Alessandra Sublet, on connaît la chanson. À son sujet, dans la presse, c’est toujours la même rengaine. Des éclats de rire atomiques, ce côté peur de rien, pas encombrée, pas gênée même si elle s’emmêle parfois les nougats, faisant des bourdes aussitôt pardonnées par ses invités de radio, de télé. La spontanéité est sa marque de fabrique. Son style conquérant et souple très chat botté l’a promue animatrice du Paf difficilement contournable, faisant le grand huit dans les sondages de popularité entre adoration et détestation. Depuis la rentrée, cet électron libre pilote, un vendredi sur deux, « Action ou vérité » sur TF1. Et du lundi au vendredi, entre 16 et 18 heures, elle est la femme cymbale de « La Cour des grands » sur Europe 1*. La chef de bande d’une équipe de chroniqueurs de tous horizons, qui revisitent le charivari des faits d’actualité sur un ton acidulé piquant. Sublet a pour gimmick de faire deviner à ses comparses les sujets à débattre à l’aide d’extraits de chansons. Voyons un peu, comme dans son émission, les couplets méconnus de la ritournelle Sublet.

 

« Sur la plage abandonnée… »
C’était cet été, en couverture de « Paris Match ». Sur le sable blanc de Saint-Barth, là où résident ses parents, elle, en gros plan, son sourire Ultra Brite et ses iris polissons. Elle posait sur un bord de plage sans vagues, peau parfaite, bronzage cigale dorée. Un de ses amis, rapporte-t-elle en souriant, lui a adressé ce texto : « T’es jolie sur la photo, mais qu’est-ce que t’as l’air con ! »

 

« Relax »
Plutôt d’accord avec le message, l’animatrice a tendu son portable à son mari, Clément Miserez, producteur de cinéma, le temps qu’elle reproduise à l’exact le cliché. Même posture de naïade mais, cette fois, les joues rouges pomme de reinette, des algues collées dans les cheveux, la bonne tête de la fille surprise par une vague. Photo qu’elle a balancée sans filtre sur les réseaux sociaux. Si Sublet n’est pas Kim Kardashian ou son animatrice américaine favorite, Ellen DeGeneres, avec leurs millions de followers, ses scores ne sont pas anecdotiques : 80 000 sur Twitter, 20 000 sur Instagram. Ce qu’elle poste ne reste pas lettre morte. Lorsqu’elle a plagié un clip de Justin Timberlake, il s’est illico fendu d’un « Whoa. […] Merci beaucoup » en retour. La mise en scène de soi, entre deux hashtags « Voyez comme ma vie est formidable », elle ne déteste pas, du moment qu’il y a autodérision… « J’ai capté un truc avec le pouvoir des réseaux sociaux. C’est un déversoir absolu qui a pour principale vertu de m’avoir appris à laisser glisser les critiques et d’en jouer, aussi. »

 

« T’as le look, coco »
Nous sommes dans un hôtel particulier parisien avec des buis qui font le dos rond en bordure d’une pelouse impeccable et, au fond, un poulailler vers lequel Max, son jack russell, a directement filé à peine arrivé. Un clebs clown et charmeur qui imite le loup de Tex Avery et vocalise dès qu’on lui demande de chanter. Entre deux prises de vues, sa maîtresse va-nu-pieds déambule sans manières en sweat-shirt long et petite culotte, coiffée comme un yorkshire, d’une pince en métal dans les cheveux. Son coiffeur a failli utiliser un défibrillateur le jour où elle a voulu une coupe court garçon : « Ça ne se fait pas du tout ! » Elle lui a répondu : « Ben, justement ! » Depuis, dans les salons, sa coupe de cheveux est réclamée. Elle pèse le poids d’une mésange, a le corps aussi tonique et élastique qu’une Fée Clochette. Sous ses malléoles sont écrits en italique les prénoms de ses enfants, Charlie et Alphonse. Elle avoue ne pas être très shopping, ni maquillage, ni bijoux, ni girly. Elle achète sur Internet, peut garder des lustres un blouson en similicuir « qui fait très bien l’affaire ». Il n’empêche qu’avec sa styliste Bénédicte, qui l’accompagne au fil de ses émissions depuis douze ans, elles ont lancé Supernana, une collection capsule sur la plateforme mode Rad. « La mode et moi, ce n’était pas gagné. La première fois que Bénédicte m’a vue, j’ai lu dans son regard une grosse interrogation sur mes goûts vestimentaires, je portais un col roulé tout mou, un jean moche et des baskets. »

 

