Humour Stéphane Guillon varie les plaisirs

Souvent réduit à l’image de « méchant » qui aime casser du politique dans ses chroniques médiatiques, l’humoriste, désormais reconnu au théâtre, invite le public à découvrir une palette élargie dans son nouveau one-man-show, « Certifié conforme », qu’il présente demain à Sausheim.
Propos recueillis par Olivier Brégeard - 03 nov. 2015 à 05:01 - Temps de lecture :
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Après deux ans d’absence de l’émission « Salut les Terriens ! », Stéphane Guillon est revenu sur Canal + en septembre : « J’ai signé en juin, Vincent Bolloré n’avait pas encore pris le pouvoir comme il l’a fait depuis. Mais si j’avais été engagé plus tard, j’aurais signé aussi : je trouve amusant d’être le loup dans la bergerie ! »Photo
Après deux ans d’absence de l’émission « Salut les Terriens ! », Stéphane Guillon est revenu sur Canal + en septembre : « J’ai signé en juin, Vincent Bolloré n’avait pas encore pris le pouvoir comme il l’a fait depuis. Mais si j’avais été engagé plus tard, j’aurais signé aussi : je trouve amusant d’être le loup dans la bergerie ! »Photo
Quelle place occupe la politique dans « Certifié conforme » ?

Pas la plus grande. Il y a une partie sur le Front national, une autre sur les déçus de François Hollande, ces « hollandais anonymes » qui se disent de gauche mais ont des pulsions de droite et se réunissent pour redevenir de gauche. Mais il y a aussi beaucoup de sujets de société, comme la fin de vie, la théorie du genre, le mariage gay, les familles recomposées… Il y a un sketch sur les religions, toutes les religions. Un autre sur Twitter… C’est surtout un spectacle sur le droit de rire, qui rétrécit comme peau de chagrin.

Un spectacle nouveau dit-il qui vous êtes à ce moment précis ?

Mes spectacles parlent de moi, de mes peurs, de mes angoisses. Et un bon spectacle est un peu une photographie de ce qui se passe au moment où il est créé. Je n’aurais pas écrit le même sans les attentats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher. Si on peut mourir pour un dessin, on peut mourir pour un trait d’esprit. Les cartes sont redistribuées…

Parlez-vous principalement de sujets qui vous passionnent ? Ou bien pouvez-vous faire flèche de tout bois ?

J’aborde toujours des sujets qui m’intéressent, m’interpellent. Le bon mot pour le bon mot, ça m’est arrivé, je disais des choses gratuites, ou qui contredisaient ce que j’avais dit un peu plus tôt. Mais mon metteur en scène actuel ne le laisse plus passer. Mon sketch sur la fin de vie est inspiré par l’affaire Vincent Lambert. Mon metteur en scène, Muriel [NDLR : Cousin, épouse de Stéphane Guillon à la ville], m’a suggéré d’écrire sur ce thème, qui m’a passionné, interpellé. C’est certainement pour cette raison que ce sketch est aujourd’hui un des moments forts du spectacle.

« Ce qui me révolte, m’exaspère, a toujours été un moteur »

La politique vous dégoûte-t-elle ?

Plutôt que de dégoût, je parlerais plutôt d’indignation fréquente. Ce qui me révolte, m’exaspère, a toujours été un moteur chez moi. Ça me donne envie de faire rire, parfois au détriment de certaines personnes qui se croient intouchables.

Comment peut-on faire un métier de ce rapport négatif ?

Il peut y avoir une lassitude. C’est pour cette raison que je me suis arrêté durant trois ans. Je pense qu’un humoriste n’a pas constamment des choses capitales à dire, ne peut pas livrer un spectacle chaque année. Il faut faire des pauses, se ressourcer, retrouver l’envie. J’essaie aussi de varier les plaisirs dans mon spectacle : je n’ai pas que des sketches de révolté, loin de là ! J’essaie de faire rire avec des choses qui ne sont a priori pas drôles, il y a des moments assez noirs, d’autres plus légers.

Vos chroniques médiatiques n’ont-elles pas donné de vous une image réductrice ?

