Ce que l'on sait de la future Maison du dessin de presse, qui ouvrira à Paris en 2026

La Maison du dessin de presse, voulue par Georges Wolinski, ouvrira ses portes à Paris en 2026. Quelle place accorder au prétendu « blasphème », à l’attentat de « Charlie » ? Enquête dans les coulisses du projet, auquel Xavier Gorce est associé.

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Ce que l'on sait de la future Maison du dessin de presse, qui ouvrira à Paris en 2026

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Lieu d'expositions et carrefour de rencontres, centre de documentation et abri pour les dessinateurs persécutés… Les contours de la future Maison du dessin de presse se précisent.

À l'heure où se décide le nom de l'architecte retenu, l'institution, qui doit ouvrir ses portes à Paris en 2026, aborde l'épineux sujet de ses contenus. Qu'y montrera-t-on vraiment  ? Trois réunions du conseil d'orientation de l'établissement se sont déroulées depuis l'été. Une autre question avait dû être tranchée auparavant  : quel emplacement  ? C'est une école désaffectée du 6e arrondissement qui a été retenue : «  Un bâtiment de 1 500 mètres carrés où il y a relativement peu de travaux à faire, un lieu central, pratique pour les touristes car proche du Louvre, proche des Beaux-Arts  », explique-t-on à l'Élysée.

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À LIRE AUSSI Riss : « L'esprit Charlie, c'est ne jamais baisser la tête »Le comité de pilotage, qui rassemble une vingtaine de dessinateurs de presse, d'universitaires et de hauts fonctionnaires autour de Philippe Barbat, ancien directeur général des patrimoines, se concentre désormais sur la définition du parcours muséographique qui sera proposé. Le choix du scénographe n'est pas encore fixé mais, le 19 octobre dernier, l'historien Bertrand Tillier a développé les grands thèmes qui devraient être traités dans le cadre de l'exposition permanente. Des œuvres provenant des collections de la Bibliothèque nationale de France ont été présentées au cours de cette réunion qui s'est tenue au ministère de la Culture. Les participants ont pu constater, à cette occasion, que le dessin de presse y serait évoqué sous une très grande variété de formes : englobant à la fois la critique du pouvoir (politique et religieux) mais aussi la satire sociale.

Plus qu'un musée... 

«  Même si nous n'avons pas encore décidé précisément les croquis qui seront accrochés, nous avons désormais la certitude que nous ne nous arrêterons pas aux caricatures de Daumier ou à La Poire de Philipon [le portrait-charge de Louis-Philippe qui croque la tête du roi des Français et date de 1831, NDLR]  », témoigne Camille Besse, dessinatrice à Marianne. «  Le projet initial qui nous avait été soumis en juin abordait le sujet de manière très sage. Il insistait beaucoup sur l'Histoire. Il embrassait, de manière chronologique, une période allant du XVe siècle à aujourd'hui. Ce qui laissait peu de place à l'époque contemporaine et notamment à l'attentat de Charlie Hebdo. Or, l'assassinat d'une partie de la rédaction de ce journal constitue l'une des raisons d'être de cet établissement  », explique Patrick Lamassoure, président de l'association Cartooning for Peace, qui signe sous le nom de Kak dans les médias. 

À LIRE AUSSI Xavier Gorce : «  Les manchots, c'est nous, en pire  »

«  Nous avions été plusieurs à signaler qu'il convenait de donner plus de place à l'attentat du 7 janvier 2015. Il semble que nous ayons été entendus, poursuit Xavier Gorce, associé au projet depuis l'origine. Il ne fallait pas se cacher derrière son petit doigt en refusant d'aborder cette question. Nous reviendrons largement sur ce drame, et expliquerons les tenants et les aboutissants, le but étant avant tout de faire œuvre de pédagogie pour que les visiteurs comprennent ce que sont l'ironie et le second degré  », poursuit l'auteur des Indégivrables. «  Il aurait quand même été dingue que cette tragédie ne soit évoquée qu'à la marge alors que c'est cet attentat qui justifie la création du lieu  », commente Riss, aujourd'hui directeur de la rédaction de Charlie Hebdo. Les trois représentants du journal satirique au sein de ce comité (Philippe Debruyne, Pierrick Juin et Julien Sérignac), qui suivent de très près le dossier, ont veillé au grain. L'esprit Charlie sera bien présent dans cette future Maison du dessin de presse.

... Un lieu de débat !

La question de la représentation de Mahomet reste, quant à elle, pendante. «  Qu'on montre ou pas un dessin de Mahomet, on sait que cela fera polémique  », reconnaît l'un des membres du comité qui se montre favorable à cette initiative, même si cela nécessite d'adopter un dispositif sécuritaire renforcé. «  J'avais eu l'occasion de dire, lorsque j'avais rendu mon premier rapport, qu'il me semblait important d'évoquer la question du "blasphème", car ce sujet constitue une pierre d'achoppement centrale dans les débats actuels  », confirme Vincent Monadé, ancien président du Centre national du livre, chargé d'émettre des préconisations sur les grandes lignes de cette future maison au printemps 2020.

La ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, l'assure : le sujet ne sera pas éludé. «  Le drame qu'a connu Charlie Hebdo sera bien évoqué dans cette maison, même si nous ne voulons pas transformer l'établissement en mémorial. L'idée avancée par Georges Wolinski, dès 2007, était de créer un lieu vivant où puisse être exposée et discutée l'importance du dessin de presse dans notre pays. Nous serons fidèles à son projet  », rassure-t-elle.

À LIRE AUSSI Le spécimen Gorce«  Il s'agit d'insister sur le rôle de la satire dans notre démocratie. Et de le faire de la manière la plus pédagogique possible. L'attentat contre Charlie mais aussi les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard nous montrent combien il est important qu'un tel lieu existe. Ce lieu, nous le ferons en leur mémoire, afin de réaffirmer les valeurs qui sont les nôtres et qui se retrouvent trop souvent attaquées  », poursuit la ministre, qui était très proche du dessinateur Tignous. «  Une raison supplémentaire pour laquelle ce projet me tient tant à cœur.  »

Soutenu par l'État, la région Île-de-France et la Ville de Paris, le projet devrait coûter autour de 15 millions d'euros pour un budget de fonctionnement de 2 millions d'euros par an. «  Nous veillerons à ce que tout ne se passe pas à Paris  », ajoute Rima Abdul-Malak. Une mise en réseau est prévue avec le Centre international de la caricature, du dessin de presse et d'humour de Saint-Just-le-Martel créé en 1982, mais aussi avec la Duduchothèque, comme a été surnommé le fonds d'archives de Cabu, à Châlons-en-Champagne. Les expositions seront ainsi itinérantes.

Accueillir des artistes étrangers persécutés

Le rôle central de l'établissement sera l'éducation aux médias et à l'information dans la compréhension du dessin de presse. Le lieu accueillera dans cet esprit des expositions régulières, des conférences et des colloques sur le sujet mais aussi un centre de documentation sur le dessin satirique, et mettra régulièrement en lumière le travail de dessinateurs étrangers persécutés dans leur pays d'origine.

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