurales d’exécution des mesures d’évictions, des délais de - notification, de l’ouverture d’un droit de recours, de l’expertise technique et de l’accès aux relevés satellitaires pris avant et après décembre 2010 et sur la base desquels les ordres d’éviction continuent d’être délivrés au jour le jour ? - Quid de la viabilité des mesures compensatoires, du plan de relogement « Ciudad Victoria » et de l’accès à des solutions de logement « alternatives » à travers l’offre publique de ‘Adjudicaciones se han entregado en Monte Sinai’, el Telegrafo, 22 février 2014. 51 Suivant la logique d’endiguement: Mera Gino, Illegal settlements in Guayaquil, and the proposal to compete with them, Particular solution about progressive urbanization and low cost lots for the poorest of the poor, http://www.hdm.lth.se/fileadmin/hdm/alumni/papers/SDD_2009_242b/Gino_Mera_Giler_-_Ecuador.pdf, dernier accès 07/02/2013. 52 MERA Gino, “Illegal settlements in Guayaquil, and the proposal to compete with them, Particular solution about progressive urbanization and low cost lots for the poorest of the poor”, http://www.hdm.lth.se/fileadmin/hdm/alumni/papers/SDD_2009_242b/Gino_Mera_Giler_-_Ecuador.pdf, dernier accès 07/02/2013. 53 33 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « vivienda sociale » ? Vers quelles entités les populations affectées se tourneront-elles afin de se reloger : - l’état-bourreau, alors que la « livraison » des lotissements s’effectue au compte-goutte et, plus inquiétant sans doute, que le coût d’accès aux bénéfices du plan de relogement demeure inaccessible pour une large partie des foyers sous le coup d’une éviction prochaine54 ? ; - le spéculateur immobilier « informel » de toujours, le rôdeur-vendeur de parcellespromesses que les habitants savent entachées d’un avenir incertain, mais qui demeurent, néanmoins, économiquement les plus accessibles — « los solares » — ? Quelle sera l’issue éventuelle d’une politique de pénalisation des trafics de terre et d’une demande de collaboration des victimes à l’instruction des enquêtes si l’on considère ce dernier élément ? La matérialité d’une pratique normative — production législative et réglementaire des autorités publiques — l’instrumentalité du droit dans l’ombre de la procédure d’éviction, se font, au miroir de ces questionnements préliminaires, évidents. La parenthèse « éviction » en suspens, il ne reste, dans les jours suivant l’intervention des forces de police, que les stigmates d’une histoire qui se répète inlassablement. Les habitants encore sous le coup des mesures d’éviction, tout en nourrissant l’espoir de sauver leurs logements de fortune en sont rendus, de fait, à envisager comme option « d’urgence » un séjour chez des proches. La tension liée à l’occupation de l’espace périurbain si convoité, à la construction et à l’investissement personnel dans un foyer dont l’avenir demeurera en pointillés durant, en moyenne, près d’une génération, reste latente. Dans une majorité de cas, les familles évincées n’auront eu d’autre option que de retenter leur chance, déménager leurs possessions. La quête d’un logement et d’une vie décente ne disparait pas avec l’éviction. Son flux ne fait, par définition, qu’être redirigé vers un prochain point de crispation de la territorialisation des asentamientos. De nouvelles vagues d’occupation, face à l’intervention gouvernementale dans le secteur de Monte Sinaï, reprennent dans d’autres secteurs périphériques ou, plus justement sans doute, n’ont jamais cessé. 54 Una mirada a la cooperativa Las Marías de Monte Sinaí: ¿qué dice el derecho internacional en torno a los, desalojos forzosos?, PODERES - Inteligencia Política en la siguiente; 5 juin 2013. 34 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Par effet d’inertie, le principe de réalité prend progressivement le pas sur la situation de crise. La situation de crise s’instaure, elle, comme un aléa du « quotidien’55. Le tumulte de l’éviction se noie dans une série d’échos dissonants : - la construction d’un hôpital public dans le secteur de Monte Sinaï56 ; - la rentrée scolaire de dix mille étudiants retardée faute de capacités d’accueil57 alors que le gouvernement vient d’annoncer la construction de nouveaux établissements scolaires58 ; les travaux d’extension du réseau d’électricité publique, des canaux d’eau et d’assainissement - aux coopératives59 ; - les travaux de revêtement des principales voies de transit prolongeant l’avenue Casuarina ; - l’inquiétude pour maintenir les tarifs du transport urbain à 0,25 dollar (désormais à 0,30 ct.)60 auquel il faut ajouter celui de la moto taxi ou du taxi informel sur le dernier tronçon du parcours ; la construction d’un marché public et le déplacement des échoppes de vendeurs “informels” - qui congestionnaient le trafic sur la Casuarina61. 55 Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne, Paris, L'Arche, 1981, vol. III ; Henri LEFEBVRE, « QUOTIDIENNETÉ », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 13 septembre 2014. Citation de l’auteur : « Dénominateur commun des activités, lieu et milieu des fonctionnalités, le quotidien peut aussi être analysé comme aspect uniforme des grands secteurs de la vie sociale : le travail, la famille et la vie privée, les loisirs. Ces secteurs, distincts comme formes, imposent à la pratique une structure, où se retrouve leur aspect commun : la passivité du spectateur devant des images, des paysages. Dans le travail, la passivité devant des décisions auxquelles le travailleur n'a aucune part. Dans la vie privée, la consommation imposée, puisque les choix sont dirigés et les besoins suscités par la publicité et les études de marché. Cette passivité générale est d'ailleurs inégalement répartie : elle pèse plus lourdement sur les femmes, sur la classe ouvrière, sur les employés qui ne sont pas des technocrates, sur la jeunesse, bref sur la majorité ; cependant, pas de la même façon, pas en même temps, pas sur tous à la fois ». “Hospital en Monte Sinaí ya cuenta con el terreno donde será construido”, El universo, Lunes 18 de febrero del 2013; 56 “Alumnos de educación basica iniciaran clases el 2 de junio en Monte Sinai y Vergeles”, El Universo, 6 mai 2014. 57 58 Miércoles, 27 de junio, 2012, Gobierno ofrece construir 4 planteles para Monte Sinaí. 59 Las redes eléctricas llegan a 160 familias de Monte Sinaí, Esta noticia ha sido publicada originalmente por Diario EL TELÉGRAFO, 28 février 2014. “Pocas unidades de buses no bastan para las necesidades en Monte Sinaí”; pp digital, 24 février 2014. 60 35 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La mise en cause de la récursivité socio-environnementale du droit, de ses formes particulières d’expression et de réalisation aux prises avec la formation et la consolidation desdits asentamientos dépasse, au regard de telles circonstances, le sombre épisode d’un déplacement forcé. Les fragments d’actualité relaient de manière prématurée la menace de l’expulsion à un présent intemporel et indéterminé. L’éviction ouvre, autrement dit, un jour particulier sur une réalité parallèle, un Guayaquil qui, pour reprendre une expression locale, « se ha construido a punta de invasiones » — construit à coups d’invasions —. Il est estimé, à titre indicatif, que la population urbaine du canton a cru d’un facteur d’un à dix entre 1950 et 2010. Premier pôle migratoire de l’Équateur, la zone d’influence métropolitaine compte une population qui avoisine désormais les trois millions d’habitants62. Le survol de la ville laisse apparaître un paysage profondément hétérogène, un patchwork « d’asentamientos », de « barrios », de « ciudadelas » et condominiums. La phase d’approche dévoile aussi une vitrine, le secteur « centre » et ses zones régénérées, la « 9 de Octubre, le « Cerro Santa Ana », le « Malécon 2000 » la croisette locale et sa grande roue « La Perla ». Se dessine sous les yeux des « voyageurs du droit » cet « autre Guayaquil », celui qui, pour reprendre l’expression d’une chronique locale, « (…) s’écoule derrière les façades de maisons peintes aux tons pastel (…) un Guayaquil de carences, d’insécurité, d’angoisses et avant tout de demandes (…) vivant dans l’attente que des promesses tant répétées un jour soient honorées »63. Celui, dont l’office du tourisme ne parlera pas, un espace-temps de conquête des droits et de la ville. La naissance des quartiers « périphériques » coïncide historiquement avec l’installation, au cours de la période cacaotière (fin XIXème-début XXe64) de campements de travailleurs temporaires et 61 Lunes, 22 de noviembre, 2010, Nuevo mercado de la Casuarina crea expectativa en vendedores, El Universo ; Solicitan reubicación del mercado de av. Casuarina, 2 janvier 2014, El telégrafo. -sur une population équatorienne totale de 15,5 millions dont 1,5 millions est établie à l’étrangers- Jueves 06 de marzo del 2008, 1,5 millones de migrantes tiene Ecuador, El Universo. 62 63 « Hay otro Guayaquil. Ese que va más allá de los adoquines de las zonas regeneradas. O el que se cuela detrás de las fachadas de casas pintadas en tonos pasteles. Es un Guayaquil de carencias, de inseguridad, de angustias, pero sobre todo de pedidos. Es ese otro Guayaquil que espera cambios. Que aguarda que las promesas que tanto le han repetido, algún día se cumplan » http://especiales.eluniverso.com/otroguayaquil/ 64 Juan J. Paz y Miño Cepeda, « La época cacaotera en Ecuador », en Sonia Fernández Rueda, Pontificia Universidad Católica del Ecuador, Facultad de Economía Quito, marzo/abril de 2011, No. 03. 36 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 saisonniers. Les terres occupées, réputées « sans maîtres », se concentrent, dans un premier temps, aux abords du port et du parc industriel en rapide expansion. Les campements, « gagnés » sur la mangrove et le fleuve Guayas, se sont multipliés en zones inondables, à proximité des artères de communication principales et sur des espaces considérés comme impropres à l’habitat ou au développement du commerce. Les travaux de consolidation de l’espace urbain se sont poursuivis par terrassement, « relleno », — littéralement par « remplissage » —. Les collines boisées de forêt tropicale sèche, dont il ne reste désormais que certains îlots menacés, auront servi de matériel de remblais65. Le recul des écosystèmes et l’expansion par « poches » de peuplement acquièrent une visibilité particulière dans la seconde moitié du XXe siècle. Les enjeux sociopolitiques et spéculatifs associés au développement urbain marginal sont progressivement mis au jour. Les concepts « d’invasions », « d’asentamientos informales », de « prises de terres collectives » gagnent l’imaginaire collectif. Le patron de peuplement prend ainsi progressivement, à partir des années 50, les traits d’une occupation organisée, systématiquement associée au démembrement d’anciennes exploitations agricoles — les haciendas —, de “communes” rurales ou de propriétés publiques demeurées en friche. À ces capacités d’organisation collective accrues se voit tout particulièrement associée l’émergence d’une figure publique locale, le « dirigeant » ou « leader populaire ». Intermédiaires rompus aux stratégies de possession adverse et aux aléas de la politique des asentamientos, le succès des dirigeants tient, de manière très générale, à une capacité de diagnostic juridique et logistique… coordonner l’occupation collective de larges surfaces en des temps restreints, s’assurer d’avoir établi auparavant qui en était le propriétaire, avoir évalué l’imminence des droits susceptibles d’être revendiqués sur le sol. Le travail du leader tient ensuite et de manière, tout aussi générale, au développement de savoirfaire perceptibles en matière de gestion et de médiation sociale : assurer la définition et la mise en œuvre des règles de voisinage qui régiront la vie collective dans les premiers temps de l’asentamiento, répartir des rôles, collecter des fonds, convoquer des réunions, fixer l’ordre du jour. Godard Henry, « Quito, Guayaquil : Evolución y consolidación en ocho barrios populares », Travaux de l’IFEA, Tomo n° XLIV, revista Ciudad, Quito, 1988,p. 253;; Pozo Ricardo, “Crecimiento urbano informal en el noroeste de Guayaquil : de asentamientos piratas a zonas militarizadas”, extrait de “Habitabilidad básica para todos”, Auc revista de arquitectura, Facultad de arquitectura y diseño de la universidad católica de Santiago de Guayaquil, Enero 2012; Tiepolo Maurizio, “the “barrio marginado regularization in Guayaquil”, Centro città del terzo mondo, Politecnico di Torino, working paper n°27, 2007 65 37 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Porte-voix des occupants, les dirigeants négocient avec les autorités publiques et les propriétaires privés la “consolidation” des asentamientos ». Ils « facilitent » de même souvent la mobilisation des votes en période électorale 66 — assurant l’appui au candidat le plus offrant —, arrangent l’approvisionnement en eau, le raccordement « pirate » au point d’électricité le plus proche. L’« avocat des pauvres », « barefoot lawyer » version guayaca, accompagne, en somme, les premiers temps de l’acte de possession. La possession d’un ou de plusieurs terrains de la coopérative fera le plus souvent office de rétribution. La phase d’expansion la plus récente, initiée dans les années 1990, marque un sensible recul de la figure charismatique du dirigeant. Les invasions et les prises de terre collectives cèdent progressivement le pas au marché des parcelles habitables — prédios —. La formation des asentamientos les plus récents tend, ainsi, à suivre plus nettement la loi de l’offre et de la demande. Le mouvement de peuplement répond principalement à une logique de spéculation foncière. Les « trafiquants de terre » anticipent l’action municipale, vendent une promesse d’avenir67. L’initiative de la mise en vente provient même parfois des propriétaires terriens originaux faisant l’économie d’un intermédiaire. L’opération tend, tout du moins, à s’effectuer avec leur consentement, « à portes fermées », sous une forme négociée. La subdivision et le changement de destination de terrains ruraux — les « macro-solar » — effectivement inscrit sur les registres de propriété publics, en marge des cadres réglementaires, constituent, cette fois, le cœur de l’irrégularité administrative. Le « raccordement » artisanal aux réseaux d’électricité part, symboliquement, d’un seul et même compteur d’électricité. Le « service d’eau potable » relève toujours, dans la majorité des cas, d’un approvisionnement quotidien par les « tanqueros ». Ricardo Pozo résume sur ce point : « En Équateur le terme d’invasions a traditionnellement été utilisé afin de désigner les établissements humains qui trouvaient leur origine dans une appropriation illégale ou “prise de terre” par des groupements de familles disposant de faibles revenus, sans le consentement de son propriétaire. Cependant, dans le cas d’étude présente une mécanique différente. (…) les terrains ont été progressivement achetés légalement aux propriétaires Godard Henry, « Quito, Guayaquil: Evolución y consolidación en ocho barrios populares », Travaux de l’IFEA, Tomo n° XLIV, revista Ciudad, Quito, 1988, p. 253 66 67 La vente de subdivisions, lots de 100 mètres carrés, « sans titre », atteint un prix variant de 2000 à 12000 dollars selon la localisation du lot, le degré de consolidation du secteur et le verbe du marchand de rêves. 38 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 originaux par divers promoteurs immobiliers informels ou trafiquants de terres. L’illégalité se situe au niveau de la parcellisation et de la vente de terrains qui ne se trouvent pas inscrits sur le registre de la propriété et qui n’appartiennent pas à des projets d’urbanisation antérieurement approuvés par l’administration publique locale. Cependant, dans la presse locale on continue à utiliser le terme de manière erronée » 68 (Traduction personnelle). Localisées au nord-ouest de la ville, les coopératives du secteur Monte Sinaï comptent, suivant les derniers recensements, près de 270 000 habitants. Le flux des arrivants n’a jamais cessé au cours des vingt dernières années. Jusqu’à l’intervention du gouvernement central, l’affluence alimentée par le fort exode rural, mais aussi par des mouvements de migrations internes à la zone métropolitaine, était estimée, en moyenne, à soixante familles par semaine. À quelques encablures du centre-ville et de ses zones régénérées, Monte Sinaï est un lieu symbolique de la ville, de sa diversité culturelle et ethnique. Certains chauffeurs de taxi refusent encore fréquemment de s’y aventurer — décochent un « hasta el fondo ?? — jusqu’au fond — ?? » —. Ils évoquent avec un sourire le risque de s’y perdre ou tout simplement « d’y rester ». Les problématiques humaines et environnementales d’une « vie de taudis » alimentées par l’imaginaire collectif ne sont autres, ici, que celle d’un quotidien, d’une promesse de lendemain partagée par ses habitants. Le tumulte des évictions n’y changera strictement rien. En quelques années, la « Entrada de la 8 », carrefour symbolique et porte d’entrée principale vers la « jungle urbaine » est déjà méconnaissable. Route asphaltée, échangeur routier, feux de circulation, unité de police, connexion aux réseaux d’eau et d’assainissement, vitrines commerciales en lieu et place de la nuée d’échoppes et de vendeurs ambulants... la rumeur gronde, la ville et sa conquête avancent. Pozo Ricardo,” Crecimiento urbano informal en el noroeste de Guayaquil: de asentamientos piratas a zonas militarizadas”, extrait de “Habitabilidad básica para todos” Auc. revista de arquitectura, Facultad de arquitectura y diseño de la universidad católica de Santiago de Guayaquil, Enero 2012: « En el Ecuador se ha utilizado tradicionalmente el término “invasión” para denominar a los asentamientos humanos que tienen su origen en la apropiación ilegal o toma de tierras sin consentimiento de su propietario por familias de bajos recursos económicos organizados en grupos. Sin embargo, en el presente caso de estudio se produce una mecánica diferente. Como se podrá observar en el caso de la conurbación analizada, los terrenos han sido progresivamente comprados legalmente a sus propietarios originales por diversos promotores inmobiliarios informales o traficantes de tierras. La ilegalidad radica en la parcelación y venta de terrenos no inscritos en el Registrador de la Propiedad y que no pertenecen a proyectos de urbanización debidamente aprobados por la administración pública local. Sin embargo, en la prensa local se continúa utilizando el término de forma errónea. » 68 39 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Face à ces éléments introductifs, un constat préliminaire s’impose : l’onde de choc de la territorialisation porte une marque indélébile sur la marche du droit, sur ses « vécus », sur l’appréciation immédiate de ses modes de formation aussi bien que de réalisation. - De l’achat d’une promesse à l’acquisition d’un titre de propriété, - du raccord artisanal au point d’électricité du voisin à l’acquisition du sacro-saint compteur électrique, - de l’achat de l’eau potable du « tanquero » à la première facture d’eau, - de la lettrine aux toilettes, - de la casa « Hogar de Cristo » au ciment, - du « botadero » et des déchets domestiques incinérés à l’inscription de la « cuadra » sur une route de collecte de l’entreprise municipale - du cybercafé au plan internet de téléphonie mobile « movistar » ou « Claro », - du trici-moto à l’échangeur de métro-via, - du campement scolaire à l’école fiscale, - du « dispensaire de fortune » à l’hôpital public (…) (…) la succession incessante d’opérations juridiques, la formation de rapports de droit, jalonne, au quotidien, la dynamique de consolidation de l’asentamiento urbano-marginal. Le droit de la ville matérialise l’assimilation des nouveaux quartiers — « barrios » — à la trame urbaine. Il l’anticipe dans certains cas, apporte un aval rétroactif, dans d’autres. Le positionnement d’acteurs et de pouvoirs locaux « sur le terrain » — les dirigeants de quartier, trafiquants de terre, cadres de l’administration municipale et des services d’urbanisme, les agents de la STAPHI, les militants du Comité de défense des droits de l’homme — présente, au vu de telles circonstances et sous un angle alternatif, une série de dénominateurs communs. Retenons-en pour le moins deux : 40 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - une réponse temporaire, plus ou moins éclairée, à la contrainte de « situation »69, une lecture plus ou moins précise des faits de marginalité urbaine, d’un contexte « opérationnel » et atypique de formation et de réalisation du droit ; - un positionnement, tout aussi partiel et embryonnaire, quant à l’épineuse question de la « récursivité » des usages et pratiques professionnels dans l’orbite de la marginalité urbaine. Ces acteurs locaux identifient, par la force des choses, des marges d’action, des réseaux d’interlocuteurs publics et privés. Ils caractérisent chemin faisant des besoins, des demandes de droit ; circonscrivent des vides ou des carences estimables sur le plan de la réalisation des droits ; éprouvent de manière quotidienne les limites pacificatrices du système juridique ; discernent enfin des phénomènes rémanents et localisés de défiance, de rejet, de résistance ponctuant une relation complexe et accidentée des habitants au droit et à la figure de l’État ou de la municipalité coloniale70. Saisir le tour de passe-passe conduisant vers cette autre réalité du Monte Sinaï, apprendre à composer avec ce contexte atypique de formation et de réalisation du droit, relève en somme d’un apprentissage. La mutation et l’éventuel accroissement du pouvoir micropolitique d’agir et de penser avec le droit, son placement au service d’une action, d’un engagement personnel ou institutionnel, transite irrémédiablement par un travail continu d’observation et d’interprétation des faits de marginalité urbaine ; pratiques et usages du droit inclus. La formation d’un critère de fonctionnalité de l’agir juridique professionnel « en contexte » s’avère, ici plus qu’ailleurs, essentielle. L’apprentissage et la pratique de l’interprétation ou de l’argumentation juridique tournent rapidement court à défaut d’un travail continu de cartographie du fait urbain marginal. Au-delà de la temporalité souvent limitée d’une mission, d’un projet ou d’une enquête de « terrain », la connaissance renouvelée des faits de marginalité urbaine porte la promesse d’une mutation des cadres et des modes d’engagement du travail juridique. Le processus expérientiel de connaissance des faits de marginalité urbaine soulève un enjeu de travail sur le soi, de rupture à la 69 « La définition de la situation résulte de l'interprétation que fait chaque membre de la situation sociale dans laquelle il se trouve. Cette définition concerne à la fois le contexte de l'interaction, les rôles sociaux des acteurs et la signification que les acteurs donnent à la situation. Cette signification fait elle-même partie de la définition de la situation. » Lexique de sociologie Dalloz, 4e édition. MÉNDEZ, Juan E., Guillermo A. O'Donnell, and Paulo Sérgio de Moraes Sarmento Pinheiro. “La (in) efectividad de la ley y la exclusión en América Latina”. Vol. 9. Paidós, 2002; ARAUJO, Kathya. ¿Se acata pero no se cumple?: estudios sobre las normas en América Latina. Lom Ediciones, 2009. 70 41 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 fois épistémologique et méthodologique des présupposés de l’être et de l’agir en collectivité. L’enjeu de déconstruction systématique de l’(a)normal, de l’(in) — formel, de « l’infra — », du « sub — » ou du « péri — » urbain, s’inscrit dans un lent travail de dépassement du « terrain » et d’épuration de la praxis sociale71. Au fil de l’argument, la sentence « d’absence de formes », comme phénomène de résilience des discours sur l’informel ou le « non-droit » dans la sphère publique fera l’objet d’une attention particulière. Elle apparaît, au vu de ces propos introductifs, sous les traits d’un artifice discursif. Près de cinquante ans après les travaux Keith Hart 72 , le prisme déformant de l’informel, la représentation de méandres asséchés de l’ordre juridique local, réapparaissent cycliquement comme un biais empirique, une économie ou le signe d’un processus d’enclicage-anesthésie du travail d’observation. La résilience du discours sur l’informel relève, dans une autre série de cas, du glissement idéologique73 et de la violence épistémique. La pratique de situation tend, dès lors, à se prolonger naturellement vers l’analyse critique du phénomène sociopolitique de représentation des faits de marginalité urbaine. L’annihilation symbolique et performatique de ce qui s’inscrirait sur le chemin tout tracé des idéologies du Développement74, de l’État de droit75, du néolibéralisme urbain76, des 71 La proposition s’inscrit par ailleurs dans une réflexion plus générale, travail doctoral sur la fonction sociale des acteurs juridiques professionnel dans l’orbite des phénomènes de marginalité urbaine à partir de l’étude de cas de Guayaquil, Équateur. 72 HART K., Informal Income Opportunities and Urban Employment in Ghana, Journal of Modern African Studies, vol. II, 1972; ILO, Employment, Incomes and Equality, A Strategy for Increasing Productive Employment in Kenya, ILO, 1972, Geneva. Voir aussi: Charmes Jacques, les origines du concept de secteur ‘informel’ et la récente définition de l’emploi ‘informel’, IRD, 2003 ; Voir pour une synthèse historique l’étude détaillée de Palmer Robert, The informal economy in sub-Saharan Africa: unresolved issues of concept, character and measurement, occasional papers, n°98, Centre of African studies, Edinburgh University, 2004. 73 Sur ce point : COURTIS Christian, Detras de la ley. Lineamientos de análisis ideológico del derecho, extrait de l’ouvrage, Observar la ley, ensayos sobre metodología de la investigación jurídica, Edición de Christian Courtis,Trotta, 2006 p.349-392. Jorge Esquirol note dans un même sens : « L’échec du droit latino-américain renvoie principalement à un discours en vue de faciliter le réformisme légal. L’échec du droit latino-américain déni toute valeur au droit existant dans l’ensemble de la région. » ; ESQUIROL Jorge, Continuing Fictions of Latin American Law, Florida Law review, volume 55, January 2003, p.41. « Law in Latin America is routinely the target of systemic criticism by U.S. commentators. In addition, internationalizing reforms may actually undermine the general goal of expanding democratic participation. Distancing the operation of law from local reach is likely to reinforce the very anomalies already perceived in the region. In this light, we should reexamine our settled understandings of "Latin American law" and the latter's widely-noted limitations. (...) As a result, no amount of simple law reform can undo such a constant and irrepressible image of failure. Viewed this way, 74 42 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 idéologies humanitaires ou religieuses 77 travaille l’imaginaire juridique de la ville et des asentamientos78. La première partie de la thèse reprend et développe les éléments introduits ci-dessus. La question de la « situation » des usages et pratiques professionnels du droit dans l’orbite des phénomènes de marginalité urbaine sera examinée en deux temps, à partir de deux points de vue complémentaires. - Sous les traits, premièrement, d’une éventuelle orientation épistémologique, il s’agira alors de revenir sur l’expérience et la caractérisation d’une contrainte de situation. Comment et dans quelle mesure le processus de connaissance des faits de marginalité apparaît-il comme une condition et un moyen déterminant la construction de l’agir juridique professionnel « en contexte » ? Dans quelle mesure l’opération contribue-t-elle à la formation d’un critère à la fois fonctionnel et opérationnel d’engagement du travail juridique « en sociétés » — choix de la voie du droit — (Titre 1) ; - Sous les traits, deuxièmement, d’une orientation méthodologique, travail sur les méthodes et plus particulièrement sur la question du « terrain » et de ses éventuelles ouvertures. Le processus de formation des connaissances sur les faits de marginalité urbaine sera alors abordé sous l’angle d’une « technique » susceptible, comme telle, d’être questionnée, systématisée, optimisée. (Titre 2). Latin America's failed law is principally a discourse facilitating legal change. It also denies much of any value to existing law anywhere in the región.” Lire du meme auteur, The Failed Law of Latin America, The American Journal of Comparative Law, volume 58, Winter 2008, p.75. 75 Frank UPHAM, Mythmaking in the Rule of Law orthodoxy, Rule of Law Series, Democracy and Rule of Law Project, Carnegie Working Papers, September, 2002. GARCÉS Chris, “Exclusión constitutiva: Las organizaciones pantalla y lo anti-social en la renovación urbana de Guayaquil”, Iconos, Revista de Ciencias Sociales, 2004, no 20, p. 53-63; ANDRADE, Xavier, " Mas ciudad", menos ciudadanía: renovación urbana y aniquilación del espacio público en Guayaquil, Análisis, 2006. 76 77 GOIRAND, Camille, « Philanthropes » en concurrence dans les favelas de Rio, Critique internationale, 1999, vol. 4, no 1, p. 155-167; ILLICH Ivan, « Las sombras de la caridad », Cidoc informa, vol.4, n°3, febrero 1967 Mario Vargas LLosa et Gilles Bataillon observent : « Être pour « l’autre » l’incarnation de la fiction a laissé une curieuse séquelle : beaucoup de Latino-Américains ont adopté ces images retouchées d’eux-mêmes, images retouchées par l’imagination ou l’aliénation religieuse et idéologique occidentale. Et au lieu de se confronter à leur propre réalité, ils l’ont recréée conformément à ces modèles et à ces mythes importés ». 78 43 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Titre 1 Les enjeux épistémologiques du travail de situation « La géographie physique, les avantages naturels et les moyens de la transformation déterminent en avance les grandes lignes de l’agencement urbain. Au fur et à mesure de l’augmentation de la population, les influences subtiles des affinités, des rivalités et de la nécessite économique tendent à contrôler la distribution de la population. Le commerce et l’industrie recherchent les espaces avantageux où s’établir et maintiennent à leurs alentours une certaine partie de la population. Apparaissent à ce moment des quartiers en vogue… Apparaissent ensuite les taudis, habités par la grande majorité des classes les plus pauvres qui ne peuvent se défendre d’une assimilation (dans l’imaginaire populaire) à la précarité et au vice. Au cours du temps, chaque espace de la ville, secteurs et quartiers, imprime quelque chose du caractère et des particularismes de ses habitants. L’effet principal est ici de convertir ce qui initialement était une simple expression géographique, en quartiers, c’est à dire des localités avec des sentiments, des traditions, une histoire propre. (…) De cette manière les distances physiques et ressenties se renforcent mutuellement, et l’influence de la distribution de la population locale participe à l’influence grandissante des classes et des origines raciales dans l’évolution de l’organisation sociale. Chaque grande ville a ses colonies ethniques, comme les Chinatown de San Francisco et de New York, Little Sicily à Chicago, et bien d’autres moins prononcées. (…) Chaque grande ville a ses centres d’activités périphériques, comme Stock yards à Chicago, et, ses banlieues résidentielles, comme Brooklyn à Boston, chacune ayant la taille et les traits d’une ville à part entière, “villes dans la ville”, à l’exception prêt que sa population est distincte » (Traduction personnelle)79. Dynamiques intra-urbaines de populations qui migrent et se mêlent ; déplacements et fragmentations des processus historiques, culturels et identitaires à l’échelle du quartier : le Chicago des années vingt, traversant le boom du fordisme, devient rapidement, pour paraphraser les auteurs de Vargas Llosa Mario et BATAILlon GILLES, « Rêve et réalité de l'Amérique latine », Problèmes d'Amérique latine, 2010/3 N° 77, p. 9-23. 79 Robert PARKS et Ernest BURGESs, Introduction to the Science of Sociology (with Ernest Burgess), University of Chicago Press, 1921, p.151 et suiv. 44 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 la première école de Chicago, un laboratoire 80 à ciel ouvert. L’observation des dynamiques de différentiation, de distribution, d’identification et éventuellement d’assimilation des vagues migratoires à la ville nord-américaine met en évidence un phénomène d’écologie humaine. La ville se dévoile sous le jour de l’habitat naturel d’une humanité entrée dans une compétition pour l’espace81. Certains aspects pathologiques de la croissance urbaine nord-américaine à l’aube du XXe siècle sont mis au jour. Le lien d’immédiateté historique, sociale et culturelle entre le « taudis » et l’explosion urbaine se découvre progressivement. De la construction de ces nouveaux objets d’étude, l’observation sociologique des distorsions de l’ordre juridique local présente un attrait tout particulier. L’observation de la criminalité et des soubresauts de la loi pénale82, le regard porté sur l’exercice des libertés civiles et politiques et l’émergence d’un patron de ségrégation urbaine83 font figure de cas d’école. Sous la direction de Robert Park, Nels Anderson, boursier du département de sociologie de l’université de Chicago plonge dans l’univers des saisonniers et du travail journalier. L’auteur y côtoie les Hobos, littéralement hoe-boy, manieurs de houes établis dans les quartiers mitoyens des grandes infrastructures ferroviaires de Chicago. Il sillonne la Hobohémia, quartier des Hobos84. Ses travaux décrivent un certain nombre de règles de vie « non écrites, mais observées » sur l’hygiène, l’entraide et l’information, signes avant-coureurs d’un pluralisme juridique inscrit au cœur de la société urbaine 80 PARK, Robert E. The city as a social laboratory. Chicago: An experiment in social science research, 1929, p. 1-19. 81 « The ecological basis of community. -The human community may be considered as an ecological product, that is, as the outcome of competitive and accommodative processes which give spatial and temporal distribution to human aggregations and cultural achievements…. The internal structure of community.-The utilities, institutions, and inhabitants of a community are spatially distributed and territorially segregated as a result of competition and selection. Redistribution and segregation are constantly in process as new factors enter to disturb the competitive relations » extrait de McKenzie, The Ecological Approach to the Study of the Human Community, The American Journal of Sociology, The University of Chicago, Vol. 30, No. 3, Nov 1924, pp. 287-301. 82 Alschuler Albert, « The Changing Purposes of Criminal Punishment: A Retrospective on the past Century and Some Thoughts about the Next » , The University of Chicago Law Review, Vol. 70, No. 1, 2003, pp. 1-22, Stark, R., Deviant places: a theory of the ecology of crime, Criminology, volume 25 , 1987, p.893–910. 83 WILLIAMS, Norman, « Discrimination and Segregation in Minority Housing », American Journal of Economics and Sociology, 1949, vol. 9, No. 1, p. 85-102; Richard Thompson Ford, “The boundaries of race: political geography in legal analysis”, Harvard Law review, volume 107, number 8, June 1994, p.1843; Harvey Warren Zorbaugh, The Gold Coast and the Slum: A Sociological Study of Chicago's Near North Side, University of Chicago Press, 1983. 84 Nels Anderson, The Hobo: The Sociology of the Homeless Man, Chicago, University Of Chicago Press, 1923, p. 296 ; Tissier Jean-Louis, « Sur les bancs de l'École de Chicago », Espace géographique, Tome 23, n°2, 1994, pp. 189-190. 45 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 nord-américaine85. Secteur populaire et modes de vie « en dehors des formes »… la question présente le mérite d’être soulevée près d’une cinquantaine d’années avant la description du secteur « informel » entreprise dans le cadre de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et, plus précisément, des travaux de l’anthropologue anglais Keith Hart sur le travail des migrants officiant dans la périphérie d’Accra au Ghana86. Les explorations correspondantes à la première école de Chicago brièvement évoquées cidessus paraissent, à bien des égards, annonciatrices d’un tournant épistémologique. Près d’un siècle plus tard, revenant au cas d’étude guayaquileño, les questionnements suscités depuis ces nouvelles coordonnées d’observation du droit — quartiers émergents, périphérie des lieux et des temps communs du droit — demeurent parfaitement d’actualité : - Combien d’enseignements universitaires assument-ils la production et la transmission de connaissances sur les phénomènes de marginalité urbaine 87 comme un éventuel résultat d’apprentissage, une étape constitutive de la formation juridique initiale du juriste ? Dans quelle mesure la production de connaissance sur les faits de marginalité urbaine participe-telle au processus de production et de transmission des connaissances en droit et sur le droit ? - Quels cursus abordent, en Équateur, l’observation des phénomènes urbains « majoritaires » et, plus généralement, la formation des connaissances sur l’univers des « faits sociaux » depuis une perspective méthodologique, du développement des instruments de mesure ou d’orientation nécessaires à la conduite du travail juridique en sociétés ? - Quels projets de recherche auront-ils consigné et mis en cause l’impact des usages et pratiques professionnels eux-mêmes observés sous les traits de phénomènes sociaux urbains marginaux ? Combien abordent-ils la convocation du travail juridique comme un éventuel 85 Kenneth L. Kusmer, Down & out, on the road the homeless in american history, Oxford University press 2002, Chapter 1 ; Charles Elmer Fox, Tales of an American hobo; preface by Albert E. Stone; the University of Iowa Press, 1989. Hart K., “Informal Income Opportunities and Urban Employment in Ghana”, Journal of Modern African Studies, vol. II, 1972; ILO, Employment, Incomes and Equality, A Strategy for Increasing Productive Employment in Kenya, ILO, 1972, Geneva. 86 ETCHEGORRY, Cristina, MAGNANO, Cecilia, MENDIBURU, María José, et al., “Fuera de programa: la ausencia de los sectores vulnerables en la formación Jurídica”, Derecho y ciencias sociales, 2013, no 8, p. 4-24. 87 46 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 élément déterminant, éventuellement « causal » au regard de l’apparition et de l’agencement des phénomènes de marginalité urbaine ? Que penser de la détection et de la caractérisation des pratiques manifestement « déviantes » ou « pathogènes » dans l’orbite des asentamientos ? - Combien d’acteurs juridiques professionnels optent-ils enfin, plus ou moins intuitivement, face à des phénomènes « périphériques », pour la carte magique du « non-droit » ou de « l’informel ». Combien bottent-ils en touche et dans quelles circonstances le font-ils ? La réponse à de telles inquiétudes ne renvoie pas seulement à la transposition opportune d’un objet d’étude sociologique — travaux de « sociologie du curriculum universitaire88 », « sociologie du droit et des usages professionnels », « sociologie urbaine » —. L’ouverture tient aussi, depuis la perspective du juriste, à un problème de positionnement épistémologique89 : - situer le rôle et la place de l’interprétation des phénomènes de marginalité urbaine dans l’orbite des connaissances en droit ou sur le droit ; - identifier un corpus de « savoirs », « savoir-faire » et, en dernière instance de « savoir-être », susceptibles d’être acquis, discutés, transmis par la voie d’apprentissages ; - émettre un critère d’ordre fonctionnel, c’est-à-dire déterminer dans quelle mesure, et à quelles conditions, la mise en chantier des connaissances de fait contribue effectivement à l’orientation et, chemin faisant, à la mutation des usages et pratiques professionnels du droit aux portes de la ville ; Françoise Ropé, « Pour une sociologie du curriculum universitaire », Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 3 | 2004, 243249. 88 Du concept d’«épistémologie» Charles Atias retient la définition suivante: « l’étude critique des évènements qui émaillent l’histoire du corps de connaissance qu’une collectivité savante alimente, corrige et travaille, et dont l’objet est relativement déterminé», extrait de Charles Atias, Épistémologie juridique, Dalloz, collection Précis Droit privé, 1ère édition, 2002, p.3 ; Une seconde approche énonce quant à elle: « L’épistémologie est une étude critique des principes des postulats des méthodes et des résultats de la connaissance du droit. Elle ne se consacre qu’à l’étude des modes de connaissance du droit et est destinée à diriger la pensée juridique, en se dégageant des réalités de la vie et des besoins saisissables pour ne considérer que les notions pures, les ordonner en elles-mêmes, isolément des intérêts concrets qu’elles représentent, et parvenir à une construction juridique par les seuls efforts de la pensée. », in Jean-Louis Bergel, Théorie générale du droit, Méthodes du droit, Mars 2012, Dalloz, p.4. 89 47 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - déterminer comment et pourquoi « la connaissance du fait en droit’90 demeure bien souvent, a contrario, dans l’ombre d’un second registre cognitif, la « connaissance des normes91 ». Le traitement isolé des « fictions » et des « présomptions juridiques » fait figure d’exception à cet égard. La situation d’objets « sui generis » témoigne de même et, assez généralement, d’un rapport accidenté au traitement des faits sociaux dans le champ de la théorie du droit. Jean Rivero n’observait-il pas sur ce thème : « La fiction (…) est le refus délibéré de la réalité. Elle met consciemment, à la base de la démarche du juriste, une affirmation dont il sait qu’elle ne correspond pas à la réalité. (…) la présomption irréfragable ne témoigne pas, à l’égard de la vérité, d’un mépris aussi radical : elle ne la refuse pas, simplement, elle s’en désintéresse. Elle n’est pas, comme la fiction, une négation consciente de la réalité, mais refus de rechercher celle-ci (…) l’une comme l’autre font bon marché de la réalité, et aboutissent à la tenir pour inutile »92. À l’exception sans doute d’une thèse de droit dont on reproduit ci-dessous le résumé (à défaut d’accès au texte dans sa version intégrale) : « Le plus souvent, lorsqu'est évoquée la connaissance en droit, c'est de la connaissance du droit qu'il s'agit. Pourtant la connaissance du fait représente, par sa richesse, le lieu idéal d'observation des relations du droit et de cet état psychologique. Celles-ci peuvent d'abord être saisies sous l'angle synchronique, c'est-a-dire a un moment donne de l'activité humaine. La connaissance - du fait, mais aussi du droit - y apparait elle-même comme un fait. Elle permet de donner signification et valeur aux décisions ou comportements des sujets de droit. Mais c'est également sur un plan diachronique que se nouent des liens entre connaissance du fait et droit. Le mouvement se dessine alors de l'ignorance a l'acquisition de la connaissance, puis de la connaissance acquise a son utilisation. Enfin, au-delà de la diversité des relations de la connaissance du fait et du droit, percent de communes considérations, permettant d'esquisser une théorie de la connaissance en droit. Elle y apparait d'abord, comme le suggère la philosophie, en tant que situation cognitive, par laquelle le sujet se fait une exacte représentation de la réalité. Par ailleurs, la connaissance consiste, sous les traits d'une relation cognitive, en un lien entre l'individu et la réalité. Ainsi apparait la dialectique de la connaissance en droit : la connaissance, phénomène psychologique, s'impose au droit dans une certaine mesure, mais, en retour, celui-ci lui imprime sa marque. » LEPAGE, Agathe. Recherche sur la connaissance du fait en droit. Thèse sous la direction de Yann Paclot, Paris 11, 1998. 90 Sur la question de la centralité du processus de connaissance des normes, François Chenédé observe : “La connaissance de la norme n’est jamais un point d’arrivée pour le juriste. Elle est un point de passage, un point d’appui, fréquemment le point de départ, mais certainement pas, tant s’en faut, le point d’orgue de son activité”, in François Chénedé, « De la conception du droit à la fonction de juriste », extrait de La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p.3-27. 91 92 Jean Rivero, « Les présomptions en droit public français » in PERELMAN, Chaim et FORIERS, Paul (éd.), Les présomptions et les fictions en droit, Bruylant, 1974, p.103 ; Jean Louis BERGEL énonce sur le sujet : « Le droit recourt [observation personnelle : en réalité et plus justement «les juristes » (…)]à divers procédés de technique juridique pour concilier la stabilité de la construction logique nécessaire à sa sécurité et les exigences de son adaptation à la plasticité des réalités sociales. À cette fin on utilise parfois des artifices et on altère la vérité pour justifier des solutions adéquates sans remettre en cause l’armature du système juridique. On travestit ainsi la réalité, en faisant « comme si » une situation existait ou n’existait pas, afin de parvenir à un résultat jugé satisfaisant.», extrait de Jean-Louis BERGEL, « Le rôle des Fictions dans le système juridique », McGill Law Journal, 1987, vol. 33, p. 357. Voir aussi : WICKER, Guillaume, « Les fictions juridiques : contribution à l'analyse de l'acte juridique », Thèse de doctorat, 48 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le fleurissement contemporain des théories critiques, alternatives ou réalistes offre un jour théorique nouveau sur le front du dialogue « droit-sociétés ». La question du traitement des faits d’expérience — entendu, alternativement, comme un aménagement de l’agir juridique professionnel par le fait du contexte ou au service d’une meilleure adaptation au contexte — n’apparaît pas, en revanche, clairement déterminée, identifiable comme une condition d’apprentissage, de reproduction, d’instrumentalisation ou de progrès éventuel des usages et pratiques professionnelles. Son intégration au curriculum demeure dans bien des cas, incertaine. Plusieurs facteurs circonstanciels alimentent une telle hypothèse de travail. Une série de problèmes s’attache, en premier lieu, à la question de la « visibilité » et, a fortiori, du discernement des phénomènes de formation et de production des connaissances sur le fait dans l’orbite des usages et pratiques professionnels. L’approche réflexive des faits de marginalité urbaine demeure tapie dans l’ombre des pratiques décisionnelles, interprétatives et argumentatives entreprises à partir d’un énoncé normatif. L’analyse des phénomènes sociaux apparaît sous le jour restrictif d’un point d’étape du jugement individuel. Le symbolique et accessoire rappel des faits précède la mise en œuvre des techniques et des fonctions proprement « juridiques ». La question des modalités de « production » et de « communication » des faits ne dépasse que rarement celle de l’énoncé des « antécédents » d’un contrat, d’une norme juridique, d’un article de doctrine. L’« administration des preuves » se limite, par définition, au cadre extraordinaire du contentieux et de la procédure judiciaire. Une seconde série de problèmes s’attache, en second lieu, au cloisonnement des processus cognitifs prenant le fait urbain marginal pour objet. Une division sociopolitique des tâches et des savoir-faire de situation tend à s’opérer. Des phénomènes structurels tels que l’institutionnalisation des pratiques de recherche93 ; la discontinuité entre pratiques empiriques, « cliniques » et processus de Perpignan, 1994; CAYLA, Olivier. « Ouverture: Le jeu de la fiction entre" comme si" et" comme ça" ». Droits, 1995, no 21, p. 3. ; BIQUET, Christine, « Les fictions en droit », Revue de la Faculté de Droit de l'Université de Liège, 2013, no 1 ; ESQUIROL, Jorge L, «Continuing Fictions of Latin American Law », Florida Law Review, vol. 55, 2003, p. 41. Gingras, Yves. « L’institutionnalisation de la recherche en milieu universitaire et ses effets », Sociologie et sociétés 23.1 (1991): 41-54. 93 49 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 conceptualisation-théorisation de l’autre94 ; l’édification de tranchées disciplinaires entre les sciences sociales et le droit ; contribuent à bien des égards, au déplacement et à l’externalisation du processus de formation des connaissances de fait « en droit ». La reformulation des épistèmes de recherche et du travail « avec » le droit implique, par définition et au vu de ces derniers éléments, un travail « sur » le droit, sur l’horizon de ses conceptions, de ses significations. En sus du réaménagement micropolitique du champ des connaissances perçues comme utiles et nécessaires à des pratiques « situées », le défaut d’un critère d’engagement des acteurs juridiques professionnels dans l’orbite périurbaine constitue un frein au déploiement de l’agir juridique. Approfondissant l’exploration du concept de « contexte », Dominique Raynaud introduit une nuance utile entre l’étude classique du contexte « per sé » et une seconde approche, plus aiguisée et contemporaine : les pratiques de « contextualisation »95. L’auteur observe, en résumé, que : « il n’y a pas de contexte sans contexte (…) Autrement dit, le contexte n’existe pas en tant que tel. Il émerge, ou se définit, pour une finalité précise ». Il retient, plus particulièrement enfin, que « le contexte est un ensemble d’informations » et que cet ensemble « structuré, partagé (...) évolue et sert l’interprétation (…) » 96. Atterrissant progressivement ces analyses préliminaires au cas d’étude guayaquileño, l’enjeu d’une mise en chantier des connaissances de fait, se préciseront en deux temps. Le travail de situation répond, en premier lieu, au déploiement de fonctions informatives. Le champ de la « cohérence narrative »97 s’étend progressivement vers la mise en récit des phénomènes de juridicité urbaine marginale. Au-delà du simple et austère rappel des faits, le travail de 94 Sur la question : Jean-Yves Rochex, « Approches cliniques et recherche en éducation », Recherche et formation [En ligne], 65 | 2010. RAYNAUD Dominique, Le contexte est-il un concept légitime de l’explication sociologique ? L’Explication sociologique. Quels sont les niveaux d’abstraction légitimes ? Colloque organisé par P. Demeulenaere à Nancy, 17-19 octobre 2005. 95 REY Gaëtan, Adaptation et contexte, Méthode pour la modélisation du contexte d’interaction, System Research Group Computer Science and Informatics, Center University College Dublin Belfield, RSTI - ISI – 11/2006, pages 141 à 166. 96 Ronald DWORKIn, L’empire du droit, Paris, PUF, coll. « Recherches politiques », (1986), trad. Française ; cité in : Timsit, Gérard. "Le roman à la chaîne." Revue internationale de philosophie 3 (2005): 393-411. 97 50 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 contextualisation participe à la découverte de l’espace urbain marginal sous les traits d’un territoire gouverné. L’empreinte socio-environnementale du travail juridique se matérialise à partir d’une exploration du champ de la juridicité urbaine marginale. (Chapitre 1). Le travail de situation répond, en second lieu, à la formation d’un critère décisionnel. La démarche de projection partielle et partiale des faits de marginalité urbaine détermine en partie l’opération de qualification juridique des faits. Face à l’appel du vide, vortex du « non-droit » et de « l’informel », la connaissance renouvelée des faits de marginalité urbaine contribue, chemin faisant, à situer des actions, des situations, des états dans l’orbite du droit. L’enjeu rémanent de rupture du monopole étatique quant à l’usage des formes juridiques « modernes » et, à l’inverse, celui d’un déplacement ou d’une résistance face aux formes imposées par l’état de droit colonial se précise (Chapitre 2) 51 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 1 La mise en récit du droit Le survol des discussions doctrinales quant à la définition contemporaine du « droit », délimitation fonctionnelle du champ de la « juridicité » — entendue alternativement comme sphère d’intervention ou de compétence des juristes —, met en évidence le caractère généralement incertain et subjectif d’une telle démarche 98 . Le socle informationnel sur la base duquel pratiques et usages professionnels sont pensés, entrepris, divulgués, et, par là même, susceptibles d’évoluer et de se transformer se recompose invariablement d’un acteur à un autre. Entendu comme un phénomène expérientiel par essence, l’horizon des faits de juridicité évolue à l’épreuve du temps, de l’espace, des besoins, des rencontres et vécus émotionnels. Les critères d’engagement du travail juridique en périphérie des villes du Sud apparaissent, par là même, susceptibles d’une évolution d’ordre qualitative. L’usage « informé » de la technique juridique dans l’orbite des phénomènes de marginalité urbaine emporte, par définition, une tâche routinière de cartographie des secteurs informationnels susceptibles de jouer un rôle d’intrants, déclencheurs, ou tout du moins perturbateurs, de l’agir juridique en contexte. Dans la perspective d’un élargissement du champ des opérations juridiques, la mise en récit du droit et de ses usages — action de « dire le droit »99 — débute par un nécessaire exercice de classement et de hiérarchisation des « faits pertinents ». Dans la perspective d’une extension du champ de la « cohérence narrative » 100 , les paragraphes suivants introduiront un gradient informationnel à trois niveaux. Ré Libchaber observe sur ce registre que « l'idée d'une essence du droit n'est autre qu'un postulat individuel », la catégorie ‘droit’, « une présupposition, liée à la volonté d'abstraire pour synthétiser, et de synthétiser pour pouvoir décrire». LIBCHABER Ré, L’ordre juridique et le discours du droit : essai sur les limites de la connaissance du droit, LGDJ-Lextenso éditions, Paris 2013. p.8 ; sur la question de la juridicité : Le Roy, Étienne. « Autonomie du droit, hétéronomie de la juridicité ». Le nuove ambizioni del sapere del giurista: antropologia giuridica e traduttologia giuridica. Roma: Accademia Nazionale dei Lincei (2009): 99-133 ; Chouraqui, Alain. « Normes sociales et règles juridiques: quelques observations sur des régulations désarticulées », Droit et société 13.1 (1989): 417-435 ; Eberhard, Christoph. « De l'autre côté... La juridicité », Revue interdisciplinaire d'études juridiques 70.1 (2013): 77-83. 98 99 Guastini, Riccardo. « Théorie et ontologie du droit chez Dworkin », Droit et société 2.1 (1986): 15-22. 100 Lenoble, Jacques. « La théorie de la cohérence narrative en droit: le débat Dworkin-MacCormick », Archives de philosophie du droit 33.33 (1988): 120-139. 52 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 À un premier niveau, l’exploitation d’une « situation factuelle » et l’extraction des « faits de juridicité » renverront, suivant les canons de l’orthodoxie juridique moderne, au traitement limitatif des circonstances auxquelles la loi associe, directement ou indirectement, des effets de droit. Pierre Moore esquisse, sur ce registre, une feuille de route très claire : - « lorsqu’un juriste dit “faits”, il ne s’agit pas, du moins pas immédiatement, de ce qu’on pourrait appeler la “réalité” et que je nommerai par la suite “situation factuelle”. Car, à l’intérieur de l’ensemble, d’ailleurs infini en soi, des événements qui se nouent dans une situation factuelle, seuls sont intéressants ceux dont la norme juridique applicable fait dépendre son application. Il faudrait donc toujours, pour être rigoureux dans l’emploi des termes, parler des “faits pertinents”, tels qu’ils sont extraits de la situation factuelle101 ». Dans son sens le plus classique, la « juridicité urbaine marginale » procèderait, en somme, du placement micropolitique de « faits pertinents » — état, personne, un groupe, des rapports, des choses, des actions, des lieux, des situations, etc. — à la portée d’un champ ou d’un énoncé normatif — lui-même intégré à un ordre juridique étatique —. L’intervention des acteurs juridiques professionnels se projette alors en écho à la norme étatique, d’un curseur législatif ou réglementaire pointé vers les asentamientos. « Faits sociaux » et « situations juridiques102 » se superposent. Ils sont mis en concordance par un coup de baguette législative103. Certaines « circonstances de fait » deviennent éventuellement justiciables, susceptibles d’être « entendues » par un arbitre ou un juge104. 101 Pierre Moor, « Logique scientifique et logique institutionnelle dans le discours juridique », Revue européenne des sciences sociales, XLVI-141,2008, mis en ligne le 01 mai 2011, consulté le 13 octobre 2012. 102 Le lexique des termes juridiques Dalloz définit en ce sens la situation juridique comme : «la situation dans laquelle se trouve une personne vis-à-vis des autres sujets de droit, sur le fondement des règles de droit. Ainsi un fait, un état, un acte juridique favorisent la naissance d’un faisceau de droits et de devoirs, de prérogatives et de charges au profit ou à l’encontre de la personne. », Lexique des termes juridiques, Dalloz, 16e édition. 103 Voir généralement : MOTULSKY, Henri, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé:(la théorie des éléments générateurs des droits subjectifs). Librairie du Recueil Sirey, 1948. 104 Jean Carbonnier sur ce dernier point : « il se pourrait bien qu'en dernière instance la définition la moins improbable (du droit) fut encore celle-ci : qu'est juridique ce qui est propre à provoquer un jugement, ce qui est susceptible de procès, justiciable de cette activité très particulière d'un tiers personnage que l'on appelle arbitre ou juge. Mais de ce que la possibilité toujours latente d'un procès soit inhérente à la notion du juridique, il ne s'ensuit pas que la réalité du droit se confonde avec le contentieux » extrait de Jean Carbonnier, flexible droit, LGDJ, 10e édition, 2001, p.23 ; cité in LIBCHABER Ré, L’ordre juridique et le discours du droit : essai sur les limites de la connaissance du droit, LGDJ-Lextenso éditions, Paris 2013. p19-21. 53 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La récente « Loi organique d’ordonnancement territorial, d’usage et de gestion du sol » 105 prête par exemple, à un processus de « constitution juridique du territoire »106. Le sol urbain « non consolidé » s’y trouve expressément visé comme celui « qui ne compte pas avec l’ensemble des services, infrastructures et équipements nécessaires et qui requiert un processus afin de compléter ou d’améliorer son édification ou urbanisation »107 . Les « asentamientos de hecho — de fait — se trouvent de même définis comme des « établissements humains caractérisés par une forme d’occupation des territoires qui n’a pas considéré les instruments de planification urbaine municipale ou métropolitaine » 108 . La convocation du travail juridique — en première instance, celui d’agents publics — répond au commandement divin et catégorique de la loi. À un second niveau d’information, l’enjeu narratif se porte sur l’ensemble des actions, des états ou des rapports attachés, par voie de causalité ou de conséquence, aux phénomènes de formation et de réalisation du droit dans l’orbite de la marginalité urbaine. Ré Libchaer propose sur un registre voisin d’incorporer à la notion de droit : - « tous les énoncés possibles, c’est-à-dire tous ceux qui pourraient s’insérer dans le tissu juridique sans le déchirer, ceux qui se détachent de la stricte positivité des énoncés de détail pour s’intégrer à la trame générale de l’ordre juridique. Cet ensemble cohérent de solutions 105 « Ley Orgánica de Ordenamiento Territorial, Uso y Gestión de Suelo », R.O. 790, Suplemento, de 05-07-2016; La démarche trouve par ailleurs un écho sur le plan du droit régional comparé lorsque la législateur Mexicain institue une loi-cadre sur les ‘Asentamientos Humanos irregulares’ Ley general de asentamientos humanos publicada en el Diario Oficial de la Federación el 21 de julio de 1993, Última reforma publicada DOF 09-04-2012 (consulter en particulier sur ce thème les articles 39, 40 et 60). Citation de l’auteur : « Voilà pourquoi il sera question à travers le cas de la ville aujourd'hui de l'organisation, mieux : de la constitution juridique du territoire. Tous ceux qui gèrent la ville, tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, la pensent rencontrent le droit jusque dans sa matérialité : qu'il s'agisse du droit de l'État avec lequel la ville doit composer, ou qu'il s'agisse des pratiques juridiques urbaines elles-mêmes. » CAILLOSSE Jacques, « La ville, le droit et la redistribution des territoires administratifs », Politiques et management public, 1995, vol. 13, no 3, p. 83-119. 106 107 « Art.18.2 Suelo urbano no consolidado. Es el suelo urbano que no posee la totalidad de los servicios, infraestructuras y equipamientos necesarios, y que requiere de un proceso para completar o mejorar su edificación o urbanización » Ley Orgánica de Ordenamiento Territorial, Uso y Gestión de Suelo, R.O. 790, Suplemento, de 05-07-2016. 108 « Artículo 74.- Asentamiento de hecho. Se entiende por asentamiento de hecho aquel asentamiento humano caracterizado por una forma de ocupación del territorio que no ha considerado el planeamiento urbanístico municipal o metropolitano establecido, o que se encuentra en zona de riesgo, y que presenta inseguridad jurídica respecto de la tenencia del suelo, precariedad en la vivienda y déficit de infraestructuras y servicios básicos ». Ley Orgánica de Ordenamiento Territorial, Uso y Gestión de Suelo, R.O. 790, Suplemento, de 05-07-2016. 54 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 qui, par leur contenu comme par leur forme, pourraient être reçues, c’est ce que l’on peut appeler la juridicité »109. L’observation des « situations factuelles » s’étend alors à l’horizon des vécus de la norme et du système juridique. L’ouverture phénoménologique implique, par définition, de porter un regard sur l’éventail des « pratiques juridiques urbaines » 110 procédant de la territorialisation des asentamientos. Le périmètre narratif s’étend, de même et en dernière instance, à l’observation des faits de pluralisme juridique. La résilience de normativités spontanées nées des premiers temps de l’occupation interpelle particulièrement à cet égard. Jacques Chevallier observe sur ce registre : « La régulation juridique passe, dans les sociétés contemporaines, par l’intervention d’acteurs multiples, situés dans des espaces juridiques différents et non hiérarchisés les uns aux autres. Ce polycentrisme résulte d’un double mouvement. D’une part, l’État n’apparaît plus comme le seul foyer de droit, la seule instance de régulation juridique : d’autres producteurs de droit et de régulation sont apparus, soit à des niveaux différents, soit parallèlement à lui ; le droit étatique est désormais “relayé”, lorsque l’État délègue ses compétences régulatrices, “suppléé”, par le recours à d’autres modes de régulation, “supplanté”, par le jeu de l’émergence d’autres ordres juridiques. D’autre part, le pluralisme gagne le droit étatique lui-même, par le jeu du développement au sein de l’État de foyers autonomes de production du droit »111. À un troisième et dernier niveau d’information, la trame narrative s’étendra à l’ensemble de « faisceaux » ou « signes » limitrophes de la juridicité. Le regard porté sur l’acte de représenter, de « traduire » les phénomènes urbains marginaux en problèmes, théories, concepts de même que sur l’explosion des flux d’information « scientifique » émergent, per sé, comme des enjeux informationnels112. Les « faits de connaissance » de la ville, du droit, rejaillissent sur les usages et LIBCHABER Ré, L’ordre juridique et le discours du droit : essai sur les limites de la connaissance du droit, LGDJLextenso éditions, Paris 2013. p.21. 109 110 CAILLOSSE Jacques, « La ville, le droit et la redistribution des territoires administratifs », Politiques et management public, 1995, vol. 13, no 3, p. 83-119 111 Chevallier Jacques, « La régulation juridique en question », Droit et société, 2001/3, n°49, p. 827-846. 112 Goirand Camille, La politique des favelas, Recherches internationales Karthala, Ceri, 2001. 55 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 pratiques professionnels. Le phénomène sociopolitique et technologique de circulation des représentations « autorisées » du fait urbain marginal participe pleinement, en ce sens, au gouvernement des asentamientos. Les discours sur le droit pénètrent et façonnent de manière performatique l’espace de juridicité113. Au sens d’une pluridisciplinarité d’abord, une diversité de branches de savoir — connectées au réseau des « sciences de l’homme et de la société » 114 — appréhende l’étude des phénomènes juridiques comme des lignes de recherche opportunes et pertinentes. Le regard porté sur la juridicité urbaine marginale s’incorpore à la construction d’une pluralité d’objets de recherche. La pensée économique de la réalisation du droit aux abords du contexte urbain marginal rejaillit assez nettement, par exemple, sur les processus de gouvernance, formation du droit des asentamientos. Au sens d’une interdisciplinarité ensuite, le « rapprochement des questions posées, le croisement des problématiques élaborées, l’utilisation des mêmes outils et des mêmes méthodes et la complémentarité des plans d’analyse » 115 bousculent l’état des connaissances disponibles sur l’ensemble du réseau cognitif. Celle-ci modifie progressivement la chaîne d’apprentissage et de reproduction du droit. Le spectre informationnel sur la base duquel les acteurs juridiques professionnels sont amenés à prendre et rendre compte du droit, de ses usages et de ses pratiques « en sociétés » apparaît, au vu de Sur le rapprochement ‘droit et sciences humaines’ ; ‘droit et sciences sociales’, ARNAUD A.J., Les juristes face à la société du XIXe siècle à nos jours, Paris, PUF, 1975; LASCOUMES P., , Le droit comme science sociale, in CHAZEL F., COMMAILLE J., (éd.), Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ, 1991, p.39-49 ; Audren Frédéric et Halpérin Jean-Louis, « La science juridique entre politique et sciences humaines (XIXème-XXème siècles) », Revue d'Histoire des Sciences humaines, 2001/1 no 4, p. 3-7. 113 L’auteur reprenant le postulat d’obsolescence de la distinction entre ‘sciences humaines’ et ‘sciences sociales’ observe: « Cette intégration croissante des sciences de l’homme en société met en œuvre des synergies multiples : croisements, partages et réappropriations, interactions et transversalités, hybridations et fécondations croisées, etc. Leur finalité commune est la recherche de représentations généralisables de processus complexes, expliquant les variations des répartitions dans le temps et dans l’espace de la dynamique d’évolution des sociétés, sans gommer la complexité du jeu des acteurs et la variété des contextes, tout en identifiant les pertinences d’échelles et de niveaux. » Grunberg Gérard et coll., Sciences de l’Homme et de la Société, Rapport de Conjoncture 2004, CNRS, Dans le même sens : PIAGET Jean, « Problèmes généraux de la recherche interdisciplinaire et mécanismes communs », Tendances principales de la recherche dans les sciences sociales et humaines, première partie: Sciences sociales, 1970, p. 559-628 ; PIAGET Jean, Epistémologie des sciences de l'homme, Gallimard, 1972.Sur le rapprochement ‘droit et sciences humaines’ ; ‘droit et sciences sociales’, ARNAUD A.J., Les juristes face à la société du XIXe siècle à nos jours, Paris, PUF, 1975; LASCOUMES P., , Le droit comme science sociale, in CHAZEL F., COMMAILLE J., (éd.), Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ, 1991, p.39-49 ; Audren Frédéric et Halpérin Jean-Louis, « La science juridique entre politique et sciences humaines (XIXème-XXème siècles) », Revue d'Histoire des Sciences humaines, 2001/1 no 4, p. 3-7. 114 115 GRUNBERG Gérard et coll., Sciences de l’Homme et de la Société, Rapport de Conjoncture 2004, CNRS. 56 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 cet essai préliminaire de catégorisation, en mutation. Le paysage des « objets » susceptibles de produire un soubresaut micropolitique, d’altérer le cours de la fonction sociale des acteurs juridiques professionnels en milieu urbain marginal s’étoffe sensiblement. Poursuivant l’essai d’ouverture, les propos suivants exploreront, dans l’ombre du processus politique de « revolucion ciudadana » et de la constitution du « Buen-vivir », deux champs narratifs en friche : - le reflet, premièrement, d’une extrême « densité » des réseaux normatifs assurant la territorialisation des « asentamientos » et l’assise d’un pouvoir local — mise en récit du droit de la ville et du gouvernement urbain marginal — (Section 1) ; - un enjeu libertaire généralement attaché à la conquête des droits à la ville, le récit de luttes, violences et traumatismes spécifiquement induits par l’irruption des formes juridiques « modernes » — la « procédure », le dictat à ciel ouvert du droit colonial et des rapports de guichet —, deuxièmement (Section 2). Section 1 Le gouvernement urbain marginal et le tissage du droit de la ville Une poignée d’agents municipaux, de cadres de la « Secretaria Técnica de Prevención de asentamientos humanos irregulares-STAPHI- » et d’agents du MIDUVI se livrent, sur fond d’opposition politique entre la municipalité de Guayaquil — aux mains du « Partido social cristiano (PSC) » depuis 1992116 — et Carondelet — siège de l’exécutif et du gouvernement de « Revolucion ciudadana » depuis 2007 — une guérilla juridique117. La question de la « régularisation » des asentamientos du Monte Sinaï attise de vieilles rancœurs. L’administration centrale et l’autorité municipale effectuent un travail continu et minutieux de légistes, avancent stratégiquement leurs pions sur l’échiquier politique local par la voie du droit. Une valse de règlements, de décrets présidentiels, d’ordonnances municipales, redéfinissent des partages de juridictions, circonscrivent des zones, des secteurs d’intervention. La production 116 VILLAVICENCIO, Gaitán. « Políticas públicas y renovación urbana en Guayaquil: las administraciones social cristianas (1992-2000) », Universitas, Revista de Ciencias Sociales y Humanas de la Universidad Politécnica Salesiana del Ecuador; 17, (2012). 117 DE LARA, Felipe Burbano. « La lucha por Guayaquil », Íconos-Revista de Ciencias Sociales 33 (2013): 21-26. 57 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 frénétique des cadres normatifs — « vitrines de légitimité » — à grand renfort de services et d’expertises juridiques forment partie intégrante du gouvernement de la ville118. Les clivages historiques entre l’administration de « la côte » de « la Sierra » — la Costa y la Sierra — d’une part, entre processus, bien souvent concurrents, de décentralisation et de métropolisation, d’autre part, rejaillissent sur la configuration du réseau législatif et réglementaire. Évoquant l’émergence d′un « droit de la ville », Yves Jegouzo évoque, sur ce registre, un phénomène de « croissance du droit » et la « création d′un socle juridique… à l’appui des politiques de la ville’ »119. Depuis la cellule souche urbaine, les phénomènes de formation et de réalisation du droit tendent progressivement à être redécouverts à l’échelle de la ville. La territorialisation, arrimage accidenté des asentamientos au tissu métropolitain se poursuit. La découverte de l’espace urbain marginal guayaquileño sous le jour de ce territoire convoité, administré et, in fine, gouverné sera restituée au fil de cette première section. L’enjeu narratif touche . Il se précise au regard d’un triple registre : - la montée en puissance technico-administrative de la municipalité de Guayaquil (1992120 — ) et la consolidation d’un patron de gouvernement métropolitain à la porte des asentamientos (A) ; - la production d’une nouvelle centralité à travers la symbolique de la régénération urbaine (B) ; - le recul de la frontière urbaine et la consolidation juridique de la trame métropolitaine (C). 118 Voir généralement: FRUG Gerald, City as a Legal Concept, the Harvard Law Review, 1979, vol. 93, p. 1057; FRUG &BARRON, International Local Government Law, Urban Law review, 2006, vol. 38, p. 1; BLANK Yishai, City and the World, The Columbia Journal of Transnational Law, 2005, vol. 44, p. 875 ; BLANK, Yishai, Localism in the new global legal order, Harvard International Law Journal, 2006, vol. 47, No. 1. 119 JEGOUZO Yves, « Droit de la ville et droit dans la ville », Revue française des affaires sociales, 2001/3 n° 3, p. 5570. Pour une mise en contexte, renvoyons ici à l’allocution télévisée de Léon Febrès Cordero dans les jours suivant l’investiture de 1992 “Alcalde denuncia situación y la forma como se manejaron los destinos de la ciudad en los últimos anos”. https://www.youtube.com/watch?v=E0B2ao6HY9M (dernier accès 17/11/2016). 120 58 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 A) L’administration métropolitaine « Elle se profile devant les yeux, la ville idéale, la nouvelle Athènes. New York et Paris en proposent déjà une image, sans compter quelques autres villes. Le centre de décision et le centre de consommation se réunissent. Basée sur leur convergence stratégique, leur alliance sur le terrain crée une centralité exorbitante. (…) » (Henri Lefebvre, 1968)121. Le florilège de concepts représentant la ville à l’image d’un acteur international autonome constitue l’un des axes de communication scientifique et politique majeurs de la gouvernance internationale des villes 122 . Dans ses grands traits, la figure polymorphe de gouvernance métropolitaine 123 évoque un positionnement stratégique, une projection des enjeux de développement local vers un espace mondialisé et connecté -du « glocal » -124. Les objectifs de l’action municipale sont redéfinis. De nouvelles capacités institutionnelles et modes de gestion de la ville sont déployés. « Performance », « efficacité », « culture du résultat »: entre effet d’émulation et mutations tangibles de l’agir administratif local, le « relooking » opère, bien souvent, depuis l’analogie avec le secteur privé — « the corporate analogy »-125. La politique de la ville en emprunte les symboles, le langage 121 LEFEBVRE, Henri, Le droit à la ville, Préface de Rémy Hess, Éditions Anthropos, 2009, cité in : Cécile Gintrac « penser la jungle des villes », les lettres françaises, 9 février 2012. Saskia SASSEN (ed.), Global Networks, Linked Cities, 2002; FRUG et BARRON, “International Local Government Law”, The Urban Lawyer, 2006, vol. 38, p.58; SCHLEICHER, David, “The City as a Law and Economic Subject”, George Mason Law & Economics Research Paper, no 09-47, 2009,p. 1507-1564. 122 123 Les racines étymologiques latines, metropolis, et grecques, mêtropolis du terme métropole renvoient à la capitale d'une province et plus généralement au concept de ville-mère d′un territoire par opposition à la figure politique et juridique d′espaces sous tutelle de l′Empire ou de l′État. Voir : Centre National de ressources textuelles et lexicales en ligne, CNRS, Atilf, 2013 ; http://www.cnrtl.fr/definition/métropole (dernier accès 15 novembre 2016). 124 AUGE Marc. Retour sur les « non-lieux ». In: Communications, 87, 2010. Autour du lieu [Numéro dirigé par Aline Brochot et Martin de la Soudière] sous la direction de Aline Brochot et Martin de la Soudière. pp. 171-178. BARRON David, “Reclaiming home rule”, Harvard Law Review, volume 116, n. 118, juin 2003, p. 2255-2386 ; Briffault, Richard, and Laurie Reynolds, Cases and Materials on State and Local Government Law, West Group, 2004. 125 59 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 et les modèles de gestion 126. L’entrepreneuriat métropolitain se présente, en un mot, comme un mode opératoire lissé et prêt-à-l’emploi127. Daniel Mockle observe, à travers l’essor des pratiques de gouvernance locale un « dédoublement progressif de la fonction normative entre un champ proprement juridique et un autre qui ne peut se définir que par défaut (actes non réglementaires/non-droit) »128. L’espace urbain marginal se transforme sensiblement, dans le sillon d’un tel dédoublement entre l’être et le paraître juridique, en objet de gouvernance locale métropolitaine. Le gouvernement des asentamientos, entendu plus restrictivement comme une ligne dure de la gouvernance, se manifeste, non plus seulement, au gré du flux et reflux négocié des pouvoirs de l’État sur une fraction du territoire national — la décentralisation —. Il se matérialise aussi de manière cumulative, alternative, voire concurrente comme l’assise du pouvoir métropolitain sur des territoires aspirant à la supranationalité129, des villes appelées à devenir « mondes ». L’administration de Guayaquil fait figure, à bien des égards de cas d’école sur les registres tout désignés de la « bonne gouvernance » et de l’ingénierie institutionnelle. Lors de son discours d’investiture à la municipalité, soit près de huit ans après l’arrivée à la mairie du « Partido socialcristiano », l’« abogado » Jaime Nebot, actuel maire sortant, évoquait déjà l’autonomie et l’entrepreneuriat local comme des enjeux centraux de ses mandats à venir : « Durant les huit dernières années, un Guayaquil détruit a été une nouvelle fois été construit, pour redevenir enfin Guayaquil. Maintenant, nous allons lancer plus de 126 MOLOTCH, Harvey. « The city as a growth machine: Toward a political economy of place », American journal of Sociology, 1976, p. 309-332, PADDISON, Ronan. “City marketing, image reconstruction and urban regeneration », Urban studies, 1993, vol. 30, No. 2, p. 339-349. 127 INGRAHAM & LYNN(éd.), The Art of Governance: Analyzing Management and Administration, Georgetown University Press, 2004. Daniel Mockle, La gouvernance, le droit et l'État, Bruxelles, Bruylant, 2007, p.110 ; citation extraite de l’article, Menétrey, S. Daniel Mockle, La gouvernance, le droit et l'état, Revue québécoise de droit international (RQDI), numero 20, 2008, p.345-348. Voir aussi, Voir dans le sens d′un droit de la gouvernance publique, Mockle Daniel, La gouvernance publique et le droit, Les Cahiers de droit, vol.4, numéro 1, 2006, p.89-165. 128 129 NIJMAN Janne, The Future of the City and the International Law of the Future, FICHL Publication Series, No. 11, 2011, p. 213-229; NIJMAN Janne, Non-State Actors and the International Rule of Law: Revisiting the 'Realist Theory' of International Legal Personality, extrait de Math Noortmann and Cedric Ryngaert (eds.), Non State Actors Dynamics in International Law: From Law-Takers to Law-Makers, Amsterdam Center for International Law, Ashgate, 2010;AUBY Jean-Bernard, Mega-Cities, Glocalization and Law of the Future, FICHL Publication Series, No. 11, 2011, p. 203-212. 60 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 chantiers publics, plus de sécurité, plus de santé, plus de régénération urbaine, plus de lots équipés (services de base), plus d’action sociale… en somme, nous allons faire que Guayaquil soit encore plus “ville”… ! Nous allons aussi faire plus de “Guayaquil pour la patrie”, mais surtout exiger que la patrie face plus pour Guayaquil ! Nous allons lutter infatigablement pour la décentralisation et l’autonomie, pas seulement jusqu’à ce qu’elles se convertissent en normes constitutionnelles et légales, mais aussi, le plus important, jusqu’à ce qu’elles se convertissent en réalités vécues et tangibles. (…) L’autonomie n’est pas un concept de papier, c’est une attitude ! » (Abogado Jaime Nebot, traduction personnelle à partir du discours d’investiture à la mairie de Guayaquil, 2000130). Sur près d’un quart de siècle, la municipalité de Guayaquil a adopté plusieurs centaines d’ordonnances. La mairie s’est dotée d’un appareil institutionnel et décisionnel dans la droite lignée du modèle entrepreneurial. Le “cabildo” de Guayaquil, siège municipal, émerge à plusieurs égards comme un acteur central, autorité de tutelle du processus de territorialisation des asentamientos. L’activité normative acquiert dans ce contexte les traits d’une pratique organisationnelle. À l’interface entre les asentamientos et des “ordres lointains” » 131 — « l’État », la « campagne », le « Nord » — l’autorité municipale s’affirme à la fois comme : - un pôle d’expertise technique sur les problématiques de planification urbaine, d’ordonnancement territorial et de « régularisation » juridique des asentamientos ; - un centre de gestion financière dès lors que la municipalité capte, gère et oriente la distribution des fonds publics alloués au redéveloppement et à la consolidation des infrastructures urbaines (la ville s’érige de fait comme interlocuteur direct et privilégié des Enciclopedia del Ecuador, “Ab.Jaime Nebot”, jaime-nebot/ (dernier accès 11/15/2016). 130 http://www.enciclopediadelecuador.com/personajes-historicos/ab- L’expression est empruntée à Henri Lefebvre, l’auteur annonçait : « comme telle, la ville occupe un espace spécifique bien distinct de l'espace rural. Par-là, la ville est une médiation entre un ordre proche et un ordre lointain. L’ordre proche, c’est celui de la campagne environnante que la ville domine, organise exploite en lui rétorquant du surtravail. L'ordre lointain, c'est celui de la société dans son ensemble » extrait de : Lefebvre Henri, La ville et l’urbain, Espaces et société, numéro 2, mars 1971, p.4. 131 61 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 organismes de financement et de coopération internationaux — CAF, BID, Banque mondiale132 - ; le tout-puissant prestataire-délégataire des services de base dès lors que la municipalité programme et supervise l’extension par secteurs des réseaux publics d’eau, d’assainissement, d’électricité et de gestion des déchets ménagers — à travers un régime de concession et d’appels d’offres internationaux — ; - un promoteur d’espaces publics et de services collectifs au rang desquels les transports, la santé, la gestion des parcs et des espaces verts — le système mis en place par la municipalité présente la particularité de reposer sur un processus de privatisation et la création d’un réseau de « fondations » 133 souvent qualifiées à juste titre de véritable « municipalité parallèle » 134 — ; - un promoteur immobilier, architecte et fournisseur d’une offre d’habitat social appelée à « concurrencer » l’offre irrégulière — Programmes « Mi Lote » et « Mucho lotes135 tout particulièrement —. - un prisme communicationnel136, perceptible à travers l’entreprise de création, de gestion et de projection dans l’espace public d’une image de la ville métropolitaine 137 — à travers son L’article 153 de l’Ordonnance établissant le « Plan régulateur de développement urbain de Guayaquil » du 21 juin 2000 émise par le conseil municipal de Guayaquil envisage une série d’instruments en vue de l’obtention de ressources financières: « Les instruments présents répondront fondamentalement au besoin de financement destines à la réalisation d’investissements : 153.1 Les ressources financières requis en vue de la mise en œuvre du développement urbain pourront venir : a. du budget municipal, des transferts de l’État central, de crédits négociés avec des entités nationales et internationales de développement et de crédit et, b. des ressources que l’entreprise privée, les organisations de la société civile et les organismes non gouvernementaux obtiendront de leurs propres initiatives. 153.3 En ce qui concerne les ressources à investir dans le maintien des œuvres et des projets, un recours préférentiels sera effectué à la participation d’organismes non gouvernementaux ou à l’entreprise privée comme entités indiquées à de telles fins.(traduction personnelle). » 132 En 1993 la "Loi de modernisation de l’État, privatisations et prestations de services publics par des entités du secteur privé “Ley de Modernización del Estado, Privatizaciones y Prestación de Servicios Públicos por parte de la Iniciativa Privada (Registro Oficial 349 del 31 de Diciembre de 1993). 133 134 Allán, Henry. Regeneración urbana y exclusión social en la ciudad de Guayaquil. Diss. Tesis de maestría. FLACSO Ecuador. 2010; Garcés Chris, Exclusión constitutiva: las organizaciones pantalla y lo anti-social en la renovación urbana de Guayaquil, ICONO, Flacso-Ecuador, Quito, Numero 20, 2004, p.53-63. 135 Acosta María Elena, Políticas de vivienda en Ecuador desde la década de los 70, análisis, balance y aprendizajes, Tesis de maestría, Quito, FLACSO, Marzo 2009. 62 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Règlement organique fonctionnel, la municipalité s’est munie d’une puissante “Direction du Tourisme, des Relations internationales et de la compétitivité” —. En syntonie avec la montée en puissance de la municipalité, la loi — en occurrence, l’article 55 du “Code organique de l’organisation territoriale de l’autonomie et de la décentralisation (COOTAD)” faisant lui-même écho à la norme constitutionnelle138 (article 264 de la Constitution “del Buen vivir”) — entérine sous les traits d’une réserve de compétences locales, la production du lien d’immédiateté technique et administrative entre la gestion de la ville et celle des asentamientos. Poursuivant la lecture du cas, le flux continu des ordonnances municipales ne contribue pas seulement à la production d’un centre décisionnel. L’appareillage technico-administratif du pouvoir local participe, de même, à la production d’une nouvelle centralité symbolique et spatiale : la “zone régénérée”. 136 Sur ce theme, PADDISON, Ronan, « City marketing, image reconstruction and urban regeneration », Urban studies, 1993, vol. 30, No. 2, p. 339-349; Andrea Lucarelli, Per Olof Berg, “City branding: a state-of-the-art review of the research domain”, Emerald, 4, ,2011. 137 Voir en particulier article 119 du Règlement organique fonctionnel de la municipalité de Guayaquil du 9 octobre 2007. « Les gouvernements autonomes municipaux décentralisés auront les compétences exclusives sans préjudice d’autres compétences que viendraient à déterminer la loi de : a) planifier, avec d’autres institutions du secteur public et des acteurs de la société, le développement cantonal et formuler les plans correspondants d’ordonnancement territorial, de manière articulée avec la planification nationale, régionale, provinciale et paroissiale, et dans le but de réguler l’usage l’occupation du sol urbain (…); b) Exécuter le contrôle sur l’usage et l’occupation du sol dans le canton; c) Planifier, construire et maintenir la viabilité urbaine; d) Fournir les services publics d’eau potable, d’égout, d’épuration des eaux usées, de gestion des déchets solides, d’assainissement environnemental et ceux que la loi viendrait à établir; e) Créer, modifier, exonérer ou supprimer à travers des ordonnances, des taxes, des tarifs et des contributions spéciales à des fins d’améliorations ; f) Planifier réguler et contrôler le transit et les transports terrestres à l’intérieur de la circonscription cantonale; g) Planifier, construire et maintenir l’infrastructure physique et les équipements de santé et d’éducation, ainsi que les espaces publics destinés au développement social, culturel et sportif en accord avec la loi; i) Elaborer et administrer les cadastres immobiliers urbains et ruraux ; n) Gérer la coopération internationale pour la mise en œuvre de ses compétences ». 138 63 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 B) La production juridique du centre-ville et le symbolisme de la régénération urbaine L’Ordonnance du 29 décembre 2000 — « Ordenanza de Regeneración Urbana para la ciudad de Guayaquil »_ , dont les trois premiers articles sont reproduits dans l’encadré ci-dessous, constitue l’une des pièces maîtresses de l’étroit maillage venant à constituer le « droit de la régénération urbaine »139. Art.1 Cette ordonnance établit les normes et les procédures applicables pour que la municipalité de Guayaquil entreprenne le Plan de régénération urbaine de la ville de Guayaquil, dans le but de stimuler l’autogestion de la communauté, en harmonie avec le travail municipal, en vue de revitaliser le développement architectural et urbanistique, à travers la réparation, l’amélioration, la restauration, et l’entretien de la ville. Art.2 Les normes de cette Ordonnance régulent l’intervention municipale dans l’exécution des ouvrages de régénération urbaine suivants : a) La reconstruction, rénovation, transformation ou amélioration des biens municipaux d’usage public comme les rues, trottoirs, parterres, intersections et ronds-points, parcs, etc. b) L’amélioration et la transformation d’immeubles du domaine particulier ou privé, à travers l’exécution de travaux par la municipalité sur les façades, les colonnes, les portails, etc. propices à revitaliser la valeur architecturale et paysagère ainsi qu’à travers la délimitation et l’installation de clôtures aux terrains non édifiés. Art.3 L’administration municipale entreprendra le Plan de régénération urbaine dans les secteurs spécifiquement signalés par le Conseil Cantonal de Guayaquil à travers une résolution. Les secteurs clairement délimités ainsi que le type d’ouvrages que l’administration municipale exécutera à la fois sur les biens d’usage public du secteur, les immeubles de propriété particulière (privée) objet du Plan de régénération urbaine 140 , apparaîtront dans cette résolution. 139 Voir aussi: Perrone, María Gabriela Navas. Malecón 2000: el inicio de la regeneración urbana de Guayaquil: un enfoque proyectual. Flacso-Sede Ecuador, 2012. 140 Extraits et traduit de « Ordenanza de Regeneración Urbana para la Ciudad de Guayaquil », publicada en el Registro Oficial No. 234 del 29 de diciembre del 2000; Le document fait l’objet de retouches régulières: Ordenanza que Norma los Programas de Regeneración Urbana de la Ciudad de Guayaquil”, publicada en el Registro Oficial No. 735 del 31 de 64 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 L’armature juridique de la régénération urbaine revêt, en première lecture et depuis une perspective technique, une fonction relativement simple et précise : « instrumentaliser » et signifier le processus de délimitation spatiale des zones « régénérées », établir les conditions préalables d’une intervention paysagère et architecturale sur le bâti urbain, poser les jalons d’une gestion des futurs secteurs régénérés. Cette modalité particulière de densification du réseau normatif répond directement du processus de régénération urbaine. Elle revêt néanmoins une signification bien plus profonde et ambiguë dans la vie quotidienne des guayaquileños. L’entreprise de transformation radicale, dont les aspects paysagers et architecturaux ne représentent, en tout état de cause, qu’une partie émergée de l’iceberg, produit et déplace les frontières internes de l’archipel métropolitain 141. La production juridique du secteur-centre limite ladite « régénération » à une poignée de « cuadras » et de zones piétonnes. Entre effets et discours de rupture, la zone régénérée s’est progressivement définie a contrario du rural, de la campagne périurbaine et des espaces satellitaires. Le « régénéré » répond, en d’autres termes, à la production d’une norme d’habitabilité urbaine. L’empreinte spatiale et normative du projet de régénération ambitionne à demi-mot une rupture historique avec le « dégénéré », les « barrios » et la lointaine jungle des asentamientos. Le « Culturel », le « Touristique ». Les enseignes de « services commerciaux et financiers » sont sanctifiées. Fonctionnellement ensuite, la zone régénérée assume un rôle bien particulier de médiationfiltration entre le local et le global. La régénération urbaine répond, en d’autres termes, à une entreprise de divulgation spatiale et régionale du projet métropolitain. La vitrine projette dans l’espace public une image retouchée de la ville142… la fraîcheur du “Mall” offerte à ciel ouvert. Le diciembre del 2002; “Ordenanza Rectificatoria a la Ordenanza que Norma los Programas de Regeneración Urbana de la Ciudad de Guayaquil”, publicada en el Registro Oficial No. 126 del 16 de julio del 2003. François Lionel définit sur un registre voisin le phénomène d’insularité comme la «combinaison de phénomènes sociospatiaux qui modifient la forme de la ville ainsi que les types d’interactions qui s’y déroulent et les pratiques urbaines. On voit apparaître des villes composées d’îlots déconnectés, une ville ‘archipel » extrait de : François Lionel, « Vers la ville insulaire ? », Espaces et Sociétés, n° 150, 2012 », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, 2012, mis en ligne le 18 octobre 2012, consulté le 03 mai 2013. URL : http://lectures.revues.org/9547 141 Voir : Caroline Lenoir-Anselme, Mises en scènes des villes : métropolisation et construction de l’image de la ville analyse des théâtralités de l’espace public élargi à Toulouse, Thèse soutenue le 13 novembre 2008 en vue de l’obtention du doctorat Université de Toulouse. 142 65 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 fantasme de « métapolis »143 s’invite au cœur de l’espace métropolitain. L’illusion d’optique semble parfaite : « un bassin d’emploi, d’habitat et d’activités » ; un espace marchand144 « connecté » ouvert sur le monde moderne et porteur d’une promesse d’avenir... « Guayaquil, Más Ciudad! ». Le droit de la régénération urbaine c’est aussi et enfin, ultime prix de l’illusion, la mise en place d’une police de l’espace public, des mœurs et de l’ordre moral. De l’espace « lissé » à l’espace « policé » un pas est franchi. L’effort désespéré de rupture visuelle et architecturale avec le Guayaquil « d’arrière-boutique », la production et l’alimentation du rêve collectif, s’accompagne d’une restriction drastique des libertés publiques et de tout ce qui entrerait en dissonance avec l’image d’Épinal. La criminalisation de certains publics, la prohibition d’activités indésirables, la restriction de certaines formes participatives aux abords des zones régénérées, les abus de pouvoir des « métropolitanos » en uniformes, la chasse aux vendeurs ambulants 145 constituent des stigmates quotidiens de la régénération146. Henry Allan Patricio Alegria observe sur ce registre : « La régénération urbaine n’est pas seulement un projet de reconstruction et d’embellissement des sites emblématiques de la ville (…) C’est aussi : a. un procédé de transformation du rôle de la municipalité locale, b. une gestion privée de fonds publics qui facilitent l’accumulation capitaliste des élites liées à la municipalité, c. une expulsion des personnes considérées comme indésirables, ceci à travers un certain nettoyage social des zones régénérées, d. une criminalisation de la protestation sociale accompagnée de 143 ASCHER François, Métapolis ou l'avenir des villes, Odile Jacob, Paris, 1995. 144 Lovering John, « The relationshop between urban regeneration and neoliberalism: two presumptuous theories and a research agenda », International Planning studies, Volume 12, Issue 4, 2007 145 Pareena G., and Sandra Castro. "Government intervention in street vending activities in Guayaquil, Ecuador: a case study of vendors in the municipal markets." Problemas del Desarrollo: Revista Latinoamericana de Economía 37.144 (2006): 14570; Swanson, Kate. "Revanchist urbanism heads south: the regulation of indigenous beggars and street vendors in Ecuador." Antipode 39.4 (2007): 708-728. Andrade, Xavier, and Nueva York. "“mas ciudad”, menos ciudadania: renovación urbana y aniquilación del espacio público en Guayaquil." Ecuador Debate 68 (2006): 161-97. Du même auteur: “La domesticación de los urbanitas en el Guayaquil contemporáneo (Dossier) = Disciplining urbanites in contemporary Guayaquil”, Íconos: revista de ciencias sociales, Quito: FLACSO sede Ecuador, n.27, enero 2007: pp. 51-64. 146 66 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 tentatives réitérées de privatisation de la sécurité, e. une reconstruction de l’histoire locale qui légitime les transformations opérées dans la ville (…) »147 La politique de régénération urbaine et la convocation du droit n’ont en somme d’aseptisées, d’architecturales et de paysagères que la façade. Le coup de gomme ne saurait masquer bien longtemps le fait majoritaire et l’extrême instrumentalité du droit. La transformation de l’espace rénové ne fait, en définitive, qu’exacerber des contradictions qui demeurent, par ailleurs, parfaitement connues et mesurées par l’autorité municipale. C) La consolidation de la trame métropolitaine par assimilation des asentamientos La signification du gouvernement métropolitain répond, au fil des développements suivants, à la projection de capacités institutionnelles d’anticipation et d’absorption territoriale des asentamientos. Face à une série de conjonctures adverses, la ville de Guayaquil s’est érigée en lieu de rassemblement. L’administration portuaire tire parti de l’effet tampon historiquement assumé par les asentamientos. La dette, les politiques d’ajustement structurel, la dollarisation, l’épisode du férié bancaire — feriado bancario- 148 , le phénomène climatique du Niño, asphyxient les localités périphériques. Le déroulé des évènements scelle, au contraire, le devenir métropolitain de Guayaquil. Le rayonnement de la municipalité demeure, autrement dit, largement associé au développement continu et progressif de capacités de réintégration physiques, symboliques et discursives du « désert périurbain ». L’empreinte métropolitaine supplante l’ordre des localités traditionnelles. L’univers des cantons, des paroisses et des communautés tombe progressivement en désuétude. Le maillage du corpus de « régularisation », assure pas à pas le déplacement de la frontière 147 « La regeneración urbana no sólo es un proyecto de reconstrucción y embellecimiento de sitios emblemáticos de la ciudad -algunos de ellos antiguos lugares de residencia de las élites locales- sino también a) un proceso de transformación del papel del Municipio local, b) un manejo privado de fondos públicos que facilitan la acumulación capitalista de elites vinculadas al Cabildo, c) una expulsión de las personas consideradas como indeseables, ello en una suerte de limpieza social de las zonas regeneradas, d) una criminalización de la protesta social acompañada de reiterados intentos de privatización de la seguridad y e) una reconstrucción de la historia local que legitime las transformaciones operadas en la ciudad durante los últimos 18 años ». extrait de Allán Alegría Henry Patricio, Regeneración urbana y exclusión social en la ciudad de Guayaquil, Tesis para obtener el título de maestría en Ciencias Sociales con mención en Ciencia Política, agosto 2010. 148 ESPINOSA Roque, La crisis económica financiera ecuatoriana de finales de siglo y la dolarización, Universidad Andina Simón Bolívar, 2009. 67 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 urbaine. Les contradictions entre centralités métropolitaines et périphéries de la « urbe » font l’objet de retouches périodiques aux pinceaux législatifs et réglementaires. Artefact historique de ces pratiques administratives ayant assuré l’extension de la zone d’influence métropolitaine, une première Ordonnance du 19 février 1956 édictée par le Conseil cantonal de Guayaquil149 divise officiellement la ville en quatorze paroisses urbaines au lieu des six initiales. L’exposé des motifs donne le ton : - « la division actuelle de la ville de Guayaquil en six paroisses urbaines ne correspond pas à l’augmentation de population connue depuis sa création légale » (…) il devient nécessaire de réaliser une nouvelle division de la ville en paroisses urbaines, en accord avec sa croissance démographique, pour faciliter aux citoyens l’exercice des droits civils et politiques et pour une meilleure administration des intérêts municipaux »150. - La situation de fait ne cache qu’à demi-mot l’ambition d’expansion territoriale et l’enjeu spéculatif associé à « une meilleure administration des intérêts municipaux »151. La montée au créneau du gouvernement municipal se précise à travers une seconde ordonnance datée du 10 mai 1969, la Ordenanza de Parcelaciones y Urbanizaciones. La lecture a posteriori des mécanismes mis en place par l’Ordonnance municipale de 1969 permet de retracer les origines d’un mode opératoire. Des périmètres de transition sont créés et permettent l’extension progressive du rayon d’action municipale en périphérie des limites territoriales de la ville. - Des propriétaires privés sont expropriés à des fins de planification, de développement d’infrastructures ou d’équipements urbains et finalement d'adjudication. 149 Guayaquil est désignée officiellement comme canton pour la première fois par la Ley de Division Territorial de la Republica de Colombia du 25 juin 1824 ; Le Canton ou Cabecera cantonal de Guayaquil compte selon les nomenclatures en vigueur 16 paroisses urbaines -parroquias urbanas- auquelles s’ajoutent 5 paroisses rurales -parroquias rurales-. Extrait de l’Ordonnance dans sa versión originale: “Que la actual división de la ciudad de Guayaquil en seis parroquias urbanas, no se corresponde con el aumento de población que ha experimentado la ciudad desde que tal división fue creada legalmente; Que se hace necesaria una nueva división de la ciudad en parroquias urbanas, de acuerdo con su desarrollo demográfico, para facilitar el ejercicio de los derechos civiles y políticos a los ciudadanos y para la mejor administración de los intereses municipales;” 150 151 Villavicencio, G. La lucha política por el control de Guayaquil, La Tendencia, Revista de análisis político, mayo 2012, p. 2932. 68 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - Des titres de propriété pour des parcelles irrégulièrement occupées sont émis lorsque celles-ci se trouvent en situation de contiguïté directe avec les centres de population ou voies d’accès principales à ces derniers. - Un cadre réglementaire restrictif soumet les urbanisations en cours et à venir à un régime d’autorisation administrative. Cette mise en place assure, par la même occasion, la reproduction des conditions initiales et nécessaires à la boucle de régularisation : « l’irrégularité est programmée ». Dans la continuité du cadre règlementaire établi par l’Ordonnance de parcellisation de 1969, le rattachement des « asentamientos » et l’assise des pouvoirs de gouvernance municipale métropolitaine se transforment progressivement en un véritable exercice de style. L’acquis de consolidation contribue de facto à l’attribution d’une valeur marchande aux terrains inclus en périphérie directe des plans de « contention » des asentamientos. La mécanique métropolitaine fonctionne à plein régime152. La loi n ° 2007-88 de « légalisation du régime d’occupation des terres à faveur des habitants de terrains se trouvant à l’intérieur des circonscriptions territoriales des Cantons de Guayaquil, Samborondon et El Triunfo » 153 entérine la modalité expropriatrice. Le document déclare en son article premier : - « d’utilité publique, d’occupation immédiate, à des fins d’ordre social (particulièrement d’habitat) et expropriés à faveur des municipalités de Guayaquil (…) avec l’obligation pour ces dernières de vendre, d’attribuer et de légaliser la possession des actuels occupants de terrains situés dans la juridiction des cantons de Guayaquil (…), les terrains qui sont occupés par des établissements humains constitués en ciudadelas, coopératives de vivienda et lotissements ainsi que les terrains destinés à la fourniture de services de base, Jacome Lopez, “Legalización de la tenencia de la tierra de posesionarios ubicado en la parte urbana del Cantón”, Revista semestral, CIUDAD, Numero Especial 20 años, n°14, 1998-1999, p.131-134; Rojas Milton y Villavicencio Gaitán, Mercado del suelo urbano y las políticas de tierras urbanas en Guayaquil y sus incidencias en el desarrollo de los barrios populares, Corporación de Estudios Regionales Guayaquil, 1987; Valencia Hernan, Invasiones de tierras y desarrollo urbano de la ciudad de Guayaquil, Tesis para optar a la maestría en ciencias sociales, Flacso 1982. 