Ce que je fais à la télé, plus encore qu’à la radio, est évidemment réducteur, mais c’est l’exercice qui veut ça. Après mon spectacle, les gens me disent souvent qu’ils n’imaginaient pas ça de moi. Ça me fait plaisir et, en même temps, ça m’attriste. Parce que ceux qui viennent me voir en salle seront toujours une minorité par rapport à ceux qui me voient ou m’entendent dans les médias. Chez Thierry Ardisson [NDLR : dans l’émission « Salut les Terriens ! », sur Canal +], je peux faire rire 1,6 million de personnes. Sur scène, 600. J’aimerais évidemment que tout le monde vienne voir mon spectacle ! Pendant des années, comme d’autres, je me suis juré de ne pas faire de télé, qu’on ne me connaîtrait que par la scène, mais je jouais devant 15 personnes… À un moment donné, je me suis dit qu’il me fallait avant tout faire connaître mon travail.

La notoriété désormais acquise vous offre-t-elle l’occasion de montrer au plus grand nombre des facettes différentes de votre art ?

Je trouve formidable de faire rire, et je trouverais formidable de ne faire que ça ! Beaucoup d’humoristes ne sont pas totalement heureux de faire de la scène, parce qu’ils aimeraient tant faire du cinéma – le Graal ! Moi je suis très heureux de faire ça. On apporte beaucoup de bonheur aux gens et ce qu’on vit sur scène procure des sensations et un plaisir énormes. C’est pour ça que d’autres, comme Dany Boon ou Gad Elmaleh, y reviennent toujours. Alors oui, il y a des gens qui ne m’imaginent pas ailleurs, parce que j’ai cette image très forte. Mais j’ai réussi, ces trois dernières années, à m’imposer au théâtre, avec des rôles forts, remarqués. J’ai désormais beaucoup de propositions, le pari est gagné de ce côté-là. Le cinéma reste en revanche une énigme mais, très honnêtement, je n’en ai pas de frustration.

« Mieux vaut avoir une image forte que pas d’image du tout ! »

Mieux vaut avoir une image forte, même si elle est « clivante », que pas d’image du tout ! J’ai connu la galère pendant des années, je sais savourer la notoriété, des salles pleines, même s’il y a un revers de la médaille. C’est aussi aux artistes d’aller chercher ce qu’ils veulent. J’ai été chercher avec les dents le rôle d’ Inconnu à cette adresse [NDLR : un drame sur fond d’Allemagne nazie]. J’ai surpris en jouant l’abbé Dubois (NDLR : principal ministre sous la Régence de Philippe d’Orléans) dans Le Système : quand j’entrais sur scène, je sentais que le public avait besoin de quelques secondes pour oublier que c’était moi. C’est sûr que si je fais Camping 4 ou une pièce de boulevard, je ne sortirai pas de mon rôle d’humoriste…

Comme vous le reconnaissez vous-même, vous avez une étiquette de « méchant », vos propos ont souvent fait polémique : avez-vous parfois regretté d’en avoir trop fait ?

Je regrette seulement la période – assez lointaine aujourd’hui – où je faisais chez Stéphane Bern des portraits de vedettes de la chanson, de la téléréalité, du cinéma… Il y a eu des choses plus ou moins heureuses. J’étais en quotidienne et j’y ai été un peu fort avec certains, mes papiers n’étaient pas très bien écrits. Ça m’a fait connaître…

En revanche, sur Nicolas Sarkozy, Éric Besson, Brice Hortefeux, François Hollande, Manuel Valls, la politique en général, j’assume tout. Ce sont des gens capables de se défendre et ils méritent qu’on y aille fort.

Vous pensez que ce sont des personnalités à toute épreuve…

Beaucoup vivent dans une sorte de monarchie. Il faut les voir arriver dans les aéroports et les restaurants, rouler dans Paris… J’ai vu des politiques arriver au spectacle sans avoir réservé, il fallait leur libérer deux rangs d’orchestre ! Tout ça me pose vraiment problème. On a une sorte de République monarchique, que François Hollande avait promis de changer. Il ne l’a pas fait. Par rapport à ça, je n’ai aucun regret.

Y ALLER Mercredi 4 novembre à 20 h 30 à l’Eden (Espace Dollfus & Noack) de Sausheim. Tarifs : de 36 € à 43 €. Site internet : www.eden-sausheim.com