Réduire les
décisions les plus controversées de la dernière décennie à un jeu vidéo de
quatre minutes n’est certainement pas le moyen le plus ingénieux de réhabiliter
un héritage présidentiel. Mais les subtilités diplomatiques n’ont jamais été le
fort de George W. Bush.

Les visiteurs de sa bibliothèque
officielle, qui ouvrira ses portes le 25 avril à Dallas, découvriront ce jeu
interactif où il est demandé aux participants de réévaluer quatre décisions
clés de sa présidence : le renversement de Saddam Hussein, le renforcement
massif des troupes en Irak, le renflouement des banques et la réponse à
l’ouragan Katrina.

Il est trop tôt pour dire si, après
ce jeu, les visiteurs auront une meilleure opinion de son bilan, mais
l’ouverture de la bibliothèque marque un effort concerté de ses partisans pour
améliorer la réputation d’un président qui a terminé son mandat avec le taux de
popularité le plus bas de l’histoire récente des Etats-Unis. L’apparat qui entoure
ce genre d’événement – la présence des présidents Obama, Clinton, Carter et
Bush père, dont les allocutions viseront à mettre en lumière les aspects
positifs de la 43e présidence – devrait faciliter les choses.

“C’est un peu comme une noce
sans alcool”, commente Danielle Pletka, de l’American Enterprise
Institute, un cabinet de consultants orienté à droite. “Les gens ont beau
détester leur belle-mère, ils trouvent toujours une gentillesse à lui dire.”“Loin des yeux, près du cœur”

Selon des collaborateurs de Bush, un
effort conscient a également été fait pour rendre la bibliothèque plus
“accessible”. Alors que celle de Bill Clinton, qui surplombe le
fleuve Arkansas, a une architecture grandiose et que celle de Richard Nixon,
une somptueuse bâtisse entourée d’une profusion de palmiers, n’évoque
pratiquement pas l’affaire du Watergate, la bibliothèque officielle de George W.
Bush se dresse au milieu de fleurs des prés de son Texas natal, sur un campus
universitaire qui tente de défendre son bilan.

L’opération semble avoir un certain
effet, du moins chez les Américains. Selon les derniers sondages, le taux de
popularité de Bush aux Etats-Unis est remonté, puisque 47% des gens approuvent
ses huit années de pouvoir, contre 50 % qui les désapprouvent. “Le syndrome
du déséquilibre Bush a pris fin et les gens font preuve d’un peu plus de
réflexion”, observe Danielle Pletka ; “Loin des yeux, près du
cœur.”

Bien qu’elle évite d’établir un lien
direct avec les attentats qui ont eu lieu à Boston le 15 avril, Danielle Pletka
fait valoir que la menace terroriste permanente et les révolutions en Afrique
du Nord et au Moyen-Orient devraient jeter un jour nouveau sur la politique
interventionniste de George W. Bush.

“Le ‘printemps arabe’ est une
conséquence des changements survenus pendant la présidence de Bush Jr.,
affirme-t-elle. Que cela plaise ou non, reconnaître que les populations
n’étaient pas destinées à vivre éternellement sous le joug de 
dictateurs violents est une idée nouvelle.”Une réhabilitation qui prendra du temps

Néanmoins, certains vétérans modérés
de Washington n’en sont pas si sûrs. Stephen Hess, ancien conseiller des
présidents Gerald Ford et Jimmy Carter, est d’avis que les sympathisants de
George W. Bush ne sont pas au bout de leurs peines.

“Il faudra beaucoup de temps
pour réhabiliter la réputation de George Bush, estime-t-il. C’est peut-être
même impossible. Nous évaluons les présidents selon deux facteurs – la
politique étrangère et l’économie – et son bilan est médiocre dans les deux
cas. En résumé, il nous a embrigadés dans une guerre grâce à une désinformation
éhontée.”

Même Danielle Pletka admet que les
républicains lui reprochent encore sa politique intérieure. Un domaine qui lui
attire aussi les foudres des partisans de la droite populiste, le Tea Party, qui
le diabolisent pour avoir laissé les dépenses publiques dégénérer. Pourtant,
elle maintient que trouver une perspective historique est juste une question de
temps.

Hannah Abney, qui travaille au Bush
Center, précise que la bibliothèque ne cherche pas à présenter la présidence de
George W. Bush sous un angle particulier, mais présente plutôt les faits en
toute neutralité, pour que les visiteurs puissent se former une opinion.

Le centre se penchera également sur
des points moins polémiques de son bilan, comme le soutien apporté aux victimes
du sida en Afrique. George Bush et son épouse, Laura, se rendront en Tanzanie
pendant l’été 2013 pour lancer une nouvelle initiative visant à promouvoir le
dépistage du cancer chez les femmes en Afrique.