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 Art et folie (revue Ligeia)

 Art et folie (revue Ligeia)

Publié le par Faculté des lettres - Université de Lausanne (Source : Ramzi Turki)

Revue Ligeia, dossiers sur l’art : « Art et folie ». 

Ligeia, dossiers sur l’art : revue fondée à Paris par Giovanni Lista, en avril 1988, sur un programme critique du post-modernisme, ouvre un numéro spécial sur l’atelier de l’artiste comme œuvre. Ce numéro entend accentuer la visibilité des problématiques liées à la créativité et les troubles mentaux. Cette « énergie créatrice hors du commun » (Béguin, É., 2012) permet de créer des œuvres qui se démarquent d’un « savant mélange de la difficulté d’être et d’un principe énergétique constitutionnel » (Brenot   P.,  Le génie et la folie, 2007).

Henri de Toulouse-Lautrec a été admis dans une clinique psychiatrique (Roques, M. & Hurvy, C., 2014), Edvard Munch, traversé par des épisodes psychotiques, a été hospitalisé plusieurs fois en psychiatrie (Licot, M., 2022), les deux psychiatres Michael Fitzgerald et Muhammad Arshad ont identifié que Michel-Ange souffrait du syndrome d’Asperger (Alerini, P., 2011), Van Gogh « [était] en proie à une mélancolie indicible » (Béguin, É., 2012). Francisco Goya a souvent été victime des épisodes dépressifs sévères (Dervaux, A., 2007), Friedrich Nietzsche était probablement bipolaire (Rogé J., Le Syndrome de Nietzsche, 2000), Flaubert et Baudelaire ont souffert d’épisodes de mélancolie (Windels, L., 2012).

Imbibés par les soucis du glissement entre deux mondes : « le génie et la folie », plusieurs artistes et philosophes, atteints de troubles psychiques y compris la dépression, le trouble bipolaire et la schizophrénie, traduisent dans leurs parcours cette hallucination consensuelle en des œuvres d’art à savoir architecturales, théâtrales, cinématographiques, musicales, visuelles, poétiques, spectaculaires ou en des œuvres littéraires. Cette fantaisie de voyager dans leurs pérégrinations intellectuelles permet de détecter une forme d’art exceptionnelle qui puise ses fondements dans un socle critique spécifique. En marge de ces œuvres, qui peuvent être révélatrices, une forme de refuge dans un monde « absolu », voire atemporel et « aspatial », en intégrant une seconde vie admet aux artistes de perdre contact avec la réalité, mais témoignant selon Pedinielli (1999) un « réinvestissement libidinal ». 

Dans cette seconde vie, où les « esprits » sont submergés par des troubles mentaux, s’inscrivent, en une boucle rétroactive, des corrélations entre les activités artistiques et les troubles psychiques et se tracent des parcours sous la forme d’un ensemble de données. L’artiste dépeint ses souffrances, il se manifeste par une perte de contact avec la réalité et la création d’une autre réalité irrégulière à l’égard d’une énergie « folle ». Le fait de voir des choses détachées de la réalité qui lui trouble s’avère être une source d’inspiration pour ses projets. Cette force extérieure s’accompagne d’une altération profonde du fonctionnement cognitif, émotionnel et social pour planifier des actions centrées sur une démarche créative particulière s’articulant autour d’un dédoublement d’identité.

Ce discernement des contours identitaires permet, entre autres, de dissocier l’esprit de l’artiste en facettes multiples tiraillées parfois entre des propos contradictoires. Les liens entre l’artiste sa production et sa folie s’explorent dans un univers bi-identitaire qui rappelle le mythe de la Caverne de Platon. Ils lui permettent soit de surmonter sa propre douleur par le biais de son art soit de prôner « la folie pour chercher l’inspiration » (Azoulay, C., 2014) à travers son imagination délirante et symbolique du monde. La maladie mentale qui libère certaines pensées paranoïaques fonde une originalité due à une insouciance extrême, mais qui est possédée par une authenticité et une exaltation créatrice. Cette originalité qui inclut typiquement des points d’appui, des pôles d’observation permet de repérer une particularité « exubérante, facile, exagérée, fantastique, anarchique, fabulique […] » (Gautier, J., Folie ou génie, 1952) dans le parcours de l’artiste.  

Au-delà de cette souffrance se trace un lien entre le génie et la folie, entre l’accablement et l’innovation, favorisant une forme de créativité dominée par les émotions. L’artiste met en ordre des concepts et des techniques préexistants au service de l’œuvre, son talent jaillit « un grain de folie », comme le disait Aristote. Poussées par une force nouvelle, les troubles qui lui accapare demeurent en partie soumis à des règles et à des lectures polysémiques. La question de Bergson : "Comment l’artiste crée une image en la tirant du fond de son âme ?"  (Œuvres, L’évolution créatrice, 1959), permet de nous orienter vers d’autres problématiques migratoires telles que : l’esthétique de la réception, la valeur de l’œuvre d’art, le jugement du goût, etc.

Par cette alliance entre le génie et la folie on pourrait s’interroger sur cet étrange lien entre la maladie mentale et les processus de création. Autrement dit, comment la création développe-t-elle un processus reposant sur la souffrance intérieure de l’artiste ? Comment certaines œuvres d’art se cristallisent derrière la douleur psychique de ses auteurs ? Pourquoi des jugements souverains de la société permettent-ils à l’artiste de s’identifier et de se dépasser en reconstituant son propre monde, comme s’il relevait en partie d’un autre système ? Les discours des critiques repèrent-ils avec le regard d’un psychologue les flux et la valeur en prenant en compte le processus identitaire qui se construit au fil d’un parcours mouvementé ?

Ce prochain numéro a déjà réuni des textes d’enseignants-chercheurs, d’artistes, de théoriciens et de critiques d’art. C’est dans ce cadre que la revue Ligeia, dossiers sur l’art souhaite accueillir des articles supplémentaires.

Modalités de contributions

Les articles doivent être adressés, sous format électronique, à turki_ramzii@yahoo.fr et à lista@club-internet.fr. Ils doivent être accompagnés d’une bio-bibliographie succincte. Les dimensions des illustrations et des tableaux ne doivent en aucun cas dépasser 10 cm de largeur et 15 cm de longueur (Format :  jpg).

Calendrier

15 novembre 2023 : Date limite d’envoi de l’intitulé, d’un résumé de 500 mots et d’une courte notice biobibliographique (150 mots).
30 novembre 2023 : Les résultats de la sélection seront communiqués aux auteurs.
10 février 2024 : Date limite d’envoi de l’article (35 000 signes, espaces compris)
Octobre 2024 : Parution du numéro

Rédacteur en chef de la revue
Giovanni LISTA,  Directeur de recherche au CNRS

Directeur du numéro
Ramzi TURKI, MCF-HDR, Université de Sfax.

Évaluation
Les articles soumis font l’objet d’une évaluation. Ils peuvent être confiés à des membres du comité de rédaction ou à des rédacteurs associés au numéro. Sur la base de ces évaluations, le rédacteur en chef de la revue et le directeur du numéro décident de publier en l’état ou sous condition de modifications ou bien encore de refuser l’article proposé.