« Douce France »
Elle est le mix de racines italiennes et auvergnates. Son père, Joël Sublet, est un ancien footballeur professionnel de l’Olympique lyonnais, qui a repris avec sa mère l’entreprise Sublet, spécialisée dans la vente de camping-cars. La société fut créée par Georges, le grand-père paternel. Il avait déposé un brevet d’auvent pour les caravanes, et l’aventure a commencé. C’est de lui, dit-elle, qu’elle tient son côté croqueuse de vie, addict aux surprises. « C’était un dandy qui pouvait porter un trois-pièces et marcher pieds nus. Il ressemblait au Gainsbourg fumeur de gitanes. Il possédait un camping, on y allait avec ma soeur. On apprenait la guitare avec les gitans. Il pouvait nous emmener skier, voir la mer, acheter des lapins, jouer au PMU ; il décidait sur-le-champ et on suivait. Il avait cette liberté folle de faire les choses, nous avons hérité de cette culture. » Les Sublet ont trois enfants, Alessandra est l’aînée. Romy, sa soeur, est compositrice interprète, sous le nom de Loukoko. Son frère, Josselin, est musicien. Tous très unis, car famille, elle l’est. Très.

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© Sylvie Lancrenon

 

« Je m’voyais déjà »
Une enfance sans accrocs à Feyzin, en banlieue industrielle lyonnaise, où elle est déléguée de classe et chef de meute chez les jeannettes. Alessandra, qui s’envisageait petit rat d’opéra, suit une filière sport-études, mais envoie les tutus valdinguer quand sa taille (1,60 m) la renvoie à la réalité. Le bac et deux mois dans une école de communication audiovisuelle lui suffisent. Elle prend la poudre d’escampette : GO au Club Med, spécialité voile. Elle donne dans l’humanitaire, affirme avoir surfé avec Kelly Slater en Afrique du Sud, gonfle son CV pour devenir stagiaire intervieweuse de rock stars sur MTV, à New York. De retour en France, elle débute à la radio sur Nostalgie, puis sur Nova. Repérée par Christophe Dechavanne, elle monte en gamme, de chroniqueuse à animatrice sur TF1 (« Combien ça coûte ? »), Canal + (« La Matinale ») et M6 (« L’amour est dans le pré », « La France a un incroyable talent »).

 

« Les trompettes de la renommée »
Elle n’a jamais eu la « fan attitude », pas de pâmoison adolescente affichée en poster dans sa chambre. Elle n’a (presque) pas 40 ans, sa génération est celle des boys bands et autres sportifs, tels que les Take That ou Andre Agassi. « Je ne pigeais pas pourquoi, chaque soir, mes copines se couchaient à leurs pieds. C’était quoi l’idée ? Elles ne les rencontreraient peut-être jamais et les embrasseraient encore moins. » Ado, elle dit qu’elle n’était « pas la plus mignonne », même si on pense « mon oeil », et avoue s’être « pris des vents ». Comme elle ne boit pas, en boîte, elle faisait capitaine de soirée. Son rapport au monde impitoyable de la télé est tout aussi simple. « Certaines évictions liées au mercato des chaînes prouvent que cet univers peut se révéler brutal. Comme dans toutes les entreprises. Le pouvoir de l’écran décuple la visibilité de cette brutalité. La plupart de ceux que je croise à la télévision, en radio, sont différents, en vrai, de ce qu’ils laissent paraître. Pour moi, c’est plus simple d’être la même à l’écran et dans la vie. Ça bouffe moins d’énergie. J’ai compris que je perdais mon temps à me demander ce que l’on pense de moi. Je ne vais pas non plus le passer à expliquer que je suis une fille bien dans ses baskets et sympa ! »

 

« Fais pas ci, Fais pas ça »
Elle a la reconnaissance du ventre : le producteur Pierre-Antoine Capton (son « référent », son « cadre ») l’a mise en lumière en lui confiant les clés de « C à vous » sur France 5, qu’elle anime de la rentrée 2009 à 2013. « On m’a prédit que j’allais au casse-pipe face à Michel Denisot, chef d’orchestre du “Grand Journal”. J’avais 67 000 téléspectateurs au départ et certains soirs les audiences ont dépassé le million. » D’elle, Capton dit : « C’est un chef d’équipe, elle fédère. Elle est attentive à ceux avec qui elle travaille. C’est aussi un feu follet qui fourmille de projets. Mon rôle était de lui tracer un chemin, de faire ressortir le meilleur d’elle à l’antenne : sa personnalité, sa spontanéité. »

 

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© Sylvie Lancrenon

« Ça plane pour moi »
Après son départ de « C à vous », elle trébuche avec l’émission « Un soir à la tour Eiffel », en seconde partie de soirée sur France 2. « Professionnellement, comme tout le monde, je peux vivre des choses difficiles, parfois violentes. Le pompon a été le canular que nous avions monté avec Nicolas Bedos : on faisait croire qu’il avait eu une liaison avec l’ex-compagne de François Hollande. Le lendemain, nous nous sommes fait déchirer par la presse. L’année de “Un soir à la tour Eiffel” a été l’une des plus difficiles. » Pierre-Antoine Capton développe : « C’est une fonceuse, une courageuse qui relève la tête. Elle sait très bien naviguer toute seule, à condition qu’elle soit sur la bonne route. Puis TF1 l’a appelée, elle a créé “Action ou vérité”, sa propre émission, qui est désormais diffusée un vendredi sur deux, elle a lancé sa structure de production, nous retravaillons ensemble depuis pour creuser son sillon. »