152 153 Ley n°2007-88 de legalización de la tenencia de tierras a favor de los moradores y posesionarios de predios que se encuentran dentro de la circunscripción territorial de los cantones Guayaquil, Samborondon y El triunfo »- 69 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’installations sanitaires et d’espaces verts (…) situés ou localisés à l’intérieure de leurs circonscriptions territoriales »154. Par effet domino, la régularisation administrative du régime foncier et de la propriété emporte la modification des nomenclatures locales et l’inclusion de nouveaux “secteurs” aux instruments de planification urbaine155. Par un effet de centralisation inversée, le “local” se trouve progressivement assimilé au municipal 156 . La promesse de régularisation fonctionne comme un dispositif de temporisation de l’action municipale — “une soupape de sécurité 157” —. De cet espace gouverné, balloté entre les puissances coloniales de l’État souverain et de la métropole en devenir, la question des droits, de l’être individuel et collectif en ville ressurgit invariablement. Les inquiétudes visionnaires d’Henri Lefebvre paraissent toujours autant d’actualité : « S’il est vrai que les mots et concepts : ‘ville’, ‘urbain’, ‘espace’, correspondent à une réalité globale et ne désignent pas un aspect mineur de la réalité sociale, le droit à la ville se réfère à la globalité ainsi visée. Ce n’est pas un droit naturel, certes, ni contractuel. En termes aussi ‘positifs’ que possible, il signifie le droit des citoyens-citadins, et des groupes qu’ils constituent (sur la base des rapports sociaux), à figurer sur tous les réseaux et circuits de communication, d’information, d’échanges (...). Exclure de l’urbain des groupes, des classes, des individus, c’est aussi les exclure de la civilisation, sinon de la réalité urbaine par une organisation discriminatoire, ségrégative (...). Le droit à la ville 154 Article dans sa version originale : Decláranse de utilidad pública e inmediata ocupación, para fines de orden social, eminentemente de vivienda; y, exprópianse a favor de los municipios de Guayaquil, Samborondón y El Triunfo, con la obligación de que éstos vendan, adjudiquen y legalicen la tenencia de los terrenos a los actuales posesionarios de los predios ubicados dentro de la jurisdicción de los cantones Guayaquil, Samborondón y El Triunfo, que están ocupados actualmente por asentamientos poblacionales constituidos en ciudadelas, cooperativas de vivienda y lotizaciones, así como los terrenos que sean destinados para servicios básicos, sanitarios y espacios verdes, conforme a la Ley Orgánica de Régimen Municipal y las ordenanzas que sobre la materia hayan dictado los ilustres concejos municipales y, cuya singularización se encuentran ubicados o localizados dentro de sus circunscripciones territoriales 155 Réglements de planification municipale: Ordenanza Reformatoria de Delimitación Urbana de la ciudad de Santiago de Guayaquil, publicada en el RO n 828 del 9 de Diciembre de 1991; la Ordenanza del Esquema urbano de Guayaquil, publicada en el R.O número 846 el 20 de Diciembre 1995, Ordenanza del Plan regulador de Desarrollo urbano de Guayaquil, Registro Oficial numero 127, 25 julio 2000. 156 Boisier, Sergio. "Desarrollo territorial y descentralización: el desarrollo en el lugar y en las manos de la gente." Eure (Santiago) 30.90 (2004): 27-40. 157 Scott, James C. "Infra-politique des groupes subalternes." Vacarme 3 (2006): 25-29. 70 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 signifie donc la constitution ou reconstitution d’une unité spatio-temporelle, d’un rassemblement, au lieu d’une fragmentation” (Henri Lefebvre, 1972) »158. Section 2 Le défi libertaire et les méandres de la conquête des droits : commentaires à partir de l’article « La terre promise de Monte Sinaï », José Cabrera. Vu du ciel et depuis une perspective régionale, le droit au logement fait, sans l’ombre du doute, l’objet d’avancées remarquables. Les observations du Comité des droits économiques sociaux et culturels — Observation générale n° 4159-7160 — ont reçu un écho significatif sur le sacro-saint registre du droit positif. Les obligations internationales de l’État ont été précisées, les évictions forcées proscrites par principe. La grande majorité des états d’Amérique du Sud se sont de même juridiquement compromis à répondre « positivement » à la crise du logement urbain. L’Etat selon la formule consacrée « s’engage » à assurer l’accessibilité, la jouissance et la sécurité du logement des « sin » y de « con techos161 » — « avec » ou « sans » toit — sur son territoire. La réception juridique des concepts de « logement convenable’162 et de « logement sain163 », développés dans le sillage de travaux doctrinaux sur les nécessités de base 164 (NBI) et l’habitabilité, Lefebvre Henri, Espace et politique. Paris: Anthropos, 2000, p.21-22 ; voir aussi : Mark Purcell, “Excavating Lefebvre: The right to the city and its urban politics of the inhabitant”, Geography Journal, Vol. 58, No. 2/3, “Social Transformation, Citizenship, and the Right to the City” ,2002, pp. 99-108. 159 Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Observation générale n o 4 (1991) sur le droit à un logement suffisant (E/1992/23) ; A titre de rappel, l’Article 11-1 du PIDESC dispose : « Les États parties au présent Pacte reconnaissent le droit de toute personne à un niveau de vie suffisant pour elle-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence. Les États parties prendront des mesures appropriées pour assurer la réalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet l'importance essentielle d'une coopération internationale librement consentie. » 158 “Observation générale nº 7 quant à la mise en œuvre du droit à un logement suffisant (art.11, §.1 du PIDESC) et au cas des expulsions forcées”(16º período de sesiones, 1997), U.N. Doc. E/1999/22, anexo IV (1997). 160 161 Rodríguez, Alfredo, and Ana Sugranyes. "El problema de vivienda de los" con techo"." EURE (Santiago) 30.91 (2004): 53-65. À titre de référence, le concept de logement convenable ou adéquat a été défini dans la cadre du Programme pour l’Habitat adopté en 1996 lors de la Seconde Conférence mondiale pour l’Habitat tenue à Istanbul de la manière suivante : « Vivre dans un logement convenable, ce n'est pas simplement avoir un toit au-dessus de la tête. Un logement convenable doit aussi être suffisamment grand, lumineux, chauffé et aéré, offrir une certaine intimité, être physiquement accessible, permettre de vivre en sécurité, permettre de jouir de la sécurité d'occupation, présenter une structure stable et durable, être équipé des infrastructures de base (approvisionnement en eau, assainissement, gestion des déchets), être adéquat du point de vue écologique et sanitaire et, enfin, être situé à une distance raisonnable du lieu de travail et des services de base, le tout, pour un prix abordable. (…) La notion de logement convenable est étroitement liée aux données 162 71 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 reflète de même une extension progressive du socle des droits individuels et collectifs susceptibles d’être garantis à travers l’accès à un logement adéquat. Ces évolutions conceptuelles contribuent à dresser les contours d’un habitat standardisé et inséré dans un cadre de vie intégral, un paysage urbain planifié, administré, physiquement et légalement intégré au tissu urbain 165 . L’accès au logement conditionne, matériellement et par un effet parapluie, la réalisation de certains droits fondamentaux comme, par exemple, le droit à une vie digne, les droits à l’eau, à la santé, à l’alimentation ou encore le droit au travail ménager. La réalisation des droits apparaît, conceptuellement tout du moins, sous les traits d’un attribut fonctionnel, un accessoire de l’habitat urbain166. Le droit au logement constitue de même une figure désormais commune du constitutionnalisme andin 167 . Les articles 30 168 et 375 169 de l’actuelle Constitution équatorienne culturelles, sociales, écologiques et économiques, et de ce fait, elle varie souvent d'un pays l'autre.» (Programme pour l’Habitat, Istanbul, 1996, §60.). 163 Le second concept évoqué de logement sain -vivienda saludable- récemment promut dans le cadre notamment des travaux de l’Organisation mondiale de la Santé sur l’Habitat renvoie à « un espace qui promeut la santé de ses habitants et inclut : la maison (le refuge physique où réside l’individu), le foyer (le groupe d’individus qui vie sous un même toit, l’entourage (l’environnement physique et psychosocial immédiatement extérieur à la maison) et la communauté (le groupe d’individus identifiés comme voisins et résidents). Un logement sain est dépourvu ou présente des facteurs de risques contrôlés et prévisibles et inclut certains agents promoteurs de santé et de bien-être. En particulier le logement sain remplit les conditions fondamentales suivantes : sécurité foncière, emplacement sûr, dessin et structure architecturaux- adéquats et espaces suffisants pour une vie en commun saine ; des services de base de bonne qualité, des meubles, des ustensiles domestiques et des biens de consommation sûrs et efficaces, un environnement adéquat qui promeut la communication et la collaboration, des habitudes de vie favorisant la santé. » Vivienda saludable: Reto del Milenio en los asentamientos precarios de América Latina y al Caribe, CEPAL, Organisation Panaméricaine de la Santé et Programme UN-Habitat, 2006; vir aussi: SALAS, Julián, “Tugurización y necesidades de la habitabilidad básica en Latinoamérica: rémoras a la cohesión social”, Pensamiento iberoamericano, 2007, no 1, p. 207-230. Feres & Mancero, “El método de las necesidades básicas insatisfechas (NBI) y sus aplicaciones en América Latina”, Naciones Unidas, CEPAL, División de Estadística y Proyecciones Económicas, 2001; Bey Marguerite, Recherches sur la pauvreté: état des lieux, Contribution à la définition d'une problématique, Tiers-Monde. 1999, tome 40 n°160. pp. 871-895. 164 165 Pisarello, Gerardo. Vivienda para todos: un derecho en (de) construcción, el derecho a una vivienda digna y adecuada como derecho exigible. Vol. 34., Icaria Editorial, 2003. Pasqualucci Jo, “The Right to a Dignified Life (Vida Digna): The Integration of Economic and Social Rights with Civil and Political Rights in the Inter-American Human Rights System”, Hastings International and Comparative Law Review, Winter 2008, volume 31, p.1. 166 L’article 51 de la Constitution politique de la Colombie (1991) énonce que « tous les colombiens ont le droit à un logement digne » et que « l’État fixera les conditions nécessaires pour faire effectif ce droit et promouvra la planification de logements d’intérêt social, de systèmes adéquats de financement à long terme et de formes associatives d’exécution de ces programmes de logement social » ; Les article 19 167 72 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 témoignent d’une réception de principe contondante lors de l’Assemblée constituante de Montecristi (2008). À ces percées normatives et discursives répond ensuite une avancée sur le terrain de l’exigibilité et de la justiciabilité des droits. Une série de précédents, décisions pionnières tant sur la forme que sur le fond, assurent, du point de vue de la jurisprudence comparée et régionale170, un rôle moteur au regard du renforcement des garanties juridictionnelles associées au logement. Un travail continu de veille, de discussion, d’analyse doctrinale contribue, de même et finalement, à assurer le rayonnement d’une promesse de progrès des droits et du droit par la voie du juge171. et 20 de la Constitution Politique de l’État Bolivien (2009) dispose que : « I. Toute personne a le droit à un habitat et à un logement adéquat, qui dignifient la vie familiale et communautaire » puis que « L’État à tous ses niveaux de gouvernement promouvra les plans de logement d’intérêt social, à travers des systèmes adéquats de financement, se basant sur les principes de solidarité et d’équité. Ces plans seront destinés de manière préférentielle aux familles à faible revenu, aux groupes les moins favorisés et à l’espace rural »(art.19) ; « I. Toute personne a le droit d’accès universel et équitable aux services de base d’eau potable, d’égouts, d’électricité, de gaz domestique, postal et de télécommunications. II. C’est la responsabilité de l’État, à tous ses niveaux de gouvernement, de fournir des services de bases à travers les entités publiques, mixtes, corporatives ou communautaires. (…) III. L’accès à l’eau et aux réseaux d’évacuation constituent des droits humains, ils ne sont pas objet de concession ni de privatisation et sont sujets à des un régime de licences et de registres en conformité avec la loi. (art.20) ». 168 "La Constitucion del Buen Vivir, Sumak Kawsay énonce en ce sens que « les personnes ont le droit à un habitat sûr et sain, à un logement adéquat et digne, indépendamment de leur situation sociale et économique” Version originale Art. 30.- las personas tienen derecho a un hábitat seguro y saludable, y a una vivienda adecuada y digna, con independencia de su situación social y económica. « L’État à tous ses niveaux de gouvernement garantira le droit à l’habitat et à un logement digne en vue duquel : 1. Il généra l’information nécessaire pour la formulation de stratégies et de programmes qui comprennent les relations entre la vivienda, les services, l’espace et les transports publics, l’équipement et la gestion du sol urbain. 2. Il maintiendra un cadastre national intégré géo-référencé, du logement et de l’habitat. 3. Il élaborera, mettra en œuvre et évaluera les politiques, les plans et les programmes de l’habitat et de l’accès universel au logement à partir des principes d’universalité, d’équité et d’interculturalité avec une attention particulière quant à la gestion des risques. 4. Il améliorera le logement précaire, dotera de centres d’accueil, d’espaces publics et d’espaces verts et promouvra le régime spécial de location. 5. Il développera les plans et les programmes de financement du logement social, à travers le système bancaire publics et les institutions de financement populaires, avec une attention particulière pour les personnes à faible revenu économique et les femmes à la tête d’un foyer. 6. Il garantira la dotation ininterrompue des services publics d’eau potable et d’électricité aux écoles et aux hôpitaux publics. 7. Il assurera que toutes les personnes aient le droit de souscrire des contrats de location à un prix juste et sans abus(…) (traduction personnelle). 169 Éric Tardif, « Le système interaméricain de protection des droits de l’homme : particularités, percées et défis », La Revue des droits de l’homme [En ligne], 6 | 2014, mis en ligne le 04 décembre 2014, consulté le 05 décembre 2014. 170 171 ABRAMOVICH, Victor, COURTIS, Christian, "Hacia la exigibilidad de los derechos económicos, sociales y culturales. Estándares internacionales y criterios de aplicación ante los tribunales locales", in: Abregu, Martin, Courtis, Christian (coords), Aplicación de los tratados sobre derechos humanos en los tribunales locales, Buenos Aires, Editores del Puerto, 1997; des mêmes auteurs: ‘Apuntes sobre la exigibilidad judicial de los derechos sociales’, in: COURTIS Christian, SANTAMARIA Ramiro, La protección judicial de los derechos sociales’, Los derechos sociales como derechos exigibles, seria justicia y derechos humanos, Neoconstitucionalismo y sociedad, Ministerio de justicia y derechos humanos (Ecuador), 2009, p.3; spécifiquement sur la question du droit au logement et pour un recensement de cas: Courtis, Christian. "Notas 73 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Dans la perspective, non pas d’une rupture, mais bien d’une extension significative du périmètre narratif, les propos suivants chercheront à mettre en lumière certaines zones d’ombres et apesanteurs du processus d’appropriation et de conquête des droits. L’enjeu de mise en récit du droit aux portes de l’asentamiento se focalise progressivement sur l’horizon des tensions, des détours et des éventuelles impasses dialogiques inhérentes au cheminement des droits — voyages et transferts du droit, processus d’universalisation172, d’inter et de transculturalisation de la conquête des droits 173 —. L’entreprise d’institutionnalisation et de systématisation de certaines formes revendicatives depuis la société civile apparaît, de même et fort naturellement, comme une source d’antagonismes et de frictions. L’article traduit et reproduit, en partie, dans l’encadré ci-dessous est signé par José Maria Léon Cabrera. Intitulé « La tierra prometida de Monte Sinaí174 » — la terre promise de Monte Sinaï —. Le travail journalistique, publié dans la revue en ligne « Guayakill city » décrit une veillée dans la coopérative « Las Marias », la nuit qui précède une vague d’éviction. Le point de vue proposé parait d’une acuité remarquable dans la perspective d’une restitution des enjeux informatifs et narratifs spécialement attachés à la réalisation des droits et libertés fondamentales dans les premiers temps de la territorialisation — avant entrée en lice de la municipalité —. Le récit fait état d’une rencontre manquée entre la foule anonyme des évincés et le groupe des « acteurs institués » de la veillée — le CDH et son secrétaire exécutif, le porte-parole autodésigné de l’obscur « Réseau des organisations communautaires et sociales de Monte Sinaï », l’intendant de police certainement resté à l’écart du groupe —. Les tentatives d’orientation des débats sur les questions de légalité et de légitimité de l’action publique, sur l’opportunité d’un recours judiciaire, tournent court. Les gesticulations du Comité, celles d’Ante, l’étudiant en sciences politiques promu porte-voix des organisations de quartier, illustrent une difficulté particulière à faire entendre l’option du droit. La promesse d’une sobre la justiciabilidad del derecho a una vivienda adecuada." La protección judicial de los derechos sociales, ib idem, p.191; voir aussi : Champeil-Desplats, Véronique. "Section 1. La justiciabilité des droits sociaux en Amérique du Sud." La Revue des droits de l’homme. Revue du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux 1 (2012): 120-139. 172 Lochak, Danièle. Le Droit Et Les Paradoxes De L'universalité. Paris : Presses universitaires De France, 2010. Print. Les Voies Du Droit ; Médevielle Geneviève. "La Difficile Question De L'universalité Des Droits De L'homme." Transversalités 3 (2008): 69. Web. 173 de Sousa Santos, Boaventura. "Vers une conception multiculturelle des droits de l'homme." Droit et société 35.1 (1997): 79-96. 74 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 lutte portée sur le terrain symbolique des droits de l’homme et du « Buen vivir » sonne faux. L’acquis régional précédemment évoqué à titre introductif fait rapidement figure d’écho lointain et dissonant. La narration saisit de même et sur le vif une série de non-dits, de silences et replis, porteurs de sens en ce qu’ils modifient profondément le cours de la veillée. « Éclairé par l’unique néon, au milieu de l’obscurité, un homme parle alors que ceux qui l’observent restent silencieux. Certains sont concentrés et essaient de déchiffrer la tirade du maigrelet qui leur fait face ; d’autres, tout simplement, n’y comprennent rien et se taisent. Avec l’ouïe et la vue, se taire est un droit de l’homme que, selon un graffiti célèbre, les pauvres possèdent. La voix, amplifiée et distordue par le mégaphone, appartient à Billy Navarrete, secrétaire exécutif du Comité permanent des droits de l’homme de Guayaquil (CDH), une espèce d’Human Rights Watch version locale. Navarrete explique les enjeux et le pourquoi du recours présenté par le CDH afin d’éviter l’éviction des deux cent cinquante familles de la coopérative « Las Marias » du secteur Monte Sinaï, ordonnée par la « Comisaria nacional de la policia U.C.V-Cuartel Modelo » et notifiée aux habitants la semaine précédente. Il est environ neuf heures du soir, le 3 juin et depuis quatre heures de l’après-midi, l’ONG et les habitants du secteur ont monté un piquet de veille. Dans trois heures s’achèvera le délai octroyé pour se retirer de manière volontaire. À partir de minuit, les autorités auront la faculté de les déloger et de recourir à la force si nécessaire. Pour les habitants de Monte Sinaï, pour les pauvres en général, le futur a toujours été suspendu à une épée de Damoclès. Cette fois-ci, le fil qui la soutient est sur le point de se rompre. Ce n’est pas le Monte Sinaï de la bible, où Moise a reçu de Dieu les Tables de la loi. Le Monte Sinaï de Guayaquil est situé au Nord Ouest de la ville, au-delà du canal de « Cédege », point de référence laissant le secteur en dehors des limites urbaines. Administrativement, le secteur fut durant des années une terre sans maîtres. En réalité, c’est la terre de deux cent soixante-quatorze mille « personnes », les « sans nom" du poème d’Eduardo Galeano175. Une population comparable à celle de Cuenca (la troisième ville du pays). José Maria Leon Cabrera, “La tierra prometida de Monte Sinai”, Gkillcity, junio 10, 2013 http://dev.gkillcity.com/articulos/el-mirador-politico/la-tierra-prometida-monte-sinai 175 Los nadies “Sueñan las pulgas con comprarse un perro y sueñan los nadies con salir de pobres, que algún mágico día llueva de pronto la buena suerte, que llueva a cántaros la buena suerte; pero la buena suerte no llueve ayer, ni hoy, ni mañana, ni nunca, ni en lloviznita cae del cielo la buena suerte, por mucho que los nadies la llamen y aunque les pique la mano izquierda, o se levanten con el pie derecho, o empiecen el año cambiando de escoba. Los nadies: los hijos de nadie, los dueños de nada. 174 75 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Xavier Burbano, intendant de police de la province du Guayas, soutient avec conviction que la conduite du gouvernement est non seulement légale, mais aussi légitime. (...) Burbano, comme les autres fonctionnaires participant à la procédure, est convaincu d’avoir la loi de son côté. Il reconnaît que c’est une situation complexe et comprend que la décision est lourde de conséquences sur le plan humain, mais il considère que c’est une mesure juste. Les évictions ont eu lieu. Les évictions ne s’arrêteront pas. L’épée de Damoclès tombera, comme elle est déjà tombée sur la Thalia (une coopérative voisine). L’éviction forcée de la Thalia a donné lieu à une opération de grande envergure. Trois commissaires et plus de miles trois cent policiers — brigade montée, et motorisée — se sont affrontés aux habitants de la coopérative qui se refusaient à abandonner leurs logements. (…) « Navarrete continue de parler. Le sac de nœuds légal qu’il essaie d’expliquer l’absorbe. Il ne trouve pas les mots pour expliquer simplement l’action plantée par le comité devant la justice. Les près de six cents voisins qui se sont rassemblés devant la tante (…) ne comprennent en rien cette abstraction qui, hypothétiquement, pourrait stopper l’éviction, de manière temporaire au moins. Le secrétaire exécutif du CDH (Comité para la defensa de los derechos humanos) n’a pas l’âme d’un politique, il est trop sincère, il avertit : il est possible que la mesure n’ait aucun effet réel. Il précise que ceci ne devrait pas constituer un motif pour se démobiliser, mais des soupirs se laissent entendre. Il tente une nouvelle explication, essaie d’apporter de nouveaux arguments et insiste, l’action entreprise à la force des actes symboliques. Il dit pour le moins deux fois “pour terminer”, mais il poursuit. Jefferson Ante improvise un applaudissement repris par le public. Navarette, souriant : “Je suppose que l’applaudissement c’est pour que je me taise”. Ante nie, mais prend le microphone. Il demande avec insistance que les assistants apportent des chaises parce que le piquet de vigilance durera jusqu’à six heures du matin. Ante est étudiant de quatrième année de Los nadies: los ningunos, los ninguneados, corriendo la liebre, muriendo la vida, jodidos, rejodidos. Que no son, aunque sean. Que no hablan idiomas, sino dialectos. Que no profesan religiones, sino supersticiones. Que no hacen arte, sino artesanía. Que no practican cultura, sino folklore. Que no son seres humanos, sino recursos humanos. Que no tienen cara, sino brazos. Que no tienen nombre, sino número. Que no figuran en la historia universal, sino en la crónica roja de la prensa local. 76 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 sciences politiques à l’Université de Guayaquil et s’identifie comme le porte-parole du Réseau des organisations communautaires et sociales de Monte Sinaï. Il porte sur lui une constitution de poche, la brandit et enseigne avec des aires de pasteur en plein prêche : “il est là camarade — companero — , le droit qui garantit à vous et votre famille de ne pas être évincés.” “La nuit avance et, peu à peu, le discours des droits de l’homme s’épuise. Celui de la religion, non. Alors qu’une camionnette apporte une casserole de soupe, les interventions sont passées des réclamations et cris d’indignation au refuge des louanges chrétiennes. Ils chantent, récitent des psaumes. Réconfort des âmes en peine.” Il est prêt d’une heure du matin et les habitants se sont dispersés. Ante récupère le microphone et demande l’interruption des manifestations religieuses, quelqu’un lui a rapporté que plusieurs personnes, gênées par le tournant pris par la veillée, quittent les lieux . Il incite à revenir sur la question des droits, il demande aux voisins de lire la constitution et rappelle l'existence d'une loi approuvée par l’assemblée en 2011 qui ordonne la régularisation des terrains dans le secteur de Monte Sinaï. Il remercie la présence du CDH et salue l’initiative de la veillée. Il rappelle que l’organisme de défense des droits de l’homme a avancé des arguments juridiques pour lesquels la procédure d’éviction ne devrait pas donner suite (…) “Dans un communiqué, le Comité a résumé ses préoccupations : de nombreux habitants de la coopérative Thalia Toral ne se sont pas vu notifier l’éviction avec suffisamment d’avance. Leurs chances de mettre des possessions en lieu sûr et de rechercher un autre endroit où s’installer ont été niées. Les notifications se sont limitées aux seuls habitants résidents à proximité de l’avenue Casuarina alors que la menace d’éviction s’étend en pratique à presque toute la coopérative”. Alors que les arguments fusent, la terre promise du Monte Sinaï s’éloigne. Les incertitudes se font sans cesse plus claires. Pour les habitants de la coopérative Las Marias, les réponses font défaut. Quand les réponses manquent et que s’impose le désespoir. Hors microphone, Kevin — manabite à écouter son accent — avertit : “au nom de Dieu, s’ils me virent d’ici je vais me consacrer au délit parce que je dois trouver à manger pour mon fils”. Los nadies, que cuestan menos que la bala que los mata.” Eduardo Galeano (1993) 77 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La nuit s’est faite plus froide. Très peu de personnes sont encore là. Un groupe d’activistes du CDH, Navarete en tête de rang, resteront sur place jusqu’à six heures du matin. Ils dormiront comme ils peuvent dans la camionnette de l’organisation. Les habitants du Monte Sinaï chercheront à retrouver le sommeil, même si beaucoup n’y parviendront pas : c’est vraisemblablement la dernière nuit qu’ils passent là, en ce lieu où, depuis bien longtemps, malgré l’abandon et la précarité, ils étaient arrivés à considérer comme leur foyer. » José Maria Leon Cabrera, “La tierra prometida de Monte Sinai”, Gkillcity, junio 10, 2013 Un fossé se creuse visiblement entre « intervenants » et un « intervenus » ; « acteurs » et « observateurs », « gouvernants » et « gouvernés », « juristes » et « profanes », mais quelle est sa nature véritable ? Le tortueux continuum d’appropriation-idéalisation-revendication de droits « exigibles », « justiciables », marque visiblement un temps d’arrêt 176. La chimie délicate de la veillée pensée et entreprise comme une action collective de résistance face à l’État n’opère pas, ou mal, pourquoi ? Poussant l’analyse un peu plus loin, l’enjeu narratif se resserre autour d’une double ligne de rupture : l’écueil de la formalisation et de la « signification » du processus revendicatif, en premier lieu (A), la barrière des vécus du droit, en second lieu (B). A) L’écueil du format de revendication « Allez chercher des chaises », « s’assoir », « ne pas se démobiliser », « faire acte de présence », « faire silence », « attendre et écouter la prise de parole », « applaudir », « ne pas prier », « lire la constitution », « manger sa soupe »… la production de la « consigne » au cours de la veillée répond visiblement à une norme de comportement planifiée, codifiée, systématisée — « l’idée d’une veillée » —. L’action de revendication instiguée par le Comité avec l’appui de son partenaire local s’inscrit, autrement dit, dans le cadre d’un mode d’action institutionnalisé. Le format de la réunion, de la discussion et, in fine, de convocation du discours des droits de l’homme, répondent à la réplication d’acquis et de « modus operandi », bien plus qu’à une démarche de construction de l’action in situ. Le travail de situation apparaît, pour ainsi dire inexistant, le partenariat social de pure forme. 176 Lochak Danièle, « Les droits de l'homme : ambivalences et tensions », Revue internationale de psychosociologie, 2004/23 Vol. X, p. 9-24. 78 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Au regard des circonstances, le regard porté sur le déroulement de l’action revendicative dévoile une série de fissures conceptuelles et stratégiques. « Pour les habitants de la coopérative Las Marias, les réponses font défaut »… remontant progressivement le fil des évènements, distinguons cidessous pour le moins trois zones d’ombre et de tension. Un premier questionnement émerge quant à la temporalité et à la mesure du « timing » de l’action revendicative. Les termes de la présence de l’ONG dans l’asentamiento, son temps d’intervention opérationnelle s’inscrivent dans une temporalité singulière, celle de « l’action » et du « happening ». Le Comité intervient spécifiquement, en d’autres termes, dans le cadre d’un « suivi » des vagues d’éviction. Le dialogue avec les habitants de la coopérative « Las Marias » s’inscrit dans une séquence, un mouvement routinier de prise de contact, de production du communiqué de presse, de convocation des médias, de saisine et d’activation des réseaux sociaux, de rédaction périodique de rapports sur l’état des droits 177 . Le mode opératoire décrit, certes très schématiquement, n’évolue pas en fonction d’un « avant » et d’un « après » l’éviction. Il s’inscrit dans un cycle d’intervention. À l’inverse, la veillée s’inscrit dans une temporalité beaucoup plus immédiate et existentielle depuis la perspective des habitants. L’intervention des forces de l’ordre dans une coopérative voisine « la Thalia Torral », dans des conditions strictement similaires, s’est soldée par l’éviction des familles (420 habitations détruites). Que les familles aient reçu la notification ou non, le bruit de l’éviction imminente se répand, précède celui des engins de chantier et des cordons de « sécurité ». La présence de l’ONG annonce l’imminence d’une bataille perdue d’avance. La veillée attise l’angoisse d’un « après ». Pour des raisons somme toute divergentes, le format de la rencontre peine à atteindre le seuil du phénomène participatif, d’un concours de circonstances susceptibles de modifier le cours de l’éviction, d’en changer la donne. Une seconde source de tension émerge au regard de la posture d’intermédiation sociale du Comité et du « représentant des représentants de quartiers ». La nature incertaine du rapport de droit établi entre les organisateurs et le collectif des habitants rejaillit sur le déroulement des évènements. Le rôle intermédiaire de l’ONG, la définition d’une posture éventuelle de représentation, de partenariat, de conseil stratégique ou conseil juridique, de médiateur, de porte-voix, de témoin ou de communiquant public (…) ne semble pas, en d’autres termes, faire l’objet d’un consensus. À l’heure 79 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 des barricades, du blocage éventuel et désespéré des voies d’accès, des pneus brulés, la question du consentement informé et l’incertitude quant à la répartition des rôles face à l’éviction imminente pèsent lourd. Le défaut d’un accord préalable, état de confiance minima à même de cimenter les bases du partenariat, influe, a fortiori, sur le processus de médiatisation de la cause et sur l'affirmation d'un droit collectif face à l’État. Un troisième questionnement émerge enfin quant à la géographie du processus revendicatif. L’élection du site de l’éviction comme site de la veillée apparaît, d’une manière générale, déconnectée des lieux de formulation de la revendication — salles de réunions, assemblée et comités de quartier —, des lieux de la décision administrative — bureaux de la STAPHI, du MIDUVI —. La distance avec les lieux éventuels d’un recours et d’une décision juridictionnelle — palais de justice, « fiscalia » et tribunaux — semble tout aussi significative. Les parvis et les couloirs inscrits, en règle générale, à proximité immédiate des centres de décision « institués » ne sont pas occupés. Le dispositif de ségrégation urbaine, d’exclusion de la prise de décision institutionnelle tourne à plein régime. B) La géométrie des vécus du droit « Sac de nœuds légal », « abstraction susceptible de suspendre la mesure d’éviction », « voies de recours dotées de la force des actes symboliques » (…) les paragraphes suivants reviennent sur une série de barrières, non plus seulement attachées à la forme de revendication — la veillée —, mais aussi et plus fondamentalement, au vécu du droit comme une option ou un canal d’action — « la voie du droit ». Alors que le secrétaire général porte la discussion sur le terrain de la légalité de l’action publique, évoque la régularité de la procédure et, plus généralement, la responsabilité de l’État, le fossé entre le Comité, Ante et l’assemblée des habitants atteint son paroxysme. La démarche de revendication des droits adossée au système « droit », à l’ordonnancement juridique étatique et, in fine, à de lointaines institutions publiques provoque un repli défensif. Garcia Villegas, dans le cadre des travaux de l’Institut latino-américain pour le développement du droit alternatif (ILSA), livre une perception voisine de cette ligne de fracture : « D’une part, le droit suscite la méfiance, le recel, la rébellion ou simplement le manque d’autorité quand il s’agit de se soumettre aux normes qui régulent la vie quotidienne. Le “Situación de los derechos humanos en Guayaquil, Comité permanente por la defensa de los derechos humanos”, Informe 2013; “Informe sobre desalojo forzoso en isla trinitaria, Guayaquil”, Comité permanente por la defensa de los derechos humanos Marzo 2015. 177 80 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 système juridique étatique réduit la visibilité des droits des citoyens. La citoyenneté est plus un devoir qu’un droit. De ce constat nait un comportement citoyen complexe et hétérogène : la soumission à la loi est tout du moins exclue, négociée ou, dans le meilleur des cas, adaptée à chaque nouvelle situation »178. Le réflexe immunitaire expose le projet d’universalisation des droits sous l’angle de sa vulnérabilité, des distances restant à explorer. Les distances qui séparent l’orateur formé aux droits, imprégné de l’idéologie de l’état de droit179, familiarisé au langage de l’exigibilité et de la justiciabilité, des anonymes « condamnés » à écouter et « se taire » se font évidentes. Reprenant une observation de Danièle Lochak, « le droit apparaît ici non plus comme un élément d’encadrement ou un enjeu des pratiques sociales, mais comme une pratique sociale en lui-même180 ». Le langage de revendication des droits « par le droit » rappelle paradoxalement celui de la note d’éviction. La question de la communicabilité écrite ou orale de l’information juridique181 retombe de tout son poids sur le processus de conquête des droits par le droit. Si « comme tout langage, sa fonction première est d’assurer la communication de la connaissance juridique »182, il n’en demeure pas moins que le langage des droits se constitue historiquement comme un flux d’information codé. Sa méconnaissance se manifeste sous les traits d’un « écran linguistique » 183 séparant les initiés « parlant le Traduction de Garcia VILLEGAS MAURICIO, “notas preliminares para la caracterizacion del derecho en Amreica Latina”, El otro derecho, n°26-27, Abril 2002, ILSA, Bogota, Colombia; voir aussi: Voir: LARREA, Tatiana, ¿En qué pensamos los ecuatorianos al hablar de democracia, Quito, Corporación Participación Ciudadana, 2007. 178 179 MILLARD, Eric. "L'État de droit, idéologie contemporaine de la démocratie." Boletín mexicano de derecho comparado 37.109 (2004): 111-140. 180 « C'est pourquoi ces stratégies de légitimation apparaissent avec une visibilité particulière dans ce que l'on pourrait appeler par opposition aux ‘usages profanes’, les ‘usages savants’ du droit, qui sont le propre des professionnels du droit: les juristes -Ia doctrine, les juges, les auxiliaires de justice... - et à un moindre degré les politiques, en tant qu'ils sont habilités à produire et modifier les règles de droit. Le droit apparaît ici non plus comme un élément d'encadrement ou un enjeu des pratiques sociales, mais comme une pratique sociale en lui-même. » Extrait de : LOCHAK, Danièle, Les usages sociaux du droit, Presses universitaires de France, 1989 . 181 CARTIER, EMMANUEL. « Accessibilité et communicabilité du droit », Jurisdoctoria, Revue Doctorale de Droit Publique Comparé et de Théorie juridique, 2008, vol. 1, p. 51-76. 182 183 F. TERRE, « Libres propos », Lettre de la mission de recherche Droit et Justice, printemps-été 2010, n°34, p. 2. G. CORNU, Linguistique juridique, Paris, Montchrestien, 1990, p. 20. 81 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 droit’184 et les profanes185. Gérard Cornu rappelle ainsi que « le langage juridique (…) n’entre pas d’emblée dans l’entendement de celui qui ne possède que la langue commune » et que « ce phénomène d’opacité est un fait d’expérience » 186 . Ce dernier demeure, en somme, un langage « d’initiés » 187 vernis d’une fiction juridique, le libre accès à l’information juridique. La relation permanente de « savoir-pouvoir’ 188 qui est instituée du fait de cette disqualification des usagers précède l’action revendicative. Elle rejaillit à l’image d’un passif. Dans le pire des cas, l’action de revendication des droits tend, elle-même, à établir et maintenir ce rapport de force. Poursuivant l’étude des hiérarchies sociales et des mécanismes de domination Pierre Bourdieu analysait : « La constitution d’une compétence proprement juridique (inséparablement technique et sociale) entraîne la disqualification du sens de l’équité des non-spécialistes. Ce décalage entre la vision vulgaire du justiciable, c’est-à-dire du client, et la vision savante de l’expert, juge, avocat, conseiller juridique, etc., est constitutif d’un monopole. Il résulte de la structure et du fonctionnement même du champ où s’impose un système d’exigences spécifiques dont le cœur est l’adoption d’une posture globale, visible notamment en matière de langage. Le droit est sans doute la forme par excellence du pouvoir symbolique de nomination et de classement qui crée les choses nommées et en particulier les groupes. Il n’est pas trop de dire qu’il fait le monde social, mais à condition de ne pas oublier qu’il est fait par lui »189. 184 M. DOMINgo, « Parler droit », Lettre de la mission de recherche Droit et Justice, printemps-été 2010, n°34, p. 1. 185 Voir généralement BOUGHRIET, Nora. Essai sur un paradigme d'alliance constructive entre droit et médecine : L'accès du médecin à la connaissance juridique. 2013. Thèse de doctorat. Université du Droit et de la Santé-Lille II. 186 G. CORNU, Linguistique juridique, Paris, Montchrestien, 1990, p. 20. 187 J.-C. GEMAR, « Les fondements du langage du droit comme langue de spécialité », Revue générale du droit, Université d’Ottawa, Faculté de droit, 1990, vol. 21, n°4, p. 719, cité in BOUGHRIET, Nora. Essai sur un paradigme d'alliance constructive entre droit et médecine : L'accès du médecin à la connaissance juridique. 2013. Thèse de doctorat. Université du Droit et de la Santé-Lille II, p. 21. 188 J.-L. SOURIOUX, Pour une fondation langagière du droit », Lettre de la mission de recherche Droit et Justice, printemps-été 2010, n°34, p. 9. 189 BOURDIEU Pierre, La force du droit, éléments pour une sociologie du champ juridique, Actes de la recherche en Sciences sociales, n°64, Septembre 1986, pages 3-19. 82 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Saisie à travers la lentille de la procédure d’éviction, la convocation de la forme juridique présente les symptômes d’une intrusion. Le “cas” de l’éviction interpelle alors sous l’angle de ses “généralités 190 ”. La rencontre avec le droit sous sa forme moderne amorce un lent processus d’apprentissage expérientiel. La barrière du langage se dresse à l’occasion de chaque rencontre avec le système : l’état civil et le processus d’obtention de la carte d’identité, la délivrance d’un numéro d’affiliation à la sécurité sociale (IESS), l’obtention d’un justificatif d’un justificatif de domicile (facture d’eau, d’électricité), l’inscription sur le registre de commerce, le permis de conduire… À un second niveau d’observation, la “tranchée des vécus” se précise au regard de l’expression des résultats espérés à travers le processus de revendication des droits. Si bien l’abandon de la mesure d’éviction apparaît, de toute évidence, comme un objectif général commun et partagé par l’ensemble des intervenants de la veillée, l’ordre des attentes s’avère en réalité beaucoup plus complexe que ce que le raccourci discursif laisse transparaître. Depuis la perspective du Comité le chemin des droits signifie tour à tour : - l’exercice d’une pression et la dénonciation de l’État dans l’espace public — action de médiatisation, convocation de l’opinion publique —, - l’annulation ou la suspension administrative de la mesure d’éviction à travers la saisine des institutions de recours — recours hiérarchique et le “formatage du cas” en vue d’une éventuelle judiciarisation —, - l’ouverture, somme toute désespérée et tardive, d’un dialogue interinstitutionnel ; le Comité ayant appelé à la table des négociations la “Gobernación del Guayas” (autorité administrative déconcentrée), la STAPHI, le procureur général de l’État, la municipalité de Guayaquil, le Défenseur public, les universités de la ville, le MIDUVI, le secrétariat national de gestion des risques, les organismes de défense des droits de l’homme afin “d’aborder de manière 190 PASSERON Jean-Claude. « Penser par cas. Raisonner à partir de singularités. », In : PASSERON Jean-Claude, REVEL Jacques, dir. Penser par cas. – Paris : Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales, (Enquête, 4). 2005. p. 9-44. 83 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 adéquate la planification gouvernementale depuis une vision respectueuse des droits de l’homme191”. Il s’agit de même, à travers la veillée, d’affirmer une présence sur le terrain auprès d’éventuels bailleurs de fonds et d’affirmer une position d’interlocuteur local dans la sphère de gouvernance des droits de l’homme. L’agenda des habitants visés par la mesure d’éviction demeure quant à lui à l’arrière-plan de la veillée. Le degré de spécification évoqué ci-dessus paraît bien loin d’être atteint. À un troisième et dernier niveau, la distanciation opère quant au vécu du gouvernement local et sur le terrain de la citoyenneté urbaine192. Le sentiment de bataille perdue, tel qu’il est perçu depuis les soupirs de l’assemblée, renvoie cette fois au vécu d’une impasse sur le “droit à la ville193”. Le droit Communiqué de presse du Mercredi 10 juillet 2013 : “Por los motivos expuestos, solicitamos varias acciones encabezadas por la Gobernación del Guayas y la Secretaria Técnica de Asentamientos Irregulares: suspenda inmediatamente la ejecución de nuevos desalojos a los asentamientos irregulares de Monte Sinaí. Abra una mesa de trabajo sobre la política de desalojos y los Derechos Humanos convocando a Procuraduría General del Estado, Municipio de Guayaquil, Defensoría del Pueblo, Universidades de la ciudad, Miduvi, Secretaria Nacional de Riesgos, organismos de Derechos Humanos y otras instituciones que permita abordar adecuada los planes gubernamentales desde una visión de Derechos Humanos. Estamos firmemente convencidos que la sola existencia de una familia pobre dejada injustamente en el desamparo y sin ninguna opción para garantizar sus derechos, justifica la decisión de detener los procedimientos que provocaron dicha situación para revisarlos. En el caso de resultar inevitables los daños, recordamos que el Estado debe reparar e indemnizar por dicha afectación a Derechos Humanos. Exhortamos a que suspenda los desalojos ordenados hasta que se revisen los procedimientos hasta ahora utilizados en el tratamiento de esta desafiante problemática”. 192 JANOSCHKA, Michael. "Geografías urbanas en la era del neoliberalismo. Una conceptualización de la resistencia local a través de la participación y la ciudadanía urbana." Investigaciones geográficas 76 (2011) : 118-132. 191 David Harvey observe sur ce registre : « …la question de savoir qu’elle ville nous voulons est indissociable de la question de savoir qui nous sommes, quels types de relations sociales nous recherchons, quelle relation à la nature nous souhaitons établir, quelles sont les technologies que nous estimons appropriées, quelles sont nos valeurs esthétiques. Le droit à la ville est donc par conséquent, bien plus qu’un droit individuel aux ressources que la ville représente : c’est un droit à nous changer à travers le changement de la ville … c’est de plus, un droit collectif, plutôt qu’individuel, dans la mesure où changer la ville dépend inévitablement de l’exercice d’un pouvoir collectif sur les processus d’urbanisation... Revendiquer un droit à la ville tel que je l’entends, c’est revendiquer un certain pouvoir d’intervention sur les procédés d’urbanisation, sur les manières dont nos villes sont faites et refaites, et le faire d’une manière fondamentale et radicale » ; Harvey David, The right to the city, New Left review, volume 53, September-October 2008 . 193 84 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’intervenir sur le processus de territorialisation des asentamientos demeure sur le papier 194. Le vécu du droit se limite sensiblement au vécu d’une sanction195. Que signifie l’ordre d’éviction pour la “famille x”, “coordonnées x”, sommée de quitter les lieux dans un délai de quarante-huit heures ? Que représente, aux yeux du citoyen se découvrant du jour au lendemain “administré” d’un “État de droit social”, la délivrance d’un “écrit juridique” noyé dans la tourmente de déplacements forcés imminents ? L’expérience citoyenne de la notification administrative, de la forme juridique “dominante” sont-elles réellement, au regard des circonstances, si différentes de celle du cordon de sécurité, du bulldozer ou de l’uniforme ? Rien ne semble moins sûr, et pour cause. Le travail juridique de “signification” de l’éviction, sa justification au regard d’une “procédure”, d’un réseau de normes étatiques, tel qu’il est entrepris au nom de la “Secretaria técnica del comité interinstitucional de prevención de asentamientos humanos irregulares”, définit la ligne de l’être individuel et collectif en ville. Par delà l’enjeu de mise en cause des conditions de validité formelle et conjoncturelle, touchant à l’exécution d’un acte de gouvernement, se sont, en d’autres termes et de manière fondamentale, les conditions et modalités historiques de convocation du travail juridique au service de la police des asentamientos qui interfèrent avec l’action revendicative. Il suffit pour s’en convaincre, de parcourir un ordre d’éviction reproduit dans l’encadré ci-dessous à titre illustratif. La traduction semble inutile tant la forme juridique paraît caractéristique… La constitution équatorienne introduit, de fait, le droit à la ville dans le champ du droit positif, l’article 31 disposant en ce sens : « Les personnes ont le droit à la pleine jouissance de la ville et de ses espaces publics, dans la lignée des principes de durabilité, de justice sociale, de respect des différentes cultures urbaines et d’équilibre entre l’urbain et le rural. L’exercice du droit à la ville est fondé sur la gestion démocratique de la ville, sur la fonction sociale et environnementale de la propriété et de la ville, sur l’exercice entier de la citoyenneté. (Article 31 Constitution del Buen Vivir, 2008, traduction personnelle. 194 Un recours interposé, dans des circonstances similaires, devant le défenseur du peuple s’est par ailleurs soldé par un échec, Informe sobre desalojo forzoso en la Isla trinitaria, Comité permanente para la defensa de los Derechos Humanos’ (CDH), p. 7. 195 85 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Guayaquil 05 de marzo del 2015, Señor(a) Coordenadas: 619274, 9753167 Considerando Que mediante Acuerdo Ministerial n°142 de fecha 15 de noviembre del 2002, publicado en el Registro Oficial n°5 del 22 de enero del 2003, el Ministerio del Ambiente declaro como "Reserva de Producción de Fauna Manglares El Salado", una superficie de (…)ubicadas en la jurisdicción del cantón Guayaquil, provincia del Guayas , a su vez el artículo 75 de la Ley Forestal y de Conservación de Áreas Naturales y vida Silvestre establece la prohibición de ocupar las tierras del patrimonio de áreas naturales del Estado... Que el Codigo Organico Integral Penal en su art.558, numeral 11, establece las medidas de protección cuando se esté perpetrando una invasión o asentamiento ilegal, Que mediante Oficio n° MAE-CGZ5-DPAG-2015-0667, de fecha 23 de febrero de 2015, suscrito por el Coordinador General de la Zona 5- Director provincial del Ambiente del Guayas Ing......................, se concluye que, revisado los datos de campos verificados en la base de datos del PANE existen viviendas que intersectan o se encuentren dentro del área de influencia de la Reserva de Producción Faunística Manglares El Salado; por lo cual, dicha Dirección Provincial del Ambiente recomienda canalizar la situación social y legal de las viviendas que se encuentren dentro de la RPFMS, por medio de la Secretaria de Prevención de Asentamientos Humanos Irregulares » En virtud de los fundamentos legales expuestos, esta Secretaria Técnica del Comité de Prevención de Asentamientos Humanos Irregulares, de conformidad con el Decreto ejecutivo 1227 de fecha de junio 2012, (...) SOLICITA el retiro de todas las personas que se encuentren en esta edificación por encontrarse la misma construida dentro de la Reserva de Producción Faunística Manglares el Salado y/o en su área de influencia en un término de 48 HORAS. Secretaria técnica del comité interinstitucional de prevención de asentamientos humanos irregulares196. La convocation des formes juridiques — le langage, l’interprétation et l’argumentation juridiques — et, avec elle, la mobilisation d’usages et de pratiques professionnelles du droit ne participent pas seulement à l’exercice du pouvoir. Elles en deviennent l’expression principale et caractéristique. Le droit « ratifie » unilatéralement un cours d’action. Le droit et le langage du légalisme servent l’entreprise de légitimation197 du pouvoir local, établissent un doute « légitime » quant à la portée de l’action publique : « Xavier Burbano, intendant de police de la province du Guayas, soutient avec conviction que la L’ordonnance en partie reproduite s’inscrit dans une vague d’éviction affectant un autre secteur urbain marginal de Guayaquil, la « isla Trinitaria », la procédure et ses acteurs restent les mêmes que pour le cas du Monte Sinaï. 196 CORTEN Olivier. "Réflexions épistémologiques et méthodologiques sur les spécificités d’une étude politologique de la légitimité’." Cahiers européens de Bruxelles 1 (2000): 21. 197 86 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 conduite du gouvernement est non seulement légale, mais aussi légitime. (...) Burbano, comme les autres fonctionnaires participant à la procédure, est convaincu d’avoir la loi de son côté. » La convocation administrative de la « forme » juridique, mise en scène de la légalité procédurale et substantielle de la mesure d’éviction dans un « état de droit social » rappelle et fomente, en d’autres termes, une dérive bien particulière du rapport social : « la violence symbolique198 », la fantaisie d’une violence légitime. La forme juridique se pose tel un voile transparent sur la nature véritable du rapport de pouvoir. Le message de la forme en vient progressivement à primer su celui du fond, la symbolique du droit sur sa substance. La rencontre entre les habitants de la coopérative « Las Marias » et le Comité souffre en guise d’observation finale d’un trouble de dissociation. L’empreinte sociohistorique du droit et plus spécifiquement la dé-historicisation des vécus du droit précède et asphyxie la revendication des droits. Conclusion Retenons en guise de conclusion du chapitre l’opportunité d’une extension significative du champ de la narration. Loin des paysages lunaires du non-droit et de l’informel, l’empreinte d’un gouvernement des asentamientos se fait toujours plus (op — ) pressante. La mise en évidence d’un pouvoir local sur fond d’opposition entre la municipalité de Guayaquil et le gouvernement central, la rémanence d’un enjeu libertaire directement associé à la territorialisation des asentamientos, conduisent immanquablement à un questionnement demeuré en suspens : pourquoi au regard de telles circonstances, le non-droit et l’informel apparaissent-ils encore au XXIe siècle comme des prismes déterminant un retrait du droit à l’échelle des asentamientos ? 198 BOURDIEU, Pierre. "Sur le pouvoir symbolique." Annales (1977): 405-411 ; Terray, Emmanuel. "Réflexions sur la violence symbolique." Les sociologies critiques du capitalisme. Presses universitaires de France, 2002. 11-23. 87 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 2 Le dépassement catégorique du « non-droit » et de « l’informel » Les propos introductifs suivants aborderont l’enjeu d’un dépassement catégorique du « nondroit » et de « l’informel » sous l’angle d’un questionnement. Ce dernier prend forme au fil de la participation à un projet de développement local (2010-2014). Le texte reproduit ci-dessous sous forme d’un aparté correspond à un temps particulier du travail de recherche et de l’étude de cas (2010-2013). La problématique liée cette fois à la catégorisation des phénomènes juridiques aux portes de la ville s’y découvre à un état embryonnaire. L’« École d’aquaculture et d’agriculture sociale » — Escuela de acuicultura y agricultura social — (EDAS) émerge en 2011 d’une alliance stratégique entre deux organisations dont les sièges sont établis à Guayaquil, la fondation jésuite Corporacion del Hogar de Cristo, d’une part, et l’entreprise Concepto Azul, d’autre part. À l’image d’une « joint-venture » sociale, l’initiative émerge à la confluence de deux philosophies du travail social bien distinctes. Chacune des entités présente, en revanche, une « trajectoire » et un engagement de longue date dans des espaces réputés vulnérables et socialement marginalisés sur l’ensemble du territoire équatorien. La première organisation, la corporation jésuite établie en Équateur depuis une quarantaine d’années, inscrit son action dans une perspective de restitution des droits aux personnes en situation de pauvreté majeure, de vulnérabilité ou d’exclusion. Les lignes de développement stratégique de l’organisation priorisent l’action sociale auprès des femmes — « las socias », littéralement ses « associées » ou « partenaires », avec qui elle interagit sur une base dialogique et progressive. L’organisation s’est illustrée au niveau international dans le domaine de l’habitat social à travers la fabrication en coopérative et la vente à crédit de solution habitationnelles d’urgence. La corporation Hogar de Cristo dessine, produit industriellement et commercialise des maisons préfabriquées de bambou et d’aggloméré. Conçues comme une solution habitationnelle d’urgence la « casita Hogar de Cristo » s’est affirmée, au fil des années, comme une édification caractéristique des zones urbaines marginales sur l’ensemble de la zone côtière équatorienne199. À ce cœur d’activité historique, la compagnie des jésuites a par la suite intégré un ensemble d’approches « classiques » de Le rapport institutionnel de l’organisation fait mention en ce sens de 186 000 maisons « livrées » depuis 1972 :« Memoria Institucional Hogar de Cristo, ‘El corazon de la esperanza’ », 2012. 199 88 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 développement local, la problématique de l’habitat d’urgence s’étend à celles du foyer ou de la « vivienda » fonctionnelle. L’approche initiale d’une maison de type « un techo para les “sin techos” prend, désormais, les traits d’une démarche holistique dite de “restitution des droits” et d’un accompagnement — matériel, financier, technique, sanitaire, psychologique et religieux, etc. — du moyen au long terme. La seconde organisation, l’entreprise Concepto Azul, constituée en 2000 par une équipe franco-équatorienne de consultants en biologie moléculaire se distingue pour avoir intégré une série d’activités clairement orientées vers le travail social à sa culture d’entreprise200. Figurent pêle-mêle au rang de ces initiatives autofinancées des activités de socialisation et de formation aux techniques de production familiale, l’octroi de bourses d’études sur des critères sociaux, la tutelle de mémoires et de projets d’investigation appliqués à des problématiques de développement local, l’ouverture d’espaces de formation et de réinsertion sociale à l’attention de divers publics en situation de vulnérabilité — enfants des rues, adultes en préliberté, communautés côtières —. Ces activités diverses menées pendant près d’une quinzaine d’années l’ont été en règle générale sur la base de partenariats ou d’alliances stratégiques — UNICEF, Direction nationale de la réhabilitation sociale, fondations et autorités locales indépendantes, organisations non gouvernementales et universités —. Le mécanisme de “rétribution sociale” institué implique, au-delà de l’investissement financier, la mobilisation d’un savoir-faire technique et d’équipes à temps plein. La structure apparaît généralement comme une pionnière de la responsabilité sociale des petites et moyennes entreprises à l’échelle locale et régionale. Le rapprochement des deux organisations, schématiquement des composantes “sociales” et “techniques”, apparait comme l’ouverture d’un espace de travail et d’initiative commune. Physiquement hébergé par la corporation Hogar de Cristo, “l’EDAS” émerge comme une plateforme en vue du développement de projets orientés vers la production familiale et le microentrepreneuriat, directement accessibles aux communautés environnantes. Reprenant dans ses grandes lignes le document préparatoire qui établit les bases de cette Alliance stratégique hors normes, les objectifs généraux ont pu être résumés comme tels : 200 El Universo, 11/08/2002, “Concepto Azul: causa solidaria”. 89 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 a) Établir un lien permanent de collaboration dans le cadre d’objectifs, de missions et de visions institutionnelles communes (lien non conditionné par l’exécution d’un projet ou d’un programme en particulier) ; b) Unir des potentiels humains, logistiques et techniques en vue de la création d’espaces démonstratifs, didactiques et productifs en zones urbaines, périurbaines, et rurales du pays ; c) Canaliser des ressources et des investissements en vue du développement de programmes de recherche pour le développement, de formation technique et de divulgation scientifique ; d) Développer les capacités d’autofinancement des programmes et projets de l’alliance stratégique ; e) Rechercher activement la participation des citoyens, acteurs et communautés du littoral équatorien ; f) Mettre en œuvre des stratégies de communication sociale qui permettent d’associer à terme de nouvelles organisations publiques comme privées, et de diffuser des innovations techniques orientées vers le développement des activités de production alimentaire sociales et durables201. Dans la continuité de ces lignes directrices, une série d’activités pilotes d’optimisation des unités de production familiale, de sensibilisation et de démonstration technique ont été organisées sur une base régulière. L’un des principaux programmes développés à travers l’alliance est le Programme d’Habitat social productif — Programa de vivienda social productiva —. Travaillant sur la base de l’unité familiale de production et d’habitation, il est question de proposer aux participants un accompagnement en vue de réaliser à l’échelle du foyer des aménagements simples et utiles au quotidien. L’objectif est par ailleurs que ces adéquations soient parfaitement adaptables à la fois au modèle “standard” de vivienda proposé par la fondation jésuite, de même qu’à la superficie utile réduite des terrains ou “solares” -100 mètres carrés en moyenne — dans les secteurs urbains ciblés. De tels aménagements optionnels prévoient, par exemple : - l’intégration de systèmes d’agriculture et d’aquaponie urbaines, - la création d’espaces de tris et de valorisation des déchets incluant le recours aux techniques de compostage, 201 l’intégration de solutions sanitaires innovantes (filtration d’eau potable, toilettes sèches), Document de travail personnel produit dans le cadre du projet. 90 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - l’aménagement d’espaces d’usage mixte — vie privée/entrepreneuriat familial — en vue de l’élaboration et de la vente de produits alimentaires en conserve notamment, etc. L’une dans l’autre, ces différentes approches ambitionnent de contribuer à l’amélioration de l’environnement familial et tendent vers une approche de type “holistique” ou intégrale de l’habitabilité sociale — la vivienda social productiva —. Considérons à présent la vie interne du projet — depuis une poste de coordinateur sur les trois premières années de son activité —. La configuration évoquée aura permis d’interagir sur une base régulière avec un large éventail de professionnels, de volontaires et de bénévoles locaux et internationaux 202 , d’explorer les registres de l’inter ou de la transdisciplinarité appliquée à des problématiques de développement local. Une telle initiative n’aura en effet acquis une consistance singulière qu’à travers la formation d’un noyau humain et par l’attrait suscité auprès d’agronomes et d’aquaculteurs, d’architectes et d’ingénieurs civils, de psychologues et de travailleurs sociaux, de communicants, d’enseignants et de pédagogues, de chercheurs universitaires, d’artisans — etc. —. La présence et l’investissement de ces acteurs sur “le terrain”, leurs interactions diverses dans la sphère du projet et dans sa périphérie directe, invitent à la formulation d’un constat préliminaire d’ordre à la fois empirique et conjoncturel. S’il existe bien, en tout état de cause, un écosystème du travail social203 dont le pouls se révèle “palpable” au cœur d’un secteur urbain marginal comme “Monte Sinaï”, la participation des professionnels du droit à ce type d’entrepreneuriat social, à la pratique du développement local observée, demeure a priori purement et simplement nulle. Précisons ci-dessous les deux branches du 202 En incluant la phase préparatoire et critique de rapprochement des organisations et de formalisation des engagements réciproques ‘l’alignement des planètes’. Pour une tentative de conceptualisation du travail social : « le travail social, pris au sens large, au sens de l’action sociale et/ou de l’action sur le « social » relève d’une construction et d’une histoire qui recouvrent une double dimension. Tout d’abord il peut être approché comme un ensemble d’acteurs et d’actions visant à répondre à des situations concrètes, immédiates, en faveur de personnes en difficultés, a priori exclues, marginalisées et/ou ignorées au regard des grands mouvements de transformation et de progrès socio-économiques et citoyens. Mais au delà de ces pratiques, le travail social a développé et développe encore une fonction d’interpellation sociétale. Ses évolutions, ses postures, mais aussi ses crises, font système avec le contexte social, économique et politique au sein duquel il se situe. De ce point de vue, il est aussi une composante du développement de la société et de la croissance économique » in Savignat Pierre, «Le travail social aux défis du néolibéralisme », Entre le et la politique, Le sociographe, 2009/3, n° 30, p. 21-29. 203 91 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 diagnostic : le constat, d’un côté, d’une écologie fonctionnelle 204 du travail social aux abords du Monte Sinaï (1) et, celui, de l’autre, d’une extranéité conjoncturelle des usages et pratiques sociales du droit (2). 1) L’écologie du travail social dans les secteurs du Monte Sinaï et de la “via perimetral” Représenter la conduite du travail social aux abords de l’espace urbain marginal de Guayaquil à l’image d’un écosystème 205 invite à orienter le regard dans deux directions : l’observation, en premier lieu, d’une hétérogénéité des régimes “d’engagement” ou de “participation” au projet (a) ; l’observation en second lieu, d’une dynamique ou mouvement d’ensemble qui, à l’image de toute cellule ou de tout écosystème, se dévoile alternativement sous l’angle de sa biologie interne ou externe — l’intégration de cet ensemble écosystémique à l’environnement urbain marginal, à la ville, au territoire gouverné, etc. — (b). a) Hétérogénéité des registres d’engagement individuels Affinons donc, premièrement, le constat d’hétérogénéité des régimes d’engagement ou de participation observés depuis la sphère expérientielle du projet EDAS. L’idée généralement poursuivie ci-dessous sera de mettre rapidement en évidence la mutabilité des conditions et des motifs d’investissement personnel observés dans le cadre d’une seule et même initiative de référence. Il s’agit, de même et sous un angle opposé, de mettre sous tension, un ensemble de dispositifs classiques de “représentation”, de “catégorisation” ou encore de “formatage”, du “travail social” et des régimes d’engagement aux abords du contexte urbain marginal de Guayaquil. L’image, tout particulièrement, d’un engagement professionnel désintéressé évoquant de près ou de loin les registres de l’assistanat et du travail social “humanitaire” — dans ce cas de figure, “humanitariste” —, au cœur de la “favela” ou du “bidonville” apparaissent d’emblée comme aux 204 http://www.cnrs.fr/inee/communication/actus/docs/Brochure_Prospective_Eco_Fonct.pdf 205 « Ecosystème : Le terme écosystème désigne un ensemble d'êtres vivants (animaux et végétaux) et de composantes physiques et chimiques qui agissent plus ou moins étroitement les uns sur les autres. L'écosystème est avant tout un moyen d'analyser la nature, même s'il correspond fréquemment à des environnements concrets comme une mare ou une forêt (…) Les écosystèmes sont des objets bio-physico-chimiques qui peuvent être caractérisés par une organisation et une dynamique, comme les autres niveaux d'organisation (individu, population, communauté) de l'écologie (…) L'organisation et le fonctionnement des écosystèmes déterminent, pour une part importante, la qualité de notre environnement et la disponibilité d'une partie de nos ressources, notamment biologiques. Ces services écologiques rendus par les écosystèmes – qu'il faut aujourd'hui préserver, restaurer et optimiser –, contribuent à dynamiser l'écologie des écosystèmes. » Source : http://www.universalisedu.com.faraway.u-paris10.fr/encyclopedie/ecosystemes/#titre-i_26406 92 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 antipodes des trajectoires individuelles qui s’entrecroisent au fil de la période de référence. Il semble bien plus opportun de restituer et mettre brièvement en balance une variété de registres motivationnels — des “faisceaux d’engagements” — tel qu’ils auront été évoqués, exprimés, éprouvés par les acteurs — collègues, amis — “à travers” leur participation matérielle au projet — par opposition à l’exposé d’un idéal type de participation ou autre mirage participatif206 —. Retenons-en, pour le moins, quatre devenus parfaitement familiers au fil de la participation au projet. Engagement social « spontané » ou « d’opportunité » Engagement social « négocié » Engagement social « initiatique ou thérapeutique » Engagement social « vocationnel » Figure 2 Classification des registres d’engagement individuels observés dans le contexte du projet de développement local « EDAS » Un premier faisceau d’engagements, d’ordre immédiat ou spontané, invite tout d’abord à considérer la part essentielle du travail « social » effectuée en périphérie du projet et en marge de toute action institutionnelle. La participation tacite des habitants à la consolidation physique de « l’asentamiento » et des espaces de vie collective est considérée. Les alliances stratégiques, opportunes et aléatoires d’habitants et de familles soumises à des contraintes et des nécessités contextuelles communes entrent nécessairement en jeu en vue d’une juste représentation du travail social aux 206 PITHOUSE Richard, « Rethinking public participation from below », Critical Dialogue, N° 2, vol.6, 2006, p.23 ; Cooke & Kothari (éds.), Participation: The new tyranny? , Zed Books, 2001 ; Ugalde A., « Las dimensiones ideológicas de la participación comunitaria en los programas de salud en Latinoamérica », Cuadernos Médico Sociales, vol.42, 1987, p.27-38 ; GOIRAND Camille, « Penser la participation politique en Amérique latine: questionnements et méthodes d’enquête », Participations, vol.1, 2013, p.227-242. 93 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 abords du contexte urbain marginal de Guayaquil. La résurgence de pratiques coutumières de la « Sierra’ ou de « l’Oriente » à l’image de « la minga207 » semble illustrative : il s’agit, par exemple, pour les habitants d’un même secteur — « los bloques » o « quadras » — d’organiser et de collaborer au nettoyage et parfois même à la construction d’une école, d’improviser un terrain de football ou de volley, d’aménager un local de réunion ou « casa communal », de prêter main-forte à la construction d’un talus ou d’un remblai à l’approche de la saison des pluies, de végétaliser un espace public (parc, lieux de cultes, etc.). Plus généralement, et de manière sans doute encore plus inaudible, on devine dans un registre similaire, une série de négociations, d’arrangements entrepris en amont entre les mêmes habitants de « l’asentamiento’ et les agents de l’entreprise électrique, les « tanqueros » — le service d’approvisionnement en eau « potable », avec les coopératives de bus — en vue de l’installation desdits « paraderos » —, avec les revendeurs et transporteurs de ciment et de matériaux de construction, etc. La condition de voisin — de « vecino » o « vecina —, de connaissance — « el pana » ; « el conocido », « el compadre » o « la comadre » — prend, aux abords du contexte urbain marginal, une signification tout à fait singulière perceptible dès les premiers temps de l’asentamiento. Un deuxième faisceau d’engagements isolé renvoie au travail social effectué à travers le filtre ou la médiation d’un lien de subordination ou de dépendance, l’exercice d’une « mission », la sollicitation d’une expertise, d’un service. C’est le cas, par exemple et fort classiquement, de l’exécution des contrats de travail, de programmes de « volontariat » international ou encore des conventions de stage établis dans le cadre du projet 208 . La dimension négociée, dialogique, éventuellement synallagmatique, qui caractérise, en règle générale, la conduite du travail social « rémunéré » dans un cadre institutionnalisé ressort nettement. À ce véritable « statut » de travailleur social correspondent un certain nombre de taches d’ordre techniques ou administratives réalisées en contrepartie d’avantages comparatifs — localement perçus comme tel — estimés sur le plan de la rémunération, de l’accès à la sécurité sociale — IESS —, de la stabilité de l’emploi, etc. Le droit, de pair avec l’entreprise de planification stratégique des ressources humaines — « talentos humanos » —, 207 Un parallèle et même parfois une continuité avec les traditions indigènes relevant des activités dites de « Minga » semblent pouvoir être envisagé dans certains cas : voir, GUEVARA Darío C., Las mingas en el Ecuador, Editorial Universitaria, 1957. 208 C’est de même le cas des travailleurs sociaux qui officient comme agents publics -servidores publicos-. 94 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 retiennent — avec une certaine froideur — la possibilité de mettre en mouvement la « raison sociale » d’un projet, d’une personne morale ou, en occurrence, d’une alliance stratégique à travers un « montage » — l’établissement d’une série de liens de subordination ou de dépendance établis entre une personne morale et des « équipes de travail » —…, le risque d’une dilatation de la cause du travail social au cours de l’exercice ne pouvant être totalement exclu. Sur les traces d’une sociologie des organisations de la société civile ou des services sociaux, 209 ce second registre soulèvera, en d’autres termes et assez implicitement, la question de la survivance des engagements individuels et collectifs à l’institutionnalisation ou à la formalisation du travail social — ou, inversement, de leur « potentialisation » —. Un troisième faisceau d’engagements retenu relève d’une dynamique structurelle mise en œuvre dans le cadre du projet et qui touche à la déconstruction/reconstruction du concept de travail social lui-même. L’enjeu d’une participation individuelle au travail social se déplace. Sous cette optique, la participation active à la marche quotidienne du travail social est elle-même appréciée comme un processus d’apprentissage valorisable sur les registres technique et humain — l’acquisition de « savoir-faire » et de « savoir-être210 » —. Deux exemples éclairent cette dynamique socialisante « interne » invitant à décloisonner ou réinvestir l’espace de travail social depuis le travail social lui-même. Le premier exemple renvoie à l’intégration de personnes traversant ou sortant d’une période de crise ou de vulnérabilité particulière — adultes et mineurs en situation de réinsertion sociale, accords de préliberté, adolescents et jeunes adultes en situation de précarité ou d’exclusion sociale, etc. — Le travail social à l’image d’un stimuli implique la perception et la définition d’un rôle au sein d’un groupe social déterminé, d’une équipe, d’un espace, tout en ouvrant un espace de réflexion et de restructuration d’un projet de vie. Le « paria », le « délinquant » — los « ex-convictos », los « chicos de la calle » — se trouve clin d’œil du destin, en situation « de travailleurs 209 LEGAULT Gisèle, « Travail social alternatif en Amérique du Sud », Nouvelles pratiques sociales, 1991, vol. 4, no 2, p. 193-204 ; ROUZEL Joseph, « Théoriser le social: socialiser la théorie », Vie sociale et traitements, 2002, vol. 75, no 3, p. 3031 ; THÉVENOT Laurent,, « L'action au pluriel: sociologie des régimes d'engagement », Paris, La découverte, 2006. Paul Orianne et François Terré dans de le contexte plus spécifique de l’enseignement du droit évoquent une telle distinction entre ‘savoir-faire’ et ‘savoir-être’ de la manière suivante : « Lorsqu’une formation n’entend pas déboucher sur un ensemble d’aptitudes relevant d’une pratique spécialisée, sa finalité se confond avec celle du développement de la personnalité, à la faveur d’une augmentation des connaissances de l’individu sur le monde et sur lui-même, source d’une plus-value monnayable au plan du dynamisme intérieur et des relations à autrui. » extrait de ORIANNE Paul et TERRÉ François, Apprendre le droit: éléments pour une pédagogie juridique, Éd. Frison-Roche, 1990, p.25. 210 95 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 sociaux » et d’accompagnateurs. Le second exemple renvoie à l’intégration de bénévoles et de volontaires internationaux à l’entreprise sociale. À l’image du rituel initiatique, un face à face consenti avec ce qui initialement est perçu comme « altérité » est engagé à travers le projet. Le passage d’un schéma d’extranéité à la fois « culturelle » et « professionnelle » à un schéma d’échange et de dépassement des barrières physiques et psychologiques, qui stigmatisent généralement l’environnement urbain « marginal », la pauvreté, le « Sud », la délinquance, est engagé. Sous cette optique, le travail social facilite une mise à l’épreuve de ce qui, dans un premier temps, se verbalise le plus souvent comme un désir « d’action » ou de « concrétisation » de croyances, de convictions et de sensibilités individuelles. Ce passage à l’acte invite sur un registre éthique à une remise en cause assez directe du rapport individuel au travail, au « professionnalisme ». À ce type de vécu initiatique correspond, pour synthétiser, un processus identitaire de clarification des valeurs. Le « candidat à l’aide » se retrouve finalement et encore une fois à travers un nouveau clin d’œil du destin, en situation « d’aidé ». Un quatrième et dernier faisceau d’engagement identifié, de type « entrepreneurial » ou « vocationnel » renvoie d’une manière générale aux personnes dont l’investissement se révèle luimême « porteur de projet » au sein du projet. La participation au travail social se rapproche effectivement et au plus près d’une pratique « professionnelle ». Elle imprime une teinte additionnelle au travail social et dépasse le cadre de la « mission », du « résultat escompté » — « project output » ou « entregables » —. Cet ultime faisceau d’engagements s’avère en revanche bien difficile à saisir dans sa matérialité. De toute évidence, il ne se manifeste ni à travers la production d’un discours — développementaliste, humaniste, économique, etc. — ni à travers l’initiative singulière, ponctuelle. Celui-ci s’apprécie, au contraire, sur le plan du « leadership » et sous le signe d’une certaine résilience à l’aléa de l’entreprise, du projet social. L’engagement s’inscrit dans une temporalité plus large, démontre les signes d’une conscience ou perception aiguisée de l’espace urbain marginal, de la ville, de la dialectique global-local, Nord-Sud — une « intelligence sociale, un état singulier de réalisme social ou, paradoxalement, d’éveil si l’on se place sur le plan de la philosophie orientale… —. Achevé ce bref recensement des vecteurs d’engagement, confortons à présent l’idée d’une écologie du travail social fonctionnelle à l’échelle du secteur de Monte Sinaï. 96 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 b) Complémentarité des démarches d’engagement dans la sphère du projet La cohérence d’ensemble du travail social est appréciée sous deux angles au fil des prochains paragraphes. Sous l’angle de sa biologie interne, le projet EDAS se distingue par sa capacité à créer des situations d’échange, de lien social sur la base d’une mise en actes continue des idées et des registres d’engagement appréciés en amont — dont la convergence n’est jamais que relative ou dialogique —. Ces points de friction, mouvements à la fois antagonistes et synergétiques fomentent un embryon de vie sociale, s’avèrent porteurs d’expériences transformatrices à l’échelle du sujet ou de l’acteur individuel. Lutte altermondialiste pour un “buen vivir”, assaut contre le “maldéveloppement”, “bonne action” — au sens de devoir moral ou religieux accompli —, stratégie de développement local, douce utopie, opportunité de travail… le choc constant et systématique des trajectoires individuelles et institutionnelles est producteur, à l’image d’un nuage d’électron, d’une intensité créatrice. Si l’on en mesure ensuite les effets sur le seul plan de l’évolution des pratiques et des usages professionnels, un processus commun et mesurable de spécialisation se dessine progressivement parmi ses protagonistes. La formation du rapport unissant une poignée d’individus partageant cette “expérience de terrain” ou ce “travail en équipe” emporte l’évolution du rapport individuel à une communauté élargie de professionnels. La constitution d’un espace professionnel intermédiaire ou semi-autonome se fait plus évidente, mesurable en termes d’usages et de pratiques. La dynamique interne du projet rejaillit donc, en d’autres termes, sur l’espace individuel de vie professionnelle. Elle contribue à lever une partie du mystère attaché à l’idée de “métiers”, de “travail social” aux abords du contexte urbain marginal 211 . Pour les architectes et les ingénieurs se précise, par exemple, un travail immédiat sur le bâti et l’attention d’un besoin de solutions d’habitation “socialement” pertinentes — en termes aussi bien économiques, culturels, énergétiques et fonctionnels, environnementaux, esthétiques, productifs, etc. — ; pour les économistes, une demande d’instruments de microcrédit et la modélisation de pilotes de micro-entrepreneuriat ; pour les biologistes, l’opportunité d’un accompagnement technique des initiatives productives menées en milieu périurbain et la défense d’une recherche appliquée au développement humain ; etc. 211 http://www.cnrtl.fr/etymologie/m%C3%A9tier 97 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Sous l’angle de sa biologie externe, l’idée essentielle retenue ensuite relève de l’observation d’une démarche, d’un travail social construit sur la base de l’expérience acquise et purgé — en partie tout du moins — de certains biais idéologiques relevant du “développement local”, de la “gouvernance urbaine” — ou du tout aussi utopique projet “lecorbusien” d’édifier des communautés urbaines212. À travers de subtils alignements de connaissances techniques et de savoir-faire, de compromis individuels et d’une gestion appropriée des ressources matérielles, apparaissent en trame de fond, les modalités d’une participation collective quotidienne à la vie locale de l’asentamiento. Le projet laisse une empreinte mesurable aussi bien sur l’esprit des habitants, des communautés locales que sur l’espace physique. Suivant l’idée du “service écologique213”, cette incidence systémique du travail social sur le devenir collectif, le maintien et la reproduction de la vie aux abords du contexte urbain marginal est susceptible d’être préservée, restaurée, optimisée… À l’inverse, ce service environnemental est, de même, susceptible d’altérations profondes. Un écosystème appauvri et avec lui toute forme d’ “autoritarisme social214” deviennent, par définition, un danger pour la communauté humaine dans son ensemble. Une fois restitué à grands traits l’environnement humain et professionnel du projet EDAS et suivant une ligne de réflexion similaire, portons un regard rétrospectif sur les conditions de participation des juristes à ce microcosme. L’exercice apparait de fait et assez immédiatement plus ambigu. L’engrenage de spécialisation et la perception des usages et pratiques “sociaux” du droit demeurent incertains. 212 Dans le même sens: « The next step will require great humility, so we are now so prone to confuse great building projects with great social achievements. We will have to admit that it is beyond the scope of anyone’s imagination to create a community. We must learn to cherish the communities we have, they are hard to come by. “Fix buildings, but leave the people” These must be the slogans if public housing is to be popular.” In fact the political logic of Jane Jacobb’s case is that while the planner cannot create a functioning community, a functioning community can, within limits, improve its own condition. Standing the planning logic on its head, she explains how a reasonably strong neighborhood can, in a democratic setting fight to create and maintain good schools, useful parks, vital urban services, and decent housing.”, extrait de SCOTT James, Seeing like a state: How certain schemes to improve the human condition have failed, Yale University Press, 1998, p.145. 213 GILLESPIE Alexander, International Environmental Law, Policy and Ethics, Oxford University Press, 2014, p.4 et suiv. SANTOS,Boaventura de Sousa, “Sociedade providência ou autoritarismo social?”, Revista Critica de Ciensais Socias, n°42, mai 1995. 214 98 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 2) Scénario d’extranéité des usages et pratiques professionnelles dans l’orbite des pratiques de développement local Rien ne laisse présager, à l’origine du projet, le constat d’extranéité des usages et pratiques “sociaux” du droit tel qui sera formulé au fil des paragraphes suivants. L’affinité prononcée du projet avec l’idéal de justice sociale, sa syntonie avec le discours juridique sur le droit à l’alimentation, sur les droits au logement, au travail, à la formation professionnelle, aux bénéfices du progrès scientifique relève d’une certaine évidence. L’École d’aquaculture et d’agriculture sociale », à partir notamment de son volet communicationnel, de sa projection stratégique dans l’espace public local — par voie de presse, de réseaux sociaux, de journées « porte ouverte », etc. — emprunte sur une base régulière aux langages, aux formes et aux dispositifs de ciblage du droit. Les registres discursifs d’une « réalisation », d’une « mise en œuvre » voire d’une « conquête » des droits aux abords du contexte urbain marginal sont fréquemment mobilisés (en guise d’illustration, voir la note ci-dessous). 99 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Figure 3 Reproduction du Boletin virtual Hogar de Cristo, janvier 2012, p1-3. PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 100 Lorsque l’alliance stratégique entre jésuites et biologistes revendique une production urbaine à la portée de tous, lorsqu’elle nourrit l’idéal d’un habitat social à la mesure des nécessités de chaque foyer, il semble logique, en première lecture, de soulever la question du droit. Les traces d’une concrétisation ou d’une restitution des droits individuels et collectifs — droits du « Buen vivir », droits sociaux et « droit des pauvres’215, droit à la ville, etc. — par l’intermédiaire du travail social, par la voie de l’initiative locale, sont intuitivement recherchées. En seconde lecture, la consonance ou synergie présumée entre « travail social », d’un côté, et « réalisation du, ou des, droit(s) », de l’autre, peine cependant à dépasser le registre discursif. Celle-ci s’accorde mal, en d’autres termes, avec le fil du récit. Remontant progressivement vers le nœud de la discorde, un double sentiment de distanciation, décalage tangible entre l’expérience du projet — son vécu quotidien — et celle du droit se précise. Sur le registre premièrement de la géographie du droit et de ses usages, les rencontres avec des professionnels du droit, au cours des trois années passées dans le secteur du Monte Sinaï, se comptent symboliquement sur les doigts d’une main : des échanges de courrier et d’instruments dans le cadre d’un projet financé à travers la coopération internationale, la visite des représentants d’une communauté rurale accompagnée de leur conseil historique. Les juristes impliqués dans la vie publique locale gravitaient, autrement dit, dans des sphères « physiquement » éloignées non seulement du projet, mais, aussi et plus généralement, de son rayon d’intervention. Le travail juridique sur les problématiques associées à la croissance urbaine marginale apparaît cantonné à la périphérie de son objet. L’« input » des « barefoot lawyers », des « services légaux alternatifs », « des cliniques mobiles », des « cause lawyers », des défenseurs des droits de l’homme et « abogados populares » 216 ne filtre vers l’espace urbain marginal qu’au compte-goutte. 215 « Ces droits ont en premier lieu été affirmés contre la pauvreté : le droit au logement, le droit à la protection de la santé, à la sécurité sociale, le droit à l’éducation, visent à réduire la logique marchande et à garantir à tout homme, quel que soit son revenu, l’accès au bien ainsi distingué. Partant de cette idée, on peut ainsi définir la proclamation des droits sociaux comme une réponse juridique à la question sociale.», extrait de : « Droits des pauvres, pauvres en droit ? Recherche sur la justiciabilité des droits sociaux », Rapport intermédiaire à l’attention de l ’ONPES et de la Mission Recherche Droit et Justice, Working Papers Octobre 2009 (p. 7). 216 JUNQUEIRA, Eliane Botelho, “Los abogados populares: en busca de una identidad”, El otro derecho, 2002, no 26-27. 101 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le Bureau du registre public de la propriété217, le Défenseur public — la Defensoria publica —, le Défenseur du peuple — la Defensoria del pueblo —, les bureaux d’assistance légale des facultés de droit, le Comité interinstitutionnel de prévention des établissements irréguliers — comme principaux viviers de l’accompagnement juridique des personnes en situation de vulnérabilité — sont établis dans des secteurs consolidés de la ville. Deux heures de transport, un dollar, des espaces et des bureaux situés dans des secteurs souvent méconnus, des horaires d’attention au public correspondant aux heures de travail, d’école ainsi que l’absence d’orientation « à la source »… constituent des obstacles rapidement insurmontables d’une traversée entre deux rives du droit. Sur le registre « stratégique » deuxièmement, les modalités de fonctionnement de l’alliance stratégique demeurent tacites et intuitives. La médiation juridique — le recours au travail juridique — est sollicitée, a priori et en règle générale, de manière exceptionnelle. Le recours au droit n’intervient que dans l’optique de « formalisations » interinstitutionnelles ponctuelles, circonscrites à l’affectation de ressources au projet ou à la gestion de financements externes — publics, régionaux, internationaux, donations, etc. —. Plus généralement, l’influx du travail juridique se mesure corrélativement à une série de contraintes « externes » à la logique d’association — contraintes d’ordre légales, réglementaires parfois aussi de projection d’une image publique —. La convocation du formalisme juridique est vécue, de fait, comme un ajustement nécessaire plutôt qu’une ressource fonctionnelle. Discutée dans le cadre de réunions ponctuelles de direction, la dynamique d’alliance répond essentiellement à l’institution et au maintien d’un état de confiance. La parole donnée sur le court ou moyen terme est valorisée, le rapport de droit privé réduit à son plus simple appareil, le consentement mutuel. Considérant ensuite l’éventail des initiatives portées depuis l’EDAS vers les communautés du Monte Sinaï, le constat d’une impasse stratégique sur l’usage du droit comme levier d’action sociale apparaît également de mise. Lorsque l’Alliance stratégique s’engage dans un travail de restitution des droits, s’approprie la revendication et la rhétorique du « Buen Vivir », celle-ci n’engage pas pour autant une dynamique d’accompagnement « juridique » à la réalisation des droits. Le discours sur la restitution des droits n’emporte pas de mobilisation du travail juridique. Le travail social peut, de fait, rechercher une légitimité à travers la production d'un discours sur le droit ou sur les droits sans pour autant faire appel au système étatique de protection et de mise en oeuvre de ces mêmes droits. 217 Registrador da asesoría para legalizar terrenos invadidos, El Universo, Lunes, 10 de enero, 2011 102 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le projet peut de même poursuivre une logique de renforcement des capacités individuelles et collectives sans intervenir sur le registre des (in) capacités légales de l’individu ou des collectifs. Le scénario du renforcement des capacités locales « social or local empowerment » ne répond pas nécessairement à celui de renforcement de l’agir juridique « legal empowerment » — . En d’autres termes, le traitement des problématiques de développement local se trouve matériellement dissocié des problématiques de développement du droit et de protection des droits de l’homme218. La manière dont est convoquée la réalisation du « droit à l’alimentation » illustre une telle asymétrie. L’appréhension, au titre du projet de développement local, des situations de carence, de malnutrition, la prise en compte de difficultés d’acheminement et de distribution des denrées ne se conjugue pas avec le processus de défense ou de revendication du droit fondamental qui en répond. La carence alimentaire tombe dans le registre de l’ordinaire, du quotidien urbain marginal. L’aléa correspondant à la violation ou à la méconnaissance d’un droit de l’homme, au dysfonctionnement de l’accès individuel et collectif au droit, à la réluctance de l’État à honorer une créance, passe sous l’empire du silence. L’empreinte bien souvent pathologique des phénomènes juridiques sur l’usage et la disponibilité des sols, sur l’accès à l’eau, sur la mobilisation des instruments de financement et de microfinancement, sur la circulation et l’accès au savoir-faire technique, n’est pas abordée ni comme lien de causalité ni comme un éventuel levier stratégique pour l’action. Porter des revendications en termes de droits fondamentaux dans l’espace public relève en définitive d’une phénoménologie alternative, politique, intuitivement liée au développement d’une frange « spécialisée » de la société civile. L’intervention d’organisations locales de protection des droits de l’homme au rang desquelles l’ONG « Asylum access Ecuador (Aae.) », le Comité permanent des droits de l’homme (CDH), le Service jésuite pour les réfugiés et les migrants (SRJM), l’Organisation hébraïque d’aide aux immigrants et réfugiés (HIAS) ou même l’ACNUR, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, demeure, sauf exception, limitée à une poignée de services : la gestion de situations de crise, les cas d’urgence humanitaire, l’accompagnement légal des populations réfugiées, le traitement ponctuel du risque d’éviction. Refermant la parenthèse du projet une question demeure néanmoins en suspens : la rencontre manquée avec la question des droits était-elle due à la configuration spécifique du projet ? 218 Sur ce thème : Abramovich, V. (2006). « Una aproximación al enfoque de derechos en las estrategias y políticas de desarrollo”. Revista de la CEPAL, 88, p.35-50. 103 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Était elle due, à l’inverse, à un problème d’une tout autre nature, une myopie intellectuelle, difficulté à reconnaître et percevoir le droit sous des formes « atypiques », « périphériques », « plurielles » ? Le vécu de la territorialisation du Monte Sinaï coïncide-t-il nécessairement avec celui d’un recul du droit, une disqualification des usages et pratiques professionnels envisagés sous leurs formes conventionnelles — conseil, contentieux, enseignement et recherche — ? L’état d’indécision touchant à la propriété du sol et au devenir du logement, l’absence corrélative de recours et de précédents jurisprudentiels « locaux » face à la pratique administrative de l’éviction forcée, l’opération spontanée du commerce vivrier, de la vente ambulante, des transports urbains de même que celle des services de première nécessité en dehors des cadres réglementaires, sèment un doute persistant. Les limites de l’agir juridique professionnel sont-elles atteintes ? Les juristes seraient-ils, en sens inverse, condamnés à opérer dans l’orbite du système étatique, de l’état de droit moderne ? Face à l’impasse fonctionnelle, l’enjeu d’un dépassement épistémologique du « non-droit » et de « l’informel » sera abordé au fil du chapitre suivant sous les traits d’un cheminement. Deux sites alternatifs d’immersion dans la sphère d’action micropolitique du juriste — champ des possibles — seront distingués. Le transit de l’un vers l’autre opère comme un éventuel prisme « déterminant » de l’agir juridique aux abords du contexte urbain marginal. En lieu et place d’une rupture, il s’agira en d’autres termes de mettre en évidence une continuité entre différents schémas d’interprétation et d’analyse de la juridicité urbaine marginale. L’exploration des présupposés du non-droit et de l’informel, leur épuisement symbolique, s’érigent en points d’étapes d’un retour vers la pratique du droit. - La première étape du cheminement, sans doute la plus empruntée, table sur une exploration préliminaire des cadres ontologiques et dogmatiques du « non-droit » et de « l’informel ». Il s’agit de revenir sur les origines historiques d’un glissement d’épistèmes. Comment nombre d’opérateurs juridiques professionnels en viennent-ils à assimiler les prismes du « non-droit » et de « l’informel » ; à assumer l’existence d’un espace social mitoyen en repli du « monde du droit ». Le devenir contemporain des options catégoriques du « non-droit » et de « l’informel » trouve un éclairage significatif à travers la relecture des travaux de Jean Carbonnier. Il s’illustre, de même et par la suite, au regard de l’établissement d’une 104 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 convention de langage, « un discours d’expertise », dans le cadre des politiques internationales de développement et de « coopération » (Section 1). - – Passée la barrière du « non-droit » et de « l’informel », la seconde étape du cheminement consistera à réinvestir l’opération de qualification juridique des faits, en dévoiler la texture micropolitique. Par-delà le flux des images et des reflets du droit en société, l’opération de qualification juridique des faits s’érige en chainon vital de l’écosystème juridique. L’excavation et la mise en culture des juridicités urbaines marginales ne vont naturellement pas de soi. Le processus de réversion de « l’informel » et du « non-droit » procède assez fondamentalement de l’observation d’un aléa, de séquences interprétatives et décisionnelles autonomes, contextuelles et dialogiques — un « choix diffus »- 219 . « Qualifier » ou « catégoriser », adosser une forme juridique aux faits de marginalité urbaine renvoie à l’exercice d’une liberté civile et politique de penser et d’agir avec et depuis le droit. Le juriste réinvestit un espace social politiquement concédé au dogme et au déterminisme social. (Section2) Section 1 Les sirènes du « non-droit » et de l’informel À l’exercice de théorisation du « non-droit » correspond, assez paradoxalement, une tentative de mesurer l’empreinte du droit en sociétés. Juristes, sociologues, anthropologues, économistes discernent et discutent les frontières du fait juridique, de la « juridicité ». Un registre d’actions, d’états ou de situations inscrits, par hypothèse, dans un quotidien, dans « une certaine cosmogonie du droit’220 fait l’objet d’une démarche analytique, éventuellement critique. Jean Carbonnier utilise ici la terminologie voisine de « choix individuel du ‘non-droit’ » qu’il précise par la suite comme relevant d’un « choix diffus », opéré au jour le jour. CARBONNIER Jean, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e édition, L.G.D.J, 2001 p.33. 219 AKUAVI Adonon, Caroline Plançon et Pauline Versini-Campinchi affirment à ce sujet : « Etant la manifestation d’une certaine vision du monde, le droit restitue une cosmogonie. Il faut donc le rattacher au contexte qui lui a donné naissance pour comprendre la logique de fonctionnement sous-jacente. Cette cosmogonie implique une hiérarchie de valeurs et d’ordonnancements sociaux précis qui ne sont pas nécessairement partagés par les autres cultures juridiques. » Adonon, Campini-Versini, Planton, « Variations sur le pluralisme juridique : au carrefour de trois chemins », extrait de : Les pluralismes juridiques, LAJP et Karthala, 2003, p.68-69 ; Thomas JANVILLE; La qualification juridique des faits; préface de Serge Guinchard, Faculté de droit et de science politique d'Aix-Marseille, Institut de droit des affaires, Texte remanié de Thèse de Doctorat Droit, 2002, Paris 2. 220 105 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 L’observation du “non-droit” relève d’une approche par contumace du phénomène juridique — un regard porté sur l’empreinte rétinienne du droit, là où précisément il était attendu —. L’opérateur juridique s’investit, par un travail sur le non-droit et partant du plus simple, à cartographier son champ d’intervention, en deviner les frontières non visibles à l’œil nu. Il pétrit, manipule la matière première du droit, le “fait de juridicité”. En d’autres termes, il redessine son champ de compétence objective par défaut, redécouvre la substance de la “chose juridique” depuis ce qui apparaît, au premier abord et de manière paradoxale, comme son envers, son “antimatière”. La démarche, du point de vue doctrinal, poursuit clairement une logique de rétroalimentation de la pensée juridique. Autrement dit, le prisme du “non-droit” interpelle naturellement le champ de la théorie générale du droit dès lors que son observateur développe, dans l’antichambre de l’orthodoxie juridique, un registre de connaissance alternatif sur la réalisation du droit en sociétés. Le processus de formation, le fonctionnement du droit étatique se découvre sous un jour alternatif221. Finalement et sur un plan pratique, les conditions de saisine des usages et pratiques d’un groupe socioprofessionnel, la fonction sociale des acteurs juridiques professionnels évoluent dans le sillon du dialogue entre droit et “non-droit”. Partant de ces points d’accroche, un pont à la fois historique et analytique entre l’hypothèse intemporelle et dogmatique du “non-droit”, d’une part, l’étude et la réalisation du droit dans le contexte urbain marginal, d’autre part, est reconstitué. À un premier plan, c’est assez classiquement l’héritage contemporain de la pensée sociologique du “non-droit” et le devenir d’un prisme intellectuel proposé au siècle dernier par Jean Carbonnier222 qui est revisité, mobilisé au service du dispositif analytique (1). À un second plan, se pose la question du rapprochement entre cette Robert BADINTER témoigne de ce sentiment de redécouverte du Droit aux abords de l’hypothèse du ‘non-droit’ : « Avec le doyen Carbonnier, j'ai pu mesurer ce qu'était l'art, la virtuosité de la science juridique. On comprenait que le Droit, ce n'était pas seulement un ensemble de connaissances qu'on s'efforçait de maîtriser par des exercices de logique, de construction rigoureuse. Que c'était beaucoup plus que ça. Que c'était une clef dont on se servait pour comprendre les mécanismes d'une société et s'interroger sur la meilleure façon de remédier à ses imperfections. En même temps, cet art si prégnant nous a été révélé le jour où nous avons compris qu'il n'y avait pas de Droit sans exploration du ‘non-droit’. », in Robert BADINTER, Intervention de Pierre Catala, Les colloques du Senat, Jean Carbonnier (1908-2003), Art et science de la législation, 5-6 novembre 2008, Actes réunis par Sébastien DALMON et Franck HURINVI p39 et s. 221 222 CARBONNIER Jean, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e édition, L.G.D.J, 2001. Consulter en particulier Chapitre 2 L’hypothèse du ‘non-droit’, p.25-46 ; voir aussi du même auteur « Chapitre 3 La philosophie du droit, §III Le ‘non-droit’, extrait de l’ouvrage Droit civil : introduction, 27e édition refondue, La Philosophie du droit (Chapitre 3), P.U.F, 2002, p.107-108. 