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Sébastien Lapaque attaque l’Immonde

Charge contre la société consumériste ; joie de la conversion catholique. Sébastien Lapaque transcende la littérature actuelle. Ça fait un bien fou !

Temps de lecture: 3 min

Ou elle se regarde le nombril, ou autre chose ; ou elle thrille de tous côtés, joyeuse et bécasse dans un monde imbécile qui ne pense qu’à consommer. La littérature actuelle est particulière, étonnante par certains côtés, rasoir et aride trop souvent. Sébastien Lapaque a choisi de ne pas jouer dans la même cour de récréation ; on est en droit de s’en réjouir. À l’Immonde, cette cochonnerie de société néolibérale et capitaliste, il choisit de tordre le cou, mais à sa manière. Ni à coups de longues théories, ni à coups de slogans tonitruants et bavards.

« Une manière de douceur et de candeur tranquilles qui, dans ce monde du ricanement perpétuel, fait un bien fou. »

Déprimé par le matérialisme (à ne pas confondre avec notre bon vieux marxisme), par un désir de compétition abjecte, par une déshumanisation provoquée par les agressions constantes de nouvelles technologies, et par une recherche stupide d’une modernité qui l’est encore plus, Lazare, professeur d’histoire-géographie de collège, le héros « du tellement beau roman », Ce monde est tellement beau, de Sébastien Lapaque, trouve son salut dans la découverte d’une foi absolue, forte, puissante et d’une infinie beauté. Ce ne sera aussi simple que ça en a l’air… Au cours de vacances d’hiver, Lazare se fait plaquer par Béatrice, son autoritaire de femme. Il décide d’aller à la rencontre de ses amis. De ses vrais amis. Ils sont cinq ou six, de bons gars, pétillants, intelligents, fraternels. De longues discussions s’instaurent ; souvent, elles tournent autour du sens de l’existence. Car, faut-il le préciser, Lazare va mal, perdu au sein de ce monde clinquant, où règnent les marchands et le CAC 40, où l’État se désagrège, où la pensée se résume aux romances et aux séries télévisuelles. La force de Lazare ? Lutter contre l’extension de domaine de l’Immonde et les répercussions de l’horrible bête contre son psychisme. Ses copains sont assez épatants ; il sent poindre une promesse ensoleillée dans l’aube blafarde. La rencontre avec sa charmante et jeune voisine, Lucie, fera le reste. Celle-ci s’adonne à une passion singulière : l’amour des oiseaux. Des moineaux notamment ; il en existe de pire. Lazare est fasciné. Un peu amoureux aussi mais il est encore trop fragile pour se l’avouer. À la faveur de séjours dans sa famille à Chartres et de quelques messes dans l’admirable cathédrale, puis d’un autre séjour en Bretagne auprès de Xavier, frère de son copain Walter, proche de la nature, fervent catholique et fan de rugby (Xavier lui fait faire une rencontre décisive : celle du frère Odon, moine lumineux), il découvre enfin la joie pure et claire. Celle de la foi. Ce roman fascine, interpelle, réjouit car il n’est pas sans rappeler les grands textes de Georges Bernanos, catholique exalté, pourfendeur des ors de l’Église, amis des humbles, des minuscules. (Faut-il rappeler que lui, le catholique inouï, prit parti pour les Républicains pendant la guerre d’Espagne ?). On s’attache aussi à ses personnages, en particulier à Lazare, qui développe une manière de douceur et de candeur tranquilles qui, dans ce monde du ricanement perpétuel, fait un bien fou. Que l’on croie ou pas, on ne restera pas insensible à la force apaisante de ce texte.

PHILIPPE LACOCHE

Ce monde est tellement beau, Sébastien Lapaque ;Actes Sud ; 325 p. ; 21,80 €.

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