 

« I Am What I Am »
On lui demande de se définir, elle répond ceci : « Dans le boulot, je suis plus combative que têtue, mon caractère entier m’a joué des tours. Cela ne m’a jamais dérangée de ne pas être dans le moule. Je suis hyperactive, je pense tenir ça de ma mère. Mais si je m’arrête, je sais très bien ne rien faire. » Elle prend le mors aux dents dès qu’elle sent sa liberté menacée. On se dit qu’elle ne doit pas être qu’une gentillette pour avancer comme elle a avancé. Question ambition, elle répond que « ça n’a rien de malsain » et ajoute : « Sur MTV, mon boss m’avait dit : “Ta devise, c’est : ‘N’abandonne jamais.’” J’ai la niaque, mais je n’ai jamais pris sciemment la place de quelqu’un. » Une amie de lycée, Carole, complète le portrait. « C’est une Dechavanne en fille qui a beaucoup de recul sur elle-même et pour qui l’indépendance est primordiale. Elle aime le “sans entrave”, elle a toujours eu ce côté “je fais ce qui me plaît”. Il y a une part de masculin dans sa féminité. En classe, elle était déjà populaire, elle attire la sympathie, la lumière, et, revers de la médaille, les critiques. Elle est généreuse, présente et sensible. J’ai perdu mon père très jeune, je suis fille unique et j’allais souvent dans sa famille. Ça partait parfois en vrille, entre concours de déguisements instantané et batailles d’eau. C’était très joyeux. »

 

« Dieu m’a donné la foi »
 Une famille d’origine catholique, des cours de catéchisme « pour apprendre qui sont les personnages de la Bible ». Elle pense que l’on peut sentir les gens qui ne sont plus là. Elle n’a aucune envie de terminer la série « Six Feet Under », préférerait que ses cendres soient dispersées à Saint-Barthélemy. Plutôt cartésienne, elle a hésité à pousser la porte d’une voyante, une expérience sous forme de cadeau d’anniversaire, il y a cinq ans. Elle y retourne une fois par an. Si elle était américaine, elle aurait choisi Bernie Sanders. Elle a une carte d’électeur, mais aujourd’hui, aucune figure ne l’inspire vraiment.

 

« Comme Je l’imagine »
Pour elle, l’avarice et la fainéantise sont rédhibitoires chez un homme, « la lâcheté, nous en souffrons tous un peu, ça n’éclipse pas le courage ». Elle aime les gentlemen. Et pense que l’alchimie d’un couple tient au fait que chacun fasse grandir l’autre. « Pendant des années, j’ai cru que les enfants, ce n’était pas pour moi. » Elle s’est mariée une première fois et puis, Capri c’est fini, un an plus tard, a divorcé. Elle se demandait ce que le prince charmant fricotait à ne pas arriver avec son cheval blanc. Elle pensait qu’elle « collait la trouille aux mecs ». Et précise : « Je peux avoir le même vocabulaire, l’envie d’être plutôt dessus que dessous, je ne suis pas dans la culture “je t’attends et je te fais de bons petits plats”. J’avais besoin de trouver un homme qui ait une part de féminité et qui fasse résonner la mienne. » Il s’appelle Clément, et, avec lui, elle a coché la case « homme de ma vie, père de mes enfants ». L’aînée, Charlie, a 4 ans, et Alphonse, 24 mois. La famille vit en dehors de Paris, dans un village pas loin de Montfort-l’Amaury. Les embouteillages sont compensés par l’air moins blindé de particules pour ses petits, le côté village et les poules au fond du jardin lui rappellent Feyzin. Elle ne cuisine pas, sauf pour ses enfants – ce n’est pas pour rien qu’elle croque dans les pubs des barres Gerlinéa. Elle tond la pelouse, c’est ce qui la détend après des semaines assez chargées. Elle fume des Vogue, n’a pas honte de lire Guillaume Musso ou Marc Levy et adore les conseils de lecture de Tatiana de Rosnay. La parenthèse vie privée se referme là. Au final, et pour revenir aux tubes qui la résument, le titre qui la caractérise serait « Let’s Dance », de Bowie.

 

 

* Propriété, comme le magazine ELLE, du groupe Lagardère.

« Action ou vérité », un vendredi sur deux, deuxième partie de soirée, tF1.

« La cour des grands », du lundi au vendredi, de 16 à 18 heures, Europe 1.

Cet article a été publié dans ELLE, vendredi 16 septembre. Abonnez-vous ici.