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Un carnet de souvenirs pour Joseph Altairac.
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Un carnet de souvenirs pour Joseph Altairac.

Grand érudit des littératures de l'imaginaire, figure amicale du fandom et connu de tous et toutes, Joseph Altairac nous a quitté le 9 novembre 2021.
On lui devait plusieurs ouvrages comme Les Terres creuses et Rétrofictions (GPI 2019), la création du prix Rosny aîné (dont il était toujours le secrétaire) et sur Actusf la rubrique L'Expresso de l'Oncle Joe. A la demande de certains de ses proches, nous avons ouvert sur cette page un Carnets de Souvenirs. Vous avez un petit mot à dire, une anecdote, un souvenir, une photo, envoyez les nous à l'adresse : contact@editions-actusf.fr. Nous les ajouterons ici.

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Joseph Alaitarac était mon meilleur ami et mon meilleur lecteur et interlocuteur. Que dire de plus? J’ai le sentiment d’avoir été amputé.
Quant à son œuvre, si importante, je renvois à la préface de RétrofictionS.
Je suis effondré.
Gérard Klein

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Cette photo de Joseph et de moi est ma préférée. On le voit les yeux plissés, l'air rieur, parce que je tiens entre les mains un Le Rouge dont je n'avais jamais croisé l'incroyable couverture et que lui, évidemment connaissait, bien qu'il admette ne pas le posséder dans sa col... hum, "documentation". C'était le jour du vernissage de mon exposition à la BnF et le regard que je lance à Joseph, qui me surplombe, goguenard, résume bien notre relation. Joseph était le maître et moi l'élève, mais aussi le père de procuration et moi sa fille de fortune. C'était aussi le grand ami, d'une générosité sans faille, là dans tous les moments qui comptent, toujours chargés de livres à me faire connaître dans sa sacoche.

Nous nous sommes rencontrés il y a plusieurs années de cela, au tout début de ma thèse, aux Rencontres de l'imaginaire de Sèvres. Natacha m'avait présenté Joseph qui, illico presto, quand il a su que je travaillais sur l'imaginaire des microbes, a sorti son deuxième cerveau, son fidèle Ipad, pour me donner quelques références obscures.

S'en est suivie une amitié rare, très précieuse, où la différence d'âge n'avait pas de prise, faite de déjeuners de travail dans notre QG coréen, de balades aux Puces et aux salons de livres anciens, de conversations quotidiennes et d'intenses relectures critiques de mes travaux. Joseph a été bien plus qu'un mentor de thèse, il a été et restera toujours un grand ami, qui m'a énormément appris et a été un repère essentiel dans ma vie toutes ces années durant.

Il est encore là, partout, et si une partie de mon monde s'est effondrée en même temps que cette porte que les pompiers ont forcé lundi dernier, je garde enclos en mon cœur ses rires, sa bienveillance, nos ferventes conversations et son amitié sans faille.

Fleur Hopkins

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"Quand, revenant de la Convention d'Amiens en 2018, j'ai écrit un long post de blog dans lequel je dénonçais, entre autres, le racisme, le sexisme, la misogynoir que j'y avais supportés et dont je ne voulais plus, Joseph, pilier s'il en est de ce milieu, a voulu en discuter et a cherché à comprendre de quoi je parlais, sans invalider d'office mes propos. Ça a l'air de rien, mais beaucoup ont d'abord défendu l'image du milieu et la leur, et ont d'emblé disqualifié ce que je décrivais, sous prétexte qu'eux-mêmes ne l'avaient pas vécu ainsi.

Une conversation parmi beaucoup d'autres, généralement plus science-fictives, sans crainte du désaccord, parce qu'il y avait chez lui une véritable volonté d'écouter l'autre.

Joseph m'avait fait part, je pense en 2009, de son projet de nous coopter, mon binôme Stéphane Gourjault et moi, pour les déjeuners du lundi. Nous étions alors en charge des critiques littérature sur le site ACTUSF. J'avais été touchée de ce geste et de ce qu'il semblait signifier pour Joe, mais j'avais dû décliner pour des raisons professionnelles. J'ai réalisé, après coup, que c'était une marque de reconnaissance pour notre travail."

Ketty Steward

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Je ne me souviens plus en quelle année j’ai rencontré Joseph pour la première fois, mais c’est le genre de gars qui aussitôt, vous donne l’impression que vous le connaissez depuis toujours. Quelle meilleure définition d’un ami ?
La dernière fois qu’on s’est vu, ça devait être un dimanche de novembre 2018, le lendemain d’une des rencontres de l’imaginaire de Sèvres, lors d’un festival du livre et de la presse écologique (FELIPE). Il y était venu pour assister à un débat que le Syndicat des écrivains de langue française (SELF) avait organisé à cette occasion. Cet autre ami précieux qu'est Samuel Minne l’y accompagnait.
Pour le domaine de l’imaginaire, sa disparition restera pour toujours un trou impossible à combler. Il ne voulait pas qu’on le définisse comme «auteur», il était trop modeste pour accepter une telle « glorification" et pourtant, c’en était un, et de premier plan. Plus qu’un pilier, c’était un monument !
Salut à toi, mon vieil ami. J’ai beau ne pas croire à l’au-delà, j’espère qu’on se retrouvera de l’autre côté pour manger, boire quelques verres et un bon arabica ensemble.
Je t’embrasse.
Christian Vilà.

