François Rouiller semble abonné au nombre cent : il avait déjà donné, aux éditions de l'Atalante en 2002, en 100 illustrations, ses visions d'Après-demains. Après une incursion dans le domaine des psychotropes avec son étude Stups & fiction, champ d'investigation assez proche de sa principale activité professionnelle (il est pharmacien). Membre fondateur des amis de la maison d'ailleurs, il propose aujourd'hui un parcours fantaisiste, cent balises inspirées pour s'y retrouver ou mieux se perdre dans la nébuleuse désignée sous le terme de science-fiction.

"Une invitation débridée à la SF"

Cet essai se conformant au principe même de la collection dans laquelle il paraît offre donc cent entrées, aux titres parfois un peu déroutants (blanc, coït ou pentateuque pour n'en citer que quelques-uns) mais au contenu dense, érudit et documenté et surtout très hétéroclite. Le désign y côtoie la science, le jeu vidéo tutoie l'exégèse littéraire, les références musicales s'étendent de Manset à Kraftwerk, en passant par Dave Greenslade, la chronologie littéraire bondit au dessus des siècles débutant en 180 avant Jésus-Christ pour s'achever en 2006.
A tout seigneur, tout honneur, une grande place est laissée aux univers visuels en lien avec la SF et notamment les oeuvres d'illustrateur. Malheureusement, nulle iconographie ne figure dans cet ouvrage, ce fut là la seule frustration. Aucun domaine n'est exclu pour éclairer une portion congrue ou non de la SF données économiques avec des chiffres de vente, éléments sociologiques, rappels historiques; synthèse de diverses polémiques. Et pour les promeneurs méthodiques, analytiques qui trouveraient suspects ces déambulations insolites, un index et une table rigoureux et établi selon les règles du genre permettent à chacun de s'orienter selon sa curiosité dans ces étonnantes galeries (dans un premier temps galaxies avaient échappé à mon clavier et c'est peut-être à y réfléchir une plus exacte topographie).

Enthousiaste et enthousiasmant

Les notices riches en information et en incitations à creuser des pistes indiquées se concluent presque toutes sur une note positiviste. Cependant le débat et les mises en garde contre certaines déviances d'une SF instrumentalisée  trouvent aussi leurs échos dans ces pages. Francois Rouiller fait partager ses admirations avec une ferveur communicative. Difficile par exemple de résister à ses allégeances répétées à Pierre Versins (disséminées dans Collections, Trois). Ceux qui s'attendaient à une aimable balade à travers les plate-bandes déjà piétinées de la Sf en seront pour leurs frais.  Si le guide cède parfois à quelques ruses pour égayer l'auditoire il l'entraîne avec érudition accompagnée d'auto-dérision dans une exploration sinueuse de la SF, un défrichage vertigineux, assorti de nombreux indices pour poursuivre l'aventure jusqu'à l'infini. Et au delà.