106 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 hypothèse de travail et les discours contemporains sur l’informel » aux abords du contexte urbain marginal des villes du Sud223 (2). A) Genèse de l’hypothèse du « non-droit » Retracer la genèse de l’hypothèse du « non-droit » semblerait une tache vaine sans une référence au positionnement méthodologique soutenu par Jean Carbonnier dans le contexte de la doctrine sociologique du droit française224. Au fil de « Flexible droit, pour une sociologie du droit sans rigueur », un ouvrage de référence sur la question du non-droit, l’auteur oppose une science du droit « dogmatique’ à une sociologie du droit dont il entreprend de préciser la méthode — « un droit vu du dedans à un droit vu du dehors-225. Sur ‘l’informel’: Ward P., Corruption Informality and Illegality In Urban Life, Area, Vol. 19, No. 2, Jun. 1987, pp. 178-179; Manuel Castells and Alejandro Portes, World underneath: the origins, dynamics, and effects of the informal economy, pp, 11-37 in Alejandro Portes, Manuel Castells, and Lauren A, Benton (eds,), The Informal Economy: Studies in Advanced and Less Developed Countries, Baltimore: Johns Hopkins University Press,1989. UPHAM, Frank K., Speculations on Legal Informality: On Winn's" Relational Practices and the Marginalization of Law": Comment, Law and Society Review, 1994, p. 233-241; Sainz Perez J.P. The new faces of informality in Central America, Journal of Latin American studies, volume 30, 1998, p.157-179; Clichevdky Nora, Informalidad y segregación urbana en América Latina, Una aproximación, Série medio ambiente y desarollo, numero 28, Santiago de Chile, CEPAL, octubre de 2000; Larson Jane, Informality, Illegality, and Inequality, Yale Law & Policy Review, volume 20, 2002, p.137; King W., Illegal Settlements And The Impact Of Titling Programs., Harvard International Law Journal, volume 44, Summer 2003, p. 433; Bodson Paul et Roy, Survivre dans les pays en développement: approches du secteur ‘informel’, L’Harmattan, 2004; HANSEN, Karen Tranberg et VAA, Mariken (éd.), Reconsidering informality: Perspectives from urban Africa, Nordic Africa Institute, 2004; DAVIS, Mike, La planète bidonville: involution urbaine et prolétariat ‘informel’, Mouvements, 2005, no 3, p. 9-24 ; PERRY, Guillermo (ed.), Informality: Exit and exclusion, World Bank Publications, 2007 ; LOAYZA, Norman V., SERVÉN, Luis, et SUGAWARA, Naotaka, Informality in Latin America and the Caribbean, 2009; Ellickson, Unpacking the Household: Informal Property Rights Around the Hearth, Yale law journal, 2009, p.226328 . 223 Dans le sens éventuel d’une incidence de cette doctrine sur le terrain du droit comparé : CARBONNIER, Jean, Derecho flexible, Para una sociología no rigurosa del Derecho, 1974.; PERRIN, Jean-François, La autonomía de la voluntad y el pluralismo jurídico en nuestros días, Sociologías, 2005, no 13, p. 162-178.; GLENDON, Mary Ann, GORDON, Michael W., et WRIGHT-CAROZZA, Paolo Comparative legal traditions, Law Press, 2004; GUTWIRTH Serge, Beyond identity?, Identity in the information society, 2008, vol.; LAJOIE, Nathalie González, El pluralismo jurídico en Carbonnier, Anuario de filosofía del derecho, 1998, no 15, p. 165-186. 224 Pour une étude contemporaine détaillée de l’articulation entre « les sociologies du droit » d’une part et « les formalismes attachés aux approches classiques des juristes » effectuons ici un renvoi général à : Véronique CHAMPEILDESPLATS, « L’édification de sociologies du droit », extrait de l’ouvrage, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, p.239-244. 225 107 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Jean Carbonnier appréhende, comme d’autres avant lui, le droit à l’image d’un phénomène ou d’une donnée immergée dans le social. La différence d’approche mise en cause ne concerne pas l’objet de la prétention scientifique du juriste-sociologue per sé, celle-ci demeurant de toute évidence attachée à la connaissance du phénomène juridique. En revanche, les « points de vue », les coordonnées d’observation adoptées par celles et ceux qui cherchent à s’en saisir divergent 226. Le propos milite, en ce sens, pour un dépassement des cadres épistémologiques « classiques » de la science du droit. Paraphrasant Jean Carbonnier, le regard des juristes se projette par-dessus la haie symbolique du dogme, vers la « réalité multiforme » qui composerait le « non-droit’227. L’auteur situe sociologiquement le droit au regard d’un ensemble de systèmes concomitants de régulation de la vie sociale. Au rang de ces phénomènes, et à titre d’illustration de cette diversité, des manifestations aussi diverses que “la religion, la morale, les mœurs, l’amitié ou l’habitude228” sont classiquement visées à titre d’illustration. D’une manière générale, l’hypothèse sociologique du “non-droit” met sous tension la fiction commune et corporatiste visant à faire du droit un système de pensée et de régulation sociale autonome, omnipotent et holistique. Les tentations du panjurisme229, d’un “toutjuridique” et l’inclination à “lire l’univers comme si c’était un livre de Droit230” y sont radicalement écartées. Le message subliminal à l’encontre d’un sentiment “disciplinaire” hypertrophié chez les juristes semble clair. Reprenant une formulation faisant date, Jean-Carbonnier indiquait en ce sens que : L’auteur signale en ce sens que « La sociologie connaît la séparation radicale, propre aux sciences expérimentales, entre l’observateur et la matière observée. »J. Carbonnier, Sociologie juridique, Paris, PUF, Quadrige 2004, p.17; cité in Véronique Champeil-Desplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, §.395, p.240. 226 227 Jean Carbonnier, Essais sur les Lois, Defrénois, 1979, p. 240 ; Cité in : Intervention de Pierre Catala, Les colloques du Sénat, Jean Carbonnier (1908-2003), Art et science de la législation, 5-6 novembre 2008, Actes réunis par Sébastien DALMON et Franck HURINVI , p.13 et s. Citation complète : « Le nouvel art législatif selon Carbonnier, « accepte de ne plus regarder le Droit comme un système clos se suffisant à lui-même. La reconnaissance, par-dessus la haie, de cette réalité multiforme qu’est le ‘non-droit’ pourrait bien être la clé d’une stratégie législative ». Ib Idem ; Citation complète : « Le ‘non-droit’ n’est pas le néant, même pas le chaos. L’hypothèse est que, si le Droit est écarté, le terrain sera occupé, est peut-être même déjà occupé d’avance, par d’autres systèmes de régulation sociale, la Religion, la Morale, les mœurs, l’Amitié, l’Habitude. Mais ce n’est plus du Droit. » 228 229 MOCKLE, Daniel, « Propos de Définitions du Droit », A. Can. JL & Soc., 1991, vol. 6, p. 181. 230 Jean CARBONNIER, Flexible Droit. Textes pour une sociologie du droit sans rigueur, 2e éd., Paris, LGDJ, 1971, p. 19 et 45. 108 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « L’essentiel dans l’hypothèse du ‘non-droit’ est le mouvement du droit au ‘non-droit’, l’abandon par le droit, d’un terrain qu’il occupait ou qu’il aurait été de sa compétence d’occuper. Le ‘non-droit’ en ce qu’il a de plus significatif, est le retrait ou la retraite du droit. (…) Les violations du droit ne sont certainement pas des phénomènes de ‘non-droit’ par le seul fait qu’ils violent le droit (…) Pour isoler ce qui dans cette direction est proprement du ‘non-droit’, nous avancerions un critère double : il faut cumulativement que le droit ait renoncé à saisir les faits considérés, et que sa renonciation ait un caractère de généralité. »231 L’auteur insistait, à la lecture de ce bref passage, sur l’observation du mouvement de retrait du droit dans le milieu social. Le sociologue du droit s’attacherait, autrement dit et assez fondamentalement du point de vue méthodologique, à circonscrire ce que le champ de la juridicité n’est pas ou plus. L’observateur concède du terrain social tout en objectivant le rapport du droit à la société232. Anne-Marie Ho Dinh dans un travail analysant les concepts de “vide juridique” et de “besoin de loi”, retient en guise de synthèse de cette pensée originale du “non-droit” que “le droit est absent ou se retire alors qu’il aurait eu, selon sa finalité dogmatique, vocation à être présent 233 ”. L’abandon d’espaces, de séquences de vie sociale qui auraient eu a priori et théoriquement vocation à être régulés par le droit relève sous cette optique d’une “donnée sociale »234 observable, quantifiable. Les exemples avancés dans le contexte français des églises abritant des sans-papiers ou des bâtiments occupés par des étudiants durant les évènements de mai 1968 demeurent des cas d’école en ce sens. Exploitant la symbolique du retrait du droit, la réflexion de Jean Carbonnier souligne ensuite la dimension diachronique des phénomènes de “non-droit”. L’hypothèse du “non-droit” renvoie en 231 CARBONNIER Jean, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e édition, L.G.D.J, 2001. 232 « La constatation que, du moins dans nos sociétés modernes, coexistent deux ordres de règles, les règles juridiques et toutes les règles sociales qui ne sont pas juridiques, nous impose de chercher un critère par lequel différencier les deux catégories, et puisque c'est le juridique qui fait figure de phénomène particulier par rapport à l'ensemble social, il faut se mettre en campagne pour découvrir ce que peut être le critère du juridique, la juridicité" » citation extraite de l’article suivant Alain CHOURAQUI, Normes sociales et règles juridiques: quelques observations sur des régulations désarticulées, Droit et Société, N°13, 1989, p.415-430. Voir également cette autre citation classique de Jean Carbonnier : "Le droit n'existant que par la société, on peut admettre que tous les phénomènes juridiques sont d'une certaine manière au moins, des phénomènes sociaux. Mais l'inverse n'est pas vrai... Il existe un sociale non juridique.", CARBONNIER JEAN, Sociologie juridique, Paris, P.U.F, 1978, p.16. HO DINH Anne-Marie, Le « vide juridique » et le « besoin de loi ». Pour un recours à l'hypothèse du ‘non-droit’ », L'Année sociologique, 2007/2 Vol. 57, p. 419-453. DOI : 10.3917/anso.072.0419. 233 109 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 ce sens à une condition, un état temporaire et transitoire de recul du phénomène juridique en société. La référence à une situation initiale, un “plancher du droit”, semble latente. Sur le même registre d’idées et, pointant lui aussi vers la coexistence au sein d’un même espace-temps des situations relevant du droit et du “» non-droit” », Philippe Jestaz retient que : « Les juristes appellent zone de “non-droit” un secteur de la vie sociale où pour des raisons diverses, le droit ne pénètre pas ou par intermittence seulement”235. Pour ces auteurs les usages et les pratiques de droit conservent implicitement leur vocation à occuper un espace momentanément « perdu » dans le champ de la vie sociale. L’éventualité ne peut en être tout du moins exclue. L’état de « non-droit » ne demeure dès lors et par hypothèse qu’« une baisse plus au moins considérable de la pression juridique236 » au sein d’une espace social donné. Si le droit cesse de pénétrer la vie sociale par la grande porte, s’il en est même a priori volontairement exclu par la propension individuelle ou collective à s’y soustraire, l’éventualité qu’il parvienne à s’y immiscer en passant par une lucarne n’est jamais totalement écartée. Scruter, recenser, catégoriser les points d’inflexion de la juridicité dans le contexte urbain marginal ; décrypter les rouages d’une mise en retrait du droit face à des situations de vie quotidienne que le système aurait pu avoir vocation à réguler ; dessiner à terme les contours d’un « idéal type » du « non-droit » en périphérie des aspirations au panjurisme : c’est, en somme, la teneur d’une approche sociologique du droit « compréhensive’237 reprise et explicitée dans ce premier temps du propos. En guise d’observation transitoire et d’une « mise en contexte » de la théorie du non-droit au regard de la poursuite des questionnements sur la fonction sociale du juriste aux portes de Guayaquil, observons 234 235 CARBONNIER Jean, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e édition, L.G.D.J, 2001, p.28 à 32. JESTAZ, Philippe, Le droit, Dalloz, 2014, p. 93. « Quand nous parlerons de ‘non-droit’, il sera donc loisible d'entendre, non pas le vide de droit, mais une baisse plus ou moins considérable de la pression juridique. » Jean Carbonnier, Flexible droit, 2011, p. 26. 236 “Max Weber envisage en ce sens la sociologie du droit comme ‘la compréhension des comportements, c’est à dire l’agir des hommes rapporté aux normes, les représentations que l’homme se fait de ces normes, ou encore, le devenir réel’, Weber, Economie et société 1922, Paris, Plon, p.321 cité in : Véronique Champeil-Desplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, §.395. p.239. Un parallèle est effectué sur ce point avec les travaux engagés dans le sillon du mouvement ‘Sociological jurisprudence’ aux États Unis : Véronique Champeil-Desplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, §.384, p.233 ; LLEWELLYN, Karl Nickerson, The common law tradition: Deciding appeals, WS Hein, 1996; du même auteur LLEWELLYN, Karl N., Jurisprudence: Realism in theory and practice, Transaction publishers, 2011; CLARK, Charles E. et TRUBEK, David M. The Creative Role of the Judge: Restraint and Freedom in the Common Law Tradition, Yale Law Journal, 1961, p. 255-276; Oliver Wendell , Law in Science and Science in Law, Harvard Law Review, Vol. 12, No. 7, Feb. 25, 1899, pp. 443-463; du même auteur, The Theory of Legal Interpretation, Harvard Law Review, Vol. 12, No. 6, Jan. 25, 1899, pp. 417-420; POUND, Roscoe, “Mechanical Jurisprudence”, Columbia Law Review, volume 8, December, 1908, p. 605-623. 237 110 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 qu’à ce stade du raisonnement, la « subjectivation » du non-droit, sa « réversion » micropolitique n’a pas encore eu lieu. La question n’est pas, en d’autres termes et à ce stade de savoir, qui « produit » ou « convoque » l’hypothèse de non-droit : celui-ci « est » ou, tout du moins, « serait » « observable » « qualifiable », « mesurable », « quantifiable » à l’image d’une donnée sociale. L’intersection entre la théorisation sociologique du « non-droit » et celle des phénomènes dits « d’informalité » dans le contexte urbain marginal des villes du Sud peut facilement être introduite à ce point du raisonnement. B) Proximité de l’hypothèse du « non-droit » et du discours contemporain sur « l’informalité » À titre de repère historique et préliminaire, c’est l’Organisation internationale du travail (OIT) qui introduit officiellement le concept de « secteur « informel »’ dans le registre lexical de la gouvernance urbaine et des politiques de développement. L’anthropologue anglais Keith Hart 238, mandaté par l’OIT pour travailler sur les conditions de l’emploi dans le contexte urbain marginal des villes d’Afrique occidentale, détecte une scission entre le discours occidental sur les conditions du développement économique et social et ses observations de terrain. L’auteur relevait : « Les activités économiques du groupe à faible revenu — low-income — de la force de travail à Accra (Ghana), le subprolétariat urbain dans lequel la majorité d’immigrants Frafra sans formation professionnelle et illettrée est absorbée (…), les modes d’enrichissement et de dépense, sont plus complexes que ce que l’analyse économique de la situation des pays pauvres en retient. La planification gouvernementale et l’application effective de la théorie économique dans ce domaine ont été entravées par le transfert non pensé des catégories occidentales aux structures économiques et sociales des villes d’Afrique (1973) »239. 238 HART K., Informal Income Opportunities and Urban Employment in Ghana, Journal of Modern African Studies, vol. II, 1972; ILO, Employment, Incomes and Equality, A Strategy for Increasing Productive Employment in Kenya, ILO, 1972, Geneva. Voir également: Charmes Jacques, les origines du concept de secteur ‘informel’ et la récente définition de l’emploi ‘informel’, IRD, 2003 ; Voir pour une synthèse historique l’étude détaillée de Palmer Robert, The informal economy in sub-Saharan Africa: unresolved issues of concept, character and measurement, occasional papers, n°98, Centre of African studies, Edinburgh University, 2004. Keith Hart, “Opportunities and Urban employment in Ghana”, the journal of modern African Studies, volume 11, n°1 (mars 1973), pp.61-89.” the economic activities of the low-income section of the labour force in Accra (Ghana), the urban subproletariat into which the unskilled and illiterate majority of Frafra migrant are drawn... income and expenditure patterns are more complex 239 111 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le rapprochement entre ce regard anthropologique sur la frange de l’économie « informelle » aux portes des villes du Sud — africaines en l’occurrence — , d’un côté, et l’hypothèse sociologique du « non-droit », de l’autre, était explicitement pressenti par Jean Carbonnier. Probablement rédigé à la même époque — la première édition de l’ouvrage Flexible droit (…) date de 1969 —, ce bref extrait ne laisse aucune ambigüité quant à la filiation d’idées évoquée : « Des dysfonctionnements localisés n’empêchent pas une société moderne d’être dominée par l’économie, et même par l’économie de marché. Aussi peut-on s’attendre à ce que les poches de “non-droit” les plus vivaces s’il doit s’en former, procèdent d’anomalies économiques. Une fois de plus cependant il faut distinguer. Que par-ci par-là des bricoleurs bricolent au noir, des vendeurs vendent sans factures, etc. ce ne sont que des contraventions aux règlements — contre le droit au péril du droit. Ce n’est pas le “nondroit”. Mais que de tels actes se multiplient et s’articulent, que les acteurs prennent conscience de participer à un système cohérent, une économie souterraine se constitue, indépendante de l’autre, et du même coup, détachée du droit, qui est là-haut à la surface. Engendré par les excès mêmes de l’intervention règlementaire, l’underground, l’économie parallèle pourrait bien être l’espace de “non-droit” promis au plus bel avenir »240. Dans une perspective plus proche de l’Amérique latine et plus contemporaine, l’économiste péruvien Hernando de Soto place l’observation sociologique des phénomènes de retrait du droit et le concept de « secteur « informel »’ au cœur d’une série de réflexions sur le développement économique et la lutte contre la pauvreté. Ses deux ouvrages de référence, « L’Autre sentier, la révolution “informelle” dans le Tiers-Monde241 » et « Les mystères du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs ?242 » s’appuient sur un travail « de terrain » mené dans la périphérie de than is normally allowed for in the economic analysis of poor countries. Government planning and the effective application of economic theory in this sphere has been impeded by the unthinking transfer of western categories to the economic and social structures of African cities”. 240 CARBONNIEr Jean, Flexible droit : pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e édition, L.G.D.J, 2001 p.33. Hernando DE SOTO, L'autre sentier : La révolution ‘informelle’dans le tiers monde traduction française de « El otro sendero: La respuesta económica al terrorismo, La Découverte, 1994. 241 242 Hernando DE SOTO, Le mystère du capital : Pourquoi le capitalisme triomphe en Occident et échoue partout ailleurs ?, traduction française de El misterio del capital: ¿Por qué el capitalismo triunfa en occidente y fracasa en el resto del mundo? », Flammarion, 2005. 112 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Lima au Pérou, fin des années 80, et d’une action entreprise par l’ILD 243 — Institute for Law and democracy (acronyme d’origine en anglais), « think tank » dont Hernando de Soto est le fondateur. La pensée économique libérale controversée de l’auteur doublé d’une plume convaincante a, de toute évidence, contribué à cristalliser le débat théorique et politique sur « ’ l’informel » ». Le monde mitoyen du droit se convertit rapidement en « donnée sociale » incontournable des villes du Sud. L’auteur insiste expressément, dans le cadre de ces travaux, sur « le rôle des institutions légales dans les transformations que vit la société — Péruvienne au premier plan — qu’il s’agisse de la misère, de la violence des nouvelles manifestations culturelles, de l’informalité ou du retrait de l’État »244. Il promeut, en conséquence, un degré avancé d’instrumentalisme légal. Hernando de Soto argumente en faveur d’une réforme structurelle des systèmes juridiques nationaux. Des recours systématiques aux mesures dites de « légalisation » ou de « titularisation de la propriété » sont préconisés comme une stratégie de premier plan au regard de la lutte contre la pauvreté. La promotion et la protection de la propriété privée occupent une place centrale de l’argument. L’organisation de l’économie liménienne contemporaine — au sein desdits « secteurs « informels » — est d’ailleurs comparée, de manière assez symptomatique de l’encrage du propos dans la pensée économique libérale occidentale, avec « le mercantilisme qui domina du XV au XIX siècle, les politiques économiques et sociales européennes245 ». Sans entrer dans le sillon des débats soulevés par le propos d’Hernando de Soto — ni d’ailleurs sur l’influence manifeste que celui-ci a exercée pendant un certain temps sur la formation des politiques internationales de développement local246 —, c’est la filiation entre d’un côté, l’approche des phénomènes Créé en 1981, l’objet social de l’organisation est actuellement décrit ainsi “The ILD is focused on creating modern legal frameworks that help the poor of the developing and ex-communist world access property and business rights and turn their assets into leverageable capital. The ILD has discovered not only how to locate extralegal businesses and assets, but also how to redesign and put into operation legal and administrative property systems so that the owners of those businesses and assets will voluntarily move them from the extralegal economy into the legal one.” http://www.ild.org.pe/index.php/es/ 243 244 Hernando de Soto, L'autre sentier (…), p. 20. Hernando de Soto, L'autre sentier (…), Introduction, annonce du plan de l’ouvrage p.20-22 ; du même auteur, « Trust, institutions and entrepreneurship », International Research in the Business Disciplines, 2006, p. 3. 245 Dans l’optique d’une rétrospective chronologique des controverses : BROMLEY Ray, “A new path to development? The significance and impact of Hernando De Soto's ideas on under development, production, and reproduction”, Economic Geography, 1990, p, 328-348 ; GALIN Pedro, “El sector informal urbano: conceptos y críticas”, Nueva sociedad, 1991, vol. 113, p.45-50; RIOFRÍO Gustavo, “Notas sobre el problema habitacional en" el otro sender””, Bulletin de l’Institut français d’études Andines, 1988, vol. 17, no 1, p, 13-17; GILBERT Alan, “On the mystery of capital and the myths of Hernando de Soto: What difference does legal title make?”, International Development Planning 246 113 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’informalité au sein des asentamientos de Lima, et, de l’autre, l’hypothèse du « non-droit », qui suggère une fois encore une attention particulière. Versant dans le sens d’un tel rapprochement, l’auteur prononce sa sentence : « Ce ne sont pas les individus qui sont « « informels », mais leurs actes et leurs occupations. « L’informel » n’est pas non plus un secteur précis ou statique de la société ; c’est une frange d’ombre mitoyenne du monde légal où se réfugient les individus lorsque le respect des lois coûte plus cher qu’il ne rapporte. L’informalité implique rarement le rejet de toutes les lois ; dans la plupart des cas, seules certaines dispositions légales sont contournées. Les activités « informelles sont aussi celles pour lesquelles l’État a créé un système légal d’exception dans lequel un “‘informel »’ peut agir sans toutefois accéder à la protection et aux avantages du système légal »247. Constat sociologique des lais et relais du droit au sein de l’espace urbain marginal des villes du Sud ; maintien en toile de fond d’un certain degré de disponibilité, d’un recours optionnel à la régulation juridique étatique : hormis le parti pris de représenter le retrait du droit comme essentiellement « subi » par les habitants de « las barriadas » ou « pueblos jovenes » — et non comme un choix éventuel —, l’état d’informalité décrit s’encastre sans difficulté avec l’hypothèse sociologique du « nondroit » précédemment évoquée. Dans le sens d’un approfondissement des bipolarités « “secteur formel et secteur ‘informel’’ » d’une part, « “situation juridique et état de ‘non-droit’ » d’autre part, l’inventaire et la classification des situations Review, 2002, vol. 24, No. 1, p. 1-19; FERNANDES Edésio, “La influencia de El misterio del capital de Hernando de Soto”, CEPAL, Land Lines, 2002, vol. 14, no 1; MANDERS Jonathan, “Sequencing property rights in the context of development: a critique of the writings of Hernando de Soto”, Cornell Int'l LJ, 2004, vol. 37, p. 177. Jacobson Arthur, “The informal economy: The Other Path of the Law”, Yale Law Journal, May 1994, p.2213 LAVIGNE DELVILLE Philippe, “Quelques mystères de l'approche de Hernando de Soto”, L'Économie politique, No. 4, 2005, p, 92-106, SALAS Carlos, “El sector informal: auxilio u obstáculo para el conocimiento de la realidad social en América Latina”in: Teorías sociales y estudios del trabajo: nuevos enfoques, 2006, p.130-148, Fandl Kevin, “Making Trade Liberalization Work for the Poor: Trade Law and the Informal Economy in Colombia”, Texas International Law Journal, volume 43, Spring 2008, p.161 Gonzales Carmen, “Squatters, Pirates, and Entrepreneurs: Is Informality the Solution to the Urban Housing Crisis?” , University of Miami Inter-American Law review, 2008, volume 40, p.239 Jan Michel, OTTO, “ Rule of law promotion, land tenure and poverty alleviation: questioning the assumptions of Hernando de Soto”, Hague Journal on the Rule of Law, 2009, vol, 1, no 01, p, 173-194. 247 H. de Soto, L'Autre Sentier, p. 20. 114 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 de « non-droit » dans « Flexible droit » offrent un écho à la réflexion contemporaine relative aux manifestations « tangibles » du secteur « informel » des villes du Sud. En premier lieu, le « non-droit » et « l’informel » se manifesteraient matériellement dans des espaces physiquement délimités — géographie de l’informel —. Il existerait des « lieux de “non-droit” » tout comme des « quartiers », des « secteurs », des « zones », des « asentamientos » « “informels”. Il est de même fréquent d’envisager l’existence de “poches de ‘non-droit’” au sein de l’espace urbain marginal. Le dépôt régulier de déchets domestiques sur un même site, en vue de leur récollection par des travailleurs indépendants — los chamberos dans le contexte guayaquileño- ou de leur incinération ultérieure, en dehors de tout suivi administratif municipal ou étatique offre un exemple simple de localité “informelle”. La référence à la “poche de criminalité”, le secteur où la police n’intervient pas, offre de même un exemple de retrait spatial de l’empreinte du droit. En second lieu, les phénomènes du “non-droit” et de “l’informel” se manifesteraient communément par l’occurrence des “temps de ‘non-droit’” ou des “situations d’informalité” — temporalités de l’informel — . Des personnes, des collectifs, des actions et interactions, des choses ou des objets, disparaissent des radars du droit, traversent une “période”, un épisode » un « cycle » ou un « laps » d’informalité. L’écho du fait social sur le sonar du droit s’estompe, silence radio. Le système « droit’ a momentanément perdu de vue son objet, l’acteur juridique navigue à l’aveugle. La prise et le maintien en possession de parcelles à usage d’habitation sont souvent représentés comme des temps de « non-droit » (même si, en définitive, celle-ci revêt bien souvent une dimension transactionnelle, calquée sur le modèle de la relation contractuelle). L’occupation du sol s’effectue bien que la propriété foncière puisse en toute vraisemblance être revendiquée par des communes rurales sur la base de droits ancestraux. Elle s’effectue encore bien que la possession de certains démembrements de l’espace urbain marginal puisse encore faire l’objet de prétentions. L’observation du temps de « non-droit » saisit, en ce sens, la soustraction temporaire du sol à un ordre de revendications non éteintes, un temps de dormance, d’inactivités et plus vraisemblablement d’adaptation des formes. L’établissement des conditions d’une possession « adverse », de l’usucapion, n’est a priori, ni recherché par l’occupant, ni reconnu par l’autorité foncière. Winter King tente sur ce registre une catégorisation depuis la surface des phénomènes d’informalité liés au logement : « ces développements ne constituent en aucune mesure une portion réduite du logement à Lima, ou d’ailleurs de toute autre ville du monde majoritaire. Selon les estimations, quatre-vingt-cinq pour cent de l’habitat urbain dans ces pays est 115 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 informel, c’est-à-dire “) construit en violation expresse des lois, (ii) ne remplit pas les conditions d’accès au sol (iii) était initialement formel, mais devenu informel, (iv) a été construit par le gouvernement en marge des conditions légales 248. (Traduction personnelle)” La troisième et dernière variante du rapprochement épistémologique entre non-droit et informel tient à la rencontre des “sujets de non-droit249” ou “des informels”. L’étiquette sociologique retombe cette fois, en règle générale, sur la personne alternativement saisie comme habitant de l’asentamiento non consolidé — “los informales”, “los invasores” ou encore “los pobladores” —, ou bien, par rattachement à certaines activités commerciales comme, par exemple, la vente ambulante. Dans le sens d’un approfondissement supplémentaire l’entreprise de catégorisation des sujets de non-droit, se décline selon les auteurs en trois possibles accords d’un rapport accidenté à l’exercice de la personnalité juridique250. En premier lieu, la qualité de non-sujet de droit, d’informel renvoie au sujet effectuant volontairement un pas de retrait face au droit étatique. Jean Carbonnier observe sur ce registre : “l’autonomie de la volonté n’est pas seulement la liberté de créer du droit : elle est aussi la liberté, largement ouverte aux hommes, de demeurer dans la pure absence qu’est le non-droit251”. L’option catégorielle trouve de même “These developments by no means constitute a small portion of housing in Lima, or in any other city in the majority world. According to one estimate, eighty-five percent of urban dwellings in these countries are informal--that is, they "(i) were built in violation of express laws, (ii) did not comply with requirements for access to land, (iii) were originally formal but became informal, or (iv) were built by the government without complying with legal requirements." Extrait de: King Winter, Illegal Settlements and the Impact of titling Programs”, Harvard International Law Journal, volume 44, Summer 2003, p. 433. 248 249 Carbonnier, Jean. "Sur les traces du non-sujet de droit in Le sujet de droit." Archives de philosophie du droit 34 (1989): 197-207. 250 Voir genéralement : GRZEGORCZYK, Christophe. "Le sujet de droit: trois hypostases in Le sujet de droit." Archives de philosophie du droit 34 (1989): 9-24 ; STRANGAS, J. « Les implications philosophiques de la notion de sujet de droit » in Le sujet de droit. Archives de Philosophie du Droit, 1989, vol. 34, p. 123-157. 251 Carbonnier J., 2001, Flexible droit. Textes pour une sociologie du droit sans rigueur, Paris, LGDJ, 10e éd., p.38 cité in Ho Dinh Anne-Marie, « Le " vide juridique " et le " besoin de loi ". Pour un recours à l'hypothèse du non-droit », L'Année sociologique, 2/2007 (Vol. 57), p. 419-453 ; Citation sur le même sujet:« L'individu a une option à exercer. Non pas nécessairement ce que nous appellerons une option organique: entre droit et ‘non-droit’, comme entre deux routes également bien tracées, qui s'ouvriraient devant lui une fois par toutes. Mais, plus fréquemment peut-être, une option diffuse, une préférence marquée au jour le jour pour les solutions de ‘non-droit’ à l'intérieure d'une situation de droit. Au demeurant, le mécanisme est toujours de même nature: c'est toujours l'individu qui, par sa volonté, fait reculer le droit, crée du ‘non-droit. » Jean Carbonnier lui-même envisageait significativement et, dès l’origine, la situation de ‘non-droit’ comme le produit d’un choix individuel -comme une manifestation de volonté-. Son approche du dialogue entre droit et ‘non-droit’ gagne du reste à être relue dans cette direction »extrait de Carbonnier J., 2001, Flexible droit. Textes pour une sociologie du droit sans rigueur, Chapitre 2 l’hypothèse du non-droit, LGDJ, Paris, 10e éd., p.25 et suiv. 116 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 un écho singulier dans le prolongement des travaux sur la question du “passe-droit252” et des “passes du droit”. Pierre Lascoumes et Jean-Pierre Le Bourhis observent à partir des travaux de Pierre Bourdieu : « Contre le juridisme qui ne peut penser la mise en œuvre du règlement que comme l’application exacte du texte, et réduit toute variation au statut de déviance, l’article ‘Droit et passe-droit’ montre que l’application, au sens de mise en œuvre, peut-être une non-application du droit, une abstention volontaire, une autorisation de transgression, ou une acceptation tacite d’un écart à la règle. En effet, la liberté inhérente à toute application d’un règlement fait que l’agent dispose toujours, à des degrés divers, de la capacité d’opter entre ‘l’application rigoureuse et stricte de la règle’, la ‘transgression autorisée’, ou une situation intermédiaire entre ces deux pôles »253. Le sujet de non-droit apparaît aussi sous cet angle comme l’individu ou l’organisation susceptible de se jouer du droit. Il ou elle place délibérément certaines de ses actions en marge des cadres légaux et réglementaires, pratique une personnalité juridique “à la carte” sans être inquiétée par l’éventualité de la sanction. En second lieu, la variante renvoie à l’idée d’une condition juridique d’informel ou de non-sujet de droit. La catégorisation renvoie, dès lors, à la prise en considération d’une mécanique d’exclusion ou de discrimination sociales. Jean Carbonnier une nouvelle fois anticipait : “le non-sujet de droit n’est pas un sujet de non-droit, il a sa place dans le système juridique. C’est à l’intérieur du système juridique que le concept de sujet de droit a opéré sa propre inversion.” (…) ; “il n’est de non-sujets de droit que ceux qui auraient vocation théorique à être sujets de droit et qui sont empêchés de l’être. L’essentiel est dans un mouvement de rejet ou d’inhibition. Parler de non-sujet de droit n’a de sens que si l’on pense ce non-sujet en couple avec le sujet qu’il voudrait être ou qu’il regrette de n’être plus254”. 252 BOURDIEU, Pierre. "Droit et passe-droit [Le champ des pouvoirs territoriaux et la mise en oeuvre des règlements]." Actes de la recherche en sciences sociales 81.1 (1990) : 86-96. Pierre LASCOUMES, JEAN-Pierre Le Bourhis, « Des « passe-droits » aux passes du droit. La mise en œuvre sociojuridique de l’action publique », Droit et société, 32, 1996, p.57. 253 254 JEAN CARBONNIER, "Sur les traces du non-sujet de droit", in Flexible droit, L.G.D.J., 2001, p. 233. 117 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le mouvement de transposition à la problématique des asentamientos et à la visualisation d’une éventuelle condition juridique de sujet de non-droit aux portes des villes du Sud trouve un écho singulier à travers les travaux de Santos Boaventura de Soto. Ramón Grosfoguel en livre une synthèse convaincante dont les passages principaux sont reproduits dans l’encadré ci-dessous. Pour Sousa Santos, il existe dans la modernité une ligne dite abyssale entre deux sortes d’êtres de la planète : ceux qui vivent au-dessus de cette ligne et ceux qui y vivent en dessous255. “Si nous comprenons cette ligne comme la ‘ligne de l’humain’ et si nous appelons ‘zone de l’être’ ceux qui vivent au-dessus et ‘zone de non-être’ ceux qui vivent au-dessous, nous pouvons ainsi enrichir notre compréhension de la modernité et du système-monde capitaliste, impérial, patriarcal, racial/colonial dont nous faisons partie. Pour Sousa Santos, les conflits qui ont lieu au-dessus de la ligne sont gérés à travers de ce qu’il appelle les mécanismes de régulation et d’émancipation : il s’agit de codes de droits (humanitaire, civil ou social), relations de civilité, formes d’action politique ou espaces de négociation ouverts aux ‘autres’ opprimés dans leurs conflits avec le ‘soi’ impérial dans la zone de l’être. L’émancipation se réfère à des concepts de liberté, d’autonomie et d’égalité qui font partie des dispositifs discursifs, institutionnels et légaux de gestion des conflits dans la zone de l’être. Les conflits dans la zone de l’être sont traités en général par des méthodes non violentes, la violence étant l’exception. En revanche, comme l’affirme Sousa Santos, en dessous de la ligne abyssale, les méthodes utilisées par le ‘soi’ impérial/capitaliste/masculin/hétérosexuel et son système institutionnel pour gérer les conflits, passent par l’usage de la violence et par la dépossession ouverte et éhontée. En règle générale, ces conflits sont gérés avec des méthodes qui seraient inacceptables dans la zone de l’être, car c’est seulement à des moments exceptionnels qu’on emploie des méthodes relevant de la régulation ou de l’émancipation256. 255 Boaventura DE SOUSA SANTOS, Epistemologias del Sur, Siglo XXI, Mexico, 2010. 256 GROSFOGUEl Ramón, Cohen Jim, « Un dialogue décolonial sur les savoirs critiques entre Frantz Fanon et Boaventura de Sousa Santos », Mouvements, 4/2012 (n° 72), p. 42-53. 118 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 En troisième et dernier lieu, cet informel, sujet de non-droit, faute d’identité se fond dans une masse. Suivant toujours les orientations de Jean Carbonnier, il devient un ‘indiscernable257’. La plongée dans les hautes mers du droit se produit alors lorsque ‘l’informel’ faute de contact avec l’institutionnalité disparaît des registres officiels. L’accès aux services de l’état civil, au domicile légal, au suivi médical, à l’école ou à l’éducation supérieure, au travail, à la liberté de mouvement, au temps libre et aux joies de la consommation, au vote et à la représentation apparaissent en ce sens comme des conditions matérielles du discernable, de la capacité à endosser un droit subjectif. Le dispositif de massification et la dissolution du sujet de droit dans une groupalité pathogène opèrent encore et de même comme un éventuel fait de racisme institutionnalisé258 — l’attribution d’une couleur ou d’un genre au droit —. Le sujet de droit n’émergera alors qu’à la condition du partage ou de l’acquisition des traits culturels d’un groupe social dominant. Certains usages et pratiques juridiques contribuent à l’évidence à ce processus d’assimilation, de nivellement des différences par la massification, lorsqu’ils n’en constituent pas le mécanisme principal. 257 Jean Carbonnier, Sur les traces du non-sujet de droit, in Flexible droit, L.G.D.J., 2001, p. 233 et suiv. 258 F. Fanon, Peau noire, masques blancs [1952], in Oeuvres, La Découverte, Paris, 2011, p. 64 cité in Grosfoguel Ramón et Cohen Jim, « Un dialogue décolonial sur les savoirs critiques entre Frantz Fanon et Boaventura de Sousa Santos », Mouvements, 2012/4 n° 72, p. 42-53. DOI : 10.3917/mouv.072.0042. 119 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 •asentamiento •poches de criminalité •lieux de réunions •occupation et prise de possession du solar •construction du logement •organisation des services de base (eau, alimentation, transport, assainissement, électricité) •spéculation immobilière •organisation et régulation de la vie quotidienne •travail •services de santé et éducation •transports LES LIEUX DE 'L'INFORMEL' LES ACTIVITÉS 'INFORMELLES' LES TEMPS DE 'L'INFORMEL' LES 'INFORMELS' PAR DÉCISION, CONDITION OU MASSIFICATION •habitants sans titres ou sans toits •les 'hors la loi', 'pillo' •usagers du service d'électricité par raccordement artisanal •les commerçants non déclarés ou non autorisés Figure 3 Schémas d’interprétation ‘non-droit’ et ‘informalité’ — Diagramme de synthèse Refermant à présent la boucle du non-droit et de l’informel, retenons, en guise de synthèse, l’utilité du prisme analytique afin de mettre en évidence certains attributs caractéristiques du phénomène de territorialisation des asentamientos : mise en tension des attributs de la personnalité juridique, des régimes fonciers et mécanismes de régulation de l’accès au logement, du fonctionnement de l’appareil judiciaire et administratif, de la régulation des activités économiques et du commerce et, plus généralement encore, de la relation entre l’État et ses administrés. Le dispositif interprétatif ‘d’alarme’ ainsi mis en évidence se révèle en revanche rapidement encombrant. Dans chacun des scénarios évoqués — lieux, temps, actions et sujets de l’informel —, l’appareil de qualification juridique se trouve temporairement mis hors tension. L’ambition scientifique d’établir une connaissance d’ordre ‘nomothétique’ — renvoyant à la tentative de dégager des 120 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 lois ou des relations quantitatives 259 —, et de systématiser des phénomènes sociétaux à l’échelle de l’infradroit260”, fait, par-delà la sentence d’absence de forme juridique, manifestement défaut. La vie juridique des asentamientos se trouve, plus précisément sans doute, relayée au rang d’une externalité du travail juridique, le miroir déformant d’une nature morte. À un premier égard, l’usage du non-droit et de l’informel comme appareils de cartographie de la juridicité urbaine marginale fait généralement fi de l’élément intentionnel, des micropolitiques de l’instrumentalisation et du contournement de la norme juridique. La soustraction volontaire, individuelle ou collective, publique ou privée, de la situation juridique “objective” à l’empire du droit positif s’avère particulièrement problématique lorsqu’il s’agit de rendre compte d’un court-circuitage des droits de l’homme, des libertés fondamentales ou du droit pénal et disciplinaire. Autrement dit l’hypothèse du non-droit et de l’informel tourne court tant qu’elle ne contemple pas l’hypothèse de sa propre instrumentalisation. Les dessous du divorce prononcé entre le traitement de la règle et celui de sa violation — l’infraction, la conduite ou l’acte pathogène du point de vue social ou environnemental —, entre l’individu ou le collectif et la qualité de sujet de droit, de citoyen ou d’habitant de la ville, échappent aux langages du non-droit et de l’informel. Les questions de la portée, des pourquoi et du comment du discours sur les lais et relais du droit dans les asentamientos, font naturellement surface. Qui évoque en pratique cette dichotomie ? Dans quels contextes institutionnels et à quelles fins le discours sur l’informel » est-il mobilisé ? — Ces questionnements émergents seront abordés au fil des développements touchant au travail sur et à partir des représentations de la marginalité urbaine (titre 2 chapitre 1) — À un second égard et quant à ses effets, la sentence d’absence de formes facilite d’une manière générale, la mise en veille de l’appareil doctrinal et critique. Signe d’un cycle qui s’achève et d’une pensée arrivée à maturité, l’hypothèse du glissement vers le non-droit pose désormais problème. Les pensées du « non-droit » et de « l’informel » bien loin de leur ambition de départ, apparaissent comme des appareils de simplification excessive. L’ensemble des transactions quotidiennes entre spéculateurs fonciers, propriétaires et habitants, les arrangements provisoires avec les agents de l’entreprise publique — l’importance du « para la cola »… « une petite contribution259 Madeleine Grawitz, Méthode des sciences sociales, Précis Dalloz, 11e éditon, p.77. 260 Arnaud, André-Jean. "Infra-droit." Dictionnaire encyclopedique de theorie et de sociologie du droit, 2de éd., LGDJ, Paris (1993). Lochak, Danièle. "Observations sur un infra-droit." Droit social 5 (1976): 43-49 ; Salle Grégory, Chantraine Gilles, « Le droit emprisonné ? Sociologie des usages sociaux du droit en prison », Politix, 3/2009 (n° 87), p. 93-117. 121 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 rafraîchissement en échange d’un “petit” service » —, l’activité normative et participative des collectifs, échappent au prisme interprétatif. L’hypothèse d’un recul « systématisé » et généralisable de la juridicité, du « chèque en blanc », perd du terrain. La mise en tension des présupposés du non-droit et de l’informel amorce le repli vers une seconde option : la qualification juridique des faits. Pour un temps, il n’existe pas d’autre prétention que celle d’observer et de s’aventurer au rattachement temporaire, opportun et contextuel des faits de marginalité urbaine aux catégories juridiques existantes, quitte, au passage, à en inventer ou réaménager quelques-unes... Section 2 La micropolitique de la qualification juridique des faits de marginalité urbaine « Revêtir une donnée concrète des qualités qui déterminent son régime et ses conséquences juridiques en la rattachant par nature aux catégories abstraites dont elle possède les critères distinctifs apparaît comme la technique générale de réalisation du droit. Elle consiste en une opération intellectuelle d’analyse juridique d’une situation de fait ou de droit pour en découvrir le régime. Autrement dit, à partir des traits significatifs qui caractérisent cette situation, la qualification permet de l’identifier à des concepts et des catégories connus pour lui appliquer les règles de droit correspondantes.261 » « Revêtir une donnée concrète des qualités qui déterminent son régime », « rattacher aux catégories abstraites », réaliser une « opération intellectuelle d’analyse juridique », « appliquer les règles de droit correspondantes » : à l’image d’une synapse, le jeu de la qualification juridique des faits assure une connexion nerveuse et fonctionnelle entre cellules de l’organisme sociétal. L’opération de qualification juridique des faits depuis la perspective théorique apparaît, très généralement et de prime abord, sous les traits d’une donnée technique. Le « pont établi entre le fait et le droit » relève d’un ouvrage « complexe », spécialement si l’on considère la densification normative associée au processus sociohistorique de territorialisation des asentamientos. L’opération implique un choix de matériaux, de structures. C’est-à-dire le maniement rudimentaire des catégories, des concepts, des langages du droit encapsulés par la norme juridique étatique. Suivant Jean-Louis Bergel, Chapitre 2 « Classifications juridiques et qualifications des faits », extrait de l’ouvrage Méthodologie juridique, Thémis, 2001, p.102. 261 122 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 cette première approche, la recherche de points d’appuis solides sur chacune des deux rives relève, à proprement parler, de l’exercice d’une compétence ou d’un savoir-faire juridiques. Depuis une perspective plus critique, rien n’est dit a priori sur l’auteur de la qualification ou de la catégorisation juridique des faits de marginalité urbaine. Bien souvent, le travail doctrinal se limite significativement à la description matérielle et technique de l’acte. Le ton impersonnel et dogmatique laisse entendre que la pratique de la qualification juridique des faits relèverait d’un attribut, d’une fonctionnalité ou extension « naturelle » de la personnalité juridique. Situer un rapport de fait à la portée d’une norme juridique relèverait, assez fondamentalement, du libre arbitre de tout un chacun (e), une faculté innée du sujet pensant et universel. La pratique de la qualification juridique des faits revêt ensuite et, de manière somme toute plus problématique, un signifiant politique. Si l’écho des phénomènes sociaux — droit et usages du droit aux portes des asentamientos inclus — fait l’objet de distorsions, s’il cesse de raisonner dans l’enceinte du droit, la distance entre le système institué et la communauté de ses usagers tend inexorablement à se creuser. L’état de droit social, entendu comme système de régulation socio-environnementale perd du terrain lorsque le « monde idéalisé » encapsulé par la norme juridique tourne au conte de fées. Lorsque le charme n’opère pas, que la qualification juridique des faits ne va pas de soi pour les « destinataires » de la norme, la subsistance du droit comme sous-ensemble socialement organisé à travers l’Etat, apparaît en péril. Fragilisé à sa base, le droit souffre de sa propre insularité. L’ordonnancement juridique apparaît lui-même sous les traits d’un échafaudage social « vulnérable » 262 . La qualification est ici au système juridique ce que la photosynthèse est aux organismes photosynthétiques. Privé de cette fonction vitale, lorsque l’énoncé normatif cesse d’entrer en syntonie avec l’univers perceptif des administrés-usagers du droit, il ne reste rapidement de l’organisme qu’une écorce creuse et sans vie. À l’inverse, la « qualification » envisagée sous les traits d’une opération de « catégorisation juridique » agit à la manière d’une technique d’adaptation du droit. À l’image d’une soupape de sécurité, celle-ci assure la mise en cohérence du droit avec un champ de réalités. La qualification juridique des faits apparaît, sous ce jour, comme une pièce charnière, une étape essentielle de l’évolution-formulation des catégories juridiques nouvelles. Elle participe directement en ce sens au phénomène de formation-production de l’énoncé normatif. GRATALOUP Sylvain, La vulnérabilité de la règle de droit, extrait de l’ouvrage : Vulnérabilité et droit, Le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, Sous la direction et la coordination de Frédérique CohetCordey, UPMF Grenoble II, Presse universitaire de Grenoble, janvier 2000, p.33-45. 262 123 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Revenant sur un positionnement de François Gény, Véronique Champeil Desplats observe sur ce registre : « L’opération de catégorisation juridique est souvent pensée de façon très semblable à celle de la formation des concepts. Chez Gény notamment, de façon assez proche du concept — quoiqu’avec un essentialisme ici moins affirmé —, la catégorie juridique est “issue de la réalité”. Néanmoins, elle “s’en détache par une abstraction nécessaire et constitue, en vertu des définitions et des classifications qu’elle implique, le centre de la technique fondamentale de réalisation du droit”263. L’opération de catégorisation consiste à réunir sous un même terme ou une même étiquette, des éléments de la réalité réputés partager des caractéristiques juridiques communes. Mais Gény accepte aussi que certaines catégories puissent être construites, a priori, de façon purement abstraite et sans considération des données du droit positif. Le vide de contenu qui peut en résulter n’est toutefois pas dépourvu d’utilité. La formulation d’une catégorie (un jour) vide peut servir de comparatif à l’existant pour mieux en dégager les caractéristiques singulières. Elle peut aider à envisager ce qui, sans correspondre hic et nunc à des données du droit positif, est intellectuellement pensable et empiriquement de l’ordre du possible. »264 Danièle Lochak saisit sur le vif les ramifications politiques de la catégorisation juridique des faits : « La transformation d’une notion en catégorie juridique n’est donc pas neutre. D’abord, parce que cette transformation, qui se réalise par l’introduction de cette notion dans un texte ou une norme juridique, résulte toujours d’un choix, fondé soit sur des considérations pratiques, soit sur des valeurs, soit sur les deux à la fois. Ensuite, parce que cette transformation produit à son tour des effets non seulement pratiques, mais aussi symboliques : qualifier juridiquement une situation ou une conduite, la prendre en compte pour la réglementer positivement, c’est-à-dire autrement qu’en l’interdisant purement et simplement, cela revient nécessairement à lui conférer un minimum de reconnaissance officielle, admettre la légitimité de son existence ; en sens inverse, l’incrimination de 263 F. GENY, Science et technique en droit privé positif: nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, LGDJ, 1922 ; p.265; https://archive.org/details/scienceettechniq01genyuoft 264 Véronique CHAMPEIL-DESPLATS, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, §.526, p.323. 124 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 certains comportements par la loi n’est pas seulement dissuasive par la menace des condamnations qu’elle fait peser sur les éventuels contrevenants, c’est aussi une façon de signifier que la société les considère comme inacceptables. »265 Patiné de cette même subjectivité, l’usage quotidien de la qualification juridique des faits aux portes de l’asentamiento apparaît en dernière instance sous les traits d’un phénomène micropolitique. L’emprunt du pont, dans le sillon du processus de catégorisation, demeure lui-même soumis et conditionné par un acte à la fois matériel et intentionnel : la signification du rattachement du fait à l’énoncé normatif266. Usagers du droit et opérateurs juridiques «s’engagent» sur le pont267. Lier le droit aux quotidiennetés urbaines marginales demeure, assez fondamentalement, une option. La qualification juridique des faits répond, en ce sens et vice-versa, à la définition classique de l’acte juridique : « Acte juridique : Opération juridique (negotium [par opposition à instrumentum]) consistant en une manifestation de la volonté (publique ou privée, unilatérale, plurilatérale ou collective) ayant pour objet et pour effet de produire une conséquence juridique (établissement d’une règle, modification d’une situation juridique, création d’un droit, etc.) … »268 265 LOCHAK Danièle. « La race : une catégorie juridique ? ». Mots, n°33, décembre 1992. «Sans distinction de ... race». pp. 291-303. 266 Thomas JANVILLE, La qualification juridique des faits, PU Aix Marseille, 2004, Préf. Serges Guinchard ; François Terré, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, LGDJ, 1956 ; Olivier Cayla, La qualification ou la vérité du droit, Droits, revue française de théorie juridique, 1993, n° 18, p. 3-16 ; Gilles Dedeurwaerder, Théorie de l’interprétation et droit fiscal, Préface de Guy Gest, Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2010, p.25 ; WILSON, Woodrow, The Law and the Facts: Presidential Address, Seventh Annual Meeting of the American Political Science Association, American Political Science Review, 1911, vol. 5, No. 01, p. 1-11 ; ISAACS, Nathan, The Law and the Facts, Columbia Law Review, 1922, p. 1-13. François TERRE, L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, LGDJ, 1956, §.685 cité in Gilles Dedeurwaerder, Théorie de l’interprétation et droit fiscal, Préface de Guy Gest, Nouvelle bibliothèque des thèses, Dalloz, 2010, p.25. 267 Vocabulaire juridique : (Ass. Capitant, 7e édition par G. Cornu), cité in Malinvaud, 12e édition, Introduction à l’étude du droit, p.359 ; de même : « Actes juridiques définis comme des manifestations de volonté destinée à produire des effets de droit. L’acte juridique est alors l’acte qui apporte une modification à l’ordonnancement juridique. Actes subjectifs et actes objectifs: différenciés par la portée individuelle des premiers (qui peuvent être aussi bien des actes unilatéraux que conventionnels et par la portée plus large des seconds (actes règles). Ces deux sortes d’actes donnent naissance respectivement à des situations juridiques objectives et subjectives », Lexiques des termes juridiques, Dalloz, 16e édition. Pour aller plus loin sur la théorie de l’acte juridique Rechtsgeschäftslehre : Witz Claude, 268 125 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le processus décisionnel détermine pour partie la fonction sociale des acteurs juridiques « professionnels » aux portes des asentamientos. Une seule et même circonstance peut alternativement être (re) découverte sous les traits du recul ou déni de juridicité, placée dans l’orbite d’une norme juridique dite « objective » — un cadre légal et réglementaire —, ou faire l’objet d’un exercice de conceptualisation-catégorisation. Le processus de conquête des droits individuels et collectifs 269 se révèle, dans de telles circonstances, aléatoire et conditionnel. Il subsiste schématiquement dans cette idée de réalisation micropolitique des droits un double aléa : - l’aléa associé, premièrement, au jeu de la qualification juridique des faits « per sé » c’est à dire aux conditions et aux termes de la saisine des énoncés normatifs, - l’aléa associé, deuxièmement, au devenir matériel et social de cette saisine, à la formation d’un éventuel consensus, accord de volontés quant à l’établissement ou à la modification d’une situation juridique — dimension « intersubjective », « dialogique » et éventuellement « synallagmatique » de la réalisation du droit dans le contexte urbain marginal —. Que l’emprunt du pont, s’il se répète, se densifie, crée avec le temps un trafic, que l’affluence et le transit par cet ouvrage soient porteur, en dernière instance, d’effets sociaux caractérisables : ces éléments relèvent déjà d’un questionnement adjacent. Retenons à ce stade de l’analyse, qu’après chaque passage, chaque emprunt du pont, la relation entre les deux rives, entre les individus et l’ordre juridique local, n’est plus la même qu’auparavant. Usages et pratiques de la qualification juridique des faits créent et modifient des situations juridiques, des rapports au droit et à la norme 270 . Reprenant Eugen Ehrlich « le droit vit271 ». Contrat ou acte juridique, extrait de « Pour une réforme du droit des contrats, réflexions et propositions d’un groupe de travail » sous la direction de François Terré, Dalloz 2009, p. 5. BLANKENBURG, Erhard, La recherche de l’efficacité de la loi, Réflexions sur l’étude de la mise en œuvre Le concept d’ « implementation », Droit et société, 1986, vol. 2, p. 59-75. 269 270 « La situation dans laquelle se trouve une personne vis-à-vis des autres sujets de droit, sur le fondement des règles de droit. Ainsi un fait, un état, un acte juridique favorisent la naissance d’un faisceau de droits et de devoirs, de prérogatives et de charges au profit ou à l’encontre de la personne. Lexiques des termes juridiques, Dalloz, 16e édition. » 271 RAISER Thomas. « Les relations entre la sociologie du droit et les sciences juridique »s. In: Droit et société, n°11-12, 1989. 126 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Au vu de ces observations préliminaires, le spectre d’une défaillance structurelle, systématique et nettement paralysante de l’ordre juridique local se trouve progressivement écarté, sans pour autant exclure l’hypothèse d’un « vote de sanction ». L’acteur juridique reprend symboliquement la main sur la délimitation des juridicités urbaines marginales272. La réversion du non-droit et de l’informel « passe », en d’autres termes, par le développement et l’analyse critiques des pratiques de qualification juridique des faits aux portes de l’asentamiento. Le propos suivant reprend et développe en guise d’approfondissement cette hypothèse du « oui » assurant simultanément, d’un point de vue épistémologique, l’amarrage des usages et pratiques professionnels du droit aux faits de marginalité urbaine (A) et la redéfinition d’un champ des possibles (B). A) Les mécaniques de la qualification juridique des faits de marginalité urbaine Luis Fachin compare le rôle social du juriste à celui du « garimpeiro », l’orpailleur, chercheur de pierres précieuses. L’auteur préconise l’excavation du bâti juridique, invite à « saisir à l’intérieur de l’ordonnancement juridique en vigueur les possibilités d’opposition qui se trouvent au sein même de cet ordonnancement (…) — ce — tant que celui-ci n’est pas altéré273 ». Là où certains acteurs juridiques assument et assènent volontiers le « non-droit » ou l’informel, d’autres revendiquent l’usage d’une boîte à outils catégorielle. Chercheurs, juges, avocats-conseils s’emploient à systématiser l’exploitation et la production de catégories juridiques porteuses de sens au regard des ordonnancements juridiques locaux274. La démarche d’interpellation, projection systématique de droits et d’obligations sur la carte 272 JOUANJAN, Olivier, « Nommer; Normer, Sciences et humanités, La dénomination », 1999, no 1, p. 105; JOUANJAN, Olivier, « D'un retour de l'acteur dans la théorie juridique », Revue européenne des sciences sociales, 2001, p. 5564; Olivier Jouanjan et Friedrich Müller, Avant Dire Droit, Le texte, la norme et le travail du droit, Les Presses de l’Université Laval, 2007; MAGGI Bruno, « Interpréter l'agir: un défi théorique. Interpréter l'agir: un défi théorique », Fondation maison des sciences de l’Homme, n°5,2012. Luiz Edson FACHIN. “Da Representação Constitucional: Pequeno Remédio contra abusos e Injustiças”, Direito Insurgente. Anais de Fundação, Insituto Apoio Jurídico Popular, 1987-1988. Río de Janeiro, p22. Cité in Antonio de la TORRE RANGEL, El derecho como arma de liberación en América Latina, Sociología jurídica y uso alternativo del derecho, CENEJUS -Centro de Estudios Jurídicos y Sociales P. Enrique GutiérrezMéxico, 2006; http://biblioteca.clacso.edu.ar/ar/libros/derecho/torre.pdf , p.107. 273 ARRUDA JÚNIOR Edmundo, “Direito alternativo: notas sobre as condições de possibilidade, Lições de direito alternativo”, São Paulo: Acadêmica, 1991, vol. 1. p. 93.94 cité in Jesús Antonio de la TORRE RANGEL, “El derecho como arma de liberación en América Latina, Sociología jurídica y uso alternativo del derecho”, CENEJUS -Centro de Estudios Jurídicos y Sociales P. Enrique Gutiérrez- México, 2006; voir aussi: ENGELMANN, Fabiano, “Diversification de l'espace juridique et invention de la «critique du droit» au Brésil dans les années 1990”, Droit et societé, 2007, no 1, p. 153-169. 274 127 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 des asentamientos, apparaît d’ores et déjà porteuse de « précédents » significatifs sur le plan du droit régional comparé. Au Brésil par exemple, Junior Nelson Saule, à travers une démarche encore isolée, s’applique par exemple à cartographier un ensemble de « passes » juridiques susceptibles d’être explorées en vue d’assurer la protection du droit au logement dans les asentamientos illégaux 275 . Les axes de rattachement identifiés (correspondant aux intitulés de chapitres de l’ouvrage) sont traduits et reproduits dans l’encadré ci-dessous à titre illustratif. a) L’application des principes fondamentaux de protection juridique du logement — moradia — dans les « asentamientos » irréguliers ; b) L’application des normes internationales de protection du droit au logement relevant du système de protection internationale des droits de l’homme ; c) L’application des principes et des objectifs fondamentaux de l’État brésilien pour la protection juridique du logement ; d) L’application des principes de fonctionnalité sociale de la ville et de la propriété en vue de la protection juridique ; e) L’application du droit au logement ; f) La responsabilité de l’Union, des États fédérés et des municipalités, de promouvoir la protection juridique du droit au logement ; g) L’application du Statut de la ville — Estatuto da Cidade — pour la protection juridique du logement ; h) Le droit aux villes durables comme fondement de la protection juridique du logement ; i) L’application du Plan directeur ; j) L’application des instruments de promotion du développement urbain à des fins d’habitat d’intérêt social ; 275 Saule Junior, Nelson, A proteção jurídica da moradia nos assentamentos irregulares, Porto Alegre, S.A. Fabris Editor, 2004. 128 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 k) L’application des instruments de politique urbaine à des fins d’habitation d’intérêt social (droit de préemption, droit de superficie, permis de construire, consortiums urbains, etc.) ; l) Les fondements de la Politique de régularisation foncière ; m) L’application des zones d’intérêt social spécial ; n) L’application des instruments de régularisation foncière ; o) L’application des instruments de régularisation foncière pour la protection du logement au sein des favelas (usucapion urbaine, concession d’usage spécial à des fins de logement) p) La prestation de services d’assistance juridique ; L’activisme de la Cour constitutionnelle colombienne s’inscrit de même à l’avant-garde régionale au moment de définir et préciser la responsabilité des administrations locales métropolitaines et étatiques en matière de gouvernance des asentamientos de fait 276 . La pratique judiciaire de la qualification juridique des faits et « l’idéologie normative du juge’277 transparaissent avec une clarté remarquable. La recherche thématique dans le recueil électronique des décisions de la Cour, utilisant la clé rudimentaire “asentamientos”, permet de recenser pas moins d’une quinzaine d’entrées278. En lien direct avec le gouvernement des asentamientos, la Cour intervient sur des thématiques aussi variées que : - la répartition des compétences et des obligations de faire dans le cadre des politiques de décentralisation (s. T-075/12, T-269/15), Voir: Santiago DECASTRO, María Camila Hoyos, Verónica Umaña, “Legalización de barrios informales Prestación de servicios públicos: ¿una medida constitucional paliativa o un paso hacia la legalización?” Trabajo realizado para el curso Propiedad y Derechos Reales, durante el semestre 2011. Document de travail accessible en ligne: http://programasocrates.uniandes.edu.co/pdfs/revista5/r5Decastro.pdf 276 277 Alf ROSS, On Law and justice, London, Stevens and sons limited, 1958, p.37 et s., cités in Véronique Champeil Desplats, Méthodologie des sciences du droit, p.238 et s. 278 Point d’accès aux décisions de la Cour : http://www.corteconstitucional.gov.co/relatoria/ 129 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - la gestion des ressources financières destinées à la consolidation urbaine, l’investissement public, de même que la fourniture des services publics dans les asentamientos (s. C1189/08), - le suivi et la mise en œuvre des plans de prévention des risques naturels susceptibles d’entraîner le déplacement de populations vulnérables (s. C-299/11, s. T-702/11), - la protection du droit au logement, la constitutionnalité des mesures d’éviction, les conditions d’intervention des forces de police et la validité des offres de relogement (s. T075/12, t-109/15, s. T-417/15 ; s. T-188/16), - la planification urbaine et l’adoption par les autorités publiques de mesures de prévention des asentamientos irréguliers (s. T-408/08, s. T-349/12), - le développement et la mise en œuvre d’un principe de confiance légitime entre l’administration et les administrés279 (T.417/15, T.624/15, SU.658/15, T-617/05, T-403/06), - la protection des groupes de personnes en situation de vulnérabilité spéciale, résidant dans les asentamientos illégaux parmi lesquels les mineurs, les victimes de déplacements forcés ou les foyers en situation de pauvreté extrême (C-1189/08). La déclaration d’inconstitutionnalité prononcée à l’occasion de l’adoption d’un Plan national de développement — Plan Nacional de Desarollo 2006-2010- 280 constitue un développement La Cour constitutionnelle énonce tout particulièrement : « Le principe de confiance légitime, s’appuie particulièrement sur trois prémices : (i) la nécessité de préserver de manière péremptoire l’intérêt public ; (ii) une déstabilisation certaine, raisonnable et évidente de la relation entre l’administration et les administrés ; (iii) la nécessité d’adopter des mesures pour une période transitoire permettant une mise en adéquation de la situation actuelle à la réalité nouvelle. De cette manière, le principe de bonne foi, sous l’angle de la confiance légitime, oblige les autorités ainsi que les particuliers à maintenir un cours d’actions cohérent, un respect pour les compromis effectués, une garantie de stabilité et de durabilité de la situation qui, objectivement, permette la mise en œuvre des règles et la fluidité des affaires juridiques » Sentencia T075/12. Dans un arrêt antérieur la Cour constitutionnelle colombienne définit le principe de confiance légitime comme celui qui « protège l’administré et le citoyen face à des changements brusques et intempestifs effectués par les autorités. » et ajoute « il s’agit en somme de situations dans lesquelles l’administré ne détient pas réellement un droit acquis dans la mesure où sa situation juridique est susceptible d’être modifiée par les autorités. Néanmoins si la personne a des raisons objectives pour confier en la stabilité de la régulation, et le changement brusque de cette dernière altère de manière significative sa situation, alors le principe de confiance légitime le protège. Dans de tels cas, sur le fondement juridique de la bonne foi, l’Etat doit fournir à la personne affectée, le temps et les moyens lui permettant de s’adapter à la nouvelle situation. » Sentencia C-478/98. 279 280 Sentence C-1189/08 accessible en ligne : http://www.corteconstitucional.gov.co/relatoria/2008/c-1189-08.htm 130 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 particulièrement représentatif en vue de mesurer la portée du contrôle de constitutionnalité exercé281. L’examen portait plus spécifiquement sur l’article 99 d’une Loi de 2003 (n° 812) — prorogée à travers le Plan stratégique de développement national —. La disposition litigieuse, déclarée inconstitutionnelle, avait pour effet principal d’interdire, de manière générale et à l’échelle nationale, tout investissement public, de même que la fourniture de toute prestation de services publics au sein des “asentamientos” établis suite à des invasions ou des parcellisations illégales. Le positionnement de la Cour apparaît notable dans la mesure où le continuum entre le phénomène de territorialisation des asentamientos et l’enjeu de protection des droits fondamentaux se trouve parfaitement établi. Faisant œuvre de contextualisation et de pédagogie jurisprudentielle la Cour expose : « dans de nombreux cas les invasions et occupations de fait (…) prennent racine dans des situations d’extrême nécessité et même d’indigence des envahisseurs, élément qui relève par sa nature d’une problématique sociale face à laquelle l’État colombien doit répondre, évaluer et agir avec mesure, en vue de fournir des solutions globales qui garantissent la réalisation des postulats constitutionnels ayant pour objet le respect à la dignité humaine et les droits élémentaires des pauvres. (…) l’illégalité de l’habitat en Colombie est un problème d’une gravité extrême, qui met en danger la jouissance effective des droits de millions de personnes. Les habitants des asentamientos illégaux se trouvent en situation de vulnérabilité particulière à travers laquelle plusieurs droits sont susceptibles d’être affectés au rang desquels : (i) ‘le droit à la vie et à l’intégrité physique (article 11 de la Charte) des personnes établies dans des zones à risques ; (ii) le droit à une vie digne, à la santé et à l’assainissement environnemental (art.49) des résidents d’urbanisations les moins organisées et pour qui la fourniture de services publics à domicile est moins efficace ou de qualité moindre (iii) le droit à un environnement sain (article 79) des habitants de villes qui ne protègent pas leurs ressources naturelles et environnementales, (iv) le droit à un logement digne (article 51) dès lors qu’il n’existe pas de développement rationnel et ordonné de l’offre de logement à des conditions adéquates, (v) l’accès des individus à des Pour une approche jurisprudentielle complète de la question des asentamientos d’origine illégale dans la jurisprudence de la Cour constitutionnelle colombienne, consulter les sentences : T-908/12 ; T-702/11 ; T-349/12 ; T-408/08 ; T075/12 ; accessibles en ligne : http://www.corteconstitucional.gov.co/relatoria/ 281 131 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 services publics à domicile, ce qui en soit favorise en une amélioration du bien-être et de la qualité de vie (articles 365 et 366) et (vi) la protection de l’intégrité de l’espace public (article 81) ». La découverte à ce point de l’analyse, d’une situation juridique attentatoire aux droits individuels et collectifs des habitants d’asentamientos, de même que la mise en cause avec succès d’une loi étatique sur la base d’une situation initialement perçue comme soustraite au droit commun de la ville, mérite une attention particulière. L’ordre juridique apparaît bien sensible, en l’espèce, à l’agir micropolitique du juge constitutionnel colombien. Le travail de la juridiction supérieure sur l’exigibilité des droits sociaux marque symboliquement un recul micropolitique et local du sentiment ou du présupposé de ‘non-droit’282. En guise de synthèse et au regard de ce bref survol doctrinal et jurisprudentiel retenons cidessous et a minima trois dispositifs types de forage catégoriel sur les territoires symboliques du nondroit et de l’informel : - la territorialisation de la réalisation des droits et la reconnaissance des asentamientos illégaux — non plus ‘informels’ — comme une catégorie spatiale intermédiaire, la cartographie ‘annexe’ des centres d’accueils et de logements temporaires, des zones à risques ou de prévention des risques et, plus généralement, des lieux apparaissant dans le sillon des politiques de territorialisation ; - la spécification et la personnalisation des droits en raison de l’appartenance des habitants à des groupes déterminés, la cartographie des collectifs sur la base de critères d’appartenance 282 RUSCHEL Ruy Ruben, A eficácia dos direitos sociais, Revista da Associação dos Juízes do Rio Grande do Sul (AJURIS) nº1993, vol. 58, p. 291; ENGELMANN Fabiano, Diversificação do espaço jurídico e lutas pela definição do direito no Rio Grande do Sul, Thèse de doctorat, Universidade federal do rio grande do sul, 2004, ; Plus généralement: ABRAMOVICH Víctor et COURTIS Christian, Hacia la exigibilidad de los derechos económicos, sociales y culturales, Estándares internacionales y criterios de aplicación ante los tribunales locales, La aplicación de los tratados internacionales sobre derechos humanos por los tribunales locales, 1997, vol. 2., des mêmes auteurs: Apuntes sobre la exigibilidad judicial de los derechos sociales, La protección judicial de los derechos sociales, 2003, vol. 3.; Los derechos sociales como derechos exigibles, Trotta, 2002; CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, La justiciabilité des droits sociaux en Amérique du Sud, La Revue des droits de l’homme, Revue du Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux, 2012, no 1, p. 120-139; ROBITAILLE D., Normativité, interprétation et justification des droits économiques et sociaux : les cas québécois et sud-africain, Bruxelles, Bruylant, 2011, p.38-41, cité in « Compte rendu », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2011/2 Volume 67, p. 157-170. 132 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 socio-économique, culturelle et ethnique, de dynamiques associatives et participatives283, mais aussi et plus généralement, d’une situation d’administré dans le cadre du gouvernement des asentamientos ; 283 WOLKMER, Antonio Carlos, Pluralismo jurídico: fundamentos de una nueva cultura del Derecho, MAD-Eduforma, 2006; WOLKMER, Antonio Carlos, Pluralismo jurídico, movimientos sociales y prácticas alternativas, El otro derecho, 1991, vol. 7, p. 29-46; Villegas Mauricio Garcia, Derecho y sociedad en América Latina: un debate sobre los estudios jurídicos críticos. Instituto Latinoamericano de Servicios Legales Alternativos, 2003, http://www.hostos.edu/downloads/coloquios/8vo_coloquio/lectura_derecho_sociedad_en_america_latina.pdf 133 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 DISPOSITIFS DE TEMPORALISATION ET DE SÉQUENCIATION DE LA RÉALISATION DES DROITS DISPOSITIFS DE TERRITORIALISATION ET DE LOCALISATION DU DROIT DISPOSITIFS DE SPÉCIFICATION ET PERSONNALISATION DES DROITS Figure 4 Dispositifs de caractérisation des faits de marginalité urbaine - la temporisation et le séquençage du processus de réalisation des droits, la production catégorielle d’évènements et de situations intermédiaires au tour et en parallèle à l’illégalité et à l’irrégularité foncière comme, par exemple, les temps de latence administrative, les temps du dialogue entre l’administration et les administrés ; Ayant appréhendé la qualification juridique des faits comme technique d’amarrage- atterrissage des usages et pratiques professionnelles à la contextualité urbaine marginale — dans le sens d’une éventuelle adaptation du droit aux faits — il reste à explorer et mesurer la dynamique inverse, la mesure des effets et la portée de la qualification juridique des faits. Annonçant une telle inversion de la vapeur Didier Linotte et Christian Atias observent : « Il a été souvent soutenu [que le droit] doit s’adapter aux faits et qu’il change ainsi. Si l’expression veut dire que les règles de droit ne peuvent être posées et dégagées qu’en tenant compte des faits, des comportements sociaux, des possibilités techniques et des conséquences de leur utilisation, elle relève de l’évidence. En revanche, transformée en dogme, l’adaptation du droit au fait est largement contestable. (…) Il n’est pas plus réaliste de se 134 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 soumettre à tous les faits que de résister à certains d’entre eux, ou au moins, de s’efforcer de les endiguer 284» B) La portée micropolitique de la qualification juridique des faits de marginalité urbaine La qualification juridique des faits, à l’image de l’« acte juridique », ne se constitue pas seulement comme le produit d’une volonté individuelle ou collective. L’opération annonce, dans certains cas, la création ou la suppression de situations ou de normes juridiques. Le jeu micropolitique de la qualification juridique des faits modifie, en d’autres termes et lorsqu’il trouve sa pleine mesure, l’ordonnancement juridique local au sens désigné par Léon Duguit d’un « état social existant à un moment donné d’après les règles de droit s’imposant aux hommes du groupement social considéré et des situations juridiques qui s’y rattachent285. » Formuler et explorer le postulat d’effectivité de la qualification juridique des faits de marginalité urbaine revient, d’une manière générale, à ouvrir, mesurer et en définitive parier sur un champ des possibles. Le postulat de départ se réduit à son plus simple appareil : un pouvoir micropolitique d’intervention sur l’ordre juridique local est exercé à travers l’usage et la pratique de la qualification juridique des faits. Le rattachement volontaire des situations de vie courante, qui parsèment le quotidien urbain marginal, à la sphère élargie de « juridicité » interfère avec le cours de la vie juridique de l’asentamiento. Le spectre des effets sociaux consécutifs à cette modification demeure, par essence et à l’image du battement d’aile de papillon imprévisible, inattendu, non mesurable. Tant par son objet que par sa portée, la question sous-jacente et transversale d’une mesure de l’agir juridique individuel et collectif — du déploiement des capacités juridiques de l’individu en société — s’insère dans un environnement de recherche, phénoménologie du « rapport de droit » ou du « rapport au droit » considérablement vaste. La typologie provisoire, et en rien exhaustive proposée ci-dessous se veut représentative d’une ramification possible. Un champ historique et technique des possibles se dessine en arrière plan des théories classiques de l’agir juridique. 284 ATIAS, Christian. Devenir juriste: le sens du droit. LexisNexis, 2011, p.93-94. 285 Léon DUGUIT, droit constitutionnel, tome II, 2e édition, p.220, cité in Lexique des termes juridiques, Dalloz, 20142015. 135 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Depuis la perspective, en premier lieu, des cercles institutionnalisés du droit, limitant matériellement, en d’autres termes, le jeu de la qualification juridique des faits à l’arène judiciaire, à l’université, aux lieux de formation de la loi (assemblée, administrations), l’onde d’impact de l’opération paraît relativement simple à saisir. En faisant jouer la qualification juridique des faits, les acteurs juridiques agiraient, tout d’abord et très schématiquement, sur la dynamique de « réalisation du droit ». L’opération détermine techniquement le passage des situations de droit dites « objectives » aux situations de droit dites « subjectives »286. Elle interfère et conditionne, en ce sens, « la mise en œuvre », « l’effectivité », « l’efficience » et « l’efficacité’287 des règles de droit — au sens de “l’acte-règle288” —. C’est sans doute et d’ailleurs en ce sens que Jean-Louis Bergel aborde l’opération comme une “technique générale de réalisation du droit289” ou que François Gény propose d’en faire “le centre de la technique fondamentale de réalisation du droit 290». L’acte juridique subjectif apparaît, par définition « au regard de sa portée individuelle », comme un « acte volontaire, spécialement accompli, dans les conditions du droit objectif, en vue de produire des effets de droit dont la nature et la mesure sont elles-mêmes voulues. » Si l’on tend par convention dans le cadre du droit civil à séparer l’ « acte juridique » du « fait juridique », ce dernier renvoyant à « un évènement qui, volontaire ou non en soi, produit les effets de droit indépendants de la volonté des intéressés. » retenons, en périphérie du débat doctrinal, que le constat de l’existence « du fait juridique » relève lui-même et en premier lieu d’un acte de qualification juridique. Autrement dit, c’est bien une opération de ‘méta’-qualification juridique des faits qui différencie fondamentalement le « fait juridique » du « fait social » et qui en détermine, à termes, le régime juridique. Citations extraites de : Flour, Aubert, Savaux, Droit civil, Les obligations, L’acte juridique (1.), Sirey, 15e édition, p.40 ; Martin de la Mouette, L’acte juridique unilatéral, thèse, Toulouse, 1951, n°17 et s. p.27; Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte juridique, thèse, Paris, LGDJ, spéc. n°50 et s. p.66; Droit, revue française de théorie juridique, L’acte juridique, n°7, 1988 ; plus généralement : MOTULSKY, Henri et ROUBIER, Paul, Principes d'une réalisation méthodique du droit privé:(la théorie des éléments générateurs des droits subjectifs), Librairie du Recueil Sirey, 1948. 286 BLANKENBURG Erhard, La recherche de l'efficacité de la loi/ Réflexion sur l'étude de la mise en œuvre (Le concept "d'implementation"), Droit et Société, n°2, 1986, p.73-94 ; Heuschling Luc, « Effectivité», «efficacité», «efficience» et «qualité» d’une norme /du droit., Analyse des mots et des concepts, extrait de : L'efficacité de la norme juridique. Nouveau vecteur de légitimité ? ouvrage collectif sous la direction de Marthe Fatin-Rouge Stefanini, Laurence Gay, Ariane Vidal-Naquet, p.27-61, 2012 ; CHAMPEIL-DESPLATS, Véronique, MILLARD, Eric, et coll. Efficacité et énoncé de la norme. L'efficacité de l'acte normatif, Nouvelle norme, nouvelles normativités, 2013, p. 63-73. 287 La situation juridique objective est envisagée au regard de ‘l’acte juridique objectif’ ou ‘l’acte règle’ définit comme « l’acte juridique dont l’effet est de créer de modifier ou de supprimer une situation juridique dite objective, c’est-à-dire touchant un nombre de personnes physiques ou morales (souvent les deux en même temps) constituant un groupe placé dans un cadre juridique uniforme du point de vue de l’acte générateur de cette situation. (Lexiques des termes juridiques, Dalloz, 16e édition.) ». 288 289 Op. cit. 290 Op.cit. 136 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Toujours depuis la sphère institutionnalisée, les auteurs-acteurs juridiques influeraient ensuite, et tout aussi fondamentalement, sur la dynamique de formation et de “spécialisation” du droit des asentamientos par la voie de l’interprétation normative. Olivier Jouanjan et Friedrich Müller, déplaçant sensiblement le centre de gravité de l’activité normative de l’institution vers l’individu, du registre “macro” au “micro”, invoquent alors le pouvoir des acteurs juridiques — celui du juge en première instance — de “nommer-normer” : “Le langage n’est pas un système préexistant à la pensée et à l’agir. Au contraire, à chaque degré, il s’exécute : dans l’usage, en tant qu’usage. Il en va de même pour le droit (qui ne peut être qu’en tant que langage), il est exécuté : la norme qui gouverne le cas, qui en décide effectivement n’est pas préexistante. Elle doit être créée dans le cas d’espèce par le travail juridique concret qui est une forme particulière d’agir communicationnel291”. Suivant la théorie de l’agir juridique proposée par ces deux auteurs, l’acteur juridique, par le jeu de l’interprétation et de la reformulation constante de l’énoncé normatif, interfère sur le contenu et le devenir de la norme juridique. L’intervention détermine en termes généraux la “concrétisation” de la règle de droit, la production du rapport au réel. Le point crucial soulevé tient au rôle transformateur et créateur d’une telle médiation292. Le jeu “linguistique” de la qualification juridique des faits conditionne alors le développement de nouveaux prismes analytiques et catégoriques, le recyclage des concepts désuets. L’acteur juridique assure l’adaptation du droit “pensé” et “normé” à son contexte spatio-temporel : la fourmilière n’est rien sans ses légions d’ouvrières. Depuis la perspective, en second lieu, des cercles de qualification juridique non institués et dépourvus, a priori du sceau d’authenticité » ou d’autorité » conféré depuis les citadelles de la loi ou de la doctrine juridique, un jaillissement de l’acteur juridique semble tout aussi envisageable. En faisant de la qualification juridique des faits un acte de la vie courante, une pratique de rue, une inversion intéressante se produit. 291 Olivier JOUANJAN et Friedrich MÜLLER, Avant Dire Droit. Le texte, la norme et le travail du droit, coll. « Dikè », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007, p. 31, cité in : Guillaume Provencher « Compte rendu » , Les Cahiers de droit, vol. 50, n° 2, 2009, p. 443-445. Le rapprochement avec la théorie de l’interprétation réaliste se fait ici relativement évident, voir : TROPER, Michel, Le gouvernement des juges, mode d'emploi, Presses Université Laval, 2006. 292 137 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 L’exercice de qualification juridique des faits renvoie aussi et en ce sens l’acteur juridique à un travail réflexif, sur la condition d’être social, de sujet politique et juridique du droit des asentamientos. L’opération recèle un acte d’affirmation-réalisation de la personne dans l’espace public. L’usage et la pratique de la qualification juridique des faits imposent, par définition, et assez intuitivement un exercice de situation sociopolitique de l’acteur juridique face à l’institution, face à la ville. Repensée sous les traits d’un enjeu participatif la qualification juridique des faits constitue une forme sui generis de «subjectivation293» de l’environnement urbain, du droit et de ses acteurs. Des significations nouvelles ou transgènes du quotidien urbain marginal émergent naturellement au sortir de cette confrontation. Postulons en ce sens l’impact civique et didactique — au sens d’un autoapprentissage de l’être et de l’agir social à travers l’agir juridique — inhérent au jeu de la qualification juridique des faits. Une filiation de pensée s’observe dans le contexte régional latinoaméricain avec l’héritage moderne des «théologies de la libération’294, de la “pédagogie des opprimés” de Paulo Freire295, du “théâtre de l’opprimé” d’Augusto Boal 296 et, plus généralement, avec l’idée d’une dimension émancipatrice inhérente à la pratique individuelle et collective du droit. 293 Pour une définition : « 1. Subjectivation, subjectivisation, subst. fém., philos. Action de subjectiver, de subjectiviser (infra rem. 2). Bien souvent aussi un concept phénoménologique ne sera qu'une « subjectivisation » d'un concept beaucoup mieux connu par la voie empirique (Ricœur, Philos. volonté, 1949, p. 16). Les techniques de recherche ont à subir une crise de subjectivation pour acquérir une plus grande objectivité dans ce domaine (Traité sociol., 1967, p. 147). 2. Subjectiver, subjectiviser, verbe trans., philos. Rendre subjectif; faire dépendre d'un état de conscience. Il semble que beaucoup de faits sociaux nous soient donnés d'abord objectivement, et que pour les connaître nous devions en quelque façon les subjectiver, en y restituant des états de conscience (Lévy-Bruhl, Mor. et sc. mœurs, 1903, p. 118).[L'émotivité] tend à subjectiviser le sentiment religieux au point de le réduire à un échauffement du cœur (Mounier, Traité caract., 1946, p. 740).Empl. pronom. passif. La conscience de classe ne peut ni se substantifier comme une entité purement objective, ni se « subjectiviser » comme une entité purement psychique(Traité sociol., 1968, p. 367). » Centre national de ressources textuelles et lexicales (CNRTL) http://www.cnrtl.fr/definition/subjectivation ; 294 Jullien Claude-François, Théologie de la libération et Realpolitik, Politique étrangère, n°4, 1984, p. 893-905 ; BERRYMAN, Phillip. Liberation Theology: Essential Facts about the Revolutionary Movement in Latin America--and Beyond, Temple University Press, 1987. 295 PAULO Freire, Pédagogie des opprimés, François Maspéro, Paris, 1974; du même auteur: The politics of education: Culture, power, and liberation, Greenwood Publishing Group, 1985; Pedagogy of freedom: Ethics, democracy, and civic courage, Rowman & Littlefield, 1998 ; Pedagogía de la autonomía: saberes necesarios para la práctica educativa, siglo XXI, 1997. 296 BOAL Augusto et LÉMANN Dominique, Théâtre de l'opprimé, François Maspero, 1977; du même auteur: Legislative theatre: Using performance to make politics, Routledge, 2005; El arco iris del deseo, Alba Editorial, 2013; 138 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Conclusion Discerner les ramifications de l’opération de qualification juridique des faits comme des rouages centraux de l’agir juridique, en exploiter le plein potentiel, impliquent, des apprentis alpinistes, la projection et la cartographie des prises et des points d’appui sur une paroi qui, à première vue, paraissait imprenable : le mur du “non-droit”, de “l’informel”. Il s’agit parallèlement et a contrario de visualiser une emprise du phénomène juridique sur des situations et des espaces de vie sociale. Cette “juridicisation” symbolique de l’espace urbain marginal de Guayaquil et, plus justement sans doute, des situations individuelles et collectives qui lui sont attachées 297 , renvoie en termes généraux au postulat décrit par Jêrome Pélisse “d’une formalisation juridique accrue des relations sociales, d’une extension du droit comme modèle et référence pratique pour les actions (…) d’un resserrement des mailles du filet qu’est le droit’298”. La découverte, l’observation et éventuellement la construction de ces “ponts de juridicité”, connectant le monde du droit aux faits de marginalité urbaine ne vont pas pour autant d’ellesmêmes. La sortie de la zone de confort consistant à appréhender l’espace urbain marginal à l’image d’un paysage lunaire porte son lot de difficultés méthodologiques, d’ajustements et d’adéquations nécessaires du champ des connaissances juridiques. Le cheminement intellectuel n’est pas balisé, normalisé. Le déploiement de l’agir juridique individuel et collectif manque matériellement d’intensité, de contextualité, de praticité tant que le “lien” ou “critère” de juridicité urbaine marginale n’est pas clairement affirmé. Les questionnements irrésolus soulevés en introduction, à l’approche de l’étude du cas du secteur Monte Sinaï, le rappellent instamment. Il n’en demeure pas moins, qu’en lieu et place du paradigme de non-droit et d’informalité, l’acte de qualification juridique des faits est porteur d’une alternative. Il amorce un mouvement. Les acteurs juridiques professionnels se trouvent, par définition, en situation de juges et partis quant au tissage du lien de juridicité et aux déploiements consécutifs de l’agir juridique dans les asentamientos. Infléchir l’état de somnolence et cesser de camper dans le non-droit et l’informel implique de visualiser et de replanter depuis la sphère individuelle ou dialogique l’état d’avancement 297 -non par ‘le droit’, mais bien par ses usagers-. 298 Pélisse Jérôme, « Judiciarisation ou juridicisation ? » Usages et réappropriations du droit dans les conflits du travail, Politix, 2009/2 n° 86, p. 73-96. 139 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 des juridicités urbaines marginales. L’entreprise s’est articulée au fil de ce premier titre à partir d’un champ d’opération dual : “faire état”, “mettre en récit” le gouvernement des asentamientos premièrement, qualifier et catégoriser juridiquement, en conséquence, dans l’ombre du non-droit et de l’informel. Bien loin de “l’aptitude à appliquer la règle générale à la singularité du fait299.” la question des moyens et de la méthode d’appréhension des faits de marginalité urbaine se pose rapidement dans la continuité du repositionnement épistémologique proposé. Citation complète : « C’est essentiellement l’aptitude à appliquer la règle générale à la singularité du fait qui constitue l’essentiel de la compétence juridique et donc l’enjeu de l’apprentissage du droit » extraite de : ORIANNE, Paul et TERRÉ, François, Apprendre le droit: éléments pour une pédagogie juridique, Éd. Frison-Roche, 1990, p.83 ; 299 140 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Titre 2 Les enjeux méthodologiques du travail de situation et la question du “terrain” Une fois établis la marge urbaine et les asentamientos comme un espace-temps de formation et de réalisation du droit — un phénomène qui s’impose sur le cours “normal” et “ordinaire” de la réalisation des droits —, le titre suivant s’attardera sur la question des conditions de production et de circulation des connaissances sur la marginalité urbaine “en droit”. La connaissance des faits de marginalités urbaines sera entendue, en d’autres termes, comme un facteur déterminant la fonction sociale des acteurs juridiques professionnels dans l’orbite des asentamientos. Elle le sera, de même et généralement, comme un parcours susceptible de faire l’objet d’un travail réflexif et qualitatif. À l’horizon, les possibilités d’un dialogue critique et d’un apprentissage technique seront entraperçues. La question n’apparaît pas tant, en ce sens d’opter, entre une démarche “descriptive” ou “prescriptive’ 300 . Il s’agit bien d’affirmer ou, plus humblement, de réaffirmer l’opportunité d’une approche méthodologique au sens d’une ‘pensée du fait social dans l’action’. Rapporté au cas d’étude, la question se posera de savoir dans quelle mesure et à quelles conditions le ‘terrain guayaco’ s’est érigé alternativement en dispositif de recherche et en une condition matérielle de l’engagement de terrain. Comment et sur quelles bases, à la fois méthodologiques et éthiques construire la relation de ‘proximité’ et de familiarité entre le juriste-chercheur et son terrain de recherche ou d’engagements ? La construction de ce point de vue structurant quant à l’appréhension des faits de marginalité urbaine apparaît, près de dix ans après l’arrivée à Guayaquil, parsemée d’obstacles : - une première difficulté méthodologique du ‘terrain’ tient, d’une manière générale, aux coûts du saut vers l’inconnu et à la sortie de la ‘zone de confort’ balisée à la fois par les lieux institués du droit — l’administration, le cabinet, l’université, la bibliothèque, le cyberespace — et par l’échange confiné à une communauté de ‘pairs’ ou de clients. Le développement d’une 300 Sur la question de la distinction entre méthodologies descriptives et méthodologies prescriptives Véronique Champeil Desplats observe : « deux grands types de posture sont habituellement distingués : une posture descriptive qui se donne pour objet de répondre à la question ‘comment se comporte de fait’ le juriste; une posture prescriptive qui tente de répondre à la question ‘comment doit se comporter’ le juriste (…) les méthodologies prescriptives, pour leur part, s'emploient à dégager la ou les meilleures méthodes à suivre pour parvenir à un résultat, observer ou analyser un objet. Elles fournissent des guides ou des modèles pour la pratique juridique ou la connaissance scientifique. Elles partent de préconceptions de ce que serait une méthode correcte pour évaluer et réformer celles existantes, voire s'y substituer », Véronique CHAMPEIL-DESPLATS, Méthodologies du droit et des sciences du droit, 2014, p.11-14. 141 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 connaissance des faits de marginalités urbaines engage, autrement dit, une pratique-approche raisonnée de l’altérité et, plus amplement encore, du voyage et de l’interculturalité ; - une seconde difficulté tient ensuite à la mesure du phénomène urbain marginal et à l’enjeu de ‘connaissance’ d’un fait social dont l’empreinte et la profondeur dépassent inéluctablement le champ de connaissance expérientielle de l’individu, du chercheur, du juriste. Le questionnement méthodologique s’étend alors à la détermination des conditions d’extraction et de mise en circulation des informations issues du terrain ; - une troisième et dernière difficulté méthodologique tient logiquement à la limitation des moyens et des méthodes d’appréciation et de traitement des faits de marginalité urbaine dont dispose l’acteur juridique ‘professionnel’ in situ… Il s’agit en d’autres termes, de ‘ramasser les pots cassés’ d’une formation juridique ‘positiviste’, d’une réserve quant à l’assimilation de démarches cognitives et critiques du fait social ‘en droit’. L’appréhension des faits de marginalité urbaine plus généralement associés à l’épistémologie ‘Nord-Sud’, aux problématiques du ‘monde majoritaire’, aux politiques de développement échappe, a priori, aux cahiers des charges du juriste-chercheur fraichement sorti d’usine. La tradition pathogène de délégation du travail ‘sur’ le fait social impose, en somme, d’envisager un dépassement de la condition de ‘juriste’. Il s’agirait, en d’autres termes de réapprendre, ‘en cours de route’, à colorer l’horizon des représentations de la vie sociale, qui constituent, il semble bon de le rappeler, le paysage de l’interprétation et de l’argumentation juridique. En dépit de telles difficultés et à défaut d’un sursaut, pratiques et usages du droit semblent condamnés à établir leurs racines dans un sol appauvri, érodé. C’est sur la base d’une telle suspicion méthodologique que la pertinence du terrain comme option méthodologique et dispositif de recherche sera envisagée. Le passage par ‘un terrain’, demeure a priori une étape peu familière et même entachée d’un certain flou aux yeux des techniques et des méthodes traditionnelles d’appréhension” du contexte de l’étude et de la réalisation en droit. Ce sentiment d’extranéité doit donc être méthodiquement décrypté, pris à rebours. Un espace de réflexion s’ouvre dans le sillon des approches juridiques dites “cliniques”. L’intérêt théorique et pratique attaché à la formation d’un registre de connaissance qualitative et in situ des faits de marginalité urbaine est progressivement réaffirmé. L’opportunité quant à la construction de cet axe de recherche alternatif est envisagée sur un double volet : 142 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - sur un premier volet, c’est un éventuel problème de structure, une brèche dans la pensée méthodologique du fait social et, a fortiori, dans l’apprentissage du droit, qui est appréhendé dans le sillon de la réflexion sur “le terrain”. Il importe, en d’autres termes, de mettre à nu une série de biais tour à tour liés à l’abondance et à l’atrophie des sources d’information guidant “classiquement” l’interprétation et l’argumentation juridique. Les conditions d’une vigilance face aux phénomènes sociopolitiques de représentations de la croissance urbaine marginale des villes du Sud sont envisagées. À l’image d’une écologie des sols, l’approche de terrain facilite la détection de symptômes et l’anticipation de certains glissements discursifs pathogènes. Elle dévoile les risques d’empirismes associés à une lecture “hors-sol” de la croissance urbaine marginale affectant, à terme, le fonctionnement de l’écosystème juridique dans son ensemble. Sur ce registre, le cheminement intellectuel se heurtera encore une fois à la question du “non-droit” et de “l’informel” non plus cette fois comme une hypothèse, “option catégorielle”, mais bien comme un discours idéologique dominant et résilient (Chapitre 1) - Sur un second volet, et par-delà l’enjeu premier de contournement de certaines dérives discursives, l’approche de terrain apparaît elle-même comme une technique, un programme méthodologique au vu de la découverte, lecture et discussion du contexte d’intervention. Poursuivant l’image d’une écologie des sols, l’approche de terrain émergera cette fois comme une stratégie de bioremédiation. L’opération sollicite et mobilise une palette de “techniques vivantes de recherche’ 301 . La familiarisation avec ces techniques contribue à reconstituer le substrat de la pensée juridique, sa structure, sa complexité, rétablir ses flux énergétiques, en un mot à en restituer la vitalité. (Chapitre 2) 301 Grawitz Madeleine, Méthodes des sciences sociales, Précis Dalloz, 11e édition, 2000. 143 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Les enjeux méthodologiques du travail de situation Du travail « sur » et « à partir » de la représentation des faits de marginalité urbaine (...) (...) au travail « de » représentationproduction du contexte de réalisation des droits Figure 5 Enjeux méthodologiques du travail de situation 144 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 1 Du travail « sur » et « à partir » du phénomène sociopolitique de représentation technique et scientifique de la marginalité urbaine (…) Comment et en quoi phénomènes la production du discours sur la croissance urbaine marginale des villes du Sud, constitue-t-elle per sé une donnée sociale, un objet d’étude tangible ? Dans quelle mesure ce phénomène sociopolitique rejaillit-il sur l’étude du cas de Guayaquil et, plus généralement peut-être, sur l’ensemble du réseau de production des connaissances sur les asentamientos au Sud comme au Nord ? L’état des connaissances sur la ville a longtemps été et demeure plausiblement à l’échelle globale le fait du savoir empirique et technique d’architectes, d’ingénieurs civils, d’artisans, d’ouvriers, d’urbanistes et de cartographes. Il semble, en effet, raisonnable de considérer, depuis une perspective historique et comme point d'accroche, que la croissance de la ville, entendue tout du moins comme celle de l’espace public urbain, est, avant toute autre considération, le fruit d’un ouvrage technique, celui de bâtisseurs privés ou travaillant sur commande de l’État — dialectique de la maitrise d’ouvrage —. Or, c’est précisément à l’encontre de ce postulat initial que la sociologie urbaine va s’affirmer comme champ disciplinaire dans le contexte de croissance des villes industrielles et postindustrielles occidentales du début du XX siècle : bâtir les villes ne signifie pas nécessairement les connaître et les comprendre. Dans ses grandes lignes, l’objet principal du courant sociologique urbain tend bien, en ce sens, à porter un regard subversif sur le développement de la ville et de son gouvernement. Tour à tour, la ville est découverte au fil des recherches comme la mise en espace des problématiques sociales et la cristallisation de transitions radicales du rural à l’urbain, de l’industriel au postindustriel, du postindustriel au global. C’est d’ailleurs sur la base de cet héritage sociologique que la convergence des regards disciplinaires de la géographie, des sciences politiques, de l’anthropologie et plus généralement des sciences humaines vers un terrain commun d’investigation, les « études sur la ville » — urban studies302 — sont envisagées à l’époque actuelle303. 302 Harvey David, Consciousness and the urban experience: Studies in the history and theory of capitalist urbanization, Volume 1, Johns Hopkins University Press, 1985. 