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Michèle Alliot-Marie et la Tunisie, retour sur une polémique

La ministre est sous le feu des critiques pour avoir profité de l'avion privé d'un homme d'affaires tunisien proche du clan Ben Ali.

Le Monde

Publié le 07 février 2011 à 18h09, modifié le 05 avril 2013 à 15h37

Temps de Lecture 5 min.

Michèle Alliot-Marie lors d'une visite à Doha, le 13 janvier.

Présente dans tous les gouvernements depuis 2002, ministre de la défense, de la justice puis des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie bénéficiait d'une bonne image dans l'opinion et dans la classe politique. En moins d'un mois, elle s'est retrouvée au centre d'une polémique sur la Tunisie qui amène la gauche à demander sa démission et qui embarrasse le gouvernement.

Le "savoir-faire" des forces de l'ordre. En pleine révolution tunisienne, deux jours avant la chute du régime de Ben Ali, le 12 janvier, la ministre des affaires étrangères répond à l'Assemblée à une question sur le rôle que la France joue en Algérie et en Tunisie. "On ne doit pas s'ériger en donneurs de leçons" face à une situation "complexe", a-t-elle expliqué. Tout en invitant les dirigeants à "mieux prendre en compte les attentes" des populations, elle a suggéré que "le savoir-faire, reconnu dans le monde entier, de nos forces de sécurité, permette de régler des situations sécuritaires de ce type". "C'est la raison pour laquelle nous proposons effectivement aux deux pays [l'Algérie et la Tunisie] de permettre dans le cadre de nos coopérations d'agir pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l'assurance de la sécurité."

Les propos de la ministre provoquent un malaise. La classe politique française, gauche et droite confondues, est globalement accusée de complaisance envers le régime tunisien. Dans la même semaine, Bruno Le Maire ou Frédéric Mitterrand avaient ainsi apporté leur soutien au pouvoir de Zine El-Abidine Ben Ali. Le ministre de la culture avait ensuite exprimé ses "regrets".

Une partie de la gauche demande des excuses à Michèle Alliot-Marie. Olivier Besancenot (Nouveau Parti anticapitaliste) demande son départ et des élus communistes et du Parti de gauche demandent sa démission. Les socialistes ne vont pas aussi loin mais dénonce le "silence coupable" des autorités françaises, par la voix de Benoît Hamon. "On ne va pas former en temps réel la police tunisienne à maintenir l'ordre. Si c'est pour envoyer des compagnies de CRS ou de gardes mobiles en Tunisie, assurer l'ordre en lieu et place de la police tunisienne et défendre le régime en place (...), je pense que ça serait une erreur politique évidemment de la part de la France", explique le porte-parole du Parti socialiste. Dans les manifestations de soutien au peuple tunisien à Paris, le nom de Michèle Alliot-Marie est conspué.

La ministre répond qu'elle a été "mal comprise", "peut-être me suis-je mal exprimée ?", concède-t-elle sur RTL, espérant ainsi clore la polémique. Mais, si les critiques contre "MAM" se poursuivent, elles visent également la diplomatie française, accusée de n'avoir rien vu venir. L'ambassadeur de France en Tunisie, Pierre Ménat, écrivait ainsi, quelques heures avant la chute du régime, que l'ultime discours prononcé à la télévision par M. Ben Ali "peut lui permettre de reprendre la main", comme l'a révélé Le Monde à la fin du mois de janvier.

Les voyages aux frais d'un proche du clan Ben Ali. Mais Michèle Alliot-Marie n'en a pas fini avec la polémique. Elle reconnaît, le 30 janvier, avoir passé ses vacances en Tunisie, "comme des millions de Français". Mais, quelques jours plus tard, Le Canard enchaîné révèle que la ministre, accompagnée de son compagnon Patrick Ollier, ministre des relations avec le Parlement, et de ses parents, a profité à titre gracieux d'un jet privé appartenant à Aziz Miled, homme d'affaires proche du clan Ben Ali-Trabelsi, et Belhassen Trabelsi, beau-frère du président déchu.

La ministre affirme avoir "payé ses vacances", mais n'est pas en mesure de préciser à quel nom a été établie la note de l'hôtel de M. Miled. Et admet avoir voyagé dans l'avion privé de ce dernier.

Interrogée, la ministre se défend maladroitement, en donnant des versions différentes des faits. La ministre a ainsi affirmé "qu'il n'y avait aucune répression" au moment de son voyage, alors que les émeutes étaient déjà importantes. Elle assure également qu'Aziz Miled n'est pas un proche du clan Ben Ali, mais qu'il a été contraint de s'associer avec le pouvoir pour maintenir son activité économique. M. Miled est pourtant un soutien affirmé du régime, membre du comité central du RCD, le parti au pouvoir.

Lire : Les approximations de Michèle Alliot-Marie sur son voyage tunisien

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Samedi 5 février, le site du Nouvel Observateur ajoute que Michèle Alliot-Marie et ses proches ont repris le jet privé d'Aziz Miled le 29 décembre, afin de se rendre à Tozeur, dans le grand sud tunisien, évitant ainsi de traverser des villes en révolte. Une pluie de critiques s'abat alors sur la ministre. Plusieurs dirigeants du Parti socialiste demandent sa démission, comme le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault. "Aujourd'hui, on a une ministre des affaires étrangères qui imite le président de la République, puisqu'il a érigé le mensonge en méthode de gouvernement", a également lancé Ségolène Royal.

Michèle Alliot-Marie renforce alors sa présence dans les médias pour contre-attaquer : en quelques jours, elle est sur les plateaux de France 2, Canal+, France 24, dans les colonnes du Parisien ou sur l'antenne d'Europe 1. "Je me rends compte que des gens ont été choqués, je saurai en tirer la leçon : si on me le proposait à nouveau, je n'accepterais évidemment pas", explique-t-elle ainsi au Parisien.

Si elle assure être "évidemment ministre 365 jours par an, 24 heures sur 24", elle estime que "M. Miled n'a pas invité le ministre français des affaires étrangères, mais une amie et sa famille". Et continue d'affirmer qu'Aziz Miled n'est pas lié au clan Ben Ali.La ministre exclut de démissionner, se disant "meurtrie" par des "mensonges".

Si plusieurs ténors de la majorité ont défendu la ministre, le malaise est palpable à l'UMP. Nicolas Sarkozy n'est pas intervenu officiellement. Interrogé, lundi, à Varsovie, il n'a pas souhaité répondre aux questions des journalistes. Selon l'Elysée, le président de la République devrait évoquer l'affaire soit en conseil des ministres, mercredi, soit jeudi soir sur TF1, lors d'une émission télévisée.

Lire (en éditions abonnés) : Les maladresses de Michèle Alliot-Marie accroissent le malaise dans la majorité

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