Publié le 24 mai 2018 à 06h28, modifié le 25 mai 2018 à 08h26
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Les Nymphéas, connu aujourd’hui comme l’un des chefs-d’œuvre du peintre Claude Monet (1840-1926), offre l’histoire exemplaire d’une œuvre incomprise par ses contemporains. En 1927, quelques mois après la mort du peintre, les salles ovales du Musée de l’Orangerie où sont placées ses longues peintures de nymphéas sont ouvertes, après des années de retard et de difficultés, Monet n’étant jamais satisfait de ses œuvres, sur lesquelles il a travaillé pendant trois décennies. A l’époque, l’ensemble, que le peintre avait offert à l’Etat, reçoit ce qu’il faut d’éloges officiels. Et ce qu’il ne faudrait pas de critiques : une « erreur » selon Jacques-Emile Blanche, « le plus vilain cadeau » fait à la France selon Paul Morand, qui, à travers Les Nymphéas, vise Georges Clemenceau, leur défenseur acharné. André Lhote, chargé de la critique d’art à La Nouvelle Revue française (NRF), feint de se lamenter sur ce « suicide plastique (…) dans le linceul des nénuphars ». Le public ne manifeste aucun enthousiasme non plus : l’Orangerie reste vide. En 1944, un obus touche le bâtiment et crève l’un des panneaux. Les musées ne s’en soucient que modérément et la restauration prend huit ans, jusqu’à l’automne 1952, malgré les protestations répétées des héritiers du peintre.
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Deux ans et demi plus tard, en mai 1955, Michel Monet, fils de Claude, reçoit à Giverny deux conservateurs du Museum of Modern Art (MoMA) de New York. Ils sont mandatés par Alfred Barr, son directeur, pour conclure un achat : celui de l’un des grands panneaux de la série des Nymphéas qui n’a pas été intégré au cycle de l’Orangerie et est demeuré dans l’atelier, lequel n’a été miraculeusement ni pillé ni détruit pendant la guerre. Ils choisissent une toile de très grand format – 2 mètres de haut, 5,65 mètres de long, l’œuvre la plus vaste que le MoMA possède à cette date. Pourquoi cette acquisition ? Parce que Barr a compris, grâce aux artistes qu’il rencontre et achète à New York, que le dernier Monet, cette peinture fluide et presque dépourvue de signes figuratifs, est une référence majeure. En 1951, déjà, le MoMA avait acquis Peupliers à Giverny, ce qui avait valu au musée une lettre d’un peintre alors peu connu, Barnett Newman, qui protestait contre la faible présence de Monet au musée. Après une première réponse qu’il juge niaise, Newman recommence : « [Monet] a passé l’épreuve du temps et ma lettre vous accusait de l’avoir volontairement ignoré pendant près de vingt-cinq ans. »
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