La rade de Marseille est-elle vraiment... une rade?

Marseille dispose-t-elle d'une rade ou d'une baie ?

Marseille dispose-t-elle d'une rade ou d'une baie ?

Infographie La Provence

Marseille

Ou est-ce alors une baie ? Faute de définition officielle précise, la question reste posée

La rade de Marseille constitue-t-elle une rade, au sens géographique du terme, ou au contraire une baie ? Autour d'un verre dans les bars du Vieux Port, sur les pontons des clubs nautiques ou à bord des bateaux filant sous la corniche, cette question revient régulièrement, alimentant des discussions souvent passionnées et passionnantes. Pour tenter d'y répondre, nous avons commencé par examiner les documents nautiques édités par le Shom (Service hydrographique de la Marine).

Ses cartes officielles font en effet référence dans le monde maritime. Or toutes mentionnent "rade de Marseille" et non "baie". Pourtant, de multiples définitions sont proposées pour chacun de ces deux termes, ce qui alimente la confusion.

Concernant la baie, la définition reconnue internationalement est celle que donne la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer, dans son article 10 : "Une baie est une échancrure bien marquée dont la pénétration dans les terres par rapport à sa largeur à l'ouverture est telle que les eaux qu'elle renferme sont cernées par la côte et qu'elle constitue plus qu'une simple inflexion de la côte. Toutefois, une échancrure n'est considérée comme une baie que si sa superficie est au moins égale à celle d'un demi-cercle ayant pour diamètre la droite tracée en travers de l'entrée de l'échancrure".

Quant au dictionnaire de l'Organisation hydrographique internationale (OHI), il indique dans sa section S32 ("normes et spécifications") qu'une baie est "une échancrure d'une côte largement ouverte et dont l'étendue est en gros intermédiaire entre celle d'un golfe et celle d'une anse". Définitions qui manquent pour le moins de précision. Mais la rade n'est pas mieux lotie. L'OHI la décrit comme "un plan d'eau plus ou moins abrité, situé en mer ou en communication avec la mer, où les navires peuvent mouiller en sécurité, et le cas échéant procéder à des opérations marchandes".

Nous avons donc déployé une carte du Shom et sorti notre règle-rapporteur. Par chance, l'entrée de "l'échancrure" marseillaise saute aux yeux. On peut la matérialiser en traçant une droite orientée Nord-Ouest/Sud-Est, reliant l'îlot Tiboulen de Maïre au cap Méjean (Côte Bleue), et passant par le cap Caveaux (archipel du Frioul). Sa longueur est de 15 km. Or selon l'ONU, pour constituer une baie, la perpendiculaire à cette droite doit mesurer au moins 7,5 km jusqu'à la terre, ce qui est le cas. Nous serions donc bien en présence d'une baie.

Pourtant, cette baie offre des facilités de mouillage bien réelles, au moins dans sa partie Nord. Il suffit de se souvenir de la grande grève de septembre 2010 où plus de cinquante navires de commerce, parmi lesquels des pétroliers de 200 m de long avaient pu tenir l'ancre pendant près d'un mois entre le Frioul et la Côte Bleue. Et par le passé, en cas de mauvais temps, les paquebots de croisière réalisaient leurs opérations commerciales au mouillage, débarquant ou embarquant leurs passagers au moyen de navettes. Ce qui correspond à la définition d'une rade.

Pourtant, sa configuration n'a rien de commun avec celles de Brest ou de Toulon dont les bassins très resserrés, s'ouvrent sur le large par une passe étroite. Ce qui fait dire à certain que seule la partie Nord de la rade de Marseille constituerait une rade au sens nautique du terme, tandis que sa partie Sud, entre le Frioul et Tiboulen de Maïre, serait à classer parmi les baies... Le débat est donc loin d'être clos.