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Joseph Altairac est mort lundi soir chez lui. Je pense à "Notre-dame des ténèbres" de Fritz Leiber. S’il est possible de glisser une image merveilleuse avant celle des pompiers défonçant la porte de son appartement, j'imagine les livres prenant la place de l’autre personne dans le lit à côté de lui, je vois cette silhouette de papier à découpe humaine se redresser un peu sur son flanc et l'accueillir dans ses bras. Joseph, ça a tout d’abord été un nom sur le forum BDFI. Et puis, invité par Jean-Luc Rivera à Sèvres la première fois – moi qui ne connaissais absolument personne et avais publié juste une poignée de fascicules – je le croise et le salue. Les étiquettes de cheptel de salon qui nous singularisent parlent pour nous. Par la suite et pour plus de dix ans, il a été pour moi l’assurance d’un écho sensible à tout ce qui anime le milieu restreint des Savanturiers, loin des mesquineries égotiques et des ignorances intransigeantes. Lui et Guy Costes ont finalement été l’impulsion, l’armature et la raison d’être de "L’Homme qui Traversa la Terre", roman issu de ma lecture page après page et sur une décennie de leurs vertigineuses "Terres Creuses". Joseph a affirmé qu’avec cette histoire, j’avais réussi quelque chose. Je n’en demandais pas plus. Moi qui suis enclin à oublier, j’étais amusé non tant par son érudition que par la mémoire qui la permettait, par l’inlassable curiosité qui la nourrissait, par la patience infinie qu’elle suggérait. Mémoire, curiosité, patience : les trois faces d’une belle humanité. Et sa gentillesse en socle, qui rendait ridicule toute idée de conflit. Mieux : il incitait à ce qu’on parle avec intelligence, il était le sourcier de subtilités trop souvent laissées à l’état velléitaire – pour mon cas du moins – et, par son médium, enfin proférées avec simplicité et parfaitement entendues. Lorsqu’il parlait, il fermait les yeux. Il les a fermés pour toujours ; sans doute rêve-t-il du songe d'un érudit éthérique désengagé, arpentant les rayonnages d’une documentation infinie, nous saluant pour longtemps encore entre l'encre et le papier de nos drôles de lectures.

Robert Darvel

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J'ai rencontré une seule fois Joseph à la convention de Gradignan. Nous nous connaissions à peine par Facebook et pourtant il est tout de suite venu vers moi et m'a saluée comme un vieil ami. Il m'a tenu compagnie tout du long, me voyant timide et impressionnée. Il a été comme toujours attentionné et charmant. C'était un être rare. Il nous manquera. Pour la blague, c'était aussi un grand fan de Loki à qui il manquera aussi.

Sushina Lagouje

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Joe n'aura fait qu'un passage trop bref sur notre planète. D'autres mondes, certainement, appellent ses lumières. Son nom terrien, Joseph Altairac, nous en dit long sur ce vagabond des étoiles que nous avons eu la chance de côtoyer durant quelques milliardièmes de l'histoire de l'Univers.
Joe venait comme vous le savez d'Altaïr, l'étoile la plus brillante de la constellation de l'Aigle. Elle forme avec Deneb et Véga le triangle d'été qui guidait Sinbad sur des mers inconnues. Al-ta'ir c'est l'aigle en vol dans la langue du marin fabuleux et du dément Abdul al-Hazred.
-ac c'est ce suffixe qui fleure bon les villages où l'on mange bien, où l'on se raconte des histoires au coin du feu, une eau-de-vie à la main. Mais attention, quand la lune lune est rouge, -ac devient le suffixe d'UFOs robotiques géants venus de Véga pour écrabouiller des villes entières.
Mais Joseph veillait. Joseph, "celui qui fera croître" des Hébreux. Celui qui prend sous son aile d'aigle les démiurges abandonnés sur Terre, les guide hors de leur forteresse de solitude. Ayant terminé le dernier livre qu'il restait à lire, il leur lègue finalement ce monde étrange et file vers d'autres terres à creuser.

Je ne regarderai plus le ciel d'été de la même façon.

Franck Selsis

 

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Beaucoup de souvenirs sans réel intérêt.
Sa conférence de la Convention de 2001 sous le nom Von Topplitz... pas vraiment le moindre souvenir du contenu.
Sa présence régulière aux Déjeuners du Lundi quand j'y allais.
Et la seule fois que je suis rentré chez lui et qu'il m'a montré un exemplaire des  Heads of Cerberus, de Francis Stevens, provenant de la bibliothèque de Paul Myron Anthony Linebarger comme en attestait l'ex-libris. Je lui ai raconté plusieurs fois que je m'en voulais de ne pas le lui avoir arraché... ;)
Un certain nombre de conversations in vivo ou sur Facebook.
Des rencontres aux puces pour comparer nos trouvailles...
Pas de photos disponibles dans mon fouillis.
Et toujours triste. Après celle de Jean-Pierre Laigle cette disparition laisse un gros trou dans mon monde.
Prenez tous soin de vous.
Georges Bormand

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Au début des années 2000, Joseph et moi habitions à quelques rues l'un de l'autre, dans le 18e arrondissement de Paris. Parfois, nous nous donnions rendez-vous devant la station de métro Jules Joffrin pour nous rendre ensemble au déjeuner du lundi, ou assister à la projection de quelque bizarrerie cinématographique. Je me rappelle en particulier  avoir vu avec lui Marebito,  de Takashi Shimizu, dans la salle la plus souterraine et confidentielle de l'UGC des Halles. Nous n'étions qu'une poignée de spectateurs, et nous avions ri en constatant que chacun – nous compris, sans doute – aurait pu être un personnage du film. Il y eut aussi de joyeuses et nombreuses soirées, chez moi, à boire des alcools étranges et discuter jusqu'à plus d'heure de l'intelligence des communistes et de la participation des gorilles aux gouvernements de Charles de Gaulle (à moins que ce ne soit l'inverse), et chez lui. À l'époque, le dépôt de la RATP qui jouxtait son immeuble était encore en service. Quand nous entendions démarrer le premier bus du matin, nous nous disions qu'il était peut-être temps de prendre congé… Chaque heure passée avec Joseph vous donnait le sentiment d'être plus intelligent, et plus simplement, un meilleur être humain.
Nathalie Serval.

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En premier lieu, Joseph était pour moi une des figures du forum ActuSF, un posteur hyperactif capable de discourir dans tous les registres de l'imaginaire. J'étais amis depuis quelques mois avec lui lorsque nous avons échangé pour la première fois "en vrai", lors de la première éditions des Oniriques, en 2013. Nous exposions alors, avec le Lyon Beefsteak Club, de vieilles éditions de livres français autour du vampire. Il m'avait fait d'emblée l'impression de quelqu'un à l'écoute, qui ne coupe pas la parole et prends le temps. C'est également l'époque où nous allions chaque année au Rencontre de l'Imaginaire de Sèvres, ou nous avions la chance de le retrouver immanquablement. Il était parvenu à me dénicher une édition de Dracula illustrée par Druillet que je cherchais depuis des éons. Et m'avait proposé, quelques temps plus tard, une biographie de Stoker en anglais par Ludlam. Ces derniers mois, nous avions échangé plusieurs fois par messagerie. Notamment autour de S.P.Somtow, dont il appréciait le travail en tant que chef d'orchestre. Mais je le tenais également informé de mes trouvailles autour de ma monographie en cours d’écriture.