145 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La ville est érigée, par cet effort de synthèse en une unité spatiale fonctionnelle, échelle « naturelle » de l’exercice du pouvoir et de la réalisation des droits304. À l’aplomb de ces premiers éléments est reproduite, ci-dessous, une définition proposée par Henri Lefebvre dans un article intitulé « La ville et l’urbain » paru en 1971 dans la revue Espaces et Société cofondée par l’auteur avec Anatole Kop l’année précédente305. « a) La ville est un objet spatial occupant un site et une situation et qu’il faut étudier comme objet avec différentes techniques et méthodes : économiques, politiques, démographiques, etc. Comme telle, la ville occupe un espace spécifique bien distinct de l’espace rural. b) Par-là, la ville est une médiation entre un ordre proche et un ordre lointain. L’ordre proche, c’est celui de la campagne environnante que la ville domine, organise, exploite en lui extorquant du surtravail. L’ordre lointain, c’est celui de la société dans son ensemble (esclavagiste, féodale, capitaliste, etc.). En tant que médiation, la ville est aussi l’endroit où se manifestent les contradictions de la société considérée, par exemple celles entre le pouvoir politique et les différents groupes sur lesquels ce pouvoir s’établit. c) La ville est une œuvre au sens d’une œuvre d’art. L’espace n’est pas seulement organisé et institué, il est aussi modelé, approprié par tel ou tel groupe, suivant ses exigences, son éthique et son esthétique, c’est-à-dire son idéologie. » 306 Outre le mérite de synthétiser les postulats centraux de l’un des auteurs les plus influents sur la pensée contemporaine de la ville 307 , la définition proposée fournit un point d’accroche 303 Ramadier, Thierry. "Transdisciplinarity and its challenges: the case of urban studies." Futures 36.4 (2004): 423-439. 304 Lefebvre Henri, Réflexions sur la politique de l’espace, Revue Espaces et sociétés, numéro 1, novembre 1970, p.3-13. Déployé notamment à travers la revue Espaces et sociétés : critique internationale de l’aménagement, de l’architecture et de l’urbanisme, cofondée par Henri Lefebvre et Anatole Kop en 1970. 305 306 Lefebvre Henri, La ville et l’urbain, Espaces et société, numéro 2, mars 1971, p. 4. Voir en ce sens la relecture contemporaine de l′héritage la pensée sociologique critique française de la ville dans le contexte anglo-saxon et inversement de la sociologie urbaine Nord-Américaine dans le contexte francophone : Merrifield Andy, Henri Lefebvre, A critical introduction, Merrifield Andy (éd.) 2006; Mark Purcell, Excavating Lefebvre: The right to the city and its urban politics of the inhabitant, Geography Journal, Vol. 58, No. 2/3, Social Transformation, Citizenship, and 307 146 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 convaincant en vue d’envisager l’empreinte contemporaine des études urbaines sur le gouvernement des villes. La consolidation du « paradigme urbain » apporte un éclairage quant au phénomène sociopolitique de représentation et d’étude des asentamientos. Représenter la ville émerge simultanément comme un enjeu de pouvoir. La production à flux constant du discours scientifique et technique sur la ville, par un subtil glissement, constitue près d’un demi-siècle après, un support et un instrument incontournable de la gouvernance locale. Partant des sources d’informations recueillies au fil de l’étude de cas, la chaîne de production des études urbaines, à l’échelle de Guayaquil, compte a minima et en accès libre, sept sources « d’approvisionnement » recensées dans l’encadré ci-dessous. 1— Cercle des organisations de la société civile locale et internationale 2— Cercle des autorités administratives et gouvernements autonomes décentralisés308 3— Cercle des organismes publics de planification et de recensement à l’échelle nationale 4— Cercle des organismes de coopération et développement régional 5— Cercle des organisations onusiennes 6— Cercle des universités locales et internationales 7— Cercle des bureaux et cabinets d’expertise privés, « think tanks » De manière purement pratique et non hiérarchique, cette nébuleuse des sources participe, de près ou de loin, au processus commun de production d’information à visée organisationnelle ou administrative des asentamientos. Chaque cercle de recherche apporte au redécoupage de l’espace intra-urbain. Telle ou telle école sera ainsi éligible ou non à un Programme d’éducation environnementale extrascolaire financé par la coopération allemande. Tel ou tel bloc d’habitations sera relié ou non aux réseaux d’assainissement géré par l’entreprise concessionnaire des réseaux d’assainissement (Interagua), d’électricité (entreprise publique étatique), de télécommunications the Right to the City , 2002, pp. 99-108, Costes Laurence, Le Droit à la ville d’Henri Lefebvre : quel héritage politique et scientifique ? Espaces et sociétés, n° 140-141, 2010, p. 177-191. L’étude des asentamientos non consolidés fait désormais en Équateur l’objet d’une obligation légale et réglementaire. L’article 75 de la récente loi organique d’ordonnancement territorial, usage et gestion du sol 308 énonce sur ce registre que « les gouvernements autonomes décentralisés municipaux et métropolitains réaliseront une levée périodique d’information physique, social, économique et légale de tous les asentamientos de fait localisés sur leur territoire (…) ». À l’échelle nationale la Secrétariat nationale de planification et de développement (SNPD) et de l’institut national de statistique et de recensement produisent de même des informations intéressant directement la réalisation des droits dans les asentamientos. 308 147 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 (entreprises privées et publiques), desservi ou non, par une coopérative de transports urbains, inscrit ou non sur la feuille de route du service de collecte des déchets domestiques. Tel ou tel lotissement sera assimilé ou non à la catégorie « convoitée » d′asentamiento consolidé par la mairie de Guayaquil, objet ou non des mesures d’évictions gouvernementales dans le cadre de la politique de lutte contre les invasions et les trafics de terre. L’écrit juridique sous sa forme normative ou contractuelle sert le plus souvent de support en vue de consigner l’information technique ainsi produite. Le lien étroit ainsi formé entre l’expertise technique sur la ville et l’expertise juridique vient progressivement à constituer la pierre angulaire de la gouvernance urbaine. Devant cette offre d’information exponentielle et la diversification des sources, « l’observation d’appartement’309 » apparaît rapidement bien plus risquée qu’elle n’y paraît. La situation de dépendance informationnelle des acteurs juridiques professionnels en vue de reconstituer un paysage argumentatif ou interprétatif s’avère rapidement problématique310. Dans l’optique d’un travail sur et à partir du phénomène de représentation technique et scientifique des asentamientos deux enjeux fondamentaux seront abordés au fil des développements suivants : la validation des contenus informationnels, en premier lieu (Section 1) ; l’observation du processus représentatif à la source et le discernement du glissement idéologique vers l’informel, en second lieu (Section 2) « L’observation d’appartement consistant à recourir à la méthode historico-comparative, aux statistiques de faits, aux documents et aux études de cas (cas juridique, cas littéraire)» in : Jean Carbonnier, Sociologie juridique, Direction des recherches 1961-1962, Association corporative des étudiants de droit, rédigé d’après la sténotypie du cours avec l’autorisation de Jean Carbonnier, sources: collection particulière, cité in, Véronique Champeil-Desplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, en particulier, p.242-243. 309 310 Sur la problématique de la représentation des asentamientos voir généralement : D Simon. 2011. « Situating Slums ». City; 15:6 (674-685); P Arabindoo. 2011. “Rhetoric of the ‘slum’: Rethinking urban poverty”. City; 15:6 (636-646). DA Ghertner. 2011. “The Nuisance of slums: Environmental law and the production of slum illegality in India”. In J Anjaria and C McFarlane (eds), Urban Navigations: Politics, Space and the City in South Asia. New Delhi, Routlege, pp 23-49. A Gilbert. 2007. “The Return of the Slum: Does Language matter?” International Journal of urban and Regional Research; 31(4):697-713. A.M Brousdelohoux, “Image Making, city Marketing, and the Aesthetization of Social Inequality in Rio de Janeiro,” in Alsayyad, ed., Consuming Tradition, Manufacturing Heritage, p. 274; Roy, Ananya, “Transnational Trespassing: the geopolitics of urban informality,” in Ananya Roy and Nezar Al-Sayyad, ed., Urban Informality, Lexington Books, Lanham, 2004. Roy, Ananya. "Urban informality: toward an epistemology of planning." Journal of the American Planning Association 71.2 (2005): 147-158. 148 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Section 1 Du terrain comme démarche de validation des contenus informationnels - Dans quelles conditions les discours sur la marginalité urbaine sont-ils produits et à quelles fins ? S’inscrivent-ils dans le cadre d’une commande, d’un enseignement, d’une activité de conseil ? Quels éléments d’ordre biographiques ou autobiographiques sont-ils perceptibles et accessibles aux lecteurs ? L’auteur se réclame-t-il d’un mouvement de pensée sur le droit, d’une mouvance politique, idéologique ou religieuse ? - Quelles auront été les conditions de format ou de fond « imposées » par l’éditeur et à quelles fins ? Quels dispositifs de relecture, de correction séparent-ils le texte original de sa version finale ? Quels sont les enjeux financiers associés à la production et à la diffusion de telle ou telle recherche sur la croissance urbaine marginale ? ; - Les représentations de la croissance urbaine marginale ne relèvent-elles pas elles-mêmes d’actes sociopolitiquement déterminés, conditionnés par l’accès aux études supérieures, à un patrimoine, à une certaine disponibilité intellectuelle des auteurs, etc. ? Les représentations des phénomènes juridiques au sein de l’espace urbain marginal, « l’étude du comportement des opérateurs juridiques », ne seraient-ils pas de même conditionnés, « biaisés » par des filtres d’ordre sociopolitiques ou culturels ? Au détour de ces questionnements naissant, dressons un constat de départ d’ordre empirique. Le contexte de production du discours sur la croissance urbaine marginale des villes du Sud, « le terrain du terrain » demeure souvent posé tel un voile placé sur le processus de représentation du réel dans la littérature juridique. Qu’il l’enseigne, l’écrive, la commente ou veille à sa mise en œuvre, le centre de gravité de la réalisation du droit et a fortiori celui de son étude sont couramment représentés comme gravitant autour de la norme juridique déployée dans le cadre de son environnement systémique, le droit. L’entendement des situations individuelles ou collectives relevant de l’ordre social, de la vie en société, tend, de fait, à être perçu d’un point de vue épistémologique comme un phénomène périphérique au droit, une condition extérieure au fonctionnement de l’ordre juridique. Celui-ci en retient seulement certaines séquences, des configurations particulières estimées pertinentes dès lors que celles-ci sont porteuses de sens au regard du système, de la norme juridique établie. Il est de coutume d’énoncer, en ce sens, que le droit aurait une vocation naturelle à « s’appliquer au fait », que le juriste « traite le cas d’espèce ». C’est bien là, 149 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 semble-t-il, ce qui différencierait par ailleurs fondamentalement « l’atelier » du chercheur-juriste de ceux du sociologue, de l’anthropologue ou du géographe contemporain. Chacune de ces disciplines affirme une vocation commune à « travailler » à sa manière comme le ferronnier travaillerait le métal, la connaissance du fait social urbain marginal. Elles cherchent à en saisir et à en restituer la matière. Dans cet ordre d’idées, les sciences humaines et sociales, le champ des études urbaines en particulier, contribuent et monopolisent, en un sens, l’exercice d’entendement des phénomènes sociaux qui se produisent en milieu urbain marginal, la « réalisation du droit dans le contexte urbain marginal » inclue. Poussant la logique, certains observateurs estiment qu’au cours de cette entreprise, les représentations de la ville marginale divulguées en viennent à « coproduire l’ordre social ». Autrement dit, les interprétations qu’elles en livrent seraient porteuses de sens auprès des acteurs sociaux qui les intériorisent, les « reçoivent » consciemment ou non d’ailleurs. Situés aux confins de cet engrenage de (re —) production ou de (co —) production de l’ordre social selon les points de vue, les juristes adapteraient ainsi leurs comportements, leurs pratiques, leurs interprétations de la loi, du système juridique dans son ensemble au contact de ces diverses représentations311. En tout état de cause, le juriste n’apparaît dans ce schéma d’idée et, en règle générale, ni comme un interprète, ni même comme un observateur potentiel du fait social « majoritaire ». Il apparaît plutôt, à l’inverse, comme un sujet largement passif, « récepteur », à cet égard. Une telle distanciation se trouve d’autant plus prégnante qu’à un second niveau de distanciation, les barrières disciplinaires érigées symboliquement entre la pratique du droit, la recherche en droit et la recherche sur le droit demeurent culturellement saillantes au regard des différentes traditions juridiques occidentales et européennes en particulier. La démarcation des lignes de pensée fondée sur une séparation d’objet disciplinaire entre la science juridique d’un côté, les sciences de l’homme, de la société et les études urbaines, de l’autre, établit en retour une distance épistémologique significative entre le champ de la recherche en droit et celui de l’analyse des phénomènes sociaux. Sortir de ce propos, de ces divisions implicites des tâches académiques revient pour le juriste à risquer la dilution de son champ de compétence gardée-la réalisation du droit — et le pousserait, inversement, vers des sentiers inconnus aux frontières de la 311 R. Wohl and Anselm L. Strauss, Symbolic Representation and the Urban Milieu, American Journal of Sociology, The University of Chicago Press, Vol. 63, No. 5, Mars 1958, pp. 523-532 Stable URL: http://www.jstor.org/stable/2773079 ; Accessed: 11/06/2014 13:12. 150 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 transdisciplinarité. Tout porterait donc a priori à maintenir le statu quo, « chacun chez soi et dieu pour tous » pour ainsi dire. Seulement, et c’est ici l’enjeu analytique de fond, la synergie esquissée entre ces divers champs disciplinaires ne convainc pas ou mal. Les cadres d’interprétation de la croissance urbaine marginale des villes du Sud se révèlent, en substance, insuffisants et même trompeurs. Externaliser l’analyse des dimensions sociopolitiques de la croissance urbaine marginale contribue dans les circonstances décrites à désincarner, à saper en grande partie l’argument juridique d’une part de sa légitimité, de son authenticité et in fine de son potentiel transformateur et novateur. Le premier pan du dispositif mis en place à travers l’approche de terrain renvoie, en ce sens, aux impératifs de réhabiliter, nourrir et fomenter un regard critique sur les représentations courantes de la croissance urbaine marginale des villes du Sud. De telles représentations s’affirment au regard de la formation et de la réalisation du droit comme des sources d’information, d’interprétation des phénomènes sociaux urbains de premier ordre. Elles irriguent la pensée juridique. Cherchons dès lors à instiguer à travers l’approche de terrain » une démarche de précaution méthodologique, de traçabilité de l’information et des matériaux avec lesquels l’argument juridique se construit. Une distance de sécurité avec un registre de connaissance constitué sur la base de données secondaires, d’une lecture « médiatisée » des phénomènes sociaux, est instituée312 (en ce que le chercheur y accède à travers le regard et une chaîne d’interprétation composée d’un ou de plusieurs tiers). L’œuvre des législateurs, les manuels et traités, les encyclopédies, les recueils d’opinions, de décisions et de jurisprudence, les revues et rapports institutionnels, les études de cas, la presse écrite ou télévisée : ces « bibliothèques virtuelles » de la croissance urbaine marginale mondiale, accessibles en un clic pour un nombre limité de chercheurs, tendent inexorablement à constituer la principale voie d’accès à « la connaissance » présumée des réalités sociales. L’incidence et le poids des représentations communes et courantes de l’espace urbain marginal circulant au sein des groupes sociaux et des cercles dits « de pouvoir » ou « de gouvernance » prennent, eux-mêmes, les traits d’un phénomène sociopolitique. Ce phénomène ne peut être discerné, explicité qu’à travers, non pas un changement radical de perspective, mais plutôt une démarche de diversification et de densification des sources d’interprétation du fait social en droit. Misant sur l’observation directe, sur l’immersion 312 En ce que le chercheur y accède à travers le regard et un chaine d’interprétation composée d’un ou de plusieurs tiers. 151 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 du juriste dans le contexte sociopolitique d’étude et de réalisation du droit, l’approche de terrain présente paradoxalement un gage de recul. Elle exemplifie et potentialise à terme l’argument juridique. Ce changement de perspective constitue la première pierre angulaire du dispositif de recherche retenu. La démarche associant l’étude de cas » à « l’approche de terrain » est précisée en deux temps. Restituons la réversion, dans un premier temps, sur le plan théorique, dans la continuité d’une pensée critique et contemporaine du rapport entre le droit et la société313 (A) puis, dans un second, à travers un essai de recensement des principaux biais affectant les représentations littéraires de la croissance urbaine marginale abordée comme contexte d’étude et de réalisation du droit (B). C) Situation de l’approche de terrain au regard de la pensée critique du rapport entre le droit et la société À travers le plaidoyer pour un « droit vivant » et définissant les fondements d’une sociologie du droit, Eugen Ehrlich énonçait au début du siècle dernier une série de propos précurseurs au regard des grandes évolutions de la pensée critique du droit contemporaine. Un tel propos prend rapidement les traits d’une épistémologie d’avant-garde du fait juridique. L’extrait reproduit semble d’une actualité largement intacte : « Même dans le temps présent, comme à chaque époque, le centre de gravité du développement du droit ne se trouve pas dans la législation, ni dans la science juridique, ni dans la jurisprudence, mais dans la société elle-même »314. En écartant l'éventualité d’une connaissance du « développement du droit », lui-même entendu dans ce contexte littéraire comme un phénomène social, à travers la seule observation de la loi, de la doctrine ou de la jurisprudence, l’auteur pointait déjà implicitement du doigt vers un déplacement, ou, tout du moins, une circonscription questionnable des centres de gravité de l’étude du droit. La critique adressée à ses contemporains, juristes et pionniers de la sociologie du droit, portait en effet 313 Instituto latinoamericano de servicios legales alternativos, Pluralismo jurídico y alternatividad judicial, El otro derecho, Bogotá Colombia n°26-27, http://ilsa.org.co:81/biblioteca/dwnlds/od/elotrdr026-27/elotrdr026-27-00.pdf (dernier accès, 25 octubre 2011) ; LOBEL, “Orly, The paradox of extralegal activism: critical legal consciousness and transformative politics”, Harvard Law Review, 2007, p. 937988. 314 Ehrlisch E, Grundlegung der Soziologie des Rechts, Duncker & Humblot, Berlin, 1913, p.38. Cité in Véronique ChampeilDesplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, §277, p.172. 152 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 et de toute évidence sur les méthodes traditionnelles d’observation et d’interprétation du droit en sociétés. Un siècle plus tard, l’idée d’un tel changement de coordonnées resituant l’observation, l’étude et l’apprentissage de la matière juridique au cœur du « fait social » irrigue la pensée juridique. Un rapprochement peut aisément être proposé en ce sens entre le discours pionnier sur le « droit vivant » et les mouvements de pensée contemporains liés au réalisme juridique — Legal realism315 —, aux théories critiques du droit — Critical legal studies316 —, au courant « droit et société » — Law and Society mouvment -317, sans oublier les mouvances doctrinales « alternatives » et « cliniques » bien enracinées en Amérique latine318. Invariablement, la réalisation du ou des droits en société y est envisagée comme un phénomène sinueux et plurivoque. Un constat récurrent émerge : la connaissance du fait juridique ne peut se former, s’acquérir ni se résumer à une vision éthérisée des systèmes juridiques et de l’État. Une connaissance fonctionnelle, désincarnée de l’administration du droit et de la justice ne peut suffire à embrasser pleinement les défis contemporains de la réalisation du droit et des droits. C’est à l’inverse, et seulement au regard d’un champ de vision élargi qu’une connaissance renouvelée du contexte local, des espaces et de situations juridiques individuelles ou collectives « subjectives » semble envisageable. Par conséquent, développer une approche méthodologique du fait de marginalité urbaine « en droit » à partir d’un « paradigme de complexité 319 » ; mettre en doute les simplifications, les omissions ainsi que les fictions qui obscurcissent le rapport du droit à la territorialisation ; 315 Wilkins, David B. "Legal Realism for Lawyers." Harvard Law Review (1990): 468-524 ; Riccardo Guastini (traduction Eric Millard), « Le réalisme juridique redéfini », Revus [Online], 19 | 2013 ; MILLARD Eric, « Le Réalisme scandinave et la Théorie des contraintes », in: Michel Troper, Véronique Champeil-Desplats et Christophe Grzegorczyk, Théorie des contraintes juridiques, Bruylant/LGDJ, 2005, p.150. 316 Posner Eric, « The regulation of social meaning », University Chicago law Review, Volume 62, 1995, p. 943. 317 FRIEDMAN Lawrence, “The law and society movement”, Stanford Law Review, 1986, p.763-780. 318 Correas, Oscar. "La teoría general del derecho y el derecho alternativo." El Otro Derecho 15 (1994): 61-74; Wolkmer, Antonio Carlos. "Pluralismo jurídico, movimientos sociales y prácticas alternativas." El otro derecho 7 (1991): 29-46; Pressburguer, Miguel. "Derecho insurgente: el derecho de los oprimidos." El otro derecho. 6. (1990). Champeil-Desplats Véronique, L’Aménagement et dépassement des formalismes : l’attrait des sciences humaines et sociales, Section 1, §4, §305, extrait de Méthodologie du droit et des sources du droit, Aménagement et dépassement des formalismes : l’attrait des sciences humaines et sociales, Dalloz, 2014 Dalloz, 2014, p.187. 319 153 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 développer une connaissance de la norme au regard de son environnement sociohistorique 320 , politique, idéologique, économique et interculturel 321 ; redécouvrir enfin le pluralisme juridique inhérent à la formation de la ville ; apparaissent rapidement comme des enjeux rémanents d’une pratique de terrain. Jean-Louis Bergel observe sur ce registre que : « En dépit de la permanence et de l’universalité de ses diverses finalités et de bon nombre de ses ingrédients, le phénomène juridique se développe et évolue dans un contexte temporel, géographique et social dont on ne peut le désolidariser. Même ceux qui se font du droit une conception purement volontariste ou qui, rejetant tout déterminisme, subliment le droit en une métaphysique inspirée de principes absolus, intemporels et universels admettent l’influence du temps, de l’espace et des faits sociaux sur le droit. Inversement, le droit objectif doit régir cet environnement, voir même tenter de le modeler »322. Sur le registre postmoderne, la sensibilité accrue aux phénomènes sociaux que le droit comme sous-système entreprend de réguler ainsi que l’émergence d’un sujet capable d’observer le droit audelà l’état et la fenêtre d’un écran apparaissent comme une condition première d’adaptation de l’agir juridique professionnel aux défis du monde majoritaire. L’acteur juridique professionnel est, semblet-il, inéluctablement porté à réduire, ou tout du moins, à questionner les distances ontologiques, psychologiques, culturelles, mais aussi, et tout simplement, matérielles qui le séparent de sa « fonction sociale » : contribuer à la réalisation du droit « en sociétés ». Les propos d’Eugen Ehrlich sont, une nouvelle fois, limpides au regard de ces dimensions doctrinales et théoriques longtemps inexploitées. Ce dernier invitait directement à : 320 GORDON, Robert W., “Critical legal histories”, Stanford Law Review, 1984, p. 57-125. 321 Van Hoecke and Warrington, Legal cultures, legal paradigms and legal doctrine: towards a new model for comparative law, International and Comparative Law quarterly, volume 47, 1998, p.496 ; Ce dernier note “several authors have recently advocated broader approaches to comparative law, and in doing so they attempt to move away from a "law as rules" concept by using key concepts such as "tradition", "mentality "and "culture" Using such an approach they essentially argue that law, and the understanding of law, involves much more than the mere reading of statutory rules and judicial decisions. In other words, law cannot be understood unless it is placed in a broad historical, socio-economic, psychological and ideological context.” Bergel Jean-Louis, Théorie générale du droit, Titre 2, L’environnement du droit, §93, Méthodes du droit, Dalloz, 5e édition. 322 154 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « l’observation directe de la vie sociale, des transformations, des habitudes, des usages de tous groupes, non seulement de ceux reconnus juridiquement, mais aussi des groupes ignorés ou négligés par le droit et enfin des groupes condamnés par lui »323. Si ce n’est tout d’abord le rapprochement explicite entre la mention d’une « observation directe » de la vie sociale et ce qui se profile, au loin, comme une éventuelle méthode ou « approche de terrain », c’est ensuite la référence aux « groupes ignorés, négligés ou condamnés par le droit » qui paraît porteuse de sens. Observer et prétendre au déploiement des pratiques du droit, c’est aussi à la lecture de ce bref passage, observer et apprendre à composer avec ses inflexions, ses aspérités, avec le caractère éventuellement discriminatoire et traumatisant de sa mise en œuvre. La croissance urbaine marginale des villes du Sud, tout comme d’ailleurs l’activité d’observation des usages et pratiques professionnels, constitue, en tout état de cause, deux textures inexplorées que le vécu individuel, « l’observation directe » et in fine « une science du contexte » contribuent à découvrir. Or c’est bien à ce point du raisonnement que les méthodes et techniques « classiques » ou « traditionnelles » d’appréhension et de restitution des faits sociaux en droit apparaissent comme des points d’inflexion éventuels du raisonnement juridique sur la croissance urbaine marginale des Pays du Sud. La pensée critique du fait urbain marginal s’inscrit dans une continuité logique et pratique avec la pensée critique des usages et pratiques professionnels dans l’orbite de la territorialisation. Elle en assurerait même, à terme, une certaine pérennité, prévient un assèchement déjà constaté. La place des opérations courantes d’interprétation, de rationalisation et en somme de « trituration » du fait social nécessaires à la constitution d’un point de vue structurant quant aux représentations des « asentamientos humanos irréguliers » ne relève pas de l’évidence. Au contraire, la projection de l’« état de fait » fait bien souvent figure de « terre ferme » de la pensée et du raisonnement juridiques324. La discussion soulevée en ces termes ne constituerait pas un enjeu visible ni au regard des pratiques de recherche, ni d’ailleurs au regard de l’enseignement du droit. E. Ehrlisch cité in Champeil-Desplats Véronique, La simplification des phénomènes juridiques (B), l’aveuglement face à la réalité des sources du droit (1), le droit, produit social : du droit vivant au pluralisme juridique (a), ouvrage Méthodologie du droit et des sources du droit, Aménagement et dépassement des formalismes : l’attrait des sciences humaines et sociales, Dalloz, 2014, §277, p.172. 323 324 Voir en ce sens la référence à la distinction fondamentale entre les faits et les valeurs exposée à travers la Loi de Hume : Champeil-Desplats Véronique, Méthodologie du droit et des sources du droit, Les soubassements formalistes des méthodologies juridiques, La séparation des faits et des valeurs §.2, Dalloz, 2014, p.112-113. 155 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Proposons, dans la lignée de la crainte soulevée, de mettre en évidence et de retenir a minima une série de biais couramment associés aux phénomènes de représentations « hors-sol » de la croissance urbaine marginale. D) Recensement des principaux biais attachés au travail de représentation de la croissance urbaine marginale L’observation de terrain contribue sur ce point à poser des jalons pour la formation d’un critère analytique. La démarche contribue en ce sens à établir une distance critique entre l’acteur juridique professionnel et l’univers des représentations littéraires de la marginalité urbaine des villes du Sud — l’extension discursive de la marginalité urbaine dans l’espace public —. Deux biais méthodologiques, susceptibles d’affecter l’acte de représenter et, dans un même temps, celui d’appropriation du contexte, seront considérés au fil des propos suivants : le premier relève de l’empirisme — au sens commun de « procédé par tâtonnement, dénué de rigueur scientifique 325 » — (1) alors que le second relève de l’instrumentalisme de la représentation contextuelle (2). 3) L’empirisme L’appréhension des « asentamientos » comme contexte d’étude et de réalisation du droit ne fait que rarement l’objet d’une démarche consciente et explicite pour le juriste. La situation d’émetteur ou de récepteur d’information contextuelle n’est pas remise en question. L’empirisme généralement attaché au traitement de cette information et, plus spécifiquement, du large éventail des représentations, discours et imaginaires de la marginalité urbaine est d’autant plus problématique que les asentamientos ne constituent pas, sauf exception, un cadre de travail ordinaire pour les acteurs juridiques professionnels. Approfondissant ces observations préliminaires le biais « empirique » sera envisagé ci-dessous à un double niveau. À un premier niveau d’empirisme envisagé, le plus courant probablement, le questionnement est simplement déserté, absent du discours juridique. La scientificité du propos sur la croissance urbaine marginale des villes du Sud se trouve, dans un tel cas de figure, simplement présumée sur la Le dictionnaire Larousse définit l’empirisme comme ce « qui s'attache exclusivement à l'observation et au classement des données sans l'intervention d'un système ou d'une théorie a priori. Qui manque de rigueur scientifique, qui procède par tâtonnements. ». Larousse online, 2016. 325 156 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 base d’une série limitée de références bibliographiques concordantes. Il semble possible, en ce sens, de retenir que l’appréhension des « faits pertinents » et, avec elle, l’opération de catégorisationqualification juridique des faits s’effectue, pour l’essentiel, sur la base d’une approche « externalisée » des réalités sociales et des situations juridiques individuelles. La norme de scientificité se limite alors à citer l’auteur ou l’institution la plus « cooptée » par un cercle de pairs, à évoquer le « rapport » de telle ou telle institution. L’argument juridique s’appuie ici sur des représentations « clé en main » du contexte urbain marginal. « Rupture avec la norme sociale d’occupation ou d’usage du sol urbain », d’une part, « rupture avec la norme sociale de réalisation de l’individu au sein d’une société locale ou du cercle élargi de l’humanité », d’autre part : voilà, semble-t-il, les pôles d’interprétation les plus fréquemment sollicités pour entreprendre le droit dans l’orbite du phénomène majoritaire. Reprenant le thème de la « Parabole des aveugles », la tendance redoutée est celle de la réification du contexte au sens d’un processus de banalisation et de standardisation du propos. C’est bien, en somme, le risque de tomber dans la caricature des conditions de vie d’un septième de la population mondiale qui se profile. Sur le volet des solutions méthodologiques, Ben Fritpack propose d’ériger l’expérience, par exemple et sur un registre voisin, en condition de l’activité de théorisation juridique : « Nous reconnaissons le processus de théorisation pour ce qu’il est fort heureusement : un commencement qui n’est pas particulièrement systématique, où nos institutions et nos premières constructions de données interagissent de manière symbiotique pour produire une sorte d’hypothèse contingente, qui est reconstruite de manière de plus en plus systématique à mesure que sont construites les données. Dans ce cadre épistémologique, le rôle de la recherche empirique dans la formation de la théorie juridique va heureusement de soi. En réévaluant et en revitalisant les relations entre recherche empirique et construction théorique, nous pouvons parvenir à une position où l’espace discursif qui existe entre les conceptions structurelle et postmoderne du droit peut être comblé. En réanthropologisant notre étude du droit, nous devenons capables à la fois de parler et, de manière tout aussi importante, d’entendre le droit de manière différente. Il est possible, à travers cette approche, de porter le droit et notre compréhension de celui-ci à un niveau significativement pratique et utile, où le droit, comme il est “vécu” — en italique dans le texte original — comme il “fonctionne” — idem —, peut être exprimé clairement »326. 326 Fitzpatrick, Ben. "Vers une «théorie expérientielle» du droit." Droit et société 36.1 (1997): 299. 157 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Au second niveau de dérive envisagé, l’enjeu critique tiendra cette fois au constat d’une difficulté ou d’un renoncement des acteurs juridiques professionnels à saisir la marginalité urbaine dans sa dimension phénoménologique, globale ou comparative. Le travail de contextualisation bute ou échoue sur une difficulté non résolue. L’apport de la recherche, du parcours expérientiel, ne fait pas lui-même l’objet d’un travail de contextualisation nécessaire ou propice à son extrapolation. Jean-Yves Rochex envisage sur ce registre et plus précisément une double opération de « décontextualisation » : - « décontextulation horizontale », en premier lieu, relevant de « mises en relation, de comparaisons d’expériences ou de situations passées ou présentes se situant sur une même échelle d’historicité » et visant à pouvoir « mieux anticiper, par l’élaboration et le déplacement de sens et/ou d’affects, ou par la production de concepts, sur des situations à venir » ; - « décontextualisation verticale », en second lieu, qui s’attacherait ensuite à « reconstruire l’historicité des singularités qui sont objet d’étude, à en penser la genèse et les contradictions en lien avec celles des contextes sociohistoriques et socio-institutionnels dans lesquels elles s’inscrivent » et s’efforcerait finalement « d’élaborer des principes et des cadres théoriques qui permettent la description et l’analyse des relations entre les microrencontres ou expériences et leurs macro-contextes327 ». C’est en somme et a contrario par et comme suite à un échec du mouvement de formulation, remontée et partage de l’expérience que l’empirisme refait surface. Le phénomène interfère avec le travail de contextualisation. Un décalage pathogène s’immisce entre le contexte d’émission et le contexte de réception de l’information contextuelle. Poursuivant l’analyse, c’est ensuite l’absence de regard critique sur l’origine et la diversité des intérêts attachés à la production du discours sur la croissance urbaine marginale des villes du Sud qui doit être envisagée. 327 Jean-Yves Rochex, « Approches cliniques et recherche en éducation », Recherche et formation [En ligne], 65 | 2010, mis en ligne le 01 septembre 2014. URL : http://rechercheformation.revues.org/165 158 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 4) L’instrumentalisation des faits de marginalité urbaine Le droit comme système de régulation sociale à taille humaine demeure, dans son ensemble et par nature, traversé par des contraintes sociales, des intentions, des croyances et, en somme, par une série d’enjeux tenant à la rencontre circonstanciée de ses acteurs sur l’échiquier social. Usages et pratiques professionnels du droit constituent, souvent et par eux-mêmes, des vecteurs d’expression et d’affirmation du pouvoir envisagés sous toutes ses formes : politique, économique, idéologique, patriarcal… Le travail juridique relais, à l’inverse, des intentions de résistance au sein d’un espace donné 328 , participe à la conquête des droits. Il semble inéluctable dès lors que la connaissance du fait social, sa restitution comme point d’ancrage de l’argument ou de l’interprétation juridique est elle-même sujette à des tensions du même ordre. En un mot, le constat quant à la dimension sociopolitique des usages et des pratiques du droit en sociétés se transpose, en toute logique, à la lecture et l’interprétation des faits sociaux « en droit ». Sur la question spécifique, de la formation des fictions juridiques Jean-Louis Bergel observe de manière illustrative : « L’appréciation de l’utilité des résultats auxquels doivent conduire les fictions relève souvent, en effet, de la volonté de satisfaire une idéologie particulière, de promouvoir un certain ordre social, de favoriser certains intérêts ou d’atteindre des fins considérées comme justes, mais dont la détermination et l’appréciation sont éminemment variables selon les convictions de chacun »329. Les termes de « représentation » des asentamientos, « de mise en scène » des taudis prennent sous cet aspect leur signification sans doute la plus authentique. Henri Lefebvre, invitait déjà à mettre en cause radicalement toute prétention de scientificité attachée à la représentation de l’espace. L’auteur exposait en ce sens : « Or maintenant, il apparaît que l’espace est politique. L’espace n’est pas un objet scientifique détourné par l’idéologie ou par la politique ; il a toujours été politique et stratégique [...] L’espace a été façonné, modelé, à partir d’éléments historiques ou 328 Chazel F., Du pouvoir à la contestation, le concept de pouvoir, Droit et société, volume 36, 2003, p.21-65. 329 , BERGEL Jean-Louis, Le Rôle Des Fictions Dans Le Système juridique, McGill Law Journal, 1987, vol. 33, p. 374. 159 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 naturels, mais politiquement. L’espace est politique et idéologique. Il y a une idéologie de l’espace. »330 James Holston sur un registre similaire observe quant à lui : « Leurs identités, modes, formes, catégories et types se recombinent dans la matière grise des rues. Les récits de la ville sont, par conséquent, à la fois évidents et énigmatiques. Les connaître relève, toujours, de l’expérimental » 331.(traduction personnelle). Qu’il s’agisse du magistrat, de l’avocat, des usagers du droit, de l’administration publique, et plus généralement du cercle élargi des « opérateurs juridiques » : l’exposition à une telle tension ne peut, en tout état de cause, être totalement exclue. Les flux d’informations « convergentes » sur la vie au sein du « taudis » auront intuitivement vocation à être exploités, stylisés, formatés et optimisés au service de l’argument juridique par certains ; les flux d’informations « divergentes » auront, quant à eux, intuitivement vocation à être ignorés, écartés, nuancés au fil de l’argumentation juridique par d’autres. Le « fait social », « les circonstances de fait » aux prises avec le jeu des intentions, des luttes sociales deviennent eux-mêmes et, une nouvelle fois en toute logique, des enjeux de lutte à proprement parler dans le champ des usages et pratiques professionnelles. La lecture des phénomènes sociaux associés à la marginalité urbaine comme, par exemple, ceux de la « pauvreté », de la « vulnérabilité » devront nécessairement être considérés à travers le moule des intérêts associés à l’opération de catégorisation. Le principe coutumier d’ordre procédural consistant à établir les faits par la preuve, son régime procédural d’administration, ne trouve, en dehors de l’enceinte judiciaire, qu’un écho très lointain. « En sociétés », les représentations de la croissance urbaine marginale tendent, autrement dit, à circuler sans astreintes et tout particulièrement dans le cadre du discours juridique et des politiques de gouvernance locales. Il existerait même potentiellement, sous cet angle, de vue autant 330 LEFEBVRE Henri, Espace et politique, Paris, Anthropos, 1972, p.187. Citation originale: “Their identities, modes, forms, categories and types recombine in the gray matter of streets. City narratives are as a result, both evident and enigmatic. Knowing them is always experimental.», in Holston James, Spaces of insurgent Citizenship, extrait de Making the Invisible Visible: a Multicultural Planning History, Berkeley University of California Press, Leonie Sandercock, (ed.), 1998, p.37-56. 331 160 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 de représentations « exactes » et « authentiques » du contexte de réalisation du droit que de centres d’intérêts manifestés ou détectés. La question de l’éthique méthodologique point à l’horizon d’un éventail de discours mobilisant la prétention de scientificité, réclamant un pouvoir de représentation du réel. Deux exemples contribuent à assoir une telle observation quant au risque d’instrumentalisation des représentations de la croissance urbaine marginale en droit. Référons-nous tout d’abord au cas de la restitution du contexte urbain marginal de (non — ) réalisation du droit dans le cadre du montage et de la coordination de projets de développement local. Un projet intitulé « « L’expansionnisme juridique de voisinage à Mendoza’332est brièvement considéré à titre illustratif. L’objectif général du projet établi était de “répondre aux attentes citoyennes et aux besoins d’éducation civique, de création d’espaces pour le débat démocratique, d’enseignement général quant au fonctionnement des institutions et des organismes compétents auprès desquels la justice ou une assistance peuvent être requises”. Le même projet établissait comme situation de fait préalable à son exécution la série de points suivants : - “Différence claire dans l’accès des citoyens aux connaissances, entre ceux qui possèdent le savoir et ceux qui ne le possèdent pas ; - Apathie générale des populations vulnérables : absence de volonté quant à la défense de leurs droits et à l’exercice de leurs devoirs ; - Faiblesse des espaces vulnérables face aux détenteurs du pouvoir politique, légal ou financier - Intérêt limité de l’Etat quant aux besoins des citoyens et dans la promotion d’actions représentant une amélioration de leurs ‘styles de vie’ ; - L’ensemble des facteurs mentionnés contribuent à une société fragmentée incapable de considérer un projet social collectif.” L’objectif de fond poursuivi par tel ou tel projet peut paraître légitime en tous points. La sélection de l’information pertinente et la restitution du contexte social urbain marginal “justifiant” la proposition ou bien l’exécution du projet demeurent sujettes à plusieurs contraintes. Leur impact "Claudia Cedrón, Adriana Gamez, Mariana Montenegro y Lucía Temporini, “ Del derecho a los derechos" La experiencia del extensionismo juridico vecinal en Mendoza Argentina., El Agora: http://www.elagora.org.ar/site/documentos/Estudio-de-Caso-Extensionismo.pdf 332 161 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 n’est pour ainsi dire que rarement mis en cause ou mesuré. Le propos soutenu à travers cet exemple relève bien d’une mise sous tension de “la fabrique” du contexte urbain marginal. Une série de facteurs établis en amont comme en aval de l’opération de restitution du contexte d’étude et de réalisation du droit sont considérés. En amont du projet, un processus “d’enclicage” du “juriste-rédacteur” et plus généralement des “informateurs privilégiés” de toute une chaine de productions scientifique qui gravite dans l’environnement direct du projet “de terrain” doit nécessairement être envisagé. La restitution du contexte urbain marginal évoquée dans l’exemple ci-dessus comme un espace “délaissé”, “discriminatoire”, “désincarné”, s’effectue par le canal de certains réseaux, de groupes d’intérêts particuliers. Les organisations non gouvernementales, institutions publiques locales, associations et groupements d’habitants organisés en viennent, en réalité et au titre de “l’intérêt public”, à composer de manière permanente entre leur propre agenda privé et un agenda “institutionnel” qui correspond à celui d’un bailleur de fonds et plus généralement de l’ensemble des récepteurs de l’information “contextuelle”. L’information produite et divulguée dans ces circonstances répond directement, en ce sens, à un cahier des charges déterminé dans le cadre d’un concours d’accès à des fonds compétitifs. Les lignes directrices de l’accès à ces fonds sont elles-mêmes élaborées sur la base d’une stratégie politique de développement et d’une approche “de gouvernance internationale” des réalités locales. En aval du projet, les productions académiques sont souvent elles-mêmes “commanditées”. Elles constituent en d’autres termes une condition de la finalisation du projet, un témoignage de “sa pleine exécution”. En somme, la contrainte consistant à produire une information scientifique quant à l’impact, la portée éventuellement transformatrice du projet exécuté vient s’ajouter aux contraintes déjà existantes liées à la politique interne des universités, à des impératifs de rendement des enseignants-chercheurs, à des systèmes d’évaluations et d’indicateurs internes plus ou moins contraignants. En guise de synthèse, le biais instrumental ou finaliste ne semble pas pouvoir être écarté de prime abord. Où que l’on porte le regard quant aux méthodes d’interprétation du fait social urbain marginal, le doute plane. 333 333 GABEL, Peter et MICHAUT, F, Critical Legal Studies et la pratique juridique: la conception de la culture juridique et de la pratique du droit comme interventions culturelles, Droit et Société, 1997, vol. 36, p. 37-1997. 162 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Une seconde illustration quant à la sensibilité du dispositif de production des connaissances factuelles sur la croissance urbaine marginale des villes du Sud semble clairement perceptible au regard d’un questionnement juridique récent soulevé dans le sillon du développement des activités dites de “tourisme social”. Le cas des “favela tours”, conduisant des groupes de touristes à sillonner des circuits de découverte des favelas de Rio de Janeiro demeure largement emblématique de cette tendance334. Il semble aussi possible de relever la création d’une offre de volontariats internationaux, de bénévolats, de stages dans le contexte urbain marginal, moyennant une contribution financière des candidats au départ. Si, sur le fond et sans entrer dans le débat, le problème juridique s’échafaude sur la tension évidente entre la liberté d’entreprendre, une logique de marché, d’une part, les droits fondamentaux (notamment, la protection de la vie privée ou le droit à l'image des habitants), d’autre part, il est aisé d’apercevoir à quel point l’interprétation et la représentation du contexte urbain marginal constituent des étapes cruciales pour le développement de l’argument juridique. Dans le premier cas de figure, le contexte urbain marginal tend à être représenté comme un phénomène “extraordinaire”, extrême, risqué, dans le second cas de figure, comme un habitat, un espace urbain de vie quotidienne. Retenons, pour conclure sur ce point, que les biais ainsi balisés représentent autant d’écueils attachés aux représentations courantes du fait social en droit, et se présentent par extension, comme autant d’éléments perturbateurs au regard de l’étude et de la réalisation du droit en périphérie urbaine. Dans l’optique d’une approche méthodologique, il semblerait inconcevable de ne pas souligner la volatilité attachée à la production desdits “indicateurs sociaux” qui s’étend aux soubassements du discours juridique. La malléabilité des représentations du fait social invite a minima à mettre en doute nos paradigmes et présupposés de recherche. Dès lors que ces biais sont inévitables, qu’ils rejaillissent de manière constante sur le raisonnement et le travail juridiques, les nier ou les occulter renvoie inexorablement à une forme d’aveuglement. Les sublimer relève, à l’inverse, du renoncement à la scientificité du raisonnement juridique. Toute éventualité d’une connaissance “qualitative” de la croissance urbaine marginale au service de l’agir juridique serait rejetée. 334 ROLFES Manfred, Poverty tourism: theoretical reflections and empirical findings regarding an extraordinary form of tourism, GeoJournal, vol. 75, No. 5, 2010, p.421-442, ; MESCHKANK Julia, Investigations into slum tourism in Mumbai: poverty tourism and the tensions between different constructions of reality, GeoJournal, vol. 76, No. 1, 2011p, 47-62. 163 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Une issue possible dans de telles circonstances serait de se tourner vers des stratégies de gestion de tels biais, multiplier les techniques de contournement permettant, à terme, d’assouplir et de fluidifier la lecture des faits de marginalité urbaine. Cette mise en perspective et la distanciation nécessaire quant à la “mise en scène” sont propices au renouvellement des questionnements méthodologiques, à la recherche permanente d’une démarche “expérimentale” et à un changement des coordonnées 335 de la recherche en droit. Une telle démarche s’oppose par principe à toute mesure d’évitement, de simplification ou de compromission touchant à la représentation des faits sociaux comme contexte de réalisation du droit. Loin du mythe ou du roman anthropologique, l’enquête de terrain émerge dans ce contexte comme une approche raisonnée et stratégique en vue de rétroalimenter la connaissance du “fait social” en droit. Favorisant l’émergence d’une alternative des points de vue, assurant une vigilance méthodologique renforcée, le propos sur “l’enquête de terrain” évoqué s’inscrit au cœur d’une politique de recherche336. L’observation de terrain » se profile non pas seulement sous les traits d'une démarche critique. Elle émerge aussi comme une « science du contexte » à part entière. Section 2 Du terrain comme point d’observation des phénomènes représentatifs « à la source » : le discernement du glissement idéologique Christian Courtis définit les lignes directrices d’une « analyse idéologique du droit » — « Lineamientos de análisis ideológico del derecho 337 » —. La pertinence de cet axe de recherche en vue d’appréhender la pratique et la production discursive des acteurs du développement local semble assez capitale. L’idéologie s’y trouve classiquement appréhendée comme « une manière de voir, d’appréhender, d’interpréter, d’apprécier, de symboliser ou de produire du sens »338. L’approche retenue s’inscrit 335 PISARELLO GERARDO, Los derechos sociales y sus garantías: notas para una mirada "desde abajo", extrait de La protección judicial de los derechos sociales, Christian Courtis y Ramiro Avila Santamaria (eds.), Serie Justicia y derechos humanos, Neo-constitucionalismo y sociedad, 1ra edición, octubre 2009, p.31-55. 336 Olivier de Sardan Jean-Pierre, La politique du terrain, Enquête, n°1, 1995, mis en ligne le 10 juillet 2013, consulté le 08 avril 2014. URL : http://enquete.revues.org/263. Courtis Christian, Detras de la ley. Lineamientos de análisis ideológico del derecho, extrait de l’ouvrage, Observar la ley, ensayos sobre metodología de la investigación jurídica, Edición de Christian Courtis,Trotta, 2006 p.349-392. 337 Citation complète : « Au-delà de la portée variable assignée au terme [l’idéologie], il existe dans chacune des approches du terme [d’un côté à « l’approche classique ou neutre » et de l’autre à « l’approche critique ou négative »] une manière de voir, d’appréhender, d’interpréter, d’apprécier, de symboliser ou de produire du sens sur la réalité, le monde ou tout 338 164 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 dans la continuité de définitions classiques de l’idéologie comme « système global d’interprétation du monde historico-politique339 », manifestation du « particularisme des points de vue340 » ou encore comme : « Un système (possédant sa logique et sa rigueur propres) de représentation (images, mythes, idées ou concepts selon les cas) doué d’une existence et d’un rôle historiques au sein d’une société donnée. Sans entrer dans le problème des rapports d’une science à son passé (idéologique), disons que l’idéologie comme système de représentation se distingue de la science en ce que la fonction pratico sociale l’emporte en elle sur la fonction théorique (ou fonction de connaissance) » (L. Althusser, Pour Marx).341 Poursuivant avec la proposition centrale de Christian Courtis, la clé de lecture se trouve reproduite ci-dessous et reprise dans ses grandes lignes en guise de propos introductifs : « Indépendamment de la conception idéologique adoptée, l’analyse du droit sous le prisme idéologique peut être appliquée à différents objets ou niveaux de discours (…) Au moins trois d’entre eux doivent être signalés : les normes juridiques, le produit discursif des opérateurs du droit, comme les juges, procureurs et avocats — de manière paradigmatique, la jurisprudence — et le produit discursif des juristes — de manière paradigmatique, la dogmatique et la doctrine juridique —. Au-delà de la continuité entre ces différents niveaux de discours, il est possible de signaler certaines spécificités propres à chacun et pour lesquelles l’analyse idéologique gagne en pertinence. - Au regard des normes juridiques, les aspects pour lesquels l’analyse de la dimension idéologique semble la plus fertile (…) renvoient au contenu matériel des normes, à celui de du moins une partie de ceux-ci… » Courtis Christian, Detras de la ley. Lineamientos de análisis ideológico del derecho, extrait de l’ouvrage, Observar la ley, ensayos sobre metodología de la investigación jurídica, Edición de Christian Courtis, Trotta, 2006, p.350. 339 R. Aron, Trois essais sur l'âge industriel, Pion, 1966 Cité in : Joseph GABEL, « IDÉOLOGIE », Encyclopædia Universalis, consulté le 17 décembre 2013. 340 RICOEUR Paul, Science et idéologie, Revue philosophique de Louvain, 1974, vol. 72, no 14, p. 328-356. 341 Althusser L., Pour Marx, Maspero, 1966, p. 266, cité in : Caire Guy, « Idéologies du développement et développement de l'idéologie », Tiers-Monde. 1974, tome 15, n°57Cité in : Joseph GABEL, « IDÉOLOGIE », Encyclopædia Universalis, consulté le 17 décembre 2013. Joseph GABEL, « IDÉOLOGIE », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 17 décembre 2013. URL : http://www.universalis-edu.com.faraway.u-paris10.fr/encyclopedie/ideologie/ 165 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 la forme du droit — la forma del derecho — et des possibles déséquilibres entre les fins et l’efficacité des normes — Au regard de la production discursive des opérateurs du droit, et en particulier, de la jurisprudence ou du droit judiciaire, l’aspect central est celui de la construction des décisions quand intercèdent des espaces d’indétermination ou de choix discrétionnaire au vu de l’interprétation des normes que ces opérateurs sont appelés à appliquer. - Au regard de la dogmatique ou de la doctrine juridique, les aspects qui ressortent comme spécialement enclins à être lus à partir de leur dimension idéologique sont l’élaboration et la proposition de points de vue, de catégories et de “théories” destinées à systématiser, à interpréter et à opérer sur les normes, le travail de commentaire et d’analyse des normes et de la jurisprudence, et les propositions de création ou de modification des normes, c’est-àdire, les formulations de “lege feranda” de la dogmatique» 342. La trame idéologique des usages et pratiques du droit en société s’observe de manière largement transversale à la lecture de ce bref exposé. Ordre et science juridique, processus classiques de formation du droit — production de la norme juridique, jurisprudence et doctrine juridique —, de même que l’usage « légitime » de la contrainte sociale au sein des asentamientos urbains — le gouvernement par et avec le droit, l’État de droit » — apparaissent ici traversés par un même prisme. L’idéologie interfère avec le processus de formation des normes juridiques, imprègne leur interprétation et l’éventail des expressions jurisprudentielles — « l’idéologie normative des juges 343 » —. Le phénomène ressurgit, en Courtis Christian, Detras de la ley. Lineamientos de análisis ideológico del derecho, extrait de l’ouvrage, Observar la ley, ensayos sobre metodología de la investigación jurídica, Edición de Christian Courtis,Trotta, 2006 p.351-352. 342 343 Alf Ross: « A national law system is not only a vast multiplicity of norms, but it is at the same time subject to a continuous process of evolution. In each case, therefore, the judge has to thread his way through to the norm of conduct which he needs as the basis for his decision. If, in spite of all, prediction is possible, it must be because the mental process by which the judge decides to base is decision on one rule rather than another is not a capricious and arbitrary matter, varying from one judge to another, but a process determined by attitudes and concepts, a common normative ideology, present and active in the minds of judges when they act in their capacity as judges. It is true that we cannot observe directly what takes place in the mind of the judge, but it is possible to construct hypotheses concerning it, and their value can be tested simply by observing whether prediction based on them have come true.” Alf Ross, On law and justice, The law book exchange, Clark, New Jersey, 2004, p.75. Voir aussi: Riccardo GUASTINI, « Alf Ross : une théorie du droit et de la science juridique », in Paul AMSELEK (sous la dir.), Théorie du droit et science, Paris, PUF, 1994, p. 249.p. 264 cité in : CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, Alf Ross: droit et logique. Droit et société, 2002, no 1, p. 2942. 166 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’autres termes, sur toute une chaîne des pratiques décisionnelles, interprétatives ou argumentatives venant à conformer l’architecture centrale des usages et pratiques professionnels du droit. Plus fondamentalement encore l’idéologie représente une clé de lecture historique permettant d’aborder la formation, la diversification de même que l’entrée en concurrence des systèmes juridiques. Philippe Malaurie et Patrick Morvan qualifient sur un registre voisin le « droit objectif », de « droit politique » et notent en ce sens : « Le droit est lui-même le reflet et sous la dépendance des systèmes politiques, des idéologies et des principes fondateurs — moraux et philosophiques — de la société qu’il régit.344 ». Le discernement et l’analyse de cette résonnance des phénomènes idéologiques dans l’enceinte du droit apparaissent comme une problématique désormais classique et éventuellement fondatrice au regard de l’aspiration à la scientificité juridique. Son extension dans le champ de la représentation des faits de marginalité urbaine apparaît, une fois encore, en point d’étape logique au vu de l’entreprise de contextualisation. S’appuyant toujours sur le cas guayaquileño la rémanence du phénomène idéologique au regard de l’acte d’observation et de restitution des faits de marginalité urbaine sera envisagée à un double égard : - l’intersection, premièrement, avec des « idéologies du développement » (A) ; - l’intersection, deuxièmement, avec « l’idéologie humanitaire345 » (B). 344 Malaurie et Morvan, Introduction générale au droit, 3e édition, Defrénois-Lextenso éd, 2009, voir en particulier « Les droits subjectifs », Section III du Chapitre I (Le droit est un phénomène social et normatif), p.17 et suiv. Dans le même sens les professeures Frug et Baron partagen une intuition très claire“We offer this analysis tentatively, aware that it is too early to conclude definitively whether international local government law has an agenda-let alone a self-conscious agenda-for the world's cities. It may be that international local government law is better described as embracing a variety of contradictory (and inchoate) ideas regarding city life. It may even be that there are sufficient counter-examples to suggest that a different idea of the city-including an opposite one-animates international local government law. Frug et Barron (2006) ». L’expression consacrée est empruntée à Bernard Hours Hours, Bernard. L'idéologie humanitaire ou le spectacle de l'altérité perdue. L’Harmattan, 1998 ; du même auteur : Hours, Bernard. "L’idéologie humanitaire. Anthropophage de l’altérité." Journal des anthropologues. Association française des anthropologues 77-78 (1999): 277-284. 345 167 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 E) Les idéologies du développement « Les taudis sont les manifestations physiques et spatiales de la pauvreté urbaine et des inégalités intra-urbaines » (UN-Habitat, 2003) ». « Les Établissements informels désignent des établissements humains/voisinages où l’occupation du sol n’est pas conforme aux obligations afférentes au régime foncier, à la configuration (dans le sens de planification), à la construction, aux services (basiques) et/ou au régime fiscal. Il existe deux types d’établissements informels qui peuvent être distingués selon le type de développement entrepris 346 : le premier est la spéculation immobilière non autorisée -en général de terrains privés — où le sol fait l’objet de subdivisions illégales, en règle générale par les agents immobiliers informels, et vendus par lots. Le second type d’établissements informels est le squat de terrains publics ou privés. Dans la mesure où la terre a été illégalement occupée et que l’activité de construction a été menée indépendamment ou en violation des normes de développement de planification ou de constructions, les occupants des squats n’ont pas de droits347 ». « Plan d’action pour des villes sans taudis » (incorporé dans ses grandes lignes par la Déclaration des Nations Unies sur les objectifs du Millénaire [2000)348), « Déclaration sur les villes et autres établissements humains en ce nouveau millénaire349 », « Lignes directrices internationales sur la décentralisation et l’accès aux services de base pour tous (2009)350 » : la gouvernance internationale des villes produit et diffuse, à l’image du rouleau 346 Pour une approche de la définition proposant une typologie similaire voir OCDE: « Les établissements informels sont : 1. des zones où des groupements d’habitations ont été construit sans que les nouveaux occupants puisse en présenter le titre ou qu’ils occupent illégalement. 2. des implantations non planifiées où les conditions de logement ne répondent pas aux conditions réglementaires de planification et de construction urbaine (logement non autorisé) ». Texte original: ‘Informal settlements designate settlements/ neighbourhoods, where land occupation does not comply with tenure, layout, construction, services and or fiscal obligations. … Two main types of informal settlements can be distinguished depending on the type of development. The first is unauthorised commercial land development – usually on private land – where land is subdivided illegally, usually by informal developers, and sold as plots. The subdivision is illegal either because it violates zoning and planning regulations, or because the required permission for land subdivision has not been obtained. The second type of informal settlement is squatter settlements on public or private land. As the land has been illegally occupied and the building activity has taken place regardless of or in violation of development, planning and construction norms, occupants in squatter settlements have no rights.’ Extrait du rapport: ‘Monitoring security of tenure in cities’, UN HABITAT, GLTN, 2001. 347 349 Résolution S-25/2, Déclaration sur les villes et autres établissements humains en ce nouveau millénaire, 9 juin 2001. 350 Résolution 21/3 et Résolution 22/8. 168 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 compresseur, une norme internationale de croissance et d’habitabilité urbaine. La convocation et la production de l’élément factuel, de l’évènement, font partie intégrante du processus normatif. Les développements suivants interrogeront certains traits récurrents et caractéristiques de l’information factuelle produite et véhiculée au titre de la gouvernance internationale et régionale des villes. Les origines historiques du discours institutionnel sur « l’informalité », « l’illégalité », « la pauvreté », « les normes de développement, de planification et de construction » visant les principaux foyers de populations urbaines marginales d’Amérique latine351 sont recherchées à travers l’analyse du discours factuel produit dans le cadre d’un cluster d’institutions regroupant classiquement : - les institutions et bureaux régionaux issus du système des Nations-Unies — CEPAL, Programme régional UN-Habitat, etc. - et de l’Organisation des États d’Amérique (OEA)352, - les organismes de financement créés dans le cadre des accords de Bretton Woods et des actions engagées dans le sillon du consensus de Washington353 — Banque Mondiale, BID, CAF — ; - les représentations diplomatiques, les services consulaires, les chambres de commerce et d’industrie — associées la conduite des relations internationales — ; - le cercle des fondations privées354, des organisations non gouvernementales internationales, des églises 355 et, plus généralement, des institutions associées à la « société civile internationale’356et aux politiques dites de l’aide ou de la coopération au développement ; Pour une introduction générale : « Ville et pouvoirs » au cours en ligne proposé par l’Université colombienne d’Antioquia. Le professeur Oscar Calvo y présente dans une synthèse remarquable une série de problématiques historiques touchant à la gouvernance de la croissance urbaine régionale et à la constitution des classes urbaines populaires comme sujets politiques. Le résumé du cours est disponible en ligne : http://aprendeenlinea.udea.edu.co/lms/moodle/file.php/578/1_Programa_Ciudad_y_Poder_Maestria.pdf 351 La Commision économique pour l’Amérique latine et les caraïbes -Comisión Económica para América Latina y el Caribemise en place dans le cadre du Conseil Economique et social des Nations Unies ; Les organismes mis en place dans le cadre de l’Organisation des États Américains (OEA) dont le Conseil Interaméricain économique et sociale -Consejo Interamericano Económico y Social (CIEC)- créé en vue de la formation de personnel technique qualifié et de la coordination entre les universités et les programmes officiels de développement économique ainsi que le centre interaméricain d’expérimentation et de formation à la Vivienda-El Centro Interamericano de Experimentación y Adiestramiento en Vivienda-. 352 Cecilia Zanetta, The evolution of the World Bank’s urban lending in Latin America: from sites and services to municipal reform and beyond; Habitat International, n°25, 2001, p.513–533; Banco Interamericano de desarrollo (BID), Ecuador, Estrategia de País del BID, 20122017, Septiembre de 2012 http://idbdocs.iadb.org/wsdocs/getdocument.aspx?docnum=37889152 353 169 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - les entreprises multinationales dont la présence au sein des asentamientos urbains est directement liée à l’investissement international — marchés publics d’infrastructures et d’ouvrages publics, prestation de services publics, réseaux de transport, transferts de technologie, etc.-357 ; Le contexte institutionnel de production contextuelle se caractérise, assez communément, par le maintien d’organes décisionnels ou par le recours à des bailleurs symboliquement localisés au nord de l’échiquier géopolitique — indépendamment des politiques de décentralisation ou de déconcentration dont celles-ci font l’objet —, la zone « opérationnelle », « d’intervention » demeurant exclusivement attachée quant à elle aux pays du Sud. L’évolution des relations multilatérales instaurées dans le cadre de la politique étrangère des États-Unis — dans le sillon de la Charte de Punta Del Este et de l’Alliance pour le progrès (1961) tout particulièrement-358, mériterait de toute évidence une attention particulière sous cette optique359. Le contexte géopolitique dépeint à grands traits s’illustre ensuite à travers un resserrement concomitant des liens entre l’Université et les sphères de gouvernances engagées dans la poursuite de l’aide internationale et de la coopération technique au développement. L’émergence dans les 354 SANBORN, Cynthia, « filantropía en américa latina: tradiciones históricas y tendencias actuales, Filantropía y cambio social en América Latina », 2008, p. 25,; Bell, Peter D, The Ford Foundation as a Transnational Actor, International Organization, vol.25, n°3, 1971, p.465-478; GOIRAND, Camille, " Philanthropes" en concurrence dans les favelas de Rio, Critique internationale, 1999, vol. 4, no 1, p. 155-167 ; PETRAS, James, Imperialism and NGOs in Latin America, monthly review-New York-,vol. 49, 1997, p. 10-27. FITZGERALD, Deborah, Exporting American Agriculture: The Rockefeller Foundation in Mexico, 1943-53, Social Studies of Science, 1986, vol. 16, No. 3, p. 457-483. 355 ILLICH Ivan, Las sombras de la caridad, Cidoc informa, vol.4, n°3, febrero 1967; Rétif, André S.J, Los sacerdotes obreros franceses, Mensaje vol.1, n°14, 1952, p.562-566. 356 KALDOR Mary, ANHEIER Helmut, GLASIUS Marlies, et al., Global civil society, Cambridge, Polity, 2003; ARTS Bas, NOORTMANN Math, et REINALDA Bob, Non-state actors in international relations, Ashgate, 2001 ; L'émergence de la société civile internationale, vers la privatisation du droit international?: actes du colloque des 2-3 mars 2001, organisé sous les auspices de M. Hubert Vedrine, Ministre des Affaires étrangères, avec l'appui du Ministère des Affaires étrangères ; Éditions Pedone, 2003. 357 FREEMAN, Jody, Private Role in the Public Governance, The New-York University law review, vol. 75, 2000, p. 543. 358 TAFFET, Jeffrey, Foreign aid as foreign policy: the Alliance for Progress in Latin America, Routledge, 2011. 359 HARDOY, Jorge, International cooperation for human settlements, Latin American Research Review, 1982, p. 3-28; BENMERGUI, Leandro, The Alliance for Progress and housing policy in Rio de Janeiro and Buenos Aires in the 1960s, Urban History, 2009, vol. 36, No. 02, p. 303-326; BELL, Peter D, The Ford Foundation as a transnational actor, International Organization, 1971, vol. 25, No. 03, p. 465-478. 170 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 années 60 des centres de recherche sur l’Amérique latine en Europe360, le mouvement des « LatinAmerican studies » au sein des universités nord-américaines sont associés à la mise en place d’importants dispositifs institutionnels et financiers de recherche stratégique. Ils ont contribué à la production continue dudit « discours de gouvernance internationale sur la croissance urbaine marginale des villes du Sud ». Des rapports de force inversés en ce qui concerne la production scientifique et les politiques de recherche tendent à s’instaurer. Les budgets, les volumes de production et les spectres de diffusion de l’information « scientifique » issue des centres de recherche établis dans les pays du Nord dépassent historiquement et, dans une large mesure, ceux des universités locales. Le devenir des mythes factuels à l’échelle régionale apparaît intimement lié à l’exercice de ce pouvoir diffus — soft power361 — attaché à la production scientifique ayant pris pour objet d’étude les problématiques « transnationales » de développement urbain. « Être pour “l’autre” l’incarnation de la fiction a laissé une curieuse séquelle : beaucoup de Latino-Américains ont adopté ces images retouchées d’eux-mêmes, images retouchées par l’imagination ou l’aliénation religieuse et idéologique occidentale. Et au lieu de se confronter à leur propre réalité, ils l’ont recréée conformément à ces modèles et à ces mythes importés. »362 360 En ce sens, The report on the future of Latin American studies in the UK, Comité Universitaire, composé par Parry, Charles Boxer ou encore R.A Humphreys, The Parry report conduit à la création sur la fin des années 60 des départements d’études ou centre de recherche sur l’Amérique latine des Universités de Londres, Cambridge, Glasgow Liverpool et Cambridge. En France, dans le cadre de la revue Tiers-monde également lancée dans les années 60 sur l’initiative du gouvernement s’offre lors de sa création comme objectif avec l’aide de l'Institut d'Étude du Développement Économique et Social, « d'établir, et de proposer un ordre international de priorités dans les recherches indispensables concernant les relations entre pays placés à des degrés de développement différents ». Près de 1100 articles sur près de 40 ans faisant références aux villes du Tiers-Monde sont publiés. Renvoyons au texte de lancement de la revue, Laugier Henri, Préface, Tiers-Monde, tome 1, n°1-2, 1960, pp. 1-2. 361 NYE, Joseph S, Soft power: The means to success in world politics, Public Affairs, 2004. L’auteur introduit l’ouvrage: “What is soft power? It is the ability to get what you want through attraction rather than coercicion or payments. It arises from the attractiveness of a country’s culture, political ideals, and policies. When our policies are seen as legitimate in the eye of others, our sof power is enhanced… Seduction is always more effective thant coercicion, and many calues like democracy, human rights, and individual opportunities are deeply seductive. (Préface, p.x). 362 Vargas Llosa Mario et Bataillon Gilles, Rêve et réalité de l'Amérique latine, Problèmes d'Amérique latine, 2010/3 N° 77, p. 9-23. 171 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le fait urbain marginal serait-il l’un de ces « modèles » ou « mythes importés » évoqués par Mario Vargas LLosa et Gilles Bataillon363 ? La production scientifique régionale latino-américaine ne se résume bien évidemment pas, ni qualitativement ni quantitativement, aux transferts ou à l’importation de schémas ontologiques produits « dans le cadre » ou « au service » des doctrines développementalistes Européennes et Nord-Américaines. Les éléments factuels avancés par la doctrine urbaine ne peuvent, d’une manière similaire, s’expliquer à travers une simple assimilation mimétique et instantanée de schémas interprétatifs importés ou de catégories analytiques exogènes. Il semble notable, à l’inverse, que la sociologie urbaine et une certaine frange de la doctrine juridique latino-américaine 364 aient historiquement répondu à une demande d’information comparative et soutenu un dialogue transnational en vue de restituer aux yeux du monde occidental et à « flux constant » les traits dominants d’une croissance urbaine régionale réputée « hors-norme ». L’impact généralement lié à ces situations d’échanges et de transfert d’idées, à ce rôle d’interface, est généralement source d'interrogation365. Le courant de décolonialisation des épistèmes est porteur d’enseignements sur ce registre366. Le fil de cette approche critique signale la vitalité d’un débat interuniversitaire Sud-Sud. Face à la nécessité d’informer, d’analyser et de penser la réalisation du droit dans le contexte urbain marginal certaines réserves sont émises. Les discours académiques sur le rapport de la 363 Wanda de Lemos Capeller observe sur ce registre : "Du point de vue des cultures dominées, une telle ethnocentrie épistémologique a été à l'origine d'un processus de pulvérisation des cultures autochtones, et du développement d'un certain "mimétisme culturel" témoignant parfois d'une acculturation ou d'une simple reproduction d'idées. Ici, un certain manichéisme, un véritable impérialisme culturel s'impose: seules considérées comme "légitimes" les productions scientifiques du monde central » in : de Lemos Capeller Wanda. « Un regard différent : l'Amérique latine, les juristes et la sociologie », Droit et société, n°22, 1992. Transformations de l’État et changements juridiques : l'exemple de l'Amérique latine. pp. 363-373. Voir dans le sens d’une revue de la production sociologique urbaine contemporaine en Amerique latine: Schteingart M., La investigación urbana en América Latina, Papeles de población, enero-marzo, número 23, Universidad Autónoma del Estado de México, 2000, p.9-27; dans le cas de l’Equateur voir également: Carrion Fernando, La investigación urbana en el Ecuador, Revista Investigación Universitaria No. 2 CONUEP Quito, Septiembre 1989. 364 365 CARRIÓN MENA Fernando, La investigación urbana en América Latina. Caminos recorridos y por recorrer, Ed. José Luis Coraggio, Ciudad, Quito, Volume 3, 1990, 137-174. 366 Ramón Grosfoguel, « Para descolonizar os estudos de economia política e os estudos pós-coloniais : Transmodernidade, pensamento de fronteira e colonialidade global », Revista Crítica de Ciências Sociais [Online], 80 | 2008, posto online no dia 01 Outubro 2012, consultado o 30 Janeiro 2013; Acemoglu, Daron, Simon Johnson, and James A. Robinson. The colonial origins of comparative development: An empirical investigation. No. w7771. National bureau of economic research, 2000 ; Quijano, Aníbal. Colonialidad del poder, eurocentrismo y América Latina. (2000). 172 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 marginalité urbaine à la construction démocratique367, font eux-mêmes et par exemple l’objet d’une attention critique particulière, un travail collectif d’introspection368. Le rôle « proactif » des doctrines et milieux académiques « locaux » ou « nationaux » au regard de la formation et de la diffusion d’un discours sur le droit, sur le « non-droit » et « l’informel » dans le contexte urbain marginal transparaît clairement à son issue. Dans cette ligne de recherche, une frange de la doctrine équatorienne en sciences politiques met directement en cause un important volume d’information scientifique relevant, pour reprendre l’expression de Pablo Andrade, d’une authentique « littérature de la crise » 369 . Le corpus visé contribue à maintenir un certain nombre de représentations stratifiées des usages et pratiques du droit. Parmi ces dernières, le présupposé du non-droit et de l’informel occupe une place significative. Franklin Ramirez Gallegos dénonce, dans un même sens, l’existence d’un tableau monocorde de la construction démocratique équatorienne. L’auteur se réfère, en lieu et place du débat critique sur la construction démocratique et identitaire, à l’image d’un « trou noir » — agujero negro370 —. La critique de visions « dominantes » de la culture politique équatorienne systématiquement présentée en termes de carences, d’enclaves institutionnelles, d’archaïsmes, de déficits de représentation et de participation, de ruptures caractérisées de l’état de droit s’avère symptomatique. De tels discours normatifs situent scientifiquement — et a fortiori sur le plan des enseignements du droit — la culture politique et juridique locale au niveau d’une friche permanente. La vision téléologique et moderniste du projet politique asphyxie la lecture critique des phénomènes sociaux — développement et réalisation du droit inclus — dans le contexte urbain marginal équatorien. 367 A titre illustratif LARREA, Tatiana, ¿En qué pensamos los ecuatorianos al hablar de democracia?, Quito, Corporación Participación Ciudadana, 2007. 368 Dans un parallèle sur le registre du droit comparé: Goirand Camille, Citizenship and poverty in Brazil, Latin American perspectives, 2003, volume 30, p.226. L’auteure évoque dans le contexte brésilien : “The question of the relation between poverty and citizenship is relevant in Brazil today because the consolidation of the New Republic implied at least two components of political integration: recognition of the poor as fully fledged citizens and legitimation of this new political system in the opinion of these same poor. In particular, the exclusions created by the economic and social changes of the 1980s and 1990s and the ubiquity of undemocratic practices such as patronage call into question the reality of the democratization of Brazilian political life.” SEGAL, Silvia, DOYHAMBOURE, Uxoa, et BARAHONA, Oscar, Marginalidad espacial, Estado y ciudadanía, Revista Mexicana de Sociología, 1981, p. 1547-1577. 369 ANDRADE, Pablo, El imaginario democrático en el Ecuador, Ecuador Debate, 1999, vol. 47, p. 259. 173 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Burbano de Lara Felipe propose à titre d’illustration implicite de cette propension au culte du vide ou du chaos, une synthèse des points de crispation accompagnant le débat sur la construction démocratique équatorienne. L’auteur relève en introduction d’une anthologie intitulée « Démocratie, gouvernabilité et culture politique » publiée par la « Facultad Latinoamericana de ciencias sociales » (FLACSO) pour le moins une quinzaine de travers affectant la démocratie équatorienne : « La démocratie en Équateur apparaît comme problématisée dans ses relations au conflit (…), au populisme (…), à la citoyenneté (…), à une modernité absente ou précaire (…) ; au régime des partis — “la partidocratie” — (…) ; à la gouvernance et la pauvreté (…), au le système politique (…) ; et à la culture politique. En plus de cet ensemble de thématiques diverses et émergentes, il existe des préoccupations relativement partagées. L’absence de citoyenneté, la faiblesse des institutions démocratiques, la crise de la représentation du système politique et des partis, la gouvernabilité et le clientélisme sont des problèmes qui traversent la réflexion des auteurs apportant à cette anthologie »371. La synthèse proposée évoque de toute évidence un débat doctrinal arrivé à maturité aux abords de l’étude de la culture politique et juridique équatorienne. Il parait tout aussi évident en revanche et en guise de remarque conclusive que le présupposé du « non-droit » et de « l’informel » s’en trouve, de manière transversale et sous-jacente, alimenté à flux constant. Corrélativement et approfondissant l’analyse dans cette direction, il semble utile ensuite et ouvrant une brève parenthèse, de marcher sur les pas de l’analyse des « voyages du droit372 » et des vecteurs de transferts informationnels. L’influence historique des convoyeurs d’idées sur les processus locaux de formation et de développement du droit est mise en relief373. La production Franklin Ramírez Gallegos RAMÍREZ, “Explorando en un agujero negro, Apuntes para una crítica de las visiones dominantes sobre cultura política en el Ecuador”, Revista ICONOS, 1999, vol. 7. 370 371 Burbano de Lara Felipe, Democracia, cultura política y gobernabilidad -los estudios políticos en los años noventa-, extrait de Antologia, Democracia, gobernabilidad y cultura politica, Felipe Burbano de Lara compilador, Flacso, Sede Ecuador, Quito, 2003, p.13. 372 Rouland, Norbert, Introduction historique au droit, Les Transferts de droit (Chapitre 1), P.U.F, 1998 ; p.415 et suiv. 373 Norbert Rouland, se référant lui-même sur ce thème aux travaux de Jacques Vanderlinden, évoque principalement d’un point de vue historique le rôle de transfert des marchands, des militaires et des administrateurs à l’époque coloniale. Idem. 174 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’images quant à l’état de réalisation du droit dans le contexte urbain marginal transite et s’intensifie à travers le discours de ces agents de transfert. Ces derniers mobilisent, sur une base plus ou moins régulière et explicite, plus ou moins consciente, un discours factuel « autoréférencé ». Le diagnostic des situations de droit ou « d’informalité » au sein des asentamientos urbains procède, autrement dit, d’une grammaire d’interprétation factuelle allogène 374 . Un fond d’informations, de références, en somme une base interprétative ou un « bagage juridique » individuels, est sollicité en vue d’apprécier la juridicité urbaine marginale sous un angle factuel. Cette boîte à outils du voyageur professionnel présente, au regard du droit local, un degré certain d’extranéité. Ces « bâtisseurs » fortuits du discours factuel de gouvernance internationale pourront être alternativement recherchés dans les rangs : - des « experts » et consultants juridiques, des fonctionnaires en mission pour le compte d’organismes internationaux ou régionaux de développement ou de coopération voire d’universités et de centre de recherche étrangers375 ; - des juristes travaillant dans le cadre d’organisations de la société civile et notamment des organisations non gouvernementales internationales, des églises, des trusts et des fondations privées internationales ; - des juristes et avocats d’affaires — « corporate lawyers » — dont le travail est sollicité par des entreprises publiques et privées étrangères. Ces derniers interviennent principalement dans le contexte urbain marginal au titre de la poursuite d’investissements internationaux et par l’intermédiaire des marchés publics d’infrastructure et de la fourniture de services publics de base376 ; 374 En ce sens, Brahim BELAADI, Analyse critique de quelques approches des bidonvilles, El-Tawassol n°26 / Juin 2010. Voir en ce sens et par exemple dans le contexte équatorien le Programme gouvernemental Prometeo: “Le projet Prometeo est une initiative du gouvernement équatorien qui cherche à renforcer la recherche, l’enseignement et le transfert de connaissance sur des thèmes spécialisés, à travers la formation d’un lien entre les chercheurs étrangers et équatoriens résidents à l’extérieur. Il est dirigé aux universités, écolos polytechniques, instituts politiques de recherche et autres instituions publiques ou cofinancées qui requièrent une assistance dans le développement de projets de recherche sur des secteurs prioritaires. » ; http://prometeo.educacionsuperior.gob.ec/que-es-prometeo/ 375 376 Dans le cas de Guayaquil, renvoyons ici à une recherche effectuée sur les modalités de fourniture des services d’approvisionnement en eau potable et de récupération des eaux usées et notamment la concession opérée aux consortiums internationaux (Interagua) : Emily Joiner, Aguita amarilla, « Una mirada al perpetuo laberinto del agua potable y saneamiento en Guayaquil », Guayaquil, Movimiento Mi cometa, 2006. 175 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - des juristes volontaires et bénévoles internationaux. L’incidence des voyageurs professionnels peut être considérée comme significative au regard de la formation et de la circulation de l’information factuelle à un double égard : - à un premier égard, ces agents acquièrent eux-mêmes un rôle plus ou moins protagonique d’acteurs locaux aux abords du contexte urbain marginal. Le transfert du « bloc informationnel » s’effectue de manière consciente. Les « options catégoriques » de l’informel, de l’illégal, de la pauvreté et de la vulnérabilité sont alors socialisées sans intermédiaires. Le cycle de dissémination est amorcé in situ. C’est aussi de manière plus inconsciente et du seul fait d’un simple « habitus 377 » de juriste ou de citadin que le lien entre des situations de vie courante dans le contexte urbain marginal et des situations perçues comme factuelles s’établit. Concepts et idéologies de l’espace urbain marginal voyagent au gré des dialogues entre cultures urbaines et juridiques d’une manière beaucoup plus immédiates que les argumentaires et les démonstrations qui les alimentent. - À un second égard, les voyageurs professionnels endossent un rôle de témoins avisés et pour ainsi dire de rapporteurs privilégiés des phénomènes sociojuridiques géographiquement et culturellement distants — fonction ethnosociologique des voyageurs du droit —. Ils contribuent à la formation, au sein d’un « port d’attache », d’un cercle socioprofessionnel, d’une institution, de cercles de lecteurs plus ou moins larges, d’une lecture du paysage urbain et juridique étranger. Ils livrent une représentation écrite ou orale de l’état de réalisation du droit au sein des asentamientos urbains. Le quorum d’objecteurs éventuels à l’observation Deux courts énoncés de Pierre Bourdieu en vue de situer la perception possible d’un habitus des juristes et éventuellement du citadin. Premier énoncé : « L'habitus, comme système de dispositions à la pratique, est un fondement objectif de conduites régulières, donc de la régularité des conduites, et si l'on peut prévoir les pratiques (ici la sanction associée à une certaine transgression), c'est que l'habitus est ce qui fait que les agents qui en sont dotés se comporteront d'une certaine manière dans certaines circonstances. Cela dit, cette tendance à agir d'une manière régulière qui, lorsque le principe en est explicitement constitué, peut servir de base à une prévision (équivalent savant des anticipations pratiques de l'expérience ordinaire), ne trouve pas son principe dans une règle ou une loi explicite. C'est ce qui fait que les conduites engendrées par l'habitus n'ont pas la belle régularité des conduites déduites d'un principe législatif : l'habitus a partie liée avec le flou et le vague » extrait de BOURDIEU, Pierre, « Habitus, code et codification », Actes de la recherche en sciences sociales, 1986, vol. 64, no 1, p. 40. Second énoncé :« C'est l'habitus qui vient combler les vides de la règle et, aussi bien dans les situations ordinaires de l'existence bureaucratique que dans les occasions extraordinaires qu'offrent aux pulsions sociales les institutions totales (comme le camp de concentration), les agents peuvent s'emparer, pour le meilleur ou pour le pire, des marges de liberté laissées à leur action, et transformer la position de supériorité -même tout à fait infime et provisoire, comme celle du guichetier- que leur donne leur fonction, pour exprimer les pulsions socialement constituées de leur habitus. » extrait de BOURDIEU, Pierre, « Droit et passe-droit », Actes de la recherche en sciences sociales, 1990, vol. 81, no 1, p. 88. 377 176 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 anthropologique du fait urbain marginal de la lointaine ville du Sud demeure, en règle générale, limité. Il semble dès lors et de facto possible d’anticiper un certain pouvoir de mobilisation sur les imaginaires collectifs et les sociologies locales. Le regard sur le fait urbain marginal a naturellement tendance, dans cette mesure, à sédimenter. Nombre de juristes ne font dès lors et par la suite que s’engager sur un pont bâti par d’autres, une qualification « préfabriquée ». À Guayaquil, le flux des visiteurs professionnels au fil ininterrompu des projets, des missions, des expertises et plus généralement de la structuration de la société civile et des programmes de coopération au développement s’est en partie normalisé378. La corporation Hogar de Cristo évoquée en amont aura reçu à titre illustratif dans le contexte de Monte Sinaï près de 40 volontaires internationaux professionnels sur l’année 2012 pour une période d’un à deux ans 379 . L’organisation travaille en outre sur une base régulière avec un réseau d’organisations relais nationales dont la mission institutionnelle est elle-même de coordonner le recrutement et l’envoi de volontaires internationaux380. Si en pratique l’afflux des juristes par cette voie est pour ainsi dire inexistant, chacun de ces voyageurs professionnels est bien porteur d’une culture juridique allogène. Les points de rencontre et de microtransferts entre cultures juridiques et urbaines se multiplient. La question de l’empreinte de ces dialogues, la rémanence de fragments idéologiques demeure de toute évidence difficilement évaluable sur une période de temps élargie. Symptômes persistants du décalage horaire et difficulté réprimée de traduction factuelle jouent de même sur la représentation des faits de marginalité urbaine à l’heure du retour. Le prisme idéologique tend, dans ce cas de figure, à combler les vides de la mise en récit. Refermant la parenthèse la question de la substance idéologique ne demeure ni explicite ni univoque quand bien même le parti sera pris de limiter le propos à l’analyse des discours factuels « officiels » — tel qu’ils ressortent exclusivement des stratégies de communication publique et de « l’exposé des motifs » de gouvernance —. La mention récurrente selon laquelle « les propos rapportés et Pour une approche statistique des flux migratoires de professionnels, d’étudiants et de volontaires internationaux en Équateur: Anuario de estadísticas de entradas y salidas internacionales 2012; http://www.ecuadorencifras.gob.ec/documentos/web-inec/Publicaciones/Migracion/2012/Anuario%20ESI_2012.pdf 378 379 Hogar de Cristo, En el corazon de la esperanza, Memoria Institucional, 2012. 380 Pour la France, organismes agréés de solidarité internationale : Délégation catholique pour la coopération (DCC), France Volontaires, Service de Coopération au Développement. 177 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 les avis formulés par les auteurs n’engagent pas le discours officiel des institutions (…)381 » ne fait que renforcer cette ambigüité latente. L’expression « apprendre à lire entre les lignes » prend, en somme, toute sa dimension dans ce contexte analytique de mise au jour du prisme idéologique. Les multiples déclinaisons du discours de gouvernance portant sur les phénomènes de « participation publique », d’« empowerment » apparaissent particulièrement illustratives sur ce registre 382 . Le discours factuel fleurissant dans le sillon de la gouvernance internationale et régionale des asentamientos demeure en somme largement protéiforme. La diversité des teintes discursives d’un contexte institutionnel à un autre, voire même au sein d’une seule et unique organisation, complique le décryptage idéologique383. Une fois formulée cette réserve, le propos suivant met en évidence certaines consonances idéologiques du discours factuel de gouvernance internationale de la ville, à l’instar du volet le plus critique du mouvement doctrinal « Law and Development384 » — plus spécifiquement du corpus des études sur 381 Clause type utilisée dans le cadre de la BID: "L'information et les opinions qui se présentent dans cette publication sont exclusivement ceux de leurs auteurs et n'expriment ni impliquent l'aval de la Banque Interaméricaine de Développement, son directeur exécutif ni les pays qu’ils représentent. (Enero 2010). 382 COOKE Bill et KOTHARI Uma, Participation: The new tyranny?, Zed Books, 2001 ; CORNWALL Andrea et BROCK Karen, “Beyond Buzzwords" poverty Reduction"," participation" and" empowerment"” in Development Policy, UNRISD overarching concerns- Paper, 2005 ; DE LA JARA Felipe, “Participación ciudadana institucionalizada: análisis de los marcos legales de la participación en América Latina, La disputa por la construcción democrática en América Latina”, Fondo de Cultura Económica, 2006, p. 367-398. JOUVE Bernard, Éditorial, « L'empowerment: entre mythe et réalités, entre espoir et désenchantement », Géographie, économie, société, 2006, vol. 8, no 1, p. 5-15 ; CALVÈS, Anne-Emmanuèle, «Empowerment»: généalogie d'un concept clé du discours contemporain sur le développement », Revue Tiers Monde, 2009, no 4, p. 735-749. L’analyse de la variabilité intra-institutionnelle des discours de ‘non-droit’ est mise entre parenthèses à ce point du raisonnement. Le propos se limite au discours institutionnel ‘officiel’ et tel qu’il ressort d’une analyse conventionnelle des stratégies de communication publique et de ‘l’exposé des motifs’ de gouvernance. Dans le sens d’une variabilité intra-institutionnelle des discours de gouvernance internationale: CHRISTIANSEN, Thomas, « Intra-institutional politics and inter-institutional relations in the EU: towards coherent governance? », Journal of European Public Policy, vol. 8, no 5, 2001, p. 747-769. 383 DAVIS Kevin et TREBILCOCK, “The relationship between law and development: optimists versus skeptics”, American Journal of Comparative Law, 2008, vol. 56, n° 4, p. 895-946; TRUBEK, David M, “Toward a social theory of law: an essay on the study of law and development”. The Yale Law Journal, 1972, vol. 82, No. 1, p. 1-50; pour un positionnement critique de reference: David Trubek and Marc Galanter, “Scholars in Self-Estrangement: Some Reflections on the Crisis in Law and Development Studies in the United States”, Wisconsin Law Review, vol.4, 1974, p. 1062–1102. 384 178 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 l’Amérique latine385 — . Le postulat d’une continuité historique du présupposé développementaliste est avancé. La représentation factuelle quant à l’état du droit sert ici la mise en concurrence des modèles de développement du droit. - Le premier volet de l’analyse renverra à l’observation du discrédit et à la critique systématique des systèmes juridiques locaux et nationaux — « the failure of law386 » — . Le récit institutionnel et académique d’un « sous-développement du droit » est reconstitué387. La mobilisation du spectre factuel d’un vide juridique, la convocation des idéaux types du « non-droit » ou de « l’informel’388, servent, sous cet angle, la mise en évidence d’un décalage structurel, « factuel » entre deux mondes, deux états présumés de développement du droit389. Louis Assier-Andrieu évoque sur un registre similaire l’usage du « paradigme d’ignorance du droit »390. (1). - Le second volet d’analyse, matériellement indissociable du premier — car il en constitue le mobile principal, son » amorce » — rend compte d’une logique de substitution et de sublimation JÚNIOR, João Feres Histoire du concept d’Amérique latine aux États-Unis, l’Harmattan, collection Recherches Amériques latines, 2010 ; EAKIN Marshall C. et DE ALMEIDA, Envisioning Brazil, A guide to Brazilian Studies in the United States, University of Wisconsin Press, 2005, p.363. 385 Esquirol Jorge, “The Failed Law of Latin America”, The American Journal of Comparative Law, volume 58, Winter 2008, p.75. 386 Jorge Esquirol note dans un même sens : « L’échec du droit latino-américain renvoie principalement à un discours en vue de faciliter le réformisme légal. L’échec du droit latino-américain déni toute valeur au droit existant dans l’ensemble de la région. » ; Esquirol Jorge, « Continuing Fictions of Latin American Law », Florida Law review, volume 55, January 2003, p.41. « Law in Latin America is routinely the target of systemic criticism by U.S. commentators. In addition, internationalizing reforms may actually undermine the general goal of expanding democratic participation. Distancing the operation of law from local reach is likely to reinforce the very anomalies already perceived in the region. In this light, we should reexamine our settled understandings of "Latin American law" and the latter's widely-noted limitations. (...) As a result, no amount of simple law reform can undo such a constant and irrepressible image of failure. Viewed this way, Latin America's failed law is principally a discourse facilitating legal change. It also denies much of any value to existing law anywhere in the región.” 387 Emile Durkheim théorise l’idéal-type comme outil méthodologique… « vise à appréhender rationnellement des faits en distinguant des éléments essentiels et des éléments contingents en vue d’une démonstration scientifique… » E. Durkheim, Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF, 1937 ; Quabridge, 1987 p.31 et s. cité in Véronique ChampeilDesplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, p.240. 388 389 SHAPIRO, Martin, « The globalization of law », Indiana Journal of Global Legal Studies, 1993, p. 37-64; André-Jean Arnaud, « De la régulation par le droit à l'heure de la globalisation, Quelques observations critiques », Droit et Société, n°35, 1997, p.11-35. ASSIER-ANDRIEU Louis, « L’Anthropologie et la modernité du droit » Anthropologie et sociétés, 1989, vol. 13, no 1, p. 28. 390 179 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 factuelle de l’état de droit. Ce volet renvoie à la promotion d’un système juridique alternatif, « curatif » face à l’état présumé de « non-droit » dans le contexte urbain marginal. Il s’accompagne, matériellement, par la mise en place d’une dynamique de transfert — académique, financière, stratégique, etc. — des cadres ontologiques établis dans le cadre de la doctrine diplomatique européenne et nord-américaine. C’est l’empire postcolonial de la règle ou de l’Etat de droit — the rule of law doctrine — qui se dessine391 (2). 5) Chroniques d’une impasse sur la juridicité locale. Inventorier le flot d’écueils et d’inconsistances attachés au constat factuel d’un retrait du droit dans le contexte urbain marginal apparaît de prime abord comme une tâche bien hasardeuse. Quand bien même cela constituerait une possible intention de recherche à l’échelle d’une localité déterminée comme Guayaquil, la tache se révèle matériellement difficile compte tenu du volume des rapports d’expertise, des diagnostics et des recommandations pointant vers le « non-droit » ou faisant de « l’informel » un présupposé analytique de départ. La tache se révèle de même hasardeuse eu égard à la diversité des problématiques abordées et des institutions intervenantes. Politiques du logement social 392 , accès à la justice et offre d’assistance juridique 393 , participation et démocratie UPHAM Frank, “Mythmaking in the Rule of Law orthodoxy, Rule of Law Series”, Democracy and Rule of Law Project, Carnegie Working Papers, September 2002; Carothers Thomas, “The Rule of law revival”, The foreign affairs, 1998, vol. 77, p. 95; Carothers Thomas et Barndt William, “Civil society”, foreign policy, 1999, p. 18-29; Tamanaha Brian, “On the rule of law: history, politics, theory”, 2004, vol. 1; Hoff Karla et Stiglitz Joseph; “Exiting a lawless state”, The economic journal, 2008, vol. 118, no 531, p. 1474-1497; Kennedy Duncan, “Two globalizations of law and legal thought: 1850-1968”, Suffolk University Law revue, 2002, vol. 36, p. 631; Davis Kevin et Trebilcock Michael, “What role do legal institutions play in development?”, University of Toronto, 1999; Yves Dezalay , Bryant G. Garth (Eds.), Global Prescriptions: The Production, Exportation, and Importation Of A New Legal Orthodoxy, 2002; Fogelklou Anders, P”rinciples of Rule of Law and Legal Development”, extrait de Alfredsson Gudmundur, Legal assistance to developing countries: Swedish perspectives on the rule of law, Per Sevastik, Martinus Nijhoff Publishers (éds.), 1997, p.32-59 ; Kennedy David, "Laws and developments", The 'rule of law' as development, Chapitre 2 de l'ouvrage, Law and Development: facing complexity in the 21 st century, Essays in honour of Peter Slinn, John Hatchard and AManda Perry-Kessaris (éds.), 2003, p1.17 391 392 Andrés M. Jarrin, Francisco Valdivieso, Letty Chang, Ines Mencias, Hernan Hidalgo, Silvia Amendariz, Perfil del sector de la vivienda en Ecuador, Onu-Habitat, Abril 2012, version final revisada, p.163-164 (non publiée à notre connaissance). Reproduisons à titre illustratif la série d’écueils et de problème associés à la politique du logement en Équateur que le rapport souligne : « La participation du secteur municipal ainsi que celle des organismes de service public aux politiques du logement n’a pas été instrumentée juridiquement (…). Les instruments légaux existants comme les ordonnances et les autres normatives ne sont pas parvenues à s’adapter à la structure de ces lois 392. Nous comprenons que cette situation prendra plusieurs années à se perfectionner et à être assimilée à travers de nouvelles ordonnances qui devront être mis en œuvre par les municipalités afin que l’esprit desdites lois puisse être honoré et exécuté. »§. 1 ; Manque d’agilité et défaut de modernisation des procédures applicables en vue de la réalisation des démarches de régularisation des terres. Les démarches de légalisation et de régularisation dans la plupart des cas d’informalité non légalisés nécessitent un investissement financier élevé, des durées d’attente significative entre autre défis liés l’incertitude et du caractère discrétionnaire (…) de chaque ville ou municipalité (…) §. 2 ; Manque de politiques publiques au niveau national et local quant aux démarches à entreprendre en vue de la mise en œuvre de programmes de logements et de services basiques lesquels empêchent de dynamiser le marché immobilier formel et ‘informel’. (§. 3) ; Absence de banques foncières (§. 