Et soudain, l’apocalypse

Le lundi 4 septembre 1995 Saint-Martin est en alerte, un cyclone, un monstre de catégorie quatre approche de ses côtes. Dès la fin d’après-midi le confinement de la population est ordonné. Les nuages pourpres embrasent le ciel. Tous savent déjà ce que cela veut dire. La force du vent monte crescendo dans la soirée puis la nuit. Pendant toute la journée du mardi 5 septembre, les Saint-Martinois se terrent dans leurs habitations, ceux qui ne peuvent plus y rester tentent de trouver refuge chez des amis ou dans d’autres abris. Au sortir de ces heures d’angoisse, la vision est apocalyptique. Mais rapidement les aides de l’Etat arrivent et la population se serre les coudes. Nombreux sont ceux qui retiennent ces élans de solidarité et ce sentiment si particulier d’avoir affronté ensemble la tempête.

1300 bateaux coulés

L’île a subi les conditions très difficiles du mur de l’œil qui est passé à 24 kilomètres au Nord-Est provoquant des dégâts très importants. Près de 70 % des habitations ont été endommagées. Dans la baie de Grand Case, 90 % des maisons ont été abîmées ou détruites en raison d’une mer déchaînée et de vents très forts. Les dommages étaient également nombreux à Marigot, Quartier d’Orléans ou encore Philipsburg, où au moins 70% de la ville a été décimée par le cyclone. Sur les 1 500 bateaux qui s’étaient abrités dans le lagon de Simpson Bay près de 1300 ont coulé ou se sont échoués. 7 000 personnes se sont retrouvées sans-abri dont 5 000 immigrés Haïtiens. Certains quartiers de l’île ont passé près de trois mois, sans eau ni d’électricité. Selon le bilan officiel le cyclone Luis aurait tué neuf personnes (deux côté français et sept noyés en partie hollandaise) et fait une centaine de blessés, mais nombreux sont ceux qui disent que le bilan serait bien plus élevé. Un détachement de 230 hommes de la sécurité civile a été envoyé rapidement en renfort. Trois bâtiments de la Marine nationale, un avion militaire Transall, trois hélicoptères militaires Puma et cinq avions civils avaient été mis à contribution. Le Premier ministre de l’époque, Alain Juppé affirmait alors «que tout laisse à penser que les destructions revêtent une ampleur catastrophique» et exprimait au nom du gouvernement «l’entière solidarité du pays à l’égard de nos compatriotes victimes de ce drame» et «ses sentiments de tristesse et de sympathie envers les familles qui souffrent».

Une rafale à 325 km/h

L’aéroport Princess Juliana enregistré des vents à 140 km/h avec des rafales à 183 km/h). Côté français l’aéroport de Grand Case a mesuré une rafale de vent à 325 km/h 203 km/h dans la Marina Royale. Mais c’est surtout la durée du phénomène qui est exceptionnelle. Les vents de force tempête ont soufflé pendant 24 heures, tandis que des vents de force ouragan ont duré 10 heures. Luis est passé lentement, à 11 km/h. Les dommages à l’ensemble de l’île ont été évalués à 1,8 milliard de dollars (1995 USD). Luis reste l’ouragan le plus dévastateur sur notre île depuis Donna (Catégorie 5) en 1960. La saison cyclonique 1995 est l’une des plus actives qu’ait connu l’Atlantique Nord avec 19 phénomènes nommés. Le 22 août naissait Iris (Catégorie 2), qui était suivie de Luis (naissance le 27 août), puis de Marilyn (Catégorie 3) qui avait vu le jour le 12 septembre. Ces trois phénomènes avaient concerné coup sur coup l’Arc antillais en moins de trois semaines, fait extrêmement rare dans l’histoire des cyclones. Sources : Hurricane Luis Preliminary Report. NHC Summary for 1995- Luis. Canadian Hurricane Centre Libération des 7 et 8 septembre 1995