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4.25/5 (sur 6 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Lannion , le 25/08/1966
Biographie :

Gilles Philippe est un critique littéraire, linguiste et universitaire français.

Ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, agrégé de lettres modernes, il a soutenu sa thèse de doctorat en linguistique et littérature françaises en 1994, à l'Université d'Amiens.

Après avoir enseigné à l'Université Paris-3 Sorbonne-Nouvelle, Gilles Philippe est aujourd'hui professeur ordinaire de linguistique française à l'Université de Lausanne (UNIL).

Ses travaux portent sur l’histoire des pratiques stylistiques et des imaginaires langagiers aux 19e et 20e siècles.

Il est notamment l'auteur de "Le Français, dernière des langues. Histoire d'un procès littéraire", paru aux Presses universitaires de France en 2010. Ancien responsable de l'équipe Sartre de l'Item, il collabore régulièrement à la Bibliothèque de la Pléiade des éditions Gallimard, ainsi qu'à la revue "Genesis", dont il a dirigé le numéro 39.

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Source : France Inter et http://www.unil.ch
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Emmanuelle Lambert & Gilles Philippe - "Pléiade" Jean Genet


Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Bien que nous proposions ici un essai de méthode et
de problématisation, non une histoire des pratiques rédactionnelles, la question se pose de savoir sur quel corpus
de telles hypothèses peuvent être établies. Cette question,
nous aurons soin de la garder en mémoire tout au long
de notre parcours, mais nous ne nous y confronterons
directement que dans la conclusion de ce livre. Disons
simplement d’emblée que le présent ouvrage emprunte la
plupart de ses exemples à la prose romanesque française
produite depuis 1850. Pourquoi d’abord romanesque?
Nous y viendrons en temps voulu. Mais il est certain que
les textes dits d’Ancien Régime appelleraient une base
d’analyse différente de celle que nous proposerons ici15, et
Albert Thibaudet put dire en 1934 qu’il n’y aurait guère
de sens à parler d’évolution stylistique avant Flaubert,
qui, le premier, voulut un «français créé». Or, «l’expérience a montré […] (avec les Goncourt par exemple) que
le français écrit, transcendé, risque de se démoder beaucoup plus vite que le français moyen»16. Thibaudet reprenait l’adage : «Durer, c’est changer»; dès lors, durer, c’est
d’abord s’user. En inventant la nouveauté, Flaubert aurait
inventé l’usure. C’est prêter beaucoup à un seul homme,
et l’on considérera peut-être, plus largement, qu’apparu
dans le deuxième tiers du 19s
siècle, le terrorisme de la
nouveauté rendit bien plus sensible à la possible usure des formes et poussa bien des écrivains, dont Flaubert peut être, à se réinventer de livre en livre.
Gageons cependant que ce n’est là qu’un des moteurs
du changement stylistique.


