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Jean-Jacques Henner : des ténèbres à la lumière

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Ni symboliste, ni romantique, ni académique, la peinture ténébreuse de Jean-Jacques Henner a connu la gloire sous la Troisième République, avant de sombrer dans un relatif oubli. Cet automne, le musée des Beaux-Arts de Strasbourg rend hommage à cet Alsacien, maître des atmosphères vaporeuses, dont l’œuvre est trop souvent réduite à ses nus de rousses diaphanes.
Jean-Jacques Henner, Autoportrait
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Jean-Jacques Henner, Autoportrait, 1877

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Un Alsacien à Paris

Né à Bernwiller, en Alsace, en 1829, Jean-Jacques Henner a bien cru ne jamais connaître le succès. Élève auprès du peintre d’histoire Gabriel-Christophe Guérin, auprès de qui il s’initie au modèle vivant, le jeune peintre a connu trois échecs au Prix de Rome. Mais une fois reconnu et installé sur la place de Paris, il s’imposera comme l’un des artistes majeurs de son temps, récompensé aux Salons et aux Expositions universelles. Dans cet autoportrait réalisé à la fin des années 1870, il assoit son statut d’artiste. Profil de trois quarts et l’air impassible, son visage lumineux semble surgir de l’obscurité.

Huile sur toile • 46 x 38,5 cm • Coll. Musée national Jean-Jacques Henner, Paris • © RMN- GP / Franck Raux

Jean-Jacques Henner, Rome, terrasse de la Villa Médicis
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Jean-Jacques Henner, Rome, terrasse de la Villa Médicis, 1860

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Coup de foudre à la Villa Médicis

« Être ici, n’avoir besoin que de voir de belles choses, n’avoir pas besoin de s’occuper de son lendemain et devoir tout cela à soi-même ! » En 1859, le peintre, lauréat du Prix de Rome à 29 ans, partage son enthousiasme dans une lettre adressée à Charles Goutzwiller. Enchanté par la Ville éternelle et la Villa Médicis, il se délecte de l’effervescence artistique qui l’entoure. Henner peint sur le motif, saisissant le pittoresque. Sa palette quant à elle se pare de tons plus chatoyants, comme en témoigne cette vue de la terrasse de la villa où défilent sous les yeux inspirés du peintre toutes sortes de personnages typiques (religieux, paysans et dames du monde).

Huile sur toile • 59 x 115 cm • Coll. Musée national Jean-Jacques Henner, Paris • © RMN- GP / Franck Raux

Jean-Jacques Henner, L’Alsace. Elle Attend
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Jean-Jacques Henner, L’Alsace. Elle Attend, 1871

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Icône alsacienne

Cette œuvre a fait basculer la carrière d’Henner. Une pâle jeune fille en tenue de deuil, dont la coiffe est rehaussée d’une cocarde tricolore, se tient droite et nous fixe intensément. Le peintre, fortement attaché à ses origines, livre une puissante allégorie – bien que pleine d’humilité – de l’Alsace annexée par l’Empire allemand, suite à la défaite de la France en 1870. Une œuvre qui lui vaudra, en plein contexte d’exacerbation du sentiment patriotique, les honneurs de la IIIe République. Elle sera d’ailleurs offerte à Léon Gambetta, qui la conservera précieusement jusqu’à sa mort, la nommant « ma fiancée ».

Huile sur toile • 60 x 30 cm • Coll. Musée national Jean-Jacques Henner, Paris • © RMN-GP / Franck Raux

Jean-Jacques Henner, Idylle
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Jean-Jacques Henner, Idylle, 1872

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Divine idylle

En 1872, Henner présente au Salon Idylle, un tableau de petit format représentant deux femmes nues à la beauté évanescente, se tenant au bord d’un puits. Celui-ci marque un tournant dans l’œuvre du peintre : pour les trente prochaines années, il se consacre au corps féminin. Naïade, Nymphe qui pleure ou encore Solitude : les gracieux nus féminins d’Henner sont semblables à des apparitions fantomatiques, évoluant dans des paysages sombres et mélancoliques.

Huile sur toile • 76,5 x 62 cm • Coll. Musée national Jean-Jacques Henner, Paris • © RMN-GP / Hervé Lewandowski

Jean-Jacques Henner, La Liseuse ou La Femme qui lit
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Jean-Jacques Henner, La Liseuse ou La Femme qui lit, 1883

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« L’éternelle corrégienne »

C’est sans conteste l’œuvre la plus célèbre du peintre. Allongée sur ce qui semble être une peau de bête, une jeune femme nue à la chevelure flamboyante est plongée dans sa lecture, la tête posée au creux de sa main. Telle une apparition au cœur de l’obscurité, sa peau d’albâtre irradie d’une douce lumière. L’artiste démontre ici toute sa maestria, déployant sur cette toile vaporeuse un subtil camaïeu de bruns. Le modèle incarne à elle seule « l’éternelle corrégienne de M. Henner », fustigée dans les colonnes du Figaro par Octave Mirbeau, passablement lassé des nus éthérés du peintre, qui ont souvent fait l’objet de rapprochements avec la peinture du Corrège.

Huile sur toile • 94,2 x 123 cm • Coll. Musée national Jean-Jacques Henner, Paris • © RMN-GP (musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Jean-Jacques Henner, Saint Sébastien (soigné par les femmes romaines)
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Jean-Jacques Henner, Saint Sébastien (soigné par les femmes romaines), 1888

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Un martyr en clair-obscur

Jean-Jacques Henner s’empare ici du mythe de saint Sébastien, topos de la peinture occidentale – qui s’avère être aussi pour les artistes l’occasion de représenter le corps d’un bel homme, dans le cadre admis par l’Église. L’artiste peint le saint après son martyre, la peau livide, le bras droit englouti dans l’obscurité. Difficile ici de distinguer les silhouettes des femmes qui, tapies dans l’obscurité, viennent lui porter secours… Une vision douloureuse nimbée de mystère.

Huile sur toile • 150 x 125 cm • Coll. Musée national Jean-Jacques Henner, Paris • © RMN- GP / Franck Raux

Jean-Jacques Henner, Le Christ en croix
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Jean-Jacques Henner, Le Christ en croix, 1889

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Face-à-face avec la mort

À l’instar de Théodule Ribot – à l’honneur au musée des Augustins à Toulouse à partir du 16 octobre –, Henner est particulièrement inspiré, pour ses compositions religieuses, par les écoles naturalistes du Nord et de l’Espagne. Certaines œuvres le marqueront particulièrement, comme le Christ en Croix (1523–1525) de Matthias Grünewald ou encore Le Christ mort (1521) d’Hans Holbein. Toute sa carrière, le peintre réalisera de nombreux tableaux représentant le corps du Christ, en cherchant toujours à concilier nature humaine et divine. Des œuvres poignantes qui apparaissent comme une longue méditation face à la mort.

Huile sur toile • 207 x 142 cm • Coll. Musée des Beaux-Arts, Strasbourg • © Musées de Strasbourg / M. Bertola

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Jean-Jacques Henner. La chair et l’idéal

Du 8 octobre 2021 au 24 janvier 2022

www.musees.strasbourg.eu

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Alsace ! Rêver la province perdue

Du 6 octobre 2021 au 7 février 2022

musee-henner.fr

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Jean-Jacques Henner dessinateur

Du 9 octobre 2021 au 30 janvier 2022

beaux-arts.musees-mulhouse.fr

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