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Julia Margaret Cameron en 2 minutes

En bref

Pionnière de la photographie au XIXe siècle, Julia Margaret Cameron (1815–1879) a débuté sa brève mais néanmoins prolifique carrière à l’âge de 48 ans. Centré sur la figure humaine, le travail de cette fervente chrétienne, mère de six enfants, est inspiré de récits littéraires et de mythes bibliques, et met en scène ses proches qu’elle fait longuement poser face à son imposante chambre sur pieds. Contrairement à ses pairs en quête de l’image parfaite, Julia Margaret Cameron revendique les accidents techniques et l’utilisation du gros plan, qu’elle est l’une des premières à employer. Critiquée de son vivant pour ses mises en scène ampoulées et son recours assumé au soft focus, qui confère à ses images une impression de flou, la photographe tombe dans un relatif oubli avant la redécouverte progressive de son œuvre au XXe siècle.

Henry Herschel Hay Cameron, Mrs Julia Margaret Cameron
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Henry Herschel Hay Cameron, Mrs Julia Margaret Cameron, 1867

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épreuve sur papier albuminé • The Royal Photographic Society Collection at the V&A • © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund

Elle a dit

« J’aspirais à saisir la beauté qui s’offrait à moi, sous toutes ses formes, et cette aspiration a finalement été satisfaite. »

Sa vie

Une vie entre les Indes et l’Europe

Née en 1815 à Calcutta dans les Indes anglaises, d’une mère aristocrate française et d’un père employé de la Compagnie britannique des Indes orientales, Julia Margaret Cameron a passé son enfance entre la France et l’Angleterre. Elle revient vivre dans sa région natale en 1838, après son mariage avec Charles Cameron, qui possède à Ceylan (actuel Sri Lanka) des plantations de café.

Un cercle d’intellectuels

Le couple et leurs quatre enfants reviennent en Angleterre lorsque Charles prend sa retraite, en 1848, et s’installent d’abord à Londres, puis sur l’île de Wight. Julia Margaret Cameron, qui a donné naissance à deux autres garçons, évolue alors dans un cercle mondain et intellectuel. Les Cameron s’entourent de nombreux poètes, peintres, écrivains, scientifiques…

Une carrière qui débute sur le tard

En 1863, le jour de ses 48 ans, elle se voit offrir par sa fille aînée un cadeau qui va changer le cours de sa vie : un appareil photo ! Elle se lance alors pleinement dans une carrière de photographe et prend d’abord pour modèles les membres de sa famille, mais aussi ses employés de maison, des habitants de l’île de Wight ou bien ses voisins célèbres, comme le poète Alfred Tennyson.

Des débuts professionnels

Bien qu’autodidacte, Julia Margaret Cameron se mue en véritable photographe professionnelle : elle transforme son poulailler en studio, commercialise ses portraits, revendique des droits d’auteurs et devient membre de la Photographic Society of London dès ses débuts. Elle reste néanmoins hostile aux usages de la photographie commerciale, préférant toujours les grands formats et les temps de pose longs.

Inspirée par la littérature et la religion

Julia Margaret Cameron s’affranchit des conventions techniques et rejette la précision. Au contraire, la photographe travaille avec une chambre sur pieds, au maniement particulièrement complexe, et laisse apparaître les accidents telles les rayures et autres bavures. Comme nimbées d’un flou spectral, ses photographies s’inspirent de récits de la littérature classique ou de mythes incarnés par des modèles non-professionnels, qui revêtent toutes sortes de costumes et d’accessoires et posent comme les personnages des toiles des maîtres italiens de la Renaissance. Fervente croyante, la photographe considère chacun de ses portraits comme « l’incarnation d’une prière ».

Redécouverte par Virginia Woolf

Peu, voire mal considéré par ses pairs, le travail de Julia Margaret Cameron est néanmoins défendu par le Victoria & Albert Museum, qui lui achète des dizaines d’épreuves (et qui possède aujourd’hui la plus vaste collection d’œuvres de l’artiste). En 1875, la photographe retourne à Ceylan où elle s’éteint quatre ans plus tard des suites d’une maladie fulgurante. Son œuvre tombe peu à peu dans l’oubli, avant qu’elle soit redécouverte par sa petite-nièce, l’immense écrivaine Virginia Woolf, qui lui consacre sa toute première monographie, coécrite avec Roger Fry en 1926.

