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Ford Scorpio, la fin du haut-de-gamme généraliste

Née en 1985, la Ford Scorpio fête ses trente ans. Elle symbolise la fin inéluctable des grandes berlines des constructeurs généralistes, au profit des marques plus haut-de-gamme.

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Ford Scorpio (1985)
Ford Scorpio (1985).
Image © Ford

Les années 1980 ressemblaient encore à une époque bénie pour les grandes berlines. Guère gênées par les monospaces et SUV, catégories alors balbutiantes voire inexistantes, les Renault 25, Citroën CX et autre Opel Rekord parvenaient à soutenir des cadences de ventes tout à fait honorables. C'est dans ce contexte favorable que Ford renouvela son offre sur le segment supérieur. La très classique Ford Granada cède ainsi la place à la bien plus futuriste Scorpio en 1985. Malgré les auspices favorables, cette grande berline sera l'ultime proposée par Ford. Une situation semblable à celle de nombreux concurrents.

Le lancement de la Scorpio suivit de deux ans celui de sa petite sœur la Sierra. Dessinée par Patrick Le Quément, cette dernière adoptait un style aérodynamique très moderne, directement inspiré par le concept-car Probe III dévoilé au Salon de Francfort en 1981. Basée sur la plateforme allongée de la Sierra, la Scorpio s'en inspira également sur le plan du style. Au point que Ford présenta sa nouveauté comme le "vaisseau du futur". Pour asseoir sa modernité, la grande Ford choisir de proposer l'ABS de série sur toutes ses versions (un système signé Teves), une première sur un modèle de grande diffusion.

 

A son lancement, la Scorpio fut bien accueillie par la presse, au point qu'elle remporta le titre de Voiture de l'année 1986. Les journalistes louèrent son habitabilité, les nombreux réglages qui autorisent une bonne position de conduite ou encore un comportement routier bien meilleur que celui de sa devancière la Granada, grâce en particulier au train arrière multibras sophistiqué. Reste que les moteurs (en particulier le vieillissant quatre-cylindres "Pinto" d'entrée de gamme) faisaient leur travail honnêtement mais sans éclat.

De belles prestations, sans le luxe des blasons prestigieux

Par ailleurs, l'absence de carrosserie tricorps au lancement semblait cruellement manquer sur un segment où l'apparence cédait le pas aux aspects pratiques. Enfin, la comparaison avec des modèles plus haut-de-gamme faisait ressortir la qualité de construction moindre de la grande Ford. C'est ainsi que la Scorpio apparut en retrait dans un comparatif organisé sur les routes d'Alsace par les britanniques de Car Magazine. Si elle ne déméritait pas intrinsèquement (sauf par un maintien de caisse perfectible néfaste au confort), elle ne jouissait pas de la même valeur résiduelle que la Mercedes-Benz 230E, alors que la Saab 9000 Turbo disposait d'un intérieur plus chaleureux et mieux assemblé. Déjà à l'époque, l'avènement des constructeurs dits premium commençait à nuire aux généralistes sur le marché des grandes berlines.

Merkur Scorpio (1989)En Amérique du Nord, la Scorpio fut lancée sous le blason Merkur. Image © Ford

La Scorpio rencontra un succès honorable. Ses qualités furent même reconnues aux Etats-Unis, où elle fut brièvement commercialisée sous le blason Merkur, qui diffusait également la Sierra dans les concessions Lincoln et Mercury. Malheureusement, la communication absconse autour de cette griffe ruina la carrière outre-Atlantique de celle qui était présentée comme "the German premium car" (la voiture haut-de-gamme allemande), eu égard à sa conception dans les bureaux d'étude de Cologne. Pourtant, ses qualités routières et pratiques, assorties d'une suspension assouplie pour correspondre aux goûts américains, furent louées par la presse spécialisée.

En version tricorps, la Scorpio rentre esthétiquement dans le rang

En 1989, Ford remplaça ses moteurs d'entrée de gamme par un quatre-cylindres à double arbre à cames en tête bien plus moderne. A défaut d'offrir plus de caractère que son prédécesseur, celui-ci savait mieux contenir son appétit. S'en suivit un an plus tard l'arrivée d'une version tricorps, plus en ligne avec les demandes de la clientèle. Allongée, plus classique et élégante, elle cadrait en effet bien mieux avec les aspirations d'une clientèle haut-de-gamme. Reste que si le cuir optionnel pouvait faire illusion sans problème (du point de vue de l'aspect comme de l'odeur, à en croire The Automobile Association), les placages en faux-bois ne permettaient toujours pas d'aller chercher les Saab 9000 CD (le constructeur suédois suivit le même chemin que Ford en dérivant une berline classique de son originale 9000 à hayon) et Audi 100, auxquelles Car Magazine compara la nouveauté.

