2013-09-03 17:04:43Si on le connait aussi pour sa grande science de Frédéric Dard et de son personnage San Antonio, Raymond Milesi s'illustre avant tout comme auteur de science-fiction. Recompensé par de nombreux prix, il navigue dans l'univers du genre depuis les années 70. En tout cas bien assez pour être passé maître dans l'art de la convention SF. De passage à Aubenas cet été pour la 40e édition de l'événement, on en profite pour faire avec lui un petit panorama du genre...

Raymond Milesi, vous êtes un grand habitué des conventions françaises de science-fiction. Racontez-nous...

Oui, je connais un peu... Là, nous ferons la 40e. La première a eu lieu en 74 et j'ai commencé d'y aller à partir de la 2e. En fait, en tout, j'en ai raté 4 sur 40 ! (rires) J'en ai même organisé une à Thionville. Et depuis, je suis le responsable du suivi de la convention national pour les fans français.raymond-milesi-650

Quel est le principe d'une convention de science-fiction ?
La convention, c'est différent d'un festival. C'est même le contraire je dirais... C'est annuel, et chaque année son organisation est attribuée par vote des présents pour la convention de deux ans plus tard. Elle est encadrée par un document de 5 pages, une charte, qui dit ce que l'on doit faire ou ne pas faire. Mais sa particularité, je dirais que c'est avant tout une rencontre interne. Il s'agit de pros et d'amateurs du genre qui se retrouve chaque année.

Interne ? Qu'entre vous ?
À l'extrême, on pourrait fermer la porte et rester là pendant 4 jours. Mais on ne le fait pas bien sûr. C'est plus comme une réunion de famille, mais qu'on ouvre aux autres... Le grand public est aussi concerné.

La convention, j'ai l'impression que c'est très particulier au genre SF ?
À ce point-là, c'est sur que je ne connais rien d'autre. En SF, les gens se connaissent, vont les uns chez les autres : il y a beaucoup d'amis en plus de la connaissance du genre. Ces conventions, c'est entre 100 et 200 personnes qui se rejoignent chaque année pour des retrouvailles très amicales...

Mais pourquoi tenir ces conventions ? Pour se tenir au courant de l'actualité par exemple ?
Se tenir au courant ? Je crois pas non. Les gens qui viennent à la convention sont quasiment tous des spécialistes : ils connaissent déjà les sorties de l'année, qui va publier quoi... Non, vraiment, je crois qu'on vient pour se rencontrer, échanger des points de vue, écouter des conférences, faire des activités ludiques... On parle de nos romans, des projets qui sont en train de se monter, des anthologies qui se font... On vit ensemble pendant quelques jours, c'est presque de l'internat ! (rires)

On reste dans les limites de la France ?
C'est une convention française, qui fait participer les pays francophones limitrophes comme la Belgique et la Suisse. Ça reste à notre taille...

Comment vous voyez le monde de la SF ?
C'est un monde multiple, qui envoie des pseudopodes dans toutes les directions. Et puis il est évolutif : il y a 30 ou 40 ans, ça n'était pas pareil. Pour moi, la SF est à la base un mouvement littéraire, mais qui inclut aujourd'hui de l'image, des films... C'est une littérature de tous les possibles, très imaginative et, à mon avis, de très bonne qualité. Il n'y a qu'à voir en quels mauvais termes des auteurs se font refuser leur manuscrit pour comprendre que l'attente est très haute...

Pouvez-vous essayer de définir la science-fiction ?
Par pitié, ne me demandez pas ça : ça fait 40 ans qu'on essaye ! (rires) Ce n'est pas que des histoires de fusées dans l'espace, ça va du tragique à l'hyper comique... Pour moi, je vois des auteurs qui parlent d'autres mondes pour mieux parler du nôtre, pour gratter là où ça fait mal...

Je trouve que l'on connaît beaucoup les grands maîtres, comme Asimov ou Jack Vance, et au final peu de nouvelles têtes. Sans parler des auteurs français...
Ça, c'est un problème d'éditions. Les écrivains français sont de grande qualité. Mais ça n'est pas ce qui intéresse les maisons d'édition. Ça ne suffit pas d'être excellent ! Ce qui compte souvent, c'est le renom. Et c'est comme ça que les éditeurs se retrouvent à faire de la répétition.

Je connais plus d'auteurs français de SF dans la BD... Bizarre non ?
Effectivement, la bande dessinée française est plus connue que le roman SF. Mais je le répète : on lit ce qui est à disposition et ce qui est connu. Mais attention, souvent dans le grand public, on se fait un peu d'illusion. Le fantastique et la SF n'ont rien à voir. On se fait une idée avec les films, qui sont souvent classés comme fantastique mais si ce n'est pas le cas, mais on est à côté de la plaque.

Tout à l'heure, vous me disiez que le monde de la SF était en perpétuelle évolution, et qu'il n'était plus le même qu'il y a 30 ou 40 ans. Qu'est ce qui a changé ?
La multiplication des petits éditeurs. Moi par exemple, je suis édité chez Armada, un petit éditeur du Vaucluse qui vient de démarrer. C'est venu avec d'autres modernités, comme les ordinateurs, le net... À l'époque par exemple, pour se tenir au courant, on avait les revues amateurs, les fanzines sur papier. Maintenant, on est passé sur le net et ses webzines. Ces modifications permettent aux auteurs de publier plus facilement. Avant, c'était vache maigre...

Avez-vous remarqué des évolutions dans les thèmes ?
C'est difficile, parce qu'il n'y a pas un livre pareil en SF. Mais oui, il y a eu des modes. À un moment par exemple, il y a eu une normalisation et on allait vers ce qu'on pensait pouvoir être publié : la SF politique. Puis on a ouvert les vannes, et on va vers tous maintenant. Je noterai peut-être que, e qui se fait le plus en ce moment, c'est la fantasy. Il y a pas mal de jeunes auteurs qui démarrent par là...

Des thèmes d'actualité aussi ? L'environnement ?
L'environnement, c'est vrai que ça traverse le genre depuis bien plus de 40 ans... Je dirais que ce qui a décliné ces derniers temps, c'est l'impact des nouvelles technologies : la réalité a rattrapé la fiction ! Dans Star Trek par exemple, on les voit parler dans une grosse boite alors que nous, nous avons nos téléphones portables... C'est à hurler de rire ! Cela dit, je pense qu'il ne faut pas trop intellectualiser la science-fiction non plus : l'intérêt, c'est quand même de raconter une belle histoire !

Propos recueillis par Justine Minet

Plus d'infos sur www.sf-aubenas-2013.org

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