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"Apprendre à danser sous la pluie", la chronique d'Anne Roumanoff

Dans sa chronique "Rouge vif", l'humoriste Anne Roumanoff livre quelques réflexions sur la situation que nous vivons actuellement.

Anne Roumanoff , Mis à jour le
La chroniqueuse du JDD Anne Roumanoff.
La chroniqueuse du JDD Anne Roumanoff. © Eric Dessons/JDD

Il y a ceux qui pensent qu'on en fait trop et celles qui sont sûres qu'on n'en fait pas assez ; ceux qui se lamentent : "J'en peux plus de toute cette histoire, vivement que ça se termine", et celles qui se prédisent : "Crois-moi, on n'est pas sorti de l'auberge" ; ceux qui ont tellement peur des compressions de personnel qu'ils n'osent même plus demander le paiement de leurs heures supplémentaires ; ceux qui n'ont pas pris leur grand-mère dans les bras depuis plusieurs mois et ceux qui sont lassés de voir leurs petits-enfants derrière un écran.

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Il y a des maris et des femmes adultères qui sont devenus fidèles pour des raisons sanitaires. Il y a ceux qui s'entassent sur les terrasses en riant trop fort avec leurs collègues de bureau et ceux qui sursautent à la moindre alerte info. Il y a ceux qui ont peur de la violence latente dans l'atmosphère et celles qui continuent à espérer que le monde d'après sera forcément plus bienveillant. Il y a ceux qui se sont fait tester quatre fois, qui sont presque déçus d'être négatifs et qui ont les mains poisseuses à force de se les frotter avec du gel hydroalcoolique ; et celles qui ont arrêté le rouge à lèvres et qui assortissent la couleur de leur masque à leur tenue du jour.

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L'intolérance monte inexorablement, la colère gronde, toute la société est à vif, comme prête à s'embraser

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Bien sûr, il y a de quoi s'inquiéter, entre les restaurateurs en apnée, les laboratoires d'analyse débordés, le secteur aérien sinistré, les touristes absents, les commerçants qui ne peuvent plus payer leur loyer, les enseignants qui doivent parler plus fort pour se faire entendre avec le masque, les étudiants qui baillent devant les cours en ligne en regrettant leurs amphis bondés, les vigiles qui vous pointent un thermomètre frontal sur la tête à l'entrée des immeubles de bureau, les boîtes de nuit qui font faillite, les émissions de télévision sans public, les théâtres à moitié vides avec des spectateurs masqués, les épidémiologistes des plateaux télé qui ne sont jamais d'accord entre eux, tous ces nouveaux mots qu'on nous répète en boucle, zone rouge, distanciation, traçage, visibilité, circulation active. Alors les réseaux sociaux s'enflamment pour un rien, condamnent sans procès et jugent sans appel. L'intolérance monte inexorablement, la colère gronde, toute la société est à vif, comme prête à s'embraser.

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Mais il y a aussi ces enfants qui gloussent dans la cour de récréation, ces amoureux masqués qui se tiennent la main dans la rue, ces joggeurs imperturbables qui courent dans les parcs, ce serveur de café qui plaisante derrière son masque, ce paysage de campagne qu'on a l'impression de découvrir pour la première fois, cette maman émerveillée qui poste une photo d'elle et de son bébé, ce livreur en scooter qui se dandine dans les embouteillages sur de la musique jamaïcaine, ce moment où l'on se dit que l'on aime bien les gens, finalement…

Bien sûr, on a connu de meilleures périodes, on ne sait pas trop où l'on va, ni comment tout cela va évoluer. Bien sûr, il y a une angoisse collective mais comment passer au travers de tout ça? Continuer à râler, incriminer, dénoncer? Plonger dans la nostalgie, sombrer dans l'agressivité? Vouloir désigner absolument des coupables, ou se dire que c'est le moment d'apprendre à danser sous la pluie?

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