Le premier café du matin n’aura plus le même goût, dorénavant.


Adrien PARTY

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Pour moi Joseph c'était ce sourire qui m'accueillait aux premières heures su salon de Sèvres, on s'embrassait, on discutait de tout et de rien pendant ces quelques minutes de calme et même parfois sport..... puis on se quittait et je lui demandais toujours tu ne veux pas m'écrire une nouvelle pour cette anthologie et il partait d'un grand éclat de rire.... J'ai réussi à le convaincre une fois pour une nouvelle sur Mme Atomos en collaboration avec Jean-Luc Rivera. Elle n'a pas marqua les esprit mais elle le mérite d'exister. Aujourd'hui je suis triste comme le ciel ariégeois.

Philippe Laguerre-Ward

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Pour Joseph, sourire et café...

Joseph, c’est un sourire, une exclamation de bienvenue, des bras ouverts... Oui, il est difficile d’employer l’imparfait. Mais voilà l’une des images qui surgit lorsque je songe à notre Joseph : une convention nationale de SF, mon arrivée souvent assez tardive, un petit groupe au bar d’où se détache soudain Joseph, une claque dans le dos, une embrassade amicale, un bel accueil. La dernière fois, car j’ai peu à peu cessé d’arpenter l’hexagone dans tous les sens au nom de la SF, c’était en 2013 à Aubenas. Il n’était pas le seul à accueillir ainsi les copains lointains, mais toujours son œil pétillait de plaisir. On peinait à l’imaginer triste, et lorsqu’il était absent, même dans des circonstances de regret et d’abattement, je songeais à son sourire, comme lorsque nous dûmes dire adieu à Michel Jeury, en 2015 à Villedieu, avec Nicole, Dany et Sam, en compagnie de Natacha, Joëlle, Ugo et quelques autres. Aujourd’hui, c’est Joseph qui est parti, si discrètement, et c’est toujours ce sourire qui demeure suspendu dans le souvenir, pour longtemps.

Bien entendu, on le lira et on le relira, Joseph Altairac n’était pas uniquement un pilier de convention. Si le terme d’érudit a été inventé, c’est de toute évidence pour lui. Si les études sur le merveilleux-scientifique ont repris vigueur autour de Fleur Hopkins, c’est via la présence et les vastes connaissances de Joseph. Si les amateurs d’obscurs romans venus d’autres siècles peuvent se délecter désormais d’immenses panoramas tels que Les Terres creuses (2006) ou l’indispensable Rétrofictions (2018), tous deux avec son ami de toujours, Guy Costes, ils le doivent à cet homme qui aimait autant animer les réunions et les dîners que passer des heures sur sa “documentation”, ces milliers de volumes qui lui ont permis de prendre une place parmi ceux pour lesquels connaissance et amour de la littérature ancienne ne se conjugue pas avec poussière, mais bien avec passion de transmettre, de donner à voir et à comprendre. C’est dans le même esprit qu’il a accumulé les pages consacrées à Lovecraft, à Van Vogt, à Wells. Et c’est ainsi qu’il a démontré combien on peut être prof de maths et grand lecteur, ne pas disposer peut-être d’une onction de la Sorbonne, mais devenir un relais indispensable aux chercheurs universitaires, se révéler puits de science sans forfanterie, dans l’ombre d’un appartement parisien.

Mes souvenirs reviennent vers les conventions et autres manifestations du milieu de la SF francophone. Parfois, ma région a su accueillir fans comme érudits. On a tenu les grands messes nationales à Flémalle ou à Tilff, et Joseph en était, bien entendu. Le groupe Remparts est venu s’encanailler à Liège, chez Serge Delsemme, et ce furent, autant que des tablées de fans affamés, de nombreuses expéditions parmi les bouquinistes liégeois. Joseph en était, évidemment.

Il y eut aussi cette époque, vers la fin du siècle dernier, où la bibliothèque de Beaufays, sur les hauteurs de Liège, commençait à se spécialiser dans les “mauvais genres”, bien avant de devenir ce centre de documentation essentiel en Belgique francophone qui a pour nom la BiLA, et entreprenait de se construire une réputation. C’est ainsi qu’on n’hésita pas à y organiser de sérieux colloques, du roman libertin à la littérature d’aventures, en y amenant le gratin des études vouées à ces domaines et à bien d’autres. On publia de gros volumes de référence et des actes de ces colloques, qui virent passer l’université, l’édition et l’érudition : on y croisa entre autres Lauric Guillaud ou Jacques Goimard, Jean Marigny ou Gilles Ménégaldo, Gérard Klein ou Jacques Finné. Et Joseph Altairac. Il s’agit d’un souvenir qui m’a marqué. Nous assistions à une conférence sur la SF britannique, et je commençais à bouillir à l’écoute de quelques énormités avancées par une universitaire angliciste. Après un soupir un peu trop marqué de ma part, Joseph posa sa main sur mon avant-bras, en chuchotant quelque chose comme « du calme, Dominique ». Cela fit, je pense, sourire Jacques Goimard. Et j’ai su, alors, qu’au-delà des titres académiques, il existait bel et bien une communauté d’amateurs et d’érudits qui connaissaient leur domaine à fond mais ne songeaient ni à s’en vanter ni à en tirer prétexte à carrière officielle. A Beaufays, il y avait du café et des amoureux des livres. Et le sourire d’un Parisien de Pézenas, Joseph Altairac...

 

Dominique Warfa.

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Quoi dire ? A part que son amitié et son soutien était toujours très précieux et son niveau d'érudition à rendre tous les fans d' Imaginaire jaloux?
Dire que son dernier commentaire sous un de mes statuts facebook remonte à peine 5 jours...
C'était le genre de personne avec laquelle on pouvait passer des heures à une table à juste l'écouter parler et prendre des notes!

Les mots me manquent, comme beaucoup d'entre nous je pense...