4) ; Hausse des impôts, des tarifs et des redevances et absence de règlements pour certaines 180 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 locale, conditions de travail, accès à l’eau et aux services basiques, état des libertés publiques, de la santé, de l’éducation, des régimes de propriété foncière394 : chacune de ces thématiques classiques de la gouvernance internationale de la croissance urbaine marginale s’articule avec un volet juridique distinct. L’idée est donc plutôt, en lieu et place du catalogage, de maintenir un questionnement ouvert et de détecter, d’un point de vue critique, certains traits récurrents des discours « d’expertise » portés depuis la gouvernance régionale sur le gouvernement de l’espace urbain marginal395. Il s’agit de même, et encore, de prêter une attention particulière à ce que Cass Sunstein désigne comme la fonction expressive du droit — The expressive function of law —. L’auteur observe dans le sens de cette dimension « communicationnelle » du recours à la norme juridique : « Il ne peut y avoir de doute, le droit, comme l’action en général, a une fonction expressive. Certaines personnes font ce qu’ils font essentiellement du fait du message porté lois.(§. 5) ; Cout des transferts de propriété élevés, variations élevées des tarifs notariaux (§. 6) ; Insuffisance des exonérations d’impôts de droits notariaux et de registres d’inscription des titres de propriété au profit des programme de logement social et des citoyens à bas revenu tel que prévu par la loi (§. 7) ; Imposition de la plus-value immobilière en hausse (§. 8) ; Législation embryonnaire en matière de location (§. 9) ». 393 OWEN et PORTILLO, Legal reform, externalities and economic development: measuring the impact of legal aid on poor women in Ecuador, Stanford Institute for Economic Policy Research, n°2-32, 2003;; Marcela Rodríguez, Empowering Women An Assessment of Legal Aid Under Ecuador’s Judicial Reform Project, World Bank 2000. Reproduisons un extrait symptomatique : “En Amérique latine, le système judiciaire est trop distant, encombrant, couteux, cher et lent pour les pauvres et vulnérables pour ne serait-ce que tenter d’y accéder. Et si ces derniers parviennent à trouver un accès judiciaire, les preuves disponibles pointent souvent à des discriminations sévères et systématiques. (…) beaucoup a été dit et écrit récemment concernant la règle de droit. À cette large quantité de discours je souhaiterais ajouter la regrettable observation qu’à certains moments l’état de droit (ou quoi qu’il en soit la rhétorique de l’Etat de droit) a été employé au service d’idéologies autoritaires. Très tôt, dans des pays déchirés par de sévères inégalités comme le sont tant de pays d’Amérique latine les pratiques associées au droit n’étaient pas utilisées au service de l’équité, mais plutôt pour renforcé les inégalités radicales et les multiples maux sociaux qui leurs sont associés 393» Traduction de l’anglais, O'DONNELL Guillermo, Why the rule of law matters, Journal of Democracy, 2004, vol. 15, no 4, p. 32-46 ; du même auteur: Polyarchies and the (un) rule of law in Latin America. Instituto Juan March de Estudios e Investigaciones, 1998. Sur le registre d’une absence de gouvernance adéquate de la propriété foncière dans le contexte urbain marginal, Hernando de Soto avance dans des hypothèses de travail devenues classiques « la difficulté des ‘informels’ à profiter de leurs ressources et à les préserver » ; « l’impossibilité de transmettre leur propriété, de l'utiliser pour en tirer une plus grande valeur et de l'hypothéquer », de même que « l’incapacité de leurs organisations à dépasser leur caractère extralégal». L’Autre sentier, p.25. 394 Entendons classiquement le concept de ‘gouvernement’ comme la capacité respective des autorités locales et des administrations de l’État à « mettre en œuvre de manière autonome, du fait de leur initiative, des dispositifs d’action publique » contribuant à la régulation de la vie sociale dans le contexte urbain marginal Sur l’usage des concepts de gouvernance urbaine et de gouvernement urbain voir : Payre Renaud, Ordre politique et gouvernement urbain, mémoire d’habilitation à diriger les recherches, Université de Lyon, 9 juin 2008; Le Gales Patrick. Du gouvernement des villes à la gouvernance urbaine. In: Revue française de science politique, 45e année, n°1, 1995. pp. 57-95. 395 181 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 par l’acte : il en est de même pour ceux qui cherchent à introduire des changements, à faire évoluer le droit. De nombreux débats quant au contenu approprié du droit sont en réalité des débats portant sur le message, l’énoncé que fait la loi, indépendamment de ses conséquences (directes). J’ai suggéré que la fonction expressive du droit a dans une large mesure à voir avec les effets du droit sur les normes sociales prédominantes. L’énoncé légal est souvent dessiné en vue de déplacer la norme vers des directions nouvelles »396. La vigilance critique envisagée dans la continuité de ce constat relève d’un questionnement assez simple. Dans quelle mesure le dispositif factuel véhiculé par la norme juridique consistant à faire état préliminaire d’une carence de réalisation du ou des droits, d’une absence d’effectivité et d’efficacité397 à court ou moyen termes des corpus légaux et réglementaires en vigueur, d’un coût prohibitif de l’accès au droit, du surpoids des démarches de « régularisation », du déficit de planification locale (…) sont-ils mis en cause de manière systématique ? En quoi le diagnostic factuel effectué dans le cadre de l’audit des systèmes de droit nationaux relève-t-il d’un dispositif institutionnel ? Sur plus d’un demi-siècle d’aide internationale au développement et de coopération technique 398 , la projection de situations d’enclave face à un ordre démocratique imaginé 399 et le paysage d’une faillite de l’État de droit se calcifient. Geoffrey Lloyd dénonce sur ce registre « la mentalité occidentale’ prompte à cultiver l’image des « sociétés du manque (manque de pouvoir, d’État, de 396 Sunstein Cass, On the expressive function of law , University of Pennsylvania Law Review, volume 144, 1995-1996, p.2021 ; Citation originale: “There can be no doubt that law, like action in general, has an expressive function. Some people do what they do mostly because of the statement the act makes; the same is true for those who seek changes in law. Many debates over the appropriate content of law are really debates over the statement that law makes, independent of its (direct) consequences. I have suggested that the expressive function of law has a great deal to do with the effects of law on prevailing social norms. Often law's "statement" is designed to move norms in fresh directions.. ». Pour des précisons sémantiques : Heuschling Luc, «Effectivité», «efficacité», «efficience» et «qualité» d’une norme /du droit. Analyse des mots et des concepts, extrait de : L'efficacité de la norme juridique. Nouveau vecteur de légitimité ? ouvrage collectif sous la direction de Marthe Fatin-Rouge Stefanini, Laurence Gay, Ariane Vidal-Naquet, p.27-61, 2012 ; Véronique Champeil-Desplats, Efficacité et énoncé de la norme, extrait de « L'efficacité de l'acte normatif, Nouvelle norme, nouvelles normativités », Hammje, Janicot et Nadal, Collection LEJEP, 2013, p.63-73" ; disponible en ligne : http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/93/74/06/PDF/EfficacitA_.pdf 397 398 Jean-Michel Servet, Aide au développement : six décennies de trop dits et de non-dits, Revue de la régulation, volume 7, 1er semestre, été 2010, En ligne depuis 29 Novembre 2010, connexion 04/04/2013, http://regulation.revues.org/7813 399 Andrade A, El imaginario democrático en el Ecuador, extrait de Antologia, Democracia, gobernabilidad y cultura política, Felipe Burbano de Lara compilador, Flacso, Sede Ecuador, Quito, 2003, p. 383. 182 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 sciences, de productivité, de dieu, etc.) »400. Le spectre du regard factuel ethnocentré sur les pratiques et usages du droit local, le mythe du « bon » ou du « mauvais sauvage » ne tarde pas à refaire surface401. « Du passé faisons table rase », c’est bien, cette fois, la production d’un discours factuel au service de l’idéologie et de le la norme de développement occidentale qui est mise en cause d’une manière transversale. Le constat d’échec prépare le terrain au mouvement de réforme du droit. La production factuelle du besoin de services juridiques appelle le service juridique et la convocation de l’expertise du développement. Face au « vide » : plus de lois, plus d’expertise et plus de droits proclamés. La gouvernance internationale et régionale des établissements humains « informels » prend les traits d’un système autopoïétique402. Entrons dès lors dans le second volet de l’analyse de cette machine développementaliste : la proposition d’une norme de développement du droit alternative. 6) De « l’État de droit » comme norme de développement — « the Rule of law doctrine » — « Les gouvernements devraient examiner et adopter, de manière appropriée, des politiques et des bases légales d’autres états qui mettent en œuvre des politiques de décentralisation effective403 (§180 de l’Agenda Habitat) ». La formulation reprise de manière anecdotique de cette recommandation formulée dans le cadre de l’Agenda Habitat constitue une accroche sans équivoque d’une propension au « packaging » et à une approche souvent « marketée » de l’état de droit404. La logique du transfert de la loi moderne, et intuitivement celle de l’uniformisation des cadres ontologiques attachés au gouvernement de l’espace urbain marginal, transparaît comme un symptôme récurrent du discours de gouvernance Lloyd Geoffrey Ernest Richard, Pour en finir avec les mentalités, La Découverte, Coll. “Poche”, 1996, cité in Ethnologie juridique, p.3. 400 « Ethnocentrisme: “Attitude collective consistant à répudier (...) les formes culturelles: morales, religieuses sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de la société donnée. Le barbare du monde gréco-romain, le Sauvage de la civilisation occidentale sont des figures historiquement datées et pour ainsi dite métaphoriques qui traduisent ce refus de la diversité culturelle et ce rejet, hors de la culture, dans la nature, de celui qui n’est pas conforme aux normes de la société qui les emploie.” » Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, PUF, 2004, p.247, cité in NICOLAU Gilda, PIGNARRE Geneviève, et LAFARGUE Régis, Ethnologie juridique: autour de trois exercices, Dalloz, 2007, p.168. 401 402 Introduction à l’œuvre de Niklas Luhmann, Droit et société, 1989, vol. 11/12, 1989. “Governments should examine and adopt, as appropriate, policies and legal frameworks from other States that are implementing decentralization effectively, The Habitat Agenda recommends, in paragraph 180; http://ww2.unhabitat.org/declarations/ch-4d-2.htm 403 404 Kennedy, David. "The" Rule of Law," Political Choices, and Development Common Sense." in The New Law and Economic Development David M. Trubek, and Alvaro Santos, eds., Cambridge University Press, pp. 95-173 (2006). 183 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 internationale et régionale405. La modernisation du droit et de l’institution judiciaire est envisagée comme un levier universel du développement local, un palliatif au non-droit. L’argument factuel constitue souvent de même et de manière somme toute plus prosaïque un signal d’ouverture à l’égard de l’investissement international 406 . Brian Tamanaha résume dans un même registre ce mouvement général d’exportation-substitution des systèmes juridiques comme prémices au développement économique libéral d’une manière concise : « (…)Le capitalisme est actuellement promu séparément comme nécessaire à la création de richesses, la démocratie est promue comme la pierre angulaire d’une société libre et en paix, l’État de droit -The rule of Law — est présenté comme essentiel au développement économique et au combat contre la tyrannie des gouvernements ; les droits de l’homme sont invoqués comme universels. Si l’on observe ces éléments dans leur ensemble, il ne subsiste néanmoins pas d’erreur possible, c’est un rappel pur et simple de la théorie de la modernisation. Cela inclut ses présomptions implicites selon lesquelles cet agencement politique, économique et légal collectif constitue le meilleur des choix disponibles et représente la trajectoire future des sociétés dans le monde, tout du moins pour celles d’entre elles qui aspirent au progrès. »407 405 De Soto Hernando, « Putting Aside Differing Cultures: It is Institutions and Systems », Law and Business Review of the Americas, volume 13, Winter 2007, p. 3; James Cooper abordant une rétrospective de la réforme du système juridique chilien observe dans le même registre d’idée une mise en concurrence des cultures juridiques occidentales. L’auteur souligne en ce sens que « la culture juridique européenne comme la culture juridique nord-américaine, influencent le développement des normes, des lois et des institutions (…) l’exportation des cultures juridiques constitue l’une des branches de la politique étrangère et de l’agenda de l’aide au développement européenne, de celle des ÉtatsUnis, spécialement quant le monde devient économiquement politiquement et socialement interconnecté. »Cooper J., « Competing legal cultures and legal reform: The battle of Chile », Michigan Journal of International Law, spring 2008, vol.39, p.501; sur le même thème: Delisle Jacques, « Lex americana? : United states legal assistance, American legal models, and legal change in the post-communist world and beyond », University Pennsylvania journal of International Economic law, Volume 20, 1999 p. 179. 406 Farber Daniel , Rights as signals, The journal of legal studies, the University of chicago press (éd.), vol. 31, no. 1, january 2002, pp. 83-98. 407 Tamanaha B, The primacy of society and the failures of law and development, Cornell International law Journal, 2011, volume 209, p.215; Citation complete et originale: "However, there is little discernible difference between those supposedly abandoned ideas, and contemporary ideas and approaches to development. What helps disguise this resurrection is that the elements are not bundled together as tightly as before- Capitalism is now promoted separately as essential to wealth creation; democracy is championed as the touchstone of a free and peaceful society; the rule of law is said to be essential for economic development and limiting government tyranny; and human rights are claimed to be universal. When seen together, however, there is no mistaking it-this is modernization theory redux. This includes its attendant assumptions (now implicitly maintained) that this collective political, economic, and legal arrangement is the best available and represents the 184 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Faisant clairement écho à ces affirmations, il semble possible d’effectuer un bref renvoi à titre illustratif aux travaux de la « Commission des Nations Unies pour la démarginalisation des pauvres par le droit » — The Commission on the legal empowerment of the poor (2005–2008). La commission placée sous la direction d’une ancienne secrétaire d’État des États-Unis, Madeleine Albright, et de l’économiste péruvien Hernando de Soto résume son positionnement sans détour : « La démarginalisation par le droit peut être réalisée uniquement par le biais d’un changement systémique ciblé sur le déblocage du potentiel civique et économique des pauvres. Le programme de la Commission inclut les points suivants : accès à la justice et État de droit, droits de propriété, droit du travail et “droits d’entreprendre”. Ces quatre piliers se renforcent mutuellement et reposent les uns sur les autres. C’est dans leur convergence et à travers leur synergie que la démarginalisation par le droit peut être obtenue »408. Face au paradigme du vide, l’aménagement d’un accès à la justice et à l’État de droit 409, l’institution de mécanisme de protection du droit de propriété privée410, la consolidation du droit du future trajectory of societies around the world, at least for societies that hope to thrive. Reality on the ground belied modernization theory decades ago. The same realities are revealed again today for the plain reason that economic, political, and legal institutional arrangements taken from one society do not work the same way in another society with different arrangements and underpinnings." 408 http://www.undp.org/content/dam/aplaws/publication/fr/publications/poverty-reduction/poverty-website/pourune-application-quitable-et-universelle-de-la-loi/VolI_FR.pdf 409 Pilier 1 Justice et accès au droit : « Garantir à chacun le droit fondamental à une identité légale, et à être enregistré lors de sa naissance ; - abroger ou modifier les lois et les règlementations discriminatoires envers les droits, les intérêts et les moyens d'existence des pauvres ; - faciliter la création d’organisations et de coalitions émanant de l’État et de la société civile, regroupant des assistants juridiques qui travaillent dans l’intérêt des exclus ; - établir un monopole d’État légitime sur les moyens de coercition à travers des forces de l’ordre efficaces et impartiales, par exemple ; - rendre plus accessible le système judiciaire officiel, les systèmes d'administration foncière et les organismes publics concernés en reconnaissant et en intégrant les procédures coutumières et légales ‘informel’les auxquelles les pauvres sont déjà habitués ; encourager les tribunaux à accorder la considération requise aux intérêts des pauvres ; - soutenir les modes alternatifs de résolution des conflits ; - favoriser et institutionnaliser l’accès aux services juridiques de manière à ce que les pauvres connaissent les lois et soient en mesure d'en tirer parti ; - soutenir les mesures concrètes de démarginalisation par le droit des femmes, des minorités, des réfugiés et des personnes déplacées sur le territoire national, ainsi que des populations indigènes. ». 410 Pilier 2 Droit de propriété: « Promouvoir une gouvernance efficace de la propriété individuelle et collective afin d’intégrer l’économie extralégale dans l’économie formelle et s’assurer qu’elle reste facilement accessible à tous les citoyens ; garantir que tous les biens reconnus dans chaque nation sont légalement soumis à la législation et que tous les propriétaires ont accès aux mêmes droits et aux mêmes règles ; créer un marché fonctionnel pour l'échange des biens qui soit accessible, transparent et responsable ; élargir la disponibilité des droits de propriété, y compris la sécurité des droits 185 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 travail 411et la facilitation d’un droit d’entreprendre 412 constitueraient une issue probable, enviable tout du moins, sur le plan du développement économique et social. La logique de substitution de ce cocktail juridique occidental aux arrangements juridiques nationaux apparait de manière explicite et implacable. Le suffixe « — isme » du concept de « développementalisme » associé à l’agenda régional de développement et de modernisation du droit trouve sa pleine expression413. Alvaro Santos dans un registre similaire et à titre illustratif aborde les usages du discours sur l’État de droit — et ses promesses en vue du développement économique — dans le cadre des politiques fonciers, à travers des politiques sociales et autres politiques publiques, comme l’accès au logement, les prêts à faible taux et la distribution des biens fonciers appartenant à l'État ; promouvoir un système de droits de propriété inclusif qui reconnaisse automatiquement les valeurs immobilières et les biens immobiliers achetés par des hommes comme relevant de la copropriété de leurs épouses ou de leurs partenaires de droit commun. » Pilier 3 Droit du travail: « Respecter, promouvoir et concrétiser la liberté d’association, de manière à ce que l’identité, la voix et la représentation des travailleurs pauvres soient renforcées dans le dialogue social et politique concernant la réforme et sa conception ; améliorer la qualité de la réglementation du travail et le fonctionnement des institutions du marché du travail, créant ainsi une synergie entre la protection et la productivité des pauvres ; assurer une mise en application efficace d’un ensemble minimal de droits du travail pour les travailleurs et les entreprises de l’économie parallèle qui reprenne et aille au-delà de la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail ; accroître l’accès aux opportunités d’emploi dans l’économie de marché croissante et davantage inclusive ; étendre la protection sociale des travailleurs pauvres en cas de chocs économiques et de changements structurels ; promouvoir des mesures qui garantissent l’accès aux soins médicaux, à l’assurance maladie et aux retraites ; veiller à ce que la démarginalisation par le droit engendre l’égalité entre hommes et femmes, respectant ainsi les engagements pris en vertu des normes de l’OIT, qui encouragent activement la suppression de la discrimination et l’égalité des chances et de traitement pour les femmes, ces dernières ayant émergé comme une force importante dans la réduction de la pauvreté au sein des communautés défavorisées. » 411 Le rapport de la Commission énonce tout d’abord : « Le terme de « droits d’entreprendre » ne doit pas encore être considéré comme un nouveau terme de droit, mais plutôt comme un dérivé de droits existants liés à l’exercice d’une activité économique par un individu, nouvellement regroupés sous ce terme sur la base de leur fonction vitale dans les moyens d’existence des pauvres. » Pilier 4 Droit d’entreprendre : « garantir des droits d’entreprendre fondamentaux, y compris le droit de vendre, d’avoir un espace de travail et d’avoir accès aux infrastructures et services nécessaires (locaux, électricité, eau, assainissement) ; renforcer la gouvernance économique efficace qui facilite et permet de créer et de gérer une entreprise, d’accéder aux marchés et de se défaire d’une activité si nécessaire ; élargir la définition de la « personne morale » afin d’inclure les sociétés de responsabilité légale qui permettent aux propriétaires de séparer leur entreprise de leurs biens personnels personnels, autorisant ainsi une prise de risque prudente ; promouvoir des services financiers inclusifs qui proposent aux entrepreneurs des pays en développement ce que nombre de leurs homologues des autres pays considèrent comme allant de soi : épargne, crédit, assurance, pensions et autres outils de gestion des risques ; élargir l'accès aux nouvelles opportunités économiques à travers des programmes spécialisés destinés à familiariser les entrepreneurs aux nouveaux marchés et à les aider à se conformer aux règles et aux exigences, et qui soutiennent les liaisons amont-aval entre les grandes et les petites entreprises. » 412 413 Brian Tamanaha dans un sens tout aussi radical observe : « Le travail dans le domaine du développement du droit -law and développement- est décrit de manière plus précise comme une agglomération de projet mus par des acteurs motivés et appuyés par des financements externes. Les activités relevant du droit et développement sont guidées et se forment au gré des flux d’argents qui les appuient et par les agendas des groupes qui en assurent le financement. » TAMANAHA Brian, “Primacy of Society and the Failures of Law and Development”, The Cornell International law journal, 2011, vol. 44, p. 209. 186 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’investissement de la Banque mondiale. L’auteur souligne : « le droit est au centre des discours et pratiques de developement (…) l’idée selon laquelle le développement du système légal est crucial pour la croissance économique forme désormais partie du bon sens dans le cadre des théories du développement414 ». Il note ensuite — et c’est sans doute là l’ouverture d’un regard opportun sur une mécanique puissante et silencieuse de propagation du sentiment de « non-droit » — que la Banque mondiale a supporté près de 330 projets dans 110 pays consacrés à la réforme du droit et des institutions. Près de 3,8 milliards d’investissements (USD) ont été engagés sur cette voie depuis 1993415. Soutien technique et financier à l’harmonisation des systèmes de droit nationaux, discours de modernisation de l’appareil étatique : la mécanique de substitution tourne à plein régime. L’opportunité des réformes structurelles et du processus de modernisation semble acquise. Les jugements factuels masqués d’une technicité d’apparat se multiplient. L’appareil bureaucratique international supplante l’université dans ses fonctions de production des connaissances et de foyer critique 416 . La vitalité du dogme demeure en outre soutenue par un dispositif administratif et financier puissant, un « appareil de gouvernance internationale ». La dérive factuelle ne constitue pas pour autant un phénomène exclusif aux discours de gouvernance internationale. L’altération idéologique du discours semble de même détectable aux détours d’une lecture critique du discours métropolitain. F) L’idéologie humanitaire et le discours factuel philanthropiste Les phénomènes discursifs observés au fil des développements suivants assument communément un certain degré d’autorité ou de légitimité informationnelle sur la base d’une présence de terrain et de l’institution d’un lien direct avec les habitants de l’asentamiento. Des groupements majoritairement issus de la société civile se placent stratégiquement sur l’échiquier politique local et international comme intermédiaires ou relais communicationnels entre les habitants Alvaro Santos, “The World Bank's Uses of the "Rule of Law" Promise in Economic Development, in The new law and economic development: a critical appraisal”, extrait de: TRUBEK et SANTOS Alvaro, The new law and economic development, Cambridge University Press, 2006, p.253-300. Mise en parallèle possible avec la série des rapports « Governance maters » produit dans le cadre du discours de la Banque mondiale ; KAUFMANN, Daniel et al., Governance matters I (1999), Governance matters II (2002); Governance matters III (2004); Governance matters IV: governance indicators for 1996-2004, World bank policy research working paper, 2005, no 3630. 414 415 Dakolias, Maria, Freestone, David Kyle, Peter, Legal and judicial reform: observations, experiences, and approach of the Legal Vice Presidency, Washington, DC, World Bank, 2002. DE SOUSA SANTOS, Boaventura, “La universidad del siglo XXI. Para una reforma democrática y emancipadora de la universidad”, Ediciones Trilce, 2010. 416 187 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 des « asentamientos » et les sphères de pouvoir local — « la voz de los sin voz 417 » — . Thomas Carothers et William Barndt définissent généralement le concept de « société civile » de la manière suivante : « Proprement entendue, la société civile (…) recouvre toutes les organisations et les associations qui existent en dehors de l’Etat418 et du marché. Elle inclut la gamme des organisations que les sciences politiques désignent traditionnellement comme les groupes d’intérêts, pas seulement les Organisations non gouvernementales de défense des droitsadvocacy NGOs — mais aussi les syndicats de travailleurs, les associations professionnelles (comme celles de docteurs ou d’avocats) les chambres de commerce, les associations ethniques, et d’autres. Elle inclut aussi les nombreuses autres associations qui existent pour des buts autres que celui d’avancer des agendas politiques et sociaux spécifiques, comme les organisations religieuses, les groupes d’étudiants, les organisations culturelles (des chorales aux clubs d’observation des oiseaux sauvages), clubs de sports et des groupes communautaires “informels” » 419. L’acte technique de représentation des faits de marginalité urbaine entre cette fois en tension avec l’univers des pratiques participatives 420 . La revendication du mandat « populaire 421 » sert la production d’un argument factuel lui-même aligné sur la poursuite d’un mandat institutionnel ou, 417 Hogar de Cristo, El proceso de comunicaciones, un aliado estratégico, En el Corazon de la esperanza, memoria institucional, 2012, p.82. 418 -partis politiques inclus- 419 Thomas CAROTHERS et William BARNDT, Civil society, Foreign policy, 1999, p. 18. 420 WEINER, Myron définit la pratique participative comme : « L’ensemble des actions volontaires, réussies ou non, organisées ou non, épisodiques ou continues, employant des moyens légitimes ou illégitimes, visant à influencer le choix des politiques, l’administration des affaires publiques ou le choix des leaders politiques, l’administration des affaires publiques ou le choix des leaders politiques à tout niveau du gouvernement (…) » in : WEINER, Myron, Political participation: Crisis of the political process, Crises and Sequences, political development, 1971, p. 152 cité in Chagnollaud D., Science politique, Les pratiques de participation, Cours Dalloz, 7ème édition, p.152 . 421 KITSUSE John et SPECTOR Malcolm, Toward a sociology of social problems: Social conditions, value-judgments, and social problems, Social problems, 1973, p. 407-419; MANIS Jerome, The concept of social problems: vox populi and sociological analysis, Social Problems, 1974, p. 305-315; KITSUSE John et SPECTOR Malcolm, Social problems and deviance: Some parallel issues, Social Problems, 1974, vol. 22, p. 584; MAYER Robert et LAFOREST Marcelle, Problème social: le concept et les principales écoles théoriques, Service social, 1990, vol. 39, no 2, pp. 13-43. 188 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 tout du moins d’un objectif collectif. Or c’est bien à travers cette médiation sociopolitique ambiguë, l’entrée en lice d’un tiers informant, que la résurgence du phénomène idéologique sur la formation du discours factuel peut être mise en cause. La société civile tend dans le contexte urbain marginal guayaco à se chevaucher en partie avec un second cercle de collectifs, composé quant à lui des entreprises dites « de bienfaisances ». Les organisations visées se caractérisent en règle générale par la poursuite d’initiatives privées relevant de l’intérêt général et, plus précisément, par la conduite d’activités de type philanthropique 422. Camille Goirand, dans le cadre de travaux effectués aux abords des favelas de Rio, invite clairement à dépasser du point de vue analytique l’apparente convergence d’objets sociaux, attachée à la philanthropie. L’auteure livre une description nettement plus complexe et plausible du tissu social en question : « dans ce contexte de carences multiples, tant des infrastructures et des ressources que de la justice et de l’intégration, de nombreux acteurs extérieurs interviennent pour développer une action sociale dont ils attendent des bénéfices en matière de pouvoir politique et de contrôle social : s’y rencontrent, outre les services municipaux, les ONG humanitaires et les associations, des hommes politiques en campagne électorale, des trafiquants de drogue qui règnent sur leurs “territoires”, des représentants de l’Église catholique et des nombreuses Églises protestantes traditionnelles et pentecôtistes, dont l’audience ne cesse de croître. La rencontre de ces stratégies concurrentes dans ces quartiers d’exil est favorisée par deux facteurs. La forte densité de la population confère à toute action sociale une large notoriété ; et les autorités publiques (police, justice ou services d’action sociale) y sont peu présentes ou peu légitimes. Les bidonvilles constituent ainsi un terrain propice à toutes sortes d’entreprises de bienfaisance »423. Le discours factuel des entreprises de bienfaisance dépasse sensiblement l’enjeu initialement perçu de la divulgation d’une action immédiate auprès des populations en situation de vulnérabilité — pour des motifs humanistes, religieux, moraux, etc. —. L’analyse du discours factuel des organisations de 422 Cynthia Sanborn y Felipe Portocarrero S. Filantropía y cambio social en América Latina / Eds. -- Lima, Centro de Investigación de la Universidad del Pacífico ; David Rockefeller Center for Latin American Studies, 2008. 423 GOIRAND, Camille, " Philanthropes" en concurrence dans les favelas de Rio, Critique internationale, 1999, vol. 4, no 1, p. 155-167. 189 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 bienfaisance fait largement écho en ce sens à l’idée d’une « politisation » de l’action philanthropique. Jacques Lagroye évoque sur ce registre « toute tentative de dépassement des limites assignées par la sectorisation à certain types d’activités » résultant généralement en « la prise de conscience chez les acteurs étrangers aux jeux ordinaires de l’espace politique et à ses enjeux spécifiques, de ce qu’ils appellent la dimension ou la portée politique de leurs activités424 ». L’ouverture au sein des organisations philanthropiques des départements dits de « communication sociale », de même que la mise en place de véritables stratégies de gestion de l’information, paraissent largement significatifs, sur ce registre, du risque latent d’habillage et de distorsions des faits de « pauvreté » ou de « vulnérabilité ». La démarche appelle dès lors non pas seulement une certaine vigilance critique et analytique, mais aussi un questionnement sur les méthodes d’intervention et de travail « sur », « avec » et « au nom de » la groupalité. Retenons, à ce point de l’argumentaire et de manière générale, qu’aux versions « officielles » de la marginalité urbaine répond, en tout état de cause, une pluralité de discours factuels issus du tissu de bienfaisance. Dans l’écosystème politique guayaquileño, « la Junta de Beneficiencia de Guayaquil 425 », littéralement l’Union de bienfaisance de Guayaquil426 crée en 1888 la plus récente « Fundacion municipal siglo XXI para la regeneracion urbana » — Fondation municipale Guayaquil XXI siècle pour la Régénération urbaine427 — de même que certaines organisations religieuses constituent sans doute les exemples les plus emblématiques de ce type d’organisations philanthropiques ayant pleinement endossé un rôle 424 Jacques Lagroye (dir.), 2003, La politisation, Socio-histoires, Belin, Paris, p. 365. L’objectif institutionnel statutaire de la fondation est « d’apporter une assistance solidaire, sans but lucratif, présentant le niveau le plus élevé de qualité et de chaleur humaine auprès des personnes les plus nécessiteuses et de celles qui requièrent nos services, contribuant à l’amélioration de la qualité de vie de la population. » ; L’organisation constitue de fait un pouvoir politique local institué, la fondation est gérante du système de loterie nationale, de quatre hôpitaux, de collèges et lycées, de centres d’accueil, d’hospices et maisons de retraite et de deux cimetières.http://www.juntadebeneficencia.org.ec/es/nosotros/historia 425 426 "Celui qui fait du bien à autrui, bienfaiteur" http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/bienfaiteur; qui tend dans la pratique à former une union de bénéfacteurs, « ceux qui héritent du bienfait » ; http://www.cnrtl.fr/definition/dmf/b%C3%A9n%C3%A9facteur 427 http://guayaquilsigloxxi.org/ 190 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 historique d’acteur politique. Ces entreprises mobilisent un discours factuel dans le sillage d’une action sociale exercée « au nom et au service » du « peuple’428. Conclusion Refermant à présent le propos sur ce premier cercle « philanthropique » d’acteurs, la suite des propos composera avec une frange du discours universitaire régional et comparatiste. La diversité des expressions et des images évoquées aura permis, en guise de conclusion, de mettre à jour certains rouages idéologiques de la production de dispositifs factuels. Aborder la marginalité urbaine et ses « sujets » sous les traits d’un phénomène social autonome, quantifiable, prévisible s’avère porteur de systématisations questionnables429. Il résulte du risque de glissement épistémologique, d’une déviation somme toute inévitable, que la mobilisation discursive des faits de marginalité urbaine présente une ambivalence constitutive. Le processus sociohistorique de formation du droit se trouve en partie éludé, réduit au silence au même titre que la phénoménologie du travail juridique. À ce point du raisonnement, introduire une distance critique face à la découverte factuelle d’un état du droit, aux données sociales « pauvreté », « vulnérabilité », reconsidérer leur impact sur la pratique du droit paraît inévitable. Face à de tels écueils, le virage méthodologique et micropolitique tient nécessairement à un repositionnement des acteurs juridiques, situation à la fois d’électeurs et objecteurs, sur l’échiquier représentatif. 428 Pour des points de vue critiques: GARCÉS Chris, Exclusión constitutiva: Las organizaciones pantalla y lo anti-social en la renovación urbana de Guayaquil, Iconos, Revista de Ciencias Sociales, 2004, no 20, p. 53-63; ANDRADE, Xavier, " Mas ciudad", menos ciudadanía: renovación urbana y aniquilación del espacio público en Guayaquil, Análisis, 2006. 429 Villegas Mauricio Garcia, notas preliminares para la caracterización del derecho en América Latina, El otro derecho ILSA, Bogotá, Colombia, n°26-27, Abril 2002, p.13-48. 191 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 2 (…) au travail de mise en contexte de l’agir juridique professionnel « Accorder une certaine primauté théorique aux manières dont le droit est vécu n’est pas si vain d’un point de vue épistémologique qu’il pourrait paraître au premier abord. (…) nos processus de théorisation sont, dans tous les cas basés sur la façon dont nous faisons l’expérience des phénomènes (sur notre expérience des phénomènes), la manière dont nous construisons nos données. Parler en termes d’expérience, c’est simplement articuler ses méthodes plus ouvertement »430. Dans quelle mesure l’approche « de terrain » entendue comme une méthode de recherche commune à la sociologie qualitative, à l’anthropologie, à l’ethnologie ou encore à la géographie humaine, mais a priori étrangère à la démarche investigatrice du juriste est-elle susceptible d’un transplant, d’une incorporation à l’arsenal des techniques et des ressources servant l’objectif d’une « juste » appréciation des faits sociaux en droit ? Paraphrasant le propos de Véronique Champeil-Desplats, retenons comme point d’accroche de ce développement la proposition théorique selon laquelle l’étude des « méthodologies et des sciences du droit » renvoie en substance à celle « des méthodes et des programmes méthodologiques associés aux prétentions qui visent à construire un savoir scientifique sur le droit’431. La méthodologie juridique pourrait se définir, autrement dit, en référence à l’étude “de la pluralité des conceptions de la science juridique’432. Poursuivons en retour l’idée selon laquelle l’intégration d’un regard méthodologique sur les techniques d’appréhension de la croissance urbaine marginale des villes du Sud s’intègre pleinement à l’objectif général et sous-jacent de constitution d’un savoir scientifique et technique sur le droit et ses pratiques. La démarche contribue, plus prosaïquement sans doute, à la production de l’argument juridique duquel relève nécessairement une ‘thèse de droit’. L’étude et la méthode d’observation des 430 FITZPATRICK B (traduit par Nathalie Jean-Alexis), « Expérientialisme et réflexivité dans le développement de la théorie juridique, Vers une « théorie expérientielle » du droit: One side of a dialogue. Exemples actuels de Socio-Legal Studies au Royaume-Uni ». Droit et société, 1997, no 36-37, p. 295-306. 431 Véronique Champeil-Desplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, 2014, p.26-27. 432 V. G. Kalinowski, Querelle de la science normative, Paris, LGDJ, 1973, p.3 et s. cité in Véronique Champeil-Desplats, Méthodologie du droit et des sources du droit, 2014, p.26-27. 192 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 phénomènes sociaux sont, en d’autres termes, considérées comme indissociables d’un processus intermédiaire d’approfondissement des connaissances de fait attachées à la croissance urbaine marginale de Guayaquil. Une fois cette hypothèse de travail avancée, le questionnement suivant apparaît, logiquement, celui de la caractérisation de ce volet ‘proactif’ de l’approche de terrain. Le travail d’observation directe et intersubjective du fait social, l’immersion que celui-ci suppose, ne s’inscrit pas dans une continuité évidente ou intuitive avec la recherche en droit, avec le processus ‘traditionnel’ ou ‘classique’ de construction de l’argument ou de l’interprétation juridique. Son intégration au dispositif de recherche, relève bien au contraire, du procédé, d’une démarche rationnelle et argumentative visant à établir un dialogue de principe entre ‘le travail de terrain’ et l’activité de production scientifique. Ce point de contact ne se substitue en aucune mesure aux méthodes d’appréhension des phénomènes sociaux déjà évoquées, à ‘la bibliothèque virtuelle’ ou à ‘l’observation d’appartement’. Il s’y adjoint, se glisse dans ses interstices, le vivifie. Il reste, dans ce contexte et dès lors, à cerner sa spécificité, à intégrer les éléments d’une ‘démarche réfléchissante’ alternative prenant pour objet l’appréhension et la restitution de la croissance urbaine marginale comme contexte de formation et de réalisation du droit. Érigée comme objet de recherche, per sé, envisageons par la suite l’approche de terrain comme l’ouverture matérielle du champ de la méthodologie juridique à l’étude et à l’usage d’une palette de techniques d’investigation développées dans le cadre des sciences humaines et sociales433. Suivant Madeleine Grawitz, cet ensemble peut encore être désigné symboliquement comme le corpus des ‘techniques vivantes de recherche’’434. À l’image de la prise d’un train en marche, l’axe de recherche engage le juriste à suivre l’état d’une discussion heuristique initiée en périphérie du droit, mais dont l’issue affecte directement la qualité de ses sources et, plus largement, la fluidité de ses hypothèses de travail435. Cette discussion Anitua Gabriel Ignacio, Notas sobre la metodología de investigaciones empíricas en derecho, extrait de l’ouvrage, Observar la ley, ensayos sobre metodología de la investigación jurídica, Christian Courtis (éd.), p.349-392. 433 434 Grawitz Madeleine, Méthodes des sciences sociales, Précis Dalloz, 11 e édition, 2000, p.524 et s. 435 Consulter au sujet du tissage de la relation entre le droit et la géographie : Patrice Melé, « Pour une géographie du droit en action », Géographie et cultures [En ligne], 72 | 2009, mis en ligne, le 07 mai 2013, consulté le 15 avril 2014. 193 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 incite, en particulier, à explorer et à se familiariser avec le registre des techniques de recherche relevant alternativement de ‘l’observation participante’, de la ‘grounded theory 436 ’, des ‘démarches ethnographiques’ ou ‘anthropographiques’ appliquées au droit, de saisir les clés méthodologiques d’une ‘observation microscopique’’437ou ‘par le bas’438, ainsi que, tout simplement, des ‘approches dites ‘in situ’ des faits de marginalité urbaine. Démembrés, recombinés, entrecroisés dans la pratique au gré des circonstances et selon les besoins de l’argumentation poursuivie, les instruments de cette boîte à outils présentent le trait commun d’emprunter aux registres de l’expérience sensible et de l’observation directe. Poursuivons cet élagage du concept ‘d’approche de terrain’ à la fois aperçu théoriquement, mais aussi reconstitué a posteriori au regard d’une expérience de vie à Guayaquil couvrant l’ensemble de la période de recherche. Revenons plus spécifiquement sur deux traits constitutifs du programme méthodologique qui sert d’ossature à la réflexion amorcée. Sera poursuivie à travers l’approche de terrain une représentation du contexte urbain marginal qui est, premièrement, dessinée à l’épreuve d’une unité de temps, d’espace et d’acteurs sociaux (Section 1) ; une représentation qui est, deuxièmement, à même de restituer la dimension ‘intersubjective’ du contexte d’étude et de réalisation du droit envisagé (Section 2). Section 1 La mise à l’épreuve du temps et de l’espace URL : http://gc.revues.org/2199 ; DOI : 10.4000/gc.2199 ; Fabrizio Maccaglia et Marie Morelle, « Pour une géographie du droit : un chantier urbain », Géocarrefour [En ligne], Appels à contribution, mis en ligne le 16 avril 2013, consulté le 03 mai 2013. URL : http:// geocarrefour.revues.org/8722 « Une théorie fondée est une théorie qui découle inductivement de l’étude du phénomène qu’elle présente. C’est à dire qu’elle est découverte, développé et vérifiée de façon provisoire à travers une collecte systématique de données et une analyse des données relatives à ce phénomène. Donc, collecte des données, analyse et théorie sont en rapports réciproques étroits. » (Anselm Strauss, 1990) Cité in Beitone, Dollo, Gervasoni, Rodrigues, Sciences sociales, Aide-mémoire, Sirey 7e édition 436 437 Sawicki Frédéric, Les politiques et le microscope, in CURAPP, Les méthodes au concret, Paris, Presse universitaires de France, 2000n, p.146 ; Jacques Revel, Micro-analyse et construction du social, in Jacques Revel : “L (dir.) Jeux d’échelles: la micro-analyse à l’expérience, Paris EHESS 1996, p.30 ; cités in Geoffray Marie Laure, Conteste à Cuba, Préface de Olivier Dabène, Nouvelle bibliothèque de thèses, Science Politique, Dalloz. 438 Lorelei Lingard, Mathieu Albert and Wendy Levinson, Qualitative Research: Grounded Theory, Mixed Methods, and Action Research, BMJ: British Medical Journal, Vol. 337, No. 7667, 23 aug. 2008, pp. 459-461; URL: http://www.jstor.org/stable/20510644 .Accessed: 11/06/2014 10:12 194 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le processus de familiarisation ou d’imprégnation du chercheur avec ‘le terrain’ s’érige schématiquement et, de prime abord, sur la base d’un pari. Cette présomption initiale c’est celle d’un ajustement progressif et, in fine, d’un approfondissement de la connaissance des phénomènes sociaux à travers l’induction d’un rapport à l’espace, au temps et aux acteurs ‘locaux’. S’agissant, plus précisément, dans le cas présent de la zone métropolitaine de Guayaquil, cette maturation s’effectue dans le sillon d’un contact direct et prolongé avec la ville. La reconstruction de ce cadre de vie patine au fil du temps l’objet de la recherche. Utilisant la métaphore d’une boîte noire de l’observation de terrain, Olivier de Sardan note justement dans un article original intitulé ‘les politiques de terrain’ : ‘Ce que le chercheur observe, voit, entend, durant un séjour sur ‘le terrain’, comme ses propres expériences dans les rapports avec autrui, tout cela va ‘entrer’ dans cette boîte noire, produire des effets au sein de sa machine à conceptualiser, analyser, intuiter, interpréter, et donc pour une part va ensuite ‘sortir’ de ladite boîte noire pour structurer en partie ses interprétations, au cours du processus de recherche, que ce soit pendant le travail de terrain, lors du dépouillement des corpus ou quand vient l’heure de rédiger439.’ Prenant les traits d’une technique d’échantillonnage du fait social, l’approche de terrain implique un mouvement ‘d’enclosure’ au sens d’une circonscription à la fois matérielle et symbolique de l’objet de la recherche. Revenons plus en détail sur les deux principaux présupposés méthodologiques du processus d’imprégnation entrepris : l’épreuve de l’espace guayaco (A) puis celle du temps d’immersion (B). G) L’épreuve de l’espace Quant à sa dimension spatiale, premièrement, le processus d’imprégnation peut, en guise de propos introductif, être utilement rapproché de ce que les sciences humaines et sociales, la géographie humaniste440 en particulier, désignent techniquement comme relevant de l’approche phénoménologique des 439 OLIVIER DE SARDAN, Jean-Pierre. "La politique du terrain. Sur la production des données en anthropologie." Enquête. Archives de la revue Enquête 1 (1995): 71-109. BRUN-PICARD Yannick, L’humanisme géographique, Thèse présentée à la faculté des études supérieures de l’Université Laval pour l’obtention du grade de Philosophiae Doctor, Faculté de géographie de l’Université de Laval Québec mars 2005. 440 195 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 espaces urbains441. À cette démarche à la fois cognitive et perceptive correspond généralement un renvoi préalable au registre philosophique d’ouverture et de priorisation de l’expérience vécue, le ‘Lebenswelt’442. À cette tentative de calibrage de la recherche à une échelle humaine s’ajoute la mise en perspective de cette expérience, de ce vécu, à celui ou celle d’autrui. Maurice Merleau-Ponty représentait cette ‘phénoménologie de la perception’443 par le postulat suivant : « II est vrai qu’un livre de géographie contient un large savoir scientifique sur les paysages, les fleuves, les mers, mais ce savoir n’est accessible que sur la base d’une expérience individuelle originale plus fondamentale et plus absolue. Cette expérience nécessite un contact quotidien avec les paysages, les fleuves et les mers »444. S’écartant ensuite du registre philosophique la circonscription ‘spatiale’ du dispositif d’imprégnation, du terrain, trouve un point d’équilibre pratique au regard d’une exigence de ‘densité’, d’intensité du contact entre la réalité sociale et son observateur. L’enjeu poursuivi est d’accéder à un degré de perception qui permette de relier des sphères, des acteurs, des situations normalement disjointes par l’analyse. Ces mêmes données ne sont généralement pas retenues au cours du processus traditionnel d’élagage des faits pertinents. Reprenant une nouvelle fois » Olivier de Sardan l’enjeu est bien alors de ‘prendre en compte des données qui sont de référence, de pertinence et de fiabilité variables, dont chacune permet d’appréhender des morceaux de réel de nature différente, et dont l’entrecroisement, la convergence et le recoupement valent garantie de plausibilité accrue.’ Le ‘terrain’ suppose du juriste qu’il navigue dans les divers circuits sociaux qui composent la trame urbaine, se heurte à leur complexité, leurs imbrications, leurs distorsions. Cet accès du 441 MEYOR, Lamarre, Thiboulot, L'approche phénoménologique en sciences humaines et sociales, Questions d'amplitude, Recherches qualitatives, Vol.25 (1), 2005, p.1-8 ; LYOTARD Jean-François, La phénoménologie, 14e éd., Paris, Presses universitaires de France « Que sais-je ? », 2004, 128 pages. 442 « Lebenswelt » : Concept introduit par Husserl Edmund, Idée de phénoménologie, Paris, Presses universitaires de France collection Epiméthée 1978 2e édition ; Le Maurice Merleau-Ponty, La structure du comportement, Paris, Presses universitaires de France, collection « Quadrige », 1990, pages 235-236 ; et Maurice MerleauPonty, Phénoménologie de la perception, Paris, Éditions Gallimard, collection « Tel », 1976, pages II-III et p. 240, et p. 348 ; et Maurice Merleau-Ponty, Le Primat de la perception et ses conséquences philosophiques, Éditions Verdier, 1996, page 67. 443 Merleau-Ponty Maurice, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard 1945. 444 Cité in SANGUIN Andre-louis, La géographie humaniste ou l'approche phénoménologique des lieux, des paysages et des espaces, Annales de Géographie, n°501, 1981, pp. 560-587. 196 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 chercheur aux ‘sous-ensembles d’états physiques et conceptuels445’ permet, éventuellement, de représenter le contexte urbain marginal à travers le filtre d’un vécu individuel. Il se trouve matériellement conditionné par sa capacité réelle, ‘expérientielle’ d’accès à l’espace et d’entendement de la vie quotidienne au sein des ‘asentamientos humanos’ sur une période d’investigation limitée dans le temps. Suivant cet ordre d’idées, soutenir un propos ‘de terrain’ sur la croissance urbaine marginale de Guayaquil se limite d’abord, dans le cadre de la recherche envisagée, au champ d’une expérience, d’un ‘vécu’ limité à la zone métropolitaine. Les ‘asentamientos humanos’ émergent ensuite à travers l’expérience de la frontière. L’espace urbain marginal se découvre par le contraste, la mise en perspective avec la mosaïque des zones urbaines régénérées, des espaces consolidés, des urbanisations privées ‘ciudadelas’, des programmes de logement social, les ultimes espaces ruraux du canton de Guayaquil et une poignée d’espaces naturels protégés. L’ensemble de ce tissu urbain est ‘physiquement’ accessible au quotidien et fort bien desservi par le réseau des transports urbains. L’enjeu tient alors en tout état de cause à se rapprocher au plus près du niveau perceptif de l’acteur ‘local’, ou tout du moins, à écarter le risque de s’y soustraire totalement. Le dispositif d’itération et de triangulation spatiale central de la recherche est représenté à travers le diagramme ci-dessous. 445 PASCOE, Adding generic contextual capabilities to wearable computers, In Wearable Computers, 1998. Digest of Papers, Second International Symposium on, pages 92–99, octobre 1998. Cité in SANCHO Germán, Adaptation d'architectures logicielles collaboratives dans les environnements ubiquitaires, Contribution à l'interopérabilité par la sémantique, Thèse, Université Toulouse 1 Capitole, soutenue en 2010 p. 13. 197 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 PROJET EDAS — MONTE SINAI, SECTEUR URBAIN MARGINAL — PARROQUIA XIMENA — CENTRO-SUR PARQUE FORESTAL, SECTEUR URBAIN CONSOLIDÉ) UNIVERSITÉ ESPOL — CAMPUS ESPOLPROSPÉRINA — ZONE NATURELLE PROTÉGÉE, PÉRIPHÉRIE DIRECTE DU SECTEUR URBAIN MARGINAL) SECTEUR-CENTRE -9 DE OCTUBRE, MALÉCON 2000, ZONE RÉGÉNÉRÉE — Figure 6 Dispositif de triangulation spatiale H) L’épreuve du temps Quant à sa dimension diachronique 446, le travail du juriste-chercheur sur le fait social est méthodologiquement abordé à l’épreuve du temps, au sens d’une durée d’exposition au contexte observé 447 . La connaissance du fait social, en droit, ne présente en aucune mesure un caractère linéaire. Michel Berry formule sur ce plan un constat de bon sens selon lequel « une bonne thèse n’est La démarche ethnographique selon Daniel Cefai relève d’“une observation prolongée (...) d’un milieu, de situations et d’activités, adossée à des savoir-faire qui comprennent l’accès au(x) terrains, (...) la prise de notes la plus dense et la plus précise possible et/ou l’enregistrement audio ou vidéo de séquences d’activités in situ” ; Daniel Cefai (dir.), L’engagement ethnographique, Paris, Éditions de l’EHESS, 2010 cités in Geoffray Marie Laure, Conteste à Cuba, Préface de Olivier Dabène, Nouvelle bibliothèque de thèses, Science Politique, Dalloz. 446 447 OST, François, Le temps du droit, Odile Jacob, 1999. 198 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 pas une continuité tranquille avec le travail de terrain »448. La connaissance des phénomènes sociaux urbains marginaux tend à s’établir au contraire par itération, autrement dit par un « mouvement de va-et-vient » entre l’atelier « littéraire » du juriste et « le terrain ». Il semble en ce sens intéressant de retenir une nouvelle fois une proposition d’Olivier de Sardan lorsque ce dernier affirme : « L’observation n’est pas le coloriage d’un dessin préalablement tracé : c’est l’épreuve du réel auquel une curiosité préprogrammée est soumise. Toute la compétence du chercheur de terrain est de pouvoir observer ce à quoi il n’était pas préparé (alors que l’on sait combien forte est la propension ordinaire à ne découvrir que ce à quoi l’on s’attend) et d’être en mesure de produire les données qui l’obligeront à modifier ses propres hypothèses »449. Envisagée comme un questionnement méthodologique face à l’imprévu, l’observation de terrain se matérialise, pour réinvestir une distinction introduite par le même auteur, à un double niveau. À un premier niveau, lui correspond un processus d’itération concrète désignant simplement « les va-et-vient d’un chercheur sur le terrain ». À un second niveau, lui correspond un processus d’itération abstraite, symbolique, qui désigne un va-et-vient entre la problématique juridique et le volume des données, des interprétations et des expériences qui se sédimentent. Appréhendons en l’occurrence le processus d’itération concrète pour désigner le « butinage » continu entre des espaces de recherche distincts. À cette mixité des espaces de recherche correspond, en toute logique, une diversité d’interlocuteurs, des points de vue et des ressentis sur le fait social urbain marginal. Référons-nous en l’occurrence principalement aux espaces d’implantation et d’exécution des projets, « au bureau », à l’Université locale (ESPOL), au temps passé dans les transports publics, dans « l’espace de migration pendulaire » et à la discussion incontournable avec les chauffeurs de taxi, au point d’étape annuel à l’université de Nanterre et aux échanges avec notre directrice de thèse, etc. Abordons ensuite l’itération abstraite pour désigner la succession des temps et des rythmes d’observation du contexte urbain marginal guayaquileño. L’imprégnation avec le terrain revient sous cet aspect à consentir et à jouer avec un état de crise. La mise en danger permanente des hypothèses de travail « depuis le terrain » en vient à constituer une méthode, une constante du travail de 448 BERRY Michel, « Diriger des thèses de terrain, Gérer et comprendre », 2000, vol. 62, no 2000, p. 88-97. 449 Olivier de Sardan Jean-Pierre, « La politique du terrain », Enquête, n°1, 1995. 199 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 recherche. Dans les premiers temps de cette gymnastique intellectuelle, l’espace de réflexion s’ouvrant sur « le fait social », le temps dédié à l’observation paraît s’entrechoquer avec l’espace de réflexion « sur le droit » et même parfois s’y substituer totalement. Suivre la voie du terrain implique dès lors effectivement d’embrasser le risque d’un égarement, d’une perte de repères induite par les aléas de l’observation participante, directe et prolongée. Il aura donc fallu sur un plan personnel apprendre à « mesurer » ce mouvement d’itération abstraite, à préserver ou recréer un espace pour l’analyse et le « traitement du vécu », apprendre, ensuite, à anticiper et parfois même, à provoquer des situations de rupture allant jusqu’à la nécessité d’un retrait, d’une extraction pure et simple « du terrain ». La dimension diachronique de l’approche de terrain s’effectue paradoxalement à la fois « pour le salut » de la connaissance du fait social, mais aussi au « péril » de la recherche doctorale et du travail de terrain. Le potentiel perturbateur de la démarche dans le temps, sa « causticité », peut s’observer de manière très simple et illustrative à travers les transformations successives de notre problématique de recherche initiale. Celle-ci se déplace, se modifie, se plie et finalement se reconstruit à l’épreuve du fait social, du vécu individuel et des informations recueillies au compte-goutte de l’itération. Dans le cas présent, reproduisons de manière anecdotique une série de trois observations extraites d’une note de travail rédigée à l’issue de notre première année de recherche qui avec le recul paraissent assez symptomatiques de l’incidence silencieuse du « terrain » sur l’ensemble du processus de recherche : « 1. La question de l’accès des populations vulnérables à l’alimentation est supplantée en Équateur par les questions d’accès au logement social — la Vivienda — principalement et plus généralement par celle de l’accès aux services essentiels en milieu urbain : eau, électricité, voirie et transports publics, santé, éducation, sécurité, etc. Le droit à l'alimentation et le principe la souveraineté alimentaire, bien que tous deux consacrés constitutionnellement, restent des thèmes marginaux dans la vie politique et juridique locale. 2. La question de “la mise en œuvre” et en particulier de la justiciabilité des droits sociaux au sein des établissements humains informels si elle est effectivement présente sur le plan théorique n’est pas non plus au centre du débat juridique actuel en Équateur. On trouve une première explication possible dans les orientations politiques de l’action 200 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 gouvernementale : le gouvernement du président Rafael Correa se montre très critique face à l’approche traditionnelle des Droits de l’homme impliquant la possibilité d’une mise en jeu de la responsabilité juridique de l’État et conteste publiquement la juridiction de la Cour Interaméricaine des droits de l’homme. Comme seconde explication plus structurelle, la mise en œuvre des droits sociaux, et en particulier, le droit à l’alimentation initialement visé, n’est que très rarement invoquée par les personnes “vulnérables” et, quand elle l’est, c’est essentiellement dans une dimension discursive ou revendicative plus que la prétention à faire valoir un droit au sens juridique. 3. La dialectique “formel-informel”, “légal-illégal”. Si celui-ci demeure l’un des aspects fondamentaux du sujet, le prisme tend à offrir une vision limitée et même trop rigide des modes de réalisation du droit au sein des établissements humains informels qui ne correspond pas à la diversité et à la complexité des situations observées sur “le terrain”. » (2013). Des observations similaires se sont poursuivies au fil des années. « L’accès des populations vulnérables et marginalisées à l’agriculture dans les Pays du Sud : entre informalité et légalisation » l’intitulé provisoire du projet de thèse en 2011 apparaît nettement et avec le recul comme relevant de cette « curiosité préprogrammée » mentionnée par Olivier de Sardan. L’intitulé s’est ensuite mué vers « L’accès à l’alimentation des populations marginales urbaines et périurbaines de la périphérie nord-ouest de Guayaquil ». Il a ensuite pris la forme de « L’approche dialogique des modes de réalisation du droit au sein des Établissements humains informels » pour se stabiliser sur la fin du processus et face à la nécessité de marquer un point d’étape, sur « La fonction sociale du juriste à l’épreuve de la croissance urbaine marginale des villes du Sud : jalons pour une micropolitique des usages et des pratiques du droit (…) ». Achevant à présent ce bref tour d’horizon du processus d’imprégnation et de ses principales implications d’ordre méthodologiques, abordons le second volet du programme de restitution du contexte urbain marginal en droit : la gestion et le travail sur le registre de l’intersubjectivité. 201 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Section 2 La mise à l’épreuve des subjectivités individuelles et collectives « Le juriste ne peut se dérober à l’obligation de prendre parti sur le fait qui a provoqué ou provoque l’intervention de la loi ; il ne peut se dispenser de choisir parmi les buts dont la réalisation peut être poursuivie. Le jugement de valeur est une étape décisive de la réflexion juridique450. » Une fois identifiés les risques inhérents d’une instrumentalisation et d’un usage finaliste ou idéologique des données contextuelles, il convient d’aborder la question du repositionnement et de l’éventuelle réhabilitation des subjectivités individuelles et collectives. Les subjectivités sont appréhendées cette fois comme des aléas inhérents à l’opération technique de restitution du contexte urbain marginal. L’approche de terrain doit composer, en vue de cette reconfiguration avec une difficulté technique qui touche tout d’abord à la formation d’un critère, point de vue personnel. Le point d’origine de cette tension semble pouvoir être restitué dans ce que Peter Gabel désigne justement comme le champ des « séparations (…) entre l’esprit et le corps, la pensée et les sentiments, l’analyse et la compréhension, telles qu’elles se manifestent dans l’espace public de la scène juridique. 451 » La subjectivité du chercheur, celles des acteurs locaux et, plus généralement, de l’ensemble des « informateurs » sur le fait social n’est plus envisagée dans cette optique comme une contrainte de recherche, mais bien comme une ressource, une texture additionnelle du fait social qu’il faudrait parvenir à appréhender, intégrer au dispositif de représentation factuelle. Décomposons ce dispositif en deux temps. Dans un premier temps, appréhendons l’approche de terrain à l’image d’un « audit des subjectivités individuelles ». Une distanciation systématique avec ce qui, reprenant la terminologie wébérienne, relève a priori du principe de neutralité axiologique et de la construction du rapport aux valeurs de l’observateur du fait social452 est amorcée. La 450 Christian ATIAS et Didier LINOTTE, «Le mythe de l'adaptation du droit au fait», D. 1997, p.251, cité in KOUAM, Siméon Patrice. La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique). Les Cahiers de droit, 2014, vol. 55, no 4, p. 877-922. 451 GABEL, Peter et MICHAUT, F, Critical Legal Studies et la pratique juridique: la conception de la culture juridique et de la pratique du droit comme interventions culturelles, Droit et Société, 1997, n° 36/37, p.390. “Neutralité axiologique” : Pour Max Weber, le savant et le professionnel doivent s’interdire de confondre jugement de fait et jugement de valeur et exercer une vigilance épistémologique à l’égard de leurs propres croyances et de leurs 452 202 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 production des connaissances factuelles passe alors par la réhabilitation des points de vue personnels et collectifs (A). L’observation passe de même et simultanément par la mise en place de dispositifs ou techniques de « triangulation » conditionnant l’arbitrage entre subjectivités individuelles et collectives (B). A) Le terrain à l’épreuve du « je » L’audit de subjectivités prend ci-dessous pour objet la subjectivité de l’observateur 453 en premier lieu puis celle des acteurs rencontrés au fil du parcours expérientiel. Quant à sa dimension personnelle et émotionnelle, l’imprégnation renvoie plus spécialement à un continuum idée, volonté, tentative d’immersion dans un quotidien. L’observateur de terrain appréhende les faits de marginalités urbaines, les personnes et les situations qu’il découvre sous les traits de « l’altérité », d’une réalité qui lui paraît, à un premier égard, éloignée de son point d’origine géographique et culturelle. Je me rappelle à titre d’anecdote d’un volontaire international qui, après trois mois passés sur le terrain, évoquaient encore systématiquement les habitants de l’asentamiento par un « ils » et son institution d’accueil par un « nous » ou un « on ». Le discours trahissait bien, à ce stade de l’immersion, l’impossibilité d’un « je » actant ou d’un « nous » inversé, associant les participants au projet à une entreprise collective. Le processus d’immersion et l’intention d’aller plus loin impliquent de « se déplacer plus que géographiquement (…), de faire un travail particulier d’attention aux choses qui justifie que l’on revienne sur la façon de regarder, jusqu’à l’intérieur de soi.454 » L’approche de terrain » prend clairement sous cet angle les traits d’un parcours initiatique, d’une expérience de vie, d’une recherche des situations d’interaction sociale propres engagements. (Lexique de sociologie, p.253). Le concept trouve sa signification au titre de la définition d’un rapport aux valeurs du chercheur. “Rapport aux valeurs” : chez Max Weber tout chercheur en sciences sociales a des valeurs ou des convictions qui interviennent notamment dans le choix des objets de recherche, mais ce rapport aux valeurs dont il doit être conscient, ne doit pas conduire à mettre en cause la neutralité axiologique. L’existence d’un rapport aux valeurs ne doit donc pas conduire à formuler des jugements de valeurs ou à s’affranchir des règles du champ scientifique. (Lexique de sociologie, p.253). 453 de Sardan, Jean-Pierre Olivier. "Le" je" méthodologique: Implication et explicitation dans l'enquête de terrain." Revue française de sociologie (2000): 417-445. 454 Nicolau Gilda, Geneviève Pignarre, Lafargue Régis, Ethnologie juridique autour de trois exercices, Méthodes du droit, L’expérience de “terrain”, Dalloz, 2007, p.59-71. 203 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 nées de ce quotidien. L’observateur se doit « d’être physiquement et psychologiquement traversé 455 » de ce qu’il pressentait comme un éventuel objet de connaissance et qu’il entreprendra plus tard de décrire, de restituer. Cet apprentissage du « vivre ensemble » implique nécessairement du juriste placé en situation d’observateur du fait social l’acquisition d’un registre de communication spontanée. « Il épouse les formes du dialogue ordinaire456, découvre et expérimente par la même occasion l’extranéité du langage juridique. Il alterne des postures d’observations passives avec des procédés délibérés d’interaction, de dialogue. Il se familiarise, au-delà de la langue, avec un parler local, un vocabulaire juridique, des « jergas » — dictons — et expressions nouvelles. Dans le cadre de la recherche entreprise, un tel processus aura pris indistinctement les traits d’une intégration à la fois humaine, professionnelle et personnelle, et, en somme, de l’établissement d’un espace de vie sur plusieurs années (incluant l’exercice d’acquisition d’une carte d’identité équatorienne). C’est au regard de cet environnement et au détour de situations de vie courante, dans les salles de classes, de réunions, de « taller », aux guichets de l’administration, aux échoppes de restaurant et, finalement, à l’interface entre les espaces urbains marginaux et la ville dans son ensemble que le dialogue interne sur le droit, son contexte de formation et de réalisation fait progressivement surface. La découverte de la « sabiduria criolla » et d’expression locales remontant à l’époque coloniale comme « la ley se acata pero no se cumple 457», que l’on pourrait tenter littéralement de traduire par « la loi oblige, mais ne s’applique pas » permet par exemple une introduction authentique aux problématiques de réalisation du droit dans les asentamientos. Initiant donc à partir d’une réhabilitation du rapport entre le chercheur-observateur et la subjectivité individuelle, l’enquête de terrain prend les traits d’un travail méthodique sur et à partir Merleau-Ponty Maurice, LEFORT Claude, Le visible et l’invisible : suivi de notes de travail, Paris, Gallimard, 1964. cité in Nicolau Gilda, Geneviève Pignarre, Lafargue Régis, Ethnologie juridique autour de trois exercices, Méthodes du droit, L’expérience de “terrain”, Dalloz, 2007, p.59-71. 455 456 G. Althabe, Ethnologie du contemporain et enquête de terrain, Terrain, 14, 1990, p. 130, cité in Olivier de Sardan Jean-Pierre, La politique du terrain, Enquête, n°1, 1995, mis en ligne le 10 juillet 2013, consulté le 08 avril 2014. URL : http://enquete.revues.org/263 457 Sur la question: Araujo, Kathya. ¿ Se acata pero no se cumple ? : estudios sobre las normas en América Latina. Lom Ediciones, 2009.Méndez, Juan E., Guillermo A. O'Donnell, and Paulo Sérgio de Moraes Sarmento Pinheiro. La (in) efectividad de la ley y la exclusión en América Latina. Vol. 9. Paidós, 2002. 204 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’une série d’éléments porteurs de valeurs — culturelles, politiques, idéologiques, etc. — qui ne passeraient pas a priori le filtre de la neutralité axiologique. L’appréhension de la croissance urbaine marginale restituée dans le cadre du discours juridique se trouve en général et par convention dissociée du parcours individuel de recherche, du « désir social » qui anime le chercheur en droit. Il en irait ainsi de la scientificité du propos juridique. Les préconceptions du taudis, entendues au sens de « ce que l’observateur pensait trouver sur le terrain », de « ce qu’il estime y avoir découvert », de ce qu’il voudrait en retenir et placer sur un terrain de « comparabilité scientifique », disparaissent systématiquement au cours de l’opération de restitution du contexte. L’entreprise de connaissance du fait se trouve en d’autres termes artificiellement « objectivée » ou, tout du moins, minimisée. Le « je » s’efface symboliquement et stylistiquement du point de vue rédactionnel au profit du « on » ou du « nous » impersonnels, d’une recherche aseptisée. L’envers de cette neutralité axiologique est une susceptibilité marquée à « la perte de matière » ou à la dématérialisation du fait social urbain marginal. L’écart constaté pose de même, au regard plus spécifiquement de l’activité de recherche, des conditions de production et de transmission des connaissances « scientifiques » un problème d’ordre éthique. Un certain « scientisme » du propos juridique sur la croissance urbaine marginale semble même à redouter dans ce cas de figure. C’est ainsi que Peter Gabel, plaide, dans une optique similaire, en faveur d’une représentation « éthicoémotionnelle » des faits sociaux en droit et dénonce les dérives d’une construction « technico-rationnelle » de l’élément factuel : « La formation que subissent les juristes les conduit à devenir principalement des techniciens analystes, qui apprennent comment “construire une argumentation” comme si leur processus de pensée était purement et simplement conditionné par le droit en tant que discours d’autorité, externe. (…) Il — le raisonnement juridique — devrait aspirer à une compréhension sympathique qui exige du penseur qu’il s’immerge tout entier dans les soi-disant “faits” et qu’il interprète leur signification par rapport à la finalité morale ou sociale qu’il croit que le droit devrait viser. Cependant les méthodes de formation et de pratiques juridiques existantes tendent en fait à délégitimer et à supprimer ce type de compréhension globale, valorisant une approche objectivante et froide des situations de 205 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 “fait” et la “rigueur analytique” aussi bien dans l’application des règles que dans la réalisation d’analyses politiques... »458 S’inscrivant dans la continuité de ce propos, il semble possible de retenir que l’approche de terrain matérialise sur le plan méthodologique ce souci de visibilité, voire de transparence du point de vue subjectif individuel. Les subjectivités collectives apparaissent quant à elles bien plus difficiles à cerner si l’on considère spécifiquement le caractère et la nature changeante du phénomène participatif dans les asentamientos. Le regard porté sur les dénominations des quartiers apparaissant sur les documents de planification urbaine, mais aussi et uniquement parfois sur l’itinéraire des lignes de transports urbains, s’avère particulièrement enrichissant. Celui-ci apporte un éclairage dans une perspective de découverte de la ville émergente ou périphérique sous l’angle des subjectivités collectives. La démarche en facilite tout d’abord et a minima le recensement et une cartographie intuitive dans la mesure ensuite où se sont les nouveaux habitants qui nomment les lieux dans les premières heures de l’occupation. Les dénominations retenues offrent la possibilité d’un regard rétrospectif sur le mouvement fondateur à l’origine du quartier. Tout fait social représentant « un moment de l’histoire d’un groupe”459 l’acte de dénomination permet de saisir, telle une image instantanée, un état d’esprit de l’occupant(e) des premières heures. Si cet état d’esprit s’évanouit de toute évidence avec le temps et selon les aléas de la consolidation du quartier, la toponymie permet d’en suivre la trace. La démarche ouvre une fenêtre sur l’imaginaire collectif et dévoile la perception du groupe sur son acte d’intégration au paysage urbain existant460. La faculté de nommer constitue, en ce sens, un mode d’expression psychosociologique461 et un prélude au développement au rapport de droit. C’est tout 458 GABEL, Peter et MICHAUT, F (trad.), Critical Legal Studies et la pratique juridique: la conception de la culture juridique et de la pratique du droit comme interventions culturelles, Droit et Société, 1997, 1997, n° 36/37, p.390. 459 M.MAUSS, Oeuvres III cité in Grawitz Madeleine, Méthodes des sciences sociales, Les exigences de la recherche, Droit public, science politique, Dalloz, Précis, 11e édition, p.392. 460 Sur ce thème consulter aussi: GUILLOREL HERVE, Onomastique, marqueurs identitaires et plurilinguisme. Les enjeux politiques de la toponymie et de l'anthroponymie, Droit et culture, Revue internationale interdisciplinaire, volume 64, 2012, p.11-50. Pour une définition du concept d’ « approche psychosociologique » : « Etude de la psychologie des êtres humains dans leurs relations avec d’autres individus. Discipline frontière entre la psychologie et la sociologie, elle est quelquefois appelée psychosociologie et plus 461 206 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 du moins dans cette optique, sans prétendre à l’exhaustivité, loin de là, que sera restituée ci-dessous une sélection de dénominations de quartiers aux symboliques les plus évidentes. Sur cette carte des subjectivités figurent tout d’abord et principalement des dénominations se référant à la symbolique du foyer, dénominations qui sont elles-mêmes souvent encrées dans une référence aux registres spirituels et religieux. C’est le cas par exemple des quartiers et secteurs informels dénommés « Coopérativa Monte Sinaï », « Hogar de Nazareth », « Volontad de Dios », « Regalo de Dios », « Viernes Santos ». Ce sont ensuite des dénominations relevant de symboliques touchant aux luttes sociales comme « Bastion Popular », « el Batallon del Suburbio », « la Prospérina », « Proletarios sin tierras » que l’on relève. D’autres, plus exotiques, mais tout aussi évocatrices comme « Miami Beach » et la « Florida » attirent le regard. Les dénominations incluant des connotations ethniques et celles faisant référence aux populations afrodescendantes ou indigènes se distinguent : « Barrio Nigeria », « Barrio Cuba », « Coopérativa Mayaycu », « Isla la Trinitaria ». Poursuivant l’exploration apparaissent des dénominations de quartiers historiquement associées aux politiques gouvernementales ou municipales de logement social qui, si bien formellement constituées se sont étendus par la suite de manière informelle 462 . C’est le cas par exemple de la « Ciudadela Martha de Roldos », de la « Ciudadela Victoria » ou encore de « Mucho lote »463. C’est enfin, à l’inverse, et poursuivant une approche relevant de l’odonymie cette fois, la multiplication des quartiers portant le nom de figures publiques et des « dirigeants » précédemment évoqués qui peut être observée. C’est le cas par exemple des coopératives « Sergi Torral » ou « Balerio Estacio ». rarement encore socio-psychologie. Cette dernière notion est également employée comme synonyme de psychologie collective, branche de la psychologie sociale qui étudie les conduites collectives. » Lexique d’économie, Dalloz, 12e édition. 462 Voir sur ce theme: Aguirre María, La acción habitacional del estado en Guayaquil 1972-1979, Tesis para optar a la maestría en ciencias sociales, con mención en estudios del desarrollo, Flacso, 1980. Littéralement traductible par « Beaucoup de lots » révélateur au passage d’un certain « parler » populaire qui marque l’action des autorités publiques dans le domaine. 463 207 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Retenons enfin les dénominations des quartiers plus anciens, désormais parties intégrantes du centre-ville, qui font référence aux anciennes exploitations agricoles, les « haciendas » comme le « Guasmo » ou l’« Atarazana »464 de même que les références à des zones conquises au siècle passé sur l’écosystème de mangrove et sur la forêt tropicale sèche465. Ce bref survol de la diversité des dénominations des quartiers émergents de Guayaquil appelle d’emblée une série d’observations qui présentent un intérêt sur le terrain de l’histoire locale du droit. La dénomination renseigne en effet sur la dynamique accidentée d’intégration à la ville et semble révélatrice d’un contexte social et juridique protéiforme d’assimilation des nouveaux habitants au tissu urbain. Il existe dès lors un référentiel commun évident attenant à la logique de restitution des droits, au progrès social et plus généralement aux attentes touchant à l’amélioration des conditions de vie. La référence à l’idée de consolidation légale, à une chronologie de l’intégration des quartiers à la carte administrative et politique urbaine semble de même assez claire. La croissance marginale de la ville opère par « étapes » et révèle une trajectoire propre à chaque quartier ou secteur. Il existe par exemple non pas une seule coopérative « Sergi Toral », mais bien quatre coopératives « Sergi Toral 1, 2, 3, 4 » auxquels correspondent en retour des états « de consolidation » différents au regard de la loi et du régime d’occupation des sols. Nonobstant une profonde hétérogénéité des situations de fait, c’est en dernier lieu une aspiration collective à la reconnaissance formelle du quartier qui peut être devinée. Les références courantes aux nomenclatures administratives existantes, « officielles », mais aussi coutumières qu’il s’agisse du « Barrio », de la « Coopérative », de la « Précoopérative », de l’« Association », du « Secteur », de la « Ciudadela », de l’« Urbanisation » ou enfin de la « Paroisse » apparaissent comme autant de références explicites aux registres de la consolidation, de la régularisation voir de la titularisation. Les dichotomies « légal-illégal », « régulier-irrégulier », « formel-informel » sont de toute évidence mises à mal par cette parcellisation extrême du territoire urbain. Refermant ce regard sur le contexte urbain marginal de Guayaquil à partir de l’approche toponymique abordons par la suite la question de la triangulation. Voir sur ce thème l’article paru dans el Universo en date du 15 mai 2005, ‘la Atarazana una hacienda transformada en zona urbana’, accessible en ligne : http://www.eluniverso.com/2005/05/15/0001/18/1FF91D82FF4E45B3827AD4F697BC440E.html (09/04/2013) 465 Il en est ainsi de l’ « Estero salado », des « lomas de Mapasingue » ou encore du « Bosque del salado ». 464 208 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 B) L’enjeu de triangulation « Le dispositif clinique lui-même est donc convocation, tant pour le clinicien que pour les sujets ou collectifs avec lesquels il travaille, de plusieurs expériences, de plusieurs contextes et temporalités466. » Le programme de recherche s’inscrit ici dans un souci de gestion des subjectivités individuelles et collectives résurgentes, le travail sur et à partir de l’émergence du « point de vue ». Les figures du « professionnel », de « l’expert », de « l’enseignant-chercheur », du « légiste », du « sociologue », de « l’anthropologue » ou de l’historien » du droit tout comme celle de « l’usager du droit », de « l’habitant », du « profane » fournissent autant de « lectures » préliminaires, sources de production contextuelle envisageables de la croissance urbaine marginale. Chacune ouvre une fenêtre sur un registre discursif permettant d’entreprendre la restitution des faits de marginalité urbaine. Chacune relève d’un certain registre d’observation et serait susceptible d’une réception en tant que telle dans la sphère de l’étude juridique. Admettre comme hypothèse de travail que chacun de ces acteurs locaux et institutionnels est effectivement porteur d’un fragment de réalité et d’un regard légitime sur le fait urbain majoritaire, ouvre une question épineuse au regard de l’étude de cas : la connaissance factuelle n’apparaît accessible qu’aux détours du dialogue et de la rencontre. L’enjeu méthodologique poursuivi sur ce point est d’inscrire la connaissance de la croissance urbaine marginale en droit dans un registre d’intersubjectivité permanente, de remettre les points de vue recensés et éventuellement concurrents dans l’orbite d’une même représentation du fait social. Dans une logique similaire, un auteur décrit schématiquement l’interprétation ethnographique des phénomènes sociaux comme « toujours produite dans une situation d’interlocution » et comme « le résultat d’une véritable négociation entre le chercheur et ses informateurs » 467 . Ce travail de recensement, la diversification des points de référence et leur mise en relation renvoient, en substance et 466 Jean-Yves Rochex, « Approches cliniques et recherche en éducation », Recherche et formation [En ligne], 65 | 2010, mis en ligne le 01 septembre 2014. URL : http://rechercheformation.revues.org/165 R. POTTIER, Y-a-t-il une méthode en ethnologie, L. Obadia (dir.), L’ethnographie comme dialogue immersion et intéraction dans l’enquête de terrain, Publisud, 2003, p.109, cité in Nicolau Gilda, Pignarre Geneviève, Lafargue Régis, Ethnologie juridique, p.44. 467 209 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 techniquement au procédé de triangulation évoqué dans le cadre des sciences humaines 468 . Ils permettent à terme d’identifier, de retenir et de mettre en valeur des sensibilités particulières. La triangulation permet de découvrir les rapports de force et schémas interprétatifs « dominants » qui tendent à s’instaurer sous couvert de neutralité axiologique et de représentation monolithique du réel. Reformulons le propos quant aux présupposés méthodologiques de l’approche de terrain et à la dynamique de recherche instituée en vue d’appréhender la croissance urbaine marginale des villes du Sud comme contexte d’étude et de travail juridique. Il semble possible de retenir, dans ses grands traits, l’ouverture d’un questionnement heuristique. L’approche de terrain éveille et précise l’intérêt du juriste pour le cheminement intellectuel qui conduit, en tant que tel, à fomenter une connaissance du fait social au service des pratiques. Le juriste placé en situation d’observateur « primaire » redécouvre son travail sur et avec le fait social en périphérie des cadres épistémologiques « traditionnels » d’étude et de réalisation du droit en sociétés. Un tel élargissement du champ de prospection se justifie dès lors qu’il facilite une prise de recul et le dépassement des schémas interprétatifs du type « dominants-dominés », « riches-pauvres », « centre-périphérie », « formel-informel », « Nord-Sud » qui ternissent l’appréhension des phénomènes urbains marginaux en droit. L’approche de terrain n’offre pas, en revanche et à l’inverse, une quelconque garantie de connaissance du fait social urbain marginal dans sa globalité. Sa fonction principale n’est autre que de faciliter et d’organiser le rapprochement du chercheur avec une réalité sociale complexe. Le terrain met à jour les difficultés d’accès et de production de l’information contextuelle. Il signifie au chercheur les limites de son art, de ses ambitions, le caractère éventuellement aléatoire des prétentions touchant à une connaissance globale du fait social dans laquelle le droit et les pratiques des juristes sont cependant immergés. D’ici émerge la nécessité d’exclure une nouvelle fois toute idée de « continuité tranquille » entre le terrain et la connaissance du fait urbain marginal en droit. La reconstitution du contexte urbain marginal des villes du Sud relève d’un travail d’alchimiste. Son enjeu principal serait de saisir les composantes d’une matière en mouvement, de se familiariser avec une tectonique des plaques. Penser le droit en dehors de cette 468 DENZIN N.K. (1978) The research act, 2e éd., New York,; Smith H.W, Strategies for Social Research: The Methodological Imagination. Englewood Cliffs, NJ, Prentice Hall 1985 cités in AUDET Caroline, Bouchard Marc-André, « Pour un paradigme intensif et pluraliste (quantitatif et qualitatif) dans l'étude du processus psychothérapeutique », Psychothérapies n°4, vol.22, 2002, p. 199-212. 210 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 complexité serait synonyme d’un renoncement. Il en va en grande partie de l’utilité, de la pertinence et de la légitimité du discours juridique et des hypothèses de recherche sur la fonction sociale du droit et des juristes. Conclusion Retenons en guise de synthèse que c’est bien en ce sens qu’il convient de limiter matériellement l’approche de terrain à une unité de temps, d’espaces et d’acteurs sociaux. Le jeu des échelles, le passage du local au global, du cas de Guayaquil aux villes andines, aux métropoles du Sud ne se trouve pas pour autant exclu par « l’approche de terrain ». Il relève essentiellement du choix de la démarche comparative et de l’extrapolation sur le terrain de la théorie générale du droit prenant racine dans un procédé d’échantillonnage, d’un processus expérientiel et transparent préliminaire de vécu du droit. Le projet scientifique de restitution du contexte d’étude et de réalisation du droit ne peut se limiter à « définir », à « restituer » voire même à « potentialiser » une lecture « normative » singulière du fait social, de la croissance urbaine marginale. Il se doit, à l’inverse, de restituer la friabilité du fait social, apprendre, à percevoir, à composer avec sa tectonique des plaques. Produire une connaissance mutuelle, aussi partielle qu’elle puisse être du fait juridique, de l’élément générateur de droit, se présente dès lors comme un questionnement d’ordre épistémologique en soit. Ce dernier dépasse le simple champ des pratiques de recherche et, plus généralement, de l’activité juridique. 211 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Conclusion de la Partie 1 Insérons ci-dessous et en guise de « conclusion visuelle » du travail de situation une sélection de photographies et d’images qui présentent un lien direct avec l’espace urbain marginal de Guayaquil et le secteur du Monte Sinaï en particulier469 (. L’introduction de ces supports dans le cadre de l’exercice de représentation du contexte d’étude et de réalisation du droit repose sur le postulat scientifique simple et clairement établi selon lequel l’image, comme support communicationnel, active des mécanismes cognitifs alternatifs à ceux de l’écrit. À l’image et aux stimuli visuels est associé un traitement inné d’informations 470. Le scénario recherché est ensuite celui d’une personnalisation de l’approche contextuelle 471 , son appropriation par le lecteur. Un espace de questionnement individuel est recherché. Une approche dynamique, réflexive et éventuellement dialogique du contexte guayaquileño urbain marginal se voit facilitée à travers l’exercice d’imprégnation par l’image 472 . L’observation de la série d’images reproduites à la suite ouvre idéalement le champ à un exercice de groupe et à la conduite d’un exercice d’interprétation collective du contexte urbain marginal. Les images fournies permettent en dernière instance d’amorcer le dialogue sur la fonction sociale du juriste à l’épreuve de la croissance urbaine marginale. Retenons a minima deux axes de questionnement susceptibles d’en orienter la lecture. - Le premier axe de lecture suggéré renvoie au jeu d’observation et d’interprétation du phénomène social urbain marginal per sé. L’observateur est incité à projeter sa présence dans l’espace urbain marginal représenté. Il essaie d’adopter différents points de vue, de visualiser 469 Prises de vue personnelles en majorité, les images restantes se trouvent disponibles en libre accès. 470 SHEPARD, Roger N. et COOPER, Lynn A, Mental images and their transformations. The MIT Press, 1986; STOKES, Suzanne, Visual literacy in teaching and learning: A literature perspective, Electronic Journal for the Integration of technology in Education, 2002, vol. 1, No. 1, p. 10-19; WILEMAN, Ralph E., Visual communicating, Educational Technology, 1993. GONZÁLEZ CASTILLA Francisco; Derecho y Revé; “Una propuesta video gráfica para el diálogo jurídico en el aula” , extrait de GARCÍA AÑÓN, José. Miradas a la innovación: experiencias de innovación en la docencia del Derecho, Universitat de Valencia,2009. 471 JOHANSEN, Steven J. and Robbins, Ruth Anne,” Art-Iculating the Analysis: Systemizing the Decision to Use Visuals as Legal Reasoning” (July 1, 2015). 20, Journal of the Legal Writing Institute ,57, (2015); Lewis & Clark Law School Legal Studies Research Paper No. 2015-11; PORTER, Elizabeth G. "Taking images seriously." Columbia Law Review (2014): 1687-1782; SILBEY, Jessica. "Images in/of Law." NYL Sch. L. Rev. 57 (2012): 171. 472 212 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 le quotidien d’une famille, d’un groupe, d’une communauté locale, d’un groupe professionnel dans le contexte représenté. Il approfondit par la suite ce niveau de perception primaire. L’exercice s’oriente alors vers le recensement des références et de référents d’ordre politiques et culturels qui surgissent au cours de cet exercice d’observation : souvenirs personnels, voyages, lectures, récits, œuvres artistiques, films, reportages, documentaires, etc. Dans quelle mesure ces supports d’informations additionnels s’articulent-ils avec la séquence de photos proposée ? Dans quelle mesure rappellent-ils ou s’inscrivent-ils à l’inverse en porte-àfaux avec les éléments du contexte urbain marginal décrits en amont. Finalement et assez fondamentalement, l’observateur est incité à travers l’observation à reconstituer un récit, à établir le fil conducteur qui unit ces images et représentations subjectives les unes aux autres. - Le second axe d’observation amorce plus spécifiquement un mouvement de retour vers le questionnement juridique et la fonction sociale du juriste. C’est la mécanique intuitive de qualification juridique des faits qui est cette fois stimulée par l’image, à travers le contexte urbain marginal représenté. L’observation incite à reconstituer un environnement juridique, à rechercher les manifestations physiques ou symboliques du droit dans l’espace urbain marginal tel qu’il est représenté, à s’interroger sur l’éventualité d’un droit applicable. Quels droits subjectifs ou quelles branches de droit sont-ils mis en cause à travers ces images ? Estil possible d’établir des liens entre les situations de vie courante représentées et l’exercice quotidien des métiers du droit (juge, avocat, auxiliaire de justice, notaire, enseignant et chercheur, etc.) ? Quelle est, pourrait, ou devrait être, le rôle des opérateurs juridiques à l’épreuve du contexte projeté ? Cette présence relèverait-elle d’une quelconque obligation au sens légal, moral, déontologique ou, à l’inverse, de l’exercice d’une liberté professionnelle ? Si oui, lesquelles ? 213 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 214 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 215 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 216 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 217 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 218 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 219 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 220 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 221 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 473 473 Source: «El presidente Rafael Correa saluda con los concurrentes al enlace ciudadano número 354, que se transmitió desde Monte Sinaí.” Préfecture du Guayas, 28 décembre 2013. 222 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 223 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 224 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 225 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 474 « Tant qu’existent la pauvreté, la faim, la misère, l’injustice et que l’homme nécessite un endroit où abriter ses rêves avec sa famille (cette lutte populaire commence et jamais ne mourra). Avocat Sergio Toral, leader populaire. » « Ta famille mérite de vivre dans la dignité, dénonce les trafiquants de terre, Information auprès de notre Unité Mobile d’attention citoyenne ». 474 226 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 475 475 Source: “Drama, impotencia y rabia en Monte Sinaí por desalojos”, El Universo, Viernes, 10 de mayo, 2013. 227 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 476 477 476 ‘Ustedes tienen casa y nosotros no’ fue el grito en Monte Sinaí’, El universo, sábado, 11 de mayo, 2013. 477 Quejas de saqueos tras desalojos en Monte Sinaí, El universo, martes, 14 de mayo, 2013. 228 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 478 478 Mural del Cabildo Porteño, Luis Peñaherrera Bermeo. 229 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 230 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 231 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 232 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 233 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 234 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 479 480 479 480 Aquarela, Walter Handro, Brésil. Aqualera, Walter Handro, Brésil. 235 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 236 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 481 481 Manuel Cabrera Patiño, El Telegrafo. 237 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 238 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 239 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 240 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 241 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 482 483 482 Ivan Guayasamin, Borrasca en azul, 1997. 483 Ecuador a colores, edicion n°10, octubre 2011, photographe inconnu. 242 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 484 484 Photographe inconnu. 243 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Partie 2 Travail et contrainte de légitimation du rôle social au lendemain de « Montecristi » Pourquoi la mise en cause de l’incidence socio-environnementale du travail juridique paraîtelle généralement troublante, détachée de considérations pratiques et de la marche courante des affaires juridiques ? Comment cet ordre des connaissances touchant pourtant au rôle des usages et pratiques professionnels du droit en sociétés peut-il éventuellement être inversé ? Par quels moyens le champ des possibles « juridiques » considéré au regard de l’espace-temps de territorialisation des asentamientos peut-il être mesuré, aménagé, orienté ou étendu ? Soutenons au fil de cette seconde partie que la marge de manœuvre viendrait non pas seulement d’une lecture contextuelle renouvelée, mais aussi d’un travail de situation du rôle socioenvironnemental des usages et pratiques professionnelles485. La conscience du rôle « dans l’action », le questionnement de l’agir juridique en mouvement, interfèrent avec la routine décisionnelle du juriste, engagent la qualité de ses jugements au quotidien. Comprendre les mécaniques intellectuelles de projection et de signification de l’agir professionnel en sociétés, percevoir les modes de « fabrique », d’« apprentissage » ou de « (re) production 486 » du droit par la voie de ses usages, constituent, autrement dit, des points d’étape nécessaires en vue du décryptage, de la consolidation et du déploiement de registres d’engagement dans l’orbite périurbaine. Il paraît ensuite possible d’avancer, comme hypothèse de départ, que la communauté des juristes, au sein d’une société donnée, se trouve légalement, moralement et, plus généralement encore, socialement astreinte à assimiler, d’une manière ou d’une autre, le registre de l’intérêt général dans le cadre de ses usages et pratiques quotidiennes. Que les acteurs disposent des moyens et des méthodes adéquats — généralement mesurables en termes de vécus expérientiels, de « capacités » et de « compétences » — pour s’en acquitter ou, plus simplement, pour mesurer l’impact social du travail 485 Pour une définition du concept de « situation » en sociologie : « La définition de la situation résulte de l'interprétation que fait chaque membre de la situation sociale dans laquelle il se trouve. Cette définition concerne à la fois le contexte de l'interaction, les rôles sociaux des acteurs et la signification que les acteurs donnent à la situation. Cette signification fait elle-même partie de la définition de la situation. Par exemple, les comportements sexués supposent en permanence de la part des acteurs un travail de définition de la situation : un homme ou une femme n'accompliront pas les mêmes gestes, n'utiliseront pas le même vocabulaire, etc., selon le contexte de la situation. Cette expression est notamment utilisée par Robert Park, Harold Garfinkel et Erving Goffman. » ; Lexique de sociologie Dalloz, 4e édition, 2013. 486 KENNEDY Duncan, and Paul Carrington, Legal education and the reproduction of hierarchy: A polemic against the system: A critical edition, New-York University Press, 2004. 244 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 juridique semble, en revanche, bien moins acquis. L’analyse des mécanismes de contrainte sociale — éventuellement « juridique » — et l’identification des déterminants de l’agir juridique « en situation », paraît, de fait, un terrain escarpé. Au toucher de cette corde sensible, l’examen préliminaire de l’objet « fonction sociale » — et plus précisément « socio-environnementale du juriste » — provoque une gêne. Depuis la perspective du terrain et en périphérie des querelles de clocher, les « travailleurs du droit487 » peinent à attribuer une juste valeur — non-monétaire tout du moins — aux gestes du quotidien — en termes d’effectivité immédiate, de contribution à la concrétisation du ou des droit(s) —. Et pour cause, la mise en cause, au sortir du dogme fonctionnel, de l’incidence économique, sociale, culturelle ou environnementale des pratiques et des usages du droit sur une ville en devenir, sa dimension éventuellement marginalisante, discriminatoire ou traumatique, paraît troublante au premier abord. Pointant implicitement vers ce vertige, à quelques milliers de kilomètres et de manière somme toute anecdotique, le propos par Denis Mazeaud tenu à l’occasion d’un séminaire consacré à « la place du juriste face à la norme » semble évocateur. L’auteur commençait ses observations par une remarque révélatrice du malaise évoqué dans les termes suivants : « J’ai rarement éprouvé un tel sentiment de vertige à l’orée d’un exercice de synthèse... parce que nous avons consacré l’essentiel de nos exposés et de nos débats à des questions quasiment existentielles, à nous interroger sur notre métier, sur notre fonction, sur notre mission de juriste au sein de la Cité.”488 487 MÜLLER, Friedrich ; Discours de la méthode juridique, Presses universitaires de France, 1996, p.227-229. 488 Denis MAZEAUD, « Observations conclusives », extrait de : La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p151-156 ; Pierre Moore formule une observation préliminaire voisine : « Se disant sans doute qu’il était difficile de traiter de l’éthique sans aborder la question du droit, les organisateurs de ce colloque ont invité un juriste à présenter un exposé. D’un certain côté, ils ont eu raison. L’ordre juridique est un édifice normatif, et pose ainsi dans toute sa clarté le problème de l’impérativité des normes; d’autre part, il est la transposition autoritaire de valeurs socialement reconnues comme bonnes. Il y a donc bien quelque part, dans le droit, quelque chose qui doit avoir un rapport avec l’éthique. D’un autre côté, je dois avouer qu’ils ont eu tort. Car, me mettant à ma table de travail, il y a quelques semaines, mon embarras a été total. Me disant que dans le titre devaient figurer nécessairement les mots politique et éthique, et que je m’exprimerais comme représentant de la discipline dite « droit », cela me donnait trois termes en interrelations nécessaires – trois, donc une trinité, unité composée de trois entités.(…) » in : Pierre MOOR, « Éthique, juridique, politique : trinité laïque ? », Revue européenne des sciences sociales [En ligne], XXXVIII-118 | 2000. 