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LYON Felix Gretarsson: « Jamais je n’ai regretté cette opération »

Le 13 janvier 2021, Felix Gretarsson a bénéficié d’une greffe bilatérale de bras au niveau de l’épaule à gauche et trans-humérale proximale à droite, à l’hôpital Édouard-Herriot à Lyon. Une première mondiale. Neuf mois après, le patient islandais récupère à une vitesse impressionnante.
Anne-Laure WYNAR - 09 oct. 2021 à 23:15 - Temps de lecture :
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« C’était très important pour moi de me se sentir complet. C’est possible d’être heureux sans bras, mais c’est mieux avec. J’étais heureux avant, je le suis encore plus maintenant. J’attends avec impatience de découvrir toutes les possibilités. C’est comme ouvrir un cadeau chaque jour », sourit Felix Gretarsson, aujourd’hui âgé de 49 ans. Dimanche, c’est chez lui à Lyon que nous l’avons retrouvé près de neuf mois après son opération (lire par ailleurs). Les mains posées sur la table, Felix boit son café à l’aide d’une paille. L’entretien a lieu en français. Lorsqu’il ne trouve pas ses mots, il passe à l’anglais.

« La rééducation prend toute mon énergie »

« C’est mieux que ce l’on pensait après seulement quelques mois. Chaque semaine, on a des progrès, ça m’encourage ! », s’exclame Felix, heureux de nous montrer qu’il parvient à bouger son index et son pouce du côté droit. À gauche, il a des sensations jusque dans la paume, mais ne peut pas encore bouger ses doigts. « Si quelqu’un me touche, je vais le sentir, mais si je ferme les yeux, je ne peux pas dire où c’est exactement », explique Felix.

Aujourd’hui, sa vie est rythmée par une rééducation intensive, cinq jours sur sept. « Ça prend toute mon énergie. C’est comme un boulot : j’y vais chaque matin et après-midi, je suis très fatigué après. Je dors beaucoup pendant le week-end », raconte Felix. Il a pu profiter de vacances durant trois semaines cet été. « Il en avait vraiment besoin », dit sa femme Sylwia.

« Jamais je n’ai regretté cette opération. Le moment où je me suis réveillé, juste après, j’ai pensé : “mon Dieu il faut vraiment être dingue pour faire un truc comme cela”. Les douleurs étaient incroyables. J’étais un peu bizarre après l’anesthésie et je voyais que les bras étaient un peu gonflés. Mais dès le deuxième jour, c’était mieux », se souvient Felix. Il a dû faire face comme beaucoup de patients greffés à un rejet de la peau, mais il a pu rapidement être traité. « Le seul problème, c’est que cela fait mal lorsque les nerfs poussent », indique Felix. Aujourd’hui, ces douleurs s’estompent mais existent encore.

Il a écrit un livre

L’Islandais garde le sourire. Il s’est fixé des objectifs. « Être indépendant pour manger, pour la douche, pour m’habiller, c’est le plus important », assure-t-il. Il y a un mois, il a pu serrer dans ses bras l’une de ses deux filles. Il n’avait pas pu le faire depuis 24 ans. « Elle avait 3 mois quand j’ai perdu les bras. C’était un bon moment pour nous deux », se souvient-il avec émotion. Il a pu aussi faire un câlin à l’une de ses deux petites-filles pour la première fois. Au mois de novembre, il sera grand-père d’un petit garçon.

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Felix fourmille de projets et envisage un avenir professionnel. « J’espère retravailler mais pas comme un électricien », plaisante-t-il. Il veut être coach de vie. « On va en Islande pour Noël, ce sera le premier là-bas depuis 2015. J’organise un atelier de développement personnel et coaching », précise-t-il.

Il y a quelques jours, il a achevé l’écriture d’un livre sur son incroyable parcours. Il doit sortir en Islande au mois de novembre. Il devrait par la suite être traduit en français. « Son rêve maintenant, c’est de pouvoir faire du vélo », lance Sylwia. « Et de pouvoir utiliser mes outils », ajoute Felix, passionné de bricolage.

Le couple veut aussi s’investir pour sensibiliser au don d’organe. Deux fois, Felix a reçu un appel lui disant qu’un donneur avait été trouvé, mais les familles ont finalement refusé. « La troisième fois, je ne voulais pas avoir trop d’espoir, mais la famille a dit oui ! C’était très difficile d’attendre que quelqu’un meurt », confie Felix. « Il savait que son bonheur était le grand malheur d’un autre », souligne Sylwia. Aujourd’hui, Felix remercie son donneur et sa famille : « C’est un grand cadeau ».

Felix Gretarsson après son opération, à l’hôpital Édouard-Herriot.  Photo archives Progrès /Hospices civils de Lyon

Une première mondiale

La vie de Felix Gretarsson a basculé le 12 janvier 1998, en Islande, son pays natal. Alors électricien, à 25 ans, le père de famille est victime d’un grave accident sur une ligne à haute tension. Il reçoit une décharge de 11 000 volts et est grièvement brûlé aux mains. Victime de multiples fractures, il est plongé dans le coma. Des organes internes sont également touchés. Il se réveille trois mois plus tard amputé des deux bras.

Parce qu’il veut retrouver à tout prix son image corporelle, Felix se renseigne sur les greffes et s’intéresse rapidement au professeur lyonnais Jean-Michel Dubernard, pionnier mondial de la greffe de mains, qu’il rencontre en 2007, lors d’une conférence à Reykjavik.

L’opération avait duré près de 15 heures

En 2011, l’opération est envisagée par l’équipe lyonnaise, notamment parce que Felix, greffé du foie, prend déjà un traitement anti-rejet à vie. En 2013, Felix s’installe à Lyon.

Enfin, un donneur compatible est trouvé. Le 13 janvier 2021, quatre équipes composées chacune de trois chirurgiens spécialistes de l’orthopédie et du membre supérieur, associés à trois chirurgiens vasculaires, sont mobilisées pour préparer à la fois le donneur et le receveur à l’hôpital Édouard-Herriot, sous la responsabilité du Dr Aram Gazarian, chef de service chirurgie orthopédique main et membre supérieur.

Au total, l’opération a impliqué une cinquantaine de personnes des Hospices civils de Lyon, mais aussi de partenaires privés, au premier rang desquels la clinique du Parc. L’intervention a duré près de 15 heures.

Si une première greffe de bras entiers avait été réalisée dès 2008 en Allemagne, Felix Gretarsson a bénéficié d’une greffe bilatérale de bras au niveau de l’épaule à gauche et trans-humérale proximale à droite, ce qui constitue une première mondiale.

L’hommage au Pr  Dubernard

Felix a rendu un vibrant hommage au professeur lyonnais Jean-Michel Dubernard , mort le 10 juillet dernier, à 80 ans. Il avait réalisé avec son équipe, la première allogreffe d’une main en septembre 1998 à Lyon.

« Tout a commencé en 2007, quand j’ai rencontré M. Dubernard en Islande. Je lui ai demandé s’il pensait qu’une greffe d’un bras entier était possible », se souvient Felix. C’est à partir de 2011 qu’une transplantation est envisagée par l’équipe lyonnaise.

« Je suis heureux qu’il soit venu deux fois à l’hôpital pour me rencontrer. Je ne serais pas là sans lui. Nous n’avons pas beaucoup parlé mais il m’a dit ‘‘fight, fight, fight (bats-toi)’’, parce qu’ils avaient eu des cas où les personnes abandonnaient et devaient être de nouveau amputées », raconte Felix.