Taly Lefevre
 
 
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Deux 'anecdotes' On parle beaucoup de sa grande érudition et j'ai pu la mesurer... À l'occasion de je ne sais plus quelle convention, je m'avance vers lui pour le saluer - je ne le connaissais pas - il me sourit, son visage s'éclaire et il dit : Ah Noé Gaillard, bonjour !
Comme je fais partie de ces gens qui ne savent rien ou presque de ce que l'on appelle "La Grande Musique" ( je ne connais pas mieux l'autre ) j'appréciais beaucoup ses plages qu'il proposait à l'écoute sur Facebook et surtout "la patience" avec laquelle il répondait, un brin amusé je suppose, à mes questions. Puisse sa présence nous accompagner longtemps...
Noé Gaillard
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Tard arrivé dans le fandom, j’ai assez peu de souvenirs avec Joseph, sauf récemment, car il s’est impliqué dans l’organisation de la convention. Nous avons beaucoup échangé et sans que je sache bien pourquoi, il m’a surpris.

Nous avions évoqué le nombre d’invités que nous pouvions avoir dans la convention, et, en fonction de la recette espérée, nous nous étions arrêtés à six. Il  nous a écoutés sans rien dire, et quelques jours plus tard, il nous a annoncé qu’il allait financer un septième. Je n’en suis toujours pas revenu, nous avons évoqué une personne qui n’était pas venue depuis très longtemps, il a validé notre idée et ainsi fut fait, nous avons eu un bienfaiteur. Car avec sept invités dont six traducteurs on organise une convention plus explosive et champagne !!

Et ça ne s’est pas arrêté là, car nous avons échangé tout du long, jusqu’au mois d’août, notamment, il nous a soutenus au moment où certains employés de mairie, à cause du covid-19, ont tenté d’annuler la convention.

Bernard Henninger

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Voici quelques photos de Joseph, prises lors de mes voyages parisiens à l'époque où je faisais partie de l'Association de l'Oeil du Sphinx dirigée par Philippe Marlin, entre autres. Envoyées en deux parties pour raison de poids d'images.
 
Année 2000 : restaurant en soirée (Le Fleuve Rouge) après l'événement exposition BD Expo qui se tenait à l'espace Champeret (si je me souviens bien)
 
Année 2002 : comme chaque année, une expo d'artistes peintre à Hotton-sur-Ourthe en Ardenne belge, à laquelle je participais. Philippe Marlin, Jean-Luc Riveira et Joseph avaient fait le déplacement pour venir me soutenir ! Le tableau exposé où nous posons a fait l'objet d'une couverture du fanzine de l'ODS : Dragon & Microchips.
 
Année 2009 : Photos prises chez Philippe Marlin et au restaurant La Pelouse aux Buttes Chaumont.
 
Année 2013 : restaurant Viet Siam rue Rebeval, une autre réunion "de travail" bien conviviale.
 
Année 2013 encore : restaurant Milano, cette fois, boulevard de Belleville.
 
Année 2009 : Photos prises chez Philippe Marlin et au restaurant La Pelouse aux Buttes Chaumont.
 
 

Jean Claude Eljice

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Parler de Joseph, pas simple....
Pas simple du tout en fait...
Surtout quand on est quelqu'un pas du tout du tout habitué à écrire...
Donc je vais juste poser des mots en peu en vrac en fait, comme si je parlais de lui à quelqu'un qui ne le connaissait pas.
 
Ma première rencontre : les mercredis de la SF de décembre 1999..
Lui (comme d'autres piliers des mercredis à l'époque - Christophe L., Eric L., Georges B. et d'autres dont les noms ne me reviennent pas à l'instant) m'ont accueilli comme si ça faisait 10 ans que je venais.
Et je suis revenu tous les mois.
 
8 mois plus tard - août 2000 : mercredi de la SF et tout le monde parle de la Convention Nationale de SF Française...
Ma question "innocente" : c'est quoi une  Convention Nationale de SF Française ?
Réponse collégiale (dont Joseph, bien sûr) : tu vois à quoi ressemble les Mercredi de la SF ?
Moi : oui.
Eux : ben une Convention Nationale de SF Française c'est pareil, mais pendant 4 jours.
Moi : Matthieu W., Jérôme L., ça vous dit qu'on y aille ?
Eux : ben, ouais...
 
Résultat : on était à la convention de 2000 à l'Isle-sur-la -Sorgue...
J'ai pu y rencontrer pour la première fois Roland et assister à la conférence de Pierre Versins (grâce à Joseph qui est venu nous chercher à l'extérieur de la salle de sport où avait lieu la convention et dans laquelle la température était juste insupportable, donc tout le monde passait son temps à l'extérieur 😁)
Et évidemment j'y ai rencontré tous les autres "piliers" des Conventions de SF Française.
 
Et ensuite????
Ben, je sais plus si c'est à la suite de cette convention de 2000 où 1 an plus tard, mais c'est aussi Joseph qui m'a entraîné au Lundi de la SF (juste après une convention, ça j'en suis certain) où je me suis retrouvé à partager un repas avec Philippe Curval, André Ruelland, Gérard Klein et d'autres personnes travaillant dans le milieu de l'édition SF....
Je vous laisse imaginer le "choc" pour le simple lecteur que j'étais (et que je suis toujours en fait) de rencontrer ces personnes....
 
Conclusion
Je sais pas si je peux trouver une conclusion, en fait...
En fait, non, parce qu'il y a pas de conclusion...
Parce qu'il est toujours là avec nous...
Juste grâce à Joseph, j'ai été inclus dans ce milieu de fans français de la SF sans réel effort.
Ce que je veux dire, c'est qu'il suffit de rentrer dans la pièce et c'est bon.
Même si on a pas la culture encyclopédique de Joseph, mais qu'on s'intéresse à la SF et qu'on en a lu, ben, on te dit juste : BIENVENUE FRÈRE
En fait, oui, c'est ça Joseph : une PORTE ouverte en TRÈS grand qui accueille tous ceux qui veulent la franchir voir même qui sont juste en train de se dire "j'y vais ou j'y vais pas ?"...
 
En fait, maintenant que je l'ai écrit, ouais, c'est ça Joseph pour moi ❤😀
 
Ah, si, juste un dernier truc : 🍺🍺🎶🎶
Enfin, n'importe quel autre breuvage à la place de la bière est accepté, même non alcoolisé.
C'est ça aussi l'ouverture du milieu de la SF 😉
 
Stéphane Hamille.

