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Seghers ou la vie en poème

Publié le 7 juillet 1995

PAR où et comment commencer l’approche de Pierre Seghers (1906-1987), auteur de «méchants poèmes», éditeur précis, pour qui le seul parti pris qui vaille reste celui de la vie à vivre. Mathieu Benezet veut en saisir dans l’un de ces «Profils perdus» (1) l’écho vibrant et persistant.

Natif de Paris mais homme du Sud Seghers, de Carpentras à Avignon, aura filé le noueux coton des poètes, offrant sa quenouille à ces hommes artisans des mots dans tous les sens. La débâcle de juin 1940, l’Occupation, la Résistance et cette volonté opiniâtre de donner à entendre toutes ces voix discordantes qui posaient un non magistral face au nazisme. «J’appelle poésie, cet envers du temps», clame Aragon, compagnon des premières armes. Seghers et lui engagés tous deux au Parti communiste lorsque ce dernier est hors la loi.

«La poésie est une des rares chances données à l’homme pour s’accomplir… pour changer la vie.» Seghers le guetteur qui publie le «dit» des hommes de l’ombre, certains tombés au combat comme Roger Bernard, typographe mort à vingt-trois ans et dont il retrouvera quelques poèmes: «Dans l’azur, le point vital de la margelle / Dans l’amour, il y a la griffe du sanglot…» Travail d’éditeur dont il tient la passion de son maître, Louis Jou, graveur, peintre, typographe qui l’incite à publier ceux qui font de l’acte poétique, un événement d’existence. «Poètes d’aujourd’hui» commençait pendant la guerre avec le premier volume consacré à Eluard, le deuxième à Max Jacob, le suivant à Aragon… Entendre la voix de Seghers: «Il fallait proposer des livres très bon marché car les étudiants avaient peu d’argent. D’autre part, je tenais à ce qu’on fasse une présentation vivante dotée d’un choix de poèmes qui caractérise l’oeuvre du poète et d’une bibliographie conséquente.» Pour 45 centimes, on rencontrait Guillevic, Loys Masson, Jean Rousselot. La mémoire vive de cet homme «courageux, honnête, loyal», comme le qualifie son épouse Colette toujours à la tête de la revue «Poésie» (2) le pousse à signer «la Résistance et ses poètes» (Editions Seghers 1974), anthologie essentielle pour ne pas oublier de ne pas oublier. Bien sûr, il y eu la vente de sa maison d’édition en 1970 à Robert Laffont. Bernard Delvaille qui lui succède regrettera de ne pas avoir eu les moyens de poursuivre complètement l’oeuvre de Seghers.

(1) France-Culture, le 13 juillet de 21 h 30 à 22 h 30.

(2) «Poésie 95» vient de publier son numéro de juin avec des textes de Philippe Jaccottet, Gaston Chaissac…

SERGE REMY.


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