245 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Par-delà l’écueil existentialiste, il semble de même tout aussi difficile de déterminer par quels moyens le travail juridique, fait éventuellement l’objet d’une gouvernance publique ou privé 489 et même, au regard de notre cas d’étude, d’un acte de gouvernement socialiste. Raisonnent alors, en guise de synthèse et comme une litanie, certains questionnements d’abord « suscités » puis restés « irrésolus » au regard des premiers temps d’immersion à Guayaquil. - Dans quelle mesure les usages « sociaux » du droit aux abords du contexte urbain marginal sont-ils susceptibles d’être optimisés, systématisés, socialisés, vulgarisés, etc. ? Quels sont les principaux déterminants de l’agir juridique en contexte ? Quel est l’impact social du processus constituant de Montecristi, de la constitution du « Buen vivir », du droit de transition sur la vie dans les asentamientos (2007 — ) ? - En quoi la volonté de systématisation par voie normative et plus spécifiquement législative de la fonction sociale du juriste, l’institutionnalisation de concepts tels que la « participation citoyenne » ou le « droit à la ville » emportent-elles assez paradoxalement une perte de substance et la dilution de l’idéal « encapsulé » par la loi, transfiguré en langage d’État ? Le problème est-il spécifiquement lié au format informationnel « la norme juridique », ou, plus fondamentalement au droit, aux modalités de circulation des contenus informationnels, de formation et de socialisation des connaissances « juridiques » en sociétés ? - Comment prévenir ensuite la dissociation entre les registres de la pensée, de l’agir et du vécu du droit ? Par quels moyens anticiper et mitiger les divers glissements d’ordres rhétoriques, idéologiques, logico-déductifs inhérents à la production du discours juridico-normatif lorsque celui-ci prend pour objet la « fonction sociale des juristes » — la función social del abogado — ? - Dans quelle mesure l’étude du rôle et la mise en question des usages sociaux du droit offrentelles une perspective structurante au service de la pratique, de l’engagement ? Quelles sont les perspectives sur le terrain de la recherche et de l’enseignement ? Le concept de « gouvernance du droit professionnel » est alors précisément entendu au sens d’un processus de transformation et de recomposition des modes d’action publique mettant en jeu la construction de mécanismes de régulation des opérateurs juridiques et des usages professionnels du droit au titre de l’administration de la justice et du droit. 489 246 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le constat d’une carence interprétative soulevé au détour de ces interrogations liminaires et lancinantes incite à ouvrir une parenthèse réflexive. Un repli temporaire et nécessaire vers les « cuisines du droit »’490 est amorcé. Du point de vue d’une heuristique positive, au sens de « ce qu’il faut chercher et à l’aide de quelle méthode’ 491 », les idées de constance, de transversalité et, en somme, de structuration des questionnements sur le rôle social seront approfondies au fil de cette seconde partie. Olivier Jouanjan élabore à partir des travaux de Friedrich Müller. L’auteur offre une lecture particulièrement explicite des enjeux à la fois épistémologiques et méthodologiques attachés à l’adoption d’une démarche pouvant être qualifiée de « structurante ». L’explication est reprise dans l’encadré ci-dessous. « À la différence de la Théorie pure du droit, qui pose a priori son concept de la norme et renvoie la distinction du Sein et du Sollen, de l’Être et du Devoir-Être, à une donnée immédiate de la conscience, la Théorie structurante du Droit part de l’analyse des pratiques décisionnelles – spécialement juridictionnelles dans la mesure où la motivation des décisions de justice en facilite l’étude – au sein d’un système politique et juridique donné. Elle n’est pas “une théorie achevée qui, partant de ses concepts fondamentaux, voudraient en déduire ce qu’est un texte juridique par essence, et en quoi devrait consister l’activité des titulaires de fonctions juridique (...) La Théorie structurante du Droit se comprend comme la réflexion d’accompagnement d’une pratique du droit, pratique dans laquelle les règles décisives de la rationalité juridique sont déjà là, mais disséminées. Elle considère que sa tâche consiste à ordonner ces divers moments en un modèle provisoire et ouvert à de nouvelles évolutions. Ainsi, les positions théoriques adoptées ne sont pas le présupposé, mais la conséquence d’une analyse de la pratique, et le critère de rationalité n’est pas importé depuis la philosophie pour être, dans un second temps, appliqué au droit ; il est immanent au jeu de langage juridique”. Le déplacement de problématique — Expression empruntée à F. JAMIN, La cuisine du droit, L’École de Droit de Sciences Po: une expérimentation française, Iextenso editions, Paris, 2012. 490 491 Dollo BEITONE, , Rodrigues GERVASONI, , Sciences sociales, Aide-mémoire, 7e édition, Sirey, p.8. 247 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 du droit conçu comme un emboîtement ordonné de normes au droit conçu comme un système d’action — lui impose ce point de départ inductif492. » Abondant significativement en faveur d’un « réarmement » théorique 493 de nos épistémologies du rôle, les travaux et analyses d’Emmanuelle Bernheim entrepris dans le contexte de l’internement psychiatrique au Canada, dont un bref extrait est reproduit ci-dessous, semblent particulièrement inspirants en vue d’affirmer à l’opportunité du questionnement fonctionnel sur le fond. En matière de droit vivant, nos résultats de recherche dévoilent des éléments inédits sur la fonction de l’individu dans la dynamique normative, en tant que détenteur d’une certaine marge de liberté. Toutefois, nous avons constaté que cette liberté est inséparable du rôle que l’acteur entend jouer et du sens qu’il donne à son action. Il s’agit d’abord de la manière dont l’individu définit sa fonction dans les liens actifs au sein de la configuration, mais également, plus largement, dans la conception qu’il se fait de son rôle social. Ainsi, la norme, en tant que source de motivation à l’action, s’inscrit dans un imaginaire personnel et collectif lié à la conception de la société « idéale ». La configuration met en scène l’acteur dans un rôle par rapport aux autres acteurs avec qui il est directement lié, et, indirectement, par rapport au public, c’est-à-dire la collectivité dans laquelle la configuration se met en place. En outre, la configuration elle-même n’a plus de sens si elle n’est pas arrimée à sa fonction collective et sociale. Il s’ensuit que le choix de la norme traduit une certaine compréhension et une certaine vision du monde. Les différentes postures décisionnelles dépendent donc a priori de ces éléments. Elles préexistent à Olivier JOUANJAN, « D’un retour de l’acteur dans la théorie juridique », Revue européenne des sciences sociales [Online], XXXIX-121 | 2001, §.14 ; Sont cités par l’auteur dans la le passage reproduit : KELSEN, Théorie pure du droit, 2e éd., trad. par Ch. Eisenmann, Bruxelles, Paris, Bruylant, LGDJ, 1999, p. 14 ; F. MÜLLEr, R. Christensen et M. Sokolowski, Rechtstext und Textarbeit, Berlin, Duncker & Humblot, 1997, p. 15. ; F. Müller, Methodik, Theorie, Linguistik des Rechts, Berlin, Duncker & Humblot, 1997, p. 71 ; du même auteur, Discours de la méthode juridique, trad. O. Jouanjan, Paris, PUF, 1996, p. 32. 492 Véronique CHAMPEIL-DESPLATS observe sur ce registre : “dans la très grande majorité des cas, les théories générales du droit se concentrent sur l’analyse de concepts et phénomènes transversaux aux différents ordres juridiques: concepts de droit, d’ordres ou de systèmes juridiques, de normes, de hiérarchies des normes, identification des types de normes (normes primaires, secondaires ou de reconnaissance), distinction entre être et devoir être, propriétés systémiques ou institutionnelles des ordres juridiques, détermination des relations entre les normes (rapports logiques, rapports hiérarchiques, etc.) » in : CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, Méthodologie du droit et des sources du droit, Dalloz, 2014, p.120. 493 248 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 l’adhésion au contenu de la norme. En effet, la pluralité des acteurs engagés dans la construction du sens de la norme le font non seulement comme membres d’un groupe professionnel, mais aussi en tant qu’individus. Ainsi, bien que celui qui agit en matière de garde en établissement ou d’autorisation de soins le fasse à titre de juge ou de psychiatre, il ne peut faire abstraction du citoyen, du père, du voisin ou de l’ami qu’il est également. C’est que, comme nous l’avons dit, la normativité prend forme dans le lien social, elle existe « dans et par rapport à autrui ». Ainsi, le processus qui préside au choix normatif illustre jusqu’à un certain point la conception générale que l’acteur se fait des rapports sociaux, à travers les rôles de chacun au sein de la configuration. En effet, comment expliquer autrement les différentes postures par lesquelles les acteurs se posent tantôt en protecteur de la personne vulnérable, tantôt en protecteur des droits, ou encore en protecteur de la santé ? C’est bien dans l’espace du lien social, soit avec une personne vulnérable, un citoyen ou un patient, que l’acteur se définit et définit en même temps le sens de l’action qu’il accomplit. C’est la nature de ce lien et de son propre rôle qui place l’individu dans une posture spécifique par rapport au choix normatif. Sur ce chapitre, il existe une pluralité de possibilités, allant du rapport le plus personnel ou intime au rapport de convenance, selon l’engagement personnel de l’acteur et sa place dans le lien social.494 L’atrophie des méthodes et des moyens de conceptualisation de la fonction sociale des acteurs juridiques professionnels aux portes de la ville du Sud semble révélatrice, en un sens et à la lecture des passages reproduits ci-dessus, d’un chemin restant à parcourir en termes de méthodes et de « praxis » de la recherche fonctionnelle « en situation ». Face à cette page demeurée en partie vierge, l’entreprise de cartographie du rôle s’érige en point d’étape et levier potentiel du travail social, « en communauté » et, a futuro, comme un travail préparatoire pour des projets à venir. Ce second temps de la réflexion correspond généralement, d’un point de vue méthodologique, à un changement de perspective et à l’immersion au sein d’une équipe enseignante à l’université polytechnique du littoral (ESPOL). 494 BERNHEIM, Emmanuelle, « De l'existence d'une norme de l'anormal-Portee et Valeur de la Recherche Empirique au Regard du Droit Vivant: Une Contribution a la Sociologie du Droit », Les Cahiers de droit, 2011, vol. 52, p. 494. 249 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le vécu des marges urbaines est envisagé depuis un angle de vue alternatif. Le lien de proximité avec la question des asentamientos est abordé, depuis la vie universitaire, sous un jour différent et complémentaire à celui de la participation au projet de développement local. Par-delà le hasard d’une contiguïté géographique entre le campus universitaire « ESPOL Prospérina » et le secteur de Monte-Sinaï, les points d’observations se multiplient. La problématique de la marginalité urbaine est progressivement redécouverte au fil d’échanges quotidiens avec les étudiants, des enseignantscollègues, du personnel administratif et plus généralement, d’une institution publique en mutation. Derrière l’étiquette « université » se dessine, de manière subtile, une série de points de rencontre privilégiés avec la question du droit, de sa formation, de ses usages et vécus. La difficulté technique et logistique à embrasser, près d’une décennie après l’adoption de la constitution du « Buen vivir », certains changements de paradigme — éducatifs, productifs, organisationnels — sera mise en perspective 495 . Un décalage significatif entre l’énoncé des normes de transition et l’agenda constitutionnel d’un côté, la vie publique et la marche des institutions, de l’autre, se précise. La distorsion entre signaux émetteurs et récepteurs de l’énoncé légal se fait plus évidente. Les travers d’un modèle de « gouvernance par la loi » et d’un paradigme révolutionnaire partiellement réduit à des normativités étatiques « de transition » se font plus saillants et questionnables. La méthode d’observation fait écho, dans ces grandes lignes et de manière encore approximative, à certaines approches développées dans le champ des sociologies du monde universitaire — sociologies du « curriculum », de la pédagogie ou des publics universitaires496 —. De ces sites privilégiés d’observation, propices au moissonnage d’information, pour le moins cinq régulièrement fréquentés sur une période de près de deux ans (2015 —) sont retenus: - la salle de réunion et l’espace de coordination administrative. S’y prépare au jour le jour la « réforme du curriculum ». L’entreprise de longue haleine répond directement à la mise en œuvre de la Loi organique d’éducation supérieure, matrice opératoire renvoyant elle-même à la formalisation du lien entre l’université, la planification du « Buen vivir » et le suivi du mandat 495 POST, David. "Las Reformas Constitucionales en el Ecuador y las Oportunidades para el Acceso a la Educación Superior desde 1950." Archivos Analíticos de Políticas Educativas 19.20 (2011) : 1-24. 496 Mathias MILLET, Les étudiants et le travail universitaire, Paris, PUL, 2003, p.17, cité in : Françoise Ropé, « Pour une sociologie du curriculum universitaire » À propos de l’ouvrage de : Mathias MILLET, Les étudiants et le travail universitaire, Paris, PUL, 2003, Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 3 | 2004, 243-249. 250 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 constitutionnel n° 14 497 . L’ensemble du personnel académique s’y trouve directement confronté à une évolution substantielle des résultats d’apprentissage espérés 498 . Les référentiels de compétence, généralement associés à la formation universitaire, font l’objet d’une redéfinition systématique. L’effort d’ajustement de la « matrice disciplinaire » invite notamment, pour ce qui retient plus particulièrement notre regard, à porter une attention particulière à la question du traitement des droits, du civisme et de la responsabilité éthique et professionnelle des juristes et non-juristes499. La discussion des enjeux de « qualité », la situation psychopédagogique des étudiants au cœur du processus d’apprentissage, les questions du rôle de l’université dans la société équatorienne et, plus particulièrement, celle d’un positionnement stratégique face aux problématiques du développement local et national traversent le quotidien universitaire ; - la salle de classe et les amphithéâtres. La démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur et l’adoption du principe de gratuité du premier cycle facilitent une évolution substantielle quant à la « morphologie des publics étudiants ». Le brassage d’étudiants issus des secteurs populaires ou émergents de la ville, d’adultes déjà insérés dans la vie active accédant pour la première fois aux bancs de l’université, avec le public étudiant « historique » issu des classes moyennes et favorisées constitue un laboratoire d’étude privilégié. Les matières abordées — « législation touristique et environnementale », « méthodologie de la recherche » et « éthique et leadership » — offrent, par ailleurs, un point d’accroche satisfaisant pour aborder la question du droit, des droits, de la ville et des asentamientos avec les étudiants ; - les espaces d’extension universitaire en formation — « proyectos de vinculación con la comunidad » — et la mise en place des projets de « liaison sociale » entendus simultanément 497 Mandato Constituyente n°14, Evaluacion de desempeño institucional de las universidades y escuelas políticas del Ecuador, Consejo nacional de evaluacion y acreditación de la educación superior del Ecuador, Quito, 4 de noviembre 2009. Jaime ROJAS, “Reforma universitaria en el Ecuador. Etapa de transición”, Innovación Educativa, Instituto Politécnico Nacional Distrito Federal, México, vol. 11, núm. 57, octubre-diciembre, 2011, pp. 59-67. 498 L’article 124 de la LOES énonce en ce sens : « Les institutions du système d’éducation supérieure sont responsables de fournir aux diplômés de toute formation ou cursus, une connaissance effective de leurs devoirs et de leurs droits comme citoyens, de même qu’une connaissance de la réalité socioéconomique, culturelle et écologique du pays (…), Article 124 (LOES) ». 499 251 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 comme services universitaires à la communauté et comme espaces d’apprentissage « clinique » ou « par la pratique » du service juridique ; - les espaces de suivis personnalisés — las « consejerias » — facilitant d’une manière générale un échange direct et confidentiel avec les étudiants au cours du processus de formation ; - les espaces « intermédiaires ». Les conversations de couloirs, de cafétéria, le trajet en « expreso » (transport universitaire reliant le campus à la ville) les couloirs, les réunions entre collègues en dehors du cadre institutionnel constituent autant d’espaces de communication et de dialogue logés dans les fissures de l’institutionnalité. L’immersion dans le microcosme universitaire et la redécouverte de la problématique des asentamientos depuis cette autre « périphérie » arrime symboliquement la réflexion sur le rôle social des usages et pratiques professionnels du droit au contexte guayaquileño. De cette réflexion toujours en cours, la seconde partie de la thèse envisagera une synthèse préliminaire. Deux enjeux transversaux traversent tout particulièrement la réflexion. Le premier tient, d’une manière générale à la découverte et à la description d’un patron de gouvernement social et socialiste du travail juridique dans l’orbite des asentamientos, caractéristique depuis la vie politique locale d’un « après Montecristi » (2007 —). Le second renvoie au développement d’un appareil méthodologique de situation fonctionnelle de l’agir juridique professionnel aux portes des villes du Sud. Le choix du plan signale et reprend les principaux points d’étape du parcours analytique. Le plan de route qui se dessine fera état, dans un premier temps, d’un risque d’impasse. Le premier volet de l’argumentation revient, en ce sens, sur la découverte et le passage par une zone aride, la traversée du « désert fonctionnel » et point zéro des travaux sur le rôle (Titre 1). Le second volet de l’argumentation s’attachera, une fois « l’obstacle » signalisé, à mettre en place une stratégie de contournement et établir les avant-postes d’une théorie micropolitique de l’agir juridique professionnel « en situation ». Seront posés les premiers jalons à la fois théoriques et méthodologiques permettant de faciliter et d’accompagner le travail réflexif sur le rôle social. Les 252 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 développements éclaircissent à cette fin les contours d’un positionnement axiologique, précisent les termes d’une option micropolitique (Titre 2). 253 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Titre1 Le désert fonctionnel « (…) dans leur activité concrète, leur pratique, les juristes ne se posent guère la question de la justice de ce qu’ils font : ils se contentent d’établir la conformité au droit et, celle-ci établie, s’en satisfont. C’est ce qu’ils appellent le droit “positif”, c’est-à-dire celui qui est — plus ou moins — effectivement appliqué dans une région et à une époque déterminée. Certes, ils sont parfois conscients qu’une application stricte d’une loi particulière peut amener un résultat que, intuitivement, ils seraient portés à rejeter. Il existe dans l’ordre juridique quelques instruments qui permettent alors de s’écarter de l’aboutissement légal pour imaginer une autre solution : le principe de la bonne foi, la notion d’abus de droit, la théorie des lacunes. Ils ne sont qu’exceptionnellement utilisés dans la jurisprudence : celleci adapte Pascal, et part de l’hypothèse (juridiquement : de la présomption) que, ne pouvant faire en sorte “que ce qui est juste soit juridique, on a fait que ce qui est juridique fût juste” ; il faut donc laisser les juristes à leur labeur quotidien et se tourner vers les philosophes — ou vers ceux des juristes qui ont tenté de réfléchir à ce qu’ils faisaient500. » Ce titre reprend et approfondit l’hypothèse du risque de désarmement, de la distanciation à la fois théorique et méthodologique des acteurs juridiques professionnels face à la question de la fonction socio-environnementale du travail juridique en sociétés. Le constat positiviste d’externalisation et de désincarnation des questionnements liés tour à tour au « rôle », à « l’acceptabilité », à la « légitimité » ou à l’utilité sociale » du travail juridique dans l’orbite des asentamientos n’apparaît, en ce sens, que partiel. Imperceptible à première vue, le « désert fonctionnel » abrite une vie propre, microscopique et inaudible, observable depuis la marche quotidienne des affaires juridiques. Un pas en retrait du tumulte de la territorialisation, les contours d’une bulle « fonctionnaliste »se dessinent progressivement, aux détours du regard porté sur l’actualité. Il s’agira alors et tout d’abord de discerner, « vu d’en bas », de la presse quotidienne et des vécus de terrain, les traits caractéristiques d’un glissement, circonscription et polarisation sociopolitique des points de contact entre le travail juridique et la problématique du rôle. 500 Pierre MOOR, « Éthique, juridique, politique : trinité laïque ? », Revue européenne des sciences sociales [En ligne], XXXVIII118 | 2000 ; p.30. 254 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le phénomène sociopolitique d’institutionnalisation des espaces-temps de discussion et de traitement du rôle social dévoile un premier pan de l’écosystème désertique — les « foyers sociohistoriques » du questionnement fonctionnaliste — (Chapitre 1). Observé ensuite depuis la perspective d’un dogme, l’enjeu fonctionnel refait surface sous les traits d’un imposant répertoire figuratif. Le paysage fonctionnel se recompose alors à la lumière d’une série de postures intrigantes, lointains totems et idéaux types dressés par de savants juristes à l’effigie d’un juriste anonyme (Chapitre 2). 255 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 1 Entre la « fiche de poste » et le dédale des référentiels de compétence : les foyers du questionnement fonctionnaliste Cinq foyers sociohistoriques de questionnement fonctionnaliste au détour desquels une poignée d’acteurs juridiques professionnels se trouvent momentanément confrontés à la question du rôle social sont recensés ci-dessous. L’hypothèse d’un « glissement fonctionnaliste » entendu comme processus sociohistorique d’institutionnalisation et de polarisation des travaux et discours sur le rôle social des juristes en sociétés se dessine en ligne de fond. La démarche, essentiellement descriptive, correspond, au plus prêt des perceptions de terrain, au recensement des premiers points de contact « apparents » avec la problématique du rôle social des usages et pratiques professionnels — une approche de surface- Section 1 Le gouvernement de « Revolucion ciudadana » et la réforme du droit et de la justice. Le premier foyer de questionnement fonctionnaliste envisagé tient, tout d’abord, à la participation des juristes à l’activité normative et régulatrice du gouvernement de la « Revolucion ciudadana ». « Professions » et « compétences » juridiques sont constituées en objets de gouvernance et de planification publique de l’État socialiste. La dimension politique attachée à la formation du droit professionnel et à la régulation du rôle des acteurs juridiques au regard du fonctionnement de la justice et du droit est saisie au vol depuis la sphère gouvernementale. L’acte de gouvernement, guidé par une politique de gauche, génère un corpus de normes et de discours sur la destination sociale des usages et pratiques professionnels du droit. Une série de transferts du « concept » à « la norme » sont entrepris. L’entreprise de modernisation du système juridique emporte une redéfinition « par le haut » de la fonction sociale du système juridique et des métiers du droit. L’université et plus spécifiquement les facultés de droit se trouvent de même toutes désignées comme acteurs publics de la réalisation des droits et du « Buen vivir ». 256 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 L’article 323 du nouveau « Code organique de la fonction judiciaire » énonce, à titre d’exemple : « La abogacía es una función social al servicio de la justicia y del derecho » — (Article 323 COFJ).501 ». — le travail de juriste est une fonction sociale au service de la justice et du droit (traduction personnelle) — L’introduction littérale du concept de « fonction sociale du juriste » dans la législation équatorienne justifie l’ouverture d’une brève parenthèse sur le terrain du droit régional comparé. L’idée tient, en ce sens, à éclairer un pan de généalogie du discours légal fonctionnaliste et à retracer le parcours d’une idée de sa formulation à sa traduction en énoncé normatif502. Le concept de « fonction sociale du juriste » postulé depuis la citadelle législative trouve vraisemblablement ses origines dans un emprunt à la « doctrine de la fonction sociale du droit de propriété ». La proposition émerge en Europe, à l’aube du XXe siècle. L’usage contemporain de la terminologie par le légiste équatorien demeure fortement associé, en ce sens, aux pérégrinations de la pensée du juriste français Léon Duguit503. L’auteur en résumait l’idée centrale comme suit : « La propriété n’est pas un droit, elle est une fonction sociale. Le propriétaire c’est-à-dire le détenteur d’une richesse a, du fait qu’il détient cette richesse, une fonction sociale à remplir ; tant qu’il remplit cette mission, ses actes de propriétaire sont protégés. S’il ne la remplit pas, ou la remplit mal, si par exemple il ne cultive pas sa terre… l’intervention des gouvernants est légitime pour le contraindre à remplir sa fonction sociale de En français, la traduction littérale -La pratique du métier d’avocat est une fonction sociale au service de la justice et du droit- pose difficulté. 501 502 Pour une démarche similaire: CALVES, Anne-Emmanuèle. "«Empowerment»: généalogie d'un concept clé du discours contemporain sur le développement." Revue Tiers Monde 4 (2009): 735-749. MIROW, Matthew C., “Origins of the Social Function of Property in Chile”, Fordham Law Review, 2011, vol. 80, p. 1183-1217; SÁEZ ARJONA, Elena, Duguit, Léon, “Soberanía y Libertad, Lecciones dadas en la Universidad de Columbia”, Revista de estudios histórico-jurídicos, 2013, no 35, p. 814-816; BECKET, James, “Land reform in Chile”, Journal of Inter-American Studies, 1963, p. 177-211.Abelardo LEVAGGI, “Ideas acerca del derecho de propiedad en la Argentina entre 1870 y 1920”, Revista electrónica del Instituto de Investigaciones “Ambrosio Gioja”, Año I, Numero I, Invierno 2007, Daniel BONILLA, “Liberalism and Property in Colombia: Property as a Right and Property as a Social Function”, 80 Fordham L. Rev. 1135 (2011); Pereira Eliécer BATISTA et Lucero James Iván CORAL, “La función social de la propiedad: la recepción de León Duguit en Colombia”, Criterio Jurídico, 2011, vol. 10, no 1. 503 257 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 propriétaire, qui consiste à assurer l’emploi des richesses qu’il détient conformément à leur destination 504». La doctrine exposée ci-dessus se présente, au premier abord, comme un point d’inflexion historique et idéologique quant aux conditions générales d’accès, d’usage et de jouissance de la propriété privée 505 . L’image pittoresque d’une liberté absolue du propriétaire, le « dominus’ 506 disposant de son bien en « bon père de famille », s’y trouve écornée. Léon Duguit mettait généralement en cause la capacité du personnage juridique à exclure « à juste titre » et de « bon droit » les tiers, la collectivité, de la gestion de l’espace ou de la chose possédée — « property as “exit’507 » —. La référence normative à la doctrine de la « fonction sociale » sous-tend à la fois l’idée de légitimité et d’opportunité d’un droit de regard de l’autorité publique sur les conditions d’exercice de la propriété privée au nom de l’intérêt général. Enracinée dans une projection caractéristique de l’espace et de l’intérêt public, la pensée de Léon Duguit se distingue assez nettement des prescriptions marxistes et de l’approche dite « sociale » 504 Léon DUGUIT, , Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, Francisco Beltrán, 1920, p.86 cité in Ferretjans Pierre, Essai sur la notion de propriété sociale : l’expérience yougoslave de socialisation de l’agriculture, éd. R. Pichon, R. Durand-Auzias, 1963, p.245 ; Léon DUGUIT, Traité de droit constitutionnel, tome III : Théorie générale de l’État, 2e éd., Paris, de Broccard, 1923 ; M. Waline, « Les idées maîtresses de deux grands publicistes français : Léon Duguit et Maurice Hauriou », L’Année politique, 16 novembre 1929 ; Aurore CHAIGNEAU, « Des droits individuels sur des biens d'intérêt collectif, à la recherche du commun », Revue internationale de droit économique, 2015, vol. 28, no 3, p. 335-350. Louis Josserand reprendra le mouvement inscrit au cœur de la doctrine de la fonction sociale du droit de propriété afin de préciser la théorie de l’abus de droit: "Les prétendus droits subjectifs sont des droits-fonction; ils doivent demeurer dans le plan de la fonction à laquelle ils correspondent, sinon leur titulaire commet un détournement, un abus de droit; l'acte abusif est l'acte contraire au but de l'institution, à son esprit et à sa finalité (...) nos prérogatives individuelles supposent un consentement de la communauté sociale, soit que ce consentement émane expressément des pouvoirs publics, comme c'est le cas d'ordinaire, soit qu'il se dégage directement et instinctivement de la conscience collective (...)"JOSSERAND L , De l'esprit des droits et de leur relativité : théorie dite de l'Abus des droits,2è éd., Paris, Dalloz, 1939, p. 11; p.320 cité in MOYSE, Pierre-Emmanuel. « Kraft Canada c. Euro-Excellence: I ‘insoutenable légèreté du droit ». McGill LJ, 2008, vol. 53, p. 741 ; PIROVANO Antoine, La fonction sociale des droits: réflexions sur le destin des théories de Josserand. 1972. 505 506 Sur un registre similaire de remise en question des approches absolutistes de la propriété privée : SINGER Joseph, ALEXANDER Gregory, PE. Edwardo, et al. , A Statement of Progressive Property, Cornell Law Review, p.743, 2009; ALEXANDER Gregory, “Social-Obligation Norm in American Property Law”, The Cornell Law Review, 2008, vol. 94, p. 745 ; du meme auteur, “Complex Core of Property”, The Cornell Law Review, vol. 94, 2008, p. 1063 ; PENALVER Edwardo, “Land Virtues” Cornell Law Review, vol. 94, 2008, p. 821; SINGER Joseph William, “Democratic Estates: Property Law in a Free and Democratic Society”, Cornell Law Review, vol. 94, 2008,p. 1009; MACLEOD Adam, “Identifying Values in Land Use Regulation” Kentucky Law Journal, 2012, vol. 101, p. 55; Craig ANTHONY, “The Reconstitution of Property: Property as a Web of Interests”, Harvard Environmental Law Review, Vol. 26, No. 2, p. 281, 2002 (dernier accès 06/02/2013); Rose CAROL M., “Crystals and Mud in Property Law”, Stanford Law Review, volume 40, 1987-1988, p.577; SINGER Joseph William, “The reliance interest in property”, Stanford Law Review, volume 40, 1987-1988, p.611. 507 Eduardo PENALVER, “Property as entrance”, Virginia law review, volume 91, 2005, p.1889. 258 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 ou « socialiste » de la propriété508. Par opposition à des lectures corporatives et collectivistes de la propriété qui abordent la question de l’intérêt général sous l’angle du titulaire de la propriété, de sa forme ou de sa distribution au sein du corps social, la doctrine de la fonction sociale met en cause la nature même des démembrements « classiques » du droit de propriété — l’usus, fructus et abusus ou le « bundle of sticks » dans sa version nord-américaine —. Saisissant au vif l’impact associé à l’exercice quotidien des prérogatives du dominus sur l’espace de vie collective 509 , une redéfinition « fonctionnelle » de la propriété privée, « par destination », est prescrite. Concept à géométrie variable, la théorie de fonction sociale du droit de propriété connaît des fortunes diverses au fil des voyages, de ses interprétations doctrinales et jurisprudentielles 510 . La Dans le contexte des républiques d’Europe de l’Est : Pierre FERRETJANS, Essai sur la notion de propriété sociale : l’expérience yougoslave de socialisation de l’agriculture, éd. R.Pichon, R. Durand-Auzias, 1963, p.227; En France, le concept de propriété « sociale » ou « socialiste » est d’abord repris par Proudhon qui propose une « propriété fédéraliste » puis par Jean Jaurès. Ce dernier écrivait : « ainsi un droit social de propriété se constitue nécessairement au profit des travailleurs ; et ce droit social se communique aux associations diverses, communes, coopératives, syndicats, qui peuvent de plus près que la nation et avec plus de souplesse, garantir le droit des individus, leur activité enfin affranchie. Ainsi à la propriété capitaliste, relativement simple et brutale, se substituera une propriété infiniment complexe, où le droit social de la nation servira à assurer, par l’intermédiaire de groupements multiples, locaux ou professionnels, le droit essentiel de toute personne humaine, l’essor libre de toute activité… la propriété nouvelles en sa complexité vaste, nationale, communale, corporative, sera en même temps individuelle : car aucun individu ne sera livré ou à l’exploitation d’autres individus, ou à la tyrannie des groupes, ou au despotisme de la nation ; et le droit de chacun sera garanti par des contrats précis et souples qui seront, jusque dans la propriété commune, la forme épurée de la propriété individuelle. », Jean JAURES, Etudes socialistes, 1902, p.159. 508 Rashmi DYAL-CHAND, “Exporting the ownership society: a case study on the economic impact of property rights” Rutgers Law Journal, volume 39, Fall 2007, p.59. 509 En Europe, la doctrine va faire l’objet d’une première et brève réception conceptuelle dans le contexte du droit constitutionnel Allemand de l’entre-deux-guerres. L’article 153 de la Constitution de la République de Weimar (1919) établissait en ce sens non seulement que la propriété telle que garantie par la constitution « obligeait », mais aussi que son usage devait, dans un même temps, présenter les traits d’ « un service rendu à l’intérêt général. ». Dans la période d’aprèsguerre la doctrine de la fonction sociale du droit de propriété marque ensuite principalement de son empreinte l’évolution des régimes fonciers en milieu rural. Elle sera appelée à jouer comme un mécanisme de levier facilitant, depuis le volet juridique, la mobilisation des fermes et des surfaces agraires au service de l’effort de reconstruction économique. Cette sollicitation du concept de fonction sociale du patrimoine foncier à vocation agricole marque à différents égards les prémices des politiques publiques de modernisation et d’intensification de l’agriculture à l’échelle européenne. « La propriété est garantie par la Constitution. Son objet et ses limites sont établis par la loi. (…)La propriété oblige. Son usage doit être en même temps un service rendu à l'intérêt général. Article 153.» ; MONGOUACHON, Claire, « Les débats sur la Constitution économique en Allemagne », Revue française de droit constitutionnel, 2012, no 2, p. 303-337, p.329 ; En Italie, l’article 44 de la Constitution du 27 décembre 1947 énonce qu’ : « Afin de réaliser l’exploitation rationnelle du sol et d’établir des rapports sociaux équitables, la loi impose des obligations et des limitations à la propriété foncière privée ; elle fixe des limites à son étendue selon les régions et les zones agraires ; elle favorise et impose la bonification des terres, la transformation des latifundia -grands domaines- et la reconstitution des unités de production. Elle aide la petite et moyenne propriété». En Grande Bretagne, la même année, l’ « Agricultural Act de 1947 » imposera systématiquement au propriétaire, suivant une logique similaire et dans le but de sauvegarder la production agricole, non seulement de tenir en état ses terres et les installations fixes, mais encore de satisfaire à tels ou tels travaux d’amélioration de l’équipement. Le tout, sous peine de sanctions qui pouvaient aller 510 259 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 pensée de Léon Duguit trouve à de nombreux égards sur le continent latino-américain un écho des plus significatifs. La doctrine se fond progressivement dans le paysage juridique tout au long du XXe siècle, réception à « droit constant » sur les plans de la production normative, de la jurisprudence et de la pensée du droit511. Elle fera écho, un temps au moins, aux luttes paysannes et indigènes contre l’accaparement des terres arables et des ressources productives. La lecture de l’article 27 de la constitution mexicaine de 1917 offre, pour aller plus loin, un aperçu de premier ordre sur ce registre d’application historique du concept de « fonction sociale »512. Le champ des valeurs protégées à partir du discours fonctionnaliste s’étend dans la seconde moitié du vingtième siècle. Le devenir des droits du propriétaire foncier est progressivement mis en balance avec la protection de l’environnement, la sécurité alimentaire, la dignité au travail ou encore le droit à la ville. L’usage du concept gagne du terrain sur le plan du droit constitutionnel et fait l’objet d’une série de développements jurisprudentiels513. jusqu’à une dépossession des terres au profit de l’État. « Agriculture Act 1947 Part.II Good estate management and good husbandary: "The following provisions of this Part of this Act shall have effect for the purpose of securing that owners of agricultural land fulfil their responsibilities to manage the land in accordance with the rules of good estate management, and that occupiers of agricultural land fulfil their responsibilities to farm the land in accordance with the rules of good husbandry." Thomas T. ANKERSEN, et Thomas, RUPPERT, “Tierra y Libertad: the social function doctrine and land reform in Latin America”, Tul. Envtl. LJ, 2006, vol. 19, p. 69; Sheila FOSTER, et Daniel BONILLA, , “The Social Function of Property: a comparative Law Perspective”, Fordham Law Review, 2011, vol. 80, p. 101; Colin, CRAWFORD, “Social Function of Property and the Human Capacity to Flourish”, The Fordham L. Rev., 2011, vol. 80, p. 1089. 511 512 Plus spécifiquement pour le Mexique : « Art. 27.- La propiedad de las tierras y aguas comprendidas dentro de los límites del territorio nacional, corresponde originariamente a la Nación, la cual, ha tenido y tiene el derecho de transmitir el dominio de ellas a los particulares, constituyendo la propiedad privada. Esta no podrá ser expropiada sino por causa de utilidad pública y mediante indemnización. La Nación tendrá en todo tiempo el derecho de imponer a la propiedad privada las modalidades que dicte el interés público, así como el de regular el aprovechamiento de los elementos naturales susceptibles de apropiación, para hacer una distribución equitativa de la riqueza pública y para cuidar de su conservación. Con este objeto se dictarán las medidas necesarias para el fraccionamiento de los latifundios; para el desarrollo de la pequeña propiedad; para la creación de nuevos centros de población agrícola con las tierras y aguas que les sean indispensables; para el fomento de la agricultura y para evitar la destrucción de los elementos naturales y los daños que la propiedad pueda sufrir en perjuicio de la sociedad. Los pueblos, rancherías y comunidades que carezcan de tierras y aguas, o no las tengan en cantidad suficiente para las necesidades de su población, tendrán derecho a que se les dote de ellas, tomándolas de las propiedades inmediatas, respetando siempre la pequeña propiedad. Por tanto, se confirman las dotaciones de terrenos que se hayan hecho hasta ahora de conformidad con el Decreto de 6 de enero de 1915. La adquisición de las propiedades particulares necesarias para conseguir los objetos antes expresados, se considerará de utilidad pública.(…) ». 513 Plus spécifiquement pour le Brésil : La constitution énonce : « Art. 186. A função social é cumprida quando a propriedade rural atende, simultaneamente, segundo critérios e graus de exigência estabelecidos em lei, aos seguintes requisitos: I - aproveitamento racional e adequado; II - utilização adequada dos recursos naturais disponíveis e preservação do meio ambiente; III - observância das disposições que regulam as relações de trabalho; IV - exploração que favoreça o bem-estar dos proprietários e dos trabalhadores”; MARES, C.F, “La 260 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Revenant vers l’Équateur, la doctrine de la fonction sociale de la propriété est introduite pour la première fois comme principe de droit constitutionnel en 1946. Elle sera reconduite sous diverses formes jusqu’à la constitution actuelle du « Buen Vivir »514. La doctrine y fait l’objet, dans un registre parfaitement similaire, d’une lecture extensive et transversale en droit constitutionnel. propiedad de la tierra en la Constitucion brasilera de 1988”, in “Derecho a la tierra, Conceptos, experiencias y desafíos”, el Otro derecho, n°31-32, ILSA, Bogota, Colombia; Dos Santos CUNHA Alexandre, “Social Function of Property in Brazilian Law”, The Fordham L. Rev., vol. 80, 2011, p. 1171; Plus spécifiquement pour la Colombie les sentences T523/94 ; Sentencia C-223/94 § IV, Sentencia C-595/95, T-427/98. Sentencia T-523/94: “El propietario de un predio donde brotan naturalmente aguas para el consumo de la comunidad no puede abusar de su propiedad en menoscabo de la pureza del agua y esta lógica restricción establece una diferencia con otros predios que no tengan tal característica, diferencia razonable, proporcionada, motivada por situaciones de hecho, que apunta a una finalidad social y que, en últimas, responde al principio de la EQUIDAD dentro de un proceso de desarrollo sostenible”. Sentencia C-223/94 § IV: “La propiedad está sometida entonces a las restricciones y limitaciones que el legislador juzgue necesario introducir en aras del superior beneficio de la comunidad. En cuanto atañe concretamente a la propiedad rural, la explotación de la tierra tiene que beneficiar a la comunidad, puesto que dentro de la concepción constitucional de este derecho, no se puede entender ni aplicar en exclusivo y egoísta beneficio personal del propietario. § IV ); Sentencia C-595/95 : « La función social de la propiedad se incorpora al contenido de ella para imponer al titular del dominio obligaciones en beneficio de la sociedad. En otros términos, el contenido social de las obligaciones limita internamente el contenido individual de facultades o poderes del propietario, según la concepción duguitiana de la propiedad función. En el caso de las tierras baldías rurales dicha función social se traduce en la obligación de explotarla económicamente y destinarla exclusivamente a actividades agrícolas, en no explotar el terreno si está destinado a la reserva o conservación de recursos naturales renovables, etc, en una palabra, la función social consiste en que el derecho de propiedad debe ser ejercido en forma tal que no perjudique sino que beneficie a la sociedad, dándole la destinación o uso acorde con las necesidades colectivas y respetando los derechos de los demás. » ; Sentencia T-427/98. « Con la expedición de la Constitución de 1991, el concepto de propiedad ha asumido nuevos elementos que le han dado una nueva connotación y un perfil de profunda trascendencia social. La propiedad privada ha sido reconocida no solo como un derecho sino como un deber que implica obligaciones, y en esa medida el ordenamiento jurídico garantiza no solo su núcleo esencial, sino su función social y ecológica, que permite consolidar los derechos del propietario con las necesidades de la colectividad, debidamente fundamentadas. En ese orden de ideas y reivindicando el concepto de la función social, el legislador le puede imponer al propietario una serie de restricciones a su derecho de dominio en aras de la preservación de los intereses sociales, respetando sin embargo, el núcleo del derecho en sí mismo, relativo al nivel mínimo de goce y disposición de un bien que permita a su titular obtener utilidad económica en términos de valor de uso o de valor de cambio que justifiquen la presencia de un interés privado en la propiedad. Es por ello que la propiedad se protege a nivel constitucional de conformidad con el análisis y las circunstancias de cada caso, y en especial si se encuentra conexa y relacionada con otros derechos fundamentales específicos. También debe ser entendida como deber, teniendo en cuenta que su función social, como elemento constitutivo y no externo a la misma, compromete a los propietarios con el deber de solidaridad plasmado en la constitución. La configuración legal de la propiedad, entonces, puede apuntar indistintamente a la supresión de ciertas facultades, a su ejercicio condicionado o, en ciertos casos, al obligado ejercicio de algunas obligaciones ». Pour aller plus loin : Ana Luiza KRINGS, Silva SPINOLA, “Evolucao do conceito de funcao socioambiental da propriedade urbana entre 1916 e 2004”, Thèse de doctorat, Universidade de São Paulo, Faculdade de Saúde Pública, Departamento de Saúde Ambiental, 2005; Mauricio Jorge PEREIRA DA MOTA, , “A função socioambiental da propriedade: a compensação ambiental como decorrência do princípio do usuário pagador” Revista Quaestio Iuris, 2011, vol. 4, no 1, p. 785-814; Ana Carolina Del Picchia, DE ARAUJO, “Função sócio-ambiental do direito de propriedade”, Revista Em tempo-, 2014, vol. 12, n° 1. 514 Article 30 de la Constitution de 1998, Sección 1 « de la propiedad » du chapitre 4 « De los derechos económicos, sociales y culturales »: « Art. 30.- La propiedad, en cualquiera de sus formas y mientras cumpla su función social, constituye un derecho que el Estado reconocerá y garantizará para la organización de la economía. Deberá procurar el incremento y la redistribución del ingreso, y permitir el acceso de la población a los beneficios de la riqueza y el desarrollo. Se reconocerá y garantizará la propiedad intelectual, en los términos previstos en la ley y de conformidad con los convenios y tratados vigentes.” 261 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 L’encadré ci-dessous reproduit les articles 66, 282 et 321 qui mobilisent communément le concept de « fonction sociale ». « Article 66 — Droits de libertés — Sont reconnus et garantis aux personnes (…) 26. Le droit à la propriété sous toutes ses formes, incluant la fonction et la responsabilité sociale et environnementale. Le droit d’accès à la propriété sera rendu effectif à travers l’adoption de politiques publiques, entre autres mesures. » « Article 282. L’État nommera l’usage et l’accès à la terre qui devra remplir sa fonction sociale et environnementale. Un fonds national de terres, établi par la loi, régulera l’accès équitable des travailleurs ruraux — de campesinos y campesinas — à la terre. Le latifundium et la concentration des terres, de même que l’accaparement ou la privatisation de l’eau et de ses sources est interdit. L’état régulera la gestion et l’usage de l’eau d’irrigation destinée à la production d’aliments, suivant les principes d’efficience et de durabilité environnementale. » « Article 321. L’Etat reconnaît et garantit le droit à la propriété sous ses formes publique, privée, communautaire, étatique, associative, coopérative, mixte et qui devra remplir sa fonction sociale et environnementale515. » Une fois explicités les contextes idéologiques et historiques qui accompagnent l’introduction verticale — sur un mode descendant, du haut vers le bas- du concept de « fonction sociale » dans le champ du droit positif équatorien, de même que son extension de principe au champ du droit professionnel, refermons la parenthèse. Retenons en guise de synthèse préliminaire que la production et l’institutionnalisation, à flux législatif constant, du « droit de la fonction sociale » et l’entreprise « d’humanisation 516 » du droit 515 Traduction personnelle : « Capítulo sexto Derechos de libertad Art. 66.- Se reconoce y garantizará a las personas: 26. El derecho a la propiedad en todas sus formas, con función y responsabilidad social y ambiental. El derecho al acceso a la propiedad se hará efectivo con la adopción de políticas públicas, entre otras medidas; “Art. 282.- El Estado normará el uso y acceso a la tierra que deberá cumplir la función social y ambiental. Un fondo nacional de tierra, establecido por ley, regulará el acceso equitativo de campesinos y campesinas a la tierra. Se prohíbe el latifundio y la concentración de la tierra, así como el acaparamiento o privatización del agua y sus fuentes. El Estado regulará el uso y manejo del agua de riego para la producción de alimentos, bajo los principios de equidad, eficiencia y sostenibilidad ambiental.”;“Art. 321.- El Estado reconoce y garantiza el derecho a la propiedad en sus formas pública, privada, comunitaria, estatal, asociativa, cooperativa, mixta, y que deberá cumplir su función social y ambiental. » Constitution de la République d’Équateur, 2008. 262 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 professionnel guidée par la vision sociale socialiste au lendemain de Montecristi requièrent, par définition, l’intervention et le travail d’une poignée de « légistes » et d’agents publics. Le travail de légiste demeure, par définition, une pratique minoritaire et excentrée. Face à l’interpellation normative, la « masse des juristes » demeure cantonnée à une situation d’observation passive. Section 2 « L’université du XXIe siècle » et la consolidation de la responsabilité éthique et professionnelle comme champ d’étude et de recherche Le deuxième foyer de questionnement fonctionnaliste renvoie à l’observation, depuis l’espace universitaire, d’un jaillissement des champs d’enseignements et de recherche appelés à prendre pour objet d’étude l’exercice des métiers du droit. Une série de questionnements plus spécifiquement attachés à l’éthique du droit — legal ethics517 — ou à la défense des causes d’intérêt public518 se renouvelle et pénètre l’espace universitaire équatorien. La tendance s’inscrit directement dans une évolution des fins assignées à l’université depuis la sphère de gouvernance publique. Les dispositions légales traduites et reproduites donnent le ton quant au changement de cap évoqué. L’approche fonctionnelle de la formation professionnelle universitaire au regard de la planification du Buen vivir ressort nettement. « “Humaniser le droit” est une manière euphémisée, pour ne pas dire déniée, d’introduire “le social” dans le droit, compris au double sens de réalités historiques et culturelles propres à un milieu et à un groupe professionnel d’un côté, d’un souci de prendre en compte des situations financières et matérielles d’exploitants à la limite de la rupture professionnelle, de l’autre (au sens où l’on dit communément qu’“il faut être social”. » MOULEVRIER, RETIERE et SUAUD 2005 : 120 cité in CHRISTIN Angèle, « Jurys populaires et juges professionnels en France », Genèses, no 65, vol.4, 2006, p. 138-151 516 Andrew Boon définit le champ de l’éthique juridique -legal ethics- comme : « l’étude de la relation entre la morale et le droit, les valeurs sous-jacentes attachées au système juridique et à la régulation du marché des services juridiques, les institutions, les rôles professionnels et l’éthique des professions juridiques et institutions judiciaires (traduction personnelle) » extrait de BOON Andrew, « Legal ethics at the Initial stage: a model curriculum, working paper », The Law society, December 10, p.17. 517 518 COURTIS, Christian. "El desarrollo del derecho de interés público en la Argentina: avances, obstáculos, desafíos." Clínicas de interés público y enseñanza del derecho. Argentina, Chile, Colombia, México y Perú (2003): 69-96; MONTOYA VARGAS, Juny. Educación jurídica en América Latina: dificultades curriculares para promover los temas de interés público y justicia social. El otro derecho, ilsa, 2009, vol. 29, p. 42; La educación legal y la garantía de los derechos en América Latina, ILSA, el Otro derecho, n°38, Bogota, Junio 2009; DALY, Mary C, Ethical Implications of the Globalization of the Legal Profession: A Challenge to the Teaching of Professional Responsibility in the Twenty-First Century, The Fordham International Law Journal, 1997, vol. 21, p. 1239; LASSWELL, Harold D., and Myres S. McDougal. "Legal education and public policy: Professional training in the public interest." The Yale Law Journal 52.2 (1943): 203-295. 263 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « Le système d’éducation supérieure poursuit comme finalité la formation académique et professionnelle avec une vision scientifique et humaniste ; la recherche scientifique et technique, l’innovation, la promotion, le développement et la diffusion des savoirs et des cultures ; la construction de solution face aux problèmes du pays en relation avec les objectifs du régime de développement. » (Article 350, Constitution de la République d’Équateur) ; « L’éducation supérieure de caractère humaniste, culturelle et scientifique constitue un droit des personnes et un bien public social qui, conformément à la constitution de la République, répond à l’intérêt public et ne sera pas au service des intérêts individuels et corporatifs. » (Artículo 3, Objectifs de l’éducation supérieure, LOES). « L’éducation supérieure poursuivra les fins suivantes : (…) d) former des universitaires et des professionnels responsables, dotés d’une conscience éthique et solidaire, capables de contribuer au développement des institutions de la République, à la vigueur de l’ordre démocratique, et de stimuler la participation sociale ;(…) f) Générer et exécuter des programmes de recherche à caractère scientifique, technique et pédagogique qui aident à l’amélioration et à la protection de l’environnement et qui favorisent le développement le développement national durable ; (…) g) Constituer des espaces en vue du renforcement de l’État constitutionnel, souverain, indépendant, unitaire, interculturel, plurinational et laïque ; (…) h) Contribuer au développement local et national de manière permanente, à travers le travail communautaire ou l’extension universitaire. (Article 8 LOES) « L’éducation supérieure est la condition indispensable pour la construction du droit “del buen vivir” dans le cadre de l’interculturalité, du respect à la diversité et d’une cohabitation harmonieuse avec la nature. » (Article 9 LOES). L’université polytechnique du littoral (ESPOL) établit, sur ce registre, comme premier des sept résultats d’apprentissage visés à l’échelle institutionnelle « l’aptitude à comprendre la responsabilité éthique et professionnelle ». Comment générer depuis l’espace d’enseignement et de recherche une telle aptitude ? Dans un contexte général de circulation, voyage, transferts et mises en concurrence internationale des champs de recherche et des contenus pédagogiques, la responsabilité éthique et professionnelle fait l’objet de débats contemporains significatifs. Portant le regard « outre pacifique », l’université de Sydney offre, à titre illustratif, une unité de formation intitulée « the legal profession » dont la description des contenus est traduite ci-dessous : 264 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « L’unité sur la profession légale — « the legal profession » — examine de manière critique les notions de profession légale et de régulation du marché des services juridiques, les pratiques juridiques et les praticiens. La première partie du cours examine la nature du professionnalisme dans le champ du droit, la structure de la profession juridique et l’appréhension des contours du marché des services juridiques. La deuxième partie du cours explore la régulation de la profession, ses enjeux historiques et la diversité des approches théoriques et des modèles de régulation. La troisième partie explore les spécialités dans le cadre des pratiques professionnelles, met en lumière les principales forces économiques et culturelles qui mettent en jeu les paramètres du professionnalisme juridique et la régulation de la profession. Des formes alternatives d’organisation de la pratique professionnelle et du marché des services juridiques sont balayées tout en portant une attention particulière à la question de l’impact des technologies modernes et de la globalisation. La quatrième partie évalue la relation entre les avocats et leurs clients et suggère des stratégies en vue de faciliter l’égalité et une communication effective dans le cadre de la fourniture de services juridiques. (…) »519 Érigeant l’action des professionnels du droit en objet d’étude à l’intersection entre les langages de l’éthique, du politique, de la philosophie et du droit, la revue internationale anglophone « Legal ethics » évoque toujours à titre illustratif une orientation : « suffisamment ample pour couvrir la recherche empirique sur l’éthique et la conduite des professions juridiques et judiciaires, les études sur l’éducation déontologique et le développement moral, le développement de l’éthique dans l’activité professionnelle, les responsabilités éthiques des facultés de droit, des corps professionnels, du gouvernement, et des réflexions jurisprudentielles ou philosophiques sur le droit comme un système éthique et sur les obligations morales individuelles des juristes520. » 519 « The Legal Profession critically examines notions of legal professionalism and the regulation of legal services markets, legal practice and practitioners. Part 1 of The Legal Profession examines the nature of legal professionalism, the structure of the legal profession and the contours that shape legal services markets. Part 2 explores the regulation of the profession including historical challenges and diverse theoretical views and models of regulation are examined. Part 3 explores specific forms of legal practice, highlights the major cultural and economic forces that challenge the parameters of legal professionalism and regulation of the profession. Alternative ways of organising legal practice and the legal services market are canvassed focusing in particular, on the impacts of modern technology and globalisation. Part 4 evaluates the lawyer-client relationship and suggests strategies to facilitate equality and effective communication in the delivery of legal services. Furthermore, it examines lawyers' duties to clients, the Court and third parties, and the ways in which the rules and principles of confidentiality and conflicts of interest shape the advice and representation lawyers provide to clients ». Original: « … broad enough to encompass empirical research on the ethics and conduct of the legal professions and judiciary, studies of legal ethics education and moral development, ethics development in contemporary professional practice, the ethical responsibilities of law schools, 520 265 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Allant dans le sens de l’interdisciplinarité, de nombreux auteurs convoquent et utilisent le discours sur l’éthique professionnelle comme un instrument de cadrage de la réflexion fonctionnaliste 521 . Deux exemples d’une telle imprégnation du questionnement fonctionnel par l’éthique peuvent être évoqués dans le contexte doctrinal français. Christian Vigouroux dans un ouvrage sur la « Déontologie des fonctions publiques » aborde l’éthique du serviteur public comme « l’interrogation identitaire d’une personne ou d’une collectivité en elle-même et par rapport aux autres dans les différentes sphères de la vie522 ». D’une manière similaire, Antoine Garapon dans le cadre d’un essai sur la déontologie du juge, place l’éthique à la source de la réflexion fonctionnelle qu’il aborde simultanément comme « une règle morale juridiquement facultative » et comme « un questionnement une préoccupation jamais arrêtée, une démarche positive et identitaire ». L’auteur ajoute finalement que : « L’éthique correspond à une juste manière d’être, à la sagesse dans l’action ; elle suppose une réflexion personnelle sur la meilleure manière de vivre autrui, une distinction réfléchie entre le bien et le mal. (…)Appréhendée de manière collective l’éthique est alors une composante importante de l’identité professionnelle qui se construit autour de pratiques et de valeurs partagées par un même groupe professionnel » 523 Poursuivant le survol, Richard O’Dair, sur un registre similaire, introduit l’ouvrage « Legal ethics : text and materials » en définissant comme son objet d’étude : professional bodies and government, and jurisprudential or wider philosophical reflections on law as an ethical system and on the moral obligations of individual lawyers », in: Legal ethics, Volume 1, Issue 1, 1998. Carmen LAVALLEE, « À la frontière de l’éthique et du droit », Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, vol. 24, 1993, p.1-70 ; Monique Castillo observe sur un registre voisin « Ce qui change, ce dont les professionnels sentent qu’il doit changer, c’est le professionnalisme dont ils doivent faire preuve, un changement d’ordre culturel autant que professionnel, car est en train d’émerger une nouvelle culture du rapport au travail et une nouvelle sensibilité à la dimension sociale des activités économiques. L’éthique professionnelle est bien plus qu’un appel à la vertu, elle entend s’inscrire à part entière dans la scientificité professionnelle elle-même. » in : CASTILLO Monique, Du professionnalisme à l'éthique professionnelle », Études, 2011/7 Tome 415, p. 55-64. 521 522 Christian VIGOUROUX, Déontologie des fonctions publiques, Dalloz, Praxis, 2006. 523 A. GARAPON, L'éthique du juge, le juge et son éthique, les cahiers de l'IHEJ, 1993, n 1 p.27 et s., cité dans CARNIVER Guy et JOLY-HURARD Julie, La déontologie du magistrat, Connaissance du droit, Chapitre I , Le terme déontologie, Dalloz, 2e édition; 2009, p. 7. 266 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - « les accords d’une société quant à la fourniture de services juridiques et en particulier quant à la profession du droit, ses structures, ses rôles, ses responsabilités (parfois désigné comme macro-legal ethics) ; les rôles et les responsabilités individuelles des avocats quant à la fourniture de services juridiques et les implications éthiques associées à de tels rôles (parfois désignés comme “micro legal ethics”) ; et le contexte social en général, spécialement, le contexte philosophique, économique et social dans lequel les avocats travaillent en vue d’identifier et, si possible, de résoudre les difficultés éthiques auxquelles les professionnels du droit font face afin de leur permettre de voir la pratique du droit comme moralement défendable et par conséquent personnellement épanouissante »524. La « VII conférence internationale sur la « legal ethics » organisée par l’université de Fordham (New York), pour terminer ce bref passage en revue, embrasse les axes de recherches suivants : - culture, technologie, éthique et société — « Culture, Technology, Ethics and Society Culture » —, - perspectives empiriques sur les professions juridiques et les éthiques du droit — Empirical Perspectives on the Legal Profession and Legal Ethics- - approches interdisciplinaires des professions juridiques — Interdisciplinary Approaches to the Legal Profession- - philosophie et éthiques du droit — Philosophy and Legal Ethics- - régulation des professions juridiques et judiciaires — Regulation of the Legal Profession and Judiciary- - éthique et enseignement du droit — Ethics and Legal Éducation- - globalisation et profession du droit — Globalization and the Legal Profession- 524 « The arrangements made by society for the delivery of legal services and in particular of the legal profession, its structures, roles and responsibilities (sometimes termed as macro legal ethics); the roles and responsibilities of individual lawyers in the provision of legal services together with the ethical implications of those roles (sometimes termed micro legal ethics); and the wider social context, especially the philosophical, economic and sociological context in which lawyers work with a view to identifying and, if possible, resolving the ethical difficulties which face professional lawyers so to enable them to view legal practice as morally defensible and therefore personally satisfying ». O'DAIR, Legal Ethics: Text and Materials, London, Butterworth, 2001, p. 5. 267 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - Etat de droit et profession juridique — Rule of Law and the Legal Profession. — À l’image de ce que, par voie de comparaison, le développement contemporain de l’éthique apporte à la morale, la réversion épistémologique consisterait bien, à la lumière des cas et exemples rapportés ci-dessus, à déplacer une présomption simple. Acquise sur les bancs de l’université et largement enracinée dans le mythe occidental fonctionnaliste d’homo juridicus, l’image du juriste citoyen et acteur de la Cité est mise sous tension. Un champ d’observation et d’apprentissage à trois branches se substitue progressivement à la fiction originale. L’horizon fonctionnaliste, depuis la perspective académique et universitaire, se redessine et envisage : - l’étude critique de ce que la fonction socio-environnementale du juriste « est » ; - l’étude et l’interprétation de ce que la norme sociale, éventuellement juridique, désigne comme « fonction socio-environnementale du juriste » et finalement ; - le développement d’un regard prospectif sur le vide ou l’inconnu, ce que devrait ou pourrait être une fonction socio-environnementale du juriste dans les asentamientos. L’appropriation et l’entreprise pratique de développement du champ de la responsabilité éthique et professionnelle, le travail de relecture, de mise en contexte et d’opérationnalisation pédagogique à l’échelle de l’université équatorienne, du contexte guayaquileño, s’affirment encore une fois, à cet égard, sous les traits d’un phénomène « émergent ». Section 3 La corporatisme et la résurgence des enjeux disciplinaires Le troisième foyer de questionnement fonctionnaliste s’inscrit historiquement dans le sillon du phénomène corporatif525 et, plus spécifiquement, de la production du discours déontologique. Le corporatisme se présente, classiquement et de prime abord, comme une modalité d’organisation de la vie économique qui engage, sous sa forme contemporaine, l’ouverture d’un espace de dialogue et de négociation entre les corps professionnels et l’État. Dominique Chagnollaud indique sur ce registre que « le néocorporatisme est un système de reconnaissance mutuelle et Entendu comme phénomène historique le corporatisme renvoie d’une manière générale à « l’organisation d’une société en corporation industrielles et professionnelles servant d’organes de représentation politique et exerçant un contrôle sur les personnes et les activités sous leur juridiction (traduction personnelle)». Britannica, Academic edition, 2014. 525 268 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’échange assez développé entre l’État et les groupes »526. Les organisations professionnelles poursuivent un agenda, protègent « leurs frontières extérieures contre les concurrents qui cherchent à s’infiltrer dans leurs “juridictions”. Elles signent des armistices, négocient des accords qui réactualisent et revivifient leurs frontières (…). 527 ». Lucien Karpik et Terence Halliday, analysant de même la dimension politique du phénomène corporatif, observent sur un registre voisin : « Ce n’est pas la politique de l’avocat pris en tant qu’individu, mais la politique du “legal complex” — complexe juridique —, la constitution des professions juridiques, centrées sur les figures de l’avocat et du juge, qui engage les progrès et les revers du libéralisme politique. (Traduction personnelle) »528 L’intersection entre l’activité corporative et le travail en réseaux des professionnels sur la déontologie des métiers du droit, d’un côté, la question du rôle social, de l’autre, semble pouvoir être réaffirmée à divers égards. Le concept de déontologie dont l’origine est attribuée à un ouvrage de Jeremy Bentham — « Déontologie ou science de la morale529 » — renvoie étymologiquement à « la connaissance ou au discours sur ce qui est convenable »530. La « déontologie des juristes531 » s’érige, historiquement et à un premier abord, 526 CHAGNOLLAUD Dominique, Sciences politiques, Dalloz, 7e édition, §176, p.257 ; voir aussi : Laval, N., « Intérêt collectif, ordre collectif » dans M. Hecquard-Thérond (dir.), Le groupement et le droit : corporatisme, néo-corporatisme, Presse de l’Université de sciences sociales de Toulouse, 1996, p.155. 527 ABBOTT, Andrew, The system of professions: An essay on the division of expert labor, University of Chicago Press, 1988 cité in: PARADEISE, Catherine. "Comprendre les professions: l’apport de la sociologie." Sciences humaines 139 (2003): 26-29 ; voir aussi: MORET-BAILLY et TRUCHET, la déontologie des juristes, p. 28. 528 KARPIK, Lucien et HALLIDAY, Terence C, The legal complex, Annual Review of Law and Social Science, 2011, vol. 7, p. 217-236, « It is not the politics of lawyers alone but the politics of a “legal complex” of legally-trained occupations, centred on lawyers and judges, that drives advances or retreats from political liberalism » ; Voir aussi, COMMAILLE Jacques, Les vertus politiques du droit. Mythes et réalités, Droit et société, 2011, no 3, p. 695-713. 529 BENTHAM, J. « Déontologie ou Science de la morale », éd. J. Bowring. Translation by B. Laroche. Charpentier, Libraireéditeur: Paris (1834). 530 Etymologiquement dérivé de déon-tos, « ce qui est convenable », et de logos- « connaissance ou science ». Jorët Moret-Bailly et Didier Truchet visent ici : « l’ensemble des règles destinées à encadrer le comportement des juristes ainsi que de l’ensemble de leurs relations professionnelles avec les autres juristes, les usagers du droit, leurs employeurs, ainsi qu’avec les différentes institutions professionnelles, juridictionnelles ou administratives.» in : MORET-BAILLY, Joël et TRUCHET, Didier, Déontologie des juristes, Presses universitaires de France, 2010, p.55 ; CARNIVER Guy et JOLY-HURARD Julie évoquent à leur tour, 531 269 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 comme en enjeu communicationnel. Abordée comme discours corporatif, la déontologie contribue à instiguer et maintenir un état de confiance auprès d’un nombre limité d’acteurs sociaux — l’Etat en première instance. L’entreprise octroie le crédit nécessaire, estimé par calcul stratégique, à la « bonne marche » des affaires juridiques532. Hervé Croze et Élisabeth Joly-Sibuet observent sur ce plan : « La déontologie est l’ensemble des règles de conduite, quelles que soient leurs formes, applicables à une catégorie de professionnels libéraux, que la communauté professionnelle concernée reconnaît comme nécessaire pour garantir que l’activité professionnelle sera exercée conformément à l’intérêt général et dans des conditions de nature à préserver l’intégrité de l’image de la profession. Les règles déontologiques ne peuvent donc être qualifiées de règles juridiques, mais constituent un “infradroit” qui peut “accéder à la juridicité” s’il est sanctionné par la jurisprudence ou la loi »533. Le travail collectif de signification, d’argumentation et de communication sur le rôle s’inscrit pleinement au vu de ces propos dans la logique corporative. La production du discours fonctionnel corporatif ainsi que son « positionnement » dans l’espace public renvoient alors, assez nettement, à la maîtrise d’un art de la parole et du discours déontologique. Répondant aux besoins de légitimation du corps professionnel, le discours corporatif permettrait ainsi et, par exemple, de signifier la « capacité d’une profession de réfléchir sa fonction dans des valeurs en adéquation avec les attentes du public et en contrepartie des pouvoirs qui lui sont attribués 534 ». Entretenant le mythe de l’autorégulation fonctionnelle535, le discours corporatif signifie de même au "l'ensemble des devoirs comportementaux qu'imposent à des professionnels l'exercice de leur métier » in La déontologie du magistrat, Connaissance du droit, Chapitre I , Le terme déontologie, Dalloz, 2e édition; 2009, p7-18. 532 KARPIK Lucien, Les Avocats, Entre l’État, le public et le marché, XIII e–XX e siècles, Gallimard, Paris, 1995. 533 H.CROZE et E. Joly SIBUET, Professions juridiques et judiciaires- Quelles déontologies pour 1993 ?, Commissariat général du plan, 1993, p.4-6 cité in MORET-BAILLY, Joël et TRUCHET, Didier, Déontologie des juristes, Presses universitaires de France, 2010, p. 47. 534 SALAS D., Rapport français sur la conduite l'éthique et la responsabilité des juges, Groupe de travail du conseil consultatif des juges européens, mai 2002. Gérard Cornu abondant dans le sens d’une emprise professionnelle sur le processus de formation et de sanction des règles déontologiques définit la déontologie comme: « l’ensemble des règles et des devoirs imposés aux membres d’un corps ou d’une profession, ou attachés à l’exercice d’une fonction et dont le régime de sanction est autonome tant en ce qui concerne les instances compétentes que la définition des infractions et la nature des peines » in : Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, Déontologie, PUF,2011. 535 270 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 monde extérieur l’existence d’un ordre normatif virtuellement autonome, « relativement libre des contraintes de la production juridique traditionnelle »536. L’énoncé du discours fonctionnaliste, la production du sens et l’autodétermination du rôle servent, suivant cette configuration d’idées, la production d’une vitrine. La corporation projette une vision esthétisée et normée des usages et pratiques professionnels vers le corps social. L’adoption, en 1969, d’un Code d’éthique professionnel par la « Fédération nationale des avocats équatoriens » marque vraisemblablement le point d’origine quant à la production d’un discours corporatif sur le terrain déontologique en Équateur. Prônant une approche nettement caritative de l’accompagnement juridique, le code en question énonçait que l’exercice de la profession d’avocat(e) imposerait, en règle générale, de « défendre gratuitement les pauvres (…) ». Le non-respect de ce devoir déontologique était du reste représenté comme une « une faute grave », déshonorant « l’essence même de la profession », et affectant « la notoriété du métier »537. Le pouvoir de sanction consécutif aux manquements de l’avocat à ses obligations déontologiques revenait enfin classiquement à une formation collégiale, les « tribunaux d’honneur », — tribunales de honra —. Le transfert récent du contentieux disciplinaire des avocats aux Directions régionales du Conseil de la Judicature 538 , dans le sillon des réformes de la justice et du droit, replace le questionnement 536 Carmen LAVALLEE pousse la logique du discours corporatif à son paroxysme : « L'assimilation par les professionnels des valeurs traditionnelles les force à adopter une conduite appropriée, c'est-à-dire conforme à celle d'une personne capable d'exercer, sur elle-même, un contrôle moral efficace. Dans cette optique, les codes et les comités disciplinaires ne joueraient plus qu'un rôle supplétif puisque le professionnel serait un individu imprégné du sens du devoir et capable de bien agir sans qu'il soit nécessaire d'avoir recours aux pressions ou aux sanctions. »in LAVALLÉE, Carmen. « À la frontière de l’éthique et du droit ». Revue de droit de l'Université de Sherbrooke, 1993, vol. 24, p. 1-70 ; voir aussi : CABROL Valérie, « La déontologie : l'impossible définition? », Revue de recherche juridique-Droit prospectif, 2004, n°1, p.563 ; de la même auteure, Déontologie et droit : contribution à l'étude des rapports entre ordres normatifs, Thèse de droit public sous la direction de Jean-Pierret THERON, soutenue en 2001 à Toulouse ; voir aussi DECOOPMAN N., Droit et déontologie: contribution à l’étude des modes de régulation, Les usages sociaux du droit, 1989, p. 87105. 537 Original : « Art. 6.- La profesión de abogado impone defender gratuitamente a los pobres, sea cuando éstos lo soliciten directamente o cuando medie nombramiento de oficio. El incumplimiento de este deber, salvo excusa justificada, es falta grave que desvirtúa la esencia misma y afecta el alto concepto de la abogacía ». L’article 13 du Règlement en vue de l’application du régime disciplinaire des avocats dans le cadre de leurs activités de défense des intérêts d’autrui énonce sans ambages : « l’action disciplinaire est de nature administrative, publique et indépendante de toute autre action civile ou pénale à laquelle la faute disciplinaire donnerait lieu. », Reglamento para la aplicación del régimen disciplinario de los abogados en el patrocino de las causas, Resolución 121-2012, Conseil de la Judicature faisant écho directement à l’article 336 du « Codigo Organico de la Funcion Judicial », RO 544, 2009. 538 271 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 fonctionnel au cœur d’une tractation entre le gouvernement et les corporations professionnelles539. Le recours à la loi et à l’autorité d’une chambre spécialisée du « Consejo de la judicatura », dans un registre historiquement réservé à l’autorégulation des collèges professionnels, représente un virage significatif sur le plan du droit et polémique sur celui de sa politique. L’éveil des lobbyismes corporatistes d’un côté, le risque tout aussi réel d’un empiètement du pouvoir exécutif sur l’indépendance de l’avocat et sur l’exercice des libertés professionnelles traverse le débat fonctionnaliste. Section 4 L’ONG et l’organisation des services d’assistance et d’accompagnement juridique gratuits Le quatrième foyer de questionnement fonctionnaliste observé renvoie à l’activité d’une frange particulière de la vie associative locale. Les organisations de la société civile spécialisées sur la question de l’accès aux droits — défense et revendication des droits de l’homme, protection des réfugiés — « travaillent » la question du rôle à divers moments clés de la vie associative. Prenons comme cas d’étude l’organisation non gouvernementale Asylum Access, particulièrement active dans les asentamientos de Guayaquil et spécialisée en matière de défense du droit des réfugiés (en grande majorité d’origine colombienne). La question du rôle ressurgit sur la vie associative à un triple égard. À un premier égard, le travail juridique sur le rôle intervient au regard de la période décisive de formation du mouvement associatif et de constitution de l’organisation. La question stratégique de la fonction sociale des usages et pratiques professionnels du droit fait, en ce sens, l’objet d’une formalisation écrite à travers la rédaction de statuts ou la conduite des démarches administratives d’implantation comme organisation étrangère souhaitant travailler en Équateur. Une tractation s’engage, à l’occasion, auprès des autorités publiques. Certaines formes et activités associatives se voient, à l’image des activités de service ou d’assistance juridique gratuits, soumises non pas seulement à déclaration, mais aussi à un régime d’autorisation et de contrôle administratif. “Los abogados, sometidos a un CJ (consejo de la Judicatura) que vigila sus acciones”, El Universo, Domingo 10 de febrero del 2013 ; Pardo GATO, José RICARDO, Las sanciones disciplinarias impuestas por los colegios de abogados: su revisión judicial, 2007 ; VARELA, fernando, La “mision publica de la abogacia”, la formacion profesional y el rol de la colegiación; Thèse de doctorat Salas yuqui, german, La necesidad de incorporar en el codigo civil la responsabilidad del profesional del derecho por los daños ocasionados a la actividad judicial, 2012; AYALA Andrade, EDISON Fabricio, Incongruencias jurídicas del principio de buena fe y lealtad que limitan el ejercicio profesional de los abogados en el ecuador y su necesidad de reforma, thèse de doctorat, 2010. 539 272 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 À un second égard, le travail juridique sur le rôle rejaillit au moment d’établir des règles de fonctionnement internes de l’association. L’approche fonctionnaliste rejaillit, tout particulièrement, au moment d’établir un standard, un protocole ou un règlement prenant pour objet la gestion systématisée des cas et la conduite des entretiens auprès des publics cibles éligibles à l’accompagnement. L’adoption du Code de Nairobi semble, en ce sens, parfaitement représentative quant à la production d’une normativité technique d’origine associative, s’attachant à la question de l’accomplissement par les agents de l’ONG d’une fonction sociale « institutionnalisée »540. À un troisième et dernier égard, la question du rôle rejaillit de manière tout aussi évidente au regard de la gestion des ressources et talents humains. Le développement et l’énoncé vertical des référentiels de compétences professionnelles du conseiller juridique, la rédaction d’une fiche de poste et la conduite de l’entretien « d’embauche » impliquent, par définition, une activité continue de conceptualisation de la fonction sociale des acteurs juridiques professionnels « depuis » et « aux services » de l’ONG. Il suffit, pour s’en convaincre de parcourir la fiche de poste traduite et reproduite ci-dessous à titre d’exemple. Le candidat idéal sera un professionnel avec une formation ou une expérience en droit d’asile et attention aux personnes réfugiées. Précision du profil : – Fournir des services légaux individuels aux demandeurs d’asile ou réfugiés quant à la détermination de la condition de réfugié, accès aux droits et détentions arbitraires – Fournir des services de représentation légale pour des enfants et adolescents nécessitant une protection internationale en coordination avec les autorités locales. – Préparer et corriger des écrits juridiques – Organiser des activités de liaison avec la communauté locale, des sessions de formation à destination des personnes ayant besoin d’une protection internationale de la part des autorités ou institutions publiques – Rapporter les services et les activités réalisées dans la base de données et utiliser les instruments de gestion, suivi et évaluation de l’organisation – Respecter le Code de Nairobi et les normes éthiques applicables à la prestation de l’assistance juridique aux personnes nécessitant une protection internationale. « Le Code de Nairobi, Code d’éthique et règles de conduite à l’attention des Conseillers Juridiques pour les réfugiés », Promulgué à SOUTHERN REFUGEE LEGAL AID CONFERENCE (SRLAC), Nairobi, Kenya 1er février 2007. 540 273 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 – Rétroalimenter, informer de manière permanente la Coordination quant à l’avancement des cas, les tendances observées, la consolidation des réseaux et du travail communautaire – Réaliser des recherches sur le pays d’origine et le droit d’asile en relation avec le droit national et international – Représente l’organisation auprès des institutions publiques, privées d’autres ONG et des agences des Nations Unies sur délégation de la coordination Répondre à l’ensemble des conditions techniques et administratives suivantes : – Diplômé de droit et autorisé à conseiller et représenter juridiquement (…) – Expérience du processus de conseil et détermination de la condition de réfugié – Expérience dans le domaine de la protection de l’enfance et de l’adolescence – Expérience dans le domaine du travail en communauté, travail avec des populations en situation de vulnérabilité – Expérience du travail en réseau – Capacités d’organisation et de systématisation du travail (…) – Familiarité avec le travail au sein d’une équipe diverse et multiculturelle – Familiarité avec les institutions des Nations unies et spécialement ACNUR541 La préparation de la fiche de poste et le référencement des compétences préfigurent dans une large mesure, la formulation d’un contenu obligationnel de nature contractuelle entre l’ONG et ses employé(e)s. Le point de rencontre pratique entre le travail juridique et le travail sur le rôle des usages et pratiques professionnels se fait, une nouvelle, tangible. 541 Source : Asylum Access, http://asylumaccess.org 274 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Section 5 L’exercice libéral et le marché des services juridiques Le cinquième foyer de questionnement fonctionnaliste observé tient finalement au développement de l’activité « libérale » et à la fourniture des services juridiques marchands dans l’orbite de la territorialisation des asentamientos. La démarche fonctionnaliste renvoie simultanément à l’organisation de la survie économique et à l’adaptation de l’offre des services juridiques au « milieu » social. Le travail d’autodéfinition du rôle répond cette fois à une perception opportune du marché. Reprenons, en guise d’illustration, les cas spécifiques du spéculateur immobilier, du trafiquant de terre, du dirigeant ou du représentant communautaire. Le travail sur la fonction du service juridique dans l’orbite des asentamientos émerge comme une condition « sine qua non » de l’agir juridique professionnel. Ce groupe d’acteurs locaux présente, en ce sens, la caractéristique commune d’interagir sur l’offre et la demande locale des services juridiques. Le développement d’une offre « d’accompagnement », de « médiation » ou de « représentation » dans l’orbite des asentamientos répond, en somme et nécessairement, à l’assise sociale d’une série de « fonctions » : - fonctions de diagnostic et d’évaluation du régime de propriété, lecture et interprétation des instruments de planification urbaine, consultation et interprétation des documents cadastraux ; - fonctions techniques de découpage de la propriété mère en parcelles — solares —, négociation et formalisation des promesses de vente « dans » ou « sous » l’empire de la situation d’irrégularité, démarches ultérieures de régularisation de cette même propriété du sol ; - production de discours normatifs et de discours sur les normes juridiques, fonctions de représentation, de médiation sociale, capacité d’influer sur le cours des relations entre propriétaires et occupants, sur relations de voisinage, - représentation et lobbying auprès des autorités publiques locales, tractation avec les prestataires de services. 275 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Conclusion Retenons, en guise de conclusion, que le passage en revue des foyers sociohistoriques du questionnement fonctionnel permet une circonscription préliminaire des espaces d’intersection entre la conduite du travail juridique d’une part, et l’émergence du questionnement sur le rôle social des usages et pratiques professionnels du droit, d’autre part. Le travail sur le rôle participe, en d’autres termes et depuis une perspective réaliste, à la formation et à l’adaptation des normes et usages professionnels du droit. Le questionnement sur le rôle apparaît d’une manière générale fragmenté et disperse, contingent. Depuis la perspective de l’acteur, la mise en cause de la fonction sociale du juriste relève dans la grande majorité des cas évoqués du phénomène induit, d’un jeu de contraintes. 276 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 2 La revue des « totems » et l’édification du dogme fonctionnel « (…) Les gens ont toujours tendance à édifier des théories universelles qui seraient “valables partout” et à faire le récit de grands événements, laissant en dehors du champ théorique le monde de la vie. Pourtant, ce dernier forme la base culturelle sur laquelle les individus tentent de vivre et de prospérer au quotidien. De ce fait, nos sciences sociales regorgent de signifiants généraux, vides, flous, théâtre d’un véritable “carnaval de signifiants”. En un sens, l’abstraction et l’abandon du monde de la vie restent un fléau persistant au sein des sciences philosophiques et sociales542. » À l’image d’une parole révélée543, observons au fil de la section suivante dans quelle mesure le traitement juridique de la question du rôle social fait l’objet d’une approche et d’un discours dogmatique caractéristique. L’idée initiale du désert fonctionnel revêt, à ce point du parcours exploratoire, une teinte additionnelle. La question sur le rôle social rejaillit, non plus sous les traits d’une activité circonstanciée et opportune, mais bien, cette fois, comme un encart, un discours doctrinal aux accents prophétiques qui s’intercalent dans la marche du droit. La « fonction sociale du juriste » renvoie, depuis la perspective dogmatique, à un « état » de connaissance acquise, un produit de la raison « pure », un « type idéal544 » éclairant le développement de la pratique. La matière qui sépare l’acteur juridique professionnel du travail sur le rôle tient, sur ce registre, de l’étrange. Ce dernier peine à reconnaître l’image apparaissant dans le miroir déformant de la doctrine juridique. Le divorce est prononcé entre vécus et pratiques figuratives du rôle. La connaissance empirique et contextuelle du système juridique se heurte à une série de figures énigmatiques, solitaires et intemporelles, érigées à la gloire d’un juriste qu’il ne reconnaît pas : dénommons-les « totems » ou « moaï » du paysage fonctionnel. 542 Junqing Yi, « À propos de la philosophie micropolitique », Diogène, 2008/1 n° 221, p. 58-72. DOI : 10.3917/dio.221.0058. 543 Jean-Pierre JOSSUA, définition de DOGME, Encyclopédie Universalis en ligne, consulté le 28 mars 2014. 544 Pour une définition « type idéal » dans la sociologie de Max Weber, comme « une construction utopique ou irréelle destinée à mettre en évidence des relations réelles et empiriques. Il constitue un type, puisqu'il est un concept permettant de saisir les diverses relations dans 277 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Les développements suivants proposent à titre exploratoire un tour d’horizon, point de rencontre avec les statues les plus impressionnantes du paysage fonctionnel. Les doctrines fonctionnalistes françaises et nord-américaines sont spécialement considérées comme point d’entrée dans l’imaginaire des professeurs de droit. La visite commence immanquablement par la rencontre avec le simple « agent du droit » : « Le but social du droit ne peut, en l’état actuel de l’évolution humaine, être atteint que par sa force. La règle de droit a donc un caractère nécessairement coercitif ; elle implique une sanction au moins virtuelle, et par sa nature sociale une sanction externe. Elle comporte autrement dit, l’intervention possible de la contrainte sociale. Il suit de là que l’impératif juridique a normalement deux catégories de destinataires : il impose leur conduite aux individus ; mais en même temps, il enjoint aux détenteurs du pouvoir social de prêter leurs concours à la réalisation du Droit »545.. Contigu au poste d’agent se découvre celui des « techniciens » ou des « ingénieurs du droit » : Un premier technicien à notre droite : « Le juriste c’est l’ingénieur des normes juridiques, celui qui sait certes comment en dégager la signification et la portée, mais aussi celui qui sait par quels processus ces normes adviennent à l’existence, selon quelles trajectoires ces normes vivent, évoluent, interagissent, somnolent, sombrent dans l’oubli, vieillissent, se périment, se réveillent, comment éventuellement elles ressuscitent ou sont réactivées. Celui qui a saisi et maintient en éveil la compréhension et la maîtrise de la naissance, de la “composition du droit”, de la vie et de la mort des normes juridiques »546. leur singularité ; il est idéal, parce qu'il est une abstraction rationnelle et pure qui correspond rarement aux phénomènes empiriques.», Encyclopédie Universalis, article de Julien FREUND sur Max Weber (1864-1920). 545 Henri MOTULSKY, Principes d’une réalisation méthodique du droit privé, §11, p.14. 546 Jean MATRINGE, « Sur la composition du droit », R.D.P. 2011.247 ; cite in KOUAM, Siméon Patrice. « La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique) ». Les Cahiers de droit, 2014, vol. 55, no 4, p. 877-922. 278 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Un second technicien à notre gauche : « Au vingtième siècle, les non-juristes percevaient fondamentalement les juristes de la même manière qu’ils percevaient les plombiers. On avait affaire à eux lorsque quelque chose coulait ou était sur le point de couler. Les juristes étaient perçus comme des experts au sens qu’ils donnent eux-mêmes à ce concept, c’est-à-dire, comme des personnes choisies pour leurs connaissances techniques, capables de faire des constatations et des appréciations de fait sur ce que disent la Constitution, la loi et la jurisprudence. Cette image du juriste-plombier est encore fortement ancrée dans notre culture : l’utilité du juriste semble résider avant tout dans le tranchant de ses opinions juridiques techniques »547. La visite se poursuit naturellement avec le passage en revue des juristes «engagés548» et de leurs homologues anglo-saxons les «cause-lawyers549». Le portrait de famille réuni alors les juristes engagés pour une cause sociale, leurs comparses chinois les «barefoot lawyers 550 » ou latinoaméricains les «abogados populares551». Relevons à titre illustratif : « Parce qu’ils sont porteurs d’un savoir spécialisé, les juristes sont susceptibles de mettre leur compétence et leur expertise au service de la société, pour garantir une plus grande justice sociale ou défendre une cause particulière à laquelle ils croient. L’intérêt porté aux usages du droit à des fins sociales et politiques implique de s’interroger sur le rôle potentiel 547 TREMBLAY, Luc B. « Positivisme juridique versus l'Herméneutique juridique », Le. RJT ns, 2012, vol. 46, p. 249. CHEVALLIER Jacques, Juriste engagé (e) ?, Frontières du droit, critique des droits, Billets d’humeur en l’honneur de Danièle LOCHAK, Paris, LGDJ, 2007, p. 387-390. 548 549 SARAT, Austin, and Stuart A. SCHEINGOLD. Cause lawyers and social movements. Stanford University Press, 2006; SCHEINGOLD, Stuart, and Austin SARAT. Something to believe in: Politics, professionalism and cause lawyering. Stanford University Press, 2004; HILBINK, Thomas M. “You know the type: Categories of cause lawyering”. Law & Social Inquiry, 2004, vol. 29, No. 3, p. 657-698. 550 HSING, You-tien, and CHING Kwan Lee, eds. Reclaiming Chinese society: The new social activism. Routledge, 2009 ; Xing, Ying. "Dissemination of Law and Access to Justice at the Village Level: A Case Study of Barefoot Lawyers in the Villages of China." positions 22.3 (2014): 603-633. 551 JUNQUEIRA, Eliane Botelho. "Los abogados populares: en busca de una identidad." El otro derecho 26-27 (2002) ; VÉRTIZ, Francisco. "Los abogados populares y sus prácticas profesionales. Hacia una aplicación práctica de la crítica jurídica." Crítica Jurídica. Revista Latinoamericana de Política, Filosofía y Derecho 35 (2013) ; FLORES, Joaquín Herrera, and David Sánchez Rubio. "Aproximación al derecho alternativo en Iberoamérica." Jueces para la democracia 20 (1993): 87-93. 279 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 que peuvent jouer les juristes en vue de transformer la société... Leur maitrise du droit et de ses codes constitue une ressource spécifique pour l’action »552. Très rapidement, les formes et les vocations du juriste engagé se diversifient. Ce dernier opte pour la cause du «Développement »553, pour celles des droits de l’homme, de la paix, des «juristes de gauche »554. À l’extrémité du découpage catégoriel se dresse finalement « le résistant » : « Face à la norme injuste, face à la loi scélérate, du peuple des juristes surgissent parfois des hommes d’exception qui délaissent alors toges et robes pour lutter contre la barbarie et pour la liberté. Mais alors ce ne sont plus des juristes qui résistent, mais des hommes tout simplement (...) qui refusent de prêter serment devant une juridiction d’exception au risque de sacrifier leur carrière et leur vie »555. 552 LEJEUNE, Aude, Le droit au droit, Paris: Éditions des archives contemporaines, 2011, p.9. Dans un second passage l’auteure observe : « Bien que spécifique, l'action politique des professionnels du droit peut se manifester selon différentes voies: la défense de causes, la contestation du pouvoir en place, mais également la promotion de nouveaux rapports des individus au droit. Les professionnels du droit ne sont alors plus uniquement les "bouches de la loi" dont parlait Montesquieu, mais également les "voix du droit", porte-parole des messages multiples et pluriels véhiculés par le droit et les acteurs qui s'en saisissent. Selon Jacques Commaille, "les professionnels du droit ne sont pas de simples supports passifs d'une régulation juridique imposée. Ils s'affirment comme des agents actifs d'une pratique immergée dans le social et le politique et témoignent d'une efficacité potentielle particulière dans le cadre d'une régulation sociale et politique plurivoque" Si leur mission consiste à transmettre et à représenter le droit, les juristes sont néanmoins capables de contester ce même droit. », idem, p.10. 553 FRIEDMANN, Wolfgang G. "Role of Law and the Function of the Lawyer in the Developing Countries, The." Vand. L. Rev. 17 (1963): 181.; HAGER, L. Michael, "The Role of Lawyers in Developing Countries." American Bar Association Journal (1972): 33-38; GUDMUNDUR, Legal assistance to developing countries: Swedish perspectives on the rule of law, Martinus Nijhoff Publishers, 1997, p.32-59; Alvaro SANTOS, “The World Bank's Uses of the "Rule of Law" Promise in Economic Development”, in: The new law and economic development: a critical appraisal, David TRUBEK & Alvaro SANTOS eds., New York, Cambridge University Press 2006, p.253-300; IBRAHIM, E. I. “Legal Framework for Development: The World Bank's Role in Legal and Judicial Reform”, Judicial Reform in Latin America and the Caribbean: Proceedings of a World Bank Conference, World Bank Publications, 1995. p. 13; SEN, Amartya, “What is the role of legal and judicial reform in the development process?”, The World Bank Legal Review, 2006, vol. 2.; DAVIS Kevin et TREBILCOCK Michael, “The relationship between law and development: optimists versus skeptics”, American Journal of Comparative Law, 2008, vol. 56, No. 4, p. 895-946. 554 HERRERA, Carlos Miguel. "Un juriste aux prises du social." Revue française d'histoire des idées politiques 1 (2005): 113137 ; Herrera, Carlos-Miguel. Droit et gauche: pour une identification. Presses Université Laval, 2003. 555 Denis MAZEAUD, Observations conclusives, extrait de La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p.156 ; voir aussi Eric DESMONS, Droit et devoir de résistance en droit interne, contribution à une théorie du droit positif, (texte remanié de : Thèse de doctorat Droit public, Paris 2, 1994), Paris, LGDJ, 1999, p36-66. 280 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Passée la salle des « juristes engagés », la visite se poursuit avec l’échantillonnage des « bons » et des « mauvais » juristes556. Un extrait traduit ci-dessous du discours prononcé à l’occasion de la première cérémonie de remise des diplômes de l’École de droit et de sciences politiques de Panama — Escuela de Derecho y Ciencias Políticas de Panamá —, constitue un artefact historique relativement convaincant : « C’est la carrière de juriste — abogacía — qui conduit aux jugements, concepts et résultats les plus contradictoires. Il n’existe pas d’autre profession qui puisse faire autant de torts ou de biens à la personne qui l’exerce. Elle est l’instrument de l’escroquerie et de l’imbroglio dans les mains du charlatan et du sacerdoce de la justice dans celle du juriste honorable. Elle s’abaisse avec l’avocaillon au terrain stérile de l’empirisme et s’élève vers les hauteurs de la philosophie avec le jurisconsulte qui recherche, découvre et enseigne les causes premières et les ultimes raisons dans la science du juste et de l’injuste. De celle-ci se sert le tyran pour déguiser ses attaques et à elle en appelle l’homme libre pour combattre la tyrannie. De celle-ci se sert l’iniquité pour condamner l’innocent ou pour sauver le coupable. De celle-ci se sert aussi la justice pour sécher les larmes de l’opprimé ou pour rendre la liberté, l’honneur ou la terre de ceux qui ont étés dépossédés de leurs biens. En un mot, dans des mains pures ou impures, la pratique du droit — abogacía — souille ou nettoie, détruit ou ravive, hôte ou donne, usurpe ou restitue, ruine ou sauve »557. 556 En langue anglaise: LUBAN David, The Good Lawyer: Lawyers' Roles and Lawyers' Ethics, Rowman & Littlefield Publishers, 1983; KENNEDY Duncan, “Responsibility of Lawyers for the Justice of Their Causes”, The Tex. Tech L. Rev., 1987, vol. 18, p. 1157; CLARK, “Robert, Why So Many Lawyers? Are They Good or Bad”, Fordham L. Rev., 1992, vol. 61, p. 275; RAMOS Manuel, “Legal malpractice: the profession's dirty little secret”, Vand. L. Rev., 1994, vol. 47, p. 1657; RAND Josep, “Understanding Why Good Lawyers Go Bad: Using Case Studies in Teaching Cognitive Bias in Legal Decision-Making”, Clinical L. Rev., 2002, vol. 9, p. 731, CUMMINGS, Scott, “The politics of pro bono”, UCLA Law Review, 2004, vol. 52, n° 1, p. ; CUMMINGS, Scott, “What Good Are Lawyers?” In The paradox of professionalism: lawyers and the possibility of justice, Cambridge University Press, 2011, p. 1-27; En espagnol: LA TORRE Massimo, “Juristas, malos cristianos', Abogacía y ética jurídica”, Derechos y libertades, 2007, no 17, p. 71-108; SALAS Minor, “¿Es el Derecho una profesión inmoral? Un entremés para los cultores de la ética y de la deontología jurídica”, DOXA, Cuadernos de Filosofía del Derecho, 2007, vol.30, pp. 581-600 2007 557 Citation originale : « Es la carrera de la abogacía la que da origen a juicios, concepto y resultados más contradictorios. No existe otra profesión en que pueda hacer más daño o más bienes la persona que la ejerce. Es instrumento de la estafa y el enredo en manos del rábula y sacerdocio de la justicia en las del abogado honorable. Desciende con el leguleyo al terreno estéril del empirismo y se eleva a las alturas inmarcesibles de la filosofía con el jurisconsulto que investiga, descubre y enseña las causas, primeras y las razones últimas en la ciencia de lo justo y de lo injusto. De ella se sirve el tirano para disfrazar sus atentados y a ella apela el hombre libre para combatir la tiranía. De ella se ha servido la iniquidad para condenar al inocente o para salvar al culpable. Y de ella se ha servido también la justicia para enjugar las lágrimas del oprimido o para devolver la libertad, honor o hacienda a quienes han sido despojados de esos bienes. En una palabra, en manos 281 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Suit ensuite l’assemblée des cerbères, des « gardiens du droit » : Un premier « gardien » à l’entrée : « Le juriste est, en somme, à la fois un technicien, dépositaire d’une certaine manière de saisir l’objet juridique, le possesseur d’une expertise qui peut être vendue [...] et le vigile des évolutions systémiques affectant l’ordre juridique dans ses rapports avec l’ordre social global, pour le progrès de sa communauté et de l’humanité en général »558. Un deuxième « gardien » au centre de la salle : « Face à la norme qui constitue sa matière première, son pain quotidien, et le centre de gravité de son activité, le juriste, dissimulé sous sa toge d’expert impartial, va, en réalité, faire œuvre d’un système de défense d’un système ou d’un ordre qui dépasse la norme (…) le juriste fait œuvre politique, en ce sens qu’il se positionne en tant que gardien du droit, entendu comme un système d’essence supérieure à la norme, dans lequel celle-ci, qu’elle soit créée, interprétée, expliquée, contrôlée, critiquée, est intégrée. Système que le juriste tend naturellement ou fonctionnellement à protéger, à défendre contre la norme. » 559. Un troisième « gardien » dépeint en agent conservateur que l’on découvre sur le chemin de la sortie : « Le savoir juridique confisqué par les juristes a finalement fonctionné comme principe de méconnaissance et d’occultation des rapports sociaux réels : retranchés derrière la fallacieuse objectivité de la règle de droit, fermant obstinément les yeux sur les enjeux et les luttes qu’elle recouvre, enclins à considérer comme normal et naturel ce qui - et seulement ce qui — est pris en compte par le droit, les juristes se sont révélé les meilleurs puras o en manos impuras, la abogacía enmaraña o limpia, destruye o revive, quita o da, usurpa o restituye, arruina o salva. » Cité in in, Vega, Isaac CHANG, “El abogado, su función social”, Revista de derecho Iustitia y pulchritudo, Universidad Santa Laria, La Antigua, n°24, 2010, p. 5. 558 A.D. OLNGA Qu'est-ce être juriste ? Éléments pour une dogmatique éthique, Yaoundé, Éditions CLÉ, 2013, note 1, p. 111 cité in KOUAM, Siméon Patrice. La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique). Les Cahiers de droit, 2014, vol. 55, no 4, p. 877-922. 