L'éditeur et écrivain américain de science-fiction Frederik Pohl est décédé le 2 septembre à l'âge de 93 ans à Palatine, Illinois. Né le 26 novembre 1919 dans le quartier de Brooklyn (New York), il est dès son plus jeune âge un fervent lecteur de science-fiction (SF). Après avoir interrompu l'école à 14 ans pour gagner sa vie, il créé plusieurs fan-clubs et, à 19, devient le rédacteur en chef de deux magazines Astonishing Stories et Super Science Stories.
Il rejoint en 1938 le groupe des Futurians, une communauté formée de jeunes écrivains et amateurs de SF. Il y retrouve son ancien condisciple de collège, Isaac Asimov, auquel il restera lié toute sa vie, et fait la connaissance de James Blish et Damon Knight. Membre du Parti communiste, il le quitte après le pacte germano-soviétique. Pendant la deuxième guerre mondiale, il combat en Italie au sein de l'US Air Force. Démobilisé, il reprend ses activités éditoriales et devient l'agent littéraire de nombreux écrivains de science-fiction, contribuant, par exemple, à faire éditer le premier roman d'Asimov.
Avec Cyril M. Kornbluth il cosigne, en 1953, Planètes à gogos (The Space Merchants), satire visionnaire du consumérisme et du marketing publicitaire qui dicte sa loi aux citoyens. Traduit dans quarante langues et considéré aujourd'hui comme un classique de la littérature américaine, ce récit d'anticipation lance sa carrière. En 1977, La Grande Porte (Gateway) inaugure une série de space-opéra consacrée à la civilisation disparue des Heechees, des extra-terrestre très évolués qui ont creusé des tunnels dans la galaxie depuis Vénus et laissé derrière eux d'innombrables astronefs, en partance pour des destinations inconnues. Ce premier tome, qui lui vaudra le prix Hugo et le prix Nebula, les deux plus hautes distinctions littéraires du genre, s'écoule à 10 millions d'exemplaires.
Au cours des seventies, qui établissent durablement sa réputation de grand maître de la SF, Frederik Pohl assure la présidence de la Science Fiction and Fantasy Writers of America après avoir dirigé, de 1959 à 1969, Galaxy et If, les deux plus prestigieux magazines de SF aux Etats-Unis. En soixante ans, il écrit d'innombrables nouvelles et une soixantaine de romans, dont la moitié en collaboration, où il privilégie des héros marginaux. Avec un coup d'avance et l'humour noir qui caractérise son style, son œuvre dévoile, pour l'humanité, un avenir inquiétant en partie advenu: omniprésence de l'informatique, montée du terrorisme, raréfaction des ressources, pollution, surpopulation, crise du logement, fanatisme religieux... Et recèle aussi de géniales trouvailles : les psychanalystes sont des ordinateurs, des pin-up en 3D murmurent des slogans à l'oreille des consommateurs, des opérations d'ingénierie génétique offrent l'immortalité.
Avant de disparaître, Frederik Pohl s'était attelé à une édition révisée de sa biographie, The Way the Future Was, parue en 1979. Lorsqu'on lui demandait pourquoi il aimait tant la SF, il répondait : Elle " enseignait aux enfants que le monde pouvait être différent, et en admettant qu'on s'abstienne de déconner, il pouvait être meilleur. Je le crois encore, et trouve réconfort et soutien dans la SF". Après Jack Vance et Richard Matheson, c'est la troisième figure majeure de la SF américaine qui s'éteint cette année.
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