15. Voir sur ce point Claire Badiou-Monferran, «Réflexions sur
l’histoire du changement stylistique : hypothèse événementielle, hypothèse variationniste et approche émergentiste», Cahiers de narratologie, 35, 2019, en ligne.
16. Albert Thibaudet, «Conclusions sur Flaubert» (1934), Réflexions
sur la littérature, Paris, Gallimard, «Quarto », 2007, p. 1517-1518. Il
est fort probable que Thibaudet mesure l’évolution de Flaubert à la
stabilité rédactionnelle que semble offrir l’œuvre de Balzac.
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Ainsi l’explication par la substitution devra-t-elle être
prise avec les précautions qu’on a dites : si elle est éligible
pour rendre compte de l’émergence du présent romanesque, elle ne l’est guère pour celle de l’indirect libre. Il
apparaît surtout qu’autant qu’une forme isolée, ce sont
des faisceaux de formes qui évoluent. Ce constat sert de
point de départ à une double étude sur des changements
à terme bref cette fois, dix ans, à partir de deux cas choisis pour leur complémentarité. Dans le premier (celui
de Gustave Flaubert), on interroge quelques glissements
imperceptibles, largement isolés; dans le second (celui de
Maurice Blanchot), on interroge à l’inverse une rupture
brusque, qui concerne moins des faits isolés que des faisceaux de faits.Le but de ces deux études n’est ni de ramener platement le changement stylistique qui s’observe entre deux
œuvres à la simple réorientation de la pratique esthétique
d’un même écrivain ni, à l’inverse, de ramener bêtement
ce changement à des évolutions collectives dont la réorientation d’une pratique individuelle serait un simple
reflet. Il s’agit d’abord de faire valoir ce que le dernier
chapitre de ce livre appelle le «régime d’historicité stylistique» des textes, c’est-à-dire la façon dont ils se situent
dans le mouvement évolutif. On y propose, pour le dire
ici rapidement, de considérer qu’un texte littéraire est
toujours polychronique, et l’on y vérifie, notamment dans
la lecture d’extraits d’Émile Zola et de Georges Bataille, le
rendement d’une idée si bien formulée par Iouri Tynianov
et Roman Jakobson en 1928 :
Le synchronisme pur apparaît maintenant comme une
illusion : chaque système synchronique contient son passé et son avenir qui sont ses éléments structuraux inhérents (a/ l’archaïsme comme fait de style; l’arrière-fond
linguistique et littéraire que l’on sent comme un style
dépassé, désuet; b/ les tendances novatrices dans la
langue et en littérature, senties comme une innovation
du système).
L’opposition de la synchronie à la diachronie opposait
la notion de système à celle d’évolution; elle perd son
importance de principe, puisque nous reconnaissons
que chaque système apparaît obligatoirement comme
une évolution et que, d’autre part, l’évolution possède
inévitablement un caractère systématique14.

14. I. Tynianov & R. Jakobson, «Problèmes des études linguistiques
et littéraires», p. 141.
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Qu'on la dise décadente ou symboliste, la phrase de Proust lycéen heurtait déjà la conception académique de la langue, comme le montre une anecdote rapportée par André Ferré. Après qu'un professeur eut lu la composition de Proust, un inspecteur se serait écrié: "N'avez-vous point, parmi les derniers de votre classe, un élève écrivant plus clairement et plus correctement en français?" (p.425)
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Dans le sillage de ces remarques liminaires, le premier
chapitre du présent ouvrage cherche à évaluer l’apport
des grandes réponses parfois proposées à la question du
changement des pratiques rédactionnelles : le style des
écrivains change parce que les écrivains changent (c’est
la réponse auteuriste), parce que l’influence d’un écrivain
en bouleverse le cours (c’est la réponse généalogique),
parce que les temps changent (c’est la réponse externe) ou
parce qu’il est dans sa nature de changer (c’est la réponse
interne). Le deuxième chapitre fait valoir l’hypothèse que,
loin de l’idée commune selon laquelle les pratiques stylistiques seraient par définition anomiques, leur évolution
est gouvernée par une dynamique des normes, dont on
étudiera un exemple paradoxal, le terrorisme du «mal
écrit» auquel se plia la littérature restreinte dans la France
des années 1950.
Le troisième chapitre a encore une ambition d’abord
théorique : il tente d’articuler moments et mouvements,
c’est-à-dire deux évidences. La première, c’est que l’on
peut faire apparaître une cohérence entre pratiques rédactionnelles et sensibilités littéraires et langagières, quel que
soit le point où l’on opère une coupe dans l’histoire des
formes. La seconde, c’est qu’il faut articuler ces moments
avec le mouvement qui modifie en permanence ces cohérences, sans pour autant faire valoir des ruptures si fortes
que la diachronie serait simplement émiettée en une série
de synchronies successives et autonomes. C’est ce que
nous verrons en procédant à deux coupes distantes d’un
siècle : l’une en 1880, l’autre en 1980.
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héorique : il tente d’articuler moments et mouvements,
c’est-à-dire deux évidences. La première, c’est que l’on
peut faire apparaître une cohérence entre pratiques rédactionnelles et sensibilités littéraires et langagières, quel que
soit le point où l’on opère une coupe dans l’histoire des
formes. La seconde, c’est qu’il faut articuler ces moments
avec le mouvement qui modifie en permanence ces cohérences, sans pour autant faire valoir des ruptures si fortes
que la diachronie serait simplement émiettée en une série
de synchronies successives et autonomes. C’est ce que
nous verrons en procédant à deux coupes distantes d’un
siècle : l’une en 1880, l’autre en 1980.
Les trois chapitres suivants posent de façon plus
frontale la question de la temporalité et des modalités
des évolutions stylistiques. On s’y arrête d’abord sur les changements à terme long, décrits sur environ un siècle
et demi de prose romanesque française, à partir de deux
cas bien différents, l’un relevant principalement d’une
logique d’ajout dans le système, l’autre d’une logique de
remplacement : l’émergence du discours indirect libre
d’une part, l’émergence du présent romanesque d’autre
part13. Au-delà des propositions historiographiques que
l’on y avance (en prenant notamment en compte les facteurs accélérants et les facteurs retardants dans l’évolution
stylistique), on s’y interroge sur ce qui fait qu’une option
rédactionnelle auparavant peu sollicitée se voit soudain
si fortement mobilisée qu’elle en vient à connaître à son
tour une forme d’usure.
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Qu’importe après tout si les formes changent. La littérature du passé nous semble tout entière coprésente à ellemême, à nous-mêmes. Dans une conférence prononcée
vers 1970, Mario Praz reprenait ainsi une réflexion amorcée par T. S. Eliot en 1917, récusant l’idée d’une pure
«passéité du passé» littéraire : «la littérature européenne
dans sa totalité […] a une existence simultanée et constitue un ordre simultané1 ». Notre lecture est cumulative
et non linéaire : nous faisons dialoguer Madame Bovary
et Mrs Dalloway comme des textes contemporains, non
comme des romans parus en 1857 ou 1925. Plus récemment encore, Judith Schlanger nous rappelait que «la
mémoire culturelle a une organisation dyschronique»,
puisque ses contenus «sont présents tous à la fois», et
elle convoquait une notion chère à la pensée allemande
de l’entre-deux-guerres, celle de la «simultanéité des
non-contemporains»2
. Mais ni Eliot, ni Praz n’excluaient
que la mémoire littéraire fût malgré tout travaillée par
un souci chronologique, et Schlanger insistait sur le fait
que la coprésence du patrimoine culturel ne signifiait pas
que la mémoire suspendît totalement sa stratification
chronologique.

