Une nouvelle fois, les fêtes de Noël arrivant, sort un diptyque qui a fait ses preuves : un nouveau tome des Vieux fourneaux (le 6e, en l’occurrence) et un nouveau tome de la série pour enfants qui en est dérivée, Le Loup en slip (5e volume).
Cette série constitue, depuis 2014, un véritable succès, aussi bien critique que public, aboutissant même à une adaptation au cinéma. En janvier 2018, nous attendions avec impatience ledit film tout en louant la qualité du volume 4 des Vieux fourneaux et du tome 2 du Loup en slip. Depuis, nous avons déchanté. En dépit de son très beau casting, le film a déçu sur bien des points. Et force est de reconnaître que ces deux nouveaux opus qui nous arrivent ne nous enchantent guère, non plus…
Commençons par la série enfantine. On y retrouve notre ami le loup en slip, rentrant heureux de ses vacances et découvrant que son village a changé sur un point : son slip ! En effet, le monde de la publicité et du merchandising a fait son œuvre, et désormais une mauvaise copie - même pas en laine ! - de son slip a envahi tout le village : tous les habitants portent un slip Dulou® (« et sa célèbre poche à noisettes »). Se sentant trahi, ayant l’impression d’avoir perdu ce qui faisait son identité, il brûle sa collection de slips en laine et se promène d’abord nu, puis se vêt des oripeaux d’un épouvantail. Qu’est-il alors ? Comment ne pas se perdre quand on a perdu son étendard ? Qu’est-ce qu’un style vestimentaire ? Il décide donc d’aller demander son avis à un vieux mouton, le sage de la montagne, tandis que la chouette, la tricoteuse dudit slip, va tenter de résoudre le problème. Le dessin de Mayana Itoïz est toujours aussi élégant, les couleurs somptueuses, et des trouvailles graphiques, des jeux sur la structuration de la page sont même franchement réussis !
Continuons par la série originelle, celle qui ravit les grands et les vieux depuis des années. On retrouve Pierrot qui continue à se battre contre des moulins : il commence par détruire un détecteur de mouvement qui l’énerve avant d’envoyer ses vieux aveugles pour blesser au mieux des policiers dans les rues de Paris, à coup de peaux de bananes… Mais très rapidement lui et Antoine se trouvent embarqués par leur pote Mimile en Guyane, sans bien comprendre pourquoi (et nous, non plus). Là-bas, au milieu de la jungle hostile, sous les pluies tropicales, ils vont retrouver leur jeunesse militante, leurs proches français et leurs fantômes d’antan. Ils vont en revanche découvrir (dans les dernières pages de l’album, un peu tard pour que l’on s’y intéresse vraiment) un nouvel objet de lutte : les catastrophes écologiques que sont les mines d’or en Amazonie. Le dessin de Paul Cauuet est, comme à l’accoutumée, vivant et ses cadrages efficaces.
Le point commun entre ces deux scénarios de Wilfrid Lupano : un engagement inutile. Les premiers volumes du Loup en slip nous avaient habitués à plus de finesse et de poésie, le propos de ce nouveau volume revient à enfoncer avec force des portes ouvertes . Quant aux Vieux fourneaux, l’engagement contre l’orpaillage est sympathique, mais également entendu.
Surtout, au-delà de ce point précis, le vrai problème réside dans le rythme : si les premiers volumes des Vieux Fourneaux brillaient par leur nervosité et tenaient le lecteur en alerte, ici, on s’ennuie ferme… Le titre de ce nouvel opus, L’Oreille bouchée, renvoie à L’Oreille cassée, mais on est bien loin de la fluidité de Tintin dans ce volume… La première partie du récit est lente, la deuxième partie tarde à se mettre en place avant de se terminer trop vite. La présence de Sophie au milieu de la jungle n’est pas crédible et l’ensemble est peu cohérent. Les vieux fourneaux tournent au ralenti, et c’est dommage.
Dans les deux cas, les albums se lisent avec plaisir, bien sûr, mais les auteurs nous avaient habitués à mieux. Disons-le clairement : les Vieux fourneaux ont pris un coup de vieux. Espérons que la série saura rapidement se renouveler pour apporter un peu de sang neuf dans ces vieux amis que l’on a tant de plaisir à accompagner dans les pérégrinations de leur troisième âge.
(par Tristan MARTINE)
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