Ses œuvres clés

Julia Margaret Cameron, La Madonna Aspettante / Yet a little while [La Madonne qui attend / Encore un peu]
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Julia Margaret Cameron, La Madonna Aspettante / Yet a little while [La Madonne qui attend / Encore un peu], 1865

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Tirage albuminé • Victoria & Albert Museum, Londres • © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund

La Madonna Aspettante / Yet a little while, 1865

Julia Margaret Cameron, fervente chrétienne et mère d’une famille nombreuse, a consacré une part importante de son œuvre aux sujets religieux, en particulier aux représentations de la Vierge Marie. La Madone est incarnée par sa femme de chambre, Mary Hillier qui pose très régulièrement pour la photographe. Ce type de mise en scène, qui emprunte beaucoup aux pietà des maîtres de la Renaissance italienne, ont valu à leur autrice de virulentes critiques de la part de ses pairs masculins. Des attaques qui n’ont nullement troublé la poursuite de la pratique singulière de Cameron.

Julia Margaret Cameron, The Astronomer John Frederick William Herschel [L’astronome John Frederick William Herschel],
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Julia Margaret Cameron, The Astronomer John Frederick William Herschel [L’astronome John Frederick William Herschel], , 1867

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Tirage albuminé • Victoria & Albert Museum, Londres • © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund

The Astronomer John Frederick William, 1867

Julia Margaret Cameron réalise aussi bien les portraits de parfaits inconnus comme ceux d’éminentes personnalités, à l’image de Sir John Frederick William Herschel, astronome également reconnu pour ses contributions fondamentales à la photographie. L’artiste rejette ici toutes les conventions académiques du portrait commercial : le visage de l’astronome surgit de l’obscurité, nimbé d’un flou spectral, le regard tourné vers le ciel, comme pour rappeler sa discipline.

Julia Margaret Cameron, The Rosebud Garden of Girls [La roseraie des jeunes filles]
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Julia Margaret Cameron, The Rosebud Garden of Girls [La roseraie des jeunes filles], 1868

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Tirage albuminé • Victoria & Albert Museum, Londres • © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund

The Rosebud Garden of Girls, 1868

Cinq adolescentes, l’air rêveur posent dans un décor fleuri, comme enveloppé de brume. Inspirée d’un vers de Maud, un poème d’Alfred Tennyson, qui qualifie son héroïne de « Reine des roses dans la roseraie des jeunes filles », cette composition évoque les toiles préraphaélites de Dante Gabriel Rossetti et Edward Burne-Jones. Comme eux, la photographe cultive une iconographie mélancolique et développe une esthétique aux antipodes des canons classiques alors en vogue dans l’Angleterre victorienne.

Julia Margaret Cameron, I Wait [J’attends]
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Julia Margaret Cameron, I Wait [J’attends], 1872

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Tirage albuminé • Victoria & Albert Museum, Londres • © The Royal Photographic Society Collection at the V&A, acquired with the generous assistance of the National Lottery Heritage Fund and Art Fund

I Wait, 1872

Les références aux maîtres italiens sont omniprésentes dans l’œuvre de Julia Margaret Cameron. Elle s’inspire ici des putti qui peuplent les œuvres de la Renaissance, en particulier d’un chérubin figurant aux pieds de la Madone Sixtine de Raphaël, dont le modèle, la petite nièce de la photographe, en portant deux grandes ailes de cygne emprunte fidèlement la pose. Emblématique de l’œuvre de Cameron, cette image est aussi un parfait exemple de l’utilisation par l’artiste du soft focus, une technique donnant aux image un effet de flou et de douceur vaporeuse.

Par • le 30 octobre 2023
Retrouvez dans l’Encyclo : Julia Margaret Cameron

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