L’émergence des mondes virtuels – ou “métavers” – suscite une certaine inquiétude quant à ses conséquences sur le monde du travail. Outre la peur d’une exacerbation des dérives constatées sur les réseaux sociaux, les métavers sont amenés à bouleverser nos interactions sociales, l’individu s’effaçant progressivement derrière son avatar numérique. “Au Japon, il existe un autre type de cyberespace habité par des avatars, qui se révèle être un catalyseur de subtiles interactions humaines”, annonce Quartz. Le site américain s’intéresse au cas particulier d’un restaurant tokyoïte comptant dans ses rangs des salariés un peu particuliers : DAWN, ou Diverse Avatar Working Network, est un café où le personnel est composé de robots pilotés à distance par des personnes atteintes de handicap physique, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), ou maladie de Charcot.”

Le concept avait été testé en 2018 avec le lancement d’un restaurant éphémère. Les retours positifs additionnés au recours croissant au télétravail du fait de la pandémie ont conduit à l’installation durable de DAWN. Désormais, des “pilotes” contrôlent leur alter ego robotique à distance grâce à une télécommande. Haute de 1,20 mètre, la machine peut gérer l’accueil des clients, la réception des commandes, le service et le débarrassage. Surtout, elle est personnalisée avec des attributs de son pilote – un vêtement ou une carte d’identité – et dispose d’une caméra et d’un micro pour dialoguer à distance avec le client.

Cela paraît contre-intuitif, mais Yoshifuji [le PDG du laboratoire Ory, développant ces robots] estime qu’un visage abstrait est plus versatile et d’une certaine manière plus engageant qu’un avatar humanoïde. C’est un point essentiel à l’heure où l’on conçoit des avatars pour les mondes virtuels et hybrides de demain.

Des robots du laboratoire Ory sont déjà chargés de l’accueil dans des magasins ou dans les transports du pays.

L’initiative est saluée pour son action visant à faire tomber les barrières à l’intégration du marché du travail. “Le Japon recherche particulièrement activement des solutions pour les personnes qui ne peuvent pas sortir de chez elles, note Quartz. Plus d’un quart de la population n’est pas en mesure de travailler en raison d’un handicap physique, mental ou de l’âge.” En février, le Premier ministre, Yoshihide Suga, était contraint de nommer un ministre de la Solitude compte tenu de la hausse du nombre de suicides dans l’archipel.