1. T. S. Eliot, «Tradition and the Individual Talent» (1917), repris
dans The Sacred Wood (1928), Londres, Methuen, 1986, p.49; Mario
Praz, «La funzione della critica nel campo della tradizione letteraria »,
Belfagor, LIX/6, 2004, p. 664.
2. Judith Schlanger, La Mémoire des œuvres (1992), Lagrasse, Verdier,
2008, p.137.
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On l’a dit, longtemps ce type de questionnement fut
réservé à l’étude des genres littéraires. Une formulation
caricaturale est demeurée célèbre, selon laquelle ceux-ci
auraient «une existence comparable à la vôtre ou à la
mienne, avec un commencement, un milieu et une fin11 ».
Comme Ferdinand Brunetière, les formalistes russes des
années 1920 se sont principalement intéressés aux étapes
que suit l’évolution des formes textuelles ou génériques
comme le récit ou le roman, ou semi-génériques comme
le vers. Mais ils nous ont aussi fourni une base pour l’analyse de l’usure stylistique, et l’on trouve d’intéressantes
propositions chez Victor Chklovski, mais surtout, dans
son sillage et à nouveau, chez Iouri Tynianov : «l’usure
d’un élément littéraire», nous dit-il, n’implique pas nécessairement sa disparition : «seule sa fonction change, [elle]
devient auxiliaire»12. C’est ce que Tynianov appelait,
selon la traduction de Tzvetan Todorov, un fait d’« automatisation», c’est-à-dire de banalisation, de clichéisation,
pourrait-on dire, et qu’il compare à la désémantisation de
la métaphore dans la catachrèse. Ainsi pourrait-on dire
qu’il y a littérarisation, lorsqu’une option rédactionnelle
se routinise, perdant peu à peu la saillance stylistique et
la puissance expressive que lui conférait sa nouveauté. Or,
une telle perte est d’autant plus sensible que la modernité fait précisément de la nouveauté, de l’originalité, de
la singularité la base première d’attribution de la valeur
esthétique.
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Tous quatre estiment qu’il faut croiser plusieurs facteurs pour comprendre pourquoi telle forme s’est imposée à tel moment de l’évolution littéraire. Ils récusent au
moins implicitement toute vision téléologique de l’évolution stylistique, tout mouvement orienté comparable, par
exemple, à certaines évolutions observables dans l’histoire
des langues. Tous quatre donnent privilège aux facteurs
historiques externes à la littérature pour expliquer l’advenue des pratiques nouvelles. Mais ils s’entendent aussi sur
un autre point : c’est que l’usure des formes relève d’une
sorte d’automaticité, qui n’appelle pas le déploiement
d’hypothèses complexes ou hasardeuses; il s’agit cette fois
d’un mécanisme interne : il est dans la nature même des
formes de s’user. Aussi glissent-ils si volontiers sur ce premier mécanisme, qu’ils ne mentionnent qu’au passage et
qu’ils articulent au second par une loi de «substitution» :
les formes neuves remplacent les formes usées. Cette
mécanique du remplacement de l’ancien par le nouveau
n’est cependant parfois qu’une illusion. Ce n’est pas parce
qu’une forme recule et qu’une autre émerge sur la même
position dans le système qu’il y a pour autant substitution de la seconde à la première. Une chose n’en est pas
moins sûre : en régime esthétique, les formes langagières
finissent toujours par se banaliser et par perdre de leur
rendement expressif. C’est déjà un point de départ.
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Longtemps, l’observation du changement formel se
limita à la seule évolution des genres littéraires. Y échappait largement, du moins pour la modernité des xixe
et
xxe
siècles, celle des pratiques rédactionnelles, au prétexte que celles-ci relevaient d’abord du style, entendu
comme signature singulière d’une personnalité singulière.
L’analyse de leur évolution d’un point de vue qui ne fût
pas individuel entrait certes parmi les tâches que Viktor
Vinogradov assignait à la stylistique en 1922, mais seulement dans un second temps et de manière secondaire. Il
lui importait d’abord de décrire le style personnel comme
un tout organique et expressif hors de toute contextualisation, puis de s’interroger sur sa possible dynamique
évolutive, puisqu’il fallait bien admettre que les écrivains
changeaient de plume au fil des ans. Ce n’était qu’ensuite et presque à contrecœur que Vinogradov acceptait
de confronter les pratiques d’un auteur avec celles de ses
confrères ou, selon une méthode «rétrospective et projective», de rapprocher telle pratique de telles autres dans
la succession des temps, afin d’établir des ressemblances
susceptibles d’interprétation3