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Quand je suis née, il a été décidé qu'oncle Joe serait mon parrain spirituel. Qui mieux que lui, collectionneur invétéré, puits de connaissances infini, pour veiller sur moi dans le petit monde de la science-fiction française? On ne pouvait rêver meilleur guide. Mais de lui je retiens surtout nos repas dans les restaurants thaïlandais de Belleville, parce qu'en plus de s'être occupé de ma culture, prenant le relais après le décès de mon père, il m'a aussi introduite aux cuisses de grenouille à la thaï et à toutes sortes de mets délicieux. Entre gourmands, je crois bien que l'on se comprenait. Oncle Joe, si généreux, merci encore pour tes encouragements sans faille qui m'ont en partie conduite à réaliser mes rêves. La dernière fois, tu me souhaitais mon anniversaire en râlant contre le confinement qui nous empêchait de nous voir. La prochaine fois, même si ce sera sans doute dans très longtemps, je viendrai boire un coup à ta table avec papa, et je vous écouterai encore parler de vos passions et de vos lectures incroyables, avec mes yeux écarquillés de petite fille curieuse. En attendant, j'espère qu'ils ont de belles bibliothèques aux rayonnages bien remplis, là où tu es.

Natacha Wagner

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Contrairement à beaucoup de membres de ce club, j'ai connu Joseph tardivement et comme beaucoup d'entre vous, je l'ai connu grâce à ce club. Nous nous sommes rencontrés la toute première fois il y a quelques années lors d'une convention et c'est probablement Jean-Luc Rivera qui me l'avait présenté. À l'époque, j'avais cette forme de timidité qui me rendait tout petit lorsque je rencontrais un érudit de cette trempe. Mais Joseph n'était pas comme tout le monde......De suite, j'ai été interpellé par l'incroyable modestie de ces belles personnes qui ,sous des airs un peu effacés, cachent une incroyable grandeur d’âme et une générosité tout aussi affirmée. Souvent, nous échangions des messages après un post sur le club et à chaque fois, j'étais impressionné par sa clairvoyance, son érudition et cette mémoire qui jamais ne lui faisait défaut. Joseph, c'était l 'homme qui de suite attirait votre attention, car son savoir, doublé d'un humour toujours fort à propos, ne pouvait qu'attirer la sympathie. Il est de ces hommes qui dégagent la bonté et cette sagesse accumulée au fil des ans à se plonger dans cette documentation qu'il affectionnait tant et qui était toute sa vie . Je me rappelle que, jamais avare de cadeaux, il m'avait envoyé le volume 2 de « L'aube du magicien » paru aux éditions de l'ODS, il y parlait de moi et du club des Savanturiers et je me rappelle de cette immense fierté d'avoir ainsi été cité par cet homme pour qui j'avais le plus grand respect et une admiration sans faille. Il a toujours été pour moi l'incarnation même du Savanturier, modeste, aventureux, ouvert au monde et toujours prêt à partager et à donner. Celles et ceux qui l'ont mieux connu savent à quel point c'était la bonté et la générosité même et cet amour qu'il avait pour les littératures de l'imaginaire et pour son entourage, il l'a concrétisé par ces magnifiques cadeaux éternels qu'il nous a fait avec son vieux complice Guy Costes en rédigeant « Les terres creuses et « Rétrofictions ».
Je sais tout le chagrin que sa disparition vient de provoquer, je lis votre douleur et votre profonde tristesse, mais peut-être trouverons nous un semblant de réconfort en nous disant qu'il s'est endormi au milieux de ses livres qu'il aimait tant , cocon de papier qui toute sa vie durant à construit l'homme qu'il était , un fidèle ami, un homme infiniment bon et dont je garderai gravé en moi ce franc sourire et cette bonhomie qui nous émerveillait tant.
Nous venons de perdre un ami Savanturier, un frère de la conjecture, un père gardien du savoir, les yeux sont secs d'avoir trop pleuré, la gorge sèche de cette forme d'injustice qui ne nous prépare jamais assez à la violence de tels événements. Je voulais ainsi exprimer toute mon affection et mon soutien à celles et ceux qui étaient si proche de lui, je pense à Guy Costes à Christine Luce à Fleur Hopkins à Jean-Luc Rivera et bien d'autres encore car Joseph c'était l'ami de toujours, celui qui a toujours partagé, celui qui nous a tant donné.
Cher Joseph, on ne cessera jamais de t'aimer et si je n'ai jamais osé te le dire, ce soir est un peu particulier et je ne suis certainement pas le seul à le penser.
Adieu vieux frère de la Savanture, tu as certainement été l'une de mes plus belles rencontres de celles qui marquent la vie d'un homme et je te suis éternellement reconnaissant d'avoir croisé mon chemin.

Jean Luc Boutel

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Mes souvenirs de Joseph remontent à... je ne sais pas. Curieusement, j'ai l'impression de l'avoir toujours connu tant il est intriqué à ma passion, la science-fiction. Quand je me rendais aux déjeuners du lundi, il était là et je me débrouillais souvent pour me trouver à portée d'oreille. Combien d'heures avons-nous passé ensemble à discuter ? Cela, au moins, est un trésor qui me restera. Joseph savait écouter, et je peux affirmer sans crainte d'être démenti par quiconque combien il était ouvert d'esprit, attentionné et jamais péremptoire - alors qu'il aurait été maintes fois en droit de clouer le bec au petit mickey que j'étais, quand je me hasardais sur les terres de la fiction ancienne. Joe savait faire ce que notre époque, dévorée par le présent, ne fait plus : toujours remettre en perspective. Nous parlions de tout, de philo, de science ou d'actualité. Son érudition ne s'arrêtait pas à la SF. Comme j'ai été heureux de me voir offrir le Costaltairac, entendez le double pavé de Rétrofictions ! avec de surcroît une dédicace où transparaissait sa gentillesse naturelle. Et derrière son goût pour l'insolite, il y avait un esprit acéré, rationnel et joueur.

Je me souviendrai toujours de son rire, indissociable de son esprit.