559 Denis MAZEAUD, Observations conclusives, extrait de La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p151-156. 282 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 défenseurs de l’ordre établi, les loyaux serviteurs du statu quo, les agents implicites du conservatisme social »560. Suit ensuite le passage en revue des formats « hybrides », les produits de synthèse. Premier résultat d’expérience : « Se sont dessinées à l’occasion des contributions deux figures du juriste dans sa mission d’appréhension de la norme : le juriste-technicien, le juriste-expert, en premier lieu ; le juriste-citoyen, le juriste engagé, en second lieu. À côté de la fonction technique traditionnelle du juriste, professionnel de la norme qui a pour charge d’instiller de la raison dans le débat, a émergé la mission politique plus exceptionnelle du juriste, combattant pour ou contre la norme, qui distille la passion dans le débat »561. Second résultat d’expérience : « Vainement, les juristes inquiets des querelles philosophiques prétendraient rester neutres. S’ils étaient vraiment neutres, ils ne seraient que les admirateurs de l’ordre juridique établi qu’ils considéraient comme l’expression même de la justice. Quelques-uns pensent ainsi et se bornent à expliquer les lois et les arrêts. Ils abdiquent. Un juriste ne doit pas seulement être le technicien habile qui rédige ou explique avec toutes les ressources de l’esprit des textes de loi ; il doit s’efforcer de faire passer dans le droit son idéal moral, et, parce qu’il a une parcelle de la puissance intellectuelle, il doit utiliser cette puissance en luttant pour ses croyances »562. Le tour de piste se termine par le panthéon immanquable des « grands juristes »563. 560 LOCHAK, Danièle, Les usages sociaux du droit, Conclusions, Presses universitaires de France, 1989. 561 Denis MAZEAUD, Observations conclusives, extrait de La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p151-156. 562 Georges.RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, 4e édition, LGDJ, 1949, réeed. 2000, n°18, p.29 cité in : François Chénedé, De la conception du droit à la fonction de juriste, in La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p. 13. Lauréline FONTAINE, Qu’est-ce qu’un “grand” juriste ? Essai sur les juristes et la pensée juridique moderne, Lextenso éditions 2013. 563 283 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Un premier « grand juriste » : « Aucun des “grands” juristes n’a été positiviste ; aucun n’a estimé que sa mission était de décrire et d’expliquer le droit, que “la loi c’est la loi”, un point c’est tout : cette fonction, c’est celle des “petits” juristes et des laborieux, ou pour parler comme Pantagruel des “cuysiniers” ou des “marmiteux” du droit [...] Le “grand” juriste est celui qui a soif de la justice, l’horreur des injustices et qu’anime le ferment de la foi » 564. Un second « grand juriste » : « Le juriste supérieur [...] est celui qui a été saisi par la conscience de l’importance éthique de son savoir [...] d’un savoir devant être résolument mis au service de la dignité de la personne humaine [...] le juriste est l’adepte d’un code méthodologique ; toutefois, tel que nous ne pouvons ne pas le concevoir, il est nécessairement le serviteur d’une éthique humaniste ; pour concilier rigueur méthodologique et impératif humaniste, le juriste doit être le défenseur permanent d’une dogmatique éthique »565. Philippe MALAURIE, « Les “grands” juristes », dans Mélanges en hommage à Roland Drago. L’unité du droit, Paris, Économica, 1996, p.89 cité in : Siméon Patrice KOUAM, La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique), Les Cahiers de droit Volume 55, numéro 4, décembre 2014, p. 877922. 564 565 Alain Didier OLNGA, Qu'est-ce être juriste ? Éléments pour une dogmatique éthique, Yaoundé, Éditions CLÉ, 2013, p. 30; cite in KOUAM, Siméon Patrice. La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique). Les Cahiers de droit, 2014, vol. 55, no 4, p. 877-922. 284 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Conclusion S’essayant à présent à mettre en perspective le catalogue des totems, le symptôme d’une rencontre manquée entre la communauté des juristes et ses doubles imaginaires trouve, semble-t-il, un début d’explication logique. De fait, les constructions énoncées ci-dessus ne répondent pas à une démarche pédagogique ou à un souhait d’accompagnement méthodologique du travail sur le rôle social. La production des totems répond, plus vraisemblablement à un souci partagé de clôture logique. Les « moaï » ne retrouvent, autrement dit, un éventuel signifiant qu’à la lumière de la quête fonctionnelle de leurs créateurs. Ils ne constituent que les éléments de surface d’un souci persistant de signification du rôle vécu par l’auteur : retour à la question de la contextualité. La représentation totémique tient plus vraisemblablement, autrement dit, de l’exposition au grand jour d’une série de puzzles dont les pièces et formes finales diffèrent, plus ou moins fondamentalement, d’un auteur à un autre. Elle reprend éventuellement un intérêt pratique sous cet angle de vue singulier. 285 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Conclusion du Titre 1 Le titre précédent aura permis de discerner avec plus de précision les contours d’une bulle fonctionnaliste. Le travail sur le rôle social se découvre, en premier lieu, sous les traits d’un archipel d’îlots isolés. Abordée depuis une perspective systémique, la fonction sociale du juriste fait l’objet d’une série de processus croisés et largement autonomes : - formation de normes professionnelles et édiction du « droit de la fonction sociale du juriste » ; - construction d’une compétence susceptible d’un apprentissage et de recherche universitaire ; - production du discours déontologique et défense des intérêts corporatifs, - interprétation et consolidation d’un corpus d’usages et de services professionnels dans la cadre des organisations de la société civile ; - formulation et offre d’un « produit » d’assistance et d’accompagnement juridiques. De telles observations fournissent un éclairage intéressant sur la construction du rapport des juristes au rôle social. Celui-ci se redessine tour à tour et ponctuellement autour des questionnements pragmatiques d’obéissance-désobéissance à la norme professionnelle, de préparation ou d’évolution de l’employabilité, de défense d’un territoire politique, d’une liberté professionnelle, mais aussi de la protection d’avantages sociaux, de l’engagement et du travail social et, finalement, de l’impératif d’adéquation d’une offre à une demande de services juridiques professionnels. L’ouverture du questionnement de la fonction sociale des usages et pratiques professionnels aux portes des asentamientos relève d’une manière générale d’un élément conjoncturel, de l’expérience d’une contrainte sociale. Le travail sur le rôle social se découvre, en second lieu, sous les traits d’un exercice figuratif. Que l’acteur juridique professionnel s’y trouve systématiquement réduit à une condition plus ou moins élaborée d’agent, « pion » d’un système juridique complexe et invariablement perfectible ; que 286 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 le souci de cohérence esthétique et fonctionnelle566 pose un voile sur la complexité objective des modes de formation et de réalisation du droit en sociétés, que le paysage fonctionnel se réduise à des artifices discursifs, des flux d’images retouchées de l’acteur juridique professionnel façonné par un idéal de complétude ou de cohérence… là, semble bien être le cœur du problème. Le totem se révèle bien vite un géant au pied d’argile. Reprenant l’image du dieu Janus567 — deux visages pointant dans des directions opposées —, l’exercice d’interprétation et de représentation de la fonction sociale du juriste en sociétés apparaît relativement circonscrit, balisé et, in fine, captif d’un dialogue inaudible entre des idéaux types antagonistes. Séparant les diverses polarités observées, se dessine un « secteur médian » ou « zone grise » de la fonction sociale du juriste en société, produit caractéristique du dogme. De cet état des lieux préliminaire, une conviction émerge. L’approfondissement du travail sur le rôle social passe, en toute vraisemblance, par une étape de désinstitutionnalisation-appropriation du questionnement fonctionnel. La démarche impose de prendre un recul face à l’entreprise de standardisation de la fonction « par l’usage du droit ». Il s’agirait, en d’autres termes, de déplacer définitivement la polarité du questionnement fonctionnel, établir une distance critique et vitale face à la Loi, au contrat de travail, au statut, au discours déontologique. La sphère de travail sur la fonction socio-environnementale du juriste promise au plus bel avenir serait, en somme, la personne, la construction du soi dans son rapport au monde, à l’autre et au vivant. Il reste dès lors à transposer et déployer la proposition dans un langage juridique. Paul Orianne et François Terré désignent comme la face externe du droit et qu’ils définissent généralement comme : « Les formes et les apparences que prend le droit pour celui qui l’observe de l’extérieur, c'est-à-dire sans vouloir connaître ou vouloir tenir compte de sa logique propre, des articulations qu’il comporte et des artifices dont il se sert pour assurer son unité et sa cohérence.» extrait de : ORIANNE, Paul et TERRÉ, François, Apprendre le droit: éléments pour une pédagogie juridique, Éd. Frison-Roche, 1990, p.159. 566 L’image de Janus apparaît fréquente en doctrine dès lors qu’il s’agit de représenter l’idée de dualité intrinsèque voire de contradiction : TEUBNER, Gunther, Two Faces of Janus: Rethinking Legal Pluralism, The.Cardozo L. Rev., 1991, vol. 13, p. 1443, COMMAILLE Jacques et PERRIN Jean-François, Le modèle de Janus de la sociologie du droit, Droit et société, 1985, vol. 1, p. 95-110 ; COMMAILLE, Jacques. The Janus Model of Legal Regulation: Changes in the Political Status of Justice, RCCS Annual Review, A selection from the Portuguese journal Revista Crítica de Ciências Sociais, 2010, No. 2. 567 287 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Titre 2 Jalons pour une théorie micropolitique du rôle social Comment mesurer l’empreinte socio-environnementale du travail juridique dans l’orbite périurbaine ? À partir de quelles grammaires et quels schémas d’interprétation le travail sur rôle peutil être porté au service de l’action ? Sur quelles bases méthodologiques former un critère d’utilité socio-environnementale du travail juridique ? En syntonie avec ces questionnements préliminaires, les arguments suivants plaideront généralement pour l’abandon radical d’une fiction à double entrée : l’innocuité socioenvironnementale de l’agir juridique professionnel en sociétés, l’instrumentalité de la technique juridique sous l’Anthropocène. La conduite du travail juridique sera bel et bien appréhendée sous les traits d’un phénomène éminemment politique et instrumental, porteur d’une empreinte socioenvironnementale qu’il appartiendrait à chacun(e) d’apprendre à mesurer. L’incidence des usages et pratiques professionnels sur l’opération du droit comme système de régulation sociale, sur ses « voyages », ses « transferts », sa « réalisation » dans l’orbite des marges urbaines, apparaît, en ce sens, profondément plurivoque. Les mises en scène modernistes éprouvées tenant tour à tour à l’acceptabilité et à l’effectivité systémique des actes professionnels568 au sein de la « Polis », sont mises en cause de manière systématique. L’aspiration première à l’uniformité, de même qu’à une certaine symétrie de l’engagement et des usages sociaux du droit en sociétés apparaîtra, de même, fondamentalement suspecte. Le portrait de famille, image d’Épinal d’une communauté de sujets, de fonctions ou de valeurs, vole nécessairement en éclats. Le philosophe Noberto Bobbio n’observait-il pas, sur un registre voisin, que : « il n’existe pas une unique “science juridique” (…), mais autant de “sciences juridiques” qu’il y a d’images que le juriste a de lui-même et de sa fonction dans la société569 ». Émergent, en toute vraisemblance, autant d’expressions tangibles des « fonctions sociales » du juriste, que de projectionsrevendications quant à la conduite du travail juridique aux marges de la ville Sud. Le premier pas en direction d’une saisine de la fonction sociale apparaît paradoxalement, dans ce contexte d’idées, celui du renoncement ontologique à l’unité discursive et méthodologique, les adieux au « grand juriste ». 568 HORTAL Augusto, Ética general de las profesiones, Desclée de Brouwer, Bilbao, 2002, p.51. 569 Norberto BOBBIO, Essais de théorie du droit, Paris, LGDJ, 1998, p. 75 cité in Véronique CHAMPEILDESPLATS, Méthodologies du droit et des sciences du droit, 2014, p.26. 288 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le carcan orthodoxe et dogmatique cède progressivement du terrain au registre phénoménologique. Dressant un parallèle avec la pensée de Husserl570, toute « tendance à réduire la réalité aux lois que l’esprit peut en dégager » 571 devrait, ainsi, être fondamentalement écartée. La phénoménologie des usages et pratiques du droit en sociétés s’opposerait, par principe, à la standardisation de la fonction sociale. Retenons alors une hypothèse de départ. Le rapport au rôle social constitue un espace dont l’interférence avec la réalisation du droit semble de prime abord, non mesurable, plus ou moins consciente, plus ou moins assumée ou « transparente », mais dont la portée s’avère axiologiquement irréductible. L’utilité socio-environnementale des usages et pratiques professionnelles du droit en milieu urbain marginal relève, assez fondamentalement, du fait social, d’un évènement à la fois conjoncturel, intersubjectif et temporel. Le paradigme postmoderne de complexité de l’engagement social « par » et « pour » le droit ne prend lui-même corps que par l’intermédiaire d’une dynamique micropolitique d’intériorisation ou de « subjectivation » du rôle. La découverte et l’analyse de cette dimension, temporalité particulière de l’agir juridique professionnel retient l’attention. Les présupposés méthodologiques et autres routines décisionnelles ou interprétatives constitutives de l’agir juridique professionnel varient significativement, non seulement d’un individu à l’autre, mais surtout chez un même individu au fil du temps. L’enjeu apparaît donc, dans de telles circonstances et d’un point de vue aussi bien scientifique que stratégique, de décrypter les éléments décisifs au regard de cette mobilisation du droit. Une série de points névralgiques dont la compression ou le relâchement faciliterait le flux et le reflux du travail juridique dans le temps et dans l’espace de marginalisation urbaine seront identifiés, cartographiés. Poursuivant une logique de renouvellement de nos clés interprétatives, il s’agira en somme, au fil des développements suivants, de poser certains jalons permettant d’affiner l’appareil analytique et de discerner, avec plus de précision, l’éventail des leviers et déterminants de l’agir juridique professionnel aux portes de la ville du Sud. L’entreprise analytique se heurte, dès ses origines, à une série de difficultés. 570 LYOTARD Jean-François, La phénoménologie, 14e éd., Paris, Presses universitaires de France « Que sais-je ? », 2004. 571 SANGUIN, A.-L, « La géographie humaniste ou l'approche phénoménologique des lieux, des paysages et des espaces », Annales de Géographie, 1981, vol. 90, no. 501, p. 560-587. 289 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 En premier lieu, le discours sur le rôle anticipe et dépasse bien souvent la portée socioenvironnementale des actes professionnels — partition entre le mouvement et le geste —. Notre feuille de route se heurte inexorablement, en d’autres termes, aux voiles et aux miroirs déformants d’un langage et d’un savoir-faire argumentatif. Si la « demande sociale de droit »572 paraît, effectivement et à bien des égards, difficilement mesurable, il semble néanmoins nécessaire d’anticiper le procédé de « fabulation573 » et le romanticisme qui accompagne, bien souvent, la production du discours sur le rôle. En second lieu, les actes et les engagements professionnels du juriste s’affranchissent souvent, en sens inverse, de démarches évaluatrices ou socialisatrices. L’intention de recherche se heurte, cette fois, au voile d’une inconnue, à la trop grande volatilité de son objet. En troisième lieu, le discours sur le rôle socio-environnemental revêt « par nature » et dans une large mesure une dimension « performative’ 574 . Dit autrement, le discours de légitimation semble, lui-même et dans certaines circonstances, faire acte de légitimation — function of law in « making statements » as opposed to controlling behavior directly 575 —. L’approche structurante du rôle se heurte alors au tour de passe-passe, au risque d’évanescence et d’épuisement prématuré de son objet576. 572 MEMMI, Dominique, ''Demande de droit' ou 'vide juridique'? Les juristes aux prises avec la construction de leur propre légitimité', Les usages sociaux du droit, 1989, Paris, PUF 13. 573 EDELMAN, Bernard. Quand les juristes inventent le réel: la fabulation juridique. Hermann, 2007. 574 SEARLE, John R. Expression and meaning: Studies in the theory of speech acts. Cambridge University Press, 1985. SUNSTEIN Cass, “On the expressive function of law”, University of Pennsylvania law review, 1996, vol. 144, No. 5, p. 2021-2053. 575 Robert Futrell décrit une telle pratique : « La gouvernance performative est marquée par un processus de maîtrise de l’impression provoquée à travers lequel des manifestations de gouvernance concertée sont mises en scène par les fonctionnaires, alors que l’inclusion effective des citoyens dans les activités de prise de décision (affichée comme la principale raison d’être des débats de la commission) est dans les faits négligeable. Les commissaires et les administrateurs, qui sont obligés de maintenir au moins l’impression d’une gouvernance ouverte et participative, ont recours à des usages procéduraux, à des techniques discursives et à des stratégies d’interaction s’appuyant sur le travail d’équipe pour éviter le conflit et étouffer les perturbations. L’interaction est configurée dans des formes qui préservent l’impression d’une prise de décision démocratique. Ces apparences masquent certaines limites qui restreignent une participation démocratique active. » in FUTRELL Robert. « La gouvernance performative. Maîtrise des impressions, travail d’équipe et contrôle du conflit dans les débats d’une City Commission. », Politix. Vol. 15, N° 57. Premier trimestre 2002. pp. 147-165. 576 290 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 En quatrième et dernier lieu, les sources du discours sur le rôle socio-environnemental des acteurs juridiques professionnels — l’État, la doctrine, la loi, l’acteur individuel, la corporation — entrent en concurrence, se superposent. Les échos dissonants et les redondances tendent à se multiplier. Du « déclic micropolitique » envisagé dans ses grandes lignes au fil du propos introductif reprenons deux mécanismes charniers : la subjectivation du rôle premièrement (Chapitre 1) ; le vécu et le discernement d’une contrainte de légitimation sociale deuxièmement (Chapitre 2). 291 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 1 La subjectivation du rôle Le parti pris fonctionnaliste écarté, la section suivante met en relief un premier levier, « gradient » du travail sur le rôle. L’habilitation d’un espace opérationnel, la visualisation d’une marge de manœuvre attachée à l’état d’acteur immergé dans un système de régulation sociale étatique, le droit, émerge comme une première ligne d’action micropolitique. Il s’agit, d’un point de vue pratique, de prendre position face à la « condition » d’acteur, d’exorciser la proximité, évoquée en introduction de la thèse, avec les figures coloniales de l’« État de droit social », du « savoir » et du « langage juridique ». L’option considérée semble plus aisément introduite à travers la mise en perspective de deux points de vue, deux axes de lecture, quant à la condition « d’acteur ». Ces dernières apparaissent éventuellement antagonistes, mais plus surement complémentaires 577 . Le contraste entre une première clé de lecture « orthodoxe » ou « dogmatique » (Section 1) et une seconde clé de lecture « rémanente », facilite le changement de coordonnées (Section 2). Section 1 Schéma de subjectivation « orthodoxe » ou « dogmatique » Le personnage dramatique porté à la scène par l’acteur — juridique — est, suivant cette première configuration d’idées, le personnage tel qu’il a été imaginé par l’auteur dramatique, amené à la vie par le travail d’un interprète « authentique », « autorisé » : le metteur en scène. La vocation primaire de l’acteur demeure, pour ainsi dire, la « juste » incarnation d’un personnage fictif. Son « interprétation » réside dans la projection fidèle d’un esprit dramatique — un discours juridique d’autorité (loi, doctrine, coutume, etc.) — porté à la scène de vie collective. Le corps et l’esprit de l’acteur ne sont symboliquement autres que des vecteurs, instruments performants mis à disposition de l’œuvre. L’acquisition de la technique de jeu, la « préparation » constituent les acquis nécessaires et préalables à l’incarnation. L’acteur institué assure la transmission générationnelle de l’œuvre, de grands thèmes et « mythes » du théâtre classique. Pour une démarche voisine voir: Olivier JOUANJAN, « D’un retour de l’acteur dans la théorie juridique », Revue européenne des sciences sociales, XXXIX-121 | 2001. 577 292 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 De cette fonction instituée de l’acteur, reprenons les partitions classiques inscrites à la base d’échafaudages plus complexes et contemporains entendus comme «référentiels de compétence» : «lire, écrire et dire le droit»; pratiquer «l’interprétation juridique», «l’argumentation juridique», «le jugement de droit 578 », «la communication juridique 579 ». L’agir juridique professionnel se compose alors, en guise de synthèse, par l’intermédiaire d’un dispositif de calibrage normatif et social, la norme de conduite professionnelle sacralisée au service de l’œuvre dramatique. Section 2 Schéma « rémanent » de subjectivation La convocation du concept de rémanence», du latin «remanere», renvoie symboliquement, suivant le second schéma de subjectivation proposé, à la description du phénomène qui dénote, transparaît et déborde, à l’état «appelé à perdurer après la disparition de sa cause580». Le personnage dramatique porté à la scène n’est autre, cette fois, que l’incarnation d’un rapport personnifié, individualisé aussi bien au rôle d’acteur, à l’auteur dramatique qu’au travail de mise en scène. L’œuvre dramatique se réduit à un point de référence, un argument au service de l’activité créatrice et du jeu. L’auteur dramatique devient lui-même un partenaire de jeu, un acteur à part entière. La construction du rapport de l’acteur au rôle interprété sur scène relève de l’expérience partagée, d’une dynamique groupale 581 . Le travail autrement dit de « composition » individuelle immergé au sein d’un collectif redéfinit le personnage dramatique initial. La technique ne tient plus de l’acquis, mais bien du processus, travail de remise en cause continue des règles du jeu. L’acteur insuffle un nouveau signifiant au personnage alors que l’idée même d’espace scénique, de «représentation» chancelle. La «scène» du travail ne se limite plus, autrement dit, à un espace de jeu et de représentation cathartique, elle devient elle-même une scène de vie, une réalité sociale à part entière. 578 THEVENOT, Laurent. « Jugements ordinaires et jugement de droit », Annales (1992): 1279-1299. 579 ARNAUD André-Jean. « Du bon usage du discours juridique. » In: Langages, 12ᵉ année, n°53, 1979. Le discours juridique : analyse et méthode. pp. 117-124. 580 Dictionnaire de Français LAROUSSE, online. 581 BEAUJOUAN, J., COUTAREL, F., & DANIELLOU, F, « Quelle place tient l'expérience des autres dans la formation d'un professionnel ? Apport et limite du récit professionnel », Éducation permanente, vol.151, 2013, p.25-38. 293 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Jouant un peu plus sur l’analogie entre le droit et le théâtre 582, le regard alternatif sur le voyage parcouru par les personnages d’Hamlet et d’Ophélie au fil du temps et des interprétations se trouve par exemple cristallisé, poussé à son paroxysme, à travers l’œuvre et la mise en scène de Hamlet Machine en 1977par Heiner Muller. L’expérience évoquée met en scène la partition assez fondamentale, performatique, entre le personnage dramatique imaginé par l’auteur dramatique, d’une part, et le personnage dramatique interprété par les acteurs, d’autre part. Le point de catharsis de l’œuvre s’en trouve déplacé583. Investir, cultiver, conquérir cet espace de jeu et de liberté rémanente relèverait, alternativement et en retour, de l’évènement émancipateur, point d’entrée en «micropolitique». Yi Junging observe sur ce registre : « De la même manière, pour préserver un ordre social fondé sur la liberté, la justice, l’égalité et la démocratie, et pour défendre l’autonomie de notre monde de la vie contre les risques de “colonisation” par un pouvoir économique ou politique global, il ne faudra pas remplacer un macro-pouvoir centralisé par un autre, mais plutôt raviver les différents micropouvoirs présents à tous les niveaux de la société et de la vie, pour ainsi former un système diversifié de contrôle social » 584. L’évolution du rapport à la connaissance, aux savoirs, aux valeurs, à l’information et à l’expérience, son induction éventuelle par la voie d’un apprentissage étend les horizons du travail juridique585 aux marges de la ville du Sud. 582 Pour des démarches similaires : FLÜCKIGER, Alexandre. "L'acteur et le droit: du comédien au stratège." Revue européenne des sciences sociales 39.2 (2001): 5-5 ; ESTENNE CELINE, « Droit du théâtre et théâtre du droit dans Six personnages en quête d'auteur » , Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2009/1 Volume 62, p. 153-177. 583 LAUNAY Philippa, « Le devenir d'Hamlet-machine, une expérience théâtrale », Sociétés, 2001/1 no 71, p. 103-111. 584 JUNQING Yi, « À propos de la philosophie micropolitique », Diogène, 2008/1 n° 221, p. 58-72. François Chenédé observe : “A l’issue de cette réflexion, j’ai au moins une conviction, qui n’est toutefois qu’une évidence : c’est que la réponse que l’on apporte à la question de la fonction du juriste dépend de la conception que l’on adopte -consciemment ou non- du droit. Quels sont ces conceptions ? (…) » François CHENEDE, « De la conception du droit à la fonction de juriste » extrait de : La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p. 4. 585 294 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Marcel Lesne observe de manière limpide et en écho direct à l’idée de rémanence sur la question du rapport au savoir : « Le rapport au savoir concerne la conception et les options relatives au contenu que véhicule tout acte de formation. Ce rapport au savoir peut être conçu, comme un rapport avec les connaissances produites par la société savante et qu’il convient de diffuser dans la société, soit comme un rapport avec le savoir partagé d’une certaine façon par toute la société, dont il faut mettre en relation les différents dépositaires, soit comme un rapport de production personnelle du savoir par l’appropriation de constructions théoriques empruntées à la société savante pour favoriser les ruptures et les reconstructions dans l’univers personnel de la connaissance »586. Michel Foucault, sur la question du rapport à la morale tranche à son tour : « Une action, pour être dite morale, ne doit pas se réduire à un acte ou à une série d’actes conformes à une règle, une loi ou une valeur. Toute action morale, c’est vrai, comporte un rapport au réel où elle s’effectue et un rapport au code auquel elle se réfère, mais elle implique aussi un certain rapport à soi ; celui-ci n’est pas simplement conscience de soi, mais constitution de soi comme un sujet moral, dans laquelle l’individu circonscrit la part de lui-même qui constitue l’objet de cette pratique morale, définit sa position par rapport au précepte qu’il suit […] ; et pour ce faire, il agit sur lui-même, entreprend de se connaître, se contrôle, s’éprouve, se perfectionne, se transforme »587. Conclusion Ces émergences symboliques de l’acteur, sa constitution en sujet pensant dont les décisions individuelles, le sens donné aux usages et pratiques professionnelles sont porteurs de sens sur la scène de vie collective, au sein de la Cité, apparaît en guise de synthèse, comme un premier déterminant de l’agir juridique en situation. Marcel LESNE, Travail pédagogique et formation d’adultes, 1977, PUF., pp 35-36 cité in Marie-Louise Martinez, « Approche(s) anthropologique(s) des savoirs et des disciplines », Tréma [En ligne], 24, 2005. 586 FOUCAULT, M., L’Usage des plaisirs. Paris : Gallimard, 1984 p. 35, cité in Bernard SCHÉOU, Du tourisme durable au tourisme équitable: quelle éthique pour le tourisme de demain? Chapitre 1, La pensée éthique, De Boeck Supérieur, 2009. 587 295 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Chapitre 2 La contrainte de légitimation sociale « Ce qu’on entend ici par “liberté” n’est pas une situation privée de toute détermination, mais seulement une liberté “juridique”. Une autorité est juridiquement libre, si elle peut choisir entre plusieurs conduites également valables en droit, même si le choix est en fait produit du déterminisme588. » Dans quelle mesure la circulation des contraintes de légitimation sociale, leurs forces d’interpellation, de persuasion ou de dissuasion, « déterminent-elles », ne serait-ce que partiellement, la conduite des actes professionnels engagés « en droit » ou « au titre » du droit ? En quoi l’expérience de la contrainte de légitimation sociale s’avère-t-elle porteuse d’effets structurels sur la conduite du travail juridique aux portes de la ville du Sud ? Comment définir la contrainte de légitimation sociale ? Abondant dans le sens d’une détermination ou tout du moins d’une médiation « rationnelle » de l’agir juridique par le biais de faisceaux décisionnels proprement liés à des modes de pensée « légitimants », Éric Millard évoque l’existence d’une double « contrainte de légitimation » pesant, de manière générale, sur les acteurs juridiques. L’auteur observe en ce sens : « d’une part que l’acteur juridique “se comporte dans la société en fonction de valeurs sociales et (…) apparaît comme contraint par la perception générale que la société se fait du bien social, de l’utilité publique”, et ; d’autre part, que celui-ci serait appelé à tenir compte “(…) d’une contrainte générale pesant sur les acteurs juridiques, et particulièrement les acteurs institués (pouvoirs publics, juridictions, etc.) dont le pouvoir repose en dernière instance sur une forte dose de croyance de la part des gouvernés, de se justifier, d’apparaître comme légitimes, rationnels, et de correspondre jusqu’à un certain degré à l’image sociale qui est la leur et de laquelle ils tirent en grande partie leur position… »589. Michel TROPER, « Une théorie réaliste de l’interprétation » in Dossier Théories réalistes du droit, Presses de l’université de Strasbourg, 2000, p.43-62. 588 589 Eric MILLARD, « Le Réalisme scandinave et la Théorie des contraintes », in : Michel TROPER, Véronique Champeil-DESPLATS et Christophe GRZEGORCZYK, Théorie des contraintes juridiques, Bruylant/LGDJ, 2005, p.150. 296 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le spectre d’action de la contrainte de légitimation sociale, son pointage au regard d’une géographie des parcours décisionnels de l’acteur juridique se précisera, dès lors, à partir d’un présupposé élémentaire : l’ensemble des processus délibératifs, argumentatifs, décisionnels et communicatifs que l’on trouve inscrits au cœur du travail juridique passent au crible d’un contrôle social590 diffus. L’acteur juridique “professionnel” ne saurait s’en départir totalement. À l’image d’un faisceau électrique, la contrainte de légitimation sociale module, transforme et redessine le champ des possibles juridiques. D’un point de vue anthropologique, la contrainte de légitimation sociale se manifeste alors à travers : - une “phénoménologie des actes de légitimation sociale” entendue comme processus d’aménagement, à la fois substantiels et processuels, des usages professionnels — dialectique “contrainte de légitimation sociale/agir juridique” — en premier lieu, - une “phénoménologie des langages et discours de légitimation sociale”, entendue comme dynamique d’aménagement des discours attenants au rôle et à l’utilité sociale des usages et pratiques professionnelles du droit en sociétés — dialectique “contrainte de légitimation sociale/langage et discours sur le droit et ses usages professionnels” —. (représentées dans le diagramme ci-dessous »). Sur le processus de socialisation de l’autorité : « La théorie du contrôle social enseigne en substance que la justification de l'obéissance ne peut pas venir d'une source transcendantale (ainsi, le droit naturel qui fonde le contrat social), mais de l'expérience acquise dans l'intersubjectivité et l'interdépendance des relations humaines. Le savoir et la morale ne sont pas innés ou révélés, et l'homme à l'état de nature est une pure fiction (ce qui implique l'inanité du contrat social). Au rebours des théories wébériennes de la domination légale-rationnelle, la théorie du contrôle social enseigne que l'homme n'obéit pas pour des raisons purement formelles, mais seulement parce qu'il a acquis dans et par ses échanges avec les autres, le sens de la responsabilité sociale. C'est de la responsabilité qu'est supposé naître le lien social. L'obéissance est fondée non pas sur la domination, mais dans les mécanismes de la réflexivité sociale et dans les codes sociaux que l'individu acquiert dans sa communauté et son environnement social. Le pouvoir n'est pas extérieur à la société ; il ne prend pas la figure d'un État extérieur au corps social ; il est la société elle-même ; ou, pour dire les choses autrement, l'autorité est socialisée. » extrait de : V., J. P. DIGGINS, « The Socialization of Authority and the Dilemmas of American Liberalism », Social Research, vol. 46 (1979), p. 454 s. citation et traduction in.Élisabeth ZOLLER, Introduction au droit public, Précis, 1re édition, 2006, p.142-143. 590 297 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Contrainte de légitimation sociale « Phénoménologie des actes de légitimation » « Phénoménologie du langage et des discours de légitimation » travail juridique Figure 7 Flux général d’effectivité de la contrainte de légitimation sociale La mise en lumière et l’expérience desdites contraintes de légitimation sociale, l’observation, depuis la surface, de leur assimilation au cours normal, « ordinaire » du travail juridique aux portes de la ville transite, inévitablement, par la mise en cause de registres d’affiliation pluriels : l’affiliation sociale du juriste au groupe, à la société équatorienne, à une organisation, au système d’administration du droit et de la justice — le « système juridique 591 » —, à certains courants et mouvements de pensée du droit — l’évolution générale d’un état de connaissances « en droit » et « sur le droit’592 —. Pour une définition possible : « Système juridique : 1. Le système juridique est constitué d’un ensembler d’énoncés à fonction prescriptive produits par les acteurs juridiques. 2. Les acteurs juridiques sont ceux qui sont désignés comme tels par les énoncés du système juridique » TROPER Michel, CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, GRZEGORCZYK Christophe, Théorie des contraintes juridiques, Bruylant/LGDJ, 2005, p. 13. 591 Concept à géométrie variable, le label ‘théories générales du droit’ s’accommode généralement aux besoins de l’argumentation et de la construction du discours académique. Véronique Champeil Desplats observe : “dans la très grande majorité des cas, les théories générales du droit se concentrent sur l’analyse de concepts et phénomènes transversaux aux différents ordres juridiques: concepts de droit, d’ordres ou de systèmes juridiques, de normes, de hiérarchies des normes, identification des types de normes (normes primaires, secondaires ou de reconnaissance), distinction entre être et devoir être, propriétés systémiques ou institutionnelles des ordres 592 298 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le retour à la source, et la consultation des travaux dirigés par Michel Troper, Véronique Champeil-Desplats et Christophe Grzegorczyk fournit une clé de lecture de premier ordre en vue d’aborder le spectre des déterminants, plus spécifiquement “juridiques”, de l’agir professionnel en situation. La “contrainte juridique” s’y trouve généralement définie au regard d’un premier passage comme : « une situation de fait dans laquelle un acteur de droit est conduit à adopter cette solution ou tel comportement plutôt qu’une autre, en raison de la configuration du système juridique qu’il met en place ou dans laquelle il opère. En d’autres termes, la contrainte juridique est celle qui est produite par le droit et qui, contrairement à la conception traditionnelle, doit être perçue comme une contrainte de fait »593. Les auteurs observent ensuite, à la lecture d’un second passage : « il est possible d’identifier dans les systèmes juridiques des facteurs qui les contraignent à agir ou interpréter tel ou tel énoncé d’une façon plutôt que d’une autre, c’est-à-dire à choisir un comportement parmi le grand nombre de ceux qui seraient permis par les règles »594. Partant dès lors d’un présupposé déterministe similaire, le phénomène de reconfiguration des “habitus” professionnels “sous les effets” de la contrainte de légitimation sociale se déclinera opportunément à partir d’un triptyque axiologique. Approfondissons le travail de décantation et délimitons, au fil des paragraphes suivants, un périmètre de formation et d’effectivité de la contrainte de légitimation sociale. Trois pôles ou “registres d’effectivité” (représentés à travers le diagramme inséré ci-dessous) entreront en ligne de compte : - un registre d’effectivité “normative” en première instance (Section 1), - un registre d’effectivité “interprétative” en seconde instance (Section 2), juridiques, détermination des relations entre les normes (rapports logiques, rapports hiérarchiques, etc.) » in Véronique CHAMPEILDESPLATS, Méthodologie du droit et des sciences du droit, Dalloz, 2014, p.120. 593 V. Champeil-Desplats et M. Troper, « Proposition pour une théorie des contraintes », in TROPER Michel, CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, GRZEGORCZYK Christophe, Théorie des contraintes juridiques, Bruylant/LGDJ, 2005, p. 12. 594 TROPER Michel, CHAMPEIL-DESPLATS Véronique, GRZEGORCZYK Christophe, juridiques, Bruylant/LGDJ, 2005, p. 3. Théorie des contraintes 299 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - un registre d’effectivité “dialogique” en troisième et dernière instance (Section 3). REGISTRE D’EFFECTIVITÉ « NORMATIVE » REGISTRE D’EFFECTIVITÉ « INTERPRÉTATIVE » REGISTRE D’EFFECTIVITÉ « DIALOGIQUE » Figure 8 Schéma d’imbrication des registres d’effectivité de la contrainte de légitimation sociale Section 1 L’effectivité normative et l’empreinte du devoir-être professionnel, le « sollen » Dans quelle mesure et à travers quels canaux le juriste se trouve-t-il exposé, interpelé, placé en situation d’aménager la conduite ordinaire de ses pratiques et usages professionnels sous l’effet d’une pratique de gouvernement ? Dans quels espaces et au regard de quelles temporalités les signaux normatifs émis par l’Etat atteignent-ils leur pic d’effectivité ? La désignation, en premier lieu, du registre d’effectivité « normative », sans doute le plus familier à la pensée du travail juridique, permet d’envisager l’hypothèse d’une réception de la contrainte de légitimation sociale par le biais de sa « traduction » en vécus et perceptions normatives 595 . À la genèse du sentiment d’obligation, le flux de la contrainte débouche sur la cristallisation temporaire du « devoir-être ». L’agir juridique professionnel s’imprègne d’un signal 595 CORTEN, Olivier, 'La persistance de l'argument légaliste : éléments pour une typologie contemporaine des registres de légitimité dans une société libérale' (2002)(1) Droit et société 185. 300 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 injonctif. Les relais du message normatif, précèdent et préemptent l’agir juridique professionnel. Ils rejaillissent sur son flux. Retenons, pour le moins, deux faisceaux informationnels normatifs susceptibles d’orienter l’agir juridique professionnel aux portes de la ville : la norme juridique étatique stricto sensu et l’évolution du droit de transition révolutionnaire premièrement (A), l’évolution coutumière des usages et pratiques « sociales » du droit, deuxièmement (B). A) La norme étatique et le droit de transition révolutionnaire Posons dans un premier temps l’hypothèse d’effectivité du signal normatif étatique (1). Observons, dans un second, comment ce signal se manifeste au regard de l’évolution du droit de transition révolutionnaire deuxièmement (2). 1) Hypothèse d’effectivité du signal normatif étatique L’institution de l’état de droit moderne tout comme l’ouvrage des institutions appelées à en répondre apparaissent simultanément traversés par des impératifs structurels de légitimation sociale. La « vulnérabilité596 » de l’état de droit moderne, aussi bien structurelle que conjoncturelle, joue, à l’évidence, un rôle de catalyse au regard de la production et de la diversification des faisceaux normatifs. Le système établit à travers l’énoncé des lois, les conditions de sa propre subsistance dans le temps et dans l’espace. Catherine Thibierge introduit, sur ce registre d’idées, le concept de « densification normative » de la manière suivante : « En tant que processus normateur, c’est à dire créateur et transformateur de norme(s) ; la densification normative donne à voir comment la normativité émerge, se déploie et évolue dans le temps et dans l’espace. Elle permet ainsi de saisir dans une continuité l’accès à la normativité, l’entrée en juridicité et la conquête de l’obligatoriété. Plus précisément, déclinée au singulier, la densification normative désigne le processus par lequel la norme prend forme et force »597. GRATALOUP Sylvain, La vulnérabilité de la règle de droit, extrait de l’ouvrage : Vulnérabilité et droit, Le développement de la vulnérabilité et ses enjeux en droit, Sous la direction et la coordination de Frédérique COHET-CORDEY, UPMF Grenoble II, Presse universitaire de Grenoble, janvier 2000, p.33-45. 596 597 L'auteure identifie par ailleurs comme marqueurs de densification normative : « l'accroissement du nombre de destinataires et d'acteurs, multiplication et diversification des sources, matérialisation des formes normatives, intensification de la force normative, 301 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le message normatif adressé d’une administration aux cercles de ses agents et administrés constitue l’un des principaux moyens d’assurer la continuité du gouvernement agissant au titre de l’autorité étatique. L’émission de la norme juridique participe, dans un contexte pluraliste, à la conquête d’une assise territoriale de L’État. Le faisceau normatif s’étend opportunément, sur ce registre et dans certains cas, à la parole juridique « authentifiée » par le système juridique officiel, celle du juge. Dans cet ordre d’idées, ouvrons, à titre illustratif, une parenthèse opportune de droit comparé avec un pays frontalier de l’Équateur, la Colombie. Saisi dans le cadre du contrôle de constitutionnalité d’une loi 1123 de 2007 introduisant le « Code disciplinaire de l’avocat » et dans des conditions relativement similaires aux réformes de la responsabilité professionnelle des avocats connues en Équateur, le juge constitutionnel colombien a été amené à statuer sur la question de la compétence du législateur en matière de droit professionnel des avocats598. Avalisant l’intervention du législateur colombien par une déclaration de constitutionnalité, le dispositif retenu suscite une attention particulière si l’on considère l’intention normative des juges, la volonté manifeste d’établir un « précédent ». Le juge y affirme notamment que : « L’exercice inadéquat ou irresponsable de la profession, met en danger l’effectivité de divers droits fondamentaux, comme l’honneur, l’intimité, l’image, le droit de pétition, le droit de la défense et, spécialement, l’accès à l’administration de la justice ainsi que l’application de principes constitutionnels devant guider la fonction judiciaire comme l’efficacité, la célérité et la bonne foi ». Considérant la fonction de l’avocat à la fois dans le cadre de la procédure judiciaire, mais aussi à titre de conseiller, le juge colombien, revient ensuite sur les « fins du contrôle de la profession d’avocat au sein d’un État démocratique ». Il lance un appel au fil de l’argumentaire à la pertinence sociale spéciale — la especial relevancia social — acquise par la profession. L’avocat, à travers l’usage professionnel du droit, se trouverait lié juridiquement à la recherche « d’un ordre juste et de l’achèvement de la paix sociale — una convivencia pacifica — », et ce, du seul fait que celui-ci constitue « un lien nécessaire enrichissement du contenu normatif, augmentation du volume normatif, extension du champ couvert et des domaines concernés. » in THIBIERGE Catherine, “La densification normative : découverte d'un processus”, Paris, Mare & Martin, 2013. 598 Sentencia C290-08 Sobre la función social y los riesgos de la profesión de abogado, ver sentencia C-540 de 1993 (M.P. Antonio Barrera Carbonell). 302 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 pour que le citoyen accède à l’administration de la justice.’ 599 ». Le mode opératoire et la prise de position normative fournissent, au-delà des frontières colombiennes, un précédent doublement significatif à l’échelle régionale : - un juge qui « dit » le droit, produit de la norme professionnelle légitimante, premièrement, - un juge qui, deuxièmement, établit sans équivoque un lien de causalité entre, d’une part, l’édiction de cette norme professionnelle et, d’autre part, le niveau de réalisation des droits et des libertés inscrits au sommet de l’ordonnancement juridique étatique. Refermant la parenthèse, retenons que plus le signal normatif étatique paraît fort, plus la possibilité qu’il rejaillisse sur la conduite du travail juridique, en aval de la chaîne de gouvernance des métiers du droit semble élevée. L’usage systématique de la norme de transition ou de réforme et l’intensification des signaux normatifs d’origine étatique constituent des traits caractéristiques au regard de l’assise du gouvernement de « Revolucion ciudadana600 ». 2) Radiographie du signal normatif dans le sillon de la « Revolucion ciudadana » Temps fort du mouvement politique « Alianza pais » et érigé en acte fondateur de la « Revolucion ciudadana601 », la Constitution du « Buen vivir » est adoptée par voie de référendum au cours de l’année 2008. À l’issue d’un processus constituant internationalement remarqué, le document final marque symboliquement l’entrée dans une période de renouveau de la vie politique et institutionnelle équatorienne. L’Assemblée constituante de Montecristi établit, par un texte imposant — près de quatre cent quarante-quatre articles —, un pacte d’approfondissement des garanties constitutionnelles. La norme fondamentale planifie l’établissement d’une démocratie participative, 599 Sentencias C-540 de 1993 (M.P. Antonio Barrera Carbonell), C-060 de 1994 (M.P. Carlos Gaviria Díaz) y C-196 de 1999 (M.P. Vladimiro Naranjo Mesa); C-884 de 2007 (M.P. Jaime Córdoba Triviño). Pour un point de comparaison quant à l’usage de la loi par le régime Cubain : Evenson Debra. L'évolution du rôle du droit dans la Cuba révolutionnaire. In: Droit et société, n°22, 1992. Transformations de l’État et changements juridiques : l'exemple de l'Amérique latine. pp. 375-392. 600 ACOSTA, Alberto. ‘El Buen Vivir en el camino del post-desarrollo. Una lectura desde la Constitución de Montecristi’. Policy Paper, 2010, vol. 9, p. 63-72; du même auteur: ‘El Buen (con) Vivir, una utopía por (re) construir: Alcances de la Constitución de Montecristi’. Otra Economía, 2011, vol. 4, no 6, p. 8-31. 601 303 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 inclusive, plurinationale et interculturelle 602 . L’architecture centrale d’un État de droit social — Estado social de derecho — est édifiée. Le « Buen vivir » et la protection des droits fondamentaux, la réforme de l’administration de la justice et de l’accès au droit, l’éducation et l’enseignement supérieur, s’affirment, a fortiori, comme des thématiques stratégiques transversales et prioritaires de la nouvelle matrice constitutionnelle. Le faisceau normatif produit par le continuum « constitution-loi-règlements » pose les jalons pour un gouvernement des usages et pratiques professionnels du droit. Le spectre du message normatif portant sur l’utilité socio-environnementale des usages professionnels s’étend de la période de formation universitaire des juristes (a) à l’ensemble des pratiques associées, de près ou de loin, au fonctionnement de l’administration du droit et de la justice (b). a) La norme d’utilité sociale et la période de formation au droit La lecture combinée de la Constitution de 2008 et de la Loi organique d’Éducation supérieure (LOES)603 — associée à son règlement d’application — engage une refonte profonde de l’Université et du système d’éducation supérieure en Équateur 604 . La nouvelle orientation politique emporte un processus d’intervention administrative auprès de l’ensemble des universités du pays. À l’interface entre l’action gouvernementale et l’espace universitaire, deux organismes publics assument d’un côté, le pilotage stratégique de la réforme, et, de l’autre, la mise en œuvre d’un processus d’évaluation et de certification de l’offre éducative -605. Cette nouvelle approche de l’exercice et de la séparation des pouvoir s’observe d’une manière générale à travers l’institution aux côtés de la fonction judiciaire d’organes indépendants chargés d’assurer le contrôle et la transparence de l’action publique -Consejo de participacion ciudadana y de contrôle social- ainsi que des processus électoraux -le Conseil national électoral-. 602 603 Ley Orgánica de Educación Superior, Registro Oficial, Quito, Martes 12 de Octubre 2010, n°298. 604 ROJAS, Jaime E. Reforma universitaria en el Ecuador; Etapa de transición, Innovación Educativa, 2011, vol. 11, no 57, p. 59-67; “Hacia posgrados en inclusión social y equidad en América Latina. Experiencias y reflexiones” Actas del II Congreso Internacional de MISEAL, San José, Costa Rica, 18-22 noviembre 2013; http://www.flacsoandes.edu.ec/libros/digital/54083.pdf Respectivement «Secretaria de Educación superior Ciencia, Tecnología e Innovación » –SENECYT- Conseil d’évaluation, d’accréditation, et d’assurance de la qualité de l’éducation supérieure-Consejo de evaluación, acreditación, y aseguramiento de la calidad de la educación superior (CEAACES). La Ley Orgánica de Educación Superior (LOES) en el Artículo 174.- Funciones del Consejo de Evaluación, Acreditación y Aseguramiento de la Calidad de la Educación Superior, dispone como funciones del CEAACES: Planificar, coordinar y ejercer las actividades del proceso de evaluación, acreditación, clasificación académica y aseguramiento de la calidad de la educación superior; así como aprobar la normativa para dichos procesos. 605 304 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Les facultés de droit n’échappent pas, en toute logique à cette mécanique de « mise en conformité » de l’offre éducative avec l’idéal de développement socialiste. « Modernisation », « démocratisation », « gratuité », « innovation », « interculturalité » et « plurinationalité », « excellence académique », « éthique et responsabilité professionnelle » : les axes stratégiques majeurs de la refonte universitaire induisent une reformulation substantielle des conditions d’accès à l’éducation juridique. Les facultés de droit se trouvent légalement astreintes à organiser et maintenir une offre de services d’assistance et de conseil juridique à la communauté « aux personnes disposant de faibles ressources économiques ainsi qu’aux groupes nécessitant une attention prioritaire (article 193 de la Constitution de la République d’Équateur) ». L’objet normatif « fonction sociale du juriste » représente, depuis la perspective des étudiants, une composante centrale de la réglementation du cursus universitaire. L’approche normative du rôle social de l’avocat en formation conditionne, d’une manière générale, les modalités d’apprentissage et d’évaluation auxquelles les apprentis juristes seront soumis pendant près de quatre années de formation universitaire. Point culminant du cursus, l’étudiant est obligé d’investir près de quatre cents heures dans la conduite d’une activité formative en lien direct avec la fourniture d’un service d’assistance juridique. La mesure se fonde sur une logique contractuelle de restitution des bénéfices perçus par l’étudiant au cours de sa formation, contrepartie matérielle à la gratuité. Entendue de la sorte, l’opération conditionne matériellement la délivrance du « Certificat d’aptitude professionnelle » par le « Conseil national de la Judicature » — Consejo Nacional de la Judicatura-606. C’est tout du moins ce qui ressort, en substance, de la lecture des dispositions traduites et reproduites dans l’encadré ci-dessous. 606 Original : « Art. 341.- CERTIFICADO DE APTITUD PROFESIONAL.- Al finalizar el año de práctica pre profesional, el Consejo de la Judicatura de acuerdo a la evaluación de la entidad que se encargó de recibir al alumno de derecho, emitirá el Certificado de Aptitud Profesional, requisito indispensable para el ejercicio de la profesión de abogado ». 305 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « Les étudiants et étudiantes inscrits dans les deux dernières années du cursus universitaire de droit ou de sciences juridiques ainsi que ceux ayant complété l’ensemble des unités d’enseignement devront réaliser de manière obligatoire une année universitaire de service juridique à la citoyenneté au sein de dépendances comme l’Assemblée nationale, le Défenseur public, le Procureur général de l’État, des organes judiciaires, les bureaux d’assistance juridique gratuite des universités, les institutions publiques des secteurs ruraux et urbains marginaux, au sein d’entités qui intègrent les gouvernements autonomes centralisés et dans toute autre institution du secteur public ou dans des communautés, peuplements et nationalités indigènes qui exercent des fonctions juridictionnelles ; toujours quand les pratiques maintiennent un lien avec l’assistance juridique. Ce service au peuple — la ciudadanía — constituera une condition en vue de l’obtention du titre professionnel. » (Article 339 du Code organique de la fonction judiciaire607) « L’année d’assistance juridique communautaire constitue un mode de restitution à la société équatorienne d’une part du bénéfice de l’éducation supérieure reçue. » Elle représente en outre une contribution en vue « d’établir la fonction sociale des juristes — la abogacía — au service de la justice et du droit. » (Article 340 du Code organique de la fonction judiciaire608). « Le stage préprofessionnel s’institue comme un engagement indéfectible des futurs professionnels du droit envers une meilleure justice et la démocratisation du droit. (Art.3 du Règlement d’application des stages préprofessionnels des étudiantes et étudiantes des facultés de jurisprudence, de droit et de sciences juridiques) » 609 607 Original: Art. 339 « Las y los estudiantes quienes están cursando los dos últimos años de estudio de tercer nivel en derecho o ciencias jurídicas, y las y los egresados deberán realizar en forma obligatoria un año lectivo de servicio legal a la ciudadania en dependencias como la Asamblea nacional, la defensoría publica, la fiscalía general del estado, órganos jurisdiccionales, consultorios jurídicos gratuitos de las universidades, en instituciones públicas de los sectores rurales o urbano marginales, en entidades que integran los gobiernos autónomos centralizados, en cualquier otra institución del sector público, o, en comunidades, pueblos, y nacionalidades indígenas que ejerzan funciones jurisdiccionales ; siempre que las practicas se relacionan con la asistencia legal. Este servicio a la ciudadanía será requisito para obtener el título profesional, según el reglamento que para el efecto dictara el Consejo de la Judicatura ». 608 Original : Art. 340.- « NATURALEZA.- El año de asistencia legal comunitaria constituye un modo de restituir en parte a la sociedad ecuatoriana el beneficio de la educación superior recibida de ella y por constituir la abogacía una función social al servicio de la justicia y del derecho ». Original: Article 3: « La practica pre-profesional se constituye como “un compromiso ineludible de los futuros profesionales del derecho hacia una mejor justicia y una democratización del derecho » Reglamento de prácticas pre profesionales de las y los estudiantes de las facultades de Jurisprudencia, Derecho y Ciencias Jurídicas, Lunes 15 de diciembre 2014, R.O n°396. 609 306 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La mise en œuvre d’une telle conditionnalité emporte, en retour, une chaîne d’enjeux logistiques au sein des institutions d’accueil. Relevons-en pour le moins trois principales : - établir un espace physique et fonctionnel au sein de l’institution : le stagiaire nécessite en ce sens l’accès à un espace de travail, le contact avec un référent et la planification d’une dynamique de travail ; - apporter une garantie quant à la qualité du stage et démontrer la capacité de l’institution à « générer des pratiques préprofessionnelles participatives qui bénéficient à la communauté et à la formation académique des participants(es) »610 ; - mettre en place un dispositif de suivi et d’évaluation du stagiaire, ce dernier étant lui-même tenu par le règlement d’application à la Loi organique d’éducation supérieure d’« offrir un service légal opportun, chaleureux et de qualité aux usagers »611. Si le bienfondé d’une immersion « clinique » de l’apprenti juriste dans une activité sociale d’accompagnement et de service juridique à la communauté ne semble plus en question, dépasser le stade du mouvement d’idées, du pilote « clinique », valider et socialiser l’innovation pédagogique représentent, en pratique, un défi d’une tout autre envergure612. La question qui se pose en premier ressort n’apparaît pas tant, dès lors, celle de l’accompagnement des étudiants, mais bien, plutôt, celle de la capacité des structures d’accueil à fournir ce type de services. 610 Original : « Artículo 9: son obligaciones de las instituciones y organizaciones donde se desarrollan las prácticas fomentar una práctica preprofesional participativa que aporte a la comunidad y a la formación académica de las y los participantes ». Voir Résolution 040-2013 du Consejo de la judicatura. Lecture combinée avec l’Article 7 du Règlement Offrir un service légal opportun, chaleureux et de qualité aux usagers (art. 7 du règlement) « Articulo 7 Son obligaciones de las y los practicantes cumplir eficientemente las tareas encomendadas por la o el Coordinador que designe cada institución para la realización de las practicas pre profesionales. Cumplir tiempo y horario. Informe final. Brindar un servicio legal oportuno, de calidad y calidez a las personas usuarias ». 611 BLOCH Frank S., The ‘Clinical’ dimension of global clinical movement, Access to Justice and the Global Clinical Movement, Wash. U. J. L. & Policy, vol.28, n°111, 2008, p. 121 : « To begin, three elements stand out as constituting the most important commonly conceived notions of clinical legal education around the world: professional skills training, experiential learning, and instilling professional values of public responsibility and social justice. These three elements interact, with varying degrees of emphasis, to form the core of a global conception of clinical legal education » ; Marta VILLARREAL, Christian COURTIS (coordinación), Enseñanza clínica del derecho: una alternativa a los métodos tradicionales de formación de abogados, Instituto Tecnológico Autónomo de México, septiembre de 2007. 612 307 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Qu’est-ce qu’un service légal « opportun » ? Sur quels critères évaluer la qualité d’un tel service ? Comment identifier les bénéficiaires de l’aide, sur la base de quels critères ? Quels moyens mettre au service de l’extension universitaire613 ? Relevant l’éventail des écueils techniques et pédagogiques associés à la concrétisation du « service social » Christian Courtis observe : « Depuis le point de vue pédagogique et depuis celui de l’usage de ressources et d’efforts limités, il semble possible d’observer un paradoxe présent dans de nombreuses universités – publiques comme privées — d’Amérique latine : si bien dans de nombreux pays de la région la réalisation d’un “service social” constitue une condition à l’obtention du diplôme universitaire, la réalité, pour diverses raisons, est que ce service n’assure aucune fonction pédagogique, ne maintient aucune sinon très peu de lien avec les compétences, aptitudes et connaissances qui s’apprennent à l’université, qu’il est mal supervisé et — dans le pire des cas — qu’il ne consiste en rien de plus qu’offrir une main-d’œuvre gratuite, en vue de réaliser un travail ne nécessitant pas de qualification pour des bureaux juridiques ou entreprises privées animés par des fins lucratives. Ceci est d’autant plus inadmissible quand c’est l’université qui “place” des étudiants en service social dans le secteur privé »614. Le signal normatif, pour révolutionnaire qu’il puisse sembler sur le fond, demeure soumis et dépendant de la mise en œuvre d’un système d’amplification. L’intelligence du lien à la fois politique et juridique unissant la faculté de droit, l’étudiant, les organismes publics centraux — Conseil de la Judicature la SENECYT, le CEEACES — à la foule anonyme des usagers du droit « en demande de 613 BERNHEIM, Tunnermann, El nuevo concepto de extensión universitaria, Memorias V Congreso Iberoamericano de extensión, México. 2000. 614 Original : « Desde el punto de vista pedagógico y desde el del empleo de recursos y esfuerzos escasos, se señala además una paradoja presente en muchas universidades —tanto públicas como privadas— de América Latina: si bien en muchos países de la región constituye un requisito para obtener un título universitario la realización de un “servicio social”, lo cierto es que, por distintas razones, este servicio no cumple ninguna función pedagógica, tiene poca o ninguna relación con las destrezas, habilidades y conocimientos que se aprenden en la facultad, están pésimamente supervisados o —en el peor de los casos— consisten simplemente en ofrecer mano de obra gratuita, para realizar trabajo no calificado, a despachos jurídicos o empresas privadas con finalidad lucrativa. Esto último es más injustificable aún cuando la que “coloca” a alumnos que realizan el servicio social en el sector privado es la universidad pública ». VILLARREAL, Marta, COURTIS Christian, Enseñanza clínica del derecho: una alternativa a los métodos tradicionales de formación de abogados. CLIP, Clínica Legal de Interés Público, 2007, p.23. 308 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 services juridiques » demeure, sur ce registre, à inventer. Si le périmètre tracé par la réforme de l’enseignement supérieur semble s’y prêter, rien ne garantit la qualité du jeu une fois les protagonistes entrés sur le terrain. b) La norme d’utilité sociale des usages et pratiques professionnelles La question de la gouvernance « révolutionnaire » du travail juridique615 se pose, depuis la sphère étatique — et par-delà la mystérieuse formule déjà évoquée selon laquelle « l’activité juridique est une fonction sociale au service du droit et de la justice »616 d’une manière tout à fait classique. Les ressorts du mécanisme de régulation normative des professions juridiques semblent relativement simples et reposent sur un quadruple faisceau informatif. - La loi étatique entérine, en premier lieu, le phénomène de concentration des savoirs et pratiques professionnelles aux mains des diplômés et de sa « communauté de connaissance et de méthodes617 ». Pour se faire, la condition de titularité d’un diplôme de droit garantit l’accès aux professions réglementées. - La loi étatique présume, en second lieu, l’effet d’inertie de l’action publique et du resserrement des mailles du droit professionnel sur les usages et pratiques des juristes. Le message normatif encapsule des fins d’orientation fonctionnelle, des normes de comportements et d’action. - La loi étatique présume en troisième lieu, l’effet d’inertie des usages et pratiques professionnelles des juristes sur l’efficience et l’utilité socio-environnementale du système Le terme « gouvernance du droit professionnel» est précisément entendu au sens d’un processus de transformation et de recomposition des modes d’action publique mettant en jeu la construction de mécanismes de régulation des opérateurs juridiques et des usages professionnels du droit au titre de l’administration de la justice et du droit. 615 616 « La abogacía es una función social al servicio de la justicia y del derecho» - (Article 323 COFJ) ». Un tel ’acquis tend à être alternativement présumé par les auteurs au regard du passage initiatique sur les bancs d’une faculté de droit -l’enseignement du droit-, d’un critère formaliste -octroi d’un titre par une autorité légalement habilitée par l’Etat-, de la reconnaissance d’une expérience professionnelle -légale ou corporative-, etc. ; Danièle Lochak observe en en ce sens que les professionnels du droit possèdent « une connaissance plus théorique et plus abstraite du fonctionnement de l’ordre juridique, une familiarité avec la conceptualisation et le raisonnement juridiques, s’appuyant sur un apprentissage préalable et méthodique » extrait de D. LOCHAK, « Les usages du savoir juridique », in L’état des sciences sociales, Paris, La Découverte, 1986, p. 328 ; également cité in Nora BOUGHRIET,.Essai sur un paradigme d'alliance constructive entre droit et médecine: L'accès du médecin à la connaissance juridique. Thèse de doctorat, Université du Droit et de la Santé-Lille II, 2013, p. 17. 617 309 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 juridique lui-même — appréhendé ici du point de vue sociopolitique un comme outil de régulation macrosociale, un relais de la Revolucion ciudadana. - La loi étatique institue une norme de spécialisation des usages et pratiques professionnelles en vue de la fourniture des services d’assistance, d’accompagnement et plus généralement de facilitation de l’accès au droit des personnes en situation de vulnérabilité. Reprenons ci-dessus en aparté une série d’observations, notes de recherche, émises dans les premiers temps de l’immersion à Guayaquil (2013-2014) et s’inscrivant dans la droite lignée des axes de gouvernance évoqués ci-dessus. L’information reproduite dans l’encadré n’a d’autre intérêt, avec le recul des années, que celui d’illustrer l’intensité d’un flux informationnel, la production d’un labyrinthe des normes de transition ayant directement suivi l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution. Une difficulté pratique à suivre la trace du signal normatif et l’émergence de questionnement amenant à l’espace de réflexion micropolitique en ressortent assez nettement. La Constitution équatorienne énonce un principe général de responsabilité individuelle au titre de la conduite des actes professionnels. Son article 54 dispose, de manière significative, que « les personnes seront responsables pour la faute commise dans l’exercice de leur profession, de leur art ou de leur office et spécialement celles mettant en cause l’intégrité ou la vie des personnes 618 ». La norme fondamentale énonce encore qu’il en va du devoir et de la responsabilité des Équatoriens et Équatoriennes, dans l’exercice de leurs professions et de leurs offices, de « se soumettre à l’éthique » (article 83-12). Les serviteurs publics sont finalement tenus personnellement, dans le cadre de leur office de « rendre effectifs la jouissance et l’exercice des droits reconnus dans la constitution619 ». 618 Original : « Art.54 alinea 2 Las personas serán responsables por la mala práctica en el ejercicio de su profesión, arte u oficio, en especial aquella que ponga en riesgo la integridad o la vida de las personas ». ; Art.83 alinea 12, Constitución de 2008 « Son deberes y responsabilidades de las ecuatorianas y los ecuatorianos, sin perjuicio de otros previstos en la Constitución y la ley: (…) 12. Ejercer la profesión u oficio con sujeción a la ética ». Original : « (…) las servidoras o servidores públicos y las personas que actúen en virtud de una potestad estatal ejercerán solamente las competencias y facultades que les sean atribuidas en la Constitución o por la ley. Tendrán el deber de coordinar para el cumplimiento de sus fines y hacer efectivo el goce y ejercicio de los derechos reconocidos en la constitución ». (Art 226 Constitucion). À lire en concordance avec la disposition suivante : « Le profil des serviteur(e)s de la fonction judiciaire devra correspondre à celui d’un professionnel du droit avec une solide formation académique, une capacité d’interprétation et de raisonnement juridique, avec une trajectoire personnelle éthiquement irréprochable, dédié au service de la justice, ayant une vocation pour le service public, initiative, capacité d’innovation, créativité et compromis avec le changement institutionnel de la justice619. (Article 37 du Code de la fonction judiciaire équatorien) ». 619 310 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Avec l’adoption en 2009 du Code organique de la fonction judiciaire — Codigo organico de la Funcion Judicial620 — entre en vigueur un « schéma transformateur » de l’administration du service public de la justice. L’administration publique se voit assigner la mission générale de : « rompre (…) les barrières économiques, sociales, culturelles, générationnelles, géographiques et de tout type qui rendent impossible l’accès à une justice, effective, impartiale et guidée par la défense des droits de toute personne ou collectivité »621. Par le biais d’une consultation populaire réalisée en juin 2011, les citoyens équatoriens se sont prononcés sur une série de questions touchant directement à l’administration de la fonction judiciaire. Le scrutin, favorable aux propositions émises par la majorité et présentant en réalité les traits d’un vote de confiance — observation personnelle compte tenu de la technicité et de la teneur générale du questionnaire —, ouvre la voie à une participation directe de l’exécutif au pilotage des réformes de la justice622 et met sous tension la démarcation constitutionnelle des pouvoirs exécutif et judiciaire. La gestion du « Consejo de la judicatura »623 — dont la mission institutionnelle vise précisément la restructuration de l’administration de la justice à l’échelle nationale — se voit temporairement placée, au lendemain de la consultation et par la voie d’un amendement constitutionnel, sous la direction d’un comité de direction transitoire. Un rapport de force d’un nouvel ordre entre l’État et la « communauté des juristes » au sens large se dessine dès lors progressivement sur le plan normatif. La gouvernance des métiers du droit se fait particulièrement évidente dans l’actualité au regard de la régulation des modalités d’accès à la fonction judiciaire et de la refonte du système de contractualisation publique. Le champ d’application du Code organique de la fonction judiciaire (COFJ) s’étend désormais non seulement à l’exercice des fonctions de juge, de serviteur public, mais plus amplement encore à l’ensemble des agents appelés à intervenir, de près ou de loin, dans l’administration du droit et de la 620 Publié au Registro Oficial de 09-mar-2009. 621 Original : « Que, es, además, indispensable que este nuevo diseño transformador permita romper las barreras económicas, sociales, culturales, generacionales, de género, geográficas y de todo tipo que hacen imposible el acceso a una justicia, efectiva, imparcial y expedita para la defensa de los derechos de toda persona o colectividad ». 622 Registro oficial n°490, Gobierno del Ecuador, Suplemento, Resultados del referéndum y consulta popular, Miércoles 13 de julio del 2011, voir en particulier, Question n°4 : « Está usted de acuerdo en sustituir el actual Pleno del Consejo de la Judicatura por un Consejo de la Judicatura de Transición, conformado por tres miembros designados, uno por la Función Ejecutiva, uno por la Función Legislativa y uno por la Función de Transparencia y Control Social, para que en el plazo improrrogable de 18 meses, ejerza las competencias del Consejo de la Judicatura y reestructure la Función Judicial, ENMENDANDO LA CONSTITUCIÓN COMO LO ESTABLECE EL ANEXO 4? ». 623 http://www.funcionjudicial.gob.ec/index.php/es/inicio.html 311 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 justice624. L’article 37 du Code énonce en ce sens : « Le profil des serviteurs (e) s de la fonction judiciaire devra correspondre à celui d’un professionnel du droit avec une solide formation académique, une capacité d’interprétation et de raisonnement juridique, avec une trajectoire personnelle éthiquement irréprochable, dédié au service de la justice, ayant une vocation pour le service public, initiative, capacité d’innovation, créativité et compromis avec le changement institutionnel de la justice »625. Confirmant l’extension du spectre de gouvernance, l’article 57 du code énonce au rang des conditions spécifiques d’intégration des carrières judiciaires, du ministère public — la fiscalia — ou des bureaux du défenseur public, une obligation pour chaque postulant(e) « d’être effectivement avocat ou avocate — “abogada” ou “abogado” — et d’être en possession d’un diplôme d’éducation supérieure en droit »626. (…) La conduite d’activités et de services spécifiquement liés à l’assistance juridique des personnes en situation de vulnérabilité fait l’objet, dans le sillon de Montecristi, d’une dynamique croisée d’institutionnalisation, de professionnalisation et de spécialisation. Reprenons brièvement cidessous ces axes saillants de la gouvernance contemporaine du service public de l’accès au droit en Équateur. La dynamique d’institutionnalisation tout d’abord s’entend simplement au sens de l’établissement d’une mission de service public qui supplante la compétence traditionnellement réservée aux collèges professionnels d’avocats. 624 Original : « Art. 2.- AMBITO.- Este Código comprende la estructura de la Función Judicial; las atribuciones y deberes de sus órganos jurisdiccionales, administrativos, auxiliares y autónomos, establecidos en la Constitución y la ley; la jurisdicción y competencia de las juezas y jueces, y las relaciones con las servidoras y servidores de la Función Judicial y otros sujetos que intervienen en la administración de justicia ». 625 Original : « Art. 37.- PERFIL DE LA SERVIDORA O SERVIDOR DE LA FUNCION JUDICIAL.- El perfil de las servidoras o servidores de la Función Judicial deberá ser el de un profesional del Derecho con una sólida formación académica; con capacidad para interpretar y razonar jurídicamente, con trayectoria personal éticamente irreprochable, dedicado al servicio de la justicia, con vocación de servicio público, iciativa, capacidad innovadora, creatividad y compromiso con el cambio institucional de la justicia ». 626 Original : « Art. 57.- REQUISITOS ESPECIFICOS PARA INGRESAR A LAS CARRERAS JUDICIAL JURISDICCIONAL, FISCAL Y DE DEFENSORIA PUBLICA. - Además de reunir los requisitos generales, la o el postulante a ingresar a las carreras judicial jurisdiccional, fiscal y de defensoría pública, deberá ser abogada o abogado con título de tercer nivel legalmente reconocido, (…) ». 312 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Organisé de manière centralisée le système d’assistance juridique publique se voit placé entre les mains de deux administrations publiques autonomes : la « defensoria publica », d’un côté, la « defensoria del pueblo », de l’autre. Le mandat constitutionnel du « Défenseur public » — la defensoria publica — enjoint le premier organisme à : « garantir le plein et égal accès à la justice des personnes qui, par leur état de vulnérabilité — indefensión — ou leur condition économique, sociale ou culturelle ne peuvent contracter les services de défense légale pour la protection de leurs droits (Article 191 de la Constitution)627 ». À l’obligation d’offrir une « prestation gratuite et opportune de services d’orientation, d’assistance, de conseil et de représentation judiciaire 628 » en régie directe, correspond généralement ensuite l’exercice d’un pouvoir de police administrative629. L’institution réglemente, autrement dit, les modalités d’exercice de services d’assistance juridique proposés en dehors de ses murs 630 . Le Défenseur public exerce, de même et par extension, un 627 Original : Artículo 191 de la Constitución ecuatoriana del 2008 « La Defensoría pública es un órgano autónomo de la Función judicial cuyo fin es garantizar el pleno e igual acceso a la justicia de las personas que, por su estado de o condición económica, social o cultural, no puedan contratar los servicios de defensa legal para la protección de sus derechos ». Concordance avec l’Article 286.1 du Code Organique de la fonction judiciaire lequel dispose « la prestation gratuite et opportune de services d’orientation, d’assistance, de conseil et de représentations judiciaire, conformément aux dispositions du Code de la fonction judiciaire aux personnes qui ne peuvent en bénéficier en raison de leur situation économique et sociale ». (Article 286 du Code de la fonction judiciaire ». 628 Original : « 1. La prestación gratuita y oportuna de servicios de orientación, asistencia, asesoría y representación judicial, conforme lo previsto en este código, a las personas que no puedan contar con ellos en razón de su situación económica o social; 5. Garantizar que las personas que tengan a su cargo la defensa pública brinden orientación, asistencia, asesoría y representación judicial a las personas cuyos casos se les haya asignado, intervengan en las diligencias administrativas o judiciales y velen por el respeto a los derechos de las personas a las que patrocinen. En todo caso primará la orientación a los intereses de la persona defendida; 6. Garantizar la defensa pública especializada para las mujeres, niños, niñas y adolescentes, víctimas de violencia, nacionalidades, pueblos, comunidades y comunas indígenas; 8. Contratar profesionales en derecho particulares para la atención de asuntos que requieran patrocinio especializado, aplicando para el efecto el régimen especial previsto por la Ley del Sistema Nacional de Contratación Pública, y el procedimiento que se establezca en el reglamento que dicte el Defensor Público General; 9. Autorizar y supervisar el funcionamiento de los servicios jurídicos prestados en beneficio de personas de escasos recursos económicos o grupos que requieran atención prioritaria por parte de personas o instituciones distintas de la Defensoría Pública; 10. Establecer los estándares de calidad y normas de funcionamiento para la prestación de servicios de defensa pública por personas o instituciones distintas de la Defensoría Pública y realizar evaluaciones periódicas de los mismos. Las observaciones que haga la Defensoría Pública son de cumplimiento obligatorio(Article 286 du Code de la fonction judiciaire ) ». Pour que d’autres organisation puissent offrit ce service celle-ci devront être accréditée et évaluée par le Défenseur public. (Article 193 de la Constitution 2008) Original : « Art. 294.- EVALUACION DE LOS CONSULTORIOS JURIDICOS GRATUITOS.- Los Consultorios Jurídicos Gratuitos a cargo de las Facultades de Jurisprudencia, Derecho o Ciencias Jurídicas, organismos seccionales, organizaciones comunitarias y de base y asociaciones o fundaciones sin finalidad de lucro, serán evaluados en forma permanente por la Defensoría Pública, la cual analizará la calidad de la defensa y los servicios prestados. De encontrarse graves anomalías en su funcionamiento, se comunicará a la entidad responsable concediéndole un plazo razonable para que las subsanen; en caso de no hacerlo, se prohibirá su funcionamiento ». 629 630 Elle produit « des standards de qualité et des normes de fonctionnement en vue de la prestation de services de défense publique par des personnes ou des institutions distinctes du Défenseur public ». 313 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 pouvoir d’évaluation et de sanction administrative à l’égard de l’ensemble des opérateurs, publics ou privés, engagés dans une activité en lien avec l’offre et la réalisation de services d’accès au droit631. La tutelle s’étend de fait aux organisations non gouvernementales spécialisées dans la protection de l’intérêt public poussant certains observateurs à soulever avec ironie la question de savoir « qui les défendra du Défenseur public 632 ». Le devenir d’initiatives privées mobilisant des conceptions alternatives, voire divergentes, de l’accompagnement juridique semble en partie suspendu aux décisions de l’administration centrale. La question rejoint directement sous cet angle celle des conditions de mise en œuvre du second mandat constitutionnel évoqué. Le Défenseur du peuple — la defensoria del pueblo — endosse une mission spéciale de protection des droits fondamentaux et des libertés publiques633. L’institution « (…) autorise et supervise le fonctionnement des services juridiques prêtés au bénéfice des personnes à faible revenu par des personnes ou des institutions distinctes du Défenseur public » ; Article 294 Evaluation des bureaux d’assistance juridique gratuites... Les bureaux d’assistance juridique gratuite pris en charge par les Facultés de jurisprudence, de droit ou de sciences juridiques, par des organismes de section, des organisations communautaires et de base, des associations et des fondations sans but lucratif seront évalués de manière permanente par le Défenseur Public, lequel analysera la qualité de la Défense et des services rendus. Dans le cas où se présenteraient de graves anomalies dans leur fonctionnement, celles-ci seront dument notifiées et un délai raisonnable de régularisation leur sera concédé ; en l’absence de mise aux normes, leur fonctionnement sera interdit ». Original : « Art. 294 COFJ- EVALUACION DE LOS CONSULTORIOS JURIDICOS GRATUITOS.- Los Consultorios Jurídicos Gratuitos a cargo de las Facultades de Jurisprudencia, Derecho o Ciencias Jurídicas, organismos seccionales, organizaciones comunitarias y de base y asociaciones o fundaciones sin finalidad de lucro, serán evaluados en forma permanente por la Defensoría Pública, la cual analizará la calidad de la defensa y los servicios prestados. De encontrarse graves anomalías en su funcionamiento, se comunicará a la entidad responsable concediéndole un plazo razonable para que las subsanen; en caso de no hacerlo, se prohibirá su funcionamiento ». 631 632 http://www.larepublica.ec/blog/opinion/2014/04/11/defensa-defensor/ 633 Original : « Sección V DEFENSORÍA DEL PUEBLO Art. 214.- La Defensoría del Pueblo será un órgano de derecho público con jurisdicción nacional, personalidad jurídica y autonomía administrativa y financiera. Su estructura será desconcentrada y tendrá delegados en cada provincia y en el exterior. Art. 215.- La Defensoría del Pueblo tendrá como funciones la protección y tutela de los derechos de los habitantes del Ecuador y la defensa de los derechos de las ecuatorianas y ecuatorianos que estén fuera del país. Serán sus atribuciones, además de las establecidas en la ley, las siguientes: 1. El patrocinio, de oficio o a petición de parte, de las acciones de protección, hábeas corpus, acceso a la información pública, hábeas data, incumplimiento, acción ciudadana y los reclamos por mala calidad o indebida prestación de los servicios públicos o privados. 2. Emitir medidas de cumplimiento obligatorio e inmediato en materia de protección de los derechos, y solicitar juzgamiento y sanción ante la autoridad competente, por sus incumplimientos. 3. Investigar y resolver, en el marco de sus atribuciones, sobre acciones u omisiones de personas naturales o jurídicas que presten servicios públicos. 4. Ejercer y promover la vigilancia del debido proceso, y prevenir, e impedir de inmediato la tortura, el trato cruel, inhumano y degradante en todas sus formas ». Constitución de la República del Ecuador, 2008. 314 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Considérant finalement l’évolution du service d’assistance juridique sur les volets de sa professionnalisation et de sa spécialisation, les services d’accompagnement juridique et de démocratisation de l’accès au droit comptent, d’un point de vue statutaire, de ressources humaines et matérielles propres. Ces derniers se voient garantir un certain niveau d’autonomie et d’indépendance634. Le Code de la fonction judiciaire appelle ensuite le Défenseur public à prêter un service de représentation et de conseil « spécialisé » au regard de son domaine d’intervention. Celui-ci présente la particularité de s’étendre, en principe, à « toutes matières et à toutes instances 635’. L’administration se trouve dans ce même registre enjointe de « contracter des professionnels du droit spécialisés pour des cas requérant un accompagnement particulier (art.286-8 COFJ) ». Souvent limitée en pratique à la matière pénale et au droit de la famille, la question de l’élargissement du champ de l’assistance judiciaire aux contentieux des droits sociaux, des droits de l’homme et de l’environnement, à ceux du droit civil et de la propriété urbaine marginale se pose donc avec acuité636. La dynamique de professionnalisation et de spécialisation des services d’accès au droit s’illustre, de même, en termes de personnalisation ou subjectivation des bénéficiaires de l’accompagnement juridique. L’institution se trouve enjointe sur ce dernier registre à garantir une défense publique particulière, « especializada » pour les femmes les enfants et les adolescents, les victimes de violence, les nationalités, les peuples et communautés indigènes (art.286-6 COFJ). Simple redondance de la loi ou impératif de mise en œuvre d’une politique de discrimination « positive » dans le cadre même du service public d’assistance juridique : l’administration et ses agents se trouvent une nouvelle fois en situation d’interprète du droit et d’éclaireur sur le terrain des pratiques et des usages « sociaux » du droit. 634 Version originale : « La Defensoría Pública es indivisible y funcionará de forma desconcentrada con autonomía administrativa, económica y financiera; estará representada por la Defensora Pública o el Defensor Público General y contará con recursos humanos, materiales y condiciones laborales equivalentes a las de la Fiscalía General del Estado » (Article 191. alinea 3 de la Constitution). 635 Original : Article 191 alinéa 2. « La Defensoría Pública prestara un servicio legal, técnico, oportuno, eficiente, eficaz, gratuito en el patrocinio y asesoría jurídica de los derechos de las personas, en todas las materias e instancias ». 636 El impacto de los servicios de asistencia jurídica en Ecuador, Departamento Jurídico Banco Mundial, n°26915, 2003. 315 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La problématique de connaissance de l’ordonnancement juridique « en vigueur » et de décryptage du droit « transitionnel » refait surface dans le sillon de cette obligation générale de « due diligence » pesant sur le serviteur public. Clarifier la mission individuelle des juristes travaillant dans le cadre d’institutions et de services nouveaux ou en mutation fait, dans l’actualité, figure d’impératif à la fois pratique et fonctionnel. L’entreprise soulève en pratique une nouvelle série de questionnements. De quelle manière le registre d’obligations professionnelles des auxiliaires de justice relevant d’un service public « pensé » à partir d’une feuille de route « conceptuelle et idéologique », « légitimé » par le vote en assemblée d’un parti majoritaire, « spécifié » par voie réglementaire, imprègne-t-il, « en bout de course », les us et coutumes de l’agent public ; interfère-t-il avec l’exercice de sa fonction sociale « statutaire »? Si à l’évidence la loi « dispose », la question de savoir dans quelle mesure et par quels moyens le juriste travaillant au service de l’administration publique dispose lui aussi, du simple fait de sa « participation » au service, d’une fraction de pouvoir « constituant » se pose avec acuité. Quid, en somme, d’un « pouvoir de l’interprète » dont la mesure demeure à son tour intimement liée, au sens de « déterminée par » un entendement du nouvel environnement législatif et réglementaire « post-Montecristi » ; par quels moyens évaluer ensuite la pratique de l’accompagnement juridique « aux guichets » et « dépasser », sur un registre méthodologique, l’illusion d’un produit d’accompagnement juridique « universel » ? ; comment dépasser l’incertitude que suscite manifestement le tracé d’une ligne de démarcation séparant la responsabilité individuelle des agents, de celle, aussi bien politique que juridique, de l’administration publique. Dans quelle mesure cette distinction structurante du droit de la responsabilité administrative atteint-elle un niveau de pertinence, d’intérêt pratique dans le silence du « contentieux administratif » ? Les « distorsions », les « mutations », les « dénaturations », et même sans doute, les « sublimations » quotidiennes de l’« éthique laïque et sociale », de la recherche active de la « paix sociale », de l’objectif de réalisation « pleine et efficace » des droits recomposent, dans une certaine mesure, le paysage de la fonction sociale du juriste équatorien, mais comment et dans quelle mesure ?. 316 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Inaperçus depuis la chaîne de gouvernance administrative, le registre de l’intersubjectivité, les « non-dits » et les chuchotements de l’agent public confronté à l’évolution de sa mission, de son environnement de travail, apparaissent, en toute vraisemblance, comme les véritables ouvrages de microproduction du droit de la fonction sociale du juriste. La rémanence du facteur humain dans le champ de l’interprétation du concept innovant se fait plus évidente. Refermant à présent l’aparté, il reste à cette étape du parcours, à pointer du doigt une série de risques associés à la normativité fonctionnelle « de transition ». Derrière l’apparence sécurisante de la production législative, du formalisme, de la médiation des pouvoirs de décision administrative par le jeu de la norme et de l’État de droit social, pointe une réalité complexe. L’envers de l’inflation normative durant la période post-Montecristi se manifeste à plusieurs égards. Les vœux pieux de « transition révolutionnaire », « de démocratisation du service public », « de justice participative », « d’état de droit social », encapsulés dans le texte de loi supplantent progressivement le vécu et l’expérience de la conquête des droits. La forme l’emporte symptomatiquement sur le fond. La portée véritablement révolutionnaire du principe et de la cause entre en dormance au lendemain du processus d’institutionnalisation. Le risque de dérive bureaucratique paraît latent. La convocation de l’argument légaliste sert ensuite plus fréquemment de marqueur social. Au-delà du message normatif, l’argumentation juridique contribue au maintien ou à la reconstitution des hiérarchies sociales637. Le fossé entre « have » et « have not638 » se creuse. L’usage pathologique de la technique juridique sert d’instrument de hiérarchisation sociale. Un coup d’arrêt est finalement porté au travail « constituant » ayant caractérisé l’esprit de Montecristi. L’agenda politique du Buen vivir et la pression du résultat électoral éteignent, à petit feu, la démarche constructiviste. Ces réserves formulées, la seconde voie d’effectivité normative envisagée tient à la formation coutumière des normes et usages professionnels procédant de l’exercice des libertés professionnelles. 637 KENNEDY Duncan, and Paul Carrington, Legal education and the reproduction of hierarchy: A polemic against the system: A critical edition, New-York University Press, 2004. GALANTER, Marc, Liliane Umubyeyi, and Liora Israël. « ‘Pourquoi c'est toujours les mêmes qui s' en sortent bien?’ : réflexions sur les limites de la transformation par le droit », Droit et société 3 (2013): 575-640. 638 317 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 B) La formation coutumière des usages et pratiques « socio-environnementaux » du droit « Abogacía popular », « pratiques alternatives et critiques du droit », « servicios legales populares », « cause lawyering », « social justice lawyering », « public interest lawyering », « lawyering for the poor », « progressive or transformative lawyering », « barefoot lawyering », « juriste engagé »639… soutenons ci-dessous que l’entreprise doctrinale de recensement et de catégorisation d’usages et pratiques « sociales » du droit revêt, à bien des égards, les traits d’une pratique normative 640 . La démarche comparative, et chemin faisant, les travaux de décontextualisation, montée en généralité, formulation d’énoncés normatifs émergent, à cet égard, comme des procédés d’accompagnement stratégique à la formation coutumière d’un modus operandi. Des normes techniques d’engagement socio-environnemental du travail juridique en sociétés font surface. Le propos doctrinal sert alors, non pas seulement, de dispositif de socialisation ou d’analyse critique, mais aussi, et surtout, d’appareil participant à la consolidation desdits usages et pratiques alternatives ou transgressives. Le travail sur les pratiques sociales du droit définit une norme d’intervention. L’expérience est édifiée en « pratique », en norme d’action et de comportement « applicable » à une situation prédéterminée. Par une démarche de recensement, de comparaison et, in fine, d’alignement des usages, certaines gammes d’action, répertoires de coups à jouer sous l’effet des pressions de légitimation sociale se précisent. Le signal normatif émis par la doctrine s’inscrit, a priori et par hypothèse, en « réaction » ou en « résistance » face à ce qui, depuis une perspective critique, relèverait de pratiques professionnelles inadaptées, aseptisées et réduites à de simples contingences techniques. Un patron de spécialisation est mis en exergue641. Les exemples reproduits ci-dessus en guise d’accroche ne représentant en réalité que les échantillons d’un vaste répertoire d’usages et de pratiques professionnelles : JUNQUEIRA, Eliane Botelho. « Los abogados populares : en busca de una identidad ». El otro derecho 26-27 (2002); Vergel, Tovar Carolina, 'Usages militants et institutionnels du droit à propos de la cause des femmes victimes du conflit armé en Colombie', thèse de droit public, Université Paris-Ouest Nanterre, 2013. 639 Ou, tout du moins, d’une pratique contribuant de manière significative à la formation des normes professionnelles coutumières. 640 GALANTER, Marc, Liliane UMUBYEYi and LIORA Israël, ‘« Pourquoi c'est toujours les mêmes qui s’en sortent bien?»: réflexions sur les limites de la transformation par le droit' (2013)(3) Droit et société 575. 641 318 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Le positionnement méthodologique, dans le contexte de la doctrine nord-américaine évoqué par Ruth Bachanan et Louise Trubek sur la question du « public interest lawyering » exemplifie parfaitement le propos. Les auteures introduisant leurs travaux énoncent : « nous décrivons essentiellement une lutte idéologique au sujet de la construction et de la reconstruction du sens attribué aux pratiques des juristes. Notre but est d’identifier les arènes dans lesquelles cette lutte intervient, ou des variations partielles et temporaires de sens, que l’on nomme “moments transformateurs” tendent à se produire »642. Les auteures définissent ensuite les tenants centraux de leur « Critical lawyering vision », et d’une norme d’action professionnelle en devenir : « Humaniser : résister à la réduction de l’histoire des clients à des catégories juridiques, planter les problèmes en termes humains. Politiser : faire usage de la théorie critique afin d’éclairer la nature contingente des situations d’impuissance dans laquelle se retrouve le client, appliquer les filtres d’analyse féministes et antiracistes afin de résister à la marginalisation du discours des clients. Collaborer : encourager la participation des clients et des collectifs à la prise de décisions ; s’essayer à démanteler la hiérarchie avocat/client. Travail stratégique : chercher à discerner les expériences du client sur la question des stratégies de luttes et de résistances ; développer un scepticisme au regard des voies traditionnelles d’exercice des activités de défense, réévaluer continuellement l’effectivité de la défense depuis la perspective du client. Traduction personnelle de l’extrait suivant « What we are describing is essentially an ideological struggle over the constitution and re-constitution of the meaning of lawyer's practices. Our goal is to identify those arenas in which this struggle is located, where partial and provisional shifts in meaning, which we call "transformative moments" can and do occur ». Extrait de: Ruth Buchanan and Louise G. TRUBEK, «Resistances and possibilities: A critical and practical look at public interest lawyering", New York University of Law and Social Change, 1992, vol. 19, p. 687 ; GAÏTI, Brigitte et ISRAËL, Liora. Sur l'engagement du droit dans la construction des causes. Politix, 2003, vol. 16, No. 62, p. 17-30. 642 319 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Organiser : encourager l’organisation et l’effort collectif des clients, collaborer avec les mouvements sociaux existants et les groupes de clients 643(traduction personnelle) ». Carrie Menkel-Meadow définit, sur le même registre, le « cause lawyering » comme : « Toute activité qui poursuit la mise en œuvre de moyens juridiques ou la transformation de la loi en vue d’assurer une plus grande justice sociale — à la fois pour des individus particuliers (via l’assistance aux personnes) et pour des groupes en situation de vulnérabilité — »644. Sur une fréquence plus proche de l’Amérique latine, relevons encore le travail d’Antonio Carlos Wolkmer. L’auteur invoque quant à lui une « pluralité alternative dans l’espace de droit non officiel ». Il la caractérise comme : « des procédures autorégulatrices qui peuvent émerger et être appliquées par une pluralité d’acteurs sociaux, d’association communautaires et autres corps intermédiaires, subsistant spontanément avec une relative autonomie face à la volonté de l’État et indépendamment du droit positif officiel : a) au niveau de la résolution des conflits : de nouvelles modalités non institutionnelles de médiation, de conciliation, de jugements arbitraux et de jury populaire ; des formes non conventionnelles, amplifiées et socialisées de jury des “petites causes” ; extension Ruth BUCHANAN and Louise G. TRUBEK, “Resistances and possibilities: A critical and practical look at public interest lawyering", New York University of Law and Social Change, 1992, vol. 19, p. 687, citation originale : « The following is our overview of the central tenets of the critical lawyering vision: Humanize: resist reduction of client stories to legal categories, frame issues in human terms. Politicize: use critical legal theory to provide insight into the contingent nature of client disempowerment; apply feminist and antiracist analysis to help resist marginalization of clients' voices. Collaborate: encourage participation of clients and client groups in practice decisions; attempt to dismantle the lawyer/client hierarchy. Strategize: seek to access client experiences regarding strategies for struggle and resistance; develop a healthy skepticism regarding traditional advocacy arenas; continually re-evaluate advocacy effectiveness from a client perspective. Organize: encourage organization and collective efforts by clients, work with existing social movements and client groups ». 643 644 Original : « cause lawyring is 'any activity that seeks to use law-related means or seeks to change law or regulations to achieve greater social justice-both for particular individuals (drawing on individualistic 'helping' orientations) and for disadvantaged groups » in MENKELMEADOW, Carrie. « The causes of cause lawyering: Toward an understanding of the motivation and commitment of social justice lawyers ». Extrait de Austin Sarat and Stuart Scheingold (eds.) Cause Lawyering: Political commitments and professional responsibilities, 1998, vol. 31, p. 32. Sarat, Austin, and Stuart A. Scheingold. Cause lawyers and social movements. Stanford University Press, 2006. Scheingold, Stuart, and Austin Sarat. Something to believe in: Politics, professionalism and cause lawyering. Stanford University Press, 2004. 320 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 et fragmentation des comités ou des conseils populaires de justice ; création des tribunaux de quartiers et de voisinage, justice de district ; b) au niveau des sources de production législatives : réappropriation et amplification de nouvelles formes de “conventions collectives” de travail, de consommation et d’usage social ; formation d’“accords collectifs”, de négociations consensuelles, d’arrangements politico-juridiques d’intérêt commun, imposition d’accords communautaires à travers la mobilisation et la pression émergente des carences et nécessités des nouveaux sujets individuels et collectifs »645. Retenons, en guise de synthèse, que la consignation des évènements historiques qui émaillent la connaissance « critique » des savoir-faire juridiques professionnels en sociétés, la mise au jour des « mouvements » et des « courants » participe directement à la formation des normes professionnelles. La doctrine érige des critères « distinctifs » ou « constitutifs » desdits usages et pratiques sociales du droit en sociétés. Elle en signifie la dimension normative, assure et participe, par l’émission d’un flux de « prétentions normatives », la réception systémique d’une coutume en formation646 (voir le schéma récapitulatif ci-dessous). 645 WOLKMER, Antonio Carlos, Pluralismo jurídico: fundamentos de una nueva cultura del derecho, Colección universitaria/Mad.Textos juridicos, 2006, p.266. Texte original : « procedimientos auto regulables que pueden emerger y ser aplicados por una pluralidad de actores sociales, asociaciones comunitarias y demás cuerpos intermedios, subsistiendo espontáneamente con relativa autonomía frente a la voluntad estatal e independientemente del derecho positivo oficial: a) En el nivel de la resolución de conflictos: nuevas modalidades no institucionales de mediación, conciliación, juicios arbitrales y juzgados populares; formas no convencionales, ampliadas y socializadas de juzgados especiales de pequeñas causas (justicia de mínima cuantía); extensión y fragmentación de comités o consejos populares de justicia; creación de tribunales de barrios y de vecindad, justicia de distrito; b) En el nivel de las fuentes de producción legislativa: reapropiación y ampliación de nuevas formas de "convención colectiva" de trabajo, de consumo y de uso social; formación de "acuerdos colectivos", negociaciones consensuales, arreglos político jurídicos de suma de intereses; imposición de acuerdos comunitarios mediante la movilización y la presión surgidas de las carencias y necesidades de los nuevos sujetos individuales y colectivos ». 646 Richard ABEL, Lawyers for Liberalism: Axiom, Oxymoron, or Accident? , Books on Law, nov. 1998, p. 9-15. 