. 3. Viktor Vinogradov, «Des tâches de la stylistique» (1922), dans
Tzvetan Todorov, Théorie de la littérature : textes des formalistes russes,
Paris, Seuil, «Points», 2016, p. 110-115.
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C’est pourtant bien parmi les formalistes russes des
années 1920 (auxquels, il est vrai, Vinogradov n’est pas
rattachable de plein droit) que nous trouverons bientôt
quelques-uns de nos premiers interlocuteurs. Mais l’on
partira tout d’abord d’un constat dont, en 1982, Howard
Becker put interroger l’évidence : les systèmes esthétiques même les plus complexes, sont soumis à des évolutions qui
se réalisent sous deux modes, celui, d’une part, du changement continu, du glissement progressif et imperceptible,
celui, d’autre part, de la rupture brusque, souvent accompagnée de polémiques et de manifestes4
. Cette dichotomie ne doit bien sûr pas être radicalisée, non seulement
parce que bien des cas intermédiaires sont attestés, mais
aussi parce que les deux types d’évolution se combinent
le plus souvent. Ainsi un choix formel «révolutionnaire»
peut-il perdre de sa superbe et être peu à peu intégré dans
l’appareil des formes usuelles, si bien que « certains écarts
par rapport aux normes finissent par devenir des conventions à part entière5 ».

, 4. Voir Howard Becker, «Changements continus et révolutions», Les
Mondes de l’art (1982), trad. J. Bouniort, Paris, Flammarion, 2010,
p. 302-310.
5. Ibid., p. 304.
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