Laurent Genefort

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C'est à l'occasion du "Second colloque d'études et de recherche sur Rennes-le-Château" que j'ai fait la connaissance de Joseph Altairac. Organisé par l'ARTBS, il avait lieu à Gisors le 12 juin 2004. Le sigle ARTBS signifiait à l'époque "Association pour la Rénovation de la Tombe de Bérenger Saunière". Après que celle-ci ait été "rénovée" par le maire de Rennes-le-Château, le sens en est devenu "l'Association pour les Recherches Thématiques de Bérenger Saunière". Son président en est Yves Lignon, de l'Université de Toulouse. Son secrétaire, Philippe Marlin, est président de l'association parisienne "L'œil du Sphinx". Nous étions 31 inscrits. J'étais le 31ème... On trouvait avec moi Paul Saussez, Christian Doumergue, Jean-Patrick Pourtal, Octonovo, Jean-Luc Rivera et Joseph Altairac. Venant de Lyon, je m'étais levé tôt pour ne pas rater le début du colloque. Etant nouveau dans le milieu de Rennes-le-Château, j'étais un peu inquiet à l'idée de me trouver au milieu de 30 participants sans doute plus savants que moi sur le sujet. J'avais tort de m'inquiéter, je fus accueilli par tous les présents comme un vieil ami. Le colloque dura de 10h à 18h avec une interruption pour le déjeuner. À partir de 18h une partie des participants reprit la route. L'autre partie, dont j'étais, continua de discuter jusqu'à l'heure du dîner. Philippe Marlin proposa à ceux qui le souhaitaient de le suivre dans un restaurant de Gisors. Nous étions une grande tablée à discuter dans un joyeux brouhaha. J'en suis venu à un moment à parler science fiction avec mon voisin. Parlant de Van Vogt, je lui dis avoir lu la totalité de son œuvre. Il me répondit que dans ce cas, il fallait que j'en parle avec un autre spécialiste, mon voisin d'en face... Joseph Altairac. C'est ainsi que nous fîmes connaissance. Ce fut la première et dernière fois que je le rencontrais.Je ne savais pas encore qu'il avait écrit un livre 4 ans plus tôt aux éditions "Encrage" intitulé "Alfred Elton van Vogt, Parcours d'une œuvre". Nous passâmes le reste de la soirée à partager nos connaissances sur cet auteur. J'ai failli le revoir en 2020. Mon fils possède 6 livres de la collection "Cahiers d'études lovecraftiennes" aux éditions Encrage, dirigée par Joseph Altairac spécialiste également de H.P.Lovecraft. Il aurait aimé que je demande à Joseph Altairac de les lui dédicacer. Nous étions convenus d'une rencontre à Paris pour ce faire. Cette rencontre devait avoir lieu entre le 13 et le 20 février 2020. Joseph Altairac a malheureusement été pris par des préoccupations personnelles durant cette période. Nous n'avons donc pas pu nous rencontrer. Je sais depuis ce 9 novembre que cette rencontre n'aura plus jamais lieu.
Joseph Altairac restera à jamais dans mes pensées.

Maurice Monnot

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Passé le premier choc à l’annonce de la nouvelle – survenue pour moi à trois heures du matin à l’issue d’une nuit difficile, vingt-quatre heures ou quasiment après que tu eus quitté ce monde – et passé l’engourdissement qui m’a saisi devant l’injustice foncière de la chose… Et passé la lecture des témoignages bouleversants qui ont fleuri sur les réseaux sociaux – et que l’on retrouve en grande partie ici…

Je n’ai pu faire autrement que reprendre certains de tes livres pour les feuilleter et retrouver ta voix.

Et, piégé, j’ai relu ton A.E. Van Vogt et ton H.G. Wells, de la première à la dernière ligne. Je n’étais pas de tes proches – comme je le regrette à présent –, mais nous nous estimions mutuellement, je crois, et chacune de nos retrouvailles était l’occasion d’effusions et de discussions à n’en plus finir, sur ta chère documentation, sur les baudruches à dégonfler, les références à confirmer, les restaurants à tester, et cætera.
Mais dans tes livres je te retrouve : ouverture d’esprit, rigueur de raisonnement, affection – non, passion – pour tes sujets, indulgence amusée, désir de partager tes découvertes… et, ensuite, quand tu avais l’occasion d’en parler avec un lecteur, allégresse quand ledit lecteur te donnait une information neuve, cette lueur dans tes yeux quand tu réfléchissais à la façon dont elle pouvait s’intégrer à ta réflexion – ou à la façon de la réfuter sans froisser ton interlocuteur…

A. E. Van Vogt, H. G. Wells : dans chacun de ces petits livres – oserais-je dire : bréviaires ? – étincellent ton esprit de synthèse, ta passion de transmettre le savoir, ton rationalisme – dois- je préciser que c’est à mes yeux un compliment ? oui, j’en ai peur –, ton humour, ta rigueur de chercheur…

Internaute, si tu es tombé sur cette page par hasard, peut-être penses-tu : « Oui, c’était un mec bien, tout le monde l’aimait, mais je ne le connaissais pas, alors pour moi quel intérêt ? » Eh bien, procure-toi un de ces deux « petits livres » – ou, si tu es boulimique, le monumental Rétrofictions, le grand œuvre de Joseph Altairac et de son complice Guy Costes – et tu partiras pour un voyage dans les idées, comme guidé par un esprit bienveillant et malicieux, un voyage dont tu reviendras transformé.

Il existe une expression désuète qui te définit parfaitement : tu étais la crème des hommes.
Et la crème, dans le café, c’est ce qui remonte toujours à la surface.
À bientôt, mon ami, mon frère.
Jean-Daniel Brèque
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La Sf, la littérature de genre, a été un voyage en solitaire pour moi la plupart de ma vie. Il a commencé avec la découverte des pulps réunis dans la série de poches dirigée par Jacques Sadoul, et la rencontre d’un des auteurs les plus populaires de Weird Tales en son temps, Robert E. Howard. Ce n’est pas quelque chose que j’ai beaucoup partagé, sinon en tout petit groupe d’amis. Joseph Altairac reste parmi les personnes avec qui il était délicieux d’échanger au delà des clans, des clivages, des histoires de sexisme. Sa gentillesse n’avait d’égale que sa passion et son érudition, comme l’a très bien écrit Laurent Genefort. Il laisse un vide dans le monde du fandom que je comprends parfaitement, et je me joins avec tristesse à l’hommage qui lui est rendu pour témoigner de mon profond respect à ses proches. So long Joseph, te voilà dans les étoiles vers lesquelles tu as tant porté ton regard. Tu vas manquer.
Amicalement,
Quélou Parente
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Je considérais Joseph Altairac un peu comme mon parrain en science-fiction. Je l’ai rencontré physiquement pour la première fois aux Rencontres de l’imaginaire de Sèvres en 2009 et ce fut un bonheur de la voir en entretien avec Gérard Klein, dans un numéro de duettistes parfaitement au point pour le bonheur des spectateurs. Joseph est venu me voir, un peu curieux, un peu circonspect sur cette nouvelle tête féminine inconnue qui apparaissait dans le milieu de la SF. Il ne pouvait pas savoir que je connaissais tous ses écrits critiques, le moindre de ses articles et ouvrages parus. Mais en 2012-2013, changement de tonalité grâce à Michel Jeury : nous invitons Joseph pour passer un week-end à Issigeac avec Jean-Luc Rivera pour une conférence. Ce furent deux jours formidables au sein de l’utopie jeuryenne, où Joseph nous régala d’anecdotes plus drôles les unes que les autres, où nous étions dans une petite bulle d’amitié, soutenus par la cuvée chronolytique.