321 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Contrainte de légitimation sociale Formation des épistémologies du rôle pro-social ou pro-environnemental des acteurs juridiques professionnels (discours) Spécialisation des savoir-faire juridiques au service des causes socioenvironnementales (actes) Normes professionnelles coutumières Figure 9 Formation coutumière des usages et pratiques socio-environnementales Le dispositif d’effectivité normative une fois signalé, la question de l’interprétation juridique ressurgit en toute logique. La construction de la fonction sociale de l’acteur juridique professionnel s’inscrit dans un chemin ne demeurant que partiellement balisé par le faisceau normatif. L’écho du dicton populaire « el papel aguanta todo » — littéralement, le papier supporte tout — ne tarde pas à faire surface. Pierre Moore observe sur ce registre : « Plus une norme est dense [autrement dit, plus son pouvoir de caractérisation, d’énonciation et d’évocation s’avère élevé (observation personnelle)] plus la signification que prend son application concrète sera la reproduction pure et simple du sens qu’elle a déjà` complètement défini dans l’abstrait : elle la prédétermine entièrement. Moins, au contraire, elle est dense, plus la signification de l’acte d’application concrète découle de l’évaluation des circonstances individuelles visées par cet acte ; et c’est par là que le droit écrit n’est plus tout le droit »647. MOOR Pierre, 'Pour une théorie micropolitique du droit’, in Paris, Presses universitaires de France, 2005, p.64 cité in TUSSEAU, Guillaume. "Review Paper: État (postmoderne) de droit, logique textuelle et théorie micropolitique du droit: sur un exemple de pensée juridique “soft”." International Journal for the Semiotics of Law-Revue internationale de Sémiotique juridique 22.1 (2009): 123-139. 647 322 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Lorsqu’il ne s’agit plus clairement « d’obéir » ou de « mettre en œuvre » des normes professionnelles, mais bien, plutôt, d’élaborer à partir de celles-ci, le flux de la contrainte de légitimation sociale se redirige. Paul Orianne et François Terré identifient clairement un point de basculement annonçant le jaillissement du registre d’effectivité interprétative : « Le problème proprement juridique (et non sociologique) de l’application du droit commence là où la mise en œuvre spontanée et quasi automatique de la règle n’est plus possible et où une initiative personnelle doit être prise en vue de déterminer, dans une situation concrète donnée, le mode de comportement qu’il convient d’adopter »648. Par-delà la délimitation des domaines de l’inacceptable, de l’usage ou de la pratique professionnelle « pathogène », du « passe-droit » le signal normatif s’avère en définitive bien faible. Derrière l’impulsion à la fois déclaratoire, symbolique, discursive et séductrice de la loi « de transition révolutionnaire », ressurgissent les questions de l’initiative, de la conquête et de l’exercice des libertés professionnelles. Section 2 L’effectivité interprétative et l’irréductibilité du facteur humain La désignation, en second lieu, du registre d’effectivité « interprétative » permet d’envisager, au fil des paragraphes suivants, l’effet déterminant de la contrainte de légitimation sociale au regard du champ de l’interprétation juridique. La contrainte de légitimation sociale change de forme, elle mute. Objet caméléon, celle-ci ne rejaillit plus cette fois sous la forme de l’impératif normatif vécu et acté à travers les usages et pratiques professionnelles. Le flux de la contrainte de légitimation sociale revêt, cette fois, la parure d’un faisceau décisionnel. Il trouble les routines intellectuelles d’arbitrage et de trituration des éléments de « fait » et de « droit » qui se trouvent inscrites au cœur du travail d’interprétation juridique. La saisine du jeu de la contrainte de légitimation sociale apparaît directement conditionnée, sur ce registre, à l’évolution, dans l’air du temps, d’un état de connaissance portant sur l’interprétation juridique elle-même. Impossible, pour aller au plus simple, de déployer le schéma 648 ORIANNE, Paul et TERRÉ, François, Apprendre le droit: éléments pour une pédagogie juridique, Éd. FrisonRoche, 1990, p. 82. 323 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 d’effectivité interprétative des contraintes de légitimation sociales sans, parallèlement, édifier l’interprétation juridique comme paradigme fonctionnel de l’état de droit socio-environnemental. La relecture des enjeux associés à la connaissance de l’interprétation juridique permet et conditionne, en d’autres termes, l’excavation du nouveau chantier de légitimation sociale. Le champ des possibles attachés à la fonction sociale du juriste s’étend considérablement par le biais de cet exercice. Les propos suivants identifient, a minima, quatre lignes de rupture. L’analyse permet, chemin faisant, de cartographier et de préciser le présupposé d’effectivité interprétative des contraintes de légitimation sociale. A) Première ligne de rupture : le spectre des facteurs « déterminants » l’interprétation juridique La première ligne de rupture envisagée tient, d’une manière générale, à la réception des enseignements attachés aux « théories réalistes de l’interprétation ». Les travaux de Michel Troper, dans le contexte de la doctrine juridique française, constituent un point d’appui propice en vue d’introduire la saisine réaliste de l’interprétation juridique. L’auteur résume son approche en trois propositions : « La théorie réaliste de l’interprétation proposée par Michel Troper qu’il résume en trois propositions : 1. L’interprétation est une fonction de la volonté et non de la connaissance ; 2. Elle n’a pas pour objet des normes, mais des énoncés ou des faits ; 3. Elle confère à celui qui l’exerce un pouvoir spécifique »649. Il observe, ensuite, à la lecture d’un second passage abordant les « pouvoirs de l’interprète » : « Le fait qu’une autorité a eu recours à telle ou telle méthode d’interprétation n’a aucune incidence sur la validité. Cela ne tient pas à la distinction bien connue du “context of justification” et du “context of discorvery”, c’est-à-dire au fait que la décision a pu être prise pour des raisons toutes différentes de celles qui sont invoquées pour la justifier. L’ordre juridique en effet attache des conséquences non à la méthode, invoquée ou Michel TROPER, Une Théorie réaliste de l’interprétation, in :Timsit Gérard, Pfersmann Otto, Centre de recherche de droit constitutionnel Paris. (2001). Raisonnement juridique et interprétation journée d'étude internationale, 14 juin 1999, Paris: Publications de la Sorbonne. 649 324 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 réellement employée, mais seulement à l’exercice pour une autorité habilitée de la compétence qui lui a été conférée »650. La théorie réaliste de l’interprétation replace le sujet juridiquement habilité au centre du processus interprétatif. Un élément volontariste est associé à la connaissance de l’interprétation juridique. Le champ de l’interprétation juridique est revisité. L’authenticité de la démarche interprétative se trouve attachée à l’exercice d’une compétence d’attribution et, non plus seulement à une question de méthode. Reformulant l’observation, la théorie réaliste de l’interprétation réintroduit, l’espace de subjectivité inhérent à la lecture juridique des faits et des énoncés normatifs. L’analyse proposée les sort de l’ombre à certains égards. Pierre Moore relève, sur ce registre et dans un même sens, l’existence d’« un noyau irréductible de liberté dans l’application des schémas normatifs 651 ». L’auteur situe ce noyau au niveau de l’application « quotidienne, banale » de la loi « aux épisodes les plus courants de la vie sociale »652. La boîte de Pandore ouverte, retenons alors que tout comme la composition du petitdéjeuner, la formation des traits de personnalité, l’éventail d’expériences vécues aussi diverses et variées que l’enfance, l’éducation, la croyance, le sentiment d’appartenance au groupe ou la méthode, la perception d’un certain ordre contraignant de valeurs socio-environnementales 653 , apparaît susceptible d’agir à l’image d’un faisceau décisionnel. Autrement dit et prolongeant l’optique réaliste, l’enjeu épistémologique apparaît bien d’appréhender le jeu de la contrainte de légitimation sociale — entendu ici au sens d’une contrainte Michel TROPER, Une Théorie réaliste de l’interprétation, in :Timsit Gérard, Pfersmann Otto, Centre de recherche de droit constitutionnel Paris. (2001). Raisonnement juridique et interprétation journée d'étude internationale, 14 juin 1999, Paris: Publications de la Sorbonne. 650 651 Pierre MOOR, Logique scientifique et logique institutionnelle dans le discours juridique, Revue européenne des sciences sociales [En ligne], XLVI-141, 2008, mis en ligne le 01 mai 2011, consulté le 13 octobre 2012 ; URL : http:// ress.revues.org/148 ; DOI : 10.4000/ress.148 Citation originale « On croit souvent que la politique s’arrête à l’adoption des lois. En réalité, elle se poursuit dans leur application quotidienne, banale, aux épisodes les plus courants de la vie sociale » (…) » Pierre Moor, « Logique scientifique et logique institutionnelle dans le discours juridique », Revue européenne des sciences sociales [En ligne], XLVI-141 | 2008, mis en rôle structurel du droit dans un procesus de gestation et de consolidation des causes socialesligne le 01 mai 2011, consulté le 13 octobre 2012. URL : http:// ress.revues.org/148 652 653 Alex KOZINSKI, « What I Ate for Breakfast and Other Mysteries of Judicial Decision Making », Loyola of Los Angeles Law Review, vol.26, issue 4, 1993, p.993. 325 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « d’acceptabilité ou d’opportunité socio-environnementale » — dans la continuité d’une série d’évènements, et de facteurs constitutifs du processus interprétatif « mis à nu ». Ces derniers éléments rejaillissent inlassablement sur des pratiques aussi institutionnalisées, normées et, en somme, « socialement codifiées », que « le jugement » ou « l’argumentation juridique » sans pour autant affecter leur validité. La contrainte de légitimation sociale pénètre, au même titre que l’énoncé normatif, la matière de ce que les acteurs juridiques tendent à percevoir, intuitivement, philosophiquement ou méthodologiquement, comme « déterminant » ou « contraignant » à l’égard de la conduite et de la « durabilité » de leurs offices dans un contexte donné. De ce « pool » de facteurs comment isoler la contrainte de légitimation socioenvironnementale ? La nécessité d’aller plus loin, de dépasser une simple (re) connaissance de principe, renvoie, d’une manière générale, les théoriciens du droit face à des difficultés méthodologiques inhérentes à l’entrée en considération d’éléments contextuels, « facteur humain654 » inclus, au regard de la conceptualisation de l’agir juridique professionnel en sociétés. L’effectivité interprétative de la contrainte de légitimation sociale ne pourra être entendue, en d’autres termes et par définition, isolément d’un attachement du juriste aux systèmes socioculturels constitutifs d’un terrain d’action655. La cartographie du registre d’effectuation interprétative impose dès lors une embardée sur le terrain de l’anthropologie juridique 656 . En vue de saisir « l’ordre contraignant de valeurs socioEvoquant la thématique du mépris du travail individuel Alain Supiot observe dans un registre d’idée similaire: « Quant aux pratiques contemporaines de management, elles traitent les hommes comme des ordinateurs programmables. La gestion par indicateurs de performance, la quantification visent toujours à rendre transparent ce qui ne peut l'être totalement. L'homme n'est pas une machine et dans l'accomplissement de son travail, il y a une part irréductible de subjectivité. En la niant, on donne naissance à des institutions pathogènes. » Alain Supiot, Homo juridicus, Essai sur la fonction anthropologique du droit ; Seuil, 2005, cité in HALPERN Catherine , « Rencontre avec Alain Supiot. Penser la justice sociale », Sciences humaines 12/ 2010 (N°221), p. 48-48. URL : www.cairn.info/magazine-sciences-humaines2010-12-page-48.htm 654 655 ASSIER-ANDRIEU Louis, Le juridique des anthropologues, Droit et société, 1987, vol. 5, no 1, p. 89-108. Norbert Rouland propose la définition suivante du champ d’investigation : «l'anthropologie juridique se donne pour objet de comprendre les règles de comportement des sociétés, mais en privilégie l'aspect juridique, tout en décrétant l'impossible insularité du droit : ce dernier n'est qu'un des éléments d'un système culturel et social global propre à chaque société, et diversement interprété et réalisé par chacun de ses sous-groupes. » ROULAND Norbert, L’anthropologie juridique, Les presses universitaires de France, 1 ère édition 1988, p.913 ; voir aussi : ASSIER-ANDRIEU Louis, Le juridique des anthropologues, Droit et société, 1987, vol. 5, no 1, p. 89-108. 656 326 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 environnementales » susceptibles de rejaillir sur l’interprétation du juridique, le regard devrait ainsi nécessairement se porter, a minima, sur un double faisceau informationnel : ce que l’acteur juridique professionnel perçoit comme « fonction anthropologique du droit » - premièrement (1) ; - l’ordre des valeurs socio-environnementales que ce dernier assume comme « siennes »657 (2). 1) La « fonction anthropologique du droit » L’acteur juridique aux abords du contexte urbain marginal apparaît confronté, au regard d’une première coupe d’observation, à un dilemme de compatibilité entre sa pratique et ce que ce dernier assimile de manière plus ou moins consciente comme « fonction anthropologique du droit » 658 . L’expérience individuelle de cette « fonction-fiction », le vécu de la condition d’acteur juridique, entendue, en son essence, comme fait d’appartenance à un groupe social « dominant » ou « majoritaire » — « celui qui connaît, dit et fait le droit » —, expose les acteurs juridiques professionnels au bâti d’un idéal type, projection aux accents culturels et folkloriques, du rôle socialement attribué au système juridique et à ses agents. L’âpre négociation de dénominateurs communs, les réécritures successives de « contrats sociaux » et, plus récemment dans l’histoire des idées de « contrats naturels »659, relèvent bien, en ce sens, de phénomènes sociaux aussi structurels que structurants à l’échelle des groupes sociaux au sein desquels les juristes évoluent en immersion. La réception « systémique » de tels arrangements conditionne le maintien des écosystèmes juridiques dans le temps et l’espace. Elle constitue bien, en ce sens, une manifestation de la contrainte de légitimation sociale. SIMARD Jeanne, Marc-André MORENCY,Daniel Marc WEINSTOCK. « L’interprétation du droit par les juristes : la place de la délibération éthique ». Ateliers De L'éthique 6.2 (2011): 26-48. Web. 657 658 Alain Supiot observe sur ce registre : « Le Droit est une Parole qui s'impose à tous et s'interpose entre chaque homme et sa représentation du monde. (...) C'est une technique de l'Interdit, qui interpose dans les rapports de chacun à autrui et au monde, un sens commun qui le dépasse et l'oblige, et fait de lui un simple maillon de la chaîne humaine. » ; « Le droit n'est ni révélé par Dieu ni découvert par la science, c'est une œuvre pleinement humaine, à laquelle participent ceux qui font profession de l'étudier, et qui ne peuvent l'interpréter sans prendre en considération les valeurs qu'il véhicule. L'œuvre juridique répond au besoin, vital pour toute société, de partager un même devoir-être qui la prémunisse de la guerre civile » in Alain SUPIOT, Homo juridicus. Essai sur la fonction anthropologique du droit ; Seuil, 2005. 659 SERRES, M. (1992). Le contrat naturel (Champs 241). Paris: Flammarion. 327 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 En se donnant justement pour objet d’étudier la variabilité du système de valeurs, des besoins ou des attentes sociétales inscrites à la base du « complexe » juridique, l’approche anthropologique permet de mettre en lumière la diversification des discours, pratiques et représentations de la légitimité sociale. La pratique anthropologique précise un seuil d’acceptabilité socio-environnementale du droit comme pratique sociale. L’apprentissage essentiellement expérientiel de la fonction anthropologique du droit détermine un ordre de prévisibilité, d’attributs professionnels socialement « contraignants ». Franklin Gallegos expose, sur un registre relativement proche, un postulat méthodologique à deux volets en vue de faciliter l’approche des cultures politiques. Il paraît intéressant de le reprendre : « (a) reconstruire et interpréter la formation des cultures politiques existantes oblige à mettre en dialogue la mémoire que les acteurs sociaux conservent du système politique et les représentations/actions contemporaines vécues dans le temps présent ; c’est un appel en vue de récupérer une vision historique sur l’état des choses : avec Robert Castel, j’assume que le présent n’est pas seulement contemporain, c’est plutôt un héritage, et la mémoire de cet héritage nous est nécessaire en vue de comprendre et d’agir aujourd’hui. Il s’agit de mobiliser la mémoire comme un exercice intellectuel qui implique un retour vers le passé avec le questionnement qui est le nôtre ; la possibilité de comprendre les angoisses de la démocratie et écrire le récit de l’avènement et les principales péripéties du présent. (b) il existe une diversité pratique et discursive quant à l’exercice de la citoyenneté : le monde des cultures politiques où se recréent les différentes interprétations et subjectivités sociales en conflit et concurrence politique permanente »660. 660 « El preámbulo teórico que pongo en juego a continuación tiene como objetivo llamar la atención sobre dos aspectos: a) reconstruir e interpretar la formación de las culturas políticas existentes obliga a poner en diálogo la memoria que los actores sociales guardan sobre el sistema político y las actuales representaciones/actuaciones en su torno; es un llamado de atención para recuperar una visión histórica sobre el estado de las cosas: con Robert Castel, asumo que el presente no es sólo lo contemporáneo, es más bien un efecto de herencia, y la memoria de esta herencia nos es necesaria para comprender y obrar hoy. Se trata de movilizar la memoria, como un ejercicio intelectual, que implica volver al pasado con un interrogante que es actualmente el nuestro, la posibilidad de entender las angustias de la democracia, y escribir el relato del advenimiento y las principales peripecias de lo actual (1997: 26); b) existe una diversidad práctica y discursiva de ejercicio de la ciudadanía: es el mundo de las culturas políticas donde se recrean distintas interpretaciones y subjetividades sociales que están en permanente conflicto y competencia política ». Extrait de Ramírez GALLEGOS, Franklin. « Explorando en un agujero negro: hacia una crítica de las visiones dominantes sobre cultura política en el Ecuador », Revista Iconos 7 (1999). 328 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Suivant la ligne directrice exposée ci-dessus et afin de s’aventurer un peu plus loin sur les terres de la « fonction anthropologique du droit » en Équateur, il paraît intéressant de s’interroger sur ce que Pablo Andrade désigne comme « discours démocratique original”661. L’entreprise permet en outre de replacer la période récente de la « Revolucion ciudadana » dans une perspective sociohistorique. Le saut dans le temps sera entrepris, ci-dessous, à travers la reprise et la traduction d’un discours historique du président du « retour à la démocratie », Jaime Roldos, suivi d’un bref commentaire. Jaime Roldós Aguilera, Ex-président de la République d’Équateur, Discours d’investiture, Quito, 10 aout 1979 « Savoir comprendre l’histoire et poursuivre son mandat, quelle importance ! Immergés dans le tourbillon de l’existence nous manquons de voire juste dans la plupart des cas, d’avoir la notion du présent et la perspective du futur. Questionnons-nous équatoriens, questionnons-nous latinoaméricains, questionnons-nous illustres visiteurs, le sens, ici en Équateur de cette matinée d’aout 1979. L’histoire des peuples est l’histoire de la liberté. L’histoire présente de l’Amérique latine est l’histoire d’une recherche angoissée, mais consciente des formes démocratiques d’exister, où l’humanité ne soit pas la pâture du totalitarisme ni nos richesses naturelles l’aliment pour la voracité du pillage propre et étranger. Pour qui est-ce que je parle ? Pour qui dois-je parler ? Je me suis répondu : pour aujourd’hui et sans n’exclure à personne. Je parle pour les humbles frères équatoriens qui au bord des chemins espèrent de longues heures le passage du compagnon Roldós. Je parle pour les centaines de milliers d’Indiens, pour mes frères indigènes équatoriens, évoqués dans les discours, personnages de récit, objets de poésie, objets permanents de l’exploitation sociale… pour eux l’histoire est restée dans la colonie. 661 ANDRADE A., El imaginario democrático en el Ecuador, extrait de Antologia, Democracia, gobernabilidad y cultura politica, Felipe Burbano de Lara compilador, Flacso, Sede Ecuador, Quito, 2003,p. 383. 329 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Kuman punchaka, mana iankalla ñaupa uata shina pushaita japinchik. Kunanka, tukui runajuna pushaita japinchikmi. Uakin millai runaku-namanta y pushaita japishpa, tukui makipura ima-tapish rurashpa kausakrinchikmi. ¿Kunanka, pikunaman rimani? ¿Mishuku-namanlla? ¿lachakkunamanlla? Mana… Nukaka, tukui kai llaktapi kausak runakunamanmi rimani. Inti llukshina llaktapi kausak runakuna-man: shuara, uaukrani, sikuja, siuna, kuphan-man, tukui urkupi kausak runakunaman; inti chinkana llaktapi kausak runakunaman; puka, kaiapaman; tukui kastillakunaman; tukui uaranka uaranka runakuna, ñukanchik Mana llaktapi kausakukkunaman: iurak runakunaman, iana runakunaman, karu llaktamanta shamushka runakunamanpish. Tukuipura ianapanakushpa, ñaupakman rishunchik. Mana shimiuanlla ianka uairaman rimashpa, imatapisa, iuiashkata ruraiuan paktashunchik, uakchakunapak llakikunata allichinkakaman. Shina rurashpa, kishpirinata maskashunchikmi. (Quechua dans le texte original) Je parle pour les montubios, pour les noirs du Chota et d’Esmeraldas, pour les A'i Cofán, pour les Shuars, pour les Jibaros et autres factions ; pour ceux qui dans l’Amazonie orientale affirment la patrie ; pour les colons de Galápagos, pour les pêcheurs de nos côtes, pour les centaines de milliers d’habitants suburbains, qui pour une benne de gravier ou une citerne d’eau souffrent des peines indicibles. Je parle pour la jeunesse équatorienne, un des piliers de mon triomphe, avec la conscience que je suis le désespoir troqué pour l’espérance d’une génération ; je parle pour les femmes, participantes comme jamais, avec leurs compétences et compromis, force de décision indémaillable dans les forces du changement. Je parle pour les éducateurs, les travailleurs et les paysans, pour les industriels, les commerçants et les agriculteurs. Je parle aux artisans et aux professionnels. Je parle à mes compagnons du CFP — Concentración de Fuerzas Populares — et à ceux de la Démocratie populaire-Union démocrate-chrétienne ; je parle pour les civils et pour les forces armées. Je leur parle pour dire que c’est l’heure de dépasser les paroles et traduire en actes l’affirmation souveraine et démocratique à laquelle l’Équateur aspire. Je parle pour les distingués visiteurs et tout le peuple, pour leur dire que le soleil de la liberté qui nait aujourd’hui pourra seulement avoir une chance au prix de nos propres existences. 330 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Plus d’un million d’électeurs ; deux votants sur trois ; ont décidé pour le changement, pour un changement prudemment audacieux, sans stridence ni mensonge. Un changement d’ordre peut être lent pour certains et trop rapide pour d’autres, de toute manière affirmé, et sans sacrifices des libertés bien sûr. Et le changement s’impose parce que l’analyse la plus sommaire déterminera que notre situation nationale se caractérise pour la présence et l’opposition de deux tendances fondamentales : une, qui préconise le changement, qui propose et recherche une solution historique, qui essaie de regrouper toutes les forces sociales capables de garantir le progrès et l’indépendance nationale et qui considère l’être humain comme protagoniste et destinataire du développement. Et une autre, qui prétend maintenir intouché le système actuel de retard économique et d’injustice sociale, responsable de la structure socio-économique caduque, la domination oligarque, la dépendance, la violation des droits de l’homme et l’affaiblissement du régime démocratique. Pour avancer sur le chemin du changement possible et nécessaire, il faut prendre en compte la base sociale minimale qui serve au maintien de la gestion du gouvernement. Pour cela, je n’ai pas offert de miracles, que le pays n’espère pas de miracles. La capacité paternaliste de faire des miracles est une forme de démagogie, et des plus indignes, incompatible avec le sérieux du gouvernement populaire qui aujourd’hui s’initie. Le pays attend, ça oui, un changement juste et démocratique, à travers lequel la participation populaire ne peut se limiter à déposer le bulletin de vote le jour des élections, sinon à mobiliser les consciences et les volontés afin de générer le voyage qualitatif proposé. Le peuple équatorien doit être conscient que sa fonction dans le processus de changement n’est pas passive sinon active. La course en vue de transformer l’Équateur en un pays d’économie moderne et de démocratie participative, justice intégrale et conscience solidaire, non seulement sera le résultat de la gestion du gouvernement sinon la participation organisée de vastes secteurs du pays. Nous voulons, pour autant, une démocratie dynamique incarnée dans l’âme des Équatoriens. Plus qu’une démocratie de représentation, que nous souhaitons, nous aspirons aussi à une démocratie de participation : participation aux services de la société moderne, participation aux décisions qui compromettent le destin individuel et collectif. 331 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 L’identité idéologique, la cohérence du programme et le compromis politique seront les piliers sur lesquels s’appuiera la force organique et unitaire du changement et qui feront naître dans le pays une conscience humaniste solidaire et démocratique, les deux grandes parallèles sociopolitiques guideront l’action du gouvernement populaire : le développement économique et la justice sociale. L’équilibre entre elles permettra au pays de dépasser ensemble le retard et l’injustice. Le pays peut être certain qu’à aucun moment, face aux circonstances les plus adverses, nous transigerons ou nous renoncerons à ces grands principes directeurs, en faire autrement reviendrait à frustrer l’aspiration nationale au changement. Le développement économique sans justice sociale — le développementalisme pur — qui bénéficie à peu au préjudice de beaucoup est loin du programme pour lequel s’est prononcé le peuple équatorien. Et la justice sociale éloignée du développement économique, qui satisfait avec démagogie les ambitions et les appétits contingents au préjudice de tout le progrès matériel, n’a rien de commun avec l’urgence réelle du pays. Le développementalisme injuste augmente la brèche sociale et le réformisme purement démagogique consolide le retard économique. Nous cherchons en conséquence une démocratie intégrale et pluraliste, où le l’ouvrage de l’homme et des communautés se réalise dans un environnement de respect et de liberté. Que personne ne soit poursuivi pour ses croyances ou favorisé de manière illégitime pour son adhésion. Une démocratie pluraliste suppose une riche controverse, oriente la réalisation du bien commun, qui ne définisse pas seulement des grands principes, mais encore qui réalise des actions concrètes. Face à l’orthodoxie caduque qui prétend assigner à l’État une fonction contemplative devant les problèmes socio-économiques, d’un côté, et la tendance qui cherche à tout faire sous une tutelle absolue, de l’autre, je déclare sans équivoque que mon gouvernement agira de manière responsable dans le cadre signalé par la constitution, et que je n’adhère pas au critère de l’État omnipotent ni à celui de l’État irresponsable. La démocratie dépend du gouvernement que nous initions, de la conduite et du discernement des mandataires exécutifs, de la chambre nationale des représentants, de la fonction judiciaire, des forces armées, des partis politiques, de l’opinion publique, du peuple. Rien ne prime. Tout prime. 332 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Unité dans la décision politique et décentralisation dans l’administration du service seront des normes suprêmes de l’État. À travers la première, nous atteindrons la cohérence dans la gestion du gouvernement dans toutes les aires de la vie nationale, et, à travers la seconde, nous obtiendrons l’efficacité dans les démarches administratives et l’égalité des régions et des provinces, fréquemment repoussées et punies par l’abandon et l’hégémonie. Combattre le centralisme et le régionalisme est un ouvrage commun de tous les Équatoriens. Défendre l’unité nationale sur les bases de l’égalité et de la justice est une tache inéluctable pour ceux qui aspirent à une patrie harmonieuse, démocratique, juste et souveraine. Avec le retour aujourd’hui à la démocratie dans toutes les dimensions de la cohabitation nationale, renaît aussi le principe de la division et de l’indépendance des fonctions de l’État. Je suis convaincu que la chambre nationale des représentants a clairement conscience de la responsabilité partagée de garantir une démocratie réelle et stable. Le peuple équatorien, qui nous a confié le devoir historique de diriger l’État, attend qu’on soit loyaux à ses aspirations de changement. Nous nécessitons des lois agiles, opportunes, objectives et adéquates, pour instrumenter les réformes : administratives, agraires, sociales, éducationnelle, tributaire et économique. Mais nous légiférons avec bon sens. Rappelons-nous d’Olmedo, dans la conclusion de son célèbre discours devant la cour de Cadix : « Seules sont bonnes les lois qui font le bonheur des peuples ». Douloureux d’affirmer que la faillite de la justice s’institutionnalise chaque fois plus en Équateur. On a mis un prix à la justice, pour certains de l’argent, pour d’autres des larmes et de l’impuissance. Les forces armées font partie de la Nation et de la structure de l’État. Elles sont appelées à défendre la souveraineté nationale et à soutenir la démocratie et la légitimité. Les relations du gouvernement avec les forces armées se baseront sur le strict respect des normes juridiques. En retournant à leurs fonctions spécifiques, je souhaite leur exprimer ma reconnaissance pour leur loyauté face au compromis du retour au régime de droit qui a fait honneur à la parole donnée. 333 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Une bonne partie du jour qui se fait à l’horizon nous la devons à l’opinion publique du pays et avec elle aux médias de communication sociale. Par principe, avant que par reconnaissance, qui je souhaite également démontrer, je ratifie ma détermination de respecter la liberté de la presse comme toute liberté qui doit être démocratiquement respectée. J’encourage à ce propos l’urgence d’une responsabilité partagée dans laquelle la communication et la publicité projettent l’affirmation de valeurs substantielles, prohibant celles qui conduisent à l’égoïsme, la superficialité, le gaspillage et la médiocrité. Nous devons être bien conscients qu’il n’y a pas de peuple plus fort qu’un peuple informé et orienté et qu’un gouvernement démocratique dépend, entre autres facteurs, de la presse, mais que la presse ne peut dépendre du gouvernement. Sans ces prémices la justice sociale et la démocratie participative ne pourront voir le jour. Sur le plan économique, mon gouvernement entreprendra la tâche ardue de moderniser l’appareil productif du pays, afin de le rendre cohérent avec l’impulsion fulgurante de la science et de la technique du XXe siècle. J’invoque tous les Équatoriens à rompre les chaînes du retard et de la corruption, les chaînes qui maintiennent le pays encré dans des formes productives dépassées par l’histoire. La constitution signale l’existence de quatre aires économiques : étatique, privée, communautaire et mixte. Dans la mesure où les initiatives dans ces aires ont du succès, nous obtiendrons la croissance économique et la justice sociale. Les entrepreneurs agissant dans le cadre de la loi n’auront rien à craindre du nouveau gouvernement. Soutenons le Développement économique et la justice sociale. Notre grand compromis est avec les exploités, les humbles, les marginaux. J’endosse le gouvernement du peuple par l’élection. J’endosse le gouvernement du peuple par l’action. La politique du bien-vivre social et la promotion du peuple seront une priorité de notre action. Nous abandonnerons le paternalisme. Notre politique intérieure se caractérisera par le dialogue et la fermeté. Nous ne tomberons pas dans la revanche, l’arrogance, l’abus et nous ne le permettrons en retour à personne. L’opposition pondérée et constructive méritera notre crédit. 334 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La politique internationale du pays s’appuiera sur les principes de non-intervention, d’autodétermination, d’égalité juridique des états ; la défense des droits de l’homme, le respect au pluralisme idéologique, l’ouverture de relations avec tout le pays ; le rejet de toute forme d’agression, d’intervention et d’usage de la force, le rejet du colonialisme et du néo-colonialisme ; nous défendrons le principe du règlement pacifique des différends. Mon gouvernement dynamisera sa politique extérieure comme un instrument efficace, contribuant au développement interne et luttera dans le cadre des organismes et des instruments pour l’application de la justice et de la liberté. Je crois avec fermeté que le monde est un seul et que nous devons accepter la possibilité que des États avec différents systèmes économiques, sociaux et politiques puissent cohabiter sous un même soleil et sur une même terre. Admettant les différences fondamentales qui peuvent nous séparer, mon gouvernement se propose d’établir et de conforter les relations avec tous les pays du monde, apprendre à coexister ente des pays différents et à découvrir dans celle-ci des éléments favorables au progrès, à la coopération et à l’amitié, signifie que la problématique internationale est comprise. Présents dans ce salon se trouvent les représentants du gouvernement et du peuple du Nicaragua. Le pays centre-américain fraternel, qui durant quatre décades a supporté la dictature institutionnalisée de la dynastie Samoza, vient de s’incorporer au camp de la démocratie latinoaméricaine. Ceci est un grand évènement qui remplit de joie les peuples du monde et constitue un avertissement aux tyrannies qui caressent le rêve d’une dictature perpétuelle. Au sortir d’énormes souffrances et sacrifices, le peuple nicaraguayen a réussi à renverser le gouvernement de Somoza et à restaurer l’institution républicaine. Je veux rendre ici — comme je l’ai fait dans la propre terre de Sandino, mon hommage de respect, d’admiration et de solidarité avec votre longue lutte. Je réitère à ses illustres représentants que l’identité de destin de nos pays, née depuis Alfaro, sera amplement renforcée à travers des actions et des programmes de coopération réciproque. Nous recherchons une solution pacifique aux controverses et nous nous alignerons exclusivement au droit, pour ceci il est impératif d’élever notre voix équatorienne en vue de faire entendre l’exigence de justice en vue de l’imposition du Protocole de Rio de Janeiro. 335 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Ceux qui offrent l’impossible et ceux qui espèrent des miracles se trompent mutuellement. Créer des mirages en vue d’exploiter des frustrations équivaut à trahir la plus profonde espérance du peuple. L’indépendance nationale et le progrès social n’ont jamais été le fruit de l’action isolée d’un gouvernement, sinon le résultat de la fermeté théorique, de l’honnêteté politique, de la persévérance et du sacrifice de toute la communauté. Le destin n’est pas écrit à l’avance, il se bâtit au jour le jour, sans haine, sans vengeance, sans renoncements. Unis, nous devons construire une nouvelle période historique, à travers laquelle le peuple ne conservera pas seulement sont inaliénable droit à l’autodétermination, mais exercera aussi sa fonction de protagoniste d’une véritable démocratie. Je conclus : je l’ai dit durant la campagne et le réitère avec force. Mon pouvoir dans la constitution et mon cœur dans le peuple équatorien. Que Dieu guide notre chemin ! Nous allons écrire une page de l’histoire ! Merci » Source : Archives, EL COMERCIO662 Pourquoi ce discours paraît-il instructif en vue d’une première approche de la « fonction anthropologique du droit » en Équateur ? Avançons pour le mois cinq arguments. Premièrement et tout d’abord parce que le discours pose les jalons d’un idéal démocratique et abonde dans le sens d’une continuité du discours démocratique en Équateur. Le texte préfigure, à bien des égards, le Préambule de l’actuelle constitution du Buen vivir que l’on reproduit ci-dessous. Il contribue à relativiser le discours politique contemporain de « rupture ». Préambule de la Constitution de la République d’Équateur Nous femmes et hommes, le peuple souverain de l’Équateur Reconnaissant nos racines millénaires, forgées par des femmes et des hommes de peuples distincts Célébrant la nature, la Pacha Mama, de laquelle nous sommes parties et qui est vitale pour notre existence, invoquant le nom de Dieu et reconnaissant nos diverses formes de pratiques religieuses et spirituelles, 662 Discours reproduit par Diario El Comercio, 10 de agosto de 1979 "Mi poder en la Constitución y mi corazón en el pueblo ecuatoriano", Jaime Roldos. 336 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 faisant un appel à la sagesse de toutes les cultures qui nous enrichissent comme société, comme héritiers des luttes sociales de libération face à toutes les formes de domination et de colonialisme Et avec un compromis profond pour le présent et futur, Avons décidé de construire Une nouvelle forme de cohabitation citoyenne, dans la diversité et en harmonie avec la nature en vue d’atteindre le « buen vivir », « el sumak kawsay » ; Une société qui respecte, dans toutes ses dimensions, la dignité des personnes et des collectivités ; Un pays démocratique, engagé en vue de l’intégration latino-américaine — rêve de Bolivar et de Alfaro —, la paix et la solidarité avec tous les peuples de la terre et, Dans l’exercice de notre souveraineté, depuis la ville d’Alfaro, Montecristi, province de Manabí, nous adoptons la présente : Constitution de la République d’Équateur (Traduction personnelle663) 663 Texte original : « CONSTITUCIÓN DE LA REPÚBLICA DEL ECUADOR PREÁMBULO NOSOTRAS Y NOSOTROS, el pueblo soberano del Ecuador RECONOCIENDO nuestras raíces milenarias, forjadas por mujeres y hombres de distintos pueblos, CELEBRANDO a la naturaleza, la Pacha Mama, de la que somos parte y que es vital para nuestra existencia, INVOCANDO el nombre de Dios y reconociendo nuestras diversas formas de religiosidad y espiritualidad, APELANDO a la sabiduría de todas las culturas que nos enriquecen como sociedad, COMO HEREDEROS de las luchas sociales de liberación frente a todas las formas de dominación y colonialismo, Y con un profundo compromiso con el presente y el futuro, Decidimos construir Una nueva forma de convivencia ciudadana, en diversidad y armonía con la naturaleza, para alcanzar el buen vivir, el sumak kawsay; Una sociedad que respeta, en todas sus dimensiones, la dignidad de las personas y las colectividades; Un país democrático, comprometido con la integración latinoamericana -sueño de Bolívar y Alfaro-, la paz y la solidaridad con todos los pueblos de la tierra; y, En ejercicio de nuestra soberanía, en Ciudad Alfaro, Montecristi, provincia de Manabí, nos damos la presente: CONSTITUCIÓN DE LA REPÚBLICA DEL ECUADOR ». 337 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Deuxièmement, parce qu’il pose les jalons d’un discours sur le sujet des droits sociaux et sur l’exercice de la citoyenneté dans le contexte latino-américain664 La question de la titularité des droits et des conditions de vie dans les asentamientos fait l’objet d’une mention explicite. Troisièmement, parce que pour la première fois, un président équatorien s’adressait, dans le cadre d’un discours officiel, aux nations indigènes en quechua. Le texte préfigure, en ce sens, le débat national sur la question de la plurinationalité. Le processus de revendication et la conquête des droits des communautés indigènes, afro-équatoriennes, du peuple montubio et des communes ancestrales, émergent comme des enjeux de stabilité politique et démocratique du régime665. Quatrièmement, parce que le texte aborde un positionnement sur le terrain de la politique étrangère, du régionalisme et des droits de l’homme. La ligne de conduite, la « doctrina Roldos » se confirme l’année suivante par la signature à Riobamba de la « Carta de conducta » — Carte de conduite — le 11 septembre 1980 par les présidents colombien, vénézuélien, péruvien, costaricain et Panaméen. Le texte aborde de manière pionnière la question de l’exigibilité des droits de l’homme dans la région. Cinquièmement et dernièrement, parce qu’en 1981, Jaime Roldos et son épouse Martha de Roldos meurent dans un « accident » d’avion dont les enquêtes, toujours en cours à l’échelle régionale, ont clairement permis d’établir un lien avec la conduite du sinistre « Plan Condor 666. » La 664 BANDEIRA Lourdes, La citoyenneté sociale en Amérique latine, Éditions L'Harmattan, 1995 ; MARQUES-PEREIRA, Beréngère et RAJCHENBERG, Enrique, Ciudadanía social y democratización: la sociedad civil frente al neoliberalismo, Estudios latinoamericanos, 1998, vol, 5, no 10, p, 7-21 ; KYMLICKA Will et NORMAN, Wayne, El retorno del ciudadano, Una revisión de la producción reciente en teoría de la ciudadanía, La política, 1997, vol, 3, p, 5-39. 665 Julie MASSAl, Les mouvements indiens en Équateur. Mobilisations protestataires et démocratie, Paris, Karthala, 2005 ; CHÁVEZ, Chávez Vallejo. « De la exclusión a la participación: pueblos indígenas y sus derechos colectivos en el Ecuador ». Editorial Abya Yala, 2000. ABRAMOVICI Pierre, “Opération Condor”, cauchemar de l’Amérique latine, Le Monde Diplomatique, 2001, p. 2425 ; MCSHERRY, J. Patrice. Predatory states: Operation Condor and covert war in Latin America. Rowman & Littlefield, 2005 ; CALLONI, Stella. Los años del lobo: Operación Cóndor, Icaria Editorial, 1999 ; DINGES, John. Os anos do Condor. Uma década de terrorismo internacional no Cone Sul. São Paulo: Companhia das Letras, 2005. GOIRAND, Camille, La politique des favelas, KARTHALA Editions, 2001 ; GOIRAND, Camille. Démocratisation et mobilisation populaire a Rio de Janeiro, des années 1970 aux années 1990, Thèse de doctorat,1998, INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES PARIS. ; CUEVA, Agustín, Las democracias restringidas de América Latina: elementos para una reflexión crítica, Planeta, 1988. 666 338 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 mise en évidence du stigmate des dictatures militaires et de l’autoritarisme667, l’enjeu de réparation et de la lutte contre l’oubli, apportent de même un indice quant à ladite « fonction anthropologique du droit » en Équateur. 2) L’ordre des valeurs sociales et environnementales assumées comme « siennes » Considérant une seconde coupe d’observation, l’acteur juridique se trouve généralement confronté à un dilemme de compatibilité entre la conduite des usages et pratiques professionnels du droit en milieu urbain marginal et l’ordre des valeurs socio-environnementales venant à être assumées comme siennes. Le corpus des croyances, des idéologies, des principes et des règles de vie en collectivité, assimilé à travers le processus de socialisation et l’éventail des apprentissages formels, informels et expérientiels, véhicule par définition des valeurs. L’éthique socio-environnementale du juriste recompose, depuis la perspective anthropologique, l’horizon interprétatif. La séparation entre une conviction intime, des impulsions premières en tant que citoyen habitant d’une ville, agent d’une administration publique, produit d’un système d’enseignement du droit, d’une part, et le champ des pratiques juridiques d’autre part 668 présente sur ce registre un caractère fictif et ambigu. La recomposition ponctuelle d’identités de quartier, urbaines, nationales ou régionales, œcuméniques ou globales au même titre, d’ailleurs, que celle des identités biologiques, de genre ou générationnelles, déplacent, en somme, les seuils d’acceptabilité, d’opportunité et in fine d’utilité socioenvironnementale des usages professionnels du droit en sociétés. Observons, en guise de remarque conclusive, que la démarche de caractérisation de la fonction anthropologique du droit, associée à l’essai de détermination des valeurs socioenvironnementale, soulève, en soit, un nouveau problème de méthode face auquel les juristes ROLDOS Santiago, “Ecuador a cambiado su rostro pero no su alma”, 8 de septiembre 2014, Mirador político, édicion 168, Gkill city, http://gkillcity.com/articulos/el-mirador-politico/santiago-roldos-ecuador-ha-cambiado-surostro-pero-no-su-alma 667 Dans le sens d’une telle distinction radicale Henri Batiffol affirmait par exemple : « La critique de la loi est l’affaire d’opinions individuelles sur la conception générale de la vie… Elle peut certes aller jusqu’au renversement violent de l’ordre établi, mais ce ne sera pas un droit, au sens juridique, qui aura été exercé: l’ordre juridique aura été détruit au nom d’une conviction qui lui est extrinsèque, les révolutions ne sont pas juridiques, ceux qui les fomentent en prenne la responsabilité personnelle (...) » ; Henri Batiffol, Problèmes de base de la philosophie du droit, LGDJ, 1979, p.32-33, cité in François Chénedé, De la conception du droit à la fonction de juriste, extrait de La place du juriste face à la norme, Association Henri Capitant, Dalloz, collection Thèmes et commentaires, Journées nationales, Tome XVI, Rennes, avril 2012, p.3-27. 668 339 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 apparaissent bien souvent démunis. Olivier de Sardan, évoquant le risque d’un « piège culturaliste » énonce : « (…) il faut tenir compte, bien sûr, d’un dernier ensemble de normes locales, à savoir les normes sociales en vigueur au sein des groupes destinataires. On a vu qu’elles étaient souvent en contradiction avec les normes importées par les institutions de développement (comme la remise de l’argent des transferts monétaires aux seules femmes). De ce fait, les pratiques des bénéficiaires consistent alors à suivre en apparence les normes importées (les femmes se présentent lors des distributions) tout en revenant de fait “en douce” aux normes sociales (les femmes redonnent l’argent au mari). Mais attention : les normes sociales locales ne sont pas nécessairement partagées par tous, et elles ne s’ancrent pas nécessairement dans les coutumes du passé. Le piège de l’idéologie “culturaliste”, avec ses effets d’homogénéisation et de traditionalisation, n’est pas loin »669. B) Seconde ligne de rupture : le champ et les temporalités de l’interprétation juridique La seconde ligne de rupture envisagée tient à l’évolution générale et contemporaine du champ des phénomènes constitutifs de l’interprétation juridique. Cantonné, depuis une perspective classique, à l’exégèse — entendue classiquement comme l’interprétation des énoncés normatifs à partir de la ressource textuelle —, le spectre des pratiques interprétatives du juriste se diversifie. Retenons a minima trois ouvertures possibles du champ de l’interprétation « juridique » : – l’ouverture, premièrement, des pratiques interprétatives au temps de formation-concrétisation des normes non spécifiquement juridiques. Le jeu structurel de la contrainte de légitimation sociale rejaillit non plus seulement quant à la détermination des seuils de légalité ou de régularité des usages et pratiques professionnelles du droit dans les asentamientos. Il ressort, de même et avec la même intensité, sur l’identification des pratiques « déviantes », contraires au signal déontologique ou éthique en premier lieu, sur l’interprétation des normes coutumières d’utilité socioenvironnementale, en second lieu (voir schéma ci-dessous). 669 Olivier DE SARDAN Jean-Pierre, « La manne, les normes et les soupçons » Les contradictions de l'aide vue d'en bas, Revue Tiers Monde, 2014/3 n° 3, p. 197-215. 340 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Lecture des normes d'utilité socioenvironnementalecalculs d'opportunité- Lecture des pratiques "déviantes", situation de non conformité aux normes éthiques et déontologiques Lecture des pratiques illégales ou irrégulières Figure 10Extension du champ des pratiques d’interprétation normative - l’ouverture, deuxièmement, des pratiques interprétatives au temps d’habillage des « situations de fait » en « situations de droit » — le jeu de la « qualification juridique des faits » 670 . L’interprétation juridique engage, de manière concomitante et continue, la lecture de situations de fait — la production du « contexte »671 —. La mise en abyme des environnements, 670 « Aussi longtemps que seules les règles de l'interprétation (explication de texte) sont données pour des "méthodes" de la pratique et de la science juridiques, la structure de la réalisation pratique du droit reste incomprise, et ce de deux manières. Certes l'interprétation du texte de norme est l'un des éléments les plus importants du processus de concrétisation. Mais elle n'est que l'un de ces éléments. La méthodologie du positivisme légaliste méconnaît cet état des choses. La première incompréhension touche à l'axe norme/réalité. L'exclusivité avec laquelle le positivisme oppose la norme juridique et la réalité méconnaît le fait que le texte de norme -comme d'ailleurs tout texte- ne peut être compris sans se rapporter au modèle de la réalité auquel il se réfère. En conséquence, le positivisme ne peut intégrer cet indispensable rapport à la réalité que de manière déguisée et irréfléchie à travers certaines notions attrape-tout (Blankettbegriffe).La seconde incompréhension concerne l'axe norme/espèce. La logique de la métaphore de l'explication (Auslegungsmetapher) implique que l'interprétation juridique ne serait que la réexécution de quelque chose déjà pré exécutée. De ce fait, le positivisme ne peut situer la dimension créatrice du travail juridique qu'au-delà de la loi et en dehors de la sphère d'interprétation normative. » François Muller, Discours de la méthode juridique, p.204. 671 Abondant dans ce sens : « La première tâche du juriste est de découvrir les règles du droit qui sont applicables dans un temps donné et dans un lieu déterminé. C'est là un travail d'observation, d'enregistrement de la réalité sociale, caractéristique de la science, nul ne le conteste » (…) B. Stark, H. Roland, L. Boyer, Introduction au droit, Paris, Litec, 1996, 4e éd., p. 96 cité in CHAMPEILDESPLATS Véronique, Méthodologies du droit et des sciences du droit, 2014 p.91 341 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 « lieux » ou « temps » de concrétisation de la norme juridique suppose elle aussi, autrement dit, une succession d’opérations intellectuelles, de calculs routiniers et stratégiques en proie à la contrainte de légitimation sociale ; - l’ouverture, troisièmement, des pratiques interprétatives du juriste au temps de mise en abyme, non plus seulement de la norme ou des circonstances de fait engageant la concrétisation ou la mise en œuvre de la règle juridique, mais bien, cette fois, du « rapport de droit 672 » produit de la rencontre « professionnel-usagers du droit ». La contrainte de légitimation rejaillit sur l’examen d’opportunité des voies et des modes d’interaction socioprofessionnelle du juriste. Temps de formationconcrétisation des normes. Temps d’habillage des « situations de fait » en « situations de droit » Temps de contextualisation des rapports de droit – micropolotique de la qualification juridique des faits — Registre d’effectivité interprétative Figure 11 Typologie des temps d’effectivité « interprétative » de la contrainte de légitimation sociale Entendons par « rapport de droit » le spectre élargi des rapports humains impliquant la médiation d’une « activité juridique », elle-même entendue de manière générale comme la prestation de service, le conseil, l’acte de représentation, le travail, l’office, la mission ou le jugement impliquant la conduite, à titre principal ou accessoire, d’un acte d’interprétation ou d’argumentation juridique (effectué sur la base d’un énoncé normatif reconnu comme tel dans le cadre du fonctionnement ordinaire d’un système juridique). 672 342 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 C) Troisième ligne de rupture : les effets de l’interprétation juridique La troisième ligne de rupture envisagée tient d’une manière générale à la mesure des effets de l’interprétation juridique. Les enjeux du virage épistémologique tenant à l’édification de l’interprète en sujet et responsable de la « concrétisation » des normes juridiques transparaissent avec clarté des travaux, Friedrich Müller (l’auteur recommande néanmoins l’usage du concept de « concrétisation » en lieu et place de celui « d’interprétation673 »). L’encadré ci-dessous reproduit un bref exposé de la « théorie structurante du droit » en guise d’éclairage : « La Théorie structurante du Droit vise à larguer ces amarres métaphysiques de la science juridique. Pour ce faire, elle ne considère plus le système juridique comme un « système de normes », mais comme un système d’acteurs, comme un système social de production des normes. Les « normes juridiques », dans l’usage qu’elle fait de ces mots, ne renvoient pas à cette signification « objective » des textes juridiques, mais aux résultats de l’activité pratique de ceux qui sont appelés, dans des circonstances, avec des objectifs et des contraintes variables, à « travailler » ces textes. Ces « travailleurs » du droit, qui « concrétisent » les normes juridiques, c’est-à-dire les produisent dans un certain contexte pragmatique, sont les sujets responsables de la production des normes : « Ce sont les juristes, en tant qu’ils agissent, qui, suivant le fil directeur des textes de normes et les limites qu’ils imposent dans un État de droit, décident, justifient, communiquent et, le cas échant, engagent l’exécution concrète de la norme-décision. Le “sujet” du processus de concrétisation n’est jamais la norme juridique. Puisqu’elle n’est pas donnée à l’avance — on ne peut le dire en effet que du texte de norme —, mais qu’elle est seulement produite par le juriste à l’occasion du cas d’espèce pour être ensuite individualisée en une normedécision, c’est lui le juriste qui est proprement le sujet et le responsable de la réalisation du droit »674. Friedrich Müller, Discours de la méthode juridique, Ebauche d’une méthodologie juridique, Presses universitaires de France, 1996, p.204. 673 674 Olivier JOUANJAN et Friedrich MÜLLER, Avant Dire Droit. Le texte, la norme et le travail du droit, coll. « Dikè », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2007, p.82. Les auteurs font ici référence à une description plus ancienne de la théorie structurante que l’on reproduit afin de pouvoir reconstituer le chemin parcouru par l’auteur : « Pour la théorie structurante du droit, ce ne sont pas les normes ni leurs textes, ce ne sont pas davantage les instructions méthodologiques qui résolvent une question de droit. Ce sont les juristes, en tant qu’ils agissent, qui, suivant le fil directeur des textes de normes et les limite qu’ils imposent dans 343 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Retenons, à la lumière des arguments reproduits ci-dessus, que la contrainte de légitimation sociale par le biais de l’effectivité interprétative vient, suivant ce dernier rebond, à jouer un rôle sur le processus de formation-concrétisation des normes juridiques. Un pas en retrait, retenons que l’interprétation juridique, revisitée sous l’angle de ses effets, participe alternativement à la définition des seuils de « juridicité 675 », de « normativité », de « justiciabilité » et, en dernière instance, de « communicabilité » de l’information juridique. D) Quatrième ligne de rupture : l’auteur de l’interprétation juridique La quatrième et dernière ligne de rupture envisagée tient, d’une manière générale, à la désignation des auteurs de l’interprétation juridique et au possible dépassement d’une division liminaire classique au regard de la pensée « moderne » et occidentale. La distinction s’estompe entre, en premier lieu, les autorités « habilitées » à produire des normes juridiques, celles qui, en second lieu, analysent ou commentent l’activité des premières et celles, en troisième et dernier lieu, qui « écoutent » et se « taisent ». L’acte micropolitique d’interprétation juridique, « profane » ou « non authentifiée », produit de la norme. Il participerait, dans une certaine mesure, à sa « concrétisation ». À évoquer la hiérarchisation des auteurs de l’interprétation juridique, l’examen d’effectivité de la contrainte de légitimation sociale prend ici, un nécessaire tournant dialogique. Avançant l’hypothèse d’un pluralisme juridique radical Roderick MacDonald observe : « Le pluralisme juridique radical nous permet de voir dans quelle mesure le sujet de droit est effectivement celui qui crée le droit et celui qui façonne les ordres juridiques. Il révèle également que c’est le sujet de droit qui permet à toutes les institutions juridiques, un Etat de droit, décident, justifient, communiquent et, le cas échéant engagent l’exécution concrète de la norme-décision. Le sujet du processus de concrétisation n’est jamais la norme juridique. Puisqu’elle n’est pas donnée à l’avance -on ne peut en effet le dire que du texte de la norme-, mais qu’elle est seulement produite par le juriste à l’occasion du cas d’espèce pour être ensuite individualisée en une norme-décision, c’est lui, le juriste, qui est proprement le sujet et le responsable de la réalisation du droit. Le travailleur du droit, qui produit la norme, guidé par les méthodes, résout l’espèce au moyen d’un norme-décision qui doit découler de la norme juridique (élaborée à partir des circonstances de l’espèce, des hypothèses textuelles et du champ factuel). Cette norme doit elle-même pouvoir être rationnellement et méthodiquement comprise et être imputée à certains textes précis du droit en vigueur. La concrétisation n’est donc pas une reconstruction. La concrétisation d’une norme signifie la construction d’une norme juridique, de laquelle il reste encore à dériver la norme-décision » in : Friedrich Müller, Discours de la méthode juridique, Ebauche d’une méthodologie juridique, Le sujet de la concrétisation, Presses universitaires de France, 1996, p.227-228. 675 PELISSE Jérôme. "Judiciarisation Ou Juridicisation ?" Politix, no. 2 (2009): 73. 344 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 étatiques ou non étatiques, de fonctionner en leur accordant ou en leur refusant leur légitimité. Il faut reconstituer la norme non pas comme une règle imposée, mais plutôt comme une règle négociée. Il faut reconcevoir la décision non pas comme l’énoncé officiel d’un magistrat, mais plutôt comme le fruit d’un accord entre les justiciables. Et il faut revoir le décideur non pas comme le sage qui tranche un débat contradictoire, mais plutôt comme un facilitateur dans le cadre d’une médiation interpersonnelle, culturelle et sociale »676. 676 MACDONALD, Roderick A, « L'Hypothèse du pluralisme juridique dans Les sociétés démocratiques avancées, Les transformations du droit et la Théorie normative du droit », RDUS, 2002, vol. 33, p. 133-399, l’auteur observe dans le même sens : « Les normes informelles, les règles ambiguës et équivoques, les décisions contradictoires et les actions discrétionnaires démontrent que les sujets de droit sont eux-mêmes en train de construire le droit et les institutions. En d’autres termes, les régimes normatifs ne sont pas des entités empiriques. Ils constituent plutôt des hypothèses pour l’exploration de la mêlée sociale. Dans l’optique de la théorie du pluralisme juridique, si les citoyens et les citoyennes préfèrent mener cette exploration -- s’ils veulent débattre des rapports conflictuels -- dans les institutions non étatiques, c’est davantage la preuve d’une société ouverte, libre et démocratique que l’indice d’une pathologie à surmonter. », Idem. 345 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Section 3 L’effectivité dialogique et la transaction de légitimation L’identification, en troisième et dernier lieu, d’un registre d’effectivité « dialogique677 » situe les effets de la contrainte de légitimation sociale au regard de la dialectique engageant les « acteurs juridiques professionnels (AJP) », d’un côté, les « profanes » ou « usagers du droit », de l’autre. Le flux de la contrainte de légitimation sociale rejaillit, en d’autres termes, dans le champ de « l’intersubjectivité678 » Etienne Le Roy observe avec clarté sur ce registre : « il ne peut exister d’expérience juridique sans que la mise en relation entre acteurs n’ait été réalisée par une négociation, si on entend par négociation non une confrontation entre offre et demande, mais, plus substantiellement, une mise en rapport de ces acteurs saisis dans leurs positions spécifiques et devant gérer des intérêts différents. La négociation est alors synonyme de maillage relationnel (…) »679. Cette approche un écho particulier dans l’émergence des concepts de “communauté dialogique”, « de relations dialogiques » de « dialogue horizontal » ; de « succession indifférenciée de points de décisions », de « dialogue relationnel ». Voir notamment pour la référence à ces concepts dans l’ordre d’apparition : FREEMAN JODY, The private role in public governance, New York University law Review, Volume 75 2000, p. 543 ; BLANKENBURG ERHARD, La recherche de l'efficacité de la loi/ Réflexion sur l'étude de la mise en œuvre (Le concept "d'implementation"), Droit et Société, n°2, 1986, p.73 ; HANDLER JOEL, Dependent people, the state, and the modern/postmodern search for the dialogic community, UCLA law Review, Volume 35, 1987-1988, p. 999 ; NICOLAS Jean, L’informel dans la société française d’Ancien régime, extrait de : L’informel en question, Revue Tiers Monde, Coquery Vidrovitch C. (dir.), L’Harmattan, Paris, p.7178 . Voir aussi, ESTENNE CELINE, Droit du théâtre et théâtre du droit dans Six personnages en quête d'auteur , Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 2009/1 Volume 62, p. 153-177 et en particulier le regard porté sur les travaux de François Ost et la « triangulation éthique » tels qu’ils ressortent de l’ouvrage, Raconter la loi : aux sources de l’imaginaire juridique, Paris, Odile Jacob, 2004, p. 340. 677 Pour une proposition de définition de l’intersubjectivité : « Intersubjectivité: En sociologie, concept (emprunté notamment à Edmund Husserl) utilisé par Alfred Schütz qui met l’accent sur le fait que le monde social est une co-construction des sujets qui sont en relations les uns avec les autres et qui sont dotés d’une capacité réflexive. Toute la sociologie interactionniste est donc concernée par l’intersubjectivité: les sujets sont capables de compréhension, ils donnent du sens aux interactions avec autrui, ils ont recours au langage pour communiquer, ils sont capables de partager des significations, etc. L’accent mis sur l’intersubjectivité peut conduire au subjectivisme, mais ce n’est pas nécessairement le cas. Pour Pierre Bourdieu par exemple, au sein du champ scientifique, l’intersubjectivité joue un rôle essentiel (controverses scientifiques), mais cette intersubjectivité débouche sur une objectivité du savoir. De même chez Jurgen Habermas, les débats au sein de l’espace public à propos des valeurs et des choix politiques permettent d’échapper au relativisme: l’éthique de la discussion permet de fonder rationnellement les normes sociales sur une base intersubjective. » Lexique de sociologie Dalloz, 4e édition. 678 679 LE ROY, Étienne. L’ordre négocié. À propos d’un concept en émergence”. Droit négocié, Droit imposé, 1996, p. 41-351. 346 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 La contrainte de légitimation sociale, suivant cette ultime configuration, émerge sous la forme d’une série de « demandes » et de « prétentions » formulées sur les registres de l’opportunité, de l’acceptabilité et de l’utilité sociale du travail juridique. Ses effets sont perceptibles, en retour, dès lors que les acteurs juridiques professionnels mobilisent et développent « en retour » des répertoires et séquences argumentatives qu’ils utilisent à des fins de légitimation. Au rang des principaux arguments de légitimation, susceptibles d’être convoqués, se trouvent pêle-mêle, à titre d’exemple : des arguments jouant sur les registres du besoin, de la légalité 680 , du consensus et de la logique contractuelle, de l’éthique professionnelle. La rencontre des demandes et des arguments de légitimation sociale peut, dès lors, être appréhendée comme univers des transactions de légitimation sociale. Approfondissons ce tableau introductif. Observons au fil des paragraphes suivants dans quelle mesure le circuit d’effectivité dialogique de la contrainte de légitimation sociale se ramifie. Le champ des « tractations de légitimation » varie tout d’abord quant à l’origine des demandes de légitimation sociale : - il s’ouvre en premier lieu, au regard d’une problématique de reconnaissance mutuelle à l’intérieur du rapport de droit. L’usage et la rétribution d’un savoir-faire, d’une « compétence professionnelle », génèrent une pression de légitimation « es qualités ». Qui se cache derrière la robe, la toge ou le costume à trois pièces de l’interlocuteur « professionnel » ? L’acteur juridique « professionnel » s’expose, en d’autres termes, à des demandes de réitérer, divulguer, préciser et expliquer les enjeux associés à l’usage et à la pratique professionnelle du droit dans les asentamientos ; - il s’ouvre, en second lieu, au regard d’une problématique d’acceptabilité socioenvironnementale du lien social établi par l’intermédiaire du travail juridique. Le rapport de droit institué entre professionnel et usagers du droit est alors mis en cause par un tiers — processus d’effectivité dialogique « secondaire » ratione sociabilis (fonction de ce qui peut être uni) —. Le champ des tractations de légitimation varie ensuite quant à la teneur des demandes de légitimation sociale. La contrainte de légitimation sociale rejaillit alternativement sous les traits d’une 680 Olivier Corten, « La persistance de l'argument légaliste : éléments pour une typologie contemporaine des registres de légitimité dans une société libérale », Droit et société 2002/1 (n°50), p. 185-208. 347 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 demande de concrétisation —alignement de la parole avec les actes — ; d’une demande de mise en conformité — alignement des actes sur une norme d’action — ; d’une demande de signification — accompagnement des actes par la parole ou action « par la parole » —. Conclusion. Retenons, en guise de synthèse, que la découverte du jeu de la contrainte de légitimation sociale associée au processus de subjectivation agite, perturbe et réintroduit une nécessaire touche de chaos dans le paysage apaisé et somme toute confortable d’une fonction sociale abordée depuis la perspective dogmatique-normative. L’observation du jeu de la contrainte de légitimation sociale éclaire, d’une manière générale, le constat général et préalable de complexité opératoire des usages et pratiques professionnelles du droit dans l’orbite de l’état de droit social. Le travail de légitimation s’affirme en retour à la fois comme « condition » et « déterminant » de l’agir juridique professionnel « en sociétés ». Le juriste se voit contraint de mobiliser des ressources discursives lui permettant de justifier la poursuite de ses activités. Développer ces répertoires argumentaires et discursifs émerge, en retour, comme un levier éventuel de la fonction sociale du juriste en situation. 348 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Conclusion de la Partie 2 Reprenons en guise d’ouverture sur la question du travail et de la contrainte de légitimation du rôle social au lendemain de « Montecristi » la réflexion l’historien italien Haim Burstin : « (…), le protagonisme n’est pas un phénomène univoque : il s’agit au contraire d’un mécanisme à double entrée. Cela rend cette notion plus complexe, plus dense, plus riche d’enjeux et la soustrait au simple domaine de la psychologie sociale pour l’insérer dans un cadre spécifiquement politique. Autrement dit, si l’événement révolutionnaire engendre du protagonisme et en représente en quelque sorte le bouillon de culture, le protagonisme, dans une dimension largement partagée, participe à son tour à la consolidation du système qui l’a produit, en versant dans le mécanisme révolutionnaire des éléments qui en renforcent la prise sur un vaste public et la capacité hégémonique. Il ne s’agit donc pas d’un simple penchant comportemental, mais d’une notion relationnelle axée sur le rapport entre l’action des individus et la capacité du pouvoir révolutionnaire de l’encadrer et de la subsumer. Deuxièmement, cet ensemble d’attitudes caractéristiques du protagonisme sert aussi à mieux préciser et caractériser ce que peut être effectivement un apport “d’en bas” et à donner ainsi une portée concrète à une définition en soi très vague et abstraite. En effet, l’apport d’en bas se réalise ici par un dynamisme tout à fait particulier qui permet de renforcer le consensus du nouveau régime révolutionnaire par des voies nouvelles d’adhésion. La spécificité de cette poussée interpelle et conditionne ainsi la politique “d’en haut”, qui est obligée d’en tenir compte et d’élaborer une stratégie à même de prendre en charge les interventions individuelles et de les valoriser. Cela se traduit par l’effort d’élaborer toute une politique du mérite civique et révolutionnaire, visant à maîtriser les énergies activées et à les classer dans un champ de forces. Car ce mécanisme comporte aussi des inconnues difficiles à gérer. Le protagonisme tend en effet à se reproduire par inertie, échappe potentiellement à tout contrôle et peut devenir un facteur de radicalisation. En prolongeant l’état de tension et de crise, il est susceptible d’engendrer une révolution “interminable”. L’enjeu pour les autorités révolutionnaires est alors de faire refluer les énergies mobilisées et de désamorcer une poussée de protagonisme tout à la fois nécessaire — elle augmente l’énergie révolutionnaire — et nuisible — elle empêche la révolution de se normaliser. Il en résulte une dialectique singulière entre cette poussée spécifiquement 349 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 “d’en bas” et les politiques “d’en haut”, dialectique qui représente un autre volet du protagonisme et dont la politique du mérite révolutionnaire est une traduction directe, avec son cursus honorum spécifique qui évolue et se modifie au fur et à mesure des évolutions de la conjoncture et des rapports de force. L’un de ses aspects centraux consiste à tracer les jalons du patriotisme par une action normative : élaborer des notions-cadres (citoyen, patriote, sans-culotte, vertu) à même de contenir les poussées parfois imprévisibles du protagonisme et de normaliser l’accès à la cité »681. La réflexion sur le protagonisme introduite ci-dessus offre un écho particulièrement captivant aux conclusions auxquelles nous arrivons à l’issue de cette seconde partie : - l’acteur juridique professionnel s’érige en sujet du processus « Révolutionnaire » : le gouvernement de la « Revolucion ciudadana » convoque l’usage et la pratique professionnelle du droit au service d’une politique publique ; - l’acteur juridique professionnel demeure le principal acteur et sujet d’un autre terrain révolutionnaire : la « révolution intérieure », le « branle-bas de combat intime » et la mise sous tension des usages et pratiques professionnels sur la base d’une pratique réflexive du rôle social ; - la conquête de cette liberté professionnelle demeure par définition, une « conquête », l’usage et la pratique sociale du droit évoluent au gré de la perception des contraintes de légitimation sociale ; - au rang des déterminants de l’agir juridique professionnel en situation émerge, tout d’abord, le gouvernement « révolutionnaire » des usages et pratiques professionnels. L’essai de canaliser l’univers des révolutions intérieures fait planer un risque liberticide. Émerge, ensuite, l’inévitable reformulation des usages et pratiques professionnels au détour d’une rencontre avec les autres, un « toi », un « il(s), nous, elle(s) » eux même traversés par un vécu expérientiel du droit et du processus révolutionnaire. L’extrait renvoie à la transcription d’un dialogue avec l’historien italien Haim Burstin extraite de : Avec Haim Burstin et coll., « Protagonisme et crises politiques : histoire et sciences sociales. Retours sur la Révolution française et février-juin 681 350 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Conclusion générale Assignons classiquement à la conclusion générale de la thèse un double enjeu. Le premier enjeu consistera à mettre en perspective l’argument juridique et la dynamique de recherche arrivée à son terme. Le travail de « bouclage » invite à synthétiser le produit d’un cheminement intellectuel, pensée de l’agir juridique « en situation ». La conclusion s’inscrit, en ce sens, dans une logique de socialisation et de synthèse des résultats de recherche. Il s’agit encore de se risquer à extraire le fil conducteur, s’assurer en toute conscience, à l’image d’un électricien, que le contact entre l’introduction, les deux parties principales du développement et la ligne de sortie a bien été assuré. Diagnostiquer et questionner, en cas de diagnostic de pertes d’énergies entre le point d’entrée et le point de sortie, les difficultés et les écueils ayant perturbé le flux de la recherche. Le second enjeu s’inscrira, en retour, dans une démarche prospective d’extension et d’ouverture de la recherche. Il s’agira, en d’autres termes, de resituer le processus d’investigation au regard d’une échelle de temps, s’interroger sur son devenir, le contexte général de sa diffusion et de sa valorisation. Se distingue notamment, sur ce point, une prospective « académique », au sens d’une connectivité envisagée du produit de la recherche avec des flux d’informations et de pensées allogènes. Évoquant l’enjeu de progrès du droit Christian Atias énonce sur ce registre : « Très souvent, les juristes, pour la plupart d’entre eux, ne se préoccupent pas des conditions du progrès de la science du droit entendue comme activité de connaissance ; et la réflexion sur les méthodes mises en œuvre est assez rarement approfondie ». Pourtant, « les progrès de la connaissance du droit [...] pourront être à l’origine de progrès du droit » par un changement fondamental qui sera d’ordre à la fois idéologique et méthodologique »682. Se distingue, par la suite, une prospective « extra-académique » invitant à situer l’intérêt de la recherche au regard d’une chaîne de valorisation sociale. Il s’agit à ce point et, en d’autres termes, d’envisager les conditions de connectivité entre les idées et la « mise en acte » des résultats. Le pont 1848 », Politix 2015/4 (n° 112), p. 131-165 351 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 projeté entre « pratiques de recherche » et « pratiques sociales » — même si, la recherche apparaît elle-même et per sé comme une pratique éminemment sociale — serait alors mesurable en matière d’ajustement des conduites et, éventuellement de formulation de nouveaux projets. Approfondissons ces deux axes de conclusion. 1) Perspective Assurons-nous au fil des développements suivant que le parcours de recherche a produit des « résultats ». Par « résultats », n’entendons pas des acquis fondamentaux, au sens courant, de « connaissances », de « progrès de la science du droit » ou de « savoirs ». Cette dernière ambition, de toute évidence démesurée, répondrait en effet et, par définition, d’évènements et de circonstances non prévisibles : l’œuvre du temps, des voyages de la thèse achevée, de ses (non — ) rencontres et de ses (non —) frictions avec le cheminement et la pensée d’autres chercheurs — entendus au sens très large de protagonistes d’une réflexion, démarche constructiviste —. Par « résultats de recherche », entendons, bien plus ici, une série de constats objectivés attestant l’évolution d’un positionnement face à la problématique de recherche initiale que l’on reformule : les acteurs juridiques « professionnels » jouent-ils ou ont-ils un rôle à jouer dans le contexte de territorialisation des asentamientos ? Si oui quelle serait la portée de cette « fonction sociale » ? Comment la mesurer ? Quels en seraient les éventuels déterminants ? Retenons au sortir du parcours de recherche trois points de rupture tangibles entre notre « point d’entrée » et notre « point de sortie » : - l’évolution et la consolidation d’une pratique de recherche adaptée au questionnement portant sur la fonction sociale du juriste aux marges des villes du Sud (a) ; - la construction et la consolidation d’un argument, schéma interprétatif général en vue de faciliter la cartographie de la fonction sociale du juriste aux portes de la ville (b) ; 682 ATIAS Christian, « Progrès du droit et progrès de la science du droit», R.T.D. civ., 1983, 104, p. 692, cité in KOUAM, Siméon Patrice. La définition du juriste et la redéfinition de la dogmatique juridique (à propos du syncrétisme méthodologique). Les Cahiers de droit, 2014, vol. 55, no 4, p. 877-922. 352 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - une série de positionnements épistémologiques d’ordre critiques ou réalistes, des convictions contribuant, d’une manière générale à la formation d’un critère de jugement ou d’appréciation, quant (c). a) L’évolution d’une pratique de recherche… De l’évolution et de la consolidation des pratiques de recherche au fil de la thèse, retenons pour le moins, trois axes : - l’opportunité d’une mise en relation systématique entre les questionnements de nature épistémologiques, d’une part, et les questionnements de nature, méthodologiques, d’autre part. L’évolution de la pensée sur le terrain épistémologique — la « ville », la « marginalité urbaine », le « Sud » — implique le développement et l’acquisition de nouvelles pratiques de recherche, de nouvelles méthodes d’immersion du travail juridique dans le contexte urbain marginal —« techniques vivantes de recherche », « développements des savoir-faire de situation et de légitimation sociale » —. La méthode questionnée, retouchée expérimentée emporte, en retour et par définition, un déplacement des affects et des connaissances initiales. - l’opportunité d’une mise en relation systématique entre les phénomènes de connaissance et les phénomènes d’expérience. Le vécu expérientiel de la marginalité urbaine apparaît, à bien des égards, comme une condition sine qua non de la production des savoirs sur la ville. L’immersion à Guayaquil, le « vivre l’Équateur depuis les asentamientos », aura de même permis de dépasser à l’échelle du projet de recherche la prénotion de « marginalité urbaine ». La recherche aura permis sur ce terrain d’affiner notre entendement du rôle de l’expérience et de la réflexivité au regard du développement de la théorie juridique. Nous concordons encore une fois ici avec Ben Fitzpatrick : « Accorder une certaine primauté théorique aux manières dont le droit est vécu n’est pas si vain d’un point de vue épistémologique qu’il pourrait paraître au premier abord. (…) nos processus de théorisation sont, dans tous les cas basés sur la façon dont nous faisons l’expérience des phénomènes (sur notre expérience des phénomènes), la manière dont nous construisons nos données. Parler en termes d’expérience, c’est simplement articuler nos méthodes plus ouvertement 683 ». Retenons enfin que le champ de l’expérience, « le terrain », détermine, par définition, le champ des objectifs de recherche. Le regard porté vers la périphérie du cas de Guayaquil 683 Fitzpatrick, Ben. « Vers une «théorie expérientielle» du droit », Droit et société 36.1 (1997): 295-306. 353 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 relève en ce sens d’une démarche comparative ou de l’extrapolation. L’ambition d’extension du propos, du point de vue de l’éthique de la recherche, devrait nécessairement et systématiquement être signalée. Sont ici éprouvées par la même occasion les limites inhérentes à toute « théorie du développement ». b) la nécessité finalement d’une ouverture de la recherche sur les champs de l’inter et de la pluridisciplinarité. Les travaux de contextualisation du travail juridique dans l’orbite des asentamientos ne sauraient faire l’économie d’une ouverture sur des disciplines voisines du droit : les sociologies et anthropologies urbaines, la géographie, l’histoire, la philosophie, la pédagogie, etc. c) La production d’un argument et un schéma général d’interprétation de la fonction sociale du juriste en situation Nous énoncions, au début de la recherche : « Concevoir la fonction sociale du juriste » nous sera en ce sens progressivement apparu non pas seulement comme un « point d’étape » du travail de terrain, mais bien, plutôt, comme l’ouverture nécessaire d’un espace de clarification des valeurs et d’approfondissement des questionnements attachés à l’impact et aux potentialités du travail juridique aux abords du contexte urbain marginal. Préciser le propos nous conduit à évoquer les besoins ressentis de constituer et mobiliser un argumentaire juridique, d’orienter et de développer dans le sillon de la recherche en droit, des instruments de réflexion, de délibération, « exploitables » à la fois par la communauté des juristes, mais aussi et, plus largement, par le cercle élargi des usagers droits. (2010) ». L’argument central de la thèse se résume ici en trois temps : - La fonction sociale des acteurs juridiques professionnels aux portes des asentamientos procède assez fondamentalement de l’exercice et de la conquête d’une liberté professionnelle. - L’évolution de la fonction sociale du juriste aux portes des asentamientos relève d’un phénomène micropolitique. Elle repose, en ce sens, principalement, sur l’apprentissage et le développement d’une pratique réflexive. Elle se prolonge sur le terrain de « l’intersubjectivité », de la pratique relationnelle et de la rencontre avec l’Autre. 354 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - L’évolution de la fonction sociale du juriste en situation demeure soumise à une série de « déterminants ». Retenons-en principalement deux : « le travail et la contrainte de situation » premièrement, « le travail et la contrainte de légitimation du rôle social » deuxièmement. d) Des positionnements analytiques et critiques, Des positionnements analytiques et critiques ont émergé au fil de la réflexion. Retenons-en a priori trois principaux : - l’impératif d’un dépassement méthodologique de la « recherche de bibliothèque » aux abords des questionnements sur la ville, les usages et pratiques sociales (droit et usages professionnels du droit inclus) ; - l’opportunité d’un dépassement épistémologique définitif du concept « d’informalité » associé au constat adjacent et paradoxal de « résilience et d’instrumentalité sociopolitique des discours sur l’informel » ; - l’opportunité d’un dépassement épistémologique de la vision normative-dogmatique de la fonction sociale du juriste, l’abandon du totem érigé en l’honneur des « grands juristes » ; l’intérêt renouvelé pour des approches biographiques retraçant le parcours des penseurs du droit, une mise en lien sociohistorique entre l’émergence des idées et l’évolution de la société. 2) Prospective Sur le terrain de la prospective, la recherche doctorale arrivée à son point final ouvre vraisemblablement les portes sur trois axes de travail : - le développement d’une pratique de la recherche locale, à Guayaquil et pour Guayaquil. Le parcours de recherche aura, en ce sens, permis d’ouvrir les yeux sur un ensemble d’univers sociaux méconnus de formation et de réalisation du droit. Il aura de même permis de mettre au jour la circulation d’un ensemble de visions retouchées du réel. Il s’agira a futuro, d’exploiter ses brèches, et de cultiver un champ de recherche. Le développement d’une pratique d’enseignement de la méthodologie de l’investigation, tel que je l’expérimente actuellement à l’université polytechnique du littoral (ESPOL), paraît en ce sens particulièrement prometteur et encourageant ; 355 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 - l’approfondissement d’une démarche d’internationalisation et de métissage, non seulement du travail universitaire, mais plus généralement de nos projets de vie. Comment et par quels moyens ériger la mobilité internationale — Sud-Nord, Nord-Sud et Sud-Sud — en condition de mobilité et d’agitation des esprits. - l’approfondissement du dialogue avec des non-juristes, l’intérêt de maintenir, développer, entretenir nos visions périphériques et interdisciplinaires du droit. ****** 356 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 TABLE DES MATIÈRES REMERCIEMENTS .................................................................................................................................. 2 SOMMAIRE........................................................................................................................................................................ 5 INTRODUCTION.-................................................................................................................................................................ 6 PARTIE 1 TRAVAIL ET CONTRAINTES DE SITUATION : LA MARGINALITE URBAINE AU CRIBLE DU TERRAIN « GUAYACO »........................................................................................ 29 TITRE 1 LES ENJEUX EPISTEMOLOGIQUES DU TRAVAIL DE SITUATION.................. 44 CHAPITRE 1 LA MISE EN RECIT DU DROIT ........................................................................................... 52 SECTION 1 LE GOUVERNEMENT URBAIN MARGINAL ET LE TISSAGE DU DROIT DE LA VILLE ......................... 57 A) L’administration métropolitaine............................................................................................................................. 59 B) La production juridique du centre-ville et le symbolisme de la régénération urbaine ................................... 64 C) La consolidation de la trame métropolitaine par assimilation des asentamientos .......................................... 67 SECTION 2 LE DEFI LIBERTAIRE ET LES MEANDRES DE LA CONQUETE DES DROITS : COMMENTAIRES A PARTIR DE L’ARTICLE « LA TERRE PROMISE DE MONTE SINAÏ », JOSE CABRERA................................................ 71 A) L’écueil du format de revendication ...................................................................................................................... 78 B) La géométrie des vécus du droit ............................................................................................................................ 80 CONCLUSION..................................................................................................................................................................... 87 CHAPITRE 2 LE DEPASSEMENT CATEGORIQUE DU « NON-DROIT » ET DE « L’INFORMEL » ............... 88 SECTION 1 LES SIRENES DU « NON-DROIT » ET DE L’INFORMEL .......................................................................... 105 A) Genèse de l’hypothèse du « non-droit » .............................................................................................................. 107 B) Proximité de l’hypothèse du « non-droit » et du discours contemporain sur « l’informalité » .................... 111 SECTION 2 LA MICROPOLITIQUE DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS DE MARGINALITE URBAINE ............................................................................................................................................................................................ 122 A) Les mécaniques de la qualification juridique des faits de marginalité urbaine .............................................. 127 B) La portée micropolitique de la qualification juridique des faits de marginalité urbaine ................................. 135 CONCLUSION................................................................................................................................................................... 139 TITRE 2 LES ENJEUX METHODOLOGIQUES DU TRAVAIL DE SITUATION ET LA QUESTION DU “TERRAIN” ..................................................................................................... 141 CHAPITRE 1 DU TRAVAIL « SUR » ET « A PARTIR » DU PHENOMENE SOCIOPOLITIQUE DE REPRESENTATION TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE DE LA MARGINALITE URBAINE (…).................... 145 Section 1 Du terrain comme démarche de validation des contenus informationnels ......................................... 149 A) Situation de l’approche de terrain au regard de la pensée critique du rapport entre le droit et la société 152 B) Recensement des principaux biais attachés au travail de représentation de la croissance urbaine marginale 156 1) L’empirisme ............................................................................................................................................................. 156 2) L’instrumentalisation des faits de marginalité urbaine...................................................................................... 159 357 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Section 2 Du terrain comme point d’observation des phénomènes représentatifs « à la source » : le discernement du glissement idéologique ..................................................................................................................... 164 A) Les idéologies du développement ........................................................................................................................ 168 1) Chroniques d’une impasse sur la juridicité locale. ............................................................................................. 180 2) De « l’État de droit » comme norme de développement — « the Rule of law doctrine » — ..................... 183 B) L’idéologie humanitaire et le discours factuel philanthropiste ........................................................................ 187 CONCLUSION................................................................................................................................................................... 191 CHAPITRE 2 (…) AU TRAVAIL DE MISE EN CONTEXTE DE L’AGIR JURIDIQUE PROFESSIONNEL ........ 192 SECTION 1 LA MISE A L’EPREUVE DU TEMPS ET DE L’ESPACE .............................................................................. 194 A) L’épreuve de l’espace ............................................................................................................................................. 195 B) L’épreuve du temps ................................................................................................................................................ 198 SECTION 2 LA MISE A L’EPREUVE DES SUBJECTIVITES INDIVIDUELLES ET COLLECTIVES .............................. 202 A) Le terrain à l’épreuve du « je »............................................................................................................................... 203 B) L’enjeu de triangulation ......................................................................................................................................... 209 CONCLUSION................................................................................................................................................................... 211 CONCLUSION DE LA PARTIE 1 ..................................................................................................................................... 212 PARTIE 2 TRAVAIL ET CONTRAINTE DE LEGITIMATION DU ROLE SOCIAL AU LENDEMAIN DE « MONTECRISTI » ..................................................................................... 244 TITRE1 LE DESERT FONCTIONNEL ................................................................................................... 254 CHAPITRE 1 ENTRE LA « FICHE DE POSTE » ET LE DEDALE DES REFERENTIELS DE COMPETENCE : LES FOYERS DU QUESTIONNEMENT FONCTIONNALISTE .............................................................................................. 256 SECTION 2 « L’UNIVERSITE DU XXIE SIECLE » ET LA CONSOLIDATION DE LA RESPONSABILITE ETHIQUE ET PROFESSIONNELLE COMME CHAMP D’ETUDE ET DE RECHERCHE ....................................................................... 263 SECTION 3 LA CORPORATISME ET LA RESURGENCE DES ENJEUX DISCIPLINAIRES .......................................... 268 SECTION 4 L’ONG ET L’ORGANISATION DES SERVICES D’ASSISTANCE ET D’ACCOMPAGNEMENT JURIDIQUE GRATUITS ......................................................................................................................................................................... 272 SECTION 5 L’EXERCICE LIBERAL ET LE MARCHE DES SERVICES JURIDIQUES .................................................... 275 CONCLUSION................................................................................................................................................................... 276 CHAPITRE 2 LA REVUE DES « TOTEMS » ET L’EDIFICATION DU DOGME FONCTIONNEL................................. 277 CONCLUSION................................................................................................................................................................... 285 CONCLUSION DU TITRE 1............................................................................................................................................. 286 TITRE 2 JALONS POUR UNE THEORIE MICROPOLITIQUE DU ROLE SOCIAL ....................................... 288 CHAPITRE 1 LA SUBJECTIVATION DU ROLE .............................................................................................................. 292 Section 1 Schéma de subjectivation « orthodoxe » ou « dogmatique » ................................................................... 292 Section 2 Schéma « rémanent » de subjectivation ...................................................................................................... 293 CONCLUSION................................................................................................................................................................... 295 CHAPITRE 2 LA CONTRAINTE DE LEGITIMATION SOCIALE................................................................................... 296 Section 1 L’effectivité normative et l’empreinte du devoir-être professionnel, le « sollen » ............................... 300 A) La norme étatique et le droit de transition révolutionnaire ............................................................................. 301 1) Hypothèse d’effectivité du signal normatif étatique.......................................................................................... 301 2) Radiographie du signal normatif dans le sillon de la « Revolucion ciudadana » ........................................... 303 B) La formation coutumière des usages et pratiques « socio-environnementaux » du droit ........................... 318 358 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 Section 2 L’effectivité interprétative et l’irréductibilité du facteur humain ........................................................... 323 A) Première ligne de rupture : le spectre des facteurs « déterminants » l’interprétation juridique .................. 324 1) La « fonction anthropologique du droit » ........................................................................................................... 327 2) L’ordre des valeurs sociales et environnementales assumées comme « siennes »......................................... 339 B) Seconde ligne de rupture : le champ et les temporalités de l’interprétation juridique ................................. 340 C) Troisième ligne de rupture : les effets de l’interprétation juridique ................................................................ 343 D) Quatrième ligne de rupture : l’auteur de l’interprétation juridique................................................................. 344 Section 3 L’effectivité dialogique et la transaction de légitimation ......................................................................... 346 CONCLUSION................................................................................................................................................................... 348 CONCLUSION DE LA PARTIE 2 ..................................................................................................................................... 349 CONCLUSION GENERALE.............................................................................................................................................. 351 1) Perspective ............................................................................................................................................................... 352 a) L’évolution d’une pratique de recherche… ........................................................................................................ 353 b) –la nécessité finalement d’une ouverture de la recherche sur les champs de l’inter et de la pluridisciplinarité. Les travaux de contextualisation du travail juridique dans l’orbite des asentamientos ne sauraient faire l’économie d’une ouverture sur des disciplines voisines du droit : les sociologies et anthropologies urbaines, la géographie, l’histoire, la philosophie, la pédagogie, etc. ........................................... 354 c) La production d’un argument et un schéma général d’interprétation de la fonction sociale du juriste en situation ............................................................................................................................................................................ 354 d) Des positionnements analytiques et critiques, ................................................................................................... 355 2) Prospective ............................................................................................................................................................... 355 ****** ................................................................................................................................................................................ 356 TABLE DES MATIÈRES ............................................................................................................................................ 357 TABLE DES ILLUSTRATIONS ................................................................................................................................ 360 SIGLES ET ABRÉVIATIONS ................................................................................................................................... 361 BIBLIOGRAPHIE ........................................................................................................................................................ 363 1. OUVRAGES ET MANUELS GENERAUX ................................................................................................................. 363 2. MONOGRAPHIES, OUVRAGES ET TRAVAUX COLLECTIFS ................................................................................ 364 3. DICTIONNAIRES, LEXIQUES, ARTICLES D’ENCYCLOPEDIE ............................................................................ 379 4. CHAPITRES D’OUVRAGES, ACTES DE COLLOQUES, COURS ............................................................................. 380 5. THÈSES, MÉMOIRES ................................................................................................................................................ 386 6. ARTICLES .................................................................................................................................................................. 387 7. ENQUETES, RAPPORTS, DECLARATIONS ............................................................................................................ 424 8. LOIS, ORDONNANCES ET REGLEMENTS ............................................................................................................. 425 359 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1 Arbre des problèmes introductif : schéma général de questionnement du rapport « professionnelusager » en périphérie des villes du Sud......................................................................................................................... 24 Figure 2 Classification des registres d’engagement individuels observés dans le contexte du projet de développement local « EDAS »....................................................................................................................................... 93 Figure 3 Reproduction du Boletin virtual Hogar de Cristo, janvier 2012, p1-3. .................................................. 100 Figure 4 Dispositifs de caractérisation des faits de marginalité urbaine................................................................. 134 Figure 5 Enjeux méthodologiques du travail de situation ........................................................................................ 144 Figure 6 Dispositif de triangulation spatiale ............................................................................................................... 198 360 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 SIGLES ET ABRÉVIATIONS AGNU Assemblée générale des Nations Unies ALBA Alliance bolivarienne pour les Amériques BID Banque Interaméricaine de Développement BIRD Banque internationale pour la reconstruction et le développement BIT Bureau international du travail BM Banque Mondiale CADH Convention Américaine des Droits Humains CDH « Comité permanente para la defensa de los Derechos Humanos » CELAC Communauté d’États latino-américains et caraïbes CEPAL Commission Économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes CLACSO Consejo Latinoamericano de Ciencias Sociales Commission IDH Commission Interaméricaine des Droits Humains COP Conférence des États Parties Cour IDH Cour Interaméricaine des Droits Humains DESC Droits Économiques, Sociaux et Culturels DIDH Droit international des Droits Humains DUDH Déclaration universelle des droits de l’Homme ECOSOC Conseil économique et Social des Nations Unies FAO Food and Agriculture Organization FLACSO Facultad Latinoamericana de Ciencias Sociales FMI Fond Monétaire International IESS Institut équatorien de sécurité sociale ILSA Institut des Services Légaux Alternatifs LGDJ Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence MIDUVI OCDE Ministère du développement urbain et de l’habitat Organisation de Coopération et de Développement économique 361 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 OEA Organisation des États Américains ONG Organisation Non Gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement STAPHI Secretaria Técnica de Prevención de Asentamientos irregulares UNESCO Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture UN-HABITAT Programa de las Naciones Unidas para los Asentamientos Humanos UNICEF Fondo de las Naciones Unidas para la Infancia (UNICEF) UNRISD United Nations research Institue for social development USAID Organismo de los Estados Unidos para el Desarrollo Internacional WHO World Health Organisation 362 PECOT MATHIAS | Thèse de doctorat | Université Paris Ouest | 2017 BIBLIOGRAPHIE 1. 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