Ford Scorpio 4p (1990)Ford Scorpio 4p (1990). Image © Ford

Au milieu des années 1990 se posa le problème de remplacer la Scorpio. Certes, l'auto remplit son objectif commercialement mais le segment des grandes berlines se réduisait comme peau de chagrin, devenant la chasse gardée des constructeurs haut-de-gamme. En cause : l'apparition des monospaces, à la fois plus compacts et plus pratiques. En effet, si le Renault Espace et le Chrysler Voyager étaient à peu près seuls au monde au lancement de la première Scorpio, les projets fleurissaient à la fin de sa vie, avec l'apparition en particulier du quatuor Peugeot 807 – Citroën Evasion – Lancia Zeta – Fiat Ulysse. Ford lui-même fourbissait ses armes par le biais d'un accord avec Volkswagen, qui donna naissance aux Ford Galaxy, Volkswagen Sharan et Seat Alhambra, alors que General Motors s'apprêtait à importer la version courte du Chevrolet Venture sous le nom d'Opel Sintra.

Avec l'émergence d'un genre nouveau, particulièrement adapté aux familles, la clientèle en quête d'espace se détourna des berlines traditionnelles. Les amateurs de silhouette classiques qui demeuraient, cherchaient avant tout à affirmer leur statut et se tournaient pour cela vers BMW, Mercedes-Benz, Audi et, dans une moindre mesure, Saab, Volvo et Alfa Romeo. En 1994 toutefois, le déclin amorcé n'était pas encore totalement confirmé. Ford décida donc de renouveler sa Scorpio, tout en conservant la plateforme, la structure et une bonne partie des éléments mécaniques de la précédente génération.

La Scorpio II, tentative désespérée d'originalité

Pour grimer une auto âgée de près de dix ans, les stylistes firent du zèle, enfantant de ce qui est considéré comme une des voitures les plus laides de son époque. Ce style fut décrié au point que le magazine Top Gear lui octroya d'office la dernière place dans un comparatif face aux Opel Omega et Nissan Maxima QX, malgré des qualités intrinsèques encore d'actualité, qui lui auraient permis de bien mieux figurer. Jeremy Clarkson, alors journaliste au Times, affirma même que l'évocation de la Scorpio est une manière implacable de clore toute discussion cherchant à déterminer quelle est la voiture la plus laide en production.

Ford Scorpio (1994)Ford Scorpio (1994). Image © Ford

En effet, la calandre ovale et les petits phares arrondis de la Scorpio de deuxième génération dénotaient clairement dans une catégorie plus que conservatrice. L'arrière, arborant un bandeau de feux chargé de chrome, divisait encore plus. Au moins le break échappait-il à cet "ornement". A l'intérieur, on trouvait une nouvelle planche de bord, au faux bois luxuriant et aux lignes inspirées par la petite sœur Mondeo. Sans surprise, avec un physique aussi difficile, la Scorpio II connut une carrière des plus discrètes, avec à peine 100.000 exemplaires vendus. Ce malgré une vaine tentative d'émousser son originalité début 1998, quelques semaines avant son retrait définitif du catalogue.

La disparition de la Scorpio et le style alambiqué de sa dernière mouture sont symptomatiques du déclin des grandes routières des constructeurs généralistes. Nombreuses sont celles qui, comme la Renault Vel Satis, la Lancia Thesis ou encore la Citroën C6, ont tenté la voie de l'originalité pour éviter la concurrence frontale des allemandes toutes-puissantes. Peine perdue. Si Opel a su faire perdurer le succès de son Omega un peu plus longtemps que la moyenne, c'est avant tout parce que cette auto reprenait une base vendue partout dans le monde, à commencer par l'Australie où elle fut conçue par la marque nationale Holden. Reste que, comme toutes ses concurrentes ou presque, la marque de Rüsselsheim a aujourd'hui une Insignia qui remplace à la fois les Vectra et Omega. Ceci après avoir lui aussi brièvement tenté l'originalité avec la Signum.

Ford Scorpio (1994)Ford Scorpio (1994). Image © Ford

Malgré cette descente en gamme effective, le gabarit des familiales actuelles tend toutefois à se rapprocher, voire même à dépasser celui des routières d'antan. Témoin, la nouvelle Mondeo, longue de 4,87 m (soit 20 cm de plus que la première Scorpio !) pour plaire tant en Amérique du Nord qu'en Europe. Notons par ailleurs que le constructeur à l'Ovale bleu n'a pas tout perdu dans sa volonté de séduire les familles. Il est en effet aujourd'hui un des rares à conserver deux grands monospaces, les S-Max et Galaxy, à son catalogue, alors que cette catégorie qui a supplanté celle des grandes berlines, subit à son tour les assauts répétés des SUVs.

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