J’appelais souvent Joseph au téléphone pour une précision sur une date, un titre. J’ai toujours cru que la recherche des érudits et collectionneurs comme Joseph était indispensable à la recherche universitaire, sans doute encore plus lorsqu’elle concerne la science-fiction ancienne française, complètement délaissée par l’université. En 2019, nous invitions Joseph à la journée d’études sur Jacques Spitz et il en fut particulièrement heureux tant il avait travaillé sur cet auteur et ses « Joyeuses apocalypses ». En 2015, je lui présentais la jeune doctorante Fleur Hopkins et elle le dira sans doute plus tard mais ce fut une belle histoire d’amitié et de passion pour la littérature qui devait aboutir à la reconnaissance de la SF ancienne par la BNF dans une mémorable exposition. Mais ceci est leur histoire…

Enfin, toujours en 2015, je me lançais avec Amélie Ferrando et Emmanuel Dubois dans l’organisation de la Convention nationale de SF à Gradignan. Après moult péripéties, l’angoisse de ne pas mener à bien cet événement me saisit durant les semaines le précédant. Joseph fut très présent, rassurant, bienveillant et tout se passa à merveille, hormis cette écrasante chaleur, nous avions commandé un peu trop de beau temps.

Joseph était fait de ce bois dont on taille les passions pour la littérature et l’histoire de cette dernière. Sa personnalité discrète était entièrement au service de ces milliers d’ouvrages qui dorment dans les maisons abandonnées, les marchés d’antiquité, les vide-greniers, les bibliothèques oubliées. Continuons sa recherche, continuons sa passion. « Vous m’entendrez mais je ne serai plus parmi les vivants […] il faudra un baiser pour me réveiller, c’est-à-dire une pensée fidèle au fond d’un cœur ou d’un esprit », disait Mauriac en 1951. A chaque fois que nous ouvrirons Les Terres creuses ou RétrofictionS, à chaque fois que nous découvrirons un roman ou un auteur méconnu, Joseph reviendra et posera sa main sur notre épaule avec un sourire complice et éternel.

Natacha Vas-Deyres


Joseph Altairac chez Mollat 2019

Joseph Altairac à Issigeac

Joseph Altairac et les Savanturiers Sèvres 2012

Journée Jacques Spitz Bordeaux 2019

 

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Hello, I am Theo Paijmans from the Netherlands. I had the pleasure of meeting Joseph Altairac on several occasions in France, when I was speaking at the 1st and 2nd Fortean Congresses in Paris in 2007 and 2008.

The first time I met Joseph it was in a restaurant, and both he and a friend of his had my book on the table. Joseph also presented me with a precious gift that I still cherish today: a first edition of the 19th century science fiction novel 'Les Mangeurs du Feu' by Louis Jacolliot. Such was his generosity.

I quickly came to appreciate his tremendous erudition in the fields of science fiction, fantastic literature and also forteana, both topics I myself am hugely interested in. His knowledge in those fields was both encyclopedic and unrivalled, and were only matched by his good nature and kindness.

At the conferences he would occasionally amaze me by showing a very rare esoteric pamphlet or book, saying: "Theo, have you seen this? It is very strange..." Those were the thrilling moments when new roads of research opened up in front of me.

We maintained sporadic contact over the years, events of the world have a way to grind one down and make us forget in our lives what is precious and dear. On occasion we exchanged messages on twitter. I bought his monumental Terres Creuzes and Retrofictions, and they have a special place in my library.

I miss Joseph. He was the last of the true savants, the giants in their chosen fields. I consider it a wonderful privilege to have met him and known him and corresponded with him. There is a vacuum now.

In his Terres Creuzes is buried a footnote, one of many. But in it, Joseph references a study of mine that was published in the French publication Gazette Forteene, calling my study 'definitive'. I later learned that Joseph appreciated my research and thought highly of it. This great honour he bestowed upon me. It is one of many examples of a person known for his kindness, generosity and good nature. I think about him now while I compose his obituary for a British publication.

The world seems unfair at times, snapping up what is good, inspiring and wonderful, leaving behind what is not, what is broken and rotten. My eyes wander over the tomes he wrote with Guy Costes. These monuments to his presence on earth remain. As does our collective memory of Joseph Altairac, a fellow fortean, a savant extraordinaire, and above all, a human being that was filled with shining light..

Theo Paijmans, the Netherlands

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Joseph,
Je ne te voyais plus qu’une ou deux fois l’an à peine, depuis mon départ de région parisienne, mais tu fais partie de ceux qui, comme beaucoup l’ont déjà dit et redit, savais communiquer ta passion, partager tes trouvailles, avec une bonhommie acidulée par l’ironie, jamais méchante, un puits de science, si si, un membre de la grande famille de la SF, un de ceux dont on peine à se souvenir de la première rencontre, tant s’impose l’impression que tu as toujours été là. De ceux qui vont nous manquer et nous manquent déjà.
Merci à toi Joseph, pour ces bons moments passés entre habitués du mercredi soir,  entre rempartistes et conventionneux.
Où que tu sois, j’espère que tu trouves le voyage à ton goût, que les merveilles de l’univers dépassent la fiction et te sont enfin révélées, parce qu’ici, ce n’est pas la joie, et ceux qui restent l’ont amère…
Heureusement qu’il nous reste la lecture tiens !

François Manson

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Sa disparition prématurée a été un choc au point qu'on a du mal à réaliser que cela s'est vraiment produit.
Cet été encore, durant la convention d'Orléans, à la terrasse de l'hôtel, le soir, je me souviens d'un fou-rire. Impossible de me rappeler le sujet de la conversation. Seule demeure le plaisir complice de cet amusement.
Joseph était la gentillesse incarnée. Il est impossible de se le représenter sans un sourire éclairant sa figure. Je ne me souviens pas de l'avoir vu s'emporter ou s'énerver. Quand il ne riait pas, il parlait de livres, les yeux mi-clos tandis qu'il compulsait la bibliothèque de sa mémoire.
       Celle-ci était phénoménale. Elle ne concernait pas que la littérature. Il m'a par exemple demandé des nouvelles sur des questions d'ordre privé dont je ne me souvenais même pas lui en avoir parlé.
      Sa générosité allait de pair. A une rencontre où nous apprenons que le repas n'est pas offert, il déclare au dessert : "Permets-moi de t'inviter". Il a aussi avancé pour moi des frais, sachant que le remboursement ne serait pas immédiat. Je suis sûr que je n'ai pas été le seul bénéficiaire de ces attentions.
J'ai eu la joie de recevoir le monumental Rétrofictions, et la surprise de l'apercevoir que j'étais crédité en tant que contributeur, pour avoir partagé avec lui quelques curiosités, dont la plupart du temps, bien sûr, il était déjà au courant. Du coup, je me suis efforcé de mériter ce trésor en lui adressant tout ce que je trouvais qui ne figurait pas dans l'Encyclopédie, et ce jusqu'à une date récente.
        Je ne pourrais situer la première rencontre. A une convention, forcément. Il était un pilier si familier qu'il me semblait qu'il serait toujours présent, secrétaire du prix Rosny aîné à perpétuité. Ce qu'il est probablement.
        Et à perpétuité dans nos cœurs, assurément.

        Salut, camarade !

Claude Ecken

Joseph Altairac à Nyons en 2008

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La mort de Joseph Altairac m’a laissé sans voix pendant dix jours. Impossible d’écrire un texte personnel sur lui. Trop de vide. Trop de tristesse.

Et puis hier, en feuilletant pour documentation L’île merveilleuse de Henri de Volta (un de ces vieux feuilletons des années 20 dont Joseph savait tout), j’ai été frappé par une scène familière.

Pour se rendre aux Roches-Noires, récif maudit qu’aucun marin ne veut aborder, les trois héros du livre sont contraints d’acheter à prix d’or une barque à un vieux loup de mer qui les regarde s’éloigner en murmurant : « En voilà qu’on ne reverra jamais. »

Scène familière et pour cause : elle se retrouve, presque au mot près, dans le septième album de Tintin, L’île noire.

Je n’ai pu m’empêcher de rire en pensant au plaisir que j’aurais eu à signaler cet emprunt inaperçu à Joseph, aux remarques narquoises qu’il m’aurait adressées en retour, et à la conversation que nous aurions (comme d’habitude) poursuivie par mails pendant quelques jours, le temps d’échanger nos dernières trouvailles et de faire le tour des projets en cours.

J’ai rencontré Joseph en 1990. André-François Ruaud, Michel Pagel et Roland C. Wagner me faisaient découvrir le milieu. C’était l’époque des microcons, organisées chez les uns et les autres. Celle-ci se déroulait – je crois – chez Bernard Dardinier et quand je suis entré, tout le monde était assis par terre dans le couloir. Joseph m’a fait une place à côté de lui ; cinq minutes plus tard, c’était comme si je l’avais toujours connu.

C’est Joseph qui, en quelques phrases magiques, m’a convaincu de revenir à l’écriture alors que j’étais sur le point de tout lâcher en 1992.

C’est lui qui, trois ans plus tard, a préfacé mon premier recueil de nouvelles chez Encrage où ses travaux, sur Lovecraft et bien d’autres sujets, étaient en train de prendre une ampleur impressionnante. A cette époque, on se voyait au moins une fois par semaine, aux Déjeuners du Lundi qui se tenaient encore rue des Canettes. Et on se retrouvait de temps en temps chez Gérard Klein pour un congrès informel que fréquentait aussi Michel Meurger.

C’est Joseph (avec son vieux complice Guy Costes) qui m’a fourni une bonne partie du sommaire de Chasseurs de chimères en 2006. Et je crois qu’il a été le premier à recenser La Brigade chimérique. On trouve encore sa note de lecture sur le site d’Actusf, en date du 29 août 2009 : « C'est un peu comme si mille et un ectoplasmes avaient suinté des mille et uns livres familiers et peu vraisemblables qui m'entourent et que je chéris... »

Il écrivait bien – ce n’est pas si fréquent chez les fans-collectionneurs. Il écrivait comme il parlait : avec une clarté parfaite. Discuter avec lui donnait toujours l’impression d’être invité à la table d’un conférencier. Il fermait les yeux et penchait légèrement la tête pour vous répondre, comme si le moindre échange était pour lui une occasion de se concentrer à fond.

A en croire le Bardo Thödol, le livre des morts tibétain, une dizaine de jours sont nécessaires aux défunts pour traverser les états intermédiaires précédant leur renaissance sous forme spirituelle. Cette référence aurait bien fait rire Joseph, prototype de rationnaliste pur et dur. Mais dix jours ont passé, et j’ai ri, hier, en découvrant dans L’île merveilleuse cette scène de barque pompée par Hergé. J’ai ri en pensant à Joseph, et je prends ça comme le signe de son arrivée à bon port.

Il était l’amitié même, la fidélité même – un de ces gardiens de la flamme qui vivent pour transmettre.

Son legs est gigantesque : des dizaines d’articles et d’essais d’une érudition sans faille, un savoir encyclopédique qui était avant lui le privilège d’une poignée de connaisseurs, et qu’il a rendu accessible à tous.

Il est mort et peut maintenant commencer sa vie posthume.

Rebonjour, Joe.

Serge Lehman

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Louviers, dans les années 2000. Une rencontre "Mauvais Genres" organisée par François Angelier au sein de la vieille bibliothèque du Musée.
Un lieu vénérable qui n'existe plus, les ouvrages trop fragiles, ayant été stockés ailleurs depuis.
Joseph Altairac est venu parler des terres creuses, je crois avec Michel Murger. Une discussion s'amorce à la sortie de la conférence, continue devant le musée et s'interrompt quand ses compagnons l'invitent à les rejoindre pour aller dîner.
Je ne sais plus sur quoi portait cette discussion mais j'ai la sensation qu'elle a continué chaque fois que j'entendais Joseph Altairac parler avec érudition et passion de Lovecraft, Bergier ou du prochain ouvrage qui l'attendait dans quelque brocante perdue.

Frédéric Bihel, auteur de bande dessinée

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